Découverte CÔTE D’IVOIRE
ÉDITO
L’année du virus
LA DÉCENNIE DU CHANGEMENT
par Zyad Limam
Maghreb
déclin
Rached Ghannouchi.
Le de l’islamisme?
2050 : PLUS DE
DEUX MILLIARDS D’AFRICAINS
Lagos.
Bombe démographique ou opportunité historique, AM ouvre le débat.
INTERVIEWS
Rachid Benzine
découvre la force de frappe de la fiction N° 402 - MARS 2020
M 01934 - 402 - F: 4,90 E - RD
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Imane Ayissi MÉRITE SA PLACE
Lubna Azabal, Myriam Touzani et Nisrin Erradi.
+Myriam Touzani
et ses portraits de femmes
France 4,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3000 FCFA ISSN 0998-9307X0
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ABIDJAN 91.1 - PARIS 107.5 - BRAZZAVILLE 94.5
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édito PAR ZYAD LIMAM
L’ANNÉE DU VIRUS Donc le coronavirus. Le covid-19 pour reprendre le vrai nom de la maladie… C’est une épidémie née à Wuhan, mégaville de près de 10 millions d’habitants, carrefour névralgique des transports, au centre de la Chine, qui a profité à plein des réformes économiques des années 1980. Une mégalopole symbole du miracle chinois, mais aussi une cité où les pratiques médiévales de commerce et de consommation d’animaux sauvages perdurent… Depuis, le coronavirus longe inexorablement les grandes routes commerciales de l’économie mondialisée. L’Asie du Sud-Est, la Corée du Sud, le Japon, l’Europe, la France, l’Italie, les ÉtatsUnis, cœur du capitalisme mondial… Au moment où j’écris ces lignes, tout début mars, l’Afrique semble relativement épargnée. On ne sait pas très bien pourquoi, on se perd en conjectures, des plus farfelues (le climat ?) aux plus objectives (la faiblesse des échanges avec le reste du monde ?). Dans un monde à l’envers, la contamination vient du « Nord », d’un « Nord » dont il faudra peut-être se barricader. De toute façon, le continent vit déjà au rythme du virus : crainte, peur, préparation, baisse de l’activité globale… (Et des dangers qu’Ebola, endémique depuis le début des années 2000, fait toujours peser.) Le virus, c’est l’une des peurs primales de l’humanité, une petite mécanique microscopique, contagieuse, complexe, qui échappe à notre contrôle, qui nous ramène à notre condition d’êtres vivants, fragiles et démunis. On se remémore avec effroi la grande grippe dite « espagnole », en 1918, probablement portée par le déplacement des soldats, et qui faucha des dizaines de millions de personnes au lendemain de la Première Guerre mondiale. On ne comprend pas ces organismes, ils nous résistent, ils mutent, ils changent, ils s’adaptent : H1N1 et ses variantes, coronavirus, grippe sous toutes ses formes, VIH… La panique n’est pas bonne AFRIQUE MAGAZINE
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conseillère. D’un autre côté, les scientifiques sont souvent démunis. Leurs discours contradictoires et leur désarroi deviennent anxiogènes. Comme tous les virus respiratoires fortement contagieux, les effets géostratégiques peuvent être particulièrement « disrupteurs ». L’économie mondiale est menacée par l’épidémie, des industries entières (tourisme, transports) peuvent se retrouver au bord de la faillite. Face à la crise, la Chine développe une réponse ultra-autoritaire, avec tout un arsenal, y compris digital, de contrôle de la population. Le pouvoir central du parti et surtout d’un seul homme, Xi Jinping, à la tête d’une nation de 1 milliard d’habitants, en sortira probablement dangereusement renforcé. Aux États-Unis, il n’y a pas, en soi, de système de santé publique. Même le concept de congé maladie est une aberration. La médecine est coûteuse et privée. Une épidémie à haute densité pourrait remettre en cause le « modèle » américain, et les perspectives politiques d’un Donald Trump pour le moment intouchable. En Europe, les populistes de tous bords s’en prennent à la hache à la libre circulation, l’un des piliers de l’Union. En Iran, la prévalence du coronavirus pourrait fragiliser, plus que tout autre embargo, un régime des mollahs à bout de souffle. Au Japon, les Jeux olympiques de Tokyo pourraient être annulés, ce qui entraînerait probablement une sérieuse crise politico-financière. Peut-être que tout cela n’arrivera pas. Peutêtre que ce coronavirus est saisonnier, que sa charge diminuera dans quelques semaines. Peut-être qu’il n’y aura pas de disruptions majeures, juste un encombrement temporaire des hôpitaux, des victimes regrettables et un retour rapide aux « bonnes habitudes ». Et que l’on pourra de nouveau partir à la plage, en se disant que tout cela n’aura été qu’un mauvais moment, un mauvais souvenir… Ou peut-être pas. C’est le principe des virus. Nobody knows… ■ 3
N °4 02 MAR S 2020
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ÉDITO L’année du virus
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par Zyad Limam
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par Cédric Gouverneur
ON EN PARLE C’EST DE L’ART, DE LA CULTURE, DE LA MODE ET DU DESIGN
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Daara J Family, rappeurs conscients PARCOURS Mohamed Kaci par Astrid Krivian
23
C’EST COMMENT ? L’avenir en vert ?
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CE QUE J’AI APPRIS Abdoulaye Konaté
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Maryam Touzani : Portraits de femmes
84
Imane Ayissi : « Je veux ma place si je la mérite »
par Astrid Krivian
par Astrid Krivian
92
par Fouzia Marouf
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Maghreb : Le déclin de l’islamisme ? par Frida Dahmani
par Emmanuelle Pontié
34
TEMPS FORTS 2050 : Plus de 2 milliards d’Africains ?
Rachid Benzine mesure toute la force de frappe de la fiction par Fouzia Marouf
LE DOCUMENT La saga du barbe par Zyad Limam
122
VINGT QUESTIONS À… Mariana Ramos par Astrid Krivian
BUSINESS 98
Chine : La face cachée de la dette par Jean-Michel Meyer
P.36
Afrique Magazine est interdit de diffusion en Algérie depuis mai 2018. Une décision sans aucune justification. Cette grande nation africaine est la seule du continent (et de toute notre zone de lecture) à exercer une mesure de censure d’un autre temps. Le maintien de cette interdiction pénalise nos lecteurs algériens avant tout, au moment où le pays s’engage dans un grand mouvement de renouvellement. Nos amis algériens peuvent nous retrouver sur notre site Internet : www.afriquemagazine.com
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AFRIQUE MAGAZINE
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402 – MARS 2020
SHUTTERSTOCK - ONS ABID - PAOLO VERZONE/AGENCE VU POUR LE MONDE
P.78
FONDÉ EN 1983 (36e ANNÉE) 31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE Tél. : (33) 1 53 84 41 81 – Fax : (33) 1 53 84 41 93 redaction@afriquemagazine.com Zyad Limam DIRECTEUR DE LA PUBLICATION DIRECTEUR DE LA RÉDACTION zlimam@afriquemagazine.com Assisté de Laurence Limousin
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P.45 45
DÉCOUVERTE Côte d’Ivoire : 2011-2020, le temps de l’émergence
Isabella Meomartini DIRECTRICE ARTISTIQUE imeomartini@afriquemagazine.com
par Zyad Limam et Alexandra Fisch
46 50 56 66 68 74 76
Jessica Binois PREMIÈRE SECRÉTAIRE DE RÉDACTION sr@afriquemagazine.com
Un nouveau départ Une politique ambitieuse de développement Les grands chantiers de la République Une puissance agro-industrielle Une croissance au service de tous Abidjan, ville ouverte Une pause à Bassam
Amanda Rougier PHOTO arougier@afriquemagazine.com ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO Muriel Boujeton, Jean-Marie Chazeau, Frida Dahmani, Catherine Faye, Alexandra Fisch, Glez, Cédric Gouverneur, Anne-Cécile Huprelle, Dominique Jouenne, Astrid Krivian, Fouzia Marouf, Jean-Michel Meyer, Luisa Nannipieri, Sophie Rosemont.
VIVRE MIEUX Danielle Ben Yahmed RÉDACTRICE EN CHEF avec Annick Beaucousin, Julie Gilles.
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Durban, l’autre Afrique du Sud
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VIVRE MIEUX L’estomac au centre de notre corps Le bruit, ennemi quotidien En finir avec une crampe Des médicaments pas banals par Annick Beaucousin et Julie Gilles
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02/03/2020 19:18
31, rue Poussin - 75016 Paris. SAS au capital de 768 200 euros. PRÉSIDENT : Zyad Limam. Compogravure : Open Graphic Média, Bagnolet. Imprimeur : Léonce Deprez, ZI, Secteur du Moulin, 62620 Ruitz. Commission paritaire : 0224 D 85602. Dépôt légal : mars 2020. La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos reçus. Les indications de marque et les adresses figurant dans les pages rédactionnelles sont données à titre d’information, sans aucun but publicitaire. La reproduction, même partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique Magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction. © Afrique Magazine 2020.
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ON EN PARLE C’est maintenant, et c’est de l’art, de la culture, de la mode et du design
MUSIQUE
DAARA J FAMILY, RAPPEURS CONSCIENTS 6
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ALUN BE - DR
Le DUO SÉNÉGALAIS revient avec Yaamatele, un opus à la fois énergique et écologique.
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Ndogo D et Faada Freddy sont les héritiers des griots.
YAAMATELE, c’est le nom du robot dans Onze pour une coupe, un dessin animé espagnol des années 1980, mais c’est aussi du jargon sénégalais désignant les accros aux écrans. Dans ce nouvel album enregistré entre Dakar, Paris et Kinshasa, le duo formé en 1997 par Faada Freddy et Ndogo D., amis d’enfance, évoque la distance qu’il faut prendre face aux réseaux sociaux et aux mirages numériques autant que capitalistes. Comme l’affirme le morceau « ADN », place à la vérité de la nature ! Quatre ans après Foundation, Yaamatele témoigne d’une énergie fédératrice, avec un rap déclamé en anglais, en wolof et en français. Leurs références ? Les griots sénégalais, mais également le funk de James Brown, la rumba congolaise, le hip-hop East Coast ou encore le reggae de Bob Marley et de ses Wailers. Et cela s’entend dans ce disque, sur lequel intervient notamment Gaël Faye sur le morceau éponyme, qui fait danser autant que réfléchir sur le sort du monde. ■ Sophie Rosemont DAARA J FAMILY, Yaamatele,
Bois Sakré Records. AFRIQUE MAGAZINE
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ON EN PARLE
SOUNDS À écouter maintenant ! Kiluanji Kia Henda, Havemos de Voltar (We Shall Return) (détail), 2017.
❶ Irreversible Entanglements Who Sent You?, International Anthem/Don Giovanni
François-Xavier Gbré, Pont de l’amitié sino-malienne #1, Sotuba, Bamako, Mali, 2013.
Après un premier album assez ébouriffant, le collectif free-jazz de l’East Coast revient avec Who Sent You? Au casting, la poétesse et MC C Camae A Ayewa, alias Moor Mother, le saxophoniste Keir Neuringer, le trompettiste Aquiles Navarro, le bassiste Luke Steward et le batteur Tcheser Holmes. Le résultat : un jazz fusion, expérimental, ouvert à l’improvisation et engagé. Bref, très free.
❷ Lindigo
TÊTE-À-TÊTE AFRO-ASIATIQUE
EXPO
Le Centre Pompidou explore l’histoire des ARTS NON OCCIDENTAUX à travers les relations entre la Chine et l’Afrique. DIFFICILE DE NE PAS Y VOIR une extension de l’ouverture à Shanghai de la troisième antenne à l’étranger du Centre Pompidou, en novembre dernier. « Ce n’est qu’une étape. […] Vive l’amitié entre la Chine et la France ! », déclarait Emmanuel Macron lors du discours d’inauguration. Si le siècle dernier était traversé par la mise en place progressive de liens entre la Chine et l’Afrique, quelles réalités nouvelles émergent de cette rencontre transculturelle entre deux « Sud » ? De l’installation d’Anawana Haloba, restitution poétique de la construction en Zambie d’une ligne de chemin de fer par les Chinois, au récit visuel du photographe franco-ivoirien François-Xavier Gbré de la piscine de Bamako, construite en 1969 par l’URSS pour les premiers jeux africains – qui n’ont jamais vu le jour – et rénovée par les Chinois, l’exposition interroge les interactions multiples sino-africaines. ■ Catherine Faye «CHINE-AFRIQUE, CROSSING THE WORLD COLOR LINE », Centre
Pompidou, Paris (France), jusqu’au 18 mai 2020. centrepompidou.fr 8
Enregistré dans une «cuisine feu-de-bois, au fond de la cour près du poulailler, sous la tôle, dans les champs de canne et au bord de la rivière », le nouvel album de Lindigo brille de nouveau par la sincérité de sa musique. Le célèbre groupe de maloya réunionnais fondé par Olivier Araste fait fort avec Kosa Néna, dont l’orchestration organique, l’énergie percussive et les chœurs envoûtants vont droit à l’âme.
❸ Schérazade
Asile exquis, VXN Records/Universal Née de parents algériens, elle a grandi dans le sud de la France et a très vite su qu’elle serait chanteuse. Après des montagnes russes émotionnelles, quelques faux départs et des collaborations avec, entre autres, Stromae, elle se révèle avec un premier album, Asile exquis, aussi beau que son nom. La chanson y est pop, francophone, sensuelle, groovy. En bonus, une superbe reprise d’« Ahwak », de l’Égyptien Abdel Halim Hafez. ■ S.R.
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A COURTESY OF THE ARTIST AND JAHMEK CONTEMPORARY ART, LUANDA - FRANÇOIS-XAVIER GBRÉ - DR (3)
Kosa Néna, Association Lindigo/ Label Hélico
Djibril Vancoppenolle joue un garçon métis qui va voir son pays se déchirer durant la guerre civile.
UNE ENFANCE AU TEMPS DES MASSACRES
DRAME
DR
Grandir au Burundi quand se profile le génocide des Tutsis par les Hutus… Une adaptation juste du best-seller de GAËL FAYE. GABRIEL VIT À BUJUMBURA, au Burundi, au début des années 1990, dans l’insouciance de ses 11 ans et de ses copains qui se bagarrent à coups de mangues. Fils d’un Français blanc, chef d’entreprise, et d’une réfugiée rwandaise tutsie, ce jeune métis voit avec douleur ses parents se séparer. Au même moment, les relations se tendent entre Hutus et Tutsis, jusque parmi les employés de maison. À un drame familial va bientôt se superposer le dernier génocide du XXe siècle. On y est mêlé d’autant plus facilement que tout est juste, à commencer par les jeux de Jean-Paul Rouve (parfait en Blanc condescendant et en bon père), d’Isabelle Kabano (magistrale en mère faussement désinvolte avant de sombrer), et des non-professionnels (90 % de la distribution, dont les enfants) qui les entourent.
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Authentique aussi cette reconstitution minutieuse du quotidien d’une famille d’expatriés dans le Burundi de l’époque, de la marque de soda jusqu’à la radio branchée sur RFI. Face aux massacres, la caméra reste pudique : « Ne regardez pas, les enfants », leur intime le père en roulant doucement sur une route jonchée de cadavres tailladés. C’est à travers les récits des survivants que l’horreur va se concrétiser. L’artiste Gaël Faye a travaillé de très près à cette adaptation de son roman, largement autobiographique. Le résultat est à la hauteur de son livre, écrit à hauteur d’enfant, digne témoignage de l’onde de choc d’une tragédie absolue. ■ Jean-Marie Chazeau PETIT PAYS (France-Belgique), d’Éric Barbier. Avec Jean-Paul Rouve, Isabelle Kabano, Djibril Vancoppenolle. 9
ON EN PARLE
Sawsan Abès, au centre, joue une jeune paysanne berbère qui se fait arrêter en 1956.
HISTORIQUE
D’UNE RÉSISTANTE À L’AUTRE Un hommage sincère à toutes les FEMMES OUBLIÉES qui se sont révoltées durant la guerre d’indépendance algérienne. EN ADAPTANT SON PROPRE LIVRE (La Maquisarde, aux éditions Grasset) douze ans après son premier film (Des poupées et des anges, avec Leïla Bekhti et Samy Naceri), Nora Hamdi a voulu rendre un hommage à sa mère et à toutes celles qui ont résisté durant la guerre d’indépendance algérienne. Mais cette fois, elle n’a pas eu les moyens financiers de son ambition, et malheureusement, cela se voit : une forêt de la région parisienne pour figurer celle de Sidi Ali Bounab en Kabylie,
et un huis clos souvent chuchoté qui s’étire dans une sinistre geôle… Au cœur du film qui se déroule en 1956, il y a pourtant la rencontre d’une jeune paysanne berbère et d’une infirmière française, ex-résistante au nazisme, emprisonnée pour sa défense des Algériens face à la répression coloniale. Et une salutaire volonté de réconciliation. ■ J.-M.C. LA MAQUISARDE (Algérie), de Nora Hamdi. Avec Sawsan Abès, Émilie Favre-Bertin.
CINÉMA
ne peut plus payer l’école de sa fille : Haingo rejoint alors sa cousine à Antananarivo, à 1 000 km de chez elle, pour gagner de l’argent dans un groupe musical. Elle a trois jours pour apprendre une danse inconnue, elle qui appartient à l’ethnie antandroy, à la culture très différente de celle de la capitale. La vièle à trois cordes que lui a confiée son père, musicien reconnu, va peut-être lui sauver la mise… Un récit qui file à bonne allure, mélangeant docu et fiction. Aucun misérabilisme et des moments de grâce, comme celui où s’élève le chant pur d’une jeune fille au bord du lac Anosy, qui justifie à lui seul d’aller voir ce très beau film. ■ J.-M.C. HAINGOSOA (France-Madagascar). d’Édouard Joubeaud. Avec Haingosoa Vola, Marina Amagoa. 10
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DR
Trois cordes à son arc UNE JEUNE MÈRE MALGACHE CÉLIBATAIRE
L’auteur nous offre 50 portraits inattendus et intimes de CHEFS D’ÉTAT du monde entier. Et plus encore…
Yves
ESSAI
Coppens DRFP/ODILE JACOB
Les amis de Lucy
YVES COPPENS, Le Savant, le Fossile et le Prince : Du labo aux palais, Odile Jacob, 480 pages, 24,90 €.
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DE LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR à Mikhaïl Gorbatchev, en passant par Jacques Chirac, Benoît XVI, Hassan II ou encore Ramsès II (si, si…), le célèbre paléontologue et codécouvreur en 1974 de l’australopithèque Lucy revient sur ses rencontres (ou presque) avec les puissants de ce monde. « Tous, sans exception, ont montré un intérêt réel pour le passé, l’histoire, la préhistoire et leurs témoins archéologiques ou paléontologiques dont je les entretenais », écrit le professeur émérite au Museum national d’histoire naturelle et au Collège de France. Ses souvenirs de rois, reines, présidents ou empereurs, entrevus ou côtoyés pendant plus de soixante-cinq ans de carrière, sont intacts. Hilarants, comme avec Carl XVI Gustaf : « “I am the King!” Et je répliquai, en souriant un peu : “I know, Majesty, I know !” » ; marquants, comme avec François Tombalbaye ou Idriss Déby au Tchad, son « premier grand terrain de jeu outre-mer (comme on dit) » ; inoubliables, comme avec Nelson Mandela : « La rencontre, même fugace, aura été une grande rencontre de regards. » On ne s’en lasse pas. Lui, non plus. À 85 ans, il n’a pas l’intention de lever le pied. ■ C.F.
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ON EN PARLE
Yoko Ono, Have You Seen the Horizon Lately?, 1967-2019.
Akira Ikezoe, Coconut Heads around the Ceramic Studio, 2019.
ÉVÉNEMENT
NOUVEAUX HORIZONS Une invitation à appréhender autrement l’espace et le monde par le BIAIS D’ŒUVRES d’artistes internationaux émergents. Amina Benbouchta, Éternel retour du désir amoureux, 2019.
YOKO ONO - AKIRA IKEZOE - AMINA BENBOUCHTA
CE N’EST PAS UN HASARD si le nom de cette exposition est tiré d’une chanson de Yoko Ono. Il a été choisi à double titre. Pour les paroles d’abord – «Have you seen a horizon lately, if you have, watch it for a while, for you never know, it may not last so long » –, qui donnent tout leur sens aux œuvres d’artistes internationaux émergents qui sont exposées et qui interrogent les sujets agitant le monde actuellement. Pour sa performance ensuite, en écho à la palette éclectique de l’artiste expérimentale japonaise. Installations, vidéos, photographies et peintures abordent des thèmes tels que l’écologie, la répartition des richesses ou encore la colonisation des territoires. Engagées et suggestives, les œuvres appellent à la résistance, urgente. À l’image du travail de la Marocaine Amina Benbouchta, de l’Angolaise Kiluanji Kia Henda ou de la Nigériane Rahima Gambo. ■ C.F. « HAVE YOU SEEN A HORIZON LATELY?»,
Musée d’art contemporain africain Al Maaden, Marrakech (Maroc), jusqu’au 19 juillet 2020. macaal.org 12
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Le don qui ne va pas de soi CINÉ
Un couple se déchire pour sauver leur enfant. TERRIBLE SUSPENS autour d’une question taboue au Maghreb.
UN FILS (Tunisie-France), de Mehdi M. Barsaoui. Avec Sami Bouajila, Najla Ben Abdallah, Youssef Khemiri.
DR
C’EST L’HISTOIRE D’UN COUPLE MODERNE dans la Tunisie de 2011 : leurs amis boivent et fument, même les femmes font des blagues salaces, ils sont d’un milieu aisé, ont vécu à l’étranger, et tous deux partent avec leur fils se reposer quelques jours dans le sud du pays… Alors qu’ils tombent nez à nez avec une bande armée, des tirs blessent grièvement leur garçon âgé de 7 ans. On est juste après la chute de Ben Ali, avant celle de Kadhafi, et on se croit embarqué dans un nouveau film sur le terrorisme islamiste ou la révolution tunisienne, mais c’est une fausse piste… C’est la survie du petit garçon qui va être au centre de tout. Car on apprend très vite que seule une greffe peut le sauver. Quelle solution dans un pays où la question du don d’organes est toujours taboue (comme dans bien des États arabes) ? Ce suspens médical va donner lieu à un bouleversement au sein du couple. La réalisation, très sobre, pour ne pas dire clinique, sans pathos mais pas sans faire naître bien des émotions, alterne gros plans, caméra à l’épaule et vastes paysages désertiques dans un superbe cinémascope, soulignant la solitude des protagonistes. La mère doit assumer un passé pas si clair, le père est mis face à ses contradictions d’homme d’aujourd’hui, qui considère son épouse comme son égal… jusqu’à un certain point. Le tout dans le contexte d’un hôpital de province démuni mais digne, où l’on découvre toute une réalité économique et géopolitique. Sami Bouajila a obtenu un prix d’interprétation au dernier festival de Venise pour son incarnation à la fois puissante et sensible de ce père fusionnel. C’est l’un des atouts de ce premier film, qui n’en manque pas. ■ J.-M.C.
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THOMAS DORN
ON EN PARLE
Le groupe, de gouche à droite : Hervé Samb, Adhil Mirghani, Alune Wade, Aziz Sahmaoui, Jon Grandcamp et Cheikh Diallo.
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INTE RVIEW
Aziz Sahmaoui La culture sacrée des Gnaouas En tournée pour leur album POETIC TRANCE, le chanteur marocain et sa cosmopolite University of Gnawa seront en concert le 25 mars à la Cigale, à Paris. AM : Le gnaoua vient d’être inscrit au patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco. Aziz Sahmaoui : C’est très important que cette
musique soit protégée. C’est un rendez-vous avec l’avenir : tout en gardant son identité, elle fait corps avec l’actualité musicale, se marie au rap, au jazz, au blues… J’ai l’intention d’explorer encore plus ce métissage ! Est-ce son essence spirituelle qui vous séduit ?
La spiritualité est présente partout. On peut ressentir une émotion divine lors d’une rencontre, face à un paysage… On a besoin de cette beauté. Nous, musiciens, nous emmenons le public dans notre univers. En partageant de la poésie, du rêve, du rythme, on l’influence positivement. Un souvenir musical peut avoir un écho bénéfique pendant longtemps, on le porte en soi comme une vérité. Si vous célébrez la beauté de l’Afrique, de la nature, vous évoquez aussi la peur de l’autre, les injustices, les conflits…
C’est le devoir d’un artiste de réveiller les consciences, de dénoncer. Je souffre de voir que des pays voisins se font la guerre. On est victimes de ces injustices. La division règne, alors qu’il y a un monde extraordinaire à vivre. Est-ce la nature des humains ? Nous a-t-on mal appris à aimer ? Est-ce que l’on triche avec nous-mêmes ? Je continue à croire en la beauté. Et si je dois traverser une frontière pour délivrer mon message, défendre mon humanité et mon amour pour l’autre, je le ferai.
D’où vous vient cette fibre lumineuse ?
J’aime la vie. Notre présence n’est pas un hasard. Nous faisons partie d’une intelligence collective. Il faut essayer de traverser ce monde invisible, parallèle, pour oublier les douleurs, l’amertume, les difficultés. Et s’accepter tel que l’on est : des humains, et non pas des dieux ! J’aime ma faiblesse, grâce à elle, je suis un être accessible. Et régler les problèmes par la force ne m’intéresse pas. Que vous apporte votre vie entre l’Europe et l’Afrique ?
Une meilleure compréhension de l’autre. J’aime aller vers lui, le provoquer pour éveiller sa curiosité. C’est merveilleux de se sentir français, de vivre cette culture, il faut voir le ciel de Paris au moins une fois ! Mais je suis aussi marocain, algérien, tunisien… Je me balade dans ces pays comme s’ils étaient miens. Je fais partie de cette humanité qui essaie d’embellir le quotidien. Chaque matin, je me demande : que puis-je faire pour aider ? Plus un artiste affine ses textes, sa musique, son engagement, plus son public s’élève avec lui. Quel souvenir gardez-vous de votre enfance à Marrakech ?
Ma vie a commencé avec cette énergie infinie, dans laquelle je puise toujours. Telle une batterie, elle continue à me porter. Quelle chance magnifique cet éveil entouré de sons, de rythmes… J’avais le regard pétillant, je marchais pieds nus et sentais le pouls de la terre. Une vérité émane de ce sol, de cette enfance. ■ Propos recueillis par Astrid Krivian 15
ON EN PARLE
BANDE DE S S INÉ E
Reine de sang
ENTRE DEUX RIVES Une troisième édition où les artistes
INTRIGUES DE COUR, amants, assassinats, relations conflictuelles, guerres fratricides, complots, révoltes… Ce troisième volume d’une tétralogie consacrée à Cléopâtre VII Philopator (69-30 avant J.-C.), qui régna sur l’Égypte entre -51 et -30, alterne entre la vie romaine, devenue impossible pour la sulfureuse reine, et sa fuite en Égypte après la mort prématurée de Jules César. Le destin si particulier de cette habile stratège oscille entre pouvoir, sensualité et ambition. Mais ce qui attend Cléopâtre au pays des pyramides, affamé par la sécheresse, n’est pas de tout
MARIE & THIERRY GLORIS, JOËL MOUCLIER, Cléopâtre, La Reine fatale (volume 3), Delcourt, 56 pages, 14,95 €. repos. Elle va devoir réaffirmer son autorité pas à pas. Et dans le sang, s’il le faut. Le récit, haletant, plonge avec justesse dans des événements complexes. Très bien documenté et intelligible, l’ouvrage se dévore grâce à un rythme enlevé et des dessins très détaillés, presque incarnés. ■ C.F.
DA N S E
L’ENJEU DE CE FESTIVAL, à l’initiative de l’Institut du monde arabe, est de porter l’actualité chorégraphique contemporaine arabe. Tout au long du printemps, neuf scènes parisiennes et franciliennes proposeront une programmation réunissant des artistes d’Égypte, de Palestine, du Liban, de Tunisie ou encore de Syrie. À l’occasion de ce rendez-vous annuel devenu incontournable, danseurs et chorégraphes interrogent leurs racines et le rapport à l’autre, mêlant styles et influences. Tels la Marocaine Camélia Montassere, danseuse attitrée de la doyenne du raï Cheikha Rimitti, la chorégraphe algérienne Nacera Belaza ou encore les virtuoses du hip-hop, Karim KH ou les breakers Saïdo Lehlouh et Johanna Faye. Une créativité et des énergies contagieuses. ■ C.F. LE PRINTEMPS DE LA DANSE ARABE, différents
théâtres de Paris et de sa banlieue (France), du 18 mars au 26 juin 2020. imarabe.org/fr 16
Par-delà les genres « J’AI VÉCU DE NOMBREUSES VIES dans ce corps. J’ai vécu de nombreuses vies avant qu’on ne m’y place. Je vivrai de nombreuses vies quand on m’en sortira. » L’exergue parle d’elle-même. Nous sommes dans quelque chose de fantastique et de troublant. Et si Akwaeke Emezi évoque et invoque les esprits contradictoires qui habitent son héroïne Ada, c’est pour mieux interroger sa propre vie. À 33 ans, cette autrice et vidéaste nigériane se définit comme non-binaire, c’est-à-dire ne se sentant ni femme ni homme, ou les deux à la fois. Elle a donc
AKWAEKE EMEZI, Eau douce, Gallimard, 256 pages, 20,50 €. mis en scène une petite fille qui grandit sous l’influence d’esprits de la tradition igbo (ethnie dont elle est issue elle-même), qui se disputent le contrôle de sa vie. Avant d’être traduit en France, ce premier roman a bousculé le monde littéraire américain. Plus qu’un audacieux ouvrage introspectif, c’est un véritable hommage aux esprits et aux dieux de l’Afrique de l’Ouest. ■ C.F.
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DR (4) - TEXAS ISAIAH
du pourtour méditerranéen sont plus que jamais mis À L’HONNEUR.
PREMIER ROMAN
Meryem Aboulouafa Une voix angélique FOLK
Cette chanteuse marocaine sort UN PREMIER ALBUM aux sonorités électroniques anglophones, mais empreint de culture orientale.
ELLE A ÉTÉ ARCHITECTE d’intérieur, a monté sa propre agence dédiée à l’aménagement et au design. Mais Meryem Aboulouafa a dû un jour faire un choix… « Je suis passionnée, la musique est ma vocation », nous affirme-t-elle. Il suffit d’écouter son épatant premier album pour savoir que cette ferveur n’est pas feinte. Dès le premier titre, « The Friend », la dextérité avec laquelle elle marie paroles et mélodies s’impose. Née il y a une trentaine d’années à Casablanca, c’est avec son père que la jeune femme a partagé ses premières amours musicales. Rapidement, il l’inscrit au conservatoire de Casablanca. Après avoir étudié le solfège et le violon, elle apprend la guitare. C’est avec cet instrument qu’elle commence à écrire ses propres
compositions : « D’abord, j’ai gribouillé avec mes doigts des mélodies de guitare qui me procuraient du plaisir, et au fil du temps, j’ai eu l’envie de les accompagner en fredonnant. J’avais besoin de poser des mots sur la voix pour donner du sens à l’ensemble. » Entre-temps, elle a trouvé ses maîtres à penser : Björk, qu’elle admire « pour son éternelle jeunesse d’esprit, ses prises de risques artistiques et ses expériences sonores en dehors des standards », Oum Kalthoum et Nina Simone « pour leur incroyable capacité vocale, ce magique équilibre qu’elles ont entre la force et la fragilité »… Parmi ses références se trouvent également Tania Saleh, Matthew Bellamy (du groupe Muse) et Benjamin Clementine. Toutes s’entendent dans Meryem, une merveille de folk aux échos synthétiques, à la fois classique et contemporain. Nourri de sessions d’écriture aux côtés de Keren Ann, il a bénéficié de la patte des producteurs électro Para One et Ojard. Croyante, Meyrem Aboulouafa chante souvent en anglais, mais peut aussi reprendre « Ya Qalbi », un titre issu du répertoire traditionnel algérien : « Mes histoires s’inspirent de dictons marocains pour se transcrire dans la langue de Shakespeare, et les vocalises arabes prennent naturellement leur place dans la chanson. » En résulte un album d’une pureté cristalline, situé au croisement de l’Orient et de l’Occident. ■ S.R. MERYEM ABOULOUAFA, Meryem,
PAUL ROUSTEAU
Animal 63/Believe.
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La fondation Montresso accueille cet événement.
COULISSES
In-Discipline, de Kinshasa à Marrakech
Créée par la fondation Montresso, la 3E ÉDITION de ce programme s’est tenue fin février dans la cité ocre, en parallèle de la foire d’art contemporain africain 1.54. Cinq plasticiens de la République démocratique du Congo se dévoilent jusqu’au 28 avril.
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Fransix Tenda Lomba en train de travailler sur Entre nous, à la résidence d’artistes Jardin Rouge, en 2019.
expérimental dédié aux talents émergents, que j’ai créé il y a sept ans. Tous disposent d’ateliers, d’une bibliothèque et de salles d’exposition. » Celui-ci a vu l’une de ses peintures primée à la foire contemporaine de New York en 2012 et a récemment exposé au musée des Civilisations noires, à Dakar [voir Afrique Magazine n° 401]. Kouka Ntadi, lui, s’inspire de pièces de récupération. Tel un passeur d’art entre Brazzaville et Marrakech, AFRIQUE MAGAZINE
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CYRIL BOIXEL - DR - CYRIL BOIXEL
SENSIBILISER, ACCOMPAGNER, FÉDÉRER, tels sont les maîtres-mots d’In-Discipline, programme de soutien à la création et à la diffusion des artistes du continent. Initié par la fondation Montresso, dans le cadre de la 1-54 Contemporary African Art Fair, il met, chaque année, un pays à l’honneur : le Bénin en 2018 et la Côte d’Ivoire en 2019. Cette troisième édition, inaugurée le 23 février dernier, est exclusivement consacrée à cinq plasticiens de la région du fleuve Congo. Ces derniers se sont installés, comme leurs prédécesseurs, au sein de la résidence d’artistes Jardin Rouge. Situé à une quarantaine de kilomètres de Marrakech, cet espace de 10 ha est implanté au cœur de la zone rurale de Ouidane, dans un décor calme, offrant à perte de vue des palmiers et des oliviers centenaires. Loin de l’énergie frénétique et du chaos incessant de Kinshasa, Hilaire Balu Kuyangiko, Serge Diakota Mabilama, Vitshois Mwilambwe Bondo, Kouka Ntadi et Fransix Tenda Lomba ont pu explorer, triturer, pousser les limites de leur imagination. Ces fers de lance de la jeune école kinoise sont habitués à travailler ensemble, comme l’explique Vitshois Mwilambwe Bondo, parrain de cette édition : « Nous sommes réunis depuis la fondation de Kin ArtStudio à Kinshasa. C’est un laboratoire
Accrochage d’œuvres de Kouka Ntadi : sur le mur, de gauche à droite, Tenue de survie et Ils ont écrit l’histoire, et au premier plan, Fagots.
ce Franco-Congolais né en 1981 a déjà séjourné à la résidence en 2014, en témoignent ses singuliers guerriers bantous agrémentant les jardins, à l’entrée du site. Quant à Serge Diakota Mabilama, ce plasticien aux pratiques pluridisciplinaires a participé à la Cape Town Art Fair de 2017, en Afrique du Sud : « Je suis confiant pour le continent, mais tout reste à faire ! Nous incarnons une forme de révolution, et nous devons valoriser notre art afin de mieux le faire connaître », précise-t-il. In-Discipline permet aussi d’abolir les frontières, de tisser des liens entre communautés et cultures différentes, d’enrichir la vision (du monde, de l’art…) de chacun avec celle de l’autre. Hilaire Balu Kuyangiko, pour sa part, confie : « À Marrakech, j’ai été inspiré par le regard que l’Afrique du Nord porte sur le monde, et tout particulièrement celui des Marocains. » Dans la lignée de l’efflorescence artistique du continent, ce projet porte et soutient des performeurs, des peintres, des sculpteurs et autres dessinateurs qui seront les grands noms de demain. En attendant, ceux de cette édition exposent leur travail accompli à l’espace d’art contemporain de la fondation Montresso. Ce lieu, d’une superficie de 5 000 m2, accueille, chaque année, près de 3 500 visiteurs. L’inauguration a suscité l’engouement de la presse, des collectionneurs nationaux, français, américains, mais aussi des artistes internationaux. Il est possible d’en profiter jusqu’au 28 avril prochain. ■ Fouzia Marouf
Le FrancoCongolais Kouka Ntadi, à la résidence d’artistes.
Serge Diakota Mabilama, en pleine création.
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Voyage vers Mars, Hilaire Balu Kuyangiko, 2020.
Vitshois Mwilambwe Bondo est le parrain de cette édition. En arrière-plan, Queen Nanny.
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PARCOURS
Mohamed Kaci
PARTISAN DE LA « SLOW NEWS », IL PRÉSENTE le JT 64’ Le Monde en français ainsi que l’émission culturelle Maghreb Orient Express sur TV5 Monde. Le journaliste décrypte en profondeur l’actualité et propose une autre lecture des événements, donnant la parole à ceux qui font bouger les lignes. par Astrid Krivian
L
e journalisme ? Un métier d’empathie, de proximité, fondé sur le contact humain, « qui se perd dans ce monde paradoxal, globalisé, mais en repli », expose l’animateur. Sa vocation naît au fil d’un cheminement. Les voyages forment la jeunesse, disait Montaigne, et amènent Mohamed Kaci, né en 1978 à Ivry-sur-Seine, curieux et féru de lecture, à la rencontre des peuples et de leurs cultures : des vacances en Algérie, pays d’origine de ses parents kabyles, un séjour chez son correspondant dans une Allemagne tout juste réunifiée, et plus tard, seul en sac à dos, au Viêt Nam, en Palestine, en Israël, au Mali… Il découvre les réalités de la jeunesse et des plus fragiles. Ces expériences forgent sa conscience du monde, déterminent son désir de raconter les maux, les difficultés d’une société, mais aussi ses forces et ses richesses. Avec pour éthique de donner la parole à ceux qui ne l’ont pas. Diplômé en biochimie (« un bagage très utile quand je reçois un scientifique »), puis de l’École supérieure de journalisme en 2002, il écrit dans un premier temps des piges pour la presse spécialisée, réalise des documentaires. À sa troisième candidature, en 2006, il intègre TV5 Monde, première chaîne francophone au monde, diffusée dans 198 pays et une ligne éditoriale en adéquation avec ses valeurs : « À travers une pluralité de points de vue, cette chaîne généraliste propose un angle transversal, qui sort de la vision Nord-Sud habituelle. Ni précipitation, ni sensationnalisme, on privilégie le temps de l’analyse, le traitement de fond. » Présentateur de 64’ Le Monde en français en semaine, il pilote l’émission Maghreb Orient Express (MOE) le week-end. Née en 2011, portée par les Printemps arabes, celle-ci convie des acteurs culturels, des artistes de disciplines et d’expressions diverses issus des rives de la Méditerranée. Effervescences créatives, richesses d’un patrimoine, leurs œuvres et témoignages se font l’écho des pays, de leurs avancées, leurs blessures, leurs enjeux politiques et sociétaux qui les traversent. « On écoute les intéressés, au lieu de parler à leur place. On ne se cantonne pas aux sujets anxiogènes. Il s’agit d’amener un regard différent, neuf. On s’attache à faire tomber les clichés, à briser les tabous. Et MOE donne une large place aux femmes. » Le magazine établit également un trait d’union entre le Maghreb et le Moyen-Orient, des mondes qui ne se comprennent pas toujours : « On s’intéresse aux problématiques communes. De même que l’on aborde le Maghreb dans sa profondeur africaine.» Sous-titré ou traduit en arabe selon les pays, MOE est aussi un outil d’initiation à la langue française. Parmi les rencontres marquantes, « la beauté du métier », le journaliste cite le poète sud-africain Breyten Breytenbach, ancien militant anti-apartheid, ou les performeurs de la révolution tunisienne, investissant l’espace public après l’effondrement de la dictature. En dehors de son emploi du temps trépidant au sein de la rédaction, il s’aère grâce au sport, s’évade en Europe ou en Afrique, consulte la presse et très peu la télé. Bûcheur, il dévore les ouvrages en vue de préparer ses émissions. « Tonton a des devoirs à vie !», observe sa petite nièce. ■
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CHRISTOPHE LARTIGE/CL2P/TV5
«On écoute
les intéressés, au lieu de parler à leur place.»
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C’EST COMMENT ?
PAR EMMANUELLE PONTIÉ
DOM
L’AVENIR EN VERT ? Côté protection de l’environnement, l’Afrique est forcément à la traîne. Les raisons invoquées pullulent : manque de volonté politique, absence de moyens, de formation, d’éducation, d’accès à l’énergie… Ou encore, on parle des freins traditionnels, comme la déforestation due à la coupe de bois de chauffe, etc. Lors des dernières COP, les pays du continent, moins pollueurs que les autres, demandaient des fonds, des aides et des soutiens dans ce domaine qui ne passionne pas les foules chez leurs électeurs, souvent bien empêtrés dans des soucis plus urgents, plus criards du quotidien, et peu enclins à se préoccuper des décennies futures. Et pourtant… Depuis quelques années, on assiste à une évolution inattendue et plutôt rapide dans le secteur. Le Sénégal ouvre le plus grand parc éolien d’Afrique de l’Ouest. La Côte d’Ivoire vient de signer un énième protocole avec un pays européen afin de doubler ses énergies renouvelables d’ici dix ans et prévoit de réduire de 28 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. De même, le Cameroun annonce qu’il veut porter sa capacité en matière d’énergies renouvelables à 25 % pour 2030. La plupart des pays ont déjà opté pour le mix énergétique, qui se développe à la vitesse grand V, comme au Mali. À Lagos, une entreprise locale a levé 20 milliards de dollars pour l’électrification des marchés par panneaux solaires et stockage d’énergie sur batteries. Et des projets de smart cities sont lancés au Rwanda ou bientôt au Bénin. Finalement, le continent décollerait-il en matière d’avenir vert ? Fréquemment appelée « dernière frontière de la croissance » et vantée pour l’immense marché qu’elle promet, l’Afrique attire aussi, et de plus en plus, les investissements dans le secteur de l’environnement. Et il semble que le temps où l’on entendait des « analyses » du genre « Ah oui, l’Afrique a plein de soleil, mais ça coûte trop cher pour elle d’installer des panneaux » est en passe d’être révolu. Les projets avancent, trouvent des financements, les gouvernements se retroussent les manches, s’informent, entrent dans la danse. Et si la tendance se confirme, ce sera une super bonne nouvelle pour l’avenir du continent et des prochaines générations. Ainsi qu’un excellent moyen pour claquer gentiment le beignet aux afro-pessimistes ronchons qui restent persuadés que l’on est condamnés à rater tous les trains qui mènent vers des lendemains meilleurs. ■ AFRIQUE MAGAZINE
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2050
PLUS DE 2 MILLIARDS
D’AFRICAINS ?
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Le Nigeria avec 400 millions d’habitants. La RD Congo frisant les 200 millions… Telles sont, entre autres, les projections démographiques pour le continent en 2050 (qui n’a dépassé le milliard d’individus qu’en 2010 et comptait seulement 140 millions d’âmes en 1900) ! Mais si cette croissance donne des sueurs froides légitimes, elle pourrait aussi s’avérer une formidable opportunité de développement. Explications. par Cédric Gouverneur
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Le Caire, capitale de l’Égypte, pourrait compter 40 millions d’habitants en 2050.
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ardi 11 février, le compteur électronique de l’Agence égyptienne pour les statistiques (Capmas) a affiché le chiffre de 100 millions. Dans le pays le plus peuplé du monde arabe, qui comptait déjà 57 millions d’habitants en 1990, la natalité est galopante. Il y a trois ans déjà, le chef de l’État, le maréchal al-Sissi, qualifiait la surpopulation de « principale menace pour le pays », au même titre que le terrorisme ! Comparaison osée, provocante, mais compréhensible : en effet, 93 % des 100 millions d’Égyptiens s’agglutinent sur 8 % du territoire – en substance, le Nil et son delta. Après avoir connu une baisse dans les années 1980, le taux de fécondité (le nombre d’enfants par femme) est reparti à la hausse, à 3,5 %. Résultat : on compte une naissance toutes les 18 secondes. Et le général Khairat Barakat, directeur de la Capmas, a précisé que ce rythme s’emballe : 1 million de nourrissons sont nés dans les 216 premiers jours de 2019. Du jamais vu ! Le gouvernement, qui espère baisser le taux de fécondité à 2,5 enfants par femme en 2030, a diminué les aides sociales aux familles nombreuses et sponsorise une campagne de publicité sur le thème : « Deux, ça suffit ! » Ces timides mesures irritent pourtant certains cheikhs, pour lesquels le contrôle de la natalité « s’oppose à la volonté de Dieu ». Dépeuplée pendant trois siècles par la traite des esclaves, décimée à la fin du XIXe siècle par le choc colonial – dont des millions de victimes du « caoutchouc rouge » au Congo belge –, l’Afrique ne comptait, en 1900, que 140 millions d’habitants sur plus de 30 millions de km2, soit une superficie totale trois fois supérieure à celle de la Chine. Dans les années 1980, le VIH a sévèrement frappé le continent (notamment sa partie australe), avant que les trithérapies ne freinent l’hécatombe. Le taux de mortalité infantile est passé de 168 pour mille en 1990 à 84,5 pour mille en 2019. Avec 5,7 enfants par femme en 1990 et 4,3 en 2019, le taux de fécondité baisse, mais reste très élevé. Résultat : l’Afrique connaît la croissance démographique la plus forte au monde. La population a atteint 1 milliard en 2010, puis 1,2 milliard seulement cinq années plus tard. Elle pourrait dépasser 1,6 milliard en 2030, puis 2,5 milliards en 2050. À cette date, un quart des êtres humains vivront dans cette partie du monde, contre 16 % aujourd’hui ! L’espérance de vie devrait bondir de 58 ans en 2010 à 72 ans en 2065. Plus de la moitié des Africains auront alors moins de 25 ans. Et si, globalement, la densité de la population demeure relativement faible (43 habitants au km2), l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture de l’ONU relève que la « densité utile » grimpe rapidement localement, une fois prise en compte la fertilité des terres : le cas de l’Égypte, concentrée autour du Nil, est connu. Il en est de même au Niger, où 15 % des sols sont arables…
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« Le fort taux de fécondité est un facteur de fragilisation des États », rappelait Mabingué Ngom, directeur pour l’Afrique occidentale et centrale du Fonds des Nations unies pour la population, dans un entretien donné l’an dernier au quotidien Le Monde. Les jeunes, laissés sans perspective ni compétences, risquent de céder aux sirènes mortifères des extrémistes en armes. Le cas du Niger apparaît particulièrement préoccupant. En première ligne face au terrorisme [voir AM no 399-400], ce pays de 24 millions d’habitants possède le taux de fécondité le plus élevé du globe : 7,1 enfants par femme, et jusqu’à 8,4 dans la région de Maradi, au sud. Une enquête d’opinion, menée auprès des Nigériennes en 2012, a révélé que beaucoup estimaient le nombre idéal de grossesses abouties à 9. Les autorités de Niamey ont pleinement conscience du problème : en 2017, le président Mahamadou Issoufou rappelait que, faute de mesures adéquates, la démographie pourrait « doubler en dix ans et atteindre 40 millions d’âmes en 2035 ». À ce rythme effréné, cette nation compterait 65 à 79 millions d’humains dans trente ans, voire 209 millions en 2100 ! CAUCHEMARS URBAINS
Autres points sensibles : les villes. L’Afrique devrait avoir 1,2 milliard d’urbains en 2050. Trois fois plus qu’aujourd’hui. Construites au début du XXe siècle à seule fin d’héberger les élites coloniales et leurs affidés, de nombreuses métropoles se trouvent depuis des décennies engorgées, confrontées à des problèmes insurmontables en matière de transports, d’approvisionnement en eau et en électricité, de gestion des déchets [voir AM no 386]. Dans plusieurs mégapoles, la situation pourrait, à l’horizon 2050, devenir apocalyptique. Ainsi en est-il de Kinshasa. La capitale de la République démocratique du Congo voit sa population croître de 60 000 ménages chaque année. Elle pourrait arriver à 30, voire 35 millions d’habitants en 2050 ! Comment envisager une telle démesure ? Adossée au fleuve Congo et reliée au reste du pays par une unique route congestionnée, cette agglomération ne compte ni cadastre ni souvent de nom de rue. Elle croule sous (et sur) les ordures. Les trois quarts des Kinois vivent dans des bidonvilles sans eau ni électricité. Leur inventivité – le fameux mayélé (« la débrouille ») – ne suffira pas à rendre supportable leur (sur)vie. Une étude, réalisée en 2015 par l’Agence française de développement (AFD) et présentée aux autorités, préconise d’ériger, à l’est, une extension urbaine de 300 km2. Ce qui nécessiterait un investissement de 4,7 milliards de dollars… Première ville du continent avec 21 millions de citadins, Lagos accueille chaque jour 3 000 nouveaux arrivants et pourrait doubler sa population d’ici à 2050. Bâtie sur une lagune, la cité (dont le nom signifie « les lacs » en portugais) n’excède pas 20 mètres d’altitude et est à la merci des lames de l’Atlantique, AFRIQUE MAGAZINE
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KRIS PANNECOUCKE/HOLLANDSE HOOGTE/REA
Classe dans une école de Kinshasa (République démocratique du Congo). La cité voit sa population croître de 60 000 ménages par an.
renforcées par le dérèglement climatique. Deux tiers de la population vivent en zone inondable. Les autorités semblent en panne de solutions. Eko Atlantic, le plus grand projet immobilier du continent, bâtit depuis 2007 un nouveau quartier – avec Dubaï pour modèle. Mais il tourne au ralenti, faute d’investisseurs. En Égypte, les autorités érigent une nouvelle capitale à 40 km du Caire afin de soulager la mégapole. Car celle-ci et sa banlieue (« Greater Cairo ») pourraient compter, selon les estimations les plus pessimistes, jusqu’à 40 millions d’habitants en 2050. Cette cité en devenir, dont l’inauguration a été repoussée, est promise plus vaste, verte et aérée que Singapour… Néanmoins, certains précédents n’incitent guère à l’optimisme : depuis l’indépendance, pas moins de 22 villes nouvelles ont essaimé dans ce pays, mais la plupart sont demeurées à moitié vides, car trop chères et peu pratiques. Puis, il reste à lui trouver un nom : un Nouveau Caire existe déjà ! Au Sénégal, le pôle urbain de Diamniadio, en construction à 30 km de Dakar, semble plus à même de tenir ses promesses que ses cousines des bords du Nil. Envisagé dès 2002, amorcé en 2014, ce projet est bien avancé. Plusieurs ministères y ont migré depuis 2018, et un TER le relie à la capitale. Prévue pour 350 000 habitants, la ville nouvelle doit désengorger cette dernière, déjà saturée avec 2,5 millions d’habitants. Cependant, allons au-delà
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de ces scénarios catastrophes, de cauchemars urbains et de Sahel surpeuplé : la croissance de sa population peut aussi constituer une opportunité pour l’Afrique, si (et seulement si) elle s’accompagne d’une période de transition que les experts nomment le « dividende démographique ». Ce phénomène est l’une des clefs du développement spectaculaire de la Chine depuis quatre décennies. En mars 1979, Deng Xiaoping a fait passer sa nation de l’autarcie maoïste à un « processus d’ouverture et de réformes ». Dès 1971, l’Empire du Milieu a connu une baisse de la fécondité plus forte que celle de la mortalité infantile. Le dirigeant a renforcé ce ralentissement en imposant aux Hans (ethnie représentant environ 90 % des Chinois) la fameuse « politique de l’enfant unique ». Ce qui a ouvert une période de transition pendant laquelle la Chine a bénéficié d’un avantage économique certain : ce fameux dividende démographique. En effet, durant la période suivant la baisse de la natalité, le pays possède une pyramide des âges avec un maximum de jeunes adultes, relativement peu d’enfants et de personnes âgées. Cette population active, avec peu de progénitures et d’ascendants à charge, dispose d’un budget plus important pour consommer, investir et épargner ! Ce qui rend possible une forte croissance économique. La transition démographique chinoise s’est accompagnée d’un transfert de la
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PERSPECTIVES
main-d’œuvre du secteur rural informel au secteur industriel. À partir de 2007, près de trois décennies après l’instauration de la politique de l’enfant unique, elle est ainsi devenue plus rare (et donc plus chère). Aussi, en 2015, Pékin à autoriser les Hans à avoir un second enfant. Comme l’écrit l’économiste togolais Kako Nubukpo : « La transformation des économies africaines nécessite que l’on passe d’une démographie subie à une démographie choisie. Les pays qui se sont développés ont réduit drastiquement leur taux de croissance démographique. » AMORCE DE PLANNING FAMILIAL
En Afrique subsaharienne, la trop forte poussée démographique pénalise les performances économiques. Jean-Pierre Guengant, associé à l’Institut de recherche sur le développement (IRD), à Paris, a analysé* qu’entre 2000 et 2018, la croissance économique moyenne de 4,5 % par an dans cette partie du continent a seulement permis une augmentation de 1,7 % du PIB par habitant ! Pourquoi ? Parce que les dépenses générées par l’expansion de la population (2,8 % par an environ) absorbent 62 % de la progression économique. En comparaison, ce taux est de 10 % en Asie de l’Est et de 25 % en Asie du Sud, où le PIB par habitant a grimpé en flèche ! D’après le FMI, l’accroissement économique africain devrait se stabiliser autour de 4 % à moyen terme. Toutefois, estime Jean-Pierre Guengant, le maintien d’un taux d’augmentation de la population supérieur à 2 % par an d’ici à 2040 devrait continuer à absorber au moins la moitié de la croissance économique… Pour les États africains, conclut le démographe, la question se pose de savoir s’ils doivent accélérer leur transition démographique afin d’atteindre plus rapidement l’émergence. Seule une diminution du taux de fécondité permettra d’amorcer le dividende démographique, estime le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA). Avec 4,3 enfants par femme en moyenne, l’objectif reste lointain… Un exemple : au Bénin, où 41 % de la population a moins de 15 ans, l’ONG Racines, qui intervient dans le domaine de la planification familiale, a calculé qu’un quart des Béninoises interrompent leur scolarité en raison d’une grossesse non désirée. Or, « une seule année d’école supplémentaire chez les filles augmente leur salaire de 10 à 20 % ». Selon l’association, les organisations traditionnelles considèrent trop souvent que la richesse se mesure au nombre d’enfants. Le colonisateur a sa part de responsabilité : la France avait fait appliquer sa loi de 1920 interdisant la contraception et l’avortement. Cette législation est souvent restée en place après les indépendances et jusqu’aux années 1970-1980. Les structures économiques n’arrangent rien. Selon le Bureau international du travail, près de 80 % des emplois se trouvent dans le secteur dit « informel » dans les pays situés au sud du Sahara. Or, cette « économie de la débrouille » génère une forte natalité. En effet, faute de cotiser à une caisse de retraite, ces travailleurs ont tendance à fonder de grandes familles : ainsi, leurs enfants, devenus adultes, prennent soin 28
d’eux. Si le taux de mortalité infantile reste élevé, il diminue néanmoins, mais beaucoup de ruraux n’ont pas intégré cette donnée et persistent à concevoir de nombreux enfants. Ces réflexes natalistes ne subsistent pas seulement dans les campagnes reculées. Ainsi, en juillet 2017, le Parlement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), réuni à Ouagadougou, au Burkina Faso, avait émis un objectif de « trois enfants par femme en 2030 ». Ses membres se sont aussitôt fait dénigrer et insulter sur les réseaux sociaux… DES MENTALITÉS QUI CHANGENT
Cependant, les mentalités changent, notamment grâce au programme interafricain de planning familial, le Swedd [voir double suivante]. L’enjeu est colossal. Se basant sur l’expérience chinoise, l’UNFPA a calculé que le dividende démographique pourrait générer une croissance économique exceptionnelle, de l’ordre de 500 milliards de dollars par an sur trois décennies ! Dès juin 2017, l’Union africaine en prenait acte, mais y parvenir implique d’investir massivement dans l’éducation, l’emploi… En moyenne, 22,5 millions de jeunes arrivent, chaque année, sur le marché du travail. L’économiste Kako Nubukpo rappelle dans son dernier ouvrage, L’Urgence africaine (éditions Odile Jacob), que le continent dispose d’une croissance tout à fait acceptable, à forte intensité capitalistique… mais trop dépendante des cours fluctuant des matières premières, et guère créatrice de postes professionnels. Il appelle à rompre avec ce modèle extractiviste, au profit d’un nouveau système capable de générer des métiers. Cela passe par l’industrialisation, en transformant sur place les matières premières, plutôt que de les exporter à AFRIQUE MAGAZINE
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PASCAL MAITRE/MYOP
Usine de chaussures implantée à Dukem, zone industrielle dans la région d’Oromia (Éthiopie).
l’état brut. C’est le sens des différents projets montés Le Fonds des Nations unies pour la ces dernières années au Nigeria par Aliko Dangote, population a calculé que le dividende PDG du conglomérat Dangote Group et homme le plus riche du continent [voir AM no 401]. Le complexe pétro- démographique pourrait générer une chimique de Lekki, qui devrait être inauguré à la fin de croissance économique de 500 milliards cette année, promet ainsi la création de 60 000 emplois de dollars par an sur trois décennies ! directs et indirects. Citons aussi les parcs industriels l’indigence rurale, facteur de forte natalité, mais aussi d’exode éthiopiens, lancés en 2010, avec l’ambition de faire de la deuvers les villes déjà surpeuplées. L’Éthiopie a implanté, en 2005, xième nation la plus peuplée du continent, un pays à revenu le Programme de filet de sécurité productif (PSNP). L’idée est de intermédiaire d’ici à 2025. Neufs d’entre eux sont opérationnels, fournir aux foyers établis dans des zones d’insécurité alimentaire intégrant 70 000 salariés. Sept autres doivent être inaugurés et chronique de l’argent ou de la nourriture en contrepartie de trasix sont en construction. La plupart confectionnent du prêt-àvaux d’intérêt général (reforestation, irrigation…). Huit millions porter et de la maroquinerie. Selon le cabinet éthiopien Cepheus de personnes en bénéficient déjà. La Banque mondiale (prinResearch and Analytics, leur évolution suit « une trajectoire très cipale donatrice du PSNP) constate que ces ménages s’avèrent positive ». À ce rythme, ils pourraient rapporter à ce pays un moins vulnérables et moins forcés à brader leur cheptel contre de demi-milliard de dollars d’exportation avant mi-2021 et créer la nourriture, en cas de crise. On songe aussi aux efforts de diver170 000 postes supplémentaires. sification agricole. Avec des financements, notamment du PAM La mise en œuvre de la quatrième révolution industrielle (Programme alimentaire mondiale), les paysans produisent des constitue un autre vivier. Le Rwanda entreprend de créer une légumes nutritifs avec des techniques adaptées au changement « génération numérique ». Paula Ingabire, ministre des Techclimatique. Les résultats sont encourageants : ces agriculteurs nologies de la communication et de l’Innovation, a annoncé supportent mieux la sécheresse et la disette qui frappent en ce qu’une partie de son budget 2020 serait consacrée à la blockchain moment l’Afrique australe. D’un bout à l’autre du continent se (technologie de stockage et de transmission d’informations), à développe ainsi un panel d’initiatives louables, inspirantes, mais la robotique, à l’intelligence artificielle et au big data. Au Sénéencore insuffisantes pour anticiper le boom démographique de gal, dans le cadre de la « stratégie numérique 2025 », un parc ces trois prochaines décennies. Et pourtant, le temps presse : des technologies numériques de 25 ha devrait voir le jour à 2050, c’est demain ! ■ Diamniadio dès 2021. À la clef, selon le ministre de l’Économie numérique des télécoms Ndèye Tické Ndiaye Diop, la création * « La forte croissance démographique de l’Afrique freine son de 105 000 emplois directs et indirects. Autre piste : lutter contre émergence », Jean-Pierre Guengant, IRD, septembre 2019.
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PERSPECTIVES
interview
André Roux
« La nécessité d’embrasser une industrialisation basée sur nos ressources » Professeur d’économie à l’université de Stellenbosch Business School (Afrique du Sud). AM : Dispose-t-on d’exemples de dividendes démographiques dans l’histoire récente ? André Roux : Les pays d’Europe de l’Ouest et les États-
Unis ont vécu ce phénomène dans la seconde moitié du XXe siècle, quand la croissance de la population active a été plus rapide que celle du nombre d’enfants et de personnes âgées. La Chine plus récemment. En Afrique, le taux de fertilité diminue, même s’il demeure plus élevé qu’ailleurs sur la planète. Comme de plus en plus d’Africains s’urbanisent et ont les aspirations de la classe moyenne, on doit s’attendre à ce que le taux de fécondité décline à un rythme plus soutenu.
En 2050, 40 % de la jeunesse mondiale sera africaine. Comme vous l’écrivez, ce sera un avantage seulement si celle-ci acquiert les compétences scientifiques, technologiques, managériales, indispensables à la quatrième révolution industrielle. Les autorités, les secteurs publics et privés, les entrepreneurs, les fondations ont-ils conscience de l’ampleur de ce défi ?
De plus en plus de décideurs reconnaissent cet impératif. Cependant, nous devrons encore supporter le poids de l’héritage des politiques éducatives passées. Beaucoup de pays africains se sont construits sur les secteurs miniers et agricoles. Alors, pendant des décennies, l’éducation et la formation professionnelle Vous écrivez que « 25 % de la population mondiale se sont focalisées sur ces deux seuls domaines. Cela signifie aussi 25 % de consommateurs mondiaux »*. commence à changer, mais investir dans l’éducation et Cela veut-il dire que cette demande générera une offre la formation est un projet à long terme. Par chance, la de l’économie mondiale afin de satisfaire ses besoins ? fenêtre d’opportunité de la démographie africaine devrait Pas immédiatement. Une large proportion demeurer ouverte pour les prochaines de consommateurs africains vivra encore décennies. Bien que l’on ne puisse dans la pauvreté. Cependant, au moins « Aujourd’hui, probablement pas en exploiter les bénéfices la moitié d’entre eux sera constituée de la majorité immédiatement, il reste assez de temps la classe moyenne, apte à acheter une des nouveaux pour rectifier le tir (« to get things right ») large gamme de produits et de services. Ce sera une vraie opportunité pour les urbains migrent avant que cette fenêtre ne se referme ! producteurs et les fournisseurs de ces biens. du monde Exporter nos matières premières équivaut, L’Afrique est constituée de 55 pays. Quelles caractéristiques leur seront nécessaires, individuellement, pour préparer le dividende démographique ?
rural vers de petites villes. »
Les facteurs les plus importants sont un leadership visionnaire, responsable et prévisible, un système éducatif approprié, une main-d’œuvre qualifiée, et la diversification économique afin de réduire la dépendance à l’extraction des matières premières et à l’agriculture. La population urbaine pourrait grimper à 1,2 milliard en 2050 ! Comment faire face, sachant les difficultés déjà rencontrées par certaines mégapoles du continent ?
On voit les signes clairs d’une reconnaissance croissante de la nécessité d’embrasser une industrialisation basée sur nos ressources. Certains pays font mieux que d’autres : Maroc, Tunisie, Afrique du Sud, Botswana, Maurice… La réussite – ou l’échec – des pays africains à s’industrialiser dépendra de nombreux facteurs, notamment l’ouverture au commerce, la taille du marché intérieur, les infrastructures, la qualité et la quantité des ressources humaines, des investissements directs étrangers suffisants, la valeur des institutions, la stabilité macroéconomique… et la volonté politique. ■ propos recueillis par Cédric Gouverneur
* « 7 Economic Development Trends to Prepare for Africa 2050 », bizcommunity.africa/Article/410/19/193301.html. DR
C’est en effet un immense défi. Cela dit, l’urbanisation ne se limite pas à la migration dans des mégapoles. Aujourd’hui, la majorité des nouveaux urbains migrent du monde rural vers de petites villes. Le défi demeure le même, exigeant beaucoup d’argent et d’engagements. Il est temps de bâtir des cités vertes et agréables à vivre.
selon vous, à exporter notre richesse. La solution serait de les transformer sur place. Observe-t-on une tendance générale à cette industrialisation ?
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La planification des grossesses progresse… Longtemps mal perçue, la gestion des naissances commence enfin à porter ses fruits. L’idée qu’une famille peu nombreuse soit un gage de prospérité fait doucement son chemin.
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es pays francophones d’Afrique de l’Ouest connaissent « les plus forts taux de mortalité infantile et maternelle, les plus forts indices de fécondité, le plus faible taux d’utilisation de méthodes contraceptives », souligne le Partenariat de Ouagadougou, qui fait depuis bientôt dix ans la promotion du planning familial dans les États de la région. Un quart des épouses souhaiteraient espacer ou limiter les grossesses. Mais faute de moyens et d’informations, elles n’ont guère accès à une contraception moderne, qui reste trop souvent l’apanage des classes moyennes et des élites urbaines, plus éduquées. Et pourtant : « Le succès de l’Afrique dans la réalisation des objectifs de développement durable et des aspirations de l’Agenda 2063 de l’Union africaine (UA) dépendra de l’autonomisation des femmes », a rappelé Natalia Kanem, directrice du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) en juillet dernier, à Niamey, au Niger, lors d’une table ronde du projet Swedd (Sahel Women Empowerment and Demographic Dividend – Autonomisation des femmes et dividende démographique au Sahel). Lancé fin 2015 par l’UNFPA et financé par la Banque mondiale, le Swedd vise à sensibiliser les communautés rurales sur la question des mariages d’adolescents, des grossesses précoces et de la déscolarisation des filles. Une initiative à laquelle participent sept pays d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Mali, Mauritanie, Niger, Burkina Faso, Tchad, Bénin), bientôt rejoints par le Cameroun et la Guinée. Les progrès sont lents, mais ils sont là : en Côte d’Ivoire, environ 50 000 jeunes filles ont été sensibilisées à la contraception, sur un total de plus de 2 millions d’Ivoiriennes considérées comme vulnérables. Au Niger, champion du monde de la natalité, des ateliers expliquent aux collégiens et aux lycéens le lien entre maîtrise de la natalité et croissance économique, en faisant « les ambassadeurs du dividende démographique », comme l’expliquait la ministre de la Population, le docteur Amadou Aissata Issa Maiga.
GODONG/BSIP
LENTEMENT MAIS SÛREMENT
Une gageure dans certaines communautés rurales et patriarcales, où le nombre d’enfants reste trop souvent un marqueur de prestige social, en dépit des réalités économiques, et notamment de la pénurie de terres cultivables. Les animatrices du planning familial sont parfois encore perçues comme des « agents de l’Occident », missionnées pour « dépeupler l’Afrique »,
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Campagne de communication, à Kampala (Ouganda), pour aider les jeunes femmes dans les procréations non souhaitées.
voire pour « tuer ses enfants » Lentement mais sûrement, les mentalités commencent à bouger, y compris au niveau des religieux. Les promoteurs du planning familial, plutôt que de parler de « contrôle des naissances » et de voir les sourcils se froncer, préfèrent mettre l’accent sur l’« espacement des naissances », autorisé par l’islam dans l’intérêt de la mère comme de sa progéniture. Mais seule la chute du taux de mortalité infantile – encore terriblement élevé – poussera au désir de composer des foyers moins nombreux. La première phase du projet Swedd doit s’achever en décembre prochain, et sera suivie d’une seconde entre 2021 et 2023. À noter que le planning familial africain a trouvé un nouvel adversaire… à la Maison-Blanche ! Afin de flatter ses électeurs chrétiens fondamentalistes, Donald Trump a signé, peu après son investiture en janvier 2017, un décret interdisant aux États-Unis le financement d’ONG soutenant le libre choix de procréation. Le pire est que cette sentence anti-IVG a l’effet inverse de celui escompté, comme le rappelle l’association de planning familial Population Action International, après une décision similaire prise par George W. Bush en 2001 : « L’Afrique subsaharienne avait connu un taux d’avortement plus élevé, car la restriction de l’accès des femmes à la contraception a causé davantage de grossesses non désirées. » ■
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PERSPECTIVES
Un monde différent En 2050, un humain sur quatre sera africain, contre 16 % aujourd’hui. Le Nigeria sera plus peuplé que les États-Unis. Et l’Inde le sera légèrement plus que sa grande rivale, la Chine, dont la population est déjà en train de vieillir. Et certaines mégapoles africaines pourraient héberger plus de 30 millions d’habitants.
Inde
LES 20 PAYS LES PLUS PEUPLÉS D’AFRIQUE EN 2050 (en millions d’habitants) LES 20 VILLES LES PLUS PEUPLÉES PAYS 2020 2050 D’AFRIQUE EN 2050 Nigeria 205 400 111
205
RDC
89
194
Égypte
101
159
Kenya
52
91
Ouganda
45
89
Soudan
44
81
Tanzanie
61
80
Angola
29
77
Afrique du Sud 57
75
Niger
65-79
24
Mozambique 31
65
Algérie
43
60
Madagascar 27
54
Ghana
30
52
Côte d’Ivoire 25
51
Cameroun
26
50
Maroc
36
46
Burkina Faso
20
43
Mali
20
43
Sources : populationpyramid.net et countrymeters.info.
(en millions d’habitants) PAYS
2020
2050
Lagos
21
32
Kinshasa
8-12
30-35
Le Caire
22
24-40
Khartoum
2,6
19
Dar es Salaam 6,7
16
Luanda
8
14
Nairobi
4,7
14
Addis-Abeba
7,8
13
Abidjan
5,2
10,7
Kano (Nigeria) 3,8
10
Kampala
1,5
9,4
Ibadan
3,5
8,7
Alexandrie
5,2
8,7
Dakar
2,5
8,5
Bamako
2,4
7,6
Antananarivo
3,2
7,2
Abuja
3,2
États-Unis
6,9
Ouagadougou 3
6,9
Niamey
1
6,7
Mogadiscio
1,5
6,5
SHUTTERSTOCK
Éthiopie
Chine
Source : université d’Ontario, Hoornweg & Pope, Canada.
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Nigeria
États-Unis
Pakistan
Chine Pakistan Inde Nigeria
LES CINQ PAYS LES PLUS PEUPLÉS DU MONDE EN 2050 (en millions d’habitants) PAYS
2020
2050
Inde
1 380
1 639
Chine
1 471
1 433
Nigeria
206
400
États-Unis
331
379
Pakistan
220
338
Source : Nations unies, « Perspective de la population mondiale, juin 2019 ».
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CE QUE J’AI APPRIS
Abdoulaye Konaté AVEC SES ŒUVRES HORS NORME, L’ARTISTE PLASTICIEN MALIEN a acquis une renommée mondiale. Un travail de quarante ans sur le tissu et les couleurs, et une présence incontournable dans les musées et les galeries les plus prestigieuses. propos recueillis par Fouzia Marouf Je suis très attaché à Bamako. J’aime particulièrement son énergie, j’ai étudié à l’Institut national des arts au plus fort des années 1970, dans une incroyable effervescence. C’est une ville qui m’a appris l’ouverture sur le monde, l’enrichissement culturel. Trois influences s’y côtoyaient : malienne, arabe et occidentale. Elle m’a fait de nombreux cadeaux, je baignais dans une émulation incessante en rencontrant des artistes issus des quatre coins du monde. Elle incarne pour moi une cité monde qui a éveillé ma conscience sociopolitique. J’ai assisté aux débuts de la Biennale artistique, puis j’ai eu la chance de travailler au sein du Musée national.
Créer m’a enrichi et m’a appris que l’art est une recherche constante. Lorsque je suis en phase de création, je suis seul. Je cherche à transmettre quelque chose, je souffre, je dois synthétiser ma pensée et mon geste, afin de donner un maximum, que ce soit dans un petit comme dans un grand espace. J’ai voulu rendre hommage à l’Afrique à travers mes tissus, avec les ocres qui rappellent la couleur de la terre, et les bleus les Touaregs. Cuba [où il a poursuivi sa formation, ndlr] m’a forgé à aiguiser ma sensibilité. Et m’a permis d’explorer tous les médiums, de pousser plus loin les limites de mon inspiration. Je me suis essayé à la peinture, la gravure, la sculpture, je me nourrissais de tous les courants artistiques, des critiques, des expositions consacrées aux artistes brésiliens, canadiens, américains. J’adorais participer à des débats, j’ai suivi de l’intérieur la transformation de deux mondes : celui formé selon le modèle états-unien et celui pensé d’après le régime socialiste. Une sorte de bouleversement générationnel. Et j’ai connu la générosité de l’humanité : en dépit de la misère et de la souffrance, les Cubains conservaient un sens de l’humour intact ! J’ai vécu parmi eux dans des familles humbles, pleines de cœur. J’y ai encore des amis et j’y suis retourné en fin d’année, invité par la Biennale.
Les voyages m’ont enseigné la curiosité. J’aime aller à la découverte d’autres cultures. J’adore approcher de nouveaux mondes, des sociétés différentes. Dès que j’arrive dans un autre pays, je tiens à savoir ce qu’il s’y passe, je suis les conférences. J’ai été marqué par les philosophes Souleymane Bachir Diagne et Youssouf Cissé. Je me rends dans les musées, j’aime me pencher sur les œuvres d’artistes dont je ne connais pas les noms afin de me focaliser sur ce qu’ils ont à dire, à raconter en priorité.
La famille reste mon socle. J’ai appris au fil du temps qu’elle incarne le noyau de la société. Il faut faire attention à ce que l’on inculque à ses enfants, car au Mali, on dit : « L’individu est comme l’argile, quand tu fais le modelage et que ça sèche, il est difficile de le transformer. » Aussi, ce que l’on transmet doit se faire très tôt. Mes enfants m’ont inculqué l’amour inconditionnel. J’apprends énormément à leur contact. Je suis admiratif de leur capacité à évoluer si vite au cœur des nouvelles technologies, ce qui m’amène à m’interroger sur les valeurs à leur transmettre. Devenir père a bouleversé ma vie, je ne me suis plus préoccupé que d’eux, de leur avenir, de leur protection. Aujourd’hui, je redécouvre la gaieté, la spontanéité grâce à mes petits-enfants. ■
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PETER MALLET, COURTESY THE ARTIST AND BLAIN SOUTHERN
«La famille reste mon socle. J’ai appris au fil du temps qu’elle incarne le noyau de la société.»
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Maghreb Le déclin de l’islamisme? analyse
Les formations d’inspiration religieuse semblent marquer le pas, victimes de leurs propres contradictions et des évolutions des sociétés de cet « Occident arabe ». par Frida Dahmani 36
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ONS ABID
Le nouveau Premier ministre tunisien, le « social-démocrate » Elyes Fakhfakh, sollicite la confiance des députés sous le regard du président de l’Assemblée, Rached Ghannouchi… AFRIQUE MAGAZINE
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ANALYSE
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e 6 octobre 2019, en Tunisie, Ennahdha savoure une victoire douce-amère. Le parti islamiste conservateur arrive en tête des élections législatives, mais une majorité ne peut être dégagée. Au sein d’un Parlement déjà très morcelé, le mouvement est contraint de négocier des alliances pour parvenir à former un gouvernement. Habib Jemli, ancien secrétaire d’État à l’Agriculture est choisi comme chef du gouvernement, disposant d’un mois, renouvelable une fois, pour former le futur cabinet. Opération manquée : le candidat à la primature n’obtient pas la confiance de l’hémicycle. Butant sur les exigences des mouvements rivaux, il décide de former un exécutif apolitique, constitué de technocrates. La manœuvre ne prend pas. Finalement, Elyes Fakhfakh, ancien ministre des Finances, est nommé chef du gouvernement, le 20 janvier 2020, par le président Kaïs Saïed. Un mois plus tard, sans surprise, son équipe obtient la confiance du Parlement. Ennahdha, qui en est la force majeure avec 54 députés, obtient six portefeuilles, mais ne décroche pas les ministères qu’il convoitait. Pour son président, Rached Ghannouchi, l’échec est cuisant. Aujourd’hui, le parti islamiste conservateur doit donc faire face à une équation complexe : composer avec Kaïs Saïed, un président de la République que l’on disait de la même veine idéologique mais qui finalement ne l’est pas ; collaborer avec un gouvernement où l’organisation compte, sans être vraiment à son aise, et cohabiter avec Elyes Fakhfakh, les courants centristes et nationalistes. Un nouveau défi pour un mouvement qui espérait se maintenir au pouvoir « au moins vingt ans », selon Abdelfattah Mourou, l’un de ses fondateurs. L’islam politique a percé en Tunisie en 2011, à la faveur des soulèvements des Printemps arabes. Au moment de l’essor d’Ennahdha, en 2012, son président affirmait alors qu’« islam et politique sont indissociables ». Quatre ans plus tard, il assène avec la même conviction qu’il « n’y a plus de justifica-
voisines y est pour beaucoup. La notion de l’État séculier en Tunisie et l’intransigeante contestation populaire également. La formation a su assurer sa survie, en devenant un parti civil et en écartant ses ambitions prédicatrices. Le conservatisme musulman, dans le pays, a d’ailleurs été accueilli de manière ambivalente. Redouté car mal défini, remettant en question l’autorité de l’État et agitant le spectre du califat, Ennahdha, débordé par ses extrêmes, a essayé de justifier les menées salafistes, mais est resté desservi par l’émergence du terrorisme. D’autant plus que l’espoir d’en finir avec les inégalités et la pauvreté a été très vite déçu, malgré sa tentative évidente de séduction sur le plan social. « En 2011, certains considéraient Ennahdha comme le parti des hommes d’Allah, estimant ainsi que ses membres ne pouvaient qu’être équitables et désintéressés », précise le sociologue Abdessatar Sahbani. Mais l’organisation est très vite rattrapée par le jeu politicien. Critiquée pour son incapacité à gérer les affaires de la nation, elle apparaît comme clivante. Le groupe perd du terrain, mais se maintient comme premier parti du pays tout en étant contraint de composer des alliances, faute d’être majoritaire. « Ennahdha est la colonne vertébrale de la politique tunisienne, il est le chaînon entre droite et gauche », assurait, il y a quelques jours, Rached Ghannouchi, qui a décidément changé de ton. Dans l’ensemble du Maghreb, les formations islamistes ont globalement suivi la même trajectoire. Sortir de la clandestinité où les avaient reléguées les dictatures, laisser entendre aux héritiers de la doctrine radicale de Sayyid Qutb – idéologue des Frères musulmans – qu’ils avaient les coudées franches pour islamiser le Maghreb ou du moins d’y implanter la charia, cahier des charges des normes cultuelles, sociales, économiques et politiques, validé par l’islam. Mais la diffusion de la doctrine a très vite fait long feu auprès d’une population musulmane et pratiquante, qui considère le plus souvent la religion et la foi comme des affaires personnelles. Au Maroc aussi, les islamistes ont été L’islamisme est toujours là, mais confronté contraints d’adoucir leurs positions. Le Parti de aux autres familles politiques, au pouvoir la justice et du développement (PJD), première et à son impopularité relative. Il perd force politique du territoire avec 27 % des sufdu terrain et doit trouver de nouveaux frages aux législatives de 2016, a eu le même destin que son homologue tunisien Ennahdha. équilibres pour sa pérennité. Arrivé au pouvoir fin 2011, il a dû s’acclimater et composer avec les autres groupements dont l’Istiqlal, le tion à l’islam politique en Tunisie ». S’enracinant sur des terriRassemblement national des indépendants (RNI), le Parti du toires locaux, tirant profit de conflits internationaux, comme progrès et du socialisme (PPS). « On est passé d’un parti fondé en Libye, la formation de Rached Ghannouchi est passée par sur la prédication et la diffusion d’une morale à un parti qui doit toute une série d’épreuves qui, après coup, permet d’expliquer gérer les affaires. Le Mouvement unité et réforme (MUR), sa le changement de ton de ses leaders, délaissant, en neuf ans, les matrice idéologique, assure toujours le volet prédication, mais propos extrêmes pour des déclarations plus policées. La répresle personnel politique du PJD s’est éloigné de cette fonction », sion contre les Frères musulmans en Égypte, en 2013, qui a analyse le politologue Mohamed Tozy. jeté l’opprobre sur les forces politiques d’inspiration islamiste 38
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KADRI MOHAMED/ABC/ANDIA.FR
Le 21 février 2020, la manifestation antigouvernementale, à Alger, marque le premier anniversaire de la contestation populaire, organisée en marches hebdomadaires.
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ANALYSE
Le Premier ministre marocain Saadeddine El Othmani, lors d’une conférence du FMI à Marrakech, le 30 janvier 2018.
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pour réclamer une transition vers un régime civil. « Le Hirak écrit les règles du jeu de la compétition pacifique pour le pouvoir. On ne peut pas interdire à un islamiste d’être un islamiste, mais on peut exiger de lui qu’il s’engage à ne pas utiliser la violence, à ne pas décider qui est musulman et qui ne l’est pas, à accepter que la croyance religieuse ne soit pas l’affaire de l’État », décrypte le sociologue algérien, Lahouari Addi. Les pays maghrébins sont donc à un tournant de leur histoire. Les islamistes peinent à convaincre. Leur inaptitude à gérer le pays, leur absence de vision économique et leur approche passéiste des affaires expliquent leur échec. Résultat, l’économie est en panne, la paupérisation s’installe, et les mécontents les désignent comme coupables de n’avoir pas su contrôler les ressources de l’État et d’en avoir tiré des faveurs. Les conservateurs religieux ont profité de la dispersion des partis pour se maintenir sur l’échiquier politique. Mais pour combien de temps encore ? Les alliances sont inévitables. Et les divisions internes se multiplient. « L’ISLAM N’EST PAS SOLUBLE DANS LA DÉMOCRATIE »
Le congrès d’Ennahdha, prévu à la fin de l’année 2020, dévoilera les divisions et les ajustements qu’il devra s’imposer. Mais les fondateurs de l’islamisme politique en Tunisie restent aux aguets, le scrutin législatif de 2019 a ouvert le Parlement à des franges extrémistes et populistes, comme la coalition El-Karama ou le parti Errahma, qui se revendiquent également de l’islam politique. « Nous prendrons le pouvoir par les voies démocratiques et instaurerons le califat », a clamé Ridha Belhaj du parti salafiste désormais interdit, Hizb ut-Tahrir. Un danger pour la très jeune démocratie tunisienne, mais aussi pour l’Algérie où la transition paraît inéluctable. « L’islam n’est pas soluble dans la démocratie, il la manipule », assène le politologue tunisien Rafaa Tabib. La difficulté des islamistes est de n’avoir pas pris toute la mesure de la refonte de la société. Les rapports hommes-femmes, les libertés individuelles, le multiculturalisme, l’éducation, la religion sont en constante évolution. Et même si la nostalgie d’un « âge d’or arabe » est toujours vivace, le pragmatisme prévaut chez les plus jeunes : « Je voterai pour ceux qui me donneront du travail et à manger », disait un habitant de Jelma, ville au centre du territoire, à la veille des élections. L’islamisme est toujours là, mais confronté aux autres familles politiques, au pouvoir et à son impopularité relative. Il perd du terrain et doit trouver de nouveaux équilibres pour sa pérennité. Un islamisme contemporain est-il possible ? À quoi ressemblerait-il ? Un courant « musulman démocrate », comme Ennahdha, un mouvement plus profond qui insufflerait des codes religieux dans une société en quête de nouveaux repères ? « Devenir un vecteur de réconciliation, de pacification des tensions et accepter la pluralité des Tunisiens pourrait permettre aux islamistes de trouver un second souffle », estimait Taïeb Sahbani, militant nationaliste. Réconciliation, c’est justement ce que propose Rached Ghannouchi dans ses dernières déclarations… ■ AFRIQUE MAGAZINE
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YOUSSEF BOUDLAL/REUTERS
Pour preuve : préalable à son accession au gouvernement, le PJD a dû reconnaître Mohammed VI comme « commandeur des croyants », incarnant les institutions et la communauté des musulmans. Le chef du gouvernement marocain et membre du PJD, Saadeddine El Othmani, a levé toutes ambiguïtés : « Ne cherchez pas la moindre dissonance entre le chef du gouvernement et Sa Majesté le Roi, qui est le chef de l’État », avait-il asséné pour faire taire les allégations qui soutenaient que « l’islam politique porte une dimension de rébellion contre les institutions ». Les leçons de l’expérience tunisienne avaient été tirées. En effet, en 2013, le bras de fer d’Ennahdha avec le séculier, la volonté de ses dirigeants de soumettre les institutions, leur entêtement à rejeter les acquis de la Tunisie moderne, ont conduit la nation au bord d’un conflit civil. Ce rapport de force, l’Algérie le connaît également à travers l’actuel mouvement contestataire, dit « Hirak ». Le principal parti islamiste algérien, le Mouvement de la société pour la paix (MSP), se revendique comme « social ». Or, « l’État islamiste » réclamé dans quelques manifestations passe mal, d’autant plus que la réapparition de membres de l’ex-Front islamique du salut (FIS), auteur des exactions des années 1990, est désapprouvée. Dans la mémoire collective maghrébine, les drames corrélés à l’islam radical, dont cette décennie noire en Algérie, sont toujours présents. Toutefois, islamistes et non-islamistes se côtoient
Questions à…
HAKIM EL KAROUI Fondateur du cabinet de conseil stratégique Volentia, également auteur en 2018 de La Fabrique de l’islamisme, pour l’Institut Montaigne, il analyse l’évolution de l’islam politique au Maghreb. AM : La séquence de l’islam politique au Maghreb est-elle encore d’actualité ? Hakim El Karoui : Avec le recul, la capacité d’adaptation
de l’islam politique est frappante. Cette acclimatation à l’équilibre des pouvoirs est perceptible au Maghreb. En Tunisie, Ennahdha a reculé en faisant l’expérience du pouvoir ; en Algérie, la volonté d’hégémonie des islamistes est en net retrait. La chute et la répression des Frères musulmans en Égypte en 2013 ont été un vrai traumatisme pour les mouvements islamistes, et induisent qu’ils se fondent dans le paysage. Si j’osais une image, je dirais que l’islamisme est une idéologie liquide, qui va s’adapter à l’environnement et le fait extrêmement bien. Les islamistes sont toujours là et effectuent un travail social et idéologique, d’autant plus qu’ils n’ont pas d’adversaire sur ce terrain et que les États sont faibles sur le plan de l’action sociale. Personne ne les combat ou ne les conteste en matière d’interprétation des textes, à part en Tunisie où quelques intellectuels s’y essaient. Il semble qu’au Maghreb, ce ne soit pas un sujet, bien que les populations soient croyantes et pratiquantes, le champ religieux est laissé aux islamistes, comme s’ils incarnaient la religion. C’est une erreur politique majeure et une erreur stratégique des élites modernistes de cette région. Mais ce n’est pas nouveau.
ÉRIC GARAULT/PASCO
L’islam politique a-t-il été instrumentalisé par les puissances arabes en quête de zones d’influences politiques ?
Comme toujours, chacun est en quête d’alliés. Clairement, les Émirats ont la stratégie d’être « anti-Frères musulmans ». Au contraire du Qatar, qui n’a pas eu de réel retour sur investissement pour son appui apporté à Ennahdha. Cependant, l’influence des pays du Golfe est d’abord saoudienne et idéologique, avec une stratégie de diffusion du wahhabisme très organisée, mais aussi un soft power très puissant.
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Y a-t-il eu amalgame entre islam politique et islam radical ?
Effectivement, ceux qui voulaient combattre un islam politique qui contestait leur pouvoir ont opéré cet amalgame. Une situation mise à profit par les dictateurs, qui justifiaient qu’ils ne pouvaient être démocrates puisqu’ils combattaient le terrorisme. C’était le cas de Zine el-Abidine Ben Ali en Tunisie et d’Abdel Fattah al-Sissi aujourd’hui en Égypte. Face à la difficulté de comprendre l’islamisme, l’Europe est aussi dans la tentation du mélange des genres. Est-ce que l’islam politique est contraint de céder au sécularisme et à des réalités nationales différentes ?
En Tunisie, ils dirigent le pays depuis neuf ans, mais qu’ont-ils fait d’islamiste ? Comme les autres partis, ils ont certes utilisé le pouvoir, mais sans que la nation soit devenue islamique pour autant. Ils sont implantés dans la société, mais se sont aussi beaucoup décrédibilisés. Vue d’Europe, la Tunisie s’est dotée d’un président de la République conservateur, d’un président de l’Assemblée islamiste et d’un chef du gouvernement qui sont dans leurs mains… Mais il faut aller au-delà de ces apparences. En effet, c’est bien plus complexe que cela. Dans un contexte socio-économique fragile et une désillusion politique, le pays a opté pour des conservateurs, mais ne compte pas pour autant renoncer à ses acquis. Musulmans et démocrates, est-ce que cela tient la route ? Est-ce que les partis n’auraient pas à craindre un abandon de leurs bases ?
C’est le problème de tous les partis dits révolutionnaires qui accèdent au pouvoir et qui finissent par évoluer comme les autres formations. La préoccupation d'Ennahdha est de savoir s’il va devenir le grand parti conservateur, mais son problème est que toutes les formations évoluent dans un mouchoir de poche et sont sur une ligne centriste voisine, avec un socle commun conservateur-libéral. Nidaa Tounes, qui faisait contrepoids, a été mis de côté, et la gauche est difficilement audible. Les nouveaux partis composent ensemble, et tout d’abord avec Ennahdha. La pratique d’un consensus au niveau institutionnel accélère une forme de banalisation. Reste les différences sociologiques importantes et très fortes, mais dans un contexte islamisé, sans forcément être islamiste. Ennahdha a arrondi les angles sur le plan des idées. ■
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La saga du barbe Dans cet ouvrage passionnant, le docteur Yassine Jamali rapproche l’histoire de ce CHEVAL LÉGENDAIRE et la grande épopée des hommes. Mais malgré son destin incroyable, cet équidé du Maghreb est menacé de disparition. L’occasion pour l’auteur de faire le tri entre récits et réalité. par Zyad Limam
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LE CHEVAL BARBE par Yassine Jamali, Actes Sud, 272 pages, 22 €.
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ean-Louis Gouraud est un ami de longue date de notre magazine et un spécialiste mondialement reconnu du cheval. Il anime plusieurs collections sur ce thème galopant, comme celle-ci, « Arts équestres », chez Actes Sud. D’où ce livre, fruit d’une rencontre avec le docteur Yassine Jamali qui remonte à octobre 2018, au salon international du cheval d’El Jadida, au Maroc. Un vétérinaire, agriculteur et passionné du cheval barbe, ce « petit cheval d’Afrique du Nord ». Né en 1967 au royaume, d’une mère bretonne et d’un père marocain, il a grandi dans la ferme familiale au pied du Moyen Atlas. Très vite, il a développé une passion pour le barbe. Se décide donc, au lendemain du salon, l’écriture de ce livre, dans lequel le docteur Jamali nous raconte la grande aventure de cet équidé du Maghreb, robuste, courageux, résistant. Et dont l’on dit qu’il fut l’une des montures d’Hannibal. Faisant le tri entre la légende et la réalité, Yassine Jamali rapproche l’histoire du barbe et la grande épopée des hommes. Avec le récit de la toute-puissance des cavaliers berbères, des combattants arabes, puis le déclin face aux armées coloniales et aux mitrailleuses. L’auteur suit le destin de ce cheval qui a fait ses preuves au cours d’une histoire millénaire, qui est aussi venu donner naissance aux grandes races hispaniques, comme l’andalou ou le lusitanien. Le destin de ce guerrier parfois ramené à la caricature d’une monture de fantasia. Il s’inquiète enfin des dérives qu’on lui fait subir aujourd’hui, au point de le menacer… de disparition. Le docteur Jamali ne perd pourtant pas espoir, bien décidé à préserver ce patrimoine vivant irremplaçable. ■
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Extraits Chapitre II Le barbe dans l’historiographie arabe Le cheval d’Afrique du Nord semble avoir suscité l’admiration des grands connaisseurs qu’étaient les Arabes. En-Noweiri, historien arabe, raconte la conquête de Baghaya par Oqba Bnou Nafi’ vers l’an 682 : « Il partit alors avec une armée nombreuse et arriva sur le sommet de la colline qui domine la ville de Baghaya. Ayant livré combat aux habitants, après une lutte opiniâtre, il leur enleva une quantité de chevaux, les plus forts que les musulmans eussent jamais vus dans leurs expéditions. » Mercier cite Mohammed Pacha : « Nous lisons, dans la Shaqratisiya, que les compagnons du prophète, lorsqu’ils conquirent l’Ifriqyia, préférèrent les chevaux de cette région à ceux de l’Irak et de la Syrie. » Le dernier des grands conquérants arabes du Maghreb, Hassan Ibn Nouaamane, découvre à ses dépens la convoitise que suscitent les chevaux africains : sur la route du retour vers la capitale omeyyade, Damas, redoutant la cupidité du gouverneur d’Égypte, Abdelaziz, il dissimule son or et ses pierres précieuses, et lui offre « deux cents jeunes esclaves de l’un et l’autre sexe, d’une rare beauté. Ce dernier, peu satisfait d’un présent aussi considérable, le contraignit à lui donner ses meilleurs chevaux ». (Denis-Dominique Cardonne) Un présent offert au calife omeyyade quelques années plus tard est ainsi décrit : « Peu de temps après, le préfet Ubayd Allah Ibn Abdellah El Rahman al Qaysi expédia auprès du calife Hisham Ibn Abdel Malik des chevaux, des bêtes de trait, des quantités considérables d’or et d’argent, des eunuques et sept cents belles captives. » (Roger Botte, Alessandro Stella) Des siècles plus tard, au Moyen Âge, les chevaux du Maghreb étaient toujours aussi prisés en Orient. Ibn Khaldun, historien mais aussi homme politique, déploya des trésors de diplomatie et de patience pour mener à bien une transaction entre le sultan mamelouk al Zahir Barquq, grand amateur de barbes, et les souverains du Maroc, de Tlemcen et de Tunis. Le sultan mamelouk reçoit enfin les chevaux tant attendus, après deux tentatives infructueuses : 35 chevaux du maître du Maghreb, 30 de Tlemcen et 30 de Tunis. « Ibn Khaldoun évoque plusieurs exemples de ces échanges entre Saladin et l’Almohade Yaakub El Mansour, entre le Merinide Yusuf Ibn Ya’kub et le roi mamelouk al Nàsir Muhammad Ibn Qalaoun, et entre le roi Merinide Abu El Hassan et le fils de ce dernier, al Nàsir Ibn Muhammad
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Ibn Qalaoun. » (Abdesselam Cheddadi, « Le cheval au Maghreb à l’époque médiévale », in Jean-Pierre Digard) Cette appréciation lapidaire du sultan Qalaoun rapportée par Prisse d’Avennes est tout à l’honneur du cheval barcéen ou libyen : « Le cheval barcéen est le cheval de service, le cheval arabe est le cheval de parade. » Le sultan commandera à son maître écuyer Abu Bekr Ibn Bedr l’ouvrage Kamil al Sanatein, dit Le Nâcérî, où il classe ainsi les chevaux d’Arabie et ceux d’Afrique : « Des trois races que produit l’Arabie, les chevaux du Hedjaz sont les plus nobles, ceux du Nejd les plus sûrs et ceux du Yémen les plus durs au travail et les plus résistants […]. En Afrique, les chevaux d’Égypte sont les plus légers, ceux de Barca les plus rudes et les plus difficiles à dompter, ceux de Barbarie les plus rapides. » Les importations de chevaux par l’Égypte et la Syrie ne se limitaient pas aux présents faits par les souverains maghrébins aux sultans mamelouk. Il s’agissait d’un commerce d’une importance stratégique. Selon Sir John Mandeville : « C’est pour couper les sources de ravitaillement des mamelouk en or, chevaux, esclaves et fournitures de toute sorte que Saint Louis débarque à Tunis en 1270. » Ce que confirment J. et D. Bisson et J. Fontaine : « La Cyrénaïque ne compte guère que par son approvisionnement, étroitement lié à l’Égypte qui s’y approvisionne en bois, bêtes de boucherie, chevaux renommés. » C’est pourquoi le voyageur Nicolas Frescobaldi observe pendant son séjour en Égypte que « les mamelouks montaient des chevaux de Berbérie très rapides ». (Ahmed Darrag) Le mouvement continu de chevaux d’ouest en est est donc attesté, sur une durée de plusieurs siècles. Il est difficile d’imaginer que ces milliers de chevaux n’ont pas engendré de produits, ne se sont pas mélangés avec les chevaux locaux, et n’ont pas contribué au pool génétique moyen-oriental.
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Chapitre III Les effets de la colonisation En 1827, quand le dey d’Alger, d’un coup d’éventail, déplace une escadre française du nord au sud de la Méditerranée, il ouvre la voie à trois années de blocus du port d’Alger, que suivront cent trente ans de colonisation. Ce même coup d’éventail a une autre conséquence à plus long terme : il met un terme au triste statut de « cavalerie la plus mal montée d’Europe », aux dires de Wellington, en offrant à la France le « meilleur cheval de guerre du monde ». (Alfred Nettement) La découverte de la race barbe ou des races barbes, enfin, des chevaux algériens, puis tunisiens et plus tard marocains,
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est en fait une redécouverte, mais à une échelle et dans une perspective totalement nouvelles. Importé à dose homéopathique depuis des siècles, en provenance de son berceau maghrébin, pour améliorer le cheptel français (et européen), le barbe, du fait de la conquête, entre massivement dans le giron français, ou plutôt la France investit le berceau du barbe. Les débuts de la conquête sont laborieux : « L’Arabe, monté sur un cheval d’une extrême vitesse, qu’il a endurci comme lui à toutes les fatigues, à toutes les privations, couvert d’armes offensives et défensives plus efficaces que les vôtres, fond sur vous avec la rapidité de l’éclair, et fuit de même sans déshonneur pour revenir bientôt ; il vous cerne, il vous presse de tous côtés, et toute votre tactique s’épuise en vain contre lui. […] Il vole autour de vous. Vous ne l’atteignez jamais, il vous attaque quand il veut ; ce n’est que bien rarement que vous pouvez surprendre cet ennemi si agile. » (De La Pinsonnière) « Et puis ce peuple tire un admirable parti de son infatigable petit cheval. Avec sa tactique il aurait bientôt fatigué notre cavalerie […] dans le combat corps à corps, le choc de ces deux êtres, le cheval et l’Arabe qui n’en font qu’un, pourrait avoir une force matérielle plus grande que celle de nos cavaliers. » (Marie-Joseph-Bernard Gaillard) Il fera l’objet d’éloges dithyrambiques de la part des premiers conquérants, puis une note plus péjorative apparaît et se renforce à mesure que le guerrier belliqueux fait place à un « indigène » pacifié, soumis : « La cavalerie arabe manœuvre fort bien. C’est vraiment un plaisir que de la voir dans une plaine, charger au galop avec tous les fusils en joue, tirer, faire demi-tour et tous les cavaliers se sauver couchés sur leurs chevaux. Les plus vaillants restent droits et s’en vont au petit galop en faisant tourner leur fusil en l’air. » (Claude-Antoine Rozet) « Les tirailleurs français, très braves, mais inexpérimentés, se battaient à découvert et ne s’attachaient pas beaucoup à ajuster leurs ennemis. Ceux-ci, au contraire, armés de longs fusils d’un calibre bien supérieur à celui de leurs adversaires, profitaient des arbustes, des roches et des moindres inégalités de terrain pour se couvrir, tiraient avec soin et changeaient continuellement de place. On peut les classer parmi les meilleurs tirailleurs de l’univers. Dans toutes les escarmouches d’avant-postes, la perte des Français était toujours plus considérable que celle des Algériens. » (Baron de Vinchon) Vers la fin de la « pacification » de l’Algérie, la régence de Tunis tombe à son tour. La marche en avant de l’Empire français est suspendue pendant deux générations, et dès les premières années du XXe siècle débute le dernier acte : la conquête du Maroc. L’équipement militaire des opposants à la pénétration française au Maroc n’est guère plus perfectionné que celui des combattants d’Abdelkader. En revanche, entre 44
le débarquement de 1830 à Alger et l’entrée des premières colonnes de Lyautey à Oujda en 1912, l’armement français a été révolutionné. Toutes les armes de la Première Guerre mondiale sont déjà opérationnelles : fusils à répétition et canon rayé, artillerie et surtout artillerie légère, de l’obusier au canon de montagne. Les mitrailleuses à elles seules sont une innovation qui a fait ses preuves dans les terribles carnages des dernières batailles coloniales, d’Omdurman à Isandhlwana. Les ballons dirigeables, l’aviation, les gaz apparaissent et se développent. De plus, contrairement à la conquête de l’Algérie, la France au Maroc épargne ses citoyens et envoie au feu des soldats coloniaux, sénégalais ou algériens, puis marocains, suivant un effet domino redoutable où chaque tribu marocaine soumise est armée et poussée contre ses voisins pour la nouvelle étape. Les batailles coloniales modernes sont à l’image de cette description de la bataille d’Omdurman par Winston Churchill : « Les fantassins tiraient régulièrement et impassiblement, sans hâte ni excitation car l’ennemi était loin […]. En outre les soldats étaient pris par leur tâche et faisaient de leur mieux. Mais bien vite cet acte purement mécanique devint monotone. » Face à une telle inégalité, l’issue est jouée d’avance : « Quelque 60 000 combattants des hordes du Khalifa se jetèrent avec un courage magnifique contre les lignes de Kitchener pour être fauchés par les mitrailleuses, les fusils et l’artillerie. » Le bilan est terrible : « La victoire avait coûté aux Britanniques 48 tués dont 3 officiers et 25 autres gradés, ainsi que 433 blessés, contre 10 000 tués et 16 000 blessés et prisonniers parmi les ennemis. » L’armement européen a connu un essor formidable au cours du XIXe siècle. En particulier, l’accès britannique au savoir-faire indien en matière de sidérurgie (Chomsky) fut un élément déterminant de la Révolution industrielle anglaise. Les fusils évoluent rapidement. En 1820 apparaît l’amorce, qui remplacera le silex vers 1840 en Europe. Puis le canon rayé se généralise. En 1853 le Lee-Enfield britannique a une portée de 500 m, de même que le fusil Gras français. C’est près de dix fois la portée des mousquets artisanaux maghrébins. En 1859, le canon rayé de montagne, d’un calibre de 86,5 mm démontable pour être transporté à dos de mulet, est efficace à 2 700 m. À la fin des années 1890, un fusil de guerre occidental peut tirer 15 coups en 15 secondes, avec une précision satisfaisante à 500 m ! La démographie est une autre arme : de 1800 à 1900, la France passe à peu près de 30 à 40 millions d’habitants. La population maghrébine totale en 1830 est estimée à 7 millions. Un recensement de 1886 dénombre à peu près 4 millions d’Algériens. Au Maroc, la seule vraie arme dont dispose l’esprit de la résistance est la montagne. ■ AFRIQUE MAGAZINE
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DÉCOUVERTE Comprendre un pays, une ville, une région, une organisation
Le siège de la Banque africaine de développement (BAD), à Abidjan.
2011-2020 LE TEMPS DE L’ÉMERGENCE
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NABIL ZORKOT
CÔTE D’IVOIRE
Croissance, investissements, infrastructures, entrepreneuriat, inclusivité… Le pays renoue avec l’ambition et retrouve sa place de leader.
DOSSIER RÉALISÉ PAR ZYAD LIMAM AVEC ALEX ANDRA FISCH
DÉCOUVERTE / Côte d’Ivoire
Un nouveau
départ
Avec l’arrivée au pouvoir d’Alassane Dramane Ouattara en mai 2011 et après deux décennies de crises multiples, le pays retrouve le chemin de l’unité et de l’ambition.
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Le président ADO lors de sa cérémonie d’investiture, le 21 mai 2011, à la Fondation Félix Houphouët-Boigny, à Yamoussoukro.
SIA KAMBOU/AFP XXXXXXXXXXX
n ne mesure peut-être pas aujourd’hui les défis auxquels a dû faire face la Côte d’Ivoire début 2011. À cette époque, elle est exsangue, épuisée par une double décennie de crises. Le décès du président Félix Houphouët-Boigny, le 7 décembre 1993, ouvre une séquence de profonde instabilité. Elle est affaiblie par la récession économique, la montée de la dette, le manque de réformes, ainsi que par la promotion du concept d’« ivoirité », selon lequel certains citoyens seraient plus ivoiriens que d’autres. Une politique dangereuse qui vise essentiellement à exclure du champ électoral Alassane Dramane Ouattara (ADO) et ses partisans réunis au sein du Rassemblement des républicains (RDR). Et contenir la supposée « influence des élites du Nord ». Le président Henry Konan Bédié est destitué par le fameux coup d’État de Noël, en décembre 1999. Et Laurent Gbagbo accède au pouvoir en octobre 2000. En septembre 2002, le pays est coupé en deux à la suite de la rébellion qui conduit à la partition du territoire entre 2002 et 2011, et à l’installation de l’Opération des Nations unies (Onuci) en 2004. Cette dernière a pour mission de faire appliquer les accords Kléber pris à Linas-Marcoussis, en France, un an auparavant. La crise atteint son apogée avec l’élection présidentielle de novembre 2010, reportée à plusieurs reprises depuis 2005. Laurent Gbagbo refuse de reconnaître la victoire d’Alassane Ouattara, alors élu avec 54,1 %. Le peuple est secoué par les agitations jusqu’à la prise de fonction de ce dernier en mai 2011. « Ni guerre, ni paix »
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DÉCOUVERTE / Côte d’Ivoire
LES IVOIRIENS EN 2010 Population : 20,4 millions Population urbaine : 47,3 % Espérance de vie : 50 ans (F), 48 ans (H) Indice de développement humain : e
35 en Afrique, 170e dans le monde Taux de pauvreté : 51 % Croissance démographique :
2,59 % par an Taux de mortalité infantile (pour 1 000 naissances vivantes) :
LES IVOIRIENS EN 2018 Population : 25 millions (et plus de 30 millions en 2030) Population urbaine : 50,8 % Espérance de vie : 53 ans (F), 50 ans (H) Indice de développement humain :
35e en Afrique, 165e dans le monde Taux de pauvreté : 46,3 % Croissance démographique :
2,59 % par an Taux de mortalité infantile (pour 1 000 naissances vivantes) :
71,6 Taux de scolarisation en primaire :
84,6
91,3 (F)/102,1 (G)
Taux de scolarisation en primaire :
Sièges occupés par les femmes au Parlement : 10,6 %
64,8 (F)/79,4 (G) Sièges occupés par les femmes au Parlement : 8,9 %
Personnes utilisant Internet :
Personnes utilisant Internet :
Taux d’homicides (pour 100 000 personnes) :
2,7 %
26,5 % 11,6
Taux d’homicides (pour 100 000 personnes) :
Taux d’immigrés : 9
%
12,6 Taux d’immigrés :
10,3 %
UNE TRANSFORMATION ÉCONOMIQUE 2010
2018
2%
Taux de croissance
8,8 %
24 milliards de $
PIB
43 milliards de $
26 %
Part de l’agriculture
20,8 %
23,8 %
Part de l’industrie
32,8 %
50,2 %
Part des services et autres activités
46,3 %
155 millions de $
Investissements directs étrangers
675 millions de $
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résume en peu de mots la fragilité de la nation à l’investiture du nouveau président, qui hérite d’un pays très affaibli, traumatisé par les violences, comme coupé du reste du monde. L’économie est à l’arrêt. Les armes circulent, les checkpoints sont nombreux. L’administration est disloquée. Abidjan et les autres agglomérations sont délabrées, menacées de coupure d’eau ou d’électricité. Tout est à reconstruire. RÉINVESTIR LE TERRITOIRE
L’État, pour pouvoir fonctionner, doit réinvestir le territoire. Les fonctionnaires, dans une grande majorité, ont dû abandonner leurs postes, les locaux ayant été dégradés. La mission du nouveau gouvernement est de stabiliser l’administration et de se réinstaller. En remettant en place les préfets, mais aussi les sous-préfets, en responsabilisant les autorités et les chefferies traditionnelles. Et en rouvrant les écoles. L’ensemble des services publics gagne progressivement l’intérieur du pays. Dès 2012, le maintien de la sécurité est assuré par le désarmement des milices armées. Soutenus par l’ONU, des accords ont été signés par les forces ex-belligérantes pour des opérations de désarmement, de démobilisation, de réinsertion des combattants des Forces armées des forces nouvelles (FAFN) et des Forces de défense et de sécurité (FDS) recrutés après le 19 septembre 2002. Ainsi, les militaires en exercice avant cette date devront regagner leurs casernes. La gestion de ce programme est confiée à une agence unique, l’Autorité de désarmement, de démobilisation et de réintégration (ADDR). Créée pour une durée de trois ans, celle-ci résultait d’une volonté présidentielle affirmée et était assortie d’un conseil national de sécurité, qui publiait les stratégies à suivre et définissait les objectifs. En 2017, les autorités ont présenté à l’ONU un bilan assez positif du dispositif. L’ADDR a aujourd’hui laissé la place à une structure plus adaptée, la Cellule de coordination, de suivi et de réinsertion (CCSR). Le rétablissement de la sécurité et de la paix civile a été un préalable indispensable pour redresser la situation. Il a fallu protéger AFRIQUE MAGAZINE
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les frontières du pays, restaurer l’autorité de l’État et la cohésion nationale. Ce retour rapide des fonctions régaliennes a également nécessité d’importants travaux d’infrastructures sur le long terme tout en remédiant aux besoins immédiats, souvent vitaux, de la population. En 2012, l’urgence est à la réhabilitation des équipements de base, dont la vétusté pénalise l’économie et handicape gravement les citoyens dans leur vie quotidienne. Abidjan manque d’eau, les risques épidémiques sont réels. Le Programme présidentiel d’urgence (PPU) a permis d’utiliser des circuits directs de passation des marchés. Et d’enclencher les actions au plus vite. Le plan concerne de nombreux domaines, mais surtout la réfection des installations indispensables : les routes et les pistes, l’accès à l’eau potable et à l’électricité, la santé, l’éducation, la salubrité urbaine, l’agriculture…
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DÉVELOPPER LA COHÉSION SOCIALE
Le PPU a ainsi participé activement à la cohésion sociale. Très rapidement, la capacité en eau de la capitale économique a été doublée. Par ailleurs, la construction de nouvelles voies à l’intérieur du territoire a favorisé la circulation des biens et des personnes. Mais il a aussi fallu répondre aux problèmes d’approvisionnement
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alimentaire, rétablir les circuits commerciaux. Les visites présidentielles dans toutes les régions ont permis d’évaluer ces urgences. Le volume du plan a atteint plus de 700 milliards de francs CFA. Ce projet a également ouvert la porte à des programmes nettement plus ambitieux de restauration de la compétitivité, d’investissements dans les infrastructures, portée par le PND 1 (Plan national de développement) et le PND 2. En tout état de cause, la présidence d’Alassane Ouattara marque un véritable changement. En moins d’une décennie, la Côte d’Ivoire a retrouvé de l’unité et de l’ambition. Elle s’est lancée sur le chemin d’une croissance accélérée, et s’est aussi inscrite sur la voie d’un fonctionnement institutionnel normal. Le scrutin présidentiel de 2015, qui a vu la réélection confortable d’ADO, a confirmé ce processus de remise en marche. En 2016, une nouvelle constitution a éliminé les « clauses identitaires » et introduit un nouvel équilibre des pouvoirs. Tout n’est pas parfait. La dette du passé est lourde. Les blessures ne sont pas entièrement refermées. Mais cette sortie de l’abîme, cette reconstruction de la nation, ce retour à la paix et à l’ambition n’étaient pas acquis. Loin de là. ■
Un bureau de vote avant l’élection présidentielle de 2010.
L’urgence, en 2012, est à la réhabilitation des équipements de base, dont la vétusté pénalise
l’économie.
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Une politique ambitieuse de développement Investissements dans les infrastructures, retour de la compétitivité, inclusion sociale… La Côte d’Ivoire a retrouvé sa place de leader régional.
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n peut parler, sans aucun doute, d’un second miracle ivoirien. L’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara, en 2011, ouvre un nouveau cycle, fortement dynamique. « La paix comme préalable au développement, le développement pour renforcer la paix. » À l’orée de son premier mandat, le président a annoncé son objectif : faire entrer son pays dans l’émergence à l’horizon 2020. Dès lors, avec son gouvernement, il a mis en place les éléments d’une croissance forte et durable. Depuis la fin de la crise politique en 2011, l’économie a progressé à un rythme moyen de 8 % par an, avec un pic de 10,1 % en 2012. Le PIB est passé de 25 milliards de dollars en 2010 à 40 milliards de dollars en 2017. Une performance qui en fait l’un des États les plus dynamiques du monde sur cette période. L’économie s’appuie sur des secteurs solides : le cacao, les produits agricoles, l’énergie, les services, les ports… Le monde extérieur, les bailleurs de fonds et les investisseurs témoignent de leur confiance, que ce soit dans la réalisation de projets ou lors de la levée de capitaux sur les marchés. La Côte d’Ivoire s’impose à nouveau comme la locomotive de l’Afrique de l’Ouest, et Abidjan comme une grande porte d’entrée sur le continent. La perspective de l’émergence n’est plus tout à fait un slogan, et la dynamique semble durable. Des projets d’infrastructures majeurs sont en cours, comme le métro de la capitale économique. Dorénavant, l’objectif est de monter en gamme, dans l’échelle de valeurs : inciter à la transformation de produits, investir dans la formation et le savoir. Mais aussi dans de nouvelles filières, comme le tourisme et l’économie verte. 50
Cette croissance aura eu un effet transformateur sur le territoire, rendant possible une politique ambitieuse de grands travaux, un accroissement de la compétitivité de l’économie nationale, une élévation rapide des revenus – en particulier en milieu urbain –, la consolidation d’une classe moyenne. Ce parcours d’émergence repose sur un triple défi : maintenir un rythme rapide et durable, instaurer une croissance plus inclusive (le taux de pauvreté s’élève encore à 46,3 %) et maintenir les paramètres d’une action fiscale et budgétaire équilibrée. LE PND, INSTRUMENT D’ACTION DE L’ÉTAT
Dans ce contexte, le Plan national de développement (PND) a été élaboré comme un « document maître » pour diriger la politique économique du pays. Il fixe la stratégie à suivre, encadre les grands paramètres du développement, détermine les priorités. Il s’agit aussi de poser les objectifs en matière d’investissements, d’établir la participation de l’État et de mobiliser les ressources extérieures auprès des partenaires et des bailleurs de fonds internationaux, multilatéraux, publics ou privés. Établi en deux phases (2012-2015 et 2016-2020), il est un instrument essentiel d’une croissance dynamique. Et pour assurer la concertation et la coordination de sa mise en œuvre, une Commission nationale de développement a été créée sous le haut patronage du président de la République. Ainsi, près de 10 milliards de dollars auront été engagés dans le PND 1. Les institutions internationales ont renouvelé leur confiance au gouvernement lors de la levée de fonds de la seconde phase, en 2016. Le montant des investissements attendus sur la AFRIQUE MAGAZINE
Chantier immobilier, à Abidjan.
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période s’élève à 30 000 milliards de francs CFA (60 milliards de dollars), dont 11 284 milliards (22,6 milliards de dollars) pour le secteur public – soit 37,6 % – et 18 716 milliards (37,4 milliards de dollars) pour le privé – soit 62,4 %. Le Fonds monétaire international a validé ce nouveau programme avec un apport de 658 millions de dollars. Les autorités ont aussi conclu un partenariat de suivi du PND 2 avec le centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
LES INFRASTRUCTURES, CLÉ DE LA COMPÉTITIVITÉ
L’importance de l’investissement financier dans les infrastructures est au cœur de la reprise de la croissance et du regain de compétitivité. Car à partir des années 1980, ce pays leader de l’Afrique de l’Ouest a pris du retard en matière de développement, et l’essor démographique a accentué les besoins. Dans les années 2000, cette perte de vitesse s’est confirmée : l’Afrique subsaharienne enregistrait une croissance AFRIQUE MAGAZINE
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Usine de l’entreprise Brassivoire, dans la capitale économique.
de 5 %, alors que la Côte d’Ivoire stagnait à 2 %. Entre 1980 et 2010, le PIB par habitant a été réduit de moitié, passant de 1 800 à 900 dollars. Il a donc fallu restaurer la capacité de production, réinvestir dans les voies de communication, l’énergie, le désengorgement d’Abidjan, l’optimisation des grandes structures portuaires et aériennes… Il était indispensable de favoriser activement la circulation des personnes, des biens et de l’information. Cette politique budgétaire allouée aux installations et aux équipements a également eu un impact direct sur la croissance et l’emploi. Les partenariats public-privé (PPP) ont été choisis comme l’instrument essentiel de cette ambitieuse stratégie gouvernementale. Pour ce faire, un cadre légal a été mis en place en décembre 2012. Des programmes de formation pour les acteurs publics sur la passation des marchés et la structuration des PPP ont été nécessaires. Par ailleurs, l’État a renforcé le contrôle des commandes, à la fois en matière d’optimisation des coûts et de la qualité des travaux, mais aussi afin de mieux lutter contre la corruption. Les deux acteurs principaux dans cette réglementation sont la Direction des marchés publics (DMP), qui donne un avis de non-objection dans l’attribution des projets par les autorités contractantes, et l’Autorité nationale de régulation des marchés publics (ANRMP), qui intervient lorsqu’il y a des contentieux.
SEIBOU TRAORÉ
LA PROMOTION DE L’INITIATIVE PRIVÉE
Le développement du secteur privé est l’une des clés de la croissance durable de la Côte d’Ivoire, mais aussi l’un des paramètres essentiels pour contrer un éventuel essoufflement. Pour les entreprises, il s’agit de participer à l’investissement, de mieux se positionner dans la chaîne de valeurs, de prendre pleinement part à la création d’emplois, l’un des défis majeurs du pays. Le gouvernement a mis en place un certain nombre de mesures qui assurent le cadre général : guichet unique, code des investissements, dispositions fiscales… Les femmes et les jeunes sont particulièrement incités à se lancer dans l’aventure. Aujourd’hui, près de 40 % des
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Le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, dans son bureau.
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Communiquer, payer, réserver… Le smartphone s’est démocratisé et est devenu indispensable.
L’objectif est de doper
le tissu des PME,
entreprises privées créées l’ont été par des jeunes de moins de 35 ans. L’objectif est de doper le tissu des PME, soutenir leurs actions, les aider à exporter leurs produits et leur savoirfaire dans la région de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Le but est également de soutenir le développement d’entreprises de taille plus importante. Des projets pour des partenariats sont en discussion, notamment sous l’impulsion du Comité national de pilotage des partenariats public-privé (CNP-PPP). Le gouvernement, par le biais du ministère de l’Économie et des Finances, veut favoriser l’émergence de « champions nationaux ». En octobre 2019, une première liste de 29 entreprises a été sélectionnée. Elles feront l’objet de contrats de performance autour de missions de développement, 54
de création d’emplois et de valeur ajoutée, d’exportation de produits manufacturés, et d’essor de pôles régionaux compétitifs. L’un des objectifs reste, effectivement, la déconcentration de la croissance ivoirienne vers l’intérieur du pays. De nombreux projets privés sont ralentis par la saturation des zones industrielles d’Abidjan. La Côte d’Ivoire a la chance d’avoir de nombreuses villes de tailles intermédiaires, comme Bouaké, Korhogo, San Pédro… qui offrent un potentiel majeur pour les sociétés. L’ÉNERGIE, MOTEUR DE LA CROISSANCE
Inauguré en novembre 2017 par le président Alassane Ouattara et financé avec l’appui de la Chine, le gigantesque barrage de Soubré, au sud-ouest du territoire, doit produire 275 MW par an. Il incarne le renouveau des ambitions AFRIQUE MAGAZINE
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soutenir leurs actions, et les aider à exporter leurs produits et leur savoir-faire dans l’UEMOA.
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énergétiques ivoiriennes. Ce projet s’ajoute à celui d’extension de la centrale thermique d’Azito, située sur la commune de Yopougon, d’une puissance de 430 MW. Mais pour anticiper les besoins futurs de la capitale économique comme du pays, les travaux d’extension vont permettre d’atteindre 700 MW. À terme, elle produira 30 % de la puissance nationale totale installée. Elle offrira aussi l’un des tarifs les plus faibles. La lumière de Babi rayonnera loin ! Exportatrice d’électricité vers cinq pays de la sous-région (Ghana, Burkina Faso, Togo, Bénin et Mali), la Côte d’Ivoire a une capacité énergétique en augmentation de 55 % depuis 2011. Elle atteint aujourd’hui 2 200 MW avec pour objectif de parvenir à 4 400 MW en 2020 et à 6 000 MW dix ans plus tard. Et ce, grâce à un programme de réorganisation du mix énergétique, en développant l’hydraulique
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et le renouvelable pour réduire la part thermique (charbon, gaz, pétrole) qui reste prédominante, avec un peu plus de 80 % du parc actuel. La question des énergies « propres » se pose inévitablement. Ainsi, un engagement a été pris afin d’atteindre 42 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2030. Les projets concernés sont portés par le secteur privé via des partenariats public-privé dans lesquels l’État a prévu d’acheter l’électricité qui sera produite. Le coût total de ces investissements est conséquent : 700 milliards de francs CFA, selon les chiffres officiels du ministère en charge de l’énergie. Ce montant ne comprend pas les investissements visant à étendre les exportations vers le Liberia, la Guinée et la Sierra Léone, estimées à 211 milliards de francs CFA, avec la construction d’une ligne à haute tension de 1 400 kilomètres en cours de réalisation. ■
Le centre commercial Playce Marcory accueille, notamment, le supermarché français Carrefour.
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Les grands chantiers de la République
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La politique des grands travaux, l’investissement dans les infrastructures, constitue l’une des clés de la compétitivité économique. Voyage en images sur ces territoires d’émergence.
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Construction (2014) Pont HKB, Abidjan Ce 3e pont de la capitale économique relie Marcory à la zone résidentielle de Riviera. Réalisée en partenariat public-privé, longue de 6,7 km, la structure s’achève sur un vaste échangeur (boulevard VGE). 100 millions de véhicules l’ont empruntée depuis son ouverture*.
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(* Chiffres arrêtés à mars 2019.)
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Sur la nouvelle route bitumée entre Akandjé et Bingerville.
Programme routier (en cours) Objectif désenclavement Le but est d’atteindre 8 000 km de routes revêtues à la fin 2020 (contre 6 500 km en 2011) sur le territoire, grâce à la remise à niveau et à la construction d’axes supplémentaires et de ponts. Ces nouvelles infrastructures doivent relier les régions et permettre l’accès plus rapide aux pays limitrophes.
Interconnexion rapide
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Les travaux de réhabilitation de l’autoroute A1 entre Abidjan et Yamoussoukro ont été achevés en 2013. Les « deux capitales » sont à moins de 3 heures de route l’une de l’autre. Le tronçon Yamoussoukro-Bouaké est en cours d’achèvement. Et à terme, il s’agit de raccorder Abidjan à Ouagadougou. En 2015, le premier tronçon de l’autoroute vers le sud est et le Ghana est ouvert avec la section Abidjan-Grand-Bassam. AFRIQUE MAGAZINE
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Travaux d’extension (en cours) Port autonome de San Pédro
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Construction de logements sociaux (2019) Cité ADO, Abidjan La cité ADO, dans la commune de Yopougon, est l’un des grands projets du programme social. Elle regroupe 2 172 logements sociaux, une école primaire, un collège, un complexe commercial, un centre médical, des aires de jeux ou encore un foyer de jeunes.
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La grande cité de l’Ouest est le deuxième port du pays et le premier port cacaoyer du monde. Le site bénéficie d’un vaste programe de compétitivité. À la création du terminal industriel et commercial polyvalent, de plusieurs platesformes pour des entrepôts et des aires de stockage (empotage), s’ajoutent les constructions d’une chambre froide pour l’exploitation des produits de la mer et d’un centre emplisseur de la société Gaz Ivoire.
Construction de logements sociaux (2019) Cité ADO, Abidjan
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La cité ADO, dans la commune de Yopougon, est l’un des grands projets du programme social. Elle regroupe 2 172 logements sociaux, une école primaire, un collège, un complexe commercial, un centre médical, des aires de jeux ou encore un foyer de jeunes.
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Construction (2017) Barrage de Soubré
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Implanté sur le fleuve Sassandra, résultat du partenariat entre la Chine et la Côte d’Ivoire, le barrage hydroélectrique de 4 km de long et de 20 m de haut doit produire 275 MW par an. Ce projet-phare a démarré en 2013 et incarne l’un des éléments essentiels de l’indépendance énergétique du pays. Il double, à lui seul, la part de l’hydraulique dans la fourniture d’électricité. Et participe activement aux objectifs en matière d’énergies renouvelables.
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Sauvegarde et aménagement (en cours) Lagune d’Ébrié et baie de Cocody, Abidjan Enfin ! Les travaux entamés en 2017 ont pour objectif de résoudre durablement la problématique de la pollution de la baie et de son bassin-versant, en 2017. Une véritable transformation pour la lagune (station d’épuration) et la ville, avec l’aménagement urbain des berges (immobilier résidentiel et de loisir). Prévu également, la reconstitution d’un couvert végétal adapté de la zone pour lutter contre l’érosion des sols, qui impacte directement l’ensablement. Enfin, un pont de 1,5 km (lancée de 634 m, viaduc, échangeurs) devra relier le Plateau à la commune de Cocody. Ce sera le 5e pont de la capitale économique (le 4e, travaux en cours, reliant Yopougon au Plateau).
Élargissement (2019) Canal de Vridi, Abidjan Ces travaux d’Hercule sur la passe de Vridi (entre la mer et la lagune) sont la clé du développement du Port autonome d’Abidjan (PAA). Ils permettent l’accès aux grands navires de commerce (avec un tirant d’eau de 16 m et une capacité de 10 000 conteneurs, au lieu de 3 500 par le passé). Et la desserte du deuxième terminal à conteneurs. Objectif : soutenir l’ambition du PAA, qui vise à devenir le port principal sur la façade atlantique d’Afrique, entre Tanger et Le Cap. En 2019, 25 827 167 tonnes de marchandises y ont transité. Un record qui ne cesse de croître. 65
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Une puissance agro-industrielle Véritable pépite nationale, la fève de cacao fait vivre 5 millions es. de personnes. Mais d’autres « branches » sont tout aussi porteuses.
LE CACAO, UNE PRODUCTION STRATÉGIQUE
Premier producteur mondial de cacao, la Côte d’Ivoire est le seul pays d’Afrique de l’Ouest qui présente un excédent de balance commerciale, c’est-à-dire qu’il exporte plus qu’il n’importe. Avec 2 millions de tonnes récoltées en 2018 – soit 40 % de la valeur mondiale –, la fève reste un trésor pour la nation et pour 66
les 5 millions de personnes qui en vivent. Les fèves et transformés représentent 29 % des recettes d’exportations. Aussi, les autorités ont la volonté de mieux rémunérer les producteurs, acteurs essentiels et pourtant nt très désavantagés dans la chaîne de distribution. tion. C’est pourquoi la Côte d’Ivoire s’est alliéee au Ghana, deuxième producteur mondial, en signant la Déclaration d’Abidjan, le 26 mars ars 2018. Celle-ci formalise leur engagement commun d’harmoniser leurs politiques de commercialisation du cacao. Ainsi se sonttils entendus pour imposer, en 2019, un prix plancher sur le marché international, le prix bord champ de la fève passant donc de 750 francs CFA/kg à 1 000 francs CFA. En outre, plus de 3,7 milliards de francs CFA vont être investis pour soutenir la filière. Notamment pour encourager le taux de transformation, qui devrait atteindre 50 % d’ici à 2020. Ce même pourcentage est d’ailleurs visé pour la production d’anacarde. INDUSTRIE DE TRANSFORMATION ET TRANSFORMATION DE L’INDUSTRIE
2 millions de tonnes de fèves ont été récoltées en 2018.
Le territoire bénéficie d’une qualité des sols et de conditions climatiques très favorables pour une grande
diversité de cultures tropicales.
Le pays accentue son effort en matière de transformation des matières premières afin de mieux capter la plus-value. Produire, c’est bien, transformer, c’est mieux ! Et l’agriculture représente le potentiel le plus important en matière industrielle. Il y a évidemment le cacao, pépite nationale. Outre la création d’une industrie chocolatière de qualité, l’ambition est de passer rapidement de la fève brute au broyage sur place, mais aussi à l’exportation de produits semi-finis, comme la pâte. Cette montée en gamme s’effectue AFRIQUE MAGAZINE
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remière puissance agricole de la région (nette exportatrice), la Côte d’Ivoire a établi le Programme national d’investissement agricole (PNIA 2012-2016), ambitieux projet de relance et de modernisation du secteur. Il s’organise autour de quatre axes : la sécurité et la souveraineté alimentaire, la gestion durable des cultures de rente et d’exportation, l’engagement du secteur privé par le renforcement des investissements, la gouvernance agricole en matière de réformes des filières agricoles, de restructuration des organisations professionnelles agricoles et de la mise en œuvre de la loi sur le foncier rural. Ainsi, 10 % du budget national y est consacré. Le plan a été reconduit pour une seconde phase qui couvre la période 2018-2025. Le territoire bénéficie d’une qualité des sols et de conditions climatiques très favorables pour une grande diversité de cultures tropicales : 75 % des terres sont arables, quand 40 % seulement sont exploitées. Le secteur fait encore vivre une grande partie de la population, que ce soit dans les cultures vivrières (riz, maïs, manioc, banane plantain, etc.) destinées à l’autosuffisance ou à la vente aux pays voisins, ou dans les cultures d’exportation (cacao, noix de cajou, caoutchouc naturel, huile de palme et de coton).
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en partenariat avec les leaders mondiaux comme Cargill ou Barry Callebaut. L’agro-industrie représente un marché particulièrement porteur. La demande croissante de denrées alimentaires dans toute la région UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine, 110 millions d’habitants), l’évolution démographique, la consolidation de classes moyennes sont autant d’avantages. Les filières doivent se structurer, et pour cela, le rapprochement avec le secteur privé est important. Le ministère de l’Industrie a mis en place des plans de développement de transformation des produits agricoles, en complément de réformes mises en œuvre par le département de l’Agriculture. Une stratégie est en cours d’élaboration pour l’hévéa, et le gouvernement travaille avec la Société financière internationale (SFI) pour définir précisément les besoins des opérateurs s’installant dans cette filière. D’autres branches, comme l’huile de palme, le sucre, les fruits et légumes, le coton, le caoutchouc, le riz, la noix de cajou, la bière sont particulièrement porteuses. Outre la mise en place du cadre légal des investissements et les directives du PND, plusieurs mesures sont destinées à soutenir le secteur industriel, notamment en lui donnant accès à des infrastructures de production performantes. Le programme a consisté en la rationalisation de terrains disponibles, la réhabilitation de la zone de Yopougon, l’aménagement de la nouvelle zone du PK24… Le guichet unique du permis de construire, désormais opérationnel, a facilité les nouvelles implantations. Il faut également s’accorder aux standards de qualité et de conformité internationaux. Le gouvernement a donc commencé plusieurs actions de promotion et de développement, dont la signature d’un nouveau contrat avec Codinorm, à qui sont confiées l’élaboration des normes et la gestion de la marque nationale de conformité. Cela concerne aussi la promotion des meilleures entreprises inscrites dans la démarche qualité, ou le fait d’accueillir le siège du Système ouest africain d’accréditation (SOAC) à Abidjan, et la création du Comité national de lutte contre la contrefaçon (CNLC). ■
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TABLEAU DE RÉPARTITION DES PRINCIPALES CULTURES D’EXPORTATION Production (2018)
Position
Cacao
2 000 000 tonnes
N° 1 mondial
Hévéa
800 000 tonnes
N° 1 africain
Noix de cajou
750 000 tonnes
N° 1 africain et N° 1 mondial
Huile de palme
400 000 tonnes
N° 2 africain et N° 5 mondial
Coton
500 000 tonnes de coton graines
N° 3 africain
Noix de cola
280 000 tonnes
N° 1 africain
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Une croissance au service de tous Le développement économique doit générer plus d’inclusivité sociale. C’est une priorité du gouvernement. Scolarisation, accès aux soins, Couverture maladie universelle, lutte contre le travail des enfants… les chantiers sont nécessaires et multiples. 68
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durée de scolarisation), le pays reste autour de la 165e place mondiale au classement de l’IDH. La nation paye certainement deux décennies perdues (1990-2010). Entre 1998 et 2008, le taux de pauvreté de la population est passé de 33,6 % à 48,9 %, avant de repartir un peu à la baisse à partir de 2012. Cette exigence de rattrapage est une priorité du gouvernement. Il faut maintenir le dynamisme tout en assurant un développement pour tous, œuvrer à une meilleure répartition des richesses, accroître quantitativement et qualitativement la capacité sociale étatique dans la formation, la santé, le logement, l’éducation (seulement un Ivoirien sur deux est alphabétisé aujourd’hui)… Des exigences d’autant plus prégnantes que 40 % de la population a moins de 30 ans. Pour répondre à ces enjeux, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly a annoncé, en décembre 2018, un très ambitieux programme de plus de 720 milliards de francs CFA : le PS Gouv. Une action multidimensionnelle et rare sur le continent. Ce projet concerne un certain nombre de secteurs clés : l’eau, l’énergie, la santé, l’extension de la couverture maladie universelle, l’éducation, la mobilisation des revenus… Prévu sur deux ans (2019-2020), il mobilise les forces vives de l’administration et du pouvoir. Il vise à soutenir les populations les plus fragiles en s’appuyant également sur des mesures prises les années précédentes. Et il cherche, in fine, à réconcilier croissance et développement, à accélérer l’inclusivité sociale, élément essentiel à la stabilité des sociétés africaines contemporaines. Sur le campus de l’université Félix Houphouët-Boigny, à Abidjan, une jeunesse connectée et nomade.
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a croissance, les investissements, l’augmentation du PIB doivent évidemment profiter à tous les Ivoiriens, au-delà des nouvelles classes moyennes et plus aisées, profiter à la Côte d’Ivoire des « quartiers », des zones rurales, celle où les besoins en termes sociaux sont les plus urgents, où l’indice de développement humain (IDH) reste encore trop faible. Malgré les efforts portés depuis près de dix ans (en particulier sur l’espérance de vie et la
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LE PROGRAMME DES FILETS SOCIAUX
Si les améliorations des conditions de vie des Ivoiriens sont bien visibles, la pauvreté n’a pas pour autant reculé suffisamment. De cette constatation, l’État s’est intéressé aux stratégies réussies de certains pays du continent. Un instrument efficace en est ressorti : le Programme des filets sociaux (PFS). La Côte d’Ivoire a fait son entrée dans ce mécanisme en 2015, avec une phase expérimentale jusqu’en 2018, qui concernait
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L’amélioration des conditions de vie des Ivoiriens est bien visible, mais la pauvreté n’a pas pour autant reculé suffisamment.
35 000 bénéficiaires parmi les plus nécessiteux. Le Projet filets sociaux productifs (PFSP), financé par la Banque mondiale à hauteur de 25 milliards de francs CFA pour cinq ans (avec un apport additionnel estimé à 50 milliards), cible essentiellement les populations démunies en milieu rural. Ces laissés-pour-compte de la croissance économique forment, en effet, la grande majorité du taux de pauvreté, qui s’élève à 46 %. Ils vont profiter de mesures d’accompagnement et d’un apport financier de 36 000 francs CFA par trimestre, jusqu’en 2020. Les premiers résultats semblent satisfaisants, car ces personnes ont « joué le jeu », notamment en constituant des associations ou des coopératives agricoles, par la création ou l’agrandissement de champs ou de fermes avicoles et porcheries. En 2019, 15 000 ménages supplémentaires ont été enregistrés et pris
PS Gouv 2019-2020, en chiffres 5 AXES ESSENTIELS : ✔ Fournir aux populations des services de santé de proximité et améliorer la protection sociale. ✔ Renforcer les conditions d’accès et de maintien à l’école des enfants de 6 à 16 ans, notamment les jeunes filles, et améliorer les conditions d’étude et de vie des étudiants. ✔ Favoriser l’accès des populations aux logements, à l’eau potable, à l’énergie, au transport et aux biens de grande consommation. ✔ Accroître l’accès des jeunes ainsi que des femmes, piliers de nos familles et de nos communautés, à des revenus et à un emploi décent et stable. ✔ Créer des conditions pour le bien-être des populations en milieu rural, et assurer la sécurité alimentaire.
156 ACTIONS PRIORITAIRES, AVEC 12 PROJETS-PHARES À IMPACT LARGE ET RAPIDE : ✔ Renforcement du programme de gratuité ciblée. ✔ Opérationnalisation progressive de la CMU. ✔ Intensification et élargissement de la couverture des bénéficiaires du Programme de filets sociaux productifs. ✔ Développement d’activités d’autonomisation en faveur des jeunes et des femmes. ✔ Baisse du tarif social de l’électricité. ✔ Renforcement du programme d’accès à l’eau potable en milieu rural et accélération du programme des logements sociaux…
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en compte, portant ainsi à 50 000 le nombre d’attributaires. Le programme, sous l’impulsion du chef de l’État, doit se poursuivre jusqu’en 2023 et toucher, à terme, 100 000 foyers situés dans le centre, le nord et l’ouest. Ce choix a été motivé au regard des taux de pauvreté et de malnutrition les plus élevés, des faibles accès aux services sociaux de la santé et de l’éducation. La Côte d’Ivoire a d’ailleurs établi un Registre social unique (RSU) pour mieux cerner et encadrer les allocataires. STRUCTURER UN NOUVEAU SYSTÈME DE SANTÉ
Le secteur de la santé a été plus lent à restructurer, bien que 3 000 milliards de francs CFA y ont été investis de 2014 à 2016. Le Plan national de développement sanitaire (PNDS) 2016-2020, dans sa phase opérationnelle, n’a pu atteindre les résultats escomptés. Le gouvernement a décidé de consacrer 1 658 milliards de francs CFA au secteur entre 2020 et 2024 pour accélérer la mise en place d’une offre médicale conséquente. Sept principaux piliers vont porter cette réforme : la santé communautaire, la qualité de soins de santé primaire, les ressources humaines et leur formation, les systèmes d’information sanitaire, la chaîne d’approvisionnement, l’intégration du secteur privé et les mesures clés de financement de la santé. Les défis sont énormes et concernent tant la formation et la professionnalisation du personnel que les infrastructures des hôpitaux. Entre 15 % et 20 % du budget alloué à ce secteur sont aujourd’hui affectés aux soins de santé primaire, là où l’objectif est de faire passer la proportion à plus de 60 %. Cela représente un véritable challenge pour la Côte d’Ivoire, qui va devoir composer avec le retrait progressif de l’aide extérieure. En effet, au vu de ses bons résultats économiques, le pays fait désormais partie des nations à revenus intermédiaires et bénéficie donc de moins de soutiens financiers. Dans ce contexte, la mise en place de la Couverture maladie universelle (CMU) apparaît comme une véritable révolution sociale. Lors de sa deuxième campagne AFRIQUE MAGAZINE
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PRÉSIDENCE CÔTE D’IVOIRE XXXXXXXXXXX
Le chef d’État entouré d’étudiants en médecine à l’université Félix Houphouët-Boigny, à Abidjan.
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L’ÉDUCATION ET L’UNIVERSITÉ, FORMER UN CAPITAL HUMAIN
En 2011, rendre possible le retour à l’école a été l’un des impératifs du gouvernement. Le premier signe d’une réinsertion à une vie normale. Depuis, chaque année, la rentrée se fait à une date précise, les examens se déroulent selon le calendrier prévu, et le nombre d’heures d’apprentissage correspond à celui recommandé par l’Unesco. La stabilité et la continuité sont essentielles pour former les jeunes, et ce dès le plus jeune âge. C’est pourquoi la scolarité est devenue gratuite et obligatoire depuis la modification de la Constitution, en 2016. L’objectif étant que 100 % des enfants soient en classe d’ici 2021. 72
Un taux pratiquement atteint puisqu’il est d’un peu plus de 95 % aujourd’hui. Les autorités ont également initié en 2014 le Programme de décentralisation des universités (PDU). L’objectif est double : absorber le flot constant de nouveaux bacheliers et rétablir une plus grande égalité entre les jeunes en rendant plus proche et donc plus accessible le système d’enseignement supérieur. En outre, l’implantation d’un campus a un impact très positif sur un territoire. Pour une ville secondaire, c’est en effet une nouvelle population qui vient s’installer (étudiants, personnels d’enseignement, etc.) et qui dynamise l’économie locale. Dans la pratique, le PDU repose essentiellement sur la construction d’infrastructures. Cinq universités avant 2020, et cinq autres pour l’après 2020.
La scolarité est devenue gratuite et obligatoire depuis la modification de la Constitution, en 2016.
La mise en place de la Couverture maladie universelle apparaît comme une véritable
révolution sociale.
SOUTENIR LES FEMMES ET LES JEUNES
Protéger les plus vulnérables et les aider à progresser restent les objectifs de la politique sociale. De cette dynamique est né, en 2012, le Fonds d’appui aux femmes de Côte d’Ivoire (FAFCI), porté par la Première dame Dominique Ouattara. Doté à l’origine d’un capital de 10 milliards de francs CFA, ce système de crédit a pour mission d’aider à créer ou étendre une activité génératrice de revenus. En sept ans, ce fonds a permis d’investir 25 milliards de francs CFA dans l’autonomisation des femmes à travers le territoire. Cela AFRIQUE MAGAZINE
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présidentielle, Alassane Ouattara déclarait qu’il voulait que « chaque membre de la population, où qu’il se trouve, puisse se faire soigner ». Instituée par la loi du 24 mars 2014, la CMU a été mise en place en avril 2017, avec une phase expérimentale sur une population cible : 150 000 étudiants provenant d’établissements scolaires situés à Abidjan, Yamoussoukro, Bouaké, Daloa et Korhogo. Cette période d’essai, menée jusqu’en décembre 2018, est concluante. À l’échelle nationale, les premières cotisations ont alors pu commencer dès juillet 2019 (1 000 francs CFA par personne et par mois) pour des prises en charge à partir du 1er octobre de la même année. Peu à peu, les citoyens se sont enregistrés et ont demandé leur carte. L’objectif est de faire de la CMU l’assurance de base sur tout le territoire. Et d’agir, en particulier, pour les populations le plus fragiles. Un panier de soins définit le périmètre des actes couverts par ce système. Son taux est de 70 %, 30 % restant à la charge du patient (ticket modérateur). Et les assurances complémentaires restent autorisées. Dans le cas concret d’un traitement antibiotique d’une fièvre typhoïde d’une durée de dix jours coûtant 460 francs CFA, l’assuré aura à payer 138 francs CFA. Sans la CMU, le même traitement lui reviendrait à 4 600 francs CFA.
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a profité à plus de 170 000 bénéficiaires, et indirectement à leurs enfants et à leurs familles. Dans ce cadre, des formations en gestion de projets et en comptabilité simplifiée leur ont aussi été dispensées pour leur permettre de mieux gérer leurs activités. Par ailleurs, l’État a décidé de créer le ministère de la Promotion et de l’Emploi des jeunes, car ces derniers sont fortement touchés par le chômage. Dans ce cadre a été fondée, en 2015, l’Agence emploijeunes, un guichet unique pour les aider dans leurs recherches de postes. Cette structure apporte un appui et des conseils aux porteurs d’initiatives, potentiellement génératrices de travail pour la jeunesse. Elle met en œuvre les programmes spéciaux pour la réinsertion professionnelle et favorise l’accès au crédit pour la création de projets.
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LUTTER CONTRE LE TRAVAIL DES ENFANTS
Les lois n’empêchent pas les combats de longue durée. Ainsi en 2010, le cacao ivoirien – principale ressource du pays – était menacé d’embargo à cause du travail des plus petits dans les plantations. Très vite, les autorités ont élaboré un Plan national de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants pour la période de 2012-2014. Très impliquée dans cette lutte, la Première dame Dominique Ouattara est la présidente de ce conseil national de surveillance. Selon elle, plus de 80 % des actions prévues ont été réalisées. Elles ont permis de porter assistance à plus de 8 000 enfants qui ont été retirés des mains des trafiquants. Deux autres plans (2015-2017 et 20192021) ont suivi pour assurer la pérennité du « combat ». Le troisième programme, doté de 76,156 milliards de francs CFA, est soutenu par le gouvernement, l’industrie du cacao et du chocolat, les organisations du système des Nations unies, les ONG nationales et internationales. Il prend en compte les services sociaux de base (éducation, santé, état civil), la réduction de la vulnérabilité des familles en luttant contre la pauvreté, et le renforcement du cadre institutionnel et juridique. ■
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Un hôpital performant
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est l’une des réalisations majeures de la Fondation Children of Africa, dirigée par la Première dame Dominique Ouattara : la création d’un pôle de soins doté d’un matériel dernier cri et de personnels spécialisés dédiés à la mère et à l’enfant. Situé dans la commune de Bingerville, l’Hôpital Mère-Enfant Dominique Ouattara (HME) ne désemplit pas depuis son ouverture en mars 2018. Avec sa capacité d’accueil de 130 lits, il est vite devenu le principal recours des parents alentour, voire de tout le pays et même de la sous-région, grâce à ses équipements high-tech et à ses soignants formés en continu. Venant pour une simple consultation pédiatrique, des hospitalisations plus lourdes ou encore des analyses médicales, 500 patients, en moyenne, sont enregistrés par jour. La principale mission de cet établissement reste d’offrir des services performants en obstétrique et en pédiatrie pour continuer à réduire la mortalité maternelle et infantile (probabilité pour un enfant de décéder dans sa première année). Si en vingt ans, cette dernière a baissé de 112 à 60 décès pour 1 000 naissances vivantes, le recul doit continuer. Le lieu dispose de spécialités, comme l’assistance médicale à la procréation (PMA) ou l’oncologie pédiatrique, pour lesquelles il fallait consulter à l’étranger auparavant. Des aménagements spécifiques (une salle d’éveil ainsi qu’un encadrement par une institutrice) ont même été prévus pour les jeunes patients en longue hospitalisation. Le HME est, par ailleurs, le premier établissement d’Afrique à avoir obtenu le label « Qualité et sécurité des soins » de l’Assistance publique hôpitaux de Paris (AP-HP). ■
Cérémonie d’inauguration de l’Hôpital Mère-Enfant Dominique Ouattara, à Bingerville, en présence de la Première dame, le 16 mars 2018.
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Abidjan,
ville ouverte
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Avec le retour de la stabilité et le développement économique, « Babi » s’est imposée comme une cité globale connectée au monde, tout en étant la porte d’entrée principale de la sous-région.
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Le Plateau, quartier d’affaires au bord de la lagune Ébrié.
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vec le retour de la paix et le renouveau économique, la capitale économique de la Côte d’Ivoire a retrouvé tout son lustre. Centre névralgique des affaires, place émergente en matière de tourisme et de loisirs, la cité de 5 millions d’habitants incarne aussi un étonnant melting-pot de cultures et d’origines : africaines, européennes, asiatiques… Depuis 2011, de nombreuses organisations internationales y ont élu domicile. La Banque africaine de développement (BAD) a été la première à réintégrer la ville en 2014, après onze ans d’« exil » à Tunis. Cet événement fortement encouragé par le président Ouattara a été rendu possible grâce à la stabilité politique et au retour de la paix. Le siège de l’Organisation internationale du cacao (ICCO) a déménagé de Londres à Abidjan le 25 avril 2017. La mégalopole est dorénavant en mesure d’offrir des infrastructures adéquates (accueil, transport, hébergement, communication, etc.) pour recevoir de grandes entreprises ou organisations. L’offre hôtelière progresse régulièrement avec la présence de marques mondiales de renom. Et l’aéroport Félix Houphouët-Boigny a bénéficié à partir de fin 2017 d’un important programme de modernisation et d’extension. L’objectif est d’accentuer la mise aux normes de la structure et la capacité d’accueil des avions, et de soutenir en parallèle le développement de la compagnie Air Côte d’Ivoire. Avec cette montée en gamme, Abidjan attire également les grands événements et se positionne comme une ville de congrès : assemblées générales de la BAD, gala de la Fondation Children of Africa, Africa CEO Forum, Forum Mo Ibrahim (avril 2019), Forum mondial de l’OMT sur l’investissement touristique en Afrique (février 2020), etc. Dans ce contexte de fort dynamisme, repenser l’urbain, prévoir l’Abidjan de demain est un impératif. Les grands chantiers de la capitale économique concernent plusieurs domaines : lancement du métro, fluidification de la circulation, infrastructures, autonomie en eau et en énergie pour tous, protection et aménagement de la lagune, du patrimoine vert ou encore réinvention de sites pollués et condamnés, comme l’ancienne décharge d’Akouédo. ■
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Une pause à Bassam
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ZYAD LIMAM
l y a quelque chose de fluide dans cette nouvelle Côte d’Ivoire, une pratique de l’accueil, de l’Akwaba (« bienvenue »), une ouverture vers le large, un contact avec les autres, une interface avec le vaste monde, portée symboliquement par un littoral de près de 600 km de long. Et sur l’est du pays, derrière ces longues plages face aux vagues de l’Atlantique, un système lagunaire écologique et humain quasiment unique en Afrique, nourri par des grands fleuves, le Bandama, le N’zi, le Comoé… Tout au long de cet enchevêtrement d’eau et de végétaux se déroule l’histoire du pays, en partant de Grand-Lahou, jusqu’à Assinie ou Adiaké, en passant par Grand-Bassam, Bingerville et les tours d’Abidjan. À Grand-Bassam, à quelques mètres des vestiges fatigués de l’empire colonial, un monde métis vient en week-end ou en vacances, en pause, prendre l’air, s’asseoir face à la mer, dos à la lagune, le temps d’une ou deux brochettes ou d’un poisson grillé, le temps de refaire le monde et de refaire la Côte d’Ivoire. ■ I
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ABIDJAN TERMINAL
ACTEUR DE LA TRANSFORMATION LOGISTIQUE DE LA CÔTE D’IVOIRE Abidjan Terminal, concessionnaire du terminal à conteneurs d’Abidjan depuis 2004, est le fruit d’un partenariat public-privé mis en place pour accompagner le développement socio-économique de la Côte d’Ivoire.
de matières premières (cacao, noix de cajou, hévéa, coton…).
Au-delà de ses activités portuaires, Abidjan Terminal mène des actions de santé, d’éducation, de solidarité et de protection de l’environnement. L’entreprise accompagne et forme ses Depuis 2004, Abidjan Terminal a collaborateurs. Elle est par ailleurs investi progressivement 115 milliards attentive aux questions du genre en de FCFA dans la modernisation du intégrant les femmes au sein de ses | Ò ~ | =|~~ ` équipes et à tous les niveaux de le positionnement de la Côte d’Ivoire responsabilité. dans les échanges mondiaux. Ces investissements ont permis d’améliorer l’ouverture au commerce international du Burkina Faso, du Niger et du Mali. Abidjan Terminal compte parmi ses clients des acteurs ivoiriens de l’industrie, des travaux publics, de la téléphonie, de l’énergie et des biens de consommation. Le terminal à conteneurs joue en particulier un rôle essentiel dans le secteur agricole ivoirien en contribuant aux exportations
abidjan-terminal.com
Asta Rosa Cissé Directrice générale d’Abidjan Terminal
k | | {| z y | ǒ =x xz Ǖ { m {=_y { x « Le succès d’Abidjan Terminal est lié à la qualité des services délivrés par les 900 collaborateurs qui y travaillent. L’activité du terminal à conteneurs génère environ 90 000 emplois indirects et constitue un bassin d’emplois considérable pour le { n ~ } | Ð l’attractivité du Port d’Abidjan et d’offrir à nos clients des prestations toujours plus performantes et compétitives. »
SCBTL-02/2020
Porte d’entrée de référence de l’Afrique de l’Ouest, Abidjan Terminal assure la manutention des marchandises conteneurisées à des tarifs compétitifs, tout en garantissant à ses clients une qualité de service optimale, dans des conditions de sécurité et de sûreté.
interview
MARYAM TOUZANI
PORTRAITS DE FEMMES
propos recueillis par Astrid Krivian
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egard d’ébène dans lequel se lisent détermination et sensibilité, mots méticuleusement choisis : la réalisatrice défend son premier long-métrage, Adam, présenté au dernier Festival de Cannes dans la section Un certain regard. Né d’une rencontre marquante et de son expérience intime, le film raconte la douloureuse situation de Samia (Nisrin Erradi), célibataire et enceinte de son premier enfant, dans le Maroc d’aujourd’hui. Quand la loi punit les relations sexuelles hors mariage et que les mères célibataires (et donc les enfants sans père) sont exclues et stigmatisées, quelle peut en être l’issue ? Dans la médina de Casablanca, sa rencontre avec Abla (Lubna Azabal), veuve et mère d’une fillette solaire, Warda (Douae Belkhaouda), va bouleverser la vie de chacune. Un sujet urgent, nécessaire, très peu abordé, dans un pays où « 50 000 enfants seraient chaque année abandonnés », rappelle Maryam Touzani, qui souhaite changer les mentalités. Pour autant, Adam ne se réduit pas à cette veine sociale et politique. Lumineux malgré sa gravité (en AFRIQUE MAGAZINE
PAOLO VERZONE/AGENCE VU POUR LE MONDE
Avec Adam, son premier long-métrage, elle raconte l’histoire bouleversante d’une jeune mère célibataire dans le Maroc actuel. Et espère changer le regard injuste d’une société envers ces personnes exclues.
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Entourée de ses comédiennes, Lubna Azabal et Nisrin Erradi, à Cannes, le 20 mai 2019.
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INTERVIEW
témoigne sa superbe photographie), évitant l’écueil du pathos et du misérabilisme, il demeure avant tout un très beau portrait de femmes, de leur métamorphose, à travers le deuil et la naissance. Un huis clos intimiste d’une grande finesse psychologique, captant au plus près les subtils mouvements d’âme de ses personnages. Originaire de Tanger, Maryam Touzani commence par le journalisme culturel et se spécialise en cinéma, avant de réaliser un documentaire pour la première Journée nationale de la femme marocaine. Ses courts-métrages de fiction, Quand ils dorment (2012) et Aya va à la plage (2015), ont été multiprimés à l’international. Elle est également à l’origine de Sous ma vieille peau, un documentaire (qui reste non diffusé depuis 2014) dans lequel elle recueille des témoignages de prostituées âgées. Celui-ci a donné lieu à Much Loved (2015), qui marque le début de sa collaboration avec Nabil Ayouch. Dans Razzia (2018), qu’il a réalisé et dont ils ont coécrit le scénario, elle incarne d’ailleurs l’un des rôles principaux. Rencontre avec une artiste inspirée par les femmes et leurs luttes d’émancipation. AM : L’histoire d’Adam est née au moment où vous étiez enceinte… Maryam Touzani : Quand j’ai senti mon enfant bouger dans
mon ventre, vu mon corps se transformer, j’ai pris conscience que je devenais mère. J’ai alors éprouvé des sentiments violents en repensant à cette femme qui, quinze ans auparavant, avait frappé à notre porte. Elle était enceinte d’un homme qui l’avait quittée après lui avoir promis le mariage. Loin de son village, elle avait caché sa grossesse à ses proches. Mes parents l’ont hébergée plusieurs semaines jusqu’à la naissance de son bébé, qu’elle prévoyait de donner à l’adoption. Je l’ai accompagnée ce jour-là, c’était un profond déchirement pour elle. Elle pensait que ce serait beaucoup plus simple, mais l’instinct et l’amour maternels sont très puissants. Ça m’a complètement bouleversée. La société l’a empêchée d’être mère, d’aimer son enfant. J’ai donc commencé à écrire de manière instinctive, dans une urgence. J’ai également vécu ma grossesse autrement, en réalisant ma chance de devenir mère ainsi, sereinement, de pouvoir aimer mon enfant avant et après sa naissance, sans devoir m’en séparer. Quel est le statut d’une mère célibataire au Maroc ? Et de son enfant ?
C’est sans doute la pire chose qui puisse arriver à une femme. Elle est mise au ban de la société, chassée de chez elle, traitée comme une moins que rien. Un enfant né hors mariage est perçu comme un bâtard, il porte la plus lourde des croix. Même adulte, il souffre encore de l’exclusion, de la marginalisation, du jugement moral. Chaque année, 50 000 enfants seraient abandonnés. Mais on en parle très peu. En niant l’existence de ces femmes et de ces enfants, la société fait comme s’ils n’existaient pas. Et ne questionne pas les lois sur l’avortement, sur les droits des femmes… Il y a un trop-plein, la société civile s’insurge, se soulève pour les libertés individuelles et demande 80
« Un enfant né hors mariage est perçu comme un bâtard, il porte la plus lourde des croix. Même adulte, il souffre encore du jugement moral. » du changement. Grâce à ce mouvement de protestation, de résistance, Hajar Raissouni [journaliste condamnée à un an de prison pour avortement illégal et relations sexuelles hors mariage, ndlr] a été graciée. C’est une belle victoire, mais le chemin est encore long pour changer les lois et protéger ces femmes. Car des milliers d’entre elles demeurent derrière les barreaux. D’où la difficile décision de Samia, votre héroïne, de confier son enfant à l’adoption.
C’est un vrai dilemme. Si elle le garde, l’avenir de l’enfant sera complètement fermé. Si elle le donne à l’adoption, c’est dans l’espoir qu’il ait une chance, une vie meilleure. Elle le fait pour lui. Elle se sépare de lui par amour. C’est très dur. Souhaitez-vous changer le regard de la société envers ces femmes et ces enfants à travers votre film ?
Complètement. Cela me tient à cœur. Cet enfant est un être humain avant tout, il devrait avoir les mêmes droits que les autres, peu importe d’où il vient. D’ailleurs, s’il s’appelle Adam, c’est aussi parce qu’en arabe, « ben Adam » veut dire « être humain ». Mon désir profond est de contribuer à cette évolution. Si l’on change le regard d’une société, les lois suivront. Le cinéma a un vrai rôle à jouer. Dans un film, on vit avec les personnages, on se glisse dans leur peau, leurs problématiques, leurs souffrances, leurs joies. On s’attache à eux, et en sortant de la salle, on peut regarder ces personnes à la marge autrement. J’y crois vraiment. Vous montrez aussi la cruauté du jugement des femmes entre elles…
Oui, car les femmes peuvent aussi être leurs pires ennemies. Les manifestations à propos des lois de l’héritage au Maroc étaient en majorité composées de femmes, qui protestaient contre leurs propres droits. Leur jugement peut être très dur, très cruel. Mais il existe également une solidarité incroyable, comme entre Abla et Samia, les deux personnages principaux. AFRIQUE MAGAZINE
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Pourquoi cette mise en miroir entre ces protagonistes, l’une portant la vie et l’autre le deuil ?
Elles sont toutes les deux dans le déni, rassemblées par la douleur, un désir de fuite, de sens différent. Parce que c’est une femme, Abla n’a pas pu se rendre au cimetière le jour de l’enterrement de son mari, sous le prétexte de la tradition. La société lui a volé la mort de son époux, comme elle prend à Samia la vie de son enfant. C’est d’une violence inouïe. On a empêché Abla d’aller au bout de son deuil. Elle est restée figée, glacée dans ce passé, sans réussir à avancer. J’ai construit ce personnage à partir de ma propre expérience de la perte, à la suite du décès de mon père. Que représente la mort pour moi, en tant qu’être humain, mais aussi en tant que femme, dans mon pays ? Et puis, de nombreuses veuves m’ont fait part de leur place particulière dans cette société. Beaucoup d’hommes les estiment disponibles, accessibles… Elles doivent se protéger doublement. Abla est très digne, travailleuse, elle n’a pas envie d’être une proie et se bat pour l’indépendance qu’elle a construite. « La mort n’appartient pas aux femmes », dit-elle…
Il n’est écrit nulle part dans les textes religieux qu’une femme n’a pas le droit d’accompagner son proche au cimetière le jour de son enterrement. Mais selon la coutume, l’ordre établi, que les gens ne questionnent pas, elle est seulement autorisée à s’y rendre le troisième jour. C’est très violent, les femmes sont exclues. Alors que personne ne peut nous enlever ce droit. Pourquoi le choix d’une forme de huis clos et d’une caméra au plus près des personnages ?
Pour pénétrer leur âme, sonder leur métamorphose intérieure, leur évolution. Cette société exerce un poids sur elles et prend déjà beaucoup de place dans leur vie. Je ne voulais pas qu’elle en ait ici. Ce qui m’intéresse, c’est ce processus intérieur, et cette rencontre qui les dépasse, les transforme. Je voulais que l’on ressente les choses, sans les dire ou les montrer explicitement. D’où le rideau de magasin qui s’ouvre et se ferme, telle une scène de théâtre sur le monde. Ces femmes sont comme dans un cocon, un utérus, elles évoluent avec en fond la rumeur de l’extérieur. Je puise beaucoup mon inspiration dans la littérature, cette magie d’entrer à l’intérieur d’un personnage, de le comprendre sans forcément passer par le dialogue.
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Vous vous attardez particulièrement sur les gestes de fabrication des mets, la sensualité du pétrissage de la pâte de ces pâtisseries marocaines, les rziza.
Les détails racontent beaucoup. Mais on n’y prête plus garde, trop occupés que nous sommes par le flux constant d’informations. Notre attention aux choses s’est considérablement réduite. J’avais envie de montrer le travail des mains, cet aspect organique, charnel, je voulais insuffler une lenteur qui me manque dans la vie. La fabrication des rziza est très laborieuse, élaborée, elle demande beaucoup de temps. C’est également un hommage à ce savoir-faire, dans un monde moderne qui va toujours plus vite. L’évolution des personnages passe aussi par ce travail et se prolonge. Au Maroc, les rziza de mon enfance se font rares. Cela
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Adam est sorti au Maroc le 15 janvier et en France le 5 février.
me fait mal au cœur, elles sont en train d’être oubliées, remplacées, alors qu’elles portent une puissance identitaire, culturelle, ancestrale. C’est un patrimoine qui se transmet de génération en génération. « Il faut refermer ce qui est ouvert pour donner la vie », dit Abla…
Il s’agit de refermer les os de Samia après l’accouchement : on serre le bassin avec des tissus pour créer un corset. C’est une tradition ancestrale, passée de mère en fille, et qui se perd aussi. Il y a une charge symbolique : refermer après avoir donné la vie, pour être en mesure de la donner à nouveau. Les deux actrices principales, Lubna Azabal et Nisrin Erradi, livrent dans votre film une interprétation tout en finesse, véritablement remarquable. Comment les avez-vous choisies ?
La prestation de Lubna dans Incendies, de Denis Villeneuve, m’avait beaucoup marquée. Mais comme elle habite entre la France et la Belgique, je n’avais pas pensé à elle au début. Elle a entendu parler du scénario, m’a appelée et a demandé de le lire. Et elle est tombée amoureuse du personnage d’Abla. C’est magique, car elle porte en elle tout ce que j’imaginais : la puissance, la force de caractère, la fragilité aussi. C’était une évidence ! Pour le rôle de Samia, puisque je travaille avec des associations de mères célibataires, j’ai d’abord cherché auprès
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« Ce film est né de l’intime, l’écriture des
Comment les avez-vous dirigées ?
Pour être vraiment le personnage, et non pas le jouer, nous avons passé beaucoup de temps avec des femmes dans la médina de Casablanca. Lubna s’est ainsi imprégnée d’elles, en leur parlant, en observant leurs gestes, leurs postures. Pareil pour Nisrin, qui a fait de même auprès de mères célibataires. Une coach leur a appris à travailler la pâte des rziza et des msemen [crêpes feuilletées, ndlr]. Pour obtenir une émotion juste, nous faisions des sessions où l’on parlait des scènes pour les comprendre, mais sans les répéter pour préserver le naturel, la vérité. Et lorsque nous les tournions, l’émotion jaillissait. Vous soignez particulièrement la lumière. De très belles scènes en clair-obscur évoquent l’âge d’or des peintres hollandais…
pour son travail. On ne se pose pas beaucoup de questions, on se complète. On a l’habitude de faire les choses ensemble : j’étais impliquée dans toutes les étapes de fabrication (rencontres et interviews avec les prostituées, tournage…) de Much Loved. Et nous avons écrit à quatre mains le scénario de son dernier long-métrage, Razzia, dont j’interprète l’un des rôles principaux. Nous passions 12 heures par jour ensemble sur le tournage, et nous étions quand même heureux de se retrouver le soir à la maison ! Qu’il soit le producteur d’Adam a été une vraie chance : il me connaît par cœur, il sait ma sensibilité, mon désir, mes motivations à raconter cette histoire. Une compréhension aussi profonde et un tel accompagnement n’ont pas de prix ! Il a fait son possible afin de réunir les conditions pour que je puisse réaliser le film que j’avais en tête. Le fait qu’il soit par ailleurs réalisateur a-t-il aidé ?
Oui, car il a respecté mon projet sans intervenir, ni sur le tournage, ni sur ma vision des choses. Il venait de temps en temps sur le plateau, car il ne voulait pas prendre trop de place. Je rentrais le soir avec plein de choses à lui raconter, des questions à lui poser, des doutes à exprimer. Il est très bienveillant, il fait preuve d’une vraie écoute, d’une grande sensibilité, il a su me conseiller et me redonner confiance en moi quand il le fallait. Car on est parfois perdu lors d’un premier long-métrage. C’était beau de vivre ça avec lui. Au cours de l’écriture, j’ai eu la chance d’avoir son regard, nos échanges étaient très riches. Vous avez réalisé en 2014 un documentaire, Sous ma vieille peau, qui regroupe des témoignages de prostituées marocaines âgées. Va-t-il enfin être diffusé ?
La peinture m’a toujours inspirée et a influencé mon regard : Vermeer, Le Caravage, Georges de La Tour… Avec ma directrice de la photographie et ma chef décoratrice, nous Pour l’instant, il reste dans un placard. avons effectué un vrai travail sur la lumière, Après le raz-de-marée de Much Loved [censuré Elle tient l’un des rôles principaux car elle joue un rôle certain et traduit l’évopar les autorités, le film, qui relate le quotide Razzia (2018), qu’elle a également coscénarisé. lution des personnages. Certains plans sont dien de quatre femmes prostituées au Maroc, pour moi comme des tableaux. La maison est un personnage fut l’objet de violentes réactions, notamment des menaces de en soi, nous avons accordé beaucoup de soin aux détails dans morts à l’encontre du réalisateur et de ses actrices, ndlr], diffuser la création de cet espace, aux textures, aux costumes, à la comce documentaire peut être dangereux pour les femmes qui se position des couleurs… Ainsi que dans le choix des cadres, au racontent à visage découvert dedans. Même si elles assument sein de cet espace fermé, qui cloisonne les personnages et que complètement leurs paroles, j’ai peur pour elles, et elles n’en l’on déconstruit pour les réunir. J’ai vraiment la chance d’avoir mesurent sans doute pas l’ampleur. C’est un film très intimiste, eu une très belle équipe, il régnait une fantastique énergie sur le elles y racontent leur rapport à leurs corps vieillissant, quand il plateau, sans tension. Même si le matin, je me réveillais épuisée, n’est plus « marchandable ». Beaucoup évoquent également leur j’y allais avec sourire et envie. lien au sacré. Dans un pays où ce que l’on fait va à l’encontre de la religion établie, comment vit-on sa spiritualité ? Ces femmes Votre époux, Nabil Ayouch, est producteur sont extraordinaires, fortes, ce sont des exemples de combatidu film et a participé à l’écriture du scénario. vité, de sagesse. Elles ont une analyse profonde de la société, Comment s’est passée votre collaboration ? de l’intérieur, dont elles connaissent tous les méandres. J’avais Très naturellement. C’est beau ce que l’on s’apporte l’un envie de les écouter, et qu’on les écoute. L’une d’entre elles a l’autre. Nabil m’inspire énormément, j’ai une vraie admiration 82
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d’elles, afin de trouver la vérité d’un vécu. J’y ai rencontré des femmes extraordinaires, mais le rapport entre elles et le personnage était trop réel, trop douloureux, cela réveillait des émotions difficiles. Ce n’était pas possible. Après avoir vu beaucoup de comédiennes professionnelles, Nisrin m’a subjuguée lors des essais. Un véritable coup de foudre ! Elle a cette vérité, cette sensibilité, une douceur, une joie de vivre, de la force, sans parler des expressions de son visage… J’étais la plus heureuse des réalisatrices ! Ce long-métrage est né de l’intime, l’écriture des personnages a été très intense et personnelle. Je les aimais tellement que j’avais besoin de trouver les actrices qui les incarneraient au mieux et qui les défendraient. Qu’il y ait un lien profond. Ce fut une tâche difficile.
personnages a été intense et personnelle. » presque 100 ans, elle a arrêté d’exercer il y a longtemps. Ce sont des histoires humaines très puissantes. Ces femmes ont aussi imposé une certaine liberté, un respect dans leur vie, dans leur manière d’élever leurs enfants. Quel genre de films vous inspire ?
J’aime voir différents regards sur les sociétés de notre monde. Mais mes inspirations premières ont toujours été la peinture, la littérature, la poésie – que je pratique aussi. J’aime les classiques. Comme j’ai étudié à l’école américaine de Tanger puis à l’université à Londres, les auteurs anglophones me sont très familiers. J’ai découvert les francophones à mon retour au Maroc. J’avais toujours un livre de Zola dans mon sac. En poésie, j’adore Baudelaire ainsi que les soufis, comme Rûmî. Comment êtes-vous passée du journalisme au cinéma ?
Pendant mes études, j’avais déjà approché le documentaire et ses outils, c’était un prolongement naturel de mon activité de journaliste culturelle. Après quelques courts, j’ai réalisé un film de commande pour la première Journée nationale de la femme marocaine. Il s’agissait de donner la parole aux femmes de pouvoir, aux ministres, etc. Pour moi, cette journée ne concerne pas seulement celles qui affichent une réussite sociale, mais également celles que l’on n’entend jamais, dont la voix est pourtant essentielle. J’ai donc recueilli les paroles de mères célibataires, avec leurs enfants, au sein de l’Association solidarité féminine, fondée par Aïcha Chenna. Puis, la mort de mon père a été le tournant. Traversée de sentiments très violents, j’ai écrit un court-métrage de fiction, Quand ils dorment, dans lequel une fillette transgresse les règles de la société qui excluent les femmes lors de la mort d’un être cher. Les enfants ont cette force incroyable sous-estimée, que les adultes n’ont pas. Nabil a lu le scénario et m’a poussée à le réaliser : « Si ça sort de tes tripes, ne te pose pas de questions, fais confiance à ton instinct, n’aie pas peur ! » J’ai écrit le suivant cinq ans après, car j’ai besoin que mon désir de raconter soit viscéral. Aya va à la plage est également l’histoire d’une petite fille : elle travaille comme domestique, mais parvient à rester une enfant malgré l’enfermement, grâce à son monde intérieur. Ces « petites bonnes », comme on les appelle, subissent des abus, on leur vole leur enfance dès l’âge de 6 ans, on les empêche d’aller à l’école.
Avec son mari, le réalisateur Nabil Ayouch, au Festival du film francophone d’Angoulême 2019.
DOMINE JEROME/ABACA
Comment obtenir une parité femmes-hommes dans le milieu du cinéma marocain ?
Pour que les femmes disposent des mêmes opportunités que les hommes, il faudrait qu’elles aient accès à l’éducation de façon égalitaire à partir de l’école primaire. C’est donc un travail qui commence bien en amont. Tant de fillettes en milieu rural ne sont pas scolarisées. Elles décrochent pour aider leur mère à la maison, sans avoir d’autres perspectives d’avenir. Il s’agit également de l’éducation donnée au sein du foyer : tous ces privilèges accordés aux garçons, l’attribution systématique des tâches ménagères aux filles… Il faut un grand changement des mentalités, ce qui prend, hélas, beaucoup de temps. ■
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IMANE AYISSI « JE VEUX MA PLACE SI JE LA MÉRITE »
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Le styliste camerounais fait désormais partie du cercle très fermé de la haute couture parisienne. Tout en puisant dans le patrimoine textile et l’artisanat du continent. Entretien avec un autodidacte sans limites. propos recueillis par Astrid Krivian
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n événement qui fera date dans l’histoire de la mode. Pour la première fois, un couturier originaire d’Afrique subsaharienne défile au sein de la cour très fermée de la haute couture parisienne. En tant que membre invité, le styliste camerounais Imane Ayissi a présenté en janvier dernier sa nouvelle collection, Akouma (« richesse » en langue ewondo, son ethnie d’origine), lors de la Fashion Week parisienne. Depuis, celui qui intéresse désormais la presse internationale court les rendez-vous. Il jubile, savoure son succès. Une consécration qu’il dédie avant tout à l’Afrique, fier de voir son patrimoine textile enfin reconnu. Le designer valorise les savoir-faire traditionnels du continent, trésors méconnus souvent oubliés, et les interprète dans une version moderne, audacieuse. S’inspirant de techniques ancestrales, il emploie de somptueux tissus (kenté), comme des matières brutes (obom), et les marie à des étoffes classiques (soie, etc.). Sa griffe incarne un chic métissé, sublimant les femmes du monde, loin de l’exotisme et des motifs folkloriques. Silhouette élancée, cet ancien mannequin ayant défilé pour les plus prestigieuses maisons est vêtu de noir comme à son habitude, « couleur indémodable, qui ne trahit pas. Le temps, la lumière s’y réfugient », assure-t-il. À Paris, où il vit depuis trente ans, il nous reçoit dans son atelier et passe en revue quelques-unes de ses réalisations : bombers en raphia, top orange teint selon le procédé tie and dry (« Ça irait à merveille à Tina Turner ! »), jupe longue tissée de lanières en cuir (« Je vois bien Beyoncé la porter… »). En attendant, les actrices Angela Bassett, Zendaya et Aïssa Maïga ainsi que l’athlète Marie-José Pérec ont sollicité ses talents. Mais sa première muse était sa maman danseuse, la Miss Cameroun 1960, dont il coupait et recousait les robes. Né à Yaoundé en 1968, il fait ses armes chez le couturier Blaz Design, puis poursuit en autodidacte. Également danseur dans la troupe familiale, il se produit au sein du ballet national, puis en France, notamment pour Patrick Dupond et Yannick Noah. Amateur de Madeleine Vionnet, de Christian Dior ou du Malien Chris Seydou, ce touche-à-tout, auteur de deux livres de contes, a présenté sa première collection en 1993, en confectionnant de ses seules mains plus de 120 robes. AM : Vous étiez invité à présenter votre collection dans le calendrier de la Fédération française de la haute couture et de la mode, à Paris, en janvier dernier. Comment avez-vous réagi à l’annonce de votre sélection ? Imane Ayissi : D’abord, je n’y ai pas cru : ils avaient dû se trom-
per ! Puis, j’ai versé des larmes de joie. C’est une grande reconnaissance envers mon travail, pour lequel je me suis tant battu et j’ai sacrifié ma vie, depuis presque trente ans. Je ne trouve pas les mots ! Même si je meurs demain, mon nom restera dans 86
«Même si je meurs demain, mon nom restera dans l’histoire de la mode et servira à d’autres. Car je parle au nom de tous les Africains.» l’histoire de la mode et servira à d’autres. Car je parle au nom de tous les Africains. Une porte s’ouvre désormais pour eux, je suis très fier de montrer les tissus authentiques et les différents savoir-faire des artisans du continent. Il leur manque une vitrine internationale, il est temps que le monde les découvre et les encourage. Quand j’ai appris mon invitation, j’avais un mois pour monter ma collection, trouver les moyens, les idées. Je ne dormais pas la nuit, j’ai fondu en deux jours [rires] ! Un travail de titan. Vous puisez dans le patrimoine des textiles traditionnels africains pour réaliser vos ouvrages…
C’est très dommage qu’il soit méconnu. L’Afrique m’est très chère, et depuis longtemps, je ressentais un grand vide. Du Maghreb au Togo, en passant par le Mali, ces pays ont tant de richesses qui méritent d’être connues. Les designers doivent prendre le temps de faire des recherches, de retourner à l’époque ancienne, de découvrir des pratiques et textiles oubliés, parfois en voie de disparition. On ne peut pas avancer si on ne connaît pas son histoire. Et je n’aime pas cette désignation « mode africaine ». C’est une étiquette. Ce n’est pas renier son identité, mais quand un vêtement est bien coupé, on reconnaît la signature, le style du créateur. On n’accole pas l’adjectif « français » après Christian Dior ou Chanel ! C’est de la mode, point, qui peut être portée par une femme internationale. Vous travaillez des matières brutes, non tissées, pour un résultat final très sophistiqué. Comme l’obom, obtenu à partir de l’écorce d’un arbre du Cameroun…
Il faut dialoguer avec ces matériaux rustiques. Ma curiosité me pousse à transformer certaines matières, à faire des essais, changer les couleurs, observer les réactions… Je manie l’obom pour l’assouplir, lui donner une certaine noblesse. L’effet est très surprenant, comme le buste orné de fleurs sur cette robe du soir : on croirait de la dentelle. Je collabore avec une association de tisserands au Burkina pour l’étoffe faso dan fani, je fais les couleurs et choisis le grammage. L’idée est de créer une pièce haute gamme, moderne, jamais vue auparavant, et qui ne soit AFRIQUE MAGAZINE
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pas juste jolie sur une Africaine. Quant au kenté, tissu royal du Ghana et de Côte d’Ivoire [originaire de l’ethnie akan, ndlr], je le confectionne avec des artisans locaux. C’est un très long processus car ils ont de grandes difficultés pour trouver du coton de qualité [celui cultivé en Afrique est majoritairement exporté, notamment en Asie, pour être cardé et filé. Il est ensuite revendu sur le continent à prix élevé, ndlr]. À chaque collection, j’essaie d’utiliser des fils bio. C’est plus cher, mais c’est une façon de militer en faveur de l’environnement. Le kenté est souvent tissé de petites bandes, cousues, à l’image de ce manteau dans votre nouvelle collection…
À l’origine, on drape ce textile le plus souvent. Il sert aussi pour les cadeaux somptueux. Je voulais respecter son prestige. Tout est monté, relié, entrelacé à la main ; les poches suivent la lignée des bandes, de l’encolure, des emmanchures. J’ai imaginé des manteaux très modernes, doublés de soie, que l’on peut porter avec un pantalon ou une jupe. J’adore cette touche très Jackie Kennedy ! J’ai un lien affectif avec les tissus, et j’ai parfois du mal à les couper s’ils sont très beaux ! Pour moi, ils ont une âme. Il faut les aider à prendre forme. Avec le raphia du Cameroun, j’ai conçu des vestes bombers. De loin, on aurait dit des mèches de cheveux, un petit clin d’œil à la chevelure de la styliste Sonia Rykiel. On taille aussi des lanières de cuir pour des ceintures en macramé. Je me suis inspiré d’un tissage de l’ethnie des Beti, au Cameroun. Autrefois, ils coupaient les branches des palmiers, les tressaient, pour former une sorte de sac et transporter ainsi la volaille.
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Recourir à ces artisanats séculaires est aussi pour vous une façon de mettre l’Afrique sur le devant de la scène, affirmer qu’elle est debout…
Oui. J’emploie volontairement ces matières qui parlent, interpellent. Eh oh ! On nous a oubliés, mais l’Afrique est là depuis la nuit des temps [rires] ! Pendant des décennies, j’étais parfois le seul Africain, ou presque, à présenter mes collections. Où étaient les autres ? Mon continent était absent. Au lieu de s’attarder à dénoncer le racisme existant dans tous les domaines, il faut se greffer à la Fashion Week de Paris, par exemple. Si l’on me balance des mots désagréables, je ne dois pas reculer pour autant. Je me fiche un peu de ce que les gens pensent de moi. Je ne demande pas à être aimé, mais compris. Je souhaite que l’on me donne ma place, si je la mérite. On a dit tant de choses à notre sujet, à un moment donné, il faut savoir devenir imperméable.
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Vous montrez que l’esthétique de la mode en Afrique ne se réduit pas au wax, célèbre textile imprimé importé par les colons au XIXe siècle. Vous excluez son usage et le revendiquez.
Je ne fais pas de procès au wax, les gens sont libres d’acheter et de s’habiller comme ils l’entendent. Mettons les points sur les i et arrêtons de brader et de renier notre patrimoine. Beaucoup de pays africains ne parlent de l’histoire qu’à partir de l’arrivée des Européens. Mais avant, comment vivaient les populations, comment s’habillaient-elles ? Reconnaissons l’identité de nos tissus séculaires, parfois portés disparus, redonnons-leur leur noblesse, leur âme. Et cette démarche est valable dans tous les domaines : art, littérature… Il faut connaître notre histoire, ne pas oublier nos vraies richesses. Sinon, c’est catastrophique. Nous devons apprendre à respecter qui nous sommes, à glorifier et célébrer notre passé, à protéger nos savoir-faire précieux. Et aussi à être ensemble, Afrique « noire » et « blanche ». Certains Africains disent que vous faites des vêtements pour les Blancs…
C’est parce qu’ils ne voient pas ce fameux imprimé très voyant [le wax, ndlr]. Mais est-ce que les habits africains doivent absolument porter des motifs très représentatifs d’Afrique, comme les masques ? Les pièces de Dior ou d’Yves Saint Laurent n’étaient pas ornées de la tour Eiffel ! Quelles sont vos étapes de création ?
À partir de l’ADN de la maison, le style, les formes générales, j’ajoute des nouvelles idées pour la collection à venir. On réalise les croquis, puis on cherche les tissus. Et parfois, c’est le contraire. Vient ensuite le patronage, le moulage. On fait des essais avec les mannequins pour observer les tombés, les volumes, les longueurs. Je ne délègue pas toutes les tâches, je tiens à faire moi-même certaines finitions. Je dessine, je coupe, j’adore ça.
«Je ne délègue pas toutes les tâches, je tiens à faire certaines finitions. Je dessine, je coupe, j’adore ça.»
Pourquoi avoir nommé votre dernière collection Akouma, qui signifie « richesse » en langue ewondo, votre ethnie d’origine ?
Je questionne cette notion de richesse. J’interpelle. Les personnes sont libres de faire leur propre analyse. La richesse, c’est déjà soi-même, et l’autre. Nous avons, certes, besoin du matériel pour vivre, mais lui accorder trop d’importance devient problématique. On croit posséder toutes ces choses, or on quitte ce monde dans le dénuement. Où puisez-vous votre inspiration ?
Tout dépend. Cela peut partir d’un objet d’art, d’une histoire personnelle, de notre quotidien, du passé ancestral de l’Afrique ou de l’Europe. Dès lors, je fonctionne comme pour l’écriture 88
d’un conte. J’imagine des histoires. La barre est haute, il faut toujours surprendre, amener des choses nouvelles. J’affectionne les thèmes sur l’Afrique car ils me permettent de la faire découvrir, au-delà des étiquettes qu’on lui a collées. J’avais, par exemple, conçu une collection autour du vaudou, l’un de ses rites religieux les plus populaires. Si le continent est le berceau de l’humanité, il y a forcément eu un Dieu noir. Où sont passés les dieux africains ? Sont-ils partis en voyage, sont-ils endormis ou morts ? Peut-être qu’ils résident dans la culture ancienne, les grigris, les croyances… Mes robes étaient confectionnées comme des talismans, tissées de poupées vaudous, chargées de symboles forts, comme l’amour qui scelle, retient, la séparation du bien et du mal… Je les ai présentées à AltaRoma, la semaine italienne de la haute couture à Rome, dans un ancien couvent près du Vatican, siège de l’Église catholique. Quelle audace de ma part ! C’était un sacré challenge, je craignais les réactions. J’avais écrit une note d’intention distribuée à l’assemblée, demeurée silencieuse tout au long du défilé. Et j’ai finalement eu droit à une standing-ovation ! Cela montre bien que le monde évolue et que le dialogue est possible. Comment avez-vous appris votre métier ?
Je suis un autodidacte. J’ai appris à dessiner très tôt. Je coupais, décousais et remontais les robes de maman, sans lui demander. Comme le résultat lui plaisait, elle me les confiait pour que je leur donne une seconde vie. Je le faisais aussi à ma tante, à ma sœur et à d’autres chanteuses camerounaises. Puis, j’ai intégré la maison de haute couture du styliste Blaz Design, formé en Europe et revenu au pays pour y lancer sa marque. Je dessinais des collections, organisais ses défilés et je m’occupais de quelques personnalités. J’ai aussi fait du mannequinat, que j’ai exercé professionnellement en arrivant en France. Très curieux, j’observais les coulisses du métier lors des essayages. Et j’ai très vite montré mes créations.
Vous avez défilé pour Dior, Yves Saint Laurent et Givenchy, entre autres. Quels souvenirs gardez-vous de cette époque ?
C’était difficile au début : on arrive d’Afrique et on ne sait pas si l’on correspond. On se pointe aux castings et on nous dit : « On ne veut pas de Noirs ! » Aujourd’hui, j’en ris… Beaucoup pensent que c’est un métier facile, mais tout le monde ne peut pas l’exercer. Ce n’est pas une question d’être très beau ou très belle. Non ! Il faut avoir une « gueule », parfois même étrange, avoir « du chien », de bonnes mensurations, la niaque, comprendre le fonctionnement de la mode. Je finançais mes premiers books en faisant des ménages. Il ne faut jamais se décourager. AFRIQUE MAGAZINE
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… et mini-robe blouson en kenté du Ghana, collection automne-hiver 2019-2020.
Robe bustier « Save the Oceans », inspirée par les techniques d’appliqués du Ghana et du Bénin…
FABRICE MALARD
Parlez-nous de votre mère, votre première muse, reine de beauté du Cameroun en 1960…
Maman était incroyable. Hôtesse de l’air sur Air Afrique puis Air Cameroun, elle ramenait de ses voyages de très jolies robes. Elle portait des vêtements simples, mais comme elle avait un port de reine, elle attirait tous les regards. Perchée sur des escarpins Xavier Danaud ou Charles Jourdan, elle était d’une élégance inouïe avec sa chevelure ramassée en chignon. C’est toujours moi qu’elle appelait pour fermer le dos de sa robe. Ça m’a beaucoup marqué. De là vient mon goût pour les dos aux décolletés vertigineux dans mes collections ! C’était incroyable le
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Défilé à l’hôtel La Marois, à Paris, pour la collection printemps-été 2020.
week-end, à l’aéroport de Yaoundé. Les gens affluaient pour espérer l’apercevoir traverser le hall, faire les annonces, ou ne serait-ce qu’entendre sa voix. J’avais du mal à réaliser qu’elle était ma mère, je me posais souvent des questions ! Elle semblait irréelle, une vraie fée. Elle m’a beaucoup inspiré, tout comme ses amies, ses cousines, sa grande sœur. En Afrique, les femmes se réunissent une fois par mois pour les tontines [système d’épargne collectif, ndlr]. Chez ma mère, après la cotisation, elles dansaient pendant des heures. Le quartier s’agglutinait pour voir ce spectacle. Elles étaient belles, endimanchées et se déhanchant sur leurs hauts talons…
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Il a exercé en France dans les années 1950, puis est rentré travailler en tant qu’entraîneur au Cameroun. Il s’est battu pour créer le Camp de l’unité à Yaoundé, un club pour tous les athlètes de boxe anglaise qui existe toujours. Ce sport était une tradition familiale : garçon ou fille, il fallait s’entraîner ! Chez nous, il y avait deux groupes : les danseurs, de par ma mère, héritage de mon grand-père, et les boxeurs, du côté de mon père. J’ai pratiqué en amateur. On en prend plein la tronche ! Quand tu as l’adversaire en face, et que derrière toi, ton père hurle, au milieu de ces deux forces, c’est assez terrible [rires] ! C’était une bonne école toutefois. Vous avez aussi été danseur professionnel, notamment au sein du ballet de Patrick Dupond…
Et mon demi-frère, Jean-Marie Didière, fut le premier danseur noir à intégrer l’Opéra de Paris. Au Cameroun, j’étais dans la troupe familiale, avec ma sœur Chantal, chanteuse. Nous étions dirigés par mon frère, le chorégraphe Ayissi le Duc. Nous nous sommes aussi produits au sein du ballet national. En France, j’ai participé à la tournée Saga Africa, de Yannick Noah. Ensuite, j’ai tourné dans de nombreux clips, comme ceux de Baba Maal, Kassav’, Sting, et j’ai été doublure du chanteur Seal pour « Les Mots », son duo avec Mylène Farmer. Car c’était l’époque des attentats aux États-Unis, et la plupart des artistes ne voulaient pas voyager. En 1993, pour votre première collection, vous faites défiler des mannequins noirs, en réponse à leur absence au sein des autres maisons de couture, qui emploient alors en majorité des modèles à la peau blanche…
N’oublions pas que la mode est un dictateur, elle impose. Ces maisons ont ainsi fait leur politique d’image. Mais je ne le prends pas pour du racisme. Rappelons qu’Yves Saint Laurent ne faisait pas une cabine sans un mannequin noir, ni Chanel, Dior, Valentino, Paco Rabanne… Au lieu d’attendre des autres
Parmi les souvenirs fixés au mur de son atelier, deux photos de sa première muse, sa mère (en tenue imprimée sur celle de gauche et en Miss Cameroun sur celle de droite).
et de leur chercher la petite bête, créons nous-mêmes notre propre luxe. Travaillons, formons nos gens… Ainsi, le secteur de la mode en Afrique évoluera. Soyons forts, soutenons-nous pour nous imposer ensuite au monde. Achetons les pièces de nos créateurs, ça les aidera à s’implanter, à se développer. Comment le milieu de la mode peut-il s’organiser sur le continent ?
Redonnons la couronne au roi, la mode est une institution française. Comprenons comment elle fonctionne pour nous en inspirer ! Nous devons créer des syndicats regroupant tous les acteurs du métier, ainsi nous formerons un maillon fort pour nous faire entendre, démarcher des soutiens auprès du gouvernement. Il faut instaurer des saisons de la mode, la petite et la grande période des pluies, de la sécheresse, etc. Et établir, en fonction, l’usage des textiles adaptés. En Afrique, des designers possèdent leur propre agence de presse, organisent leurs événements, leurs Fashions Weeks… C’est un peu la confusion. Il faudrait décider ensemble des dates précises de rendez-vous (salons, semaines de la mode…), qui regrouperaient les professionnels en prêt-à-porter et en haute couture. Les maisons pourraient ainsi montrer leur collection devant la presse, les acheteurs et les grands clients. Quelles sont les structures pour se former et apprendre ces métiers au Cameroun ?
Il existe des écoles de mode, mais hélas, leur qualité ne se mesure pas à celle des établissements européens. Il y a encore beaucoup à faire à ce niveau. Je me suis impliqué, à titre bénévole, au sein du Centre des créateurs de mode du Cameroun, à Yaoundé, qui a été mis en place par Yves Eya’a. C’est un travail ponctuel MAGAZINE
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Quant à votre père, il était boxeur…
«Soyons forts, soutenons-nous pour nous imposer ensuite au monde. Achetons les pièces de nos créateurs, ça les aidera à s’implanter.»
Le couturier a un lien affectif très fort avec les tissus authentiques et traditionnels.
de transmission pour accompagner les jeunes, à chaque étape : les aider à créer une collection, aborder une clientèle, finir les vêtements… On se bat, on peine à obtenir des aides publiques nationales. Ce sont plutôt les ambassades étrangères qui nous soutiennent. Au sein de mon atelier, à Paris, j’accueille un stagiaire durant quelques jours, pas plus. Car ce n’est pas la fonction d’un designer que de former.
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Selon vous, une nouvelle page de l’histoire de la mode est-elle en train de s’écrire ?
Oui, et les professionnels de cette filière le reconnaissent aussi. Depuis longtemps, la mode s’inspire de l’Afrique, parfois sans les Africains. Par ailleurs, ces derniers achètent également des produits luxueux sur d’autres continents. Or, ils doivent consommer local ! Cela nous aidera à rebondir, à permettre à nos stylistes de faire grandir leur marque, à imposer le respect. Il faut créer le luxe africain, établir des lobbys forts, plutôt que de laisser les autres dénicher nos talents. On achète des produits en provenance d’Europe, car depuis très longtemps, on croit qu’ils sont forcément meilleurs. Mais l’Eldorado se trouve aussi sur place. Il suffit de former et d’informer la jeune génération,
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de lui donner confiance, de lui faire une place. C’est ainsi que se fera l’Afrique de demain. Quelles femmes vous inspirent ?
Dans les années 1980, quand les femmes commencent à prendre du pouvoir dans la société, elles portent des vêtements avec des épaules très carrées, qui symbolisent cette autorité. Dans les temps anciens, certaines ont dirigé des empires : Catherine de Médicis, la Reine de Saba… Alors pourquoi, en 2020, on fait comme si cela n’avait pas existé ? Je les vois ainsi : des femmes de pouvoir, modernes, qui ont compris l’organisation du monde, savent ce qu’elles veulent, s’assument telles qu’elles sont. Elles travaillent, voyagent, prennent des décisions, ont les pieds sur terre, gèrent leur famille, défendent des causes, s’amusent, parlent politique, sortent danser… Quelles personnalités aimeriez-vous habiller ?
Je suis ouvert à toutes les personnalités : politiques, artistes, femmes de pouvoir, comédiennes… J’étais très content de voir Fanny Ardant assister à mon défilé. On peut commencer par la première dame de France, Madame Macron, même si Louis Vuitton s’en charge déjà. Oui, pourquoi pas Brigitte Macron ! ■
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entretien
Rachid Benzine
mesure toute la force de frappe de la fiction Islamologue de renom, passionné de littérature, il vient de publier Ainsi parlait ma mère. Un roman pour parler librement du réel. propos recueillis par Fouzia Marouf
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ffable, Rachid Benzine est un auteur au contact direct. Ce grand brun passionné d’histoire est présent sur tous les fronts. Né en 1971 à Kénitra, au Maroc, il partage sa vie entre l’Europe et son pays natif. Cet islamologue a enseigné à l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence et a été chercheur à l’Observatoire du religieux, en France. Considéré comme l’une des figures de proue de l’islam libéral francophone, l’homme affiche une production aussi foisonnante que surprenante. En 2013, il publie Le Coran expliqué aux jeunes, suivi, en 2017, d’un ouvrage coécrit avec Delphine Horvilleur, Des mille et une façons d’être juif ou musulman. Il a en outre mis en scène des pièces de théâtre, dont Lettre à Nour (adaptée de son roman de 2016, Nour, pourquoi n’ai-je rien vu venir ?, dans lequel il dissèque le phénomène kamikaze) et Pour en finir avec la question musulmane, en 2018. Comme son héros-narrateur dans Ainsi parlait ma mère (Le Seuil), il est enseignant à l’université catholique de Louvain, en Belgique. Ce récit poignant rend hommage à une mère courage à l’histoire tourmentée et révèle la veine naturaliste de l’écrivain. 92
AM : Ce récit sensible qui narre l’histoire d’un fils s’occupant jour et nuit de sa mère vieillissante et malade est-il d’inspiration autobiographique ? Rachid Benzine : Il l’est dans le sens où les émotions que nous
ressentons face à la vieillesse de nos parents et à la peur de les voir partir nous sont communes. À travers ce récit, j’ai voulu poser la question de notre rapport à nos aînés, selon la façon dont nous apprivoisons ou pas cette peur. Mais les personnages que j’ai introduits sont fictifs : leur histoire, leur parcours ne sont que des moyens pour raconter ce que nous avons envie de transmettre. C’est en cela que la fiction est puissante : elle convoque à la fois l’imagination, afin de créer une histoire, et nos ressources les plus intimes, pour rejoindre les lecteurs avec des émotions que nous avons en partage. Comment avez-vous abordé les passages qui décrivent avec pudeur la toilette intime que votre protagoniste s’attache à faire malgré son embarras ?
J’ai voulu écrire cette scène pour évoquer deux tabous. Le premier est celui qui nous fait voir notre mère uniquement comme une mère, et nous empêche de la considérer comme une femme, avec un corps, un désir. Quand mon héros, en l’absence d’infirmière, se propose pour laver le corps de sa mère, y compris ses parties les plus intimes, il transgresse ce tabou par amour, par sens aigu du service envers cette dernière. J’évoque aussi à un autre moment l’impossibilité pour le narrateur d’imaginer sa mère éprouvant du plaisir charnel. Le second tabou, c’est celui de la vulnérabilité de nos parents : tout au long de notre vie, nous les voyons comme AFRIQUE MAGAZINE
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ENTRETIEN
bibliographie sélective
Pourquoi avoir situé Ainsi parlait ma mère en Belgique, et non en France ?
Ainsi parlait ma mère, Le Seuil, 2020 Des mille et une façons d’être juif ou musulman, 2017 Nour, pourquoi n’ai-je rien vu venir ?, 2016 Le Coran expliqué aux jeunes, 2013
Peut-être pour que l’on ne me demande plus si c’est un récit autobiographique [sourire]. Mon livre précédent m’a fait passer beaucoup de temps en Belgique, c’est un pays que j’aime beaucoup, et j’ai eu envie d’y situer cette histoire. C’est un peu comme le père dans Nour, pourquoi n’ai-je rien vu venir ?, je l’ai situé dans un pays arabe, sans préciser lequel. Et non pas en France ou au Maroc. Peut-être que, inconsciemment, j’ai besoin de créer une distance entre moi et des personnages à qui je fais dire parfois ce que je ressens. Le narrateur affirme : « Ma culture scolaire naissante développait chez moi un inconscient mais bien réel mépris de classe. Qui me souille encore aujourd’hui et dont j’ai définitivement honte. » Est-ce également votre sentiment ?
Disons que, souvent, lorsque l’on est issu d’un milieu social déclassé dont on s’éloigne par les études et le parcours de vie, on peut être susceptible de passer par des sentiments difficiles, et parfois contradictoires. On peut avoir une sorte de honte de ses origines, on a du mal à voir ses parents parler mal le français devant ses professeurs. Le narrateur explique ainsi qu’avec ses frères, il apprenait à sa mère les phrases exactes à dire au 94
médecin ou lors de réunions scolaires. Il raconte aussi ce qu’il a ressenti lorsque cette dernière, partie chercher un colis à la Poste, s’est sentie humiliée par l’employée qui lui demandait de remplir un document, sans comprendre que la pauvre femme, analphabète, en était bien incapable. Il l’a vue alors tourner les talons et repartir les larmes aux yeux sans son colis. C’est une blessure qui reste. Et en même temps, on ressent la culpabilité d’avoir quitté ses origines pour soudainement habiter un autre territoire, qu’il soit intellectuel, social ou culturel. C’est une double honte en fait, que peuvent ressentir ceux que l’on nomme « transfuges de classe » : la honte des siens que l’on éprouve parfois, voire la haine de soi, et la culpabilité de ressentir cette honte. On met du temps à l’apprivoiser, à occuper en paix la place que l’on a gagnée à force d’études, et à accepter de ne plus totalement appartenir « complètement » au même monde que les siens. C’est comme un deuil que l’on apprend à faire. Face à sa mère analphabète, issue de la campagne marocaine, ce fils doué pour les études est animé d’un fort déterminisme social. Diriez-vous que ce roman est aussi celui de la lutte des classes ?
Je dirai plutôt que c’est un roman de la réconciliation. La lutte des classes est liée à nos étiquettes, aux rôles et aux fonctions que nous endossons dans la vie. Et effectivement, quand nous nous voyons uniquement par le prisme de ces costumes « sociaux », nous pouvons ressentir de la distance : c’est ce que je disais précédemment avec cette idée de transfuge de classe. Là, je parle d’un fils et de sa mère, d’un homme qui veille sur celle qui l’a mis au monde et d’une femme dont la vie dépend de la présence de son fils. Quel que soit le chemin que celui-ci, professeur d’université, ait pu parcourir, il n’est finalement qu’un enfant au chevet de sa mère. Et puis, il y a dans le livre un rituel quotidien qui scelle cette réconciliation : c’est le moment où il lui lit des passages de Peau de chagrin AFRIQUE MAGAZINE
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des remparts protecteurs, des repères qui guident, des sanctuaires inviolables, et voilà qu’arrive un moment, un âge où ils s’écroulent. Ils deviennent vulnérables, et nous aussi ! Nous redevenons des enfants un peu perdus au moment même où la vie nous impose de devenir des protecteurs, des repères et des sanctuaires pour nos propres parents. Ce renversement est à la fois beau et difficile, comme cette scène où le fils et la mère sont confrontés à ces deux tabous. Chacun doit vaincre ses réticences : la mère est un peu crispée à l’idée que son fils la lave entièrement, puis se laisse finalement porter, et quelque part « soigner », par ce très bel acte d’amour. La pudeur est une valeur centrale dans la plupart des sociétés, et plus particulièrement dans l’univers culturel musulman. Le dévoilement du corps des parents devant leurs enfants est impensable. Dès lors, qu’un fils se retrouve dans une situation où il doit faire la toilette intime de sa mère constitue une sorte de cataclysme mental pour l’un comme pour l’autre. Mais il s’agit d’une sorte de renversement occasionné par la logique de la vie, c’est ainsi qu’il doit être appréhendé : hier, la mère lavait son bébé, aujourd’hui, c’est l’enfant qui se comporte comme le parent de sa mère désormais dépendante. L’amour est capable de tout surmonter !
d’Honoré de Balzac, un moment qu’elle réclame tous les jours, bien qu’elle connaisse l’ouvrage dans ses moindres détails. Pour moi, c’est un cadeau qu’elle fait à son fils, une façon de le rejoindre là où il est maintenant, dans le monde des lettres. Parfois, quand on s’est éloignés de l’univers des siens, on souffre car on a le sentiment qu’ils ne peuvent plus comprendre ni partager ce que nous sommes devenus. Par ce rituel, la mère apaise cette souffrance en allant rencontrer son fils là où il est. Ces deux êtres sont réunis par l’amour filial invincible et par cette réconciliation de leurs mondes à travers un livre. Vous avez écrit de nombreux essais en plus de vingt ans. Pourquoi le passage à la fiction s’est-il opéré aussi tardivement ?
Je ne sais pas si cela arrive tard, je pense que cela arrive plutôt au terme d’un cheminement qui devait prendre son temps. Avec mon dernier roman, Nour, pourquoi n’ai-je rien vu venir ?, qui a fait l’objet de plusieurs représentations théâtrales en France, en Belgique, au Maroc, en Tunisie, aux États-Unis ou encore en Italie, j’ai pu mesurer toute la force de frappe de la fiction. Cet ouvrage basé sur un échange épistolaire entre une fille, partie rejoindre Daesh, et son père, professeur de philosophie, m’a permis de réellement proposer un dialogue sur un sujet devenu trop difficile et douloureux pour que l’on puisse prendre le temps de s’écouter véritablement. Les analyses politiques et sociologiques sont nécessaires, mais à un moment, il m’a semblé qu’elles ne permettaient pas de se retrouver, de se parler, chacun campant sur ses positions dans un climat de plus en plus exacerbé et clivant. Avec ce livre, l’amour filial instille ce lien jamais rompu entre deux êtres que les idées opposent de façon radicale. Lors des représentations et des rencontres, on a pu toucher les gens, leur faire prendre la mesure de la complexité des choses, leur permettre de comprendre ce qui se passait dans la tête de « l’ennemi », que l’on ne peut pas réduire à un barbare ou à un fou. Quand j’ai réalisé ce que la fiction pouvait permettre, j’ai eu envie de continuer d’explorer ce genre au fil de sujets qui me tiennent à cœur. Une rhétorique du sensible au service du sens. Vous êtes né à Kénitra et êtes arrivé à Trappes à 7 ans. En 1996, vous avez été champion de France de kickboxing. Comment êtes-vous passé du ring aux sciences politiques et à l’herméneutique coranique ?
Je ne suis pas passé de l’un à l’autre, j’ai vécu tout cela en même temps. Le kickboxing est arrivé assez tard dans ma vie, et je n’étais pas intéressé par ce type de sport. J’enseignais depuis mes 22 ans. Je suis passé par l’économie d’abord, des études de sciences politiques et ensuite d’histoire. Je ne crois pas au fait que les gens puissent être réduits à une seule étiquette, une seule aptitude. J’ai eu la chance de pouvoir explorer toutes mes passions dès l’adolescence : les livres et l’histoire des religions, l’engagement associatif – commencé très jeune à Trappes –, le sport. Il faut s’écouter, faire l’expérience des passions qui nous portent, quand on peut et tant qu’on le peut.
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« Peut-être que, inconsciemment, j’ai besoin de créer une distance entre moi et des personnages à qui je fais dire parfois ce que je ressens. » Enfant, avez-vous joué au foot avec Jamel Debbouze, Omar Sy ou Nicolas Anelka [qui habitaient également Trappes, ndlr] ?
Oui, nous avons joué ensemble. La dream team de Trappes ! Nous sommes de la même génération. Omar était défenseur, Jamel ailier droit, et Nicolas avant centre. Chacun de nous a ensuite poursuivi sa vocation. Je suis toujours en contact avec Jamel et Omar. Quels liens entretenez-vous avec le Maroc ?
Je suis né à Kénitra. Mon père était instituteur, et très tôt, j’ai adoré l’école, apprendre. Parallèlement à l’enseignement scolaire, j’ai suivi l’école coranique au Maroc, puis à mon arrivée en France, j’ai appris le français aux côtés d’enfants sénégalais, algériens et tunisiens. Comme j’étais doué, on m’a fait sauter une classe à la fin de ma première année scolaire. Mais mon pays d’origine, le Maroc, est lié à mon enfance, à ce grand voyage que nous faisions en famille, chaque été dans les années 1980, en 504 break. Une fois arrivé, j’avais à cœur de retrouver mes amis, j’allais au cinéma L’Atlas de Kénitra, dont la séance coûtait 2 dirhams, et j’y voyais tous les films de karaté de l’époque ! On a vécu de rudes années en France, mais le retour au Maroc incarnait ce qu’appelait Spinoza, « la joie du oui dans la tristesse du fini ». Aujourd’hui, que retenez-vous de votre mère ?
Malgré sa souffrance, le regard de l’autre dénué de bienveillance et les ressentiments, elle n’a pas fait de ses maux une identité. Elle avait la capacité de dépasser des situations peu enviables. L’exil n’a pas été facile pour la première génération d’immigrés, qui vivait en fait un double exil : celui de la terre et celui de la langue. Ce roman parle d’une histoire d’amour, de la gratitude et de la reconnaissance d’un fils envers sa mère. C’est ma façon de lui dire merci. J’aime la littérature, la forme romanesque incarne l’esthétique du sensible en touchant à l’émotion : nous sommes au cœur de l’humanité.
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ENTRETIEN
Vous faites partie de ceux que l’on qualifie de nouveaux penseurs de l’islam. Vous êtes islamologue et chercheur associé au Fonds Paul Ricœur, qui étudie l’un des penseurs de l’interprétation. Parvenez-vous à comprendre ce qui est séduisant dans les lectures les plus intégristes des textes sacrés ?
Avant d’écrire Nour, pourquoi n’ai-je rien vu venir ?, j’ai rencontré en prison beaucoup de jeunes qui étaient rentrés de Syrie et d’Irak. Contrairement aux idées reçues, ils ne sont pas tous déclassés socialement, et ce ne sont pas tous de jeunes désœuvrés : il y a parmi eux des gens qui ont fait des études supérieures. Ils ont donc, à l’image de Nour, une jeune fille brillante qui étudie la philosophie, une rhétorique très bien construite et des arguments efficaces. En réalité, ils sont d’abord souvent dans une défiance et une critique radicale de la « modernité occidentale » et de ses promesses de démocratie, de droits de l’homme, d’égalité, de justice, etc. Ils convoquent les invasions américaines en Irak et la situation en Palestine pour montrer les contradictions et les mensonges de l’Occident. Ce sont des radicalisés politiques qui trouvent un habit à leur critique et à leur révolte dans la radicalité religieuse. Parce que celle-ci est disponible : le fait que l’on soit frileux dans le monde musulman à promouvoir une lecture critique des textes religieux, le fait que l’on ait aujourd’hui une pléthore de « savants » qui diffusent massivement grâce aux nouvelles technologies les lectures les plus orthodoxes, le fait que la doctrine wahhabite soit largement promue à travers le monde, tout cela fait que les lectures rigoristes gagnent du terrain. C’est la conjonction entre révolte politique, critique de la modernité et radicalité religieuse qui produit des phénomènes de djihadisme. Souvent, dans mes rencontres autour de Nour, pourquoi n’ai-je rien vu venir ? avec de jeunes élèves, ils sont perturbés car ils trouvent légitime la révolte politique contre les agissements de « l’Occident », ils entendent les arguments de Nour. Toute notre vigilance doit se porter à entendre cette critique, au lieu de faire comme si elle n’existait pas, mais sans la laisser sombrer dans la radicalité religieuse qui en fait son miel. C’est là où le travail sur la lecture des textes sacrés, leur contextualisation, est primordial.
comme n’appartenant pas à la commune humanité et pouvant, dès lors, être dénigré, haï, persécuté, exterminé. Leur détestation et leur persécution ont une longue histoire, qui plonge ses racines dans l’Antiquité, chez les anciens Assyriens et Romains. L’antijudaïsme des Églises, reprochant aux juifs d’être collectivement responsables de la crucifixion de Jésus, a créé un climat favorable à leur persécution massive aux XIXe et XXe siècles. Cela s’est d’abord exprimé par de nombreux pogroms (en particulier en Russie), jusqu’à la Shoah, organisée et perpétrée par des gens qui ne se définissaient plus comme chrétiens mais qui étaient majoritairement des baptisés protestants ou catholiques. Mais c’est au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, avec le développement des sciences et la prétention de classer en catégories toutes les espèces vivantes, que le concept d’antisémitisme est apparu. Le Coran n’est pas plus antisémite que l’Évangile de Saint Jean, lequel, pour désigner les chefs des juifs ennemis de Jésus, dit seulement « les juifs », ce qui a pu favoriser son utilisation dans la politique antisémite nazie. Dans le Coran, il est question des « Banû Isra’îl », « les fils d’Israël » des temps bibliques ; des « al-Yahûd », « les juifs », soit les tribus juives de Médine ; mais aussi des « ahl al-Kitâb », « les gens du Livre », qui sont proches des nouveaux croyants musulmans. Tantôt, certaines de leurs qualités sont louées, tantôt, ils sont maudits car ils n’ont pas été fidèles au pacte que le prophète Mahomet aurait voulu sceller avec eux. Au moment de la première énonciation coranique, les juifs connus dans la péninsule arabique sont soit des tribus juives arabisées, soit des tribus arabes judaïsées. Ils sont alors moins perçus comme des gens « d’une autre religion » que comme des tribus non arabes dont la fidélité aux alliances contractées ou souhaitées fait défaut. Et lorsqu’on lit des malédictions contre eux, celles-ci sont à mettre en relation avec les tribus juives de Médine entrées en conflit avec Mahomet, et ne sont pas à appliquer à tous les juifs du monde entier et de tous les temps ! Faute d’histoire, on se raconte des histoires et cela finit par faire des histoires. Il convient de relever que les relations entre juifs et musulmans ont souvent été moins violentes que les relations entre juifs et chrétiens, lesquelles ont oscillé entre respect, mépris et violence selon les lieux et les périodes. Au moment du nazisme, la majorité des musulmans au Maghreb et en Europe occidentale ont refusé la politique de destruction
« Pour faire corps ensemble, une société doit pouvoir s’écouter et donc gérer ses désaccords. »
Vous prônez la place de l’histoire dans ces textes et le rôle de la critique afin d’éviter l’écueil d’une lecture anachronique.
Historiquement, l’antisémitisme n’est pas une question religieuse. C’est un phénomène de « racialisation », de discrimination et de détestation d’un groupe – les juifs – considéré 96
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systématique des juifs, et on se souvient que le sultan Mohammed V du Maroc a protégé ses sujets. Aujourd’hui, beaucoup de personnes dans le monde musulman sont tentées, à cause de la souffrance du peuple palestinien, de maudire tous les juifs, confondant tout un peuple (et une religion) avec des politiques, qui sont à analyser comme des formes d’expression de la force politique et militaire en vue d’intérêts stratégiques et économiques. Méfionsnous de ceux qui sont enclins à créer une culture générale de haine à l’encontre des juifs, car celle-ci ne produit jamais qu’un peu plus de haine encore. En France, juifs et musulmans représentent deux importantes communautés (600 000 juifs, et quelque 6 millions de musulmans), les uns et les autres constituant des minorités qui font l’objet de rejets et de discours de haine. Beaucoup veulent les diviser, les instrumentaliser, qu’il s’agisse de courants xénophobes ou de mouvements identitaires. L’intérêt de ces deux communautés devrait, dès lors, être de davantage s’unir. Lorsque l’on s’en prend aux « étrangers » en France, les juifs et les musulmans sont concernés. Et quand on s’attaque aux uns, on ne tarde pas à s’attaquer aux autres ensuite. La question des libertés est au cœur de votre œuvre. Vous avez twitté ceci le 27 décembre dernier : « La mise en détention d’Omar Radi [journaliste placé en détention pour un tweet critiquant le verdict d’un magistrat contre des membres du Hirak, ndlr] nous interpelle et nous rappelle qu’aucun modèle de développement ne saurait être défendable ni viable sans la garantie de la liberté d’expression et d’information. Le développement implique la critique et le débat d’idées, ou il n’est pas. »
Pour faire corps ensemble, une société doit pouvoir s’écouter et donc gérer ses désaccords. On avance dans la construction d’une société démocratique à partir du moment où l’on apprend à gérer le dissensus. Et l’on ne peut pas se dire inscrit dans un processus démocratique et prêter le flanc à l’autoritarisme. La force de l’Occident est sa liberté de penser. La critique est saine. L’essentiel est d’avoir des lieux de contre-pouvoir, afin que les citoyens ne soient pas uniquement aux prises avec
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Entouré des comédiennes Lou de Laâge et Lina El Arabi, après une représentation de Lettres à Nour au théâtre Antoine, à Paris, le 13 février 2018.
l’arbitraire. De plus, il n’y a pas de démocratie sans la garantie de la liberté d’expression. Comment vous évadez-vous ? Que faites-vous pour vous déconnecter totalement ?
Je lis des essais, je regarde des films, je vais au théâtre, j’aime découvrir de nouveaux textes et de nouvelles pièces. Toutes les formes de créativité me passionnent. Vous évoluez entre la France, le Maroc et la Belgique. Si vous pouviez vivre où vous voulez, ce serait où ?
L’Italie. Pour son histoire, son architecture, la poésie de Cristina Campo, sa littérature, la pensée d’Antonio Gramsci, le cinéma de Pasolini, de Visconti. J’aime sa part méditerranéenne, je m’y sens chez moi. J’aimerais tout particulièrement vivre à Florence, au contact de son art et de sa culture foisonnante, éternelle. ■
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BUSINESS L’Afrique
qui rit et l’Afrique qui pleure
La Guinée équatoriale veut sa part de gaz
Le tunisien
Nouveau
Euro-Cycles change de braquet
branchement sur le marché des batteries
Chine : la face cachée de la dette Pékin est le premier créancier du monde. Une étude dévoile les conditions sévères imposées aux emprunteurs par la Chine et révèle que 50 % des prêts accordés aux pays en développement (200 milliards de dollars), sont dissimulés par les États. par Jean-Michel Meyer 98
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’est comme une maladie chronique insidieuse qui ronge de l’intérieur. Un trouble sournois qui affecte les économies : l’excès d’endettement. Ce mal est encore plus retors lorsqu’une partie de la dette est dissimulée par les États. Et l’on sait désormais qu’il existe bien un stock de dettes cachées, notamment en Afrique, détenu par la Chine. C’est ce que révèle une étude intitulée « Prêts à l’étranger de la Chine »*, réalisée par les économistes
Carmen Reinhart, de l’université de Harvard, ainsi que Sebastian Horn et Christoph Trebesch de l’Institut de Kiel pour l’économie mondiale, en Allemagne : « Si l’empreinte dominante de la Chine dans le commerce mondial est bien connue, son rôle dans la finance mondiale est mal documenté et mal compris. Ce document comble ce vide en établissant la taille, la destination et les caractéristiques des flux de capitaux mondiaux de la Chine », justifient les auteurs.
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Car en deux décennies, le pays est devenu le plus grand créancier de la planète, deux fois plus important que ne le sont la Banque mondiale et le la Banque mondiale et n’entrent Fonds monétaire international réunis ! donc pas dans les statistiques « Le total des créances financières de de dette officiellement déclarées. la Chine à l’étranger représentait 1 % Fin 2016, le montant des prêts du PIB mondial en l’an 2000 et plus de chinois “manquants” accordés 8 % en 2017 », ajoutent les économistes. aux pays en développement « L’Occident n’a toujours pas compris dépassait 200 milliards à quel point la montée en puissance de dollars », assure l’étude. de la Chine a changé le système Et la tendance s’accélère financier international », La tendance depuis 2013, avec la nouvelle insiste Christoph Trebesch route de la soie, la Belt dans une interview s’accélère and Road Initiative, lancée donnée au magazine depuis 2013, par Pékin. L’Afrique aurait allemand Der Spiegel. avec la ainsi reçu 144 milliards Pour lever le voile sur nouvelle route de dollars de prêts de la la dette cachée détenue par Chine entre 2000 et 2017. la Chine, les économistes de la soie. « Cette augmentation ont scruté soixante-dix ans spectaculaire des prêts officiels chinois de prêts à l’étranger, passant au crible et de l’investissement est presque 1 974 prêts et 2 947 subventions accordés sans précédent dans l’histoire en à 152 pays de 1949 à 2017, avec des temps de paix. C’est comparable à engagements totaux de 530 milliards la montée des prêts des États-Unis à de dollars. « 50 % des prêts chinois l’étranger dans le sillage de la Première aux pays en développement sont et de la Seconde guerre mondiale. cachés. Ils ne sont pas enregistrés à
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Mais malgré cela, nous n’avons étonnamment que peu d’informations sur les exportations de capitaux de la Chine et leurs implications mondiales », souligne le rapport. La raison de cette opacité ? Les sorties de capitaux sont presque exclusivement décidées et contrôlées par le gouvernement, à travers une douzaine de banques et d’entreprises publiques qui se comportent comme des entités privées. « Le plus remarquable est que la documentation sur les exportations de capitaux de la Chine est, au mieux, opaque. Le pays ne rend pas compte de ses prêts officiels et il n’y a pas de données
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standardisées sur les stocks et les flux La dette cachée est de 1,4 milliard de la dette chinoise à l’étranger. Les de dollars en Guinée équatoriale prêts à l’étranger de la Chine passent et de 14 milliards en Angola. littéralement entre les mailles du Cette opacité s’explique aussi par filet », détaillent les économistes. les conditions très sévères imposées Côté emprunteur, le FMI a constaté par Pékin. Un business très rentable ! en 2018 que moins d’un pays à faible La plupart des « prêts sont accordés revenu sur dix déclarait les dettes à des taux d’intérêt qui reflètent les des sociétés publiques, qui ne sont primes de risque et les caractéristiques généralement pas prises en compte contractuelles des prêts bancaires dans les statistiques privés ». Leur durée est Moins financières officielles, mais généralement courte, d’un pays par qui souvent transitent ce qui entraîne des à faible les prêts étrangers. L’écart remboursements annuels peut être saisissant. En plus importants. Dans les revenu sur Côte d’Ivoire, par exemple, pays à faible revenu, « les dix déclare le niveau d’endettement prêts de la Chine sont les dettes réel du pays est supérieur généralement remboursables des sociétés de 4 milliards de dollars à des taux d’intérêt de 2 % à aux chiffres officiels. 3 %, contrairement aux prêts publiques. 100
et subventions sans intérêt des autres créanciers bilatéraux et multilatéraux ». « Quant aux marchés émergents et aux pays à revenu intermédiaire, la plupart des prêts sont accordés aux conditions du marché », notent les auteurs. En moyenne, le taux d’intérêt est de 5 % avec une échéance de treize ans pour presque 60 % des prêts. L’Angola a ainsi emprunté pendant dix ans 20 milliards de dollars à un taux d’intérêt de 6 % avec des échéances allant de douze à dixsept ans. Les échéances sont garanties sur les exportations de matières premières, de produits agricoles ou les bénéfices d’entreprises publiques. Clonés sur les prêts commerciaux, les contrats disposent de clauses secrètes et d’arbitrage. Ainsi, les montants
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Le président sud-africain Cyril Ramaphosa et le président chinois Xi Jinping au sommet Chine-Afrique, à Pékin, le 4 septembre 2018.
DR - NORBERT SCANELLA/ONLYWORLD.NET
des remboursements, le détail des restructurations de prêts ou des défauts de paiements ne sont pas publics. « Les prêts à l’étranger de la Chine sont caractéristiques des prêts étrangers français, allemands et britanniques du XIXe siècle, partiellement garantis sur le revenu des produits de base et caractérisée par un lien étroit entre intérêts politiques et commerciaux », analysent les économistes. Ce qui peut conduire à des situations de conflits quand les projets tournent mal. La Zambie, qui doit environ 6 milliards de dollars à la Chine, craint de voir Pékin faire main basse sur le fournisseur public d’énergie Zesco. Plutôt inquiétante, l’étude a déterminé que la moitié des 50 premiers pays dans le monde à bénéficier de prêts chinois sont africains (Djibouti, Niger, République du Congo, Éthiopie…). Leur stock de dette envers Pékin est passé en moyenne de moins de 1 % de leur PIB en 2005 à 16 % en 2017. Mais les situations sont très disparates. Djibouti supporte par exemple une dette chinoise équivalente à 70 % de son PIB. Les auteurs ont identifié « une analogie historique avec le boum des prêts dans les années 1970 », lorsque les banques occidentales prêtaient des milliards de dollars aux pays africains à faible revenus mais riches en matières premières. Ces derniers ont été incapables de rembourser leurs dettes après l’effondrement des cours. On connaît la suite… En novembre 2019, Christoph Trebesch présentait l’étude au FMI. Il concluait par cette question : « Une nouvelle crise de la dette se prépare-t-elle avec la dette (cachée) détenue par la Chine ? » ■ * «China’s Overseas Lending», Sebastian Horn, Carmen Reinhart et Christoph Trebesch, Kiel Institute for the World Economy, juin 2019.
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LES CHIFFRES Le siège social, à Rabat.
2 milliards de dollars ont été levés en 2019 par les startup technologiques africaines, soit 74 % de mieux qu’en 2018.
LE MARCHÉ AÉRIEN AFRICAIN
3,3 milliards de dirhams (310,4 millions d’euros), c’est la lourde amende que doit payer Maroc Telecom après la plainte de son concurrent Inwi, à propos du blocage du dégroupage.
DEVRAIT CROÎTRE DE 4,3 % PAR AN JUSQU’EN 2045, CRÉER 9,8 MILLIONS D’EMPLOIS D’ICI 2036 ET TRIPLER SUR LA MÊME PÉRIODE SA CONTRIBUTION À 159 MILLIARDS DE DOLLARS AU PIB DU CONTINENT.
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C’est le nombre de brevets déposés dans les pays africains en 2017, contre 1 682 en Amérique latine, 592 508 en Asie et 116 359 en Europe.
L’Administration générale des impôts d’Angola a collecté 89 milliards de kwanzas (178 millions de dollars) de 2015 à 2019 en recettes fiscales résultant des activités
minières dans le pays.
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L’Afrique qui rit et l’Afrique qui pleure Le PIB du continent devrait croître de 3,9 % en 2020 et de 4,1 % en 2021. Mais cette moyenne masque de profondes disparités.
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ttachez vos ceintures, le continent décolle ! « Le monde s’intéresse à l’Afrique, cette nouvelle frontière de croissance et d’investissement », s’est félicité Akinwumi Adesina, le président de la Banque africaine de développement (BAD), le 30 janvier dernier à Abidjan, en présentant le rapport sur les perspectives économiques du continent pour 2020. En guère plus d’un an, l’Afrique a ainsi participé à des sommets avec la Chine, le Japon, l’Inde, la Corée, la Russie, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France en juin 2020. Difficile d’être plus courtisé sur la planète ! « Ces pays voient les opportunités qu’offre le continent », a insisté le président de la BAD. De fait, les investissements directs étrangers ont augmenté de 11 % en 2019 sur le continent alors qu’ils diminuaient de 13 % au niveau mondial. Car dans un contexte international difficile, l’Afrique a résisté. Le PIB s’est accru de 3,4 % l’an passé, contre 3 % pour la moyenne mondiale. Et même si les tensions internationales ne s’estompent pas en ce début 2020, la croissance continentale devrait atteindre 3,9 % cette année et 4,1 % en 2021. Une moyenne qui masque néanmoins de profondes disparités. L’an passé, l’Afrique de l’Est est restée la zone économique à la plus forte croissance, avec une moyenne de 102
CONTRIBUTION À LA CROISSANCE DU PIB DE L’AFRIQUE (points de pourcentage) 5
Les cinq grandes économies que sont l’Algérie, l’Égypte, le Maroc, le Nigeria et l’Afrique du Sud ont contribué à 55 % de sa croissance en 2019.
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2 1 0 -1
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MAROC
2019
2020
2021
(ESTIMATION) (PROJECTION) (PROJECTION)
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AFRIQUE DU SUD
RESTE DE L’AFRIQUE
Source : Banque africaine de développement.
5 % (en tête le Rwanda, l’Éthiopie et la Tanzanie). L’Afrique du Nord s’est octroyé la deuxième place (4,1 %), grâce à la performance de l’Égypte (5,6 %), tirée par des programmes de réforme (loi sur les investissements, etc.) et l’extraction plus tôt que prévue du gaz dans le Zohr. « Notre volonté est de nous ouvrir au continent », assure Amr Noureldin, conseiller de l’Autorité générale pour les investissements et les zones franches. De son côté, la croissance de l’Afrique de l’Ouest, de 3,7 % en moyenne en 2019, est portée
par les bons résultats des secteurs miniers, pétroliers et agricoles au Ghana, des investissements publics soutenus en Côte d’Ivoire, ainsi que le redressement progressif de l’économie du Nigeria (2,3 % en 2019). En Afrique centrale, le PIB a augmenté de 3,2 %. Une moyenne tirée vers le bas par la République démocratique du Congo, où la croissance a ralenti, en raison des incertitudes liées à la transition politique et l’épidémie Ebola. Enfin, frappé par les ravages des cyclones Idai et Kenneth, qui ont dévasté
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des infrastructures et l’agriculture au Malawi, au Mozambique et en Zambie, le PIB de l’Afrique australe n’a frémi que de 0,7 % en 2019. Un résultat médiocre qui s’explique aussi par les faibles croissances en Angola et en Afrique du Sud. D’ailleurs, l’an passé, les « cinq grandes économies » du continent (Algérie, Égypte, Maroc, Nigeria et Afrique du Sud), qui ont pourtant contribué à plus de la moitié de sa croissance, n’ont affiché qu’une expansion modérée avec un PIB combiné en hausse de 3,1 % en moyenne. À l’inverse, six outsiders, dont certains pourraient être les géants de demain, figurent parmi les 10 économies à la croissance la plus rapide au monde : le Rwanda (8,7 %), l’Éthiopie et la Côte d’Ivoire (7,4 %), le Ghana (7,1 %), la Tanzanie (6,8 %) et le Bénin (6,7 %). « En 2020, 20 pays devraient croître de 3 à 5 %, tandis que 20 autres devraient atteindre des taux de croissance de 5 % et plus. C’est impressionnant ! », se réjouit Akinwumi Adesina. À l’inverse, la BAD s’inquiète pour des États où les coûts pour assurer la sécurité affectent l’économie, notamment au Sahel (Niger, Mali, Burkina Faso et Tchad). L’institution regarde de près également les huit pays classés en situation de surendettement (Mauritanie, Tunisie, Soudan, Érythrée, Mozambique, Angola, Zambie et République du Congo) et 11 autres à haut risque, selon le FMI. « Le ratio médian de la dette publique par rapport au PIB a dépassé 56 % du PIB en 2018, contre 38 % dix ans plus tôt », note la BAD. Autre source de vigilance : un tiers seulement des États a réalisé une croissance réduisant la pauvreté et les inégalités. « Finalement, ce n’est pas la croissance du PIB qui compte. Personne ne mange le PIB », a conclu Akinwumi Adesina. ■ J.-M.M.
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LES MOTS « L’une des raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas faire taire les armes à feu en Afrique est qu’il n’existe pas d’emplois pour les jeunes.. » VERA SONGWE, SECRÉTAIRE EXÉCUTIVE DE LA COMMISSION ÉCONOMIQUE E POUR L’AFRIQUE ((CEA))
« J’encourage à promouvoir la consommation des produits made in Côte d’Ivoire en contribuant ainsi à la croissance inclusive de notre pays. » SOULEYMANE DIARRASSOUBA, MINISTRE IVOIRIEN DU COMMERCE, DE L’INDUSTRIE ET DE LA PROMOTION DES PME
« Le challenge particulier que nous avons en Afrique, c’est de faire des choses pérennes. Ce n’est jamais gagné. » ADAMA NDIAYE, FONDATRICE DE LA DAKAR FASHION WEEK ET DE LA MARQUE ADAMA PARIS
« Nous avons décidé de créer un fonds souverain, afin de préserver et de faire fructifier les richesses de notre nation. » CYRIL RAMAPHOSA, PRÉSIDENT D’AFRIQUE DU SUD
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BUSINESS La Guinée équatoriale veut sa part de gaz Avec son méga hub gazier, le pays veut se positionner comme une plaque tournante pour l’exportation dans le golfe de Guinée. Tout en développant des solutions d’approvisionnement pour ses voisins.
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ntre coopération et concurrence. Ces dernières années, d’immenses réserves de gaz ont été découvertes en Mozambique, en Tanzanie, en Égypte, au Sénégal ou encore en Mauritanie. Mais l’Afrique centrale entend bien profiter à son tour d’une source d’énergie qui a le vent en poupe. « Au cours de la dernière décennie, d’énormes découvertes de gaz ont ainsi livré un total combiné d’environ 200 milliards de pieds cubes de gaz récupérable. Cela suffira à approvisionner les deux tiers de l’offre mondiale actuelle pendant environ vingt ans », explique la Chambre africaine de l’énergie (CAE) dans son rapport sur les perspectives en 2020.
L’exploitation du site doit permettre de créer plus de 800 emplois directs et indirects.
Si jusque-là, cette source d’énergie est restée marginale sur le continent par rapport au pétrole ou au charbon, sa transformation en combustible liquide (gaz naturel liquéfié, GNL), plus facile à transporter, lui ouvre d’énormes perspectives, d’autant que le gaz est une énergie plus propre et plus abordable. Selon la CAE, la demande mondiale de GNL devrait ainsi passer de 375 millions de tonnes par an (MTPA) en 2020 à 470 MTPA en 2030. Dont 70 % à destination de l’Asie. « Le continent devrait devenir dans une vingtaine d’années le deuxième exportateur net de gaz dans le monde », anticipe le cabinet Deloitte. En 2018, l’Afrique subsaharienne (Côte d’Ivoire,
Sénégal, Burkina Faso, etc.) représentait déjà 9,1 % des exportations mondiales de GNL, notamment grâce au Nigeria. L’essor prometteur du marché a fait germer 24 projets d’investissement. Dans ce contexte de vive concurrence, le ministre des Mines et des Hydrocarbures de Guinée équatoriale, Gabriel Mbaga Obiang Lima, vient d’indiquer que le pays cherchait à avancer à la fin de l’année 2020 la livraison du premier mètre cube de gaz du champ d’Alen, exploité par Noble Energy au large de ses côtes, et prévue initialement au premier trimestre 2021. La source d’énergie primaire doit alimenter le complexe de la société EG LNG, Punta Europa, sur l’île de Bioko. Réalisé notamment par Marathon Oil et Glencore, le site affiche une capacité de production de 3,7 millions de tonnes par an, alimentée jusque-là par le champ gazier d’Alba, en déclin. Un investissement de 350 millions de dollars. À titre de comparaison, son voisin camerounais a mis en place en 2018 la première unité flottante de GNL d’Afrique (Hilli Episeyo), d’une capacité de 2,4 MTPA. Et seulement deux
Du coton bio au Burkina
La Secobio a été inaugurée le 30 janvier dernier.
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étenue à hauteur de 51,02 % par l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina Faso et à 48,98 % par la Société burkinabè des fibres textiles (Sofitex), la Société d’égrenage du coton biologique (Secobio) a été inaugurée le 30 janvier dernier. Un investissement de 5,9 millions d’euros pour une capacité d’égrenage de 17 500 tonnes de coton graine par campagne, la plus importante d’Afrique de l’Ouest. L’exploitation du site doit permettre de créer plus de 800 emplois directs et indirects. « La mise en place de cette unité conjointe vise à donner un coup de fouet à la sous-filière coton biologique qui bat un peu de l’aile. C’est aussi un signal fort envoyé aux partenaires dans ce marché de niche », a précisé Wilfried Yaméogo, directeur général de la Sofitex. ■ J.-M.M.
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autres unités de GNL sont installées au sud du Sahara, l’une au Nigeria, de 22 MTPA, et l’autre en Angola, de 5,2 MTPA. Avec cet investissement, la Guinée équatoriale, qui cherche à briser sa dépendance au pétrole, veut positionner son hub de Punta Europa comme une plaque tournante du gaz dans le golfe de Guinée, qui pourrait regrouper les productions de toute la région pour les exporter vers les marchés mondiaux. Avec des gisements gaziers proches, le Cameroun et le Nigeria, qui détient les plus importantes réserves de gaz d’Afrique, pourraient par exemple profiter de cette infrastructure. Le pays « espère ainsi réussir là où d’autres ont échoué : développer la première entreprise gazière transfrontalière réussie du continent », commente la CAE. Mais il n’y a pas que le grand export qui est prometteur. Les pays africains eux-mêmes expriment une demande croissante pour le gaz naturel liquéfié afin de produire de l’électricité. En août 2019, la Guinée équatoriale a ainsi inauguré sur le port d’Akonikien la première usine de stockage et de regazéification de GNL sur la côte ouest-africaine destinée à vendre et acheminer par camions ou pipelines du gaz vers d’autres pays africains. « À l’heure où ce sont les grands projets de GNL en Afrique qui font l’objet d’une intense couverture médiatique, rappelons-nous que les projets de moindre envergure répondant aux régions à déficit énergétique offrent la possibilité de monétiser notre gaz pour nos économies et de mobiliser nos entreprises locales autour d’infrastructures et de projets clés pour notre région », a justifié le ministre des Mines et des Hydrocarbures Gabriel Mbaga Obiang Lima. ■ J.-M.M.
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SAVOIR-FAIRE
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Thierry de Jaham Directeur général d’Accor Côte d’Ivoire et du Sofitel Abidjan Hôtel Ivoire
①
Êtes-vous e-mail, WhatsApp ou téléphone ?
②
À quelle heure êtes-vous au bureau et que faites-vous en premier ?
Par ordre de rapidité au travail, je préfère les mails, puis WhatsApp, et enfin le téléphone. Par ordre de convivialité, c’est l’inverse. Et dans la vie de tous les jours, les contacts humains !
J’arrive entre 8 h et 8 h 30. Je commence par saluer mes clients et mes collaborateurs. Mais avant cela, j’aurai déjà vu mes mails de la nuit ainsi que des messages envoyés par d’autres moyens.
③
Êtes-vous plutôt réunion ou one to one ?
④
MBA ou expérience ?
⑤
Quelle attitude pour mobiliser ses collaborateurs ?
Je préfère les réunions, car cela implique plus de personnes qui se challengent les unes les autres. Mais les one to one sont nécessaires pour les entretiens plus privés, liés aux expertises et aux objectifs personnels. Les deux sont importants. Nous avons tendance à oublier les gens qui ont de l’expérience, pourtant ils apportent beaucoup.
Montrer l’exemple.
⑥
Plutôt en voyage ou au bureau ?
Cela dépend de mes contraintes. J’aime bien les voyages, mais en ce moment, j’ai un travail plutôt sédentaire. Cela me convient.
⑦
La clé du succès pour un patron ?
Avoir une vision, et y mener son équipe grâce à une définition d’objectifs pour lesquels elle est impliquée et qu’elle a adoptés. C’est mieux ensemble. ■
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Après deux ans dans le rouge, l’entreprise a retrouvé des couleurs en 2019.
Le tunisien Euro-Cycles change de braquet L’unique fabricant de vélos du pays du jasmin opère un virage pour s’infiltrer sur le marché européen et s’ouvre de nouvelles perspectives aux États-Unis.
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uro-Cycles remonte vigoureusement la pente. En 2019, le fabricant de vélos tunisien a affiché un chiffre d’affaires de 87,5 millions de dinars (28 millions d’euros), marqué par un bond de 30 % pour l’année écoulée, tandis que la production s’est envolée de 17 %, dépassant les 300 000 vélos. « Les ventes ont repris du poil de la bête, après une année 2018 éprouvante, et la rentabilité a retrouvé le chemin de la croissance, malgré un contexte de change pénalisant »,
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relève une note de l’intermédiaire en bourse Tunisie Valeurs. « La bonne maîtrise des charges a valu à EuroCycles d’améliorer sa marge d’Ebitda de 3 points de taux à 20 %. Cette dernière est redevenue supérieure à la concurrence asiatique », complète-t-il. Des indicateurs qui ont convaincu les investisseurs. Après deux ans dans le rouge, l’entreprise, cotée à Tunis, a retrouvé des couleurs en 2019 (+17 %). Fondée en 1993, Euro-Cycles démontre, malgré un passage à vide, que l’on peut être un industriel africain
à succès à l’export. L’unique fabricant de vélos de Tunisie s’est remis en selle en réussissant à intégrer 60 % de la production (selles, soudure des cadres, jantes). L’entreprise a également fait le choix du vélo électrique. Un produit en vogue en Europe et générant des marges plus fortes. Elle a ainsi conclu un partenariat avec le distributeur français Décathlon pour la production de 35 000 vélos électriques en 2020. Sur un marché du cycle dominé par les fabricants asiatiques, le tunisien est le 6e exportateur mondial, avec 6,1 % de part de marché, grâce au respect des normes de sécurité européennes et à une bonne discipline logistique. Ce qui lui a ouvert les portes de l’Allemagne, de l’Espagne, de la Pologne et, surtout, du Royaume-Uni, où il réalise 75 % de ses ventes. Malgré le Brexit, le groupe conserve un accès libre à ce marché grâce à un accord sur la continuité du libre-échange entre la Tunisie et le Royaume-Uni signé en octobre 2019. Cherchant à se diversifier, Euro-Cycles cible les Pays-Bas, le Danemark ainsi que l’Afrique du Nord. Au premier semestre 2020, la société produira ainsi 500 vélos pour le danois Salling Group. En 2019, elle a également décroché une première commande de 1 000 vélos de la part de JB Imports, qui lui ouvre de nouvelles perspectives sur le marché nord-américain. L’avenir s’éclaircit. « Les investissements lourds sont derrière le groupe. Euro-Cycles devrait entrer dans une phase de retour sur investissement, de génération de cash-flow [...]. Nous tablons sur une croissance moyenne du chiffre d’affaires de 16 % sur la période 2019-2021, pour dépasser le cap de 100 millions de dinars à partir de 2021. Quant au résultat net part du groupe, il devrait croître à une cadence moyenne de 19 % sur le même intervalle », prédit Tunisie Valeurs. ■ J.-M.M.
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Le Royaume-Uni se tourne vers le continent
Pour trouver de nouveaux relais de croissance après le Brexit, Londres veut faire de l’Afrique l’une de ses priorités.
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près avoir quitté l’Union européenne le 31 janvier 2020, le Royaume-Uni fait désormais cavalier seul pour négocier de nouvelles relations commerciales avec le continent. Il s’appuie sur ses échanges de 9,7 milliards de livres sterling (7,5 milliards d’euros) avec les pays africains du Commonwealth en 2018, tandis que ses investissements directs sur le continent ont dépassé les 38 milliards de livres (29,4 milliards d’euros). Pour prouver que l’Afrique demeure une priorité, Londres a signé en septembre 2019 un accord de libreéchange avec six pays d’Afrique australe (Afrique du Sud, Botswana, Namibie, Eswatini, Lesotho et Mozambique). Et un sommet consacré à l’investissement
a accueilli à Londres, le 20 janvier 2020, une douzaine de présidents africains. Les Britanniques en ont profité pour rappeler l’importance de la London Stock Exchange Group (LSEG) pour les sociétés africaines. Elle cote ainsi 112 entreprises pour une capitalisation boursière de 125 milliards de livres (97 milliards d’euros). « Nous sommes ravis de poursuivre notre collaboration avec la BAD, qui est désormais officiellement membre du groupe consultatif africain du LSEG », a commenté Don Robert, son président. Mais l’UE, France et Allemagne en tête, est aussi à la manœuvre : « Elle finance des activités visant à promouvoir l’intégration continentale, parce qu’elle veut un partenariat », assure Annie Mutamba, spécialiste des relations UE-Afrique. ■ J.-M.M.
La compagnie a engagé une procédure de sauvegarde pour échapper à la banqueroute en décembre.
South African Airways sauvé du crash Elle va bénéficier d’un prêt de 218 millions d’euros par la DBSA.
JULIAN HERZOG
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outh African Airways (SAA), en grande difficulté, va bénéficier d’un prêt de 218 millions d’euros octroyé par la Banque de développement d’Afrique australe (DBSA). Le transporteur aérien sud-africain n’a plus engrangé de bénéfices depuis 2011, et sa dette atteint 570 millions d’euros. SAA, qui a engagé une procédure de sauvegarde pour échapper à la banqueroute en décembre, a mis en vente neuf avions et 15 moteurs, et devrait licencier 20 % de son personnel. L’effort est de taille pour la DBSA, dont les décaissements pour l’exercice 2018-2019 se sont élevés à 362 millions d’euros ! Comme l’électricien Eskom, SAA survit grâce à l’injection de fonds publics, ce qui réduit la capacité du pouvoir sud-africain à relancer la machine économique du pays. ■ J.-M.M.
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Le textile marocain se lève contre la Turquie L’industrie souffre de l’accord signé avec Ankara.
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ntré en vigueur le 1er janvier 2006, l’accord de libre-échange entre le Maroc et la Turquie a conduit au démantèlement des barrières tarifaires à l’importation fin 2016. Or, le 13 janvier 2020, le ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Économie verte et numérique Moulay Hafid Elalamy menaçait de le rompre. « Le secteur des textiles en est la principale victime », justifiait-il. Ankara et Rabat ont ouvert des discussions. Et l’industrie textile marocaine réclame des mesures protectionnistes. « Les importations massives constituent un frein pour la production locale. Des centaines d’entreprises ont fermé entre 2016 et 2019 », alertait, fin janvier, Mohammed Boubouh, le président de l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement. Mais l’industrie paye aussi d’avoir délaissé le marché national au profit de l’export. Ainsi, les quelques marques marocaines détiennent moins de 10 % de ce marché (estimé à 3 milliards d’euros), qui profite d’abord à l’ogre turc. ■ J.-M.M.
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Thierry Zomahoun PDG DE L’INSTITUT AFRICAIN DES SCIENCES MATHÉMATIQUES (AIMS)
« Nous risquons une colonisation numérique » Depuis 2011, ce Bénino-Canadien dirige l’AIMS, un réseau privé panafricain de centres d’excellence. Cette structure a déjà formé 2 000 scientifiques. Présent en Afrique du Sud, au Sénégal, au Cameroun, au Ghana et au Rwanda, l’institut veut s’implanter dans une quinzaine de pays, dont la République démocratique du Congo et la Côte d’Ivoire.
propos recueillis par Jean-Michel Meyer 108
AM : En 2016, vous avez déclaré que le prochain Einstein serait africain. Thierry Zomahoun : Cela ne se passera
pas d’un coup de baguette magique, mais l’environnement est là pour que le prochain Einstein vienne du continent. Nous sommes en train de faciliter l’accès des jeunes au réseau international des sciences et de l’innovation. Nous investissons dans les équipements de recherche afin qu’ils ne se sentent pas obligés d’aller à la Sorbonne ou à Harvard pour se former. Le nouvel Einstein ne viendra logiquement pas d’une Europe vieillissante, mais du continent le plus jeune, plein d’énergie. Du 10 au 13 mars, vous organisez justement le Next Einstein Forum (NEF) à Nairobi. Quel en est le principe ?
L’Afrique n’a pas besoin d’un forum de plus où les discours de chefs d’État et de patrons se succèdent. Le NEF est une plate-forme qui doit jeter la lumière sur les scientifiques africains de moins de 42 ans. Au total, nous accueillerons 2 000 à 4 000 participants provenant d’une centaine de pays, dont 42 % de femmes. Ce sont des experts qui vont à la rencontre des politiques, des PDG, de la société civile. Notre vocation est de rétablir les liens entre science et humanité. Vous allez y décerner le Prize Kifra, que vous considérez comme un prix Nobel africain. N’est-ce pas un peu
prématuré au regard des difficultés de la recherche en Afrique ?
À Paris, vous rencontrez des SDF, et pourtant, la France est une puissance nucléaire. Vous en trouvez aussi à New York, pourtant les États-Unis sont la première puissance mondiale. Si un continent comme l’Afrique doit attendre de nourrir sa population, de réaliser le bien-être de ses peuples par des projets de développement avant d’entrer en compétition avec les autres pays, il ferait mieux de retourner à l’ère coloniale ! N’y avait-il pas plus urgent à faire au vu des besoins concrets des Africains ?
Pendant que le continent s’attelle à sortir ses populations de l’extrême pauvreté, il doit aussi s’attaquer aux problématiques d’innovation. Selon les experts, l’intelligence artificielle (IA) générera 15 000 milliards de dollars dans le monde en 2025 ! Si l’Afrique commet l’erreur de ne pas investir dans ce secteur, elle risque une colonisation numérique, dont les impacts seront plus dévastateurs que les ravages de l’esclavage et de la première colonisation ! Pour nous, c’est la priorité des priorités. Depuis dix ans que vous dirigez l’AIMS, quel bilan tirez-vous de votre action ?
Durant les deux dernières décennies, l’institut a formé 2 000 scientifiques au
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Microsoft, Alibala ou le moteur de recherche chinois Baidu, ils prendront une partie du marché. Il vaut mieux faire un partenariat stratégique et technique avec eux et établir des règles de base pour travailler ensemble. Ces multinationales savent que les enjeux sont ici. Et si elles veulent continuer à exister, elles auront besoin de la main-d’œuvre africaine. Avez-vous déjà établi des partenariats avec ces Big Tech ?
Nous avons lancé le premier master en IA sur le continent en partenariat avec Google et Facebook. Nous avons préféré rentrer dans le jeu, mais nous n’allons pas quémander de l’argent. Notre jeunesse formée, qualifiée, compétente vaut beaucoup plus que la fortune réunie de ces sociétés. service de la transformation économique et industrielle du continent. C’est un réseau d’excellence en matière de changement climatique, de biodiversité, d’IA, de santé de précision, etc. Nous devons continuer de former une masse critique de techniciens endogènes. Le continent ne peut pas continuer à investir 4 milliards de dollars par an, comme il le fait depuis trois décennies, pour payer les honoraires de 100 000 expatriés en science, ingénierie et mathématique.
CAROLINA ARANTES
Ces scientifiques sont-ils restés ?
70 % des étudiants que nous avons formés depuis 2000 résident en Afrique et contribuent de façon spectaculaire au développement du continent. Ils sont dans les grands centres de recherche et les laboratoires, dans le secteur privé, les administrations, les organisations de la société civile. Et parmi les 30 % qui sont en Occident pour parfaire leurs qualifications, 80 % veulent revenir. Vous allez démarrer cette année l’opération Impact Sourcing. Que représente ce programme ?
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C’est un incubateur qui permet aux jeunes de passer de la théorie à la pratique, afin de commercialiser leurs découvertes. Nous voulons commencer par des partenariats avec quatre gouvernements : le Sénégal, le Kenya, le Rwanda et la République démocratique du Congo. Le deuxième partenaire, ce sont les grandes fondations. Cela demande des investissements énormes.
Comment financez-vous vos actions ?
Nous avons mobilisé 150 millions de dollars au cours des cinq dernières années. Mais il nous faudra plus de ressources pour réaliser notre mission. Les États dans lesquels nous sommes implantés financent 50 % de nos actions, ce qui est exceptionnel pour un projet privé. Et nous allons Si les géants chercher les 50 % restants du Web auprès de fondations internationales, de multinatioveulent nales et d’industriels. continuer
Effectivement. Pour démarrer une licorne [start-up dont la valeur est supérieure Qu’est-ce qui vous anime à exister, à 1 milliard de dollars, ndlr], dans ce combat ? il faut plus de 300 000 dollars. ils auront Je suis un passionné Nous voulons commencer du continent. L’Afrique besoin de par une phase pilote, avec une notre maina trop longtemps souffert enveloppe de 2 à 3 millions d’injustice, d’humiliations, d’œuvre. de dollars pour monter quatre et je veux la voir respectée à cinq licornes. Pour tester l’idée, avant de mourir. Je veux laisser avant de passer à la phase suivante. à mes enfants une Afrique dont ils peuvent être fiers. Il y a trop de leaders En parallèle, Facebook, Google ou le politiques en Europe et en Amérique chinois Alibaba parient sur l’Afrique. du Nord qui se permettent le luxe Ne sont-ils pas plus attractifs ? de la regarder comme un déchet. La Que vous vouliez ou pas travailler seule voie de sortie, c’est la science. ■ avec Facebook, Amazon, Google,
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Nouveau branchement sur le marché des batteries
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e l’or, de l’argent, du platine, du cuivre, de l’étain, du nickel, mais aussi du cobalt, du lithium, de l’indium, du tantale. Les batteries, les écrans et les cartes électroniques des smartphones, tablettes et ordinateurs sont de véritables « mines urbaines ». Mais avant de commercialiser ces produits high-tech, il est indispensable d’aller extraire ces métaux rares et précieux dans de « vraies » mines, notamment en Afrique. Des matières premières qui sont également utilisées dans les batteries automobiles, les radars, les avions, les sonars ou les éoliennes. Lors de la dernière grand-messe du secteur, la conférence Mining Indaba, début février, Benedikt Sobotka, PDG d’Eurasian Resources Group, a encouragé l’Afrique à continuer d’extraire ces métaux mais, surtout, à se lancer dans la fabrication de batteries. Ce dernier estime que « le marché mondial des batteries sera multiplié par 20 dans les dix prochaines années et que 660 milliards de dollars seront dépensés en investissements pour trouver des gisements ». Et Benedikt Sobotka d’enchaîner : « Une batterie de téléphone portable peut coûter jusqu’à 1 000 dollars, 110
tandis que les matières Bushveld Energy s’est Les premières pour la smartphones, lancée dans la fabrication fabriquer se comptent de batteries rechargeables les tablettes en cents. Il est évident que au vanadium. l’Afrique doit aussi investir et les Cette volonté de dans la fabrication des remonter la chaîne de ordinateurs batteries », a-t-il justifié. valeur a le soutien du sont de La montée en gouvernement sud-africain, véritables puissance d’acteurs qui cherche à travers « mines africains dans ce domaine ces exemples novateurs pourrait venir d’une région urbaines ». à redorer l’image de son de prairies et de savanes, secteur minier. « En tant le Bushveld, à cheval sur l’Afrique que pays doté d’une concentration du Sud, le Botswana et le Zimbabwe. de produits de base susceptibles de La région possède la plupart des jouer un rôle actif dans la transition ressources mondiales de chrome, énergétique, tels que le manganèse de platine, de palladium, de fluorine et le vanadium, l’Afrique du Sud et d’andalousite ainsi que 50 % des est particulièrement bien placée réserves mondiales en vanadium. pour stimuler la commercialisation Le sud-africain Bushveld de nouvelles technologies de Minerals, fondé en 2017 et batterie », assure Andries Rossouw, coté à Londres, entend associé chez PwC Afrique donc tirer parti du Sud. ■ J.-M.M. de la ruée mondiale vers les métaux de batterie. Fournissant actuellement 3 % de la demande mondiale de vanadium et visant les 10 % à terme, l’entreprise minière détient deux des quatre usines de transformation primaire de ce métal rare dans le monde. Et sa filiale AFRIQUE MAGAZINE
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Fournisseur de métaux rares et précieux pour les produits high-tech depuis toujours, le continent se lance aujourd’hui dans un marché inédit pour remonter dans la chaîne de valeur.
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Édition 2019.
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5E ÉDITION DE THE AFRICA ROAD BUILDERS LA CONFÉRENCE INAUGURALE de la 5e édition de The Africa Road Builders-Trophée Babacar Ndiaye aura lieu le 25 mars 2020, à Dakar, autour du thème « Routes et transports pour améliorer la qualité de vie des populations en Afrique ». Cette manifestation est un forum international de discussions entre acteurs de la route et des transports en Afrique. Elle vise à contribuer à la promotion des voies et des transports modernes et performants, et à participer à l’amélioration de la mobilité pour le développement de l’Afrique. Ce forum précède la conférence finale des Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD). ■
TRANSFORM AFRICA SUMMIT 2020 ORGANISÉ PAR L’ALLIANCE SMART AFRICA, qui réunit 24 pays africains décidés à accélérer le développement du continent grâce aux technologies de l’information et de la communication, Transform Africa Summit 2020 se déroulera du 20 au 23 avril 2020 à Conakry, en Guinée. Le sommet sera dédié cette année à l’intégration régionale, qui est, selon les organisateurs une priorité de développement pour l’Afrique : « Les chaînes d’approvisionnement et la connectivité sont les facteurs clés de la croissance économique du continent. » ■ smartafrica.org
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DU 5 AU 7 MAI
LA 8E ÉDITION de l’Africa CEO Forum se tiendra les 9 et 10 mars 2020 à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Rendezvous international et plate-forme de rencontres d’affaires, l’événement doit réunir 1 800 décideurs et actionnaires des plus grandes entreprises africaines, investisseurs internationaux, dirigeants de multinationales, chefs d’État, ministres et représentants des principales institutions financières actives sur le continent. L’Africa CEO Forum organise également depuis 2018 le Women in Business Annual Leadership Meeting, consacré aux dirigeantes, et a lancé en 2019 l’Africa CEO Network, réseau digital des décideurs en Afrique. ■
LE 25 MARS
8E AFRICA CEO FORUM
par Jean-Michel Meyer
DU 20 AU 23 AVRIL
L E S 9 E T 10 M A R S
L’AGENDA
8E CONFÉRENCE INVESTING IN AFRICA LA 8E CONFÉRENCE Investing in Africa (AFSIC) se tiendra à Londres du 5 au 7 mai 2020, au cœur de la city, où sont cotées 112 sociétés africaines. Plus de 1 500 investisseurs, négociateurs et chefs d’entreprise africains venus d’une quarantaine de pays sont attendus. Les organisateurs promettent « une opportunité inégalée de développer un réseau solide » en permettant à des patrons en quête de financement de rencontrer des sociétés de capitalinvestissement, des investisseurs directs, des fondations, des bureaux de gestion de patrimoine, des fonds de capital-investissement africains, des banques privées, des fonds souverains, etc. ■ afsic.net
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Attachez vos ceintures, partez en voyage, prenez votre temps
La longue promenade piétonne de bord de mer, le Golden Mile.
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DURBAN, L’AUTRE AFRIQUE DU SUD D É PA R T
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AVANTAGÉE PAR UN CLIMAT DOUX à chaque LES VRAIES ADRESSES saison et un métissage culturel qui en a fait un lieu Cargo Hold. Sur la promenade, chaleureux et vivant, Durban est idéale pour une à l’intérieur du mirobolant parc halte entre l’exploration de la province du Cap et le aquatique uShaka Marine World, pays zoulou, ou après avoir arpenté les montagnes ce restaurant propose de s’attabler à côté des requins : une du parc Maloti-Drakensberg. Troisième ville expérience imparable. ushakad’Afrique du Sud après Johannesbourg et Le Cap, marineworld.co.za/cargo-hold principal port d’Afrique australe, Durban offre CaneCutters. Pour déguster le de multiples rendez-vous artistiques ou sportifs. meilleur bunny chow de Durban, Ici, on vit en plein air et sur les larges plages, paradis des surfeurs. La longue promenade piétonne un cube de pain de mie farci au de bord de mer, le Golden Mile, vibre au rythme des curry. canecutters.com runners, des artistes de rue et des petits restaurants Max’s Lifestyle. Ce restau populaire est plébiscité par les touristes qui proposent bières et mets locaux. Du côté nord et les locaux pour son ambiance du centre-ville, avec les villas et les terrasses de f e s t i ve e t s e s p l a t s z o u l o u s . style victorien de Florida Road, émane un air plus Comme le shisa nyama, le barbecolonial, tandis que le sud est un creuset d’activités cue informel qui scande la vie des cosmopolites et de galeries d’art contemporain. Durbanais. maxslifestyle.mobi Cette partie accueille la librairie Ike’s Books, l’un The Oyster Box. Une pépite d’insdes hauts lieux de l’activisme anti-apartheid, et le piration coloniale pour dormir à magasin de vinyles Khaya Records, qui propose côté d’un phare iconique, à 15 min des soirées musicales. Mais la modern vibe de du centre. oysterboxhotel.com la ville, où le mélange d’influences indiennes, zouloues et européennes a été dépoussiéré par les nouvelles générations, est sans doute le bariolé Station Drive Precinct. Hipster pour certains, spot le plus cool de la ville pour d’autres, cette ancienne zone industrielle en forme de fer à cheval vit une révolution depuis quelques années. On y trouve des marchés paysans, des boutiques vintage ou The Benjamin. Un hôtel sophisencore un centre d’art africain. C’est aussi l’un des tiqué et un bâtiment historique quartiers préférés des foodies, qui ne se lassent pas avec jardin et piscine en plein de l’omelette aux piment et pommes de terre de Florida Road. chez Parkside ou de la glace artisanale au sésame D’Urban Elephant. Une maison noir ou au curcuma de chez Momenti. Le quartier d’hôtes dans une magnifique proa sa propre brasserie, la Station 43, qui produit priété édouardienne, avec vue sur cinq types de bières différentes. ■ Luisa Nannipieri l’océan. durbanelephant.co.za
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Au bord de l’océan Indien, la BELLE VIE se prolonge tout au long de l’année.
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AVEC VUE SUR LES VOLCANS
À deux heures de route de Kigali, les villas de luxe du BISATE LODGE procurent la sensation d’être seuls au milieu de la nature. POUR REJOINDRE CET HÔTEL 5 ÉTOILES implanté dans un amphithéâtre naturel du Parc national des volcans, il faut mettre le cap vers le nord du Rwanda. Il se situe à deux heures de route de Kigali, dans une zone volcanique recouverte de végétation luxuriante, refuge des derniers gorilles du pays. Ici, nichées dans les collines boisées, les baies vitrées de six luxueuses villas offrent une vue imparable sur les volcans Karisimbi, Bisoke et Mikeno. Les structures circulaires et les toits bombés en chaume du Bisate Lodge s’inspirent des palais royaux rwandais. De loin, leur forme rappelle les mille collines qui ponctuent la région. À l’intérieur des villas, on retrouve la touche de la designer Teta Isibo dans le mobilier, les couleurs et les tissus issus du savoir-faire local. Au centre de ce cocon trône une cheminée
en pierre volcanique qui rend les nuits au cœur de la forêt douces et paisibles. Mais ce n’est pas seulement pour profiter de cette vue magnifique et de la sensation d’être seuls au milieu de la nature que l’on vient jusqu’ici. Le Bisate Lodge propose des expériences uniques et respectueuses de l’environnement, comme la replantation d’arbres, en contact avec une espèce en danger d’extinction : le gorille de montagne. Le parc national et ses animaux se découvrent à pied, avec un guide qui sait repérer les traces des primates dans la végétation. En plus des gorilles, la forêt héberge des singes dorés, des bisons et des centaines d’oiseaux qui ont fait de ce coin de paradis leur sanctuaire. ■ L.N. BISATE LODGE, RUHENGERI (RWANDA), à partir de 1 575 dollars par personne la nuit. wilderness-safaris.com
Depuis l’inauguration du nouveau hub de Dakar et la réception
d’un 7e appareil (un 2e A330neo) le 4 décembre, Air Sénégal se sent pousser des ailes. Elle dessert à ce jour toutes les capitales d’Afrique de l’Ouest (sauf Lagos, qui ouvrira cette année) et Casablanca. Côté Europe, en plus de Paris et Marseille, Genève sera reliée en direct au rythme de trois vols hebdomadaires à partir du 18 juin prochain. Londres et Barcelone, en négociation fin 2019, pourraient suivre. ■ Emmanuelle Pontié 114
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C’EST PAS DU VENT
Le PARC ÉOLIEN de Taïba Ndiaye, au Sénégal, est le plus grand du genre en Afrique de l’Ouest. ELLES S’ÉLÈVENT à près de 180 mètres de haut et comptent parmi les plus grandes du monde. Au nombre de 16 à ce jour, elles seront 46 dès juin prochain. Ces élégantes éoliennes et leurs mâts d’acier blanc, conçues par la société danoise Vestas, prennent place dans le plus grand parc éolien d’Afrique de l’Ouest, inauguré le 24 février dernier par le président sénégalais Macky Sall. Elles composent le parc éolien de Taïba Ndiaye, situé à une centaine de kilomètres de Dakar, dans la région côtière de Thiès, balayée par l’harmattan et les vents atlantiques. Ce parc fournira 15 % du mix énergétique du pays, en produisant 158 mégawatts d’électricité au profit d’environ 2 millions de personnes. Il sera exploité durant vingt ans par l’entreprise britannique Leleka, qui a signé en 2016 un contrat d’achat d’énergie avec la Société nationale d’électricité du Sénégal (Senelec) et a déjà fait ses preuves en Afrique du Sud ou en Égypte. Coût de l’audacieux projet : 200 milliards de francs CFA (305 millions d’euros). De quoi placer le pays dans le peloton de tête des États africains qui concrétisent leurs ambitions écologiques et la production d’énergie verte. ■ E.P.
LELEKA XXXXXXXXX
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SPOTS
MADE IN AFRICA
NUR La cuisine marocaine au niveau supérieur.
Les hôtes Michael Anukege et Stella Anukege Izekor.
LA CHEFFE Najat Kaanache a toujours pensé au Maroc comme à la « bouche de l’Europe », une confluence de cultures uniques qui se retrouvent à table. Chez Nur, son royaume au cœur de la médina de Fès, elle forme de jeunes Marocains et distille l’âme du pays dans ses assiettes. Prenez place dans le salon chic et intime d’une maison traditionnelle, et laissez-vous séduire par le menu dégustation : deux heures et demie pour 10 créations improvisées à partir des produits du jour. Une myriade de mets à base de fruits de mer arrivés tous droits de l’océan, de champignons ramassés à la main et choisis avec soin, de fine viande, de grenades, d’agrumes et de cacao brut. À réserver : les cours de cuisine immersive pour ramener chez soi les parfums et la magie de la ville. ■ L.N. 7 ZKAK ROUAH, FÈS (MAROC). nur.ma
À HAMMAMET, LA BADIRA FAIT PEAU NEUVE
Un restaurant nigérien ouvert seulement pour le dîner qui va vous réchauffer en ces soirées d’hiver à Zurich.
AVEC UNE AMBIANCE SIMPLE et décontractée, un personnel toujours à l’écoute et des assiettes bien remplies, ce restaurant nigérien propose une carte riche, composée de plusieurs plats à base de gombos, raisins, bananes plantains… La viande et le poisson sont juteux, cuits dans une savoureuse huile rouge de palmier. Les entrées, de l’igname au riz frit, arrivent sur la carte juste après les spécialités de la maison : les soupes. Okra, ogbono, egusi, edikang, banga, ici, toutes les traditions du Niger sont représentées. À vos cuillères ! ■ L.N. BADENERSTRASSE 125, ZURICH (SUISSE).
STEVEN ROTHFELD - DR (3)
Queen Idia
INAUGURÉ EN 2017, le palace le plus luxueux de ce coin de côte tunisienne, à Hammamet, a métamorphosé sa plage (on y trouve de confortables gazebos VIP pour couples ou groupes d’amis), refait son restaurant Kamilah et embelli son café maure ainsi que la terrasse extérieure de son lobby bar pour se préparer au mieux à la saison printemps-été. Avec trois piscines, quatre restaurants et le seul spa Clarins en Tunisie, La Badira, réservée aux plus de 16 ans, se veut être un havre de paix pour se déconnecter totalement. ■ L.N. ROUTE TOURISTIQUE MREZGA BP437, HAMMAMET (TUNISIE). labadira.com
queenidia.ch
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Il existe encore des lieux où l’obscurité de la nuit demeure intacte, comme ici, en Namibie.
ASTRO-TOURISME LA MAGIE SOUS LES ÉTOILES Une expérience MYSTIQUE ET PUISSANTE, de plus en plus difficile à vivre à cause de la pollution lumineuse. LEVER LE REGARD VERS LE CIEL et se laisser ravir par le miroitement de millions d’étoiles est une action de moins en moins possible aujourd’hui. Heureusement, il existe encore des lieux où l’obscurité de la nuit demeure intacte. Deux d’entre eux sont en Afrique australe. L’International Dark-Sky Association, qui recense et promeut la protection de ces sites vierges de toute lumière artificielle, a établi comme première réserve étoilée d’Afrique celle de NamibRand, en Namibie, en 2012. Elle jouit d’un ciel nocturne d’une qualité exceptionnelle, faisant l’objet d’une protection à des fins scientifiques, éducatives et culturelles, et a été classifiée réserve d’or, le niveau le plus haut prévu par l’association. On y trouve une zone centrale, où la noirceur naturelle est préservée au maximum, et une région périphérique, où la communauté reconnaît l’importance du ciel étoilé et s’engage à le protéger à long terme. En 2019, l’association a également reconnu le !Ae!Hai Kalahari Heritage Park, en Afrique du Sud, comme premier sanctuaire étoilé du continent. La maison ancestrale des peuples San et Mier, une savane semi-désertique au cœur du parc transfrontalier de Kgalagadi, entre Afrique du Sud et Botswana, totalise 21,6 points sur les 22 de l’échelle de noirceur du ciel, le Sky Quality Meter. L’endroit parfait pour découvrir l’astro-tourisme, à la lumière de la Voie lactée et de la Croix du Sud. ■ L.N. NAMIBRAND, DUNES LODGE (NAMIBIE), chambre en plein air à partir de 400 euros la nuit. wolwedans.com/lodges-camps/dunes-lodge KGALAGADI TRANSFRONTIER PARK, !XAUS LODGE (AFRIQUE DU SUD), à partir de 306 euros la nuit. xauslodge.co.za
SE LAISSER PORTER PAR LES FLOTS Un bateau devenu restau. LE TAMARIND DHOW est un restaurant flottant qui navigue sur les eaux entourant Mombasa, au Kenya. Une cinquantaine de passagers peut y monter, que ce soit pour un simple apéritif au coucher du soleil ou une croisière gastronomique au rythme de la nuit qui tombe sur la ville. Le menu est fixe, mais la carte prévoit des variations sur le thème de la mer, avec des crustacés et des poissons frais méticuleusement préparés devant les hôtes à la façon swahilie. Des artistes et des musiciens accompagnent le repas et garantissent un spectacle varié au fil de la soirée, jusqu’au retour sur la jetée. ■ L.N. JETTY TAMARIND, MOMBASA (KENYA). tamarind.co.ke
UN BAR À GIN MADE IN AFRICA
Au Royal Livingston, hôtel haut de gamme sur les chutes
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Victoria, au Zambie, le bar des voyageurs propose une carte de gin qui vaut l’arrêt. On peut y déguster du Sample Mundambi Gin, produit expressément pour l’hôtel par la distillerie New Harbour du Cap: le mundambi est une magnifique fleur de la famille de l’hibiscus, typique du sud du pays, dans laquelle le spiritueux a été laissé en infusion. Ses notes épicées et d’agrumes la rendent idéale à siroter en observant les chutes depuis la grande baie vitrée. À découvrir aussi, le Protea Gin et le nouveau Rooibos Gin. ■ L.N.
ROYAL LIVINGSTON, MOSI-OA-TUNYA ROAD, LIVINGSTONE (ZAMBIE). anantara.com/en/royal-livingstone AFRIQUE MAGAZINE
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VIVRE MIEUX Pages dirigées par Danielle Ben Yahmed, avec Annick Beaucousin et Julie Gilles
L’ESTOMAC AU CENTRE DE NOTRE CORPS LOURDEURS, SENSATION GÊNANTE d’estomac trop plein associée à un coup de fatigue… Ces maux nous touchent fréquemment. Des repas trop copieux peuvent en être la cause : les matières grasses sont longues à digérer et pèsent de ce fait sur l’estomac. Cet embarras gastrique n’a rien à voir avec des problèmes de foie. La solution est de revenir à une alimentation plus équilibrée, avec peu d’aliments transformés (car ils sont souvent gras). Bien souvent également, les repas express, avalés à toute vitesse, entraînent ce genre de maux. Il faut manger lentement et penser à bien mastiquer les aliments : cela permet à l’estomac de se vider plus facilement, et plus 118
vite. Au contraire, si la nourriture n’est pas prémâchée, l’estomac doit se mobiliser pour la broyer, et cela demande du temps. D’où les sensations de lourdeurs. Bon nombre d’entre nous pensent que boire de l’eau en mangeant remplit trop l’estomac. Or, prendre des gorgées tout au long du repas est essentiel. L’eau « dilue » les aliments et permet à l’estomac de se vider plus rapidement. Sans elle, l’alimentation est davantage compacte, et l’estomac ralentit sa vidange pour se donner le temps de la liquéfier. À noter tout de même : les personnes sujettes aux ballonnements doivent éviter les eaux gazeuses, car cela peut accentuer l’inconfort. En revanche, un peu d’activité physique après le repas, comme AFRIQUE MAGAZINE
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IL Y A LES ENNUIS DIGESTIFS CLASSIQUES, POUR LESQUELS IL SUFFIT D’ADOPTER DE SAINES HABITUDES. ET DES ATTEINTES PLUS SÉRIEUSES, COMME L’ULCÈRE, QUI NÉCESSITENT UN TRAITEMENT.
marcher, est une bonne habitude à prendre : cela accélère le travail du système digestif. On essaie aussi de ne pas se laisser envahir par le stress, car il peut aussi perturber la digestion et ralentir la vidange de l’estomac. Il est bien sûr possible de recourir ponctuellement à des médicaments pour digestion difficile, mais ce n’est pas une solution sur le long terme. L’intolérance au lactose, qui est le sucre du lait, est aussi à prendre en considération, si l’on remarque que les troubles surviennent après avoir consommé des produits laitiers. Il n’est pas rare chez les adultes : un jour, on finit par mal le digérer. Pour confirmer qu’il s’agit bien de cela, on supprime les laitages sur quelques jours : si les symptômes disparaissent, on consulte pour confirmer le diagnostic. En général, se limiter seulement à une certaine quantité de laitages – les proscrire totalement exposerait à des carences, notamment en calcium – suffit pour être tranquille. On peut en principe manger sans problème des yaourts et des fromages à pâte dure, car ils contiennent peu de lactose. Et il existe des produits laitiers qui en sont dépourvus.
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C’EST PEUT-ÊTRE UN ULCÈRE
Si des douleurs se font sentir une à trois heures après le repas, sous forme de crampes ou de brûlures, et qu’elles ont la caractéristique d’être calmées par le fait de manger, cela peut être un ulcère gastroduodénal : une plaie s’est formée sur la muqueuse de l’estomac ou du duodénum, à la sortie de l’estomac. Pour quelles raisons ? Le stress n’est pas un facteur déclenchant comme on l’a longtemps cru, mais il peut en revanche accroître les symptômes. Il y a deux grands responsables de l’ulcère : la prise régulière d’aspirine ou d’anti-inflammatoires (médicaments qui peuvent agresser la muqueuse gastrique et y provoquer la lésion) et la bactérie Helicobacter pylori, associée à un excès d’acidité dans l’estomac. Cette bactérie altère alors la production de mucus qui, normalement, recouvre la surface de la muqueuse pour la protéger de l’acidité. En conséquence, l’estomac devient vulnérable à celle-ci, ce qui conduit à l’ulcère. Si le diagnostic est confirmé, des anti-sécrétoires sont prescrits afin de diminuer la sécrétion d’acide et de favoriser la cicatrisation de la muqueuse digestive. Lorsque la bactérie est détectée, des antibiotiques y sont associés pour l’éliminer. Grâce à ce double traitement, l’ulcère se guérit bien la plupart du temps. Cependant, la bactérie Helicobacter pylori commence à développer une résistance aux antibiotiques : dans ce cas, le traitement doit être répété avec d’autres molécules. À noter que tant que l’ulcère n’est pas guéri, mieux vaut écarter de son alimentation tout ce qui est piments forts et « brûlants ». ■ Julie Gilles
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LE BRUIT, ENNEMI QUOTIDIEN NUISANCES SONORES AU TRAVAIL, durant nos loisirs, dans notre environnement… Elles sont partout, et leur excès est nocif. Bien évidemment, d’abord pour nos oreilles, sans que l’on s’en rende vraiment compte : à partir de 80-85 décibels (cantine, rue à fort trafic…), une exposition répétitive altère l’audition petit à petit. Mais le bruit subi a d’autres conséquences. Au travail, il demande de l’énergie pour se concentrer, d’où une fatigue ou une tension nerveuse. Et chez soi, les nuisances quotidiennes peuvent énerver, perturber le sommeil. Ce qui a un effet plus pernicieux… Même si l’on s’y habitue plus ou moins, elles entraînent une fatigue chronique, du stress, et de possibles troubles, tels que baisse de l’immunité ou augmentation du risque de surpoids, de diabète, d’hypertension. Il existe des parades pour que l’organisme récupère. On peut décompresser avec des moments au calme, des activités délassantes (balade, sport, relaxation). Et porter des bouchons qui atténuent les sons ambiants sans empêcher d’entendre peut être utile. ■ Annick Beaucousin
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VIVRE MIEUX
En bref Des repas à heure fixe durant le week-end ◗ Il est avéré que le corps brûle différemment les calories en fonction de l’heure de la journée. Une étude de l’université de Barcelone publiée dans la revue Nutrients a démontré que le fait de manger en décalé ses trois repas le week-end pouvait induire une prise de poids, quels que soient les aliments consommés. La raison étant que cela perturberait le métabolisme des calories.
Les bienfaits de l’art
SOUDAINES ET DOULOUREUSES contractures des muscles, les crampes touchent le mollet et la cuisse, et parfois le pied. Elles surviennent souvent lors d’un effort physique, plus rarement la nuit. Lorsqu’une crampe paralyse, il faut essayer d’étirer le muscle. Pour le mollet ou la cuisse, on lève un peu la jambe et on tire la pointe du pied vers soi (c’est plus facile si l’on peut s’asseoir ou s’allonger). Pour le pied, on tire le bout vers le haut. Et en même temps, on masse la zone impactée. Si cela semble trop ardu, on marche simplement un peu ou on fait des flexions des jambes. Autre bon réflexe à avoir : on boit tout de suite un verre d’eau riche en sels minéraux, ou on mange une banane, des fruits secs. Cela contribue à la disparition de la souffrance. Lorsqu’un point douloureux persiste après, on masse avec un gel décontracturant. Les causes des crampes sont diverses : un effort physique soutenu provoquant une perte en sels minéraux, une hydratation insuffisante, un manque d’échauffement… Afin de les prévenir, il faut boire un litre et 120
demi d’eau par jour, et lors d’une activité physique, une gorgée toutes les 10 minutes. Une alimentation riche en magnésium, sel minéral essentiel à la détente des muscles, est également importante : on privilégie les aliments complets et les légumes secs. Les fruits et les légumes doivent aussi figurer aux menus pour leur apport en potassium, acteur de la contraction musculaire. Une cure de magnésium ou d’oligo-éléments adaptés (comme Granions décontractant musculaire) peut être utile. D’autre part, faire des étirements chaque jour est toujours une bonne prévention. Mais dans certains cas, les crampes sont liées à une mauvaise circulation veineuse : porter des chaussettes de contention est alors bénéfique afin de mieux irriguer les muscles. Si les douleurs se répètent malgré tout, il faut en parler à un médecin pour rechercher une autre origine possible : par exemple, une prise de médicaments diurétiques, anticholestérol, etc. ■ Julie Gilles
◗ Tout le monde connaît les bénéfices de l’activité physique. Mais un rapport de l’Organisation mondiale de la santé affirme, après avoir passé 900 études au crible, que les activités artistiques, comme le chant, la danse ou encore la fréquentation de concerts, de musées et autres lieux culturels, améliorent la santé à long terme. Elles font aussi du bien en cas de traitement pour maladie.
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EN FINIR AVEC UNE CRAMPE
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LA FIN DU
PSORIASIS ? DERMOCORTICOÏDES ET BIOMÉDICAMENTS PERMETTENT DE MIEUX LUTTER.
PARACÉTAMOL, ANTIDOULEURS, VASOCONSTRICTEURS… À UTILISER AVEC MODÉRATION ! LORSQU’IL S’AGIT DE SOULAGER des douleurs, nous avons souvent le réflexe de prendre du paracétamol. À juste titre d’ailleurs, car il est bien toléré, avec peu d’effets indésirables, notamment sur l’estomac. Reste qu’il ne faut pas en abuser… Il est conseillé de ne pas dépasser une dose de 3 g par jour (4 g étant le maximum), à cause d’une toxicité pour le foie en cas de doses trop importantes. En revanche, avec l’ibuprofène (antidouleur et anti-inflammatoire également très employé) ou le kétoprofène, du même type, il y a un risque très peu connu : lorsque ces médicaments sont pris en cas de fièvre ou de troubles respiratoires (toux, infection ORL ou bronchique), ils peuvent avoir un rôle aggravant sur l’infection, et ainsi entraîner des complications infectieuses pulmonaires sévères, même après un traitement de seulement deux à trois jours. Ce danger a été souligné par des experts lors du 24e Congrès de pneumologie en langue française, à Paris, fin janvier 2020. Les anti-inflammatoires sont donc à proscrire dans les circonstances précitées. De même, attention aux vasoconstricteurs pour lutter contre le nez bouché lors d’un rhume… Même si cela n’est pas très fréquent, ils peuvent entraîner des complications cardiovasculaires graves, tels qu’infarctus ou accident vasculaire cérébral, notamment en cas de facteurs de risque, puisque, comme leur nom l’indique, ils entraînent une constriction des vaisseaux. La durée du rhume ne sera pas écourtée grâce à ces produits, donc autant éviter la menace. ■ A.B.
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CETTE MALADIE DE PEAU inflammatoire chronique évolue par poussées. Elle se caractérise par des plaques rouges en relief, recouvertes de squames blanchâtres. Celles-ci peuvent survenir n’importe où sur le corps, mais particulièrement au niveau des coudes, des genoux, du cuir chevelu, des plantes des pieds et des paumes des mains. Le psoriasis affecte la qualité de vie, du fait des lésions qui démangent et peuvent être difficiles à assumer en société. L’arsenal des traitements s’est étoffé. Les dermocorticoïdes, utilisés pour leur action rapide sur l’inflammation et les démangeaisons, existent sous de multiples formes, s’adaptant ainsi à chaque localisation : pommade, crème, lotion, gel, shampoing, mousse, ou encore patch. En traitement d’entretien, des analogues de la vitamine D sont employés pour lutter contre la multiplication anormale des cellules de la peau. Pour les psoriasis modérés à sévères, les traitements immunosuppresseurs sont très utiles : diminuant l’activité du système immunitaire, ils sont proposés par voie orale ou en injection sous-cutanée Les traitements les plus récents sont les biomédicaments, lesquels constituent un grand progrès pour les psoriasis résistant aux autres solutions. Cette nouvelle classe de produits a pour particularité de cibler une molécule précise de l’inflammation. Et ils sont en général administrés en injection souscutanée ou par perfusion intraveineuse. ■ J.G.
DES MÉDICAMENTS PAS BANALS
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Le mot créole « sodade » : un spleen, un sentiment au cœur de nos traditions, de nos vies, de notre musique.
9 Prodigue ou économe ? Économe ! Je déteste le gâchis et les objets inutiles.
10 De jour ou de nuit ? De jour. Je déborde d’énergie, je bouge beaucoup ! Le matin me ressource. J’ai besoin de lumière.
Mariana Ramos
Sa voix suave chante la saudade, cette nostalgie rêveuse de la morna. Avec son septième album, la chanteuse capverdienne raconte son « PETIT PAYS », l’exil, l’amour heureux ou perdu, en créole et en portugais. propos recueillis par Astrid Krivian
E-mails ou textos pour les échanges professionnels. Avec mes proches, j’aime téléphoner.
12 Votre truc pour penser à autre chose,
tout oublier ? La méditation. Mieux, le yoga, où le corps bouge aussi.
13 Votre extravagance favorite ? Répondre à une provocation par un chant lyrique. Les personnes sont souvent stupéfaites, ça m’amuse !
14 Ce que vous rêviez d’être
1 Votre objet fétiche ?
quand vous étiez enfant ?
Une amulette de Sainte Fatima et ses anges, en bois gravé, trouvée sur une plage du Cap-Vert.
Danseuse. Je pratique toujours la danse, au moins une fois par semaine : contemporaine, africaine. Ça me défoule, ça me donne la pêche.
2 Votre voyage favori ? La Thaïlande. C’était ma première fois en Asie, le dépaysement total, c’était magique !
15 La dernière rencontre qui vous
3 Le dernier voyage que vous avez fait ?
La conférence du psychiatre Christophe Fauré. Ses précieux conseils pour vivre un deuil sont efficaces, ils m’ont beaucoup aidée.
a marquée ?
L’île de Fogo, dans l’archipel du Cap-Vert. On se sent tout petits au pied de son immense volcan. Des paysages lunaires magnifiques. J’y ai tourné un clip pour mon prochain album symphonique.
16 Ce à quoi vous êtes incapable
de résister ?
4 Ce que vous emportez
Danser quand un rythme me fait vibrer !
toujours avec vous ?
17 Votre plus beau souvenir ?
Mon pánu di téra (un paréo en tissu traditionnel cap-verdien), mon maillot de bain, un roman policier (si possible de mon auteur préféré, Harlan Coben !) et une photo de mes enfants.
Le retour dans mon petit pays, à 25 ans. Arrivée en France à 8 ans, je n’en avais plus trop d’images. C’était un moment très fort.
5 Un morceau de musique ?
Morna, Casa Verde Productions.
Un standard de la morna, « Mar Azul », repris par Cesária Évora. Je le chante souvent, il me touche énormément.
6 Un livre sur une île déserte ? Un ouvrage d’éveil spirituel, comme Un souffle vers l’éternité, l’histoire de la médium Patricia Darré. On a besoin de nourrir notre âme de bonnes paroles, pour notre sagesse.
7 Un film inoubliable ? Il était une fois en Amérique, de Sergio Leone. Je suis happée par son histoire et sa musique.
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11 Twitter, Facebook, e-mail, coup de fil ou lettre ?
18 L’endroit où vous aimeriez vivre ?
Santo Antão, l’une des plus belles îles capverdiennes ! Des paysages très contrastés, la mer, la montagne, une végétation plus dense… Les habitants vivent à un rythme très serein.
19 Votre plus belle déclaration d’amour ? Une chanson que l’on a composée pour moi.
20 Ce que vous aimeriez que l’on retienne
de vous au siècle prochain ? Une bonne interprète des musiques du Cap-Vert. ■ En concert le 14 mars au Pimm’s, à Montreuil (France).
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LIO BAUNOT
LES 20 QUESTIONS
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