Supplément au numéro 65 du jeudi 25 octobre 2012

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Supplément au numéro 65 du jeudi 25 octobre 2012 - 93e année

Aliénor de Broissia, Louis-Grégoire Sainte-Marie, Olivier Fontibus et Alexandre Simonin

Conférence du Jeune Barreau de Versailles

Hugues Delafoy et Maher Attye

Rentrée Solennelle - 19 octobre 2012

a Séance Solennelle de Rentrée du Jeune Barreau de Versailles s’est tenue le 19 octobre dernier au Palais de Justice en présence d’éminentes personnalités accueillies par le Bâtonnier en exercice Olivier Fontibus. Les trois lauréats du concours d’éloquence oratoire ont prononcé

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avec talent les discours d’usage et nous adressons nos chaleureuses félicitations à Alexandre Simonin, Louis Grégoire Sainte-Marie et Aliénor de Broissia respectivement premier, deuxième et troisième secrétaire 2012. Jean-René Tancrède

J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : as@annoncesdelaseine.fr FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE


Rentrée solennelle

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Aliénor de Broissia

Parallélisme… par Aliénor de Broissia oute jeune, mon père me berçait de récits dans lesquels tu étais une héroïne à part entière. Les années passèrent… mon intérêt pour toi se développait. Jeune adulte, je m’installais chez toi. Parfois, je songeais à nos ressemblances : tantôt réac, tantôt révolutionnaire. Je vis toujours chez toi et pourtant, peu à peu, je me détache. Pourquoi ? Me demanderas-tu. En premier lieu, à cause de tes innombrables amis qui quotidiennement te volent à moi… Tu n’es plus capable d’offrir comme avant un peu d’intimité à tes plus proches. Tu te prostitues un peu plus chaque jour, ton apparence change, ton harmonie est brisée. J’ai, par certains aspects, du mal à te reconnaître… Tu te fardes de plus en plus, tu mets des atours du XXI siècle, mais qui, au final, ne te siéent que très partiellement… Ton visage, mille fois parcouru, se modifie au gré des évènements et des époques… Je te perds…

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Pascal Fournier et Nicolas Perrault

Pourtant, j’ai longtemps pensé que tu resterais telle que je t’ai aimé… Tel mon premier amour… Vierge de tout sentiment que j’aurai découvert avec toi… Force fut de constater que tu ne te comportais pas comme tel et que tu t’offrais à d’autres, plus riches mais plus vils… Tu te comportais en catin… Mais que diantre ! Pense à tous tes fidèles ! … Jupes bleues marine, serre-tête en velours qui ont fondé en toi tous leurs espoirs et qui y ont construit leur vie et leur famille de sept enfants… Pourquoi te fourvoyes-tu en abritant le Vulgaire, les Gens du Commun… Te rends-tu compte que désormais tu accueilles, entre autre, le TiersEtat ? Tu tentes de te moderniser alors que nous t’aimons tel le Roi Soleil t’a conçue… Je suis désespérée de te voir te modifier… Pourquoi te plies-tu aux ambitions politiques de certains, aux intérêts financiers d’autres ? Je t’aimais modeste et noble à la fois… Lieu de contradictions, d’antinomies, d’oxymores… Le rayonnement de ton Château contre la noirceur de certaines âmes le hantant. Je te ressemble et c’est pour cela que je t’aime malgré moi et malgré mon détachement… Je me retrouve en toi, même à travers tes infidélités, tes contradictions et ton envie permanente de changement. Femme de principe, j’ai dû, moi aussi, au gré des événements et des rencontres, tordre mes idéaux pour adhérer à mon entourage et poursuivre ma route… Il fallait changer pour continuer et ne pas tomber dans l’oubli… Berceau de la Monarchie Absolue et des droits de l’Homme…. Comme toi, je suis capable de tout et de son contraire. Tu me répondras que non… ce n’est pas « tout et son contraire », que ces monarques absolus n’étaient pas des bourreaux, que Louis XVI a tenté de mettre en place des réformes profondément humanistes et qu’à bien y regarder ce sont ces « nouveaux nobles » qui ont freiné ce vers quoi tendait la Royauté. Mais arrête !!! Aux yeux du Commun, tu ne vaux pas mieux qu’eux puisque tu les as accueillis. Tu es et resteras le symbole d’une monarchie toute puissante, des complots des Nobles et du désarroi du Tiers-Etat.

Tu es et resteras aux yeux de tous, un monstre incapable d’empathie et siège d’une aristocratie voulant rétablir les droits féodaux… Tu auras beau te grimer, te changer, tu resteras tout cela… Et c’est en ce sens que je te ressemble et que chacun d’entre nous te ressemble… Nous aurons beau nous escrimer à nous tordre dans tous les sens pour tenter d’appartenir à un groupe ; une fois une opinion faite sur une personne, nous restons dans une caste, une catégorie … Sans pouvoir nous en détacher… Nous aurons beau être fourbes et hypocrites, la première opinion qui aura été faite de nous, nous collera à la peau, à tout jamais… Comme toi… Tu as beau avoir vu naître Daft Punk, tu restes cette ville aristocratique où la modernité n’a pas cours. Tu as beau vouloir être le siège d’entreprises innovantes, tu restes cette ville, éternellement « tradi » et inapte à tout changement… Ton image du passé te colle à la peau …. Plus précisément, tu stigmatises tout ce que les autres ne seront jamais, tu fais fantasmer tellement de personnes… Un succès international… La simple évocation de ton nom, à travers le monde, fait rêver… ou pas… En effet, « du sublime au ridicule il n’y a qu’un pas », précisait Bonaparte, constatons que ce pas est largement franchi et bien trop souvent par l’inconscient populaire… Pourtant, j’aimerai vous crier que OUI cette ville a changé, que NON elle n’est plus ce qu’elle a été… …mais quelque chose me retient… Cette fierté à affirmer que cette ville longtemps arpentée par la Royauté est celle dans laquelle j’habite… J’aime à assurer que cette ville n’accueille que des grandes familles, des gens bien, que la plèbe en est exclue, qu’elle reste sous cloche… Oh ! Je sais bien que je me leurre, mais j’aime faire vivre l’image de ce passé prestigieux… Je me tournais alors vers d’autres que toi… Je sillonnais la France et le Monde à TA recherche… un endroit où l’Histoire serait prégnante, où elle serait restée à l’état initial, où la pureté d’origine n’aurait jamais été violée… Je passais par Bordeaux… Elle et Toi aussi décriées l’une que l’autre… Vos populations se ressemblent, classiques, snobs, hautaines… mais Bordeaux n’est, somme toute, qu’une pâle copie, version édulcorée de ton classicisme, et de ton aristocratie…Bordeaux tente, là où tu brilles déjà… Et ce mimétisme raté se rencontre à tous les échelons de la Société bordelaise, et même au niveau de son Barreau…Celui-ci tente de voler la vedette au tien, outre-Atlantique en se jumelant avec ce Barreau dont le Verbe est inchangé depuis Louis XIV… Mais quel ridicule ! Bordeaux pâle imitation, Bordeaux te caricature mais jamais ne t’égalera… Je m’acharnais pourtant à te retrouver en des lieux lointains… je passais de villes en villes et m’apercevais que toutes se modernisaient un peu plus chaque jour, toutes étaient rongées par une vermine appelée argent et pouvoir… J’étais comme aveugle, je tournais en rond et inlassablement tout me ramenait toujours à toi… Je recherchais dans chaque voyage ton architecture, ton esthétique, ton Histoire…

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Remise de la Médaille du Barreau par Olivier Fontibus à Rénald Beaudry

Cependant, observations faites, tu n’échappes pas, toi non plus, aux maux de notre siècle… Chômage, alcool, violence, tryptique d’une banalité sans nom dont tes rues sont jalonnées… Tu n’as pas su préserver le cocon dans lequel tu as grandi et t’es forgée… Il suffit de sillonner les couloirs de Ton Palais pour le constater. Rien ne t’est épargné… : du propriétaire en conflit avec ses locataires au directeur de Ta prison se fourvoyant avec une détenue… tous se promènent dans tes rues, te piétinent de leur noirceur et parfois même souillent tes murs… Quelle tristesse de voir tes façades tomber en ruine, faute de propriétaires diligents et conscients de la chance qu’ils ont de vivre en ton sein… Quelle tristesse de voir s’ériger des constructions aux portes de Ton Château, méprisant ta plastique de rêve…

Quelle tristesse enfin, de voir que dans les années 70, des architectes ont été assez orgueilleux pour commettre cette verrue, que Staline lui-même n’aurait pas renié, et dans laquelle nous nous trouvons ce soir… Tous t’insultent… ! Et tu ne fais rien… Avec un peu de vigueur, tu aurais dû les ostraciser, les renvoyer vers des lieux où l’urbanisme est une marotte et l’architecture une chimère… Mais pas ICI !!! Défends-toi ! Préserve-toi ! Protège-toi ! Je te le clame mais pourrais me le clamer… Je l’ai précisé, nous nous ressemblons… Moi aussi j’ai toléré des choses inacceptables, moi aussi j’ai laissé certaines personnes s’insérer dans mon univers comprenant bien plus tard qu’elles m’étaient nuisibles, et moi aussi j’aurai dû faire en sorte de les mépriser et les interdire de m’approcher…

Les années défilant, tu aurais dû, j’aurai dû comprendre… Naïves que nous sommes… Rien ne nous apprendra donc ? Nous continuerons à souffrir et aller de déception en déception… Inlassablement, toi comme moi, nous nous laisserons bercer par de beaux discours, nous y croirons et tomberons, déçues une fois de plus mais prêtes à y croire de nouveau… Humanistes avant tout, nous persévèrerons à croire dans le genre humain… Le risque couru est qu’un jour, nous comprenions… Nous comprenions que nous sommes manipulées, que les personnes ne se tournent vers nous que par intérêt… Toi les promoteurs immobiliers, les politiques, les grandes marques ne te voient que comme une vitrine… une première étape… une première marche… Moi… Je ne sais pas… Mais peu importe puisqu’il faut bien se l’avouer nous n’avançons les uns vers les autres que par intérêt… Malgré tout, cet intérêt qui nous lie les uns aux autres, nous fait, toi et moi aller de l’avant et nous pousse peut-être à devenir meilleures… Malgré cette vilenie qui nous entoure, nous tentons de rester nous-même intrinsèquement, même si notre apparence change… Nous restons réac et révolutionnaires, capables du meilleur comme du pire, de tout et de son contraire… Et sâches que partout où j’irai, je te chercherai et serai certaine de t’y trouver au détour d’un passage, d’une ruelle, dans une ambiance, une personne… Et même si je dois te quitter, ce qui arrivera nécessairement, tu resteras celle qui m’a fait comprendre que la schizophrénie n’est pas une tare mais une force, qu’être en permanence sur le fil, entre deux mondes, deux univers permet d’avancer coûte que coûte… Et je te raconterai, alors, à ma progéniture, et tu seras, dans mes récits, une héroïne à part entière…

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Aliénor de Broissia, Louis-Grégoire Sainte-Marie et Alexandre Simonin

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Louis-Grégoire Sainte-Marie

La robe et l’avocat par Louis-Grégoire Sainte-Marie ans les faubourgs de Londres, l’Avocat est un marchand, tantôt dans une tour de verre, tantôt en tête de gondole depuis que la loi dite Tesco

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le permet. On y trouve dans la même boutique une famille éclatée, un avocat, un comptable, un notaire, un banquier, un assureur.

La liste des possibles est encore longue, le consommateur est roi. L’indépendance n’y est plus un principe. L’honoraire non plus. - success fees ; - prime d’assurance juridique ; - bonus / malus ; - franchise. Qu’un « avocat bien payé par avance trouve plus juste la cause qu’il plaide »,(1) certes. Mais si l’on se souvient que le pacte par lequel le médecin n’était rémunéré qu’en cas de guérison de son client a disparu définitivement

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Remise de la Médaille du Barreau par Olivier Fontibus à Marc Gilson

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du fait surtout des Avocats, mobilisés pour affirmer le principe que la prestation professionnelle doit être rémunérée indépendamment de son résultat, alors oui, le second métier le plus vieux du monde n’est à Londres, plus une profession libérale, ou alors de mauvaise souche. Trois degrés d’élévation du pôle renversent toute la jurisprudence ; un méridien décide de la vérité (2) De l’autre côté de la Manche, alors que la baie de Somme, somme. Le retard du train de la douce concurrence est annoncée toujours plus long et les portes toujours plus fermées. Paris reste sourd aux consignes amorcées depuis Bruxelles. L’ouverture de la profession d’Avocat à la concurrence choque plus qu’elle interroge. Beaucoup de concessions peuvent être faites, mais ne pouvant déterminer si l’encombrement viendrait du flot des entrants ou des sortants, Paris réfléchit. La profession « supporterait mal d’être jetée en éclaireur, convaincue, le lendemain, de légèreté ou d’erreur, et contrainte à des retraites sans prestige ».(3) Alors que Bruxelles exonère d’ouverture les seules activités directement liées à l'exercice de l’autorité publique, la profession organise pour l’Avocat une quête aux nouveaux métiers du droit : - création d'un commissariat au droit ; - création d’un statut de magistrat-avocat ; - création d’un statut d’avocat en entreprise ; - création d’un statut d’avocat fiduciaire, d’avocat agent sportif, d’avocat lobbyiste ; - création de statuts toujours à définir. Bruxelles soumet à la concurrence la consultation juridique au même titre que la

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Remise de la Médaille du Barreau à Louis-Grégoire Sainte-Marie par Marc Gilson

défense en justice, la brèche française se limitera pour l’instant à la seule délivrance de renseignements juridique dans le cadre d'une permanence en mairie. Monsieur Darrois trouve les professions du droit aveugles aux bouleversements qui, soumettent le monde économique à l’influence du droit anglo-saxon hier, d’Asie demain ; nos colloques pour de meilleures institutions économiques s’intéressent aux autres causes du mal, provoquées par ces méthodes anglo-saxonnes : - insomnies ; - agitations ; - vie de famille débridée ; - goût prononcé pour la variété française. Au moment où l’é conomie de la France se détériore. Au moment où elle fleure le pèlerin fatigué, et le pénitent qui depuis Concarneau monte au bourg pour ne jamais y arriver. Au moment où le pigeon rougit comme jamais auparavant. Que nos gouvernants dégorgent, tous les impôts de ceux qui grognent.

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Jean-Michel Raynaud

Les mains se tendent, L’orage tonne, « Les volets claquent, Les vitres cassent, Et dans les rues baignées de pluies personne n’ère. »(4) Paris joue les éoliennes serviles aux vents contraires de Bruxelles, ce souverain du monde, momentanément troublé de quelques autres mouches qui bourdonnent à ses oreilles. Éolienne, Si tu tournes, C’est que le vent souffle, Mais si le vent s’arrête, Que fais-tu ? III - Cherchant alors dans l’histoire de notre profession quelques repères, je lis que de tout temps « le droit de défendre n'a jamais pu à la différence du droit de juger relever de la prérogative d'un seul (…) Que dès ses origines, la défense s'offre à différentes professions qui cherchent à en obtenir les honneurs. ».(5) Je lis que le titre d'Avocat appartient naturellement à celui qui se l'attribue. Que seulement peu à peu, revendiquant les droit de défendre et élaborant les règles d’une profession, ceux-ci se constituent en ordre, sous la tutelle néanmoins constante et pesante du Parlement de Paris. Puis 1791, le vent de la liberté accélère. Alors que l’automne se libère, les Avocats perdent leur statut au profit d’une défense libre, exerçable par tout un chacun, dénommés défenseurs officieux. Puis la Terreur. Puis très vite cette défense libre dégénère. Le Consulat héritant des autoproclamés défenseurs, ne pourra faire l’économie d’une réforme que réclament les magistrats : « Les mots décence, modération, serment, discipline, honoraires, moralité reviennent inlassablement dans le discours des Magistrats. Un terme apparaît aussi fréquemment dans le discours, celui de barreau... »(6) Heureux celui qui connaît les causes de cette suppression des Avocats.

Je lis « qu’au sein d’une assemblée où les juristes sont sur-représentés, l’appel d’un Mirabeau à « contenir ou anéantir tous les subalternes suppôts de la justice, les huissiers, les sergents, les procureurs et les avocats » trouve un écho étrangement favorable. »(7) Je lis pour explication que les Avocats jalouseraient l'origine royale du pouvoir des Magistrats du Parlement et leurs mortiers à galons d’or, épitoges d’hermine, et autres manteaux écarlates fourrés de menu-vair. Je lis qu’ils seront un an plus tard 31 anciens avocats sur les 40 juges élus au tribunal de cassation, vêtus de noir, chapeau rond relevé par le devant surmonté d’un panache de plumes noires, un manteau de soie noire et parements de même couleur. Derrière la perte du statut d’avocat, on voit plus tard : - que cet épisode a indirectement permis la renaissance de la profession. - que « la distinction entre le titre et la profession d’avocat a perdu à cet instant toute signification. » - que « le temps du procureur-notaire, de l’avocat-procureur ou de l’avocat-juge est terminé. »(8) IV - Aujourd’hui la question se pose à nouveau de savoir ce qui unira la profession. Au moment où seront envisagées les concessions au rappel de Monsieur André Damien selon lequel une justice civilisée veut que chaque personne puisse être assistée par un Avocat et seulement par un avocat en raison des garanties de compétence et de probité que représente cette profession.(9) L’argumentaire que la profession devra nécessairement trouver pourrait bien viser cette robe, dont je n’ai pris encore l’entière habitude. Les Avocats n’ayant que des sciences imaginaires, il faut qu’ils prennent ces vains instruments qui frappent l’imagination à laquelle ils ont affaire.(10) Cette robe qui fait que l’avocat inéluctablement se fait autre. Justice plutôt que droit. Imagination plutôt que raison. Et s’il advenait « un bel orage, comme l’été sait si bien les faire »,(11) Trouvant dans le passé de la robe quelques garanties de l’avenir, Et nous y accrochant Nous nous retrouverions sûrement À l’aube posée Apaisés pour encore un long moment. ` Notes : 1 - Blaise Pascal, Pensées. 2 - Blaise Pascal, Pensées. 3 - Cour de Cassation, Audience Solennelle de rentrée, Discours de Monsieur Edmond Durand, Avocat Général à la Cour de Cassation, 16 octobre 1931. 4 - Les Hurleurs, Ciel d’encre, 2000. 5 - M. Andrieux, Histoire du droit et de la liberté de défendre. 6 - Nicolas Derasse, « Les défenseurs officieux : une défense sans barreaux », Annales historiques de la Révolution française, 350, octobredécembre 2007. 7 - Hervé Leuwers, « Révolution constituante et société judiciaire », Annales historiques de la Révolution française 350, octobre-décembre 2007. 8 - Hervé Leuwers, « Révolution constituante et société judiciaire », Annales historiques de la Révolution française 350, octobre-décembre 2007. 9 - H. Ader/A. Damien - Règles de la profession d'avocat, 2006-2007. 10 - Blaise Pascal, Pensées. 11 - Les Hurleurs, Ciel d’encre, 2000.

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Alexandre Simonin

Pacification des relations entre avocats et magistrats par Alexandre Simonin « C’est une belle chose d’être honnête, mais il est également important d’avoir raison ». on humble témoignage se devait de répondre au mieux à cette exigence. Il y va de l’honneur qui s’attache à l’élection au titre de secrétaire de la Conférence et qui me vaut, aujourd’hui, celui de discourir devant vous. Des traditions parisiennes, Versailles a hérité que le premier d’entre eux se livre à un éloge panégyrique d’un confrère disparu ou d’une personnalité marquante du monde judiciaire. Mais un tel propos m’est apparu trop directement destiné au peuple éclairé du Palais ; L’auditeur extérieur pourrait s’y trouver perdu ; Le mien ne sera donc pas de ceux là. Me restait alors des thèmes récurrents - la littérature, la politique, la société - selon lesquels se distribuent depuis plusieurs décennies nombre de discours. Mais, voyez-vous, lorsqu’on travaille pour se conformer à la tradition, et donc plaire aux autres, on ne peut pas réussir. Les choses qu’on a faites pour se contenter soimême ont en revanche, toujours chance d’intéresser quelqu’un. J’aurai pourtant aimé briller par mon érudition - qui eut été uniquement, je le confesse, de circonstance - déclamer un éloquent libelle, vous soumettre un discours audacieux ne respectant pas les monuments,

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multipliant les formules qui gravitent juste au dessus du filet de l’acceptable. J’envie tant ces rares orateurs à la causticité précise, bien dissimulée, réservée aux seuls amateurs et capable de faire éclater de rire une personne au milieu de dix qui ne comprennent rien. Seulement, le prestige du présent auditoire préside à l’évocation d’un sujet ô combien plus grave et solennel : celui de l’inquiétante dégradation des rapports magistrats - avocats et du mépris grandissant que les premiers vouent aux seconds de la défense. Gravité et solennité car de cette mésintelligence procède un phénomène d’ampleur inquiétant : celui d’une justice en mi-teinte, où la manifestation de la vérité judiciaire se confond à la morale et où les droits de la défense, lorsqu’ils sont exercés, sont trop souvent traités avec dédain. Voilà toute ma thèse, distingués invités, mes chers Confrères, Mesdames, Messieurs les magistrats : elle est double : - appeler, d’une part, à une pacification de nos rapports afin que l’œuvre de justice se réalise dans un schéma d’é quilibre et non dans un rapport de force systématique ; - rappeler d’autre part à l’endroit exclusif de mes jeunes confrères que si ce projet ne peut prospérer, faire acte de déférence et de résignation a le double effet d’aggraver le phénomène et d’insulter notre serment. « Soutenir le rapport de forces, c’est l’arme de l’avocat pour imposer un partage équitable de l’espace judiciaire qui lui est trop fréquemment, refusé ». Parce que le monde judiciaire merveilleux dans lequel vous vivez, Mesdames Messieurs les magistrats n’est pas le monde dans lequel je vis.

Oh je m’empresse de vous indiquer que je ne recèle aucune vérité établie, que mon propos se veut pétri d’humilité se bornant à refléter l’inestimable expérience qu’offre une collaboration chez Jean-Yves Lienard et le Bâtonnier Landon. Pour autant, mon intervention se devait d’être le siège de la dénonciation de pratiques judiciaires insupportables qui se multiplient et dont peu s’émeuvent. Les grandes souffrances sont muettes. Mais celles qui étreignent notre justice pénale se font tapageuses. « La pénalité moderne ploie sous la déliquescence de nos principes et de la règle de droit au profit d’une morale collective de plus en plus répressive ». - Le régime inique de notre intervention en garde à vue en est d’abord l’illustration. Je n’ai pas vocation ni même qualité à le commenter : doctrine, hautes instances judiciaires nationales et européennes s’en sont d’ores et déjà chargées. En revanche, il en va différemment lorsque des manquements volontaires sont opérés par les services enquêteurs et qu’aucun magistrat du parquet ne réagit. Oh je n’évoque pas les réceptions glaciales des officiers de police judiciaire à notre arrivée dans les commissariats ni la doucereuse mélodie de l’agent d’accueil susurrant fort discrètement à son collègue que le baveux est arrivé. Du reste, ces outrages à la courtoisie rejoignent ceux qu’ils commettent quotidiennement à l’endroit de la syntaxe et de l’orthographe transfigurant la lecture des procès-verbaux par eux dressés en une épreuve d’initiation à la phonétique. Il en va fort différemment je le disais, lorsque ces mêmes officiers nous refusent

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communication préalable des auditions de notre client ou qu’ils ne les communiquent qu’une minute avant la fin de l’entretien pour éviter le dépôt d’assassines observations écrites. L’immense inquiétude naît lorsque, précisément, ces outrages à la procédure pénale, cette rébellion contre les droits de la défense reçoivent comme écho des Magistrats du Parquet une formule lapidaire : « mais c’est le jeu maître » ! Je n’ai pas trouvé de mot assez fort, durant la rédaction de ces lignes, pour décrire le sentiment qui m’habite dans de telles occasions. Qui gardera les gardiens, sinon vous ! Quelle valeur attribuer à l’organisation de notre système judiciaire lorsque l’incipit du roman procédural est gangrené par la veulerie ? Dans ces occurrences où vous refusez de mobiliser votre haute érudition en dépréciant la connaissance supérieure que vous avez des principes de Montesquieu, de Rousseau, de Voltaire, je ne vous aime pas. Au jeu de rôle qui consisterait à se substituer à celui du présumé infracteur, par quel extraordinaire voudriez-vous, voudrions-nous, que celui là même respecte l’autorité judiciaire : - lorsqu’il est le premier témoin du mépris que portent les policiers aux lois de la république ; - lorsque ces policiers au-dessus des lois ne sont pas invectivés par les Magistrats du Parquet ? J’entends d’ici les bonnes âmes pouffer au motif que de cette violation procède parfois la condamnation d’individus objectivement nuisibles à la collectivité. Oui mais la France voyez-vous - toute vautré dans son confort droit de l’hommiste, historique, littéraire - est aujourd’hui l’un des pays les plus condamnés par la Cour Européenne pour les dysfonctionnements de son système judiciaire. - Ce système, ensuite, cède à l’affliction de ce que la présomption d’innocence devient une vétille mondaine, une amusette de salon, une véritable fadaise de colloque. Certains débats en matière de détention provisoire le confirment : le transfert pratique de la charge de la preuve à la défense ne répond pas à la lettre de la loi et ruine l’égalité des armes. Lorsqu’à l’issue d’une présentation, un conseil se risque à reprendre méthodiquement les éléments précis et circonstanciés résultant d’une procédure pour motiver un placement sous contrôle judiciaire, certains procureurs

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Jean Blard

Remise de la Médaille du Barreau à Alexandre Simonin par Rénald Beaudry s’autorisent à reprendre la parole nous sommant d’apporter la preuve de la matérialité de notre thèse. Ce simple fait, tout illégal qu’il est, replace en sus l’accusateur public au dessus de la défense. Malmené en garde à vue, épuisé, sale, affamé, transpirant la peur, le mis en examen est hors d’état d’accréditer le bien fondé de sa version. Ses proches, anéantis par le risque de détention qui se profile, insomniaques, les yeux humides, peinent à réagir. La défense, malgré l’incompressible désir de ramener le Parquet au niveau qui devrait être le sien, le notre, le sol, succombe. Violant son devoir d’administrer la preuve, l’institution monnaie la liberté de l’individu à des éléments tangibles que l’Avocat, même dans le délai du débat différé, ne peut concrètement apporter. Arrive le temps de l’audience pénale au fond, et là encore, la défense éprouve les plus grandes difficultés à faire respecter cette présomption d’innocence. Je mesure, Mesdames, Messieurs les Magistrats du siège, l’immense difficulté de votre tâche. Le caractère inquisitorial de notre système répressif ne vous invite certes pas à sa stricte observance. Comment, humainement, fusse même inconsciemment, ne pas verser à la thèse retenue par les enquêteurs ou par vos collègues de l’instruction ? Comment, en conséquence, mener sereinement et en toute neutralité intellectuelle un examen à charge et à décharge ? En pratique, ces situations se font si rares. - La multiplicité des regards entendus vers les assesseurs et le parquet, - les sourires naissant mais décelables aux réponses des prévenus qui ne cadrent pas à votre postulat, - le timbre de voix compassionnel à l’endroit des parties civiles et à l’exact opposé de celui employé à l’endroit du prévenu, Sont autant d’indicateurs, pour la défense, de l’immensité du chemin à parcourir pour que l’innocence du justiciable soit respectée jusqu’à une éventuelle décision de culpabilité. Enfin, et pour clore la liste non exhaustive des doléances qu’il convenait d’évoquer ce soir, il est

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à noter que notre qualité d’auxiliaire de justice est, en pratique, régulièrement blessée. Vous êtes, Mesdames, Messieurs les Magistrats, légalement protégés des faits d’outrage. Il ne faut pas douter que si le législateur avait été animé de la même intention à notre égard, les dossiers de ceux commis à avocat abonderaient. - L’avocat de la défense est souvent traité comme un voyou judiciaire : il l’est indiscutablement lorsque sur une erreur procédurale, il obtient la remise en liberté d’un mis en examen à la chambre de l’instruction. Il l’est aussi, lorsque, à mots couverts, nous sommes victimes de vos doutes relatifs à la véracité des documents remis en audience. Le Ministère Public, invariablement dans cette hypothèse, n’hésite pas à suggérer, dans ses réquisitions, qu’ils n’en soient pas tenus compte. De façon détournée, mais certaine, vous sousentendez que nous sommes les auteurs de l’infraction de faux, ou pour le moins de celle de son usage. Une telle démarche méconnait le phénomène de filtrage auquel tous mes confrères s’astreignent dans la sélection des documents à vous produits, et lèse la solennité de notre serment que le port de la robe réifie. - Notre qualité d’auxiliaire de justice est une nouvelle fois atteinte lorsque, par l’on ne sait quelle curiosité d’humeur, les permanences traitement en temps réel des Magistrats du parquet nous sont interdits d’accès. Il n’est pourtant pas question que le ministère public prenne un ascendant psychologique en traitant l’avocat comme un gamin : « nous ne sommes pas sous le préau de l’é cole et vous n’êtes pas nos professeurs ». La disparition de cet espace de dialogue où peuvent être confiés des éléments qui ne seront ni instruits, ni plaidés, mais pourtant ô combien fondamentaux à la manifestation de la vérité judiciaire est non seulement offensant mais, en opportunité, absurde. Malgré votre formation à l’ENM - où l’idée que vous étiez des êtres supérieurs a manifestement prospéré - avez-vous donc oublié que nous avons pourtant, pour la plupart, partagés les mêmes bancs universitaires, fréquentés les

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Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Marc Gilson, Olivier Fontibus et Rénald Beaudry mêmes bibliothèques et parfois, souvent, plus ? Rassurez-vous, l’avocature n’est pas devenue brutalement une maladie contagieuse et, en tout état de cause, je m’empresse de vous l’indiquer, votre amnésie de confort n’en est en rien le remède. Mesdames, Messieurs les Magistrats, Distingués invités, Mes chers confrères, J’aurai définitivement complété mon propos en vous confiant la faiblesse qu’il recèle : celle de l’outrance. Mais l’humble pouvoir de proposition qui est le nôtre face à celui puissant de décision qui est le vôtre explique cet emportement. - oui, j’ai des exigences ; - et oui les principes qui garantissent au justiciable le respect de leur liberté individuelle me tiennent chevillé au corps. Pour autant, faire œuvre de mesure, et donc de crédibilité, m’invite aussi à vous livrer que nous autres Avocats sommes également les artisans de ces dérives. En ne réagissant pas ou trop tard, nous avons laissé une infime minorité de magistrats développer ces pratiques attentatoires aux droits de la défense. Infime minorité de Magistrats parce que, fort heureusement, la grande majorité se dévoue à ce qu’ils soient scrupuleusement respectés. Le seul fait préoccupant pour le justiciable est cette minorité à laquelle nous devons invariablement, mes chers confrères, opposer le droit. Du droit, rien que du droit. Parce qu’en matière judiciaire, « la morale a souvent le visage des évidences trop faciles et les oripeaux de la présomption de culpabilité ». De cette saine opposition entre l’avocat et le

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magistrat naît un schéma d’équilibre où l’œuvre de justice prospère. Car, voyez-vous, malgré nos différences, des choix contraires de nos carrières, de nos vies, de nos amours, de nos amitiés et de nos brouilles, une sorte de parenté nous unit : nous sommes probablement tous du même côté : celui de la justice. Aussi, en pacifiant nos rapports, en adoptant une juste et exacte distance les uns aux autres, c’est toute l’institution qui y gagne et, in fine, le justiciable. Cette juste distance, sous la plume de Schopenhauer, se trouve fort opportunément résumer ainsi : (- je cite -) « Un été, une famille de hérissons, vint s’installer dans la forêt, il faisait beau, chaud, et toute la journée les hérissons s’amusaient sous les arbres. Ils batifolaient dans les champs, aux abords de la forêt, jouaient à cache-cache entre les fleurs, attrapaient des insectes pour se nourrir, et la nuit, ils s’endormaient sur la mousse, tout près des terriers. Un jour, ils virent tomber une feuille d’un arbre : c’était l’automne. Ils jouèrent à courir derrière les feuilles, qui tombaient de plus en plus nombreuses, et comme les nuits étaient un peu fraîches, ils dormaient sous les feuilles mortes. Or, il se mit à faire de plus en plus froid, dans la rivière, parfois, on y trouvait des glaçons. La neige avait recouvert les feuilles, les hérissons grelottaient toute la journée et la nuit, tant ils avaient froid, ils ne pouvaient fermer l’œil. Aussi, un soir, ils décidèrent de se serrer les uns contre les autres pour se réchauffer, mais s’enfuirent aussitôt aux quatre coins de la forêt, avec leurs piquants, ils s’étaient blessés le nez et les pattes. Timidement, ils se rapprochèrent, mais encore une fois, ils se piquèrent le museau, et chaque

fois qu’ils couraient les uns vers les autres, c’était la même chose. Pourtant, il fallait trouver absolument comment se rapprocher. Alors, tout doucement, petit à petit, soir après soir, pour avoir chaud, mais pour ne pas se blesser, ils s’approchèrent les uns des autres, ils abaissèrent leurs piquants, et avec mille précautions, ils trouvèrent enfin la bonne distance. Le vent qui soufflait ne leur faisait plus mal, Ils pouvaient enfin dormir, bien au chaud, tous ensemble ». 2012-737

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Directeur de la publication et de la rédaction : Jean-René Tancrède

Publicité : au Journal Commission paritaire : n° 0713 I 83461 2011 I.S.S.N. : 0994-3587 Tirage : 6 291 exemplaires Impression : M.I.P. 3, rue de l’Atlas - 75019 PARIS Abonnement : 95 euros Copyright 2012 : Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Sauf dans les cas où elle est autorisée expressément par la loi et les conventions internationales, toute reproduction, totale ou partielle du présent numéro est interdite.

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