AM Hors série Cameroun / Novembre 2018

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AFRIQUE MAGAZINE

LES

HORS SÉRIES

LE CAMEROUN, C'EST LE CAMEROUN! Émergence, développement, démocratie, unité… Voyage dans cette fameuse Afrique en miniature, au moment où le président Paul Biya vient d'être réélu pour un nouveau mandat. Et rencontre avec un peuple jeune, frondeur et qui innove.

AFRIQUE

POLITIQUE ◗ AMBITIONS D'AVENIR ◗ LES 10 PROMESSES

HORS -SÉRIE

MAGAZINE

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NOVEMBRE

2018

NOVEMBRE 2018

BILINGUISME UNE SPÉCIFICITÉ ÉCONOMIE UN REBOND DE CROISSANCE

www.afriquemagazine.com

PORTRAITS ELLES ET ILS INCARNENT DEMAIN LES INTERVIEWS EXCLUSIVES DE ◗ MINETTE LIBOM LI LIKENG ◗ ERNEST DIKOUM ◗ CYRUS NGO’O ◗ JEAN PAUL TCHOMDOU ◗ MARTIN CAMUS MIMB ◗ VIVIANE ONDOUA BIWOLE France 5,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € Canada 9,99 $C – DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € – Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 2900 FCFA ISSN 0998-9307X0

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Centre-ville de Yaoundé. File d'attente pour un taxi, en fin de journée.

M 05529 - 10H - F: 5,90 E - RD

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Société Nationale des Hydrocarbures Du gaz pour le Cameroun et les Camerounais Exportation du gaz naturel camerounais

Du gaz domestique pour le marché national Grâce au Floating Liquefied Natural Gas (FLNG), les ménages camerounais bénéficient depuis avril 2018, d’une offre additionnelle de gaz de pétrole liquéfié (GPL, communément appelé gaz domestique). La production annuelle attendue, de 30 000 tonnes de GPL, permettra de réduire le déficit observé sur le marché national.

Le FLNG permet surtout l’exportation du gaz naturel camerounais vers le marché mondial. A cet effet, le gaz naturel issu des champs Sanaga Sud et Ebome Marine est liquéfié à partir d’une usine flottante installée au large de Kribi, baptisée Hilli Episeyo. La production attendue de gaz naturel liquéfié (GNL) est de 1,2 million de tonnes par an.

De l’énergie pour les ménages et les industries La SNH approvisionne en gaz naturel la Centrale Thermique de Kribi, d’une capacité installée de 216 MW, pour la génération de l’électricité. Par ailleurs, les ressources du champ gazier Logbaba permettent d’approvisionner une quarantaine de sociétés industrielles parmi les plus importantes de Douala, qui les utilisent comme source d’énergie.

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A propos de la SNH La Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) est une entreprise publique créée le 12 mars 1980, dont le capital est entièrement détenu par l’Etat du Cameroun. Ses activités principales sont les suivantes : 1. La SNH identifie les zones du domaine minier pouvant renfermer des gisements de pétrole brut ou de gaz naturel et les met en promotion à travers des appels d’offres. 2. La SNH, en liaison avec tous les ministères concernés, négocie et signe les contrats avec les compagnies ayant manifesté un intérêt pour les zones en promotion. 3. La SNH suit l’activité des sociétés pétrolières et s’assure notamment du respect du programme de travaux et des dispositions légales relatives à la protection de l’environnement. 4. La SNH reçoit, en cas de découverte d’un gisement d’hydrocarbures économiquement rentable, la part de la production de pétrole brut ou de gaz naturel qui revient à l’État. 5. La SNH commercialise cette part et reverse au Trésor Public, après déduction des charges de production, les recettes issues des ventes d’hydrocarbures, qui contribuent au financement du budget de l’État.

Evolution des transferts à l’Etat (en milliards de Fcfa)

600

553,047

500

444,738 378,537

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300 200 100 0

2013

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Comparaison des prix moyens du Brent* Daté et des bruts camerounais (en dollars par baril)

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Le Brent, produit en mer du Nord, est la référence et le principal indicateur du marché londonien Intercontinental Exchange. C’est également le brut de référence des bruts camerounais.

Siège social : Yaoundé, Cameroun - B.P. : 955 - Téléphone : (237) 222 201 910 - Fax : (237) 222 209 869 - Site internet : www.snh.cm


ÉDITO

PAR EMMANUELLE PONTIÉ

Exception africaine

L

e Cameroun, c’est le Cameroun ! Il n’y a plus besoin de mettre de guillemets autour de cette petite phrase. Chacun connaît son auteur. Mais Paul Biya ne pensait pas, en la prononçant il y a bien longtemps, qu’elle deviendrait une véritable doctrine nationale. Ce grand pays d’Afrique centrale, bilingue, fort de plus de 200 ethnies, carrefour incontournable pour le commerce et les échanges de la sous-région, vient de réélire pour sept années l’hôte du palais d’Etoudi. Pour beaucoup, le Cameroun est une énigme. Un chef d’État qui a installé un système hors normes, dont il est le seul à détenir les clés, où la discrétion totale est de rigueur, et qui officie dans un palais où les gens chuchotent lorsqu’ils se croisent. Un mode de gouvernance où l’absence de communication laisse libre cours à toutes les rumeurs dans les quartiers comme dans les salons privés des élites. Un peuple bosseur, inventif, talentueux, formé, qui sait saisir les opportunités de business, ose se lancer à son propre compte, collectionne les mini-entreprises ou les boulots lucratifs, humant l’air du temps et les bonnes affaires et s’engouffrant avec courage dans de nouvelles filières. Un pays où plus de la moitié de la population a moins de 25 ans, et bouillonne d’envies, d’attentes, d’espoirs pour demain. Une nation enfin qui trouve son sédiment dans le profond attachement à la paix des populations, qui a toujours su résister aux secousses, aux tentatives de déstabilisation, aux risques de divisions. C’est justement ce Cameroun pluriel qui fait front, qui avance, dont les fondamentaux résistent, et qui se trouve à l’aube d’une nouvelle ère et d’un nouveau septennat, que ce numéro a choisi de vous présenter. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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À travers ses bons indices économiques et les réalisations d’envergure de ces dernières années qui commencent à porter leurs fruits. À travers les attentes sociales et les impatiences. À travers ses atouts aussi, notamment touristiques. Mais surtout, nous sommes partis à la rencontre de celles et ceux qui font bouger le pays, qui créent, qui innovent, à travers des idées, des convictions, des ambitions. Car au-delà du potentiel infini de ce pays que l’on a pour habitude d’appeler l’« Afrique en miniature », une manière de montrer à quel point tous les climats, les reliefs et les cultures du continent y sont réunis, la véritable richesse du Cameroun est à coup sûr la qualité de ses ressources humaines. Et on les retrouve ici dans des domaines aussi variés que la politique, Un système la société civile, le secteur capable aérien, l’auto-entrepreneuriat, de solder les médias, l’agrobusiness, les nouvelles technologies… les comptes Nous avons rencontré du passé et des femmes et des hommes de proposer qui ont réussi et vivent un modèle leur passion. Un pour demain. pleinement hors-série de 100 pages pour illustrer au mieux la devise « Le Cameroun, c’est le Cameroun ! », qui détaille les réalités d’un pays farouchement attaché à ses cultures et à son identité, tout en regardant vers le monde. Les réalités d’une nation qui avance, entre changements et continuité, selon une alchimie particulière, qui ne ressemble à celle d’aucune autre terre africaine. Un numéro spécial pour mieux comprendre un mode de gouvernance, un peuple et ses aspirations. Pour mieux comprendre le Cameroun d’aujourd’hui… ■ 3


SECTEUR DE L’EAU POTABLE AU CAMEROUN: DE NOUVELLES AMBITIONS Le 20 février 2018, le Président de la République du Cameroun, Chef de l’État, a signé le décret N° 2018/144 portant réorganisation des activités et des missions de la Cameroon Water Utilities Corporation (CAMWATER). Placée sous la tutelle technique du Ministre de l’Eau et de l’Énergie et la tutelle financière du Ministre en charge des Finances, la CAMWATER a pour objet la gestion des biens et droits affectés au service public de l’eau potable, ainsi que l’exploitation du service public de production, de transport, de distribution et de commercialisation de l’eau potable en milieu urbain et périurbain. L’usine de production de Yato (Douala).

MISSIONS ● Planification, réalisation d’études, maîtrise d’ouvrage, recherche et gestion des finances pour l’ensemble des infrastructures et ouvrages nécessaires au captage, à la production, au transport et à la distribution de l’eau potable ; ● Construction, maintenance, renouvellement et gestion des infrastructures de production, de stockage, de transport et de distribution de l’eau potable ; ● Information et sensibilisation des usagers au service public de l’eau potable et à celui de l’assainissement liquide ; ● Réalisation des travaux d’extension ou de réhabilitation ; ● Entretien des infrastructures de traitement d’eau et des activités liées à la fonction commerciale (relève, facturation et encaissement des recettes).

La CAMWATER peut en outre : ● Acquérir, obtenir et exploiter des concessions relatives à son objet social ; ● Assurer la construction et la gestion des infrastructures liées au service public d’assainissement, notamment la collecte, le transport et l’épuration des eaux usées.

OBJECTIFS ● Assurer la mission de service public de l’eau potable ; ● Améliorer l’accès à l’eau potable ; ● Augmenter la capacité de production en eau potable ; ● Améliorer le taux de desserte dans les villes ; ● Améliorer la qualité de service rendu aux clients ; ● Réhabiliter les ouvrages de production ; ● Réaliser les travaux d’extension du réseau d’eau potable.

Château-réservoir d’eau de Djoungolo (Yaoundé).

Cascades d’aération de la station de traitement d’eau de la Mefou (Yaoundé).


PUBLI-INFORMATION

Nommé directeur général de la Camwater le 10 novembre 2017, Gervais BOLENGA est un administrateur civil principal. Il commence sa carrière en 1999 au Cabinet du Premier Ministre où il assure tour à tour les fonctions d’adjoint à la recherche et d’agent de recherche jusqu’en 2003. Cette année-là, il est nommé Secrétaire adjoint des Conseils Ministériels au Secrétariat Général de la Présidence de la République, puis il est promu au poste de Secrétaire des Conseils Ministériels en 2010. Parallèlement, il occupe les hautes positions de Représentant de la Présidence de la République auprès des Comités de pilotage du projet Lom Pangar, à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives et au Conseil d’administration du Port autonome de Kribi. De 2012 à 2017, il préside diverses commissions ministérielles sur les marchés publics, respectivement au ministère des Forêts et de la Faune et au ministère du Cadastre et des Affaires foncières. Gervais BOLENGA est titulaire d’un diplôme d’Études Approfondies en droit public. Il est Chevalier de l’Ordre National de la Valeur et un acteur sociopolitique reconnu, membre de la délégation permanente du Comité central du RDPC pour le département de Boumba et Ngoko.

CAMWATER B.P. : 524 Douala Tél : +237 233 42 96 84/233 43 72 69 Fax : +237 233 43 72 70 E-mail : infos@camwater.cm Site Web : www.camwater.cm Centre d’appel : 8121

«

Matérialiser la vision du Chef de l’État »

Quels avantages pour les consommateurs d’eau potable au lendemain de la réorganisation de la CAMWATER et comment se porte le secteur au Cameroun ? Gervais Bolenga : Les effets des changements que nous sommes en train d’implémenter sur le terrain seraient de plus en plus perceptibles, selon les remontées d’informations en notre possession, et nous exhortent à plus d’engagement et d’inventivité dans l’action. Cela a été rendu possible grâce à la bonne préparation du processus de clôture du contrat d’affermage, au professionnalisme des équipes dédiées à la tâche et à la grande expérience du personnel hérité de la CDE, entièrement reversé à la CAMWATER, dont certains sont à l’ouvrage dans le secteur de l’eau depuis une bonne trentaine d’années. Cette expérience a été nécessaire et a permis une transition réussie, dans le respect des directives gouvernementales pour que leur intégration se fasse avec le plus grand soin. Dès lors, les premières mesures prises ont été l’amélioration du cadre de travail, de l’accueil des usagers, la réduction des délais d’intervention des équipes sur le terrain. Nous avons

engagé des mesures pour améliorer nos performances et lutter contre les pertes et les fuites d’eau occasionnées par des casses multiples. Un Dispositif de Réaction Rapide a vu le jour dans le but d’apporter des réponses urgentes et immédiates aux incidents survenant dans le réseau. Les résultats obtenus sont encourageants. Nous avons engagé des actions pour améliorer notre image de marque auprès de nos différents publics qui sont nos abonnés et nos partenaires. Notre objectif est de matérialiser la vision du Chef de l’État, de permettre l’amélioration du taux de desserte de l’eau potable et de renforcer l’efficacité et le déploiement opérationnel du concessionnaire ; dans un cadre juridique rénové offrant plus de ressources donc une plus grande autonomie. À cet effet, la CAMWATER est désormais en capacité d’implémenter efficacement plus de projets sur fonds propres et de réduire sa dépendance aux subventions de l’État ou vis-à-vis des bailleurs de fonds. Nous travaillons en outre à assurer la maintenance de nos équipements les plus vétustes pour garantir leur performance.


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Exception africaine

HORS

par Emmanuelle Pontié

SÉRIES NOVEMBRE 2018

LE CAMEROUN, C'EST LE CAMEROUN!

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par Zyad Limam

INTERVIEWS

POLITIQUE ◗ AMBITIONS D'AVENIR ◗ LES 10 PROMESSES BILINGUISME UNE SPÉCIFICITÉ

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ÉCONOMIE UN REBOND DE CROISSANCE

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PORTRAITS ELLES ET ILS INCARNENT DEMAIN

France 5,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € Canada 9,99 $C – DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € – Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 2900 FCFA ISSN 0998-9307X0

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PHOTO DE COUVERTURE : JEAN-PIERRE KEPSEU

POUR CONCLURE

Émergences camerounaises

Émergence, développement, démocratie, unité… Voyage dans cette fameuse Afrique en miniature, au moment où le président Paul Biya vient d'être réélu pour un nouveau mandat. Et rencontre avec un peuple jeune, frondeur et qui innove.

LES INTERVIEWS EXCLUSIVES DE ◗ MINETTE LIBOM LI LIKENG ◗ ERNEST DIKOUM ◗ CYRUS NGO’O ◗ JEAN PAUL TCHOMDOU ◗ MARTIN CAMUS MIMB ◗ VIVIANE ONDOUA BIWOLE

ÉDITO

« Généraliser l’usage des TIC dans la société »

Centre-ville de Yaoundé. File d'attente pour un taxi, en fin de journée.

M 05529 - 10H - F: 5,90 E - RD

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MINETTE LIBOM LI LIKENG

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ERNEST DIKOUM

« Le chemin parcouru jusqu’ici est très encourageant »

ANNONCEURS Société Nationale des Hydrocarbures p. 2 – Camwater p. 4-5 – Hôtel Sawa p. 67 – Société de Presse et d’Editions du Cameroun (SOPECAM) p. 77 – Tradex p. 99 – Emploi Service p. 100. Un encart AM promo de 6 pages est inséré entre les pages 37 et 42.

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PRÉSIDENCE DU CAMEROUN - VICTOR ZEBAZE (2)

54 CYRUS NGO’O « Plus de performance, d’attractivité et de compétitivité » 64 JEAN PAUL TCHOMDOU « Former les jeunes à l’entrepreneuriat et au leadership » 72

MARTIN CAMUS MIMB

« Avancer en se disant qu’il n’y a pas de limites » 78

VIVIANE ONDOUA BIWOLE

« Ma passion pour la bonne gouvernance »

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AFRIQUE MAGAZINE

FONDÉ EN 1983 (34e ANNÉE) 31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE Tél. : (33) 1 53 84 41 81 – Fax : (33) 1 53 84 41 93 redaction@afriquemagazine.com

Zyad Limam DIRECTEUR DE LA PUBLICATION DIRECTEUR DE LA RÉDACTION

zlimam@afriquemagazine.com

Assisté de Nadia Malouli nmalouli@afriquemagazine.com

p. 60

RÉDACTION

Emmanuelle Pontié

DIRECTRICE ADJOINTE DE LA RÉDACTION

epontie@afriquemagazine.com

Isabella Meomartini DIRECTRICE ARTISTIQUE

imeomartini@afriquemagazine.com

Jessica Binois

PREMIÈRE SECRÉTAIRE DE RÉDACTION

sr@afriquemagazine.com

Amanda Rougier PHOTO arougier@afriquemagazine.com ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO François Bambou, Camille Deutschmann, Franck Fosso, Alexandra Voeung.

TEMPS FORTS 8

VENTES EXPORT Arnaud Desperbasque TÉL.: (33) 5 59223575 France Destination Media 66, rue des Cévennes 75015 Paris. Tél.: (33)156821200

PERSPECTIVES

Ambitions d’avenir 14

POLITIQUE

Les 10 promesses 20

ABONNEMENTS Com&Com/Afrique magazine 18-20, av. Édouard-Herriot 92350 Le Plessis-Robinson Tél. : (33) 1 40 94 22 22 Fax : (33) 1 40 94 22 32

POPULATION

Intégration : les secrets d’un savant dosage 22

afriquemagazine@cometcom.fr

ENSEIGNEMENT

Bilinguisme : une spécificité camerounaise 44

BUSINESS

COMMUNICATION ET PUBLICITÉ

p. 68

Un rebond de croissance 50

GRANDS TRAVAUX

Infrastructures : les premiers effets 60

AFRIQUE MAGAZINE EST UN MENSUEL ÉDITÉ PAR

TRADITIONS

VICTOR ZEBAZE - JEAN-PIERRE KEPSEU (2)

Tontine : un pour tous, tous pour un 68

31, rue Poussin - 75016 Paris. PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL : Zyad Limam.

COUPE DES NATIONS

Compogravure : Open Graphic Média, Bagnolet. Imprimeur: Léonce Deprez, ZI, Secteur du Moulin, 62620 Ruitz.

Au pays du foot roi 82

PORTRAITS

Commission paritaire : 0219 D 85602 Dépôt légal : novembre 2018.

Elles et ils incarnent le Cameroun en marche 90

PORTFOLIO

Tourisme : l’Afrique en miniature

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Ensuite/AMC 31, rue Poussin - 75016 Paris Tél.: (33)153844181 – Fax: (33)153844193 GÉRANT Zyad Limam DIRECTRICE GÉNÉRALE ADJOINTE Emmanuelle Pontié regie@afriquemagazine.com CHARGÉE DE MISSION ET DÉVELOPPEMENT Élisabeth Remy

p. 90

La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos reçus. Les indications de marque et les adresses figurant dans les pages rédactionnelles sont données à titre d’information, sans aucun but publicitaire. La reproduction, même partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction. © Afrique magazine 2018.

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PERSPECTIVES

AMBITIONS D’AVENIR


Le septième septennat de Paul Biya, qui a prêté serment le 6 novembre, sera placé sous le signe de la restauration de la paix et de l’accélération des retombées sociales de la croissance. Le chef de l’État devra répondre aux attentes multiples d’un pays exigeant. par Emmanuelle Pontié

PRÉSIDENCE DU CAMEROUN

Le président et son épouse Chantal Biya font leur entrée au palais de l’Unité après la prestation de serment le 6 novembre 2018.


PERSPECTIVES

L’hôte d’Etoudi connaît mieux que personne

Soirée au palais en l’honneur du couple présidentiel.

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les enjeux des années qui viennent.

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e 7 octobre dernier, les Camerounais sont allés voter et ont renouvelé leur confiance au président Paul Biya. Ils ont adhéré à « la force de l’expérience », le slogan de campagne du chef de l’État sortant, qui a remporté l’élection avec 71,28 % des voix. Une expérience de trentesix ans et un septième mandat, pour lequel il a prêté serment le 6 novembre. Une sorte de continuité, ont pensé et écrit certains. Pourtant, pour ceux qui connaissent bien le pays et son histoire contemporaine, le déroulement de cette présidentielle aura été radicalement différent des précédents. Pour la première fois, les 18 recours postélectoraux de l’opposition – incarnée principalement par l’ancien ministre délégué à la Justice Maurice Kamto et son parti, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), qui a remporté 14,23 % des suffrages – ont été examinés par le Conseil constitutionnel en direct à la télévision nationale. Cette retransmission-fleuve, qui a montré durant trois jours sans discontinuer et en toute transparence l’intégralité des débats contradictoires, a été suivie avec un engouement sans précédent par le peuple camerounais. Les conversations animées ont duré jusqu’au bout de la nuit dans les maquis, de Maroua à Ebolowa, témoins d’une passion nouvelle pour la politique, les enjeux et les défis de toute une nation. On a pesé et soupesé les actions des mandats passés, celui des « grandes ambitions », celui des « grandes réalisations ». On a commenté les réformes, les programmes, les plans d’urgence ou de lutte contre la pauvreté, en recensant les fruits qu’ils ont portés ou non, ce qui a marché ou moins. On a constaté les avancées. Dans la lutte efficace contre les assauts terroristes de la secte Boko Haram dans l’Extrême-Nord ou encore dans la politique des grands travaux qui a fait sortir de terre des barrages ou des centrales. On s’est inquiété de la crise anglophone qui continue à frapper deux régions, en proie aux violences d’un groupe de sécessionnistes. On a reparlé de l’impatience des populations dans le domaine du social, de la santé, du chômage. On a aussi entendu des associations demander que la jeunesse soit davantage intégrée dans la société, à des postes décisionnaires ou à des postes tout court.

PRENDRE EN COMPTE LES EXIGENCES PRÉSIDENCE DU CAMEROUN

Des sujets aussi divers que le renforcement de la lutte contre la corruption, l’accès aux nouvelles technologies ou l’accélération de la marche vers l’émergence ont été débattus. Utilement. Démocratiquement. Avec des exigences reformulées et renforcées. Le candidat du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), 85 ans, habile connaisseur de son pays et de son peuple, avait pris soin dans son programme de campagne décliné en 10 points, ainsi que dans HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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PERSPECTIVES

son discours préélectoral prononcé à Maroua, capitale de l’Extrême-Nord, de prendre en compte ces exigences et ces impatiences multiples. À l’aube de son nouveau septennat, l’hôte du palais d’Etoudi connaît mieux que personne les enjeux des années qui viennent. Et les priorités de ce septennat, qui pourrait être le dernier. Après les grandes réalisations, comme le port de Kribi, les barrages de Lom Pangar ou de Memve’ele, les ouvrages d’adduction d’eau potable et les diverses centrales électriques qui sont lancées ou déjà opérationnelles, et dont les retombées concrètes sont déjà visibles, deux urgences s’imposent à Paul Biya : préserver l’intégrité du territoire et restaurer la paix, d’une part, et accélérer les chantiers du social qui tardent encore à satisfaire les populations, d’autre part.

PRÉSERVER L’INTÉGRITÉ DU TERRITOIRE Côté sécurité, les exactions de la secte Boko Haram dans l’Extrême-Nord sont à ce jour plus ou moins contenues. Les attaques d’envergure à l’arme lourde et les enlèvements ont cessé, laissant la place à des attentats sporadiques, souvent perpétrés par des bombes humaines isolées faisant des dégâts sur les marchés de villages. L’armée camerounaise, soutenue à grand renfort de moyens coûteux, gère. Reste la situation économique dramatique de tout le Grand Nord – où l’activité des entreprises, le commerce, l’agriculture et le tourisme ont été stoppés –, qu’il faut aujourd’hui restaurer d’urgence. Le second front d’insécurité, qu’ont dressé les indépendantistes dans les deux régions anglophones du Nord-Ouest et du SudOuest, n’est toujours pas maîtrisé. Et l’inquiétude nationale qu’il engendre, avec son lot de violences et de déplacés, aura sans doute pesé dans la réélection de Paul Biya, perçu dans

l’opinion comme étant le seul vraiment « armé » pour y mettre fin. Les Camerounais, farouchement attachés à l’intégrité de leur territoire, et habitués à vivre en paix depuis des décennies sans aucun conflit interethnique, voient d’un mauvais œil un avenir troublé par des scissions internes d’origine linguistique ou raciale. Depuis trente-six ans, le chef de l’État rappelle à chaque fin de discours que le mot « paix » est en tête de la devise nationale. Et sa priorité, dans les mois qui viennent, sera de la faire respecter. À n’importe quel prix.

LA JEUNESSE EN AVANT Second chantier central du septennat : le social. Malgré la batterie de réformes et de programmes mis en place en faveur de l’emploi, de l’accès aux services de base comme l’eau, l’électricité ou encore la santé, les attentes des populations ne sont pas encore satisfaites. Et l’impatience gronde dans les quartiers. De nouvelles mesures efficaces devront venir compléter le premier plan d’urgence lancé en 2014 qui devait soutenir la croissance et accélérer la construction de logements sociaux ou encore la mise à niveau des plateaux techniques des hôpitaux publics. Parmi elles, on attend la création d’une couverture médicale universelle. D’autres promesses concernent en particulier l’accès à l’emploi pour les jeunes. Et, plus largement, leur insertion dans la vie sociale et publique. De fait, Paul Biya a placé la jeunesse au cœur de son credo de campagne. En créant notamment une composante nouvelle qui devra être prise en compte dans l’élaboration de toute politique publique, intitulée « besoins des générations futures ». Dans une société culturellement gérontocrate, où les moins de 40 ans n’ont pas vraiment droit au chapitre,

QUAND LA DIASPORA S’INVESTIT

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éputée industrieuse et dynamique, Miranda Oben est la nouvelle égérie de la diaspora camerounaise. Depuis trois ans, cette ingénieure en informatique qui opère dans l’événementiel a mis sur pied The Returnees Project, un événement annuel célébrant les entrepreneurs de la diaspora qui défient l’incertitude pour revenir investir au Cameroun. Et elle a de quoi faire. Car ils sont de plus en plus nombreux, ceux des Camerounais parmi les 5 millions qui vivent hors des frontières nationales, à rentrer au pays pour lancer des projets dans divers domaines

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novateurs afin de participer à la construction de leur patrie d’origine. Cette envie de participer au développement du Cameroun est d’ailleurs une sorte de passion pour certains, à l’exemple de Jean Biangue Tinda, ingénieur formé en Allemagne, auteur d’un annuaire électronique des compétences de la diaspora camerounaise : « J´ai eu la chance de recevoir une bourse de l´État camerounais. On me l’a octroyée grâce à mon rendement scolaire, mais sans elle, je n´aurais sûrement jamais bénéficié de l´une des formations les plus pointues en électrotechnique

dans une université allemande. J´ai toujours ressenti l’envie de rendre ce que j´ai reçu. C´est une dette morale envers les miens. Il faut que les Camerounais comprennent que leurs fils et filles qui sont hors du pays aimeraient tous participer à la construction nationale », expliquait-il à l’occasion d’un forum de la diaspora, organisé en 2012 à Yaoundé. Une philosophie qu’applique également Ernest Simo, l’une des icônes de la diaspora camerounaise. Ce brillant ingénieur de la Nasa développe plusieurs projets dans les télécommunications à travers

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c’est une réelle avancée. Du moins sur le papier. Car c’est sans doute sur les réponses aux attentes de la jeunesse que se jouera la réussite du prochain septennat. Aujourd’hui, plus de la moitié des Camerounais ont moins de 25 ans, ce qui nécessite davantage d’infrastructures universitaires, d’écoles de formation aux filières adaptées au marché de l’emploi, de logements, d’accès aux services de base, aux nouvelles technologies, etc. Il s’agira aussi de renouveler les classes dirigeantes de la société, en osant confier à des jeunes des postes à responsabilités, dans le public comme dans le privé. La diaspora, talentueuse, formée à l’étranger, attend qu’on lui tende la main pour rentrer et contribuer à la création de

richesse dans son pays. Déjà, nombre de moins de 40 ans ont lancé leur propre affaire à Douala, créé une start-up prometteuse à Yaoundé, lancé une exploitation agricole à Bafoussam ou une entreprise d’élevage à Garoua. Et de nombreux autres espèrent juste un coup de pouce ou une mesure efficace pour accompagner leur intégration dans le monde du travail. Les ressources humaines camerounaises ont la réputation d’être bien formées et sont très recherchées dans la sous-région. Elles sont particulièrement aptes à développer leur pays, fort d’un potentiel infini, tous domaines confondus. C’est le pari de la jeunesse que devra réussir l’hôte du palais d’Etoudi. La véritable ambition du septième mandat de Paul Biya. ■

JEAN-PIERRE KEPSEU

Le Premier ministre Philémon Yang a présidé le Forum de la diaspora, en juin 2017 à Yaoundé.

le monde. Ses nombreuses inventions l’ont fait classer dans le top 50 des scientifiques les plus distingués de la planète. Il ne manque aucune occasion de revenir au Cameroun pour y investir et partager son savoir-faire à travers des conférences dans les universités. Cette volonté de retour est fortement encouragée par le gouvernement et Paul Biya avait personnellement exhorté la diaspora à rentrer lors d’une rencontre à Paris

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en juillet 2009 : « Je voudrais que vous sachiez que je suis informé du caractère industrieux de vos communautés, et pour beaucoup, du haut degré de compétence dont vous faites preuve. Vous faites ainsi honneur au Cameroun, et je tiens à vous en exprimer toute mon appréciation. Mais il va sans dire que mon vif souhait est de vous voir un jour mettre le savoir et le savoir-faire que vous avez pu acquérir au prix de tant d’efforts personnels, et pour certains,

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grâce à l’assistance de l’État, que vous mettiez ces talents au profit du développement du Cameroun. » En juin 2017, le gouvernement a organisé le Fodias, le premier Forum de la diaspora, sur le thème « Le Cameroun et sa diaspora : agir ensemble pour le développement de la nation ». Une initiative très appréciée par les Camerounais de l’étranger, qui ont fait le déplacement en masse pour participer aux travaux. ■ François Bambou

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POLITIQUE

LES 10 PROMESSES Le 7 octobre dernier, Paul Biya a de nouveau bénéficié de la confiance du peuple. Mais avec un bilan qu’il juge lui-même « perfectible », il est attendu pour un septième mandat aux multiples enjeux.

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par François Bambou

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Campagne de dépistage gratuit des maladies cardiovasculaires à Yaoundé.

Améliorer davantage les conditions de vie

Assurer l’accès équitable, à toutes et à tous, aux services sociaux de base, en particulier la santé, l’eau, l’électricité, l’éducation. Tel est l’engagement majeur pris par Paul Biya : « L’amélioration des conditions de vie des Camerounaises et des Camerounais sera mon principal objectif », a-t-il indiqué, évoquant entre autres l’accélération de la mise en place d’une assurance santé universelle, le relèvement du pouvoir d’achat et la multiplication des initiatives et actions en vue de réduire la pauvreté. Autres engagements dans ce sens, la répartition équitable du fruit de l’effort national de développement, et la prise en compte de la croissance démographique dans l’élaboration des politiques publiques et la construction des infrastructures. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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e Cameroun a vécu une campagne électorale exceptionnelle pendant laquelle presque tous les candidats ont formulé des offres politiques profondes, esquissé des solutions aux principaux maux de la société, et mis le pouvoir face à ses responsabilités, à son bilan reconnu comme « perfectible », y compris par Paul Biya lui-même. Si finalement le vote majoritaire s’est porté sur le président candidat, avec une confiance renouvelée, ce dernier aura compris que les citoyens, arrimés au village planétaire, sont plus exigeants que par le passé. La jeunesse peut désormais observer le monde entier et comparer son sort à ce qui se fait ailleurs. Le chef de l’État sortant, qui a surtout fait valoir sa longue expérience dans la gestion de la chose publique, a recensé dans sa profession de foi les principaux défis auxquels la nation est confrontée, et pris des engagements pour apporter des solutions aux attentes des populations. Les enjeux : valoriser le potentiel économique du pays, mieux redistribuer la croissance, et surtout ramener la quiétude dans tous les coins du triangle national. Un programme que le candidat du RDPC a présenté en 10 points. Revue en détail.


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Des étudiants de l’Institut national de la jeunesse et des sports défilent avec le drapeau lors de la fête de l’unité du 20 mai 2018.

Continuer à consolider la paix

Réputé pour être un havre de paix dans une sous-région agitée par des conflits meurtriers dans plusieurs pays, le Cameroun est depuis trois ans le théâtre d’exactions terroristes commises par la secte islamiste Boko Haram dans le Nord et de velléités séparatistes dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Point commun entre ces deux phénomènes : des pertes en vies humaines, des destructions d’édifices publics et de biens privés, et un nombre important de déplacés et de réfugiés, qui errent dans le dénuement le plus total. De quoi rappeler à la conscience nationale que la paix est précieuse, credo historique du président camerounais : « La paix est le premier terme de la devise de notre pays. C’est aussi l’un de nos principaux défis. Face aux menaces récurrentes qui pèsent sur la paix, nous devons tout faire pour la préserver. » Mesurant l’ampleur de la menace, Paul Biya s’est engagé durant la campagne à maintenir la paix sur l’ensemble du territoire national, à assurer la liberté de mouvement à chacune et à chacun sur toute son étendue : « Je m’engage à faire de la paix une des valeurs de notre identité nationale ; à consolider la paix dans les cœurs et dans les esprits en créant les conditions de développement de la culture de la paix à l’école et dans les familles, à assurer le fonctionnement harmonieux des insHORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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titutions publiques afin de contribuer au bon exercice de la démocratie dans notre pays. » Naturellement, cette quête de quiétude pour ses compatriotes passe aussi par la lutte acharnée contre le terrorisme, l’intolérance, les discriminations et les injustices. Diverses actions de reconnaissance nationale seront instituées, a promis Paul Biya, pour les Camerounais qui œuvrent de manière particulière en faveur de la paix.

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Sauvegarder l’unité nationale

et l’intégrité territoriale

Le concept le plus cher au pays est l’unité. Et elle est encore menacée sur ce territoire de 475 000 km2, habité par plus de 200 ethnies, et offrant différents héritages coloniaux à gérer dans la paix. « Ma candidature est celle de l’affirmation de l’unité nationale dans la diversité », affirme d’emblée Paul Biya à ce sujet. Tout en respectant donc cette diversité et les singularités de chaque communauté, celui-ci a pour ambitions de poursuivre la mise en œuvre de la décentralisation dans un Cameroun uni et indivisible, de promouvoir davantage la connaissance et le respect des emblèmes nationaux, de continuer à garantir la diversité culturelle, ethnique, linguistique et confessionnelle dans le respect de l’unité nationale, de protéger jalousement les frontières nationales, ainsi que veiller aux équilibres fondamentaux de l’unité du pays. 15


POLITIQUE

« Nous devons atteindre l’émergence en stimulant notre développement économique et social afin de permettre à nos compatriotes de vivre dans un pays prospère et stable, dont les générations actuelles et futures seront fières », a déclaré le chef de l’État. Dans ce domaine, incontournable préalable à la réalisation des autres engagements présidentiels, il s’agira à la fois de renforcer la lutte contre la corruption et le détournement des biens publics, et de poursuivre la transformation structurelle de l’économie ainsi que sa diversification. Augmenter sa productivité et accélérer la réalisation des projets structurants. Atout principal : l’agriculture. Le président annonce l’avènement de l’agriculture de deuxième génération par la facilitation de l’accès au crédit et le développement des chaînes de valeur agricoles, tout en assurant la protection de l’agriculture de subsistance. Pour ce qui est des activités pastorales, il a promis d’encourager l’élevage et d’assurer une organisation rationnelle de « l’économie bleue » à travers une meilleure maîtrise de la pêche et une exploitation appropriée des ressources halieutiques. L’aménagement des terres pour faciliter le développement agricole et industriel sera de mise, ainsi que le développement des industries de transformation locale des matières premières dans le respect de l’environnement, moyennant l’exploitation rationnelle et

durable des ressources du sol et du sous-sol. Un soutien accru sera apporté aux PME et PMI sous des formes variées, et les incitations à l’investissement privé national et étranger seront améliorées, en particulier en ce qui concerne l’accès au crédit.

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Renforcer l’innovation

Depuis quelques années déjà, Paul Biya martèle, au détour de ses discours, que l’avenir réside dans la digitalisation de l’économie nationale, et qu’il faut généraliser l’utilisation des technologies de l’information dans toutes les couches de la population. « L’innovation est au cœur de notre projet d’accès à l’émergence, parce qu’elle génère la croissance et accroît la compétitivité », a-t-il déclaré durant la dernière campagne. Dans ce domaine où il ambitionne de « faire du Cameroun un pôle africain de référence dans l’économie numérique » en assurant la connexion équitable de toutes les régions aux technologies de l’information et de la communication (TIC), il s’est engagé à soutenir la recherche tant dans les institutions publiques que dans le secteur privé et à mettre le numérique au service des grands secteurs pourvoyeurs d’emploi. Il s’agira d’accélérer l’intégration des TIC dans l’ensemble du système éducatif, et de promouvoir leur appropriation par les institutions publiques en vue d’améliorer la qualité de la gouvernance.

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Accélérer la marche vers l’émergence

Le Village androïde 2016 de Yaoundé, un espace pour promouvoir le numérique. 16

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Accroître le rôle des femmes et des jeunes

Les jeunes représentent la majorité de la population et, bien que la situation des femmes camerounaises soit plutôt enviée dans les autres pays africains, Paul Biya voudrait la rendre meilleure : « Mieux que par le passé, nous devons accorder aux femmes et aux jeunes une juste place dans la société, non seulement au regard de leur poids démographique, mais aussi en considération de l’énergie dont ils sont porteurs. » Il s’agit donc, dans les sept ans qui viennent, d’améliorer le niveau de participation des femmes et des jeunes dans la vie politique, économique, sociale et culturelle. Raison pour laquelle le président a choisi d’accélérer le processus d’institutionnalisation de la parité femmeshommes et de renforcer la prise en compte des besoins des femmes et des jeunes dans les politiques publiques sectorielles. Mais surtout, la grande nouveauté annoncée sera la création de la catégorie « besoins des générations futures » dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques.

« En dépit des efforts accomplis pour faire de la lutte contre l’exclusion un impératif de l’action publique, les performances réalisées restent encore perfectibles. » C’est un chef d’État réaliste qui s’exprimait ainsi dans sa profession de foi. Un exercice de sincérité qui lui a permis de formuler quelques promesses fortes, en guise de solutions. Il a ainsi annoncé la prise en compte systématique des catégories vulnérables dans la mise en œuvre des politiques publiques et dans le fonctionnement des institutions, et le renforcement du soutien des pouvoirs publics aux initiatives privées en matière d’assistance. Pour y arriver, le président entend « renforcer les ressources du ministère des Affaires sociales pour plus d’efficacité dans son action et assurer la stabilité des revenus des plus défavorisés ». Il s’est également engagé à « renforcer davantage l’égalité des chances entre tous, sans discrimination fondée sur le sexe, la religion, la langue ou l’ethnie, à résorber les déséquilibres territoriaux, notamment en renforçant les opportunités d’épanouissement dans les zones rurales et périphériques, en accélérant la création des conditions d’exploitation optimale des potentialités de développement de chaque localité ». Sur le plan de la santé, dont

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Inscription au plan triennal spécial jeunes en juillet 2018 au palais polyvalent des sports, à Yaoundé.

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Renforcer la lutte contre l’exclusion

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POLITIQUE

le coût reste très élevé pour une qualité médiocre de prestations, le chef de l’État a promis de faciliter l’accès aux soins médicaux des malades atteints de pathologies rares et d’améliorer les plateaux techniques des nombreuses formations sanitaires du pays. Le but : permettre à toutes les catégories sociales d’accéder plus facilement à des soins de qualité.

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Apporter un soutien accru aux arts, aux sports et à la culture

Premier supporter des sportifs et artistes camerounais, Paul Biya ne manque pas d’ambition pour ses compatriotes qui expriment leurs talents dans ces disciplines : « Les arts, les sports et la culture sont des facteurs incontournables de l’affirmation de l’identité nationale et de la réalisation de notre vivre-ensemble. Ils constituent également un pôle non négligeable de production de richesse. » Il s’est donc engagé à renforcer le rôle du sport, de l’art et de la culture dans le rayonnement du Cameroun, tout en renforçant la défense et la protection des œuvres et des droits des artistes. Autre grand chantier, la construction et la maintenance des infrastructures pour la pratique du sport de haut niveau et du sport pour tous. Un secteur actuellement en ébullition, grâce à la préparation de la Coupe d’Afrique des nations 2019. Dans ce domaine, les principales innovations restent cependant la mise en place d’un statut de sportif de haut niveau et l’intégration des TIC dans la gestion des arts et de la culture. Pour ce qui est de la promotion des cultures camerounaises, quand le président dit vouloir veiller à l’affirmation de l’identité du Cameroun dans le monde, il veut surtout promouvoir les industries locales, tout en améliorant la condition sociale des artistes.

innovantes par le Cameroun dans la lutte contre le terrorisme, la lutte contre les changements climatiques, l’atteinte des objectifs de développement durable, puis à défendre les intérêts du Cameroun en considération des contraintes de la mondialisation ».

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Assurer la défense et le progrès de la patrie

« Par la volonté du peuple camerounais, maintes fois exprimée, la patrie a toujours été au centre de mes préoccupations et de mon action. Aussi, je continuerai à me tenir résolument à son service. » Pour y parvenir, Paul Biya se fait fort de pouvoir rassembler toutes les filles et fils du pays, où qu’elles et ils se trouvent, autour de la cause nationale. La diaspora camerounaise est connue pour être l’une des plus attachées à ses racines. Présente sur les réseaux sociaux et affirmant un nationalisme peu comparable, elle pèse aujourd’hui sur les débats publics du pays. Et Paul Biya ne l’ignore pas. S’il a œuvré pour que les Camerounais de l’extérieur puissent voter, il sait que les attentes de ses compatriotes de l’étranger, en matière de participation à la vie politique et aux actions de développement, sont nombreuses. D’où son engagement à « assurer la promotion de la citoyenneté de tous nos compatriotes de l’intérieur et de la diaspora », puis à « intéresser et à associer davantage nos compatriotes de l’étranger à l’effort de construction nationale ». Il s’est aussi, toujours dans la même veine, promis d’œuvrer au rassemblement patriotique de tous ses compatriotes, où qu’ils se trouvent, autour du drapeau, de l’hymne national et de la devise du pays. ■

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Consolider la place du pays en Afrique et dans le monde

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Locomotive de l’Afrique centrale, où Paul Biya reste une voix écoutée sur le plan diplomatique, le Cameroun a vocation à bâtir son influence sur le plan continental. Pour le président, « le Cameroun est un membre à part entière de la communauté internationale. Nous continuerons à agir de manière responsable pour l’avènement d’un monde plus juste et plus solidaire », promet-il. C’est pourquoi il a promis d’accentuer la participation du Cameroun à la réalisation des missions de l’Union africaine, notamment en respectant tous les engagements pris par le pays en Afrique et dans le monde. La lutte globale contre le terrorisme et les autres grands défis de notre Des affiches annoncent époque n’est pas en reste, puisque le leader la tenue de la Coupe s’est engagé « à faire prendre des initiatives d’Afrique des nations 2019 au Cameroun. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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POPULATION Paul Biya, entouré de ses plus proches collaborateurs, durant le Conseil des ministres du 15 mars 2018, à la fin de son 6e mandat.

INTÉGRATION LES SECRETS D’UN SAVANT DOSAGE

par Franck Fosso

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omment impliquer les quelque 200 ethnies d’un pays dans sa gouvernance administrative et politique ? Question complexe qui, au Cameroun, assortiment d’ethnies aux coutumes différentes, voire divergentes, a trouvé sa panacée : l’équilibre régional, une méthode dont la pertinence divise au sein de l’opinion, mais qui depuis l’indépendance, a permis de faire émerger un vivier d’élites de toutes les contrées, à charge pour ceux-ci d’impulser le développement dans leurs zones d’origine. Selon cette approche, la dévolution des postes, notamment dans les grandes institutions et la haute administration, obéit systématiquement à un savant dosage, de sorte que la plupart des grands groupes ethniques puissent y être représentés. Par exemple, le président de la République étant de la région forestière du Sud en pays Beti, le président du Sénat est de l’Ouest, celui de l’Assemblée nationale de l’Extrême-Nord sahélien, le Premier ministre du Nord-Ouest anglophone, quand le président du Conseil constitutionnel est du Centre et celui de la Cour suprême de la zone côtière du Littoral. Et du sommet à la base de la chaîne administrative et politique, HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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PDC

Sujet complexe pour la nouvelle génération, l’équilibre régional qui prévaut dans les nominations et les concours administratifs a permis l’émergence d’une élite administrative issue de toutes les contrées du pays.


les dirigeants déploient toute une science pour que ce jeu d’équilibre soit, autant que faire se peut, respecté. La question de cet équilibre et de la participation des différents groupes ethniques à la gestion de l’État est si sérieuse au Cameroun qu’elle est structurée par des textes présidentiels et du Premier ministre, fixant les quotas régionaux à appliquer lors des admissions dans les grandes écoles. Dans chaque communauté, ceux qui ont des ambitions politiques ou qui visent de hauts postes dans la fonction publique veillent au grain, traquant les déséquilibres dans le respect des quotas. Les résultats des concours administratifs et les nominations aux postes de responsabilité dans la haute fonction publique sont minutieusement scrutés, les concernés cherchant à comprendre si leur groupe ethnique a perdu des positions ou s’il en a gagné. Idem, les nominations de membres du gouvernement, ou même de directeurs généraux d’entreprises publiques, sont de grands moments de redistribution des postes entre les différentes composantes sociologiques du pays, l’important étant de ne léser aucune région. Une mission quasi impossible. Chaque année, l’hebdomadaire L’Œil du Sahel publie une édition spéciale sur le « partage du gâteau national », dans lequel l’ensemble des hauts cadres de l’État est répertorié et classé selon leur région et leur département d’origine. Si le principe même d’une telle publication heurte certaines sensibilités, ce « classement » permet aux adeptes de l’équilibre régional d’évaluer le poids de chaque groupe ethnique dans la gestion de l’État. Les supporters de cette orientation font valoir que la gestion des diversités grâce à une politique de quotas HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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est une démarche assez répandue dans le monde. Ainsi évoquent-ils la discrimination positive en France, la politique du Black Economic Empowerment en Afrique du Sud, ou encore l’affirmative action qui a permis aux noirs descendants d’esclaves d’avoir accès aux meilleures universités américaines. Selon le philosophe Ebénézer Njoh-Mouellé, ancien ministre de la Communication, « dans un pays qui compte plus de 200 tribus comme le Cameroun, il a semblé, dès le départ, et sous le président Ahmadou Ahidjo, que le principe des quotas et la doctrine du développement régionalement équilibré étaient la voie à suivre. Elle a été suivie avec plus ou moins de rigueur. Elle a été critiquée par ceux qui considéraient et considèrent encore aujourd’hui qu’elle comporte en elle-même une certaine injustice, et induit plutôt un nivellement par le bas, au lieu d’une promotion des meilleurs. Ceux-là semblaient dire qu’il fallait laisser les plus avancés continuer de creuser leur avance et les plus attardés continuer de s’attarder… à l’arrière du train ! » Pour la jeune génération, cette pratique de l’équilibre régional est considérée comme relevant d’un autre âge, favorisant la médiocrité, et est donc à bannir : « Si au moment de l’indépendance, on pouvait comprendre la volonté des gouvernants d’impliquer tout le monde, dans le but de construire le sentiment national, les temps ont changé. Toutes les parties du pays sont désormais scolarisées, et seule la performance et le mérite devraient s’imposer, notamment pour ce qui concerne les recrutements dans la fonction publique. » La question devient d’autant plus complexe aujourd’hui qu’il n’est pas toujours facile de déterminer la région d’origine d’un Camerounais, à cause des migrations et des ascendants issus d’un peu partout, à la suite des multiples métissages.

UNE POLITIQUE GARANTE DE LA STABILITÉ Au-delà de cette jeunesse qui milite pour l’abandon des quotas, beaucoup pensent que cette règle est à réformer, à l’instar de l’ancien ministre de la Fonction publique Michel Ange Angouing, qui avait en son temps engagé une réflexion pour faire évoluer cette politique : « Lorsque l’on a institué les quotas il y a trente ans, on a tenu compte de la démographie. Et je me souviens qu’à cette époque, quand on lançait des concours, les régions comme l’Est, l’Adamaoua, le Sud ne pouvaient pas présenter de candidats du tout. » Une situation qui, selon l’ancien ministre, a bien évolué, puisque désormais chaque département de ces régions est en mesure de présenter des centaines de postulants tout à fait à la hauteur. À voir. Pour le moment, servir chaque région avec un nombre d’élites équilibré participe au développement équitable des régions, puisque chacune d’entre elles investit dans son fief et contribue à y créer des emplois. À noter que pour la plupart des Camerounais, cette pratique est en outre garante de la paix entre les groupes ethniques. ■ 21


ENSEIGNEMENT

BILINGUISME UNE SPÉCIFICITÉ CAMEROUNAISE Ici, on assume avec fierté un double héritage culturel lié à l’histoire. Ce qui en fait l’un des rares pays du continent avec deux langues officielles : le français et l’anglais. par Franck Fosso

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goa Ekélé, université de Yaoundé I. Dans la plus ancienne formation universitaire du pays, tout étudiant inscrit sait qu’il aura indistinctement ses cours en français et en anglais, selon la langue officielle pratiquée par l’enseignant. À la faculté des sciences, le doyen a institué une formation bilingue complémentaire dont les objectifs majeurs visent à « amener les étudiants à acquérir des connaissances suffisantes en anglais/français professionnel, en anglais/français appliqué à leurs spécialités, [et leur] donner les compétences suffisantes en anglais/français appliqué aux disciplines scientifiques, à l’exemple des biosciences, de la chimie, des sciences mathématiques, des sciences environnementales, de la géoscience, des sciences physiques, de l’informatique ». Il s’agit de développer chez ces apprenants une fluidité dans l’expression orale en anglais/français, et les amener à améliorer leur expression écrite dans leur seconde langue. Un modèle suivi dans l’ensemble des universités d’État et les grandes écoles. Pour parfaire la pratique du bilinguisme dans le système d’enseignement, depuis 2008,

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un Programme d’éducation bilingue spécial (PEBS/SBEP) a été mis en œuvre dans le secondaire général. Il intègre l’enseignement de l’anglais intensif dans les établissements francophones et du français intensif dans les anglophones. « Le PEBS ouvre de ce fait une nouvelle série d’études dans notre système éducatif. Ce programme a pour objectif de donner aux apprenants une plus grande opportunité de maniement de l’autre langue officielle. Il a pour finalité de produire des élèves parfaitement bilingues qui maîtrisent le français et l’anglais, quel que soit leur sous-système éducatif d’origine », explique un cadre du ministère des enseignements secondaires.

LES ÉCOLES PRIVÉES ANGLOPHONES S’IMPLANTENT Chez nombre de parents francophones, la tendance consiste à inscrire leur progéniture dans les établissements anglophones. C’est le cas de Boniface, à Yaoundé, dont les quatre enfants font leur scolarité dans des internats de Bamenda, la capitale de la région du Nord-Ouest anglophone. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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HENK BRAAM/HH/RÉA

Cours en anglais à l’école catholique Saint Anthony, à Njinikom, dans la région du Nord-Ouest.

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ENSEIGNEMENT

dans le pays, expliquait en 2013 les raisons de cette tendance : Les promoteurs d’écoles et de collèges pratiquent désormais « L’importance de l’anglais au Cameroun est d’une évidence au sein de leur établissement les deux sous-systèmes d’encertaine pour nous tous. […] Dans le monde d’aujourd’hui, seignement. Certes, le gouvernement a rendu obligatoire le l’importance de l’anglais ne peut être niée. Avec le développebilinguisme dans le système éducatif, depuis la maternelle ment de la technologie, l’anglais joue aujourd’hui un rôle vital jusqu’à l’université. Mais certains des parents trouvent cette dans de nombreux secteurs, y compris la médecine, l’ingénieformation insuffisante et préfèrent placer leurs enfants dans rie et l’enseignement. La maîtrise de la langue des écoles privées bilingues disposant de anglaise est une exigence incontournable pour sections anglophones. De nombreuses les emplois de grande qualité, pour communienseignes internationales se sont égalequer au niveau international et accéder aux ment implantées dans les grandes villes, ressources scientifiques. L’anglais est, en fait, à l’exemple des écoles américaines de un sésame pour l’enseignement supérieur et Douala et Yaoundé : « Notre mission est les opportunités d’emplois au niveau local et de fournir un programme académique de mondial. L’ambassade des États-Unis félicite le qualité, de style américain, dans un envigouvernement de la République du Cameroun ronnement multiculturel qui encourage pour ses énormes efforts visant à faire de l’ennos élèves à atteindre leur potentiel maxiseignement de l’anglais une priorité. » mal. Nous accueillons des étudiants nationaux et internationaux. Notre programme est basé sur des normes rigoureuses. Une UN HÉRITAGE DE L’HISTOIRE sélection de cours de perfectionnement Sur le continent, le Cameroun est le seul est offerte à l’école secondaire afin de pays, avec l’Île Maurice, pratiquant le français Le Premier ministre Philémon fournir à nos étudiants une solide formaet l’anglais comme « langues officielles d’égale Yang est originaire de la région tion préparatoire, qui leur permet d’être valeur », comme indiqué dans la constitution. anglophone du Nord-Ouest. acceptés dans les meilleures universités. Ce biculturalisme est un héritage de la période L’école prépare les étudiants à l’admission dans les univercoloniale. Retour historique. Ayant défait l’Allemagne à l’issue sités aux États-Unis, au Canada, en Europe, et dans des sysde la Première guerre mondiale, la France et l’Angleterre se tèmes semblables à travers le monde », explique le directeur sont partagé le Cameroun, qui était jusque-là sous protectode l’École américaine de Douala. rat allemand : la partie orientale est revenue aux Français et la partie occidentale, voisine du Nigeria, aux Anglais. Les Britanniques, qui exploitaient les ressources agricoles, L’ANGLAIS, UN SÉSAME POUR minières et commerciales de leur zone ne montraient qu’un L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR faible intérêt à développer cette partie du territoire, qu’ils Cette passion des Camerounais pour le bilinguisme a souhaitaient d’ailleurs rattacher au Nigeria. « Il n’y avait pratipermis le développement d’une offre abondante en instiquement pas d’écoles primaires dans le Southern Cameroons. tuts de formation linguistique, très courus par les enfants, Il faudra attendre 1939 pour voir la mission catholique ouvrir notamment pendant les vacances. En plus du Centre culturel un établissement secondaire à Sasse, dans la préfecture de américain et du British Council, qui offrent des enseigneVictoria. Pourtant, les Anglais percevaient des impôts auprès ments d’anglais, des centres linguistiques pilotes créés et des indigènes du Southern Cameroons », indique l’historien gérés par la présidence de la République ont ouvert dans Daniel Abwa. Éparpillés dans les écoles et universités du les 10 capitales régionales. Leur vocation est de former les Nigeria, les élèves et étudiants camerounais s’opposent, dès cadres camerounais dans la langue officielle qu’ils maîtrisent mars 1940, à ce projet de rattachement au Nigeria et créent la le moins. Des privés ont également ouvert des centres linCameroons Youth League (CYL), qui avait déjà pour ambition guistiques qui forment à la maîtrise de l’anglais professiond’œuvrer aux retrouvailles entre les Camerounais francais nel. Robert P. Jackson, ancien ambassadeur des États-Unis 24

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La maîtrise de la langue anglaise est une exigence incontournable pour les emplois de qualité.


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Des étudiants expriment leur bilinguisme lors de la fête de la jeunesse, en février 2018, à Yaoundé. et britanniques. En mai 1949, le Dr Emmanuel Mbela Lifafe Endeley crée le premier parti politique qui prône le retour à l’unité, le Cameroons National Federation (CNF). Des dissidents, N. N. Mbile et Robert Kum Dibongué, fondent ensuite le Kamerun United National Congress (KUNC) en 1950, toujours pour la restauration du « grand Cameroun ». Une cause qui leur survivra puisque, en 1961, de nouveaux acteurs anglophones, comme John Ngu Foncha, Solomon Tandeng Muna ou encore Augustine Ngom Jua, seront à la manœuvre, aux côtés de leaders francophones, pour la réunification des deux Cameroun – l’indépendance de la partie anglophone datant du 1er octobre 1961. Du fait de ce double héritage colonial, le pays fait de son bilinguisme un atout précieux. Il est écrit dans sa Constitution : « Le peuple camerounais, fier de sa diversité linguistique et culturelle, élément de sa personnalité nationale qu’elle contribue à enrichir, mais profondément conscient de la nécessité impérieuse de parfaire son unité, proclame solennellement qu’il constitue une seule et même nation, engagée dans le même destin. » Si au quotidien, la cohabitation entre les populations anglophones et francophones se déroule sans heurts, il en va autrement sur le plan politique. Depuis octobre 2016, des revendications corporatistes ont en effet donné lieu à des manifestations dans les deux régions anglophones, qui ont dégénéré en crise dure, HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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plus ou moins instrumentalisée par des opposants farouches au régime du président Paul Biya, candidat à sa propre succession au scrutin du 7 octobre prochain. Une situation qui fait souffrir principalement les populations des deux zones touchées, à la grande déception de l’élite politique et administrative anglophone, qui est pourtant descendue plusieurs fois sur le terrain pour dialoguer et tenter de ramener le calme.

PROTECTION ET PROMOTION Parmi ceux-ci, le premier ministre Philémon Yang, originaire du Nord-Ouest, où il a séjourné à plusieurs reprises pour prêcher l’apaisement, et Peter Mafany Musonge, ancien Premier ministre nommé il y a un an président de la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme. Cette dernière est chargée de soumettre au président et au gouvernement des rapports sur les questions se rapportant à la protection et à la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme, et d’assurer le suivi de la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles faisant de l’anglais et du français deux langues officielles d’égale valeur, et notamment leur usage dans les services publics, les organismes parapublics, ainsi que dans tout organisme recevant des subventions de l’État. Un effort supplémentaire pour renforcer le caractère bilingue et multiculturel du Cameroun. ■ 25


MINETTE LIBOM LI LIKENG « GÉNÉRALISER L’USAGE DES TIC DANS LA SOCIÉTÉ » 26

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INTERVIEW


Comment relever le défi de la conversion au numérique de l’économie camerounaise ? La ministre des Postes et Télécommunications expose les atouts et méthodes du gouvernement. propos recueillis Bambou I O C Tpar O B RFrançois E 2018

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Inauguration du siège de l’opérateur YooMee Mobile à Douala, le 25 août 2017, par la ministre Minette Libom Li Likeng (au centre). 27


INTERVIEW/MINETTE LIBOM LI LIKENG

AM : Le dernier septennat du président Paul Biya a vu la montée en régime du concept d’économie numérique. Qu’est-ce qui a été fait pour mobiliser la communauté nationale autour de ce nouveau défi ? Minette Libom Li Likeng : Dans son message à la nation le 31 décembre 2015, le chef de l’État soulignait l’apport indéniable de l’économie numérique dans le développement socio-économique : « Il nous faut rattraper au plus vite notre retard dans le développement de l’économie numérique. Celle-ci est un véritable accélérateur de croissance, en plus d’être une véritable niche d’emplois nouveaux pour notre jeunesse. » À la suite de ces orientations du président Paul Biya, le plan stratégique de développement de l’économie numérique élaboré sous l’autorité du Premier ministre s’est axé autour de trois piliers stratégiques : le développement de l’offre, la promotion de la gouvernance et la formation. Concernant le développement de l’offre, il s’agit entre autres de la promotion de la culture du numérique par la généralisation de l’usage des TIC (Technologies de l’information et de la communication) dans la société. Les principales actions que nous menons dans ce sens visent en priorité à réduire la fracture numérique et à accompagner la transformation digitale des administrations et des entreprises ainsi que les initiatives des jeunes. Concernant la réduction de la fracture numérique, nous citerons deux programmes phares du gouvernement : les Matinées départementales du numérique et les Camps de vacances TIC. Les premières visent à encourager et susciter auprès des élèves du secondaire la passion de l’informatique. Elles ont permis, en quatre éditions déjà, de récompenser plusieurs centaines d’écoliers. Du côté des Camps de vacances TIC, organisés en faveur de la jeunesse rurale afin de réduire la fracture numérique entre les grandes villes et les villages, les deux premières éditions ont permis d’initier des milliers de jeunes garçons et filles aux TIC. Et pour ce qui est de la transformation digitale, je citerai essentiellement le renforcement de l’infrastructure postale et des télécommunications, en pleine extension, en vue d’une plus grande inclusion numérique. Que faites-vous pour accompagner et stimuler les nombreux jeunes développeurs qui émergent un peu partout dans le pays ? En plus de la promotion des incubateurs, nous avons lancé le Globe-trotter de l’économie numérique, une initiative dynamique et mobile permettant d’accompagner les jeunes startuppers dans la maturation de leur idée, en vue de la création d’une entreprise numérique. C’est la phase préliminaire de la mise en place d’un cyber-parc pour la détec28

« Un audit a confirmé une dégradation continue de la qualité de service chez tous les opérateurs. Des mesures correctives ont été prescrites. » tion et l’accompagnement de jeunes porteurs de projets TIC au Cameroun. Le travail réalisé sur le terrain a conduit à la maturation de plusieurs initiatives, dont la plupart sont prêtes au financement. Le Forum international sur l’économie numérique, qui s’est tenu du 15 au 17 mai 2017 à l’hôtel Hilton de Yaoundé à l’initiative du chef de l’État, a permis de mettre en contact ces jeunes entrepreneurs avec des investisseurs étrangers. L’objectif visé est de mobiliser des financements internationaux en faveur d’idées innovantes dans le secteur de l’économie numérique au Cameroun. Nous avons également mis l’accent sur la gouvernance et la formation, avec notamment l’élaboration de documents d’orientation stratégiques devant guider l’action du gouvernement dans ce domaine, une concertation permanente public-privé du secteur des postes et télécommunications, le renforcement du rôle du régulateur et la restructuration de l’École nationale supérieure des postes, des télécommunications et des technologies de l’information et de la communication (SUP’PTIC). Où en sont la mise en place et le financement des incubateurs ? Un partenariat est en train de se mettre en place, sous l’encadrement technique du Conseil d’appui à la réalisation des contrats de partenariat (CARPA), en vue de la mise en œuvre d’une plate-forme technique pour le développement de l’économie numérique. Le but de ce projet est de mettre en place et d’exploiter un cyber-parc technologique national ayant pour missions d’incuber et de développer des projets dans le domaine du numérique, avec la volonté de faire émerger une industrie TIC locale de développement des applications « made in Cameroon ». HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Lancement des Premières journées nationales de l’économie numérique, le 3 mars 2016 à Yaoundé. C’est un programme intégré d’incubation des PME du secteur du numérique, permettant d’une part la détection, l’incubation, la recherche de financements et la création de jeunes entreprises numériques, avec pour objectif la facilitation de l’auto-emploi, et d’autre part la lutte contre le chômage, en aidant les jeunes à obtenir des emplois décents. Ce cyber-parc a pour vocation de devenir le socle de développement de l’économie numérique dans notre pays. Dans l’attente, et dans le cadre du même programme, nous avons déjà mis en place un incubateur à SUP’PTIC, dont l’opérationnalisation est en cours. Cet incubateur a pour objets l’accueil, la formation, l’hébergement et l’accompagnement technique, organisationnel et financier des porteurs de projets innovants. Il vise également la professionnalisation de SUP’PTIC. Le secteur des télécommunications au Cameroun n’est pas réputé pour être de bonne qualité. Que fait le gouvernement face à ce problème ? La dégradation de la qualité du service est en effet une préoccupation du gouvernement. Ce dernier a commandé, sur très hautes prescriptions du chef de l’État, un audit de la qualité de service des réseaux des opérateurs de communications électroniques. Les résultats de cet audit réalisé par le cabinet international suédois Cybercom Group confirment une dégradation continue de la qualité de service chez tous les opérateurs, due au non-respect de leurs cahiers des charges HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Installation de la fibre optique dans les rues de la capitale. 29


INTERVIEW/MINETTE LIBOM LI LIKENG

et à la faiblesse technique de la régulation dans l’accompagnement des opérateurs. Des mesures correctives ont été prescrites à chacun des opérateurs. Ces corrections sont en cours. L’Agence de régulation des télécommunications (ART) est chargée d’assurer un contrôle et un suivi stricts de la mise en œuvre desdites recommandations. Par ailleurs, dans les récents avenants aux concessions de MTN et d’Orange, les obligations de qualité de service ont été renforcées. Autre souci, pas mal d’opérateurs exercent dans l’illégalité. Quelles mesures concrètes d’assainissement ont été prises ? Selon la loi du 21 décembre 2010 régissant les communications électroniques au Cameroun et les modifications subséquentes, il revient au ministre des Postes et Télécommunications de délivrer ces titres d’exploitation, après étude des dossiers par le régulateur et sur présentation du justificatif du paiement du droit d’entrée correspondant. Dans l’attente du texte réglementaire fixant le montant des droits d’entrée et de renouvellement des licences ainsi que les modalités de paiement, des titres transitoires ont été délivrés aux opérateurs par l’ART. Ce qui constitue une entorse à la réglementation en vigueur. Se prévalant de ces titres transitoires, des opérateurs ont continué d’exercer dans le domaine des communications électroniques. Ce qui a mis à mal la régulation du secteur, dans le contexte sécuritaire sensible qui est le nôtre, avec d’importantes pertes de recettes pour l’État. Le processus d’assainissement que nous avons engagé a conduit tout d’abord à l’annulation de tous les titres transitoires délivrés par l’ART, suivie d’une injonction à tous les opérateurs concernés de se conformer au texte en vigueur, dans un délai de six mois. Et aujourd’hui, tous les opérateurs dont les dossiers ne souffrent d’aucune irrégularité se voient attribuer des licences d’exploitation pour une période de cinq ans. Plusieurs licences ont déjà été signées. D’autres dossiers sont en cours de finalisation. Ceux des acteurs qui n’ont pas voulu ou qui n’ont pas pu se soumettre aux exigences du gouvernement ont quitté le marché. L’ART va effectuer des descentes sur site afin de s’assurer que tous les opérateurs effectivement présents sur le marché des communications électroniques disposent bien d’un titre d’exploitation régulier. Et, dans ce cadre, les opérateurs « délinquants » seront mis à l’écart sans aucune autre forme de procédure. L’attribution des fréquences 4G aux opérateurs a tardé. Quel était le problème ? En mars 2015, au moment de la signature des conventions de concession des opérateurs MTN Cameroon et Orange Cameroun, incluant la fourniture des services de 4e génération, l’Union internationale des télécommunications (UIT) n’avait pas encore statué sur les conditions de 30

« La suspension d’Internet pendant quelques mois dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest l’a été pour des motifs d’ordre public et de sécurité. » mise à disposition et d’utilisation des fréquences dédiées à la fourniture des services 4G. C’est fort de cela qu’il avait été expressément mentionné dans ces conventions de concession : « Les conditions de mise à disposition et d’utilisation des bandes 700 MHz et 800 MHz seront précisées après détermination du plan d’allotissement des fréquences par l’UIT. » La détermination du plan d’allotissement de ces ressources en fréquences a été faite à la dernière Conférence mondiale des radiocommunications, qui s’est tenue en novembre 2015 à Genève. Sur la base des résultats de cette conférence, un plan de répartition de ces fréquences a été élaboré par l’ART et validé par le gouvernement. Celui-ci tient compte de la présence de quatre opérateurs sur le marché camerounais. Tous auront donc des ressources fréquentielles nécessaires pour fournir les services de 4e génération. La convention de concession étant une loi des parties, le gouvernement a ouvert des négociations avec lesdits opérateurs, afin de fixer les conditions d’exploitation de ces ressources en fréquences d’une part, et de définir les obligations de qualité de service et de couverture des réseaux 4G d’autre part. Ces négociations ont abouti les 9 avril et 4 mai 2018 à la signature des avenants aux conventions de concession de deux opérateurs, MTN Cameroon et Orange Cameroun. Les négociations se poursuivent avec les autres. Deux des faits majeurs de l’année dernière auront été la suspension d’Internet dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, ainsi que la campagne de sensibilisation des citoyens à l’usage responsable des réseaux sociaux. Pouvez-vous expliquer davantage les raisons de ces initiatives ? HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Le Village androïde de Yaoundé vise, entre autres, la vulgarisation des TIC auprès des jeunes. Bien qu’il existe de nombreux avantages à utiliser les réseaux sociaux, il n’en demeure pas moins vrai qu’en faire une utilisation irresponsable peut constituer un réel danger pour les utilisateurs non avisés, mais aussi et surtout pour la jeunesse et pour les États. En effet, s’ils ne sont pas utilisés avec prudence, les réseaux sociaux peuvent nuire, voire détruire la vie d’une personne ; c’est pourquoi il est toujours recommandé d’être très prudent et vigilant quand nous naviguons sur Internet. Parmi les risques potentiels liés à l’utilisation des réseaux sociaux figurent la diffamation, l’atteinte à la vie privée ou encore l’incitation à la haine et l’instrumentalisation de la jeunesse, qui peuvent déboucher sur l’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. Face à ces menaces, certains gouvernements ont pris des mesures visant à prévenir les échanges abusifs via les réseaux sociaux, afin d’anticiper les dangers et protéger les populations ainsi que l’intégrité des États. La suspension d’Internet pendant quelques mois dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest l’a été pour des motifs d’ordre public et de sécurité. Elle s’est effectivement accompagnée d’une campagne de sensibilisation à l’usage responsable des réseaux sociaux. Le gouvernement entend poursuivre cette sensibilisation afin qu’Internet ne HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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soit pas utilisé à des fins d’instrumentalisation de la jeunesse et de déstabilisation de la nation. Le plan stratégique de développement de l’économie numérique a été élaboré depuis des mois. Quels en sont les principaux axes et comment envisagez-vous sa mise en œuvre ? Le Plan stratégique Cameroun numérique 2020 a pour objectif de « faire du Cameroun un pays numérique en 2020 », et s’articule en huit axes bâtis autour de trois piliers, à savoir : l’offre, la demande et la gouvernance. Cette vision s’inscrit dans la perspective d’émergence de la société camerounaise du savoir et de la connaissance, en tenant compte des mutations profondes et rapides que le monde connaît. Elle se donne pour finalités de créer les conditions d’émergence de l’économie numérique et de renforcer les performances de l’économie nationale réelle, à partir des entreprises et des administrations qui réussiront leur transformation digitale. Elle vise aussi à améliorer les capacités d’éducation, de recherche et d’innovation, à faire émerger des grappes industrielles TIC, à accroître l’attractivité du pays et à améliorer le cadre de vie des citoyens en encourageant la diffusion et l’utilisation des TIC. ■ 31


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INTERVIEW

ERNEST DIKOUM «LE CHEMIN PARCOURU JUSQU’ICI EST TRÈS ENCOURAGEANT» Depuis deux ans, le directeur général de Camair-Co, ancien cadre d’Emirates, a fort à faire : remettre la compagnie aérienne dans le sens de la marche et ouvrir des perspectives d’avenir dans un contexte de concurrence exacerbée. propos recueillis par Franck Fosso

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INTERVIEW/ERNEST DIKOUM

AM : Le 22 août 2016, vous avez été nommé directeur général de Camair-Co. Un peu plus de deux ans plus tard, quel bilan faites-vous de votre action ? Ernest Dikoum : Il est difficile de se juger soi-même, surtout lorsqu’il s’agit de parler de son bilan à la tête de notre fleuron national, qui n’est pas seulement une entreprise publique à vocation commerciale, mais aussi un outil de souveraineté de l’État, affectueusement surnommé la « onzième province du Cameroun ». Qu’à cela ne tienne, je puis dire que le chemin parcouru jusqu’ici est très encourageant. Nous avons procédé à la rationalisation des ressources humaines, au travers de négociations réussies avec les partenaires sociaux, qui ont abouti à la signature des accords d’établissement avec les personnels de la Compagnie fin 2017. Nous avons par ailleurs assaini le fichier du personnel et réduit progressivement les effectifs de 814 à 563, entraînant une diminution globale de la masse salariale de plus de 100 millions de francs CFA par mois. Nous avons aussi pu optimiser les effectifs par des redéploiements et l’arrêt des relations contractuelles avec certains personnels qui ne sont pas utilisés, notamment grâce à la fermeture de certaines représentations. Et nous avons validé un nouvel organigramme en juillet 2017, qui répond aux exigences réglementaires de l’Autorité aéronautique du Cameroun (CCAA) et aux normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Enfin, pour ce qui est de la gouvernance et des finances, nous avons pratiquement terminé le processus de rattrapage comptable. À ce jour, les états financiers de 2014, 2015 et 2016 sont approuvés et disponibles. Quant au chiffre d’affaires mensuel, il est passé d’une moyenne de 600 millions de francs CFA en 2016 à 2,5 milliards de francs CFA en 2018. Dans le même ordre d’idées, la compagnie regagne progressivement son autonomie financière par la résorption du déficit mensuel d’exploitation et a amorcé le règlement de la dette antérieure à hauteur de plus de 4 milliards de francs CFA, sur fonds propres, entre 2017 et 2018. Ces différentes actions ne sont pas le fait d’Ernest Dikoum à lui tout seul, mais de l’ensemble du personnel dynamique de Camair-Co. Nous avons bénéficié du soutien de la très haute hiérarchie, du ministère des Transports et du ministère des Finances qui sont nos tutelles, ainsi que du conseil d’administration, que nous remercions sincèrement. Beaucoup de directeurs se sont cassé les dents à la tête de Camair-Co. Quels ont été les principaux obstacles 34

« Il nous arrive de solliciter l’aide du gouvernement, mais nous travaillons dur pour fonctionner de manière plus autonome. » ou résistances que vous avez rencontrés, en plus des critiques par rapport à votre salaire « très élevé » ? Je voudrais humblement reconnaître les efforts déployés par mes prédécesseurs, que je me garderai bien de juger. Je pense, comme le disent les Saintes Écritures, que « l’ouvrier mérite son salaire », sans plus de détails sur ce qui pourrait inutilement nourrir la polémique. Il est primordial de se focaliser sur l’essentiel, qui est le redressement de la Camair-Co. Mon rôle est de tout mettre en œuvre, pour lever les obstacles susceptibles de bloquer la réalisation de cet objectif majeur. Quels sont ces obstacles ? Ils sont notamment liés à la gestion du passif de la compagnie, et surtout aux incompréhensions que suscite la priorisation du respect des exigences réglementaires de l’industrie du secteur aérien. Comment se passent vos relations avec le gouvernement, et au quotidien avec le ministère des Transports ? Nous entretenons de bonnes relations avec le gouvernement, le ministère des Transports, en tant que tutelle technique, ainsi que le ministère des Finances, en tant que tutelle financière. Nous rendons régulièrement compte à ces différentes institutions, ainsi qu’à notre conseil d’administration, qui nous encadrent dans l’accomplissement de nos missions. Celles-ci sont en phase avec les politiques gouvernementales relatives au développement des infrastructures, à la mobilité des populations à l’intérieur du pays et dans la zone CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), à l’accompagnement de l’activité touristique, au développement de l’économie locale, etc. S’il est vrai que face à certaines difficultés, il nous arrive de solliciter l’aide du gouvernement, nous travaillons dur pour accroître nos ressources et fonctionner de manière plus autonome. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Comment parvenez-vous à gérer le personnel, qui n’est pas réputé facile ? Vous avez réduit les effectifs dans le cadre de la maîtrise des charges d’exploitation. C’est courageux… Le personnel a ses aspirations, pour la plupart légitimes. Je voudrais préciser que les décisions qui ont été prises ne relevaient pas d’un plan social, mais de la stricte application de la réglementation en vigueur au Cameroun, notamment l’âge du départ à la retraite et le statut des fonctionnaires dans les entreprises publiques et parapubliques. C’est d’ailleurs l’occasion pour moi de féliciter les employés de Camair-Co, qui ont

continué à travailler avec professionnalisme et dévouement, après avoir consenti à plusieurs sacrifices dans un contexte difficile. Nous envisageons aujourd’hui de récompenser ces efforts en améliorant leur statut par des mesures telles que les avancements automatiques, le reclassement catégoriel, des plans de formation, etc. On parle d’ingérence de l’État à Camair-Co. Est-ce encore le cas ? Et sous quelle forme cette « ingérence » se manifeste-t-elle ? La gestion de l’« État client » n’a posé aucun problème depuis mon arrivée à la tête de Camair-Co. Les membres du gouvernement, les responsables de l’administration et les différentes personnalités paient leurs titres de transport comme tous les autres passagers. Certes, l’État, en tant qu’actionnaire unique, a un droit de regard sur notre activité. Mais cela n’entrave en rien le fonctionnement normal de la compagnie. Votre politique principale a été de recentrer les lignes de la compagnie sur l’intérieur et le régional. Un pari qui marche sur les chiffres d’exploitation, plutôt bons ces derniers temps. Avez-vous un commentaire à faire ? En effet, cette politique s’est déployée à travers les campagnes « Le Cameroun d’abord » et « Cap sur le régional ».

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La société annonce un chiffre d’affaires mensuel de 2,5 milliards de francs CFA en 2018.

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INTERVIEW/ERNEST DIKOUM

La compagnie a procédé à l’ouverture des lignes domestiques de Bafoussam, Bamenda et bientôt Bertoua, et, au niveau régional, à celle de Dakar. Et les dessertes de Libreville, Lagos, Abidjan et Bangui ont été rouvertes. Ce qui nous conduit à opérer environ 150 vols hebdomadaires, pour un total de 14 destinations. Par ailleurs, depuis mai 2018, la flotte de Camair-Co est passée de cinq à six aéronefs, avec l’entrée en service d’un avion Bombardier Q400. Je voudrais également relever l’amélioration significative des performances d’exploitation entre fin 2016 et août 2018, avec un niveau moyen de régularité des vols qui est passé de 50 % à 85 % et un nombre mensuel cumulé de passagers transportés qui a évolué de 6 000 à 34 000. Ces résultats sont plutôt satisfaisants. Ce recentrage a également permis à la Camair-Co de se concentrer sur la qualité globale de son offre en agissant sur les leviers de ponctualité et de régularité, qui sont en constant progrès. Où en est le plan de redressement de 30 milliards conçu par Boeing, qui avait eu du mal à passer ? Le plan Boeing approuvé par le chef de l’État, Son Excellence Paul Biya, est toujours d’actualité, et tout ce qui a été fait depuis mon arrivée est en droite ligne de ce plan. Beaucoup de nos compatriotes sont impatients de voir plus de réalisations concrètes, mais il faut comprendre que la mise en œuvre de ce plan nécessite de gros investissements de l’État, qui est actuellement confronté à une conjoncture économique et sécuritaire peu favorable. Cela prendra le temps nécessaire, mais notre ambition est d’y arriver pas à pas. Avez-vous de la concurrence ? Qu’il s’agisse d’Asky Airlines, d’Air Côte d’Ivoire ou de RwandAir, la concurrence est réelle, et nous y faisons face sans pour autant en avoir peur. Bien au contraire, nous offrons beaucoup d’interconnexions entre nos destinations régionales d’une part et les destinations domestiques d’autre part. De même, toutes les villes desservies par Camair-Co à l’intérieur du pays sont reliées à nos destinations africaines. Nous sommes également conscients que des pays voisins se préparent à lancer des compagnies aériennes. Nous évaluerons leur entrée sur le marché pour mettre en place une stratégie et apporter des réponses adaptées. Quels sont vos projets d’avenir ? Ils sont nombreux, et je suis plutôt optimiste quant à leur concrétisation. Je citerai, entre autres, le projet de recertification IOSA (IATA Operational Safety Audit), pour le maintien de la compagnie aux normes internationales de sécurité et de sûreté. Ou encore la création d’une plate-forme moderne de maintenance et de formation, telle que préconisée dans le plan Boeing. Nous travaillons également à la sécurisation des aéronefs de dernière génération qui permettront d’arrimer la compagnie aux standards de l’industrie et de satisfaire le cahier de 36

« Nos équipes sont à pied d’œuvre pour rouvrir l’escale de Paris, qui est fortement réclamée par la diaspora camerounaise. » charges de la Coupe d’Afrique des nations 2019 en matière de transport aérien. Nous œuvrons enfin à la sécurisation des recettes et à la maîtrise des charges en vue de la résorption du déficit d’exploitation et de l’atteinte de l’autonomie financière. L’idée est bien entendu pour l’entreprise de passer de centre de coût à centre de profit, par le développement de projets porteurs. Comptez-vous rouvrir la ligne de Paris, véritable fierté nationale auparavant ? Nos équipes sont à pied d’œuvre pour rouvrir l’escale de Paris, qui est fortement réclamée par la diaspora camerounaise. Toutefois, je ne me risquerai pas à vous donner une date précise à ce stade, compte tenu des nombreux préalables à remplir, tant aux niveaux de l’élaboration du produit (type d’appareil, fréquence, menus, divertissements, potentiel fret, services à bord…), de la trésorerie, pour pouvoir honorer nos engagements dans des délais convenables, des opérations aériennes et au sol, et enfin du plan commercial. Une question personnelle pour conclure : vous êtes l’un des rares « diaspos » à être revenu au pays et à avoir réussi à la tête d’une entreprise parapublique. Quelle est votre clé du succès ? J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour nos forces de sécurité et de défense, qui ne ménagent aucun effort pour la préservation de la paix et de l’intégrité territoriale du Cameroun, et ce, au péril de leur vie. Aussi, je m’efforce de m’inscrire dans leur lignée, afin de réussir la délicate mission qu’a bien voulu me confier le président Paul Biya, en me nommant directeur général de la Camair-Co. Pour ce faire, il faut une bonne dose de patriotisme et de courage, sans oublier la grâce de Dieu. ■ HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Huit universités d’État, 70 facultés, une cinquantaine de grandes écoles et plus de 300 instituts supérieurs. Les étudiants profitent aujourd’hui d’une palette de choix pour se spécialiser dans les disciplines les plus pointues et les plus recherchées sur le marché de l’emploi.


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erci au président Paul Biya d’avoir songé à soulager nos charges quotidiennes à travers cette prime accordée aux meilleurs étudiants. » Chaque année, quelque 100 000 bénéficiaires de la prime d’excellence académique, décidée par le chef de l’État et distribuée aux meilleurs de tous les niveaux et filières des universités d’État, expriment ainsi leur satisfaction. Ces jeunes étudiants brillants se partagent 3 milliards de francs CFA « répartis, explique le ministre de l’Enseignement supérieur, Jacques


Multiplicateurs de croissance De nombreuses innovations sont intervenues pour renforcer le système de formation de l’élite de demain. « Le chef de l’État veut une université arrimée aux objectifs du Document de stratégie pour la croissance et l’emploi, et à l’économie du savoir, une université novatrice, futuriste, lovée dans l’espace académique planétaire. L’objectif est de former des étudiants encadrés par des enseignants-tuteurs-chercheurs et appelés à devenir des multiplicateurs de croissance, des bâtisseurs et des inventeurs de civilisation », a expliqué le ministre Fame Ndongo, lui-même universitaire chevronné. Au-delà d’une forte orientation technologique, d’autres réformes ont conduit à la mise en place d’un système de formation continue permettant aux futurs hauts cadres de poursuivre leurs études à leur rythme. Ainsi, la formation en alternance prescrite par le système licence-master-doctorat (LMD) est renforcée, à la faveur de la mise en œuvre du programme d’appui à la professionnalisation de l’enseignement supérieur en Afrique centrale, en vue de garantir l’employabilité et l’insertion socioprofessionnelle des diplômés des universités.

Une offre toujours enrichie Le Cameroun, qui ne disposait jusqu’en 1993 que de la seule université de Yaoundé, compte aujourd’hui huit universités d’État, comprenant en leur sein quelque 70 facultés et grandes écoles, avec plus de 300 instituts d’enseignement supérieur qui offrent près d’une centaine de filières

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❯ 500 000 ordinateurs signés « by PB » ont été offerts aux étudiants des universités publiques et privées par le président Paul Biya.

de formation professionnelle hautement qualifiantes. Cette carte universitaire s’est encore densifiée avec l’entrée en service de l’Université inter-États CamerounCongo, la dynamisation des activités de l’African Institute of Mathematical Sciences (AIMS) et de l’Université panafricaine, dont le rectorat a été visité en juillet dernier par le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki, en séjour à Yaoundé. Ce qui a fait dire au ministre Jacques Fame Ndongo : « Tous les efforts effectués et en cours dans l’enseignement supérieur au Cameroun confèrent à notre pays, chaque jour un peu plus, le statut de destination pour le tourisme intellectuel. » Ce fort accroissement des effectifs résulte également de l’amélioration progressive des conditions de prise en charge des étudiants et de l’adaptation des curricula de formation dans les facultés, grandes écoles et cycles supérieurs spécialisés. Enfin, des réponses appropriées ont été apportées aux attentes des enseignants et chercheurs, afin de leur permettre de travailler dans un environnement académique émulati f. ■

KEPSEU JEAN PIERRE

Fame Ndongo, de manière objective, équitable, efficiente, pertinente et transparente, selon les hautes directives du chef de l’État. » Et, cette année encore, le don de 500 000 ordinateurs aux étudiants des universités publiques et privées a montré l’intérêt que l’hôte d’Etoudi porte aux générations futures.

« Le chef de l’État veut une université arrimée aux objectifs du Document de stratégie pour la croissance et l’emploi, et à l’économie du savoir, une université novatrice, futuriste. »


CAMEROUN

Enseignement supérieur : le privé se met à la page

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ésormais, chacune des grandes villes du Cameroun compte par dizaines ses établissements privés d’enseignement supérieur. Ces structures post-secondaires ont su se rendre indispensables dans la chaîne de formation. D’abord en s’imposant à l’État comme un appoint pour la prise en charge de bacheliers toujours plus nombreux, puis aux parents et aux étudiants comme un moyen rapide d’acquérir des connaissances pratiques pouvant ouvrir les portes du marché de l’emploi. Ce dont se réjouit le ministre de

VICTOR ZEBAZE

Un enseignement d’excellence

❯ Douala. Les élèves de la filière action commerciale de l’Institut universitaire du golfe de Guinée fêtent la fin de leur formation.

l’Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo : « L’apport de l’enseignement supérieur privé dans le système national de l’enseignement supérieur est à présent capital », indique-il. Tout en s’appuyant sur les statistiques en croissance du secteur : de cinq Instituts privés d’enseignement supérieur (IPES) en 2001, on est passé à 235 aujourd’hui !

S’adapter au marché de l’emploi Ces instituts offrent prioritairement des formations en réponse aux besoins à court terme de nombreuses filières

KEPSEU JEAN PIERRE

❯ Le ministre Fame Ndongo remet son diplôme à un étudiant en médecine de l’université Yaoundé 1.

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telles que l’hôtellerie, les technologies, les télécommunications, la mécanique et l’électricité, le management, la finance, etc. Ces établissements préparent les étudiants aux diplômes d’État comme les brevets de techniciens supérieurs (BTS), les diplômes supérieurs d’études professionnelles (DSEP), ainsi que les licences et masters professionnels. L’université des Montagnes (UDM), à travers son Institut supérieur des sciences de la santé (ISSS), et l’Institut supérieur de technologie médicale (ISTM) de Nkolondom, à Yaoundé, sont, eux, les seules structures privées à préparer au doctorat dans les filières médicales. Dans ces instituts, les promoteurs multiplient les filières, essayant de s’adapter aux attentes d’un marché du travail toujours plus exigeant. « Nous voulons donner des opportunités de formation plus modernes et en phase avec les besoins du marché de l’emploi car, désormais, seuls les détenteurs de qualifications dans les domaines technologique, commercial, industriel, communicationnel ou informatique peuvent s’insérer aisément dans les entreprises », explique un promoteur. ■


BAPTISTE DE VILLE D’AVRAY

ADVERTORIAL

Un Salon de l’orientation académique et professionnelle pour présenter les offres de formations nationales et étrangères. ❯ Séance de formation à la Société commerciale de banque (SCB) de Douala.

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e 23 mai dernier, au Palais polyvalent des sports de Yaoundé, Jacques Fame Ndongo, ministre de l’Enseignement supérieur, inaugurait le Salon de l’orientation académique et professionnelle (SOAP). Son objectif ? Présenter et vulgariser les offres de formations nationales et étrangères, adapter les formations aux exigences de l’économie numérique et encourager l’esprit d’initiative entrepreneuriale. Pour Laurent Serge Etoundi Ngoa, ministre des Petites et moyennes entreprises, de l’Économie sociale et de l’Artisanat, qui était également présent, « il ne fait aucun doute que le milieu universitaire est une niche d’idées et de projets. L’enjeu de ce salon est de sensibiliser la communauté universitaire aux opportunités d’affaires qui pourront faire de nos jeunes

diplômés de l’enseignement supérieur des entrepreneurs à succès. Le SOAP nous permet aussi de sélectionner les meilleures idées-projets portées par ces jeunes, en vue de leur offrir un accompagnement institutionnel sur le plan qualitatif, pour l’émergence de projets de la trempe du CardioPad d’Arthur Zang, par exemple. »

Adaptabilité et qualité Depuis l’avènement de la nouvelle gouvernance universitaire mise en place par le président Paul Biya en 2017, les universités d’État multiplient la création de filières et accentuent leur professionnalisation pour rester en phase avec l’évolution technologique. Ainsi, après la réforme universitaire de 1993, l’enseignement supérieur public du Cameroun comptait dix-

KEPSEU JEAN PIERRE

Professionnalisation : une montée en régime

❯ Arthur Zang et son célèbre CardioPad.

neuf facultés classiques et dix-sept établissements technologiques et écoles normales. En 2015, on en recensait respectivement vingt-sept et quarantedeux. Le gouvernement entend ainsi développer un enseignement universitaire professionnalisé associant une formation continue étendue et un système de valorisation des acquis de l’expérience, tout en maîtrisant les effectifs en vue de garantir la qualité de l’enseignement. ■


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Grandes écoles : un saut qualitatif Un Centre d’excellence pour ingénieurs et une cinquantaine de grandes écoles réputées formant hauts cadres, médecins ou architectes sont réservés aux meilleurs.

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u sein du campus de la prestigieuse École polytechnique de Yaoundé, le Centre d’excellence africain en technologies de l’information et de la communication (Cetic) est réservé à la crème de la science. C’est dans ce centre, créé par le gouvernement camerounais avec le soutien de la Banque mondiale, que les ingénieurs les plus brillants peuvent suivre des programmes de master et doctorat/ PhD en génie informatique, modélisation mathématique ou mécatronique. L’objectif est de bâtir un réseau d’institutions

❯ L’École nationale supérieure polytechnique de Yaoundé abrite le Cetic.

mobilisant des enseignants-chercheurs et des professionnels de très haut niveau pour mettre en œuvre des programmes de formation et de recherche en TIC, afin de préparer ces étudiants à devenir les leaders du changement. En parallèle, les universités d’État abritent, en plus d’une centaine de facultés classiques, une cinquantaine de grandes écoles réputées, formant des ingénieurs, des médecins, de hauts cadres de l’administration, des diplomates, des journalistes, des statisticiens, des enseignants ou encore des architectes. ■


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BUSINESS

UN REBOND DE CROISSANCE Grâce à sa population industrieuse et la multiplicité de ses richesses, le pays a su résister aux chocs pétrolier et sécuritaire. Les institutions financières internationales prédisent des lendemains prometteurs.

par François Bambou

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our Alamine Ousmane Mey, ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire : « L’économie camerounaise continue de montrer sa résilience. Une situation vérifiée par notre taux de croissance, qui reste au-dessus de 3 %, en dépit du double choc économique et sécuritaire auquel notre pays est confronté. En comparaison avec les économies de la sous-région, en relation avec l’évolution macroéconomique à l’échelle internationale, avoir un taux de croissance supérieur à 3 % est une performance. Cependant, loin de nous la satisfaction au regard du potentiel que notre pays possède, loin de nous la satisfaction

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immédiate au regard des ambitions qui sont celles du président de la République, à savoir : atteindre l’émergence à l’horizon 2035. » Comme l’indique donc le ministre, dans un environnement international morose, l’économie camerounaise a su maintenir ses fondamentaux intacts, une performance saluée par le FMI (Fonds monétaire international) et la BEAC (Banque centrale des États de l’Afrique centrale), alors que les autres pays sont à la peine : « Nous notons que le Cameroun fait preuve d’une bonne résilience face à ce double choc, sous l’effet notamment d’une forte augmentation de la production pétrolière et d’un nouvel accroissement de l’investissement public. Cette performance contraste avec

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Le second pont sur le Wouri, ouvert en 2017 à Douala, la capitale économique.

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les projections de croissance d’environ 2 % pour la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) dans son ensemble », indiquait récemment Christine Lagarde, la directrice générale du FMI. Il faut dire que le Cameroun revient de loin, confronté dès 2016 à des perturbations économiques importantes, en raison notamment de la baisse des prix de ses exportations de pétrole ainsi que des défis sécuritaires dans l’Extrême-Nord. La plupart des pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale étant exportateurs de pétrole et d’autres matières premières, la chute brutale des cours a eu un effet dévastateur sur les revenus des États. Le pétrole, qui représente près de 70 % des recettes des exportations de la CEMAC, a perdu les deux tiers de sa valeur. Si cette ressource ne pèse que 9 % dans le PIB du Cameroun, en revanche, il participe pour 85 % à la formation du produit intérieur brut en Guinée équatoriale, 50 % au Congo et 45 % au Gabon. L’effet immédiat a été le tarissement des réserves de change mis dans un pot commun dans un compte d’opération au Trésor français. En 2016, la région a perdu quelque 5,7 milliards de dollars de réserves de change. Une véritable catastrophe pour les finances publiques régionales et une menace sur la capacité de ces pays de continuer à commercer avec l’extérieur.

DES PARTICULARITÉS AGROÉCOLOGIQUES Pour le Cameroun, confronté au financement très lourd de la guerre contre Boko Haram, puis au ralentissement des activités économiques dans les régions anglophones, la 46

situation était bien plus complexe. Mais grâce à une économie plus diversifiée, elle a su se maintenir à flot. Paul Biya, le chef de l’État, déclarait à cet effet : « Dans cet environnement international défavorable, notre économie a su résister. Elle a maintenu ses prévisions de croissance à 6 %, avec une inflation limitée à un peu moins de 3 %. Ni les dépenses supplémentaires occasionnées par l’effort de guerre contre le terrorisme, ni même les perturbations de l’activité économique dans les zones attaquées n’ont pu nous empêcher d’atteindre nos objectifs. » Des indicateurs qui font dire à Louis-Paul Motaze, le ministre des Finances, que la résilience du Cameroun s’explique essentiellement par la diversité de son tissu économique et la culture industrieuse de ses populations. Avec quelque 300 000 entreprises répertoriées par l’Institut national de la statistique dans divers secteurs d’activité, l’économie camerounaise est la plus diversifiée d’Afrique centrale. Cela date des années d’indépendance, lorsque le pays a pris l’option de tirer avantage des particularités agroécologiques de ses différentes régions (Sahel au nord, foret dense au sud, avec des zones au climat intermédiaire) pour multiplier les cultures : coton, cacao, café, banane, thé ou encore caoutchouc. À côté de ces produits d’exportation, les cultures vivrières ont pris leur essor sur tout le territoire, faisant du Cameroun un pays autosuffisant sur le plan alimentaire, mais aussi le principal grenier des contrées de la sous-région. L’agriculture, à elle seule, emploie près de 70 % de la population active et contribue pour 42 % à la formation du PIB. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Le barrage hydroélectrique de Memve’ele, situé à Nyabizan, dans la région du Sud.


JEAN PIERRE KEPSEU

Une plantation de cacao, à Evodoula, dans la région du Centre.

Avec quelque 300 000 entreprises répertoriées dans divers secteurs d’activité, l’économie camerounaise est la plus diversifiée d’Afrique centrale. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Le stade de Japoma, près de Douala, est une opportunité pour les PME camerounaises.

L’agro-industrie est en plein essor et offre

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port de Kribi, les barrages hydroélectriques de Lom Pangar, Mekin et Memve’ele, les entrées autoroutières de Douala, ou l’ouverture du second pont sur le Wouri), l’intensification des travaux de construction de stades, voiries et hôtels en vue de l’accueil de la Coupe d’Afrique des nations 2019, ainsi que la mise en œuvre du Plan d’urgence triennal pour l’accélération de la croissance ont permis de soutenir la demande intérieure, en donnant du grain à moudre aux grands groupes de BTP et aux PME locales, qui opèrent en sous-traitance sur une bonne partie des travaux.

UNE CROISSANCE QUI DEVRAIT RAPIDEMENT ATTEINDRE LES 4 % Approuvant un décaissement de 77,8 millions de dollars en juillet dernier, le Fonds monétaire international n’a pas manqué de saluer ces performances et de souligner les perspectives de croissance encore plus favorables pour le pays. Selon l’institution financière, qui annonce des « perspectives positives » pour le Cameroun, la croissance devrait rebondir à 4 %, portée par le lancement de la production de gaz, les activités du BTP et une amélioration de l’approvisionnement en énergie, tandis que l’inflation devrait rester faible. « À moyen terme, assure le conseil d’administration du Fonds, HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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À travers tout le pays, un secteur secondaire – certes à dynamiser – s’est implanté et, à côté des grandes firmes internationales, de nombreuses enseignes camerounaises exportent des denrées alimentaires vers les pays voisins (Gabon, Nigeria, République centrafricaine et Tchad). Dans la sylviculture, la reprise de la demande en Chine et chez les principaux partenaires de l’Union européenne a également permis un regain d’activité. Idem, l’industrie se développe autour des unités de production de boissons, la sucrerie, l’huilerie, la savonnerie, la minoterie, l’aluminium, le ciment, la métallurgie, la première transformation du bois, etc. Le tout est appuyé par un secteur tertiaire plutôt performant et tout aussi diversifié. « L’industrialisation s’est imposée au fil des années comme le véritable levier de croissance. L’agro-industrie est en plein essor et offre encore de nombreux chantiers inexplorés. D’autres industries de transformation comme la production d’aluminium, de cotonnades, et le raffinage de pétrole sont en expansion », explique un cadre de la Société nationale d’investissement (SNI), l’entité publique qui gère le portefeuille de l’État dans les entreprises. La résilience du Cameroun tient aussi, pour une grande part, de la forte demande intérieure, tirée par les travaux d’infrastructures réalisés ces dernières années. La mise en exploitation de plusieurs grands projets (tels que le


La directrice générale du FMI, Christine Lagarde, en visite officielle le 7 janvier 2016, aux côtés du président Paul Biya et de sa femme.

PRÉSIDENCE DU CAMEROUN

encore de nombreux chantiers inexplorés. la croissance devrait atteindre progressivement son niveau potentiel de 5 à 5,5 %, portée par la mise en exploitation d’infrastructures importantes dans les secteurs de l’énergie et du transport, ainsi que par l’augmentation de l’investissement privé. » Ce financement du FMI intervient dans le cadre du programme économique et financier signé en juin 2017 avec le Cameroun. À la demande de Paul Biya, lequel a organisé en 2016 un sommet régional dédié aux réponses à la crise économique, plusieurs pays se sont engagés dans des programmes avec l’institution internationale et ont promis des ajustements internes pour aider à une reconstitution rapide des réserves de change. Pour autant, le Cameroun ne doit pas se contenter de l’existant, plaide Louis Paul Motaze : « Il est nécessaire de renforcer cette diversité économique en produisant plus et mieux, mais aussi en transformant tout ou partie de notre production localement. Il s’agit donc désormais d’encourager et de soutenir les entreprises de transformation, quelle que soit leur taille, car c’est la direction que le chef de l’État nous indique lorsqu’il demande au Cameroun d’aller vers l’industrialisation. Ne l’oublions pas : quand on parle de pays émergent, il s’agit d’un pays industrialisé. Nous ne pouvons pas continuer à exporter des produits bruts, mais au contraire, HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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nous devons tout faire pour transformer localement une partie de nos productions, pour leur donner plus de valeur à l’exportation, tout en créant davantage d’emplois dans le pays », plaide le membre du gouvernement. Le Cameroun devra donc prendre résolument le chemin de l’industrialisation, et pour cela, améliorer le climat des affaires. En six ans, 140 réformes ont été opérées afin de rendre plus facile la création et l’exploitation des entreprises, avec des conditions administratives et fiscales allégées. Depuis 2013, une loi sur les incitations à l’investissement a été promulguée, laquelle élimine ou baisse la fiscalité sur les grandes entreprises. Dans le cadre de cette loi, quelque 152 agréments ont déjà été accordés pour un montant total d’investissement prévisionnel de 3 424,6 milliards de francs CFA, et près de 60 000 emplois ont été créés. L’exonération de patente pour les deux premières années d’exercice et la création de guichets uniques de formalités des entreprises donnent un bol d’oxygène aux jeunes entrepreneurs individuels. La mise en place effective de l’Agence de promotion des petites et moyennes entreprises (APME) ainsi que de la Banque camerounaise des PME, dotée d’un capital de 10 milliards de francs CFA fourni par l’État, devrait aussi favoriser l’élan des jeunes entrepreneurs camerounais. ■ 49


GRANDS TRAVAUX

INFRASTRUCTURES

LES PREMIERS EFFETS Routes, autoroutes, ponts, ports, barrages hydroélectriques… Les projets, ralentis par la conjoncture économique, ont repris et les ouvrages sortent de terre les uns après les autres.

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par François Bambou

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i le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE), mis en œuvre depuis 2010, prévoyait la réalisation d’une panoplie d’infrastructures essentielles pour rattraper le retard observé pendant les vingt années de récession économique, force est de reconnaître que ces dernières années ont connu de nettes avancées dans la mise en place des grands projets. Fleuron de ces ouvrages d’envergure, le port en eau profonde de Kribi, qui dispose de l’un des meilleurs tirants d’eau du golfe de Guinée. Bâti en trois ans à Mboro, à 30 km au sud de la ville de Kribi, le port général comprend un terminal polyvalent exploité pour une période de deux ans par le consortium d’entreprises locales Kribi Polyvalent Multiple Operators (KPMO), ainsi qu’un terminal à conteneurs, mis en concession au profit d’un groupement composé de Bolloré, CHEC et CMA CGM, et qui va être rallongé de 350 mètres de quais dans le but de doubler sa capacité annuelle, actuellement de

1,5 million de tonnes par an. Ce port en eau profonde a vocation à accueillir de grands navires de commerce d’une capacité allant jusqu’à 100 000 tonnes et 15 à 16 mètres de tirant d’eau. Il sera complémentaire du port de Douala, venant ainsi pallier les insuffisances de ce dernier, limité aux navires de 15 000 tonnes et de 6 à 7 mètres de tirant d’eau. Dans la perspective de l’exploitation des mines de fer de Mbalam, au Cameroun, et Nabeba, au Congo voisin, il est par ailleurs prévu de construire un terminal minéralier d’une capacité annuelle de 100 000 tonnes dans le prolongement du port en eau profonde de Kribi. Ses prévisions de trafic annoncent des charges d’exportation du minerai de fer évaluées à 35 millions de tonnes par an, et il pourra recevoir des navires minéraliers de 300 000 tonnes et 24 mètres de tirant d’eau. Des caractéristiques qui n’existent nulle part ailleurs dans la région. Un motif de satisfaction pour le ministre Louis-Paul Motaze, président du comité de pilotage de la construction du port.

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ADRIENNE SURPRENANT/COLLECTIF ITEM

Le port en eau profonde de Kribi, dans le sud du pays.


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Pour lui, la mise en service de cette plate-forme ultramoderne « marque le début d’une ère nouvelle dans le développement économique du Cameroun, l’ère des grands projets structurants, intégrateurs et générateurs de croissance, d’emplois et de richesse. Cela va en effet permettre d’accélérer le développement économique par la création d’industries, le développement urbain, le développement des infrastructures de transports portuaires, routières et ferroviaires ainsi que des infrastructures énergétiques, de communication et de télécommunication. Le Cameroun va accélérer son industrialisation par la mise en exploitation de ses nombreuses ressources naturelles, telles que le fer et la bauxite, dont les opérations d’importation et d’exportation nécessitent des navires de très grande taille ». Ce terminal à conteneurs, opéré par le consortium franco-chinois, sera agrandi au cours des travaux de la seconde phase, de sorte à doubler sa capacité (qui est actuellement de 1,5 million de tonnes par an) au moyen de la construction de 350 mètres de nouveaux quais et de l’acquisition de nouveaux équipements de manutention. Lors du lancement des travaux en octobre 2011 en présence de Paul Biya, le président avait fait remarquer à propos de la ville de Kribi : « Ce petit paradis touristique va devenir l’une des grandes ouvertures sur le golfe de Guinée, pour

Le ministre des Finances Louis-Paul Motaze est le président du comité de pilotage de la construction du port de Kribi. nous-mêmes, mais aussi pour les pays frères, comme le Tchad, la République centrafricaine, le nord de la Guinée équatoriale, le Gabon, le Congo et la République démocratique du Congo. Kribi, vous le savez, est déjà le point d’aboutissement du pipeline Tchad-Cameroun, fleuron de notre coopération avec le pays frère du Nord. Kribi sera demain le grand port en eau profonde de cette partie de notre littoral. C’est de là que nous exporterons nos minerais – fer, cobalt, aluminium, hydrocarbures, etc. –, mais aussi les productions agricoles de

Le plein d’énergie

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ans les grands chantiers lancés ces dernières années, le secteur énergétique occupe une place de choix : « L’énergie se situe au cœur de tout processus de développement. Sans elle, il ne peut y avoir d’industrie, ni de transformation de matières premières, et donc, pas d’économie moderne. C’est pourquoi j’ai mis la question de l’énergie au centre de notre politique des Grandes réalisations », avance Paul Biya. Un programme d’investissement de 5 000 milliards de francs CFA a été élaboré, accompagné de réformes institutionnelles, avec notamment la réintroduction de l’État dans le secteur énergétique à travers

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la création d’une nouvelle entreprise publique, Electricity Development Corporation (EDC), chargée de piloter les programmes d’investissement. C’est dans ce cadre qu’EDC est chargée de mener le projet de construction du barrage-réservoir hydroélectrique de Lom-Pangar. De fait, comme l’explique un responsable du ministère de l’Économie : « Environ 750 MW de nouvelles capacités de production d’énergie électrique ont été installés ici et là. Nous nous employons maintenant à régler les problèmes des réseaux de transport et de distribution dont la vétusté ne permet pas encore d’acheminer toute cette énergie productible vers les ménages et les industries. Avec la réalisation

du barrage de retenue de Lom-Pangar depuis fin 2015, nous avons déjà pu réduire significativement les délestages en période d’étiage où la pluviométrie est au plus bas. Concernant la construction de l’usine à gaz de Kribi, les travaux sont terminés depuis 2013, pour la phase I. La phase II est en cours de préparation. » Dans le détail, plusieurs ouvrages d’envergure ont été construits, dont le barrage de LomPangar. Celui-ci permet de réguler le débit sur le fleuve Sanaga (le plus long du pays), et ainsi de développer d’autres installations hydroélectriques pour exploiter au maximum les capacités énergétiques du fleuve. La construction du barrage de Nachtigal,

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ABDULHAMID HOSBAS/ANADOLU AGENCY/AFP

De multiples programmes sont lancés aux quatre coins du pays.


notre arrière-pays. C’est autour du futur port que se regrouperont nos industries de transformation, qui s’approvisionneront en énergie auprès de la centrale à gaz en construction. C’est encore vers Kribi que convergeront les voies ferrées qui transporteront nos minerais, bruts ou transformés. »

DES CHANTIERS D’ENVERGURE Afin de connecter ce port au reste du pays, une autoroute a été construite pour relier le port à la ville et devrait se prolonger sur Édéa pour se connecter à l’autoroute Yaoundé-Douala, dont la première phase est en construction. Autre chantier routier d’envergure : l’autoroute Yaoundé-Nsimalen qui doit relier la capitale à l’aéroport du même nom. Au total, en matière de transport, ce sont quelque 2 000 km de routes (nationales, départementales et urbaines) qui ont été bitumés en quelques années, et un deuxième pont a été construit sur le Wouri pour fluidifier le transit dans la capitale économique. Des voies autoroutières ont également été aménagées aux entrées Est et Ouest de Douala afin de fluidifier le trafic et de booster le poumon économique que représente cette cité portuaire, industrielle et commerciale pour le pays. Renforcer les infrastructures de transport vise à offrir de meilleures voies de communication aux populations et aux

entreprises, explique un responsable au ministère de l’Économie. Selon le ministre des Finances Louis-Paul Motaze : « Davantage de zones rurales sont désenclavées et reliées aux zones urbaines, facilitant ainsi l’écoulement des produits agricoles. Sur certains axes qui se parcouraient en une journée de voyage, l’on peut désormais faire le trajet en deux heures et arriver à destination en toute quiétude. L’on note un regain de dynamisme au sein des populations qui peuvent désormais écouler leurs marchandises sur un marché plus vaste, du moment que plusieurs routes ouvrent sur les pays voisins. Nos populations urbaines ont pu noter la réduction des délestages et l’amélioration de la qualité de l’énergie qui leur est fournie. De même, grâce aux programmes d’électrification rurale, le taux d’accès à l’électricité des populations des zones rurales s’est amélioré. Le gouvernement est en train de réhabiliter l’ensemble du réseau de transport haute tension à partir des postes de production jusqu’aux principales villes du pays. Les réseaux de distribution moyenne et basse tension sont également en train de connaître un renouvellement général dans les grandes villes. Par ailleurs, la réalisation de grands projets hydroélectriques a notamment permis le développement florissant d’activités socio-économiques, comme la pêche, l’élevage et le petit commerce général. » ■

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Le barrage de Lom-Pangar, dans la région de l’Est. développé par Électricité de France (EDF), est en cours. Les barrages de Memve’ele et Mekin sont également achevés. Implanté sur le fleuve Ntem, près du village de Nyabizan, le premier va apporter un surcroît d’énergie de 201 MW à injecter dans le Réseau interconnecté Sud (RIS), afin de résorber le déficit actuel et alimenter certains pays voisins, tels que le Gabon ou la Guinée équatoriale. Quant à l’aménagement hydroélectrique de Mekin, il consiste en la construction d’un barrage-réservoir d’une capacité

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de 105 millions de m3 d’eau, d’une usine de pied de 15 MW et d’une ligne de transport haute tension de 63 kV dédiés à l’approvisionnement de la région du Sud, très affectée par la pénurie d’électricité. L’autre

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unité de production d’envergure, déjà réceptionnée, est la centrale à gaz de Kribi, qui a une capacité de 216 MW injectée sur le réseau électrique national à travers une ligne de transport de 225 kV sur 100 km. ■

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INTERVIEW

CYRUS NGO’O « PLUS DE PERFORMANCE, D’ATTRACTIVITÉ ET DE COMPÉTITIVITÉ » Engagé dans un processus d’optimisation des capacités du port autonome de Douala, par lequel transitent 90 % du commerce extérieur, son directeur général expose les ambitions de l’entreprise, dans un contexte de forte concurrence régionale. propos recueillis par Franck Fosso

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VICTOR ZEBAZE POUR AM

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INTERVIEW/CYRUS NGO’O

AM : Où en sont les travaux de modernisation du port

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La plate-forme actuelle traite environ 12 millions de tonnes de marchandises par an.

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autonome de Douala que vous avez engagés depuis l’année dernière ? Cyrus Ngo’o : Le processus de modernisation du port de Douala-Bonabéri [implanté sur les deux rives du Wouri, ndlr], tel qu’annoncé par le président Paul Biya en 2011, est en cours de réalisation et dans les meilleures conditions. Nous sommes sur plusieurs chantiers, qui vont de la normalisation de toutes les activités du port de DoualaBonabéri, l’enlèvement des épaves qui jonchent les quais, la construction de voies de communication, la révision des concessions, jusqu’à l’acquisition de nouveaux équipements nautiques, la réhabilitation d’autres, en passant par la sécurisation de l’espace portuaire, la construction de magasins cales, etc. Vous avez également annoncé votre ambition de renforcer la performance, l’attractivité et la compétitivité du port. Quelles sont les mesures phares prises dans ce sens ? Dans un environnement concurrentiel, toute place portuaire se trouve dans l’obligation de déterminer ses facteurs de réussite et de se positionner par rapport à ses concurrents. Pour le complexe portuaire de Douala-Bonabéri, nous sommes d’abord dans une quête de performance, d’attractivité et de compétitivité. Plusieurs critères fondent la performance d’un port, comme son environnement naturel, c’est-à-dire la superficie de l’espace portuaire, les conditions du littoral, la profondeur du chenal, etc. Ces éléments affectent la production et fournissent ainsi l’environnement d’exploitation de base qui influence le rayonnement du port. Nous sommes actuellement en train de recouvrer l’entièreté des 1 000 hectares du port, avec l’acquisition de dragues pour l’entretien permanent du chenal, la construction de nouveaux quais et la réhabilitation de certains. Les infrastructures et superstructures du port compléteront le dispositif. Ces actions permettront de résorber définitivement le déficit de fluidité et réduiront le temps de transit. Une stratégie pour l’amélioration de la qualité des services est mise en œuvre avec la communauté portuaire. Elle est devenue un impératif sur le plan commercial. C’est le résultat de la coordination des intervenants de la chaîne logistique portuaire. Évidemment, pour implémenter tout ceci, il faut des hommes et des femmes bien outillés. La compétence des ressources humaines est un facteur clé de notre succès. Un port bien équipé, sans personnel qualifié, ne pourra jamais atteindre ses objectifs. La performance d’un port réside aussi dans les volumes du fret transporté par les compagnies maritimes et le délai de rotation des navires. Plus un navire reste à quai, plus le coût est élevé, et il en est de même pour la marchandise. Ainsi, l’efficacité d’un port se traduit généralement par la rapidité et la fluidité des services portuaires. La reconquête

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« La compétence des ressources humaines est un facteur clé de notre succès. Un port bien équipé, sans personnel qualifié, ne pourra jamais atteindre ses objectifs. »

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INTERVIEW/CYRUS NGO’O

de l’hinterland [les pays sans littoral, ndlr], qui est un atout indéniable du port de Douala-Bonabéri, a été mise en œuvre. Sur instruction du gouvernement, nous avons ainsi créé deux représentations à Bangui en République centrafricaine et à N’Djaména au Tchad. Les responsables ont été nommés. Il s’agit de reconquérir les parts de marché perdues. L’attractivité du port se traduit par la fréquence des visites des navires. Les actions de normalisation de toutes les activités et la rénovation de nos installations doivent pouvoir la booster. Et tout ceci concourt à rendre notre port compétitif dans un environnement concurrentiel. Que faites-vous pour fluidifier l’accès à la zone portuaire qui ralentit souvent certaines activités ? Depuis 2014, date de la dernière congestion du port de Douala, des mesures préventives sont prises par l’autorité portuaire, en synergie avec les principaux acteurs de la chaîne des opérations (import-export) pour éviter tout déficit de fluidité. Un comité de suivi a été créé à cet effet. Cette instance qui regroupe tous les acteurs de la chaîne logistique est chargée, de manière permanente, de la mise en œuvre des mesures arrêtées pour la recherche de davantage de fluidité dans ces opérations. Donc une fois de plus, le port de Douala-Bonabéri n’est pas engorgé. Concrètement, au mois de février 2018, nous avons décidé de prendre des mesures énergiques pour endiguer la saturation des terminaux bois et conteneurs, et prévenir la congestion qui pointait à l’horizon. Le taux d’occupation au parc des marchandises à l’export était alors de 130 %, avec plus de 6 000 conteneurs en stock au terminal à conteneurs, et des rendements portiques de quai extrêmement faibles. Le temps d’attente des navires porte-conteneurs à la bouée de base était supérieur à 15 jours, et le délai moyen de passage des conteneurs exports sur le terminal était proche de 17 jours, contre moins de 8 normalement. Le parc du terminal bois était occupé à 82 %, et celui de commercialisation des grumes à 83 %. Face à cette situation, nous devions réagir promptement pour inverser la tendance. Des actions menées à cet effet ont principalement consisté en la modification et la simplification des procédures douanières d’embarquement, avec la suppression de l’analyse des images du passage scanner dans la procédure de préembarquement et l’augmentation des cadences de manutention. Nous avons également travaillé à l’amélioration des rendements de manutention, avec notamment au terminal à conteneurs l’accroissement du rendement des portiques de quai, qui se situe en moyenne à 17 mouvements à l’heure par portique, et au terminal bois, où la cadence de livraison des navires est en hausse et se situe à environ 1 800 m3 par jour et par navire. Enfin, je peux citer la mise en place d’une meilleure organisation du travail dans 58

« Les chantiers de normalisation et de développement instruits par le gouvernement visent à trouver une solution définitive au déficit de fluidité. » lesdits terminaux, avec une plus grande transparence dans la communication des prévisions d’embarquement entre les chargeurs et les lignes maritimes. Les résultats se sont vite fait sentir. À ce jour, la fluidité est entièrement restaurée sur les exportations conteneurisées. Les délais de passage des conteneurs à l’exportation dans ce terminal sont aujourd’hui en dessous de la franchise réglementaire de 7 jours, et le temps d’attente des navires porte-conteneurs à la bouée de base est inexistant. Au terminal à bois, les parcs de commercialisation et d’embarquement sont occupés respectivement à 67 % de grumes et 65 % de débités, d’une part, et 68 % de grumes et 30 % de débités, d’autre part, de leur capacité ; bien en dessous du seuil de la norme admise de 70 %, au-delà de laquelle le terminal est en état de congestion. Tout ceci a été possible grâce à la synergie d’actions entre les principaux acteurs de la place portuaire de Douala-Bonabéri, et notre détermination à ne pas revivre 2014. Est-ce à dire que la situation est désormais normale ? Oui. Et nous travaillons dans le sens d’une fluidité au port permanente. La solution à la problématique de la fluidité est structurelle. En effet, la plate-forme actuelle du combinat portuaire de Douala-Bonabéri a été édifiée en 1980 et dimensionnée pour traiter un trafic annuel d’environ 7 millions de tonnes de marchandises. Or, cette capacité est largement dépassée, puisqu’elle traite environ 12 millions de tonnes de marchandises aujourd’hui. Depuis 1980, il n’y a pas eu d’investissements majeurs pour accroître les capacités d’accueil des navires et de traitement des marchandises. À cette situation se sont ajoutés une forte dégradation des infrastructures HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Le complexe portuaire, en pleins travaux de modernisation depuis plusieurs années. et des superstructures portuaires, l’envahissement de certains quais par des épaves de navires, l’envasement et l’ensablement des plans d’eau, des pieds de quai et des darses, l’occupation anarchique du domaine public portuaire, la dilapidation des actifs immobiliers du port autonome de Douala, etc. Les chantiers de normalisation, de modernisation et de développement instruits par le gouvernement et en cours d’implémentation visent justement à trouver une solution définitive au déficit de fluidité. Tous ces grands projets sont coûteux. Comment et où parvenez-vous à mobiliser les fonds nécessaires ? Effectivement, ces chantiers ont un coût. Pour cela, nous avons pensé lever des financements alternatifs. Toute une ingénierie financière impliquant des institutions bancaires a été mise en place par l’autorité portuaire pour financer les projets structurants. Donc, au-delà des fonds propres, nous levons des financements auprès des banques, évidemment avec le soutien de l’État, pour la réalisation en BOT [Build-operate-transfer, un partenariat public-privé, ndlr] de certains projets importants de construction d’infrastructures et de superstructures. À côté de cela, nous mettons l’accent sur nos ressources propres. Nous avons interpellé les acteurs de la communauté portuaire, lors d’une session du conseil de Port-Synthèse, pour leur adhésion et leur compréhension, notamment sur les mesures qui sont prises par l’autorité portuaire pour le recouvrement et l’élargissement de l’assiette des recettes. Nous avons entrepris la réduction de nos coûts d’exploitation, grâce notamment à l’optimisation du dragage qui permet d’en diminuer les coûts et conséquemment de faire des économies. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Nous comptons aussi sur l’accroissement de nos recettes d’exploitation à travers, entre autres, de nouvelles prestations : la révision des conventions de concession pour améliorer nos revenus ; les nouveaux tarifs d’exploitation et d’occupation, notamment les redevances d’occupation domaniale qui étaient extrêmement faibles par rapport aux prix pratiqués par les promoteurs immobiliers dans la zone ; le renforcement de la coopération avec la ville de Douala et la participation à la réalisation, en partenariat avec cette dernière, de projets de développement générateurs de revenus pour le port autonome, et dont le projet Sawa Beach [un projet d’urbanisation qui vise à faire de la mangrove du Wouri une zone d’habitation et de plaisance, ndlr] sera une importante composante. Le président Paul Biya avait également promis l’optimisation de la façade maritime du Cameroun, grâce au développement de nouveaux ports. Quelles perspectives s’ouvrent au secteur portuaire camerounais avec l’entrée en service du port en eau profonde de Kribi ? Le chef de l’État, Son Excellence Paul Biya, a pensé la réforme portuaire de 1998, qui crée plusieurs ports autonomes au Cameroun. Il entend faire de notre pays un hub maritime et portuaire incontournable dans le golfe de Guinée. Le port en eau profonde de Kribi est déjà fonctionnel, le port d’estuaire de Douala est dans une phase importante de normalisation, de rénovation et de développement, comme détaillé par le président le 6 octobre 2011, lors de sa visite de campagne à Douala. Le port maritime de Limbe et le port fluvial de Garoua viendront compléter le dispositif. Donc nous ne pouvons qu’être optimistes quant à l’avenir du secteur portuaire camerounais. ■ 59


TRADITIONS

TONTINE UN POUR TOUS, TOUS POUR UN Ce système traditionnel de financement fonctionne comme un véritable mécanisme d’aide à l’investissement. par François Bambou

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n ce dimanche de mi-juillet, le domicile de Jean-Luc F. connaît une ambiance particulière. Il reçoit son association, composée d’une vingtaine de commerçants comme lui, pour la tontine hebdomadaire. Comme le veut la coutume dans ce groupe, il a apprêté un repas et quelques bonnes bouteilles, qui seront consommées à la fin de la séance. Rapidement, le président de l’association désigne un bureau du jour, composé d’un coordonnateur, d’un secrétaire de séance, d’un censeur et d’un « billetteur » pour collecter et compter l’argent. La séance, qui dure 60

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Séance hebdomadaire pour l’association Medjieu.

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deux heures, se déroule en plusieurs phases : une cotisation, dont les membres bénéficient à tour de rôle selon un classement négocié au début du tour, et les enchères. Dans cette deuxième partie de la séance, la somme cotisée dans un pot commun est mise en vente aux enchères, et le plus offrant l’emporte séance tenante. Il amortira en douceur ce crédit avec ses cotisations hebdomadaires. En fin de tour, quand chaque participant à la tontine a eu droit à sa cagnotte, le bénéfice des « ventes » (les intérêts) est redistribué entre les membres. Une troisième phase consiste enfin à renflouer, le cas échéant, le fonds de solidarité, lorsque celui-ci a été débité en faveur d’un membre touché par un malheur : deuil, accident, maladie, etc. Cette tontine est donc à la fois une caisse d’épargne, un guichet de crédit et une structure de micro-assurance. Au départ du concept, une veille sagesse bamiléke : « Unis-toi à mille personnes, et ta force sera celle de mille personnes. » C’est dans cette communauté de l’Ouest-Cameroun que la tontine a pris son essor. Les membres sont cooptés sur la base d’affinités diverses : amis d’enfance, collègues de bureau, femmes du village, voisins de quartier, confrères, etc. Même si des avalistes sont sollicités dans certaines tontines brassant des sommes colossales, la confiance mutuelle entre les membres reste la principale garantie.

UNE OBLIGATION SOCIALE Si cette forme d’épargne et de crédit reste informelle, elle est néanmoins très ancienne et connaît un réel succès dans toutes les couches de la société. Les plus grands hommes d’affaires, banquiers y compris, placent leurs ressources en tontine, comme les petits commerçants de l’informel. La pratique est à ce point ancrée dans les mœurs qu’elle devient une quasi-obligation sociale pour la plupart des Camerounais. N’appartenir à aucune tontine, c’est en quelque sorte manquer à la fois de savoir-vivre social et d’ambition. Car c’est à travers ce mécanisme que nombre d’entrepreneurs financent leurs activités et que les individus conduisent leurs projets : achat de terrain ou de voiture, construction de maison, ou encore mise en place d’une activité économique. La tontine vient pallier utilement la difficulté d’accès au système bancaire, et surtout au crédit. Selon une enquête menée dans le cadre de la stratégie nationale de microfinance, près de 60 % des Camerounais préfèrent les tontines aux banques, non seulement parce que les placements y sont mieux rémunérés, mais surtout parce que l’obtention d’un crédit y est plus facile. Au total, les tontines camerounaises brasseraient annuellement plus de 200 milliards de francs CFA. Aujourd’hui, quasiment toutes les couches sociales du pays ont adopté ce système d’épargne et de crédit informel, avec une infinité de déclinaisons selon qu’il s’agit de salariés, de femmes ou hommes d’affaires, de paysans ou 62

N’appartenir à aucune tontine, c’est en quelque sorte manquer à la fois de savoir-vivre social et d’ambition. d’artisans. Dans les temps plus anciens, cette forme de mutualisation s’appliquait également à la force de travail. Ainsi, les familles voisines pouvaient décider d’aller défricher les champs à tour de rôle. Aujourd’hui, dans la région de la Lekié (dans le centre du pays), les femmes éton, reconnues pour leur dynamisme dans le secteur agropastoral, mettent en commun leur épargne tout au long de l’année afin de s’acheter du matériel agricole ou de l’équipement électroménager. À Douala, les tontines de commerçants leur permettent de lever en quelques heures des sommes importantes pour saisir des opportunités ponctuelles d’affaires, là où les banques classiques auraient exigé de longs délais et une pile de papiers administratifs.

QUAND LA DIGITALISATION S’EN MÊLE Bien que le système formel se soit enrichi ces dernières décennies de nouvelles banques et d’établissements de microfinance privilégiant les offres de services de proximité, les tontines ont continué à prospérer : « Contrairement aux banques, et en raison de leur ancrage sociologique et pas seulement territorial, les tontines ont l’avantage d’intégrer les valeurs du terroir : sentiment d’appartenance communautaire, solidarité, participation aux actions communautaires, culte de l’effort, entrepreneuriat, sécurité, réalisation de soi, conservation du patrimoine culturel », écrit Louis Roger Kemayou, docteur ès sciences sociales appliquées et coauteur, avec François Guebou Tadjuidje et Marie-Sophie Madiba, de Tontine et banque en contexte camerounais. Au Cameroun, analyse Joseph Mbouombouo Ndam, expert en microfinance HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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et directeur du cabinet Universal Finance Consult (UFINA), les tontines représentent une importante source de financement pour les entreprises, dont 37 % avouent y recourir pour se financer, même lorsqu’elles sont par ailleurs clientes de banques. Il révèle également que ce système de financement est la destination préférée de l’épargne des ménages, 44 % des sondés avouant être des adhérents. « Toutes les analyses à son sujet s’accordent sur son fondement à la fois social et financier. Ce sont ces deux objectifs qui sont assignés à la tontine par les ménages que nous avons sondés, dans une proportion de 9,5 % pour l’objectif de liant social et de 86,5 % pour l’objectif d’intermédiation financière », indique l’expert. Le succès des tontines et leurs perspectives prometteuses sont telles que, ces dernières années, des développeurs ont créé des applications permettant de gérer les tontines en ligne. Achile Salomon Nghukam Noussi et Eddy Joël Tchousse Lonkeng ont ainsi lancé « i-Djangui ». Jules Guilain Kenfack, ingénieur informatique résidant en Allemagne, a également créé l’application « Djangui » (appellation de la tontine dans la région anglophone du NordOuest). Pour le développeur, la digitalisation des opérations s’avère indispensable pour limiter la manipulation de l’argent liquide, qui expose aux agressions, et pour détecter et limiter HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Réunion d’épargne pour ce groupe d’artisanes dans l’esthétique, à Douala.

Il existe plusieurs applications qui permettent, depuis quelques années, de gérer sa tontine en ligne.

les cas d’échec de cotisation. Grâce à ces applications, des membres qui ont quitté la ville, ou même le pays, peuvent continuer à participer activement aux activités du groupe : « “Djangui” permet, entre autres, d’effectuer des tirages au sort automatiques, d’élire les membres du bureau, de faire des emprunts, de rédiger des rapports et de discuter à travers un service de messagerie instantanée. Bien évidemment, les transactions se font de manière sécurisée grâce aux platesformes de transfert d’argent. » ■ 63


INTERVIEW

JEAN PAUL TCHOMDOU « FORMER LES JEUNES À L’ENTREPRENEURIAT ET AU LEADERSHIP»

Très actif dans le coaching des jeunes entrepreneurs, cet expert en communication et fondateur d’une société de production vient de lancer la première entreprise de fraîche découpe du pays. AM : Comment est née votre société ? Jean Paul Tchomdou : PenjaLand est la première entreprise de fraîche découpe au Cameroun, elle produit des fruits frais découpés en salades ou mixés en jus à destination des hôtels, des restaurants, des centres commerciaux et des sociétés. Elle propose aussi une consommation sur place. L’idée de PenjaLand est née à la suite d’une série de constats. Tout d’abord, dans notre pays – comme ailleurs – se développent des maladies cardiovasculaires dues, selon les spécialistes, à notre mauvaise alimentation. Les médecins affirment qu’une alimentation saine doit être constituée de cinq fruits et légumes par jour. Mais consommer des fruits n’est pas toujours facile. Il faut aller les acheter au marché, les nettoyer, les éplucher, les découper… Dans notre quotidien, nous manquons de temps. C’est pour répondre à ce besoin que nous avons pensé rendre les fruits frais disponibles et prêts à la consommation. Par ailleurs, notre activité contribue à faire reculer la pauvreté. Il suffit de faire un tour à Yaoundé ou à Douala pour voir des fruits qui traînent à même le sol dans les 64

marchés, parce que les producteurs ne parviennent pas à écouler leur marchandise. Ce qui leur cause un manque à gagner énorme. L’idée est de permettre aux planteurs d’avoir des revenus supplémentaires en diversifiant leur clientèle et en recrutant des jeunes pour s’en charger. Vous êtes également depuis 2011 à la tête de la société de production In & Out. Comment est né ce projet ? In & Out a été créée en septembre 2011 et a lancé sa première production en février 2012 : l’émission radiophonique Carrières. Au départ, nous ne souhaitions pas particulièrement créer une entreprise. Nous avions simplement constaté que pas mal de jeunes Camerounais étaient perdus, sans repères, se posant un certain nombre de questions à cause du chômage qui augmente chaque jour. Et au même moment, à côté d’eux, d’autres réussissaient, sans qu’ils ne comprennent les clés de leur succès. Nous avons donc voulu leur montrer le chemin. Cette émission a pour objectif d’orienter les jeunes Camerounais dès la classe de la seconde. Une fois arrivés en terminale, ils auront ainsi une HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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propos recueillis par François Bambou


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INTERVIEW/JEAN PAUL TCHOMDOU

Jean Paul Tchomdou a fondé PenjaLand, qui produit des salades de fruits frais ou des jus.

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idée n’est pas aussi bonne (ou mauvaise) que ça. Parce que rien ne s’invente, on apporte étape par étape des améliorations. En clair, quand votre idée apporte une véritable valeur ajoutée, alors vous serez déterminé à travailler. Et à réussir. Quels sont les handicaps pour les jeunes entrepreneurs ? Souvent, ils se découragent, au prétexte qu’ils n’ont pas de moyens. Personnellement, je pense que toutes les bonnes idées se financent. Si votre idée est bonne, qu’elle offre une vraie valeur ajoutée, vous trouverez de l’argent pour la concrétiser. La première chose, c’est d’identifier et de monter le bon projet. Ensuite, si sa réalisation coûte 20 millions, soyez sûr que vous mobiliserez au moins 10 millions. Et il faut savoir qu’il y a des sacrifices à faire. Il faut être très sérieux, honnête, crédible, cela permet d’inspirer confiance à vos partenaires potentiels. Sinon, on ne vous soutiendra pas. Comment définiriez-vous la jeunesse camerounaise ? Est-elle travailleuse ? Oui et non. Il existe des vaillants Camerounais : ils sont braves, travailleurs, se tuent à la tâche pour sortir le pays de sa situation difficile. Ils sont dans l’innovation, l’industrie pharmaceutique, les nouvelles technologies, etc. Mais hélas, une autre partie de la jeunesse a baissé les bras, simplement parce que, autour d’elle, les repères ont disparu. C’est là que j’attire l’attention de nos aînés et de nos parents. Quelle jeunesse voulons-nous ? Quel exemple devons-nous leur montrer ? Aujourd’hui, au lieu de former des hommes, on forme souvent des rêveurs. De nombreux programmes gouvernementaux en faveur des jeunes ont été lancés. Peut-on dire que l’État fait sa part, et que ce sont peut-être les jeunes qui ne saisissent pas toujours la perche tendue ? Il est vrai que l’on a multiplié les programmes d’aide. L’État a financé des milliers de jeunes. Mais le résultat est-il réellement satisfaisant ? Il n’est pas très utile de donner de l’argent à quelqu’un qui n’est pas prêt à l’investir ou le gérer. Je pense que le financement n’est qu’un pan de l’appui que les autorités peuvent apporter, et que la formation en management en est un autre. Il faudrait, de mon point de vue, que l’on programme une formation au niveau du premier cycle de l’université. Car tout le monde sait qu’aujourd’hui, la fonction publique ne pouvant recruter tout le monde, le seul espoir se trouve dans l’initiative privée, dans l’entrepreneuriat. ■ HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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idée du métier qu’ils souhaitent exercer. L’autre but, c’est d’éviter qu’ils n’aient comme seuls modèles les feymen, ou autres voyous enrichis grâce au trafic ou aux arnaques. Ceux qui travaillent honnêtement sont rarement encensés dans nos médias. Le but de Carrières, c’est de professionnaliser les compétences, de donner des repères aux jeunes et de valoriser les parcours qui le méritent. Après ce programme, nous avons lancé l’émission de télé Stratégie, le premier magazine économique de 90 minutes dans le pays, pour donner la parole à ceux qui font l’économie du Cameroun. Nous avons aussi produit Travelling sur VoxAfrica, dédiée à 100 % aux médias. Nous y travaillons depuis six ans et l’aventure continue. Est-ce qu’une émission comme Carrières ne pourrait pas se décliner en matière de coaching ? Bien entendu. C’est pour cela que nous avons lancé les Ateliers de Carrières. Nous nous sommes rendu compte que les parcours valorisés dans l’émission restaient parfois inaccessibles aux jeunes, alors on a mis sur pied ces ateliers qui permettent une rencontre physique entre ces derniers et les héros de nos « success-stories ». Deux ateliers ont déjà été organisés : le premier à Douala le 21 avril 2018 et le second à Yaoundé le 23 juin. Des personnalités sont venues se présenter, discuter, et il y a eu des séances de coaching. À travers une tranche de l’émission dénommée « Initiative », on a également donné l’opportunité aux participants de présenter leur projet en six à huit minutes. On espère pouvoir avoir les moyens que ces ateliers, qui ont rassemblé près de 250 personnes à Douala et 275 personnes à Yaoundé, puissent regrouper jusqu’à 3 000 jeunes. Vous êtes à la tête de deux structures, est-ce que l’on peut en conclure qu’il est facile d’entreprendre au Cameroun ? Je ne pense pas qu’il y ait un seul pays où il soit facile d’entreprendre. L’entrepreneuriat part d’un constat et d’une volonté de contribuer à résoudre un problème. Il faut dénicher, relever un souci, un manque ou un besoin. Vous devez ensuite proposer une solution. Et quand vous êtes vraiment décidé à apporter votre contribution, à ce moment-là, les galères et autres difficultés peuvent se transformer en éléments motivants. Mais pas mal de gens préfèrent les raccourcis. Une idée n’est pas un projet d’entreprise. Elle ne vaut rien, tant qu’elle n’a pas été opérationnalisée. En discutant avec vos amis ou votre famille, vous pouvez comprendre que votre

« Si votre idée est bonne, vous trouverez de l’argent pour la concrétiser. »



COUPE DES NATIONS

AU PAYS DU FOOT

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Passionné de sport et collectionneur de victoires, le peuple camerounais se prépare activement à accueillir en juin 2019 la Coupe d’Afrique des nations, la plus grande compétition sportive du continent. par Franck Fosso

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C’

est en juin que le Cameroun devrait accueillir la Coupe d’Afrique des nations de football 2019. Mais dans ce pays qui a érigé le sport en religion, le ballon rond en tête, c’est d’ores et déjà la grande effervescence, rythmée par d’interminables débats à la télévision ou dans les salons. Objectif premier : réussir une bonne organisation du tournoi sportif le plus médiatisé du continent, mais surtout conserver le trophée gagné lors de la CAN 2017 au Gabon. L’enjeu est donc important, comme le confirme le ministre des Sports et de l’Éducation physique, Pierre Ismaël Bidoung Mkpatt : « L’organisation, après quarante-quatre ans pour la CAN féminine et quarante-sept ans pour la masculine, de compétitions d’une si haute envergure est hautement significative. Ces deux grands challenges permettent aux observateurs de tester les vertus d’hospitalité, de paix et de passion d’un pays qui a remporté de grandes victoires sportives hors de ses frontières. Il a toujours été reproché au Cameroun de ne jamais organiser d’événements sportifs d’envergure, notamment de football, qui rassemblent le reste du continent sur son sol. Réussir une telle orchestration constitue une occasion de démontrer sa vitalité diplomatique et sportive. L’honneur du Cameroun n’a pas de prix ! » tranche

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L’événement se déroulera du 15 juin au 13 juillet 2019.

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espaces de vie pendant la compétition seront des lieux de l’homme-orchestre, chargé de s’assurer de la bonne préconvergence et d’expression du vivre-ensemble, non seuleparation du pays en vue de l’échéance. En visite au palais ment entre les Camerounais, mais aussi pour les ressortisde l’Unité le 2 octobre pour rencontrer Paul Biya dans un sants des nombreuses nationalités présentes au Cameroun », contexte de pressantes rumeurs sur un éventuel retrait de explique un haut responsable du comité d’organisation. Plula CAN 2019 au Cameroun, Ahmad Ahmad, le président de sieurs villes ont reçu des budgets spéciaux pour faire leur la Confédération africaine de football (CAF), s’est voulu rastoilette, afin de disposer de voiries et d’équipements urbains surant : « La CAF n’a pas de plan B. Elle n’a jamais réfléchi collectifs fonctionnels. Quant à l’État, il veut s’appuyer sur à un retrait de la CAN au Cameroun. C’est le Cameroun qui la ferveur populaire et la cohésion sociale accueille cette compétition, et c’est lui qui autour de cet événement pour faire valoir pourra nous dire : “on est prêts”, ou alors sa réputation de pays uni, stable, où règne “donnez-nous le temps, nous ne sommes la sécurité, malgré la persistance de poches pas prêts”. Cela relève du Cameroun, et d’instabilité dans l’Extrême-Nord et dans non de la CAF. » De quoi donner un coup de certains villages des régions du Nord-Ouest fouet aux préparatifs de cet événement qui et du Sud-Ouest. mobilise toute la communauté nationale. Priorité : la mise en place rapide des infrastructures sportives et hôtelières. Sur DES CHAMPIONS cet aspect, le Cameroun vit au rythme des DE RÉPUTATION MONDIALE missions d’inspection de la CAF, dont la derSi le succès du Cameroun est très nière, conduite par l’ex-capitaine des Black attendu, c’est parce qu’il s’agit d’un pays Stars du Ghana Anthony Baffoe, accompassionné de sport, présentant une véritable pagné des experts du cabinet Roland Beraddiction pour les victoires, un goût immoger, s’est déroulée en août dernier. Pour le déré pour les médailles et titres internatioLe ministre des Sports ministre Pierre Ismaël Bidoung Mkpatt, pas naux. Pour Pierre Ismaël Bidoung Mkpatt, Pierre Ismaël Bidoung Mkpatt. d’inquiétudes à avoir : « En ce qui concerne les lauriers aident à cimenter la cohésion les infrastructures sportives, l’offre s’est nettement amélionationale : « Les victoires sportives concourent à faire vibrer rée, avec sept stades de compétition aux normes CAF, dont la fibre patriotique des citoyens et à renforcer l’adhésion deux de très grande capacité (60 000 et 50 000 places). Les populaire à un idéal commun, celui d’un Cameroun qui terrains d’entraînement dans les six sites de la CAN 2019 sont gagne. C’est pour cela que le chef de l’État n’a jamais cessé également aux normes CAF ou en voie de l’être. À l’issue de la de citer les sportifs lors de leurs exploits comme des modèles CAN 2019, le Cameroun bénéficiera de 32 stades, totalement de foi, d’abnégation, de détermination, de solidarité et d’hoopérationnels, mis à la disposition de la jeunesse sportive. mogénéité. Le sport est donc, dans notre pays, un vecteur Notre pays va apporter une solution durable au problème des de consolidation de l’unité et un catalyseur de l’intégration infrastructures sportives, qui étaient considérées comme le nationale. C’est dans cette optique que l’attribution de l’orventre mou de la politique sportive de notre pays. » ganisation de la CAN 2019, après la CAN féminine 2016, est Les infrastructures hôtelières, hospitalières, routières, considérée comme une victoire diplomatique et sportive. » aéroportuaires, de communication et de télécommunications L’organisation de ces deux grandes compétitions participe font également l’objet de travaux lourds de mise à niveau, selon lui de la politique de promotion des potentialités des non seulement pour respecter le cahier des charges de la jeunes du pays et contribue à améliorer le rayonnement et CAF, mais aussi pour être en mesure d’accueillir les délégal’image de marque du Cameroun, tant à l’intérieur qu’au-delà tions officielles et les milliers de spectateurs attendus. Sur le de ses frontières. plan économique, nombre d’opérateurs sont également en Celui-ci a d’autant plus soif de lauriers qu’il est dans une ordre de bataille dans les villes qui vont accueillir le tourdynamique de victoire depuis quelques années : sacre des noi pour saisir toutes les opportunités offertes, notamment Lions indomptables à la CAN 2017 au Gabon ainsi que des grâce à l’aménagement de villages CAN et de fan zones. « Ces Lionnes indomptables à la CAN 2017 de volley-ball dames 70

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Sept stades de compétition aux normes CAF, dont deux de très grande capacité.


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Le stade d’Olembé, où se jouera le match d’ouverture, accueillera 60 000 spectateurs. sur son territoire, qualification des Lionnes indomptables à la CAN féminine 2018 au Ghana, ou encore participation honorable du pays aux Jeux de la francophonie et aux Jeux de la solidarité islamique. Sans oublier les autres disciplines, comme le nanbudo, le sambo, le judo, le karaté, la lutte, le jeu de dames, le tennis de table ou le sport pour déficients visuels et physiques. Au total, en 2017, le pays a récolté 142 médailles en or, 97 en argent et 142 en bronze dans toutes ces compétitions internationales. Ce qui a fait dire à Paul Biya qu’« au Cameroun, il n’y a pas de sport majeur, de sport mineur, ou de sport réservé ». Pour le ministre Bidoung Mkpatt, « la recette de ces victoires réside dans le travail, la discipline, le respect des consignes, et encore davantage dans la grande responsabilité qui est celle de défendre avec honneur les couleurs de son pays. Si les résultats obtenus sont remarquables, la très haute hiérarchie et le public sportif seront plus exigeants et plus attentifs aux prestations de nos athlètes et à notre système d’organisation, à l’occasion des prochains rendez-vous sportifs. Nous devons travailler plus que par le passé en vue de remettre les milieux sportifs en confiance, en alerte, en situation de travail permanent pour tendre vers l’excellence, vers le mieux-être, au vu des enjeux et des défis à relever ». Dans plusieurs disciplines sportives, le Cameroun a d’ailleurs produit des talents de réputation planétaire, tels que les footballeurs Roger Milla, Thomas Nkono ou Samuel Eto’o, la double championne olympique du triple saut Françoise Mbango Etone, le joueur de tennis vainqueur de RolandGarros et ancien capitaine de l’équipe de France de Coupe HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Davis Yannick Noah, ou encore les joueurs de basket-ball Joel Embiid et Luc Mbah a Moute, qui jouent dans la ligue américaine NBA. Parmi la nouvelle génération, des sportifs inaugurent la percée du Cameroun dans des disciplines peu répandues dans le pays jusqu’à récemment. C’est le cas de Carlos Takam, challenger du titre mondial des poids lourds en boxe anglaise, de Francis Ngannou, vice-champion du monde depuis décembre 2017 des poids lourds de l’Ultimate Fighting Championship (UFC) – la ligue d’arts martiaux mixtes (MMA) la plus renommée –, ou encore du rugbyman Robins Tchale-Watchou, qui travaille actuellement avec Vivendi Sports pour le rayonnement du cyclisme et de l’athlétisme camerounais. Des carrières exceptionnelles qui font la fierté de toute la nation, comme s’en réjouit le ministre des Sports et de l’Éducation physique : « Le Cameroun est fier de ses ambassadeurs sportifs à travers le monde. Notre pays regorge d’un potentiel peu commun en ce qui concerne les sportifs, toutes disciplines confondues. On les retrouve dans chaque continent, au sein de grandes structures sportives, dans lesquelles ils s’illustrent très brillamment. Plusieurs n’ont pas fait leurs classes au pays, mais gardent l’amour du drapeau national. D’autres parviennent au firmament par leurs propres moyens, et conservent toujours l’esprit patriotique. » Un esprit patriotique qui anime les débats enflammés sur l’avancement des chantiers de la Coupe des nations et sur lequel toute la population mise, dans le but que les Lions indomptables gagnent le trophée. Comme quoi, « l’honneur du Cameroun n’a pas de prix ». ■ 71


INTERVIEW

MARTIN CAMUS MIMB « AVANCER EN SE DISANT QU’IL N’Y A PAS DE LIMITES » Ce journaliste est l’un des plus appréciés de sa génération. Entretien avec le fondateur de Radio Sport Info, l’unique station sportive spécialisée de l’Afrique centrale.

AM : Comment êtes-vous devenu journaliste sportif ? Martin Camus Mimb : J’ai été frappé par la poliomyélite à l’âge de 1 an et demi. Tous mes frères jouaient au football, et ils étaient obligés de me traîner partout où ils allaient jouer. Je pense que c’est pour cette raison que j’ai aimé le ballon rond. En outre, mon papa achetait beaucoup de journaux de foot et comme je n’avais pas grandchose à faire à cause de ma mobilité réduite, je passais le plus clair de mon temps à lire les journaux. C’est ainsi qu’est née ma passion pour 72

le football et le journalisme. Et j’ai commencé à m’exercer, comme certains jeunes, au lycée lors des championnats interclasses. Quelles sont les principales étapes de votre évolution dans le métier et les clés de votre réussite ? Ma passion pour ce métier a véritablement démarré à Dikalo, où j’étais chef du service des sports. J’ai découvert une rédaction avec de véritables requins, des signatures réputées, et on m’a confiné aux sports parce qu’il n’y avait personne d’autre sous la main. Dès mes premiers papiers, HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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propos recueillis par François Bambou


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INTERVIEW/MARTIN CAMUS MIMB

les aînés qui étaient là, notamment Tetteh Armah et Thomas Eyoum’a Ntoh, sont arrivés à la conclusion que je pouvais tenir cette rubrique. Par la suite, je suis entré à Equinoxe, la radio du groupe de La Nouvelle Expression, où j’ai été chef du desk sport et rédacteur en chef sport du groupe, à la fois pour la télévision et la presse écrite. Après quoi, j’ai migré à Spectrum Télévision (STV), où j’étais également chef du desk sport. Évidemment, j’y ai écourté mon passage parce que je voulais déjà me consacrer à l’international. Mais avant de partir de STV, j’ai commenté la Coupe du monde 2010 pour l’Union africaine de radiodiffusion, la Coupe d’Afrique des nations 2012 pour le compte de Canal+ et la Coupe du monde 2014. À ce moment-là, j’avais déjà créé ma propre structure. J’ai également été consultant de Canal+ pendant plus de cinq ans et chroniqueur dans l’émission Talents d’Afrique avant d’ouvrir ma société. Aujourd’hui, j’ai mis sur pied Radio Sports Info (RSI), dont le but est d’encadrer et de former les jeunes, leur transmettre cette passion pour le journalisme sportif. Comment est venue l’idée de cette première radio thématique sportive dans la sous-région ? Après un constat simple : en 2004, en voyant les aînés comme Jean Lambert Nang et Abed Nego Messang disparaître de la scène, les gens estimaient que le journalisme sportif national était fini. J’ai pensé qu’il fallait remédier à ce pessimisme ambiant, donc j’ai essayé d’incarner la relève en 2010 avec mon commentaire de la Coupe du monde sur des grandes chaînes internationales, et le public a adhéré. Je me suis dit que nos aînés n’avaient rien fait pour que le journalisme sportif ne disparaisse pas après eux. Donc j’ai décidé de travailler dans ce sens. Beaucoup de jeunes ne pouvant pas avoir, comme moi, la chance de se former à Canal+, je me devais donc de mettre ces modestes savoirs et expériences à leur disposition. Le 28 août 2012, un événement est venu me conforter dans cette voie. J’ai eu un accident, et ma jambe d’appui s’est cassée, alors que j’avais un rendez-vous avec les responsables de Canal+ quatre jours plus tard à Abidjan, où il était question d’étudier l’opportunité d’un recrutement à Paris pour commenter des matchs et faire d’autres émissions. J’ai passé cinq mois à l’hôpital. C’est vrai que la porte restait ouverte chez Canal+, mais j’ai préféré montrer aux miens que j’étais un gagneur, que je pouvais surmonter cette épreuve. C’est ainsi que j’ai créé ma radio, avec le soutien de beaucoup d’amis. C’est vrai qu’au départ, d’autres personnes ont tenté de me décourager en me disant qu’il serait difficile de faire marcher une radio exclusivement consacrée au sport. Problème : je ne savais faire que ça. Je me suis donc lancé, et c’est ainsi que Radio Sport Info est née. Quelles sont les thématiques développées par RSI ? C’est une radio sportive qui s’inspire un peu de RMC en France, mais avec un penchant pour la musique. C’est-à-dire 74

« Depuis que l’on a créé notre média, je vois des jeunes athlètes fiers que l’on parle d’eux. » que nous parlons sport (à hauteur de 90 %) et diffusons de la musique (10 %), et c’est d’ailleurs pour cela que notre slogan est « Sport and music only ». On traite de toute l’actualité sportive, et on couvre toutes les compétitions mondiales en direct grâce à notre écurie de jeunes commentateurs – sortis tout droit des universités camerounaises – que j’ai pu mettre en place. Je leur donne des outils pour commenter les matchs et, bien sûr, on couvre toutes les compétitions auxquelles prennent part les équipes nationales camerounaises, mais aussi les compétitions internationales comme la Ligue des champions ou la Coupe du monde. Nous déployons des reporters partout pour cela, grâce à nos ressources publicitaires. Beaucoup de gens ne comprennent pas notre concept, se disant que nous sommes là du matin au soir pour donner des résultats de matchs. Mais non, nous parlons aussi de politique du sport. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’une grande rubrique va être ouverte aux candidats pour la campagne électorale de la présidentielle d’octobre 2018. Ils vont pouvoir exposer leurs programmes et leurs projets pour le sport. Nous discutons donc de tout ce qui tourne autour de cette thématique. Voilà globalement notre concept, lequel, de mon point de vue, intéresse beaucoup de monde dans notre aire de diffusion, notamment le Littoral et le Sud-Ouest ainsi qu’une partie de l’Ouest. Nous avons quand même apporté un petit vent de fraîcheur sur les ondes, et aujourd’hui, je vois que beaucoup de médias ont copié le concept puisque les débats sportifs se multiplient. C’est tant mieux pour nous tous. Avez-vous d’autres projets dans le monde médiatique au Cameroun, ou au-delà ? J’ai effectivement quelques projets en tête. Premièrement, mettre en place une unité de télévision. Mais pas une chaîne de télévision dans le sens classique, qui coûte une fortune, une chaîne qui ne sera visible que sur une application Web, sur les téléphones et autres équipements connectés. Avec ce dispositif, j’espère pouvoir aller sur le satellite en utilisant la HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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En réunion avec ses collaborateurs, dans les locaux de RSI, à Douala. fibre optique pour atteindre tout le monde. D’autre part, je pense qu’un pays ne peut pas développer son secteur sportif sans des médias puissants qui s’y consacrent. J’aimerais donc lancer un quotidien pour permettre aux jeunes sportifs qui sont basés au Cameroun d’avoir un minimum de visibilité. Depuis que l’on a créé notre radio, je vois des jeunes fiers que l’on parle d’eux à la radio. Il faut que l’on apporte cette expérience dans la presse écrite. Enfin, je pense qu’avec tous les réseaux que j’ai aujourd’hui, je peux mettre sur pied un cabinet de lobbying et d’intermédiation pour aider les sportifs de haut niveau à accroître leur visibilité et améliorer leur image. Quels sont les facteurs clés qui ont contribué à votre ascension dans le métier ? Mon handicap physique m’a sans doute fait comprendre dès le départ que je devais travailler davantage. C’est ce que j’ai fait, et que je continue de faire. Je faisais plus d’efforts que n’importe qui partout où j’ai travaillé. J’ajoute que lorsque l’on est travailleur et passionné par quelque chose, on avance en se disant que l’on n’a pas de limites. Et j’ai encore beaucoup à prouver dans ma carrière. Il faut que je donne encore plus aux jeunes. Il n’y a pas de structure de formation dans HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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cette spécialité. Les écoles sont devenues de simples centres de théorie. Les jeunes en sortent sans aucune compétence. Aujourd’hui, ces derniers sont en mal de repères. Et je pense que je peux leur être utile dans ce sens. Je prie juste la nature de me donner encore suffisamment de force pour avancer et pouvoir le faire. À propos de cette jeune génération de journalistes, on note qu’ils sont principalement attirés par la politique et qu’il n’y a pas assez de vocations dans le sport. Comment comptez-vous leur inculquer ce goût, dans un pays comme le Cameroun où le sport est clairement une passion nationale ? Chez nous, on a des a priori. On pense parfois que le journalisme sportif est réservé à ceux qui ne peuvent pas travailler en politique ou en économie. En partant de là, le débat est faussé d’avance. Je me souviens de cette anecdote vécue par Abel Mbengue : lorsqu’il est arrivé à la rédaction de la radio nationale, on l’a envoyé au service sport, estimant qu’il était moins diplômé que d’autres. Comme une punition. Heureusement pour nous, il est devenu un très grand journaliste. Jean-Lambert Nang ou Abed Nego Messang étaient aussi de 75


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véritables génies du métier. Ils ont montré que l’on pouvait être brillant et choisir d’être journaliste sportif. C’est ce que je veux communiquer aux jeunes d’aujourd’hui. Ils ont compris qu’avec le nombre de médias internationaux qui s’installent chez nous, de nombreuses passerelles et opportunités s’offraient désormais à eux. Parlons du championnat local de football qui n’est pas de très bonne facture, alors que les joueurs camerounais excellent à l’étranger. Selon vous, que pourrions-nous faire pour rendre notre championnat plus attractif ? Vous le savez, on a malheureusement inversé les rôles au Cameroun. Les dirigeants sont plus connus que les athlètes. Ce qui n’arrive jamais sous d’autres cieux. Je ne suis pas sûr que l’on puisse citer cinq noms du directoire du football français, mais on peut citer cinq noms de vedettes de son championnat national, comme Mbappé, Neymar, Cavani, Verratti, Buffon, etc. Chez nous, devenir dirigeant de club est un ascenseur social ou politique. Et quand vous voyez avec quel mépris ils parlent de leurs sportifs, vous comprenez qu’il y a un vrai souci, une inversion des valeurs. Quand vous êtes à une séance d’entraînement, vous voyez les dirigeants arriver en voiture, et les joueurs en taxi-moto. Il faut évidemment valoriser les sportifs au Cameroun. Et les médias

« De nombreuses passerelles et opportunités s’offrent désormais aux professionnels de notre secteur. » spécialisés, s’ils se multiplient et prennent du poids, y contribueront. Radio Sport Info est dans cette démarche. Ailleurs, ce sont les droits audiovisuels qui nourrissent les clubs de foot. Ici, il n’y en a pas. La première chose à souhaiter, c’est que les politiques lâchent un peu le sport, afin qu’il puisse voler de ses propres ailes. Ils doivent laisser les professionnels du secteur travailler librement. ■

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Martin Camus Mimb a été, entre autres, correspondant pour Canal+ avant de créer sa propre structure.

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INTERVIEW

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VIVIANE ONDOUA BIWOLE «MA PASSION POUR LA BONNE GOUVERNANCE » Cette experte multiplie les ouvrages sur la gestion de l’État et de ses organismes. Pour comprendre son enthousiasme et son militantisme pour inclure les femmes dans AM : Vous avez écrit beaucoup d’ouvrages le domaine public, scientifiques sur la gouvernance. nous l’avons rencontrée etD’oùd’articles vous vient cette passion pour le sujet ? Viviane Ondoua Biwole : Je côtoyais déjà cette probléà Obiv Solutions, matique dans ma formation, au cours de mon parle centre de recherche cours universitaire. Le déclic vient en 1993 lorsque le département de gestion est créé. C’est un tout nouveau et de conseils département qui n’existe dans aucune autre université en management camerounaise, et je décide de me lancer dans l’aventure, grâce à mon maître – qui est aujourd’hui décéqu’elle a créé dé –, le professeur Lucien Kombou, le premier Africain à Yaoundé, agrégé en Sciences de gestion. Il nous a clairement expliqué que ce cursus avait pour but de former des et qu’elle dirige. propos recueillis par François Bambou HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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femmes et des hommes capables d’améliorer la performance des entreprises. J’ai pensé que c’était un champ intéressant qui pourrait apporter une valeur ajoutée à 79


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notre pays, classé en voie de développement. On s’est donc dit que les entreprises constituaient un vivier important, et qu’il fallait une masse critique de personnes qui réfléchissent sur leurs performances. Pour moi, c’était une cause noble, pour laquelle on pouvait se battre. Entre-temps, j’ai été recrutée comme enseignante en Sciences de gestion en 1998, puis à l’Institut supérieur de management public (ISMP) en 1999. À l’époque, c’était un recrutement essentiellement féminin, mis en place par l’École nationale d’administration publique (ENAP) au Québec, grâce à la coopération canadienne. Il a ensuite été constaté qu’entre 1985 – date à laquelle l’institut avait été créé – et 1999, très peu de femmes avaient été recrutées. L’ENAP a donc décidé de mettre de nouveau en place un projet, cette fois-ci pour recruter uniquement des femmes, les former, puis les rendre disponibles pour l’institut. Le programme a duré de 1999 à 2005. Nous avons eu l’opportunité d’être suffisamment formées. Vous comprenez pourquoi, depuis bien des années, le secteur public constitue le cœur de mes interventions. Après l’ISMP, je suis entrée comme inspectrice no 1 au ministère de la Fonction publique le 1er décembre 2007. J’ai ensuite été nommée inspectrice générale en septembre 2009, et en juin 2010, je suis devenue directrice générale adjointe de l’ISMP. J’ai toujours côtoyé les administrations publiques. En tant qu’employée, puis gestionnaire, et sur le plan théorique, dans le cadre de mes recherches. Pour moi, c’est un champ d’observaViviane Ondoua tion permanent. Biwole écrit Votre dernier ouvrage des ouvrages sur le management traitait de la loi sur les et donne des établissements publics. conseils via En quelques mots, quel est son entreprise votre regard sur celle-ci ? Obiv Solutions. Elle était attendue depuis 2015. Parce qu’à cette date, toutes les administrations et les établissements publics devaient s’arrimer au budget-programme. De fait, la loi de 1997 devenait caduque, parce qu’elle avait été élaborée sur la base d’une autre philosophie. Quand elle est arrivée en 2017, je me suis dit que l’on avait fait un grand pas, mais qu’allait-il en ressortir ? Est-ce que la montagne accoucherait d’une souris ou bien de quelque chose d’intéressant ? C’est la raison pour laquelle j’ai suggéré à 10 de mes collègues universitaires que l’on dissèque cette loi et que l’on se prononce. Est-ce qu’il y a des innova80

« Tenir tête aux hommes, ce n’est pas facile pour les Camerounaises. Mais elles évoluent. Les codes sont en train de changer. » tions, et si oui, lesquelles ? Est-ce qu’il y a des reculs ? Est-ce que, de notre point de vue, cette loi est de nature à impulser le bond qualitatif que l’on souhaite ? Il est donc question de voir si avec l’avènement de cette loi, on est capable de nous départir de nos habitudes et de nous inscrire véritablement vers la performance. Ce qui est intéressant, c’est qu’avec cette loi sur les investissements publics, il n’existe plus vraiment de barrières entre les principes de gestion du privé et ceux du secteur public. D’autre part, la notion de performance dans les établissements publics est privilégiée, notamment dans les secteurs sociaux qui offrent des services publics de première nécessité, à savoir l’eau, l’électricité, la santé, etc. On ne leur demande pas de produire un bénéfice économique. Le dividende de ce point de vue est la qualité du service, la satisfaction de l’usager, la réduction des délais de prestation, etc. Ces services sont davantage appréciés, et le véritable indicateur d’appréciation est le bénéficiaire. À côté de ces établissements, vous avez les entreprises publiques, dans lesquelles l’État est actionnaire unique ou actionnaire majoritaire. L’une des innovations de cette loi, c’est qu’elle exclut toutes les sociétés dans lesquelles l’État n’a pas la majorité. Les entreprises où l’État a des participations minoritaires sont restées des entreprises privées gérées selon les dispositifs de la loi Ohada. Autre innovation, que l’on soit établissement public ou entreprise publique, la performance est au cœur, avec comme stratégie centrale la gestion des ressources humaines. Avant, au moment de présenter le budget, on n’exigeait pas d’avoir préparé un plan de déploiement des ressources humaines. Désormais, c’est le cas. Néanmoins, quelques reculs sont à observer. Dans la gouvernance d’entreprise, les philosophies diffèrent. Dans les entreprises publiques, deux questions sont principales : HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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comment est-ce que l’on crée ou répartit la richesse ? Et quels sont les mécanismes à mettre en place pour contrôler les dirigeants et faire en sorte que la production de la richesse soit abondante ? Pour répondre à cette question, quand on lit la loi, on se rend compte qu’on est dans la gouvernance actionnariale. Ce qui compte, c’est l’État. Les autres partenaires de l’entreprise qui peuvent se considérer également comme propriétaires de l’entreprise, notamment le personnel et les clients, ne sont pas pris en compte. On est donc resté dans la logique du propriétaire apporteur du capital. C’est une philosophie dépassée depuis 1950. Or, dans cette loi, c’est bien l’État qui apporte le capital, et ses désirs sont des ordres, c’est lui qui dirige. Ça se manifeste comment ? Dans le conseil d’administration, il y a un représentant du personnel, mais dans le processus de contrôle du dirigeant, c’est l’État qui met tous les mécanismes en place. Ce n’est que son point de vue qui compte. C’est lui d’ailleurs qui les nomme et les démet. Or, dans la gouvernance partenariale, les employés sont aussi des partenaires, et dans ce cadre, il y a des dispositifs ou des mécanismes où le personnel est capable de demander au gestionnaire de lui rendre des comptes. Dans une logique essentiellement actionnariale, c’est l’apporteur des capitaux qui est roi. Dans une logique partenariale, c’est tous les partenaires. L’État ici est vraiment resté très fort. Quelle est la problématique que vous soulevez dans l’ouvrage Au secours, je suis patron, publié en 2014 ? Mon livre est parti d’un constat simple : chaque fois qu’on nommait un dirigeant, il y avait comme une sorte de fébrilité. Dans l’opinion publique, la nomination est perçue comme une promotion et on met le « patron » sur un piédestal. Mais il y a un contraste entre ce qui s’observe chez le public et ce que la personne ressent. J’ai écrit cet ouvrage en trois mois. Chez nous, lorsque vous êtes nommé, le décret passe à la télévision, ensuite vous êtes installé et vous faites une grande fête. Vous recevez des félicitations. Pendant près d’une semaine, vous êtes dans une sorte de tourbillon. Et puis, après tous ces bons moments, vous vous retrouvez seul, il n’y a plus personne, il n’y a plus que des parapheurs. Des questions surgissent dès lors : par où dois-je commencer ? Qu’est-ce que je dois faire ? Avec qui ? Et comment ? Je me suis demandé s’il était possible de répondre à ces questions, pour aider ceux qui se retrouvent dans cette situation. L’ouvrage donne les clés pour savoir quoi faire les premières HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Dans les locaux de son entreprise, en juillet 2018.

heures de sa nomination. On ne peut pas commencer par signer les dossiers. Il faut comprendre sur quelle planète on atterrit. Il faut aussi savoir ce qu’est une entreprise, la disséquer, comprendre son fonctionnement, ce qui est autorisé et ce qui est interdit. La deuxième chose à faire, c’est de lire les textes, pour savoir ce que l’on attend de vous. Car dans la fonction publique, lorsque vous remplacez quelqu’un, vous êtes dans la continuité. Et dans la continuité du service public, il faut savoir ce qui est attendu sur le court, le moyen et le long termes. Il faut donc faire le point avant de commencer à signer les dossiers. La troisième étape consiste enfin à comprendre que si vous avez été nommé, c’est avant tout pour créer de la valeur, faire grandir l’entreprise. Ainsi, après 100 jours, vous devez être capable de venir déclarer à vos collaborateurs ce que vous allez faire pendant que vous serez là. Tel était, de manière succincte, le contenu de l’ouvrage Au secours, je suis patron : je voulais donner quelques clés aux gestionnaires qui n’ont pas toujours suivi des cours de gestion. Au Cameroun, beaucoup de femmes diplômées ne prennent pas le leadership pour exprimer leurs idées. Quel est le problème selon vous ? Elles ont souvent des parcours professionnels assez particuliers. Notre société a des codes qui constituent une pression pour les femmes. À titre d’illustration, lorsque vous êtes enfant, vous êtes sous l’autorité des parents, et lorsque vous devenez adulte, vous êtes sous l’autorité de votre mari, si vous en avez un. Les femmes ont tendance à être conformistes et à répondre au schéma que la société attend d’elles. Alors, s’embraser pour une cause, tenir tête aux hommes par le discours ou la fonction, ce n’est pas facile. Mais les Camerounaises évoluent. Les codes sont en train de changer. ■ 81


PORTRAITS

ELLES ET ILS INCARNENT LE CAMEROUN EN MARCHE Voici dix entrepreneurs talentueux, audacieux, qui font bouger les lignes. par Franck Fosso

Vanessa Zommi Kungne, VANESSA ZOMMI KUNGNE, 23 ans à peine, est à la tête d’Afya Tea, une entreprise qui n’est pas ordinaire. Cette société qui monte s’est spécialisée dans la production de thés à base de moringa (une plante médicinale), en premier lieu à l’intention des personnes diabétiques, afin de réguler le taux de sucre dans leur sang. Une activité qui colle parfaitement au tempérament de cette ancienne étudiante de l’université de Buéa, passionnée par tout ce qui peut avoir un impact social. Elle est classée par l’African Leadership Academy et la Fondation MasterCard parmi les 12 entrepreneurs qui comptent en Afrique grâce à sa trouvaille, mise au point à 17 ans. La jeune femme collectionne les prix à travers le continent : le prix Ashoka en 2014, le prix Anzisha en 2015, le Grand Prix de l’innovation de l’E-Cam 82

DR

PDG d’Afya Tea

la même année, ainsi que le prix du meilleur entrepreneur social du Cameroon Career Women Awards (CCWA) en 2016. Pour aller plus loin et s’ouvrir de nouvelles perspectives, elle est désormais inscrite à l’université Villanova, en Pennsylvanie, aux États-Unis, où elle fait des études d’ingénierie en chimie. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Arthur Zang,

PDG de Zng Smart Cards Factory

AMBROISE TÉZENAS/ROLEX AWARDS

JUSQUE-LÀ CONNU comme inventeur, Arthur Zang, qui a mis au point CardioPad, une tablette médicale permettant de faire des examens cardiologiques complets à distance, est à 31 ans un manager accompli. Avec sa société Zng Smart Cards Factory, il vient de lancer une solution de cartes de paiement qui a fait l’objet d’un partenariat signé le 17 septembre dernier avec le gouvernement. Cette carte, qui permet d’effectuer des paiements sur les terminaux électroniques, a aussitôt été adoptée par la Cameroon Postal Services (Campost). Cette start-up opère dans la production de cartes à puce et d’équipements de contrôle, tels que les terminaux et les barrières automatiques. « Nos produits sont parfaitement compatibles avec les normes internationales et peuvent aisément être utilisés dans les domaines tels que l’éducation, la santé, le transport et les transactions bancaires », indique l’homme. Celui-ci ne compte plus ses prix internationaux, obtenus depuis la mise en service de sa tablette, laquelle sauve des dizaines de milliers de vies à travers le continent chaque année.

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PORTRAITS

Eliane Paule Meubeukui,

RÉGULIÈREMENT SOLLICITÉE pour implémenter des projets de communication pour des ONG et des PME, Eliane Paule Meubeukui finit par se demander en 2014 si ce n’est pas là son destin. Et c’est ainsi que naît MIR International Consulting, une agence de conseil, qui propose des formations et de l’accompagnement d’entreprises. Pourtant, avec son master en science politique, option études internationales, elle était davantage promise à une carrière de fonctionnaire que d’entrepreneure. Aujourd’hui, à 33 ans, elle est à la tête de sa start-up, qui opère essentiellement dans la digitalisation des sociétés et institutions, un métier qu’elle a appris en Chine : « Nos équipes conçoivent des logiciels adaptés aux besoins des entreprises, et nous accompagnons cette transformation avec une stratégie de marketing digital pour soutenir les efforts d’innovation. Ces services intègrent la prise en compte de la définition des objectifs globaux de l’entreprise et de sa communication, la détermination des publics cibles, le service client et le service aprèsvente. Nous intégrons également la détermination des moyens de mise en œuvre », explique-t-elle. 84

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VICTOR ZEBAZE

PDG de MIR International Consulting


Etang Egbe,

PDG de l’application Shoppote ETANG EGBE, 30 ANS, est le père du comparateur de prix Shoppote. Cette application Web et mobile permet de visiter les rayons des magasins en comparant les produits et leurs tarifs avant de faire son choix. L’acheteur peut ainsi localiser le magasin le plus proche qui possède le produit voulu au moment de sa recherche, au meilleur prix. L’objectif : briser les barrières entre les consommateurs digitaux et les vendeurs non-connectés. Shoppote est sa deuxième application après Dial237, lancée en septembre 2015. Avant la mise en place de ces projets, il a séjourné en Inde où il a travaillé dans plusieurs laboratoires informatiques, après une licence à l’université de Buéa, principal vivier des développeurs camerounais. Durant son séjour en Inde, dans la région de Bangalore, qui a duré un peu moins de quatre ans, il a notamment consolidé son expérience dans des firmes telles que Subex Limited, Convergys et Aditya Birla Minacs.

Cédric Atangana,

DR - VICTOR ZEBAZE

PDG de la start-up Infinity Space CÉDRIC ATANGANA, 25 ANS, est le cofondateur d’Infinity Space. Cette start-up a lancé WeCashUp, une plateforme de paiement mobile universelle qui permet aux e-commerçants d’intégrer toutes les solutions de finance mobile dans leur site Internet au moyen d’une API (interface de programmation). Elle consiste à faire communiquer HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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les systèmes de finance mobile hétérogènes présents dans chacun des 54 pays d’Afrique. Sur le continent, on dénombre quelque 150 solutions de mobile money, qui restent extrêmement isolées parce qu’il n’y a pas d’interopérabilité entre les systèmes. Le système WeCashUp rend donc possible le paiement d’une plate-forme à une autre. Le projet a déjà reçu quelques distinctions à l’étranger, et la start-up Infinity Space a été sacrée la plus innovante au monde en 2014 au Google I/O Pitch Night à la Silicon Valley (États-Unis).

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PORTRAITS

Ebenezer Kepombia,

Flavien Kouatcha Simo, PDG de Save Our Agriculture

AVEC SES DIPLÔMES d’ingénieur (généraliste, puis en génie électrique) et son master en marketing, Flavien Kouatcha Simo, 28 ans, a connu un parcours inattendu. C’est en effet dans l’agriculture qu’il a choisi de s’investir, avec succès. Il s’est spécialisé en aquaponie, un système agricole qui associe la culture de végétaux et l’élevage de poissons, les déjections de ces derniers servant d’engrais aux plantes cultivées. Son projet 86

de kits aquaponiques a séduit aussi bien le gouvernement que des organisations internationales, qui lui ont apporté leur concours. Les prix qu’il a remportés lui ont également permis de poursuivre son aventure et de développer son entreprise. Il a ainsi pu créer sa propre ferme, et voit encore plus grand : « À ce jour, nous n’en sommes plus seulement aux kits aquaponiques. Nous construisons en effet des serres sur des surfaces allant jusqu’à 250 m². Nous possédons une ferme dans la ville de Douala. Et dès 2018, nous comptons impulser la création par des tiers d’une centaine d’autres fermes aquaponiques en Afrique », confiait-il en début d’année.

EBENEZER KEPOMBIA, né à Bazou dans la région de l’Ouest, est aujourd’hui l’une des valeurs sûres du septième art camerounais. Diplômé en littérature et en civilisation allemande, il a enseigné l’allemand et le français dans plusieurs lycées et collèges du pays, avant de se révéler au public en jouant dans plusieurs séries humoristiques à la fin des années 2000. Aujourd’hui, à 48 ans, c’est un scénariste, réalisateur et producteur accompli qui enchaîne les séries à succès, pleines de suspense et puisant dans le tréfonds de la culture camerounaise. Il n’hésite pas à donner du relief aux seconds rôles dans ses productions en les jouant lui-même, comme dans La Reine blanche, sa dernière série diffusée sur les chaînes locales et internationales, dans laquelle il incarne un notable fourbe et d’une incroyable pingrerie à la cour royale de Sokoundé. Chambery Entertainment, sa maison de production, a lancé la diffusion de Habiba, sa dernière série, dont le casting fait appel aux grands noms du cinéma camerounais du moment. Cela présage un nouveau succès.

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VICTOR ZEBAZE

acteur, scénariste et réalisateur


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PORTRAITS

Joseph-Marie Ayissi Nga,

créateur de Wazal Couture

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EN QUELQUES ANNÉES, Joseph-Marie Ayissi Nga a fait de la marque Wazal, qu’il a fondée, l’une des meilleures ambassadrices de la mode camerounaise. « Le mot “wazal” est inspiré du parc national de Waza qui se trouve à l’extrême nord du Cameroun. Ce parc m’a toujours inspiré par la beauté de sa faune. Et je cherchais un animal féroce qui pourrait représenter mon image de marque. Donc j’ai ajouté un L, qui représente le lion et qui incarne la beauté, le respect et la puissance », expliquait l’homme de 34 ans il y a quelques mois. À ce jour, plusieurs de ses collections lui ont valu des prix internationaux, dont une nomination aux Beffta Awards, à Londres, en 2016. Amoureux du style street chic, il travaille avant tout sur l’originalité et fabrique ses habits à Paris, ce qui lui a déjà permis d’habiller des icônes telles que Singuila, Wayne Beckford, Lalcko, ou encore Al Peco. Son projet principal est désormais de développer une gamme pour enfants et d’ouvrir une usine de fabrication de vêtements au Cameroun.

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Alvine Flora Handou Choupo, créatrice des sites VuSur et AfriRelay

À SEULEMENT 28 ANS, Alvine Flora Handou Choupo force déjà l’admiration dans le monde des affaires. Née au Cameroun, où elle a effectué ses études jusqu’au bac, elle y est aussitôt retournée après ses études d’ingénieur financier en France et en Angleterre pour fonder sa société VuSur. Cette plate-forme en ligne permet de repérer des marchandises en Europe et de se les faire livrer au Cameroun, et progressivement dans d’autres pays du continent. En somme, il s’agit de permettre aux résidents camerounais et d’Afrique de faire leurs courses sur toutes les plates-

Jules Patrick Baty Ngassa,

VICTOR ZEBAZE

chocolatier

JULES PATRICK BATY NGASSA, 48 ans, est un magicien du cacao. Donnez-lui une fève, et il la transforme aussitôt en chocolat blanc, noir, au lait, en bonbon, gâteau, croustille, dragée, caramel, ou en beurre. Un destin étonnant pour cet ingénieur en électronique qui s’est pris de passion pour la transformation agroalimentaire : « J’étais choqué de voir le Cameroun toujours exporter des produits bruts, sans les transformer. J’ai commencé à concevoir et à fabriquer moi-même des machines, puis à élaborer les procédés de transformation. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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formes du monde, grâce aux opportunités de l’économie numérique. « J’ai ressenti le besoin de faire quelque chose de significatif et de travailler dans un endroit où mon action aurait du sens et plus d’impact : mon pays natal, confie-t-elle. Nous permettons à ceux qui souhaitent acheter sur les plates-formes comme Amazon, Alibaba ou eBay de payer leurs achats via des moyens locaux (mobile money, espèces, virement bancaire) et de recevoir leurs achats par notre intermédiaire quelques jours plus tard dans leur ville de résidence. » Sur le terrain, les opérations de VuSur sont prolongées par une deuxième enseigne, AfriRelay, laquelle offre aux habitants d’Afrique subsaharienne un réseau de proximité pour la livraison de leurs colis.

Un stage au sein de Sic Cacaos, à Douala, a achevé de forger ma vocation. » Sa particularité, et élément de son succès, est son procédé d’extraction par pression à froid des fèves de cacao, sans colorant, ni conservateur, ni parfum. Installé au cœur de Yaoundé, avec sa quinzaine d’employés, ce natif de Loum, dans le Mungo, une zone à la production agricole abondante, transforme mensuellement une dizaine de tonnes de cacao, qu’il vend sous le label « Les délices de Baty ». Outre son chocolat, il commercialise des machines de transformation agroalimentaire pour d’autres denrées (manioc, fruits…) dans son complexe industriel. Son ambition : parvenir à l’exportation de ses chocolats 100 % bio.

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PORTFOLIO

Tourisme

Forêts denses et plages au Sud, steppes et pics rocheux au Nord, lieux sacrés et danses rituelles à l’Ouest, volcans au Sud-Ouest, chutes naturelles, réserves de faune… Le Cameroun, bilingue et fort de 264 ethnies, est l’un des pays africains les plus riches en diversité naturelle et culturelle. Un véritable condensé du continent tout entier. Panorama. par Emmanuelle Pontié

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L’Afrique en miniature


Extrême-Nord • Rhumsiki. Un exceptionnel paysage lunaire, avec ses pics rocheux hérissés sur les hauteurs des monts Mandara.

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PORTFOLIO

Sud-Ouest • Mont Cameroun. Ce volcan, aussi appelé « Char des dieux », culmine à plus de 4 000 mètres. Il est considéré comme le 10e sommet africain.

Sud • Artisanat.

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Dans les environs de Kribi, comme sur l’ensemble du territoire, les échoppes vendant de l’artisanat local (colliers et bracelets de perles, objets traditionnels en bois sculpté…), offrent aux touristes un large choix. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Sud • Forêts primaires.

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Une végétation sauvage et luxuriante peuplée d’arbres rares et immenses, véritable poumon vert de l’humanité.

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Extrême-Nord • Cases « obus » mousgoum.

Petite curiosité architecturale, cet habitat traditionnel se perpétue à la frontière du Tchad, du côté de Kousséri.

Extrême-Nord • Parc national de Waza.

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Il s’étend sur une superficie de 1 700 km2, non loin des rives du lac Tchad, et offre aux visiteurs une faune unique en liberté, constituée de 379 espèces d’oiseaux et 30 espèces de mammifères. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Sud • Chutes de la Lobé. Elles se jettent dans la mer à quelques kilomètres de la station balnéaire de Kribi. On y pêche des crevettes que l’on déguste cuites au four dans les petits restaurants de pêcheurs des environs.

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Ouest • Grotte Fovu. Cet ensemble de cavités rocheuses est un lieu sacré de purification situé à Baham. C’est ici que la lignée royale communique avec les esprits.

Ouest • Danse Nzeuh.

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Chez les Bamiléké, « Nzeuh » signifie « nom ». Ici, avoir un nom, c’est être gratifié d’un titre de noblesse par le roi. Lors des cérémonies, les anoblis dansent parés de costumes traditionnels couverts de perles riches et arborent des peaux de panthère en signe d’invincibilité. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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Sud • Plages de Kribi.

Ce lieu de villégiature très prisé attire autant les Camerounais que les visiteurs étrangers. Cette ville balnéaire a développé ses infrastructures hôtelières et de loisirs et accueille de plus en plus de vacanciers chaque année.

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POUR CONCLURE

PAR zyad limam

Émergences camerounaises Paul Biya, c’est « le maître des plaques tectoniques », résume ce proche du système. « Il sait où ça bouge, comment ça bouge, il connaît son pays par cœur, il se place au-dessus de la mêlée, sur la plaque la plus haute, et tient adversaires et proches comme à distance. Il est seul, libre, au sommet du pouvoir. » De toute évidence, le deuxième président de la République camerounaise, successeur d’Ahmadou Ahidjo, est un orfèvre politique. Le pays est complexe, multiple, une nation mosaïque en équilibre permanent. Et gouverner pendant trente-six ans, se faire réélire pour un septième mandat successif, ne tient pas du hasard. Ou du simple autoritarisme. Il faut du savoir-faire, avoir le sens des équilibres justement. Survivre aux crises. Il aura aussi fallu parer et s’adapter à toutes les grandes vagues qui ont secoué l’Afrique tout au long de ces années : fin du parti unique, démocratisation, crise économique, austérité… Mesurer et contenir enfin l’ambition des clans rapprochés qui se sont pris à rêver d’Etoudi.

Le mystérieux Paul Biya (il s’exprime peu) entame donc son septième mandat. Un record. Mais les observateurs l’ont dit, le Cameroun n’est plus vraiment le même. La campagne a été vive. Les jeunes se sont mobilisés. Les débats devant le Conseil constitutionnel ont donné lieu à un véritable moment de vie politique et de liberté. La participation citoyenne, les débats ont été réels. Les réseaux sociaux ont contrebalancé la puissance des médias d’État et des titres traditionnels. Des visages nouveaux sont apparus. Le statu quo a bougé. Les temps changent.

Pour le président élu, l’horizon demeure évidemment politique. Comment gérer à moyen terme cette nouvelle opposition représentative ? Outre les débats permanents sur 98

la succession du chef, des élections municipales et législatives sont prévues pour 2019. L’opposition revigorée jouera-t-elle le jeu électoral ? Le RDPC saura-t-il rajeunir ses cadres, se renouveler, proposer de nouveaux profils ?

Ce qu’attendent au fond les Camerounais, c’est la capacité du chef à incarner la stabilité et la solidité du pays. Les défis sont historiques. Le Cameroun est fragilisé comme rarement dans son histoire récente. Il faut sortir de la crise profonde qui mine les régions anglophones avec la menace d’un véritable conflit intérieur. Pacifier les régions du Nord, prises en tenaille par le terrorisme djihadiste, tout en maintenant la discipline des forces armées. Ce qui compte aussi pour les Camerounais, c’est le progrès, le niveau de vie, l’emploi, les espérances pour soi et sa famille, l’emploi. Le Cameroun est un grand pays, la locomotive économique de la zone Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), une nation de 25 millions d’habitants qui s’étend des rives de l’océan Atlantique aux savanes du Sahel et du lac Tchad. Une nation aux richesses multiples, agraires, minières. Une nation de jeunes entrepreneurs aussi, avec de l’énergie à libérer. Le développement, la croissance, la bonne gouvernance, la lutte contre la corruption sont des enjeux essentiels. Le Cameroun a toutes les cartes en main pour être à moyen terme un pays émergent.

Cette émergence a besoin de perspective politique à long terme. C’est probablement la plus importante des missions présidentielles, celle qui apparaît dans l’ordre des choses. Institutionnaliser réellement le débat politique. Créer et renforcer les cadres de la démocratie. Et ouvrir les portes sur demain. Pour « le maître des plaques », le succès historique serait de maîtriser le chemin de la transition et d’assurer l’autre émergence, celle générationnelle. ■ HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE

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