LES ANNONCES DE LA SEINE
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Supplément au numéro 16 du lundi 5 mars 2012 - 93e année
Droit de la montagne Massif de l’Eyssina, Vars (Hautes-Alpes)
J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne
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TRIBUNE
Sécurité aux sommets .......................................................3
D.R.
Droit de la montagne
Editorial
DIRECT Dernière actualité Jugement du 21 février 2012 du Tribunal de Grande Instance d'Albertville ...........................
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JURISPRUDENCE
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Charlotte Trolez* et Maurice Bodecher**
Contentieux Administratif Tribunal Administratif de Grenoble Jugement 0803221 - 20 septembre 2011 ................................ Cour Administrative d'Appel de Lyon Chambre 6 / Arrêt 10LY00710 - 12 mai 2011 Fontaine Commune de Chamrousse ........................................
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Pistes Cour de cassation, 2ème chambre civile 1er juin 2011 - Pourvoi 10-15384........................................... Cour de cassation - 1ère chambre civile 17 février 2011 - Pourvoi 09-71880 ...................................... Cour de cassation, 1ère chambre civile 4 novembre 2011 - Pourvoi 10-20809 ..................................
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Remontées mécaniques Cour d’Appel de Chambéry 2ème Chambre - 3 novembre 2011 .........................................
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Responsabilité d’une agence de voyages Cour de cassation - 1ère chambre civile 17 novembre 2011 - Pourvoi 10-23905 ................................
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Pénal : mise en danger d’autrui Cour d’Appel de Chambéry 13 octobre 2011 ....................................................................
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Collisions Tribunal de Grande Instance d’Albertville 18 février 2011 ...................................................................... Tribunal de Grande Instance d’Albertville 25 mars 2011 ........................................................................ Tribunal de Grande Instance de Gap 1er avril 2011 ..........................................................................
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Transport de personnes Cour d’Appel de Chambéry 8 juin 2011 ............................................................................
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Collision avec engin de damage Tribunal de Grande Instance d’Albertville 4 mars 2011 ..........................................................................
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ès lors qu’il n’existe pas de « Code du Ski » ou de « la Montagne », les juridictions s’attachent à faire preuve d’imagination et de rigueur dans Maurice Bodecher l’application des règles de droit commun aux activités liées à la neige. Force est de constater que les décisions rendues reflètent les différentes facettes de ces activités : des règles du droit administratif, aux confins du droit pénal, en passant par les méandres (ou les croisements de pistes !) de la responsabilité délictuelle et contractuelle. Un même dossier peut conduire, après diverses étapes, devant le Conseil d’Etat (19 février 2009), qui se déclare Charlotte Trolez finalement incompétent au profit de la juridiction civile. C’est le cas de l’affaire très médiatisée dite de Font-Romeu, pour laquelle l’arrêt de la Cour d’Appel de Montpellier du 21 décembre 2011 a retenu l’indemnisation d’une victime blessée gravement après avoir dérapé sur une plaque de verglas sur une piste verte, avec l’allocation d’une provision de 800 000 €. Cette décision n’a d’ailleurs pas un caractère définitif puisque la Cour de Cassation est saisie de leur pourvoi. L’actualité, c’est également la décision récente rendue par le Tribunal de Grande Instance d’Albertville à propos du statut des moniteurs de ski et qui a fait application de la notion de « discrimination illicite fondée sur l’âge ». (voir page 4 « Dernière actualité »). Il nous est donc apparu intéressant de revisiter la jurisprudence de l’année 2011, par un regard transversal des différents domaines du droit qui concernent cette matière qui, si elle n’est pas autonome, n’en demeure pas moins spécifique.
Décisions commentées par Charlotte Trolez et Maurice Bodecher
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Moniteurs Cour d’Appel de Paris 6 juin 2011 ............................................................................
AU FIL DES PAGES
* Charlotte Trolez est Chargée de mission juridique et fiscal Domaines Skiables de France (Chambre Professionnelle des Opérateurs de Remontées Mécaniques et Domaines Skiables) ** Maurice Bodecher est Avocat, membre de la SCP interbarreaux BODECHER-CORDEL BETEMPS Albertville-Chambéry
Vars, passage et refuge Histoire de la vie quotidienne dans un village des Hautes-Alpes.........................................
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Directeur de la publication et de la rédaction : Jean-René Tancrède
2011
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Les Annonces de la Seine - Supplément au numéro 16 du lundi 5 mars 2012
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Tribune
Sécurité aux sommets l’initiative de Monsieur le Procureur Général de la Cour d’Appel de Chambéry, Monsieur Olivier Rothé, et Monsieur le Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance d’Albertville, Monsieur Patrick Quincy, plusieurs actions de formation ont été entreprises. L’une, tout d’abord à l’égard des professionnels du ski et des activités de sports d’hiver. Il convient de rappeler que le ressort du Tribunal de Grande Instance d’Albertville compte plus de 80 stations de sports d’hiver, soit la moitié du domaine skiable français. Il rassemble les plus grands domaines skiables d’Europe. C’est dans ce contexte que le Ministère Public, constatant que les accidents consécutifs aux avalanches font chaque année de nombreuses victimes en raison de la pratique du ski horspistes, a souhaité s’adresser aux professionnels de la neige. En effet, ils font l’objet de très fortes sollicitations pour ce type de pratique et il n’est pas rare que leur responsabilité pénale soit engagée. Dans ce contexte, il a été décidé, au terme d’une réunion tenue en fin d’année 2010 avec les présidents des syndicats des moniteurs de ski et des guides, de procéder à une action de formation destinée aux professionnels des sports et activités de montagne sous la forme moderne d’un DVD. Ce document a été élaboré et se trouve être diffusé à 17 000 exemplaires. Dans ce film, sont exposés par des professionnels du droit et de la montagne, des situations caractéristiques de faute d’imprudence ou de mise en danger d’autrui susceptibles d’être relevées, tout particulièrement dans le cadre de la pratique du ski hors-pistes en raison des fréquents accidents mortels ou corporels consécutifs aux avalanches. Ce document filmé d’une durée d’environ 90 minutes a été réalisé par un spécialiste des reportages audiovisuels et a été cofinancé par
à l’égard des maires de station de montagne. Une première réunion s’est tenue le 13 décembre 2011 sur le domaine skiable de Courchevel. Elles réunissent : sous l’égide de l’Association Nationale des Maires des Stations de Montagne (ANMSM), les maires des stations de Savoie, mais également les maires d’autres massifs montagneux soucieux d’une discussion sur les problèmes de sécurité. Sous l’égide du Parquet Général et du Parquet d’Albertville, les représentants locaux des professions juridiques et judiciaires, qu’il s’agisse de magistrats, d’avocats, d’enquêteurs du PGHM et de la CRS des Alpes, ainsi qu’un expert en nivologie et les représentants de l’université de Savoie. Cette réunion a été l’occasion d’une visite approfondie du domaine skiable appréhendé sous l’angle de la sécurité et l’examen de la réglementation et des moyens y afférents. Il est maintenant prévu une réunion le 23 mars 2012 à Albertville plus juridique et portant sur la responsabilité des élus à partir de situations concrètes qui ont pu donner lieu à des contentieux administratifs ou judiciaires. Ces affaires significatives permettront aux magistrats, professeurs de droit et avocats d’exposer et commenter des décisions qui donneront lieu à des échanges sous forme de questions - réponses entre maires et exploitants de stations, et professionnels du droit. Dans le même temps, le Ministère Public souhaite aborder le projet d’une meilleure sécurisation des domaines skiables par la création de la fonction de « patrouilleur de pistes ». Il s’agira d’envisager, de redéfinir leurs missions et de voir s’il est possible d’étendre leurs fonctions à des problématiques de sécurisation. Le but bien compris de ces rencontres entre professionnels de la neige et professionnels du droit, est le souci constant des uns et des autres de réduire significativement le nombre de victimes d’accident sur les pistes.
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l’ENSA et les syndicats de moniteurs et de guides. Il a nécessité environ 6 heures d’enregistrement réalisées en juillet 2011 dans un chalet de Méribel (Savoie) mis à disposition pour l’Ecole du Ski Français. Les intervenants sont : - le Capitaine de Gendarmerie, Commandant du PGHM de Savoie, Monsieur Alexis Peltier, - un expert en nivologie inscrit sur la liste des experts de la Cour de Cassation, Monsieur JeanMichel Lambert, - le Doyen de la faculté de droit de Chambéry, Monsieur Fabrice Gauvin, - un moniteur de ski de l’E.S.F, - Monsieur le Procureur de la République, Patrick Quincy. Quatre thématiques ont été retenues, respectivement intitulées « l’enquête », « l’expertise », « le législateur » et « le juge ». Chaque séquence est présentée et commentée par un animateur-modérateur, journaliste de formation, lui-même spécialiste de la montagne (Monsieur Yves Perret). Le président du syndicat des moniteurs de ski, Monsieur Gilles Chabert, a prêté son concours également pour l’introduction et la conclusion du sujet. Ce reportage filmé a un objectif pédagogique. Il fait la synthèse des expériences et des connaissances du sujet propres à chacun des intervenants et se présente sous la forme d’une table ronde permettant un éclairage pratique sur chacun des sujets. Il a été remis à l’Ecole Nationale de Ski et d’Alpinisme (ENSA) et à chacune des 250 écoles de ski français réparties sur le territoire national, mais aussi individuellement à chacun des moniteurs de l’E.S.F. Les représentants des autres écoles de ski, ainsi que les représentants des guides et accompagnateurs de montagne, en ont été également destinataires afin qu’il puisse être distribué et diffusé à leurs membres. Un deuxième axe de formation a été mis en place
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Direct
Dernière actualité Tribunal de Grande Instance d'Albertville - Jugement du 21 février 2012*
la disposition des statuts d'un syndicat local de moniteurs de ski prévoyant que les moniteurs de plus de 61 ans doivent « débrayer » en janvier et mars, constitue une discrimination illicite fondée sur l'âge.
Tribunal de Grande Instance d’Albertville 21 février 2012 Exposé du litige Le Syndicat local des moniteurs de l'Ecole du Ski Français d'Arc 1800 (ciaprès nommé par commodité Syndicat local de l'ESF d'Arc 1800) est un syndicat professionnel regroupant les moniteurs de l'ESF de cette station, Il est affilié au Syndicat National des Moniteurs du Ski Français (SNMSF). Au cours de l'année 2007, le SNMSF a adopté une motion par laquelle il a fixé à 61 ans l'âge à partir duquel il convient de réduire l'activité des moniteurs. Lors d'une assemblée générale tenue e 19décembre 2008, le Syndicat localde1'ESF d'Arc 1800 a décidé, en contradiction avec la motion du SNMSF, que les moniteurs sont permanents jusqu'à 65 ans. Par courrier du 30 décembre 2008, le Président du SNMSF a alors rappelé au Président du Syndicat local de l'ESF d'Arc 1800 les termes de la motion adoptée au niveau national et souhaité la mise en conformité des statuts de ce syndicat local. Lors d'une assemblée générale tenue le 16 avril 2009 les membres du Syndicat local de l'ESF d'Arc 1800 se sont vus proposer le vote alternatif de trois motions présentées comme « Motions retraite » et visant à organiser le débrayage des moniteurs âgés de plus de 61 ans au cours des périodes situées entre les vacances scolaires de Noël-Jour de l’An et celles de février, ainsi qu'entre celles de février et de printemps. La motion adoptée a conduit à la modification de l'article 9 des statuts du Syndicat local désormais rédigé de la manière suivante : « Sont considérés comme membres actifs : - les membres A (moniteurs permanents, enseignant à l'ESF toute la saison) - les membres B (moniteurs occasionnels, enseignant pendant des périodes définies) - les membres C (stagiaires, moniteurs en cours de formation) -les membres D (retraités, moniteurs bénéficiaires du Fonds de Prévoyance restant à disposition de l'ESF) Les moniteurs sont permanents jusqu'à 65 ans. « Cependant: - de 61 à 63 ans le moniteur débraye durant janvier (entre vac. Noël et vac. Fév) - de 63 à 65 ans le moniteur débraye durant janvier et mars (entre vac. scolaires) Total: 24 semaines débrayées en janvier et mars de 61 à 65ans. (Le moniteur susceptible de changer de tranche d'âge en cours de saison du fait de sa date anniversaire finira la saison comme il l'a commencée)... » Au mois de janvier 2010, six moniteurs de l’ESF d'Arc 1800 (dont certains sont demandeurs à la présente instance) ont saisi la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité (HALDE) d'une réclamation relative à la restriction ainsi imposée dans l'exercice de leur activité professionnelle et fondée sur le critère de l'âge. Par ailleurs, par acte d'huissier délivré le 1er mars 2010, Monsieur Patrice B, Madame Marie-Jo L épouse P, Monsieur Abdel L, Monsieur Francis D, Monsieur Jean-Marc G et Monsieur Pierre R ont fait assigner le
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Syndicat local des moniteurs du ski Français d'Arc 1SOO devant le Tribunal de Grande Instance d'Albertville aux fins de voir dire que la disposition des statuts rappelée ci- dessus constitue une discrimination et qu'elle doit être supprimée. Ils sollicitent également l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi. Par délibération du 29 novembre 2010, la HALDE, après avoir reçu les observations du Syndicat local ESF d'Arc 1800, a décidé de présenter ses observations devant le tribunal de grande instance d'Albertville conformément à l'article 13 de la loi du 30 octobre 2004 portant création de cette autorité administrative indépendante, ce qu'elle a fait par écritures signifiées le 21 janvier 2011. Monsieur le Procureur de la République du tribunal de grande instance d'Albertville a sollicité la communication du dossier, et par courrier du 11 juillet 2011 il a indiqué s'en rapporter à la décision qui sera rendue pal' le tribunal, et souhaiter être présent à l'audience pour y faite connaître son avis si nécessaire. Les parties ont conclu et, par ordonnance du juge de la mise en état du 29 juin 2011, l'affaire a été clôturée à la date du 19 octobre 2011 et renvoyée à l'audience du 22 novembre 2011, à laquelle il a été indiqué que le jugement serait rendu le 21 février 2012. Vu les observations présentées par le Défenseur des Droits, venant aux droits de la HALDE, par écritures signifiées le 6 juin 2011, aux tenues desquelles il estime que la mesure de débrayage imposée par le Syndicat local de l'ESF d'Arc 1800 caractérise une discrimination fondée sur l'âge en matière de travail indépendant et de conditions de travail au regard de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008. Vu les conclusions de Monsieur Patrice B, Madame Made-Jo L épouse P, Monsieur Francis D, Monsieur Jean-Marc G et Monsieur Pierre R, signifiées le 29 avril 2011, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, aux termes desquelles ils demandent en dernier lieu de : , -dite et juger que la disposition contenue dans les statuts du Syndicat local des moniteurs de l'ESF l'Arc 1800 : Cependant : de 61 à 63 ans le moniteur débraye durant janvier (entre vac. Noël et vac. Fév) de 63 à 65 ans le moniteur débraye durant janvier et mars (entre vac. scolaires) Total: 24 semaines débrayées en janvier et mars de 61 à 65 ans. (le moniteur susceptible de changer de tranche d'âge en cours de saison du fait de sa date anniversaire finira la saison comme il l'a commencée). » constitue une discrimination, - en conséquence, dite et juger que cette disposition devra être supprimée, - condamner le Syndicat local des moniteurs de l'ESF d'Arc 1800 à payer à chacun des demandeurs la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts, - condamner le même à payer aux demandeurs la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, -déclarer le Syndicat local des moniteurs de l'ESF d'Arc 1800 mal fondé en ses demandes, l'en débouter, - ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, ~ condamner le Syndicat local des moniteurs de l'ESF d'Arc 1800 aux dépens qui seront recouvrés par la SCP M conformément àl'article699 du code de procédure civile, Il convient à ce stade de souligner que Monsieur Abdel L, bien que ne s'étant pas désisté expressément de ses demandes, ne forme plus aucune demande.
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Direct
© P.Huart
Haute-Maurienne, Vanoise
Vu les conclusions du Syndicat local des moniteurs de l'ESF d'Arc 1800, signifiées le 14 octobre 2011, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, aux termes desquelles il demande en dernier lieu de : - vu l'article 225-2 du code pénal, - à titre principal, prononcer la nullité de la procédure, - à titre subsidiaire, constater que la fixation à 61 ans de l'âge à partir duquel les moniteurs de l'ESF doivent réduire leur activité est justifiée par un motif légitime et proportionné, -rejeter l'intégralité des demandes de Messieurs B, P, L, D, G et R, et déclarer l'intervention du Défenseur des Droits mal fondée, - condamner solidairement les demandeurs à verser au Syndicat local des moniteurs de l'EsF d'Arc 1800 la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts, - condamner les mêmes à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous dépens qui seront reconnus conformes à l'article 699 du code de procédure civile, - mettre solidairement à la charge des demandeurs, en cas d'exécution forcée de la décision à intervenir, les sommes retenues par l'huissier de justice instrumentaire au titre de l'article 10 du décret 2001-212 du 8 mars 2001. A l'audience de plaidoirie du 22 novembre 2011, Monsieur le Procureur de la République a déclaré s'en rapporter à la décision du tribunal. Motifs et décision 1/ Sur la régularité de la procédure et l'intervention du Défenseur des Droits
A titre liminaire le Syndicat local de l'ESF d'Arc 1800demande que soit prononcée la nullité de la procédure, sans toutefois que ce moyen soit développé dans ses dernières conclusions. Cependant, ce moyen avait été développé dans ses premières conclusions en défense en date du 30 juin 2010 et ce sur le fondement de l'article 56 du code de procédure civile pour défaut de mention des moyens de droit dans l'assignation. En application de l'article 56-2° du code de procédure civile, l’assignation contient, notamment, à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit.
En l'espèce, 1’assignation délivrée au Syndicat local de l'ESF d'Arc 1800 ne contient aucun visa des textes invoqués à l'appui de la demande, mais les demandeurs y ont expliqué très clairement qu'ils entendent voir reconnaître le caractère discriminatoire de la disposition litigieuse et obtenir réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi de ce fait. Ces éléments suffisent à définit l'objet de la demande et son fondement juridique. Les exigences de l'article 56 du code de procédure civile sont ainsi remplies et l'assignation du 1er mars 2010 n'encourt aucune annulation. La HALDE est intervenue à l'instance conformément aux dispositions de l'article 13 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004, modifiée par la loi n°2006-396 du 31 mars2006. Une loi n° 2011-333 du 29 mars2011 a créé le Défenseur des Droits, lequel a conservé les compétences et les pouvoirs de la HALDE en matière de lutte contre les discriminations. Ce dernier texte a expressément prévu que les actes valablement accomplis précédemment par la HALDE sont réputés l'avoir été par le Défenseur des Droits, lequel succède automatiquement à la première dans les procédures en cours. Ainsi, il convient de recevoir le Défenseur des Droits en ses observations. 2/ Sur le statut applicable au Syndicat local de l'ESF d'Arc 1800
Le défendeur soutient qu'il est une association régie par la loi du 1er juillet 1901. Toutefois, la lecture des statuts de ce syndicat, et notamment son article 1 (pièce n°5 des demandeurs, statuts annexés au courrier officiel du conseil du Syndicat local en date du 10 novembre 2009) révèle qu'il s'agit d'un syndicat professionnel soumis à la loi du 21 mars 1884, relative à la création des syndicats professionnels (modifiée par les lois du 12mars 1920 et du 25 février 1927), ces textes ayant été depuis abrogés et remplacés notamment par les articles L. 2131-1 et suivants du code du travail. Ce point a pour effet de rendre inopérants tous les développements du défendeur relatifs au statut des associations, même si de nombreuses similitudes existent avec les syndicats professionnels. En effet, l'aspect professionnel du syndicat local de l'ESF d'Arc 1800 est primordial et il a pour objet, comme il est précisé aux statuts : 1/- de regrouper sur le plan local les moniteurs de ski, adhérant au SNMSF, de la station des Arcs 1800,
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Direct - de resserrer les liens de confraternité qui doivent exister entre les membres d'une même profession, - d'assurer sur le plan local l'étude el la défense des intérêts professionnels de ses membres et d'agir en justice pour le compte de ceux-ci, - de créer à l'échelon local toutes caisses de secours et œuvres sociales intéressant ses membres ou leur famille, après avis du SNMSF, - d'acheter pour mettre à disposition de ses membres, les biens collectifs nécessaires à l'exercice de leur profession, - de s'entremettre gratuitement pour le placement des services de chacun de ses membres; ces services devront concourir directement et exclusivement à la réalisation des actes d'enseignement effectués par ses membres, -d'acquérir, prendre bail, louer tous immeubles bâtis ou non, utiles au bon fonctionnement du syndicat local, - de participer à toutes manifestations sportives, artistiques ou autres destinées à encourager le développement du ski en France, tes organiser, les financer, - de participer à toutes initiatives intéressantes de chacun de ses membres en vue de développer la profession. " L'un des objets principaux du syndicat, celui en cause dans le présent litige est la répartition du travail (cours collectifs de ski et leçons particulières) entre les membres, en fonction des critères qu'il a définis, et dans le respect des lois françaises, ainsi que le rappelle l'article 40 des statuts.
a. Sur l'e xistence d'une discrimination En l'espèce, la motion votée par l'assemblée générale du Syndicat local de l'ESF d'Arc 1800 le 16 avril 2009 a bien pour objet et pour effet d'écarter du tour de rôle pendant une période déterminée les moniteurs âgés de plus de 61 ans. Il s'agit donc d'une restriction dans l'exercice de leur profession et l'accès à la clientèle normalement mise à leur disposition par l'intermédiaire du syndicat. Le fait que les moniteurs soient des travailleurs indépendants importe peu à cet égard, la discrimination par l'âge étant interdite y compris en matière de travail indépendant ou non salarié, ainsi qu'en dispose l'article 2 de la loi du 27 mai 2008 précitée. De plus, le fait que les moniteurs aient la possibilité de recourir à une clientèle personnelle lors de ces périodes d'inactivité forcée au sein de l'ESF, est également indifférent, puisque pour qu'il y ait discrimination, il faut et il suffit que la personne, en raison de son âge, se voie refuser l'accès à la possibilité de travailler, alors que les autres personnes dans une situation comparable, mais d'un âge différent (les moniteurs de moins de 61 ans en l'occurrence) y ont accès normalement. Or, les moniteurs - qu'ils soient âgés de moins ou de plus de 61 ans – ont tous la possibilité de recourir à une clientèle personnelle, mais du fait de la disposition adoptée par le syndicat local, pendant les périodes déterminées, ceux de moins de 61 ans ont également accès aux cours distribués par l'ESF à la différence des moniteurs de plus de 61 ans, ce qui constitue bien une discrimination directe fondée sur l'âge.
3/ Sur le fond
En application de l'article 1er de la loi n° 2008·496 du 27 mai2008, constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par l'apport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés. La discrimination inclut : 1° Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant; 2° le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2. L'article 2 de cette même loi dispose notamment que, sans préjudice de l'application des autres règles assurant le respect du principe d'égalité: 2° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l'appartenance ou la non-appartenance vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, la religion ou les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle est interdite en matière d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d'avantages procurés par elle, d'accès à l'emploi, d'emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que de conditions de travail et de promotion professionnelle. Ce principe ne fait pas obstacle aux différences de traitement fondées sur les motifs visés à l'alinéa précédent lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée. L'article 3 prévoit qu'aucune personne ayant témoigné de bonne foi d'un agissement discriminatoire ou l'ayant relaté ne peut être traitée défavorablement de ce fait. Aucune décision défavorable à une personne ne peut être fondée sur sa soumission ou son refus de se soumettre à une discrimination prohibée par l'article 2. Enfin, l'article 4 de cette loi dispose que toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Les dispositions de l'article 225-2 du code pénal invoquées en défense sont par ailleurs inopérantes, le présent litige se situant exclusivement sur le terrain civil.
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b. Sur l'e xistence d'un motif légitime et proportionné Le Syndicat local de l'ESF d'Arc 1800 invoque tout d'abord le fait que les demandeurs ont voté la motion aujourd'hui contestée et qu'ainsi ils seraient mal venus de la critiquer aujourd'hui. Toutefois, il convient de rappeler que l'article 3 alinéa 2 de la loi du 27 mai 2008 précité dispose qu'aucune décision défavorable à une personne ne peut être fondée sur sa soumission ou son refus de se soumettre à une discrimination prohibée par l'article 2. Ainsi, le fait pour les demandeurs d'avoir participé au vote de la motion litigieuse, voire d'avoir voté en faveur de cette motion, ne peut pas leur interdire de dénoncer la discrimination dont ils s'estiment victimes. Le Syndicat local invoque également le fait que la discrimination par l'âge instituée par la motion contestée serait justifiée par un motif légitime et proportionné, à savoir la volonté de favoriser l'accès des jeunes moniteurs à l'emploi. Conformément aux dispositions rappelées ci-dessus de l'article 4 de la loi du 27 mai 2008, dès lors que l'existence de la discrimination est établie, il appartient au défendeur de rapporter la preuve de ce que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. En premier lieu il convient de rappeler que la loi du 27 mai 2008 est la transposition en droit français d'une directive communautaire. La jurisprudence communautaire et nationale, mais également les avis rendus par la HALDE, établissent que seul l'Etat a compétence pour déterminer les possibilités de déroger au principe de non discrimination par l'âge, la différence de traitement fondée sur l'âge devant être objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et les moyens pour réaliser cet objectif devant être appropriés et nécessaires. De surcroît, conformément à l'article 2 de cette loi, une telle différence de traitement doit répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante. En l'espèce, il est constant que le Syndicat local de l'ESF d'Arc 1800 a entendu mettre en place une discrimination fondée sur l'âge en dehors de toute réglementation nationale. En effet, les textes réglementant l'exercice de la profession de moniteur de ski ne prévoient aucune limite d'âge particulière. La seule limite à laquelle il peut éventuellement être fait référence de manière purement objective est celle de l'ouverture des droits à la retraite, ce qui n'est pas le cas dans le présent litige. Par ailleurs, l'objectif (revendiqué par le Syndicat local de l'ESF d'Arc 1800) consistant à favoriser l'accès à l'emploi des jeunes moniteurs, ne pourrait être retenu comme légitime qu'à la condition que la discrimination à laquelle il est recouru pour ce faire soit nécessaire et proportionnée à l'objectif visé et réponde à une exigence professionnelle essentielle et déterminante. Or, il résulte des documents produits que la répartition du travail entre les moniteurs au sein de l'ESF d'Arc 1800 se fait depuis les années 1990 suivant un tour de rôle qui ne favorise aucune classe d'âge par rapport aux autres. Le roulement se fait en effet de manière équitable entre tous les moniteurs, selon un "planning tournant" adopté dès l'année 1990 (pièces n° 6 à 16 des demandeurs). Le Syndicat local ne produit aucun élément de nature à contredire l'existence de ce planning.
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Direct La mesure discriminatoire adoptée par le Syndicat local de l’ESF d'Arc 1800 n'apparaît ainsi ni justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, ni nécessaire et proportionnée à l'objectif visé ; elle ne répond pas à une exigence professionnelle essentielle et déterminante. Elle doit donc être déclarée illicite et retirée des statuts de ce syndicat conformément à la demande.
Mont Cenis
4/ Sur les autres demandes
La discrimination étant établie au préjudice des demandeurs, il convient de leur allouer à chacun la somme de 1€ à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi. Le Syndicat local de l'ESF d'Arc 1800 demande à titre reconventionnel des dommages et intérêts. Toutefois, dès lors que les demandeurs triomphent en leur demande, aucun abus ne peut être établi à leur encontre et la demande reconventionnelle sera rejetée. Il serait inéquitable de laisser à la charge des demandeurs la totalité des frais exposés, et non compris dans les dépens, Il convient en conséquence de leur allouer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Aucune considération d'équité ne commande de faire application de ces mêmes dispositions au profit du Syndicat local de l'ESF d'Arc 1800 qui succombe. L'ancienneté du litige justifie que soit ordonnée l'exécution provisoire du présent jugement. Enfin le Syndicat local de l'ESF d'Arc 1800, qui succombe à titre principal, supportera les entiers dépens avec distraction au profit des avocats de la cause, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
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Par ces motifs
Ainsi les places libérées par les moniteurs exclus du tour de rôle en janvier et mars profitent non pas exclusivement aux jeunes moniteurs, mais à l'ensemble de ceux qui sont maintenus en exercice. L'effet sur l'accès à l'emploi des jeunes moniteurs est donc tout à fait marginal. A cet égard, la seule attestation établie par le syndicat lui-même (pièce n°3 du défendeur en date du 23 novembre 2010) indiquant que le débrayage des moniteurs les plus âgés aurait permis l'embauche d'un jeune moniteur ne peut être considérée comme probante, nul ne pouvant se constituer de preuve à lui-même. De plus, il est établi par les pièces produites (pièce n° 5 des demandeurs, convention entre les moniteurs ESF annexée au courrier officiel du conseil du Syndicat local en date du 10 novembre 2009) que les jeunes moniteurs payent au syndicat une cotisation de 40 % du montant de leurs honoraires la 1ère année, tandis que les plus anciens ne payent que 8 % à partir de la 21ème année (le taux étant dégressif dès la 2ème année). Or il n'apparaît pas que le montant des honoraires soit différent suivant l'ancienneté du moniteur, Ainsi, le syndicat local a un intérêt, lors des périodes creuses, à favoriser le travail des plus jeunes au détriment des plus anciens, et ce non pas au seul bénéfice de l'emploi des plus jeunes, mais également à son propre bénéfice financier. L'argument selon lequel le moniteur âgé de plus de 61 ans en ayant la possibilité de faire valoir ses droits à la retraite ne subirait pas de diminution de ressources ne saurait non plus être retenu, en ce que l'entrave à l'exercice normal de son activité économique créée par la mesure discriminatoire a nécessairement pour effet: -soit, d'entraîner une diminution voire une décote du montant de sa pension de retraite, si celui-ci décide d'anticiper sa retraite, - soit, d'entraîner la diminution du montant de ses cotisations et donc de ses droits futurs, si celui-ci décide de ne pas anticiper sa retraite. Enfin, il n'est pas justifié par le Syndicat local de l'ESF d'Arc 1800 de ce que la mise à l'écart des moniteurs les plus âgés, pendant certaines périodes seulement, répondrait à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, par exemple en matière de sécurité ou de compétence (ce qui est sous-entendu dans le courrier adressé au Syndicat local par le Président du SNMSF le 30 décembre2008). Rien ne permet en effet d'affirmer que les moniteurs de plus de 61 ans seraient moins aptes que les autres à assurer la sécurité de leurs élèves, ou moins compétents pour enseigner leur discipline,
Le tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe, Dit que l'assignation délivrée au Syndicat local des moniteurs de l'Ecole du Ski Français d'Arc 1800 le 1er mars 2010 est régulière et l'action de Monsieur Patrice B, Madame Marie- Jo L épouse P, Monsieur Abdel L, Monsieur Francis D, Monsieur Jean-Marc G et Monsieur Pierre R recevable; Reçoit les observations du Défenseur des Droits; Dit que la disposition des statuts (contenue dans l'article 9) du Syndicat local des moniteurs de l'Ecole du Ski Français d'Arc 1800 adoptée lors de l'assemblée générale du. 16 avril 2009 et rédigée comme suit : « Cependant -de 61 à 63 ans le moniteur débraye durant janvier (entre vac. Noël et vac. Fév) - 63 à 65 ans le moniteur débraye durant janvier et mars (entre vac. scolaires) Total : 24 semaines débrayées en janvier et mars de 61 à 65ans. (le moniteur susceptible de changer de tranche d’âge en cours de saison du fait de sa date anniversaire finira la saison comme il l'a commencée). » Constitue une discrimination illicite fondée sur l'âge ; Dit en conséquence que cette disposition doit être retirée des dits statuts; Condamne le Syndicat local des moniteurs de l'Ecole du Ski Français d'Arc 1800 à payer en réparation du préjudice moral subi; - à Monsieur Patrice B la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts, - à Madame Marie-Jo L épouse P la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts, - à Monsieur Francis D la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts, - à Monsieur Jean-Marc G la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts, - à Monsieur Pierre R la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts; Constate que Monsieur Abdel L ne forme plus aucune demande; Déboute le Syndicat local des moniteurs de l'Ecole du Ski Français d'Arc 1800 de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts; Condamne le Syndicat local des moniteurs de l'Ecole du Ski Français d'Arc 1800 à payer à Monsieur Patrice B, Madame Marie-Jo L épouse P, Monsieur Francis D, Monsieur Jean-Marc G et Monsieur Pierre R la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile; Dit n'y avoir lieu à application de ces mêmes dispositions au profit du Syndicat local des moniteurs de l'Ecole du Ski Français d'Arc 1800 qui succombe. Président: Dominique Murgat, Vice-Présidente - Assesseurs : Alyette Fouchard; Sylvain Schwindenhammer * Décision non définitive
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Les Annonces de la Seine - Supplément au numéro 16 du lundi 5 mars 2012
Jurisprudence
Décisions commentées par Charlotte Trolez et Maurice Bodecher
Contentieux administratif Tribunal administratif de Grenoble Jugement 0803221 - 20 septembre 2011 Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2008, présentée pour M. A, demeurant …, par Me Liger; M. A demande au tribunal : - de condamner la Régie des pistes de Tignes à lui verser la somme de 127 100 euros en réparation du préjudice subi à la suite de son accident de ski sur la piste des Bleuets ; - de mettre à la charge de la Régie des pistes de Tignes les entiers dépens ; Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2009, présenté pour la Régie des pistes de Tignes, représentée par son représentant légal, par Me Cordel, qui conclut à l'incompétence de la juridiction administrative, au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 1.761-1 du code de justice administrative ; Vu le mémoire, enregistré le 3 juillet 2009, présenté pour la commune de Tignes, représentée par son maire en exercice, par Me Favet, qui conclut à l'incompétence de la juridiction administrative, à la mise hors de cause de la commune, au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A d'une somme de 1.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu la réclamation préalable ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2011 : - le rapport de Mme Paquet ; - les conclusions de M. Morel, rapporteur public ; - et les observations de Me Liger, représentant M. A, les observations de Me Cordel, représentant la Régie des pistes de Tignes et les observations de Me Chereau, substituant Me Favet, représentant la commune de Tignes ; Sur l'e xception d'incompétence opposée par la Régie des pistes de Tignes et la commune de Tignes : Considérant que l'exploitation des pistes de ski, incluant notamment leur entretien et leur sécurité, constitue un service public industriel et commercial, même lorsque la station de ski est exploitée en régie directe par la commune; qu'en raison de la nature juridique des liens existant entre les services publics industriels et commerciaux et leurs usagers, lesquels sont des liens de droit privé, les tribunaux judiciaires sont seuls compétents pour connaître d'un litige opposant une victime à un exploitant de la station de ski, que la responsabilité de l'exploitant soit engagée pour faute ou sans faute; que dès lors, la responsabilité de la Régie des pistes de Tignes en tant qu'exploitant de la station de ski ne peut pas être recherchée devant le juge administratif ; Qu’ainsi, la requête présentée par M. A sur ce fondement doit être rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
Décide : Article 1er : Les conclusions de la requête présentée par M. A et dirigées contre la Régie des pistes de Tignes sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître. Article 2 : Les conclusions de la Régie des pistes de Tignes et de la commune de Tignes tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A, à la Régie des pistes de Tignes et à la commune de Tignes.
Commentaire Un skieur expérimenté fait une chute soudaine sur une piste ouverte aux usagers. Il impute cet accident au fait que la piste "s'interrompait brutalement et donnait lieu à un dénivelé abrupt non signalé". Pour lui, le balisage qui s'imposait n'était pas en place pour matérialiser ce dénivelé. Nous n'aurons pas ici la réponse sur le bien fondé de ce reproche, car notre attention se concentre sur une question préalable : devant quelle Juridiction introduire l'instance ? Une analyse trop succincte conduit à penser que le Maire chargé de la Police Municipale, par référence aux articles L 2212-1 et L 2212-2 du Code des Collectivités Territoriales, doit répondre d'une faute éventuelle devant la Juridiction administrative, de même à priori que la Régie des Pistes chargée du balisage et de l'entretien des parcours ouverts aux usagers des pistes. En réalité, il n'en est rien depuis l'arrêt B. (CE 19 février 2009, 2ème et 7ème s. réunies, n° 293020, publiée au recueil Lebon). Mettant un terme à une longue polémique sur le choix de la Juridiction chargée d'analyser les accidents de ski lors de la descente et lorsque se trouve débattre la notion d’entretien ou de balisage des pistes, le Conseil d'Etat s'est déclaré incompétent au profit des Juridictions Judiciaires. Le jugement ci-dessus reprend avec précision ce raisonnement : La question de la sécurité et de l'entretien des pistes s’inscrit dans la notion plus large de service public industriel et commercial, et cela, quand bien même cette mission serait remplie par la Commune, en régie directe. Cette appréciation est cohérente, car la plupart des stations de ski ont un service des pistes intégré à la société d'exploitation des remontées mécaniques, de sorte que la notion de service industriel et commercial fait partie du paysage culturel et juridique des zones de sport d’hiver. En revanche, il convient de redoubler de prudence pour ne pas saisir une Juridiction incompétente, par exemple lorsqu'il s'agit d'un accident sur un snowpark, dont le contentieux relève désormais du Juge civil.
Cour Administrative d'Appel de Lyon Chambre 6 / Arrêt 10LY00710 - 12 mai 2011 La Cour,
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A les sommes demandées par la Régie des pistes de Tignes et la commune de Tignes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2010, présentée pour les consorts A, domiciliés … ; Ils demandent à la Cour : 1) d'annuler le jugement n00704382 du 19 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à ce que la commune de Chamrousse soit déclarée responsable des
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Jurisprudence conséquences dommageables de l'accident de ski dont M. Claude A a été victime le 20 avril 2006 ; 2) de prescrire une expertise médicale en vue de déterminer l'étendue de ses préjudices et de ceux de son épouse et de ses enfants; 3) de condamner la commune de Chamrousse à lui verser une indemnité provisionnelle de 20 000 euros; 4) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et d'assortir les indemnités qui seront allouées des intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2007 ; Ils soutiennent que le maire a commis une faute dans l'exercice de son pouvoir de police, par défaut de signalisation des rochers sur le lieu de l'accident; aucun panneau ne permettait à M. Claude A de savoir qu'il aurait dû éviter d'emprunter un parcours ne présentant pas de danger apparent; le passage était régulièrement emprunté par les skieurs; les rochers étaient difficilement discernables; le passage emprunté était d'autant plus difficile que la neige était très dure et verglaçante à l'abord ombragé des sapins ; Vu le jugement attaqué ; Vu, enregistré le 2 juin 2010, un mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Essonne tendant à la condamnation de la commune de Chamrousse à lui payer une somme de 350 611,61 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 février 2008, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 966 euros, et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu, enregistré le 18 juin 2010, un mémoire présenté pour la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile de France (CRAMIF), tendant à la condamnation de la commune de Chamrousse à lui verser la somme de 212 517,97 euros au titre de ses débours et la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu, transmis par télécopie le 8 avril 2011, confirmée le 12 avril 2011, un mémoire en défense présenté pour la commune de Chamrousse tendant au rejet de la requête et à la condamnation des requérants à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative; à titre subsidiaire, elle demande que la responsabilité contractuelle de la SAS Chamrousse développement soit reconnue à son égard ; Elle soutient que: la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur les demandes des époux A qui ont trait aux rapports entre le service public industriel de l'exploitation des pistes et un usager de ce service; l'accident n'a pas eu lieu sur une piste bleue, ni d'ailleurs sur une piste du domaine skiable de Chamrousse; M. A n'a pas heurté un obstacle non signalé ; sa chute résulte d'une faute technique, survenue sur un parcours hors piste; il n'a pas été confronté à un danger exceptionnel ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 avril 2011 : - le rapport de Mme Steck-Andrez, président-assesseur ; - les observations de Me Dursent, substituant Me le Gulludec, avocat de la commune de Chamrousse et de Me Favre, avocat de la CRAMIF ; - et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public; la parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ; Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, la police municipale a pour objet notamment de prévenir par des précautions convenables les accidents et qu'il appartient au maire de signaler spécialement les dangers excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent personnellement, par leur prudence, se prémunir ; Considérant qu'il résulte en particulier du rapport de police que, le 20 avril 2006, alors qu'il skiait dans la station de Chamrousse, M. A s'est engagé sur un parcours hors-piste pour rejoindre un autre secteur de la station et qu'il a été victime d'une chute sur les rochers situés sur les bas- côtés du chemin ; Considérant qu'il est constant que des skieurs empruntaient habituellement le parcours hors- piste suivi par M. A ; que, dès lors, le maire ne devait prendre les dispositions convenables pour assurer la sécurité des skieurs sur ce chemin, notamment par une signalisation appropriée, qu'en cas de danger exceptionnel; qu'en l'espèce, le chemin emprunté par M. A, très étroit, serpentait entre les arbres; que les photographies prises lors du constat de police montrent un faible enneigement laissant apparaître en bordure du chemin des plaques
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d'herbes et des rochers parfaitement visibles; qu'ainsi, le danger constitué par la présence de ces rochers aisément décelable ne présentait pas un caractère exceptionnel en zone de montagne et n'excédait pas celui contre lequel un skieur devait se prémunir par un comportement attentif et prudent; que dès lors, en ne signalant pas la présence de rochers en bordure de ce chemin, le maire de la commune de Chamrousse n'a pas commis de faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police; qu'il en résulte que les consorts A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Chamrousse; que, par voie de conséquence, il ya lieu de rejeter leurs demandes d'expertise et d'indemnité provisionnelle ainsi que les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative; qu'il ya lieu également de rejeter les demandes présentées par la CPAM de l'Essonne et la CRAMIF ; Décide : - la requête des consorts A est rejetée. - les demandes de la CPAM de l'Essonne et de la CRAMIF sont rejetées. - le présent arrêt sera notifié à M. Claude A, à Mme Nadine A, à la commune de Chamrousse, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne et à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile de France.
Commentaire Le hors piste de proximité est une notion difficile à cerner, notamment lorsque le skieur se trouve proche des pistes de ski balisées. Pourtant, les conséquences ne sont pas neutres en terme de recherche de responsabilités. Dans l’affaire en cause, un skieur a décidé de quitter les pistes de ski balisées et de s’engager dans un parcours hors-pistes, sur lequel il a chuté et s’est blessé. Il peut être surprenant de constater que le contentieux ait été engagé devant les juridictions administratives, le Conseil d’Etat ayant eu l’occasion de se prononcer sur la compétence des juridictions en matière d’accident de piste, avec un dernier arrêt en date du 19 février 2009 : « Considérant que l'exploitation des pistes de ski, incluant notamment leur entretien et leur sécurité, constitue un service public industriel et commercial, même lorsque la station de ski est exploitée en régie directe par la commune ; qu'en raison de la nature juridique des liens existant entre les services publics industriels et commerciaux et leurs usagers, lesquels sont des liens de droit privé, les tribunaux judiciaires sont seuls compétents pour connaître d'un litige opposant une victime à une commune en sa qualité d'exploitant de la station. » (Conseil d’Etat Sous-sections 2 et 7 réunies 19 février 2009 N° 293020) Si ce moyen a été soulevé par la commune en défense, les juges du fond ne se sont pas pour autant déclarés incompétents et ont apprécié la responsabilité de la commune au regard notamment des obligations du maire dans l’e xercice de ses pouvoirs de police. La jurisprudence admet que la responsabilité de la commune puisse être recherchée si l’accident se produit en dehors des pistes balisées, ce qui est le cas en l’espèce. Mais rappelons que dans le cadre d’un accident survenu sur les pistes de ski, la responsabilité de la commune peut également être recherchée en cas de faute du maire dans l’e xercice de ses pouvoirs de police, en tant qu’e xploitant du domaine skiable dans le cadre d’une régie ou encore pour défaut d’entretien d’un ouvrage public. Si le pouvoir de police du maire ne se délègue pas, il en va différemment de la sécurisation du domaine qui peut être, quant à elle, confiée à un tiers. En l’espèce, le juge a relevé que ce chemin était habituellement emprunté par les skieurs. La question posée aux magistrats est donc de savoir si le maire aurait dû signaler la présence de rochers à proximité du chemin emprunté. A cet égard, le juge administratif a considéré que si le chemin emprunté par M. A était étroit et serpentait entre les arbres, la présence de rochers en bordure de ce chemin ne présentait pas un caractère exceptionnel en zone de montagne et n’e xcédait pas celui contre lequel un skieur doit se prémunir par un comportement attentif et prudent. Le juge administratif retient donc que le maire de la commune n’a commis aucune faute dans l’e xercice de ses pouvoirs de police en ne signalant pas la présence de ces rochers, et confirme en cela le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 19 janvier 2010.
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Jurisprudence
Pistes
Cour de cassation, 2ème chambre civile 1er juin 2011 - Pourvoi 10-15384
Haute-Maurienne, Vanoise
La Cour,
Par ces motifs : Rejette le pourvoi ; Condamne M. X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille onze. (…)
Commentaire La preuve par quatre qu'une rédaction précise d'un procès-verbal de gendarmerie évite bien des errements ! La situation est la suivante : un skieur perd l'équilibre sur un monticule de neige dure, part en glissade et vient percuter la partie métallique d'un enneigeur reposant sur le sol. La question préalable indispensable à se poser est : où l'accident s'est-il exactement déroulé ? La scène du lieu de la chute fait l'objet d'un constat d'huissier, dans lequel il est noté au surplus par l'instrumentaire "voulant vérifier la présence de glace, je déchausse mes skis et m'approche prudemment du canon défectueux. A peine ai-je mis le pied sur la glace qui entoure ce canon, que mon pied se dérobe et je glisse sur le dos sur 20 à 30 mètres environ /…/". Résultat pour ledit professionnel : une côte fracturée… Les huissiers de montagne n'e xercent pas leur métier sans risques.
© L.Collinet
Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 19 janvier 2010), que M. X... a été victime d'un accident de ski alors qu'il évoluait sur une piste du domaine skiable exploité par la société d'aménagement de La Plagne ; qu'il a assigné devant un tribunal de grande instance cette société en responsabilité et en indemnisation de son préjudice ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie de Roanne en déclaration de jugement commun ; Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande ; Mais attendu que l'arrêt retient notamment que la piste de l'accident n'est ni balisée ni entretenue ; qu'il est parfaitement établi qu'au moment de l'accident, la piste, empruntée par M. X... et son groupe était fermée et signalée comme telle à son origine ; qu'en skiant sur une piste fermée, M. X… a contrevenu à l'arrêté municipal réglementant l'usage des pistes de ski de la commune de Macôt La Plagne, et s'est exposé sciemment aux risques en raison desquels la piste avait été fermée ; que dans ces conditions, aucune faute ne peut être retenue contre la société, la piste potentiellement dangereuse compte tenu de son enneigement défectueux et de travaux sur le canon à neige ayant été fermée au public ; Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, statuant en application des dispositions de responsabilité délictuelle seules invoquées par les parties, a pu, sans encourir les griefs du moyen, dire que la société n'était pas responsable du dommage subi par le skieur victime de l'accident ; D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ; Il est raisonnable d’envisager que si une piste représentant un tel danger a été laissée ouverte accessible aux usagers, la faute du service des pistes s’avère manifeste. Cependant, cette observation générale ne suffit pas. Il faut en effet préalablement déterminer avec précision le lieu de l’accident, duquel va dépendre le régime juridique applicable. L'arrêté municipal décline l'interdiction d'emprunter une piste "fermée", car précisément la fermeture de la piste témoigne du fait que la sécurité ne peut pas être correctement assurée sur le parcours. En l’espèce, les premiers juges (TGI Albertville) avaient été trompés par une rédaction défectueuse du procès-verbal de transport sur les lieux établi par la Gendarmerie : les sauveteurs avaient déclaré avoir effectué la dépose par hélicoptère sur une piste ouverte. En réalité, une lecture plus précise aurait permis de constater que cette dépose à l’occasion des secours s'était effectuée en fait à distance du lieu d'intervention, nécessitant de parcourir à pied une zone de neige vierge. En revanche, la piste sur laquelle l'accident de l'usager s'était produit était bien fermée au public. Après avoir constaté que la signalétique était bien en place, le débat juridique pouvait s'instaurer devant la Cour d'Appel de Chambéry. Dès l'acte introductif d'instance, le fondement juridique reposait sur l'article 1384 alinéa 1 du Code Civil, en ciblant l'enneigeur défectueux, posé au sol, et producteur de glace. Ce raisonnement invitait dès lors à rechercher si la chose "occupe une position anormale ou se trouve en mauvais état" (pour une décision de rejet à propos d'une cabane de téléskis en bas d'une piste verte : CA Grenoble, 2ème Ch. Civ., 10 décembre 2003, Gaz. Pal. Février 2007, Spécial Droit du Ski).
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Jurisprudence Aussi, dans leur arrêt du 19 janvier 2010, les magistrats de la Cour d'Appel de Chambéry se fondent sur une analyse purement délictuelle de la responsabilité. Tout d'abord, aucune faute n'était retenue au sens de l'article 1382 du Code Civil à l'encontre de l'exploitant, dès lors que la piste potentiellement dangereuse (compte tenu de son enneigement défectueux et des travaux sur le canon à neige) était fermée au public. Puis, sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 du Code Civil, la Cour retenait que la structure même du canon à neige était parfaitement à sa place et protégée, et que la partie potentiellement dangereuse avait justifié précisément la fermeture de la piste. C'est ce raisonnement qui a été approuvé par la Haute Juridiction. Les défenseurs de l’application, dans un tel cas, de la responsabilité contractuelle feraient sans doute remarquer qu'ils seraient parvenus, quant à eux, à une solution identique en stigmatisant l'attitude du skieur qui contrevient à l'arrêté municipal réglementant l'usage des pistes de ski, lequel interdit d'emprunter une piste fermée. L’obligation de sécurité de l’exploitant était donc, sous cet angle, parfaitement respectée.
Cour de cassation - 1ère chambre civile 17 février 2011 - Pourvoi 09-71880
Mais attendu qu'ayant retenu que l'endroit où le skieur avait quitté la piste présentait un danger particulier du fait de la présence d'un torrent situé en contrebas, et que l'accident ne se serait pas produit si un filet de protection avait été placé entre le mélèze et le premier piquet maintenant le filet existant, à l'endroit où la victime avait quitté la piste, la cour d'appel qui en a déduit, en l'absence de toute faute prouvée de la victime, que l'exploitant, tenu d'une obligation de moyens, avait manqué à son obligation générale de sécurité, en négligeant non seulement de procéder à cet endroit précis à une signalisation spécifique, mais encore en omettant de mettre en place un dispositif de protection adéquat sous la forme de filets, a par ces motifs légalement justifié sa décision ; Et attendu que la critique du second moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; Par ces motifs : Rejette le pourvoi ; Condamne la société Allianz Iard et la société Serre-Chevalier Valley aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Allianz Iard et de la société Serre-Chevalier Valley ; les condamne, ensemble, à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille onze. (…)
La Cour, Sur le premier moyen : Attendu que Stéphane X... étant décédé, le 3 février 2003, à la suite d'un accident de ski survenu sur le domaine de la station Serre-Chevalier, sa concubine, Mme Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de leur enfant mineur, a recherché la responsabilité de la société Serre-Chevalier ski développement et de son assureur, la société Assurances générales de France, aux droits de laquelle se présente la société Allianz IARD ; Attendu que la société Serre-Chevalier ski développement et son assureur font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 5 octobre 2009) d'avoir déclaré la société responsable de l'accident, et de l‘avoir condamnée in solidum avec son assureur à payer certaines sommes à Mme Y..., alors, selon le moyen : 1°/ que l'exploitant d'une piste de ski est tenu d'une obligation de sécurité de moyens, compte tenu du rôle actif du skieur dans le choix de sa vitesse et dans la maîtrise de sa trajectoire ; que l'exploitant n'est pas tenu de disposer des filets de protection de chaque côté des pistes sur toute la longueur de celles-ci, mais seulement "dans les passages particulièrement dangereux" ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que la piste sur laquelle Stéphane X... skiait était classée bleue, c'est-à-dire facile, qu'un panneau de couleur orange imposant de ralentir était implanté peu avant l'endroit où Stéphane X... est sorti de la piste, que des filets de protection étaient placés le long du côté extérieur du virage et sur les parties haute et basse de la piste le long du torrent ; qu'en imputant cependant une faute à l'exploitant parce que celui-ci n'avait pas placé un filet dans la partie médiane à "l'endroit vraisemblable où la victime a quitté la piste", tandis que les mesures prises satisfaisaient à l'obligation de moyens pesant sur la société Serre-Chevalier ski développement et qu'il ne résulte pas de l'arrêt qu'un skieur ait jamais eu un accident antérieurement à cet endroit, la cour d'appel a violé les articles 1382 du code civil, L. 221-2 du code de la consommation et l'article 5 de l'arrêté municipal de la Salle les Alpes du 26 novembre 2002 ; 2°/ que la faute de la victime à l'origine de son dommage est une cause exonératoire de responsabilité ; qu'en l'espèce, il ressort du rapport d'enquête de gendarmerie, sur le fondement duquel le procureur de la République avait classé l'affaire sans suite et conclu qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre de la société Serre-Chevalier ski développement, que les mauvaises conditions météorologiques entraînaient une visibilité réduite et que Stéphane X... utilisait des skis avec lesquels il n'avait pas l'habitude de skier, ce qui aurait dû le conduire à modérer sa vitesse ; que pourtant aucune trace de sa trajectoire n'avait été relevée depuis sa sortie de piste dans la descente vers le torrent et que les constatations effectuées sur ses skis mettaient en évidence un choc violent établissant que Stéphane X... "évoluait à une vitesse élevée sur la piste et qu'il est sorti de cette dernière en décollant du bord de la piste jusqu'au fond du torrent" ; qu'en écartant cependant l'existence d'une faute d'imprudence du skieur, à l'origine de son dommage, en raison de sa vitesse excessive et de son défaut de maîtrise, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
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Commentaire Selon une jurisprudence constante, l’obligation de sécurité est inversement proportionnelle à la difficulté de la piste. Le devoir de sécurité est donc regardé à la loupe pour ce qui concerne les pistes dites faciles, classées bleues ou vertes selon les normes en vigueur (NF S 52-100 et NF S 52-102). Un jour de mauvaise visibilité, un jeune homme est décédé alors qu’il évoluait sur une piste bleue, à priori à vive allure. Il aurait commis une faute de carre, à la suite de laquelle il aurait perdu le contrôle de ses skis. Cette erreur a entraîné une sortie de piste et l’a fait chuter jusqu’au fond d’un torrent. Sur le plan civil, le régime de responsabilité applicable en cas d’accidents sur piste, pose de nombreuses questions. En effet, la recherche de responsabilité de l’e xploitant doit-elle s’effectuer sur le fondement de la responsabilité contractuelle (article 1147 du code civil) puisque le pratiquant est en possession d’un forfait qui matérialise le contrat de transport par remontées mécaniques ; ou bien sur le fondement de la responsabilité délictuelle (article 1384 al 1 du code civil), dans la mesure où le forfait n’est valable que pour le transport par remontées mécaniques et que l’e xploitation des pistes de ski peut par ailleurs faire l’objet d’une gestion distincte. C’est sur cette question que les juges de la cour d’appel se sont positionnés. C’est bien l’existence d’un contrat, matérialisé par un forfait de ski qui pousse les juridictions à examiner les faits au regard des fondements contractuels, alors même que l’e xploitant argumentait sur le fondement de la responsabilité délictuelle et cherchait à mettre en exergue une faute d’imprudence de la victime. Le juge a donc apprécié les faits au regard des obligations de sécurité de l’e xploitant, et rappelle que cette obligation est « de moyen » et non « de résultat » pour ce qui concerne l’e xploitation des pistes de ski. En cas d’accident, il appartient donc à la victime de rapporter la preuve que l’e xploitant, en charge de la sécurisation du domaine skiable, a commis une faute. En l’espèce, l’e xploitant a manqué à son obligation générale de moyen, en négligeant de procéder à une signalisation spécifique du fait de la présence d’un torrent, en contrebas de la piste bleue. L’appréciation aurait-elle été différente en bordure de piste noire ? Car si la liberté du skieur prévaut dans le choix des pistes, l’obligation de sécurisation est bien plus exigeante lorsqu’un parcours s’adresse à des skieurs débutants. Une analyse rapide des décisions intervenues ces dernières années sur ces principes de responsabilité, montre que les juridictions avaient tendance à appliquer les fondements d’une responsabilité contractuelle à l’égard de l’e xploitant des pistes de ski. La cour de cassation est venue confirmer cette tendance Il reste cependant une question à trancher concernant le cas où la sécurisation et l’entretien des pistes est distincte de celle des remontées
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Jurisprudence piste skiable et d'une hauteur de 20 cm, que ne couvrait pas le manteau neigeux en raison des conditions météorologiques particulières, était simplement signalé par trois jalons bicolores sans autre dispositif de sécurité et de protection ; qu'elle a pu en déduire que l'exploitant de la piste avait insuffisamment rempli l'obligation de sécurité de moyens qui pesait sur lui, caractérisant ainsi une faute à son encontre ; que le grief est mal fondé ; Mais sur la seconde branche du moyen : Vu l'article 455 du code de procédure civile ; Attendu que la cour d'appel, qui a retenu l'entière responsabilité de l'exploitant de la piste skiable sans répondre aux conclusions invoquant le comportement fautif du skieur comme cause de l'accident, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ; Par ces motifs : Casse et annule , dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens qu'elle a exposés ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; (…)
© Axiuba
Commentaire
mécaniques. Si elle se trouve confiée à une régie communale, dans ce cas, aucun contrat n’est alors susceptible de lier les parties. Sur quels fondements les juridictions seraient-elles amenées à trancher ? Existerait-il un choix entre deux « pistes », contractuelle ou délictuelle…
Cour de cassation, 1ère chambre civile 4 novembre 2011 - Pourvoi 10-20809 La Cour, Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite du décès de Marc X... dans un accident de ski, son épouse et ses deux enfants ont engagé une action en responsabilité et en garantie contre la régie Queyras ski et son assureur, la société AGF, aux droits desquelles se présentent, respectivement, la communauté de communes du Queyras et la société Allianz ; que la Caisse des dépôts et consignations (la CDC), gestionnaire de la caisse de retraite dont relevait le défunt, est intervenue à l'instance pour obtenir le remboursement du capital représentatif de la pension de réversion servie à la veuve et des rentes d'orphelins ; Sur le moyen unique, pris en sa première branche : Attendu que la communauté de communes du Queyras et la société Allianz reprochent à l'arrêt de les condamner à indemniser les dommages économiques et moraux subis par les consorts X... et à rembourser la CDC de ses débours, alors, selon le moyen, que l'exploitant d'un domaine skiable est tenu d'une obligation de sécurité de moyens ; qu'en reprochant un manquement à son obligation de sécurité à la régie Queyras ski, exploitante de la station de Molines-en-Queyras, faute d'avoir apposé une protection sur un regard en béton de canon à neige se trouvant à 2,50 mètres hors de la piste et ne s'élevant pas à plus de 20 centimètres de hauteur, sans tenir compte de la participation active des usagers et tandis que cet exploitant s'était conformé à ses obligations réglementaires en signalant la présence de ce regard en béton et en avertissant les skieurs des dangers résultant de l'absence d'enneigement des abords de la piste pour les inviter à modérer leur allure, la cour d'appel a en réalité fait peser sur la régie Queyras ski une obligation de résultat, en violation de l'article 1147 du code civil ; Mais attendu que la cour d'appel a constaté que le socle en béton du canon à neige percuté par le skieur, situé à 2,50 mètres seulement de la
Si les enneigeurs ont aujourd’hui une fonction incontournable pour certains domaines skiables, leur implantation n’e st pas sans soulever quelques difficultés. En effet, des installations supplémentaires doivent dès lors être positionnées sur le domaine skiable, et plus particulièrement en bordure des pistes. Dans cette affaire, un jeune homme est décédé alors qu’il évoluait sur une piste rouge, ouverte au public et enneigée artificiellement. Il aurait commis une erreur de carres et quitté la piste pour terminer sa course dans le sous-bois longeant la piste, après avoir percuté un élément en béton de l’installation de neige de culture, situé à 2.50 m de la piste. Le 2 mai 2002, le parquet décidait de ne pas donner de suites pénales à cet accident. La recherche de responsabilité de l’e xploitant s’e st donc effectuée devant les juridictions civiles, sur le fondement de l’article 1147 du code civil, pierre angulaire de la responsabilité contractuelle de l’exploitant, conformément à la décision récente de cette même chambre, en date du 17 février 2011 (Cour de cassation, Chambre civile 1 - 17 février 2011 N° 09-71.880). Si l’appréciation des faits par les juges du fond s’e st effectuée logiquement sur ce fondement, reste à déterminer le degré de l’obligation de sécurité qui pèse sur l’e xploitant. La Haute Juridiction a eu l’occasion de se prononcer sur cette question et a jugé que cette obligation était une obligation de sécurité dite « de moyen », compte-tenu du rôle actif du skieur. Cette appréciation est tout à fait pertinente et en adéquation avec la position de la jurisprudence, en matière d’activité sportive. Cependant, la Cour reste vigilante à ce qu’aucun glissement ne s’opère vers une obligation de sécurité dite « de résultat », qui erronée sur le plan intellectuel, serait en outre lourde de conséquences pour les opérateurs de domaines skiables. En effet, si tel était le cas, l’e xploitant serait alors présumé responsable. Il s’agirait alors d’une responsabilité contractuelle « sans faute », de laquelle ce dernier ne pourrait s’e xonérer qu’en rapportant la preuve que l’accident est dû à une cause étrangère (faute de la victime ellemême ou faute d’un tiers), devant revêtir les caractéristiques de la force majeure. Sans doute la Haute-Juridiction ne veut-elle pas être « le tremplin » d’une obligation de résultat, incompatible avec la liberté laissée à chacun d’é voluer sur les pistes de ski, mais avec une nécessaire prudence. La Cour de cassation, relève que les juges du fond ont fait peser à tort sur l’e xploitant, une obligation de sécurité, dite « de résultat » et ce, en violation de l’article 1147 du code civil. Selon elle, ils auraient dû prendre en compte le comportement de la victime dans la survenance du dommage. On ne peut qu’approuver l’e xtrême vigilance dont font preuve les juges de la Cour de Cassation qui restent cependant frileux quant à la définition de la notion de bordure de piste...
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Jurisprudence
Remontées mécaniques
Cour d’Appel de Chambéry 2ème Chambre - 3 novembre 2011 La Cour, Faits, procédure et prétention des parties Le 6 avril 2007, Madame A a eu un accident alors qu'elle effectuait une remontée avec le téléski du Col du Palet exploité par la société des téléphériques de la Grande Motte (SGTM) sur le domaine skiable de Tignes. Ses demandes amiables en réparation de son dommage matériel, ses vêtements ayant été abîmés, et corporel se sont opposées à un refus de la SGTM. Par acte du 18 septembre 2009, Madame A a fait assigner devant le tribunal d'instance de Moutiers la SGTM pour la voir déclarer responsable de l'accident, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1, et, subsidiairement, de l'article 1147 du Code civil et la voir condamner à réparer ses préjudices. Par jugement du 22 juillet 2010, retenant que Madame A étant titulaire d'un forfait, seule la responsabilité contractuelle de la SGTM pouvait être engagée, que celle-ci était tenue d'une obligation de sécurité de moyens, et qu'il n'était pas établi des manquements de cette société à
cette obligation, le tribunal d'instance d'Albertville a débouté Madame A de l'intégralité de ses demandes. Madame A a interjeté appel de ce jugement et, ses moyens et prétentions étant développés dans ses conclusions déposées le 12 avril 2011, soutient que la matérialité de son accident est établie pal'la déclaration de sinistre signée par un responsable de la société et par la déclaration d'accident effectuée par le conducteur du téléski, qu'il y a eu une cassure d'une goupille entre l'attache fixée sur le câble et la perche munie d'un ressort entraînant sa chute, que cette défaillance technique constitue bien une faute de l'exploitant du remonte pente engageant sa responsabilité malgré la vérification annuelle effectuée 4 mois auparavant, qu'aucune action de sa part dans cette défaillance n'est invoquée et que ses préjudices doivent être indemnisés, soit ses préjudices extrapatrimoniaux (déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées et privation de vacances) et son préjudice matériel (vêtements endommagés). Madame A demande à la Cour de : - réformer le jugement entrepris, - dire que la SGTM est responsable de l'accident dont elle a été victime, - de condamner la SGTM à lui payer les sommes de 3 500 € au titre de son préjudice corporel, de 700 € au titre de son préjudice matériel, ces sommes devant porter intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2007, les intérêts se capitalisant dans les conditions de l'article 1154 du Code
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Val Cenis
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civil, de 300 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée et de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile. La SGTM, ses moyens et prétentions étant exposés dans ses conclusions déposées le 15 février 2011, fait valoir que la visite annuelle de contrôle a eu lieu le 7 août 2006 avant la saison, que la demande de Madame A, usager du téléski titulaire d'un forfait, ne peut reposer que sur la responsabilité contractuelle, qu'elle n'est tenue que d'une obligation de moyens en raison du rôle actif de l'usager, qu'aucune faute de sa part n'est démontrée, que le rôle de Madame A n'est pas connu, qu'une tension excessive a pu provoquer la cassure de la goupille reliant la perche au câble, que les circonstances restent indéterminées, que la seule défaillance technique ne démontre pas la faute, que la déclaration de sinistre a été rédigée unilatéralement par Madame A et qu'en outre, les sommes réclamées ne sont pas justifiées en l'absence de déficit fonctionnel temporaire démontré, d'éléments sur les souffrances endurées et les vêtements endommagés et I'accident s'étant produit le dernier jour des vacances. La SGTM demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et, subsidiairement, de lui donner acte de sa proposition de la somme de 17 € au titre des frais de pressing et de ramener à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de Madame A. L’ordonnance de clôture de la procédure est en date du 12 septembre 2011, Motifs de la décision Attendu que les parties ne font que reprendre devant la Cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance ; Attendu qu'en l'absence d'éléments nouveaux soumis aux débats devant elle, la Cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties, tant en ce qui concerne le fait que la SGTM était tenue d'une obligation contractuelle de moyens à l'égard des usagers d'un téléski qu'en ce qui concerne le fait que Madame A ne démontrait pas l'existence d'une faute à l'encontre de la SGTM ; Qu'en effet, d'une part, Madame A ayant acquis un forfait auprès de la SGTM pour accéder aux remontées de mécaniques, seule la responsabilité contractuelle de la SGTM pouvait être engagée; que, d'autre part, en raison de la participation active que l'usager d'un remontepente, tiré sur ses skis, est tenu d'apporter à l'opération, l'obligation de sécurité pesant sur l'exploitant est une obligation de moyens; que Madame A devait en conséquence établir une faute de la SGTM à l'origine de son préjudice ; Que la déclaration de sinistre établie par Madame A et dont la SGTM a accusé réception, fait état d'un incident lors de la montée ayant entraîné des tâches de graisse sur les vêtements et des hématomes sur les jambes ; que des hématomes ont été constatés sur Madame A par le docteur X le 7 avril 2007 ; qu'aucun de ces éléments produits par Madame A ne permettent de connaître les circonstances de l'incident et d'établir une faute de la SGTM à l'origine de celui-ci ; Que la SGTM, quant à elle, produit l'attestation de réalisation de visite annuelle du téléski du col du Palet, et la déclaration d'accident du 9 avril 2007 dans laquelle le conducteur du téléski indique qu'il a dû changer une perche cassée le 6 avril précédant sans que personne ne soit venu lui dire quoique ce soit; que la SGTM indique qu'elle a pu constater, non un déraillement, mais la cassure d'une goupille, entre l'attache fixée sur le câble et la perche munie d'un ressort, pouvant résulter d'une tension excessive volontaire (slalom) ou involontaire (chute sans lâcher la perche) de l'usager ; Qu'il apparaît ainsi, comme l'a retenu le premier juge, que les circonstances de l'accident étant indéterminées en l'absence de tout témoignage, Madame Ane démontre pas que la SGTM a commis une faute ou une négligence à l'origine de celui-ci et que les conditions de la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle de la SGTM ne sont pas réunies ; Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ; Par ces motifs La Cour, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, civile, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure.
Haute-Maurienne, Vanoise
© Pascal Lebeau
Jurisprudence
Commentaire Voici une décision qui allie rigueur et réalisme dans l'application de l'obligation de sécurité de l'exploitant de remontées mécaniques, à l'occasion d'un accident survenu sur un téléski. Le contexte est celui d’un téléski classique, à faible déclivité, avec des perches à ressorts, contrôlé annuellement par les services techniques, sous la surveillance des services de l'Etat. Après un incident survenu pendant les vacances de Pâques, une utilisatrice signale à l'e xploitant que la canne d'une perche se serait désolidarisée de l'attache fixée au câble, provoquant sur la cliente quelques tâches de graisse et un hématome. Estimant le montant de son préjudice global à 4.500 €, la procédure est engagée devant le Tribunal d'Instance d'Albertville. Cette juridiction rejette de telles prétentions, en retenant que le fondement juridique d'un tel litige relève de l'application de l'article 1147 du Code Civil. La particularité de cette appréciation provient du fait qu’en matière de téléski, en raison du rôle actif de l'usager tout le long du trajet, l’e xploitant n’est soumis qu’à une obligation de sécurité de moyen. La jurisprudence constante le souligne : "L'usager a un rôle actif, non seulement au départ et à l'arrivée, mais durant tout le trajet, sa participation est indispensable à sa propre sécurité ; l'obligation de l'e xploitant est dès lors une obligation de moyens. La victime doit prouver la faute de l'e xploitant des remontées mécaniques, débiteur de cette obligation." (CA Grenoble, 3 nov. 2003, Gaz. Pal. Droit du Ski, février 2004) Dès lors, la seule dénonciation d'un incident, sans élément plus précis, ne peut permettre de retenir l'existence d'une faute, même en cas de défaillance du matériel. Les pratiquants savent qu'une tension excessive peut provoquer la rupture entre l'attache fixée au câble et la perche munie d'un ressort. D’un côté, il y a la situation de l'usager qui chute et qui, par l’effet de la peur, ne lâche pas la perche. Ou bien de celui qui espère rétablir cet équilibre fragile qui l'a pourtant abandonné un instant, et créé involontairement, mais de son propre fait, une tension mécanique excessive pouvant entraîner la rupture de la perche. Une autre situation plus inadmissible est celle de l'attitude trop fréquente de certains usagers qui confondent piste de slalom et remontée en téléski, malgré les dispositions du règlement de police propre à ce type d'appareil. La faute incombe alors manifestement au skieur ou surfeur. Il est donc indispensable, comme le souligne la Cour d'Appel de Chambéry, que l'usager établisse les circonstances précises de l’accident, avant d'imputer à l'e xploitant une quelconque faute.
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Jurisprudence
Responsabilité d’une agence de voyages
La Cour, Sur les trois moyens, réunis : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 juin 2010) que la société Club Méditerranée(la société) a vendu le 28 janvier 2002 à Mme X... un séjour aux sports d'hiver comprenant des cours de ski ; que cette dernière, s'étant fracturé la jambe pendant un cours, a recherché la responsabilité de la société et, subsidiairement, sollicité que M. Y..., moniteur, et le syndicat national des moniteurs de ski français soient condamnés à l'indemniser ; Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la déclarer responsable du préjudice invoqué par Mme X... alors, selon le moyen, 1°/ qu'aux termes de l'article 23 de la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992, codifié à l'article L. 211-17 du code du tourisme, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, la personne visée à l'article L. 211-1 "est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que la prestation soit exécutée par la personne ayant contracté avec le client ou un autre prestataire", sachant que le texte, à propos de l'appel en garantie, vise "l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat" ; que la lettre du texte en même temps que son économie ne crée une responsabilité de plein droit visant à dispenser la victime d'avoir à agir contre d'autres prestataires, que dans l'hypothèse où le dommage trouve son origine dans l'absence de bonne exécution du contrat, autrement dit dans une inexécution ou dans une mauvaise exécution ; qu'en décidant qu'il suffisait que le dommage soit survenu à l'occasion d'une activité entrant dans le champ de la convention, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur le point de savoir s'il y avait eu, à l'origine du dommage, une exécution ou une mauvaise exécution d'une obligation, les juges du fond ont violé l'article 23 de la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992, codifié à l'article L. 211-17 du code du tourisme ; 2°/ que la lettre et l'économie de l'article 23 de la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992, codifié à l'article L. 211-17 du code du tourisme, dans sa rédaction applicable à l'espèce, institue une responsabilité de plein droit s'agissant des dommages entrant dans le champ des obligations figurant au contrat ; que le dommage échappe à la responsabilité de plein droit dans l'hypothèse où le prestataire ayant assumé ses obligations, et les ayant assumées correctement, le dommage survient à l'intérieur d'une sphère au sein de laquelle le client dispose d'une totale indépendance, et joue un rôle actif dans la maîtrise de son comportement ; que tel est le cas dans l'hypothèse où, dans un cadre correctement organisé, le client s'adonne au ski alpin ; qu'en faisant jouer par suite, dans une telle configuration, la responsabilité de plein droit, les juges du fond ont violé l'article 23 de la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992, tel que codifié à l'article L. 211-17 du code du tourisme dans sa rédaction applicable à l'espèce ; 3°/ qu'en refusant de rechercher si le dommage n'était pas sans lien avec les obligations pesant sur la société Club méditerranée, pour ne pouvoir être rattaché, s'agissant d'une activité dans laquelle le client joue un rôle actif, qu'au seul comportement du client, circonstance excluant la responsabilité de plein droit, les juges du fond ont violé l'article 23 de la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992, codifié à l'article L. 211-17 du code du tourisme ;
l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, et ne pouvant s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité qu'en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l'acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure, la cour d'appel qui a constaté que l'accident était survenu à l'occasion d'un cours de ski inclus dans le forfait conclu avec la société et que les pièces du dossier n'établissaient nullement que Mme X... se soit inscrite à un cours d'un niveau supérieur au sien, en en déduisant qu'aucun fait exonératoire ne pouvait donc être retenu a, par ces seuls motifs légalement justifié sa décision ; Par ces motifs : Rejette le pourvoi ; Condamne la société Club Méditerranée aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Club Méditerranée à payer à la société Axa France IARD, à M. Y…, au Syndicat
Haute-Maurienne, Vanoise
Mais attendu que toute personne se livrant aux opérations mentionnées à l'article 1er de la loi du 13 juillet 1992 étant responsable de plein droit à
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Les Annonces de la Seine - Supplément au numéro 16 du lundi 5 mars 2012
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Cour de cassation - 1ère chambre civile 17 novembre 2011 Pourvoi 10-23905
Jurisprudence
B.Laisney
Haute-Maurienne, Vanoise
national des moniteurs de ski et au Syndicat local des moniteurs de ski, la somme globale de 3 000 euros, rejette les autres demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille onze. (…)
Commentaire Il est de plus en plus fréquent que des sociétés proposent à la vente, des séjours au ski « tout-compris », incluant entre autres, le transport, le séjour hôtelier, la location de ski et de chaussures de ski, mais également l’inscription à des cours de ski. Le bénéficiaire d’un de ces séjours a eu l’occasion d’en expérimenter les conséquences juridiques en terme de responsabilités. A l’occasion d’un cours de ski encadré par un moniteur diplômé, le groupe de skieurs décide d’aller déjeuner dans un restaurant d’altitude. Alors que le groupe empruntait le chemin pour rejoindre ce restaurant, Mme B. a chuté et s’est fracturée la jambe. La question soulevée, compte-tenu de la pluralité d’intervenants, est de savoir dans quelle direction orienter un recours, afin d’obtenir réparation du préjudice subi par le client. En effet, dans le cadre de la vente de séjour « tout compris » la victime d’un accident de ski doit-elle engager la responsabilité du moniteur de ski ou de la société ayant vendu le séjour aux sports d’hiver comprenant les cours de ski ? Le choix d’une piste juridique sinueuse conduirait Mme B. à rechercher la responsabilité du moniteur de ski. Or, il s’agit là d’un parcours difficile, dans la mesure où, rares sont les cas dans lesquels la responsabilité d’un moniteur, tenu seulement d’une obligation de sécurité « de moyen », a été retenue. En effet, la jurisprudence en la matière, issue des juridictions de Chambéry, d’Albertville ou Grenoble, démontre bien que la responsabilité du
professionnel de la montagne, est évaluée au regard du choix de l’itinéraire, de l’appréciation du niveau de ses clients, de son obligation d’information et de conseil. Dès lors, si elle est recherchée, elle reste rarement engagée (Cour d’Appel de Chambéry - Chambre civile - 4 février 2003, Gazette du Palais, n° spécial ski février 2004 / TGI Albertville 23 avril 2004, inédit, Gazette du Palais, n° spécial ski, février 2005). En revanche, la solution plus aisée consiste à rechercher la responsabilité de la société à l’origine de la vente du séjour. Dans ce cas, les éléments essentiels de la responsabilité doivent être analysés au regard de la loi du 13 juillet 1992 relative à l’organisation et à la vente de séjours et de voyages, aujourd’hui réglementé par le code du tourisme. C’est pourquoi, si la société a tenté de s’e xonérer de sa responsabilité sur le fondement du rôle actif du skieur, dans le cadre de la prestation du cours de ski, la cour rappelle néanmoins que l’article L211-17 du code du tourisme prévoit que « Toute personne physique ou morale qui se livre aux opérations mentionnées à l'article 1er est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci. » La société ne peut donc s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité qu'en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat, est imputable soit au skieur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure. Or en l’espèce, il n’est nullement rapporté de fait exonératoire, Mme B. ne s’étant pas inscrite dans un cours de ski d’un niveau trop élevé, au regard de ses capacités. La Cour de Cassation rejette donc le pourvoi formé par la société dans la mesure où et il est impossible de distinguer les causes exonératoires, en fonction de chaque activité vendue. En effet, l’appréciation de la responsabilité s’effectue au regard de l’ensemble du contrat et non activité par activité. Le choix d’une action dirigée contre la société organisatrice du séjour était en l’espèce, approprié.
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Jurisprudence
Pénal : mise en danger d’autrui
Cour d’Appel de Chambéry 13 octobre 2011 La Cour, Le Ministère public est seul appelant d'un jugement du Tribunal correctionnel d'Alberville en date du 11 octobre 2010 qui a renvoyé Monsieur Claude X a des fins de la poursuite diligentée pour mise en danger d'autrui par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence et exploitation d'une installation de produit explosif sans tenue du registre conforme. Il s'en rapporte à la décision de la Cour. Monsieur X a comparu à l'audience de la Chambre des appels correctionnels assisté d'un avocat et sollicite par voie de conclusions la confirmation du jugement entrepris. Il résulte de l'enquête préliminaire que le 27 février 2009 vers 15 heures 15 une série de six tirs d'explosifs était déclenchée dans le secteur dit de la Fauge sur l'ordre de Monsieur X, chef des pistes de la station V et délégué pour la sécurité et la sécurisation des pistes. Ces tirs avaient pour but de purger des corniches de neige qui surplombent un petit couloir qui donne sur une piste de ski. La veille, une corniche située dans cette partie s'était décrochée et avait blessé un jeune skieur. Pendant ces tirs, la piste de ski n'était pas été intégralement fermée par des dispositifs physiques qui en interdisaient l'accès, mais elle était interdite par le placement de deux vigies, l'une en amont, au lieudit le Lavoir et l'autre en aval avec une vue sur la partie de piste qui était affectée par des dépôts de neige produites par les explosions. En raison de la configuration des lieux, dans la mesure où le déclenchement de tirs pour cureter les corniches s'avérait nécessaire, l'utilisation de vigies humaines pour interdire le passage sur les endroits exposés aux coulées de neige que les tirs allaient provoquer était parfaitement justifiée et de nature à conférer une sécurité quant à l'accès à la partie exposée. En effet, les vigies étaient mieux à même d'éviter le contournement des dispositifs physiques de fermeture et de plus, la vigie placée en aval du couloir possédait une vision totale de la zone exposée qui était en plus une piste de randonnée permettant aux skieurs de rejoindre un refuge situé à proximité. Une fermeture plus en amont de la piste aurait été sans effet. Ce positionnement permettait au responsable de l'opération directement relié par fréquence radio de donner l'ordre de tir aux deux artificiers en toute sécurité. De plus ce dispositif s'est avéré efficace ainsi que l'atteste les injonctions de s'arrêter et de quitter les lieux qui ont été données par Monsieur X à un skieur qui était en réalité l'un des gendarmes de la patrouille de surveillance à skis qui se dirigeait en empruntant un itinéraire hors piste vers la zone exposée. A aucun moment du déclenchement des tirs, des skieurs n'ont été exposés aux risques consécutifs à des coulées de neige et des chutes de blocs de neige, le passage des skieurs sur la zone exposée ne s'étant effectué que lors de l'interruption des tirs. " était de plus établi que le problème des corniches nécessitait un traitement par explosif qui ne pouvait s'effectuer qu'à un moment limité dans l'après-midi où l'ensoleillement réchauffait le couloir. Enfin, les tirs manuels effectués par deux artificiers ont eu lieu au point répertorié dans le PIDA qui prévoit pour ce point le grenadage à main, ainsi qu'une vigie au lieudit « Le Lavoir». Les opérations de déclenchement de tirs pour purger les corniches de neige ont donc été menées dans des conditions de sécurité optimales. C'est en conséquence à juste titre que le Tribunal a considéré que le délit de mise en danger de la vie d'autrui visé aux poursuites n'était pas caractérisé. C'est aussi par des motifs pertinents que la Cour adopte que les premiers juges ont constaté que le registre des explosifs avait été correctement renseigné.
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Le jugement de relaxe sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions. Par ces motifs : La Cour, Statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la Loi et contradictoirement Reçoit l'appel du Ministère Public, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions
Commentaire La mise en danger d'autrui s'est déjà frayée un chemin au milieu des sommets enneigés. On se souvient, notamment, de cette décision du Tribunal Correctionnel de Bonneville (8 novembre 2007) qui avait condamné trois pratiquants de skis et de surf, pour mise en danger d'autrui. Souhaitant pratiquer le hors-pistes, ceux-ci avaient contourné un panneau mentionnant "zone hors-pistes interdit cet après-midi - fort risque d'avalanche". Une avalanche de plaque se déclenche et vient atteindre une piste balisée ouverte aux skieurs et fréquentée à ce moment là. Fort heureusement, nul n'est blessé, ni les imprudents, ni les autres usagers des pistes. La réunion des éléments légaux exigés pour la démonstration de la mise en danger découlait du fait de l'espèce : un tiers se trouvait effectivement exposé à un risque. Par ailleurs, l'arrêté municipal visant l'interdiction de pratiquer dans ce secteur, lors d'un risque côté 4/5 conformément à l'échelle européenne des risques d'avalanche, était visé. Enfin, la présence dans cette zone de ces audacieux skieurs n'était pas le fruit du hasard, mais bien le résultat d'une violation, voulue si ce n'est mûrie, caractérisant la volonté délibérée visée par l'article L 121-3 alinéa 2 du Code Pénal. Ce qui avait attiré l'intérêt médiatique de cette décision provenait de la peine principale prononcée : "l'interdiction de paraître dans tous les domaines skiables et domaines hors pistes des stations de ski françaises pendant une durée d'un an". Plus théorique que pratique, cette sanction, comme la Juridiction le précise, visait des fins pédagogiques. Le cas d’espèce soumis à la Cour d'Appel Correctionnelle de Chambéry se penche lui, sur une situation bien différente, puisque c’est ici un professionnel de la sécurité qui fait l'objet des poursuites, en l’occurrence, le chef des pistes. L'origine de l'ouverture de la procédure est assez cocasse : des gendarmes se trouvent en secteur hors pistes et rejoignent la zone exposée, par un chemin qui n'est pas celui de l'e xemple à retenir… Pour statuer de manière éclairée dans un tel cas, il faut à la Juridiction une connaissance certaine des principes du Plan d'Intervention pour le Déclenchement des Avalanches (PIDA), lequel peut être exceptionnellement déclenché partiellement et sans fermeture totale du domaine skiable. L'analyse rigoureuse des circonstances conduit à constater que les vigies étaient en place, que les mesures de sécurité étaient respectées pour fermer le secteur exposé et interdire ainsi aux pratiquants de se retrouver en danger. Non sans malice, l'arrêt souligne que le dispositif s'est avéré tellement efficace que le skieur-gendarme audacieux, venant d'un secteur hors-pistes, a été "arrêté" avant d'atteindre la zone objet du déclenchement de corniches par tirs d'e xplosifs. Ni violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité, ni présence de victimes "potentielles" : tout pouvait concourir à la décision de relaxe du professionnel. C'est en ce sens que la Cour Correctionnelle s'est prononcée, en prenant soin d’étayer son raisonnement.
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Jurisprudence
Collisions
Tribunal de Grande Instance d’Albertville 18 février 2011
Haute-Maurienne, Vanoise
Le 31 janvier 2008, alors qu'il se trouvait à l'arrêt sur une piste de ski de Val Thorens, Monsieur A a été percuté par Monsieur S qui venait de l'amont. Dans cet accident Monsieur A a été blessé à l'épaule gauche et a subi une première opération chirurgicale le 4 février 2008, puis une seconde le 24 juin 2008. Souffrant de diverses séquelles, Monsieur A a sollicité l'indemnisation de son préjudice amiablement auprès de Monsieur S, citoyen suédois, et de sa compagnie d'assurance. Une expertise médicale amiable et contradictoire a été faite conjointement par l'assureur de Monsieur JeanMichel A et par la MAAF Assurances intervenant pour l'assureur suédois de Monsieur S. Le rapport d'expertise a été établi conjointement par le Docteur Jean-Louis H et le Docteur Michel C le 25 mai 2009. D'après le rapport d'expertise, Monsieur A a subi, ensuite de l'accident du 31 janvier 2008, un traumatisme direct de l'épaule gauche avec luxation acromio claviculaire importante imposant un traitement chirurgical. La première tentative d'intervention (le 4 février 2008) a été un échec, la seconde (24 juin 2008) a permis une correction incomplète. Des douleurs du genou gauche sont alléguées mais ne sont pas confirmées par l'examen clinique, aucune lésion initiale à cette articulation n'ayant été mentionnée lors de la déclaration d'accident. Les conclusions des experts sont les suivantes : - hospitalisations: du 3 au 6 février 2008, puis du 23 au 25 juin 2008, - déficit fonctionnel temporaire total pendant la durée des hospitalisations, soit 7 jours, - déficit fonctionnel temporaire partiel, en dehors des hospitalisations, jusqu'au 30 septembre 2008, - arrêt total de l'activité professionnelle du 1 er février au 30 avril 2008, puis du 1er juillet au 30 septembre 2008, - consolidation acquise le 30 septembre 2008, - déficit fonctionnel permanent partiel de 5 %, - souffrances endurées: 3/7, - préjudice esthétique: 1,5/7, - pas de frais futurs certains, - aucun autre préjudice caractérisé. Une provision de 1 000 € a été versée par la MAAF à Monsieur A à valoir sur son préjudice, celle-ci émettant toutefois des réserves sur la responsabilité éventuellement encourue par un troisième skieur qui aurait été impliqué dans l'accident. Ensuite du dépôt du rapport d'expertise la MAAF a fait des propositions d'indemnisation à Monsieur A qui ne les a pas acceptées. Monsieur A a alors fait assigner devant le tribunal de grande instance d'Albertville: - Monsieur S par acte de transmission du 8 février 2010 (acte reçu par lettre recommandée avec accusé de réception délivrée à sa personne le 15 février 2010), - la MAAF Assurances par acte du 2 février 2010, - la société F, en sa qualité d'organisme social versant les prestations à Monsieur A , par acte du 28 janvier 2010, aux fins d'indemnisation des préjudices subis ensuite de l'accident du 31 janvier 2008. Les parties comparantes ont conclu et, par ordonnance du juge de la mise en état du 20 octobre 2010, l'affaire a été clôturée à la date du 1er décembre 2010 et renvoyée à l'audience du 10 décembre 2010, à laquelle il a été indiqué que le jugement serait rendu le 1l février 2011 par mise à disposition au greffe, date à laquelle il a été prorogé au 18 février 2011. Vu les conclusions de Monsieur A, signifiées le 16 novembre 2010,
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Exposé du litige
auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, aux termes desquelles il demande en dernier lieu de : - débouter la MAAF de sa demande de mise hors de cause, - vu les articles 1384 alinéa 1 er et 1382 du code civil, - dire et juger Monsieur S seul et exclusivement responsable de l'accident de ski survenu le 31 janvier 2008, - condamner en conséquence in solidum Monsieur S et la MAAF à lui payer la somme de 43.540,40 € en réparation de ses préjudices, - les condamner à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - dire et juger le jugement à intervenir commun et opposable à la société F.M.P. CAMPI, - ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, - condamner Monsieur S aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP… avocats. Vu les conclusions de Monsieur S et de la MAAF Assurances, signifiées le 26 octobre 2010, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, aux termes desquelles ils demandent en dernier lieu de : - prononcer la mise hors de cause de la MAAF qui n'est pas l'assureur de Monsieur S, - débouter en conséquence Monsieur A de toute prétention à l'encontre de la MAAF, - donner acte à Monsieur S de ce qu'il conteste sa responsabilité dans l'accident du 31 janvier 2008, - constater que Monsieur S formule donc toutes réserves à cet égard, l'indemnisation éventuelle de Monsieur A devant avoir lieu pour le compte de qui il appartiendra, - fixer à la somme de 23 .918, 40 € le préjudice de Monsieur A, dont il faut déduire la provision de 1.000 € déjà réglée, - dire et juger n'y avoir lieu à exécution provisoire, - ramener à de plus justes proportions l'indemnité au titre des frais irrépétibles. Bien que régulièrement citée par acte délivré à une personne morale de 28 janvier 2010, la société F.M.P. CAMPI n'a pas comparu. Le présent
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Jurisprudence jugement, en premier ressort, sera réputé contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile.
Commentaire
Motifs de la décision 1/Sur la responsabilité En application de l'article 1384 alinéa 1er du code civil, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. En l'espèce il est constant et non contesté par Monsieur S, qui a signé la déclaration d'accident en ce sens, que Monsieur A était à l'arrêt lorsqu'il l'a percuté. Il importe peu, à l'égard de Monsieur A, que Monsieur S ait été lui-même gêné par un autre skieur, ce qui aurait entraîné une perte de contrôle de sa trajectoire, dès lors qu'en sa qualité de gardien de ses skis Monsieur S est de plein droit responsable du dommage subi par Monsieur A. Aucune faute n'est alléguée à l'encontre de Monsieur A. Aussi Monsieur S sera déclaré entièrement responsable de l'accident et du préjudice subi par Monsieur A. Il appartient à Monsieur S de se retourner, s'il l'estime nécessaire, contre le troisième skieur impliqué dont on ignore l'identité mais qui semble avoir été l'un de ses amis. Mais cela ne peut être opposé à Monsieur A qui doit recevoir la complète indemnisation de son préjudice. 2/Sur la garantie de la MAAF Assurances Il ressort des documents produits que Monsieur S a déclaré le nom, l'adresse et les coordonnées de son assurance en Suède. Toutefois, durant tous les pourparlers amiables (provision, expertise, proposition d'indemnisation), c'est la MAAF seule qui est entrée en contact avec la victime, agissant manifestement en qualité de mandataire de la compagnie d'assurance suédoise. Compte tenu des démarches accomplies par elle, elle avait clairement le pouvoir de transiger, donc de parvenir à l'indemnisation complète du préjudice subi par la victime. La MAAF soutient qu'elle n'est pas tenue de garantir le préjudice subi par Monsieur A. Cependant, elle a agi durant toute la phase amiable comme si elle était l'assureur du responsable et se garde de produire le contrat qui la lie certainement avec l'assureur suédois pour avoir pu procéder de la sorte. De surcroît elle intervient aux côtés de Monsieur S et ce dernier ne produit pas le contrat d'assurance qui garantit sa responsabilité dans l'accident. Ainsi, il convient de retenir que la MAAF est tenue de garantir Monsieur S en qualité de mandataire de l'assureur et sera condamnée solidairement avec le responsable de l'accident. (…) Par ces motifs Le tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe, Dit que Monsieur S est entièrement responsable du préjudice subi par Monsieur A ensuite de l'accident de ski dont il a été victime à Val Thorens le 31 janvier 2008 ; Dit que la MAAF Assurances est tenue de garantir l'intégralité de ce préjudice en sa qualité de mandataire de l'assureur de Monsieur S ; Fixe le préjudice subi par Monsieur A aux sommes suivantes : - Préjudices patrimoniaux 17 248,40 € - Préjudices extra-patrimoniaux 13 400,00 € - Total du préjudice, 30 648,40 € - Provision à déduire - 1 000,00 € - Solde revenant à la victime 29 648,40 € Condamne in solidum Monsieur S et la MAAF Assurances à payer à Monsieur A la somme de 29 648,40 € (Vingt neuf mille six cent quarante huit euros et quarante centimes) à titre de solde indemnitaire de son préjudice ; Déboute Monsieur A du surplus de ses demandes ; Condamne in solidum Monsieur S et la MAAF Assurances à payer à Monsieur A la somme de 1.800 € (mille huit cent euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Déclare le présent jugement commun et opposable à la société F en sa qualité d'organisme social ; Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ; Condamne Monsieur S et la MAAF Assurances aux entiers dépens avec distraction au profit de la SCP ….., avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile. Président : Alyette Fouchard
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La gêne provoquée par un tiers peut-elle permettre de s'exonérer de sa propre faute ? Voici une décision qui ressemble à un accident en cascade. La victime se trouve à l'arrêt et un usager venant de l'amont la percute. Il convient de s’interroger au regard de la règle n°6 de la Fédération Française de Ski. Celle-ci demande aux usagers des pistes de ne pas stationner dans les passages étroits ou dépourvus de visibilité, ce qui ne semble toutefois pas être le cas en l'espèce (pour une application de ce principe : TGI Paris, 18 septembre 2007, n°06/07257, Dalloz.fr). L'auteur peut dès lors être tenté de faire retenir que la faute de l'usager, même si elle n'a pas le caractère d'une force majeure, est de nature à entraîner une exonération partielle de sa responsabilité : le gardien de la chose instrument du dommage peut en effet se trouver partiellement exonéré de sa responsabilité, s'il prouve que la faute de la victime a contribué au dommage. Cette tentative est assez souvent vaine en raison du manque d'élément de preuve et elle se trouve alors mise à néant par un « attendu » cinglant "dès lors qu'aucune faute de A n'est établie, B ne peut s'exonérer, même pour partie, de cette responsabilité" (par exemple, Cour d'Appel d'Aix-enProvence, 10ème Ch., 24 mars 2010, n°08/10482, Dalloz.fr). Mais la perte de contrôle du skieur amont peut provenir directement de l'intervention d'un tiers : tel était le cas dans l'espèce soumise à la Juridiction savoyarde. Rompus à cet exercice du conflit des responsabilités au regard de la présence dans leur ressort de 80 % des stations de ski françaises, les premiers Juges ont esquivé l’obstacle juridique, en renvoyant l'auteur de l’accident à se "retourner" lui-même contre l'usager qui pouvait être à l'origine du manque de maîtrise ayant provoqué le choc. Cependant, pour être totalement pragmatique, afin de parvenir à une réparation, il fallait encore aller « plus loin » dès lors que l'usager responsable demeurait en Suède, et que sa Compagnie d'assurances (pour une fois clairement identifiable par l'ensemble de ses coordonnées) disposait d'un siège social également en Suède. Comment contourner cette nouvelle difficulté ? Il s’est avéré en l’espèce qu'une Compagnie française avait effectué diverses démarches en rapport avec ce sinistre laissant apparaître qu'elle disposait du pouvoir de transiger. Bien qu'affirmant ne pas garantir la responsabilité de l'usager impliqué, elle ne produisait pas de justificatif relatif à l'étendue de la mission qui lui était confiée par la Compagnie d'assurances suédoise. Dans ces circonstances, sur la base de la théorie du mandat découlant des articles 1984 et suivants du Code Civil, la Compagnie d'assurances française a été condamnée à garantir l'auteur du dommage "en qualité de mandataire de l'assureur étranger".
Tribunal de Grande Instance d’Albertville - 25 mars 2011 Exposé du litige Madame C a été victime le 30 décembre 2008 sur le territoire de la Commune de Peisey Nancroix, Savoie, d'un accident de ski survenu par suite d'une collision avec Monsieur A; A la suite de cet accident Madame C a été blessée au genou gauche; Par assignation en date des 23, 26 avril et 4 mai 2010, Madame C a fait citer devant le tribunal de ce siège Monsieur A, la Garantie Mutuelle des Fonctionnaires ci-après dénommée GMF et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde aux fins de voir: - déclarer Monsieur A entièrement responsable de l'accident de ski survenu sur la piste de l'Ours à Peisey Nancroix,le 30 décembre 2008, et compte tenu des blessures dont elle a souffert, ordonner une mesure d'expertise médicale, - condamner Monsieur A solidairement avec son assureur la GMF à lui payer à titre de provision la somme de 5 000 € à valoir sur l'indemnisation future de tous les postes du préjudice subis par elle consécutivement à l'accident dont s'agit, ainsi que la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
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Motifs de la décision 1 - Sur la responsabilité En droit, selon les termes de l'article 1384 alinéa 1 du Code civil, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait mais encore de celui qui est causé par le fait des choses que l'on a sous sa garde ; Cette présomption de responsabilité à l'encontre de celui qui a sous sa garde la chose inanimée qui a causé un dommage à autrui ne peut être détruite que par la preuve d'un cas fortuit, de la force majeure ou d'une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable; Dès lors, le skieur ou le surfeur gardien de ses skis ou de son surf est présumé seul responsable des dommages causés à autrui à l'occasion de leur évolution et doit, pour s'exonérer en tout ou partie de cette responsabilité de plein droit, prouver une faute de la victime ayant contribué au dommage ; En l'espèce, les parties sont contraires en fait, et les témoignages produits sont divergents, Monsieur C attestant que son épouse aurait été "fauchée" par Monsieur A et Monsieur Nicolas A, frère de Monsieur A attestant au contraire que Madame C qui aurait été en mouvement et non à l'arrêt au moment de la collision, aurait de manière imprévisible stoppé net sa descente et effectué un demi tour, qu'A aurait tenté d'éviter le contact mais en raison de la forte affluence, sa spatule aurait heurté l'arrière des skis de Madame C ; Il résulte des croquis et des narrations de chaque partie que Monsieur A se trouvait incontestablement en position de skieur amont, par rapport
Haute-Maurienne, Vanoise
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Madame C expose au soutien de sa demande qu'alors qu'elle était à l'arrêt sur le bord droit de la piste, elle aurait été percutée par un snowboarder en l'espèce, Monsieur A, provenant de l'amont ; Selon conclusions signifiées le 23 novembre 2010, auxquelles le présent jugement se réfère expressément, Madame C a maintenu ses demandes; Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 5 octobre 2010, Monsieur A et la GMF, s'opposent aux prétentions de Madame C et demandent au tribunal de :juger que Madame C ne rapporte pas la preuve de sa responsabilité exclusive dans le dommage qu'elle invoque, et juger que Monsieur A sera exonéré de sa responsabilité compte tenu du fait de la victime, subsidiairement, dire qu'il doit être exonéré de sa responsabilité dans la mesure où le comportement de Madame C a concouru au dommage, - débouter Madame C de sa demande de provision injustifiée, - plus subsidiairement, réduire la demande de provision formée par Madame C dans de plus justes proportions, - statuer ce que de droit sur la demande d'expertise formée par Madame C et leur donner acte de leurs protestations et réserves. - condamner Madame C à leur payer à chacun la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile; Monsieur A et la GMF, soutiennent notamment que : - les circonstances précises de l'accident ne sont pas clairement établies par les pièces du dossier notamment en l'absence de production d'un relevé de l'intervention des secours, - aucun détail n'est produit sur les circonstances exactes de l'accident, -les circonstances de l'accident sont discutées, - Madame C était en mouvement au moment de la collision, - Monsieur A à la vue de Madame C a décidé de passer à l'arrière de celleci et ainsi de ne pas lui couper sa trajectoire, or, de manière imprévisible et subitement, Madame C a stoppé sa descente et effectué un demi-tom : sur la piste, - Monsieur A qui skiait à allure normale et non excessive n'a pu empêcher la collision malgré ses efforts compte tenu de la manœuvre effectuée par Madame C, - Madame C qui aurait été un élément perturbateur sur la piste de ski en changeant brusquement sa trajectoire alors qu'elle était en mouvement sur la piste, aurait concouru au moins partiellement à son propre dommage ; Selon conclusions signifiées le 6 octobre 2010, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Savoie sollicite la condamnation solidaire de Monsieur A et de la Garantie Mutuelle des Fonctionnaires à lui verser la somme de 945,79 € au titre du remboursement des débours provisoires qu'elle a exposés, outre intérêts à compter de la date du jugement, ainsi que la somme de 300 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; La procédure a été clôturée à la date du 23 septembre 2009 par ordonnance du Juge de la Mise en Etat du 10 juin 2009 ; l'affaire a été plaidée le 28 janvier 20 Il pour le jugement être rendu le 25 mars 2011 par mise à disposition au greffe.
à Madame C, dès lors il est indifférent que Madame C ait été à l'arrêt ou en mouvement en train de stopper sa descente ; Il doit être rappelé que celui qui se trouve en amont a une position qui lui permet de choisir une trajectoire; il doit donc faire ce choix de façon à préserver la sécurité de toute personne qui est en aval. Par ailleurs il doit encore être rappelé que chaque usager des pistes doit adapter sa vitesse aux conditions générales de temps et du terrain, ainsi qu'à la densité du trafic; Il appartenait indiscutablement à M. A de maîtriser et adapter sa vitesse, de contrôler sa direction, de manière à anticiper les manœuvres des skieurs en position aval, et d'adopter une attitude prudente et ce d'autant plus que ce jour là ainsi qu'il le relate dans son récit de l'accident, les pistes connaissaient "une forte fréquentation" ; Le fait que Madame C ait été en mouvement en amorçant un virage n'est nullement constitutif d'une faute de la part de la victime qui avait le droit d'évoluer sur la piste ou de stopper son évolution en bordure de piste, ni comme le soutient Monsieur A d'un cas fortuit, de la force majeure ou d'une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable dès lors qu'en sa qualité de snowboarder en position amont, il se devait de maîtriser sa vitesse et sa trajectoire, conformément aux règles de bonne conduite sur piste cidessus rappelées ; En conséquence, Monsieur Ar, gardien de son surf, instruments du dommage devra être déclaré entièrement responsable de l'accident survenu à Madame Chantal C le 30 décembre 2008 sur le territoire de la Commune de Peisey Nancroix, (Savoie) ; 2 - Sur le préjudice et les demande formées à titre provisionnel L'article 145 du code de procédure civile prévoit que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissible peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ; En l'espèce Madame C a subi un dommage du fait de l'accident de ski survenu le 30 décembre 2008 ; une expertise médicale judiciaire devra être ordonnée afin que le Tribunal puisse fixer l'étendue de son préjudice ; Il devra être alloué à Madame C la somme de 3 500 euros à titre provisionnel à valoir sur l'indemnisation future de tous les postes de préjudice qu'elle a subis ; 3 - Sur la demande de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde La Caisse Primaire d'Assurance Maladie justifie avoir versé à son assurée ou pour son compte la somme provisoirement arrêtée de 945,79 € ; En application de l'article L,376-1 du Code de la Sécurité Sociale, Monsieur A, tiers responsable et la GMF devront donc être condamnés solidairement, à lui rembourser la somme ci-dessus définie, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision;
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Jurisprudence 3 - Sur l'article 700 Il est équitable d'allouer à Madame C la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie la somme de 300 € en application des mêmes dispositions ; 4- Sur l'e xécution provisoire L'exécution provisoire compatible avec la nature de l'affaire devra être ordonnée; Par ces motifs Le Tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoirement et en premier ressort, par mise à disposition au greffe, Déclare Monsieur A, entièrement responsable de l'accident survenu à Madame C le 30 décembre 2008 sur le territoire de la Commune de Peisey Nancroix, (Savoie); Condamne solidairement Monsieur A, la Garantie Mutuelle des Fonctionnaires à payer à Madame C une indemnité provisionnelle de 3 500 € à valoir sur l'indemnisation future de tous les postes de son préjudice ; Condamne solidairement Monsieur A, la Garantie Mutuelle des Fonctionnaires à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde une indemnité provisionnelle de 945,79 €, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision ; Ordonne une mesure d'expertise médicale, (…) Condamne solidairement Monsieur A et la Garantie Mutuelle des Fonctionnaires à payer en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile : - à Madame C la somme de 1 500 €, - à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Gironde la somme de 300 € ; Ordonne l'exécution provisoire; Déclare le présent jugement commun et opposable à la CPAM de la Gironde ; Condamne solidairement Monsieur A et la Garantie Mutuelle des Fonctionnaires aux dépens. Président : Alyette Fouchard
définies par la Fédération Internationale de Ski : leur violation pourrait alors faire l'objet d'un procès-verbal établi par un agent spécialement assermenté ou un officier de Police Judiciaire. Les élus sont partagés entre la préoccupation d'une sécurité accrue nécessaire à un ski-loisir familial ouvert au grand public et la promotion d’un espace de liberté à portée de spatules. En effet, la pénalisation des comportements cadre mal avec le message de l’absence de contrainte. La question juridique de la validité des arrêtés municipaux s’e st posée depuis l’idée de la nouvelle fonction de « gardien des neiges », avec la possibilité de saisir les forfaits de ski, voire même le projet d’instaurer un permis de skier, qui ont germé dans les années 2000. Pourtant toutes les règles de la Fédération Internationale de Ski ne sont pas susceptibles d'être insérées dans un arrêté municipal. Ainsi : - les règles 1 (respect d'autrui) et 2 (maîtrise de la vitesse et du comportement), parce qu'elles sont incontrôlables sur le terrain ; - les règles 3 (priorité du skieur aval), 4 (dépassement) et 5 (croisement des pistes), car le contrôle de leur application implique la flagrance. Il faut noter que leur non respect est sanctionné par les tribunaux seulement en cas de poursuites consécutives à des dommages corporels ; - les règles 9 (assistance à personne en danger) et 10 (identification) ; dans un avis du 17 mai 1993, le tribunal administratif de Grenoble a considéré que la neuvième règle ne pouvait être valablement intégrée dans un arrêté municipal que "dans la mesure où elle n'imposait pas d'autre obligation que celle d'assistance à personne en danger posée par le code pénal" ; quant à la règle 10, elle "portait une atteinte illégale à la liberté individuelle. Le maire ne pouvait, par arrêté de police, étendre les cas prévus par la loi où une personne est dans l'obligation de témoigner ou décliner son identité". En revanche le contrôle de leur application étant plus aisément réalisable, il pourrait être envisagé d'intégrer dans l'arrêté municipal les règles 6 (stationnement sur la piste), 7 (montée et descente à pied) et 8 (respect de l'information, du balisage et de la signalisation). Les préconisations de bonne conduite sur les pistes prendraient ainsi une valeur juridique reconnue et renforcée (pour une synthèse des tendances en 2000 : l'analyse de N. Marrec et A. Pinguet, Sécurité sur les pistes de ski : les réflexions du groupe de travail "juridique", cahiers du CSSM n° 8/1997, p. 39 et s.). C’est une réflexion qui continue d’agiter le monde de la Neige, soucieux d’une sécurité accrue.
Commentaire Dans le cas d’espèce, un surfeur situé à amont vient percuter une skieuse arrêtée sur le côté droit de la piste. La responsabilité du surfeur est ici recherchée sur le terrain de l’article 1384 alinéa 1er du Code Civil qui le conduit à répondre non seulement de son propre fait, mais aussi de celui qui est causé par la chose dont il a la garde. Le Tribunal rappelle qu’il ne s’agit là toutefois que d’une présomption de responsabilité qui peut se trouver écartée s’il existe une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable, telle que la faute de la victime. L’auteur de l’accident prétendait que la victime n’était pas à l’arrêt, mais qu’elle aurait été, selon lui, en mouvement au moment de la collision. La Juridiction affirme que cette circonstance ne changeait rien au fait que le surfeur était situé en amont, il avait une position qui lui permettait de choisir et donc de changer sa trajectoire pour éviter la skieuse, qu’elle fut ou non en mouvement. Le surfeur devait assurer la sécurité de toute personne située en aval, notamment en maîtrisant et adaptant sa vitesse, en se faisant l’obligation de contrôler sa propre direction, de sorte d’anticiper les manœuvres de la personne progressant en aval, laquelle en faisant de simples virages, n’a commis aucune faute. En somme, la Juridiction a retenu que c’est le surfeur et lui seul qui n’avait pas eu une attitude prudente, « d’autant plus que ce jour-là ainsi qu’il le relate (lui-même) dans son récit de l’accident, les pistes connaissaient « une forte fréquentation » ». Dès lors, la solution retenue consistant à déclarer le surfeur gardien de l’instrument du dommage entièrement responsable de l’accident était légitime. Dans cette décision, les règles de comportement de l’usager des pistes ont été directement rappelées. Cela conduit à souligner que les collisions sur pistes ne sont pas régies par un Code du ski, ce que d'aucuns regrettent sans doute… Il a été proposé d'intégrer dans les arrêtés municipaux des Communes dans lesquelles se trouvent des stations de montagne, les dix règles de conduites
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Tribunal de Grande Instance de Gap 1er avril 2011 Exposé du litige Monsieur A en vacances sur la commune d'Ancelles a été victime d'un accident de ski le 31/12/2007 suite à une collision avec Monsieur B. Un constat d'accident amiable a été signé par les deux parties le jour même. Dans le cadre d'une procédure de référé Monsieur A a obtenu la désignation du Docteur X suivant ordonnance en date du 01.10.2008, qui a déposé son rapport le 08.01.2009. Motifs de la décision 1-Sur le fond : Attendu qu'il est constant que Monsieur A et Monsieur Kévin B sont entrés en collision alors qu'ils évoluaient tous deux sur la même piste de ski dans la station de la commune d'Ancelles (05) : Qu'un constat amiable de collision entre usagers de pistes de ski a été rempli par les parties au terme duquel Monsieur A devait indiquer avoir subi des dommages corporels ; Qu'au moment des faits Monsieur A était âgé de 59 ans et Kévin B de 13 ans ; Attendu que le constat rempli après les faits par les deux protagonistes de l'accident ne comportait ni observation ni croquis de la collision tel qu'en témoigne l'exemplaire de Monsieur B ; qu'il n'est pas clairement établi qui de Kévin ou de son père a porté sa signature au paragraphe "signature usager B n mais il n'est pas contesté que le constat a bien été rempli en leur présence et avec leur assentiment ;
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Jurisprudence Que les cases cochées font de Kévin B le skieur amont et de Monsieur A le skieur aval : Que le paragraphe observations rempli ultérieurement par Monsieur A sur son exemplaire fait état de la narration des faits suivante: "Usager A était en action de skier et a entendu "attention, attention" et a été percuté par usager B (débutant à ski 1nonmaître vitesse réduite) : Que pareillement Monsieur A n'a réalisé que postérieurement le croquis du constat et situe le skieur B, lui même, très clairement en progression au dessus du skieur A - Monsieur A ; Attendu qu'il résulte du témoignage de Madame D belle sœur de Monsieur A avec qui ce dernier skiait au moment des faits, et qui le précédait de quelques mètres, qu'elle n'a pas été témoin visuel de la collision ; que le témoin ne fait que rapporter les déclarations de son beau frère affirmant qu'il a été percuté par derrière ; Que le témoin atteste en revanche valablement de ce que lorsque en raison du bruit du "choc de percussion" elle s'est retournée, elle a vu Michel A par terre un peu plus haut qu'elle et Kévin B encore plus haut à une dizaine de mètres de lui ; Que cet état de fait non contesté est de nature à établir que Monsieur Kévin B était le skieur amont ; Qu'il n'est pas non plus contesté par ce dernier qu'au moment des faits il descendait rejoindre son père qui l'attendait à la station : Attendu qu'il résulte du certificat médical initial établi par le Docteur P que Monsieur A a subi une fracture du bassin avec fracture de l'aile iliaque gauche ; Que le Docteur S au terme de son rapport rendu suivant ordonnance de référé en data du 01.10.2008, et déposé le 28.12.2008, a précisé l'existence d'une fracture du bassin associant une fracture de la cotyle gauche (partie supérieure de l'articulation de la hanche) et une fracture de l'aile iliaque gauche ; Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 1384al 1 du Code Civil on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé parle fait des personnes dont on doit répondre ou des choses que l'on a sous sa garde ; Que la présomption de responsabilité établie à l'article 1384 al 1 du Code Civil à l'encontre de celui qui a sous sa garde la chose inanimée qui a causé un dommage à autrui ne peut être détruite que par la preuve d'un cas fortuit ou de force majeure. Ou d'une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable ; Que le gardien de la chose instrument du dommage est partiellement exonéré de sa responsabilité s'il prouve que la faute de la victime a contribué au dommage; Attendu qu'en l'espèce et compte tenu des éléments ci dessus rappelés il ya lieu de considérer que Kévin B qui était au moment des faits skieur amont a percuté Monsieur A qui évoluait en dessous de lui en perdant la maîtrise de ses skis: Que le jeune Kévin s'il n'a pas co rédigé le texte et le croquis figurant sur le constat amiable, n'a jamais prétendu ne pas avoir tenu les propos rapportés "attention, attention" qui illustrent le fait qu'il avait perdu la maîtrise de sa trajectoire à ski; Que la version selon laquelle Kévin B descendait normalement la piste et a été dépassé par Monsieur A qui immédiatement après a chuté et n'apu être évité par lui n'est corroboré par aucun des éléments ci dessus exposés : Qu'iI est au contraire suffisamment établi que Monsieur A skiant en aval était dans l'impossibilité absolue d'éviter le dommage en raison du comportement imprévisible et insurmontable du jeune Kévin B quia rendu l'accident Inévitable; que dans ce contexte aucune faute ne saurait être reprochée à Monsieur A qui a été percuté sans pouvoir aucunement anticiper la collision ; Que par suite, Kévin B doit être considéré comme seul responsable de J'accident de ski survenu le 31.12.2007 et dont Monsieur A a été victime ; Attendu qu'au terme des dispositions de l'article 1384 al 2 du Code Civil le père et la mère entant qu'ils s’exercent l'autorité parentale sont solidairement responsables du dommage causé parleurs enfants mineurs habitant avec eux: que la responsabilité ci- dessus a lieu à moins que les pères, mères et les artisans ne prouvent qu'ils ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité ; Que pour que sait présumée sur le fondement de l'article 1384 al4 du Code Civil la responsabilité des père et mère d'un mineur habitant avec eux, il suffit que celui-ci ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage invoqué par la victime; que cette responsabilité de plein droit n'est pas subordonnée. à l'existence d'une faute de l'enfant ; Attendu qu'en l'espèce Monsieur Michel B doit être condamné à réparer
les conséquences dommageables de l'accident dont son fils, mineur au moment des faits dont il n'est pas rapporté qu'il n'était pas sous son autorité parentale et n'habitait pas avec lui, est seul responsable; Que Monsieur B et sa compagnie d'assurance Sogessur seront donc condamnés in solidum à réparer les dommages subis par Monsieur A. (…) Par ces motifs, Le tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort : -Déclare Kévin B seul responsable de l'accident de ski survenu le 31.12.2007 dont Monsieur A a été victime -Déclare Kévin B responsable du préjudice économique subi par Madame A consécutivement aux conséquences de l'accident du 31.12.2007 pour Monsieur A - Condamne Monsieur B et sa compagnie d'assurance Sogessur in solidum à payer à Monsieur A la somme de 19 646,40 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision déduction faite de la provision - Condamne Monsieur B et sa compagnie d'assurance Sogessur in solidum à rembourser la somme de 11 209,37 euros à la CPAM de Dunkerque au titre de ses débours assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision Déclare le présent jugement commun à la CPAM de Dunkerque Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision Déboute les parties du surplus de leurs demandes Condamne Monsieur B et sa compagnie d'assurance Sogessur in solidum à payer la somme de 2.000 eurossur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile à Monsieur et Madame A Condamne Monsieur B et sa compagnie d'assurance Sogessur in solidum à payer la somme de 1.000 euros sur le fondement del'article 700 du Code de Procédure Civile à la CPAM de Dunkerque Condamne Monsieur B et sa compagnie d'assurance Sogessur in solidum aux dépens Alloue le bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile au profit des avocats de la cause
Commentaire Cette décision a la particularité de mettre en exergue une pratique de plus en plus habituelle : l'établissement, comme en matière de circulation automobile, d'un constat d'accident amiable, lors des collisions sur pistes, entre usagers. Astucieusement inspiré par l’imprimé de constat-type que chaque conducteur détient dans son véhicule, pour le cas où un accident mineur venait à survenir, ce document est diffusé par les Compagnies d'assurances soucieuses de régler amiablement les litiges relatifs aux collisions sur pistes. La première obligation des skieurs ou surfeurs impliqués dans une collision mineure est de communiquer leur identité et leur adresse exactes. Le constat amiable va permettre ensuite de définir par écrit, les circonstances de l’accident : -Date, et lieu de survenance ; -Position des skieurs : amont / aval ; -Existence de témoins éventuels. Cela nécessite de remplir les bonnes cases, et que le constat soit signé conjointement par les parties, disposant ainsi d’un même document. Il permet normalement de préciser concomitamment et d’un commun accord le lieu et les conditions de l'accident (par exemple : C.A. Pau, 2ème Ch., 23 avril 2007, n°05/0365, Dalloz.fr). En l’espèce, les juges du fond ont constaté que l’une des parties avait rempli ultérieurement son propre document en ajoutant des observations, croquis et mentions n’ayant fait l’objet d’aucun accord quant à la rédaction de ses « ajouts ». Ainsi, loin d’être un document dont l’objectif était d’éclairer la solution du litige, il devenait un élément de conflit supplémentaire ! C’est par un retour aux principes fondamentaux de l’article 1384 alinéa 1 du Code Civil que la solution va intervenir. Après avoir énoncé que le gardien de la chose, instrument du dommage (et non le simple fait), est partiellement exonéré de sa responsabilité s’il prouve que la faute de la victime a contribué au dommage, le Tribunal écarte toute faute (et donc toute responsabilité) de la victime située en aval au regard des conditions de la survenance de l’accident.
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Jurisprudence
Transport de personnes
La Cour, (...) Appelant d'un jugement prononcé le 28 octobre 2009 par le tribunal de police de Moutiers qui l'a déclaré coupable d'utilisation à des fins de loisirs d'engin motorisé conçu pour la progression sur neige, Monsieur Thierry Lendais, en cause d'appel à présenté une question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article L. 362-3 alinéa 3 du Code de l'environnement et, au fond, a soutenu que l'infraction n'était pas caractérisée à son égard dès lors qu'il n'utilise pas de tels engins à des fins de loisirs. Sur la question préjudicielle de constitutionnalité La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit dans la Constitution du 4 octobre 1958 un article 61-1 disposant que: «Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. » Aux termes des dispositions de l'article 23-12 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 : - les juridictions pénales doivent apprécier si la disposition législative contestée est applicable à la procédure ou constitue le fondement des poursuites,
- la disposition législative contestée ne doit pas avoir été déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, - les juridictions pénales doivent également vérifier si la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux pour déterminer son éventuelle transmission. En l'espèce, la défense de Monsieur Thierry L, outre qu'elle n'a pas expressément formalisé la question prioritaire de constitutionnalité, se contente d'invoquer des principes (liberté individuelle, égalité des individus devant la loi, liberté économique, liberté du commerce, libre prestation des services, respect de la non discrimination, droit aux loisirs, nécessité de concilier la mise en valeur de l'environnement avec le développement économique et le progrès social) sans expliquer en quoi ces derniers seraient violés par la mise en oeuvre de l'article attaqué. Dès lors, en l'absence d'une question claire et précise, la cour qui ne peut en apprécier le caractère sérieux pour déterminer son éventuelle transmission, ne peut que rejeter les conclusions déposées. Sur le fond Le 21 janvier 2008 vers 20 heures, aux Allues, des agents du parc national de la Vanoise ont constaté la présence d'un quad muni de chenillettes tractant une remorque occupée par quatre personnes identifiées comme étant des clients du restaurant «L'arpasson» vers lequel ils étaient acheminés. Monsieur L a reconnu avoir transporté sa clientèle vers ce restaurant d'altitude dont il est propriétaire et gérant. Il a précisé que l'itinéraire suivi empruntait un chemin communal qui constitue également l’accès à sa résidence. Il a indiqué qu'il procédait à l'acheminement des
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Cour d’Appel de Chambéry 8 juin 2011
Jurisprudence clients vers son établissement conformément a un arrêté municipal qui autoriserait cette pratique. Aux termes de l'article L. 362-3 du Code de l'environnement, l'utilisation, à des fins de loisirs, d'engins motorisés conçus pour la progression sur neige, est interdite. Il résulte des pièces de procédure que le prévenu exploite aux Allues un restaurant qui n'est accessible, en période hivernale, par aucune voie routière ouverte à la circulation. En l'espèce, l'utilisation d'un engin motorisé conçu pour la progression sur neige présente à l'égard de l'exploitant, personne poursuivie, un caractère professionnel, dès lors qu'elle est strictement dévolue au convoyage de clients qui se rendent au restaurant d'altitude, à une heure correspondant au repas du soir. La contravention n'est pas caractérisée dans la mesure où il n'est pas démontré que cette utilisation strictement limitée du motoneige a été faite à des fins de loisirs. Par réformation du jugement entrepris, Monsieur Thierry L sera renvoyé des fins de la poursuite. Les parties civiles, la Frapna et l'Association Vivre en Tarentaise seront déclarées irrecevables.
Haute-Maurienne, Vanoise
Par ces motifs, la cour, Statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi, par arrêt de défaut à l'égard de l'Association Vivre en Tarentaise et contradictoire à l'égard des autres parties, Reçoit les appels du prévenu et du ministère public, Rejette les conclusions de la défense tendant à voir transmettre une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation, Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et, Statuantà nouveau, Renvoie Thierry L des fins de la poursuite, Déclare irrecevables les constitutions de partie civile de la Frapna et l'Association Vivre en Tarentaise. (...)
Quoi de plus attrayant qu’une promenade sur le domaine skiable lorsque les remontées mécaniques se sont tuent et que la station s’endort. Il est en effet tentant pour les restaurateurs situés en altitude de proposer de telles balades à leur clientèle. C’est à l’occasion de l’une de ces sorties, qu’un responsable d’un restaurant a été verbalisé par les agents du parc national de la Vanoise pour violation de l’article L 362-3 du code de l’environnement. Ces derniers ont en effet pu constater la présence d’un quad, en dehors de toutes voies ouvertes à la circulation, muni de chenillettes tractant une remorque occupée par 4 personnes, clients d’un restaurant d’altitude. Sur le fond, le restaurateur fait valoir que l'infraction n'était pas caractérisée à son égard, dès lors qu'il n'utilise pas de tels engins à des fins de loisirs, mais à des fins professionnelles. Si l’article L. 362-1 du code de l’environnement interdit la circulation des véhicules terrestres à moteur dans les espaces naturels, en dehors des voies ouvertes à la circulation publique, il est nécessaire de rappeler que, sous réserve des dispositions des articles L. 2213-4 et L. 2215-3 du code général des collectivités territoriales, l'interdiction ne s'applique pas aux véhicules utilisés pour assurer une mission de service public et ne peut s’appliquer de façon permanente aux véhicules utilisés à des fins professionnelles, de recherche, d'exploitation ou d'entretien des espaces naturels. Dans son arrêt, la cour d’appel de Chambéry confirme en l’espèce la position déjà retenue par la Cour d’appel de Grenoble, 1er chambre des appels correctionnels, qui, le 21 octobre 2008 (Cour d’Appel de Grenoble 21 octobre 2008 - 1er chambre des appels correctionnels - N° 07/01459) avait déterminé que le convoyage de clients des restaurants et hôtels d'altitude constituait une utilisation professionnelle, au motif qu'il ne s'agirait pas de l'organisation de promenades, ni d'un usage en vue de pratiques sportives ou de loisirs. A ce titre, le professeur Philippe Yolka, spécialiste en droit public, et plus particulièrement en droit de la montagne à l’Université de Grenoble, s’est interrogé sur le bien fondé de telles décisions en « contradiction avec la jurisprudence dominante (notamment celles des Hautes-juridictions) » (Convoyage motorisé de clients de restaurants d’altitude : bis repetita non placent » - Environnement n° 12, décembre 2011 - commentaire par Philippe Yolka).
D.R. © RJoly
Commentaire
Dans cette affaire, l’infraction n'est donc pas caractérisée, dans la mesure où, il n'est pas démontré que cette utilisation, strictement limitée de motoneige, aurait été faite à des fins de loisirs. En l'espèce, l'utilisation d'un engin motorisé, conçu pour la progression sur neige, présente à l'égard du restaurateur, personne poursuivie, un caractère professionnel, dès lors qu'elle est strictement dévolue au convoyage de clients qui se rendent au restaurant d'altitude, à une heure correspondant au repas du soir. C’est donc la seconde fois, en 4 ans, que des juridictions de Cour d’Appel considèrent que le convoyage de clients vers des restaurants d’altitude, revêt un caractère professionnel. Le dossier n’est cependant pas clôt puisque très récemment, deux décisions de première instance sont venues condamner ce types de pratiques. Si la notion d’activité professionnelle étendue à de tels déplacements semble faire sa trace auprès des juridictions du second degré, cela ne donne pas pour autant, à tout un chacun, un « blanc seing » pour se livrer à de telles pratiques. Cela ne doit pas s’opérer sans tenir compte de l’activité nocturne du domaine skiable. En effet, et contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, les activités nocturnes sur les domaines skiables ne sont pas inexistantes. Le domaine skiable, la nuit, est également et surtout, le champ d’activité des professionnels de la neige qui travaillent dans l’ombre, afin de préparer les pistes de ski et assurer la sécurisation des sites dès qu’ils seront ouverts au public. C’est pourquoi, au-delà des contraintes posées par le code de l’environnement, ces activités doivent être encadrées strictement, notamment au travers d’un arrêté municipal, afin, d’une part, de ne pas perturber le travail des conducteurs de dameuses, mais surtout d’autre part, de ne pas mettre en danger les clients des restaurants qui pourraient se trouver en présence des engins de damage ou de leur treuil.
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Jurisprudence
Collision avec engin de damage
Tribunal de Grande Instance d’Albertville 4 mars 2011 Le 03/12/2007, un choc est intervenu entre Monsieur Alessandro D qui évoluait en surf sur la piste ouverte du Ballin à Tignes (73) et un engin de damage appartenant à la Régie des Pistes de Tignes. Suivant actes d'huissier en date du 17 et du 21 septembre 2009, Monsieur Alessandro D a fait citer devant le Tribunal de Grande Instance d'Albertville la Régie des Pistes de Tignes et la société Compensation Recovery Unit, son organisme social, aux fins de voir déclarer sur le fondement de l'article 1385 alinéa 5 du code civil la Régie des Pistes de Tignes responsable de l'accident dont a été victime Monsieur Alessandro D le 03/12/2007 et la dire tenue d'indemniser intégralement la victime de son préjudice. Il sollicite que soit ordonnée une expertise et que lui soit accordée une provision de 8 000 €à valoir sur la liquidation de son préjudice corporel, outre 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et le prononcé de l'exécution provisoire. Il demande que la décision à intervenir soit déclarée opposable à la société Compensation Recovery Unit de qui il a déjà perçu des prestations. Dans le cadre d'un jeu de conclusions n° 1 signifié le 25 mai 2010, auquel il sera renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions du demandeur, Monsieur Alessandro D a modifié le fondement juridique de ses demandes, évoquant désormais la loi du 5 juillet 1985, les engins de damage des pistes constituant des véhicules terrestres à moteur. Il a maintenu sa demande d'expertise, a sollicité une provision de 10 000 € et 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et a demandé le prononcé de l'exécution provisoire. Il a sollicité que la décision à intervenir soit déclarée opposable à la société Compensation Recovery Unit et que les dépens comprennent les frais de délivrance de l'acte en anglais à l'étranger. Il expose avoir été percuté par l'avant de l'engin de damage, alors qu'il évoluait sur la piste, être passé sous la machine et avoir été traîné sur une vingtaine de mètres avant de ressortir par l'arrière de la dameuse. Il renvoie à la lecture du procès-verbal de gendarmerie dressé le jour même et au témoignage d'un témoin de l'accident, Monsieur Richard, qui excluent toute faute inexcusable de la victime. Il indique avoir été pris en charge au centre médical de Tignes puis évacué sur l'Hôpital de Moutiers et le service des soins intensifs de l'hôpital d'Albertville où de multiples fractures ont été diagnostiquées. En réponse, dans un jeu de conclusions n° 2 signifié le Ier octobre 2010, auquel il sera renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la Régie des Pistes de Tignes a conclu en sollicitant de la juridiction de : Vu l'article 9 du Code de Procédure Civile, - constater que Monsieur Alessandro D fonde ses prétentions sur les dispositions de la loi du 5 juillet 1985, - donner acte à la Régie des Pistes de Tignes qu'elle formule toutes protestations et réserves d'usage sur la demande d'expertise, - débouter Monsieur Alessandro D de sa demande de provision, - condamner Monsieur Alessandro D au paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, - condamner le même aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP X, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile. Elle expose prendre acte du nouveau fondement soulevé par le demandeur et indique s'en rapporter au Tribunal quant à l'appréciation d'une faute inexcusable de la victime. Elle formule toutes protestations et réserves d'usage sur la demande d'expertise, mais s'oppose au versement d'une provision, considérant que
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Monsieur Alessandro D ne rapporte pas la preuve d'éléments permettant à la juridiction de décider du caractère fondé ou non de la demande, aucun certificat médical sur sa situation actuelle ni aucun justificatif des frais engagés n'étant produit. La société Compensation Recovery Unit a, par courrier du 8 octobre 2009, indiqué ne pouvoir être présente mais a sollicité que soient pris en compte dans le jugement à intervenir les intérêts du CRU. Elle se fonde sur la loi de Sécurité Sociale de 1997 pour indiquer que les prestations versées doivent être remboursées par le responsable ou son assureur à l'Etat, via le CRU. Suite à l'ordonnance de clôture rendue le 17 novembre 2010, l'affaire a été plaidée le 21 janvier 2011. Sur quoi Par application combinée des articles 751 et 815 du Code de Procédure Civile, le courrier de la société Compensation Recovery Unit, qui n'a pas constitué avocat, sera déclaré irrecevable. Sur la responsabilité de la Régie des Pistes de Tignes La loi du 5 juillet 1985 s'applique à "aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur". Un engin de damage évoluant sur les pistes de ski est un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi de 1985, seuls les trains et tramways circulant sur les voies qui leur sont réservées en étant exclus. De plus, il s'agit bien d'un accident de circulation puisque l'accident est survenu sur une piste ouverte au public, ce qui n'est pas contesté. Le skieur doit donc être assimilé à la position du piéton ou cycliste, n'étant pas lui-même conducteur d'un véhicule terrestre à moteur. En conséquence la société gardienne du véhicule, en l'occurrence la Régie des Pistes de Tignes, ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en prouvant que l'accident serait dû à la faute inexcusable et exclusive de la victime, conformément aux dispositions de l'article 3 alinéa 1 de la loi. La faute inexcusable se définit comme la faute volontaire, d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience. Des différentes pièces versées aux débats et notamment du procès-verbal d'audition de Monsieur Olivier R, surfeur évoluant sur la gauche de la piste au moment où l'accident est arrivé, il ressort qu'il a vu une personne se faire heurter par la dameuse de face et au milieu, la personne disparaissant sous la dameuse et réapparaissant 10 ou 15 mètres après, le corps enfoncé dans environ 30 cm de neige. Le chauffeur de l'engin de damage, Monsieur Jean-Louis C a quant à lui reconnu qu'il ne pouvait s'agir que de sa dameuse au vu de l'heure et de l'endroit de l'accident et que le surf appartenant à la victime présentait des "traces de dents de fraise à l’arrêt". Le médecin qui a examiné la victime, le Docteur X, a quant à lui indiqué que les blessures constatées "ne sont pas incompatibles avec une collision du blessé présumé avec une chenillette". Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le choc entre l'engin de damage conduit par Monsieur C et appartenant à la Régie des Pistes de Tignes avec Monsieur Alessandro D est établi et non contesté. Quant aux éléments de faits ressortant de la procédure, aucun ne permet de retenir une faute inexcusable de la victime. La responsabilité de la Régie des Pistes de Tignes est donc pleinement engagée. Sur la demande d'e xpertise Monsieur Alessandro D a sollicité que soit ordonnée une mesure d'expertise aux fins de quantifier son préjudice. La Régie des Pistes de Tignes s'en est rapportée quant à l'organisation de cette mesure d'expertise, faisant toutes protestations et réserves d'usage. La mesure d'instruction sollicitée apparaît nécessaire à la solution définitive du litige, et doit permettre de quantifier exactement le préjudice
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Jurisprudence lui appartenant et Monsieur Alessandro D ; Ordonne une mesure d'expertise médicale, (…) Condamne la Régie des Pistes de Tignes à verser à Monsieur Alessandro D à titre provisionnel la somme de 6 000 € à valoir sur son préjudice ; Condamne la Régie des Pistes de Tignes à payer à Monsieur Alessandro D la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; Prononce l'exécution provisoire ; Déclare la présente décision commune et opposable à la société Compensation Recovery Unit ; Rejette les autres demandes ; Condamne la Régie des Pistes de Tignes aux dépens en ce compris les actes de procédure à l'étranger et le coût des traductions nécessaires à la procédure, qui seront distraits au profit de la SCP X avocat, sur son affirmation de droit.
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Commentaire
subi. Elle sera donc ordonnée selon les modalités reprises au dispositif, avec désignation d'un médecin du Paris, Monsieur Dayant indiqué pouvoir se rendre sur Paris pour l'exécution de cet examen. Sur la demande de provision Au vu des développements faits ci-dessus, la responsabilité entière de la Régie des Pistes de Tignes a été retenue sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, aucune faute inexcusable de la victime ne pouvant être retenue. Monsieur Alessandro D à-sollicité paiement d'une provision de 10 000 € à valoir sur la liquidation finale de son préjudice corporel. Même si le demandeur n'apporte pas d'éléments actuels de son état de santé, il sera constaté au vu des pièces de la procédure qu'il a subi diverses fractures, aux côtes, à la clavicule, à la branche ischio-pubienne droite, aux sinus, outre un traumatisme facial avec hématome et contusions, et ce sans tenir compte du choc que peut constituer le fait d'être passé sous une dameuse. Ces éléments justifient en eux-mêmes d'ores et déjà de l'octroi d'une provision, sans qu'il soit nécessaire de rapporter des éléments actualisés. La Régie des Pistes de Tignes sera donc condamnée à verser à Monsieur Alessandro D la somme de 6 000 € de ce chef. Sur les demandes accessoires Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Alessandro D les frais engagés dans la présente instance. La Régie des Pistes de Tignes sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile. En outre la présente décision sera déclarée commune et opposable à la société Compensation Recovery Unit. La Régie des Pistes de Tignes, partie perdante, sera condamnée aux dépens qui comprendront l'ensemble des coûts de délivrance des actes, y compris à l'étranger et de traduction des pièces de procédure. Enfin il sera prononcé l'exécution provisoire au vu de l'ancienneté des faits. Par ces motifs Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire et en premier ressort ; Déclare irrecevable le courrier adressé par la société Compensation Recovery Unit reçu le 12 octobre 2009 au tribunal, Dit que la Régie des Pistes de Tignes est responsable de l'accident survenu le 03/12/2007 sur la piste du Bollin à Tignes (73) entre un engin de damage
Contrairement aux idées reçues, les engins de damage ne circulent pas uniquement de nuit, lorsque les skieurs et autres pratiquants ont quitté le domaine skiable. Dans des conditions très encadrées, définies au travers de l’arrêté municipal et d’un plan de circulation, ces dameuses, ou autres véhicules tels que les motoneiges, peuvent être amenés à emprunter des pistes ouvertes au public. Si le principe reste bien l’interdiction générale de circulation dans les espaces naturels, une exception subsiste afin de permettre aux différentes entités en charge de l’e xploitation du domaine skiable, de remplir des missions de service public, telle que celles d’assurer la sécurité sur les pistes et sur les remontées mécaniques. Dans l’affaire qui nous intéresse, un jeune homme évoluait en surf sur une piste balisée, ouverte au public. Il a alors percuté par l’avant un engin de damage et a subi de multiples fractures. Afin de se prononcer sur les responsabilités civiles, le juge est amené à faire une application originale de la loi Badinter. En effet, un engin de damage qui évolue sur des pistes de ski ouverte au public, est bien semble-t-il, un « véhicule terrestre à moteur » au sens de la loi dite « Badinter » de 1985. Loi qui rappelons-le, a créé un régime spécial d'indemnisation des victimes d’accidents en cas de dommages consécutifs à un accident de la circulation. Si le juge considère les engins de damage comme étant des véhicules terrestres à moteur, le skieur doit être, quant à lui, assimilé à la position du piéton ou du cycliste. Notons que lorsque les faits commis constituent une infraction, et que l’auteur est inconnu ou insolvable, le législateur a prévu la possibilité de faire appel à un fond de garantie. Les victimes d’accidents de ski peuvent donc sous certaines conditions faire appel à ce fond. L’article L421-1 du code des assurances vise en effet « les indemnités allouées aux victimes…lorsque les dommages ont été causées accidentellement par des personnes circulant sur le sol, dans des lieux ouverts à la circulation publique » (Cour d’Appel de Paris, 1er Chambre, 29 novembre 1996, Gazette du Palais 20 et 21 décembre 1996). Dans ce cas de figure, l’opérateur en charge de la sécurisation du domaine skiable ne pouvait donc s’e xonérer qu’en rapportant la preuve d’une faute de la victime, inexcusable et exclusive, faute qui n’a pas été rapportée dans cette affaire. Si sous la neige se cache la loi Badinter au plan civil, rappelons que sur le plan pénal, le juge du Tribunal de Grande Instance de Bonneville dans un jugement en date du 22 janvier 2009 (N° 80/09 inédit), a eu l’occasion de se positionner sur la notion de « faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ». Suite à un accident mettant en cause le conducteur d’une motoneige qui s’apprêtait à fermer une piste et un skieur, le juge a rappelé l’importance du respect des plans de circulation établit par les opérateurs de domaines skiables. En outre, les conditions de circulation des véhicules terrestres à moteur, sont en général précisées dans les arrêtés municipaux relatifs à la sécurité sur les pistes. Leur violation peut constituer, au plan pénal, une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité édictée par une loi ou un règlement, telle que visée par l’article 121-3 du code pénal.
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Jurisprudence
Moniteurs
Le 9 mars 2006, Mme Florence C., qui suivait un cours collectif de ski sur le domaine skiable des Deux Alpes, faisait partie d'un groupe de six skieurs de niveau 2, selon l'échelle établie par l'Ecole du Ski Français, encadré par M. Didier B., moniteur de l'Ecole du Ski Français, qui a emmené ses élèves dans le secteur de la Toura où se trouve un snow park, zone spécialement aménagée pour le ski acrobatique. Lors du passage entre les modules du snow park, Mme C. n'est pas parvenue à effectuer correctement ses virages, elle n'a pu maîtriser sa vitesse et a chuté à l'intérieur du slope slide , structure aménagée pour la glisse dune hauteur de 3 m. Mme C. est devenue paraplégique à la suite de cet accident. Par acte du 19 mai 2008, Mme C. a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris, M. B., son assureur la société Generali et la Mutualité Sociale Agricole d'Ile de France. Par jugement du 12 novembre 2009, le tribunal a : - dit que M. B. est responsable du dommage subi par Mme C., - avant dire droit, ordonné une expertise, confiée au docteur Yves D., - condamné in solidum M. B. et la société Generali à verser à Mme C. une provision de 100 000 euros, - réservé les dépens. L'expert judiciaire a déposé son rapport le 17 mai 2010. M. B. et la société Generali ont interjeté appel du jugement. Dans ses dernières conclusions signifiées le 16 mars 2011, M. B. demande à la Cour : - d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déclaré responsable du dommage subi par Mme C.. - de constater que Mme C. ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute imputable à M. B., qui serait en relation directe et certaine avec la chute dont elle a été victime le 9 mars 2006 et les dommages corporels qui en ont été la conséquence. - de juger que l'accident de Mme C. trouve son origine exclusive dans son défaut de maîtrise de ses skis et de sa vitesse lors de la descente d'une piste ne présentant aucune difficulté particulière. - de débouter Mme C. de l'intégralité de ses demandes dirigées contre lui. - de la condamner à restituer la provision à laquelle il a été condamné in solidum avec la société Generali Iard. - de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel. M. B., qui produit un CD ROM contenant des photographies des lieux de l'accident prises par lui le 12 mars 2006 et le 23 février 2011, reprend son argumentation développée devant le tribunal, il expose notamment que l'obligation d'information du moniteur concerne les dangers anormaux et non visibles situés sur le parcours emprunté, que tel n'est pas le cas du slope slide , qui ne se situait pas sur l'itinéraire prévu pour la descente et qu'au surplus ce mur de neige était visible et appréhendé par tous les élèves lors d'une première descente le long du coté gauche du half pipe, ainsi que lors du survol en télésiège du snow park; qu il ne peut lui être imputé à faute de ne pas avoir donné de consignes spécifiques à Mme C., alors que celle ci a reçu toutes les recommandations nécessaires dans le cadre de sa formation pour prévenir les chutes et qu'elle a perdu lé contrôle de sa trajectoire et de ses skis. Dans ses dernières conclusions signifiées le 30 mars 2011, la société Generali Iard demande à la Cour de : - débouter Mme C. de toutes ses demandes, notamment de ses demandes de rejet de la pièce n° 12, d'évocation et d'élévation de l'indemnité provisionnelle à la somme de 250 000 € ;
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Val Cenis - infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré M. B. responsable du dommage subi par Mme C. ; A titre principal, - juger que M. B. n'a commis aucune faute en lien avec le dommage subi par Mme C. ; - débouter Mme C. de ses demandes à son encontre concernant la provision, les frais irrépétibles et les dépens; A titre subsidiaire. - juger que Mme C. a commis des fautes d'imprudence et de négligence ayant concouru à la réalisation du dommage dans la proportion des trois quarts; - Réduire en conséquence des trois quarts la provision qui sera allouée, et la fixer dans de plus justes proportions ; En tout état de cause, - débouter Mme C. de ses demandes - la condamner aux entiers dépens. La société Generali Iard fait valoir que la communication de sa pièce n°12, un reportage vidéo effectué sur les lieux de l'accident le 4 avril 2007 par un de ses experts en compagnie de M. B., respecte le principe de la contradiction, les parties ayant été en mesure de répliquer en raison du report de la clôture au 30 mars 2011, qu'il est de nature à éclairer le débat qui est orienté en appel sur la configuration des lieux de l'accident. Sur le fond la société soutient notamment que l'obligation de sécurité de
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Cour d’Appel de Paris 6 juin 2011
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Jurisprudence
Haute-Maurienne, Vanoise moyens à laquelle était assujetti M. B. en l'espèce consistait à s'assurer que Mme C. se trouvait dans un cours qui correspondait à son niveau, que la piste choisie était adaptée au niveau des élèves, et que l'exercice effectué était approprié, ce qui était le cas; que la jurisprudence n'exige pas, que le moniteur de ski alerte systématiquement ses élèves sur l'é ventuelle dangerosité de la zone dans laquelle ils évoluent, si cette dernière correspond à leur niveau, à fortiori lorsque les éléments dangereux se situent en dehors de la piste; que Mme C. a commis une faute en entamant la descente sans prévenir que la configuration des lieux constituait une gêne pour elle. Dans ses dernières conclusions signifiées le 28 mars 2011, Mme C. demande à la Cour : In limine litis, - de rejeter la pièce n° 12, constituant un DVD, communiquée pour la première fois par la compagnie Generali le 16 mars 2011, alors qu'il s'agit d'un reportage vidéo présenté comme réalisé en 2007, contenant une narration audio anonyme contraire à toutes les règles de procédure en matière de preuves et témoignages; que cette communication tardive constitue une maltraitance à son égard, en lui faisant subir une reconstitution sauvage de son accident; qu'enfin, cette pièce est inefficace à rapporter quelque preuve que ce soit dans le cadre d'une première production en 2011. - de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, - de constater que les fautes commises par M. B. sont caractérisées et en relation de causalité avec l'accident survenu le 9 mars 2006, - de condamner M. B. in solidum avec la compagnie Generali à lui verser la somme de 250.000 € à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice corporel et ce en deniers ou quittances, - de débouter M. B. et la compagnie Generali de toutes leurs demandes, - de condamner M. B. in solidum avec la compagnie Generali à lui verser la somme de 3.000 € au titre de frais irrépétibles exposés dans le cadre de la présente instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - de condamner M. B. in solidum avec la compagnie Generali en tous les dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise. Mme C. expose notamment que M. B. a commis des fautes en ne lui délivrant pas les consignes nécessaires pour lui permettre d'anticiper les dangers, alors qu'elle était confrontée à un environnement anormalement dangereux, en appréciant mal son niveau de ski. Elle fait valoir qu'elle n'a commis aucune imprudence et que sa perte de maîtrise de ses skis résulte de son peu d'expérience du ski au regard de la difficulté de l'exercice proposé par le moniteur. La Mutualité Sociale Agricole d'Île de France, assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avoué, ni fait connaître le montant de sa créance.
Cela étant exposé, la Cour : Sur la pièce n°12 produite par la société Generali Aux termes des dispositions des articles 15 et 135 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement et en temps utile les moyens de preuve qu'elles produisent afin que chacune soit à même d'organiser sa défense et le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile. Aux termes de l'alinéa 2 de l'article 16 du code précité, le juge ne peut retenir, dans sa décision, les documents invoqués ou produits par les parties que si celles ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. En l'espèce, la société Generali a communiqué le 16 mars 2011, date prévue pour l'ordonnance de clôture, un DVD qu'elle détenait depuis plusieurs années puisqu'elle soutient qu'il a été réalisé le 4 avril 2007 ; que malgré le report de l'ordonnance de clôture, Mme C. n'a pas été en mesure de discuter cette pièce pour des raisons d'ordre technique et de délais; la communication de la pièce n° 12 n'a donc pas été faite en temps utile au sens des articles 15 et 135 susvisés. Par ailleurs, cette pièce produite par la société Generali destinée à présenter les lieux et les conditions de l'accident, a été réalisée de façon unilatérale par M. B. et l'expert de la société Generali et Mme C. est fondée à s'interroger sur la date de sa réalisation en précisant que la configuration des lieux a changé depuis l'accident. En conséquence, les parties n'ayant pas été à même de débattre contradictoirement du DVD produit tardivement par la société Generali, il convient d'écarter cette pièce des débats. Sur la responsabilité Les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance. La cour estime que le premier juge, par des motifs exacts et pertinents qu'elle approuve et qu'elle fait siens, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties. Il convient, en conséquence, de confirmer la décision déférée. Sur la provision Eu égard à l'importance des préjudices subis par Mme c., il convient de porter le montant de la provision qui lui a été allouée par le tribunal à la somme de 200 000 euros. Sur l'article 700 du code de procédure civile Il serait inéquitable de laisser à la charge de la victime l'intégralité des frais et honoraires exposés par elle et non compris dans les dépens. La somme fixée de ce chef par le premier juge sera confirmée et il lui sera alloué en cause d'appel, la somme complémentaire de 2 500 euros.
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Jurisprudence Par ces motifs Confirme le jugement sauf en sa disposition ayant fixé à 100 000 euros le montant de la provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel ; Et y ajoutant, Condamne in solidum M. Didier B. et la SA Generali Iard à verser à Mme Florence C. la somme de 200 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel et ce en deniers ou quittances ; Condamne in solidum M. Didier B. et la SA Generali Iard à verser à Mme Florence C. la somme complémentaire de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile; Condamne in solidum M. Didier B. et la SA Generali Iard aux dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Commentaire Il est de plus en plus fréquent que les opérateurs de domaines skiables et de remontées mécaniques proposent et prévoient sur les pistes, des zones dédiées à certaines activités, ou pour certaines catégories de pratiquants, telles que les jardins d’enfants, stades ou snowpark. Ces zones, proposées certes à des fins ludiques, visent également à remplir un objectif de sécurité tout en respectant la libre pratique de chacun. Cependant, l’accès à ces zones demande un minimum d’e xpérience et de savoir-faire, notamment en ce qui concerne les snowpark. En l’espèce, un moniteur de ski qui encadrait un groupe de 6 personnes de niveau 2, selon l’échelle des niveaux établie par l’école du ski français, a emmené ses élèves dans un espace spécialement aménagé, appelé snowpark. Lors d’un passage entre les différents modules, et plus précisément à
proximité d’un « slope slide » (terrain aménagé comportant une paroi abrupte de trois mètres environ), l’une de ses élève a perdu le contrôle de sa vitesse, n’a pas réussi à s’arrêter et s’est trouvée emportée vers le « slope slide », pour finalement chuter d’une hauteur de 3 mètres. Elle a été gravement blessée en heurtant le sol et est restée paralysée des membres inférieurs. La responsabilité du moniteur de ski est recherchée sur le plan civil, sur le fondement de l’article 1147 du code civil, en raison de la nature du contrat qui le lie à ses clients. L’obligation qui pèse sur les moniteurs de ski, professionnels de l’enseignement est une obligation de sécurité dite « de moyen ». Il appartient donc à la victime, dans ces circonstances, de rapporter la preuve d’une faute du moniteur, dans l’e xercice de ses fonctions. Selon la jurisprudence habituelle, il est constant qu’un moniteur de ski doit apprécier l’aptitude de ses élèves et choisir les parcours adaptés en conséquence. En l’espèce, il est reproché au moniteur de ski de ne pas avoir anticipé les dangers du parcours et de ne pas avoir informé son élève quant à la conduite à tenir, pour évoluer en sécurité. Il est cependant important de noter qu’en l’e spèce, pour se défendre, ce dernier avait souhaité produire un CD ROM contenant des photographies des lieux de l’accident. Les juges se sont interrogés sur la date de réalisation de ce document, dans la mesure où il avait été réalisé de façon unilatérale par l’assureur du moniteur et son expert. Cette pièce a été finalement écartée des débats, les parties n’ayant pu en débattre de façon contradictoire. La Cour d’Appel de Paris a confirmé le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu’il a considéré le moniteur de ski responsable du dommage subi par son élève. Les mesures conservatoires et le moyens de preuve, dans un milieu tel que celui de la montagne, où les conditions climatiques évoluent rapidement, tant en ce qui concerne l’état de la neige, que la météo révèlent ici leur caractère spécifique.
REPÈRES
Tribunal de Grande Instance de Paris Décision du 12 novembre 2009 (…) ur la responsabilité de Monsieur B. Attendu qu'il résulte de l'article 1147 du code civil qu'un moniteur de ski engage sa responsabilité à raison des dommages subis par ses élèves si, en vertu de l'obligation de sécurité de moyens qui lui incombe, une faute est prouvée à son égard, celle-ci devant être appréciée selon les circonstances de fait ; ' Attendu qu'en l'espèce l'accident est survenu sur une surface bien enneigée, de faible pente, et dans d'excellentes conditions d'ensoleillement et de visibilité ; Que le passage entre les deux modules du "snow park" de La Toura n'était pas une zone de hors piste mais un espace aménagé destiné aux nouvelles formes de glisse et pleinement intégré au domaine skiable des Deux Alpes ; Que le jour de l'accident, Madame C et les-autres skieurs du groupe de Monsieur B. suivaient leur quatrième leçon de la classe 2, qui correspond, selon la définition de l'Ecole du Ski Français, à l'acquisition progressive de la technique du virage et des godilles de base; Qu'en raison de la topographie du parcours où il a entraîné le
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groupe, un passage étroit entre un grand relief enneigé et le "half-pipe", Monsieur BEL a donné pour consigne de faire des. virages serrés puis de s'arrêter ; Qu'à l'extrémité de ce passage se trouvait le bord gauche du "slope slide", constitué d'un important dénivelé invisible depuis l'endroit où se trouvaient les skieurs au moment de l'accident; Que Madame C, passant en quatrième position, n'a pas réussi à fermer ses virages et a dépassé le moniteur et les deux autres skieurs pour se diriger droit vers le "slope slide", où, emportée par sa vitesse, elle a fait une chute de trois mètres ; Qu'en ce qui concerne le déroulement des faits, il est constant que Madame C n'a pas omis sciemment de s'arrêter au niveau de Monsieur B ni méconnu les consignes de sécurité, mais a au contraire perdu la maîtrise de sa vitesse et de sa trajectoire ; Qu'il convient de relever à cet égard que l'étroitesse de l’itinéraire et la présence d'une paroi rocheuse à droite et d'une fosse à gauche étaient de nature à troubler un skieur peu expérimenté et a donc pu, ainsi qu'il ressort du procès-verbal de gendarmerie du 12 mai 2006
versé aux débats, diminuer l'assurance de Madame C, peu entraînée à faire des virages serrés ; Que les militaires de gendarmerie ont en effet indiqué que "les limites imposées [...] laissaient techniquement la place suffisante pour progresser en sécurité mais elles ont, sans doute, altéré psychologiquement la technique ski de la victime" ; Qu’il ressort en outre des déclarations de Madame R, une des élèves de Monsieur B, que parmi tous les skieurs du groupe, Madame C avait la moins bonne maîtrise des virages et savait le moins facilement s'arrêter; Que la perte de maîtrise à l'origine de l’accident de Madame C ne peut donc être imputée qu'aux difficultés qu'elle a rencontrées dans cet environnement perçu à bon droit comme périlleux, eu égard à sa faible expérience de la pratique du ski ; Attendu qu'en dépit du relief particulier des lieux, il n'est pas contesté que Monsieur B n'a pas averti la demanderesse du danger créé par le dénivelé du "slope slide" et n'a pas indiqué la conduite à tenir dans l'hypothèse où elle perdrait la
maîtrise de ses skis ; Que pour se prétendre dispensé de porter ces informations à la connaissance de son élève, le défendeur soutient que cette dernière était consciente des caractéristiques du terrain pour 'avoir fait en sa compagnie une première descente le long du "half-pipe" mais du côté gauche, suivie d'un retour au point de départ par le télésiège de La Toura, d'où les modules du "snow park" étaient visibles ; Que ces circonstances ne pouvaient toutefois pas suffire à convaincre Monsieur B que Madame C, novice; avait repéré les lieux et identifié le danger ; Qu'il apparaît au contraire que le dénivelé du "slope slide", faute de se détacher assez nettement du paysage, a été ignoré de Madame C jusqu'au moment où elle a senti la neige se dérober sous elle un instant avant de heurter le sol; Que Monsieur B aurait évité l'accident en signalant à Madame C le danger, en lui donnant des consignes préalables de prudence et en indiquant ce qu'elle devait faire si elle perdait la maîtrise de sa trajectoire, hypothèse qui n'avait rien d'improbable compte tenu de son niveau et du parcours, susceptible de déconcerter un skieur non confirmé ;
Que Monsieur B n'a pas réussi, de surcroît, à l'arrêter malgré ses injonctions ni à la faire dévier de sa trajectoire en lui donnant des consignes de: direction ; Qu'il ressort en effet des déclarations des autres élèves du groupe, notamment de Madame R, que Monsieur B a crié à plusieurs reprises "stop" ou bien "arrête toi «à la demanderesse sans lui donne de consigne de direction ; . Qu'en omettant d'anticiper les dangers du parcours et de fournir à Madame C les informations nécessaires à sa sécurité, alors que ces précautions lui incombaient, Monsieur B a commis ure faute directement à l'origine de l'accident.qui engage sa responsabilité; Que Madame C, qui avait trop peu d'expérience pour évaluer le danger, n'a quant à elle commis aucune faute susceptible de donner lieu à un partage de responsabilité; Qu’ 'il sera observé au surplus que l’acceptation des risques normaux de la pratique du ski ne peut exonérer Monsieur B, dès lors que la présence du relief dangereux constituait un risque anormal que Madame C, faute d’en avoir été informée, ne pouvait accepter ; (…)
Les Annonces de la Seine - Supplément au numéro 16 du lundi 5 mars 2012
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Au fil des pages
Vars, passage et refuge Histoire de la vie quotidienne dans un village des Hautes-Alpes Association Vars au fil du temps
V
Ce livre est aussi pour eux, afin de leur faire mieux connaître ce patrimoine des Varsincs, leur histoire, leurs coutumes, leur environnement. Lieu de passage et d’accueil, lieu d’ancrage et de refuge, Vars fascine par sa richesse et sa diversité. 168 pages - 29 € Association Vars au fil du temps - Maison des Associations Mairie de Vars - 05560 VARS SAINTE-MARIE 2012-176
Téléski de la Mayt dessert plusieurs pistes et une descente vers Guillestre
D.R.
ars, grande station de tourisme d’hiver et d’été, actrice économique majeure des Alpes du Sud, plonge ses racines dans un vaste patrimoine naturel, culturel et humain. Il y a encore deux ou trois générations, les soirs de veillées, lorsque les jours étaient courts et que la neige ralentissait le rythme des travaux, les Varsincs se rassemblaient et la transmission orale construisait un socle, des repères, un patrimoine vivant. Poursuivant cette tradition, ce livre veut être la mémoire vive des aînés qui l’ont rédigé ensemble pour les nouvelles générations. Vars, commune de haute montagne des Hautes-Alpes, est une vallée en berceau largement ouverte qui accueille à toutes les saisons, des visiteurs occasionnels ou réguliers venus de tous les horizons.
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Skieuses en jupe devant le refuge Napoléon
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