Edition du lundi 31 décembre 2012

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LES ANNONCES DE LA SEINE Lundi 31 décembre 2012 - Numéro 79 - 1,15 Euro - 93e année

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Hervé Delannoy

VIE DU DROIT Association Française des Juristes d’Entreprise Le statut du juriste d’entreprise par Hervé Delannoy ......................... Les missions de la Cour de cassation par Vincent Lamanda ..............

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Situation carcérale en France

12 12 AGENDA ......................................................................................5 DIRECT

Une politique pour les prisons ......................................................... Réactions des Syndicats ...................................................................

Cercle des Juristes Alsaciens et Lorrains Traité de Lisbonne et compétences : espace de liberté, de sécurité et de justice par Jean Jacques Forrer ..................................................

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Association Cristolienne en Faveur de l’institution Consulaire.......................................................13

ANNONCES LEGALES ...................................................14 ADJUDICATIONS ................................................23 et 35 JURISPRUDENCE

Principe de l’égalité devant les charges publiques Conseil constitutionnel - 29 décembre 2012 Décisions n° 2012-661 DC et n° 2012-662 DC ................................

AU FIL DES PAGES Ces femmes qui ont réveillé la France par Jean-Louis Debré et Valérie Bochenek ......................................

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Association Française des Juristes d’Entreprise Assemblée Générale - Paris, 17 décembre 2012 our son Assemblée Générale 2012, l’Association Française des Juristes d’Entreprise (A.F.J.E.) avait pour invité d’honneur Vincent Lamanda Premier Président de la Cour de Cassation, il fut accueilli ce 17 décembre 2012 par le Président Hervé Delannoy, qui a pris ses fonctions le 21 novembre 2011 date à laquelle il a succédé à Jean-Charles Savouré. Anne-Laure Paulet, Secrétaire Générale de l'AFJE, a mis l'accent, dans son rapport moral, sur la force du réseau interne, constitué progressivement par l'AFJE depuis les années 60, qui la positionne comme « un acteur incontournable de la formation et de l'information délivrée aux juristes d'entreprise ».

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Pour cette 43ème édition, le Directeur Juridique de la société Rallye Hervé Delannoy a évoqué les questions d'actualité qui préoccupent particulièrement sa profession : - la formation des juristes d'entreprise, - le statut du juriste d'entreprise au sein des professions juridiques au regard de la confidentialité. Quant à Vincent Lamanda, il a présenté les récentes évolutions de la Cour de Cassation et a exposé, avec talent, les perspectives et les défis auxquels étaient confrontés les professions juridiques et judiciaires et a conclu ses propos en rappelant que la justice « en perpétuel mouvement » se devait de « répondre toujours mieux aux attentes des citoyens ». Jean-René Tancrède

J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : as@annoncesdelaseine.fr FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE


Vie du droit

LES ANNONCES DE LA SEINE Siège social : 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS R.C.S. PARIS B 339 349 888 Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr e-mail : as@annoncesdelaseine.fr

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Etablissements secondaires : 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01 34 87 33 15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01 42 60 84 40 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01 42 60 84 41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01 45 97 42 05 Directeur de la publication et de la rédaction : Jean-René Tancrède Comité de rédaction :

Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Substitut général à la Cour d’appel Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président Honoraire de la Chambre des Notaires de Paris Dominique Lencou, Président du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International Publicité : Légale et judiciaire : Commerciale :

Didier Chotard Frédéric Bonaventura

Commission paritaire : n° 0713 I 83461 I.S.S.N. : 0994-3587 Tirage : 12 813 exemplaires Périodicité : bi-hebdomadaire Impression : M.I.P. 3, rue de l’Atlas - 75019 PARIS

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Hervé Delannoy

Le statut du juriste d’entreprise par Hervé Delannoy otre Association tient aujourd'hui sa 43ème Assemblée Générale. Cela fait donc 43 ans que l'AFJE représente, défend et promeut notre métier de juriste d’entreprise.

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Historique Copyright 2012 Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Sauf dans les cas où elle est autorisée expressément par la loi et les conventions internationales, toute reproduction, totale ou partielle du présent numéro est interdite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal. Le journal “Les Annonces de la Seine” a été désigné comme publicateur officiel pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, par arrêtés de Messieurs les Préfets : de Paris, du 27 décembre 2011 ; des Yvelines, du 20 décembre 2011 ; des Hauts-deSeine, du 28 décembre 2011 ; de la Seine-Saint-Denis, du 26 décembre 2011 ; du Val-de-Marne, du 20 décembre 2011 ; de toutes annonces judiciaires et légales prescrites par le Code Civil, les Codes de Procédure Civile et de Procédure Pénale et de Commerce et les Lois spéciales pour la publicité et la validité des actes de procédure ou des contrats et des décisions de justice pour les départements de Paris, des Yvelines, de la SeineSaint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine. N.B. : L’administration décline toute responsabilité quant à la teneur des annonces légales.

- Tarifs hors taxes des publicités à la ligne A) Légales : Paris : 5,48 € Seine-Saint-Denis : 5,43 € Yvelines : 5,22 € Hauts-de-Seine : 5,48 € Val-de-Marne : 5,41 € B) Avis divers : 9,75 € C) Avis financiers : 10,85 € D) Avis relatifs aux personnes : Paris : 3,82 € Hauts-de-Seine : 3,82 € Seine-Saint Denis : 3,80 € Yvelines : 5,22 € Val-de-Marne : 3,83 € - Vente au numéro : 1,15 € - Abonnement annuel : 15 € simple 35 € avec suppléments culturels 95 € avec suppléments judiciaires et culturels COMPOSITION DES ANNONCES LÉGALES NORMES TYPOGRAPHIQUES Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas

Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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Tout a commencé réellement à la fin des années 60, comme vous le savez. L'Association et notre profession ont évolué parallèlement et en liaison permanente. Après les présentations de l'activité de l'exercice écoulé et avant que Monsieur le Premier Président Lamanda ne clôture notre Assemblée, je voudrais vous proposer de mettre rapidement en perspective le développement de notre fonction de juriste d'entreprise et celui de notre Association et de terminer sous ces éclairages par les objectifs que nous nous fixons pour les années à venir. Les entreprises se sont dotées de juristes d'entreprise puis de directions juridiques de plus en plus larges et étoffées parce qu’elles en ont indubitablement ressenti le besoin. Fidèle à leur principe d'effectivité, elles se sont trouvées confrontées au développement du droit tant dans les affaires nationales qu'internationales, à la nécessité d'avoir une certaine sécurité dans leurs transactions, accords, relations internes ou externes. A l'époque les Avocats d'affaires n'existaient pas vraiment comme aujourd'hui. En matière de conseils externes, c'était les conseils juridiques qui intervenaient principalement et avec succès auprès des entreprises. Les Avocats prenaient plutôt en charge la partie judiciaire des dossiers, certains le conseil aussi. Malgré cette présence de conseils externes, les entreprises ont donc voulu avoir au sein de leurs équipes des juristes.

La complexité du droit, la création de nouveaux droits (comme le droit européen), de nouvelles techniques juridiques et également les échanges internationaux n'ont fait que renforcer l'activité du juriste d'entreprise en liaison avec les conseils externes français et étrangers. L'importance d'une bonne et juste prise en compte de la donnée juridique dans les décisions petites ou grandes de l'entreprise a rapproché peu à peu le juriste d'entreprise de la direction générale. Ce mouvement se poursuit et Hélène Trink dans sa dernière enquête Lexqui faite avec l'AFJE mais aussi avec nos amis de l'AJAR (Association des Juristes d’Assurance et de Réassurance) de l'AJB (Association des Juristes de Banque) et du cercle Montesquieu, montre que plus de 50 % des directions juridiques sont aujourd'hui rattachées à la direction générale. Les équipes se sont aussi spécialisées et internationalisées. Dans cette même période et dès les années 60, des cabinets anglais (l'un d'entre eux vient de fêter tout récemment ses 50 ans de présence à Paris) et américains ont commencé de s'installer à Paris. De beaux cabinets français d'affaires se sont aussi créés ou développés. Le 1er janvier 1992, une nouvelle profession d'Avocat englobe les Avocats et les conseils juridiques, signe insigne de la prise en compte du droit des affaires par le barreau français. Les conseils juridiques avaient obtenu un statut en 1971 lors de la réforme de la profession d'Avocat (fusion avec les Avoués TGI et agréés des TC). Dans la pratique du droit des affaires qui nous intéresse ici, il y a d’une part le conseil et la rédaction d'actes, et d’autre part la plaidoirie. Ces deux pratiques ne s'opposent pas. Elles correspondent à des temps différents d'un dossier et se nourrissent l'une de l'autre. Aujourd'hui le juriste d'entreprise est avant tout et quasi exclusivement tourné vers le conseil et la rédaction d'actes même si l'accès aux Juges qui sont les plus proches de l'entreprise (prudhommes et commerce) leur est ouvert. Nous voyons dans cette évolution que sur la base d’un même métier conseil juridique, Avocat d’affaires et juriste d’entreprise ont évolué avec la demande des entreprises et que deux de ces professions ont fusionnées. Le rôle du juriste est d'allier connaissance du droit et de l'entreprise. Connaître l'entreprise c'est à la fois connaître les règles générales de fonctionnement des entreprises et plus particulièrement celles de son entreprise Le juriste d'entreprise fait partie de celle-ci, participe au processus interne de décision, dans lequel il apporte à la fois sa connaissance du droit mais aussi celle intime de l'entreprise. Sa connaissance dans une certaine mesure du fait économique, commercial, et du droit est là pour apporter au quotidien la meilleure solution juridique possible. C'est ce mélange qui fait sa spécificité, cette présence interne permettant d'introduire avec le plus de pertinence possible les règles externes du droit. Le passage du juriste interne dans différentes entreprises, pays, peut renforcer, aiguiser cette capacité de vision interne du métier et du droit. Le conseil extérieur apporte lui deux caractéristiques : l'expertise dans un domaine juridique où l'entreprise n'est pas suffisamment

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Vie du droit compétente ou a besoin de renforcer son opinion sur une question particulièrement importante, et d'autre part le bénéfice que le conseil externe retire de l'expérience de sa pratique dans d'autres entreprises non concurrentes dont l’habitude ou l'extrapolation peut nourrir la réflexion et la créativité juridique. Sans jugement de valeur ni appréciation de performances, je crois que c'est là que nous trouvons dans la partie conseil les principales différences entre Avocats et juristes internes. Ils ne s'opposent pas. Ils se complètent. Tous deux sont au service de l'entreprise, chacun dans son rôle. Ces observations que nous tenions à faire nous amènent à considérer deux questions qui ont toujours été au centre des préoccupations de l'AFJE : – la formation des juristes d'entreprise, – le statut du juriste d'entreprise au regard de la confidentialité et au-delà au sein des professions juridiques.

L'AFJE est un partenaire des DJCE et Pierre Charreton, Président d'honneur de l'AFJE a d'ailleurs rédigé un rapport sur l'avenir de cette formation, preuve du souci de prospection de cette formation. La question de la formation du juriste d'entreprise, très proche d'ailleurs de celle de l'Avocat d'affaires, se pose par la nécessité de trouver à la fois une formation juridique adaptée aux droits des affaires et à l'entreprise, ce qui progressé depuis la création du DJCE et de trouver aussi de quoi comprendre les principales fonctions de l'entreprise (finances, management, RH,..) à quoi il faut ajouter les méthodes de gestion des dossiers, management des équipes, négociation,...et le droit anglo-saxon qui domine certaines opérations dans la façon dont elle sont structurées ou sur le fond.

La formation du juriste d'entreprise

Ces qualifications n'étaient pas comprises à l'origine dans les formations universitaires juridiques, ou si elles l'étaient ce n'étaient pas toujours sous la forme pratique et concrète recherchée. Il y a eu des avancées importantes, non sans difficultés, le tout dans un système français caractérisé par des grandes écoles et une université et d'autre part la réforme LMD. Cette question n'est pas sans actualité tant au

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Cette question a surgi dès la création de l'AFJE, en témoigne sa participation à la création des DJCE créés par les professeurs Jean-Marc Mousseron de Montpellier et Jean Paillusseau de Rennes. A l'époque comme l'expliquait ce dernier dans un article du JCP de 2007, les facultés de droit n'enseignaient pas les nouvelles techniques contractuelles comme la franchise, le crédit-bail. Le DJCE formait d'ailleurs juristes et conseils juridiques en procurant notamment des équivalences pour la formation obligatoire des conseils juridiques. Le DJCE reste aujourd'hui un diplôme reconnu et recherché, même si la formation de conseil juridique passe par celle d'Avocat.

regard des DJCE dont je parlais tout à l'heure, que des programmes universitaires, avec la création d'écoles de droit, dont celle de sciences po qui a donné lieu à une réflexion très intéressante sur l'enseignement du droit de Christophe Jamin dans un livre de cuisine du droit, et enfin l'école privée HEAD, créée par des Avocats de grands cabinets qui ne trouvaient apparemment pas sur le marché les compétences recherchées. Je ne parle pas des prépas privées en droit et du débat sur le doctorat récemment réveillé par le Conseil National des Barreaux. L'AFJE a toujours marqué sa volonté d'intervenir sur ces sujets. Elle le fait d'une par ses partenariats choisis et d'autre part son implication dans le Conseil national du droit. Ses partenariats le sont avec l'université : Paris II et son MBA ou le droit et l'économie enseignée par la même université se sont rejoint au travers des professeurs Germain et Duval Hamel et TVDMA dont nous sommes très fiers d'être co-fondateurs. Partenariat avec Dauphine et son M 122 (professeur Pasqualini) et enfin avec l'école doctorale de Paris V. Nous sommes aussi partenaires de deux écoles de commerce dont nous apprécions le dynamisme en matière juridique l'ESSEC (Viviane de Beaufort) et l'EDHEC et son laboratoire de recherche Legaledhec dirigé par Christophe Roquilly et Christophe Collard, l'EDHEC qui vient d'ouvrir un programme spécial, la filière Business Law et Management avec la faculté libre de droit. Nous venons enfin de conclure un partenariat avec l'université de Londres qui a ouvert à Paris un LLM qui débutera en janvier 2013, dirigé par le professeur Maxi Scherrer. Ce partenariat sera l'occasion pour nos adhérents de bénéficier de sessions de cours de professeurs de l'université de Londres (Queen Mary College), la création d'une bourse AFJE pour ce LLM. Je salue Anna Grey ici présente.

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Vie du droit Le CND a été créé il y 5 ans maintenant conjointement par le ministère de la justice et de la recherche. Il regroupe toutes les professions juridiques (Magistrats de la Cour de Cassation, Conseillers d'État, Avocats, Notaires, Juristes d'entreprise dont l'AFJE, professeurs de droit, commissaires-priseurs, huissiers,…). Il est présidé actuellement par le professeur Didier Truchet. Il réfléchit à la formation des juristes qu'elle soit commune à l'université (Licence puis spécialisée M1 et M2) ou professionnelle au sein des écoles (ENM, EFB,...). Sa force est de ne pas décider et d'ouvrir un espace unique où tous les professionnels du droit peuvent échanger librement. Les débats y sont de qualité. Ainsi lors de la mise en cause par le CNB de la passerelle pour le doctorat, il a été mis justement en avant par le professeur Vogel, la question du standard international qu'est le doctorat, utile pour être présent dans les organisations internationales (Interpol, OTAN,..). La question de la formation du juriste d'entreprise y sera débattue aussi.

La confidentialité La confidentialité est à la fois un besoin pour l'exercice du métier de juriste d'entreprise, un besoin pour une meilleure place droit dans l'entreprise, un besoin compte tenu du contexte juridique international. Le débat est connu, mais parfois mal connu. En deux mots il s'agit de la nécessité pour les juristes d'entreprise de communiquer avec leurs interlocuteurs au sein de l'entreprise (Direction générale, filiales, responsables…) sur les questions juridiques sans que les éléments échangés puissent être ensuite reprochés aux entreprises et à leurs dirigeants. Ce n'est pas pour protéger le juriste mais l'entreprise et ses dirigeants dans leurs échanges avec leur juriste. Cet échange peut s'étendre à ceux des juristes entre eux ou avec leurs conseils extérieurs, mais dans ce dernier cas il y a normalement déjà confidentialité. Seules les décisions, les faits ou actes juridiques valent. Les chemins des décisions ou de réflexion avec les équipes juridiques restent dans le champ de la réflexion, du droit au conseil, du droit de pouvoir librement débattre de règles complexes. Il est impossible aujourd'hui de savoir du premier coup d'œil si une décision envisagée ou une situation sera à l'abri de tout reproche juridique en France ou ailleurs. L'avocat bénéficie de cette confidentialité inclus dans le secret professionnel et ce tant pour la défense que pour le conseil (depuis plus récemment et non sans lutte). Le métier du juriste d'entreprise est de conseiller. Il poursuit à l'intérieur de l'entreprise le même travail que le conseil externe. La pratique du droit doit de la même façon être protégée dans l'exercice de ce relativement nouveau métier qu'est le nôtre. C'est une question de bonne application du droit et aussi de mettre la pratique de notre pays à un niveau qui existe ailleurs. Il y a deux moyens d'obtenir cette confidentialité : le statut particulier du juriste qui crée une nouvelle profession réglementée

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ou le rapprochement avec les Avocats pour la création de l'Avocat en entreprise. Le rapprochement a le mérite d'aller plus loin que la confidentialité en instaurant une meilleure fluidité entre les deux professions actuelles. Il y a certaines oppositions fortes mais aussi des voix ayant grande autorité qui prônent ce rapprochement. Les arguments contre tournent souvent autour de la déontologie et du secret professionnel. Des questions plus économiques transparaissent parfois, une crainte de concurrence, ou de l'entreprise aussi. Ces oppositions émanent davantage d'Avocats qui ne sont pas avocats d'affaires. Jusqu'à aujourd'hui je n'ai pas entendu d'arguments contraires infranchissables. Nous sommes habitués en tant que juristes à régler de nombreuses difficultés parfois bien complexes. Ici la difficulté principale reste psychologique. La situation économique des Avocats, le besoin de moderniser notre pratique du droit, l’attachement que tous nous avons pour la déontologie devrait un jour ou l'autre nous conduire à ce rapprochement. Nous agissons en ce sens. Par nos discussions avec les instances représentants les Avocats, avec le ministère de la justice. Nous avons aussi pris connaissance des décisions AM&S en 1982 puis Akzo en 2010 et enfin récemment PUKE en 2012. Vous les connaissez et surtout les conclusions de l'Avocat Général Madame Kokott dans AKZO (il n'y a pas eu d'Avocat général pour PUKE). L'argumentation est étrange. Celle du rapport d'emploi et la présomption irréfragable de manque d'indépendance comme le fait de reconnaître ensuite que si les États évoluent la Cour pourrait évoluer. Ce dernier point insiste sur la nécessité d'y travailler dans chaque État. Il faut aussi le faire au plan européen. Nous nous y emploierons. Il y a également un problème de représentation devant les juridictions européennes entre les normes nationales et celles que semblent édicter sur un fondement difficile les Juges européens. Il y aura aussi des évolutions européennes qui vont se faire sentir. Quid des Barreaux étrangers qui passeraient des accords de reconnaissance mutuels avec l'Union européenne. Comment appliquer de tels accords avec de telles disparités. L'AFJE fait partie d'ECLA l'Association européenne des juristes d'entreprises. ECLA regroupe une vingtaine d'Association de pays européens, une par pays membre, la principale. L'AFJE y représente les juristes et directeurs juridiques français. Nos homologues peuvent représenter des Associations comprenant des Juristes et des Avocats ou des Avocats juristes internes. Il en est ainsi de nos amis anglais, irlandais, allemands, espagnols, polonais,... La question de la reconnaissance mutuelle européenne prend encore plus de sens auprès d'eux. ECLA est intervenu dans chaque instance sans succès (avec l'aide d'Avocats pro bono). Nous pensons qu'ECLA doit davantage développer son action sans pour autant que les associations nationales renoncent à la leur au plan européen. Lors du dernier board de novembre à Berlin Philippe Coen Vice-Président de l'AFJE a été élu président d'ECLA. Nous le félicitons.

Ce n'était pas facile de faire candidature à distance auprès des différents membres mais il a fait une belle et courageuse campagne couronnée par un vote sans appel. Nous allons profiter de cette présidence française pour travailler davantage avec ECLA et faire travailler davantage ECLA. La voie du rapprochement nous paraît préférable. Nous œuvrerons en ce sens en collaboration avec nos amis Avocats notamment de l'ACE, nos collègues de l'AJAR, du Cercle Montesquieu, et de l'AFJB (Marc de la Pérouse qui en est Président en défend très bien la cause) et les autres Associations Françaises de Juristes. Si le rapprochement ne pouvait s'envisager nous regarderons la question d'un statut propre pour avoir cette confidentialité sachant qu'il peut être une étape sur un rapprochement plus lointain. Ce rapprochement peut venir de notre volonté commune avec la profession d'Avocat, de nécessité économiques aussi, concurrentielles, ou contraintes européennes. Restons le plus possible maitre du processus et évitons d'avoir à nous hâter faute d'avoir tardé. Vous avez pu constater que ces deux éléments formation et confidentialité sont au cœur de nos actions. Concernant la confidentialité nous allons outre la poursuite du débat en France qui devrait reprendre début 2013, davantage nous tourner vers nos partenaires étrangers notamment européens et, les Barreaux étrangers (des déplacements sont prévus pour rencontrer Barreaux et associations nord-américaines, les autorités européennes, les Associations Internationales). Nous allons aussi communiquer plus en détail sur les modalités du rapprochement avec l'aide de nos partenaires. Également nous avons créé avec Philippe Coen un comité déontologie qui va approfondir les questions de déontologie pour les juristes d'entreprise. Concernant la formation nous avons parlé de la formation initiale avec nos partenaires et le CND. Il y a aussi la formation continue qui est une de nos préoccupations, et nous allons en ce sens poursuivre le Campus qui fut un beau succès pour sa deuxième édition sous la responsabilité de François Lhospitalier. Nous allons entreprendre d'autres actions de formation et je vous citais tout à l'heure les interventions des professeurs de l'université de Londres en droit anglais pour nos adhérents. De façon plus générale et hors de ces deux grands thèmes que sont la formation et la confidentialité, nous avons développés différentes actions pour l’Association elle-même et ses membres. Nous avons mis à jour notre gouvernance et modifié ce jour les statuts, en y ajoutant la faculté de créer notre structure AFJE Services, nous avons accueillis de nouveaux administrateurs afin d'enrichir nos compétences et horizons, poursuivi avec Vincent Timothée le développement des régions en ouvrant des délégations départementales pour les grandes régions, Pour l’année 2013 nous allons mettre en place les formations carrières emploi pour aider nos membres dans le développement de leurs carrières, le Comité jeunes qui s'est présenté en

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Vie du droit début d'AG car il est important pour nous d'être proche d'eux et à leur écoute. Nous envisageons aussi de créer des actions spécifiques pour nos directeurs juridiques (600 directeurs juridiques). Nous allons enfin poursuivre la dynamisation de nos commissions. En février auront lieu la journée régionale et la journée nationale, moments où nous pouvons aussi communiquer avec nos régions et tous nos membres actifs. Tout cela se fait grâce à l’é quipe AFJE, et particulièrement le talent et l’énergie de notre secrétaire générale Anne-Laure Paulet que vous

connaissez tous. Kristelle Hourques vient de la rejoindre pour l’épauler dans nos missions de communication. (…) J'ai le plaisir de passer maintenant la parole à Monsieur Vincent Lamanda, Premier Président de la Cour de Cassation. L'AFJE est très honoré de votre présence ce soir monsieur le Premier Président. Nous sommes très contents également de resserrer les liens entre la Cour de Cassation et notre Association. Ils ont toujours existé mais nous sommes sensibles à leur manifestation ce soir.

Vincent Lamanda

Agenda

AUDISOFT OXÉA LES FOCUS SOLVABILITÉ II

Pilotage des risques par l’ORSA : quels impacts pour les organisations et les gouvernances 17 janvier 2013 Hôtel George V 31, avenue George V - 75008 PARIS Renseignements : Myriam Pouleur 01 43 12 50 50 pouleur@audisoft-consultant.com

2012-913

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AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Etudes d’impact, avis : La prise en compte de la concurrence dans l’élaboration des textes et la conduite des réformes 22 janvier 2013 Maison de l’Europe 35-37, rue des Francs Bougeois - 75004 PARIS Renseignements : rendezvous@autoritédelaconcurrence.fr 2012-914

CHAMBRE DE COMMERCE INTERNATIONALE

Le secret des affaires est-il encore protégé ?

Les missions de la Cour de cassation Vincent Lamanda

e tiens tout d'abord à vous dire, combien il m’est agréable de pouvoir venir, ce soir, à la rencontre des juristes d'entreprise, à la faveur de la 43ème Assemblée Générale de votre mouvement. Le mérite de cette opportunité revient à Monsieur le Président Hervé Delannoy, ce dont je tiens vivement à le remercier, tout en saluant la détermination et l’enthousiasme avec lesquels il a su placer l’A .F.J.E. au premier plan, non seulement, pour représenter, dans toute sa diversité, la profession de juristes d’entreprise, mais encore pour en capitaliser les richesses et en fédérer les énergies. Je n'ignore pas non plus que vos talents de négociateur, la sûreté de vos jugements, et votre autorité personnelle contribuent largement, Monsieur le Président, à assurer le rayonnement du premier réseau de juristes d’entreprise français, mais aussi européen.

J

Axée vers la vie des entreprises, votre profession est un facteur majeur de cette création de richesses sur laquelle repose toute prospérité économique ; mais, au-delà, elle sait aussi prendre toute sa part à l’intense réflexion collective, engagée depuis quelques années sur le périmètre du droit. Aujourd'hui, face à la mondialisation de la production et des échanges, la transformation des sociétés industrielles en sociétés de services, le droit devient, chaque jour davantage, un élément central non seulement de nos sociétés, mais aussi de nos économies. Les évolutions récentes connues par la juridiction que j’ai l’honneur de présider en apporte d’ailleurs une illustration significative. J’ai souhaité vous les présenter, pour réfléchir, avec vous, aux perspectives et aux défis auxquels sont confrontés aujourd'hui l’ensemble des professions juridiques et judiciaires. Pour bien comprendre le fonctionnement de la Cour de Cassation Française, il faut avoir à l’esprit qu’elle remplit un double rôle : Placée au sommet de la hiérarchie judiciaire, elle a d’abord pour mission d'assurer l'égalité des citoyens devant la justice, en imposant une

Séminaire 23 janvier 2013 Chambre de Commerce Internationale 38, Cours Albert 1er - 75008 PARIS Renseignements : icc-france@icc-france.fr

2012-915

CONFÉRENCE DROIT ET COMMERCE

Le prix dans les cessions de droits sociaux Séminaire 28 janvier 2013 Tribunal de Commerce 1, quai de la Corse - 75004 PARIS Renseignements : isabelle.aubard@droit-et-commerce.org 2012-916

COMPAGNIE NATIONALE DES EXPERTS JUDICIAIRES EN GESTION D’ENTREPRISES

Mesures d’instruction avant tout procès et procédures participatrices Conférence-débat 31 janvier 2013 Tribunal de Grande Instance 179/191, avenue Joliot Curie - 92000 NANTERRE Renseignements : www.experts-versailles.fr

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Vie du droit interprétation uniforme de la loi sur l’ensemble du territoire national. Hormis les cas où la loi est si claire et si précise qu’il suffit de l’appliquer, le Juge doit, souvent, se livrer à un travail d’analyse du sens et de la portée de la règle abstraite pour en déduire une application concrète. Or ce travail d’interprétation peut donner lieu à des lectures différentes selon les Juges. C’est la mission première de la Cour de Cassation que d’harmoniser l’interprétation de la loi de façon à ce que les citoyens soient partout en France jugés de la même façon. L’intervention de la Cour de cassation se révèle aussi primordiale pour adapter la loi aux évolutions de la société. C’est en ce sens qu’un auteur a pu dire que la Cour de Cassation est un « paralégislateur ». D’ailleurs, dans un souci de clarté, les arrêts de la Cour de Cassation sont rédigés non pas comme les jugements des juridictions ordinaires, mais comme des textes de loi, et énoncent de façon nette et précise la règle qu’ils fixent. Libellé dans un style normalisé, dépourvu de considérations personnelles ou d’opinions dissidentes, l’arrêt apparaît comme le produit d’une institution, et non comme le jugement d’un ou plusieurs individus. Il engage toute la Cour et pas seulement le Rapporteur ou les Magistrats qui ont délibéré. Mais les décisions de la Cour remplissant véritablement ce rôle normatif sont en nombre réduit ; elles se limitent pour l’essentiel à certains arrêts publiés dans son bulletin officiel, voire aux seuls arrêts cités dans son rapport annuel. On peut les évaluer à une petite centaine par an. La grande majorité des saisines annuelles de la Cour de Cassation (environ 28 000, tous contentieux confondus) correspondent en réalité à une autre fonction fondamentale : celle de vérifier que les décisions des juridictions du fond sont rendues dans le respect des règles de la procédure et ne comportent pas d’erreur de droit. A ce titre, la Cour de Cassation s’assure de la correcte application par les Juges des textes aux situations de fait qui leur sont soumises, contrôle la qualité et la rationalité de la motivation de leurs jugements, ainsi que le respect par eux des procédures. Autrement dit, elle contribue à garantir aux citoyens un niveau de qualité supérieure des décisions juridictionnelles. Cette seconde mission fondamentale explique pourquoi il n’existe aucun dispositif limitant l’accès des citoyens à la Cour de Cassation. En France, en effet, tout justiciable peut envisager de la saisir, quelle que soit l’importance de l’affaire, de ses enjeux financiers ou juridiques. Le droit d’ester en justice contient en germe celui d’accéder à la Cour de Cassation. Aussi, la Cour de Cassation, qui ne choisit pas ses affaires, subit-elle un flux important de dossiers. En 1950, le nombre des pourvois déposés devant la Cour de Cassation était d’environ 4 000 en matière civile et 3 000 en matière criminelle. En 1960, il était de 6 000 en matière civile et de 5 000 en matière criminelle. En 2000, il est monté à 24 000 en matière civile et à 8 000 en matière criminelle. L’an dernier (2011), ont

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été enregistrées : 20 882 affaires civiles et 8 579 affaires pénales nouvelles. La Cour a donc adapté son organisation et son mode de fonctionnement pour traiter cette masse d’affaires dans des délais de traitement raisonnables. Ceux-ci sont actuellement de 12,5 mois en matière civile et de 4,6 mois en matière pénale. Près de la moitié de ce temps est destinée, en matière civile, aux Avocats des parties qui disposent d’un délai légal total de 6 mois pour déposer leurs mémoires (4 mois pour le demandeur auxquels s’ajoutent 2 mois pour le défendeur). Au fil du temps, diverses mesures ont été mises en place pour permettre à la Cour de faire face à l’inflation des pourvois. Elles n’ont pas toutes connu le même succès en termes d’efficacité.

1. Augmentation du nombre de chambres, donc de conseillers La première réforme fut réalisée par le décretloi du 12 novembre 1938 qui créa une nouvelle formation : la chambre sociale, ayant pour vocation l’examen des pourvois relatifs aux conflits individuels ou collectifs du travail. Cette réforme, insuffisante pour réduire le délai d’examen des affaires, fut suivie par d’autres. La loi du 23 juillet 1947 institua la chambre commerciale et financière, puis, celle du 2 juillet 1952 érigea une 2ème Chambre civile, spécialisée en procédure civile, enfin celle du 3 juillet 1967 créa une 3ème Chambre civile, compétente en droit immobilier. L’effectif des conseillers de la Cour s’en est ainsi trouvé doublé. L’afflux des pourvois était tel que ce doublement demeurait pourtant insuffisant. Une augmentation continue du nombre des conseillers aurait risqué de mettre en péril la Cour. Très coûteuse sur le plan budgétaire, elle multipliait les occasions de divergences de jurisprudence entre les différentes formations de la juridiction. Aujourd’hui, la Cour compte 90 conseillers. Ce chiffre demeure stable depuis une trentaine d’années.

2. La création des Conseillers Référendaires C’est dans ce contexte qu’en 1967, est apparue une nouvelle catégorie de magistrats à la Cour de Cassation : les Conseillers Référendaires. Choisis par le Conseil Supérieur de la Magistrature parmi les Magistrats âgés de moins de 47 ans, ils sont nommés à la Cour de Cassation pour une durée maximale de 10 ans. Ils y étudient les dossiers exactement comme les conseillers. Mais, ils n’ont voix délibérative que dans les seules affaires qu’ils rapportent. Ils n’ont que voix consultatives dans les autres. Ils ne peuvent siéger ni aux Assemblées Plénières, ni aux Chambres Mixtes. A l’issue de leur fonction à la Cour de Cassation, ils sont obligés de revenir dans les juridictions du fond, essentiellement les Cours d’Appel, qu’ils font profiter de leur expérience de Juges de Cassation. Ils ont naturellement vocation à rejoindre ensuite la Cour de Cassation en qualité de conseillers. Ils y sont alors immédiatement

REPÈRES

Administrateurs de l’AFJE Président Hervé Delannoy Vice-Présidents Luc Athlan Philippe Coen Jean-Philippe Gille Trésorier Marie-Clotilde Vial Secrétaire Générale Anne-Laure Paulet Président d'honneur Jean-Charles Savouré Administrateurs : Luc Athlan Maurice Bensadoun Erwan Carpentier-Tomasi Véronique Chapuis-Thuault Annick de Chaunac de Lanzac Philippe Cohen Stéphanie Couture Isabelle Cretenet Hervé Delannoy Benoit Dutour Stéphanie Fougou Jean-Philippe Gille Anne-Marie Guillermé François Lhospitalier François Pinon Elodie Pouet Jean-Charles Savouré Jean-David Sichel Caroline Sitbon Doris-Lynn Speer Jean-Yves Trochon Marie-Clotilde Vial David Zeitoun.

opérationnels. En nombre limité à l’origine, les Conseillers Référendaires ont vu leur effectif s’accroître régulièrement jusqu’en 2002. A cette date, celui-ci a connu une augmentation notable (+25 % d’un seul coup) pour atteindre 70, chiffre inchangé depuis. Cette augmentation a été déterminante dans la résorption des retards enregistrés jusque là. D’autres mesures ont consisté à faire évoluer les modalités de travail des membres de la Cour.

3. Un traitement différencié des affaires selon leur importance La Cour de Cassation remplit la double mission que j’ai évoquée en commençant ce propos (veiller à l’interprétation uniforme de la loi ; veiller au respect de la règle de droit), au sein

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Vie du droit Hervé Delannoy et Vincent Lamanda

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de formations juridictionnelles différentes. Il est, en effet, important de distinguer clairement les situations, en utilisant des moyens appropriés. Les affaires posant des questions de principe, qui « feront jurisprudence », sont examinées par des formations composées de Magistrats relativement nombreux, donc plus solennelles. Elles font l’objet d’un travail préparatoire particulièrement soigné auquel concourent presque systématiquement le service de documentation, des études et du rapport de la Cour. Un membre de ce service, désigné en appui du Conseiller Rapporteur, constitue à son intention un dossier de recherches documentaires approfondies. L’affaire est délibérée soit par la Chambre concernée en formation plénière (une vingtaine de Magistrats), soit renvoyée, par décision de la Chambre compétente ou du Premier Président, en assemblée plénière. Celle-ci est composée de 3 membres de chacune des 6 Chambres de la Cour sous la présidence du Premier Président (19 Magistrats). Le pourvoi peut être encore examiné en Chambre mixte (de 13 à 21 Magistrats, selon le nombre de Chambres concernées : de 3 à 5). La majorité des pourvois est, quant à elle, traitée au sein de formations moins étoffées, soit par une section de la Chambre (de l’Ordre de 7 Magistrats), soit même par une formation restreinte de cette section (3 Magistrats), le Conseiller Rapporteur se livrant, en tout état de cause, à un examen approfondi. La section est devenue la formation ordinaire pour les affaires courantes méritant néanmoins un échange ainsi que la mise au point d’une décision dont les termes doivent être délibérés. La formation restreinte statue par arrêt lorsque la solution s’impose et déclare non admis à la délibération d’un arrêt les pourvois irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux de cassation. Cette procédure de « non-admission » a été introduite en 2001. Contrairement à ce qui est parfois répandu, la procédure de non-admission ne repose pas sur un examen sommaire et rapide des dossiers. Elle n’est décidée qu’après une étude approfondie du Rapporteur, comme pour tout autre pourvoi. Son rapport, qui explicite les motifs de la non-admission, est communiqué à l’Avocat Général et aux parties. Ceux-ci peuvent, le cas échéant, présenter des observations complémentaires tendant à contester l’orientation proposée de l’affaire. La non-admission ne réduit donc pas le temps d’étude préalable. Elle permet, en revanche, d’économiser le temps de rédaction de l’arrêt, et du délibéré correspondant, dans des affaires pour lesquelles une motivation spécifique ne présenterait pas d’intérêt. Elle restitue donc à l’arrêt sa véritable valeur, en évitant des décisions aux motivations stéréotypées, autrefois dénommées, pour cette raison, « arrêts tampon ». Aujourd’hui, les non-admissions à la délibération d’un arrêt représentent environ 30 % des affaires traitées ; elles ont fait la preuve de leur utilité. D’autres mesures, à la portée plus limitée, avaient été prises préalablement, comme celle consistant à renforcer le caractère exceptionnel du pourvoi en Cassation en instaurant un procédé permettant, à la requête du défendeur, de retirer du rôle les pourvois formés contre des

arrêts en matière civile qui, bien que le pourvoi ne soit pas suspensif, n’ont pas été exécutés (article 1009-1 créé par le décret du 20 juillet 1989, modifié par un décret du 26 février 1999). Ces retraits du rôle représentent à peu près 5 % des procédures enregistrées.

4. La généralisation, en matière civile, de la représentation obligatoire par un Avocat spécialisé Pour remplir de front ses deux fonctions d’harmonisation de l’interprétation de la loi et de contrôle de la légalité des jugements, la Cour de Cassation doit pouvoir compter sur la réunion de deux conditions indispensables. Elle doit s’appuyer sur une technique précise et rigoureuse qui la conduise à ne traiter que ce dont elle est investie par la loi. En effet, la Cour de Cassation n’est pas un troisième degré de juridiction. Comme vous le savez, son rôle n’est pas de rejuger les affaires en fait et en droit. Il consiste essentiellement à contrôler l’application de la loi par les Juges aux faits qu’ils ont constatés. En second lieu, elle doit pouvoir compter sur des professionnels spécialisés, réalisant un travail préparatoire ne lui soumettant que des moyens de droit. L’intervention d’un Avocat spécialisé dans la technique de Cassation permet d’éviter à la fois au justiciable d’exercer un recours dépourvu de chances sérieuses de succès et à la Cour de Cassation d’être saisie de recours qui ne relèveraient pas de sa compétence. La connaissance intime de la jurisprudence de la Cour de Cassation par un Avocat spécialisé, et sa maîtrise de la technique de Cassation,

apportent au justiciable l’assurance d’un niveau élevé d’assistance juridique. Il garantit l’égal accès de tous au prétoire de la Cour de Cassation, ceux qui remplissent les conditions prévues pour son obtention, pouvant bénéficier de l’aide juridictionnelle. Cette spécificité du pourvoi en Cassation a d’ailleurs été prise en compte, tant par les institutions européennes (article 5.3 de la directive 98/5/CE du Parlement Européen et du Conseil du 16 février 1998 visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'Avocat dans un Etat membre autre que celui où la qualification est acquise) que par la Cour Européenne des Droits de l'Homme dans les arrêts du 8 février 2000 (Voisine c. France) et du 26 juillet 2002 (Meftah). La généralisation, en matière civile, de la représentation obligatoire par Avocat aux Conseils intervenue en 2006 a permis d’augmenter le nombre de pourvois donnant lieu à une Cassation, en même temps qu’elle concourait à une légère diminution du nombre de ces pourvois. C’est en raison de la nécessaire égalité d’accès des justiciables à la Cour de Cassation, que nous préconisons, depuis l’année 2000, la généralisation de la représentation obligatoire par un Avocat spécialisé, en matière pénale. Le taux de cassation devant les Chambres civiles est, en moyenne, de 21 %, alors qu’il n’est que de 6 % devant la Chambre criminelle, où l’assistance d’un Avocat aux Conseils n’est pas encore obligatoire.

5. Le recours massif aux technologies de l’information et de la communication Depuis un certain nombre d’années, la Cour de Cassation développe un important projet visant

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Vie du droit à la dématérialisation de ses méthodes de travail et à la communication électronique via intranet et internet. Cette démarche a d’abord consisté à réaliser une interface informatique dédiée au travail des Magistrats. Chaque Conseiller et chaque Avocat Général peut accéder, depuis son ordinateur individuel, sans quitter son bureau ou son domicile, à l’ensemble des outils informatiques et bureautiques mis à sa disposition, ainsi qu’aux différentes bases de jurisprudence et de doctrine, et utiliser des trames de décisions qui lui font économiser du temps de rédaction. En 2009, s’est ouverte une deuxième phase visant à la dématérialisation non plus seulement des documents de travail interne, mais de l’intégralité du dossier de la procédure. Devenue pleinement opérationnelle dans les pourvois avec représentation obligatoire par Avocats spécialisés, la dématérialisation a rendu possible une plus grande efficacité du travail. L’Avocat, le Greffier et le Magistrat peuvent prendre connaissance, à tout moment, d’un dossier et effectuer parallèlement les diligences qui leur incombent, sans devoir attendre leur tour respectif pour disposer des éléments nécessaires. La discussion contradictoire entre les parties, tout au long du procès, y gagne. Les droits de la défense sont ainsi renforcés. La réflexion des Juges au cours du délibéré, comme lors de l’adoption du texte de l’arrêt, s’enrichit, chacun ayant aisément accès à l’ensemble des documents soumis aux débats. Le rôle du greffe, libéré de tâches purement matérielles, se trouve revalorisé. Le justiciable bénéficie d’une vraie transparence. Il peut suivre directement l’avancée de son affaire à partir de notre site internet, grâce à un code confidentiel d’accès. Aujourd’hui, tous les pourvois en matière civile sont formés électroniquement, l’ensemble des actes et pièces étant exclusivement transmis par voie numérique, avec signature électronique des Avocats aux Conseils et des Huissiers de justice audienciers. Dégagée des contraintes quantitatives et des délais excessifs qui l’empêchaient de remplir sa mission dans les meilleures conditions, la Cour peut aujourd’hui mieux jouer son rôle et s’attacher à œuvrer en vue d’une meilleure qualité générale de la justice.

6. Les affaires de principe En distinguant mieux les affaires qui le méritent, elle donne plus de force à ses décisions essentielles. C’est naturellement à l’Assemblée Plénière que revient l’examen des questions les plus délicates. Elle est obligatoirement saisie dans deux hypothèses : - lorsque, d’une part, le dossier pose une véritable question de principe ; - lorsque, d’autre part, après un premier pourvoi, la Cour de Cassation a renvoyé l'affaire devant une juridiction du fond et qu'un second pourvoi est formé contre la décision de la juridiction de renvoi qui a refusé de s’incliner devant la position de la Cour de Cassation. A cet égard, il ne faut pas oublier, que la Cour d’Appel de renvoi reste libre de statuer en fait et en droit et

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n’est pas tenue de suivre la doctrine de la Cour de Cassation, sauf lorsque celle-ci statue précisément en assemblée plénière. Cette faculté reconnue aux juridictions de renvoi de résister aux décisions de la Cour de Cassation peut paraître surprenante, même si ces résistances sont peu nombreuses en pratique (environ une dizaine par an). Mais elle offre la possibilité aux juridictions du fond, confrontées à la nécessité de devoir mettre en pratique des règles élaborées de façon générale et abstraite, de soumettre la jurisprudence d’une chambre de la Cour de Cassation à l’épreuve et au contrôle d’une formation solennelle issue de toutes les chambres de la Cour. Ce dialogue des Juges, facilité actuellement par nos brefs délais, enrichit la réflexion interne de la Cour de Cassation, contribue à la mise en cohérence de la jurisprudence de ses différentes Chambres et favorise l’adaptation des règles aux nécessités découlant de leur application concrète et aux évolutions des données économiques et sociales. L’Assemblée Plénière de la Cour n’hésite pas ainsi, quand il le faut (en fait dans 42 % des cas), à revenir sur les analyses de ses Chambres spécialisées, pour favoriser des solutions préconisées par les Cours d’Appel. Mais la Cour de Cassation n’exerce pas son rôle régulateur uniquement par le biais de l’examen des pourvois qui lui sont soumis. Progressivement, se sont développés des dispositifs permettant d’atteindre l’objectif d’harmonisation de l’interprétation de la loi en dehors de ce processus juridictionnel.

7. La procédure d’avis Ainsi, la loi n° 91-491 du 15 mai 1991 a conféré à la Cour de Cassation le pouvoir de donner des avis sur les difficultés d'application des lois nouvelles. La Cour de Cassation, qui se prononce en une formation spécifique, sous la présidence du Premier Président entouré des Présidents de Chambre, est tenue de donner son avis dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. Puisqu’il ne s'agit pas d'une décision ayant autorité de la chose jugée, la juridiction qui a demandé l'avis n'est pas formellement tenue de le suivre. Mais dès lors qu'elle l'a demandé, elle s'y range généralement. Bien que le nombre d'avis n'excède pas une douzaine par an, cette procédure a permis de régler de nombreuses difficultés d'application des nouvelles réformes, tant en matière civile qu’en matière pénale, d’é viter d’emblée des divergences de jurisprudence entre les Juges du fond et, par suite, des pourvois inutiles.

8. Les bases de données La constitution de bases de données contribue aussi à l’harmonisation des pratiques judiciaires en favorisant la connaissance de la jurisprudence. Il en existe deux principales, accessibles par tous les Magistrats de France, gérées par la Cour de Cassation. D’une part, la base Jurinet, qui regroupe toutes les décisions de la Cour de Cassation. Les

citoyens ont également accès à ces décisions sur le site internet gratuit Légifrance. D’autre part, la base Jurica. Longtemps, les Juges ont été privés d’une consultation exhaustive des décisions déjà rendues dans des litiges comparables à ceux dont ils étaient saisis. Cette lacune est désormais comblée. La base de données Jurica, qui est alimentée quotidiennement, réunit l’intégralité des arrêts civils des Cours d’Appel, soit environ 180 000 par an. Elle sera prochainement étendue au domaine pénal. Tous les Magistrats Français ont vocation à l’interroger sur le site intranet de la Cour de Cassation, sans devoir éclairer leurs réflexions par la seule jurisprudence publiée et commentée. Sont, en outre, mises à leur disposition les conclusions des recherches thématiques que nous conduisons à partir de cette base, à l’aide d’un logiciel approprié. A titre d’illustration, l’une d’elles, menée en partenariat avec une université, a pour thème l’application variée que les Cours d’Appel font du droit international privé, en matière familiale, à l’égard des couples binationaux. D’autres études ont été réalisées, par exemple, en matière de réparation des préjudices corporels ou de fixation des loyers commerciaux. En restituant aux Cours d’Appel, avec une valeur ajoutée, leur propre jurisprudence, et en leur permettant de se comparer entre elles, la Cour de Cassation participe, de façon préventive cette fois, à une application plus uniforme de la loi sur le territoire national. Elle investit, par là-même, un nouveau champ d’intervention tendant à la prévention des cassations et à l’aide à la décision des juges du fond. C’est la conjonction d’un recours massif aux Conseillers Référendaires, de l’utilisation intensive de l’informatique, de la généralisation des Avocats aux Conseils en matière civile, et de la procédure de non-admission à la délibération d’un arrêt qui, coïncidant avec une période récente de relative stabilisation des contentieux civils devant l’ensemble des juridictions françaises, a permis à la Cour de Cassation de résorber, en quelques années, ses retards. Elle est aujourd’hui en mesure d’afficher des délais de jugement des pourvois assurément parmi les plus brefs, sinon le plus bref, des juridictions comparables, au moins en Europe.

Conclusion Remplir pleinement les missions que j’ai évoquées au début de ce propos a toujours été la préoccupation de la Cour. Mais aucun objectif ne va sans obstacle. Peut-être fallait-il connaître de grandes difficultés pour parvenir à combiner les solutions propres à les surmonter. La Justice, comme le monde, est en perpétuel mouvement. Il ne s’agit pas d’une fuite en avant, dans laquelle nous pourrions nous perdre en oubliant les valeurs essentielles de notre institution, mais de l’ouverture de nouvelles voies pour y rester fidèle en répondant toujours mieux aux attentes de nos concitoyens.

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Direct

Cercle des Juristes Alsaciens et Lorrains Espace juridique européen : l’extension des compétences - Paris, 4 décembre 2012 C’est dans l’ambiance chaleureuse des boiseries des salons de la brasserie Chez Jenny à Paris que le Cercle des Juristes Alsaciens et Lorrains (CJAL) s’est réuni pour son traditionnel dîner-débat. Organisé par son Président Maître Christian Roth le 4 décembre 2012, sous le parrainage et en présence du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Barreau de Paris, Madame Christiane Féral-Schuhl, le dîner-débat recevait comme intervenant et invité d’honneur, Maître Jean-Jacques Forrer. Maître Forrer, Président de la Délégation des Barreaux de France à Bruxelles, Avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles et ancien Bâtonnier de l’Ordre des Avocats au Barreau de Strasbourg, a mené son intervention sur le thème de l’espace juridique européen et de l’e xtension des compétences. A l’occasion de cet exposé suivi d’un débat, au cours duquel les différentes règles et domaines de répartition de compétences ont été passés en revue, Jean-Jacques Forrer a mis en lumière les avancées importantes que consacre le Traité de Lisbonne en la matière. Le traité est qualifié de compromis par certains et les extensions de compétences suscitent des réserves ainsi que de vives réactions de la part des états membres, mais celles-ci sont à tempérer car « la marge de manœuvre de la Commission européenne et du Parlement européen est extrêmement faible au regard de l’impératif du respect de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, sous peine que les normes adoptées soient, par la suite, censurées par la Cour de Justice de l’Union Européenne ou la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg ». Monsieur Forrer a aussi rappelé en concluant qu’il « est du devoir de la profession d’Avocat de prêter la main et de veiller au respect de l’élaboration de normes conformes aux traités et en cas de violation de ceux-ci, de mettre en œuvre les mécanismes de contrôle juridictionnel en suggérant, le cas échant, que la Cour de Justice de l’Union Européenne soit saisie de questions préjudicielles, dans une démarche analogue à ce qui a été accompli au niveau national par l’utilisation de la question prioritaire de constitutionnalité, qui a permis d’obtenir des modifications significatives du régime de la garde à vue ». Jean-René Tancrède

par Jean-Jacques Forrer ’une manière générale, le traité de Lisbonne s’est attaché explicitement à clarifier l’attribution et l’exercice des compétences (I). En particulier, cette nouvelle répartition des compétences a affecté l’Espace de liberté, de sécurité et de justice, qui fait aujourd’hui partie d’un cadre institutionnel unique, et pour lequel l’action de l’Union en la matière se traduit par des compétences accrues et, le plus souvent, par des actes de nature législative (II).

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Compétences d’attribution :

Conformément à un principe de droit international, les compétences non attribuées à l'Union demeurent dans le champ des compétences des Etats membres. Ce qui était communément admis par la doctrine et reconnu par la jurisprudence est désormais affirmé expressément par le traité, en particulier l'article 4 TUE qui dispose dans son paragraphe 1er que « toute compétence non attribuée à l'Union dans les traités appartient aux Etats membres ». Une telle affirmation est reprise à l'article 5 §2 TUE, en vertu duquel « l'Union n'agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent ». Cette exigence du respect du principe d'attribution des compétences est rappelée par l'article 7 TFUE. En outre, la

déclaration n° 18 concernant la délimitation des compétences réitère la règle énoncée aux articles 4 et 5. Principe de subsidiarité :

Dans des termes proches de ceux qui avaient été introduits par le traité de Maastricht, l'article 5 §3 TUE prévoit désormais qu' « en vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les Etats membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union ». L'apport du traité de Lisbonne consiste en une précision relative à

Christian Roth, Christiane Féral-Schuhl et Jean-Jacques Forrer

I. Traité de Lisbonne et répartition des compétences Versions consolidées du Traité sur l'Union Européenne (TUE) et du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE). Alors qu'antérieurement les Traités ne s'attachaient pas explicitement à l'attribution et à l'exercice des compétences, si ce n'est qu'en traitant du principe de subsidiarité, le traité de Lisbonne consacre plusieurs articles à ces questions. C'est principalement le TFUE qui, selon les termes de son article 1er, « détermine les domaines, la délimitation et les modalités d'exercice de ces compétences ».

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Traité de Lisbonne et compétences : espace de liberté, de sécurité et de justice

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Direct l'action de l'Etat, laquelle doit être évaluée tant au niveau central qu'au niveau régional voire local. Il a surtout pour effet de contraindre les institutions de manière plus précise en les soumettant au respect de ce principe tel qu'il est précisé dans le protocole n° 2 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité et en confiant aux parlements nationaux et à la Cour de Justice le soin de veiller au respect du principe. Répartition des compétences :

Compétences exclusives - En vertu de l'article 2 §1 TFUE, lorsque l'Union se voit attribuer une compétence dite exclusive en vertu des traités, elle seule peut adopter des actes juridiques contraignants, la compétence des Etats membres étant alors limitée, dans les domaines concernés, aux actes pour lesquels ils ont reçu une habilitation de l'Union et aux actes de mise en oeuvre des actes de l'Union. En outre, l’absence d'exercice des compétences par l'Union n'est pas envisagée, ce qui permet de considérer que les Etats membres sont privés des compétences correspondantes, même dans l'attente de l'exercice des compétences par l'Union. L'article 3 TFUE énumère ensuite les domaines de compétence exclusive (union douanière, règles de concurrence, politique monétaire, conservation des ressources biologiques de la mer, politique commerciale commune, conclusion d’un accord international). Compétences partagées - En vertu de l'article 2 §2 TFUE, lorsque l'Union se voit attribuer une compétence dite partagée avec les Etats membres en vertu des traités, l'Union et les Etats peuvent adopter des actes juridiques contraignants dans les domaines concernés. L'absence d'exercice des compétences par l'Union permet aux Etats membres d'exercer des compétences correspondantes. De même, les Etats membres pourront recouvrer l'exercice de leurs compétences dans les cas de figure où l'Union aurait décidé de cesser d'exercer les siennes. Ce cas de figure pourrait intervenir, selon la déclaration n° 18, en cas d'abrogation d'un acte de l'Union dictée par le respect du principe de subsidiarité. L'article 4 TFUE énumère ensuite les domaines de compétence partagée, notamment, le marché intérieur, l’environnement, la protection des consommateurs, les transports ou encore l’espace de liberté de sécurité et de justice. Compétences de coordination, d'appui ou de complément - En vertu de l'article 2 §5 TFUE, l'Union dispose de compétences « pour appuyer, coordonner ou compléter l'action des Etats membres » dans certains domaines, ce qui ne pourra pas se traduire par des actes se substituant aux actes étatiques ni même par des mesures d'harmonisation des droits nationaux. L'article 6 du traité énumère ces domaines de compétence, à savoir, notamment, l’industrie, la culture, le tourisme ou l’éducation.

II. Le traité de Lisbonne et l’Espace de liberté, de sécurité et de justice Bref retour historique : La coopération entre les Etats membres dans ces domaines a débuté avec le traité de

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Maastricht, dans le cadre du troisième pilier de l’Union européenne, consacré à la justice et aux affaires intérieures (JAI). Les limites de la méthode intergouvernementale qui le caractérisait ont conduit à la « communautarisation » partielle d’une partie du troisième pilier, avec le transfert des politiques des visas, d’asile, d’immigration et des autres politiques liées à la libre circulation des personnes vers le premier pilier communautaire. Cette évolution a été opérée par le traité d’Amsterdam, qui a fait de la construction de l’espace de liberté, de sécurité et de justice l’un des objectifs de l’Union. Le traité de Lisbonne supprime le troisième pilier au profit d’un cadre institutionnel unique. Dans le cadre des dispositions générales de ce nouveau titre, l'article 67 §1 TFUE prévoit que « l'Union constitue un espace de liberté, de sécurité et de justice dans le respect des droits fondamentaux et des différents systèmes et traditions juridiques des Etats membres ». Les dispositions de ce nouveau titre encadrent l'action de l'Union européenne en la matière qui est mise en œuvre, le plus souvent, par des actes de nature législative. La suppression du troisième pilier n’exclut néanmoins pas le maintien de certaines spécificités institutionnelles propres à quelques secteurs, en vertu de la nature particulière de ces matières, qui touchent au cœur de la souveraineté des Etats (a). Pour autant, le traité de Lisbonne est la source d’une augmentation certaine des compétences de l’Union pour ce qui est de l’espace de liberté, de sécurité et de justice avec, notamment, la mise en œuvre de politiques communes relatives aux contrôles aux frontières, à l’asile et à l’immigration (b), un élargissement du champ de la coopération civile et la consécration du principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et extrajudiciaires (c) et l’é dification d’une Europe judiciaire : la coopération en matière pénale (d). a). La préservation de certaines spécificités.

- Rôle du Conseil européen : l’article 68 TFUE consacre le rôle éminent du Conseil Européen dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice. C’est lui qui définira les orientations stratégiques de la programmation législative et opérationnelle. - Encadrement du droit d’initiative des Etats membres : le partage du droit d’initiative entre la Commission et les Etats membres ayant été contesté, au motif que les initiatives présentées par certains Etats membres correspondaient davantage à leur agenda national qu’à des questions d’intérêt européen, le traité de Lisbonne est intervenu pour encadrer le droit d’initiative des Etats membres en exigeant un seuil d’un quart des Etats membre (article 76 TFUE). - Maintien des compétences nationales concernant la sécurité intérieure : plusieurs dispositions du traité (article 4 §2 TUE, article 72 TFUE) rappellent que la sécurité nationale et le maintien de l’ordre public restent de la responsabilité des Etats membres. Par ailleurs, le nouvel article 73 TFUE ajoute que les Etats membres peuvent continuer d’organiser entre eux et sous leur responsabilité des formes de coopération entre leurs services compétents en matière de sécurité.

- Le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark, bénéficient de régimes dérogatoires dans le domaine de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, notamment en matière de coopération judiciaire en matière pénale. b). Politiques communes relatives aux contrôles aux frontières, à l’asile et à l’immigration

Articles 77 à 80 TFUE Le traité de Lisbonne qualifie les politiques relatives aux contrôles aux frontières, à l’asile et à l’immigration de politiques communes. Deux apports principaux du traité de Lisbonne qui ont déjà donné lieu à des applications textuelles peuvent être relevés : la perspective d’un régime commun d’asile et l’objectif d’un traitement équitable des ressortissants de pays tiers en séjour régulier dans la politique commune d’immigration. Ensuite, le traité de Lisbonne fixe, notamment, comme objectif à la politique commune d’immigration, le traitement équitable des ressortissants de pays tiers en séjour régulier. A ce titre, on peut noter l’adoption de la directive 2011/98/UE relative à la mise en place d’une procédure unique en vue de la délivrance d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d’un Etat membre, qui a été publiée, le 23 décembre 2011, au Journal officiel de l’Union Européenne. La directive prévoit, tout d’abord, une procédure de demande unique en vue de la délivrance d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider sur le territoire d’un Etat membre afin d’y travailler, de manière à simplifier les procédures d’admission de ces personnes et à faciliter le contrôle de leur statut. Par ailleurs, la directive met en place un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un Etat membre, quel que soit le motif de leur admission initiale sur le territoire de celui-ci, sur le fondement de l’égalité de traitement. La directive devra être transposée par les Etats membres avant le 25 janvier 2013. c). Elargissement du champ de la coopération judiciaire en matière civile.

Article 81 TFUE La liste des matières incluses dans le champ de la coopération judiciaire civile est allongée, mais devient limitative. L’exigence selon laquelle les mesures adoptées doivent être nécessaires au bon fonctionnement du marché intérieur est, par ailleurs, supprimée. Le champ de la coopération judiciaire civile est étendu à de nouvelles matières, qui pourront se voir appliquer le principe de reconnaissance mutuelle ou faire l’objet de mesures de rapprochement. De nouvelles bases juridiques ont ainsi été prévues en ce qui concerne : - l’accès effectif à la justice (art. 81 §2 e) - l’élimination des obstacles au bon déroulement des procédures civiles (art. 81 §2 f ) - le développement des méthodes alternatives de résolution des litiges (art. 81 §2 g) - le soutien à la formation des Magistrats et des personnels de Justice (art. 81 §2 h). Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et extrajudiciaires est, par ailleurs, consacré à l’article 81 §1 TFUE et signifie que ces décisions doivent être exécutées

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Direct dans les autres Etats membres comme s’il s’agissait de décisions nationales. A ce titre, notons que le règlement 650/2012/UE relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen a été publié, le 27 juillet dernier, au Journal officiel de l’Union européenne. Il prévoit la mise en place d’un critère unique pour déterminer à la fois la compétence et le droit applicable à une succession transfrontière, ainsi que la création d’un certificat successoral européen. Le règlement est entré en vigueur le 16 août dernier. d). Coopération judiciaire en matière pénale.

Articles 82 à 86 TFUE Le traité de Lisbonne a été ambitieux sur ce sujet, notamment en supprimant le troisième pilier et en consacrant le principe de la reconnaissance mutuelle. La simplification par la suppression de la structure en piliers, au profit d’un cadre institutionnel unifié atténue la difficulté du choix de la base juridique de certaines initiatives. De plus, le traité de Lisbonne donne force contraignante à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (article 6 TUE), ce qui est une avancée déterminante pour l’Espace judiciaire européen. Le principe de reconnaissance mutuelle, qui est là aussi consacré, est complété par le rapprochement des législations et réglementations des Etats membres : - En ce qui concerne le droit pénal matériel : l’article 83 §1 et §2 TFUE prévoit que des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions pourront être adoptées, lorsque l’infraction est à la fois particulièrement grave et revêt une dimension transfrontalière (terrorisme, traite des êtres humains, exploitation sexuelle, blanchiment d’argent etc.), et lorsque l’infraction porte atteinte à un intérêt commun faisant lui-même l’objet d’une politique d’harmonisation de l’Union (par exemple protection des intérêts financiers de l’Union).

- En ce qui concerne le droit pénal procédural, l’article 82 §2 TFUE prévoit que l’Union pourra définir des règles minimales, notamment, sur l’admissibilité des preuves, les droits des personnes dans la procédure pénale et les droits des victimes de la criminalité. Dans ce sens, a été adoptée la « feuille de route en matière de garanties procédurales », visant à renforcer les droits procéduraux des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales. Plusieurs directives ont été adoptées sur la base de ces nouvelles compétences de l’Union : - Directive 2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales (Mesure A) - Directive 2012/13/UE relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales (Mesure B) - Directive 2012/29/UE établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil (Mesure E) Il est intéressant de noter, parmi ces nouvelles mesures visant à renforcer les droits procéduraux des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales, la proposition de directive relative au droit d'accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et au droit de communiquer après l'arrestation (Mesures C et D). Cette proposition est actuellement en cours de discussion au sein du « trilogue » (Commission, Parlement, Conseil). Pour ce qui est de la partie « Aide juridictionnelle » de la Mesure C, il n’existe encore rien à ce jour. Enfin, la Mesure F consiste en un Livre vert sur la détention provisoire.

Conclusion Pour conclure, comme je l’avais écrit dans mon Editorial de l’Observateur de Bruxelles consacré au droit pénal européen (1), la suppression de

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la structure en trois piliers, aujourd’hui intégrés dans un seul cadre institutionnel, a eu pour conséquence de substituer, en matière de « coopération policière et judiciaire en matière pénale », la procédure législative ordinaire à l’ancienne procédure intergouvernementale. Ce renforcement de la compétence de l’Union en matière pénale suscite, aujourd’hui, des réactions extrêmement vives de la part de certains Etats, du fait du nécessaire rééquilibrage devant être opéré entre les politiques de sécurité et de liberté. (1) Forrer (JJ), « Editorial », L’Observateur de Bruxelles, octobre 2011, n°86, Editions Larcier, p.5. Quelles que soient les réserves avancées par les Etats membres, la marge de manœuvre de la Commission Européenne et du Parlement Européen est extrêmement faible au regard de l’impératif du respect de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne et de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, sous peine que les normes adoptées soient, par la suite, censurées par la Cour de Justice de l’Union Européenne ou la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg. Lors de l’adoption du Traité de Lisbonne, certains commentateurs ont déploré ce qu’ils qualifiaient « d’esprit de compromis » alors qu’il s’avère que les solutions pragmatiques retenues constituent, du moins au regard de la politique pénale, des avancées considérables pour le plus grand bénéfice des libertés du citoyen européen. Il est du devoir de la profession d’Avocat de prêter la main et de veiller au respect de l’élaboration de normes conformes aux traités et en cas de violation de ceux-ci, de mettre en oeuvre les mécanismes de contrôle juridictionnel en suggérant, le cas échant, que la Cour de Justice de l’Union Européenne soit saisie de questions préjudicielles, dans une démarche analogue à ce qui a été accompli au niveau national par l’utilisation de la question prioritaire de constitutionnalité, qui a permis d’obtenir des modifications significatives du régime de la garde à vue. 2012-906

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Vie du droit

Situation carcérale en France

Photo © Jean-René Tancrède

Christiane Taubira

Une politique pour les prisons a lutte contre la dégradation des conditions de vie en prison est un impératif national, une nécessité pour la République car indispensable pour la

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prévention de la récidive et la réinsertion sociale, donc pour la sécurité des Français. La Ministre de la Justice Christiane Taubira propose au parlement un budget qui de manière historique entend traiter les prisons vétustes, à commencer par les plus importantes que sont les Baumettes, la Santé et celle de Fleury. Les crédits nécessaires sont inscrits dans le budget triennal 2013-2015. Les chantiers ont commencé. La Garde des Sceaux s’est entièrement mobilisée pour résoudre ces difficultés, d’abord en inscrivant dès son premier budget la somme de 298 millions d’euros pour un programme de reconstruction des structures appelé Baumettes II et Aix II, et d’autre part, avec dès 2013 un programme d’urgence de lutte contre la vétusté. Christiane Taubira qui a répondu à l’avis du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté sur le centre pénitentiaire des Baumettes à Marseille dans un courrier publié au J.O. du 06 décembre 2012 est pleinement consciente de la situation vécue par les personnels qui vivent et travaillent dans ce lieu de détention comme par les personnes détenues. Elle connait aussi le dévouement des personnels qui

exercent un métier indispensable à la République. La dignité des conditions de travail en détention et la réduction de la surpopulation carcérale ont, depuis son arrivée guidé en permanence l’action de la ministre de la justice. Cela s’est traduit par une nouvelle politique pénale marquée par : - L’individualisation et l’aménagement des peines pour préserver l’insertion - Un programme de construction d’un nouveau type d’établissement pénitentiaire permettant la rénovation et le remplacement des établissements vétustes en augmentant le parc dans des conditions strictement adaptées à la politique pénale. - La mise en place d’une Conférence de consensus avec pour objectif des propositions de textes et des pratiques sur la prévention de la récidive

Source : communiqué du Ministre de la Justice du 6 décembre 2012

REPÈRES

Réactions des Syndicats UNION SYNDICALE DES MAGISTRATS Situation carcérale en France : entre effroi et honte ! 'USM a pris connaissance des recommandations de Monsieur Delarue, Contrôleur Général des Lieux de Prévention de Libertés, relatives au centre pénitentiaire des Baumettes à Marseille. Elle exprime sa consternation face à une situation connue de longue date et non traitée par les gouvernements successifs. Elle rappelle que l'état désastreux de la prison des Baumettes n'est malheureusement pas un cas isolé, comme le constatent les juges d'application des peines et les magistrats du parquet qui se rendent régulièrement en détention, à Marseille comme ailleurs, notamment dans le cadre de l'examen des mesures d'aménagements de peines.

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La dégradation des conditions sanitaires de l'hébergement des détenus et de travail des surveillants pénitentiaires est le reflet de la paupérisation de la Justice et de l’insuffisance des moyens alloués à l'administration pénitentiaire pour maintenir en état ses établissements. L'exigence d'une justice digne de notre démocratie impose de mobiliser en urgence les moyens nécessaires au rétablissement de conditions de détention respectueuses des droits humains.

Source : communiqué du 6 décembre 2012

SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE a section marseillaise du Syndicat de la Magistrature prend acte de la publication au Journal Officiel du 6 décembre 2012

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des « recommandations d’urgence » du contrôleur général des lieux de privation de liberté, JeanMarie Delarue, à la suite de la mission effectuée en octobre 2012 au centre pénitentiaire des Baumettes qui a révélé une situation extrêmement dégradée constitutive de traitements inhumains et dégradants que condamnent les instances européennes et, plus récemment, les juridictions françaises. Le Syndicat de la Magistrature déplore que le contrôleur général ait eu besoin de recourir à cette procédure exceptionnelle, qui n’a été utilisée qu’une seule fois depuis sa création en 2008 pour un établissement de Nouméa, puisque cela signifie que le constat est d’une telle gravité qu’il justifie, avant qu’un rapport complet soit déposé, que des mesures immédiates soient prises pour mettre fin à des violations constatées depuis

une vingtaine d’années, par le comité européen de prévention de la torture (1991), les sénateurs (2000) ou encore le commissaire européen aux droits de l’homme (2005). Sans reprendre le détail des recommandations, le contrôleur général constate que seulement 9 des 98 cellules examinées n’appellent pas « d’observation sérieuse », relevant l’invasion de cafards, d’araignées, de cloportes et de rats, l’absence de cloison d’intimité, de fenêtre, d’eau chaude ou de cabine de douche, en constatant que la dotation budgétaire 2012 affectée à « l’hygiène et la propreté des détenus » a diminué de moitié par rapport à 2011. Il relève l’importance des faits de violences signalés, sans que le Parquet en soit systématiquement informé, le trafic en détention, « marché de biens et services où tout s’achète et

se vend au prix fort », la pénurie d’activités et la faiblesse des effectifs de surveillants et d’encadrement. Comparant la disparité qualitative entre bâtiments, tel le D construit en 1989, à la faiblesse des sanctions disciplinaires, il relève « qu’on trouve le levier de la mise au pas ailleurs ». Ne pouvant se satisfaire de nouvelles promesses visant à remédier rapidement à l’indignité de cette situation, le Syndicat de la Magistrature prône un “numerus clausus” afin d’éviter la surpopulation carcérale qui, aux Baumettes, atteint 145 % (1769 détenus pour 1190 places au 1er octobre 2012). Il demande au Parquet de favoriser les aménagements de peines, notamment par la généralisation de la procédure de SEFIP, et aux juridictions répressives de ne plus prononcer de courtes peines d’emprisonnement, facteur

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Vie du droit de désocialisation et de récidive. A l’heure où Marseille est de nouveau stigmatisée pour sa délinquance, le Syndicat de la Magistrature exhorte le monde judiciaire, comme les politiques, à ne pas faire croire que l’enfermement constitue l’unique réponse, d’autant que les conditions de celui-ci sont indignes d’un pays démocratique. A l’occasion de la journée mondiale des droits de l’Homme, le Syndicat de la Magistrature se rendra en délégation aux Baumettes le lundi 10 décembre 2012 à 15 heure et invite l’ensemble des Magistrats, spécialement ceux qui sont amenés à prononcer des peines d’emprisonnement, à les accompagner.

Source : communiqué du 6 décembre 2012

SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE Les Prisons de la honte e 12 novembre 2012 le Contrôleur Général des lieux de privation de liberté a adressé au Garde des Sceaux, selon la procédure d'urgence, une recommandation illustrée relative au Centre pénitentiaire des Baumettes, à Marseille. Cette recommandation dénonce « une violation grave des droits fondamentaux, notamment au regard de l'obligation, incombant aux autorités publiques, de préserver les personnes détenues (...) de tout traitement inhumain et dégradant ». Le SAF rappelle que dès 1991 le Comité européen de Prévention de la Torture avait relevé le caractère

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inhumain et dégradant des conditions de détention infligées dans ce même établissement pénitentiaire. C'était il y a vingt et un an. La situation n'a cessé d'empirer. Nul ne peut désormais l'ignorer. Le SAF dénonce une nouvelle fois la politique conduite ces dernières années qui, loin de contribuer à la reconstruction ou la rénovation de lieux de détention respectueux de la dignité humaine, n'a servi qu'à répondre à une frénésie du tout carcéral avec la multiplication des courtes peines d'emprisonnement, l'allongement des peines d'enfermement, un recours constant à la détention provisoire. L'état de dégradation et d'indignité du Centre

pénitentiaire des Baumettes reflète celui de nombreux autres lieux de privation de liberté en France. C'est pourquoi le SAF exige que des mesures radicales et immédiates soient prises pour mettre fin à des conditions de détention inacceptables, soit par la mise en oeuvre effective et massive de dispositifs de sortie de fin de peine, soit par la mise en liberté des personnes détenues provisoirement et éligibles au placement sous contrôle judiciaire ou assignation à résidence, soit encore par l'examen prioritaire des requêtes d'aménagement de peine. Le SAF demande aux tribunaux de favoriser les aménagements ab initio des peines d'emprisonnement prononcées et de privilégier les peines alternatives à

l'emprisonnement ferme. Le SAF appelle tous ses membres et, audelà, tous les avocats, à déposer sans délai des demandes de mise en liberté ou des requêtes en aménagement de peine ou en suspension d'exécution de peine sur le fondement des constatations rapportées dans les recommandations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté publiées au Journal officiel du 6 décembre 2012. Le SAF appelle tous ceux qui sont attachés au respect de la dignité de la personne humaine et aux respects des droits fondamentaux à se rassembler devant le Centre pénitentiaire des Bau mettes le lundi 10 décembre 2012 à 15h00.

Source : communiqué du 2012-907 9 décembre 2012

Direct

Association Cristolienne en Faveur de l’Institution Consulaire Paris - 27 novembre 2012

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Jean-Bertrand Drummen, Michel Boisard et Mathieu Aufauvre

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Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

a conférence de l’AFIC (Association Cristolienne en Faveur de l’Institution Consulaire du Val de Marne) s’est tenue le 27 novembre dernier à Paris à l’auditorium du Cabinet Ravet sur le thème « Le Commissaire au redressement Productif, quels apports à la prévention, au rebond, au retournement des entreprises en difficulté », cette conférence fut animée par Monsieur Mathieu Aufauvre, commissaire régional au redressement productif. Après avoir retracé sa carrière au sein du service public, Mathieu Aufauvre, jeune commissaire au redressement productif a exposé avec clarté et conviction les objectifs que le ministre a assignés aux 22 commissaires. Il a défini le cadre de l’intervention de cette nouvelle institution en insistant sur sa complémentarité par rapport aux dispositifs déjà existant (CCSF, médiation du crédit, médiation de la sous-traitance…) et a présenté son rôle de coordination des moyens au service des entreprises en difficulté ou en retournement, voire en développement. Les maîtres mots de son exposé ont été : proximité, pragmatisme, anticipation. Mathieu Aufauvre a répondu aux questions de la salle avec humour et modestie. 2012-918 Jean-René Tancrède

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Jurisprudence

Principe de l’égalité devant les charges publiques Conseil constitutionnel - 29 décembre 2012 - Décisions n° 2012-661 DC et n° 2012-662 DC

Dans sa mission d’assurer le respect de la Constitution, qui est la norme suprême en droit français, le Conseil constitutionnel, saisi par des parlementaires, a effectué un contrôle de la constitutionnalité des lois de finances conformément aux articles 54 et 61 de la Constitution C’est ainsi qu’il a rendu deux décisions le 29 décembre 2012(1), en constatant que certaines dispositions de la loi de finances rectificatives pour 2012 et de la loi de finances pour 2013 étaient contraires à la Constitution. Sans rentrer dans le débat politique il convient d’observer qu’à plusieurs reprises le Conseil constitutionnel a fait référence à la notion d’égalité des citoyens devant les charges publiques censurer certaines disposition des deux lois de finances.

I. Sur la loi de finances rectificatives pour 2012 e Conseil constitutionnel a écarté les griefs dirigés contre divers articles qu'il a jugés conformes à la Constitution, puis il a censuré l’article 19, relatif aux donations-cession et l’article 28 qui n’avait pas sa place dans une loi de finances.

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1. L’article 19 de la loi de finances, prévoyait une modification de l’article 150-0 D du code général des impôts prévoyait que la valeur retenue pour déterminer le gain net de cession, d’apport, de remboursement ou d’annulation de valeurs mobilières qui ont fait l’objet de donations ou de dons manuels dans les dix-huit mois précédant l’opération de cession, d’apport, de remboursement ou d’annulation est la valeur d’acquisition de ces valeurs mobilières par le donateur, augmentée des frais afférents à l’acquisition à titre gratuit. Cette orientation faisait peser sur le donataire de valeurs mobilières une imposition sans rapport avec sa situation mais liée à l'enrichissement du donateur antérieur au transfert de propriété des valeurs mobilières. Le Conseil constitutionnel a, en conséquence, censuré ce texte qui entraînait une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. De plus ces dispositions auraient eu un effet rétroactif, ce qui paraît contraire à l’article 13 de la Déclaration de 1789, qui dispose : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. Afin de respecte le principe d’égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. Ainsi, l’article 19 doit être déclaré contraire à la Constitution 2. Sur la place de l’article 28 dans la loi de finances rectificative, qui tendait à modifier l’article L. 135 D du livre des procédures fiscales visant les règles de l’accès de tiers aux informations protégées par le secret

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professionnel en matière fiscale à des fins de recherche scientifique. Les Députés requérants faisaient grief à ces dispositions de ne pas ressortir au domaine que la loi organique relative aux lois de finances réserve aux lois de finances. Le Conseil constitutionnel a jugé que l'article 28, sur l'accès des chercheurs aux informations protégées par le secret professionnel en matière fiscale, n'avait pas sa place en loi de finances Il précise que les dispositions de l’article 28 ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l’État ; qu’elles n’ont pas trait à des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État. Comme elles n’ont pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d’approuver des conventions financières; qu’elles ne sont pas relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ; qu’ainsi, elles sont étrangères au domaine des lois de finances tel qu’il résulte de la loi organique du 1er août 2001 susvisée. Ainsi le Conseil constitutionnel considère que cet article a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution et qu’il doit être déclaré contraire à cette dernière.

II. Sur la loi de finances pour 2013 e Conseil constitutionnel a constaté que cette loi de finances met en œuvre plusieurs choix du Gouvernement et du Parlement. En premier lieu, elle accroît significativement les prélèvements obligatoires. Avec les autres lois votées en matière fiscale et de financement de la sécurité sociale, ces prélèvements ont été augmentés de près d'une trentaine de milliards d'euros. En deuxième lieu, la loi de finances pour 2013 modifie la fiscalité des revenus du capital pour soumettre ceux-ci, dans la plupart des cas, au barème de l'impôt sur le revenu. Les revenus du capital, qui sont soumis à des taux de prélèvements sociaux plus élevés que ceux pesant sur les revenus d'activité, sont désormais imposés de manière plus importante que les revenus d'activité. En troisième lieu, cette augmentation de la fiscalité

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Jurisprudence des revenus du capital s'est accompagnée d'un accroissement du nombre de tranches et d'un rehaussement des taux de l'impôt sur la fortune, rapprochant ce dernier de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en vigueur jusqu'en 2011. Le Conseil constitutionnel n'a jugé aucune de ces trois orientations de fond de la loi de finances pour 2013 contraire à la Constitution. Il a notamment jugé qu'en soumettant certains revenus du capital au barème de l'impôt sur le revenu, alors que ces revenus demeurent soumis à des taux de prélèvements sociaux plus élevés que ceux portant sur les revenus d'activité, le législateur n'a pas créé une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. D'autre part, il a jugé que cette réforme de l'imposition des revenus du capital a pu s'accompagner de celle de l'impôt sur la fortune en raison de la fixation à 1,5 % du taux marginal maximal de cet impôt qui prend en compte les facultés contributives des personnes qui détiennent les patrimoines concernés. 1. Sur l’article 15, qui aménage le régime d’imposition des plus-values immobilières ; que, d’une part, il soumet les plus-values réalisées lors de la cession de terrains à bâtir, pour les cessions intervenues à compter du 1er janvier 2015, au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Les députés requérants soutiennent que l’imposition globale sur les plusvalues immobilières réalisées à l’occasion de la cession d’un terrain à bâtir revêt un caractère confiscatoire. En instituant une différence d’imposition au sein de la catégorie des plusvalues immobilières entre les terrains à bâtir soumis au barème de l’impôt sur le revenu et les autres biens immobiliers, le législateur aurait méconnu le principe d’égalité devant les charges publiques. En ne prévoyant aucun abattement pour durée de détention en ce qui concerne les terrains à bâtir, le législateur n’aurait pas pris en compte les capacités contributives réelles des contribuables. L’exonération des plusvalues immobilières prévue lorsque la cession est réalisée au profit d’un bailleur social pour réaliser des logements sociaux, alors qu’une telle exonération n’est pas étendue aux bailleurs privés, porterait atteinte à l’égalité devant l’impôt. Enfin, le dispositif serait entaché d’inintelligibilité. Il en résulte que le Conseil constitutionnel a décidé que cet article 15 devait être déclaré contraire à la Constitution. 2. L 'article 9 a principalement pour objet de taxer les dividendes au barème de l'impôt sur le revenu. Cette orientation n'est pas contraire à la Constitution. Elle ne peut cependant s'appliquer rétroactivement aux personnes qui, soumises au prélèvement libératoire, se sont en 2012, en application de la loi, déjà acquittées de l'impôt. Ce texte portait par ailleurs le taux d'imposition sur les bons anonymes de 75,5 % à 90,5 %. Le Conseil a jugé que ce nouveau taux d'imposition faisait peser sur les contribuables concernés une charge excessive au regard de cette capacité contributive. Il a censuré cette augmentation comme contraire à l'égalité devant les charges publiques.3. L'article 11 modifie l'imposition des gains et avantages tirés des stockoptions et des actions gratuites attribuées à compter du 28 septembre 2012 pour les soumettre au barème de l'impôt sur le revenu. Ce choix a pour conséquence de porter à 72 % ou 77 % (selon la durée de détention) l'imposition marginale de ces gains et avantages. En outre, dès 150 000 euros de revenus soumis au barème de l'impôt sur le revenu, ces gains et avantages sont soumis à une imposition de 68,2 % ou 73,2 %. Le Conseil a jugé que ces nouveaux niveaux d'imposition, qui faisaient peser sur les contribuables concernés une charge excessive au regard de cette faculté contributive étaient contraires à l'égalité devant les charges publiques. Il a censuré les nouveaux taux de la contribution salariale prévue par l'article L. 137-14 du code de la sécurité sociale, ramenant ainsi la taxation marginale maximale de ces gains et avantages à 64,5 %.

Le législateur ayant ainsi méconnu l'exigence de prise en compte des facultés contributives, le Conseil constitutionnel a, sans se prononcer sur les autres griefs dirigés contre cet article, censuré l'article 12 pour méconnaissance de l'égalité devant les charges publiques. 5. L'article 13 accroît le nombre de tranches et rehausse les taux de l'ISF pour les rapprocher de ceux en vigueur avant 2011. Dans le même temps, la fiscalité des revenus du capital est fortement augmentée. Cette double évolution n'est pas contraire à la Constitution avec un taux marginal maximal de l'ISF fixé à 1,5 %. En revanche, le Conseil a censuré l'intégration dans le calcul du plafonnement de l'ISF des bénéfices ou revenus que le redevable n'a pas réalisés ou dont il ne dispose pas ; cette intégration méconnaissait l'exigence de prise en compte des facultés contributives du redevable. 6. L'article 14 prorogeait un régime fiscal dérogatoire applicable aux successions sur les immeubles situés dans les départements de Corse. Il conduisait, sans motif légitime, à ce que la transmission de ces immeubles soit exonérée de droits de succession. Le Conseil a jugé que cette prorogation méconnaissait le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques et censuré l'article 14. 7. L'article 15 modifiait l'imposition des plus-values immobilières sur les terrains à bâtir pour les soumettre au barème de l'impôt sur le revenu. Ce choix avait pour conséquence de porter, avec toutes les autres impositions pouvant peser sur ces plus-values, à 82 % l'imposition marginale de ces plus-values. Le Conseil a jugé ce nouveau niveau d'imposition, qui faisait peser sur les contribuables concernés une charge excessive au regard de leur capacité contributive, contraire au principe d'égalité devant les charges publiques. Il a censuré cet article. 8. L'article 73 est relatif aux « niches fiscales ». Il fixe à 10 000 euros le plafonnement global de la plupart des avantages fiscaux. Il prévoyait un plafond majoré de 18 000 euros et 4 % du revenu imposable pour des réductions d'impôt accordées au titre d'investissement outre-mer ou pour le financement en capital d'œuvres cinématographiques. Alors que la loi de finances procède à un relèvement significatif de l'impôt sur le revenu, le Conseil constitutionnel a jugé que la subsistance de ce plafonnement proportionnel au revenu imposable applicable à deux catégories d'avantages fiscaux attachées à des opérations d'investissement permettait à certains contribuables de limiter la progressivité de l'impôt sur le revenu dans des conditions qui entraînent une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Il a censuré la fraction de l'avantage d'un montant égal à 4 % du revenu imposable. Le Conseil constitutionnel a également censuré divers articles comme n'ayant pas leur place en loi de finances, notamment parce qu'ils ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l'État : article 8 sur les dons des personnes physiques aux partis politiques ; article 44 sur les missions de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués ; article 95 sur le transfert des compétences de production de plants forestiers à la collectivité territoriale de Corse ; article 104 sur les travaux dans les zones pour lesquelles un plan de prévention des risques technologiques est approuvé. Les décisions sont disponibles sur le site du Conseil constitutionnel, nous publions ci-dessous uniquement les extraits correspondant aux articles déclarés non conformes à la Constitution.

Jean-René Tancrède 4. L'article 12 instituait une contribution exceptionnelle de solidarité de 18 % sur les revenus d'activité excédant 1 million d'euros. Cette contribution était assise sur les revenus de chaque personne physique alors que l'impôt sur le revenu pesant sur les mêmes revenus, ainsi que la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de 4 %, sont prélevés par foyer. Ainsi deux foyers fiscaux bénéficiant du même niveau de revenu issu de l'activité professionnelle pouvaient se voir assujettis à la contribution exceptionnelle de solidarité de 18 % ou au contraire en être exonérés selon la répartition des revenus entre les contribuables composant ce foyer.

Note : 1. Décision n° 2012-661 DC et Décision n° 2012-662 DC

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Jurisprudence Décision n° 2012-661 DC du 29 décembre 2012 Le Conseil constitutionnel, Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les Députés et Sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances rectificative pour 2012 ; qu’ils contestent la conformité à la Constitution de son article 66 ; que les Députés contestent, en outre, la place en loi de finances de son article 28 et la conformité à la Constitution de ses articles 15 et 19, ainsi que celle du 2 du paragraphe VII de son article 11 et du paragraphe II de son article 18 ; - Sur la place de l’article 28 dans la loi de finances rectificative : 2. Considérant que l’article 28 modifie l’article L. 135 D du livre des procédures fiscales pour modifier les règles de l’accès de tiers aux informations protégées par le secret professionnel en matière fiscale à des fins de recherche scientifique ; 3. Considérant que les Députés requérants font grief à ces dispositions de ne pas ressortir au domaine que la loi organique relative aux lois de finances réserve aux lois de finances ; 4. Considérant que les dispositions de l’article 28 ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l’État ; qu’elles n’ont pas trait à des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État ; qu’elles n’ont pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d’approuver des conventions financières ; qu’elles ne sont pas relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ; qu’ainsi, elles sont étrangères au domaine des lois de finances tel qu’il résulte de la loi organique du 1er août 2001 susvisée ; qu’il suit de là que cet article a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution ; qu’il doit être déclaré contraire à cette dernière ; (…)

législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu’en particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; 23. Considérant qu’il ressort des travaux préparatoires que le législateur a entendu faire obstacle à des montages juridiques destinés à éluder l’imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières ; qu’il a, à cette fin, prévu d’assujettir le donataire de valeurs mobilières cédées à titre onéreux dans les dix-huit mois suivant la donation à l’imposition sur les plus-values en retenant comme valeur de référence non plus la valeur des titres lors de la mutation à titre gratuit mais la valeur de ces titres lors de leur acquisition ou souscription par le donateur, augmentée des frais afférents à l’acquisition à titre gratuit, excepté lorsque cette valeur est inférieure à celle retenue lors de la donation ; qu’il a exclu l’application de ces nouvelles dispositions pour les valeurs mobilières faisant l’objet d’une donation dans le cadre d’un engagement collectif de conservation prévu par les articles 787 B ou 787 C du code général des impôts ; qu’il a également prévu des dérogations à l’application de ces nouvelles dispositions en faveur des donataires se trouvant dans une situation d’invalidité correspondant aux deuxième ou troisième catégories prévues à l’article L. 341-4 du code de la sécurité sociale, ou lorsque le donataire ou son conjoint ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité soumis à imposition commune est licencié ou décède ; 24. Considérant que les dispositions contestées font peser sur les donataires de valeurs mobilières une imposition supplémentaire qui est sans lien avec leur situation mais est liée à l’enrichissement du donateur antérieur au transfert de propriété des valeurs mobilières ; que le critère de la durée séparant la donation de la cession à titre onéreux des valeurs mobilières est à lui seul insuffisant pour présumer de manière irréfragable que la succession de ces deux opérations est intervenue à la seule fin d’éluder le paiement de l’imposition des plus-values ; que le législateur n’a donc pas retenu des critères objectifs et rationnels en rapport avec l’objectif poursuivi ; que, par suite, il a méconnu les exigences de l’article 13 de la Déclaration de 1789 ; 25. Considérant que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, l’article 19 de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution ; (…)

- Sur l’article 19 : Décide : 20. Considérant que le paragraphe I de l’article 19 modifie l’article 1500 D du code général des impôts ; qu’il prévoit que la valeur retenue pour déterminer le gain net de cession, d’apport, de remboursement ou d’annulation de valeurs mobilières qui ont fait l’objet de donations ou de dons manuels dans les dix-huit mois précédant l’opération de cession, d’apport, de remboursement ou d’annulation est la valeur d’acquisition de ces valeurs mobilières par le donateur, augmentée des frais afférents à l’acquisition à titre gratuit ; que le paragraphe II de l’article 19 modifie l’article 167 bis du code général des impôts pour appliquer ces nouvelles dispositions lors d’un transfert de domicile fiscal hors de France intervenant dans les dix-huit mois à compter de la donation ou du don manuel ; que le paragraphe III de l’article 19 rend applicables les paragraphes I et II aux donations et dons manuels réalisés à compter du 14 novembre 2012 ; 21. Considérant que, selon les Députés requérants, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a établi une présomption de montage juridique abusif qui ne repose pas sur des critères objectifs et rationnels en lien avec l’objectif poursuivi et, par conséquent, a méconnu le principe d’égalité devant les charges publiques ; que les dispositions contestées, en faisant obstacle à ce que le donataire dispose d’une voie de droit lui permettant de contester la présomption, n’assureraient pas la garantie des droits ; que la double imposition qui peut résulter, pour le contribuable cédant des titres pour lesquels il a déjà acquitté des droits de mutation à titre gratuit, de l’acquittement d’une imposition au titre de la plus-value sur une fraction de la valeur de ces titres qui a déjà été soumise aux droits de mutation à titre gratuit, porterait atteinte au principe d’égalité devant l’impôt ; qu’enfin ces dispositions auraient un effet rétroactif ; 22. Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au

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Article 1er - Les articles 19 et 28 de la loi de finances rectificative pour 2012 sont contraires à la Constitution. Article 2 - Les articles 15 et 66 de la même loi, ainsi que le 2 du paragraphe VII de son article 11 et le paragraphe II de son article 18 sont conformes à la Constitution. Article 3 - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 décembre 2012, où siégeaient : Monsieur Jean-Louis Debré, Président, Monsieur Jacques Barrot, Madame Claire Bazy Malaurie, Maître. Guy Canivet, Michel Charasse, Renaud Denoix de Saint Marc, Madame Jacqueline de Guillenchmidt, Maître. Hubert Haenel et Pierre Steinmetz. Rendu public le 29 décembre 2012.

Décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012 Le Conseil constitutionnel, Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l’article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi de finances 2013, le 20 décembre 2012 Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les sénateurs et les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 2013 ; qu’ils contestent la conformité à la Constitution de ses articles 9, 12, 13 et 73 ; que les sénateurs mettent, en outre, en cause la procédure d’adoption de l’ensemble de la loi, sa sincérité et la conformité à la Constitution de ses articles 22 à 24 ;

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Jurisprudence que les députés contestent aussi la place en loi de finances de l’article 8, du paragraphe I de l’article 51 et de l’article 104 ainsi que la conformité à la Constitution de ses articles 3, 4, 6, 8, 10, 11, 15, 16 et 25 ; (…) - Sur l’article 8 : 31. Considérant que l’article 8 est relatif aux dons des personnes physiques aux partis politiques ; qu’il a principalement pour objet, en son paragraphe I, de modifier le premier alinéa de l’article 11-4 de la loi n° 88227 du 11 mars 1988 susvisée pour interdire à une même personne physique de donner plus de 7 500 euros à un ou plusieurs partis politiques au cours de la même année ; que le paragraphe II du même article modifie le second alinéa du 3 de l’article 200 du code général des impôts pour fixer, par voie de conséquence, à 7 500 euros le montant maximal des dons aux partis politiques ouvrant droit à une réduction d’impôt ; 32. Considérant que, selon les députés requérants, le paragraphe I de cet article n’a pas sa place en loi de finances ; que cet article méconnaîtrait par ailleurs l’exigence du pluralisme des courants d’idées et d’opinions ; 33. Considérant, en premier lieu, que le paragraphe I de l’article 8, qui prévoit une modification des règles relatives au financement de la vie politique par les personnes physiques, ne concerne ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l’État ; qu’il n’a pas trait à des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État ; qu’il n’a pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d’approuver des conventions financières ; qu’il n’est pas relatif au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ; qu’ainsi, le paragraphe I de l’article 8 est étranger au domaine des lois de finances tel qu’il résulte de la loi organique du 1er août 2001 ; qu’il a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution ; 34. Considérant, en second lieu, que le paragraphe II de l’article 8 fixe à 7 500 euros le montant maximal des dons aux partis politiques ouvrant droit à une réduction d’impôt en application de l’article 200 du code général des impôts ; que, toutefois, il ne modifie pas la limite des dons et cotisations aux partis politiques ouvrant droit à une réduction d’impôt en application de l’article 200 du code général des impôts, laquelle demeure fixée à 15 000 euros ; que, par suite, les dispositions du paragraphe II de l’article 8, qui ne sont pas séparables du paragraphe I, n’ont pas leur place en loi de finances ; 35. Considérant que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre grief soulevé par les requérants, l’article 8 doit être déclaré contraire à la Constitution ; (…) - Sur l’article 15 : 98. Considérant que l’article 15 aménage le régime d’imposition des plusvalues immobilières ; que, d’une part, il soumet les plus-values réalisées lors de la cession de terrains à bâtir, pour les cessions intervenues à compter du 1er janvier 2015, au barème progressif de l’impôt sur le revenu ; qu’en particulier, il insère après l’article 150 VH du code général des impôts, un article 150 VH bis aux termes duquel « l’impôt sur le revenu afférent aux plus-values réalisées lors de la cession de terrains à bâtir mentionnés au I de l’article 150 VC ou de droits s’y rapportant, dû dans les conditions prévues aux articles 150 VF à 150 VH, n’est pas libératoire de l’impôt sur le revenu net global défini à l’article 158 » et ajoute dans l’article 200 B du même code un paragraphe II en vertu duquel les plusvalues mentionnées à l’article 150 VH bis sont prises en compte pour la détermination du revenu net global défini à l’article 158 ; que, d’autre part, le même article 15 supprime, en modifiant le premier alinéa du paragraphe I de l’article 150 VC et le paragraphe II de l’article 150 VD du code général des impôts, tout abattement pour durée de détention pour les cessions de terrains à bâtir intervenues à compter du 1er janvier 2013 ; que, toutefois, sont exceptées de cette disposition, en vertu du B du paragraphe IV de l’article 15, les plus-values pour lesquelles une promesse de vente a acquis date certaine avant le 1er janvier 2013 et l’acte de vente est signé avant le 1er janvier 2015 ; qu’en outre, le paragraphe II de l’article 15 maintient, pour les cessions réalisées au cours de l’année 2013 de droits et biens immobiliers autres que les terrains à bâtir, un abattement de 20 % sur les plus-values nettes imposables ; qu’enfin, en vertu du paragraphe III de l’article 15 sont exonérées les plus-values réalisées lors de la vente d’immeubles à des organismes gérant des logements sociaux ou à une collectivité territoriale, un établissement public de coopération intercommunale ou un établissement public foncier

de l’État, en vue de leur cession aux organismes précités, si les biens sont cédés avant le 31 décembre 2014 ; 99. Considérant que les députés requérants soutiennent que l’imposition globale sur les plus-values immobilières réalisées à l’occasion de la cession d’un terrain à bâtir revêt un caractère confiscatoire ; qu’en instituant une différence d’imposition au sein de la catégorie des plus-values immobilières entre les terrains à bâtir soumis au barème de l’impôt sur le revenu et les autres biens immobiliers, le législateur aurait méconnu le principe d’égalité devant les charges publiques ; qu’en ne prévoyant aucun abattement pour durée de détention en ce qui concerne les terrains à bâtir, le législateur n’aurait pas pris en compte les capacités contributives réelles des contribuables ; que l’exonération des plus-values immobilières prévue lorsque la cession est réalisée au profit d’un bailleur social pour réaliser des logements sociaux, alors qu’une telle exonération n’est pas étendue aux bailleurs privés, porterait atteinte à l’égalité devant l’impôt ; qu’enfin, le dispositif serait entaché d’inintelligibilité ; 100. Considérant qu’il ressort des travaux préparatoires que le législateur a entendu modifier le régime d’imposition des plus-values immobilières réalisées lors de la cession de terrains à bâtir afin d’augmenter les recettes fiscales et de lutter contre la rétention des ressources foncières par les propriétaires ; qu’à ces fins, il a soumis au barème de l’impôt sur le revenu, et non plus à un prélèvement au taux forfaitaire de 19 %, les plus-values réalisées lors de la cession de terrains à bâtir pour les cessions intervenues à compter du 1er janvier 2015 ; qu’il a supprimé tout abattement pour durée de détention à compter du 1er janvier 2013, à l’exception des cessions pour lesquelles une promesse de vente a acquis date certaine avant cette date et l’acte de vente est signé avant le 1er janvier 2015 ; 101. Considérant que, toutefois, les plus values-immobilières sur les terrains à bâtir seront soumises au barème de l’impôt sur le revenu tel que modifié par l’article 3 de la loi déférée, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, prévue par l’article 223 sexies du code général des impôts, aux prélèvements sociaux prévus par l’article 16 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, par l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles, par l’article 1600-0 F bis du code général des impôts et par les articles L. 136-7 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale, à la taxe obligatoire versée à l’Agence de services et de paiements en vertu de l’article 1605 nonies du code général des impôts ainsi que, le cas échéant, à l’une des taxes facultatives alternatives que peuvent instituer les communes en vertu de l’article 1529 du même code ou l’autorité organisatrice de transport urbain, en application de l’article 1609 nonies F du même code ; que ces dispositions peuvent conduire, après déduction d’une fraction de la contribution sociale généralisée, à un taux marginal maximal d’imposition de 82 % qui aurait pour effet de faire peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de cette capacité contributive ; que, dans ces conditions, les dispositions de l’article 15 de la loi déférée portent atteinte à l’égalité devant les charges publiques ; 102. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’article 15 doit être déclaré contraire à la Constitution ; (…) – Sur l’article 104 : 124. Considérant que le paragraphe I de l’article 104 insère un nouveau paragraphe I bis dans l’article L. 515-19 du code de l’environnement qui définit les conditions dans lesquelles, dans les zones pour lesquelles un plan de prévention des risques technologiques est approuvé, les exploitants des installations à l’origine du risque et les collectivités territoriales ou leurs groupements participent au financement des travaux prescrits aux personnes physiques propriétaires d’habitation ; que le paragraphe II modifie l’article 200 quater A du code général des impôts pour neutraliser l’effet de ces participations sur les dépenses pouvant bénéficier du crédit d’impôt prévu par cet article ainsi que sur les reprises de sommes remboursées ; 125. Considérant que, selon les députés requérants, cet article n’a pas sa place en loi de finances ; 126. Considérant, en premier lieu, que le paragraphe I de l’article 104, qui définit des conditions de participation de personnes privées et de collectivités territoriales ou de leurs groupements au financement de travaux sur des habitations ne concerne ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l’État ; qu’il n’a pas trait à des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État ; qu’il n’a pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d’approuver des conventions financières ; qu’il n’est pas relatif au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l’information

Les Annonces de la Seine - lundi 31 décembre 2012 - numéro 79

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Jurisprudence et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ; qu’ainsi, le paragraphe I de l’article 104 est étranger au domaine des lois de finances tel qu’il résulte de la loi organique du 1er août 2001 ; qu’il a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution ; 127. Considérant, en second lieu, que le paragraphe II de l’article 104 modifie l’article 200 quater A du code général des impôts pour tirer les conséquences des nouvelles dispositions prévues par le paragraphe I ; que, par suite, les dispositions du paragraphe II de l’article 104, qui ne sont pas séparables du paragraphe I, n’ont pas leur place en loi de finances ; 128. Considérant que, par suite, l’article 104 doit être déclaré contraire à la Constitution ; – Sur l’article 14 : 129. Considérant que, par dérogation à l’article 641 du code général des impôts qui fixe à six mois le délai pour déclarer une succession, l’article 641 bis de ce code prévoit que, pour les déclarations de succession comportant des immeubles ou droits immobiliers situés en Corse, le délai est de vingt-quatre mois à condition que la succession soit ouverte avant le 31 décembre 2012 ; que le 1° de l’article 14 de la loi déférée reporte l’expiration de ce régime dérogatoire de cinq ans ; 130. Considérant que l’article 750 bis A du code général des impôts prévoit, pour les immeubles situés en Corse, une exonération du droit de 2,50 % sur les actes de partage de succession et les licitations de biens héréditaires établis entre le 1er janvier 1986 et le 31 décembre 2014 ; que le 2° de l’article 14 de la loi déférée reporte la date d’expiration de ce régime d’exonération de trois ans ; 131. Considérant que l’article 1135 du même code exonère de toute perception au profit du Trésor, les procurations et les attestations notariées après décès établies en vue du règlement d’une indivision successorale comportant des biens immobiliers situés en Corse et qui ont été dressées avant le 31 décembre 2014 ; que le 3° de l’article 14 de la loi déférée reporte la date d’expiration de ce régime d’exonération de trois ans ; 132. Considérant que l’article 1135 bis du même code prévoit l’extinction progressive du régime d’exonération des droits de mutation par décès sur les immeubles et droits immobiliers situés en Corse, entre le 31 décembre 2013 et le 1er janvier 2018 ; que le 4° de l’article 14 de la loi déférée reporte l’extinction de ce régime d’exonération de cinq ans ; 133. Considérant que le maintien du régime fiscal dérogatoire applicable aux successions sur des immeubles situés dans les départements de Corse conduit à ce que, sans motif légitime, la transmission de ces immeubles puisse être dispensée du paiement de droits de mutation ; que la nouvelle prorogation de ce régime dérogatoire méconnaît le principe d’égalité

devant la loi et les charges publiques ; que, par suite, l’article 14 doit être déclaré contraire à la Constitution ; (…) Décide : Article 1er - Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi de finances pour 2013 : – l’article 8 ; – à l’article 9, le e et le h du 5° du E du paragraphe I, ainsi que le paragraphe IV ; – à l’article 11, le b du 1° du A du paragraphe I et le D du paragraphe II ; – l’article 12 ; – au paragraphe I de l’article 13, le C et, au F, les troisième à seizième alinéas, ainsi que les mots : « , y compris celles mentionnées au 5° du II, » figurant au dix-septième alinéa ; – les articles 14, 15 et 44 ; – au quatrième alinéa de l’article 73, les mots : « et d’un montant égal à 4 % du revenu imposable servant de base au calcul de l’impôt sur le revenu dans les conditions prévues au I de l’article 197 » ; – les articles 95 et 104. Article 2– Les articles 3, 4, 6, 10, 22, 23, 24 et 25, de la même loi et le surplus de ses articles 9, 11, 13 et 73 sont conformes à la Constitution. Article 3– Sous les réserves énoncées aux considérants 136 à 138, le paragraphe I de l’article 16 de la même loi est conforme à la Constitution. Article 4– Par coordination avec l’abrogation du paragraphe IV de l’article 9 de la même loi, son paragraphe VI est ainsi rédigé : « À l’exception du 2° du G, du 2° du H en ce qu’il prévoit l’abrogation du 5° du 3 de l’article 158 du code général des impôts, du M et du 1° du N du I et du A du III, qui s’appliquent aux revenus versés à compter du 1er janvier 2012, les I, II et III s’appliquent aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2013 ». Article 5– Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de l’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale : – les cinquième et neuvième alinéas ; – aux quatrième et huitième alinéas, les mots : « et inférieure ou égale à 24 000 euros par mois ». Article 6– La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 décembre 2012, où siégeaient : Jean-Louis Debré, Président, Jacques Barrot, Claire Bazy Malaurie, Guy Canivet, Michel Charasse, Renaud Denoix de Saint Marc, Jacqueline de Guillenchmidt, Hubert Haenel et Pierre Steinmetz. Rendu public le 29 décembre 2012. 2012-912

Au fil des pages

Ces femmes qui ont réveillé la France par Jean-Louis Debré et Valérie Bochenek ui connaît Elisa Lemonnier, Julie Victoire Daubié, Jeanne Chauvin, Maria Vérone et Madeleine Brès ? Si les jeunes filles peuvent passer le baccalauréat, suivre des études supérieures, devenir médecin ou avocat, c'est grâce à faction de ces femmes, à leur combat pour imposer à une société essentiellement masculine des réformes qui leur permettent simplement d'exister. Si les femmes ont le droit de voter et d'être élues, c'est naturellement le fait du législateur... mais c'est aussi et surtout le résultat de leur action.

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Toutes les femmes évoquées dans ce livre ont su, hier comme aujourd'hui, s'élever contre les corporatismes, les privilèges et les immobilismes pour imposer leurs idées. Elles ont osé porter un regard critique sur une société sclérosée, impuissante à faire évoluer les mentalités. Militantes de la liberté, elles ont suggéré des réformes essentielles et méritent à ce titre d'être mieux connues. Plus qu'un livre d'histoire, Ces femmes qui ont réveillé la France est une véritable recherche sur l'avènement de la République et de ses valeurs. 2012-911

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