Découverte
DOSSIER SPÉCIAL DE 30 PAGES.
Interviews SEFA
Découverte
DOSSIER SPÉCIAL DE 30 PAGES.
Interviews SEFA
POLITIQUE,
Au moment où ces lignes sont écrites, nous n’avons pas encore les résultats du second tour des élections lé gis lat iv es anti cip ée s (7 ju ill et), provoq ué es pa r la dissolution de l’Assemblée, elle -même successive à la Bérézina des él ections europé ennes pour la majorité présidentielle. On ne cherchera plus à comprendre quel calcul alambiqué a pu pousser Emmanuel Macron à dissou dre, dan s la fo ul ée d’une lo urde dé fa ite, sa ns préparer ni mobiliser ses troupes, au début des vacances d’été, et à quelques semaines des Jeux olympiques
Quoi qu’il en soit, le calcul a mal tourné… L’extrême droite est aux por tes du pouvoir. Et l’af faire aura abouti à la quasi- dissolution d’Emmanuel Macron lui-même. Co mm e le disent le s Am ér icains, il devi ent un « lam e du ck », un canar d boi te ux , in él igi ble et co nd am né à d’ inc es sa nte s man œu vres po ur ex ist er da ns une forme ou une autre de cohabitation. Ses amis et alliés préparant activement sa succession…
Grâce aux désistements républicains, la victoire du Rassemblement national sera peut- être relative en nombre de sièges. Mais ce sera probablement le premier par ti de Fran ce Ma rin e Le Pe n est une vrai e fe mm e poli tiqu e. El le a acqu is de l’ex pé ri enc e, en ga gea nt avec habileté l’opération respectabilité. Elle tient à elle toute seule un par ti pauvre en ressources humaines. Ses chances de devenir présidente sont réelles
Le Rassembleme nt national n’est pas un part i comme les autres. C’est un pa rt i d’ex trêm e droite.
Se s ra cin es re monte nt à l’af fa ire Drey fus , aux li gu es nationalistes des années 1930, au régime de Vichy, aux théoriciens de la collaboration. Un parti né de Jean-Marie
Le Pe n et de ses outrances. Un par ti aux fond em ents identitaires et antisémites qui a fait des immigrés, des ét ra ng er s, des Arab es et des No ir s su rtou t, les boucs émissa ires de toutes les cr ises, qui acte la di fférence entre Français « de so uche » et Français « de pap ie r ».
Un par ti qui as su me so n an ti parl em en ta ris me , so n autoritarisme, son mépris des limites constitutionnelles
Un parti masculiniste, anti -avortem ent, anti-minorités sexuelles, pro- famille au sens conservateur du terme.
C’est con stern ant, mais un e par ti e non né gl ig ea ble de Français s’y retrouve nt, obsé dés par les qu estions sé cu rit ai re s, pa r la pe ur de l’Au tr e (e n par tic uli er musulman) et du déclassement social.
La France, pourtant, reste le pays occidental où l’adaptation sociale du libéralisme est allée le plus loi n, av ec un e re di st ribution ma ss iv e de s ric he sses par l’ im pô t et par un sy st èm e uniq ue de Séc uri té so cial e. C’est le pays de l’Union europé enne qui a le mi eu x né goc ié sa so rt ie de la pand é m ie du Covid , et don c l’ éc on omi e se mo de rnis e plus ra pid em e nt qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni La « victoire » du Rassemblement national souligne l’échec retentissant de ce mod èl e, pe rç u com me un e mach in e éli ti ste, destructrice d’identité.
Sans contre-offre crédible, le coût pour la France sera très lourd. Les boucs émissaires ne régleront pas la question de la sécurité ni celle de l’immigration. Les plans fumeux de redressement économique ne permet tront pas de désendet ter la France Les marchés financiers vont jouer l’échec du pays. Les universités et la recherche vont souffrir de la fermeture de l’accès aux étrangers. Des pans entiers de l’économie (le tourisme, le bâtiment, le commerce, etc.) ne pourront plus compter sur ces petites mains venues d’ailleurs qui font tourner la machine (on l’a vu lors de la pandémie du Covid) La construction européenne, si précieuse, va entrer en crise La question des accointances avec la Russie va dominer l’agenda Il n’y aura plus véritablement de politique crédible vis-à-vis des Suds globaux, du Maghreb, de l’Afrique. La bataille n’est pas forcément perdue. Près de sept Français sur dix n’ont pas voté Rassemblement Les millions de binationaux expriment leur at tachement à la République. La France, c’est aussi un pays réactif par son histoire, sa complexité ethnique, culturelle, religieuse. C’est le pays de l’universalisme, du siècle des Lumières, de la pensé e révolutionnaire, de la résistance face à l’occup ati on et à la co ll ab orat ion, de la th ém at ique « liberté, égalité, fraternité ». Il y aura des contre-feux, avec des radicalités à gauche Mais aussi via les syndicats, les collectifs, une partie de la presse, de la justice, des jeunes, le monde de la culture. La main du RN ne sera pas facile.
En tout état de cause, la France va basculer dans un cycle long de crise politique, avec en ligne de mire la mère de toutes les batailles : l’élection présidentielle de 2027 Dans trois ans ! Ça va être très long. Mais la bataille en vaut la peine. ■
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La France au temps du « Rassemblement » par Zyad Limam
6 ON EN PARLE
C’EST DE L’A RT, DE LA CU LT UR E, DE LA MODE ET DU DESIGN Le Caire, à la hauteu r de l’histoire
26 PA RCOURS Azu Tiwaline par Astr id Kr ivian
29 C’EST COMMENT ? Mon vaccin ! par Emmanuelle Pont ié
96 PORTFOLIO
World Press Photo 2024 : Une hu manité en souffrance par Zyad Limam
112 VI VR E MIEUX
Bonnes vacances ! Heu reux et en bonne santé par Annick Beaucousin
114 VINGT QU ESTIONS À… Decothey par Astr id Kr ivian
TEMPS FORTS
30 LES NOUV EAUX LEADERS par Shiran Ben Abderrazak , Cédr ic Gouver neur, Zyad Limam, Luisa Nannipieri et Emmanuelle Pont ié
78 Meryem Sellami : « On ne se constr uit que dans l’altérité » par Astr id Kr ivian
84 Sefa Yeboah :
« Pour êt re soi, on a besoin des aut res » par Catherine Faye
90 Yeanzi : « La société est mon carburant » par Astr id Kr ivian
P.06
49 CÔTE D’IVOIRE : L’ÉMERGENCE SOCIALE par Emmanuelle Pontié, Zyad Limam, Philippe Di Nacera et Dominique Mobioh Ezoua
50 La mobilisation de tous
56 La jeunesse, au cent re des attentions
58 Mamadou Touré : « Il faut investir massivement su r la formation »
61 Ben Balla Koné : « Il faud ra passer à la vitesse supérieure »
62 Cap su r l’entreprise
63 Salimata Blanche Djité : Self-made-woman
64 L’évolution sans complexe
P.30
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P.49
66 Georgette Zamblé :
« Pour une politique nationale de l’égalité des chances »
68 Habitat, constr uction, urbanisme… Les grands moyens
72 Inondations : un combat diffcile
74 Parcou rs d’excellence
76 Connectées su r demain
102 Mu ltiChoice et Canal+ face au x plates-for mes amér icaines
106 Gianluca Tonolo :
« Des impacts négatifs bien au-delà de la santé et du climat »
108 Quel nouveau président pour la BAD ?
109 À Madagascar, la vanille dans la tourmente
110 Le four solaire pourrait en f n démarrer
111 Le Gabon relativise la dégradation de sa note par Cédr ic Gouver neur
P.84
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C’est ma in te na nt , et c’est de l’ar t, de la cu ltu re , de la mo de , du de si gn et du vo ya ge
La fa çad e du bâti me nt, orn ée de moti fs py ra mid au x.
ouvr ira bientôt ses portes. Il peut déjà se ta rg uer d’êt re pa rm i les plus du ra bles au monde. AR
LE PROJ ET EST – c’est le cas de le dire – pharaonique : le Grand Musée ég yptien du Caire a été imaginé en 1992, et est en chantier depuis 2012. Il a coûté près de 1 000 milliards de dollars, et s’étend sur une surface d’environ 500 000 m2. Son ouverture définitive n’a pas encore été annoncée – la date ayant été repoussée à plusieurs reprises ces dernières années –, mais le ministre ég yptien du Tourisme a assuré que les finitions des salles devraient être faites courant juillet Entre-temps, le public peut accéder à une exposition dédiée aux trésors de Toutânkhamon et monter le Grand Escalier, depuis lequel la vue donne sur les py ramides de Gizeh. Le musée vient de recevoir – et c’est une première dans la région MENA –la cer tification EDGE Advanced Green Building, décernée par l’International Finance Corporation. Imaginé par le cabinet dublinois Heneghan Peng, le bâtiment possède un toit réf léchissant et une double peau translucide, qui filtre la chaleur et la
lumière sur ses différents niveaux. L’approche durable des architectes permettra d’économiser plus de 60 % des coûts énergétiques et de réduire de 34 % la consommation d’eau par rappor t à un autre musée de ce ty pe et de cette taille ■ Luisa Nannipieri
Ex positi on im me rs ive déd ié e aux trésors de Toutânkhamon , en at te nda nt l’ou ve rt ure of fici ell e
L’HISTOI RE D’UN CA HI ER MAGIQU E da ns lequel il su ff it d’ inscri re un vœu pour q u’ il soit exaucé…Ànepas mett re entretoutesles
ma ins!
LESSTA RS du standupDriss et Mehdiavaient cassé la baraque l’an dernierauMaroc avec Jouj (« deux », en arabedialectal), qui lesmet tait en scènedansunmonde soudain désertépar leshommes, sauf eu x, et seulementpeupléde femmes…Une comédiepotache quiavait fait moucheaumomentduRamadan.Sor ti en France un an plus tard,lef ilm aattiréàpeine 200spectateurs entre av riletmai,avant de poursuivreune petite carrière dans de rares salles.Cen’est pasque le cinéma marocainadumal àpercer dans l’Hexagone : Reines,deYasmineBen kiran, sortile15mai, aréuni plus de 10 000 personnesenmoins de troissemaines Uneréalisatrice auxmanettesettrois actricesdansles rôlesprincipaux: encore plus fort quelescénariode Jouj ! ■ Jean-Marie Chazeau
JOUJ (Maroc), de RabiiChajid. Avec Dr isse Cha louh , Mehd iA zekr i, Am al El At rache. En sa lles
Àécouter maintenant !
Mi khal Anthony Mu se,R&S Re cord s.
Sy nthétisant tout ce qu’ilaimedansleR’n’B, l’afrobeat et la soul, ce poète très engagé, né dans le Missouri,a dy namisé la scènehiphopdeChicago avecses démonstrations àlafoisgroov yet politiques.Etson premieralbum,jolimentnommé Muse, estàlahauteur desattentes: mélodique, mais percussif,sensuel et avecdela suitedansles idées. Coup de cœur.
Bedoui n Bu rger
Ma Li Be it,Hél ic o.
Kayt ra nada
Ti me le ss,RCA
D’un côté,la chanteused’origine sy rienne Ly nn Adib, formée au Conser vatoire et passionnée de jazz.Del’autre,leproducteur libanais Zeid Hamdan,connu grâceà songroupeSoapkills, faiseurs de sons alternatifs. Dans leur viseur,laculture bédouine,danscequ’elle adeplus indépendantetenthousiasmant. Surcepremieralbum,les ry thmes sont efficaces, le chantcaptivant C’estleDJet producteur quetout le mondes’arrache depuis quelques années. Né LouisKevin Celestin, cemusiciencanado-haïtien revientavecuntroisième albumstudio, Timeless.Pas tout àfaitsolo, puisqu’il s’entoured’une ribambelle de talents,tels queChildishGambino,A nderson.Paak, Thundercat,Channel Tres…Etsigne encore un manifeste hybridedehip-hop, d’électroetdesoul. ■ Sophie Rosemont
UN FI LM D’ESPION NAGE très xx ie siècle, avec deux acteurs
rema
rq ua bles d’ intensité. Prenant et passionnant.
ENTR E 70 000 et 200 000 personnes ont disparu dans les prisons du régime de Bachar al-A ssad au début des années 2010. Hamid, jeune professeur à Alep, torturé pendant des semaines, a réussi à s’en sortir et à rejoindre l’Europe À Strasbourg, il tente de retrouver son bourreau, infiltré dans le flot de réf ugiés sy riens. Car les victimes s’organisent, montent des dossiers, enregistrent des témoignages, cherchent des preuves et repèrent ces sinistres personnages pour les livrer à la justice, qui peut les poursuivre pour crime contre l’humanité Peu médiatisés, ces réseaux souterrains offrent un matériau riche et inédit pour un film d’espionnage. Le réalisateur français Jonathan Millet, qui a parcouru le monde avec sa caméra et appris l’arabe en Sy rie, s’est inspiré de faits réels pour nous immerger dans cette traque fébrile, qui manque à chaque instant de déraper dans la vengeance immédiate… Avec cette question : est-ce la bonne personne ? Car Hamid n’a jamais vu l’homme qui lui maintenait la tête sous l’eau ou lui lacérait le dos. Il n’en garde qu’une photo floue, des témoignages douloureux qu’il écoute en boucle, et a pour seul souvenir personnel son
odeur. Une bande-son angoissante et omniprésente renforce le suspense, mais elle témoigne aussi d’une réalité : les rescapés des geôles de Damas, habitués à vivre de longs mois dans le noir, ont développé une capacité d’écoute, mais aussi des troubles auditifs, les tympans abîmés par de longues séances de tortures aquatiques… Adam Bessa, qui incarne Hamid, est impressionnant. On retrouve chez ce comédien tunisien, qui adopte l’accent sy rien pour ce rôle, le mystère et la puissance qui émanaient de lui dans Harka (2022), film inspiré de l’immolation qui avait déclenché la révolution de Jasmin Face à lui, le comédien palestinien Tawfeek Barhom, qui jouait le jeune pêcheur admis à l’université al-Azhar dans La Conspiration du Caire (2022), incarne cette fois un étudiant plus âgé et au passé potentiellement sanguinaire – un rôle pour lequel il a appris le français. Tous deux incarnent puissamment les fantômes d’un conf lit sanglant, et nous hantent longtemps après le visionnage ■ J.-M.C LES FANTÔMES (France), de Jonathan Millet. Avec Adam Bessa, Tawfeek Ba rhom, Julia Franz Richter. En salles
AV EC SON DEU XI ÈM E AL BU M, BU TU, le collecti f congolais revient plus en forme que ja ma is, la musique se muant en œuvre hybr ide, entre ancest ra les sonorités af rica ines, électro et kwaito…
AM : De quoi s’inspire Butu ?
KOKOKO! : « Butu » signifiant la nuit en lingala, le disque s’inspire de ce qu’il se passe à Kinshasa du coucher au lever du soleil. C’est une ville très animée, habitée par 18 millions de personnes, et la nuit tombe tôt toute l’année, vers 18 heures, car elle est proche de l’équateur Alors les sens sont en éveil, les sons semblent plus forts et une énorme quantité de personnes se précipitent pour faire les dernières courses ou activités avant qu’il ne fasse vraiment très sombre, à cause des fréquentes et longues coupures de courant. On voit beaucoup de silhouettes, des phares de voitures, des parasols colorés avec une ampoule çà et là Il y a du bruit partout : des vendeurs de rue qui disposent chacun de leurs propres alertes pour être entendus avant d’être vus, des boucles de mégaphone déformées, des klaxons de motos-taxis, des générateurs qui s’allument, etc. Butu reprend toutes ces sensations de la rue, ces fêtes qui se déroulent pendant la nuit. Il peut être surchargé, répétitif, comme un chaos organisé capable de susciter un sentiment de transe, d’excitation et plus encore !
En quoi l’hybridité sonore est- elle cruciale dans votre musique ?
Parce que sa combinaison d’ingrédients constitue notre originalité. Le mélange d’électronique, de sons saturés, d’enregistrements téléphoniques, de voix lingala et d’instruments DI Y, de larges influences Avec tout cela et l’énergie indéniable de Makara Bianko [performeur en chef de KOKOKO!, ndlr], elle doit être unique
Comment décririez-vous votre lien avec Kinshasa ?
Un mélange d’amour et de haine, de frustration et d’excitation
Même si elle est magique, la ville devient de plus en plus difficile à vivre : coupures de courant, mauvaises routes, manque d’argent… Elle peut devenir dangereuse à cause des kulunas (des gangs dont les membres sont reconnaissables à leur machette). En tant qu’artistes, on est en quelque sorte protégés, car les gens accordent de l’importance à la musique, mais la vie reste difficile C’est pourquoi les habitants de Kinshasa s’échappent à travers l’art et la performance. ■ propos recueillis par Sophie Rosemont
KOKOKO! Butu, Transg ressive/ Pias
TH RI LL ER
ALEX ANDR E DU MAS, Le Comte de Monte-Cristo, La Pléiade, 1504 pages, 70,50 €
Pour la rééd it iondu Comt e deMonte-Cristo da ns la prestigieuse Pléiade, retour su rles or ig ines mêlées D’ALEX ANDRE DU MAS.
MÉTIS, l’auteur des Troi sMou squetaires et de La ReineMargot alongtemps étéreprésentésousles traits d’unepersonneblanche.Eten2010, c’est Gérard Depardieuqui incarnecemonumentdelalittérature dans le film de Safy Nebbou, L’AutreDuma s.Unchoix polémique: le réalisateurest accusé de whitewashing.Pourtant, le romancierétait bienquarteron. Il se décrit lui-même dans ses Mémoires commeun« nègre»,avecdes «cheveux crépus »etun« accent légèrementcréole ». AlexandreDumas,néle 24 juillet 1802 àVillers-Cotterêts, d’unemère blancheetd’unpère mulâtre, le généralThomasA lexandre Davy de La Pailleterie,filsd’une esclave et d’un propriétairedelacolonie françaisedeSaint-Domingue, avaitdonc desoriginescaribéennes. Le portrait en noir et blancduphotographe et caricaturisteÉtienne Carjat livreune imagefidèledecelui quif ut le témoin engagé desplusgrandsbouleversements politiques du XIXe siècle Raressont lesouv ragesoùcelui-ciabordeses origines,mais Georges nous offrequelquesinformationsenfiligrane.Dumasyretrace l’histoire d’une familledemulâtresàl’île Maurice, confrontés àl’esclavage,auracisme, àl’assujettissement. Il ypeint la complexitédumétis,tirailléentre son identité blancheetson identiténoire.À l’occasion d’uneconférencedonnée àl’Universitédes Annales, en 1955,A ndré Mauroisraconte la jeunesse hybridedecet hommedelettres hors norme. Et comment, alorsâgé de 27 ans, sans fortune, sans protection, sans diplômeetsansinstruction solide,celui-cidev ient en uneseule soirée un hommeillustre. C’est jubilatoire. Commelesont lesaventures d’Edmond Dantès,alias le comte de Monte-Cristo, dans leur nouvel écrin. Le sixièmeécrivain,après Voltaire, Rousseau, Hugo,ZolaetMalraux,àavoir étéhonoréauPanthéonpar la «patriereconnaissante» n’en finitpas de nous fairev ibrer ■ CatherineFaye
Qu in ze ansaprès Go Fa st,ROSCH DY ZEMrenoueaveclef il m d’action,eni ncar na nt un mi lita iret raumat isépar la guer re en Afghan ista n.
PEUT-ON s’identifieràunhommeinsensible et prêt àtuer surcommande? C’est lepari de ce thrillerinspirépar cesfaits diversoùdes adolescentessontenlevées pour desmariages forcés dans les Émirats.Elyas, qui souffred’un stress post-traumatique àlasuite d’un sale moment passé en Afghanistan, est recruté pour assurer la sécurité d’un couple richissime du Moyen-Orient, venu passer quelques semainesdansunchâteau enFrance avec leur fillede13ans.Mais entredeux prisesde médicamentsetlemaniement de son couteau pliant (unMarlin qu’il ouvre et referme dans un cliquetis très énervant), Elyasvoit-il vraiment la réalité ou se fait-il desidées ?Saparano nous gagne, et la montée en puissance de la violence fonctionneplutôtbien. On atoutefois parfois l’impression de s’être égarédans une série Bqui louvoie entre esthétique de jeux vidéo et film d’action asiatique àlaJohn Woo. Heureusement, RoschdyZem insuffle de la subtilitéà cetex-soldat robotique, et n’hésite pas às’investir avec réalisme (il n’a pas été doublépour ses cascades) dans cette histoire improbable qui va leconduire jusqu’à Dubaï, avantunfinal au Maroc qui nous réconcilierait presque avec son personnage… ■ J.-M.C ELYAS (France),deF lorent-Emilio Siri. Avec RoschdyZem,Laetitia Eïdo,Sherwan Haji.Ensalles.
« ÉPIDÉMIES. PRENDRE SOIN DU VIVANT », Musée des Con fuences, Lyon (France), jusqu’au 16 février 2025 museedesconfluences.fr
Peste, va riole, choléra, gr ippe espagnole, sida, Covid-19… LES ÉPIDÉM IES touchent l’ensemble du monde viva nt.
INSPIRÉE PA R L’UNIVERS des laboratoires, la scénographie s’ouvre sur des sculptures de verre du plasticien britannique Luke Jerram représentant bactéries et virus pathogènes. Face à elles, des animaux naturalisés rappellent que les maladies transmissibles ne concernent pas seulement les hommes C’est en analysant les relations interespèces que peuvent se comprendre ces phénomènes complexes, à la fois biologiques et sociaux. En s’appuyant sur des collections d’ethnographie, de médecine, d’histoire naturelle, ainsi que sur la présentation d’œuvres contemporaines, l’exposition suit le fil diachronique de plusieurs grandes contagions. Elle remonte jusqu’au Néolithique, à la manière d’une enquête historique, mettant ainsi en lumière le lien étroit entre santé humaine, santé animale et santé environnementale. Le parcours débute dans l’Antiquité, se poursuit au Moyen Âge, puis dans une Europe frappée par les premières grandes « pestes ». La variole et la grippe dite « espagnole » changent d’échelle en touchant tous les continents. La reconstitution d’un laboratoire de microbiologie témoigne ensuite du tournant qui marque la fin du XIXe siècle : les microbiologistes étudient désormais l’infiniment petit, mettent au point des vaccins et des sérums Enfin, la dernière partie de l’exposition introduit les réactions politiques ou sociétales face aux maladies émergentes Publié en coédition avec le musée, l’ouvrage consacré à l’exposition ouvre le dialogue, en s’appuyant sur une réflexion pluridisciplinaire étoffée. Pour prendre soin de nous, prenons soin du vivant… ■ C. F.
Ci -d essus , Ve rtica lité s, d’Amahigu éré
Do lo
Ci -c ontre, Le La nc eu r, Ousma ne Sow.
Vu e d’ex positio n :
œu vres de Fredd y Ts im ba
en compag nie de vi ng t ar tistes et d’un collection neur.
POUR CÉLÉBR ER les vingt ans de la naissance de son centre d’art, la Fondation Blachère présente le travail de vingt figures de l’art contemporain en Afrique de l’Ouest, au cours des deux dernières décennies. Du Malien Amahiguéré Dolo, artiste phare de l’événement, au Sénégalais Ousmane Sow, en passant par le Congolais Freddy Tsimba, les artistes exposés sont aujourd’hui des références majeures de la scène artistique contemporaine. Leurs œuvres constituent ici un fonds de quelque 2 300 œuvres, contribuant ainsi au rayonnement de l’art contemporain africain. C’est au Mali que le collectionneur
Jean-Paul Blachère, à l’initiative de cette aventure artistique, développe un intérêt viscéral pour le continent face aux falaises de Bandiagara – d’où le nom de l’exposition. Une rencontre déterminante, au début des années 2000, pour l’entrepreneur, qui n’a dès lors cessé de défendre une approche sensible et passionnelle de la création. Cette exposition-anniversaire met en avant les pièces emblématiques des débuts de sa collection, ainsi que ses artistes coups de cœur ■ C. F. « BANDIAGARA, AU COMMENCEMENT DE LA COLLECTION », Fondation Blachère, Bonnieux (France), jusqu’au 21 septembre 2024 fondationblachere.org
L’AMOU RENT RE DEU X MA ROCA IN ES,àl ’épreuve du temps, desconvent ions et de l’effacement.
«CEQU’ON ne peut pasdire, il ne faut surtoutpas le taire, mais l’écrire.» En citant Jacques Derrida en exergue de sondernier ouvrage, Loubna Serraj, lauréate du prix Orange du livreenA frique en 2021 avec Pour vu qu’ilsoitdebonne humeur –roman abordant la question de la violence conjugale–, annonce la couleur. Unecouleur duale, qui incarnerait tout àlafoislamémoire et l’oubli, dans l’explorationdelapensée et le surgissement du non-dit, àl’aune de la théorieduphilosophedela déconstruction.A insi,à travers une brûlante histoire d’amour, l’écrivaine marocainesonde l’absenceetl’effacement –delamémoire,del’identité,d’un passé. Elle aborde encore unefoisla question du couple, entredeuxfemmescette fois-ci, invisibiliséespar le fait même que l’homosexualitéest un taboudanslasociété marocaine. Un amourimpossibleàcontenir,et encore plus àoublier, dévoilépar leslettres que Lamiss,jeune professeure de français dans un lycée, adresseàNidhalé,reporterphotographe issuedelabourgeoisie marocaine, sa bien-aimée, devenuecomme hors d’atteinte.Larelation aété brutalementinterrompue.Maispar quoi ?Pourquoi? Entrecette correspondance, despassages narratifs et desséquences dialoguées,l’histoire peuà peusedévoile.En demi-teinte. «Comme chaque fois,Lamisspliela lettre qu’ellevientderédigersansla relire. Ellea toujours eu du malà repasser surles mots qu’ellelui envoie.» Au fildeses missives, envoyées «quelque part », elle semble suppléer l’absencepar uneforme de matérialité. Toutefois, de ce grand amour, querestera-t-il? ■ C.F.
SERR AJ, Effacer, Au diable vauvert, 256pages, 19 €
GA ST RONOM IE
Un livresavou reux,q ui met en va leu rlet rava il deschefs et cheffesq ui RÉÉCRI VENT
LESCODES,puisa nt da ns leursracines afr icai nes.
LA GASTRONOMIE africaineenFrancenesetrouvepas uniquement àParis –bienaucontraire! Loin de la capitale et de sonobsession pour la performance, leschefs expriment davantageleurcréativ itéentoute liberté.C’est l’une desleçons quel’ontiredudernier ouvragede la réalisatrice de documentaires et journalisteVéraneFrediani,enlibrairie ce 12 juillet.Prèsde300 pagespoursillonnerlaFrance àlarencontre de vingtchefs originairesducontinent, dévoilantleurparcours, leur philosophie gastronomique, leur approche desingrédientsetd’une cuisinequi estentrain de s’inventer et se réinventer.Aufil de longuesinter views, de photographiesqui transmettent l’amourde la cuisine, mais ausside60recettesd’exception,dontcertaines créées pour l’occasion (coupdecœurpourles plantainsetoignons confits au mbongo d’Elis et VanessaBond),onperçoitlavariété et l’enthousiasme de cesfemmesetces hommes qui animent un mouvementculinaireenplein essor ■ L.N.
VÉRA NE FR ÉDIA NI, L’Afrique cuisine en France, Éd it ions de La Ma rt inière, 272pages, 29,90 €
DIBAKA NA MA NK ESSI, LePsychanalyste de Brazzaville, LesLettres mouchetées, 454pages,18 €
L’ÉCRI
revisite l’ histoi re du Congo-Brazzavi lle àt ravers la psyché.
«DEPUISplusd’unan, je rêved’une porte, d’une largeporte avecune massedevipèresàdeuxtêtes entrelaporte et moi. »Danslecarnetdenotes du docteurKaya, consultations, songes et pensées sont consignés. Commepournejamaisoublier la portée d’un mot,d’une interprétation
Figure sy mbolique de la libération de la parole, le psychanalystecongolais imaginépar Dibakana Mankessiest,danscetroisième roman, bien plus qu’unthérapeute. Carquelmeilleurendroit queleseulcabinetdeBrazzavillepourtâter le poulsd’une société? D’un pays ?Surtout lorsqu’il accueillesur sondivan la quasi-totalité de l’élitedelacapitale, dans lesannées1960, justeaprès l’indépendance. Et quel’undeses patients estsauvagement assassinédans descirconstances nonélucidées.Grand Prix Afrique2023des écrivainsdelanguefrançaise et prix Orange du livreenA frique 2024, ce récit foisonnant explorelaconstruction desconsciences individuellesetcollectives. Avec humour,tension narrativeetsubtilité ■ C.F.
SÉR IE
De g au ch e à droi te, Sh oki Mmo la, Sive nath i Ma buya, Bo hang Mo eko, Marjo ri e La ng a,
L’ar t et la ma nière de mett re en pièces une belle histoi re d’amou r entre un livreu r et une starlette de télénovela ! Da ns la même veine que How to Ruin Chri stma s, SUCCÈS AFRICA IN DE NETFLI X.
SÉDUCTIONS PÉCHERESSES : c’est le titre de la série à succès tournée à Johannesburg dans laquelle joue Zoleka, qui, dans la vraie vie, soupçonne justement son boyfriend d’aller voir ailleurs Il faut dire que plusieurs indices lui mettent la puce à l’oreille, et elle compte bien faire éclater la vérité En réalité, le (beau) garçon, ex-liv reur qui a créé une appli financièrement prometteuse, lui prépare une énorme surprise. Et elle va tout gâcher. On assiste ainsi au dy namitage d’une belle histoire, où vont s’affronter deux familles noires que tout oppose socialement, mais qui connaissent toutes les deux des problèmes de communication entre leurs membres, tous très haut en couleur. Les acteurs qui les incarnent sont déchaînés, ce qui suffit à faire passer quelques lourdeurs et répétitions scénaristiques ! Si l’histoire est souvent à l’eau de rose, sur fond d’anniversaires et de Saint-Valentin, quelques audaces
viennent pimenter l’histoire (dont une meilleure amie bisexuelle, qui nous rappelle que l’on se trouve dans le seul pays africain à avoir légalisé le mariage gay et lesbien). L’autodérision est la règle, n’épargnant aucun personnage, et ça va vite, en quatre épisodes très colorés, avec une attention particulière portée aux décors souvent délirants et aux vêtements très fashion de chacun des protagonistes ! Parmi eux, plus discrets, les membres d’une autre famille de la série à succès How to Ruin Christmas, dont l’action est censée se dérouler après cette mémorable demande en mariage (« The Proposal » du titre), faisant de ce nouveau How to Ruin le premier spin-off de l’histoire des séries africaines ! ■ J.-M.C HOW TO RUIN LOVE : THE PROPOSAL
(A fr iq ue du Sud), de Rethabile et Katleho
Ramaphakela. Avec Sivenath i Ma buya, Boha ng Moeko, Joh n Morapa ma Su r Net f ix
À traver s son travai l, la photo graph e, convo qu e l’intim e et le re nd u nive rs el
E ntre im ag es d’archive s coll ecté es en Itali e et photo graphi es pe rsonn ell es, l’ar ti ste dress e le por trait de la com munauté af ro -i ta li enn e.
SI LV IA ROSI mont re l’Ital ie à travers l’object if des fa mi lles afro-italien nes, entre cl ichés pr ivés et histoi res collectives.
LE TEMPS DU FESTIVAL de la jeune photographie européenne, une exposition autour des diasporas africaines en Italie occupe les espaces de la collection Maramotti, l’institution dédiée à l’art contemporain que le fondateur de Max Mara a créée dans l’ancien siège italien de la griffe. « Disintegrata » (désintégrée) est une personnelle de la photographe d’origine togolaise Silv ia Rosi, qui propose une vingtaine de clichés des personnes arrivées dans le pays avant les années 2000. Ces images ont été sélectionnées parmi des centaines d’instantanés et traversent différents univers, de l’album de famille au paysage habité par des corps noirs. Elles sont le point de départ d’un projet plus large, visant à constituer une archive familiale des citoyens afro-italiens. L’artiste, qui vit entre Lomé et Londres, explore ainsi de nouvelles façons de transmettre les connaissances visuelles, à travers des images de la vie quotidienne. Elle s’inspire tant de la pratique d’artistes comme Cindy Sherman et Gillian Wearing que du travail de photographes comme Seydou Keïta, Malick Sidibé et Samuel Fosso, restituant avec humour un autre imaginaire de « l’italianité » d’aujourd’hui, qui transforme des histoires personnelles en histoires collectives. ■ L. N.
« DISINTEGRATA », Collection Maramotti, Reggio d’Émilie (Italie), jusqu’au 28 juillet collezionemaramotti.org
T
AL BU M
Dotée d’une plume affûtée, d’un FLOW IM PA RA BLE et d’une grande richesse d’ in fluences, cette ar tiste ma rt in iq ua ise met le feu à la planète rap.
ELLE VIENT de Saint-Esprit, en Martinique, où elle a fait ses armes sur scène, influencée par le dancehall, le reggae, le slack, le kompa… et la pop ! Très vite, la crème de la planète rap francophone réclame sa plume,
et elle collabore aussi bien avec Shay qu’avec Soprano. Après deux EP (Jour avant caviar et Ozoror) et deux nominations aux Victoires de la musique, forte des millions de vues de tubes tels que l’imparable « Jack Sparrow », Meryl affirme son talent singulier avec un premier album plus que prometteur : Caviar I. Si le producteur Mike BGRZ (MHD, Damso, Mahmood, Franglish…) officie à ses côtés, c’est elle qui tient la barre haut Y sont narrés l’amour, le sexe, l’indépendance, la quête de gloire, mais aussi sa vacuité, l’importance de ses origines, dont elle est fière Avec la langue créole comme alliée de compétition. Une femme puissante pour un disque puissant ! ■ S.R.
MERYL, Caviar I, Ma ison Caviar
Héritier d’une cu lt ure nomade, l’auteur djiboutien est lauréat du pr ix Robert Ga nzo 2024 pour son recuei l Les Corps sales. Un chant poét iq ue qu i s’ indigne avec force cont re la violence du monde.
AM : Qu ’évoque votre recueil de poèmes Les Corps sales ?
Chehem Watta : Ma poésie marque l’indignation face à des problèmes réels, concrets de notre continent. Elle parle des violences contre les femmes, les migrants, les exilés, de la représentation de l’Autre que l’on dégrade, dénigre, déshumanise. Le corps est ici un lieu de violence, de destruction, de souffrance. Il faut combattre, démonter ces traditions inacceptables telles les mutilations génitales des femmes, à Djibouti, en Éthiopie, en Somalie. Les jeunes émigrés intracontinentaux sont humiliés par les Africains eux-mêmes : on les emprisonne, on les vend en Libye, on les maltraite en Ég ypte… Quelle est la force du chant poétique ?
La poésie est le genre majeur dans la Corne de l’Afrique. Les bergers poètes, les peuples nomades nous ont légué un important patrimoine poétique, littéraire, oral, un imaginaire issu du monde pastoral. C’est ma source d’inspiration et ma manière de m’ancrer dans la région Cet imaginaire est présent au quotidien, dans les chants, l’amour, le théâtre. Orale dans le passé, la poésie est de plus en plus écrite, déclamée à la radio. Les écrits de beaucoup d’écrivains djiboutiens transpirent la poésie Mes parents étaient pasteurs nomades, un mode de vie en difficulté, en danger même, aujourd’hui. Ils sont désormais semi-sédentaires.
Français : bientôt ses principaux locuteurs seront en Afrique. Elle est le pont de communication entre les différentes communautés à Djibouti, elle nous relie, nous cimente, même si nous appartenons à un monde arabo-musulman. Nous représentons fièrement la francophonie dans la Corne de l’Afrique. Djibouti est un îlot entouré de pays qui parlent l’arabe, l’anglais. Certes le colonialisme est passé par là, avec des effets sur la société, la culture, et les gens l’ont combattu Mais aujourd’hui, cela ne nous empêche pas d’évoluer dans le monde actuel. Il n’y a pas de rejet de la langue française. Elle ne se propage pas aux dépens de nos langues maternelles, nationales, entre lesquelles on circule. Comment présenteriez-vous votre pays ?
Le s Co rp s sa le s, su ivi de Ve ndu s co mm e pi èc es déta ch ée s de l’hu ma nité, Éd iti on s Du me rc hez, 72 pag es 19 €
Avec la création des États, les nomades ne peuvent plus se déplacer comme ils l’entendent sur les territoires. C’est de plus en plus difficile avec les conf lits, et aussi les sécheresses, le changement climatique. Quel est votre lien avec la langue française, dans laquelle vous écrivez ?
J’y suis très attaché. Je fais partie de ces enfants de nomades qui ont été scolarisés Cette langue est venue habiter notre bouche, elle nous a permis d’accéder à d’autres savoirs.
Elle porte aussi notre imaginaire, nous relie au monde, nous permet d’exprimer nos émotions. Elle n’est pas la langue des
De par son positionnement géographique, Djibouti est ouvert sur le monde. Les habitants de Djibouti ont des racines en Éthiopie, en Somalie, en Ér ythrée, au Kenya Nous sommes adossés à l’Afrique et ouverts sur l’océan Indien, l’Arabie, l’Inde. Cette richesse se reflète dans notre culture variée ; on veut la partager avec l’humanité Fiers de cette position sur la route du monde, les Djiboutiens forment un peuple très ouvert et très éveillé.
Que vous ont appris vos études de psychologie en France ?
En effectuant ma thèse de doctorat en ethnopsychiatrie, sous la direction de Tobie Nathan, j’ai découvert que, pour mieux soigner les migrants, il fallait connaître leur culture, leur religion, etc. Le complexe d’Œdipe est dans ce contexte inapproprié ! Cette approche m’a permis d’aller en profondeur des choses, d’avoir une compréhension plus fine des Africains, des problématiques, des stigmatisations auxquelles ils faisaient face. À Djibouti, j’ai travaillé au programme des Nations unies pour le développement J’ai compris que le sida n’était pas seulement un problème de santé publique, mais aussi de domination envers les femmes, de pauv reté, de développement ■ propos recueillis par Astrid Krivian
Ne lla Ag uessy, Untitl ed, « We Ca n’t
Brea th e », 20 22
Dédiée à la flor issa nte SCÈN E DU BÉNI N, la compét it ion qu i favorise la mobi lité des ar t istes émergents in nove, avec une ex position loca le inéd ite.
LE BÉNINOIS Nobel Koty a remporté la quatrième édition du Prix ellipse, organisé par le fonds Ellipse Art Projects depuis 2020. Il bénéficiera d’une bourse de production et exposera ses œuvres à Paris fin octobre, dans le cadre de la foire AK AA, partenaire du projet Ses peintures, des autoportraits sur fond blanc qui évoquent les différents états émotionnels qui animent l’être humain, sont accrochées jusqu’au 19 juillet à l’Hôtel Maison Rouge de Cotonou, aux côtés des œuvres des quatre autres artistes finalistes (Marcel Kpoho, Nauld Adjahuime, Nella Aguessy et Océane-Maria Adjovi). Une exposition inédite et gratuite, qui marque cette édition dédiée aux artistes africains résidant au Bénin et aux artistes béninois installés ailleurs en Afrique. Après avoir mis l’accent sur le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Togo, le Prix a ainsi souhaité renforcer son implication locale, dans un pays de plus en plus tourné vers l’art, qui participe cette année pour la première fois à la Biennale de Venise
Les finalistes ont été sélectionnés parmi 72 candidatures par un jury indépendant, composé de professionnels de l’art contemporain et de la scène béninoise. Ils ont produit des œuvres percutantes sur la thématique « Tradition contemporaine », qui vont des sculptures de Marcel Kpoho, autodidacte de Porto-Novo qui travaille avec des vieux pneus, aux photos très étudiées de Nella Aguessy, qui ambitionne de faire réagir les spectateurs sur des enjeux sociaux urgents. ellipseartprojects.org ■ L. N.
Le s ma illots col orés de la jeu ne créa tr ic e s’adapte nt à toutes les fo rm es
RA MA SW IM WEAR propose des MA IL LOTS DE BA IN et des PI ÈCES SPORTI VES adaptés au x morphologies méditerranéennes, qu i al lient confor t et qualité.
TROUVER DES MAILLOTS de bain et des vêtements de sport adaptés aux formes pleines, réalisés avec des matières de qualité, respectueux de l’environnement et fabriqués localement ? Pour la Tunisienne Rahma Segni, c’était presque mission impossible. De sa frustration et de son intérêt pour le monde de la mode, est née l’idée de créer sa propre marque, Rama Swimwear, qui propose depuis 2021 des pièces qui cochent toutes les cases. Segni a toujours prêté une attention particulière aux tissus et, après avoir utilisé des matières italiennes à ses débuts, elle a décidé de développer des fibres
La ma rq ue propose ég al em ent du sp or tswe ar
écotex produites en Tunisie à partir de tissus recyclés. Elle a d’abord travaillé sur ses collections de maillots de bain brillants, monochromes, aux lignes asymétriques et sexy, veillant avant tout au confort. Ses créations sont réalisées à partir d’une modélisation en 3D, qui permet de réduire les coûts et l’empreinte carbone du processus. Les collections comprennent tant des pièces uniques aux lignes sensuelles
Le s deux-p iè ce s ta ill e haute sont à la fo is flat te ur s et confor ta ble s.
que des deux-pièces taille haute, assortis de ceintures et détails ludiques. Elle a par la suite élargi le champ de la création aux accessoires et aux vêtements confortables pour la plage, des kimonos aux pantalons, en passant par la lingerie, les pyjamas et une joyeuse ligne de prêt-à-porter. Cette année, la styliste débarque également dans l’univers du sport, avec des vêtements réalisés en tissus stretch à haute performance, toujours créés à partir de matières recyclées. Les leggings sont notamment proposés dans une version mise en forme ou taille haute – une alternative chic, qui sculpte et allie souplesse et technologie anti-frottement, avec ceinture en style boxer et passepoil galbant qui flatte aux bons endroits. La jeune entrepreneuse pense déjà à la suite : sa marque vient d’intégrer un programme d’incubation sur trois ans, piloté par le Centre du commerce international, qui va l’aider à se positionner sur les marchés dans la durée. ramaswimwear.tn ■ L.N.
De s le gg ing s gainants po ur s’activer avec classe et sa ns entrave.
À BR AZZAVI LLE ET LI BR EV ILLE, deux ad resses où la haute gast ronomie permet de savourer une cu isine éq ui li brée et créative.
TORTUE EN CROÛ TE DE FEUILLETAGE, taboulé d’attiéké avec piment vert, légumes croustillants et crevettes Missala, bar pané avec chapelure de crevettes fumées ou sorbet de rose de porcelaine… Ce n’est qu’un aperçu des recettes que la cheffe Oliv ia Bumba propose chez La Pirogue, ouvert il y a neuf ans à Brazzaville. Née au Congo, à Kinshasa, formée auprès d’un chef normand traditionnel, elle a dû réapprendre à utiliser les ingrédients locaux Aujourd’hui, elle met les techniques de la gastronomie française au serv ice du terroir congolais Herbes, champignons, tubercules et crustacées (bientôt du crocodile) sont au cœur de ses étonnantes
Ol iv ia Bumb a utili se sa fo rm ation au x te chniq ue s de la gastro nom ie frança ise po ur honorer le s ingréd ie nt s loc au x.
Ch ez Le Ch ef O’miel, le s plats so nt mis en sc ène com me de vé rita ble s œuvres d’ar t.
cartes de saison Seule femme dans un milieu hy permasculin, elle s’est battue pour défendre une cuisine curieuse, jolie et innovante, et son resto est désormais incontournable pour les food-lovers de Brazzaville. Le terroir est aussi à l’honneur chez Le Chef O’miel, à Librev ille. Ici, le chef O’miel Moundounga dresse avec brio la cartographie culinaire du Gabon depuis 2019, après avoir fait son apprentissage en pèlerinage à travers le pays, ce dont témoigne un impressionnant mur de masques, et avoir créé sa propre plantation à la sortie de la ville. Autodidacte, il tire d’un chef burk inabé l’idée que cuisiner, c’est redonner la vie à une nature morte, et de son parcours le respect pour les produits Parmi ses recettes phare, assaisonné avec épices anciennes, ce filet de capitaine fumé en plein air mis en table avec son charbon de bois Ou cette toile de sanglier, cuit sous vide à basse température et serv i avec quatre sauces sur une assiette blanche devenue palette d’artiste. Pour un goût qui slalome dans tous les sens @restolapirogue/@chefomiel ■ L.N.
DE SI GN
La bout iq ue de la Fondat ion ZI NSOU, à Cotonou, a l’œi l pour le design et honore l’ tisa nat du pays.
E » SIGNIFIE « joie dans la maison », en ruba. Fidèle à son nom, la boutique de la Zinsou propose un large choix de produits déco de la maison, mais aussi pour l’art de la vie quotidienne. Tout ici incarne le made in tamment par le biais d’artisans et artisanes Parmi les produits de la maison, qui signe et contribue au choix du design, on trouve tables poufs et crapauds (avec pieds amovibles) des pagnes tissés ou indigo, mais aussi des ur le sodabi, l’eau-de-vie locale distillée du vin des plateaux et dessous de verre artisanaux age à la bière béninoise, des sacs et housses n en wax et percale de coton du pays, ainsi ste choix de poteries. Si les porte-savons, les et les assiettes en terre cuite – les mêmes ouve dans le café de la Fondation à Ouidah –à la main au fil des saisons par les célèbres de Sè, d’autres petits produits, comme des outeaux et des dessous de verre carrés, sortent du nouveau four de la Fondation. Construit but d’élargir le panel de produits disponibles, ment béninois @ayodele_coo ■ L.N.
à la fois dansante, atmosphérique et planante de l’artiste métisse, d’origine tunisienne et cambodgienne, fusionne l’électro, les sonorités du désert, comme les percussions de Côte d’Ivoire où elle a grandi.
propos recu eillis par Astrid Krivian
Un air pour danser, s’abandonner à l’ivresse de la transe, mais aussi pour planer les yeux fermés, faire un voyage intérieur, nourrir l’imaginaire. La musicienne et compositrice Azu Tiwaline s’adresse tant au corps qu’à l’esprit. Sa musique électronique expérimentale, « deep », minimaliste, fait bouger les scènes underground et alternatives du monde, de l’Australie au Sénégal. Comme sur son dernier EP, Fluids in Motion, avec Forest Drive West, elle crée des paysages sonores, installe une atmosphère, travaille sur les ambiances, les textures, les effets. « Je veux donner l’impression que l’on est dans un vrai espace physique », détaille-t-elle. Plutôt qu’une mélodie, elle met en avant les boucles ry thmiques, répétitives, hy pnotiques.
« Ma musique est une quête vers un état de conscience modifiée qui nous libère, nous soigne. Je partage ce sentiment essentiel à tous : aimer et être aimés. » Sa démarche artistique prolonge ainsi son chemin spirituel ; dès l’enfance, elle fut sensibilisée par ses parents au bouddhisme, au soufisme, à l’hindouisme, au magnétisme, à la sophrologie. Sa large palette, allant de l’ambient contemplative planante à une fièvre dancef loor, s’enracine dans la techno des années 1990, le dubstep, la bass music, mais aussi dans les musiques populaires africaines polyr ythmiques. Née à Paris d’une mère tunisienne et d’un père cambodgien, elle grandit en Côte d’Ivoire dès ses trois ans. « Mes racines sont là-bas » Photographe-réalisateur, son père l’emmène les week-ends dans les fêtes traditionnelles de villages, qu’il documente. Elle assiste fascinée aux cérémonies de transe, captivée par le dialogue entre musique et danse. « C’était le danseur qui guidait les musiciens. » À son adolescence, la famille déménage en France, dans la région de Montpellier Elle découvre alors les rave parties, s’éprend de musique techno « Ces effets de transe, de répétition, ces ry thmes hy pnotisant aux racines tribales ont complètement résonné en moi. C’était une continuité des tambours et percussions d’Afrique de l’Ouest. » Elle chasse ainsi son mal du pays et apprend en autodidacte passionnée. Telle une cheffe d’orchestre, elle se réjouit de composer, programmer de la musique avec des machines, des boîtes à rythmes, des samplers, et même avec son vieil Atari. Elle commence à se produire dans les fêtes, les clubs, et tisse ainsi sa toile au fil des années. Aujourd’hui, quand elle ne tourne pas, elle vit entre le sudouest de la France et la Tunisie. Chaque hiver, elle se retire dans un village aux portes du désert tunisien, pour se ressourcer et imaginer sa musique face à l’immensité. « Un petit coin de paradis. Au calme, je me reconnecte à l’essentiel – les meilleures conditions pour laisser venir l’inspiration. Cet environnement influe sur ma musique. Je joue avec le silence comme si c’était une vraie note », confie celle qui consigne toutes ses idées – mots, couleurs, dessins – dans son cahier de « brainstorming » créatif. Un jour, dans un livre, elle trouve une interprétation poétique en tamazight d’« azu tiwaline » (« les yeux du vent »), et le choisit comme nom de scène. « Le vent est un élément primordial dans le désert : c’est le seul son que l’on y entend. Sans lui, règne le silence absolu. » ■
Fl uids in Motion, avec Fo re st Dr ive We st, Livit y Soun d Re cording s, 20 24.
«Ma musique est une quête vers un état de conscience modifée qui nous libère, nous soigne.»
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L’événement, à Paris, est presque passé inaperçu. Survenu en pleine tourmente politique, au lendemain de la dissolution de l’Assemblée nationale par le chef de l’État français… Pour tant, ce 20 juin, s’est tenu dans la capitale de l’Hexagone le Forum mondial pour la souveraineté et l’innovation vaccinales, annoncé comme un grand pas vers une nouvelle indépendance du continent. Car, enfin, l’Afrique impor te à ce jour 99 % de ses vaccins ! Tous fabriqués à l’étranger et facturés à des prix exorbitants
C’es t sûr em ent la cr is e du Covi d qu i a enfoncé le clou en matière de dépendance hallucinante des pays pauvres. Jean Kaseya, patron de l’agence de santé publique de l’Union africaine, a rappelé un mauvais souvenir : « Quand la vague Omicron a déferlé sur l’Inde en 2022, le Serum Institute of India, auprès duquel les pays africains avaient commandé des millions de doses de vaccin anti -Covid, a suspendu ses livraisons pour servir d’abord la population indienne. » Fabriquer ses propres vaccins, en cas de panique, ça aide. Mais quand même, pour les campagnes contre la polio chez les enfants ou pour les doses utiles aux épidémies successives de choléra, dont on entend parler depuis des décennies, c’est pas mal de commencer à se réveiller Certes, l’Alliance du vaccin (Gavi), co -organisatrice du Forum, et qui aide les pays à faibles revenus à introduire du sérum contre vingt maladies, a immunisé un milliard d’enfants depuis 20 00 Mais selon son président, José Manuel Barroso, « il y a encore des millions d’enfants qui n’ont jamais été vaccinés contre une seule maladie ».
Résultat du Sommet de Paris : un fonds de plus d’un milliard de dollars a été créé et un nouveau mécanisme financier innovant, baptisé African Vaccine Manufacturing Accelerator (AVMA), doit être lancé afin de donner enfin les moyens de leur autonomie aux pays africains Le but ? Produire 60 % des doses qui leur seront nécessaires On ne sait pas si, ni quand, ce fonds sera alimenté, bien sûr. Mais lancer l’idée que les pays produisent leurs propres « anticorps » ou accueillent des usines locales de grands labos internationaux du Sud sur leur sol, comme le sud- africain Biovac ou le sud- coréen EuBiologics, tous deux présents à Paris, c’est déjà un premier pas. Qui mérite d’être salué. Remettre sur le tapis la question d’une des dépendances africaines les plus délirantes, c’est important. À suivre… ■
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