AM N° 395-396

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CÔTE D’IVOIRE

RENCONTRE

Le choix d’ADO L’enjeu national

HAFSIA HERZI

« L’AMOUR NOUS CONCERNE TOUS ! »

MAROC

Mohammed VI L’étape des 20 ans TUNISIE

C’EST UN ÉTÉ ELECTORAL !

Scrutins présidentiel et législatif, campagne et débats, le pays s’engage dans un véritable parcours d’obstacles démocratiques. Dictionnaire de A à Z.

SÉNÉGAL

MATI DIOP

Cannes, le succès, le cinéma

+ Kinshasa DÉCOUVERTE Paris GRANDEURS d’avenir ET DÉCADENCES pour D’UNE Djibouti MÉGALOPOLE

N° 395-396 - AOÛT-SEPTEMBRE 2019 France 5,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C – DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ G rèce 6 , 9 0 € – Italie 6, 9 0 € – Luxembourg 6, 9 0 € – Maroc 39 DH – Pays- Bas 6, 9 0 € – Por tugal cont . 6, 9 0 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3 500 FCFA ISSN 0998-9307X0

M 01934 - 395 - F: 5,90 E - RD

’:HIKLTD=YUZ^UV:?a@d@t@f@k"


Breguet La Marine Chronographe 5527

BEN JANNET JALEL, TUNIS: RUE DU LAC LÉMAN, 1053 LES BERGES DU LAC – LES JARDINS DE LA SOUKRA, ROUTE DE LA MARSA, 2046 SIDI DAOUD PA S S I O N , C A S A B L A N C A : 8 3 , R U E M O U S S A B E N N O U S S A I R


édito PAR ZYAD LIMAM

EN GRAND ET EN TOUTES LETTRES En décembre dernier, AM fêtait ses 35 ans

ments et les énergies qui traversent ce continent. Nous

de parution ininterrompue. Une performance dans

voulons être l’un des miroirs de l’Afrique contemporaine,

le monde de la presse écrite soumis à des mutations

tout en donnant des clés de compréhension. Être réa-

profondes et au tsunami de la vague digitale. Nous

liste, oui, mais surtout optimiste, saisir ce qui change en

sommes résilients, pour reprendre un mot de l’époque,

mieux, valoriser les personnalités, femmes et hommes,

et fiers de l’être. Et nous croyons aussi en notre maga-

qui apportent de l’air et du souffle. On sait ce qui ne va

zine et en son devenir. À notre capacité d’innover

pas, gardons l’œil et militons, mais parlons également,

et de toujours mieux répondre

et surtout, de ce qui évolue, de ce qui

aux attentes de nos lecteurs. Ce

est positif.

numéro double août-septembre,

L’idée aussi est de s’attacher

e

395 du nom, marque une nou-

à l’esprit « magazine ». Privilégier le

velle étape, avec un changement

terrain, le reportage, les rencontres.

important, symbolique. AM devient

La grande politique [voir à partir

ou redevient Afrique Magazine,

de p. 24], le business et l’économie

cette signature qui réaffirme son

[voir p. 100] sont au centre de tout.

attachement au continent, avec un

Le débat d’idées est essentiel, tout

nouveau logo.

comme l’élargissement du domaine

AM, c’était bien, mais

des libertés. Mais l’Afrique, c’est aussi

Afrique, c’est mieux en grand et

des sociétés vibrantes, des défis

en toutes lettres ! Un peu comme un retour aux sources, mais aussi une projection vers l’avenir. Un atta-

humains, des « stories » héroïques ou Décembre 1983, c’est le premier numéro d’Afrique Magazine. Le titre va connaître…

parfois tragiques. C’est la culture [voir p. 8], l’art, les littératures, les sons

chement à la tradition et, en même

et les images qui influencent bien

temps, une réinvention. Afrique

au-delà des rivages du continent.

Magazine is back! Ce nouveau logo

Des cinéastes qui font bouger les fron-

s’accompagne d’une rénovation

tières [voir p. 88 et p. 94]. Ce sont ces

de la formule, avec une maquette

mégalopoles immenses [voir p. 82]

modernisée, refondue. Du blanc et

qui résonnent comme des lieux de

des espaces, pour mieux approcher

fusion, de métissage et de création.

les textes. Des rubriques où s’en-

Et de ces villes aux rivages, de ces

trecroisent les sujets (comme « On

forêts aux savanes, de ces déserts

en parle »).

aux montagnes, on doit aussi voya-

L’objectif reste de proposer

ger, redécouvrir le continent, prendre

des contenus de qualité, originaux,

son temps, déguster, faire le touriste

diversifiés, en prise avec les mouve-

[voir p. 120].

AFRIQUE MAGAZINE

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édito … neuf déclinaisons du logo ! Août 2019, ce sera la dixième, avec le retour d’Afrique Magazine, en « grand et en toutes lettres ».

Car de toute façon, disons-le, l’Afrique sera au centre du monde. Avec sa démographie tonique, son milliard d’habitants en passe de doubler en un demi-siècle, son marché unique en voie de création [voir p. 65], ses défis en matière de développement inclusif et de croissance pour tous… La technologie pourrait favoriser d’impressionnants leapfrogs (« sauts qualitatifs »). Le changement climatique et ses menaces pourront aussi favoriser l’émergence de nouvelles technologies, d’un savoir-faire adaptable et adapté, de modèles à exporter… L’Afrique pourrait également être terre d’innovation. Ses évolutions, la technologie, le digital, c’est important pour nous, en tant que média. L’un de nos chantiers prioritaires, d’ici le début de l’année 2020, sera de proposer une nouvelle version de notre site Web et de nos applications. Au

XXIe

siècle, Afrique Magazine et Afri-

quemagazine.com doivent marcher main dans la main. Les ambitions sont posées, allons-y ! Comme pour toutes les nouvelles formules et les nouveaux départs, nous comptons sur votre regard, votre exigence et vos propositions. Nos boîtes mails vous sont ouvertes. Vous êtes nos premiers partenaires. Nous avançons grâce à vous ! ■ 4

AFRIQUE MAGAZINE

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3 9 5 - 3 9 6 – A O Û T - S E P T E M B R E 2 019


Ensemble, développons des territoires intelligents et durables ! Spécialisée dans l’aménagement, le développement et la gestion des espaces de vie durables, la SADV marque de son empreinte le paysage urbanistique marocain. Grâce à son expertise dans le développement-aménagement et à sa démarche d’innovation intégrée, la SADV propose des concepts de villes intelligentes et durables, qui répondent aux enjeux humains, socio-économiques, et environnementaux des territoires de demain. Après le lancement de la Ville Verte Mohammed VI à Benguerir, première ville écologique du Royaume centrée sur l’innovation et le savoir, puis la construction de l’Université Mohammed VI Polytechnique, un fleuron architectural et culturel unique… la SADV a pu relever le défi de la gestion des ressources naturelles dans le cadre de la conception et construction de la Mine Verte à Khouribga, un projet inspiré des architectures bioclimatiques modernes. Filiale du Groupe OCP, la SADV place l’innovation et le développement durable au cœur de son approche, s’armant ainsi en tant qu’opérateur d’excellence.


N ° 3 9 5 - 3 9 6 A O Û T - S E P T E M B R E 2 019

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ÉDITO En grand et en toutes lettres

24

par Zyad Limam

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par Zyad Limam et Julie Chaudier

ON EN PARLE C’EST DE L’ART, DE LA CULTURE, DE LA MODE ET DU DESIGN

Le Ghana, sérénissime à Venise 20

36

Le choix d’ADO, l’enjeu ivoirien

46

Sarkozy par lui-même

50

Dictionnaire de la Tunisie estivale, post-révolutionnaire et en campagne

par Zyad Limam

PARCOURS Seif Kousmate par Fouzia Marouf

23

C’EST COMMENT ? Vive les animaux ! par Emmanuelle Pontié

34

P.12

par Emmanuelle Pontié

par Frida Dahmani

CE QUE J’AI APPRIS Souad Massi

60

Les promesses de Niamey

82

Kinshasa : Grandeurs et décadences

par Zyad Limam

par Astrid Krivian

130

TEMPS FORTS Maroc : L’étape des 20 ans

VINGT QUESTIONS À… Tewfik Jallab

par Muriel Devey Malu-Malu

par Fouzia Marouf

P.60

88

Hafsia Herzi : « L’amour est une affaire qui nous concerne tous » par Fouzia Marouf

94

Mati Diop : « Une victoire à la fois mienne et collective »

BUSINESS

100 L’envol des smart cities par Jean-Michel Meyer

108 Alain-Richard Donwahi : « L’État a mis en place un cadre légal et institutionnel novateur » par Ouakaltio Ouattara

P.46 Afrique Magazine est interdit de diffusion en Algérie depuis mai 2018. Une décision sans aucune justification. Cette grande nation africaine est la seule du continent (et de toute notre zone de lecture) à exercer une mesure de censure d’un autre temps. Le maintien de cette interdiction pénalise nos lecteurs algériens avant tout, au moment où le pays s’engage dans un grand mouvement de renouvellement. Nos amis algériens peuvent nous retrouver sur notre site Internet : www.afriquemagazine.com

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AFRIQUE MAGAZINE

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395 - 396 AOÛT- S E P TEM B R E 2 019

MARIE PLANEILLE - GONZALO FUENTES/REUTERS - T AGAZA DJIBO/REUTERS

par Astrid Krivian


P.82

FONDÉ EN 1983 (35e ANNÉE) 31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE Tél. : (33) 1 53 84 41 81 – Fax : (33) 1 53 84 41 93 redaction@afriquemagazine.com Zyad Limam DIRECTEUR DE LA PUBLICATION DIRECTEUR DE LA RÉDACTION zlimam@afriquemagazine.com Assisté de Maya Ayari

mayari@afriquemagazine.com

PATRICK ROBERT - GWENN DUBOURTHOUMIEU/JEUNE AFRIQUE - AMANDA ROUGIER - NICOLAS FAUQUÉ/IMAGESDETUNISIE.COM - AUDE DE CAZENOVE/CONTOUR BY GETTY IMAGES

RÉDACTION Emmanuelle Pontié DIRECTRICE ADJOINTE DE LA RÉDACTION epontie@afriquemagazine.com

DÉCOUVERTE Djibouti : Un pari d’avenir

Isabella Meomartini DIRECTRICE ARTISTIQUE imeomartini@afriquemagazine.com

P.65

Jessica Binois PREMIÈRE SECRÉTAIRE DE RÉDACTION sr@afriquemagazine.com

par Cherif Ouazani

66 70 72 75 78 80

L’atout jeunesse Nabil Mohamed Ahmed : « Comment préparer l’élite de demain » La vie d’après La carte du tout numérique Du social, du social et surtout du… social ! Décryptage : « Small is not beautiful » ?

Amanda Rougier PHOTO arougier@afriquemagazine.com ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO Julie Chaudier, Jean-Marie Chazeau, Frida Dahmani, Muriel Devey Malu-Malu, Catherine Faye, Alexandra Fisch, Glez, Dominique Jouenne, Astrid Krivian, Magali Luzé, J.-J. Arthur Malu-Malu, Fouzia Marouf, Jean-Michel Meyer, Luisa Nannipieri, Ouakaltio Ouattara, Cherif Ouazani, Sophie Rosemont.

VIVRE MIEUX Danielle Ben Yahmed RÉDACTRICE EN CHEF avec Annick Beaucousin, Julie Gilles.

VENTES

120 MADE IN AFRICA

EXPORT Laurent Boin TÉL. : (33) 6 87 31 88 65 FRANCE Destination Media 66, rue des Cévennes - 75015 Paris TÉL. : (33) 1 56 82 12 00

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Lamu, l’âme swahilie 126 127 128 129

VIVRE MIEUX Ces formidables progrès de la médecine Comment se défaire de l’herpès labial Se préserver des infections alimentaires Protégez vos yeux du soleil par Annick Beaucousin et Julie Gilles

ABONNEMENTS

P.88 CÔTE D’IVOIRE

Le choix d’ADO L’enjeu national

RENCONTRE

COMMUNICATION ET PUBLICITÉ

« L’AMOUR NOUS CONCERNE TOUS ! »

regie@afriquemagazine.com AM International 31, rue Poussin - 75016 Paris Tél. : (33) 1 53 84 41 81 Fax : (33) 1 53 84 41 93

HAFSIA HERZI

MAROC

Mohammed VI L’étape des 20 ans TUNISIE

C’EST UN ÉTÉ ELECTORAL !

AFRIQUE MAGAZINE EST UN MENSUEL ÉDITÉ PAR

Scrutins présidentiel et législatif, campagne et débats, le pays s’engage dans un véritable parcours d’obstacles démocratiques. Dictionnaire de A à Z.

SÉNÉGAL

MATI DIOP

Cannes, le succès, le cinéma

Kinshasa

MAROC

+DÉCOUVERTE

MOHAMMED VI L’ÉTAPE DES 20 ANS

Paris

GRANDEURS d’avenir ET DÉCADENCES pour D’UNE Djibouti MÉGALOPOLE

France 5,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C – DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ G rèce 6 , 9 0 € – Italie 6, 9 0 € – Luxembourg 6, 9 0 € – Maroc 39 DH – Pays- Bas 6, 9 0 € – Por tugal cont . 6, 9 0 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3 500 FCFA ISSN 0998-9307X0

MATI DIOP Cannes, le succès, le cinéma KINSHASA Grandeurs et décadences d’une mégalopole

N° 395-396 - AOÛT-SEPTEMBRE 2019

TUNISIE C’est un été électoral !

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UNION

Les promesses de Niamey

31/07/2019 18:26

BUSINESS L’essor des smart cities DÉCOUVERTE Paris d’avenir pour Djibouti

Le président Alassane Dramane Ouattara.

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Com&Com/Afrique Magazine 18-20, av. Édouard-Herriot 92350 Le Plessis-Robinson Tél. : (33) 1 40 94 22 22 Fax : (33) 1 40 94 22 32 afriquemagazine@cometcom.fr

395 - 396 AOÛT- S E P TEM B R E 2 019

LE CHOIX D’ADO L’ENJEU IVOIRIEN La course vers l’élection présidentielle de 2020 est lancée. Un moment historique pour le pays. Avec des effets pour toute la région.

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N° 395-396 - AOÛT-SEPTEMBRE 2019

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PHOTOS DE COUVERTURES : MAGHREB/INTERNATIONAL : AMANDA ROUGIER - FADEL SENNA/AFP - ONS ABID AUDE DE CAZENOVE/CONTOUR BY GETTY IMAGES - PATRICK ROBERT AFRIQUE : EMMANUEL EKRA/AP/SIPA

31, rue Poussin - 75016 Paris. SAS au capital de 768 200 euros. PRÉSIDENT : Zyad Limam. Compogravure : Open Graphic Média, Bagnolet. Imprimeur : Léonce Deprez, ZI, Secteur du Moulin, 62620 Ruitz. Commission paritaire : 0224 D 85602. Dépôt légal : août 2019. La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos reçus. Les indications de marque et les adresses figurant dans les pages rédactionnelles sont données à titre d’information, sans aucun but publicitaire. La reproduction, même partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique Magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction. © Afrique Magazine 2019.

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ON EN PARLE C’est maintenant, et c’est de l’art, de la culture, de la mode et du design

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ÉVÉNEMENT

LE GHANA, SÉRÉNISSIME

COURTESY THE ARTIST ; CORVI-MORA, LONDON ; AND JACK SHAINMAN GALLERY, NEW YORK - ED REEVE COURTESY THE ARTIST AND WHITE CUBE

Le pays s’installe pour la première fois au cœur de la fameuse Biennale d’art de VENISE, emmené par DAVID ADJAYE, architecte global et incontournable. POUR CÉLÉBRER sa première participation à la Biennale de Venise, le Ghana a commandé son pavillon à l’un des plus importants architectes au monde : britannique, fils d’un diplomate ghanéen et né en Tanzanie, Sir David Adjaye a signé un espace multiple et interconnecté exaltant les couleurs et l’architecture traditionnelle du pays, qui crée des trajectoires étonnantes entre les œuvres. Les murs ocre s’articulent en six pièces elliptiques qui reprennent les formes et la texture des maisons en terre, caractéristiques d’Afrique de l’Ouest. Chaque pièce accueille les créations d’un célèbre artiste contemporain, comme le sculpteur El Anatsui, le plasticien Ibrahim Mahama, la photographe Felicia Abban ou la peintre Lynette YiadomBoakye. Issus de trois générations, ils puisent leur inspiration dans les cultures plurielles de la diaspora et du Ghana. En référence à l’indépendance du pays – le premier de l’Afrique subsaharienne à s’être émancipé du Royaume-Uni, en 1957 – et à la chanson d’E.T. Mensah, l’exposition s’intitule « Ghana Freedom ». C’est aussi une invitation à réfléchir à ce que l’on fait de cette liberté et à comment faire résonner une voix nouvelle, pour enfin dépasser le postcolonialisme. ■ Luisa Nannipieri La série de peintures à l’huile Just Amongst Ourselves, de Lynette Yiadom-Boakye.

Ci-dessus, l’architecte britannique. Ci-dessous, un détail de A Straight Line Through The Carcass of Historie 1649, d’Ibrahim Mahama.

58E BIENNALE D’ART, Venise (Italie), jusqu’au 24 novembre 2019. labiennale.org

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ON EN PARLE

SOUNDS À écouter maintenant !

❶ Velvet Negroni

Neon Brown, B4/4AD

NÉ JEREMY NUTZMAN, ce kid de Minneapolis a consacré sa tendre enfance autant au piano classique qu’au skateboard. Jusqu’au jour où il a découvert la guitare. Depuis, après avoir officié sous plusieurs noms de scène, il s’est façonné une identité entre hip-hop et R’n’B, a tourné aux côtés de Bon Iver, été samplé par Kanye West et sort aujourd’hui ce Neon Brown, à la fois minimal et sophistiqué. De quoi groover sérieusement sur le dance-floor. ■ Sophie Rosemont

ROUBAIX, UNE LUMIÈRE (France), d’Arnaud Desplechin.

Avec Roschdy Zem, Léa Seydoux, Sara Forestier.

LA CITÉ DU NORD

CINÉ

Un ROSCHDY ZEM magistral en commissaire solitaire, dans la ville la plus pauvre de France.

❷ Ala.ni

Acca, A+LSo/Sony

D’ORIGINE CARIBÉENNE, cette chanteuse londonienne, protégée de Damon Albarn, avait déjà conquis nos cœurs avec You & I (2016). On ne résiste pas plus aujourd’hui à sa voix parfaite. C’est elle le vrai bijou qui transcende Acca, entre cordes épurées, basses percutantes et l’apport du beatboxer Dave Crowe. Chic, choc, éthique et assez pop finalement – on se surprend d’ailleurs à fredonner chaque titre avec elle. De quoi séduire Iggy Pop en personne, qui pose sa voix (et son français !) sur « Le Diplomate »… ■ S.R.

LE COMMISSAIRE DAOUD NE DORT PAS BEAUCOUP. Arrivé d’Algérie à l’âge de 7 ans, il connaît tous les recoins de Roubaix et a gravi tous les échelons de la police avant de la diriger, véritable symbole de l’intégration républicaine française. Mais le film parle aussi de la solitude de cet homme, qui a vu presque toute sa famille rentrer au bled. Roschdy Zem l’incarne avec un mélange de classe, de force et de bienveillance. On le voit dans « sa » ville, souvent la nuit, on y croise d’autres personnages d’origine maghrébine, comme cette jeune fille qui rejette son père et a changé son prénom, Sophie, en Soufia, ou ce chibani qui a du mal à comprendre la génération née en France. Natif de Roubaix et grand nom du cinéma d’auteur français, Arnaud Desplechin a délaissé ses digressions littéraires ou psychanalytiques habituelles pour se lancer dans le film de genre. S’inspirant d’un documentaire sur le commissariat de sa ville, il signe un polar nocturne et lumineux à la fois, mené par Daoud, respecté et réputé pour savoir à l’avance si un suspect est coupable ou non… Et en l’occurrence, un couple de femmes incarnées avec beaucoup d’authenticité par Léa Seydoux et Sara Forestier, après l’assassinat d’une vieille dame dans un quartier misérable. ■ Jean-Marie Chazeau

Exclusivement féminin

La première BIENNALE D’ART CONTEMPORAIN À RABAT met les femmes à l’honneur. Organisée par la Fondation nationale des musées du Royaume du Maroc (FNM), cette plate-forme artistique baptisée « Un instant avant le monde » réunit les œuvres de 60 artistes de 30 nationalités, dont 12 Marocaines. ■ Catherine Faye BIENNALE D’ART CONTEMPORAIN, Rabat (Maroc), du 10 septembre au 10 décembre 2019. 10

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SHANNA BESSON - DR (4)

CONTEMPORAIN


Une histoire d’enfants et de RÉSISTANCE… La romancière algérienne s’inscrit dans une littérature émouvante portée par le réel.

LIVRE

SACHA LENORMAND - DR

Kaouther

Adimi Comme une révolte AFRIQUE MAGAZINE

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KAOUTHER ADIMI, Les Petits de décembre, Seuil,

256 pages, 18 €.

C’EST LE MOIS DE FÉVRIER. Le mois des pluies, du vent, des inondations, de la boue. Lorsque deux généraux débarquent, plans de construction à la main, dans la cité du 11-Décembre, à l’ouest d’Alger, les enfants s’insurgent. Pas question de laisser le régime militaire en place mettre la main sur leur terrain de jeu, ciment de leurs rêves, de leurs espoirs, de leurs rires les plus fous. Tandis que les parents se résignent, une résistance ingénue et habile s’organise, menée par Inès, Jamyl et Mahdi, trois gamins décidés à ne pas lâcher. « Comment ça s’est passé ? » demanderont les jeunes du quartier qui n’étaient pas présents au moment des faits. Cela s’est passé comme un mouvement de révolte, porté par l’innocence de leurs convictions et la certitude de leurs droits. Un récit émouvant, le quatrième de l’auteure (prix Renaudot des lycéens 2017 pour Nos richesses, évocation du légendaire libraire et éditeur Edmond Charlot), qui explore la société algérienne actuelle, avec ses duperies, sa corruption, mais aussi ses espérances. ■ C.F. 11


ON EN PARLE

MUSIQUE

Tinariwen Le blues nomade Avec son neuvième album baptisé Amadjar, le GROUPE DE ROCK TOUAREG nous emmène très loin, dans l’électrique du désert et les rêves entre les dunes. Un rythme face à la violence.

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à ce que ses membres portent en eux le manque de leur foyer africain durant de longs mois. Cet automne, le groupe sera même au Hollywood Bowl de Los Angeles, en première partie de Vampire Weekend. Toutes les grandes pointures du rock anglo-saxon, de Robert Plant à Josh Homme, adorent et soutiennent cette bande de virtuoses enturbannés, collaborant avec eux à la moindre occasion. Sur Amadjar sont d’ailleurs intervenus le violoniste Warren Ellis, éternel complice de Nick Cave, Stephen O’Malley de Sunn O))), le Français Rodolphe Burger, ainsi que Micah Nelson, guitariste de Neil Young et fils du légendaire chanteur de country Willie Nelson. Leur apport n’efface en rien les vibrations désertiques de l’album, qui a été imaginé en Mauritanie, lors d’un voyage entre sable et mer. L’enregistrement, lui, a eu lieu dans un campement, sous une tente près de Nouakchott, aux côtés de la chanteuse griotte Noura Mint Seymali. Du nostalgique « Tenere Maloulat »

TINARIWEN, Amadjar,

Wedge/PIAS.

à l’énergie de « Lalla », en passant par le lancinant « Amalouna », serti de chœur féminin et d’entrelacements de cordes magiques, les 13 pistes d’Amadjar transportent l’auditeur dans les territoires touaregs, défendus par des artistes au cœur pur. L’engagement est palpable dans les textes de Tinariwen, et ce depuis le début : « C’est notre raison d’être face à la violence environnante, commente Eyadou, c’est notre carburant. C’est ce qui fait que notre musique se tient depuis si longtemps. » Jusqu’à la fin des temps, espérons-le. ■ S.R.

AFRIQUE MAGAZINE

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DR

EN TAMASHEQ, amadjar veut dire « l’étranger ». « Pas celui qui fait peur, nous précise Eyadou, le bassiste de Tinariwen, plutôt celui qui vient de loin, mais qui nous ressemble. » C’est également l’invité. Celui qui cherche à être accueilli. Ici, il frappe à la bonne porte. Comme à son habitude, Tinariwen est prêt à tendre la main. Né dans les années 1980 au nord du Mali, le groupe est à large amplitude et son line-up est changeant, même si certains des membres sont plus présents que d’autres, comme Ibrahim, Abdallah, Eyadou ou encore Saïd. Ses meilleures armes ? La guitare, acoustique comme électrique, la basse, les percussions… Le tout accompagné d’un chant ancestral et profond, en tamasheq, pétri de la culture touarègue, « une culture où l’on est ouvert sur l’autre », raconte Eyadou. Et pourtant, elle est sans cesse remise en question, voire mise en danger par ceux qui ne comprennent pas à quel point elle est précieuse. C’est pour cela que Tinariwen tourne dans le monde entier depuis vingt ans, quitte


MARIE PLANEILLE

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ON EN PARLE

C R É AT R I C E

SAKINA M’SA ET LA MODE ÉCLAIRÉE

Rencontre avec la pionnière parisienne de l’upcycling.

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Tous les vêtements sont créés à partir de chutes de maisons de haute couture.

et de rencontre en 2015 pour faire bouger les lignes, et y laisse une place particulière aux designers africains. La promotion du continent est aussi au cœur de sa nouvelle mission : nommée administratrice de la Maison mode Méditerranée, à Marseille (où elle a grandi), l’ancienne boursière supervise l’OpenMyMed Prize, un incubateur ouvert à 19 pays méditerranéens qui soutient les jeunes marques prêtes à se lancer sur le marché. Entre ses différents projets, l’inlassable couturière trouve le temps d’imaginer de nouvelles collections, comme celle inspirée par le dernier album de son ami MC Solaar ou celle portée par des détenues de Fleury-Mérogis et capturée par Antoine d’Agata (agence Magnum). Des clichés à voir à partir du 26 septembre sur la place de l’Hôtel-de-Ville, à Paris. ■ L.N. frontdemode.com, 42 rue Volta, 75003 Paris AFRIQUE MAGAZINE

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DR (3) - VICTORIA E. PATERNO

LA PÉTILLANTE SAKINA M’SA, née aux Comores, n’est pas seulement une designer et plasticienne de renom, elle est aussi une entrepreneuse responsable et engagée. Avec son atelier, Trevo, elle forme des femmes et les accompagne dans leur insertion, profondément convaincue que son industrie a un rôle à jouer auprès des plus fragiles. Le savoir-faire artisanal devient ainsi un outil pour redonner de la dignité à celles qui ont été laissées à l’écart. Pendant longtemps, elle a été la porte-parole d’une autre idée de la mode, dite éthique, en France : « Je préfère parler de mode éclairée, parce que nous n’avons pas seulement en tête la chaîne de valeur d’un produit ou le développement durable pendant la production, mais nous nous devons d’éclairer le futur, de proposer un nouveau paradigme tourné vers l’humain. » Assise dans le canapé de Front de mode, sa boutique-atelier, Sakina M’Sa se félicite de la récente prise de conscience du milieu : « Ces dernières années, on a assisté à la distribution via Internet de nouveaux produits et à l’émergence de créatifs talentueux, adeptes de ces principes », explique celle qui se fait un devoir d’offrir une vitrine aux jeunes. Elle a créé ce lieu de partage


Good as gold

ART

Femmes en or

Rendez-vous à Washington pour découvrir l’histoire des parures sénégalaises, clés de voûte de l’élégance made in Dakar.

FRANKO KHOURY/NATIONAL MUSEUM OF AFRICAN ART/SMITHSONIAN INSTITUTION

Bracelet de bras, Somalie, début ou milieu du XXe siècle.

CETTE EXPOSITION INÉDITE explore le concept de sañse (signifiant, en wolof, s’habiller élégamment et se sentir bien), qui joue un rôle capital pour nombre de Sénégalaises. Outre quelque 2 000 objets, vêtements et photographies, la collection compte plus de 250 bijoux ouest-africains rassemblés et légués par l’historienne Marian Ashby Johnson. Exposant mille et une manières de se parer, c’est également une exploration en profondeur dans le monde de l’or. Et de ses secrets. ■ C.F. « GOOD AS GOLD: FASHIONING SENEGALESE WOMEN »,

Musée national d’Art africain, Washington (États-Unis), jusqu’au 29 septembre 2019. africa.si.edu

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ON EN PARLE

Ci-contre, « Untitled », de la série Handprints, 2013. Ci-dessous, « Omar Legs », de la série Legs, 2005.

EXPO

CARTE BLANCHE À HASSAN HAJJAJ La MAISON EUROPÉENNE DE LA PHOTOGRAPHIE se met à l’heure marocaine. L’UNIVERS SINGULIER de l’artiste anglo-marocain Hassan Hajjaj investit pendant deux mois la Maison européenne de la photographie (MEP). Pour sa première rétrospective en France, cet autodidacte qui ne s’interdit aucun genre ou support, né en 1961 à Larache et londonien depuis 1973, a fait de sa double culture le moteur de son œuvre artistique. Son humour, parfois volontairement kitsch, donne de la force à ses propos engagés. Déclinée en quatre espaces où sont présentées plusieurs séries, y compris des photographies inédites en noir et blanc, l’exposition met aussi en avant tapis, mobiliers et vêtements. Des créations qui mixent et détournent influences ethniques, logos et objets du quotidien, comme les babouches, le caftan ou la théière. Au sous-sol, Hassan Hajjaj invite deux artistes marocaines, Zahrin Kahlo et Lamia Naji, à s’approprier le studio de la MEP, qui devient ainsi la maison marocaine de la photo à part entière. ■ L.N.

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RÉTROSPECTIVE HASSAN HAJJAJ, Maison européenne

HASSAN HAJJAJ

Deux pièces de la série Handprints, respectivement de 2008 (ci-dessus) et de 1999 (ci-contre).

de la photographie, Paris (France), du 11 septembre au 17 novembre 2019. mep-fr.org AFRIQUE MAGAZINE

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Rachid Taha MUSIQUE

pour toujours

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Le 20 septembre prochain sortira un magnifique album POSTHUME, ode transculturelle au continent.

DISPARU BRUTALEMENT EN 2018, à quelques jours de ses 60 ans, il avait néanmoins enregistré l’intégralité de Je suis africain. Dans le titre du même nom, il rappelle qu’Angela Davis, Jacques Derrida ou encore Bob Marley sont tous reliés à l’Afrique – un continent qui lui tenait à cœur et auquel il rend hommage le temps de 14 pistes irrésistibles. Guitares soukouss, échos western, influence arabo-andalouse, incursions blues… Il se permet tout avec des morceaux épatants, tels « Ansit », « Andy Wahloo », « Insomnia », ou encore le très drôle « Striptease »… Qu’il chante en arabe ou en français, qu’il cite le bled ou Lou Reed, Rachid Taha était un musicien exceptionnellement généreux. Capable, même après sa mort, de nous faire ce cadeau immense. ■ S.R. RACHID TAHA, Je suis africain, Believe.

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ON EN PARLE

LIVRES

ABDOURAHMAN A. WABERI La force de l’exil Son dernier roman explore les LIEUX DE L’ENFANCE. Et de la singularité.

« DIS PAPA, pourquoi tu danses quand tu marches ? » La question est innocente, grave. Il ne peut pas se dérober. Il lui faut raconter ce qui est arrivé à sa jambe. Expliquer à sa petite fille, sur le chemin de l’école maternelle, à Paris, pourquoi il boite. Réveiller les souvenirs, retourner à Djibouti, au quartier du Château d’eau, au pays de l’enfance, ce pays de lumière et de poussière, où la maladie, les fièvres d’abord, puis cette jambe qui ne voulait plus tenir, l’ont rendu différent, singulier. Dix ans après Passage des larmes, récit poétique sur l’exil, le fanatisme et la géopolitique de la Corne de l’Afrique, Abdourahman A. Waberi raconte ici ce moment qui a tout bouleversé dans son existence, le combat qu’il a engagé ensuite et qui a fait de lui un homme qui sait le prix des mots, du silence, de la liberté. Un homme qui danse toujours. Né en 1965, dans un milieu modeste en Côte française des Somalis (l’actuelle République de Djibouti, alors colonie française), celui qui deviendra poète, romancier, journaliste s’expatrie à l’âge de 20 ans pour faire ses études en France. Dès ses premiers romans, il évoque les déchirements de sa terre d’origine. Des livres nourris des douleurs de l’exil et de la mémoire confisquée, qui lui vaudront d’être proscrit de son pays. Après une première trilogie (Le Pays sans ombre, Cahier nomade, Balbala) dédiée à Djibouti et publiée dans les années 1990, Moisson de crânes (2000) constate les dégâts du génocide des Tutsis au Rwanda, tandis que Transit (2003) se déroule dans l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle… Son œuvre, traduite dans une douzaine de langues, est sous-tendue par son regard incisif. Doux et sévère à la fois, Waberi le révolté se dit nomade de tempérament. Il partage sa vie entre Paris et Washington, où il enseigne les littératures françaises et francophones ainsi que la création littéraire à l’université George Washington. Aujourd’hui, son engagement s’est élargi. Au-delà du destin de son pays, il épouse le souffle du monde. ■ C.F.

DU FOND DE SA GEÔLE, le Turc Ahmet Altan nous livre 19 textes exemplaires. « Je ne suis ni où je suis, ni où je ne suis pas. Vous pouvez m’enfermer où vous voulez. Sur les ailes de mon imagination infinie, je parcourrai le monde entier », écrit-il. Depuis son arrestation, lors de la tentative de putsch du 15 juillet 2016, où des milliers de personnes sont descendues dans les rues, à Istanbul et à Ankara, le journaliste et écrivain vit en prison. Le 5 juillet dernier, la Cour suprême turque a cassé sa condamnation à perpétuité, mais rejeté sa demande de remise en liberté. L’affaire vient d’être renvoyée devant la 26e Haute cour pénale d’Istanbul. En attendant le verdict, ce livre de résistance et de résilience est une déclaration. Entre observations, réflexions, sensations, puissance des mots, force de l’imaginaire. Un acte de liberté. ■ C.F.

L’auteur partage aujourd’hui sa vie entre Paris et Washington.

ABDOURAHMAN A. WABERI, Pourquoi tu danses quand tu marches ?, ?

AHMET ALTAN, Je ne reverrai plus le monde, Actes Sud,

JC Lattès, 250 pages, 19 €. 19€. 18 18

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224 pages, 18,50 €.

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MICHAEL SETZFANDT - DR (2)

LA LIBERTÉ D’ÊTRE


Verida Beitta Ahmed Deiche, en rouge.

GAVAGE POUR UN MARIAGE CINÉ

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EN MAURITANIE, une tradition toujours vivace oblige les jeunes femmes À SE FORCER À GROSSIR pour pouvoir se marier…

VERIDA EST UNE JEUNE FEMME D’AUJOURD’HUI. Elle écoute Shakira, lit des magazines, communique par WhatsApp avec ses copines et donne un coup de main à sa grand-mère qui tient un salon d’esthéticienne. Mais elle vit à Nouakchott, et sa famille a des idées très traditionnelles : elle lui a déjà choisi un mari et pour pouvoir l’épouser dans les trois mois, elle va devoir correspondre à un certain canon de beauté… en prenant du poids. Cette méthode du gavage est de moins en moins répandue dans les villes mauritaniennes, mais toujours très suivie chez les familles qui vivent dans le désert. « Quand tu auras grossi et que tu seras couverte de vergetures, tu seras magnifique ! » lui dit sa grand-mère. C’est donc parti pour 10 repas par jour, des visites chez le boucher où sa mère lui achète de la bosse de chameau, du foie et du cœur, qui s’ajoutent aux plâtrées de riz et aux litres de lait qu’elle doit ingurgiter dès 6 heures du matin. Mais le film va plus loin que cette description très documentée (et esthétique) de ce hiatus entre tradition et modernité sur lequel se sont bâtis bien des films en Afrique, car il interroge les conséquences des diktats de la beauté pour les femmes : l’une des meilleures AFRIQUE MAGAZINE

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amies de Verida ne jure que pas les crèmes blanchissantes, tandis qu’une autre estime « qu’on n’est jamais trop minces ». Première fiction d’une documentariste italienne qui connaît bien l’Afrique – elle a grandi en partie au Maroc et au Congo, sa grand-mère est née en Algérie, son père en Tunisie –, c’est aussi le premier rôle à l’écran d’une jeune fille qui aurait pu disparaître sous les voiles et les kilos, mais dont le regard lumineux porte cette histoire édifiante. En plus du mari promis, pas très engageant, un beau jeune homme semble s’intéresser à elle, mais sans insister : il apporte régulièrement une balance pour que ses parents puissent évaluer ses « progrès », et l’emmènera faire un tour en voiture, en toute bienveillance. Verida lui lancera en criant : « Merci de m’avoir regardée ! » C’est le moins que l’on puisse faire pour ce beau personnage de cinéma issu du réel. ■ J.-M.C. LE MARIAGE DE VERIDA (Italie), de Michela Occhipinti. Avec Verida Beitta Ahmed Deiche. 19


PARCOURS

Seif Kousmate C’EST À UNE NOUVELLE GÉNÉRATION

de photojournalistes militants qu’il appartient. Ses images rendent hommage aux invisibles du continent et disent sa forte inclination pour l’humain. Il exposera à la Fondation pour la photographie, à Tanger, du 17 août au 30 septembre prochains.

S

par Fouzia Marouf

ensibiliser, révéler, alerter, tels sont les maîtres-mots qui animent Seif Kousmate au nom de la liberté d’informer. Avec son œil vif, cet autodidacte sillonne le continent. « Je considère la photo comme un médium susceptible d’insuffler un changement universel, qui montre la souffrance des sans-voix pour améliorer notre compréhension commune de l’humanité », précise-t-il. Né à Essaouira en 1988, aîné d’une fratrie de quatre, Seif tue le temps entre les cours et la plage, tout en s’occupant de ses frères et sœurs : « J’étais très sensible à mon environnement, je débordais d’imagination. » Après des études d’ingénierie à La Rochelle, il se passionne pour le huitième art, car il est de la lignée de ceux qui éveillent les consciences. Profondément touché en 2014 par le sort d’un migrant subsaharien en errance sur la route reliant Tanger à Tétouan, il décide de suivre la traversée périlleuse de ces invisibles lors de son premier reportage en 2017. « Ce que l’on voit à travers les photos n’est rien, comparé à la réalité. J’ai vécu plusieurs semaines avec ces hommes au cœur du mont Gourougou [situé au nord du pays, ndlr], chassés dès l’aube par les militaires qui mettent le feu à leurs abris de fortune. Ils se nourrissent de pattes de poulets, du peu qu’ils trouvent, et on ne les considère que selon un matricule ou un flux migratoire. Pour moi, chacun d’entre eux a une histoire », confie-t-il en pianotant sur son ordinateur pour nous présenter les protagonistes de ses puissantes séries. C’est le portrait d’un migrant muni de crochets, dont il se sert pour grimper aux clôtures, qui frappe par sa force. Il a traversé clandestinement la frontière entre l’Algérie et la Mauritanie. Son but ? « Atteindre l’Europe au prix de sa vie », souligne Seif Kousmaté. En proie à un véritable questionnement, il met ensuite le cap sur la Mauritanie en 2018. Après une préparation de plusieurs mois, soutenu par des activistes, il y dénonce l’esclavage traditionnel, encore tabou. « J’ai grandi au Maroc, en ignorant totalement qu’une frange de la population vivait à l’état d’esclaves dans un pays proche du mien. J’y ai rencontré des hommes, des femmes et des enfants très fragilisés qui vivent dans des bidonvilles éloignés de Nouakchott. Certains s’affranchissent de leurs maîtres, mais la plupart sont condamnés à ne jamais être libres. Le fait que je leur parle en arabe, que je m’intéresse à leur sort les a touchés. » L’impact de ses images a conquis de prestigieux journaux aux quatre coins du monde : ses séries sont publiées dans Newsweek, The Guardian, El País ou encore Libération. En 2017, il a consacré un reportage à la réalité rude des villages enclavés de l’Atlas, en pointant la problématique du réchauffement climatique : « Les villageois m’ont raconté leur quotidien avec pudeur, l’attente des pluies, les récoltes difficiles. » L’année suivante, il a été sélectionné au Joop Swart Masterclass et au 6x6 Africa Global Talent Program par World Press Photo, concours de référence du photojournalisme. Son travail sera exposé durant le festival In Cadaqués, en Espagne, en septembre prochain, et il se rendra bientôt entre le Mali, l’Europe et le Maroc, grâce à une bourse de National Geographic Society, pour une nouvelle exploration sur la condition humaine. ■

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« Mon médium montre la souffrance des sans-voix pour améliorer notre

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compréhension commune de l’humanité. »


London

Prince Gyasi, Energy is Contagious, 2018. Courtesy of the artist and Nil Gallery

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3 – 6 OCTOBER SOMERSET HOUSE


C’EST COMMENT ?

PAR EMMANUELLE PONTIÉ

DOM

VIVE LES ANIMAUX ! C’est vrai, en Afrique, les animaux, on s’en bat un peu les bretelles… On a assez de soucis majeurs à gérer sur des terres arides, où manger chaque jour, se soigner, trouver un travail et des sous occupe 100 % du cerveau. On doit se battre contre les crises économiques, le terrorisme, la mal gouvernance, l’injustice, l’absence d’infrastructures, d’eau, d’électricité, et j’en passe. Mais en cette période de villégiature, où certains d’entre vous (surtout des touristes, oui, on sait…) auront peut-être envie de choisir une réserve animale à visiter ou un parc naturel, plein de nouvelles positives (eh oui, ça change !) sont à signaler. Les effets du programme efficace du Gabon pour la préservation de sa nature et de sa faune commencent à se sentir concrètement. Les éléphants des forêts batifolent dans le parc national d’Ivindo et sa nature vierge, et peu à peu, la courbe du braconnage, plutôt en violente hausse il y a une dizaine d’années, commence à s’inverser. La protection des océans porte aussi ses fruits, et les baleines sont en paix du côté de Loango. Au Mozambique, la première année sans tuerie d’éléphants vient de s’écouler, là où 5 000 d’entre eux avaient été abattus pour leurs défenses en ivoire au cours des dix dernières années, à l’époque où de tels actes n’étaient même pas considérés comme un délit par la loi. Il semble que la politique pionnière du Rwanda en matière de protection de la faune ait fait des petits ailleurs. Ses gorilles à dos argentés, superstars des montagnes, sont ici dans un paradis depuis pas mal de temps. Aller à leur rencontre génère d’énormes revenus pour le pays, qui vient d’augmenter le prix de la visite, passant de 750 dollars à 1 500 dollars. Résultat, les grands singes et leur famille, y compris leurs cousins qui affluent de la RD Congo voisine, où ils sont encore massacrés pour que leurs mains finissent en cendriers, rapportent quand même 440 millions de dollars par an à l’État. Pour comparaison, la Tanzanie, plus au sud, championne toutes catégories du safari-photo animalier, engrange 2 milliards de dollars par an grâce à sa richesse zoologique. Dans tous ces pays, le braconnage a cessé depuis longtemps, grâce à une volonté politique affichée. Ailleurs, au fil des programmes de développement durable, de tel projet vert ou bleu, de préservation de l’écosystème ou de la biodiversité, les animaux sauvages voient peu à peu leurs conditions de vie s’améliorer. Et c’est cool. Ce qui est cool aussi, c’est qu’audelà de la préservation de la nature, indispensable pour le bien-être de l’homme dans les années à venir, les parcs et réserves naturelles, lorsqu’ils sont parfaitement entretenus et gérés, attirent des devises. Donc, pendant ces vacances, pour les Africains qui en prennent et qui ont les moyens, profitez-en pour aller photographier un éléphant, un gorille ou même un pangolin. Vous ferez fructifier votre précieux patrimoine. Celui dont vous pouvez être fier. ■ AFRIQUE MAGAZINE

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éclairage

FADEL SENNA/AFP

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L’ETAPE DES Mohammed VI a su transformer le pays. Et la marche 24

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20 ANS

La bay’a, la cérémonie d’allégeance, fêtant chaque année l’avènement au trône.

continue : débat sociétal, démocratie, justice sociale… AFRIQUE MAGAZINE

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par Zyad Limam et Julie Chaudier

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ÉCLAIRAGE

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teurs qui montrent à quel point la transformation est en marche. Liberté d’expression, droits humains, relations hommes-femmes, structure familiale, multiculturalisme, religion, éducation…, les dogmes du passé sont sur la table. Malgré les crispations toujours possibles, il y a quelque chose qui relève d’une forme de séquence des « Lumières », de la volonté de redéfinir un nouveau deal sociétal. Au Maroc (comme chez ses voisins), ces mouvements de fond polarisent la société, creusent des fossés entre deux nations, celle qui veut s’inscrire « dans le siècle », dans le présent, à vocation séculière, qui prend de l’ampleur, tout en restant sans véritables structures, ni leadership. Et celle de la tradition et du conservatisme, incarnée par la foi, le puritanisme, les règles écrites et non écrites du palais et du makhzen, et le credo de certains partis politiques (le PJD, Parti de la justice et du développement, islamiste, ou le parti de l’Istiqlal, nationaliste). De plus en plus, deux modèles, deux royaumes coexistent, avec au centre un monarque, Mohammed VI, qui cherche à s’affranchir des pressions des uns ou des autres, dont l’objectif est de contrôler les évolutions et les embardées. Et surtout produire une synthèse acceptable pour le plus grand nombre. Ce défi sociétal, qui marquera les années à venir, recoupe les urgences sociales. En vingt ans, le Maroc s’est économiquement transformé. Des projets d’ampleur, ambitieux, ont été menés (Tanger Med [voir p. 106], la ligne à grande vitesse, l’ouverture AFRIQUE MAGAZINE

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API/GAMMA RAPHO

eux qui ont un peu d’ancienneté se rappellent certainement le Maroc de la fin des années 1990, le Maroc d’Hassan II, maître d’une monarchie centralisatrice, consubstantielle à la nation, absolue et féodale à bien des égards. Deux décennies plus tard, en faisant un bond finalement modeste dans le temps, on retrouve un royaume différent. Avec évidemment, la modernisation économique, les grands chantiers, les projets d’infrastructures, l’émergence. Mais en vingt ans, ce sont surtout les « mots » qui ont changé. En 1999, à l’accession de Mohammed VI sur le trône, les Marocains sont encore très largement des « sujets » de la couronne. En 2019, ils sont devenus, dans une très grande mesure, des « citoyens ». « L’absolu » a cédé progressivement le pas à « l’institution ». Le fameux contrat entre « le peuple et le roi », pierre angulaire de la nation marocaine, a été amendé, renégocié. Le changement est venu du monarque lui-même, soucieux dès les origines du règne de se défaire du lourd bilan des années de plomb, d’entrer dans une modernisation politique et sociétale qui porterait sa signature, son empreinte historique. Mais le changement est aussi venu du peuple, de la société civile, de la jeunesse, influencé par les printemps arabes, décidés à gagner des espaces de libertés véritables et de démocratie. La Constitution de 2011 a normé le pouvoir royal, tout en le confirmant dans sa fonction à la fois « arbitrale » et « exécutive ». Mohammed VI a imprimé sa marque, maintenu l’essentiel des prérogatives du palais, tant sur le plan politique qu’économique, tout en soutenant ou en « cohabitant » avec une demande de transparence et de démocratie de plus en plus nette. Le Maroc, cet « extrême occident » ou ce « Finistère », pour reprendre l’heureuse expression du politologue Mohamed Tozy, n’est pas à l’écart des mutations qui bouleversent le Maghreb, cette région du monde arabe, différente, singulière, bien loin du Moyen-Orient et des pays du Golfe. Maroc, Algérie, Tunisie, tous les trois sont traversés par des Hirak (« mouvements ») revendica-

Les dignitaires viennent prêter allégeance au nouveau souverain. Ici, Mohammed VI, avec le conseiller André Azoulay, le 23 juillet 2019.


LIONEL PRÉAU/RIVA PRESS

sur l’Afrique…). La croissance s’est maintenue aux alentours de 4 % par an. Le pays est moins fragile aux caprices du ciel. Le taux de pauvreté a été divisé par trois. Mais de plus en plus de Marocains se sentent précarisés, ou à la marge. Le chômage touche au moins 10 % de la population, les jeunes urbanisés étant les premiers concernés. Les petites classes moyennes sont victimes des carences de l’éducation nationale et du faible développement du secteur de la santé publique. La sensation d’inégalité est forte, soulignée par les indices de performances en matière de développement humain. L’urgence aujourd’hui est d’investir dans le social. De réduire la faille entre les classes aisées, ce « Maroc dans le siècle », ouvert sur le changement, tenté par la sécularisation, et le peuple des défavorisés qui se retrouve dans la contestation sociale ou le repli identitaire et religieux. Le Maroc est un grand pays, d’Afrique, de culture, d’ambitions et d’avenir. Il y a de l’élan, de la force positive. Les défis sont là : la synthèse sociétale et démocratique, la justice sociale. Le roi, centre de l’édifice institutionnel, a un rôle primordial à jouer. Tout comme les Marocains eux-mêmes, société civile, entrepreneurs, employés, électeurs, élus, intellectuels, femmes et hommes… Après tout, ce sont tous des citoyens ! ■ Z.L. AFRIQUE MAGAZINE

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Avec son fils, Moulay El Hassan, lors de l’invitation par le président français pour les commémorations du centenaire du 11-Novembre, en 2018.

« L’absolu » a cédé progressivement le pas à « l’institution ». Le fameux contrat entre « le peuple et le roi » a été amendé, renégocié. 27


ÉCLAIRAGE

Plusieurs communes rurales de la région de Meknès ont profité de l’INDH. À Moulay Idriss, une salle polyvalente a été construite.

« L

’Initiative nationale pour le développement humain (INDH) n’est ni un projet ponctuel, ni un programme conjoncturel de circonstance. C’est un chantier de règne, ouvert en permanence », lançait Mohammed VI, lors de son discours du trône en 2005. Cette initiative allait lui valoir, avec d’autres actions, le flatteur qualificatif de « roi des pauvres ». Entre le financement de micro-activités génératrices de revenus, d’actions associatives et le développement d’infrastructures publiques, 43 milliards de dirhams (4 milliards d’euros) ont ainsi été dépensés 28

auprès des populations les plus pauvres du Maroc jusqu’en 2018. En 2015, la Banque mondiale classait l’INDH dans le « top five » mondial des programmes de protection sociale en matière de travaux publics. De fait, le taux de pauvreté a fortement baissé, passant de 15,3 % en 2001 à 4,8 % en 2014. Ce recul est-il attribuable à l’INDH ? Le Haut-Commissariat au plan (HCP) a proposé une évaluation statistique de son impact en comparant les « communes INDH » aux autres. « L’indice composite de privation a connu une baisse en termes absolus de 10,7 % en milieu rural, AFRIQUE MAGAZINE

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MANUEL COHEN/AURIMAGES

INDH LE ROI DES PAUVRES a fait du développement humain un chantier permanent.


Intégrité territoriale LA QUÊTE INABOUTIE : les provinces du Sud restent un enjeu majeur.

Évolution de la pauvreté

Taux de pauvreté (seuil national) 2001

2007

25,1

2014

15,3

14,4 8,9

9,5

7,6 4,9

4,8

1,6

Rural

Urbain

National

Source : note sur l’évolution de la pauvreté et des inégalités au Maroc, Haut-Commissariat au plan.

Espérance de vie dans le pays 76 ans 73 ans

68 ans

1998

2008

2016

SHUTTERSTOCK

Source : Banque mondiale.

[…] soit une baisse de 11,5 % pour les communes ayant bénéficié de ces actions à partir de 2005, 10,9 % pour les communes qui n’ont commencé à en bénéficier qu’en 2011, et 9,5 points pour les communes non ciblées », répond le HCP dans une récente étude. L’initiative est cependant accusée de « clientéliser » en quelque sort les populations bénéficiaires. « L’INDH est avant tout une démarche caritative. Ces subventions maintiennent en réalité une relation d’assistance et de dépendance, qui entretient l’idée que la pauvreté est une fatalité », accuse Abdelaziz Messaoudi, membre de Transparency Maroc. À l’inverse, elle a également poussé les populations locales à s’organiser en association pour bénéficier de ses subsides. Pour la politologue Mounia Bennani-Chraïbi, cette initiative a ainsi involontairement donné à la population de nouvelles ressources organisationnelles pour revendiquer et défendre ses intérêts. En dépit de ces limites, l’INDH reste un symbole des bienfaits de l’action publique voulue par le roi. L’an dernier, Mohammed VI a donc lancé la troisième phase du programme et annoncé l’engagement de 18 milliards de dirhams supplémentaires d’ici 2023, en axant particulièrement les interventions sur la petite enfance et l’insertion des jeunes. ■ J.C. AFRIQUE MAGAZINE

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’était la priorité absolue du nouveau roi. Et elle l’est toujours vingt ans plus tard : « l’intégrité territoriale du royaume » n’est toujours pas accomplie. Le statut du Sahara occidental, ancienne colonie espagnole reste en suspens au sein de la communauté internationale. À l’avènement de Mohammed VI, la situation du conflit opposant le Maroc au Polisario, mouvement indépendantiste réclamant l’autodétermination du peuple du Sahara occidental, était déjà largement enkystée. Pour les deux partis, reculer était déjà devenu impossible. Le Polisario, désavantagé par le rapport de force, jouait sa survie tandis qu’au Maroc, Hassan II avait fait reposer l’union nationale sur la cause Sahara occidental. Dès lors, si le Maroc et le Polisario ont accepté le principe d’un référendum en 1999, cela fait déjà une dizaine d’années qu’ils sont incapables de se mettre d’accord sur l’étendue du corps électoral. L’une des premières décisions de Mohammed VI, dans ce contexte, sera de refuser, en 2003, le Plan Baker qui prévoyait l’organisation du fameux référendum après une large période d’autonomie sous administration onusienne. Le 11 avril 2007, pour tourner la page d’un si long conflit, le royaume propose aux Nations unies une « initiative pour la négociation d’un statut d’autonomie pour la région du Sahara ». Il s’agit implicitement de reconnaître la souveraineté du royaume sur ses provinces du Sud tout en accordant à la région un large degré d’autonomie. Une proposition qui ne passera pas. Parallèlement, les investissements sont spectaculaires. Laâyoune et Dakhla s’imposent comme des centres urbains à part entière. Le tourisme y fait même son apparition. Malgré le poids financier que cela représente pour le pays, l’opinion publique reste soudée. Mais sur place, les tensions sont parfois vives, et la question juridique demeure entière sur la scène internationale. Le Maroc et l’Union européenne ont été amenés à renégocier leur accord commercial pour qu’il puisse s’appliquer aux provinces du Sud. Face à l’impatience de la nouvelle administration Trump lassée de financer vainement la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso), le Maroc et le Polisario ont accepté de revenir en décembre 2018, puis en mars 2019 à la table des négociations, sous l’égide de l’ex-président allemand Horst Köhler. Des pourparlers en suspens après la démission inattendue de ce dernier, le 22 mai. Et pour le Maroc, « reprendre les négociations, c’est finalement repartir à zéro », explique la politologue Khadija Mohsen-Finan. ■ J.C. 29


ÉCLAIRAGE

La réforme de l’enseignement supérieur est l’un des autres défis du royaume. Ici, à l’école nationale d’architecture de Rabat.

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n prenant les rênes du pouvoir en 1999, Mohammed VI a hérité de la Charte nationale de l’éducation et de la formation, projet lancé par son père. Elle aboutit, quelques mois plus tard, à la publication d’un texte où s’énoncent, entre autres, des objectifs très ambitieux : généraliser les inscriptions en première année de primaire d’ici 2002 et en première année de préscolaire d’ici 2004, et parvenir d’ici 2015 à l’éradication quasi-totale de l’analphabétisme. Le nouveau monarque en fait sa deuxième priorité, après la lutte contre la pauvreté, et lance alors la « décennie de l’éducation ». Depuis, les efforts n’ont pas manqué : un programme d’urgence a même été mis en place entre 2009 et 2012, moyennant une rallonge budgétaire de 33 milliards de dirhams (3 milliards d’euros). Aujourd’hui, les dépenses publiques par élève du primaire représentent encore 19,3 % du PIB par habitant, classant le Maroc parmi les pays dont l’effort financier est le plus élevé. Ces engagements majeurs n’ont cependant porté que de maigres fruits. La scolarisation des élèves de primaire est certes passée de 78 % en 2001 à 99 % en 2017, selon le ministère de l’Éduca30

tion nationale, mais l’abandon scolaire fait encore des ravages. Selon le Haut-Commissariat au plan, en 2014, 41,9 % des enfants étaient sans instruction, et 4,8 % étaient analphabètes. Au centre des préoccupations, la qualité de l’enseignement public largement décrédibilisé, de sorte que le recours à l’enseignement privé est devenu un réflexe pour toutes les familles dès qu’elles peuvent se le permettre. Signe de cette défiance des parents, la part de l’enseignement privé a quadruplé, passant de 4,2 % en 1999 à 16,7 % en 2017, selon le Conseil supérieur de l’enseignement. Dans un tel contexte, la réforme de l’éducation reste un chantier permanent. La dernière évolution en date donne lieu à un affrontement entre élus et palais royal. Le Conseil supérieur de l’éducation, rattaché au roi, a proposé une réforme préconisant notamment l’enseignement des matières scientifiques et techniques en langues étrangères. Au Parlement, les représentants du PJD (islamiste) et du parti Istiqlal (nationaliste) restent opposés, au nom de la prééminence de l’arabe, à la loi-cadre, adoptée le 22 juillet dernier. ■ J.C. AFRIQUE MAGAZINE

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Éducation MALGRÉ DE GRANDS MOYENS, le secteur reste loin des espérances.


Émergence DE LA CROISSANCE, des ambitions, mais pas assez d’emplois.

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SHUTTERSTOCK - MAP PHOTO

n 1999, le Maroc sort à peine du long et douloureux plan d’ajustement structurel, imposé par le FMI alors qu’il était au bord de la faillite. Le jeune roi veut rompre avec le passé et faire entrer le royaume dans le club très envié des pays émergents. Il s’entoure de jeunes et brillants technocrates, fait appel aux plus grands cabinets de conseils internationaux, qui conçoivent dans chacun des grands secteurs de l’économie de vastes plans pluriannuels. Mohammed VI veut voir la nation prendre sa place dans le monde et cinq accords de libre-échange sont signés, dans le sillage de l’accord d’association conclu avec l’Union européenne sous le règne de son père. Le plan Émergence, lancé en 2005, misait sur plusieurs secteurs clés dans lesquels le Maroc, dans une vision néolibérale de l’économie, disposait d’avantages comparatifs. Depuis, le pays connaît une croissance moyenne de plus de 4 % par an. Il ne plonge plus en récession les années de sécheresse, sa dépendance au secteur agricole s’étant atténuée. Des infrastructures majeures comme le port de Tanger Med, le réseau autoroutier, la première ligne de chemin de fer à grande vitesse (Tanger-Kénitra), ont vu le jour. L’entreprise privée s’est fortement développée avec la création ou le renforcement de sociétés essentielles dans le secteur de la banque, de l’assurance, des services, du tourisme… Des géants comme le groupe OCP construisent des stratégies internationales. Deux secteurs en particulier – l’automobile, avec l’installation de Renault et PSA, et l’aéronautique – ont connu des niveaux de croissance inégalés. Fondés sur des investissements étrangers et tournés totalement vers l’export, ils n’ont cependant pas réussi à provoquer de dynamique industrialisante, faute d’une véritable intégration locale des usines étrangères. Finalement, la croissance économique reste relativement modeste pour un pays en développement. Plus inquiétant, cette croissance, comme souvent en Afrique, demeure pauvre en emplois, l’économie ayant du mal à intégrer les 370 000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail. ■ J.C. Taux d’emploi de la population de plus de 15 ans 37,1 %

78,6 %

28,7 %

2007

75 %

2017

Source : enquête nationale sur l’emploi, HCP.

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Le retour stratégique du Maroc au 28e Sommet de l’Union africaine, à Addis-Abeba, en 2017.

Afrique LE NOUVEL HORIZON du royaume se trouve à son sud.

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u printemps 2019, le souverain a certainement regardé avec un intense intérêt les évolutions politiques en Algérie qui ont poussé au départ du président Abdelaziz Bouteflika, qu’il qualifiait vingt ans plus tôt, dans son tout premier discours du trône, de « grand ami ». Le roi misait alors sur « l’édification du grand Maghreb arabe ». Une ambition louable, mais dont on verra assez vite les limites. Depuis quelques années, Mohammed VI concentre toute son attention sur l’Afrique subsaharienne. Pour lui, c’est le nouvel horizon. Une stratégie qui repose sur l’histoire. L’alliance du palais royal avec les présidences des nouveaux États indépendants en Afrique de l’Ouest remonte en fait à Hassan II. Une politique traditionnelle largement tributaire du dossier du Sahara occidental. Et c’est peut-être la visite de Ban Ki-moon au crépuscule de son mandat de secrétaire général des Nations unies, début mars 2016, saluant le drapeau des indépendantistes de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), dans les camps de Tindouf, qui l’a poussé à changer radicalement d’approche, comme si cette manifestation signait l’échec des vieilles alliances. À peine plus d’un mois plus tard, le roi, en voyage à Riyad, prononce un discours fondateur pour sa nouvelle politique étrangère : « Tout en restant attaché à la préservation de ses 31


ÉCLAIRAGE

Énergies C’EST LA GRANDE RÉVOLUTION, cap sur le soleil et le renouvelable.

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i le Maroc s’est contenté de répondre, au début des années 2000, à la demande électrique croissante en déployant des centrales thermiques à gaz et à charbon, en 2008, alors que le monde plonge dans la crise économique, le bilan est alarmant. La consommation électrique a augmenté de 91 % en dix ans, tandis que la capacité de production n’a progressé que de 32 %. À la dépendance au charbon s’ajoutent alors les importations d’électricité d’Algérie et d’Es32

Noor I, la plus grande centrale solaire au monde selon les autorités.

pagne, qui atteignent 18,8 % de la consommation électrique. À la même époque, l’Allemagne fait la promotion du projet Desertec, imaginant l’importation par l’Europe d’une énergie solaire produite massivement dans le désert du Sahara par les États du Maghreb. Dans ce contexte, le roi lance, le 2 novembre 2009, le projet intégré d’énergie électrique solaire : cinq centrales d’une capacité totale de 2 000 mégawatts (MW) à construire d’ici 2019. Depuis, celui-ci n’a cessé d’évoluer et de prendre de l’ampleur, s’étendant bientôt à toutes les énergies renouvelables. Quand l’inauguration de la toute première centrale solaire, Noor I, a lieu en décembre 2016 près de Ouarzazate, l’objectif est alors que les énergies renouvelables atteignent 42 % de la capacité électrique installée en 2020 et 52 % en 2030. À un an de la première échéance, Noor I, avec ses 160 MW, est l’unique centrale solaire pleinement opérationnelle, tandis que six autres sont en cours de construction pour atteindre 645 MW supplémentaires. En mai dernier, le développement de Noor Midelt I, pour 800 MW, a été attribué au consortium mené par EDF Renouvelables, Masdar et Green of Africa. Dans l’éolien, dont l’exploitation, contrairement au solaire, remonte au tout début des années 2000, le Maroc compte déjà 850 MW de capacité installée avec, notamment, un parc de 300 MW à Tarfaya. Plusieurs autres centrales sont également en cours de développement pour plus de 850 MW. Le secteur de l’énergie hydraulique a, lui, été développé dès l’indépendance, à l’initiative d’Hassan II dans le but, avant tout, d’augmenter l’irrigation. Les nombreux barrages ont ainsi une capacité théorique de 1 770 MW. Quelques projets devraient permettre de compléter le chiffre afin d’atteindre les 2 000 MW visés dans les prochaines années. ■ J.C. AFRIQUE MAGAZINE

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relations stratégiques, le Maroc n’en cherche pas moins, ces derniers mois, à diversifier ses partenariats, tant au niveau géopolitique qu’au plan économique. » En juillet 2016, lors du 27e sommet de l’Union africaine (UA) à Kigali, il annonce par une lettre adressée aux chefs d’État son souhait de réintégrer l’organisation. Il rompt ainsi avec la politique de la chaise vide initiée par son père, trente-deux ans plus tôt, après l’adhésion de la RASD à l’OUA (ancêtre de l’UA). Le royaume chérifien se positionne depuis comme un leader régional au carrefour entre l’Europe et le continent. Il se pose en modèle de développement ; joue de sa diplomatie sécuritaire, religieuse, mais aussi de ses phosphates. Même si elle est relativement plus diversifiée, l’économie ne permet pas, néanmoins, d’imposer un vrai leadership. Et les échanges commerciaux du Maroc avec l’Afrique restent encore limités. Ce qui n’empêche pas de garder le cap. Le roi voyage activement au sud du Sahara, montre un réel intérêt pour cette nouvelle aire d’influence. Il s’intéresse à l’art, à la culture, aux gens. Et les initiatives de rapprochements diplomatiques et économiques ne manquent pas, notamment avec le Nigeria et l’Afrique du Sud. Il y a aussi la demande d’intégration à la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), ce vaste marché commun en construction. En dépit d’un accord de principe et d’un intense lobbying, le contrat n’est pourtant toujours pas conclu, en raison de la crainte suscitée par la concurrence des entreprises marocaines. Qu’à cela ne tienne, le pays a fièrement adhéré au traité créant la toute nouvelle Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), adoptée le 7 juillet 2019, lors du 33e sommet de l’UA à Niamey. La volonté politique est donc totale, prônant partout « les racines africaines du royaume ». Sans pour autant emporter l’adhésion immédiate des Marocains, qui se sentent avant tout maghrébins et arabes. Le dernier exemple en date est la finale de la Coupe d’Afrique des nations, au Caire, pendant laquelle leur cœur penchait plus pour le grand rival algérien que pour le Sénégal, pourtant allié stratégique politique majeur du royaume. ■ J.C.


20 ans, 20 DATES 2 août 1999 : Premier conseil des ministres, présidé par le 23e monarque de la dynastie alaouite, intronisé le 30 juillet. En novembre, renvoi de Driss Basri, homme fort d’Hassan II et symbole des années de plomb. 1er mars 2000 : Entrée en vigueur de l’accord d’association entre le Maroc et l’Union européenne. 8 mai 2003 : Naissance de Moulay El Hassan, le prince héritier. Sa sœur, Lalla Khadija, naît le 28 février 2007.

1er août 2009 : Le ministère de l’Intérieur fait interdire la parution du numéro de TelQuel où figure un sondage sur la popularité de Mohammed VI.

25 novembre 2011 : Victoire aux législatives anticipées du Parti justice et développement (islamiste). Abdellilah Benkirane devient chef du gouvernement.

8 novembre 2010 : Les forces anti-émeutes tentent de démanteler le camp de manifestants sahraouis à Gdim Izik. 9 mars 2011 : Annonce d’une réforme de la Constitution, après les manifestations, dans le sillage des révolutions arabes (Mouvement du 20 février).

9 février 2012 : Inauguration de l’usine Renault Nissan à Tanger.

JEAN BLONDIN/REUTERS - JOELLE VASSORT/REUTERS - YOUSSEF BOUDLAL/REUTERS (2) - CHRISTOPHE ARCHAMBAULT/POOL VIA REUTERS

16 mai 2003 : Cinq attentats-suicides à Casablanca contre des intérêts 2 août 1999 « étrangers » par des jeunes fanatisés du bidonville de Sidi Moumen.

18 mai 2005 : Lancement de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH).

7 novembre 2016 : Lancement de la COP22 à Marrakech. 30 janvier 2017 : Retour du Maroc au sein de l’Union africaine. 15 novembre 2018 : Inauguration de la première ligne à grande vitesse du Maroc, entre Tanger et Kénitra.

24 février 2004 : Tremblement de terre dévastateur dans la région d’Al Hoceima. 12 avril 2004 : Mise en place de l’Instance équité et réconciliation (IER) chargé d’enquêter sur les années de plomb. 16 mai 2003 10 octobre 2004 : Promulgation de la loi modifiant la Moudawana (statut personnel) et inscription de l’égalité hommesfemmes dans la Constitution.

28 octobre 2016 : Mort de Mouhcine Fikri, négociant en poisson, à Al Hoceima. Début du Hirak, mouvement de contestation populaire, dans le Rif.

Le roi entouré du Premier ministre Abderrahman Youssoufi, à gauche, et du ministre de l’Intérieur Driss Basri, à droite. L’hôtel Safir, ravagé lors des attentatssuicides qui ont fait 41 morts.

28 juin 2019 : Inauguration par le prince héritier Moulay El Hassan de Tanger Med 2, projet titanesque de l’extension du port. ■ 25 novembre 2011

Le PJD, mené par Abdellilah Benkirane, remporte les élections législatives.

7 novembre 2016

15 novembre 2018

11 avril 2008 : Le Maroc soumet à l’ONU son initiative pour la négociation d’un statut d’autonomie de la région du Sahara. 29 juillet 2009 : Le roi gracie près de 25 000 détenus pour l’anniversaire de ses 10 ans de règne.

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Inauguration d’Al Boraq, le premier TGV du continent. La COP22 à Marrakech.

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CE QUE J’AI APPRIS

Souad Massi

ENTRE MUSIQUE FOLK ET CHAÂBI ALGÉROIS,

la chanteuse croise les accords de sa guitare acoustique avec le mandole et le violon. Sur les délicates mélodies de son sixième album, Oumniya, elle chante le rêve d’amour, la poésie, le désir d’une nouvelle Algérie. propos recueillis par Astrid Krivian J’ai toujours cherché à créer un pont entre les musiques, car je les aime toutes. Mon nouvel album marie de manière épurée le folk et le chaâbi algérois. Nous sommes quatre musiciens, ce qui donne cette couleur acoustique, délicate, dépouillée. Cela met en valeur cette rencontre. À travers le langage universel de la musique, on crée des fusions que l’on ne parvient pas à faire avec le verbe.

La chanson éponyme, « Oumniya » (« mon souhait »), parle d’une trahison. Mais le refrain est positif : ma prière est d’aller mieux, je crois en une force supérieure qui m’apaise en posant sa main sur ma poitrine. J’ai longtemps entretenu un lien passionnel avec ma guitare, son étreinte me rassurait. La musique était un refuge pour moi. Aujourd’hui, mon instrument m’accompagne toujours. Mais ayant dépassé certaines angoisses et peurs, j’ai trouvé mon refuge ailleurs.

Je mets en musique un poème du Palestinien Mahmoud Darwich dans ma chanson « Ajmalou Hob ». Il raconte un amour né de rien et qui peut, comme un miracle, apparaître là où on ne l’attend pas. Telle une plante qui surgit d’entre les fissures d’une pierre, d’un mur, du bitume… C’est un grand signe d’espoir.

Plus jeune, je voulais ressembler à Nelson Mandela. Même s’il a passé une grande partie de sa vie en prison, il a réussi à faire passer son message de manière pacifiste et à accomplir son idéal de justice. C’est si difficile de défendre de grandes causes, de combattre les injustices, nous sommes comme des Don Quichotte. Mon morceau « Je veux apprendre » aborde les inégalités entre filles et garçons dans certaines cultures du MoyenOrient, d’Afrique, du Maghreb : le mariage précoce, la non-scolarisation des filles… Et aussi l’aberrant statut de mineure attribué à une femme célibataire ou sans tuteur, la discrimination envers une femme divorcée… La révolution actuelle en Algérie est un moment historique. Nous n’avons jamais eu le droit d’investir les rues, nous nous réapproprions les espaces publics. Depuis la décennie noire, nous étions toujours en état de siège. Je me réjouis de cet éveil citoyen, de la conscience politique du peuple, de sa résistance et de son intelligence. Car les autorités essaient par tous les moyens de le provoquer : ils l’insultent, le bousculent, lancent des gaz lacrymogènes… Machiavéliques, ils tentent de créer des débordements, mais le peuple est vraiment conscient et attentif. Je suis très admirative de mes concitoyens. Nous allons résister jusqu’à ce que disparaissent tous les symboles et les traces du système Bouteflika et de son oligarchie, ce gouvernement corrompu qui profite de l’argent du peuple. On aspire à une Algérie libre et démocratique, une vraie république, qui va vers le progrès, la modernité, et règle ses injustices sociales. On y a droit. Je vis en France depuis presque vingt ans, j’aime sa culture. Mais j’éprouve une certaine nostalgie de mon pays. L’odeur du jasmin me manque chaque jour. Faire la sieste pendant que ma mère fait la conversation avec les voisines… Ce sont des voix rassurantes qui m’ont bercée, des visages, des personnes qui ne sont plus là. Dans ma chanson « Pays natal », je pense à tous ceux qui sont loin de chez eux. ■ 34

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«J’éprouve une certaine

nostalgie de mon pays. L’odeur

JEAN-BAPTISTE MILLOT

du jasmin me manque chaque jour.»


Le président Alassane Dramane Ouattara au palais. « La décision est encore à prendre… »


Le choix d’ A DO L’enjeu ivoirien politique

Les attentes, les inquiétudes, les ambitions, la décision du chef de l’État… Le pays vit au rythme d’une élection présidentielle qui aura lieu dans un peu plus d’un an. Et pourtant, c’est comme si c’était demain. par Zyad Limam, envoyé spécial à Abidjan

ISSOUF SANOGO/AFP

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Tous les acteurs politiques, économiques ont le regard tourné vers cette étape majeure, perçue comme essentielle. Calculs électoraux, alliances, scénarios possibles, candidats éventuels, décision du président Alassane Ouattara… La Côte d’Ivoire vit au rythme de l’élection présidentielle prévue pour octobre 2020. Et la peur évidemment n’est jamais loin. La mémoire liée à l’histoire et aux blessures récentes (décennie de crise, crise électorale de 2010-2011) est encore vive, alimentée par une lecture encore très « ethnicisée » des rapports de force politique.

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Pour les élites qui se sont habituées en une décennie de croissance à un certain confort, le scrutin apparaît souvent comme une « épreuve », une perspective de disruption dommageable pour le pays. Plus ou moins consciemment, les Ivoiriens pensent que les choses « peuvent mal tourner ». À circuler, à voyager dans ce pays en transformation, en mutation de 26 millions d’habitants, on se dit qu’une autre lecture est possible. Les enjeux politiques sont là, mais 2020, c’est aussi une opportunité historique. Il y a quelque chose de fort à réaliser 37


POLITIQUE

L’État a réhabilité une partie des grands bâtiments du Plateau, à Abidjan, notamment l’emblématique tour Postel 2001.

dans l’année du soixantenaire de l’indépendance. Une élection démocratique, transparente, populaire, axée sur les enjeux de demain, qui marquerait une étape forte dans le processus de modernisation politique, parallèle à l’émergence économique. 2020, ce n’est pas 2010-2011 ! La Côte d’Ivoire a évolué. Elle s’est rajeunie, ouverte, modernisée, métissée. La formation d’une classe moyenne, « petite » ou « bourgeoise », assure une forme de stabilité. Les impératifs sécuritaires régionaux, l’importance du poids économique du pays, son rôle central dans la région feront que les partenaires internationaux seront particulièrement soucieux du bon déroulement du processus. Enfin, il y a un État fonctionnel. Et un président « fort », candidat ou non, qui sera le garant du processus.

Un rappel

On peut déjà discuter du bilan de ces années ADO, souligner les progrès et les manques. Un retour en arrière n’est pas inutile pour mesurer le chemin parcouru. En 2010-2011, la Côte d’Ivoire est exsangue, à genoux, elle sort de vingt ans de stagnation économique, d’une quasi-guerre civile et d’une crise électorale sanglante. Physiquement et politiquement, une perspective de disruption est impérative. Les milices circulent dans le pays, l’eau et l’électricité manquent, la capitale se délabre, des routes sont livrées aux pillards, des provinces abandonnées à elles-mêmes, l’administration n’est plus en place pour assurer des services publics essentiels comme l’éducation nationale. En un peu plus de huit ans (huit ans, c’est court…), la Côte d’Ivoire a retrouvé une normalité et de l’ambition. Elle s’est réunifiée. Elle s’est lancée dans un vaste programme d’infrastructures, bien engagée sur le chemin d’une croissance accélérée. Si l’on prend un taux de croissance moyen de 8 % à 10 % par an depuis 2011-2012, on peut estimer que la richesse nationale globale du pays a plus que doublé. C’est l’un des 10 pays les plus performants au monde en matière de croissance sur la période. Ça se voit sur le terrain. Le monde extérieur, les bailleurs de fonds et les investisseurs ont confiance. Elle est la locomotive de l’Afrique de l’Ouest, et Abidjan s’impose comme une grande porte d’entrée sur le continent. Tout n’est pas parfait. La dette du passé est lourde. De nombreux citoyens ont le sentiment d’être les laissés-pour-compte de l’émergence. Mais cette sortie de l’abîme, cette reconstruction de la nation, ce retour de l’ambition, n’était pas acquis. On parle peut-être un peu trop vite d’un second miracle, le chemin est à confirmer, mais ce qui est sûr, c’est que l’on revient de loin, de très loin. 38


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POLITIQUE

Les voisins aussi

En 2020, on votera donc d’Abidjan à Korhogo, de Bouaké à San Pédro, du pays baoulé aux grandes steppes du nord sahélien. Mais les Ivoiriens ne seront pas les seuls à aller aux urnes. Aux quatre coins de l’Afrique de l’Ouest, on entre en saison électorale. Les échos vont se répondre d’une capitale à l’autre, les connexions se faire. Ce qui se passera maintenant et demain à Abidjan aura une résonance particulière ailleurs. Et inversement. Au Burkina Faso, le « voisin intime », les élections couplées (présidentielle et législatives) en octobre 2020 vont se dérouler dans un contexte de grande fragilité économique et sécuritaire. Fin 2020 également, le président guinéen Alpha Condé (81 ans) arrivera aux termes de son second et officiellement dernier mandat. Les spéculations vont bon train sur la réforme de la Constitution et la possibilité d’une troisième campagne présidentielle. Le 8 mai dernier, les députés togolais ont de leur côté voté une révision constitutionnelle prévoyant la limitation du nombre de mandats présidentiels, tout en mettant les compteurs à zéro… Faure Gnassingbé pourra se représenter aux deux prochains scrutins, en 2020 et 2025. Le Président est au pouvoir depuis février 2005, succédant à son père, lui-même au pouvoir durant trente-huit ans. Au Ghana voisin, le président Nana Akufo-Addo (75 ans) se prépare à un difficile combat pour sa réélection avec, face à lui, l’ex-président John Dramani Mahama, battu sur le fil il y a cinq ans. Tous ces scrutins n’auront rien d’une sinécure pour les sortants. Mais l’Afrique de l’Ouest a montré par le passé sa maturité politique, son ambition démocratique, son impatience aussi, et sa volonté de changement. Les électeurs seront exigeants.

choix

Le du Président

Tous les regards sont tournés vers lui, le chef de l’État. Le chemin d’Alassane Dramane Ouattara se confond avec l’histoire nationale récente. Jeune cadre, banquier, Premier ministre d’Houphouët-Boigny, il accède à la magistrature suprême après un long combat politique de plus de vingt ans. Et depuis 2011, c’est un président « exécutif », actif, au cœur des institutions et du pouvoir. Il cherche à façonner cette nouvelle Côte d’Ivoire, à imprimer sa marque. Il a conçu l’architecture de la Constitution de 2016, dont il pense qu’elle permettra un équilibre durable pour le pays. Il a lancé un nouveau parti, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) pour transcender les lignes traditionnelles, rassemblant autour de l’héritage houphouëtien, tout en s’affranchissant du passé. Il est au fait de son histoire, de son destin politique. Se présentera-t-il 40

pour un troisième mandat ? S’en tiendra-t-il à deux, à « dix ans », alors que certains le poussent à parachever l’œuvre, à assurer la stabilité ? Organisera-t-il sa succession ? Le pouvoir est séduisant, il est difficile de le quitter, mais ADO tient à prendre la bonne décision, il a l’âge, dit-il, de faire d’autres choses, de profiter de la vie, de sa famille. Il veut s’assurer de « la suite ». Il tient surtout à ce que le processus soit opérationnel, favorable au pays. Fin 2017, ADO annonce publiquement sa volonté de faire place à une nouvelle génération. Pour certains observateurs, les conséquences n’auront pas manqué de se faire rapidement sentir avec, en particulier, les mutineries militaires de début 2018 et les tensions sociales qui émailleront les mois suivants. Pour beaucoup alors, la succession est ouverte avec la nomination, début janvier 2018, au poste de Premier ministre d’Amadou Gon Coulibaly, le fidèle d’entre les fidèles, lieutenant depuis les premiers jours de la création du Rassemblement des républicains (RDR). Un processus politique qui aboutira finalement à la rupture avec Guillaume Soro. Depuis, le Président a voulu clarifier sa position et mettre de l’ordre dans la maison Côte d’Ivoire. En clair, « sa décision finale est encore à prendre ». Elle n’interviendra probablement qu’aux alentours de juin-juillet 2020. Et en fonction de la situation sécuritaire, de la stabilité politique. Peut-être aussi des paramètres de la concurrence, si par exemple il venait à l’idée d’Henri Konan Bedié de se présenter… Comme le souligne un proche du palais, dans ce moment particulier où il faut naviguer au plus près du vent, « la Côte d’Ivoire a besoin d’un président fort qui a de l’autorité, qui ne dévoile pas son jeu à l’avance ». Le suspens, le mystère fait partie de l’imperium du pouvoir. En tout état de cause, la décision sera historique. Le Président a probablement son scénario. Il prépare les étapes. Et c’est dans sa nature aussi de chercher à maîtriser ce qui peut l’être dans un futur plus ou moins proche. Dans les élites urbanisées, dans les milieux intellos, dans cette nouvelle bourgeoisie, produit des années ADO, les éléments de langage présidentiels sur le nécessaire passage de témoin, sur la transition générationnelle ont un impact fortement positif. L’« humour-dédramatisation » sur cette question essentielle (« Attention, je suis encore là ! » annonce le Président avec un sourire lors d’un débat avec Mo Ibrahim, en mars dernier, à Abidjan) marque les esprits. Bien sûr, il a de l’inquiétude, une recherche presque instinctive de la stabilité. Mais un passage de témoin serait vécu avec une certaine fierté. La Côte d’Ivoire serait « différente ». Elle ferait la preuve de sa maturité nouvellement acquise. Elle entrerait dans la modernité politique. Avec une stature historique définitive pour le président Ouattara. Cette passation démocratique serait d’ailleurs la première de l’histoire, celle où un président sortant remettrait les clés du palais du Plateau à un nouveau président entrant. AFRIQUE MAGAZINE

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Le Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, lors du lancement de la TNT en février dernier. Le leadership, ce sera le choix du Président.

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Le successeur

Et si donc ADO ne se présentait pas, qui serait son successeur « désigné » ? C’est la question qui absorbe toutes les énergies. Chaque scénario implique la prudence, des logiques de positionnement, des mouvements subtils. Il y a des personnalités fortes dans la garde rapprochée présidentielle, une équipe de N-1 disciplinée, soudée autour de lui, une dizaine de profils qui accompagnent ADO depuis de nombreuses années, qui se sentent chacun un peu légitimes, héritiers possibles. La Constitution de 2016 prévoit aussi « un ticket », un président et un vice-président, ce qui augmente les possibilités et les combinaisons possibles. Comme le souligne l’un de ses « héritiers », les « quinquagénaires sont prêts à assurer la relève. Prêts à prendre leurs responsabilités. C’est le moment. C’est leur décennie. Et puis, l’objectif sera de fonctionner en équipe, comme la team Côte d’Ivoire, chacun sachant son rôle, sa place, sa mission ». Évidemment, souligne un autre, « l’équipe s’est construite autour d’Alassane, par une fidélité personnalisée, de bas en haut. Il nous faut presque apprendre à mieux nous connaître entre nous maintenant, créer des liens qui iront au-delà de la problémaAFRIQUE MAGAZINE

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tique du leadership ». Et le leadership, tout le monde en est bien conscient, ce sera le choix du Président. Quelles que soient les options, le rôle d’Amadou Gon Coulibaly paraît central. C’est l’homme de confiance, le fils spirituel, et celui dont la fidélité est totalement indéniable. D’une certaine manière, il pourrait incarner une continuité, un point d’équilibre, un point médian pour la génération qui arrive. « Son ambition à lui, c’est l’État, résume un autre N-1, ce qui n’est pas forcément le cas des autres, et du coup, tout le monde pourrait s’y retrouver. » Il pourrait être en quelque sorte le primus inter pares d’une équipe gagnante. Les critiques, évidemment, sont nombreuses (« technocratique », « élitiste », « pas assez chaleureux », etc.), mais le Premier ministre coche également bien des cases : la proximité avec ADO, compétent, efficace, originaire d’une région qui pèse électoralement, une carrière indiscutable, une expérience. Et s’il le faut, un comportement de soldat au front. Comme le souligne cet homme d’affaires de la place : « Octobre 2020, c’est demain, mais c’est loin aussi. Un an en politique, c’est beaucoup, et rien n’est inscrit dans le marbre. » 41


POLITIQUE

L’opposition, et ses chefs

Les récentes élections locales et municipales ont montré le poids du RHDP sur le terrain. La machine du nouveau parti est en marche. Mais l’élection présidentielle implique une autre dynamique, une personnalisation, une cristallisation forte des enjeux. En 2011, le résultat des élections présidentielles était de 54 %-46 %, en faveur d’Alassane Ouattara. Aux élections de 2015, le taux de participation a été de 52 %. Ces chiffres raisonnables, crédibles, sont à l’honneur de la Côte d’Ivoire, mais dessinent aussi le périmètre d’une opposition qui ne rejoint pas « la famille ADO-RHDP ». Une sorte de socle qui tient. Aux alen42

tours de 40 %, pour schématiser. C’est ce socle « anti-ADO » que cherche à capter une possible alliance PDCI-FPI, avec en option possible, le ralliement de Guillaume Soro dans un « TSA » (Tout sauf Alassane, ou son successeur). Une alliance entre tous ces ennemis du passé, de prime abord improbable, à la recherche d’une martingale électorale. Et qui peut se rassembler sur des concepts, des mots-clés : usure du pouvoir, changement, alternance, etc. Et de fait, la rencontre entre Henri Konan Bédié (décidément soucieux de prendre une revanche sur l’histoire) et Laurent Gbagbo (encore en exil), à Bruxelles (et là, on ne peut pas parler d’un rajeunissement de la classe politique), aura marqué les esprits. Guillaume Soro, même affaibli, reste un politique habile, dopé par une ambition intacte. En octobre 2020, côté pouvoir, il faudra donc faire campagne. Proposer un nouveau projet. Se projeter dans l’avenir. Convaincre. Agir à la fois dans la continuité et le renouvellement. AFRIQUE MAGAZINE

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Entre Guillaume Soro, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo (de gauche à droite), le poids de l’histoire pourrait peser lourd. Pourront-ils s’entendre pour former un front d’opposition ?


Le sens du RHDP Le nouveau parti, le RHDP, est au centre de la stratégie pour 2020. C’est l’instrument qui doit permettre de rassembler une majorité élargie. De créer une formation politique structurellement dominante. D’imposer un maillage électoral du pays. De se mettre en ordre de bataille. Le « récit » paraît séduisant. C’est le parti d’une Côte d’Ivoire une et multiple, de toutes les Côte d’Ivoire. Du grand Nord, du grand Sud, du grand Centre, du grand Ouest. Chrétienne, musulmane, animiste, agnostique, séculière. Le récit d’une terre de métissages. Le RHDP, c’est aussi le rassemblement des compétences qui se retrouvent dans un projet commun : le développement. Au-delà des divergences normales, le parti rassemble les femmes et les hommes qui ont en partage une vision commune, celle du progrès, de la croissance, de la bonne gouvernance. C’est l’idée majeure. L’houphouëtisme dans un sens moderne, contemporain. Évidemment, il faut mettre en musique et en pratique ce récit positif, se préparer en quelques mois. Éviter les querelles de leadership. Et ouvrir large aussi. Le RHDP n’est pas (uniquement) un parti de barons en mission électorale ni de quinquagénaires aux portes du pouvoir. C’est un parti en prise avec la réalité de la Côte d’Ivoire, avec sa jeunesse, avec les femmes aussi, avec l’avenir. Il lui faut une capacité de changement, d’adaptation. Et de proposition. Du « content », pour reprendre une expression anglo-saxonne !

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Cette élection sera l’occasion de tester l’unité du RHDP.


POLITIQUE

Des nouvelles Côte d’Ivoire ?

La stabilité et la croissance des années ADO ont bousculé une carte identitaire, sociale et politique, longtemps figée. Les vieux schémas électoraux sont toujours là, avec les sempiternelles quatre points cardinaux. Mais tout évolue. Les Ivoiriens, en particulier ceux des nouvelles générations, quels que soient leurs backgrounds ethniques, culturels, veulent passer à autre chose. Ils ont besoin de paix, d’un vivre-ensemble pragmatique. Les frontières intérieures s’effacent. Les grandes villes, Abidjan en particulier, mais aussi Bouaké, Gagnoa ou encore San Pédro, sont des lieux de brassage et de mixité. La poussée démographique est forte, les trois quarts des habitants ont moins de 35 ans. La très grande majorité des citoyens d’aujourd’hui n’ont pas connu Houphouët. Beaucoup n’étaient que des enfants au moment de la fin du gbagboïsme et de la crise électorale de 2010. Et cette jeunesse qui atteint sa majorité est un mystère. Parallèlement, on l’a dit, une classe moyenne, urbaine, connectée, ouverte sur le monde, émerge progressivement. 44

Une société civile se crée en s’appuyant sur les réseaux sociaux. « L’électeur nouveau », celui de 2020, est certainement attaché à ses origines, à « son village personnel », mais il est le produit des années ADO. La croissance a créé des besoins, des ambitions. Les progrès génèrent plus de demandes, d’exigences de la part de citoyens mieux informés : l’éducation, la santé, la formation, un travail, un logement accessible, plus de justice sociale, de la gouvernance, des opportunités… Et puis, il y a aussi cette autre Côte d’Ivoire, celle hors des murs d’Abidjan, celle si loin d’Assinie et de ses plages de rêve, celle des « quartiers », des zones rurales, celle de la pauvreté et des indices de développement humain qui restent trop faibles par rapport à la croissance. L’inclusivité est un défi pour toute l’Afrique, plus particulièrement pour les pays en forte croissance. Le pari est complexe. Il faudra être toujours plus compétitif, accentuer l’émergence, la croissance, créer des richesses. Tout en assurant un développement pour tous. C’est aussi l’enjeu de 2020. Et des années à venir. ■ AFRIQUE MAGAZINE

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JACQUES TORREGANO/DIVERGENCE

Centre commercial à Abidjan. Une génération plus jeune, plus connectée, avec des exigences démocratiques et sociales.



Au Trocadéro, à Paris, le 1er mai 2012, alors candidat à sa propre succession.

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SARKOZY PAR LUI-MÊME

Dans un récit qui connaît un grand succès public, l’ancien président français évoque sa montée vers le pouvoir, son amour du pays, ses convictions (parfois discutables). Et en profite pour tirer quelques portraits bien sentis de la classe politique. Lecture guidée.

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par Emmanuelle Pontié

GONZALO FUENTES/REUTERS - DR

l était une fois un petit garçon qui tenait la main de son grand-père gaulliste pour aller au café manger une tartine… On peut dire ou penser ce que l’on veut de l’ancien président français, mais force est de reconnaître que le premier talent de Nicolas Sarkozy est de savoir comme personne occuper l’espace médiatique, capter l’attention de ses fans tout autant que ses détracteurs. Dans son neuvième ouvrage (si, si…), l’homme politique se livre, avec la sincérité qu’on lui connaît, sans que l’on sache vraiment si son côté entier et sa nature passionnée sont minutieusement calculés ou vraiment naturels. Probablement un peu des deux. Il Passions, Nicolas l’annonce lui-même en tête Sarkozy, éditions de lecture : la prose autobio- de l’Observatoire, graphique de Passions, où il 358 pages, 19,50 €. mêle souvenirs, sentiments, et convictions, n’a pas de plan. Et de fait, il relate la période du pré-mandat présidentiel, celle de l’ascension du militant, des combats de jeunesse, des bons et des mauvais choix, des pensées qui se sont

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forgées au fil des ans un peu comme ça lui vient. Peu importe. On apprend beaucoup. Sur sa jeunesse estudiantine en droit, ses petits boulots surprenants, comme jardinier-fleuriste à Neuilly, où il a déménagé à 17 ans, à la mort de son grand-père. Sur son premier discours aux Assises de l’UDR (Union des démocrates pour la République) à Nice en 1975, sous la houlette – déjà – de Jacques Chirac. Un vrai déclic s’ensuit : « Ma résolution était profondément ancrée. Je ferai de la politique ma vie. » Tout au long de l’ouvrage, il se souvient des moments forts de son parcours de ministre de l’Intérieur, puis des Finances, des rencontres déterminantes, des épisodes chocs, comme son implication dans la libération des enfants retenus prisonniers par « Human Bomb » ou la prise d’otages de l’Airbus d’Air France par des islamistes sur le tarmac de Marseille. À chaque souvenir héroïque, il s’étonne de son courage, maniant comme personne la (fausse ?) modestie et l’orgueil dans la même phrase. Il s’étonne souvent de sa naïveté, peut-être pour mieux passer pour un homme carré, honnête et sincère. Dans le même temps, il règle ses comptes au détour de ses phrases, en homme politique roué et souvent rancunier. Avec le recul d’un président déchu. Ségolène Royal, François Hollande, Bernard Kouchner, Jean-François Coppé, Dominique de Villepin… Tous en prennent plus ou moins pour leur grade. La CGT (Confédération générale du travail) et le syndicat de la magistrature, les médias de gauche et les néo-soixante-huitards, les bien-pensants antinucléaire ou pro-diversité, sont tour à tour vilipendés… FILLON, DE VILLEPIN ET LES AUTRES

On apprend aussi beaucoup sur les arcanes et les chicanes du pouvoir, les peaux de bananes, les alliances qui se lient et se délient, les personnalités surprenantes d’hommes politiques. Sur François Fillon par exemple, Jacques Chirac met en garde Sarkozy fraîchement élu : « On dit que tu veux nommer Fillon comme Premier ministre. Tu fais une grande erreur. Tu ne pourras pas compter sur lui. Il te trahira comme il a trahi tous ceux dont il s’est servi. » Et de fait, quelques lignes plus loin, il constate : « François Fillon a demandé que l’on accélère les procédures judiciaires à l’encontre de celui qui l’a nommé cinq ans durant à Matignon ! Il n’y a rien à dire de plus. En soi, c’est accablant. Comme était désolante la phrase : “Imagine-t-on le général de Gaulle mis en examen ?” Depuis, François Fillon, à la manière des Tudor, a été puni là où il avait péché. Il n’empêche, son attitude fut une surprise, et une déception. » Dominique de Villepin, en qui Sarkozy n’a jamais eu confiance, et à qui il reproche au fond son ascendant sur Jacques Chirac, n’est pas épargné non plus : « Il peut être sympathique, charmeur, attentionné. Ses analyses sont en général impressionnantes de fougue, de créativité, d’originalité ! En tout cas pour la partie que j’arrivais à saisir… Car fréquemment, je me trouvais quelque peu dépassé par l’avalanche de ses arguments, qu’il assénait en cascade, à flots continus, sans que nul ne puisse l’interrompre. En fait, il soliloquait davantage qu’il ne 48

« Chirac et son franc-parler iront jusqu’à prononcer cette phrase choc : “Sarkozy, il faut lui marcher dessus, cela porte bonheur.”» conversait. J’écoutais alors sans tout comprendre. Mais y avait-il toujours quelque chose à comprendre ? Rien n’est moins sûr, car emporté par son propre élan, mon interlocuteur avait souvent du mal à atterrir. Il avait réponse à tout, en général avec un brio certain. Mais les réponses ne correspondaient ni à la question, ni au sujet, et encore moins aux faits. Ainsi est Dominique de Villepin, fréquemment “perché” dans un monde où la réalité est virtuelle. » Plus loin, le vrai conflit éclate : « Avec Dominique de Villepin, il existait un contentieux qui n’avait pas été expurgé, tant s’en fallait ; je veux parler de l’affaire Clearstream. Ce fut la première et malheureusement pas la dernière tentative pour me salir, par l’organisation assez élaborée d’un complot destiné à gêner, voire à empêcher ma candidature. » Mais le personnage le plus emblématique du livre, avec lequel Nicolas Sarkozy entretient une relation ambiguë, que l’on peut qualifier de haine-passion, c’est Jacques Chirac. Son mentor, celui qui lui a tout appris. Celui pour lequel il ressent encore, dit-il, beaucoup d’affection. Mais les relations entre les deux hommes, que l’on suit grâce aux multiples anecdotes relatées dans l’ouvrage, se dégradent au fur et à mesure que les ambitions d’un jeune candidat à la présidentielle se précisent. Jacques Chirac et son franc-parler iront jusqu’à prononcer cette phrase choc : « Sarkozy, il faut lui marcher dessus, cela porte bonheur ! » IDENTITÉ FRANÇAISE ET POLÉMIQUES

Enfin, l’ex-président livre certaines de ses convictions sur des sujets où ses prises de position ont pu choquer par le passé. Il se justifie en expliquant davantage son point de vue, parfois un peu à la manière d’un équilibriste… Comme dans cet extrait sur le thème de l’unité et de la diversité à la française : « Évoquer certains aspects nobles de la colonisation, c’était ni plus ni moins que se ranger aux côtés des esclavagistes et des racistes. Parler de l’action de l’Église catholique dans la construction de notre pays, c’était porter une atteinte insupportable à la laïcité ! Certains allaient bien plus loin encore, annonçant AFRIQUE MAGAZINE

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GEORGES MERILLON/DIVERGENCE

Passation des pouvoirs avec Jacques Chirac à l’Élysée, le 16 mai 2007.

sentencieusement que désormais toutes les cultures se valent, et qu’il ne pouvait être fait de hiérarchie entre elles. À ce titre, l’excision des jeunes filles faisant partie de la culture de certains pays d’Afrique, il convenait de ne pas la juger et de ne pas la diaboliser. La bêtise a parfois quelque chose d’effrayant… Le raisonnement était le même pour la burqa, qu’il convenait d’autoriser par respect pour l’identité musulmane. Il était donc non seulement devenu indécent d’évoquer l’identité française, mais il convenait en plus de s’incliner devant l’identité des autres ! Ce raisonnement était tout à la fois faux et dangereux. Faux, parce que la France est devenue une Nation parce qu’elle constitue une communauté d’idées et de culture. La France n’est pas une ethnie. La France ne peut être réduite à un territoire. La France est une histoire, une volonté, des valeurs communes, une langue, une gastronomie, des paysages, une façon de penser, de peindre, de filmer. Nier l’identité propre de la France, c’est nier tout cet héritage. Dangereux, parce que mettre toutes les cultures sur le même plan dans une forme de nihilisme militant, c’est perdre et sacrifier la dimension universelle de nos valeurs. Or, dans l’identité française, il y a des valeurs qui sont au-dessus de toutes les autres : les droits de l’homme, l’égalité entre les sexes, le respect des droits de l’enfant… Ces valeurs AFRIQUE MAGAZINE

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sont universelles et doivent être défendues comme telles. Je ne pouvais pas imaginer que je déclencherais de telles polémiques à la seule idée d’évoquer l’identité française. » Et pour finir, le volet people de l’exercice littéraire, pour le premier président français de l’histoire qui a divorcé, s’est remarié et a été papa, le tout durant un seul et même mandat. On découvre les détails de la séparation avec Cécilia, qui lui annonce qu’elle veut divorcer quelques heures avant le débat télévisé de l’entre-deux tours où il doit affronter la candidate Ségolène Royal. Puis, la tentative de rapprochement conjugal qui échoue, sur le yacht de l’ami Vincent Bolloré. On découvre (ou redécouvre) aussi les détails de la rencontre avec Carla, lors d’un dîner chez le publicitaire Jacques Séguéla. Et le fameux coup de foudre mutuel. L’ouvrage s’achève sur la passation des pouvoirs sur le perron de l’Élysée. Et semble ouvrir tout naturellement la voie à un nouveau tome des aventures de Nicolas Sarkozy, celui des cinq ans de mandat présidentiel. En espérant qu’il évoquera alors son expérience africaine, le discours de Dakar et le fameux concept de partenariat gagnant-gagnant… Car pour l’heure, le continent brille par son absence dans les Passions de l’ex-chef d’État français. ■ 49


vox populi

Dictionnaire de la Tunisie estivale, post-révolutionnaire et en campagne Le deuil d’un chef d’État, la tenue d’élections présidentielle et législatives à la rentrée, les alliances et les contre-alliances, les attentes d’un peuple épuisé… Cet été sera très chaud. Description de A à Z.

NICOLAS FAUQUÉ/IMAGESDETUNISIE.COM

par Frida Dahmani


Le palais de Carthage, résidence du président de la République.

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VOX POPULI

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comme… Assemblée des représentants du peuple: elle est souveraine, l’émanation du peuple

et des grands idéaux de la révolution. Elle incarne l’évolution démocratique du pays. Les débats y sont souvent vifs. Les Tunisiens et les Tunisiennes ont pris toute la mesure de son pouvoir, mais aussi de son inertie due aux alliances et marchandages partisans. Les parlementaires ont fait la pluie et le beau temps tout au long du quinquennat, mais le bilan de cette première législature libre, impacté par ailleurs par le nomadisme des élus, apparaît bien modeste. Aucun grand texte majeur à son actif. Et l’échec de la mise en place de la cour constitutionnelle souligne son incapacité à dépasser les clivages. Le réveil électoral risque d’être difficile. Élections législatives prévues le 6 octobre 2019.

B

comme… BCE : Béji Caïd Essebsi, premier chef d’État

élu au suffrage universel depuis la révolution (et probablement premier chef d’État du pays élu au terme d’un scrutin véritablement libre et ouvert), est mort le 25 juillet dernier, à 92 ans, à moins de quatre mois de la fin de son mandat. Ce patricien issu de la haute société tunisoise (les beldis), pilier du bourguibisme, aura fini par incarner à la fois la révolution et la stabilisation démocratique. Formé à l’école du « combattant suprême », habile politicien et orateur, il aura eu l’immense mérite de « tenir » un pays au bord de l’abîme et de la violence, en actant l’alliance entre islamistes et anti-islamistes. Une approche de raison plus que de cœur. Cet homme du sérail, devenu providentiel, aura pourtant vu l’effondrement progressif de sa famille politique et la dislocation des modernistes en de multiples chapelles. Sa mort aura touché les Tunisiens. BCE, par son âge, sa longévité, sa faconde à usage variable, tissait un lien entre les générations. Et le locataire de Carthage avait fini par incarner un concept si étonnant, moderne, novateur dans cette Tunisie particulière : la République.

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comme… Carthage: Entre le Bardo, siège du Par-

lement, et la Kasbah, celui de l’exécutif, Carthage ne devait avoir que des prérogatives en matière de défense et de diplomatie, mais Béji Caïd Essebsi a démontré qu’être garant de la Constitution et de la continuité de l’État n’était pas un pouvoir négligeable. Ce palais, symbole de la République, a été érigé, entre 1960 et 1969, par Habib Bourguiba, face à la mer, sur un site majeur de l’épopée punique et romaine, à deux pas des palais désertés par l’ancienne monarchie beylicale. Et en contrebas de la belle cathédrale (coloniale) Saint-Louis. Conciliation : Comment réconcilier les deux Tunisie ? Rapprocher conservateurs et modernistes, dont les clivages idéologiques et sociétaux sont profonds ? Comment maintenir « un État civil pour un peuple musulman » ? L’article 1 de la Constitution, qui ne peut être amendé, stipule que « la Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l’Islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime ». Et scelle une dichotomie consubstantielle entre la nature de l’État 52

(républicain) et la religion (musulmane). Dans le pays, la liberté de penser est une réalité, mais peut-on aller jusqu’à la liberté de croire ou de ne pas croire ? Autre versant de ce débat : le consensus politique, cheval de bataille de Rached Ghannouchi, le leader d’Ennahdha, avalisé par BCE après sa victoire en 2014. Cette stratégie a permis au parti islamiste, fort de 68 députés sur 217, d’être incontournable et de manœuvrer dans les coulisses du pouvoir sans être tenu pour responsable des échecs. Mais la démarche a fait long feu. Les deux parties du consensus sont en perte de vitesse… Constitution : Incontournable, sa mise en pratique a montré les failles et les pièges insérés par les partis qui l’ont rédigée et validée. L’objectif des constituants était d’éviter le retour d’un pouvoir fort, le pouvoir d’un seul homme, d’où un texte assez alambiqué où coexistent plusieurs centres de décisions (Parlement, gouvernement, présidence, instances). L’échec répété de la mise en place de la cour constitutionnelle pour des motifs de désaccords partisans sur les candidatures présentées a souligné les carences du système. L’absence de cette instance clé aurait pu plonger le pays dans une grave crise à la mort du président BCE. Sans cour constitutionnelle, difficile de constater la vacance de pouvoir provisoire ou définitive… Finalement, comme souvent, la Tunisie a choisi de s’attacher à l’esprit plutôt qu’à la lettre, et la succession s’est enclenchée naturellement.

D

comme… Dette : C’est le caillou dans la chaussure qui empêche la Tunisie de marcher droit et de renouer avec la croissance. Dans une conjoncture mondiale tendue et avec un recours systématique aux prêts pour couvrir les dépenses courantes, le pays, dont la production est en panne, creuse ses déficits avec une dette à hauteur de 70 % de son PIB. Diaspora : Ils sont près de 1,3 million de Tunisiens à l’étranger, soit 10 % de la population. Ils pourraient être un élément moteur de leur pays, mais peinent à être en lien avec lui. En cause, une absence de stratégie globale basée sur la citoyenneté de la part des autorités, qui tendent à les considérer comme une réserve de devises dormante. Dinar : La chute drastique de près de 25 % de sa valeur a sévèrement impacté le pouvoir d’achat des Tunisiens et leur a fait toucher du doigt l’ampleur des difficultés du pays. Elle a aussi contribué à la décote de Youssef Chahed et de son gouvernement.

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comme… Élections : Après la constituante de 2011, les premières législatives et présidentielle de 2014, puis les municipales de 2018, les cinquièmes élections libres du pays seront déterminantes. Mais avec une présidentielle, fixée au 15 septembre 2019, qui précède les législatives, prévues le 6 octobre, elles n’auront pas le cours attendu. Elles pourront entraîner une logique de majorité parlementaire, qui n’était pas prévue ou souhaitée par les constituants. Le vainqueur de la présidentielle pourrait alors s’appuyer sur une majorité parlementaire pour désigner sans contrainte politique un chef du

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MOISES SAMAN/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA

Béji Caïd Essebsi, premier chef d’État élu au suffrage universel depuis la révolution. Sa mort, le 25 juillet dernier, est intervenue à moins de quatre mois de la fin de son mandat.

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gouvernement. Le spectre de l’abstention, qui s’était invité aux municipales de 2018, semble s’être éloigné. Avec près de 1,5 million de nouveaux inscrits et toutes les polémiques autour de la loi électorale, les Tunisiens ont intégré la valeur d’un scrutin. Ils comptent. Ennahdha : Incontournable, le parti au référentiel islamiste a ajusté depuis 2011 ses positions en fonction du contexte. Après l’échec de l’islam politique et la disgrâce des Frères musulmans à l’international, il s’est recentré sur un concept de démocratie islamique, tout en diffractant les partis avec lesquels il opérait des alliances. À la veille des élections législatives, il dévoile ses failles et ses difficultés de gouvernance, avec une levée de boucliers contre les décisions de son président, Rached Ghannouchi. Arguant de son droit de véto, il a invalidé les listes de candidats issues des primaires pour y substituer des noms de son choix et présenter sa propre candidature sur la circonscription de Tunis 1. Associé aux faibles résultats des gouvernements successifs depuis 2011, plombé par des sondages calamiteux, Ennahdha s’apprête à vivre un congrès houleux, prévu normalement à l’automne 2020… L’été est une saison à part. C’est l’occasion pour les Tunisiens de faire la fête et de courir les plages. Ici, dans le mythique « village » de Sidi Bou Saïd.

Été : L’été en Tunisie est une saison à part. C’est l’occasion pour les Tunisiens de faire la fête, de courir les plages, les spectacles, les festivals. Évidemment, la productivité générale a tendance à s’effondrer de fin juin à fin août. La fameuse « séance unique » (avec des horaires de travail de 7 heures à 14 heures dans la fonction publique) héritée, dit-on, des fonctionnaires coloniaux corses ne facilite pas le rendement général, à la baisse. Toujours festif, le cru 2019 sera aussi celui des débats politiques et d’une campagne que 11 millions de citoyens se plairont à décortiquer et à commenter non sans humour ou ironie. Exception : L’exception tunisienne n’est pas une vaine expression. Le petit pays sans grandes ressources naturelles capitalise sur sa singularité et ses paradoxes. Il peut paraître laxiste et approximatif, mais en dernière minute et dans un sursaut incroyable, il rétablit toujours, et pour le moment, son équilibre. C’est le seul pays des Printemps arabes – dont il fut à l’origine – à être entré dans une forme de modernité politique. Depuis la révolution de 2011, il fait un long et difficile apprentissage de la démocratie. Les Tunisiens peuvent douter, mais ils ont intégré les valeurs républicaines. Et la nécessité d’un « État civil ». La passation du pouvoir au décès de Béji Caïd Essebsi et le respect de la Constitution témoignent de l’enracinement de ce legs. Une exception qui force le respect même dans le monde arabe, qui perçoit parfois la Tunisie comme un pays frondeur. Exclusion : Les partis ont tendance à vouloir user de l’exclusion de leurs rivaux plutôt que de les affronter en duel singulier sur le chemin des urnes. Une tendance qui relève presque d’une tradition politique. Elle a prévalu avec le parti unique sous Bourguiba et Ben Ali, qui écartait toute alternative politique. Elle s’est également exprimée après la révolution avec, en 2011, l’article 15 du décret-loi, qui visait la mise à l’écart des caciques de l’ancien régime. Il a été invalidé, tandis que la loi de réconciliation nationale promue par Béji Caïd Essebsi en 2014 semblait avoir définitivement écarté l’exclusion. Mais l’arrivée d’outsiders donnés comme favoris aux élections de 2019 a conduit les partis « du pouvoir » – y compris ceux qui ont eu à en souffrir dans le passé, comme Ennahdha – à amender en dernière minute la loi électorale pour les écarter rétroactivement de la course. Béji Caïd Essebsi s’était prononcé contre ce principe en ne signant pas la nouvelle loi électorale. Ce fut sa dernière décision. comme… Femmes : Les Tunisiennes ont depuis 1956 un statut privilégié, qui leur reconnaît les droits les plus larges. Mais elles ont surtout démontré qu’elles étaient des citoyennes à part entière. En 2014, leur vote a permis au parti de Nidaa Tounes et à Béji Caïd Essebsi de remporter les élections. Depuis, elles sont courtisées par les politiques, d’autant que le principe de parité est inscrit dans la Constitution. Mais elles se heurtent encore à un plafond de verre posé par une société portant les stigmates du patriarcat. Elles représentent pourtant la moitié de la population, ont un niveau d’éducation meilleur que celui des hommes et sont actives dans tous les domaines.

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DANIELLE VILLASANA/REDUX-REA

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GWENN DUBOURTHOUMIEU

En 2014, le vote des femmes a permis à Nidaa Tounes et à BCE de remporter les élections.

Fiction : Les scénaristes en manque d’inspiration devraient passer quelques jours à Tunis. La politique y prend des allures de fiction digne des séries La Casa de papel ou House of Cards. Les plus lettrés évoqueront Machiavel et les Borgia. Empoisonnements éventuels, coups d’État possibles, comptes cachés, mœurs inavouables, tout y passe… Mais finalement, la propension à dire des vilenies sur l’ensemble de ceux qui sont au pouvoir révèle surtout combien les Tunisiens comblent le manque de confiance par l’imagination. Financement : Le train de vie des formations politiques ainsi que les dépenses pour couvrir leurs campagnes électorales posent la question de leur financement. La loi sur les partis interdit les investissements étrangers, mais les suspicions persistent. Olfa Terras, candidate aux législatives pour 3ich Tounsi, a été plusieurs fois brocardée sur ses gains en Europe, alors qu’elle a agi en toute transparence. Sur le plan intérieur, ce n’est guère plus simple, et le flou est généralisé. Plusieurs partis candidats au prochain scrutin n’ont pas déposé leurs états financiers auprès de la Cour des comptes. Une démarche pourtant obligatoire, sans laquelle ils pourraient être disqualifiés. Fuite des cerveaux : Ils sont probablement des centaines tous les ans. Jeunes médecins, ingénieurs, universitaires, diplômés sont la cible de chasseurs de têtes venant d’Europe, des Amériques, des pays du Golfe, qui les recrutent depuis Tunis AFRIQUE MAGAZINE

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ou via Internet. Au moins 100 000 diplômés auraient quitté la Tunisie depuis 2011 – le symbole criant d’une jeunesse désabusée et en perte de confiance dans l’avenir de son pays. Cette hémorragie de compétences déstabilise une fonction publique déjà épuisée et entraîne des difficultés de recruter pour le secteur privé. En particulier dans les secteurs les plus performants (médecine, ingénierie, technologie digitale, tourisme…).

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comme… Graal: Comment atteindre le Graal et

obtenir les suffrages de ses concitoyens ? On compte (à cette heure) 218 partis officiellement en lice pour les 217 sièges de la future Assemblée, mais peu ont une réelle crédibilité. La scène est mouvante, avec l’apparition permanente de nouvelles formations et la disparition d’entités historiques, comme Ettakatol ou Al Massar. La maturité n’est peut-être pas encore au rendez-vous. Mais depuis la droite libérale à la gauche ouvrière, en passant par les mouvements populistes ou LGBT, jusqu’aux radicaux religieux, on peut dire que le pluripartisme et le pluralisme sont devenus une réalité tunisienne.

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comme… Héritage: Partant d’une mise en adéquation des lois avec la Constitution, qui inscrit l’égalité entre citoyens, Béji Caïd Essebsi a relancé, par un projet de loi sur l’égalité dans l’héritage, le grand débat sur lequel a achoppé 55


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comme… International: Mise à mal par la révolution et les positions des gouvernements entre 2011 et 2014, la Tunisie a retrouvé une nouvelle image à l’international, malgré une économie bancale. Le pays, qui a pris en avril 2019 la présidence de la Ligue des États arabes, est aussi devenu membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et accueillera en 2020 le 50e Sommet de la francophonie. ISIE: L’Instance supérieure indépendante pour les élections est une institution non soumise à la tutelle du ministère de l’Intérieur, et dont l’indépendance est inscrite dans la Constitution. Ses dirigeants ne cachent pas les pressions politiques qu’ils subissent, mais restent droits dans leurs bottes et appliquent la loi. Au décès de Béji Caïd Essebsi, elle a immédiatement annoncé la tenue d’une présidentielle anticipée et assumé une inversion du calendrier électoral. Cette réactivité illustre la continuité de l’État et rassure les citoyens sur le processus démocratique.

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comme… Janus: Comme ce dieu romain, la Tunisie a deux visages. Entre zones côtières opulentes et régions intérieures démunies, deux pays semblent étrangers l’un à l’autre. Cette fracture, qui n’est pas nouvelle, a largement contribué à la chute de l’ancien régime. Mais il sera difficile de combler les abysses de l’inégalité, tant le passif est lourd et les résistances à une meilleure répartition des richesses sont fortes. Jeunes : En 2011 et 2014, ils n’ont pas beaucoup voté, jugeant l’offre pour le moins inadéquate, démobilisés aussi par les rêves perdus de la révolution et la dureté des conditions économiques. Aujourd’hui, une génération nouvelle, qui a grandi avec la révolution et a atteint l’âge de la majorité (18 ans), va pouvoir s’exprimer. Ce contingent de près de 900 000 récents 56

En juillet dernier, un avion de chasse libyen s’est posé à Médenine, à une centaine de kilomètres de la frontière entre les deux pays.

citoyens constitue 60 % des nouveaux électeurs inscrits. Personne ne sait réellement ce qu’ils veulent. S’ils vont faire entendre leurs voix. Ni comment ils vont voter.

L

comme… Libye : L’insoluble conflit en Libye déstabilise

la Tunisie. Le pays est son premier partenaire régional en matière d’exportations, un grand marché qui a disparu corps et biens, affaiblissant un peu plus son économie. Mais c’est surtout un bourbier sécuritaire à ses frontières, sans perspectives immédiates de fin de guerre. En mars 2016, l’attaque de Ben Guerdane, au sud, par des Tunisiens entraînés en Libye et se revendiquant de l’État islamique a souligné à quel point le pays était fragile. Depuis, on redouble de vigilance. En juillet, pourtant, un avion de chasse de l’Armée nationale libyenne du maréchal Haftar s’est posé sur une route près de Médenine, au sud.

M

comme… Médias : C’est le grand acquis de la révolution : la liberté d’expression. Malgré la chute des revenus publicitaires, certains titres de la presse écrite émergent, comme Le Maghreb. Même chose dans le numérique, où le pire côtoie le meilleur (comme Nawaat ou le HuffPost Maghreb). Libres de tout dire, les médias sont l’une des sphères les plus influentes de la scène politique. La télévision est devenue le média roi avec ses débats, ses excès, ses présentateurs vedettes, la pression de l’audimat. D’autant que la Haute autorité indépendante de la communication Nabil Karoui, audiovisuelle peine à les encaancien patron drer. Un quatrième pouvoir qui de Nessma TV, est suivi de près et craint par les a bouleversé la donne en politiques, qui n’ont pas le droit, s’installant en tête selon la loi sur les partis, d’en des sondages. être actionnaires ou dirigeants.

FATHI NASRI/AFP - NICOLAS FAUQUÉ/JA

Habib Bourguiba. Ce texte, porté par la fameuse Commission des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe) et par BCE, s’est perdu dans les méandres d’une Assemblée du peuple peu soucieuse d’assumer ses responsabilités. Il a aussi été contré par les islamistes pour non-respect de la charia, qui stipule notamment que la femme hérite de la moitié de la part de son frère. Un texte devenu controversé, alors qu’il avait été conçu à travers une lecture éclairée du Coran et qu’il proposait au légataire et aux héritiers de choisir entre différentes modalités successorales. Hors système : C’est la grande affaire de cette saison électorale. La pièce était supposée être écrite entre les acteurs principaux : Ennahdah, Tahya Tounes, du Premier ministre Youssef Chahed, et ce qu’il reste de Nidaa Tounes, le parti fondé par BCE. Mais la vie politique n’est pas un long fleuve tranquille… Portés par un électorat désabusé par le bilan des équipes sortantes, de nouveaux venus ont été adoubés par les sondages. Ces « hors système » sont venus perturber le scénario initial. Nabil Karoui, Kaïes Saïed, Abir Moussi ou encore Olfa Terras incarnent une véritable volonté de renouvellement. Reste à savoir si cette génération postrévolutionnaire peut traduire dans les faits les idéaux de 2011.


La traversée de la Méditerranée peut tourner à la tragédie pour les migrants, très souvent subsahariens.

CORENTIN FOHLEN/ DIVERGENCE

Migrants: Les contrôles imposés par les accords internationaux ont bridé les velléités de départ des jeunes Tunisiens. Mais les migrants subsahariens sont les nouveaux « harragas » : ils brûlent leurs papiers pour franchir la Méditerranée, d’autant plus déterminés que toute tentative de retour chez eux semble compromise. Leur voyage vers l’Europe au départ de la Libye tourne souvent à la tragédie : ils s’échouent sur les côtes toutes proches du Sud tunisien, et les naufrages s’enchaînent. Le phénomène est tel que la mer restitue régulièrement des corps inconnus, que la Tunisie ne sait pas comment enterrer.

N

comme… Nabil Karoui : L’ancien patron de

Nessma TV, 56 ans, a bouleversé la donne en s’installant en tête des sondages. Populaire grâce aux actions caritatives de l’association Khalil Tounes et à son image proche du peuple, il dispose par ailleurs de la toute-puissance de son média et d’un véritable sens de la communication. Une promesse qui séduit les plus démunis et une classe moyenne qui perd de son AFRIQUE MAGAZINE

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pouvoir d’achat, population soucieuse de changement, voire de dégagisme. En tous les cas, Nabil Karoui, menacé par un certain nombre de procédures judiciaires, ne masque pas son ambition. Son parti politique, Qalb Tounes, a déposé des listes dans les 33 circonscriptions législatives du pays, et lui-même se présente au scrutin présidentiel du 15 septembre prochain. Porté par la vague, NK va devoir être plus précis sur son programme et ses éventuelles alliances. Nidaa Tounes : Le parti fondé par Béji Caïd Essebsi en 2012 s’est réduit à peau de chagrin. Vainqueur aux élections législatives de 2014, porté au pouvoir grâce à leur position antiislamistes, Nidaa Tounes n’aura pas survécu à l’alliance gouvernementale avec Ennahdha. La formation qui ratissait large sur le plan idéologique, de la gauche ouvrière à la droite entrepreneuriale libérale, aura perdu son seul repère fondateur. Les querelles d’appareil et de leadership cristallisées autour de Hafedh Caïd Essebsi, fils du président, auront achevé l’édifice. RIP… 57


comme… Obsèques: Les honneurs rendus à Béji

Caïd Essebsi, premier chef d’État tunisien décédé en cours d’exercice, ont été un moment fort et solennel. L’apparat déployé, la symbolique imposée par le protocole, la couverture en direct de l’événement, la présence de dirigeants de la communauté internationale, ont marqué les esprits. Une prise de conscience doublée d’une profonde émotion populaire. Une foule immense, où les femmes étaient nombreuses, a accompagné le cortège et disait son attachement à BCE, personnalité transfigurée par la mort. Finalement, ce dernier voyage aura surtout été un moment rare d’union nationale et d’attachement aux principes de la République.

P

comme… Phosphate : La production de cette ressource essentielle pour le pays est en forte baisse, quand elle n’est pas totalement bloquée, depuis 2011. La Compagnie des phosphates de Gafsa concentre tous les maux du pays : cette entreprise publique, avec un personnel pléthorique et une activité syndicale forte, est gangrenée par la mauvaise gestion, voire la corruption, qui sévit notamment dans le transport de cette ressource. Le bassin minier reste également le cœur du monde ouvrier et l’épicentre des révoltes. Président par intérim : Le président de l’Assemblée, Mohamed Ennaceur, 85 ans, a pris l’intérim de Béji Caïd Essebsi. En charge d’assurer la continuité de l’État, il ne pourra pas amender la Constitution, ni dissoudre l’Assemblée ou appeler à un référendum. Mais en prenant la relève, il devra porter le pays à une élection présidentielle « au plus tard dans les 90 jours », scrutin dorénavant prévu le 15 septembre. En tant que président du conseil national de sécurité, il pourra prolonger l’état d’urgence en cours depuis 2015. L’intérimaire semble prêt à imposer son autorité, et les Tunisiens ont adopté ce personnage rassurant et en quelque sorte providentiel. 58

Providentiel (homme): « Il y a les hommes d’État et les hommes politiques », distinguait Béji Caïd Essebsi. De fait, la Tunisie est en quête de leaders capables de conduire le pays. La courte expérience d’une nouvelle classe politique apparue en 2011 ne lui permet pas de s’imposer, et la population est encore dans l’idée d’un raïs, un homme avec assez de charisme et de courage ou de poigne pour s’opposer aux dérives et maintenir la stabilité de la nation. Une espèce à inventer, une personnalité qui serait issue de la jeune génération politique, mais qui saurait se défaire de ses origines partisanes pour conduire l’État. Dernier des candidats à ce statut en date, le ministre de la Défense nationale, Abdelkrim Zbidi, ancien médecin représentatif de la qualité de cette haute fonction publique tunisienne.

R

comme… Réseaux sociaux: Ils sont perçus comme la première source d’information, anticipent les faits, relayent les fake news et deviennent (trop) influents. Ils donnent l’illusion à des profanes de la scène politique d’être de fins analystes. De très nombreux contenus sont instrumentalisés par les partis et la plupart des personnalités politiques communiquent à travers leurs pages personnelles. Un trop-plein généralisé, plus ou moins bien intentionné… Restauration : L’ancien système n’a pas disparu. Il a essaimé et donné de nouvelles pousses. Abir Moussi, formée au sein du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti-État de Ben Ali, en est le pur produit. En troisième position dans les intentions de vote à la présidentielle, elle reprend à son actif toutes les valeurs de l’ancien régime, désigne les islamistes comme ennemis et rassure une partie de l’électorat « nostalgique » en quête de figures fortes.

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NICOLAS FAUQUÉ/IMAGESDETUNISIE.COM

O

27 juillet 2019, obsèques nationales pour BCE. Le cortège funéraire, après une cérémonie au palais présidentiel de Carthage, traverse Tunis pour rejoindre le caveau de la famille dans le cimetière du Jellaz.


S

comme… Sondages: Ils ont nourri la crise politique

en mettant en évidence les nouvelles tendances exprimées par les Tunisiens. Muselés par la loi électorale qui interdit leur publication dans les huit semaines précédant le scrutin, ils restent incontournables pour les candidats en campagne qui commandent régulièrement des sondages pour vérifier leur cote et celle de leurs adversaires. Attendons les fuites multiples et diverses, en particulier sur les réseaux sociaux… Spiritueux: Le conservatisme tunisien n’empêche pas un quart de la population (selon les sondages…) de consommer de l’alcool, avec une nette préférence pour la bière locale, la célèbre Celtia, identifiable par sa cannette rouge et blanche ou sa bouteille verte. Distribuée depuis 1951 par la Société de fabrication des boissons de Tunisie (qui a écoulé 184,4 millions de litres de bière en 2018), Celtia est toujours brassée sur son site historique de Bab Saadoun, à Tunis.

T

comme… Tahya Tounes: La formation, dirigée par le chef du gouvernement, Youssef Chahed, peine à faire la différence. Lent au démarrage, le parti tente de mettre les bouchées doubles, sans toutefois annoncer son programme, ses intentions et ses éventuelles alliances. Les divisions internes sont nombreuses et font les choux gras de la presse. Tahya Tounes joue son va-tout sur les premiers scrutins auxquels il se confronte. Tout comme Youssef Chahed lui-même, devenu candidat à l’élection présidentielle, qui mesure la rudesse d’un axiome politique bien connu : la primature (et ses problèmes répétitifs, multiples et quotidiens) use absolument. Terrorisme: Mis sous contrôle par Ben Ali, le terrorisme s’invite de nouveau sur la scène tunisienne depuis 2011 à la faveur de la révolution et de l’embrasement de la Libye et de la Syrie. Selon l’ONU, entre 2012 et 2014, plus de 9 000 Tunisiens ont rejoint les rangs de la nébuleuse internationale jihadiste, dont ceux de l’État islamique. Les katibas, qui ciblaient uniquement les représentants de l’ordre considérés comme des mécréants, ont déplacé leur offensive dans la sphère publique avec les attaques du musée du Bardo et d’El Kantaoui en 2015, Tahya Tounes est dirigé par le chef du gouvernement, Youssef Chahed.

puis la tentative d’annexion par Daech de la ville de Ben Guerdane, en mars 2016. Un sursaut sécuritaire a mis fin à ces menées spectaculaires, bien que des loups solitaires aient tenté en 2018 et 2019 de viser la police, sans grand succès. Touristes: La Tunisie devrait atteindre le record de 9 millions de visiteurs en 2019. Un début d’embellie après la défection des touristes due aux attaques terroristes de 2015. Le pays compte sur une clientèle algérienne fidélisée, mais aussi sur le retour des Européens et l’arrivée de nouveaux clients asiatiques. Le secteur du tourisme tente de profiter de cette relance pour opérer une montée en gamme et en finir avec les prix bradés. En tous les cas, cet été, les visiteurs pourront profiter des vertus du farniente à la tunisienne, tout en suivant de près des campagnes électorales présidentielle et législative de haute intensité.

U

comme… UGTT : La puissante Union générale tunisienne du travail a pris du recul, mais n’en demeure pas moins un acteur de poids de la scène politique. Une force non négligeable – légitimée par son rôle dans la lutte pour l’indépendance – que beaucoup de partis courtisent, mais qui ne se laisse pas séduire facilement. Après avoir été incontournable dans la conduite de la révolution, elle a imposé l’initiative du dialogue national, qui lui a valu le prix Nobel de la paix en 2015, et continue de jouer son rôle pour préserver les droits des travailleurs. Et imposer un agenda social, que certains jugent irréaliste.

V

comme… VAR: Depuis la polémique de la finale retour

de la Ligue des champions de la CAF, opposant l’Espérance de Tunis au Wydad Casablanca, les Tunisiens appliquent désormais le terme « VAR » (assistance vidéo à l’arbitrage) au monde politique et relèvent ainsi les hors-jeu et les points marqués par l’un ou l’autre des partis.

X

comme… Route X: La voie rapide qui relie la périphérie ouest de Tunis à l’aéroport de Tunis-Carthage est l’un des axes routiers les plus passants et les plus encombrés de la capitale aux heures de pointe. Sur cette ligne de démarcation entre le centre-ville et les nouveaux quartiers résidentiels, on y voit surtout l’imprudence du conducteur tunisien, pour qui les règles du Code de la route semblent être optionnelles.

CHOKRI MAHJOUB/ZUMA/REA

Z

comme… Zine El Abidine Ben Ali: L’ancien président,

82 ans, en exil depuis 2011 à Djeddah (Arabie saoudite), où il est l’hôte des Saoud, ne se prononce pas sur l’actualité tunisienne et n’apparaît qu’à travers de rares photos ayant « fuité » sur les réseaux sociaux. Vieilli mais souriant, il semble mener une vie tranquille, d’autant que les gardiens des lieux saints ont refusé, conformément à leur tradition, la demande d’extradition émise par la Tunisie. Il a ainsi échappé aux lourdes peines pour corruption et atteintes aux droits de l’homme, prononcées par la justice, mais a néanmoins présenté ses condoléances au peuple lors de la disparition de Béji Caïd Essebsi. ■ 59


étapes

LES PROMESSES DE NIAMEY Le sommet extraordinaire de l’Union africaine qui a eu lieu début juillet apparaît comme un véritable moment historique, comme un acte d’émancipation. Avec la création de la zone Zyad Limam de libre-échange, c’est le début d’un long chemin. par I 60

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Le 33e Sommet de l’UA, qui s’est tenu au Palais des Congrès de Niamey du 4 au 8 juillet, a marqué officiellement l’entrée en vigueur de la Zlecaf.

TAGAZA DJIBO/REUTERS

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es images resteront certainement dans l’histoire. Le 7 juillet, à Niamey, les pays membres de l’Union africaine (UA) auront lancé la « phase opérationnelle » de la zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Soixante ans après la grande vague des indépendances, l’Afrique se lance dans un formidable projet commun, qui rejoint finalement le grand rêve panafricain, en s’inscrivant cette fois-ci dans un domaine concret, celui du développement économique. Il y a quelque chose d’assez vivifiant de voir naître cette ambition en Afrique, une ambition qui compte d’abord sur les forces internes du continent, sur l’énergie des économies locales, sans se tourner vers l’« apport extérieur », traditionnellement salvateur… Il y a quelque chose aussi de fortement symbolique de voir ce sommet se tenir au Niger, dans ce pays saharien

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ÉTAPES

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Le Nigeria et son président, Muhammadu Buhari, ont finalement ratifié le texte de la Zlecaf. Ci-dessous, l’hôte nigérien Issoufou Mahamadou et le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, qui coprésidera le sommet.

Le président Issoufou avec le président du Zimbabwe, Emmerson Mnangagwa (et sa fameuse écharpe), en discussion avec le président de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Adesina.

Il y a une volonté de sortir de la place assignée à l’Afrique dans les échanges. Le président ivoirien Alassane Ouattara et le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat.

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exposé à des défis particuliers en matière de développement, engagé dans une véritable bataille contre la pauvreté. Un pays aussi sur la « ligne de front », qui fait face à des enjeux cruciaux en matière de sécurité. Quelque chose de fortement symbolique de voir Niamey, capitale revigorée, transformée, ouverte sur le futur. La Zlecaf deviendrait la plus grande zone de libre-échange au monde avec plus de 1 milliard d’habitants et 2 500 milliards de produit intérieur brut cumulé. Personne n’est naïf sur l’ampleur du défi. La Zlecaf apparaît comme un projet « générationnel », sur plusieurs années, qui doit mobiliser les politiques, le secteur privé, la société civile. Il faudra de la volonté et du souffle. La construction de la zone, sa mise en œuvre effective, représente un chantier à la fois long et très complexe : harmonisation des blocs régionaux existants, des milliers de procédures, démantèlement des barrières tarifaires et des barrières non tarifaires, création des règles d’origine efficaces, mise à niveau des administrations et de la gouvernance pour manager un marché d’une telle ampleur… Le principal, au fond, c’est cette volonté de s’affranchir des pesanteurs du passé. L’empreinte coloniale a durablement marqué les économies du continent, et la place qui lui a été assignée dans les échanges mondiaux. Les nations africaines sont essentiellement productrices de matières premières, ou, au mieux, de produits semi-transformés. Elles ont une place attribuée dans le bas de la chaîne de valeurs. Elles sont dépendantes des prix internationaux, fixés à des milliers de kilomètres. Les économies se sont « balkanisées » dans des frontières étroites, et concurrentes entre elles. L’enjeu, ici, c’est de se défaire de ce carcan, de compter sur ses propres forces, les opportunités locales et, dans les faits, de dynamiser le commerce interafricain, qui ne représente aujourd’hui que 15 % du volume total. Encore une fois, le chemin sera long. Pour échanger, il faut des produits made in Africa… La Zlecaf devra provoquer une baisse notable des importations, accentuer rapidement la capacité de production du continent, en exigeant des règles d’origine pour promouvoir un contenu réellement africain. Il faudra définir des secteurs stratégiques à protéger provisoirement, le temps qu’ils puissent affronter la concurrence internationale. Et puis, au fond, la Zlecaf, le commerce, n’est pas une fin en soi. C’est un moyen. Un instrument supplémentaire, ambitieux, dans ce qui reste, le combat majeur des années à venir. Sortir le continent de la pauvreté, s’inscrire dans une véritable démarche émergente. Le commerce, c’est bien, mais l’Afrique a aussi besoin d’infrastructures, d’énergie, d’investissement dans le secteur social, dans l’éducation, de lutter contre les effets du changement climatique. Ce sommet de Niamey n’est pas un aboutissement. L’approche pas à pas prendra du temps, mais le principal, finalement, c’est la dynamique ! Niamey est un point de départ, le début d’un vaste chantier qui doit nous porter vers l’avenir, vers demain. ■


Le président nigérien entouré, à gauche, de l’entrepreneur Tony Elumelu, et à droite, de la directrice du bureau régional pour l’Afrique du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), Ahunna Eziakonwa, et du président de la Commission de l’Union Africaine, Moussa Faki Mahamat.

Le président de la Guinée-Bissau, José Mário Vaz, le président sénégalais, Macky Sall, et le président Buhari. Accolade entre le président Issoufou et le chef d’État ghanéen Nana Akufo-Addo.

LOUIS VINCENT - DR (3) - LOUIS VINCENT (4)

Finalement, ce sommet est un point de départ, le début d’un vaste chantier.

Sika Bella Kaboré et Issoufou Aïssata, ▲ premières dames du Burkina Faso et du Niger.

Accueil d’Idriss Déby Itno, président du Tchad, et de son épouse, Hinda, par son homologue nigérien.

Arrivée du président de la Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo.

Ci-dessus, à gauche, embrassade des chefs d’État malien, Ibrahim Boubacar Keïta, et congolais, Denis Sassou-Nguesso. Et à droite, le président guinéen Alpha Condé et le président de la BAD, Akinwumi Adesina. Félix Tshisekedi, le nouveau président de la RD Congo.

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DÉCOUVERTE Comprendre un pays, une ville, une région, une organisation

PATRICK ROBERT

Le président Ismaïl Omar Guelleh à l’Université de Djibouti, en février 2018.

DJIBOUTI

UN PARI D’AVENIR!

Hub commercial et logistique, plate-forme de services portuaires, ouverture sur les télécommunications et le numérique… L’économie nationale s’est transformée en quelques années. Pour accélérer plus encore, la priorité aujourd’hui est d’investir dans la formation, le social et l’inclusivité. Ouvrir les opportunités à tous les Djiboutiens. DOSSIER RÉALISÉ PAR CHERIF OUA Z ANI


DÉCOUVERTE/Djibouti

L’atout jeunesse Au cœur des politiques pour demain, la formation, la valorisation du capital humain et la création d’emplois.

l y a cinq ans, le président Ismaïl Omar Guelleh (IOG) avait élaboré une feuille de route déclinant sa stratégie de développement, Vision 2035, avec l’ambition de concrétiser son rêve de voir Djibouti devenir le Singapour de l’Afrique, un incontournable hub commercial et numérique. Pour mettre en œuvre cette stratégie, il a opté pour la démarche quinquennale, la Stratégie de croissance accélérée et de promotion de l’emploi (Scape). Elle prône des transformations structurelles susceptibles de tripler, en deux décennies, le revenu par habitant et de créer 200 000 emplois. Objectif : ramener le taux de chômage actuel de près de 50 % à moins de 10 % à l’horizon 2035. Selon les entreprises, la persistance du chômage s’explique par le faible niveau de formation des demandeurs d’emploi, leur manque de compétences adéquates et leur nonmaîtrise de la langue anglaise, incontournable à l’international. Ce n’est donc pas un hasard si l’un des cinq piliers de la Vision 2035 est la consolidation du capital humain. L’enseignement, tous paliers confondus, est une priorité aux yeux du chef de l’État. Depuis son accession aux affaires en 1999, son gouvernement a consacré chaque année autour de 8 % du PIB à l’éducation. Djibouti est passé d’un système élitiste à une éducation de masse, avec la scolarité obligatoire de 6 à 16 ans. Les taux bruts de scolarisation dans le primaire et le secondaire ont ainsi fortement progressé, même si des disparités – qui se sont

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L’éducation est une priorité aux yeux du chef de l’État. Ici, le nouveau campus de l’Université de Djibouti.


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L’éducation et un enseignement technique moderne sont des priorités pour soutenir la stratégie économique et la

compétitivité.

néanmoins estompées [voir interview du ministre de l’Enseignement supérieur ci-après] – persistent entre la capitale et les villes de l’intérieur. Le nombre d’élèves dans les établissements techniques a triplé au cours des vingt dernières années et celui de l’enseignement supérieur a quintuplé depuis la création, en 2006, de l’Université de Djibouti [voir encadré]. L’exigence d’une éducation de qualité pour tous suppose des moyens. Le pays n’en a pas beaucoup, mais il a consacré une moyenne de 19,2 % des dépenses courantes au secteur sur la période 2009-2016. Celles-ci sont passées de 10,8 milliards de francs Djibouti (51 millions d’euros), en 2009, à près de 20 milliards de francs Djibouti (100 millions d’euros), dont 3,3 milliards pour l’enseignement supérieur, en 2016. Ces deux dernières décennies, l’État a consacré annuellement 6,5 % de la richesse nationale aux investissements dans l’éducation. Résultat : si, en 1999, il ne disposait que d’un lycée et de quatre collèges de l’enseignement moyen, il en compte aujourd’hui respectivement 28 et 57. Cependant, la quête d’excellence n’est pas nouvelle à Djibouti. UNE URGENTE NÉCESSITÉ

Ancien directeur de l’Office national du Tourisme, désormais secrétaire général de la présidence de la République, Mohamed Abdillahi Wais, la cinquantaine discrète, se souvient de ses années de lycéen. « Quand le pays ne disposait que d’un seul établissement secondaire, il fallait avoir plus de 14 de moyenne générale au collège pour être admis au lycée. Et pour poursuivre son cursus et passer en classe supérieure, obtenir 16 de moyenne était exigé. Cela nous motivait et nous poussait vers l’excellence. Conséquence : faute d’université chez nous, le bac en poche, nous allions finir nos études à l’étranger et, hormis quelques rares exceptions, nous finissions majors de notre promotion. » L’épisode de la rupture du contrat de concession accordé à DP World, en février 2018, le bras de fer qui a suivi ainsi que la reprise en main des infrastructures portuaires de Doraleh par un encadrement exclusivement djiboutien, avec la réussite que l’on sait – des performances multipliées par cinq en quelques mois –, ont 68

montré l’intérêt d’avoir des ressources humaines compétentes. Cependant, celles-ci sont nettement insuffisantes au vu des ambitions du pays de devenir un hub commercial et numérique, face à la concurrence impitoyable de certains ports de la région. Le renforcement des capacités passe par un secteur de l’éducation performant et un enseignement technique moderne, adapté à la stratégie de développement. L’enseignement général a certes été choyé par le gouvernement, mais l’effort s’est aussi porté sur la formation professionnelle et l’enseignement technique. En 2011, le président décide de les placer sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale. « L’exigence d’excellence nous posait de grands défis : former nos formateurs, mettre nos établissements aux normes internationales, renouveler et moderniser nos équipements pédagogiques, adapter nos filières en fonction des besoins du marché », précise Moustapha Mohamed Mahamoud, ministre de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle (Menfop). Le contenu des programmes a été révisé, l’observatoire national de l’emploi a été sollicité pour identifier les besoins du marché. En quelques années, le nombre d’établissements dédiés à l’enseignement technique est passé de 5 à 17. Les cinq chefs-lieux de région disposent de leur lycée technique et industriel, et à chaque région sa spécialité : à Obock et Tadjourah, les métiers de la mer, et à Arta, l’hôtellerie et le tourisme. Les effectifs ont triplé, passant de 1 900 élèves à près de 6 000. Abdoulkader Houmed, directeur général de l’enseignement technique et de la formation professionnelle, est enthousiaste : « Jadis, l’enseignement technique traînait la réputation d’être promis aux mauvais élèves et aux recalés du général. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les parents encouragent leurs enfants à choisir les filières techniques. Chaque année, 600 élèves admis en seconde générale optent pour le technique. » Un plombier ou un mécanicien a en effet plus de chances de trouver un emploi avec un bon salaire qu’un licencié en sociologie ou en psychologie. Les jeunes chômeurs déscolarisés ne sont pas en reste. Grâce à un partenariat avec l’armée, ils subissent une formation de conducteurs

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Le campus de Balbala a été inauguré en février 2018.

d’engins, de grutiers ou d’un autre métier en logistique. Certains sont pris en charge par la Marine nationale pour apprendre la conduite de chalutiers, la réparation navale ou la soudure sous-marine. « Nos ateliers de formation ont été rééquipés et mis à niveau, affirme Abdoulkader Houmed. Notre CAP poids lourds s’effectue désormais grâce à deux simulateurs [90 000 euros l’unité, ndlr], qui préparent les futurs routiers aux difficultés les plus extrêmes qu’ils risquent de rencontrer au cours de leur carrière. » Outre la modernisation des équipements, l’expertise étrangère est requise. Des partenariats sont noués avec le Maroc (hôtellerie et tourisme), la Turquie (industrie et gestion des risques) et la Tunisie (paramédicale et commerce), et plus globalement afin de renforcer les capacités des formateurs et du personnel pédagogique.

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LA CONSOLIDATION DU CAPITAL HUMAIN

Les diplômés de l’enseignement technique n’ayant pas trouvé un emploi à l’issue de leurs trois années de formation ne sont pas délaissés pour autant. « Nous les reprenons, s’ils en font la demande, pour une formation complémentaire, une réorientation pédagogique, précise Moustapha Mohamed Mahamoud. En 2018, plus de 600 diplômés dans ce cas ont suivi une formation en langue anglaise. Avec une telle ligne supplémentaire sur leur CV, leur chance de trouver un emploi est décuplée. » La consolidation du capital humain vise à produire une élite managériale capable de diriger les grands groupes économiques djiboutiens de demain, mais aussi le soudeur sous-marin AFRIQUE MAGAZINE

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La fierté de la nation

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’Université de Djibouti (UD) est née en deux temps et cinq mouvements. Depuis l’indépendance en juin 1977, le pays était dans l’impossibilité de former ses personnels qualifiés sur son territoire. Il a fallu attendre l’arrivée, en 1999, d’IOG aux affaires pour qu’un premier pôle universitaire voie le jour en 2000. Six ans plus tard, le pôle est officiellement transformé en université, une institution unique à bien des égards avec un statut d’autonomie administrative et financière. Voici pour les deux temps. Quant aux cinq mouvements, il s’agit de l’incessante croissance de l’UD pour coller aux besoins du pays : faculté d’ingénieurs en 2013, faculté de médecine en 2014, école doctorale en 2017, inauguration du campus de Balbala en février 2018, puis lancement de la réalisation d’un centre interdisciplinaire d’excellence en logistique et en transports en mai 2019. En 2006, la première promotion était de 2 000 étudiants. L’effectif est passé à 5 000 en 2011, pour atteindre le chiffre de 10 000 aujourd’hui. La croissance du nombre d’encadreurs a en revanche été plus lente, passant de 110 enseignants en 2006 à près de 280 désormais. Les limites de l’encadrement et la quête d’excellence ont amené l’UD à tisser de nombreux partenariats, outre l’historique coopération avec les universités françaises et francophones. Ainsi, la faculté d’ingénieurs collabore avec l’Université d’Istanbul, celle de médecine avec l’Université de Tunis. Et des cours magistraux sont dispensés par téléconférence par des enseignants-chercheurs indiens, chinois ou américains. ■ C.O.

capable de réparer l’hélice d’un porte-avions, d’un tanker géant ou d’un paquebot de croisière, le talentueux informaticien développeur d’applications qui faciliteront la vie de ses compatriotes, ou encore le brillant architecte qui dessinera les contours des futures cités vertes, qui remplaceront les quartiers vétustes de la capitale et des villes de l’intérieur. Djibouti deviendra alors Smart Djibouti. ■

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Nabil Mohamed Ahmed Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

« Comment préparer l’élite de demain »

Docteur en biologie, natif de la capitale, il est titulaire de ce portefeuille ministériel depuis sa création, en 2011. Cette longue carrière politique n’a pas éteint la flamme du chercheur et de l’universitaire de formation. Pédagogie, organisation des filières, amélioration des contenus, adaptation au marché du travail… À 58 ans, ce passionné est pleinement engagé dans le grand projet éducatif national. AM : Pouvez-vous nous raconter l’histoire récente de l’Université de Djibouti ? Nabil Mohamed Ahmed : Jusqu’à

l’arrivée aux affaires, en 1999, du président Ismaïl Omar Guelleh, nos bacheliers les plus méritants, une quarantaine par an en moyenne, obtenaient une bourse pour poursuivre leur cursus universitaire à l’étranger. En 2000, le chef de l’État décide de créer un pôle universitaire qu’il transforme, six ans plus tard, en université pour répondre à l’arrivée massive de nouveaux bacheliers, conséquence de l’obligation de scolarité jusqu’à l’âge de 16 ans. Faute d’encadrement local, nos enseignants étaient des répétiteurs, déclamant les cours de professeurs d’universités partenaires. En 2011, le président décide d’une montée en gamme. Sur le plan institutionnel, il crée le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Sa feuille de route ? Élargir l’offre de formation, améliorer la qualité de l’enseignement et renforcer 70

les capacités de nos enseignants. Cette année-là, notre encadrement, toutes filières confondues, était constitué de 18 docteurs. On en recense aujourd’hui 80, et 45 doctorants.

l’anglais. C’est pourquoi notre faculté d’ingénieurs, depuis sa création en 2013, dispense la totalité de son cursus dans cette langue. Sur quelles filières mise l’Université de Djibouti pour préparer l’élite aux défis du futur ?

Qu’entendez-vous par élargir l’offre de formation et améliorer la qualité de l’enseignement ?

Notre pays a investi dans des méga-infrastructures dont la vocation est d’être pilotées par des microstructures. Notre objectif est de consolider l’attractivité de nos installations en ajoutant une plus-value à l’offre de services de Djibouti. Nous misons sur le numérique appliqué à la logistique et aux transports. Grâce à un appui financier de la Banque mondiale, un centre d’excellence a été mis en place. Outre sa vocation pédagogique, cette structure deviendra, à terme, un incubateur de jeunes talents et de chercheurs, qui développent des applications numériques visant à améliorer la gestion des services, de la logistique et des transports.

Nous étions dans une logique de formation-emploi. Un Djiboutien entamant un cursus universitaire était promis à un poste dans la fonction publique. Avec la progression des effectifs, cela n’était plus tenable. Il fallait s’adapter à la réalité du marché de l’emploi et aux besoins spécifiques de notre économie basée sur les services, la logistique et les transports. Des filières essentiellement techniques…

Pas seulement. La technicité est parfois insuffisante. Nous avons compris que nos diplômés étaient recalés lors des recrutements dans les ports et les zones franches. Leur handicap ? Avoir été formés en langue française. Or, le commerce international utilise exclusivement AFRIQUE MAGAZINE

Quelle est la représentativité de la gent féminine dans la sphère universitaire à Djibouti ? I

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Je suis très fier de voir que dans mon pays, la parité est quasi parfaite dans le milieu universitaire. Il y a certes un léger gap de 51 % d’étudiants contre 49 % d’étudiantes, mais ces dernières monopolisent les meilleures notes et ce, dans les filières littéraires, techniques et scientifiques. La performance est peu banale quand on connaît l’héritage socioculturel de Djibouti. Comment décririez-vous le quotidien des étudiants ?

Combien sont-ils dans ce cas ?

Nous sommes heureux de constater la progression du taux de réussite de nos élèves des régions. En 2019, sur un effectif de 10 000 étudiants, 3 000 viennent des villes de l’intérieur. Ils sont hébergés par leurs proches, le plus souvent aux revenus modestes. Le président de la République a décidé d’accorder aux plus indigents d’entre eux une aide sous forme de tickets

travail considérable et se penche sur les questions actuelles : les problèmes de l’environnement, la désertification, l’anthropologie, l’archéologie… La recherche est au centre de l’intérêt du président Ismaïl Omar Guelleh. En février 2019, il a inauguré un laboratoire high-tech dédié à la minéralogie [voir l’encadré sur Nima Moussa, plus loin]. Personnellement, je travaille sur un projet d’observatoire est-africain sur les changements climatiques. Nous nous sommes rendu compte que l’Afrique et, plus particulièrement sa partie orientale, ne disposait d’aucune structure capable d’établir des données pour analyser l’impact des changements climatiques sur les économies et le quotidien des populations. En mars 2020, Djibouti devra accueillir un colloque réunissant de nombreux experts africains et internationaux autour du thème « Science et paix ». Qui mieux que notre pays de paix pouvait organiser une telle manifestation scientifique, qui servira

De nombreux visiteurs « Nous sommes heureux de constater la progression étrangers sont surpris par du taux de réussite de nos élèves des régions. les conditions d’accueil En 2019, sur un effectif de 10 000 étudiants, de nos élèves. Nos amphis .» sont suffisamment spacieux pour que chaque étudiant de baptême à cet observatoire repas qui leur permet de prendre dispose d’une place lors des cours régional ? Le mérite en revient au quotidiennement un petit-déjeuner magistraux. Nos laboratoires président Guelleh, qui ambitionne et deux repas dans des restaurants de sont équipés d’outils pédagogiques pour son pays le rôle de leader la capitale. Par ailleurs, le transport des ultra-performants. Nos bibliothèques dans la collecte des données devant quartiers de la capitale vers les sites de disposent de plus de 35 000 ouvrages permettre une meilleure maîtrise de l’université leur est assuré gratuitement scientifiques, dont près de 20 000 la question du changement climatique, par un système de ramassage par bus. ont été numérisés. Cela dit, il y a un dossier qu’il compte soumettre à ses élément que nous n’avons pas encore Qu’en est-il de la recherche ? pairs de l’Union africaine (UA). ■ solutionné : l’accueil des étudiants Le Centre d’études et de recherche venus des régions de l’intérieur. de Djibouti (CERD) accomplit un Propos recueillis par Cherif Ouazani

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3 000 viennent des villes de l’intérieur

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La vie d’après Djibouti, l’épisode de la rupture, en février 2018, de la concession accordée au groupe émirati DP World, avec ses rebondissements, le bras de fer judiciaire et l’emballement médiatique qui ont suivi, est déjà un vieux souvenir. La Société de gestion du terminal à conteneurs de Doraleh (SGTD), entreprise publique spécialement créée pour reprendre le relais de DP World, a réussi à faire oublier les précédents gestionnaires par une sensible amélioration des performances des installations portuaires. Selon Abdillahi Adaweh Sigad, directeur général de la SGTD, l’activité a crû de 35 % au cours des douze derniers mois, grâce à « l’entrée en service de la voie de chemin de fer, en juin 2018, avec deux rotations quotidiennes vers Addis-Abeba, et 100 conteneurs par convoi ». Il ajoute : « Le rythme de rotation

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qui est passé à cinq en début d’année (soit 500 conteneurs évacués quotidiennement) nous a permis de décongestionner nos quais, d’accélérer le déchargement des navires et de réduire le temps de leur immobilisation. » L’autre avantage du train est qu’il réduit le nombre de camions. Une bénédiction pour la qualité de l’air et la densité du trafic sur la route nationale 1, et la promesse d’une forte réduction des accidents de la circulation. Contrairement aux apparences, le départ des Émiratis n’a pas ralenti les investissements. Des travaux d’extension du terminal sont en cours et devraient s’achever en 2020. En matière de modernisation des équipements et de la mise aux normes internationales des installations, le patron de la SGTD a annoncé l’acquisition de trois empileurs de portée pour soutenir l’activité de train. Un nouveau RTG AFRIQUE MAGAZINE

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Le départ des Émiratis de DP World n’a pas ralenti le rythme des investissements dans les infrastructures portuaires et les zones franches. Les projets avancent et les performances du secteur se sont même sensiblement améliorées.


Le port à conteneurs de Doraleh, février 2018.

(portique mobile sur pneus), utilisé dans les opérations intermodales pour la mise en terre ou l’empilage de conteneurs, est entré en service en avril dernier. Huit autres seront livrés en septembre pour remplacer les anciens RTG et stimuler l’activité ferroviaire, qui devrait passer à huit rotations au cours du quatrième trimestre 2019. Soit 800 conteneurs par jour, et autant de poids lourds en moins sur les routes. Cependant, le plus gros investissement en cours concerne le projet de Damerjog (3,5 milliards de dollars investis par le groupe privé chinois Poly-GCL, basé à Hong Kong) et son chantier en cours : la construction d’un gazoduc reliant les champs de gaz naturel du bassin de l’Ogaden (Éthiopie) à Djibouti. La vie sans DP World, c’est également une nouvelle zone franche internationale, la Djibouti International Free Trade Zone (DIFTZ) et sa zone économique spéciale (ZES), au PK 23. Elle s’étend sur 48 km2 et sa réalisation, en plusieurs phases, devrait durer quinze ans. L’Autorité des ports et zones franches de Djibouti (APZFD) détient 60 % du capital. Les 40 % restants sont répartis entre le conglomérat China Merchants Group (CMG, à Hong Kong), l’autorité portuaire de la ville AFRIQUE MAGAZINE

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de Dalian et IZP Technologies, tous trois chinois. La première phase, inaugurée en juillet 2018, a coûté 370 millions de dollars. Elle est composée d’un site de 240 hectares, comprenant quatre pôles industriels spécialisés dans le commerce, la logistique, l’industrie et les services aux entreprises. Les partenaires du projet avancent que le complexe devrait gérer 7 milliards de dollars d’échanges commerciaux d’ici 2021.

L’apport du train a permis

de décongestionner les quais, d’accélérer les déchargements et de réduire les temps d’attente des navires.

L’EMPLOI, LE GRAND DÉFI

Depuis janvier 2019, une phase pilote est opérationnelle. « Nous enregistrons un taux d’occupation de 83 % sur les 34 000 m2 de bâti. Nos clients sont de différentes nationalités : djiboutienne, somalienne, éthiopienne, turque, taïwanaise, yéménite et, bien entendu, chinoise, représentant une soixantaine de compagnies », indique Mahamoud Houssein Dirieh, directeur adjoint de DIFTZ. Les terrains nus et les aires de stockage sont également demandés par les sociétés. « Nous mettons à disposition des hangars et des terrains, de l’énergie, de l’eau potable et un réseau télécoms à haut débit, explique Mahamoud Houssein Dirieh. Les compagnies

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Nima Moussa : chercheuse « métallogéniale »

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itulaire depuis 2011 d’un doctorat en métallogénie (discipline qui permet la compréhension des gisements métallifères et leur mode de formation), obtenu à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, à Brest, avec une mention très honorable, Nima Moussa, 37 ans, est chercheuse au Centre d’études et de recherche de Djibouti (CERD). Elle y dirige le laboratoire de minéralogie, inauguré en février 2019 par le président IOG. L’objet de ses recherches porte sur la compréhension de la genèse de l’or, et ses travaux ont été exposés dans de nombreuses conférences scientifiques. Elle a en outre participé à une mission à bord du navire océanographique L’Atalante, à Wallis et Futuna, dans le Pacifique sud, pour l’exploration de cheminées hydrothermales dans les fonds marins. Auteure de plusieurs articles scientifiques, Nima Moussa travaille en collaboration avec de nombreux chercheurs de renommée internationale. « Grâce au nouveau laboratoire équipé d’outils de très haute précision, nous avons aujourd’hui la capacité de participer de manière significative à l’analyse géochimique des échantillons, et de traiter et interpréter des forages géothermiques [la géothermie étant une option stratégique pour la production d’énergie renouvelable à Djibouti, ndlr] du site de Fialé », indique-t-elle fièrement, convaincue que la recherche est un tremplin pour le développement socioéconomique. Ses publications sont une vitrine pour attirer les compagnies minières dotées des technologies nécessaires pour des explorations efficaces. « En tant que femme et scientifique, je suis actrice du développement de mon pays. Avec mes collègues chercheuses et chercheurs du CERD, nous produisons des articles de grande rigueur, et nous possédons au sein de notre équipe des scientifiques de qualité. » Smart Djibouti n’est décidément pas un slogan creux. ■ C.O.

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est-africain. C’est une promesse de recrutement pour des centaines de jeunes Djiboutiens. » L’emploi est le grand défi qui se pose aujourd’hui au pays, et la ZES du PK 23 constitue un énorme espoir. Selon des estimations officielles, la DIFTZ devrait permettre la création de 12 000 postes au cours des cinq prochaines années. La législation impose aux compagnies qui s’installent à Djibouti une limitation de la main-d’œuvre étrangère à 70 % de leurs effectifs, pour les cinq premières années de leur projet. Par la suite, ce taux est ramené à 30 %. CHASSEURS DE TÊTES

Une direction baptisée Free Zone Employment Office dédiée au recrutement d’employés pour les sociétés locataires de la ZES a été créée par l’autorité du port, actionnaire majoritaire de la zone franche du PK 23. Ladane Abdoulkader Yacin est directrice adjointe de cette structure : elle nous apprend que depuis le 1er janvier 2019, 130 cadres et 350 manutentionnaires ont rejoint les effectifs des compagnies installées à la DIFTZ. « Nous recueillons les candidatures et les CV, nous organisons des interviews pour évaluer le profil et les compétences du demandeur d’emploi, et nous sélectionnons en fonction des besoins et exigences de l’employeur. » Ce travail, effectué en collaboration avec l’Agence nationale de l’emploi, de la formation et de l’insertion Professionnelle, laquelle dispose d’une base de données nationale en matière de qualification, permet d’élaborer un fichier de candidats potentiels détaillant leurs atouts et leurs faiblesses. Un véritable travail de chasseurs de têtes. Plus haut bâtiment de la DIFTZ, la tour d’affaires de 16 étages est achevée, ainsi que l’hôtel qui lui fait face. La quasi-totalité des bureaux du bâtiment ont été loués, tandis que la partie appartements de l’hôtel devrait être fonctionnelle au début du quatrième trimestre. Les chambres et les suites (respectivement 60 et 10) entreront en service en 2020. Le staff devrait compter parmi ses effectifs 120 Djiboutiens. Dans les têtes, la page DP World est ainsi définitivement tournée. ■

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locataires sont libres d’y développer leurs propres infrastructures. » Responsable de la division commerciale et marketing, Ayanleh Ali Abdi est fier de nous annoncer « l’installation prochaine d’un grand constructeur automobile chinois, qui envisage une usine d’assemblage de véhicules d’une capacité annuelle de plusieurs dizaines de milliers de voitures, destinées au marché


La carte du tout numérique Le pays a désormais les moyens de son ambition : devenir un nœud d’importance régional dans les autoroutes de l’information, qui sillonnent la planète par liaisons sous-marines et fibre optique.

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ul ne conteste à l’opérateur public Djibouti Télécom son statut de leader numérique dans la Corne et l’est de l’Afrique, et ce malgré l’étroitesse de son marché (400 000 abonnés pour une population de 1 million d’habitants). À l’international, son portefeuille clients dépasse en effet la centaine d’opérateurs et de providers, parmi lesquels des géants des télécoms (le français Orange, l’américain Cogent, le britannique Vodafone, le sud-africain MTN ou encore Telecom Italia Sparkle). La base de clients de l’entreprise est composée de consortiums et de multinationales, incluant transporteurs internationaux, opérateurs mobiles, dans le cloud ou le satellite. Djibouti dispose de deux installations d’atterrissage desservant six câbles sous-marins, reliant l’Afrique à l’Asie, au Moyen-Orient et à l’Europe. L’Eastern Africa Submarine System (EASSy) fait le lien entre la ville sud-africaine de Mtunzini et Port-Soudan, longeant les côtes australes et orientales de l’Afrique. EASSy dispose d’une capacité de transport Mise de 3,84 térabits par seconde et permet à en place plus de 250 millions d’Est-Africains d’être de la 4G par reliés aux inforoutes immergées. l’opérateur national. Le câble transcontinental Europe India AFRIQUE MAGAZINE

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L’ensemble des installations de Djibouti

Télécom est géré, entretenu et maintenu par du

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Gateway (EIG) appartient à un consortium composé de 18 opérateurs, dont Djibouti Télécom. Il raccorde l’Inde à l’Europe occidentale avec une capacité de 1,28 térabit par seconde et permet de faire face à l’explosion du trafic de voix et de données entre l’Asie et l’Europe. Le Seacom, lui, relie l’est et l’ouest de l’Afrique à l’Europe et l’Asie du sud. Avec ses 39 000 km, le SEA-ME-WE 3 (Asie du Sud-Est - Moyen-Orient - Europe de l’Ouest) est le câble sous-marin le plus long du monde. Il fait le lien, à lui seul, entre quatre continents et 33 pays, de la Scandinavie à la Nouvelle-Zélande et de la Corée du Sud à la péninsule ibérique, le tout en passant par la station de Haramous à Djibouti. Quant au AAE 1 (Afrique-Asie-Europe), il raccorde depuis 2017 Hong Kong à Marseille. Djibouti Télécom tire de ce câble une capacité de transmission de 1,8 térabit par seconde. Enfin, le SEA-ME-WE 5, qui connecte Singapour à Toulon, permet à l’opérateur historique une capacité supplémentaire de 500 gigabits par seconde. LE CENTRE DE DONNÉES LE PLUS PERFORMANT DE LA CORNE

Partenaire dans la plupart des consortiums propriétaires des liaisons transcontinentales qui transitent par ses stations d’atterrissage, Djibouti y a investi près de 150 millions de dollars et ne compte pas se contenter de cela. Pour consolider sur le long terme sa position de hub international 76

de télécommunication dans la région, l’opérateur national envisage un nouveau projet : le Djibouti Afrique Régional Express (DARE1). Ce câble sous-marin relie les deux principaux points d’accès des télécoms en Afrique de l’Est, Djibouti et Mombasa (Kenya). Trois branches d’interconnexions secondaires permettront de relier le tronc principal du système à Mogadiscio (Somalie), à Bossasso (Puntland), et à Berbera (Somaliland). Le DARE1 devra mobiliser un investissement de 65 millions de dollars pour Djibouti Télécom. Pour Mohamed Assoweh Bouh, directeur général de l’opérateur national depuis mars 2014, « câble et capacité de transmission sont nécessaires, mais insuffisants ». Il ajoute : « Notre vision consiste à rendre l’entreprise capable de fournir tous les services requis par ses clients nationaux, régionaux et internationaux. Ce qui en fera une passerelle pour la fourniture de services numériques entre l’Afrique, l’Asie et l’Europe. » En d’autres termes, cumuler capacités de transmission, vitesse du débit et contenus. Djibouti Télécom s’est doté du centre de données le plus performant dans la Corne de l’Afrique. Objectif : fournir un accès direct à ses systèmes de câbles sous-marins. Le Djibouti Data Center (DDC) est situé au cœur de la station d’atterrissage des câbles de Djibouti Télécom, à Haramous. Ce centre de données propose un accès aux têtes de câbles

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Atterrissage en février 2016 d’un câble sous-marin de fibre optique sur la plage de la Siesta, dans la capitale, en présence d’Ali Hassan Bahdon (2e en partant de la droite), alors ministre de la Communication, chargé des Postes et Télécommunications, et désormais ministre de la Justice.


sous-marins, des liaisons, des connexions, des interconnexions et des accès Internet. Le DDC offre aux opérateurs de télécommunications internationaux, fournisseurs de réseaux et distributeurs de contenus des installations de colocation neutres, des commutateurs Internet et d’autres services de connectivité. Ces installations intéressent les géants mondiaux des télécoms, à l’instar des groupes américains Google, Akamai ou Microsoft et des fournisseurs de services CDN (content delivery network), qui envisagent la réalisation d’un immense data center au PK 23. Le projet consiste à rapprocher les contenus du nœud de transmission et prendra la forme d’un parc IT sur 120 000 m2. Par ailleurs, celui-ci devrait abriter des call centers, promesse de recrutement pour des centaines de jeunes chômeurs. Le mémorandum d’entente est en cours de finalisation pour un investissement de 26 millions de dollars mobilisé par les partenaires internationaux et une part symbolique dans le capital pour l’État djiboutien à travers son opérateur national. La réalisation devrait débuter au cours du troisième trimestre 2019. Avec ce projet, Djibouti deviendra la pierre angulaire du projet « Smart Africa », que porte le Rwandais Paul Kagamé, avec la complicité de son ami IOG.

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LE NOUVEL ATOUT DU PAYS

L’ensemble des installations de Djibouti Télécom est géré, entretenu et maintenu par du personnel local. Le directeur business international de la société, Mohamed Ahmed Mohamed, affirme que « la totalité des effectifs faisant tourner les stations de redondance, les équipements d’interconnexion ou le DDC est djiboutienne. Chacune des deux stations d’atterrissage des câbles intercontinentaux ou régionaux dispose d’une équipe de cinq ingénieurs, dix techniciens supérieurs et un agent administratif. Les ingénieurs sont formés à l’étranger en partenariat avec les deux grands groupes spécialisés dans les câbles sous-marins, l’américain SubCom et le franco-américain Alcatel-Lucent. » Infrastructures. Ressources humaines. Le tout numérique est le nouvel atout de Djibouti. ■ AFRIQUE MAGAZINE

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La solution NomadeCom

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ionnière à Djibouti, NomadeCom est une SARL spécialisée dans le développement des services à valeur ajoutée mobile. Créée en 2011 par Kadra Abdi Douksieh, 42 ans, l’entreprise s’est illustrée en introduisant le paiement électronique dans un pays où seule 20 % de la population est bancarisée et où l’informel représente 60 % de l’activité. Grâce à deux développeurs, l’un indien, l’autre tunisien, NomadeCom a proposé, en 2014, une nouvelle application baptisée « mDJF », une solution de paiement par téléphone en grande surface ou dans un réseau d’une centaine de commerçants. Ce type de règlement est crucial pour Djibouti, où le tiers des habitants résidant dans l’hinterland sont contraints de se déplacer jusqu’à la capitale pour des besoins financiers, où la majorité des transactions se font en cash et où les frais bancaires sont exorbitants. Outil permettant l’inclusion financière des populations défavorisées, réduisant les coûts (le service étant totalement gratuit pour l’utilisateur) et facilitant l’accès aux services financiers, l’application mDJF incarne l’innovation et la démocratisation de la technologie. L’enregistrement nécessite une pièce d’identité et un portable (pas nécessairement un smartphone) à présenter dans l’une des six agences de NomadeCom. L’ouverture du compte donne droit Kadra Abdi à un mot de passe Douksieh a créé nécessaire pour cette entreprise spécialisée dans toute opération le marketing de paiement, retrait, mobile en 2011. dépôt ou transfert d’argent. Première grande opération de NomadeCom, un partenariat avec le Programme alimentaire mondial, grâce auquel les coupons alimentaires distribués à 4 000 bénéficiaires ont été remplacés par des dépôts sur des comptes mDJF. En 2016, la Banque centrale a accordé le statut d’institution financière à la société, statut lui permettant de négocier une convention avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés afin que 7 000 réfugiés puissent bénéficier de l’appli. Le rêve de Kadra Abdi Douksieh ? Convaincre Électricité de Djibouti de privilégier le règlement des factures de centaines de milliers d’usagers par paiement électronique. ■ C.O.

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Du social, du social et surtout du… social ! Ismaïl Omar Guelleh a indiqué au nouveau gouvernement la priorité de l’heure : parvenir à un développement solidaire et inclusif. jibouti a fait, au cours des vingt dernières années, d’incontestables progrès économiques. Au cours de cette période, le produit intérieur brut (PIB) a été multiplié par cinq, passant de 100 milliards de francs Djibouti (562 millions de dollars) à 500 milliards de francs Djibouti (2,81 milliards de dollars), soit un revenu par habitant de près de 3 000 dollars – le plus élevé de la région, géant économique éthiopien compris. Toutefois, le PIB par habitant ne reflète pas toute la réalité socio-économique du pays. Le bouleversement positif de l’écosystème avec les méga-investissements dans les infrastructures est réel, mais semble parfois virtuel pour les citoyens. Comme en témoigne l’indice de développement humain (IDH) du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Djibouti demeure dans la catégorie des pays à faible développement, avec une pauvreté affectant trois habitants sur quatre et une extrême pauvreté touchant 20 % de la population. Pourquoi un tel écart ? « Ce n’est pas un mal djiboutien mais africain. » Cette réponse provient de Mohamed Sikieh Kayad, conseiller financier du président IOG et plume pour les discours économiques de ce dernier. Les propos de cet ex-représentant de l’Afrique de l’Ouest à la Banque mondiale respirent le pragmatisme : « L’Afrique subsaharienne connaît depuis plus d’une décennie une croissance soutenue de 6 à 7 %, sans arriver à créer de l’emploi ni à enrayer la pauvreté, car non inclusive. » Selon lui, ce mal inexplicable frappe exclusivement le continent. « Avec 1 à 2 % de croissance, l’Europe tourne autour de 7 à 9 % de chômeurs, l’Amérique

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du Nord et ses 3 % de croissance ne déplore que 5 % de chômeurs, quant à l’Asie, elle baigne dans le plein-emploi. En Afrique, il y a une déconnexion entre l’économique et le social, mais ce n’est pas aux experts de la Banque mondiale ni à ceux du FMI de nous trouver la solution. C’est à nous, Africains, de la trouver. » C’est cette nécessité qui explique en grande partie le dernier remaniement ministériel. UNE NOUVELLE FEUILLE DE ROUTE

Le 5 mai 2019, le président IOG s’est entouré d’une nouvelle équipe gouvernementale pour un nouveau départ. Quatre jours plus tard, au cours du premier Conseil des ministres, il dévoilait la nouvelle feuille de route avec cette formule : « J’assigne à notre ambition collective une finalité claire : celle d’un développement solidaire et inclusif. » En d’autres termes, la croissance doit produire un impact direct sur le quotidien des citoyens. La nouvelle philosophie se résume à du social, du social et… du social. Quant aux priorités, elles sont déjà identifiées, mais exigent « des efforts encore plus soutenus consacrés à l’emploi et à l’employabilité des jeunes […], aux politiques publiques en faveur des femmes et des filles, à la promotion d’un habitat décent et à l’accès à un logement pour tous. [Le président] veu[t] que les instruments novateurs d’inclusion sociale, comme la couverture maladie universelle (CMU) et le soutien aux personnes à besoins spéciaux, soient élargis et renforcés. » Érigé en priorité, le logement social ne pouvait être pris en charge par le seul budget national. C’est pourquoi le chef de l’État a lancé, en octobre 2016,

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un appel à la solidarité nationale et créé une fondation à son nom pour recevoir des dons. Les grands groupes économiques nationaux publics et privés (Coubèche, Al Gamil, Djibouti Télécom…) et étrangers (notamment China Merchants Group, avec 1 000 logements offerts) ainsi que de nombreux particuliers ont répondu à l’appel. Objectif : financer un programme de 20 000 logements au profit des catégories les plus vulnérables (personnes insolvables, handicapées et malades chroniques). La Fondation IOG contribue en outre indirectement à résorber le chômage. Les nombreux chantiers augmentent les plans de charge des entreprises de construction. Mieux : une vingtaine de diplômés de la formation professionnelle n’ayant pas trouvé de travail se sont organisés en coopérative et ont postulé pour participer à un chantier de la Fondation, à Balbala. Ils ont obtenu un marché pour la réalisation de six habitations. « La qualité de leur travail a été saluée par les entrepreneurs, explique Abdoulkader Houmed, directeur général de l’enseignement technique et de la Formation professionnelle, et ces derniers ont fini par les embaucher. »

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FAIRE JOUER LA SOLIDARITÉ NATIONALE

L’autre priorité sociale du président est que ses compatriotes soient mieux soignés. Si le budget de l’État n’est pas en mesure d’augmenter sensiblement le nombre de lits des quatre hôpitaux que compte la capitale, il a mobilisé ses ressources pour moderniser les équipements (scanner dernière génération, appareil de dialyse, blocs chirurgicaux mieux équipés). Pour le reste, IOG a lancé un appel AFRIQUE MAGAZINE

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à la diaspora pour qu’elle investisse dans la santé de ses concitoyens. Maternités, cliniques spécialisées et laboratoires d’analyse ont réduit les longues files d’attente dans les hôpitaux. Dernière réalisation en date, l’inauguration par le président, le 24 juin 2019, d’une clinique de cardiologie, fruit de l’investissement d’un homme d’affaires djiboutien établi à l’étranger. Le chef de l’État fait également jouer la solidarité nationale pour assurer la CMU. Le chômage touche près de 45 % de la population. Cependant, les habitants les plus défavorisés sont dispensés de cotisations et bénéficient de la CMU. Celle-ci leur permet la gratuité des consultations médicales, la délivrance de médicaments essentiels, des analyses biologiques ainsi que des examens radiologiques et de scanner. IOG a laissé entendre dans sa feuille de route que cela était encore insuffisant et a demandé à son gouvernement de trouver de nouveaux mécanismes pour élargir le champ de la CMU à l’ensemble de la population. Mohamed Sikieh Kayad précise que le président a laissé entendre qu’il était temps de sortir de l’autosatisfaction : « Arrêter de se gargariser avec des “Nous avons investi tant de millions de dollars” ou des “Nos ports ont traité X milliers de conteneurs”, sans mesurer l’impact sur la vie du Djiboutien. Il a prévenu ses ministres : “Désormais, votre travail sera régulièrement évalué.” » Première décision : la création d’un institut de statistiques dédié à l’évaluation des effets directs de la politique gouvernementale sur le niveau et la qualité de vie des citoyens. Désormais, les indicateurs du développement humain seront scrutés attentivement. On ne badine plus avec le social. ■

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Programme immobilier de la Fondation IOG destiné à reloger des habitants de bidonvilles.

Le chômage touche près de 45 % de

la population. Cependant, les catégories les plus défavorisées sont dispensées de cotisations et bénéficient de la CMU. 79


DÉCOUVERTE/Djibouti

Décryptage

« Small is not beautiful » ? l n’est pas rare de voir le Fonds monétaire Quant à la non-conformité au dernier, elle international (FMI) et la Banque mondiale s’explique par l’ambition de ce pays, qui semble commettre des erreurs de calcul. Comme « démesurée » aux yeux des experts du FMI, une croissance économique surestimée par rapport à sa taille. Trop petit : 23 000 km2 ou un produit intérieur brut (PIB) sous-évalué. pour un peu plus de 1 million d’habitants. Dans ce cas, les augustes institutions de Le PIB par habitant est pourtant le plus Bretton Woods procèdent à une rectification, élevé de la région, et Djibouti n’a accumulé sans pour autant reconnaître leur tort. Cela aucun arriéré de paiement au cours des a été le cas pour Djibouti, en ce qui concerne quatre dernières années. Au 31 mars 2019, l’exercice économique et financier de 2018. le gouvernement avait même obtenu un Les conclusions d’une mission menée excédent budgétaire de près de 11 milliards par des experts du FMI, effectuée dans le de francs Djibouti (61 millions de dollars). pays entre le 9 et le 17 juin, ont annoncé L’accumulation des dépôts à la Banque que, contrairement aux prévisions centrale a atteint 4 milliards de francs du Fonds, la croissance économique Djibouti (19 millions de dollars), enregistrée avait été de 7 %, au lieu des couvrant le gap de financement, 6,5 % avancés. En conséquence, le PIB validé par le FMI, de 3 milliards. du pays avait atteint 3,2 milliards de Le non-paiement de la dette dollars, au lieu des 3 milliards de dollars du chemin de fer n’est pas le fait attendus. Cela est assez fréquent. d’une incapacité de paiement mais En revanche, ce qui l’est moins, d’entente entre le créancier, l’Exim par c’est que ces mêmes experts ne respectent Cherif Ouazani Bank de la Chine, et ses deux débiteurs, pas les critères retenus par leur institution Djibouti et Éthiopie, pour surseoir pour dégrader une note. En effet, la revue au règlement du service de la dette jusqu’à du FMI a décidé de dégrader la note de Djibouti une redéfinition des contours du financement en la faisant passer de « haut risque de détresse de ce projet stratégique pour les trois pays. par endettement » à « détresse financière par La réalisation de la voie ferrée entre Djibouti surendettement ». Pour éviter un tel verdict, le et Addis-Abeba entre dans la stratégie de Fonds a pourtant instauré quatre critères : le ratio la Chine de consolider les nouvelles routes du service de la dette par rapport aux revenus de la soie, dans celle de Djibouti d’améliorer du secteur public doit rester inférieur à 18 % la performance de ses infrastructures et au cours des deux décennies suivantes ; le ratio capacités logistiques, et à l’Éthiopie de du service de la dette rapporté aux exportations régler le problème de son enclavement. doit rester sous la barre du seuil critique de Le plus surprenant dans cette histoire est 15 % ; le ratio de la valeur actuelle nette (VAN) que cette dernière a été épargnée de l’infamie de la dette par rapport aux exportations et biens de la « détresse financière par surendettement », de services ne doit pas dépasser le seuil critique alors que ses finances sont dans le rouge de 180 % ; et enfin, le rapport entre la VAN pour les quatre critères. Cela serait dû à de la dette et le PIB doit être inférieur à 40 %. sa taille et à son marché de 100 millions Les finances de Djibouti sont au vert de consommateurs. Pour le FMI et la Banque pour les trois premiers de ces quatre critères. mondiale, « small is not beautiful ». ■

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Contrairement aux prévisions du FMI, la croissance économique enregistrée en 2018 avait été de 7 %,

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perspectives

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Grandeurs et décadences

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Avec ses quelque 12 millions d’habitants, la capitale congolaise balance entre chaos, extravagances, luxe ostentatoire pour certains, pauvreté extrême pour beaucoup. Voyage dans une mégapole où l’on observe avec attention Félix Tshisekedi, le président élu en décembre dernier. La place de la Reconstruction, échangeur majeur de la ville.

GWENN DUBOURTHOUMIEU/JEUNE AFRIQUE

par Muriel Devey Malu-Malu

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de la Gombe, la plus importante zone administrative et d’affaires de Kinshasa. Immeubles de bureaux et d’habitations, cités résidentielles, magasins, centres commerciaux, supermarchés, hôtels… La Gombe se hérisse, jour après jour, de nouveaux bâtiments, avec une préférence pour les tours et les immeubles hauts, dont les prix des bureaux ou des logements (à l’achat ou à la location) ond-p oi nt avoisinent ceux des grandes capitales du Ngaba, 17 heures. La circulation resmonde. Voire les dépassent. Pour preuve, semble à une mêlée de chauffeurs indisciau quartier GB, le complexe résidentiel La plinés. On ne sait plus de quel côté passer. Promenade, réalisé et géré par Safricode, À droite, une voiture en sens contraire comprend 61 villas de luxe. La clientèle ? de la circulation. Là, un immense bus au De riches Congolais et étrangers, puisque toit surchargé de colis qui menacent de pour une villa de trois chambres et salon, se renverser. Devant, un autre bus qui plus les dépendances, il faut compter au masque la route, et derrière, un chauffeur moins 750 000 dollars. L’entreprise gère impatient qui confond klaxon et tamboud’autres projets immobiliers, dont Le rin. Et des roulages, alias la police de la Panoramique, près de la gare centrale, circulation, qui en profitent pour verbaou le complexe Le Mirage de la Funa, liser. Un vrai capharnaüm. Pas de doute, tous dotés d’une piscine, d’un jardin, Kinshasa, la capitale de la RD Congo, de fontaines et d’une salle de sport. Des reste Kinshasa. Seules quelques grandes constructions du même genre, réalisées affiches rendant hommage à feu Étienne par d’autres promoteurs, Tshisekedi, le père de l’actuel existent à la Gombe. président de la République, Autre nouveauté, la rappellent que le régime a vente d’appartements ou changé de camp. Le candide villas sur plan. La frédat malheureux à la présinésie de la construction, dentielle de 2011 et président de luxe ou plus modeste, de l’Union pour la démos’est installée à Kinshasa. cratie et le progrès social, Outre la Cité du fleuve, créée en 1982, personnifie de Hawkwood Properties, la lutte contre la dictature bâtie sur une presqu’île de Mobutu et pour la démod’un quartier populaire de cratie. Situé au carrefour des Limete, plus d’une comcommunes populaires de mune voit fleurir de nouMakala, Lemba et Ngaba, le Hommage à Étienne Tshisekedi, farouche opposant à Kabila et père de l’actuel chef d’État, à Kinshasa, le 31 mai 2019, veaux bâtiments. Alors que rond-point Ngaba n’est pas lors du rapatriement de sa dépouille deux ans après sa mort. l’immobilier est l’apanage le seul lieu à connaître de tion de sauts-de-mouton, l’un des projets des Indiens – réputés pour la qualité de gigantesques embouteillages, surtout du programme des 100 jours du président leurs immeubles et leur architecture – aux heures de pointe. Aucun quartier, Félix Tshisekedi. Si la majorité des Kinois et des Libanais à la Gombe, ailleurs il aucune commune ou presque n’échappe ont du mal à visualiser ces voies de comest aux mains des Chinois. Ceux-ci ont, au phénomène. D’où des déplacements munication, pour n’en avoir jamais vu, ils entre autres, réalisé, avec la Fikin, la qui peuvent dépasser deux à trois heures. saluent cette initiative dans une capitale Cité moderne, et, avec l’État, la résidence Les raisons ? L’étendue sans fin d’une capiqui ne démérite pas son qualificatif de Kin Oasis, à Bandalungwa. Les Congolais tale de quelque 12 millions d’habitants. tentaculaire. Kinshasa ne cesse, en effet, sont aussi actifs dans le secteur. Parmi Voire plus. « Kinshasa comprend 24 comde se densifier et de s’étendre. le genre architectural en vogue figure le munes. On peut tabler sur au moins En matière de constructions de luxe, style nande, du nom de l’ethnie dominante 500 000 habitants pour chacune. Mais la palme revient à la commune huppée dans les territoires de Beni, Butembo et des communes comme Kimbanseke, qui 84

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KENNY KATOMBE/REUTERS

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abrite le quartier populaire de Kingasani, en compte beaucoup plus. C’est une ville dans la ville », indique Jean-Pierre, un cadre congolais. La deuxième raison est le manque de transports collectifs de type tramway ou train urbain. Outre les rutilants 4x4 aux vitres teintées et les voitures des particuliers, le gros des déplacements est assuré par les bus Transco, les minibus Esprit de vie, et surtout des taxis privés, désormais identifiables par leur couleur jaune et leur volant à droite, mais aussi des taxis-bus et des taxis véhicules appelés « ketch » (qui signifie « basket » en argot lingala), en raison de leur forme étroite et ramassée. Sans oublier les motos, qui se sont multipliées comme des petits pains, et les moto-tricycles, surnommés « trois pneus » ou « petita ». L’autre facteur des bouchons est le manque de routes carrossables, malgré l’effort qui a été fait pour bitumer les grands axes, mais qui a laissé de côté les voies secondaires. Néanmoins, la circulation devrait s’améliorer avec la construc-


ALFREDO FALVO/CONTRASTO-REA - DR

Selon l’Unicef, plus de 20 000 enfants errent dans les rues de la capitale.

Lubero, réputée pour le dynamisme de ses commerçants et entrepreneurs : des immeubles de six étages maximum, coiffés de multiples toits pointus. Ce modèle architectural, qui proviendrait de Tanzanie, a fait des petits à Kinshasa. Bien évidemment, les Nandes, qui prospèrent un peu partout dans le pays, ne sont pas les seuls promoteurs congolais dans la capitale. Des projets de grand standing, comme Pool Malebo, vers Maluku, ont été réalisés ou sont en cours de construction au-delà de l’aéroport. En dehors d’une poignée de nantis qui peut accéder à ces logements de grand standing – des îlots de richesse dans un océan de pauvreté –, pour la grosse majorité des Kinois, se loger reste un immense défi. Difficile en effet pour ces derniers, qu’ils soient propriétaires ou locataires, de retaper leur maison, faute de moyens. Seuls des cadres moyens, du secteur public ou du privé, et des enseignants peuvent se permettre d’acheter un terrain à la périphérie de Kinshasa, au-delà de l’aéroport ou à la sortie sud de la capitale, dans le quartier Mitendi. La plupart font appel à des tâcherons pour construire leur maison. Les nouvelles bâtisses s’égrèneraient jusqu’à Kasangulu, dans la province du Kongo Central. D’une manière générale, à l’exception des quartiers chics, le bâti est fait de bric et de broc, faute de plan d’urbanisme et de contraintes architecturales. Un héritage des régimes précédents. Dans les quarAFRIQUE MAGAZINE

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tiers récents, l’urbanisation désordonnée et l’absence de lotissements rendent le quotidien difficile. Le manque d’eau et d’électricité – une constante depuis des années à Kinshasa – devient ainsi plus problématique dans ces lieux. UN BESOIN DE GRANDS PROJETS

Des solutions pour augmenter l’offre énergétique sont à l’étude. Elles sont le fait de sociétés privées, le secteur de l’électricité ayant été libéralisé. Pour preuve, le projet de construction d’une centrale hydroélectrique sur les rapides de Kinsuka, à fleur du fleuve Congo, lancé par Great Lakes Energy en partenariat avec Power China. « L’offre de la SNEL [Société nationale d’électricité, ndlr] à Kinshasa est de 500 MW, et le déficit de plus de 600 MW. En réalité, nous avons besoin d’environ 1 800 MW et d’une électricité de qualité », informe Yves Kabongo, le président du fonds d’investissement KBG Capital. La capacité de la future centrale

À part pour une poignée de nantis, se loger reste un immense défi pour la majorité de la population. Le complexe résidentiel Le Mirage de la Funa, habité par une riche clientèle congolaise et étrangère.


PERSPECTIVES

pourrait être de 900 MW, dont 300 MW pour Kinshasa et 600 MW pour Kolwezi. Les bénéficiaires seront des entreprises. « Nous visons les industriels pour leur solvabilité bien sûr, mais aussi parce que, sans électricité, l’industrie ne peut pas se développer », ajoute l’entrepreneur. D’autres projets portés par des Congolais, notamment de la diaspora, sont en cours de lancement. Si l’environnement des affaires semble plus favorable et le débat plus ouvert depuis janvier 2019, il reste fragile. Hors mines, les investisseurs sont prudents, et l’argent circule peu. Outre un gouvernement, tous attendent un plan de développement stratégique

sur le long terme. « Pour atteindre une masse critique, nous avons besoin de grands projets, en particulier dans le BTP, les seuls susceptibles d’avoir un effet d’entraînement sur le reste de l’économie et de soutenir une vraie croissance. On attend aussi de connaître les grandes lignes du plan du gouvernorat de Kinshasa, qui a été adopté par l’assemblée provinciale », martèle le consultant Al Kitenge. Face à la déferlante indienne et libanaise dans la grande distribution, le commerce spécialisé et l’hôtellerie, des Congolais, de plus en plus décomplexés, réagissent. Pour faire contrepoids aux enseignes étrangères mais aussi aux mar-

chés traditionnels, souvent peu salubres, un projet d’ouverture de 50 supermarchés modernes répondant aux normes sanitaires est en train de prendre forme. « Nous avons mis en place la coopérative Mabele – dont le nom signifie “terre” en lingala –, qui compte déjà 300 membres fondateurs, chacun devant verser 200 dollars pour obtenir ce statut. La structure de Mabele est une pyramide inversée. Selon le niveau, la contribution varie de 200 à 50 dollars. Nos supermarchés proposeront des produits agricoles et maraîchers locaux », indique Al Kitenge. À terme, l’objectif est de renforcer la transformation et, ainsi, de combattre ce que ce Kinois qualifie de « colonisation alimentaire indienne », avec l’importation de produits manufacturés venant principalement d’Asie ou du Moyen-Orient. « Nous produisons des mangues, mais les jus de mangue que l’on consomme proviennent des pays arabes », s’indigne-t-il. Qui dit essor de l’industrie et des services dit création d’emplois et résorption d’une partie de l’immense chômage, devenu la bête noire des Kinois.

Ebola : pas de vent de panique

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’épidémie d’Ebola, qui sévit dans l’est de la RD Congo, a été déclarée « urgence sanitaire mondiale » par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les autorités congolaises appellent au calme et préconisent une plus grande implication de l’OMS dans la lutte contre la fièvre hémorragique, qui a déjà fait plus de 1 600 morts. Kinshasa a ainsi donné un rôle accru à l’un des meilleurs spécialistes mondiaux, Jean-Jacques Muyembe, codécouvreur du virus qui se manifeste souvent en milieu rural. Longtemps cantonné dans l’axe Beni-Butembo, Ebola a fait son apparition en juillet à Goma (Nord-Kivu), où s’entassent plus d’un million d’âmes. Si cela a suscité l’inquiétude des pays voisins, à Kinshasa, à deux heures d’avion, la vie suit (presque) son cours normal. Un dispositif a été installé à l’aéroport international de N’djili, pour une éventuelle prise en charge des cas suspects. « Ce dispositif doit être renforcé. Il faut mettre en place une petite clinique ultramoderne près de l’aéroport, pour une mise en quarantaine des personnes en provenance des territoires à risque », tempère toutefois la docteure Samantha Ekila, qui suit de près cette crise sanitaire. Les vols privés à bord desquels voyagent d’opulents hommes d’affaires n’ont pas cessé entre les deux villes. Et pour le reste, pas grand-chose n’a changé. Sur les principales artères de cette mégalopole, les embouteillages monstres sont visibles aux heures de pointe, les stades accueillent le dimanche des foules friandes de prières ou de sports, qui ne prennent pas de précautions spécifiques, les marchés, les concerts de groupes locaux et les bars des quartiers populaires sont aussi animés que d’habitude. « De nombreux Kinois vivent leur vie sans se préoccuper vraiment de Goma. Ebola ne hante pas les esprits », note le journaliste Eugène Ngimbi Mabedo. Les principaux médias n’y accordent pas non plus une place particulière, alors que sa première apparition dans le pays – et dans le monde – remonte à 1976, et que plusieurs questions restent sans réponse. Mais l’apparente insouciance de la capitale pourrait-elle céder le pas à l’extrême prudence si elle enregistrait sa première victime ? Rien n’est moins sûr. ■ J.-J. Arthur Malu-Malu

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UN NOUVEAU CHEF DE L’ÉTAT

Selon Al Kitenge, l’emploi formel, c’est-à-dire déclaré, avec contrat de travail et sécurité sociale, ne concernerait que 5 % de la population active. Les employeurs « réguliers » seraient principalement l’armée, la police et l’agence nationale de renseignements. Le chômage s’ajoute donc aux multiples difficultés (logement, transport, santé, éducation, eau, électricité…) que rencontrent la majorité des habitants de la capitale. Ainsi, ceux qui ont voté pour Martin Fayulu, le candidat de la coalition Lamuka soutenue par Moïse Katumbi, ex-gouverneur du Katanga, et Jean-Pierre Bemba, président du Mouvement de libération du Congo, ont certes contesté les résultats électoraux, jugés truqués, mais la réalité du quotidien a pris le pas sur les revendications. Beaucoup d’entre eux ont d’ailleurs fini par reconnaître Félix Tshisekedi comme président, élu le 30 décembre dernier avec 38,57 % des I

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suffrages exprimés, selon la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Et parmi eux, certains ne mettent pas en doute la volonté du nouveau chef de changer les choses dans le bon sens. Quant à la vague anti-Balubas, qui avait enflé après les élections, elle a perdu de sa vigueur. À intervalles réguliers, les Balubas, une ethnie majoritaire dans les Kasaï – à laquelle appartiennent les Tshisekedi –, font l’objet de rejets. On leur attribue divers maux (tribalisme, volonté d’hégémonie, etc.). Des craintes infondées, réactivées à l’arrivée de Félix Tshisekedi à la tête du pays. Puis, au fil des jours, les peurs ont perdu de leur acuité. Le plus important était de barrer la route à Emmanuel Ramazani Shadary, le poulain du président sortant Joseph Kabila, qui a régné sur la RD Congo de 2001 à 2018, mais qui, sous la pression populaire, n’a pu se concocter un troisième mandat. Tout sauf Shadary, telle était la conviction du plus grand nombre ! Néanmoins, les Kinois n’ont pas donné carte blanche au nouveau président. « On observe Félix et, dans cinq ans, aux prochaines élections, on votera pour ou contre lui, en fonction de son bilan », souligne Thérèse, une jeune Kinoise. Ainsi, qu’ils aient voté pour Tshisekedi ou pour Fayulu, tous sont d’accord pour poursuivre les marches citoyennes, afin de faire passer des messages aux autorités. « Il faut que la société civile maintienne sa pression sur les institutions pour imposer une bonne gouvernance et exiger l’application stricte des droits humains et du droit des affaires », insiste Al Kitenge. Les exigences portent aussi sur davantage de débats citoyens pour informer, réfléchir, être à l’initiative de propositions, et ne plus laisser la parole aux seuls politiciens.

JOHN BOMPENGO

DES LOISIRS AU BEAU FIXE

Les Kinois ne seraient plus kinois s’ils avaient renoncé à la musique et aux ambiances festives. Après la longue période préélectorale tendue, durant laquelle il était périlleux de sortir la nuit, le divertissement a repris ses droits, avec une préférence pour les discothèques et AFRIQUE MAGAZINE

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Une nouvelle génération émerge, dont Robinio Mundibu (à droite), proche de Fally Ipupa (à gauche).

les bars avec terrasses. Les plus en vogue sont le Staff Tchetche, le Température 40° et le Dos d’âne à Lemba, le Margareth Airways à Mont Ngafula ou encore le Métro Bar à Bandal, qui ne désemplissent pas de 19 heures à l’aube. Dans le domaine musical, plusieurs changements sont notables. Si les têtes d’affiche restent Fally Ipupa, Ferré Gola, Werrason, Zaïko Langa-Langa et Koffi Olomidé, une nouvelle génération de vedettes défie les grands : Robinio Mundibu, DJ Dida Master, DJ Amaroula, Gaz Mawete ou Innoss’B. Le ndombolo n’a certes pas (encore) été détrôné, mais une musique urbaine, mélange de R’n’B et de hip-hop, émerge. Des chorales religieuses de bon niveau s’imposent aussi. Et la tendance est à la création de sortes de maisons de production chapotées par les grands. Ainsi, Olomidé a créé le label Koffi Central et Fally Ipupa produit des artistes via F Victeam. Les paris sportifs, nouveau gagnepain des sans-emploi et des faibles revenus, sont en pleine expansion. En tête du phénomène, la firme Winner qui a installé, dans nombre de quartiers, des agences reconnaissables par leur façade peinte en bleu. Les paris en ligne se développent aussi. Et la marche ainsi que la gymnastique en salle sont d’autres hobbies qui s’étendent dans les quartiers populaires. Le football, quant à lui, attire les jeunes de 7 à 17 ans. Pour preuve, depuis 2016, Kinshasa abrite la deuxième académie de foot au monde avec 1 000 adhérents, der-

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Les Kinois ne seraient plus kinois s’ils avaient renoncé à la musique et aux ambiances festives. rière celle de Qingyuan, en Chine, qui en aligne 2 600. Son centre d’entraînement, volet commercial du projet Ujana, dont l’Athlétic Club Ujana a formé des footballeurs célèbres comme Lema Mabidi, est situé à deux pas du stade Tata Raphaël, à Matonge. Sont également très tendance les barbichettes et les tenues aux couleurs vives inspirées des habits de scène des musiciens branchés, les collants slim et les minijupes pour les demoiselles, et les tatouages et piercings pour les deux genres. Bien évidemment, les réseaux sociaux ne sont pas étrangers à ces modes, qui font vibrer la jeunesse de la belle, rebelle, créative et abyssale Kinshasa. ■ 87


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rencontre

HAFSIA HERZI

« L’AMOUR EST UNE AFFAIRE QUI NOUS CONCERNE TOUS » Enfant de Marseille, fortement maghrébine dans l’âme et le cœur, l’actrice, considérée à ses débuts comme l’étoile montante du septième art, a dorénavant tous les atouts d’une talentueuse cinéaste. Rencontre avec celle qui signe son premier long-métrage, Tu mérites un amour. propos recueillis par Fouzia Marouf, photos d’Amanda Rougier pour AM AFRIQUE MAGAZINE

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ntière, passionnée, Hafsia Herzi a traversé d’un pas affirmé plus d’une décennie de cinéma en incarnant dans l’Hexagone, au Maghreb et outre-Atlantique plusieurs rôles marquants, qui lui collent encore à la peau. Fidèle à sa famille d’auteurs, Abdellatif Kéchiche, qui l’a révélée en jolie môme butée dans La Graine et le mulet en 2008 (pour lequel elle a reçu le César du meilleur espoir féminin), et Sylvie Verheyde, qui abordait la prostitution dans Sex Doll en 2016, l’actrice a su s’imposer sur la scène cinématographique. Elle présente aujourd’hui avec aplomb Tu mérites un amour, son premier long-métrage, présenté à la Semaine de la critique lors du 72e Festival de Cannes. Pur bijou aux éclats bruts, explorant la complexité des rapports hommes-femmes, il sortira dans les salles françaises en septembre prochain. Rencontre. 89


RENCONTRE

AM : Comment est née l’idée de Tu mérites un amour ? Hafsia Herzi : C’est une envie qui couvait en moi depuis de nom-

breuses années. J’ai toujours voulu réaliser un long-métrage, j’aime jouer, écrire. Adolescente, dès que j’ai eu un ordinateur, j’écrivais des nouvelles et je ne m’en lassais pas. Je me souviens qu’à cette époque, j’avais une passion pour les scènes dialoguées. J’aime observer ceux qui m’entourent, les passants dans la rue, la société, et j’avoue être très sensible aux différentes personnalités, notamment féminines. Tu mérites un amour est le fruit d’un fort désir de cinéma. Je me suis levée un matin avec une pulsion, celle de tourner dans l’urgence, à l’arrache. Je me suis dit que c’était maintenant ou jamais. J’avais l’habitude de voir beaucoup d’argent dépensé pour rien, lors de certains tournages auxquels je participais en tant qu’actrice. J’avais dit à Abdellatif Kéchiche : « Un jour, je vais faire un film sans argent. » J’avais déjà un premier projet de scénario abouti, Bonne mère, dédié à ma mère, mais j’étais en attente de financements. Et j’avais suivi la voie classique pour la réalisation de mon premier court-métrage, Le Robda. Le projet lié à Tu mérites un amour sommeillait dans mes tiroirs depuis longtemps, et la volonté effrénée de le mener a bien coûte que coûte l’a emporté. Pourquoi avez-vous choisi le quartier de Belleville comme décor ? Est-ce pour sa diversité ?

Oui. J’avais envie de montrer un Paris cosmopolite. Belleville me rappelle le Maghreb dans toute sa richesse : la Tunisie, le Maroc et l’Algérie. La plupart des Bellevillois m’y ont toujours bien accueillie, et c’est, de plus, un quartier d’artistes, celui d’Édith Piaf ou de Django Reinhardt. La rumeur de la rue révèle une dimension particulièrement vivante, comme à Marseille dont je suis originaire. Nous ne sommes pas habitués à voir cela dans le cinéma français aujourd’hui, cette énergie très chaleureuse. On y perçoit un élan et une dynamique à chaque instant : ça bouge, ça grouille de vie, ça parle arabe, chinois ou encore japonais ! La thématique de Tu mérites un amour aborde en creux plusieurs aspects de la société française, comme la rupture amoureuse, les rapports hommes-femmes, les couples mixtes…

Je souhaitais raconter une histoire simple par le biais d’un film rêveur, en partant de quelque chose qui nous touche et nous concerne tous, l’amour. J’ai constaté que beaucoup de personnes éprouvent de la honte à se confier au sujet de leurs peines de cœur, je voulais briser cette pudeur, et le cinéma existe aussi pour procurer du bonheur à tous les publics. J’ai le sentiment qu’il n’est pas aisé de s’exprimer et de se livrer à la suite d’un profond chagrin et à l’incessant questionnement provoqué par les ruptures amoureuses que l’on est amenés à vivre dans la vie. J’aime de plus les échanges très volubiles, 90

« J’avais besoin de m’entourer de gens qui sont généreux au quotidien. Quelqu’un qui ne l’est pas dans la vie ne donnera rien à l’écran. » dus au côté méditerranéen de nombreux individus, dans la veine de Marcel Pagnol. C’est pour cela que j’ai passé énormément de temps en amont avec les acteurs, afin de mieux les connaître, de percevoir leur personnalité, d’instaurer peu à peu un climat de confiance, car je tenais à insuffler une belle harmonie. J’aime le mélange, j’ai donc fait appel à des comédiens confirmés et non professionnels. Pour moi, il était important de réunir des personnes motivées et talentueuses, qui donneraient tout face à la caméra. C’est pourquoi j’avais besoin de m’entourer de gens qui sont généreux au quotidien, quelqu’un qui ne l’est pas dans la vie ne donnera rien à l’écran. Vous êtes actuellement à l’affiche de Persona non grata, un polar en salles depuis le 17 juillet dernier, réalisé par un acteur également cinéaste, Roschdy Zem.

Ce long-métrage est le fruit d’une belle rencontre humaine avec l’un des meilleurs acteurs et réalisateurs de sa génération. J’ai adoré travailler sous la direction de Roschdy Zem, je me suis totalement laissée porter, car je me sentais en pleine confiance avec lui. Il est d’une rare douceur et d’une vraie gentillesse, et il aime réellement les acteurs. C’est important de se sentir aimée pour une actrice. Il a tenu à définir son casting lui-même et il y est parvenu, ce qui n’est pas évident, car bien souvent, la société de production l’impose au réalisateur. Revenons à Tu mérites un amour. Vous y donnez la réplique à Anthony Bajon, jeune espoir français du 7e art depuis La Prière, de Cédric Kahn. Comment s’est passée votre première rencontre ?

Anthony Bajon est l’un de mes coups de cœur artistiques depuis son impressionnante prestation dans La Prière. Il est doté d’une extrême sensibilité. Je l’ai rencontré au Festival du film de Cabourg, lors de la présentation de Mektoub My Love : Canto Uno, en présence d’Abdellatif Kéchiche. Anthony et moi AFRIQUE MAGAZINE

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RENCONTRE

mon film, j’ai mis neuf mois à le faire [sourire]. C’est comme si c’était mon enfant, je vais également le quitter un temps, sa sortie approche – à la rentrée –, et elle est chargée d’une forte émotion.

avons une grande complicité, nous n’avons pas besoin de nous parler, on se comprend d’un regard et on se ressemble. Dès que je lui ai proposé de jouer dans mon film, il a accepté. C’est un acteur pétri de talent et habité par la passion, je lui prédis une très belle carrière.

Vous étiez présente au dernier Festival de Cannes en tant que réalisatrice de Tu mérites un amour, présenté à la Semaine de la critique, et en tant qu’actrice dans Mektoub My Love : Intermezzo, d’Abdellatif Kéchiche. Parlez-nous de leurs accueils…

Les personnages féminins sont prédominants dans votre film, insoumis, révélant de forts tempéraments. Vous êtes-vous inspirée des femmes de votre famille ?

Oui. À commencer par ma mère originaire d’Algérie, qui a élevé seule quatre enfants après la mort de mon père. Elle s’est sacrifiée pour ses petits. Lorsque l’on est plus jeune, on pense que les adultes autour de nous sont invincibles, puis le temps passant, on prend conscience de la dureté de la vie. J’ai perdu mon père très jeune, et ma mère n’a pas souhaité refaire sa vie. J’ai grandi avec le souvenir de sa dignité, de sa force et de son courage, je me suis toujours dit que je n’avais pas droit à l’erreur ni de me plaindre. Je voulais mettre en scène des femmes à la fois fortes et traversées de douceur, à l’image de mes tantes, des femmes qui font preuve de patience et prennent sur elles. Chez nous, une femme se doit ◗ Tu mérites d’être forte. un amour, d’Hafsia

Je n’oublierai jamais la présentation de mon film à Cannes, je le voyais sur grand écran pour la première fois. J’ai été submergée par une grande joie et une vive émotion, d’autant qu’il a fallu finaliser les derniers détails. Le public a été très chaleureux, et j’ai pleuré à la fin des deux projections, pour

filmographie sélective Herzi (2019) ◗ Persona non grata, de Roschdy Zem (2019) ◗ La Graine et le Mulet, d’Abdellatif Kéchiche (2007)

Non. Mon long-métrage traite de l’amour, et il me tenait à cœur de mettre en lumière d’autres formes d’union et d’expression amoureuse, hors du cadre du couple traditionnel. Les libertins nous rappellent qu’ils s’aiment simplement, en toute liberté, selon un autre mode, et le personnage principal, Lila, se cherche encore après une rupture subie, elle est plus en demande de tendresse que de sexualité. L’amour à trois a toujours existé, c’est un beau tableau à évoquer, et en tant que réalisatrice, je me refuse à toute forme d’hypocrisie. Vous parlez beaucoup d’amour dans votre film, et vous, êtes-vous amoureuse en ce moment ? Avez-vous envie d’avoir un enfant ?

Oui. Je suis très amoureuse et je suis en couple, les choses se passent bien. J’aimerais avoir un enfant, fonder une famille, car c’est important pour moi, et j’y pense actuellement. J’ai envie de transmettre mes valeurs à mes enfants. J’ai juste peur de prendre du poids, et j’ai conscience que devenir maman est une véritable responsabilité. Mais pour l’heure, je suis encore très habitée par l’envie de mener à bien mes projets professionnels et d’aller au bout de ce que je veux faire. Je fais le lien avec 92

mon film et pour celui d’Abdellatif Kéchiche. J’étais évidemment plus détendue lors de la présentation de Mektoub My Love : Intermezzo, qui a été bien accueilli, car j’avais passé le plus dur, en tant que cinéaste. Que vous inspire la polémique autour de ce dernier, Mektoub My Love : Intermezzo, dans la presse parisienne ?

Abdellatif Kéchiche est un battant, qui s’échine à réaliser ses films depuis de nombreuses années. Il tient fermement à sa liberté et se relèvera toujours. Il est visionnaire et profondément passionné, son art s’inscrit dans la création pure. Cette nouvelle polémique m’attriste pour lui, car je sais qui il est : un homme adorable et entier qui fait ses films tranquillement dans son coin. C’est tellement difficile de faire un long-métrage dans l’industrie cinématographique… Je ne comprends pas cette polémique, car je le répète, Mektoub My Love : Intermezzo a été bien accueilli à Cannes. AFRIQUE MAGAZINE

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Vous montrez aussi des femmes libres, notamment vis-à-vis de leur sexualité. Craignez-vous les réactions conservatrices ou teintées de pudibonderie, concernant la scène de libertinage ?


Vous avez joué dans son film multicésarisé La Graine et le Mulet, qui vous a révélée en 2008 et vous a valu le César du meilleur espoir féminin. Diriez-vous qu’Abdellatif Kéchiche a été déterminant dans votre parcours ?

Oui. Je lui dois beaucoup. Il m’a donné ma chance et m’a toujours encouragée lorsque je lui montrais mes idées de scénarios, il me disait : « Continue, crois en toi, même si tu n’as pas fait d’école de cinéma ! » Je souhaitais qu’il voie mon film, mais il était très occupé avec la préparation et surtout le montage de Mektoub My Love : Intermezzo. Il a vu des extraits et s’est montré très fier, ça m’a beaucoup touchée. Comment vous évadez-vous ?

Je fais du sport, car j’aime sentir l’effort physique que j’impose à mon corps, c’est très important pour ma force mentale. Je me lève à 6 heures du matin et je vais à la salle de sport. J’aime aussi la nature et les arbres, qui selon moi sont vivants et nous apportent énormément. Dès que j’ai un peu de temps, je Avec Abdellatif vais à Marseille, afin de passer du Kéchiche, pour Mektoub My Love : temps auprès de ma famille. Il y Intermezzo, a un endroit emblématique que au dernier j’affectionne particulièrement : la Festival de Cannes. basilique Notre-Dame de la Garde, où tout le monde va prier. J’y vois des Arabes, des Noirs, des femmes voilées, des non voilées. Chacun est là pour soulager son cœur.

« Je vais aller réaliser mon deuxième film, Bonne mère, dans les quartiers nord de Marseille, car j’ai ce devoir. »

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Que retenez-vous d’autre de Marseille, votre ville de cœur ?

Mon enfance et mon adolescence, très heureuses dans les quartiers nord. J’y ai grandi entourée de mes frères et sœurs et d’amis que j’ai encore aujourd’hui, même si pour eux, la vie n’est pas toujours facile. Ce sont des liens de fraternité, de solidarité très forts. Tout le monde se connaissait. Le fait de vous en parler me rappelle ma volonté d’aider ma mère, qui travaillait dur, de me fixer très tôt des objectifs afin de la soulager. J’ai conscience des tentations qu’il y avait dans cette zone laissée à l’abandon par les pouvoirs publics, la police n’entre même plus dans certains endroits. Je vais aller y réaliser mon deuxième film, Bonne mère, car j’ai ce devoir. Je dois le faire pour ma communauté et les gens qui y vivent dans une vraie précarité – le 15 du mois, le frigo est vide. Mais heureusement, il y règne de la joie, de la chaleur humaine, la force de la vie reprend le dessus envers et contre tout. J’ai envie de faire tourner les jeunes et de leur donner leur chance à mon tour. J’ai déjà repéré une jeune femme à un arrêt de bus. Les visages maghrébins et africains racontent instantanément une histoire forte. Cela me renvoie à mes liens forts avec le Maroc, l’Algérie. AFRIQUE MAGAZINE

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Si vous pouviez vivre ailleurs, ce serait dans quel pays ?

La Tunisie. J’y aime la douceur, le rythme, la tranquillité. J’y retrouve la sérénité et l’apaisement dont j’ai besoin pour me ressourcer. Je vais à la plage et je mange de délicieuses glaces, je fais les puces et je fréquente le quartier qui s’appelle La Hafsia, à Tunis [rires]. La lumière me fait également du bien. C’est surtout le pays de mon père, et une réelle façon de m’en rapprocher. Je suis très heureuse d’y présenter Tu mérites un amour aux prochaines Journées cinématographiques de Carthage en octobre prochain, dans la capitale, dans laquelle j’ai souvent été amenée à tourner avec Raja Amari, Mehdi Ben Attia. Ensuite, il sortira en Égypte, ainsi que dans d’autres pays du Maghreb et d’Europe. ■ Tu mérites un amour, d’Hafsia Herzi, sera en salles en France le 11 septembre prochain.

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interview

MATI DIOP

« UNE VICTOIRE À LA FOIS MIENNE ET COLLECTIVE »

Elle tient de son oncle, le cinéaste Djibril Diop Mambéty, et de son père, le musicien Wasis Diop. Avec Atlantique, elle est devenue la première Sénégalaise à être distinguée à Cannes. Sur un thème brûlant d’actualité – l’émigration clandestine –, cette œuvre puissante mêle réalisme et surnaturel.

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propos recueillis par Astrid Krivian

uand l’acteur américain Sylvester Stallone lui remet le Grand prix pour son film Atlantique lors du dernier Festival de Cannes, Mati Diop, ébaubie par sa victoire, déclare avec émotion : « Je suis à la fois ici avec vous et en même temps là-bas. » Soit à Dakar, au Sénégal, où elle a tourné, et à qui elle déclare son amour. Récompensée pour un premier long-métrage – fait rare –, la cinéaste franco-sénégalaise incarne un profil d’habitude peu présent en compétition officielle cannoise : femme, jeune, elle est aussi la première réalisatrice originaire d’Afrique à concourir dans cette section et, ainsi, à effectuer la célèbre montée des marches. 94

Film à la fois poétique et politique, Atlantique se distingue par l’originalité de son intrigue, l’audace de son esthétisme, sa narration surprenante, au croisement des genres (fantastique, policier, romance…). Ancré dans une réalité économique et sociale du Sénégal contemporain, au cœur des problématiques actuelles (l’émigration clandestine, la place des traditions…), il convoque également, de façon inattendue, le surnaturel, la force des esprits. Le pitch ? À Dakar, deux amoureux voient leur histoire empêchée : parce qu’il ne reçoit pas de salaire depuis des mois, Souleiman, ouvrier, décide de rejoindre l’Europe par la mer sur un bateau de fortune, espérant une vie meilleure et sans le dire à personne. Peu après, la fête de mariage d’Ada (promise à un homme fortuné qu’elle n’aime pas) est ruinée par un mystérieux AFRIQUE MAGAZINE

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AUDE DE CAZENOVE/GETTY IMAGES

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INTERVIEW

AM : À l’origine d’Atlantique, il y a votre court-métrage, Atlantiques, réalisé en 2008. Vous y recueillez le témoignage de Serigne, jeune Sénégalais, qui vous raconte sa traversée en mer vers l’Espagne… Mati Diop : Il venait juste d’être rapatrié d’Espagne. Malgré la

réussite de sa traversée, une fois arrivé à destination, il n’avait pas pu aller au bout de son rêve. C’était déchirant pour lui. Après une longue absence, je suis arrivée à Dakar en 2008, et j’ai découvert l’émigration massive de ces jeunes Sénégalais vers l’Europe. Je me suis fait happer par ce phénomène. Par l’intermédiaire de mon cousin, j’ai rencontré différents jeunes que j’ai interrogés sur la situation. À travers mon courtmétrage, je souhaitais mettre en lumière le récit unique d’une seule personne. Déjà, à l’époque, l’approche médiatique rendait totalement abstraite et inconsistante la dimension humaine et individuelle. Et en même temps, on était envahis d’images absolument obscènes représentant diverses situations de détresse, des corps noyés, échoués sur les plages. À force de vouloir tout nous montrer, finalement, la surinformation désinforme complètement. Tout le monde pensait parfaitement connaître la situation, savoir ce qu’il se passait. Or, c’était totalement l’inverse ! Ce court-métrage était vraiment une réaction épidermique à ça, c’était comme une réparation pour moi. L’inspiration de votre long-métrage est donc née à ce moment-là ?

Oui. Je commençais alors à faire des films, j’étais témoin de cette situation, et je ne voyais pas ce qu’il y avait de plus 96

important à raconter que ça. Jeune cinéaste, j’ai donc rencontré très vite mon terrain de réflexion et d’engagement. C’est celui-là que j’ai choisi, et qui m’a choisie aussi, je crois. En tant que métisse, ce n’est pas étonnant que je sois aussi habitée par le thème de l’exil de l’Afrique vers l’Europe. J’ai recueilli différents récits de ces jeunes partis en mer. J’avais vraiment besoin de restituer leur réalité, de faire entendre les choses différemment. Je voulais faire résonner l’aventure singulière de Serigne à une échelle plus large, profonde, complexe. Aussi, derrière les raisons de leur départ – la fuite de situations économiques désastreuses –, j’entendais d’autres choses. Un phénomène viral se produisait. Effectuer cette traversée en mer était comme un rite de passage, une manière de devenir un homme. J’y percevais également une forte dimension mythologique. Et je ne pouvais m’empêcher de faire des liens avec l’histoire et la traite des Africains mis en esclavage. C’était troublant de voir ces jeunes Sénégalais quitter massivement les côtes de leur pays pour rejoindre l’Europe, alors que des siècles auparavant, des bateaux négriers partaient de Nantes pour s’approvisionner en esclaves et repartir en Amérique. Extrêmement perturbée par ce qu’il se passait, j’étais donc prise au milieu de ces multiples sensations et réflexions. Mon projet de long-métrage initial était l’adaptation d’un roman norvégien, que j’aurais tourné dans les Alpes. Mais un premier long-métrage, c’est le film qui AFRIQUE MAGAZINE

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OLIVIER BORDE/BESTIMAGE

incendie, et de violentes fièvres gagnent étrangement la population. Empreinte de mystique, cette œuvre figure l’invisible, le lien entre les vivants et les disparus, notamment à travers sa musique, très atmosphérique, et montre l’océan comme un élément inquiétant, funèbre. Dépeignant la jeunesse du pays, c’est aussi un récit moderne d’apprentissage et d’émancipation féminine. Repérés lors d’un casting sauvage dans les rues de Dakar, les acteurs portent remarquablement le film. Par souci de justesse, la réalisatrice les a choisis pour leur connivence avec leurs personnages, « qu’ils connaissent mieux qu’[elle] ». Elle tenait à tourner dans la langue principale du pays, le wolof, qu’elle ne parle pas. À travers le 7e art, Mati Diop explore le terrain de ses origines africaines, confiant qu’écrire le personnage de son héroïne, Ada, était aussi une manière de vivre par procuration une adolescence sénégalaise. Nièce du grand réalisateur Djibril Diop Mambéty, fille d’une photographe française et du musicien Wasis Diop, elle a grandi à Paris, où elle est née en 1982. Formée au Studio national des arts contemporains du Fresnoy, également actrice (notamment chez Claire Denis), elle a réalisé quatre courts et un moyen-métrage, Mille soleils (2013). Avec Atlantique, la citation de son oncle sonne ici comme une prophétie : « Le cinéma a la chance d’avoir l’Afrique pour penser au futur. »


La réalisatrice, entourée de l’équipe d’Atlantique, monte les marches à Cannes.

nous révèle au monde. Ça avait donc beaucoup de sens pour moi qu’il se déroule à Dakar, et je tenais très fortement au choix du wolof. C’était nécessaire d’offrir un film dans cette langue et de l’apporter au cinéma. Il en a vraiment besoin. Comment avez-vous eu l’idée d’introduire une veine fantastique ?

Mon court-métrage était déjà un film de fantômes, d’une certaine manière. Le héros, Serigne, me confiait : « Je suis en train de te parler, mais en fait, je ne suis déjà plus là. Quand on décide de partir, c’est qu’on est déjà mort. » Ces paroles m’ont tellement marquée… Inconsciemment, elles m’ont menée sur la piste du film de fantômes. Une jeunesse qui disparaît revient forcément hanter les vivants. Dans le film, l’océan est non seulement omniprésent, mais aussi actif, c’est un personnage à part entière. Son ressac apparaît comme un mouvement hypnotique inquiétant, qui attire les hommes…

Situé sur une presqu’île [celle du Cap-Vert, ndlr], Dakar est encerclé par l’océan. Depuis n’importe quel endroit de la ville, le regard nous porte toujours vers lui. C’est un appel, qui a certainement dû disposer ces jeunes à l’ailleurs. Personnellement, je crains beaucoup l’océan, je l’ai toujours regardé comme un élément fantastique, appartement à une autre planète. Pour moi, AFRIQUE MAGAZINE

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« Plus les médias trahissent la réalité, plus le cinéma a le devoir d’essayer de la restituer. » c’est comme si ces garçons partaient sur Mars… Ça m’intéressait de rendre l’Atlantique complice de ce fléau. Je l’imaginais aspirant sa jeunesse dans ses tréfonds. Dans la culture noire, l’océan Atlantique est hanté, chargé d’histoires douloureuses, dont celle de la traite. Je pense au poème The Sea is History, de Derek Walcott [dramaturge caribéen provenant de Sainte-Lucie, ndlr], où l’on perçoit l’Atlantique comme un tombeau. Mon film se réfère aussi à la figure d’Ulysse, à L’Odyssée d’Homère. C’était une manière de replacer ces récits contemporains dans une histoire plus ancienne que le sujet d’actualité. Encore une fois, plus les médias trahissent la réalité de ces personnes, plus le cinéma a le devoir d’essayer de la restituer. 97


INTERVIEW

Pourquoi ce choix de ne pas représenter ces naufrages frontalement, mais de les raconter de manière plus subtile, pudique et inattendue ?

On ne peut pas tout représenter, tout filmer. Tout comme l’on ne peut pas se mettre à la place d’un jeune homme qui est dans l’urgence de prendre la mer en risquant sa vie. Mon environnement privilégié ne me permet pas de le comprendre ! Le cinéaste ne doit pas se sentir tout-puissant, penser qu’il peut tout comprendre et tout expliquer. Il faut avoir l’humilité de parler à son endroit. Pour moi, c’est obscène de mettre en scène un naufrage avec des mourants. C’est important de savoir un peu où l’on se situe dans le monde par rapport aux autres. Le cinéma, c’est une question de regard : de quel endroit on le porte, sur qui, et comment ? C’est aussi pour cette raison que j’ai raconté l’histoire, non pas de ceux qui partent, mais d’une jeune femme qui traverse l’expérience de la perte. Quelles autres références ont nourri votre récit ?

Elles sont diverses. Je me suis beaucoup inspirée de la légende allemande du joueur de flûte de Hamelin, racontée par les frères Grimm. Mais également des légendes bretonnes de marins noyés qui viennent hanter les villages, ou encore du film Fog, de John Carpenter… Mes références sont à l’image de mon métissage. Le cinéma permet des croisements, des fusions, des collisions. J’ai choisi d’en faire parce qu’il permet de faire dialoguer des éléments qui, dans la société, le système établi, sont plutôt cloisonnés et que l’on n’encourage pas à se rencontrer. Les jeunes femmes sont possédées par les esprits de leurs amis, frères, et viennent demander justice en leur nom. Parce qu’elles ont aussi leurs combats à mener en tant que femmes, vous dites qu’une fusion des corps et des luttes s’effectue alors…

Je viens justement de parler de fusion et de collision… Avec mon coscénariste, Olivier Demangel, nous avons longuement réfléchi à la forme que prendraient les revenants : seraient-ils de chair et d’os, ou trempés sortant de l’océan ? Finalement, nous avons choisi la possession. C’est un film sur la hantise, avec cette idée que les fantômes prennent naissance en nous, et que nous les faisons revenir par l’esprit. Et puis, la figure des djinns [génies, entités surnaturelles reconnues par le Coran, ndlr], présente dans un pays musulman comme le Sénégal, m’a beaucoup intéressée. À Dakar, on trouve des djinns que l’on appelle « amoureux » : ils entrent à l’intérieur du corps des femmes, la nuit, et leur font l’amour. Cela les empêcherait, soi-disant, de se marier, d’avoir des enfants. Ce sont parfois des légendes retournées contre elles, afin de rendre les femmes coupables de tous les maux du monde, complices du diable. Dans Atlantique, il y a en effet cette fusion des luttes : le patron, Monsieur Ndiaye, ne sait pas que derrière ces femmes, qui viennent réclamer leurs salaires, se cachent ses ouvriers. Et chacun d’entre eux aurait des choses à revendiquer. Atlantique est aussi le récit d’une émancipation féminine, d’une initiation, à travers votre héroïne, Ada.

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«C’est un film sur la hantise, avec cette idée que les fantômes prennent naissance en nous.» En m’inspirant du mythe d’Homère, je me suis intéressée à l’odyssée de Pénélope, plutôt qu’à celle d’Ulysse : la métamorphose d’une jeune fille qui, à travers la perte de l’être aimé, part à la conquête d’elle-même. C’était aussi une façon inconsciente de parler d’une certaine histoire de l’Afrique, ou comment une page sombre peut être un tremplin vers une reconquête plus profonde de son identité. Je suis touchée par les personnages qui incarnent à eux seuls l’histoire d’un pays. C’est mon oncle, le réalisateur Djibril Diop Mambéty, qui m’y a rendue sensible. Dans son film Hyènes (1992), j’ai le sentiment que Ramatou incarne l’Afrique à elle seule. Mon personnage, Ada, traverse une longue nuit, éprouve une grande perte. Et parce qu’elle a perdu son amour, ce qui lui était le plus cher, elle opère finalement une trajectoire plus profonde et lumineuse. C’est également accepter que la mort donne naissance, qu’elle n’est pas forcément une fin. Ce film est peut-être une consolation, une manière de conjurer le sort. Même s’il n’y a aucun sens à trouver à ces morts, à part un constat tragique. Toutefois, en 2012, après cette vague de disparitions en mer, il y a eu un printemps dakarois, un élan vital avec ce mouvement de jeunes citoyens stimulés par le mouvement Y’en a marre. Tout n’était pas perdu. Cette jeunesse qui disait non, manifestait, reprenait son destin en main, elle portait celle disparue en mer… Finalement, ce n’était qu’une seule et même jeunesse. Hormis le couple du film Touki Bouki de votre oncle (Prix de la critique internationale à Cannes en 1973), vous avez manqué de références d’amoureux noirs au cinéma. Avec Ada et Souleiman, vous vouliez raconter une histoire d’amour impossible, un Roméo et Juliette à l’ère du capitalisme sauvage…

Oui. C’est une histoire d’amour entre deux jeunes, rendue impossible par un contexte économique. On me parle souvent de la multitude des genres dans mon film, mais la vie est ainsi faite ! Tout est lié, les choses ne sont pas séparées. Une histoire d’amour peut ainsi être déterminée par des obstacles économiques. Parce que ce jeune homme part en mer, car il n’est pas payé. Parce que cette jeune fille a été éduquée à croire que l’on n’épouse pas la personne que l’on aime, mais celle qui nous élève socialement. Elle va, avec cette perte de l’être aimé, avoir le AFRIQUE MAGAZINE

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courage de choisir Omar, qui va la protéger des difficultés de la vie, ou d’assumer son vrai amour. Dans le Dakar du film, il y a cette tour moderne immense, écrasante, qui se dresse à l’horizon, réalisée en 3D. Que symbolise-t-elle ?

Abdoulaye Wade [ancien président du Sénégal, de 2000 à 2012, ndlr] et Mouammar Kadhafi avaient un projet d’une tour solaire du nom du Libyen, qui devait être la plus haute d’Afrique et abriter des salles de conférences, un hôtel de luxe, etc. Quand j’ai découvert ce projet architectural, c’était au moment où tous ces jeunes quittaient le Sénégal par la mer, à cause d’une situation économique et sociale désastreuse. Au lieu d’investir dans l’éducation et le social, des fortunes étaient dépensées dans une tour de luxe ! Pour moi, elle symbolisait les dérives capitalistes de l’ère Wade. Ça m’a frappé quand j’ai vu la maquette : c’était comme un fantasme en lévitation. Elle est là, omniprésente, et en même temps, elle est comme un mirage. On ne peut pas y croire, tant c’est démesuré. Elle annonce un futur virtuel et incertain. Parce qu’il est impossible, on se jette en mer plutôt que de construire et bâtir l’avenir.

Le musicien et compositeur Wasis Diop, père de la cinéaste.

Cette tour est-elle l’allégorie d’un monument aux morts ?

En effet, au fur et à mesure du film, je souhaitais que cette tour, que l’on regarde au départ en toute objectivité, se transforme peu à peu en monument aux morts. D’ailleurs, la maquette de la tour Kadhafi était une pyramide noire. J’ai trouvé ça très sombre, comme le signe d’un acte manqué… Comme le dit au patron l’un des personnages féminins possédés : « Désormais, quand tu verras ta tour qui touche le ciel, tu penseras à nos corps tout au fond de l’océan. » L’écart entre ces sommets et ces profondeurs est une dynamique qui incarne vraiment le monde d’aujourd’hui : des écarts de plus en plus extrêmes, qui se creusent entre les classes, les gens, les réalités, les mondes. Quel est le lien avec Diamniadio, où vous avez tourné ?

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Diamniadio est une nouvelle ville qui est en train de se construire, en périphérie de Dakar. Ça ne veut pas dire que les ouvriers n’y sont pas payés, mais il y a quand même plein de chantiers à Dakar où cela arrive. C’est d’ailleurs un problème mondial ! Avec leurs mains, leur corps, leur force physique, ces travailleurs construisent des bâtiments, qui vont accueillir ensuite des hommes de pouvoir. Les milieux, les classes sociales sont séparés par le système, mais en même temps, qu’on le veuille ou non, le rapport charnel entre les mondes existe. Et ces bâtisseurs deviennent les fantômes de ces lieux. C’est troublant. Votre film a été couronné du Grand prix au dernier festival de Cannes. Comment avez-vous vécu cette récompense ?

C’est mon travail qui est reconnu, distingué. J’essaie de m’en tenir à ça. Mon film est le résultat de tant de choses que j’avais besoin d’exprimer, de raconter. J’ai fait des choix forts et pris des risques : tourner à Dakar en langue wolof avec des acteurs AFRIQUE MAGAZINE

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qui n’avaient jamais joué, faire confiance à de jeunes productrices dont c’était aussi le premier long-métrage, collaborer avec une musicienne qui n’avait jamais travaillé pour le cinéma. Je suis fière que notre travail et ces choix-là soient reconnus et entendus. Et je suis très heureuse que cela arrive au moment où un nouveau public a émergé pour ce film. J’ai l’impression, du moins je l’espère, qu’il peut parler à différents types de personnes, et c’est important pour moi. Hyènes était le dernier film sénégalais sélectionné en compétition officielle à Cannes, en 1992. Et vous êtes la première réalisatrice noire à y remporter un prix…

Je ne me sens pas écrasée par ces symboles, ce n’est pas un héritage lourd à porter. Au contraire, j’ai la chance d’avoir été très stimulée par les œuvres de mon oncle. C’est une inspiration qui m’a rendue plus ambitieuse aussi, car la barre était haute. Ensuite, être la première femme… noire, métisse, nonblanche… Bon, ces termes me fatiguent à la fin… C’est plutôt triste qu’une telle chose n’arrive qu’en 2019. Il y a vraiment du travail. J’espère que ça va encourager d’autres femmes nonblanches à se sentir moins seules, à leur montrer que c’est possible d’être là. C’est vrai que c’est aussi un premier long-métrage. C’est un message fort pour les réalisateurs de ma génération et un certain type de cinéma aussi. Je suis très contente que ça fasse bouger les lignes. Être en compétition à Cannes en même temps que Ladj Ly [Prix du jury pour Les Misérables, ndlr], c’était très joyeux ! Ça a fait du bien à beaucoup de gens. Donc ma victoire est à la fois mienne et collective. C’est aussi celle du Sénégal, de la France, de ma génération, et celle des femmes… ■ Atlantique, de Mati Diop, sortira au Sénégal le 2 août 2019 et en France le 2 octobre 2019 (Ad Vitam).

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cities

Le phénomène des « villes intelligentes » et connectées se développe rapidement en Afrique. S’appuyant sur les nouvelles technologies, le concept doit rendre plus facilement vivables des agglomérations soumises à une phénoménale poussée démographique. par Jean-Michel Meyer

N

’djamena, le 2 juillet 2019. Le chef de l’État tchadien Idriss Déby a posé la première pierre de l’hôpital Smart Medical City, dans le quartier Karkandjié. Édifié par le consortium turc La Roucci, l’établissement hospitalier abritera 1 000 lits. Haut lieu de la technologie numérique, il sera équipé pour la télémédecine et accueillera de multiples spécialités (cardiologie, néphrologie, etc.), une faculté de médecine, mais aussi un hôtel de haut standing, un centre commercial et des restaurants. Aujourd’hui, tout est smart sur le continent. Portée par les nouvelles technologies, la construction de smart cities hyperconnectées est la nouvelle tendance. On parle même, désormais, de villes afro-smart. « Elles allient innovation, technologie et développement durable, au service de l’économie et de l’épanouissement 100

de ses citoyens », résume le et sociétaux (urbanisation massive cabinet américain Wavestone. et non structurée, forte concentration Venu des pays du Nord dans le but de population dans les villes, etc.). de trouver des réponses aux problèmes Et selon la Banque mondiale, dès 2030, d’urbanisme et de développement près d’un milliard d’Africains durable des villes, le concept a gagné vivra dans des agglomérations. le Sud. Le marché Le phénomène des Le continent mondial des technologies smart cities se concentre connaît un destinées aux cités pour l’instant dans une taux annuel intelligentes s’est envolé, douzaine de pays. Dans passant de 8 milliards de croissance son rapport « Into Africa: de dollars en 2010 à près The continent’s cities of urbaine de 40 milliards en 2016, opportunity », le cabinet de 3,6 %, pour viser les 75 milliards PwC relève que les cités le double de nord-africaines (Le Caire, en 2020. « Dans vingt à trente ans, l’Afrique et Tunis, Alger, Casablanca) la moyenne l’Asie représenteront 70 % sont en avance, mais que mondiale. à 80 % de ce marché », des mégapoles comme Accra, prédit Jean-Michel Huet, associé au Lagos, Abidjan, Nairobi, Johannesbourg sein du cabinet conseil BearingPoint. ou encore Kigali sont aussi très Car le continent connaît un taux annuel performantes grâce à l’émergence de croissance urbaine de 3,6 %, soit d’une classe moyenne connectée. le double de la moyenne mondiale. Rien qu’en Afrique subsaharienne, Il est au cœur de défis démographiques l’Agence française de développement AFRIQUE MAGAZINE

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QUELQUES EXEMPLES DE SMART CITIES NAIROBI Création de Konza Technology City, une ville nouvelle connectée

495 MILLIONS D’HABITANTS EN 2020

1,2 MILLIARD D’HABITANTS EN 2050

ABIDJAN Développement d'un réseau de transports publics connectés

BRAZZAVILLE Développement d'un incubateur d'entreprises

KIGALI Construction de 4G Square, un centre de services Internet

commencent à améliorer l’efficacité du réseau de transports et des télécommunications, à optimiser la consommation d’énergie et le réseau de collecte des déchets, à résoudre des problèmes de santé publique, à renforcer la sécurité dans les villes et même à gérer les catastrophes naturelles. À Abidjan, des chercheurs de la société informatique américaine IBM, par exemple, ont optimisé les transports publics grâce aux données des mobiles, en ajoutant quatre nouvelles lignes de bus, réduisant ainsi le temps de déplacement des citadins de 10 %. En s’appuyant sur les technologies, l’Autorité de la voirie urbaine du Kenya (KURA) entend, elle, fluidifier le trafic avec la mise en place en 2019 d’un système intelligent de gestion du trafic routier, avec des feux de circulation installés aux 100 intersections importantes de la capitale.

(AFD) estime à 25 milliards pour développer des de dollars par an les besoins en projets à fort potentiel investissements urbains. Et si rien technologique, comme n’est fait, la situation deviendra le passage direct au mobile et à la fibre intenable. Car dans ce contexte optique et l’installation de smart grids de forte poussée démographique, [réseaux électriques intelligents qui les défis sont exacerbés : gestion favorisent la circulation d’information de l’espace, de l’eau et de entre les fournisseurs et les l’assainissement, de l’énergie, De jeunes consommateurs, ndlr] pour de la mobilité et des leur gestion énergétique », acteurs transports, de l’habitat, indique le rapport « Des locaux de la santé, de l’éducation, technopoles aux smart de la lutte contre la pollution, émergent, cities, vers un écosystème de l’environnement durable, digital en Afrique » de grâce aux la sécurité publique, etc. BearingPoint. Concrètement, incubateurs À Nairobi, par exemple, les poursuit le rapport, « ce sont installés dans toutes les structures embouteillages coûteraient près de 570 000 dollars par de l’économie et des services les localités. jour en perte de productivité qui s’apprêtent à faire aux entreprises de la capitale. un saut sans précédent dans l’histoire La révolution digitale est de leur développement : m-banking, ainsi présentée comme la réponse état civil numérique, gestion connectée durable. « Plus jeunes et plus de l’eau, transports multimodaux, flexibles que les villes des pays incubateurs de start-up, etc. » développés, les métropoles africaines Avec les données récoltées via les ont de nombreuses opportunités téléphones mobiles, des municipalités 102

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DR - SHUTTERSTOCK

LA POPULATION URBAINE DU CONTINENT EST SUSCEPTIBLE DE TRIPLER D’ICI 2050


THOMAS MUKOYA/REUTERS - MIKE HUTCHINGS/REUTERS

Ce marché a bien sûr attiré les géants mondiaux de la technologie (IBM donc, mais aussi Samsung, Google, Huawei, Intel, Microsoft, Facebook, Orange, etc.). Néanmoins, de jeunes acteurs locaux émergent, grâce notamment aux incubateurs installés dans les villes en question. Lauréate du concours Start-up of the year Africa 2017, la société malgache Mahazava a conçu un kit solaire permettant de charger de petits appareils ménagers, ou d’éclairer l’équivalent de trois ampoules pendant sept heures contre des crédits d’énergie prépayés. Au Ghana, Bitland a élaboré un cadastre numérique et participatif reposant sur la blockchain. Dans les transports, le sud-africain CarTrip offre un service de covoiturage en ligne. Tandis qu’à Lagos, la start-up Wecyclers a développé une flotte de vélos dédiée au transport de déchets vers les centres de recyclage. Toutefois, le phénomène des smart cities n’est pas exempt de critiques ou de craintes. À commencer par le risque d’une trop grande dépendance à des technologies onéreuses. Sans parler de l’obsolescence programmée des équipements ou de menaces de piratage des données. Voire de l’élargissement de la fracture entre les quartiers hyperconnectés, sécurisés, et les plus déshérités. « Ces villes ne reposent pas que sur les technologies digitales les plus sophistiquées, comme la 5G ou les drones. Ainsi, l’échange d’informations pour le transport et l’énergie ne nécessitent pas le haut débit », assure Jean-Michel Huet. Dans le doute, à l’initiative de l’architecte et anthropologue Sénamé Koffi Agbodjinou, se développent à Lomé des WoeLabs, des incubateurs de proximité ouverts aux habitants pour imaginer la ville de demain. « Une sorte de maisons de quartier 2.0 », résume-t-il. ■ AFRIQUE MAGAZINE

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LES CHIFFRES Le projet éolien du lac Turkana, dans le district de Loiyangalani.

175,66%

C’est l’inflation au Zimbabwe, en juin. Elle a atteint son taux le plus élevé en dix ans.

Le Kenya a inauguré le plus grand parc éolien d’Afrique: 365 éoliennes situées dans le Nord, qui produiront plus de 15 % des besoins en électricité du pays.

LE GROUPE DE DISTRIBUTION SUD-AFRICAIN STEINHOFF A ANNONCÉ UNE PERTE DE 356 MILLIONS D’EUROS À LA SUITE D’UN SCANDALE COMPTABLE DE GRANDE AMPLEUR, QUI A PRÉCIPITÉ LA CHUTE DU COURS BOURSIER.

2,3 MILLIARDS D’EUROS Ce serait le marché potentiel annuel du digital dans le secteur agricole en Afrique subsaharienne (drones, capteurs, données, etc.).

Markus Jooste, ancien PDG de Steinhoff.

Avec 8,957 milliards de dollars (sur 43,1 milliards de dollars alloués par les grandes banques multilatérales de développement en 2018), l’Afrique subsaharienne est le premier bénéficiaire du financement pour le climat.

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BUSINESS Vague de privatisations en Angola

Miracle au Mozambique

L’aéroport de Luanda.

Les réserves de gaz enfin exploitées.

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ndustrie, mines, télécommunications, agriculture, finances, transports, tourisme… Peu de secteurs échapperont à la déferlante de privatisations qui doit toucher plus de 190 entreprises publiques, dont 32 nationales. Ce chantier inégalé a été annoncé fin juin par Patrício Vilares, coordinateur adjoint du Comité technique de la privatisation rattaché au ministère des Finances. L’objectif ? « Améliorer le secteur productif et offrir des conditions concurrentielles aux sociétés qui ont le plus d’impact sur l’économie nationale », a-t-il indiqué, sans préciser de calendrier ni l’identité des premières entreprises concernées. En mai déjà, le gouvernement annonçait la privatisation d’aéroports d’ici à la fin de l’année, afin d’en améliorer la gestion et d’augmenter le trafic, évalué à 3,6 millions de passagers

par an. Un appel d’offres international aurait été lancé, mais rien n’a filtré des infrastructures ciblées. Cette vague s’inscrit dans la volonté du président João Lourenço de relancer l’économie, frappée par la récession depuis la chute des cours du pétrole en 2014. Et si la croissance du PIB est attendue à 2,8 % en 2019, grâce à la hausse des cours du brut, la dette publique est, elle, passée de 40,7 % du PIB en 2014 à 80,5 % en 2018. Selon la secrétaire d’État au Trésor Vera Daves, les besoins en financement du pays dépasseraient les 11 milliards de dollars cette année. D’où le recours à un train de privatisations. « On entre dans une nouvelle ère », s’est félicité Guido Brusco, vice-président exécutif pour l’Afrique subsaharienne de la société italienne d’hydrocarbure ENI. ■ J.-M.M.

La Tanzanie dit non à la Chine La construction du port de Bagamoyo est suspendue.

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a cité de Bagamoyo restera-t-elle une station balnéaire ? C’est ici, à 75 km au nord de Dar es Salaam, que se sont construits depuis 2015 un port, pièce maîtresse de la nouvelle route de la soie de la Chine, et une zone économique spéciale. L’investissement est de 10 milliards de dollars, selon l’accord signé en 2013 entre l’ancien chef de l’État Jakaya Kikwete, le futur gestionnaire du port China Merchants Holdings International, et le fonds de réserve de l’État d’Oman. Début juillet, le président John Magufuli a suspendu le projet, accusant les Chinois de présenter des conditions « abusives ». Avant d’ajouter : « Ils veulent que nous leur donnions une garantie de trente-trois ans et un bail de quatre-vingt-dix-neuf ans. » « Ils ne devraient pas nous traiter comme des écoliers et se comporter comme nos enseignants », a déclaré à l’agence Reuters le directeur général de l’Autorité portuaire tanzanienne (TPA), Deusdedit C.V. Kakoko. ■ J.-M.M. 104

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es réserves de gaz offshore du nord du pays, estimées à 5 000 milliards de m3, vont enfin être exploitées. Malgré une insurrection islamiste, qui y a fait 200 victimes depuis 2017, l’américaine Anadarko y a annoncé un investissement de 25 milliards de dollars. « C’est le plus important investissement direct étranger de l’histoire de notre pays », selon le président Filipe Nyusi. Déjà, un autre projet de même ampleur est programmé par Exxon, aussi américaine. Anadarko construira en 2024 une usine de liquéfaction du gaz naturel (GNL) à une quarantaine de kilomètres des puits offshore, à Palma, un ancien village de pêcheurs. Le GNL sera ensuite exporté. D’ici là, l’activité sera passée sous le pavillon de Total, qui a racheté pour 8,8 milliards de dollars les actifs d’Anadarko en Afrique. Pays parmi les plus pauvres du monde, le Mozambique change de dimension. « À partir du début des années 2030, les revenus tirés du GNL atteindront 3 milliards de dollars par an, doublant à eux seuls les revenus actuels », estime le cabinet Wood Mackenzie. Tandis qu’Anadarko promet de créer plus de 5 000 emplois directs et 45 000 indirects. ■ J.-M.M.

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Plus de 190 entreprises publiques sont à vendre.


Zuks Ramasia a été promue directrice générale par intérim, le 10 juin dernier.

South African Airways en apnée La compagnie aérienne sud-africaine cumule les pertes depuis dix ans. Peut-elle encore rebondir ?

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leuron du ciel africain dans les années 1990 et 2000, South African Airways (SAA) est en chute libre depuis une décennie. La compagnie aérienne, qui emploie 11 000 salariés, est au plus mal. SOS pour SAA. Dernier avatar, la démission, le 11 juillet 2019, pour des « raisons personnelles », de Johannes Bhekumuzi Magwaza, le président depuis deux ans du conseil d’administration. Elle suit le départ surprise du directeur général, Vuyani Jarana, un mois plus tôt. Réputé pour avoir conduit avec succès le redressement des activités de Vodafone en Afrique, ce dernier était arrivé en homme providentiel, fin 2017, pour redresser la compagnie affaiblie par des années de scandales de corruption, de mauvaise gestion et d’interventionnisme de l’État. En juin dernier, Vuyani Jarana avait jeté AFRIQUE MAGAZINE

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l’éponge avec fracas. C’est la directrice des opérations, Zuks Ramasia, qui assure l’intérim. Dans sa lettre de démission, ce dernier fustigeait l’État : « Son manque d’engagement dans le financement de la SAA compromet systématiquement la mise en œuvre de la stratégie, ce qui rend de plus en plus difficile sa réussite », attaque-t-il. « Nous avons pu obtenir un financement d’urgence de 3,5 milliards de rands (225 millions d’euros) auprès de banques locales en guise de crédit relais. C’est ce qui nous a permis de fonctionner de décembre 2018 à ce jour. Ce financement sera épuisé

en juin 2019 », concluait-il, désarmé. Avec près de 50 avions, la SAA possède l’une des flottes les plus importantes du continent, mais la compagnie croule sous une énorme dette, qui a conduit à une sévère réduction de son réseau. Difficile de faire décoller l’activité dans ces conditions. Le transporteur sudafricain n’a pas annoncé de bénéfices depuis 2011 et cumule une dette de 9,2 milliards de rands (591 millions d’euros). Au cours de l’exercice 2017-2018, celui-ci a enregistré une perte record de 5,7 milliards de rands (366 millions d’euros). Elles devraient encore s’élever à 5,2 milliards de rands (334 millions d’euros) au cours de l’exercice 2019 et à 1,9 milliard (122 millions d’euros) en 2020. Selon le plan de relance établie sous Vuyani Jarana, la société a besoin de 21,7 milliards de rands (1,4 milliard d’euros) pour retrouver l’équilibre d’ici 2021. Mais depuis 2012, l’ex-première compagnie aérienne du continent a déjà coûté 30 milliards de rands (1,9 milliard d’euros) aux contribuables sud-africains. Mi-juillet, le ministre des Finances, Tito Mboweni, dévoilait une liste d’entreprises publiques, dont SAA, qui bénéficieront du soutien du compte de « réserve pour imprévus » de l’État. Mais il a aussitôt précisé : « Nous ne pouvons pas considérer un soutien gouvernemental supplémentaire comme un chèque en blanc. » Et puis, qui nommer à la tête de la compagnie ? Les candidats ne se pressent pas. En dix ans, SAA a vu passer neuf DG. ■ J.-M.M.

Avec près de 50 avions, la SAA possède l’une des flottes les plus importantes du continent.

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BUSINESS

Tanger Med, premier

hub portuaire du continent

Avec l’inauguration de son extension, l’infrastructure marocaine a pour objectif de tripler sa capacité annuelle actuelle, soit atteindre 9 millions d’unités. Elle sera alors le plus grand port à conteneurs de Méditerranée et de l’Afrique.

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L’extension Tanger Med II, le 28 juin 2019.

Pour traiter 6 millions de conteneurs supplémentaires en six ans, la nouvelle infrastructure dispose de 2 800 m de quais. Tanger Med II est le premier terminal automatisé en Afrique et le second dans le monde, après Maasvlakte II, à Rotterdam, opéré par APM Terminals, filiale néerlandaise du géant danois Maersk. Des grues, pilotées depuis un centre de commandement, y traiteront des navires de plus de 400 m de long transportant plus de 20 000 EVP. Ce qui réduira les délais d’attente des bateaux et augmentera la productivité des installations. Au total, 88 milliards de dirhams (8,24 milliards d’euros) ont été investis dans le port de Tanger

de dirhams (29,6 milliards d’euros), dont 139 milliards d’exportations (13 milliards d’euros). Le constructeur Renault a, par exemple, fabriqué et exporté plus d’un million de véhicules. Son extension doit tripler la capacité actuelle du port, pour passer à 9 millions d’unités par an. Cet objectif atteint, Tanger dépassera alors ses concurrents espagnols d’Algésiras et de Valence, pour devenir le premier port à conteneurs de la Méditerranée. « J’espère que nous allons ajouter un million d’EVP chaque année. Croisons les doigts pour atteindre la capacité disponible dans les six ans », a déclaré Rachid Houari, son directeur, à l’agence Reuters. AFRIQUE MAGAZINE

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a bataille du détroit de Gibraltar fait rage. S’imposer sur ce point de passage névralgique du commerce mondial, incontournable pour les grandes lignes maritimes Est-Ouest entre l’Asie, l’Afrique et l’Europe, oppose en première ligne les ports marocains et espagnols. Le 28 juin 2019, le royaume chérifien a frappé un grand coup. Tanger Med II, composé de deux nouveaux terminaux à conteneurs, a été inauguré à environ 50 km à l’ouest de la principale ville du nord du Maroc, juste en face de la côte espagnole. Il s’agit d’une extension de Tanger Med I, datant de 2007, et devenu le plus grand port à conteneurs d’Afrique, avec un volume annuel de 3,45 millions d’équivalents vingt pieds (EVP) en 2018, ce qui représente 52 millions de tonnes de marchandises manipulées. Parti de presque rien, le Maroc a investi 1 milliard d’euros dans ce premier terminal, qui a créé 6 000 emplois directs et 70 000 dans les zones industrielles alentours. En une douzaine d’années, Tanger Med s’est connecté à 77 pays et 186 pôles maritimes. Ce qui en fait le 45e port à l’échelle mondiale. Première plateforme d’échanges du royaume, l’installation portuaire a généré en 2018 un volume d’activité de 317 milliards


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depuis le départ, a précisé Fouad Brini, le président de l’Agence spéciale Tanger Méditerranée (TMSA). À elle seule, l’extension a coûté 26 milliards de dirhams (2,4 milliards d’euros), dont 14 milliards de dirhams (1,3 milliard d’euros) de financements publics. Chargé de l’exploitation du terminal marocain pendant trente ans, APM Terminals a investi de son côté 10 milliards de dirhams (940 millions d’euros) dans la nouvelle structure. L’opérateur de terminaux allemand Eurogate et Marsa Maroc ont complété le financement. Mais pour le royaume, la bataille du détroit de Gibraltar est également une manière de renforcer sa présence au sud du Sahara. En effet, sur 90 % du volume de conteneurs opérés à Tanger, 40 % sont en transit vers l’Afrique de l’Ouest, loin devant l’Europe (20 %) et les Amériques (10 %). De fait, le port de Tanger Med s’inscrit dans la « stratégie nationale 2030 », qui consiste à ouvrir le pays aux marchés africains. Pour le président de TMSA, « cette dynamique permettra de contribuer à l’amélioration de la compétitivité logistique du continent africain et de confirmer l’intégration du Maroc dans les principaux corridors logistiques mondiaux, en plaçant Tanger Med, dans un proche horizon, dans le top 20 des ports conteneurs. » Et Faoud Brini président de TMSA d’insister : « Cette infrastructure est d’abord pour le Maroc, mais ce port est aussi un méga hub pour l’Afrique, dans la mesure où il contribue à baisser les coûts logistiques pour le continent. » Selon les autorités portuaires marocaines, en passant par Tanger Med, le temps de transit d’un conteneur en provenance de Chine et à destination d’un pays d’Afrique subsaharienne sera ainsi réduit de dix jours. ■ J.-M.M. AFRIQUE MAGAZINE

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LES MOTS « Pour ce continent, qui peine à décoller, de bonnes politiques sont un élément clé. » DAVID MALPASS, PRÉSIDENT DE LA BANQUE MONDIALE (BM)

« Le temps nous dira si la monnaie commune en Afrique de l’Ouest est une chimère. » CARLOS LOPES, HAUT REPRÉSENTANT DE L’UNION AFRICAINE POUR LE PARTENARIAT ARIAT AVEC L’EUROPE

« Quand l’Afrique commerce entre elle, elle ajoute de la valeur et fait de l’innovation. » VERA SONGWE, SECRÉTAIRE EXÉCUTIVE DE LA COMMISSION ÉCONOMIQUE POUR L’AFRIQUE (CEA)

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« Les Chinois sont là. IIls ont une voix bilatérale très forte. L La question est : comment le les amener à plus d’actions ccollectives bonnes pour la planète eet les hommes ? » R RÉMY RIOUX, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’AGENCE FRANÇAISE D DE DÉVELOPPEMENT (AFD) D 107


BUSINESS Interview

Alain-Richard Donwahi « L’État a mis en place un cadre légal et institutionnel novateur » MINISTRE IVOIRIEN DES EAUX ET FORÊTS

Au fil des années, la forêt ivoirienne a perdu près de 80 % de sa superficie. Un désastre écologique. La cause principale : l’agriculture légale et illégale. Le ministre ivoirien des Eaux et Forêts avance une stratégie ambitieuse, qui vise à la fois la protection du couvert et des terres cultivables. propos recueillis par Ouakaltio Ouattara

AM : La Côte d’Ivoire s’est engagée à reconstituer le couvert forestier à hauteur de 20 % du territoire national. Alain-Richard Donwahi : Pour

permettre d’atteindre notre objectif au cours des trente prochaines années, l’État a mis en place un cadre légal et institutionnel novateur adapté aux nouvelles exigences de gestion durable des forêts. Cette gestion est désormais envisagée dans une approche multi-acteurs, holistique et réaliste. Les efforts devront être fournis par l’ensemble des acteurs que sont l’État, les collectivités territoriales, le secteur privé, la société civile, les populations et les partenaires techniques et financiers. Dans cette perspective, une attention particulière sera accordée à l’investissement privé et au partenariat public-privé. La mise en œuvre de politiques ambitieuses de reforestation nécessite la mobilisation d’importants 108

moyens, qui ne sont pas toujours disponibles au niveau du seul État.

hectare. Ainsi, nous répondons à un double objectif. Préserver la production des agriculteurs et retrouver le couvert forestier. Et aller vers une activité plus productive qui permettra à ces populations de tirer un revenu, sans pour autant détruire la forêt. Ce sont les concessions agroforestières d’aménagement durable (CAFAD).

Comment préserver les intérêts des agriculteurs, y compris ceux qui sont illégalement installés dans les forêts classées dégradées ?

Cette politique de préservation, de réhabilitation et d’extension des forêts, adoptée par le gouvernement en mai 2018, s’inscrit dans une vision globale. Elle intègre les stratégies de développement des autres secteurs d’activité et prend en compte les activités agricoles dans les zones classées fortement dégradées. C’est ce que nous appelons les « agroforêts ». Dans ces périmètres, les communautés pourront pratiquer une agriculture intensive, en utilisant moins de surface, mais avec une meilleure productivité. À cela s’ajoutera une obligation de planter des arbres à l’intérieur de ces plantations, avec un minimum d’une trentaine par AFRIQUE MAGAZINE

Comment vont fonctionner ces agroforêts ?

Ce concept vise, d’une part, à concilier la foresterie et l’agriculture et, d’autre part, à protéger et à étendre le patrimoine forestier résiduel. Cette mise en commun renforcera la maîtrise de la déforestation et contribuera à encadrer les cultures. Notre projet prévoit une catégorisation des forêts classées selon le taux de couverture, afin de mettre en œuvre une gestion différentielle selon les cas. Celles dont le taux de dégradation de la couverture est I

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Le parc national du Mont Péko, à l’ouest du pays, « transformé » de 2012 à 2016 en plantation de cacao illégale.

supérieur à 75 % seront éligibles au concept d’agroforêt. Les chefs d’exploitations occupant des portions des agroforêts sont recensés, identifiés et réinstallés sur des espaces dédiés et aménagés (20 %), à travers un processus de remembrement. Dans ces parties aménagées seront pratiquées l’agriculture intensive et l’agroforesterie. La gestion de ces zones sera assurée par le privé dans le cadre de conventions de concession ayant pour missions, d’une part, d’encadrer les producteurs sur la plate-forme aménagée et, d’autre part, de procéder au reboisement des 80 % d’espaces restants. L’objectif est de maîtriser la superficie occupée en forêt classée par les populations recasées sur la plate-forme, mais aussi de retrouver dans les autres zones (80 %) de la couverture forestière à 100 %, au terme des conventions de concessions agro-industrielles.

DR - PASCAL MAITRE/MYOP

Cela nécessite d’énormes moyens financiers pour un département ministériel pourtant moins nanti…

Nous parlons d’un montant de plus de 600 milliards de francs CFA (914 millions d’euros). C’est l’évaluation que nous avons faite de la mise en œuvre de notre politique sur une période de dix ans. Nous devons donc AFRIQUE MAGAZINE

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mobiliser en moyenne 60 milliards La superficie totale reboisée de francs CFA chaque année. dans le cadre des différentes Évidemment, c’est bien au-delà des initiatives depuis 1926 est estimée moyens du ministère des Eaux et Forêts. à environ 400 000 hectares. Ce bilan L’État a pris les devants est largement insuffisant, en deçà en mettant la main à la poche. des objectifs, comparé au rythme Et ce, depuis l’année dernière, annuel de déforestation, estimé en en permettant à notre département moyenne à environ 200 000 hectares. d’avoir un minimum d’équipement En effet, pour atteindre un taux pour que nos collaborateurs global de couverture puissent faire leur travail, d’au moins 20 % du se déplacer, reprendre la territoire national (soit main en quelque sorte. Mais 6 449 260 hectares), « Nous allons nous comptons aussi sur il faudrait ramener organiser le secteur privé, partenaire le déboisement essentiel de ce grand projet. une table dans les proportions Nous allons organiser de 50 000 hectares ronde d’ici la fin de l’année une par an, et reconquérir des bailleurs, table ronde des bailleurs, parallèlement avec en particulier le soutien avec en 4 628 114 hectares actif des chocolatiers. de couvert à l’horizon 2045. particulier Le cacao fait partie des Clairement, c’est un défi ! le soutien éléments destructeurs de Pour atteindre cet actif des la forêt. Et il est impératif objectif, les ambitions chocolatiers. » du gouvernement sont, de concilier cette culture essentielle pour la croissance dans un premier temps, de notre pays et la protection de le reboisement de 3 170 918 hectares la forêt. L’ensemble des industries dans les forêts classées, au titre du chocolat ont prévu de nous des CAFAD, et le reboisement de accompagner, pour que le cacao 1 457 196 hectares dans le domaine devienne l’ami de la forêt. rural, au titre de l’agroforesterie, de la foresterie privée et Cela apparaît comme communautaire, et de la foresterie un vaste chantier. Quelles urbaine et périurbaine. ■ en sont les estimations ?

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BUSINESS

Zipline survole l’Afrique Fabricant de drones pour la livraison de fournitures médicales, la start-up californienne a bâti sa réussite dans le continent.

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’histoire de cette start-up a quelque chose de singulier. Cet acteur mondial majeur dans la livraison de produits médicaux par drones, fondé en 2014 et valorisé à plus de 1 milliard de dollars, n’a pas forgé son succès dans le ciel américain, mais principalement en Afrique. Dans la lignée de cette stratégie, Zipline vient de lever 190 millions de dollars pour étendre ses services en Afrique, dans les Amériques et en Asie du Sud et du Sud-Est, avec l’intention de servir 700 millions de personnes avec ses drones d’ici cinq ans. « Zipline veut établir un nouveau modèle de réussite dans la Silicon Valley en montrant au monde entier qu’une entreprise de technologie peut contribuer à améliorer

plus rapides », assure Justin Hamilton, le directeur de communication. En avril dernier, Zipline a mis en place au Ghana un premier centre de distribution sur les quatre attendus, à la suite d’un contrat de coopération conclu avec le gouvernement en décembre 2018. D’un montant de 12,5 millions de dollars sur quatre ans, il a pour objectif de livrer des fournitures (médicaments,

la vie de chaque personne sur la planète », s’est expliqué dans un rapport le directeur général, Keller Rinaudo. La société conçoit des drones électriques, qui disposent d’une autonomie de 160 km à une vitesse de croisière de 110 km/h et qui sont capables de transporter en un vol d’une demi-heure en moyenne une charge de 1,75 kg. Ils offrent au personnel de santé, localisé dans les zones reculées, la possibilité de commander des fournitures par SMS et de se les faire parachuter au-dessus des établissements sanitaires. « Le prix de notre service est égal à celui d’une ambulance, d’un camion ou d’une moto. Nous sommes juste beaucoup plus fiables, efficaces et beaucoup, beaucoup

La société collecte du lait local pour développer ses produits.

Une fois les centres de distribution ouverts au Ghana, les appareils effectueront jusqu’à 600 vols par jour.

Une PME sénégalaise modèle

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in juin, 10 nouvelles PME ont été admises au Programme Élite Lounge de la Bourse régionale des valeurs mobilières, destiné à promouvoir des sociétés ouest-africaines et à leur faciliter l’accès aux financements. Seule La Laiterie du Berger représente le secteur agroalimentaire. Située à 450 km de Dakar, la PME fondée en 2006 par le Franco-Sénégalais BagoréXavier Bathily collecte du lait local pour développer ses produits (yaourts, lait, crème fraîche et thiakry, mélange de lait et de mil) et sa marque Dolima. La PME, qui a démarré avec le soutien du fonds Investisseurs & Partenaires (I&P), avant que Danone ne prenne 30 % de son capital en 2008, peut tenter d’attirer de nouveaux investisseurs. Car la concurrence est de plus en plus rude. Avec la suppression des quotas en 2015, la stagnation de la consommation dans l’UE et l’embargo sur les produits russes, de nombreux groupes laitiers européens s’intéressent à l’Afrique de l’Ouest. ■ J.-M.M.

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DR - PATRICK WILLOCQ POUR FETART/BNP PARIBAS

La Laiterie du Berger a été repérée par la BRVM.


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sang, vaccins contre la fièvre jaune, la rougeole, la méningite, etc.) aux hôpitaux du pays. « Personne au Ghana ne devrait mourir parce qu’il ne peut pas accéder aux médicaments dont il a besoin en cas d’urgence. C’est la raison pour laquelle le Ghana lance le plus grand service de livraison de drones au monde », s’est réjoui le président de la République, Nana Akufo-Addo. Ainsi, les appareils (120 quand les quatre centres seront ouverts) effectueront jusqu’à 600 vols par jour (avec la capacité de monter à 2 000 vols), pour desservir 2 000 hôpitaux et centres, dans une zone où vivent 12 millions d’habitants – près de la moitié de la population. Pour élaborer ce réseau, Zipline a travaillé avec l’Alliance globale pour les vaccins et l’immunisation (Gavi), le groupe pharmaceutique Pfizer ainsi que les fondations Bill & Melinda Gates et UPS. La start-up fournit les engins, les systèmes de lancement et d’atterrissage et la logistique (logiciels, suivi, etc.), et emploie une trentaine de personnes au Ghana. Son aventure africaine a débuté au Rwanda en 2016. Les drones y ont effectué plus de 13 000 livraisons, couvrant 65 % des besoins en sang du pays, en dehors de Kigali. « Notre action a permis d’augmenter l’usage de produits sanguins spécialisés ou rares de 175 % et de quasiment éliminer toutes les pertes », se félicite Keller Rinaudo. D’autres projets sont en discussions, comme en Tanzanie, pour installer quatre centres abritant une centaine d’appareils. Toutefois, une flotte de drones ne résoudra pas les carences des systèmes de santé africains. « Les hôpitaux manquent encore de médicaments essentiels. Comment un drone peut-il changer la donne s’il n’a rien à livrer ? », s’interroge un infirmier ghanéen, Kobby Blay, sur son blog. ■ J.-M.M. AFRIQUE MAGAZINE

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SAVOIR-FAIRE

Fehmi Hannachi Directeur général, Bank ABC, Paris

Êtes-vous e-mail, WhatsApp ou téléphone ?

À quelle heure êtes-vous au travail et que faites-vous en premier ?

WhatsApp et/ou e-mail. Cela permet de gérer plusieurs questions en même temps, d’écouter la « contrepartie », de prendre son temps, de mieux penser ses échanges.

Entre 8 h 30 et 9 heures, en fonction des urgences ou des réunions externes matinales. Le café reste la priorité qui lance une bonne journée.

Êtes-vous plutôt réunion ou one to one ?

MBA ou expérience ?

Quelle attitude pour mobiliser ses collaborateurs ?

One to one ! Je crois aux échanges « bilatéraux », francs et décisifs. On perd souvent l’essentiel dans des réunions longues, avec trop de participants. Plus le format est restreint, plus on est efficace. Un MBA est toujours utile (j’en sais quelque chose !), mais rien ne remplace l’expérience, l’expertise de ceux qui ont vécu des succès et ont eu à gérer des crises et à prendre des décisions, parfois difficiles, face à des situations réelles.

Donner envie à ses « troupes » de s’engager dans une aventure collective, où les succès se partagent et valorisent l’ensemble. Et où les revers s’assument collectivement. Même si un chef sait qu’il restera toujours le premier responsable d’un échec.

Plutôt en voyage ou au bureau ?

La clé du succès pour un patron ? Entretenir sa légende personnelle. ■

En voyage, définitivement ! Être au contact des marchés, des clients et des évolutions sur le terrain. Il n’y a rien de pire qu’un leader coupé des réalités et enfermé dans sa bulle confortable. D’autant que la technologie et les moyens de communication rendent la présence physique au bureau assez secondaire.

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Éthiopie

pour deux opérateurs étrangers d’entrer sur le marché pour concurrencer l’opérateur historique amélioreront la qualité et la vitesse du réseau », justifie le ministère des Finances dans un communiqué. « L’amélioration de l’infrastructure numérique permettra également la création d’emplois pour les jeunes éthiopiens. » Pour ouvrir son marché, le gouvernement a étudié des expériences similaires dans d’autres pays. Il a ainsi retenu la démarche du Myanmar en 2013, où 20 offres avaient été présentées pour l’acquisition de deux licences. Les autorités d’Addis-Abeba ont en revanche écarté les solutions de l’Ouganda et du Ghana, qui ont retenu plus de cinq opérateurs, ce qui a nui aux consommateurs, selon les analystes, et altéré la qualité du réseau. « Ils ont trouvé le bon équilibre », relève Andrew Kitson, analyste en télécommunications chez Fitch Solutions, à Londres. « Ils ont décidé que deux nouveaux acteurs plus un opérateur historique appartenant à l’État suffisent pour créer des conditions de concurrence équitables, un marché concurrentiel. » Deuxième plus gros marché d’Afrique, après le Nigeria, l’Éthiopie compte 105 millions d’habitants, avec des taux de pénétration du mobile en dessous de 55 % et d’Internet avoisinant les 20 %, alors que la 4G est déjà lancée dans la capitale. De fait, MTN Group, Vodacom, Orange ou encore Viettel ont annoncé leur intérêt pour ce marché. Toutefois, le retour de tensions politico-ethniques, si elles s’aggravaient, pourrait affecter le processus de privatisation. Elles ont déjà fait plus de 2 millions de déplacés et se sont cristallisées autour de plusieurs assassinats les 22 et 23 juin derniers, qualifiés de « tentative de coup d’État » par les autorités. ■ J.-M.M.

Fin de monopole d’État des télécoms

Le pays doit ouvrir son marché à la concurrence avant la fin de l’année.

A

vec Djibouti et l’Érythrée, l’Éthiopie figurait parmi les derniers pays du continent où le marché des télécoms était monopolisé par l’État. Arrivé au pouvoir en avril 2018, le Premier ministre Abiy Ahmed, qui a abandonné l’idée d’un contrôle de l’économie par le secteur public, a décidé d’ouvrir aux acteurs privés ce secteur stratégique pour l’économie. Signe de ce changement, le 10 juin 2019, le Parlement a approuvé l’ouverture du marché télécoms à la concurrence. Une opération qui doit se traduire

par la vente de 49 % du capital de l’opérateur d’État, Ethio Telecom, avant la fin de l’année. Et, en parallèle, l’attribution de deux licences à des multinationales de la téléphonie mobile en septembre. Trois opérations dont le ministre des Finances, Eyob Tekalign Tolina, attend qu’elles rapportent 2,2 milliards de dollars, affectés à moderniser un secteur « lourd et surchargé ». Mais aussi à revitaliser l’investissement public « à bout de souffle », de l’aveu même du ministre. « La privatisation partielle de l’opérateur public et la possibilité Le gouvernement va vendre 49 % du capital d’Ethio Telecom.

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TIKSA NEGERI/REUTERS

BUSINESS


DR (2) - FRANÇOIS GUENET/DIVERGENCE - DR

LA 7E ÉDITION de la Conférence internationale sur le développement de l’Afrique de Tokyo (TICAD) se tiendra à Yokohama, du 28 au 30 août 2019. À l’initiative du gouvernement japonais, elle est organisée conjointement avec les Nations unies, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), la Commission de l’Union africaine et la Banque mondiale. On attend plus de 4 500 participants (chefs d’États et de gouvernements, entreprises, sociétés civiles, ONG…) pour cette édition 2019. Selon les derniers chiffres de 2015, les échanges commerciaux du Japon avec l’Afrique s’élevaient à 24 milliards de dollars. ■

AFRIQUE MAGAZINE

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9E ÉDITION DU FORUM AFRIQUE EXPANSION, AU CANADA LA 9E ÉDITION du Forum Afrique Expansion aura lieu les 4 et 5 septembre 2019, à Montréal. L’événement accueillera plus de 500 investisseurs, entrepreneurs et décideurs africains et canadiens, qui s’y retrouveront pour nouer des partenariats et discuter des opportunités d’affaires entre le continent et le pays de l’érable. Plutôt présents en Afrique francophone, les investisseurs canadiens s’intéressent à plusieurs secteurs (véhicules de transport, pièces de rechange automobiles, viande, textile, équipements électriques et électroniques, mines, énergie, etc.). ■ Le port autonome de Lomé.

INVEST IN WEST AFRICA LE PREMIER FORUM Invest In West Africa, dédié à l’investissement en Afrique de l’Ouest, se tiendra à Lomé, la capitale du Togo, les 3 et 4 octobre prochains. L’objectif est d’apporter une réponse aux problèmes de l’accès du secteur privé ouest-africain aux financements. Entrepreneurs, investisseurs, organisations régionales et continentales, chefs d’États et de gouvernements, ministres, acteurs de la promotion de l’investissement, industriels, dirigeants bancaires et financiers, fonds souverains, PME-PMI ou encore hauts fonctionnaires sont attendus pour débattre du sujet et trouver des solutions. ■

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LES 21 ET 22 O CTO B R E AU M A R O C, PU I S LES 2 4 ET 25 O CTO B R E AU S ÉNÉGA L

7E ÉDITION DE LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE DE TOKYO (TICAD)

LES 4 ET 5 SEPTEMBRE

par Jean-Michel Meyer

LES 3 ET 4 OCTOBRE

DU 28 AU 30 AOÛT

AGENDA

LES RENCONTRES AFRICA 2019 CETTE ANNÉE, le Maroc et le Sénégal accueillent la 4e édition des Rencontres Africa. Elles se tiendront du 21 au 22 octobre au Maroc, puis du 24 au 25 octobre au Sénégal, et poursuivent ainsi l’effort, engagé avec succès depuis quatre ans, d’alimenter cette nouvelle dynamique économique entre la France, l’Europe et l’Afrique. Elles devraient réunir 5 000 participants, dont 4 000 décideurs africains et 600 dirigeants français à travers des rencontres sectorielles, des conférences, des ateliers ou encore des rendez-vous BtoB… Une vaste rencontre pour répondre aux besoins de contacts d’affaires « effectifs » et accompagner l’Afrique dans le développement des secteurs les plus prometteurs ! ■ 113


Les tendances du marchÊ de la finance Toutes les offres d’emploi en cours

Les innovations qui font la fiertĂŠ du continent

Les sucess story et les clĂŠs de rĂŠussite dans le monde des affaires

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RENAUD VAN DER MEEREN/JAGUAR

en COTE

Abidjan, où les chantiers d’aménagement se multiplient.

D IVOIRE

Vers une croissance durable

Plus que jamais, le pays maintient le cap des réformes avec des projets d’investissements structurants. L’objectif de l’émergence économique doit surtout permettre le développement d’un modèle plus inclusif, au bénéfice de tous les Ivoiriens.


investir en COTE D IVOIRE Développement humain

Repenser le système

L

LE GOUVERNEMENT A FAIT DU DOMAINE SOCIAL ET DE L’INCLUSIVITÉ UNE PRIORITÉ NATIONALE.

ancé en janvier 2019, le Programme social du gouvernement (PSGouv) 20192020 a déjà donné des fruits dès le premier semestre. Celui-ci, d’un coût global de 727,5 milliards de francs CFA, a pour but d’intensifier l’action sociale. Il vise à améliorer le pouvoir d’achat des populations, réduire la pauvreté et renforcer la cohésion sociale. Et il voit large : 156 actions prioritaires, dont 12 projets phares à impact large et rapide. Ainsi, 930 000 ménages bénéficient de la réduction de 20 % du tarif social d’électricité, 75 656 foyers ont été raccordés dans le cadre du Programme électricité pour tous (PEPT), 115 localités ont été mises sous tension… Un record jamais atteint qui laisse entrevoir le futur sous des jours plus heureux. De 350 000 bénéficiaires du Projet des filets sociaux productifs (PFSP) – qui ont perçu une aide de 36 000 francs CFA par trimestre –, ce sont désormais 50 000 ménages supplémentaires, parmi les plus pauvres et vulnérables, qui sont concernés. Le gouvernement ivoirien semble avoir pris toute la mesure des critiques sur l’absence de partage des fruits de la croissance. Il a annoncé l’année 2019 comme celle du social. Et les mesures se sont multipliées, accélérées. Cela s’est traduit notamment par le remplacement de 138 pompes à motricité humaine au niveau rural, l’équipement de 168 forages, la mise à disponibilité de 100 systèmes hydrauliques villageois améliorés, la réalisation de 19 251 branchements sociaux, et le raccordement de cinq localités au réseau public d’eau potable.

AMÉLIORER LA SANTÉ

KAMBOU SIA

L’un des chantiers titanesques reste de restructurer le système de santé national. C’est dans ce cadre que s’inscrit le lancement de la construction du centre hospitalier régional (CHR) Mis aux normes internationales et doté d’équipements ultramodernes, d’Aboisso et la réouverture de l’hôpital général Félix Houphouët-Boigny d’Abobo Nord. Des l’hôpital Félix Houphouët-Boigny actions faites en parallèle de prestations de service offertes à 114 847 étudiants, ainsi que (Abobo) a rouvert ses portes de prises en charge médicales accordées à 30 366 personnes indigentes dans le cadre de la le 21 juin dernier, après un an mise en œuvre de la couverture maladie universelle (CMU). de travaux de réhabilitation.


JACQUES TORREGANO/DIVERGENCE

Vers une croissance durable

32 991 BOURSES

d’études et soutiens financiers

DONNER LES MOYENS DE RÉUSSIR À L’ÉCOLE

Ca acao,, l’u union n fait la forc ce

NABIL ZORKOT

L’éducation supérieure et la formation sont essentielles pour tenir les objectifs de l’émergence. Le gouvernement agit donc en libérant les moyens nécessaires. D’abord, en renforçant les œuvres sociales, avec l’octroi de 32 991 bourses d’études et secours financiers sur l’année 2019. Puis avec l’ambitieux plan de décentralisation des universités, qui compte notamment l’ouverture prochaine de celle de Man (Ouest). Les premières promotions de licence débuteront cette année. La construction des universités de San Pédro (Sud-Ouest) et de Bondoukou (Est) se poursuit. Ces établissements devraient accueillir leurs premiers étudiants dès 2021. Quant à l’épineuse question des logements, elle ne sera plus qu’un mauvais souvenir grâce à la réhabilitation en 2020 des cités universitaires d’Adjamé, d’Abobo 1, d’Abobo 2, de Williamsville, de Vridi, de PortBouët 1 et de Port-Bouët 2. De plus, la Côte d’Ivoire vient de se doter d’un lycée d’excellence à Bassam, opérationnel dès septembre, et destiné aux 1 000 meilleurs élèves du pays. Des réalisations qui amorcent le renouveau du système éducatif.

Prévue pour débuter le 1er octobre, la prochaine campagne cacaoyère devrait connaître une augmentation (entre 100 et 200 francs CFA) du prix bord champ de la fève, fixé initialement à 750 francs CFA le Plus de 3,7 milliards de francs CFA kilogramme. Un premier vont être investis pour soutenir la filière. effet de l’alliance des deux premiers producteurs mondiaux, la Côte d’Ivoire et le Ghana, qui cherchent à coordonner leurs efforts pour imposer Le taux de un prix plancher sur le marché. Avec une transformation d’ici 2020 volonté commune de mieux rémunérer les producteurs. La Côte d’Ivoire enregistre par ailleurs un net progrès dans le broyage des fèves. D’octobre 2018 à fin juin 2019, ces broyages ont atteint 407 000 tonnes. de tonnes de fèves Pour le seul mois de juin, la transformation de fèves a été de 45 000 tonnes, contre 41 000 tonnes un an plus tôt. Quant à la production, elle se chiffre à plus de 2 millions de tonnes. La transformation sur place, source de valeur ajoutée, devrait atteindre 50 % du volume total de la production d’ici 2020. Nul doute que le cacao reste un trésor.

50 % 2

MILLIONS


investir en COTE D IVOIRE Chantiers

Objectif infrastructures AFIN DE SOUTENIR L’ÉMERGENCE, L’EFFORT EN MATIÈRE D’AMÉNAGEMENT RESTE CONSTANT.

«J

amais l’on a vu autant de grues dans la ville d’Abidjan et de machines à l’intérieur du pays », lançait un visiteur assidu de la Côte d’Ivoire. Et pour cause, les chantiers se succèdent au pas de course, faisant passer la production nationale de ciment de 2,5 millions de tonnes en 2015 à 4,5 millions en 2018, avec pour objectif d’atteindre la barre de 9,4 millions de tonnes d’ici la fin de l’année 2019. Il faut répondre à la demande portée par l’accélération des grands chantiers publics (logements sociaux, ponts, bâtiments administratifs) et des nombreux projets privés, notamment dans le secteur des BTP. Les travaux concernent l’intérieur du pays avec, en particulier, la construction de deux nouveaux aéroports et la modernisation de la ligne ferroviaire Abidjan-Bobo Dioulasso. En parallèle, Le quatrième pont doit relier Yopougon se poursuit le programme de bitumage des axes principaux reliant les grandes au Plateau. villes. Le pays, autrefois meilleur réseau routier en Afrique de l’Ouest, compte rattraper le temps passé. Et la capitale économique continue de s’équiper avec un quatrième pont en cours de construction (les travaux d’un cinquième pont ont été lancés en mars) et le chantier du métro, dont la première ligne sera établie d’ici 2023. L’assainissement de la lagune et la réhabilitation de la baie de Cocody sont en bonne voie, avec la mise en valeur de la promenade de Port-Bouët sur 8 km, dans la zone de l’aéroport Félix Houphouët-Boigny. La zone devrait devenir l’une des plus belles plages aménagées d’Afrique de l’Ouest, avec des hôtels, des commerces, des espaces de loisirs.

L’échangeur du carrefour Solibra, dans la commune de Treichville, à Abidjan.

RENAUD VAN DER MEEREN/JAGUAR

KAMBOU SIA (2)

Les travaux de la baie de Cocody.


AM INTERNATIONAL RECRUTE LE GROUPE AM INTERNATIONAL (AMI) est une entreprise média, éditrice du mensuel Afrique Magazine et de son site Internet, Afriquemagazine.com. Nous sommes également présents dans le domaine de la communication, de l’édition et du développement d’activités numériques. Afrique Magazine est un titre leader de la presse francophone internationale et panafricaine, avec une parution ininterrompue depuis 35 ans.

POUR RENFORCER NOS ÉQUIPES, NOUS RECHERCHONS : UN•E RESPONSABLE COMMERCIAL•E, DÉVELOPPEMENT & PARTENARIAT

UN•E JOURNALISTE-RÉDACTEUR EN CHEF

Notre objectif est d’accroître notre présence, de diversifier notre activité et notre chiffre d’affaires.

Notre objectif est d’accentuer et de dynamiser notre capacité à créer des contenus de qualité pour le magazine et le site Internet. Et de travailler notre position de leader de la presse magazine panafricaine.

– Développer directement le chiffre d’affaires de l’entreprise (publicité, communication, digital, événementiel, services…) ; – Rechercher de nouvelles zones de croissance et des nouveaux marchés ; – Participer à l’élaboration de la stratégie de l’entreprise ; – Participer au positionnement de nos produits. C’est un poste de confiance, d’engagement, avec une large autonomie, directement rattaché à la direction de l’entreprise. QUEL EST LE PROFIL IDÉAL ?

Le ou la candidat•e devra être motivé•e, curieux•se, doté•e d’un fort tempérament commercial, d’une grande aisance relationnelle et disponible pour voyager fréquemment. Il ou elle s’organise comme un centre de profit autonome. Il ou elle devra faire valoir une bonne formation commerciale, une solide expérience en matière de développement « terrain ». Une expérience spécifique sur l’Afrique serait un avantage appréciable. La pratique de l’anglais courant est indispensable. La maîtrise d’une autre langue (arabe, portugais, espagnol, chinois) est un atout supplémentaire.

QUELLES SONT LES MISSIONS ?

– Seconder la direction de la rédaction dans l’organisation, la réalisation et la production d’Afrique Magazine ; – Animer les équipes de journalistes salariés ou pigistes ; – Travailler les textes, interagir avec les services maquette et iconographie ; – Écrire, avec possibilité de reportage sur le terrain ; – Participer activement au positionnement rédactionnel du titre et agir pour élargir sa base de lecteurs. QUEL EST LE PROFIL IDÉAL ?

Le ou la candidat•e doit pouvoir justifier d’une solide expérience dans le domaine de la presse écrite ou de l’édition. Il ou elle est curieux•se, autonome, organisé•e. La maîtrise de l’anglais professionnel est fortement souhaitée, ainsi que la pratique des logiciels de publishing. Une connaissance de l’Afrique serait un plus. Le poste s’adresse à un•e candidat•e ayant la volonté de progresser dans le cadre d’une entreprise à taille humaine. Rémunération motivante.

Rémunération motivante : fixe + variable à déterminer selon profil. Les postes sont basés à Paris, en CDI, à pourvoir immédiatement.

Merci d’envoyer vos candidatures par e-mail : zlimam@afriquemagazine.com AFRIQUE MAGAZINE

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LES ANNONCES D’

QUELLES SONT LES MISSIONS ?


MADE IN AFRICA

Attachez vos ceintures, partez en voyage, prenez votre temps

SHUTTERSTOCK - DR

Cette destination est l’une des plus chics d’Afrique de l’Est.

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LAMU, L’ÂME SWAHILIE D É PA R T

Petit bijou de la côte nord du Kenya, cet archipel est un véritable HAVRE DE PAIX à découvrir à pas lents. AUTREFOIS PORT FLORISSANT, l’archipel de Lamu est aujourd’hui l’une des destinations touristiques les plus chics d’Afrique de l’Est. Ici, pas de voitures, le bateau est le seul moyen d’arriver dans la vieille ville, chef-lieu du comté de Lamu. Malgré le tourisme, celle qui est considérée comme l’un des berceaux de la culture swahilie, née du métissage des cultures africaines, indiennes et arabes, n’a pas perdu de son charme. Avec son dédale de ruelles étroites et ses portes sculptées en bois (mieux préservées qu’à Mombasa ou Zanzibar), ce trésor architectural, inscrit au patrimoine de l’Unesco depuis 2001, se visite à dos d’âne, le meilleur moyen pour se déplacer sur place. Véritable petit coin de paradis, l’archipel de Lamu se compose d’une cinquantaine d’îles et îlots, séparés du continent par un étroit canal naturel, lesquels forment un panorama composé de sable fin, de mangroves luxuriantes et d’eau turquoise ponctuée par les voiles des dhows. Ces embarcations traditionnelles, aussi appelées « boutres », sont encore utilisées par des pêcheurs ou des voyageurs voulant se baigner en toute tranquillité sur un banc de sable ou un îlot désert. On peut observer la fabrication de ces boutres dans le village de Matandoni, juste en face de la côte kényane. Parmi d’autres possibles excursions en journée, citons une sortie en bateau le long du delta de la rivière Tana ou une visite guidée des ruines de la ville de Takwa, une cité swahilie des XVe et XVIe siècles située sur l’île quasiment inhabitée de Manda. Et même les plus flemmards n’oseront pas repartir sans avoir plongé au moins une fois sur les récifs coralliens de Kinyika : on peut y nager avec les dauphins et vivre une expérience sensorielle inoubliable. Vous en voulez davantage ? Mettez le cap sur la réserve marine de Kiunga, et vous découvrirez un monde enchanteur, véritable refuge pour les mythiques dugongs et les majestueuses tortues marines. ■ Luisa Nannipieri AFRIQUE MAGAZINE

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LES VRAIES ADRESSES

Peponi Hotel. Hôtel emblématique du village de Shela et de sa plage sauvage de 12 km, le Peponi combine charme et luxe dans un endroit magique, avec ses 24 chambres avec vue sur la mer. Mick Jagger et Jerry Hall sont des habitués depuis les années 1970. Lamu Moonrise Restaurant. Idéal pour un dîner intime à la lumière des étoiles et des bougies. Cuisine swahilie et produits frais de la mer (crabes et langoustes). Manda Bay Lodge. Sur la côte nord de l’île de Manda, installé sur une plage protégée, ce lodge privé comprend 22 bungalows spacieux, où l’on peut se relaxer les pieds dans l’eau. Sanctuaire des ânes. À côté du musée de Lamu, on prend soin des 2 200 ânes de l’île, piliers de l’économie locale. Une visite insolite et pédagogique. Gallery Baraka. Une boutique incontournable où acheter des pièces africaines uniques.

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NEWS

MADE IN AFRICA

Premier décollage de l’Airbus A330neo vers l’aéroport Blaise Diagne, à Dakar, en partance de Toulouse (France), le 31 janvier 2019.

AÉRIEN

LES AMBITIONS D’AIR SÉNÉGAL

CETTE ANNÉE SERA-T-ELLE CELLE DE LA RENAISSANCE d’Air Sénégal, après les échecs des deux dernières tentatives du pays de se doter d’une compagnie publique ? Le gouvernement y croit en tout cas dur comme fer et met en avant les bonnes nouvelles, pour faire oublier les complications au démarrage. En février dernier, la compagnie a enfin lancé sa première route long-courrier entre Paris et Dakar. Quelques mois plus tard, l’opérateur accueillait son troisième Airbus A319, et d’ici la fin de l’année, la flotte devrait compter sept appareils, ce qui lui donnerait les moyens de monter en puissance. Entre-temps, le gouvernement a investi dans la construction de l’aéroport Blaise Diagne et ambitionne de le transformer en hub international. C’est d’ailleurs dans

ce cadre qu’Air Sénégal a renforcé son partenariat avec Air France. Du côté Le président Macky Sall à bord du nouvel appareil. des destinations, l’axe Paris-Dakar reste au cœur de la stratégie d’Air Sénégal, mais elle a consolidé les routes régionales et relie régulièrement Dakar à Abidjan, Bamako, Banjul, Bissau, Conakry, Cotonou, Praia et Ziguinchor. Dans le futur, elle vise les routes intercontinentales à forte rentabilité, avec des vols vers New York, Beyrouth ou encore Londres, mais aussi vers le Brésil et l’Asie via Dubaï. L’objectif pour le gouvernement étant de faire décoller la croissance économique du pays, au vrai sens du terme. ■ L.N.

SPOTLIGHT

ACCOR PARIE SUR L’AFRIQUE. Le géant francais de l’hospitality business

Le Pullman d’Abidjan.

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accentue son effort et cherche à ouvrir dans les prochaines années 60 hôtels dans 14 pays. Principales destinations : l’Égypte, le Nigeria, l’Éthiopie, l’Afrique du Sud… et les mégalopoles à fort potentiel comme Abidjan, où le groupe a relancé sur le mode chic-branché le Pullman du Plateau. Il prévoit trois nouvelles ouvertures d’ici 2021 sur les bords de la Lagune, dont une sous enseigne Mövenpick. ■ Z.L. AFRIQUE MAGAZINE

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AIRBUS H. GOUSSÉ/MASTER FILM - LIONEL MANDEIX - DR

Son plan de DÉVELOPPEMENT semble être sur les bons rails. Une bonne nouvelle pour tout le pays.


ARCHITECTURE

FRANCOIS-XAVIER GBRE

L’hôtel Lepic L’ancienne maison du PREMIER GOUVERNEUR D’ABIDJAN renaît après une opération de rénovation qui conjugue histoire, luxe et simplicité.

AFRIQUE MAGAZINE

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BOUILLONNANTE COMME JAMAIS, la capitale économique de la Côte d’Ivoire voit se multiplier les nouveaux spots chics et branchés, comme le très sélect hôtel Lepic, une maison d’hôtes du quartier résidentiel de Cocody, récemment rénovée par l’architecte Paola Bagna. Ancienne maison du premier gouverneur d’Abidjan, datée de 1980, elle a été transformée en hôtel quatre étoiles à l’abri du bruit de la mégapole. Savant mélange de restauration et d’innovation, les trois villas blanches aux façades épurées qui forment l’ensemble hôtelier allient différents marbres et décoration africaine. Aux meubles contemporains de l’Ivoirien Jean Servais Somian et de l’amoureux du Bauhaus Abderahman Haïdara s’ajoutent d’imposantes pièces vintage chinées sur le continent. Parmi les points forts de l’hôtel, une boutique où chaque pièce a été sélectionnée par le personnel, un restaurant haut de gamme ouvert tous les jours et un bar qui donne sur le jardin luxuriant et sa magnifique piscine en longueur à débordement. ■ L.N. BOUTIQUE HÔTEL LEPIC, Abidjan, Côte d’Ivoire. hotel-lepic.com

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SPOTS

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Nyama Mama

Une chaîne moderne et décontractée pensée pour une clientèle jeune, dynamique et internationale. QUATRE CAFÉS-RESTAURANTS dans le centre de Nairobi et un concept : les classiques kényans servis en version cool. De l’agneau tumbukiza, spécialité épicée du chef, au ragoût de matumbo avec ugali, sans oublier les options végétariennes (comme le sukuma wiki avec des pommes et des radis), chaque plat est accompagné de sauces maison, et les assiettes rivalisent avec celles des meilleurs restaurants en goût et en présentation. À tester : les cocktails Mama, concoctés à partir d’épices et d’infusions locales. ■ L.N. NAIROBI (KENYA). thegoodearthgroup.com/nyama-mama

NIÉBÉ

The Test Kitchen

Prenez place à la meilleure table d’Afrique, selon le jury du World’s 50 Best Restaurants.

PREMIÈRE TABLE ÉLÉGANTE OUVERTE dans le quartier de Woodstock, à Cape Town, il y a neuf ans, le TTK accueille 40 personnes par service. Ses deux salles, l’une sombre, plus intimiste et confortable, et l’autre claire, ouverte sur la cuisine, avec des murs en briques et le sol en béton brut qui lui donnent une allure semi-industrielle, offrent deux expériences sensorielles et gastronomiques distinctes. En harmonie avec l’atmosphère de chaque pièce, les cartes transportent les clients en un voyage autour du monde, avec des plats inspirés des traditions culinaires écossaises, japonaises ou de l’océan Indien, et revisités avec des ingrédients sud-africains, comme l’oryx ou l’abadèche du Cap. À réserver trois mois à l’avance. ■ L.N. 375 ALBERT ROAD, CAPE TOWN (AFRIQUE DU SUD). thetestkitchen.co.za

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DE L’AFRIQUE AUX AMÉRIQUES, le niébé (black-eyed pea en anglais) est un ingrédient incontournable en cuisine. Chez les Yorubas et les Haoussas, ces grains sont même considérés comme sacrés. Cet élément de la soul food est au cœur du projet de la Franco-Ivoirienne Josephine Kodiani et de ses deux associées, aux manettes de Niébé depuis 2016. Dans cette brasserie du 6e arrondissement qui fait du métissage culinaire sa devise, le menu change au fil des mois et l’on y retrouve des beignets, du mafé, du baba ganoush d’aubergine africaine, mais aussi de la feijoada. Attablés en terrasse, les habitants et les employés du quartier se mélangent aux touristes et aux badauds venus goûter des plats qui réchauffent l’âme, servis avec le sourire. ■ L.N. 16 RUE DE LA GRANDE CHAUMIÈRE, PARIS (FRANCE). restaurantniebe.com

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Une brasserie parisienne atypique, qui rend hommage à ce haricot magique sous toutes ses formes.


Le Mpala Jena, au Zimbabwe.

SAFARI

NATURE, CALME ET VOLUPTÉ Les lodges ou les campements cinq étoiles au plus près de la faune et de l’environnement s’imposent comme le nouveau must.

ANDREW HOWARD PHOTO - CAPTURE D’ÉCRAN - DR

NICHÉES AU CŒUR d’une concession privée du parc national du Zambèze, au Zimbabwe, les quatre tentes de toile écrue sont disposées à l’ombre d’arbres centenaires. Chacune dispose d’une terrasse et d’un accès à une piscine privée qui surplombe les eaux calmes du fleuve. Situé à proximité des chutes Victoria, le Mpala Jena (« l’impala blanc »), dans le parc du Zambèze, vient d’intégrer le prestigieux réseau Relais & Châteaux. Et incarne cette tendance forte du tourisme austral et du safari. Des petits formats, du grand luxe respectueux de la nature, qui se fondent dans le paysage, avec un souci fort de préservation, une proximité discrète avec la faune. Autre adresse à découvrir dans le même registre : le Kubili House (« deux » ou « jumeaux », en référence aux enfants des promoteurs), au cœur de la réserve privée de Thornybush de plus de 10 000 hectares, à l’intérieur de l’immense parc naturel Kruger, en Afrique du Sud. Cinq chambres, trois piscines, un spa, une expérience personnalisée et un militantisme affirmé pour la protection de la faune. Évidemment, ce luxe discret et étudié, cette intimité avec la nature, a un prix. Généralement élevé. ■ Z.L. MPALA JENA, Zimbabwe. greatplainsconservation.com/portfolio/mpala-jena KUBILI HOUSE, Afrique du Sud. kubilihouse.com

LE LUXE SELON AIRBNB La plate-forme inaugure un NOUVEAU SERVICE haut de gamme. EN JUIN DERNIER, Airbnb a lancé son service destiné aux voyageurs très fortunés. Plus de 2 000 maisons spectaculaires autour du monde, dont 54 au Cap et 24 à Marrakech, ont été sélectionnées sur plus de 300 critères, en matière de design et d’équipements. Réserver sur Airbnb Luxe permet d’être mis directement en relation avec un organisateur de voyages qui s’occupera de tout pendant le séjour. Qu’il s’agisse de réserver une table dans un restaurant étoilé ou de trouver une nounou à la dernière minute. ■ L.N.

QUAND LES GRANDS CHEFS S’ENGAGENT

La gastronomie durable s’installe à l’Heure Bleue Palais, dans la médina d’Essaouira. Ahmed Handour, aux fourneaux du restaurant de l’établissement cinq étoiles, prend soin d’utiliser des ingrédients « kilomètre zéro ». Parmi ses spécialités, le tajine de congre aux raisins secs et cannelle ou le tagra de poulpe cuit à la vapeur. De la slow food qui fait du bien à la planète. ■ L.N.

HEURE BLEUE PALAIS, Essaouira (Maroc). heure-bleue.com AFRIQUE MAGAZINE

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VIVRE MIEUX Pages dirigées par Danielle Ben Yahmed, avec Annick Beaucousin et Julie Gilles

CES FORMIDABLES PROGRÈS DE LA MÉDECINE LA RECHERCHE NE S’ARRÊTE PAS, POUR LE BIEN-ÊTRE DE TOUS.

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mesure non-stop la glycémie, et une petite pompe à insuline délivre automatiquement la dose nécessaire. Une innovation bientôt mise sur le marché, qui libérera de la contrainte de se contrôler plusieurs fois par jour, et des multiples injections à adapter en fonction ! LA CHIRURGIE HIGH-TECH

Les robots se font de plus en plus indispensables dans les blocs ! Ils aident déjà lors d’interventions gynécologiques ou urologiques sous cœlioscopie (sans ouverture classique/ avec contrôle vidéo), permettant une extrême précision. Ils participent aussi à des opérations par les voies naturelles des ovaires, de l’intestin… Et puis, il y a maintenant des robots qui délivrent des ultrasons, capables de détruire des cellules cancéreuses du cerveau, du sein, de la prostate. Un peu

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COMMENÇONS par les maladies cardiovasculaires… Il sera possible de prévenir les infarctus grâce au patch MyAngel VitalSigns de Devinnova, disponible sous peu. Ce dispositif connecté renferme un discret électrocardiogramme qui décèle les troubles du rythme cardiaque, notamment les infarctus deux mois avant. Les notifications d’urgence transmises en temps réel aux médecins permettront d’intervenir en amont ! Une prouesse de chercheurs israéliens ensuite : ceux-ci ont réussi à fabriquer un mini-cœur avec une imprimante 3D, à partir de cellules d’un patient. Il faudra du temps avant d’arriver à un véritable cœur, mais l’espoir d’aboutir à une possibilité de greffe est là – en plus sans risque de rejet. Autre bonne nouvelle, cette fois pour les diabétiques de type 1 : le pancréas artificiel de Diabeloop, testé dans 10 hôpitaux français, marche ! Un capteur sous la peau


partout dans le monde, on expérimente des nanorobots : infiniment petits (pas plus épais qu’un cheveu, par exemple), et introduits par les voies naturelles, ils pourront aller déboucher des artères ou anéantir des tumeurs cancéreuses. LA FIN DE LA PRISE QUOTIDIENNE DE MÉDICAMENTS

Développée par le labo français MedinCell et actuellement en test, une nouvelle génération de traitements injectables à action prolongée va remplacer les prises quotidiennes. À partir d’une simple injection sous-cutanée ou locale, le médicament forme un dépôt de quelques millimètres, entièrement résorbable. Il est alors délivré à dose régulière pendant plusieurs jours, semaines ou mois selon le traitement. Avantages : sa simplification, son efficacité (plus d’oubli), pas de passage par le tube digestif (moins d’effets secondaires), et cela permet un meilleur accès aux soins là où les réseaux de distribution de médicaments font défaut. Bientôt en vente : un contraceptif actif six mois et abordable pour les pays en développement ; des médicaments pour les douleurs postopératoires et de nombreuses maladies chroniques ; ou encore un immunosuppresseur actif plusieurs semaines, pour prévenir le rejet de greffe. DEUX PANSEMENTS QUI TRAITENT

Depuis peu commercialisé aux États-Unis, le premier est utilisé pour lutter contre les infections des plaies, notamment en postopératoire ou des brûlures. Générant de l’électricité au contact des éléments corporels (sans danger), c’est une alternative aux antibiotiques devenus moins efficaces : il combat les bactéries et pourrait également être utilisé en prévention après un acte chirurgical. Le second pansement, mis au point en France, est capable de régénérer le cartilage en cas d’arthrose débutante quand il est appliqué sur la surface articulaire. Déjà testé sur les animaux, il doit l’être sur les humains. Peut-être enfin un vrai traitement pour ce problème courant !

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UNE APPLICATION POUR DÉTECTER LES OTITES

Imaginée par une équipe d’ingénieurs américains, une application permet de savoir si un enfant a une otite ou non, et de consulter à bon escient, rendant service dans les zones où les moyens médicaux sont limités. Celle-ci émet un son dans le conduit auditif via un entonnoir en papier fabriqué par les parents et mis sur l’oreille. Elle écoute ensuite le signal acoustique renvoyé par l’oreille, ce qui permet de détecter du liquide ou du pus derrière le tympan, et donc une infection. Mise en service prévue début 2020. ■ Annick Beaucousin AFRIQUE MAGAZINE

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COMMENT SE DÉFAIRE DE L’HERPÈS LABIAL SEUL MOYEN EFFICACE, LE TRAITEMENT ANTIVIRAL. LE VIRUS DE L’HERPÈS LABIAL est très contagieux : il se transmet par contact direct (baisers), par le biais d’objets infectés (baume à lèvres partagé ou autre), ou des rapports sexuels bucco-génitaux (un herpès labial pouvant donner un herpès génital chez son partenaire). On peut également s’auto-contaminer ailleurs, si l’on touche son bouton, puis son œil ou son sexe : on veille donc à se laver les mains ! Le soleil favorisant les récidives, un baume solaire indice 50 s’impose en prévention. Côté traitement, on oublie les remèdes de grand-mère (tels qu’ail, vinaigre, glaçons) : ils ne stoppent pas la poussée ! De même, on ne désinfecte pas le bouton avec de l’alcool, ou un produit de toilette contenant de l’alcool, car cela entretient l’herpès. Dès l’apparition des premiers signes, il faut prendre un traitement antiviral (sous forme de crème, comprimés à avaler ou muco-adhésifs à appliquer sur la gencive), accélérant la guérison. Les patchs ou solutions formant un film sur le bouton protègent ce dernier et favorisent sa cicatrisation, mais ne sont pas des traitements antiviraux. ■ A.B. 127


VIVRE MIEUX En bref

IL Y A DES RÈGLES ESSENTIELLES À SUIVRE POUR BIEN PRÉPARER ET CONSERVER LES ALIMENTS. SELON L’ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ, près de 10 % de la population mondiale (soit quelque 600 millions de personnes) est victime d’une infection alimentaire à cause de bactéries ou de toxines, chaque année. Cela se traduit par des diarrhées, des douleurs abdominales, des vomissements, voire de la fièvre. Parfois, cela peut être plus grave, et même conduire au décès chez les sujets fragiles – les jeunes enfants notamment. Bien des intoxications sont dues à des négligences et se produisent quand il fait chaud, les bactéries se multipliant alors beaucoup. Il faut donc veiller à vite transporter les courses au frais, en mettant 128

ON NE TENTE PAS LE DIABLE

Dans le réfrigérateur, on couvre tout (boîtes, film alimentaire, aluminium). On surveille la température de l’appareil, qui doit être en moyenne à 4-5 °C. S’il ne l’affiche pas, on peut se servir d’un thermomètre placé dans un verre d’eau. Tout ce qui est plats cuisinés, traiteur ou pâtisseries à la crème se conserve trois jours grand maximum. Et on ne tente pas le diable : si un mets a une odeur ou une couleur bizarre, un goût inhabituel, on y renonce ! Enfin, on nettoie le frigo très régulièrement, et tout de suite à la moindre salissure. ■ A.B. AFRIQUE MAGAZINE

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◗ L’acupuncture, la méditation ou encore l’hypnose séduisent de plus en plus en cas de troubles chroniques. Pionnière de la médecine intégrative (qui associe aux soins classiques ces approches thérapeutiques complémentaires), elle évalue ici leur scientificité et propose des exercices concrets. Éloge du vivant, par Isabelle CélestinLhopiteau, Harper Collins, 20 euros.

Le charbon pour blanchir les dents : prudence ! ◗ En dentifrice ou en poudre, le charbon a le vent en poupe. Or, une étude parue dans la revue British Dental Journal indique qu’il vaut mieux se méfier : ils blanchissent les dents, mais agressent aussi l’émail et le fragilisent. Ce qui peut être irréversible. Le charbon peut en outre « absorber » le fluor (destiné à minéraliser l’émail), et les dents risqueraient alors d’être plus exposées aux caries.

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SE PRÉSERVER DES INFECTIONS ALIMENTAIRES

les denrées « sensibles » dans des sacs isothermes ou une glacière. On le rappelle, un produit ayant commencé à décongeler ne doit pas être mis au congélateur ; il faut le faire cuire. Et on décongèle toujours au réfrigérateur, jamais à l’air ambiant. Lors de la préparation des repas, on lave ses mains avant. Et un ustensile utilisé pour du cru doit toujours être lavé avant de l’employer pour du cuit. On prévoit au moins deux planches à découper : une pour les viandes et poissons crus, l’autre pour les légumes et les aliments cuits. Et on les nettoie après avec un produit détergent, en insistant sur les éventuelles zones entaillées, véritables nids à microbes. Après préparation, faute de consommation immédiate, on met rapidement au frigo. Les restes sont à consommer au repas suivant pour les denrées fragiles : viandes et poissons, préparations maison avec des œufs. Et ce qui est à base d’œufs crus, comme la mayonnaise, ne se garde pas. On ne laisse pas traîner au soleil les produits crus, type carpaccio ou tartare – sa consommation est d’ailleurs à éviter pour les enfants, les femmes enceintes et les personnes immunodéprimées. Gare au soleil également avec les milkshakes et les smoothies. Quant aux biberons et aux préparations pour les jeunes enfants, ils ne se laissent pas plus d’une heure à température ambiante.

Découvrir d’autres pratiques


PROTÉGEZ VOS YEUX DU SOLEIL SIX RÉFLEXES À AVOIR POUR PROFITER DE BELLES JOURNÉES EN TOUTE TRANQUILLITÉ. 1. On fait barrage aux rayons UV. Ils sont nocifs pour les yeux et leur contour : en contribuant au vieillissement prématuré, ils peuvent être responsables à long terme d’une cataracte plus précoce ou d’une DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge), risquant d’entraîner une perte de vision centrale handicapante. En prévention, on porte des lunettes de soleil partout : en ville, à la campagne, à la plage, et même sous un parasol – l’ombre renvoyant 50 % des rayons émis. Les verres doivent filtrer 100 % des UV, et la monture être bien couvrante sur les côtés. On n’oublie pas de protéger les yeux des enfants non plus : leur cristallin, plus transparent, laisse passer six fois plus d’UV que celui des adultes !

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2. On fait attention aux corps étrangers. Sable, poussières, mini-insectes… Ils irritent beaucoup la cornée et sont très gênants. Là encore, porter des lunettes de soleil peut vous en prémunir. Si le mal est déjà fait, on ne frotte pas son œil, cela irriterait plus ! On le nettoie, dans l’idéal, avec du sérum physiologique en unidose (sinon, avec de l’eau) : on l’instille au niveau de la paupière du bas, que l’on tire, puis on cligne de l’œil. À répéter plusieurs fois jusqu’au confort oculaire.

3. On se méfie de la climatisation. Trop d’air froid dessèche les yeux, d’où des picotements, des sensations AFRIQUE MAGAZINE

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d’irritation, voire de brûlure. Dans les locaux, on ne règle pas la clim sur une température trop basse. Idem en voiture, et l’on ne dirige surtout pas l’air vers son visage ! Et si l’on porte des lentilles de contact, on redouble de vigilance. Si besoin est, pour soulager les yeux agressés, le meilleur moyen est d’utiliser des larmes artificielles à base d’acide hyaluronique, sans conservateur.

4. On soulage les dégâts de la pollution, les pics entraînant souvent une irritation oculaire. Là aussi, recourir à des larmes artificielles à base d’acide hyaluronique apaise bien. 5. On se protège à la piscine. Gare aux yeux sensibles : le chlore provoque rougeurs et irritations. Afin d’éviter ce désagrément, on s’équipe de lunettes de natation. 6. On combat la conjonctivite allergique. Impossible d’éviter l’agression de l’œil par les allergènes des pollens lorsque l’on est allergique, les lunettes n’y font rien ! La parade aux picotements, rougeurs, larmoiements ? Faire des lavages au sérum physiologique autant que possible. Et en fin de journée, on n’oublie pas de bien nettoyer ses sourcils, véritables « accrocheurs » d’allergènes. S’il y a une trop grande gêne malgré tout, les antihistaminiques à prendre par voie orale peuvent être efficaces. ■ Julie Gilles

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Cet acteur caméléon passe avec aisance du cinéma au théâtre. Crevant le petit écran en super-flic dans la saison 7 d’Engrenages diffusée sur Canal+, comédien habité dans les pièces du dramaturge Wajdi Mouawad et membre de l’Actors Studio, on le retrouve depuis le 24 juillet dans Sun, comédie signée Jonathan Desoindre et Ella Kowalska. propos recueillis par Fouzia Marouf

6 Un livre sur une île déserte ? La Vie devant soi. J’adore la façon dont Romain Gary a fait entendre la voix de l’enfance. C’est drôle, poétique. Je suis touché par le sujet, le héros.

7 Un film inoubliable ? Les Affranchis, de Martin Scorsese. Je me suis totalement identifié à Henry Hill, incarné par Ray Liotta, qui fait son apprentissage de la vie auprès de voyous de la communauté italienne à Brooklyn. Ces Italiens intelligents, plein de bagou, m’ont fait penser aux Maghrébins en France. J’y ai vu un parallèle dans leur façon de perpétuer leur culture et leur business.

8 Votre mot favori ? Maman. Il se comprend dans toutes les langues.

9 Prodigue ou économe ? Les deux.

1 Votre objet fétiche ?

10 De jour ou de nuit ?

Au risque de vous surprendre, je n’en ai pas.

De nuit. Je suis plus attentif à la vie nocturne.

2 Votre voyage favori ? Un tour des États-Unis, il y a dix ans. Arrivé à New York, j’ai eu l’impression d’y avoir vécu par procuration grâce à la vitalité du cinéma américain indépendant, qui me l’avait fait découvrir au fil de films emblématiques. L’étape du Grand Canyon puissance de la m’a profondément marqué, la pu nature… J’en garde un souvenir souven incroyable ! J’ai été conquis par San Francisco : sa richesse Fran culturelle, le cachet de ses ru rues à taille humaine, ses multiples salles de concerts conce et théâtres.

3 Le dernier voyage que vous avez fait ?

11 Twitter, Facebook, e-mail,

coup de fil ou lettre ? WhatsApp.

12 Votre truc pour penser à autre chose, tout oublier ? La boxe anglaise, le rap et le hip-hop.

13 Votre extravagance favorite ? Les montres. Je suis fasciné par leur mécanisme.

14 Ce que vous rêviez d’être quand vous étiez enfant ? Aviateur. J’avais adoré le film Top Gun.

Dubaï. J’aime les contraste contrastes de cette ville, des gratte-ciel ses îles, la démesure déme dimension traditionnelle des et la dimensio Dubaïotes que qu l’on croise dans ses J’avoue être séduit par ruelles. J’a diversité, les différentes sa dive nations qui s’y côtoient. natio

4 Ce que vous

emportez toujours avec vous ?

Mes lunettes de d soleil.

5U Un morceau

de musique m ?

Un de Nina Simone.

15 La dernière rencontre qui vous

a marqué ?

Hafsia Herzi. Avec Tu mérites un amour, j’ai découvert une cinéaste, digne héritière d’Abdellatif Kéchiche.

16 Ce à quoi vous êtes incapable de résister ? Le tiramisu.

17 Votre plus beau souvenir ? Le jour où j’ai annoncé à mes parents que j’entrais au Conservatoire.

18 L’endroit où vous aimeriez vivre ? L’arrière-pays niçois.

19 Votre plus belle déclaration d’amour ? Être entier avec mon métier.

20 Ce que vous aimeriez que l’on retienne

de vous au siècle prochain ?

Mon intégrité. ■ 13 130 30 3 0

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FRANCK CASTEL/MARLYSE PRESS

LES 20 QUESTIONS

Tewfik Jallab




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