AFRIQUE MAGAZINE - AM 369 - Juin 2017

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AFRIQUE MAGAZINE - JUIN 2017

ÊTRE EN AFRIQUE ÊTRE DANS LE MONDE

AFRIQUE MAGAZINE EN VENTE CHAQUE MOIS

Tunisie

Pèlerinage

Messages d’espoir à la Ghriba

Guinée

Du potentiel à la réalité Sénégal

Hommes-femmes, rudes combats !

Témoignages

Djihad La grande

douleur des mères

Et aussi Daouda Coulibaly,

www.afriquemagazine.com

Oxmo Puccino, Didier Claes, Samia Orosemane…

LE POUVOIR

JEUNE

L’élection en France d’Emmanuel Macron, 39 ans, ouvre le débat en Afrique, continent de traditions et d’un « grand-frérisme » actif.

Un dossier spécial de 16 pages

France 4,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3000 FCFA ISSN 0998-9307X0

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ÉDITO par Zyad Limam

MON CHER JEAN-KARIM,

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u nous as quittés d’un coup, comme ça. À Taormina, en Sicile, le 26 mai dernier, où tu étais venu couvrir le sommet du G7 pour France 24. 59 ans. C’est brutal… J’ai appris ton départ, ce jour-là, juste avant d’arriver sur les plateaux de la chaîne, pour une émission de débat. Des souvenirs et des images sont remontés. Lors de mes premiers voyages sur le terrain, je te croisais souvent, un aîné de quelques années, avec déjà beaucoup plus d’expérience que moi, et une sorte d’assurance et de calme qui me faisaient largement défaut. Et puis aussi, tu avais déjà ta vraie légende, le côté tout-terrain, le côté baroudeur, 4×4. Le journaliste qui bien au-delà de ses airs d’intellectuel et de lettré, avait couvert les premières poussées d’Ebola au Zaïre, suivi le Liberia, et Charles Taylor (dont ton ami, le journaliste Cyril Bensimon, raconte que tu imitais si bien « la voix suave et traînante »), la mise à sac de Kinshasa (en 1991)… Pour moi et d’autres, peut-être plus institutionnels dans le style, tu avais ce côté fascinant du vrai reporter, au « contact ». Longtemps à RFI, donc, avec des postes en Côte d’Ivoire, où tu as été, je crois, le premier à nous informer de la mort de Félix Houphouët-Boigny, et au Gabon, où la gestion d’Omar Bongo n’a pas dû être facile tous les jours… Directeur du fameux, du célèbre, de l’emblématique service Afrique (1996-2012). Puis RFI quitté dans le déchirement avant de rejoindre France 24, où tu avais retrouvé un nouveau souffle. En ouvrant aussi tes perspectives. Tout au long de ces années, ta voix et ton image nous ont accompagnés au rythme des événements d’une Afrique toujours en devenir, souvent convulsive. Et puis, il y a ce métissage que nous avons en commun, toi enfant d’une mère française et d’un père sénégalais, Kader Fall, qui fut ministre. Cette capacité à appréhender l’Afrique avec le cœur et la passion tout en pouvant s’en détacher, la regarder avec raison, de l’extérieur. Je ne vais pas faire ici ta « nécro », comme on dit dans notre métier. Des gens beaucoup plus proches de toi, tes collègues, tes amis l’ont fait bien mieux que je ne pourrais le faire. Mais du coup, m’adressant à toi, le journaliste, je voudrais m’adresser à nos lecteurs. Le journalisme est essentiel à l’Afrique. La presse et les médias sont essentiels. Nous avons besoin de raconter notre histoire, notre actualité, notre vision du monde. Nous avons besoin aussi d’interpeller nos puissants, nos hommes d’État, nos entrepreneurs, la société civile, la société tout court aussi, avec ses réussites, ses faiblesses, ses complaisances. Le chemin est difficile. La presse est fragile et il faut se faufiler au mieux entre les intérêts des uns et des autres, tout en cherchant une part de vérité, tout en s’adaptant à un métier en plein bouleversement. Jean-Karim, tu pars bien trop tôt, mais tu as montré l’exemple, tu as fait ta part du travail. À nous de continuer. À d’autres aussi de suivre, de venir, de prendre la relève. ■

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SOMMAIRE JUIN n°369 AFRIQUE MAGAZINE EN VENTE CHAQUE MOIS

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ÉDITO Mon cher Jean-Karim par Zyad Limam

TEMPS FORTS 20

Tunisie

par Sabine Cessou, Frida Dahmani, Hedi Dahmani, Zyad Limam, Emmanuelle Pontié, Sophie Rosemont, Julien Wagner

Pèlerinage

Messages d’espoir à la Ghriba

ON EN PARLE

Guinée

Du potentiel à la réalité Sénégal

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Hommes-femmes, rudes combats !

Témoignages

Djihad La grande douleur des mères Et aussi Daouda Coulibaly,

LE POUVOIR

JEUNE

L’élection en France d’Emmanuel Macron, 39 ans, ouvre le débat en Afrique, continent de traditions et d’un « grand-frérisme » actif.

Un dossier spécial de 16 pages

France 4,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3000 FCFA ISSN 0998-9307X0

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PHOTO DE COUVERTURE : RGA/REA

Musique : Disiz La Peste, la révolte tranquille par Sophie Rosemont

Oxmo Puccino, Didier Claes, Samia Orosemane…

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Livres : Léonora Miano, labyrinthes initiatiques par Catherine Faye

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Écrans : Le camp des sorcières

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Agenda : Le meilleur de la culture C’EST COMMENT ? De l’art, dare-dare !

17

par Jean-Marie Chazeau

PARCOURS Maryam Madjidi

42

CE QUE J’AI APPRIS Oxmo Puccino par Loraine Adam

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LE DOCUMENT En selle et aux quatre coins du monde

Enquête Sénégal : hommes, femmes, rudes combats par Sabine Cessou

48

Interview Didier Claes par Sabine Cessou

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par Catherine Faye

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Reportage Djerba: À la Ghriba, une Tunisie de l’espoir par Julien Wagner

par Emmanuelle Pontié

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Perspectives Le pouvoir jeune

Temps fort Djihad, l’immense douleur des mères par Hedi Dahmani

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Les Gens Daouda Coulibaly par Jean-Marie Chazeau

par Zyad Limam

98

VINGT QUESTIONS À... Samia Orosemane par Astrid Krivian

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AFRIQUE MAGAZINE

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MARCO LONGARI/AFP PHOTO - ONS ABID

ÊTRE EN AFRIQUE ÊTRE DANS LE MONDE

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FONDÉ EN 1983 (33e ANNÉE) 31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE Tél. : (33) 1 53 84 41 81 – fax : (33) 1 53 84 41 93 redaction@afriquemagazine.com

Zyad Limam DIRECTEUR GÉNÉRAL ET RÉDACTEUR EN CHEF

zlimam@afriquemagazine.com

Assisté de Nadia Malouli nmalouli@afriquemagazine.com RÉDACTION

Emmanuelle Pontié

DIRECTRICE ADJOINTE DE LA RÉDACTION

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Hedi Dahmani RÉDACTEUR EN CHEF DÉLÉGUÉ hdahmani@afriquemagazine.com

p. 58

Isabella Meomartini DIRECTRICE ARTISTIQUE imeomartini@afriquemagazine.com

Alexandra Gil RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE EN CHARGE DES ÉDITIONS NUMÉRIQUES agil@afriquemagazine.com

Éléonore Quesnel

SECRÉTAIRE DE RÉDACTION

sr@afriquemagazine.com

Amanda Rougier PHOTO

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arougier@afriquemagazine.com ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO Loraine Adam, Jean-Noël Caussil, Sabine Cessou, Jean-Marie Chazeau, Frida Dahmani, Aurélie Dupin, Catherine Faye, Alexis Gau, Dominique Jouenne, Astrid Krivian, Coralie Pierret, Sophie Rosemont, Faustine Sappa, Julien Wagner.

DOSSIER GUINÉE Devenir la perle de l’Afrique de l’Ouest par Coralie Pierret

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Bauxite, un filon si convoité Il y a huit ans, un massacre toujours impuni Pour une capitale propre Interview : Jacqueline Sultan La tradition en héritage Elles sont bien décidées à compter !

VIVRE MIEUX

Danielle Ben Yahmed RÉDACTRICE EN CHEF avec Annick Beaucousin, Julie Gilles. VENTES EXPORT Arnaud Desperbasque TÉL.: (33) 5 59223575 France Destination Media 66, rue des Cévennes - 75015 Paris TÉL.: (33)156821200

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AFRIQUE MAGAZINE

MADE IN AFRICA 88

Escapades : Saint-Louis, le temps suspendu

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Carrefours : Cheick Diallo, le défi du fer

COMMUNICATION ET PUBLICITÉ

p. 68

par Emmanuelle Pontié

par Aurélie Dupin

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AFRIQUE MAGAZINE EST UN MENSUEL ÉDITÉ PAR

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31, rue Poussin - 75016 Paris. PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL ET DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Zyad Limam.

par Loraine Adam

Compogravure : Open Graphic Média, Bagnolet. Imprimeur: Léonce Deprez, ZI, Secteur du Moulin, 62620 Ruitz.

VIVRE MIEUX 94 95 96 97

Acupuncture : La méthode du Qi ! Deux condiments qui font du bien Allergies : comment faire face ? Écrans : 6 bons conseils contre la fatigue visuelle

AFRIQUE MAGAZINE

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AMC Afrique Méditerranée Conseil 31, rue Poussin - 75016 Paris Tél.: (33)153844181 – Fax: (33)153844193 GÉRANT Zyad Limam DIRECTRICE GÉNÉRALE ADJOINTE Emmanuelle Pontié regie@afriquemagazine.com CHARGÉE DE MISSION ET DÉVELOPPEMENT Elisabeth Remy

Commission paritaire : 0219 / I 856 02. Dépôt légal : juin 2017.

p. 90

La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos reçus. Les indications de marque et les adresses figurant dans les pages rédactionnelles sont données à titre d’information, sans aucun but publicitaire. La reproduction, même partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction. © Afrique magazine 2017.

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Disiz La Peste

La révolte tranquille 40 ans, l’âge de raison ? Assagi, le rappeur inspiré des années 2000 revient plus en VERVE que jamais avec l’ambitieux album Pacifique. QUI DIT Disiz dit « J’pète les plombs », énorme tube antisocial qui lui a valu d’être étiqueté enfant terrible du hip hop français en 2000. À l’époque, ses références étaient nettement au-dessus du lot de la plupart de ses pairs rappeurs. Il s’y inspirait de la prestation rageuse de Michael Douglas dans Chute libre de Joel Schumacher (1993), l’irradiant de son humour aux échos désespérés. Puis il n’a plus arrêté de produire, ne manquant jamais de surprendre son public – notamment en 2010, avec Dans le ventre du crocodile, qui témoignait de son amour pour le rock’n’roll. Outre ses incursions littéraires (via Les Derniers de la rue Ponty en 2009 et René en 2012), il a su renouveler le langage du rap francophone avec une verve narrative 8

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allusions à Tolstoï, Aldous plutôt épatante… Et continue Huxley, Massive Attack, de le faire aujourd’hui avec Jack London ou Steven ce superbe Pacifique, qu’il a Spielberg. Et s’attaque à ce tenu à réaliser lui-même… que l’actualité a de plus hormis deux coproductions révoltant : « Poisson avec Stromae sur « Splash » étrange » évoque Aylan, et « Compliqué ». enfant syrien retrouvé On tient là un album qui « PACIFIQUE », mort sur une plage… épouse à la fois l’air du temps Disiz La Peste, Plombant, Pacifique ? Non, (on y entend de l’auto-tune, Polydor. il est au contraire traversé des beats synthétiques, une de cette insatiable soif de vivre et de trame électro-pop) tout en respectant raconter qui caractérise Disiz La Peste l’ADN sonore de Disiz, à savoir un hip hop mâtiné d’influences éclectiques, depuis ses débuts. Impossible de ne pas du zouk à la chanson française. Il s’offre esquisser quelques pas de danse sur « Radeau », « ADN » ou « Ça va aller ». même le luxe de reprendre un des plus Enfin, « Auto Dance » ferme ce 11e album grands tubes d’Alain Souchon avec « Quand je serai chaos ». Approuvé par avec un panache se nourrissant des l’intéressé ! Une fois encore, ses jolies mélodies de ses ancêtres comme inspirations relèvent le niveau, avec des de son présent musical foisonnant. ■ AFRIQUE MAGAZINE

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par Sophie Rosemont

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« ENNANGA VISION », Ennanga Vision,

anthologie

Soundway Records/ Kartel.

« ZAÏRE 74 », LE WOODSTOCK DE KINSHASA

Revivre le MYTHIQUE festival qui rassembla des pointures comme Tabu Ley Rochereau et Miriam Makeba ? Indispensable ! pop postmoderne ENNANGA VISION, TRIBAL ET ACIDE DERRIÈRE CE DRÔLE de nom s’activent le producteur londonien Jesse Hackett et le multiinstrumentiste Albert Ssempeke, fils d’un des musiciens de la cour royale du Bouganda. Ce sont ces mélopées oubliées, issues du répertoire traditionnel ougandais, que l’on retrouve dans cet album ultra-contemporain, mais passées à la moulinette des beats et des effets électroniques. Le tout accompagné d’un xylophone géant ou d’un violon à une corde africain... Et ça fonctionne ! On se laisse prendre par les rythmes saccadés et la beauté des mélodies tribales. ■ S.R.

afro-funk

LE COMBAT de boxe entre Mohammed Ali et George Foreman au Zaïre est resté dans les annales, grâce à When We Were Kings. Ce documentaire a été réalisé en 1996 par Leon Gast, après un long procès contre Don King, l’organisateur du match, qui avait mis sous clé les bobines de film et les bandes rapportées de Kinshasa. Soul Power, un autre, « ZAÏRE 74 », collectif, a retracé les performances à Kin de James Caroline Records. Brown, B.B. King et The Crusaders, entre autres pointures américaines. Or, c’est un « Woodstock africain » qu’a abrité Kin en septembre 1974. Il aura fallu 43 longues années pour pouvoir en retrouver les fantastiques vibrations africaines, avec Franco, Tabu Ley Rochereau et Miriam Makeba au sommet de leur art. L’intégrale figure dans cette double compilation que l’on doit au musicien de jazz sud-africain Hugh Masekela et son ami américain Stewart Levine, producteur new-yorkais. Les deux hommes avaient participé en 1974 à la programmation « afro » du festival. Ils ont négocié avec l’avocat de Leon Gast pour avoir les droits sur les bandes ici remixées. Le résultat : une pépite dont on n’est pas près de se lasser. ■ Sabine Cessou

LE SUPER COMBO DE SUPERGOMBO

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ON EN PARLE musique

ICI, ON PARLE le langage du funk américain et de la Blaxeploitation comme des soukous congolais wet des gammes mandingues… « EXPLORATIONS », Supergombo, Sans besoin de traduction. PAG/Inouie Dès l’irrésistible ouverture Distribution. d’Explorations, « Faraphonium », on a envie de danser. Tant mieux, c’est l’objectif d’Étienne Kermarc, entouré des prodigieux musiciens (et compagnons de route !) Nacim Brahimi, Aurélie Joly, Romain Nassini, Riad Klai, David Doris et Wendlavim Zabsonré. Ensemble, ils offrent à l’afrofunk ce qu’il y a de mieux en termes de mélodies référencées et de grooves balancés. Un trip collectif Le saxophoniste et bassiste Étienne Kermarc s’est entouré de nombreux musiciens pour son projet, où le groove règne en maître. qu’on ne demande qu’à rejoindre. ■ S.R. AFRIQUE MAGAZINE

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Léonora Miano

Ses romans sans concession touchent à l’INTIMITÉ. L’auteure franco-camerounaise livre ici une déroutante SUITE au premier volet de Crépuscule du tourment. Passionnant. par Catherine Faye SA VOIX PROFONDE, chaude, presque rauque, rappelle le timbre de Nina Simone ; son style rythmé, parfois incantatoire, swingue comme les notes d’une partition de jazz, sa passion. L’écriture de Léonora Miano est un son qui porte, qui captive. À 44 ans, l’auteure de huit romans dont La Saison de l’ombre, prix Femina 2013, revient avec un récit initiatique où la perte de repères conduit à une quête de soi. Si Crépuscule du tourment 1, Melancholy mettait en scène quatre voix de femmes – la mère, la sœur, l’épouse et l’amante – s’adressant au même homme, Crépuscule du tourment 2, Héritage part de l’intériorité de cet homme, autour duquel gravitent d’autres figures masculines et les femmes de sa vie. « D’abord, effrayé par son propre geste, il était remonté en voiture, avait foncé droit devant. Le déluge qui menaçait de noyer le « CRÉPUSCULE monde ne l’avait pas arrêté, DU TOURMENT 2, c’était autre chose, une HÉRITAGE », puissance inconnue. » Ainsi Léonora Miano, commence le parcours tragique Grasset, 320 p., 20 €. d’Amok, un nom prédestiné – l’amok désignant cet état de folie criminelle décrite par Stefan Zweig dans sa nouvelle éponyme. Car Amok est en fuite. Il vient de laisser pour morte sa femme après l’avoir frappée dans une crise de violence paroxystique. Horrifié par 10

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son acte, il décide alors d’affronter son père dont il pense avoir hérité d’un « fauve caché dans l’âme des hommes de sa lignée ». Ce n’est qu’en se confrontant à son histoire familiale et à ses blessures secrètes que ce héros maudit trouvera peutêtre son salut. Léonora Miano écrit comme on construit un pont. Pour relier deux rives, deux mondes. La déraison et la sagesse, la réalité et le rêve, le crime et la rédemption. L’Afrique et l’Europe aussi, qui ne cessent d’habiter ses questionnements. Ses engagements aussi. Si ses personnages sont souvent africains, sa littérature se joue des frontières et les questions qu’elle aborde traitent aussi bien des relations entre les hommes et les femmes que des rapports entre le Nord et le Sud. Elle tisse chacun de ses romans avec un phrasé particulier, des figures contrastées, une émotion palpable. Ce récit-spirale teinté de surnaturel est à l’image de ses déambulations intimes. Puissant et illimité. Comme son regard. Brûlant. Sans concession. Crépuscule du tourment est né d’obsessions qui la poursuivaient depuis des années. De questionnements liés à son histoire, à sa construction, aux figures féminines qui l’ont entourée, à la sexualité. Alors, pour percer à jour les non-dits familiaux, « il a fallu que j’invente une histoire », confesse celle qui a grandi dans une famille bourgeoise africaine, à Douala où elle est née. Cette micro-société, elle en a exploré les moindres replis, jusqu’à son départ pour la France où elle vient faire ses études à 18 ans. Mais, à 21 ans, enceinte, elle se retrouve sans domicile ni papiers. « J’ai mis dix ans à sauver ma peau et celle de ma fille. C’est la seule période de ma vie où je n’ai pas écrit. » Naturalisée française en 2008, elle tient à son identité « frontalière » et ne s’embarrasse d’aucune compromission. « Je me tiens là où les mondes se rencontrent en permanence. » Une façon de renouer les liens brisés. Et de réécrire l’histoire. Indéfiniment. ■ AFRIQUE MAGAZINE

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JF PAGA

Labyrinthes initiatiques

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JF PAGA

ON EN PARLE livres polar DÉRIVES ÉGYPTIENNES APRÈS Meurtres rituels à Imbaba, on retrouve Makana, réfugié politique soudanais devenu détective privé au Caire, dans une troisième enquête. Quelques mois après le 11 Septembre, des manifestations pro-palestiniennes envahissent les rues du Caire suite au siège de Ramallah par les Israéliens. Et les forces américaines, CIA en tête, obsédées par la chasse aux terroristes, s’infiltrent

« LES S OMBRES O S DU DÉSERT »,

Parker Bilal, Seuil,

432 p., 22,50 €.

bande dessinée

dans tout le pays. Un roman haletant où Bilal (pseudonyme de Jamal Mahjoub) évoque la condition des femmes de façon très incarnée, sans que la fiction ne pâtisse du propos politique. ■ C.F.

LE MEILLEUR POUR LA FIN « LES DEUX VIES DE BAUDOUIN »,

Fabien Toulmé et Valérie Sierro,

Delcourt, 272 p., 25 €.

roman noir LA FOLLE MACHINATION D’UN DÉLINQUANT MÉGALO TURIN, début des années 80. Giovanni Oddone, petit dealeur et demi-maquereau, est arrêté à la suite d’un imbroglio qui lui vaut d’être accusé de terrorisme. Emprisonné, il se lance dans une entreprise à l’aune de son hilarante mégalomanie : monter une arnaque impliquant la Fiat, la Toro (l’autre équipe de foot turinoise) et Kadhafi. Il utilise les charmes de Cosetta, sa petite amie AFRIQUE MAGAZINE

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LED ZEPPELIN, les Rolling Stones, les Doors… Baudouin, passionné de rock, a toujours rêvé d’être musicien. Seulement, à 30 ans, juriste, il mène la vie la plus monotone qui soit, seul, métro, boulot, dodo. Jusqu’à ce qu’une détestable nouvelle change le cours de son destin. Et l’invite à revisiter sa vie. Un basculement qui prend la forme d’une tumeur maligne sous son bras. Sans espoir. Il décide alors de tout envoyer valser et de suivre son frère en mission humanitaire au Bénin. Un album surprenant. Et qui fait du bien. Parce qu’il n’est jamais trop tard. ■ C.F.

gastronomie VOYAGE EXQUIS

« KADHAFI, LE FOOT ET MOI »,

Luca Masali,

Métailié, 336 p., 21 €. pas vraiment soumise, et les folies cocaïnées d’une héritière fantasque de l’empire Agnelli. Un roman délirant sur fond historique d’un des meilleurs écrivains italiens de science-fiction et de romans noirs. ■ C.F.

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DU NDOLÉ au poulet DG en passant par le farofa de manioc aux gambas ou l’injéra éthiopienne au veau, Christian Abégan, ambassadeur camerounais de l’art culinaire africain, nous invite à un savoureux périple au gré des coutumes alimentaires, des ingrédients phares et des traditions du continent. Les recettes de cet artiste épicurien, à la fois conseiller culinaire et de l’art de la table, chef de cuisine et chanteur lyrique, sont décrites avec pédagogie et illustrées par de très belles photos. Astucieuses et variées, elles nous dévoilent les secrets des marmites africaines qui se trouvent ainsi, comme par magie, à la portée de tous. ■ C.F.

« LE PATRIMOINE CULINAIRE AFRICAIN »,

Christian Abégan,

Michel Lafon, 156 p., 24,95 €.

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Une sorte de zoo humain où sont retenues l’héroïne et ses comparses et qui sert aussi d’attraction pour touristes…

Le camp des sorcières I Am Not a Witch, film zambien très remarqué au festival de Cannes, raconte comment une orpheline accusée de faits abracadabrants se retrouve internée. Une belle claque aux PEURS ancestrales. DES TOURISTES EUROPÉENS (et africains) derrière une grille demandent à prendre en photo des femmes au visage peinturluré de blanc : nous sommes à l’entrée d’un camp de sorcières, et ce relent de zoo humain ouvre le premier film très original de Rungano Nyoni. Des sorcières parquées, « cela existe surtout au Ghana, explique la cinéaste zambienne, c’est encadré par le gouvernement depuis plus de cent ans. En Zambie, où l’État laisse beaucoup Shula (Maggie Mulubwa) est attachée avec un ruban, pour ne pas s’envoler… de pouvoir aux chefs locaux, c’est surtout Baptisée Shula (« la déracinée ») par les femmes de ce camp en zone rurale qu’on peut en trouver : l’un de ces chefs fait de travaux forcés, elle se retrouve comme elles attachée même travailler des “sorcières” dans son palais… ». Presque par un long ruban blanc relié à une énorme bobine installée toujours des femmes, vite accusées de sorcellerie par une sur un camion orange… pour ne pas s’envoler. Visuellement, belle-famille qui veut récupérer la part d’une veuve, ou par un au milieu de la savane zambienne, l’effet est très réussi, gendre trop heureux de se débarrasser ainsi de sa belle-mère ! et pour la cinéaste, « la situation est tellement absurde « Pour moi, ce film est un conte de fées, j’ai mixé des faits réels que le film va vers l’absurde… ». Le ton n’est pourtant pas et de la fiction », ajoute Rungano Nyoni. Elle a choisi de se si léger, plusieurs scènes montrent le poids des superstitions concentrer sur une petite fille d’à peine 9 ans, abandonnée aujourd’hui, jusque sur le parking d’un supermarché. et mutique, arrivée dans un village où sa présence effraie Et la petite fille au cœur du film est magnétique. ■ les femmes qui vont chercher de l’eau au puits. S’ensuit une enquête et un procès expéditifs mais plutôt cocasses « I AM NOT A WITCH » (Zambie-Grande Bretagne-France) (le comédien qui incarne le représentant du « ministère de Rungano Nyoni, avec Margaret Mulubwa, Henry B. J. Phiri. En salles prochainement. du Tourisme et des Croyances traditionnelles » est très drôle). 12

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par Jean-Marie Chazeau

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ON EN PARLE écrans

drame

ABUS DE POUVOIR COMMENT PORTER PLAINTE quand vos bourreaux sont ceux qui sont censés vous protéger ? Librement adapté du témoignage d’une étudiante violée par des policiers*, ce film de Kaouther Ben Hania (Le Challat de Tunis) est d’abord un défi formel : cette nuit de cauchemar est racontée en seulement 9 séquences, à l’intérieur desquelles aucun montage n’a été réalisé. Une façon très efficace de vivre au plus près ce qui arrive à la jeune victime, de clinique en hôpital, de commissariat en poste de police. Dans cette charge contre les abus de pouvoir, le film montre aussi quelques signes de bienveillance au sein des institutions de la Tunisie postrévolutionnaire. ■ J.-M.C. *Coupable d’avoir été violée de Meriem Ben Mohamed et Ava Djamshidi, éditions Michel Lafon.

« LA BELLE ET LA MEUTE » (Tunisie) de Kaouther Ben Hania, avec Mariam Al Ferjani, Ghanem Zrelli. En salles le 18 octobre.

Présentée au Festival de Cannes (sélection « Un certain regard »), cette œuvre choc a fait sensation.

road movie

« ALI, LA CHEVRE ET IBRAHIM »

CABRI, C’EST FINI

(Égypte) de Sherif El Bendary, avec Ali Sobhy, Ahmed Magdy.

DEUX HOMMES et une chèvre : Ali, amoureux de Nada et son joli pelage blanc, et Ibrahim, ingénieur du son victime d’acouphènes intolérables, partent ensemble du Caire vers Alexandrie puis le Sinaï, sur les conseils d’un guérisseur… Ce trio improbable s’embarque dans un road movie qui se suit avec plaisir. C’est drôle, mais rien n’est appuyé, même la chèvre ne cabotine pas (le réalisateur en a « auditionné » 2 000 pour trouver celle qui méritait le rôle !). Une vision de l’Égypte un peu déconnectée de la situation politique, mais qui laisse la part belle au petit peuple du Caire d’aujourd’hui, digne héritier d’une tradition de grands cinéastes. ■ J.-M.C.

En salles le 7 juin.

voyage initiatique

LA MAMIE ET LE PETIT MARI ADY, ADOLESCENT métis, grandit sous la mauvaise influence des jeunes voisins de sa cité en banlieue lyonnaise. Son père décide de l’envoyer chez son frère, dans la campagne burkinabè, du côté de Gaoua. Il se croit en vacances au bled, mais son oncle veut le remettre dans le droit chemin, et en faire un homme… Sa grand-mère (incarnée par la doyenne des comédiens du Burkina Faso, Joséphine Kaboré) qui l’appelle « mon petit blanc, mon petit mari », est celle qui va l’aider le mieux à comprendre qui il est et d’où il vient. Un très beau film généreux et sobre sur la Ady, 13 ans, retrouve sa grand-mère le temps d’un été, recherche identitaire, porté par d’excellents acteurs. ■ J.-M.C. remarquablement interprétée par Joséphine Kaboré. AFRIQUE MAGAZINE

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« WALLAY »

(France-Burkina Faso) de Berni Goldblat, avec Makan Nathan Diarra, Ibrahim Koma, Hamadoun Kassogué.

En salles le 28 juin. 13

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mode

DALIDA DANS TOUS SES ÉCLATS

manifestation

LE FESTIVAL GNAOUA SOUFFLE SES 20 BOUGIES

Trois jours de musiques du monde et de fête, au cœur de la MÉDINA D’ESSAOUIRA : c’est le programme de l’édition anniversaire de l’événement. ISMAËL LÔ, Ray Lema, Carlinhos Brown, Lucky Peterson, Bill Laurance… Cette année encore, les grands noms de la scène musicale internationale sont invités à rencontrer les maîtres gnaouis au cœur de l’ancienne Mogador inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Trois jours d’intenses moments de fusion et d’improvisation musicale inscrits sous le signe de la convivialité et du dialogue des cultures. Cette édition particulière vient couronner vingt années d’existence et de reconnaissance mondiale. Au-delà du divertissement, c’est un véritable acte de foi et de résistance. Une célébration du patrimoine culturel gnaoui – confrérie religieuse populaire descendante de populations d’esclaves d’Afrique subsaharienne –, de ses rituels, de ses rythmes, plus que jamais ouvert sur le monde. Un espace de création et d’échange à ciel ouvert, avec plus de 300 000 festivaliers et une programmation inédite. ■ Catherine Faye « FESTIVAL GNAOUA ET MUSIQUES DU MONDE », Essaouira (Maroc), du 29 juin au 1er juillet. festival-gnaoua.net 14

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FEMME-ENFANT, vamp hollywoodienne, disco queen en fourreau lamé ou caftan de Turquie, bella donna hantant Montmartre en trench coat ou Le Caire en robe noire traditionnelle, dans le film Le Sixième Jour… À travers son éblouissante garde-robe, fruit d’une donation de son frère Orlando, le Palais Galliera dévoile les métamorphoses de l’interprète de « Salma Ya Salama », née au Caire en 1933, de son arrivée à Paris à 21 ans Robe bustier à sequins pour faire carrière dans le cinéma à sa de Loris Azzaro, 1976. disparition en 1987. Son vestiaire, qui a toujours suivi les caprices de la mode, est aussi le reflet de l’évolution artistique de la chanteuse et actrice, dont les robes se « dramatisent » au fur et à mesure que son répertoire s’assombrit. Ses couturiers fétiches ? Pierre Balmain, Yves Saint Laurent ou Nina Ricci, mais aussi des costumiers comme Michel Fresnay, qui façonnera des pièces spectaculaires à la mesure de sa plastique affolante. En filigrane, un portrait émouvant de l’ex-Miss Égypte ingénue devenue superstar internationale, qui aura été « toutes les femmes ». ■ Eléonore Quesnel « DALIDA, UNE GARDE-ROBE DE LA VILLE À LA SCÈNE »

au Palais Galliera, jusqu’au 13 août. 10, avenue Pierre 1er de Serbie, Paris. palaisgalliera.paris.fr AFRIQUE MAGAZINE

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KARIM TIBARI - FRANÇOISE COCHENNEC/GALLIERA/ROGER VIOLLET

Hindi Zahra et Mehdi Nassouli, ici sur scène en 2015, se produiront de nouveau cette année.

À l’occasion des 30 ans de sa disparition, le Palais Galliera célèbre la diva à travers son DRESSING exceptionnel.

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Les bluesmen du désert de Terakaft. Nadia Ayari, «The Fence », 2007.

exposition

LES JOYAUX DE LA COLLECTION BARJEEL Une partie de cet IMMENSE fonds d’art moderne et contemporain arabe est à découvrir à l’IMA. POUR LA PREMIÈRE fois en France, l’Institut du monde arabe présente une sélection de l’une des plus importantes collections d’art moderne et contemporain arabe. Celle du sultan émirati Sooud Al-Qassemi, créée en 2010 à Sharjah. Avec déjà 1 300 œuvres d’artistes originaires du Moyen-Orient, le collectionneur souhaite que ces pièces deviennent un instrument de tolérance, soulignant l’importance de l’art et de la culture dans la société. Ce fonds d’une immense richesse rend hommage à l’énergie créative de la scène artistique arabe en réunissant les grandes signatures, de Baya à Kader Attia en passant par Adel Abdessemed, Marwan, Ahmed Cherkaoui ou encore la jeune irakienne Hayv Kahraman. Mais aussi des artistes méconnus ou oubliés. Une sélection qui retrace l’histoire de la création arabe depuis la seconde moitié du XXe siècle et présente une nouvelle lecture de l’histoire de l’art. ■ C.F. « 100 CHEFS-D’ŒUVRE DE L’ART MODERNE ET CONTEMPORAIN ARABE – LA COLLECTION BARJEEL », Institut du monde arabe, jusqu’au 2 juillet

imarabe.org/fr

concert

Fally Ipupa à Paris

DR (2)

KARIM TIBARI FRANÇOISE COCHENNEC/GALLIERA/ROGER VIOLLET

Shakir Hassan Al Said, « Jala Aidun (Evacuation, We Will Return) », 1983.

ON EN PARLE agenda

DICAP LA MERVEILLE alias « le prince de la pop congolaise », est un véritable phénomène devenu en 20 ans le 6e artiste africain le plus riche du continent. Explorateur de sonorités africaines, ses collaborations avec Koffi Olomidé, Olivia ou Youssou N’Dour ont largement confirmé sa popularité. En mai dernier à Paris, il a été le premier artiste congolais à décrocher un single d’or pour sa chanson « Kiname » en featuring avec Booba, catapulté au Top des ventes digitales en cinq mois à peine. L’ancien gamin des rues devenu poids lourdd de d la l rumba b se produira à la Cigale à Paris le 22 juin prochain pour un concert initié par l’Unicef au profit d’un hôpital de Kinshasa, qui lutte contre la malnutrition chronique dont souffre un enfant sur deux dans son pays. Il se dit également que Fally va de nouveau collaborer avec MHD, une autre tête d’affiche du rap français. ■ Loraine Adam AFRIQUE MAGAZINE

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festival Africa Fête

LA CITÉ PHOCÉENNE CÉLÈBRE L’AFRIQUE

À l’affiche : ROCKERS touaregs et bals endiablés ! Pour sa 13e édition à Marseille, le festival Africa Fête rend hommage à son fondateur Mamadou Konté, dix ans après sa disparition. Sénégalais d’origine malienne, cet entrepreneur culturel, organisateur de concerts, de tournées, producteur de musique, créa en 1978 ce festival itinérant (France, États-Unis, Sénégal…) puis le label du même nom. Il fut un pionnier dans la promotion des artistes africains en Occident (Salif Keïta, Angélique Kidjo, Baaba Maal…), et un acteur majeur du développement du secteur musical panafricain. Manu Dibango, Ray Lema, Cheick Tidiane Seck et Touré Kunda lui feront honneur lors d’un concert exceptionnel. Autre temps fort : l’événement invitera le mythique Festival au désert du Nord-Mali, en exil depuis 2013 suite à l’instabilité de la région. Les rockers touaregs Terakaft, accompagnés du guitariste anglais Justin Adams, et les bluesmen d’Ali Farka Touré Band, jadis musiciens de feu le grand Ali Farka Touré, transporteront le public au-delà de la Méditerranée. Également au programme des festivités : cinéma, conférences, danse, ateliers artistiques… ■ Astrid Krivian « FESTIVAL AFRICA FÊTE », Marseille, du 30 juin au 8 juillet. africafete.com 15

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C’EST COMMENT ? par Emmanuelle Pontié

DE L’ART,

DARE-DARE !

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friques capitales, Africa Now, L’Afrique des routes, A rt Paris Art Fair, Art/Afrique… Quelle mouche pique donc Paris et quelques voisines européennes cette année ? On assiste à un véritable printemps afro de la scène artistique. Les expositions consacrées aux talents contemporains déferlent à Paname, les interviews de spécialistes du milieu se multiplient dans les colonnes des journaux, ainsi que les interrogations sur la cote, pas la cote, de ces traits de pinceaux et coups de burins issus de l’extraordinaire créativité du continent. Un bel effet de mode selon certains, qui s’en ira aussi vite qu’il est venu. Pour d’autres, la vitalité artistique africaine s’exporte, faute de cimaises locales. Pas faux. Il n’y a qu’à voir le nombre de musées nationaux fermés, ou juste ouverts à quelques calebasses anciennes, témoins des civilisations passées, et jamais à l’art contemporain. Faute de moyens, faute de clients, faute de mécènes, faute d’acheteurs. Bref, faute d’intérêt généralisé pour la culture du moment, voire pour la culture tout court. Pourtant, dans certains pays d‘Afrique de l’Ouest (eh oui, l’Afrique centrale est un peu en retard…), et l’on peut citer la Côte d’Ivoire, le Sénégal ou le Bénin, les galeries, les fondations, les happenings, bref, les initiatives inspirées ou non fleurissent depuis quelques années. Les « élites » collectionnent, consomment du contemporain. Et avec elles, un petit marché, voire certaines cotes s’installent, grandissent. Et c’est, évidemment, un phénomène hyper réjouissant pour demain. Car, enfin, on le sait, un talent reconnu et soutenu dans son pays n’en sera que plus fort et pourra rayonner. Avant de l’être en Europe, c’est en Afrique que l’art contemporain doit être mis à la mode. Une mode durable. Lorsque ce sera beaucoup plus chic de AFRIQUE MAGAZINE

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décorer sa maison avec un Chéri Samba ou un

Pascale Marthine Tayou, plutôt que d’accrocher dans son salon une aquarelle d’un paysage de Bretagne rapportée d’un voyage à Camarec, ce sera gagné ! Et avec le temps, en Occident, on ne parlera plus de l’art africain contemporain comme un phénomène à part, passager, sans véritable cote. Mais plutôt de tel ou tel artiste génial ou de telle œuvre monumentale. Alors, encore un petit effort. Le printemps africain de Paris, c’est super bien, mais le printemps africain d’Afrique, ça sera encore mieux ! ■

On le sait, un talent reconnu et soutenu dans son pays n’en sera que plus fort et pourra rayonner. 17

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PARCOURS par Catherine Faye

Maryam Madjidi 18

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MILITANTISME, ENFANCE, EXIL. Des parents communistes engagés, la brutale répression des années Khomeyni… Contrainte à abandonner son pays puis sa langue, elle livre aujourd’hui un conte autobiographique, couronné par le Goncourt du premier roman.

GRÉGORY AUGENDRE-CAMBON

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lle est belle, jeune, libre. Le Goncourt du premier roman vient de couronner Marx et la poupée, un texte dans lequel elle s’interroge sur ses origines iraniennes. « Je déterre les morts en écrivant. C’est donc ça mon écriture ? Le travail d’un fossoyeur à l’envers. » À 37 ans, voilà Maryam Madjidi écrivaine et reconnue par ses pairs. Son premier roman claque comme un étendard dans la tempête, ses premières pages agrippent le lecteur, son style déroute, « une fille pousse dans le ventre d’une femme » écrit-elle, et cette fille ne vous lâche plus. Madjidi est d’abord une surprise. On entre dans son histoire comme dans un film. Ou un one-woman-show. Elle se raconte au fil d’un récit construit comme un conte oral, fragmenté, un zeste de poésie par-ci, une anecdote par-là. Son rythme particulier saisit. « Au début, elle est une voix, seulement une voix pour moi. » Cette voix, celle de sa grand-mère, est capitale. Une pierre angulaire. Sans elle, l’auteure aux longues boucles brunes ne serait peut-être pas là. Ainsi, le roman commence quelques semaines avant sa naissance. Poursuivie, sa mère enceinte de sept mois, militante communiste comme son père, se jette du deuxième étage de l’université de Téhéran où elle vient d’assister à une répression sanglante. Depuis le ventre de sa mère, Maryam « vit » de front les premières heures de l’organisation marxiste révolutionnaire, quelques mois après la révolution islamique de 1979. C’est son premier basculement. Mère et fille survivent. La grandmère veille. Ses années d’enfance sont marquées par le poids de l’engagement politique de ses parents opposés au régime chiite de Khomeyni. Radicaux et grisés par la jeunesse, ils n’hésitent pas à cacher des documents compromettants dans ses couches et à la « prêter » à d’autres activistes ; à exiger d’elle aussi, quelques années plus tard, de donner tous ses jouets aux enfants du quartier, sa poupée préférée en tête. En signe de « détachement matériel et d’abolition de la propriété ». Ces années sont également marquées par la poésie, « le ciment de l’Iran, aucun envahisseur n’a réussi à nous la voler », le goût des histoires, une tradition familiale féminine, et un « océan de tendresse », d’odeurs, de saveurs. 1986, deuxième basculement. Ses parents s’exilent en France. Vient l’heure de la séparation, l’abandon du pays, l’éloignement, l’intégration. Peu à peu surgit la question de l’identité, de la langue maternelle engloutie. « On n’habite pas un pays, on habite une langue. Une patrie, c’est cela et rien d’autre », soutient le philosophe Cioran. À l’évidence, cette quête de la langue devient pour Maryam Madjidi un fil d’Ariane. Elle grandit à Drancy, en banlieue parisienne, apprend à lire et à écrire dans la langue de Molière, décroche une maîtrise de lettres à La Sorbonne, devient professeure de français auprès de jeunes exilés, de migrants isolés. Elle enseigne le français comme langue étrangère. À des étrangers. C’est de la fracture, de l’identité multiple qu’elle tisse son écheveau. Après dix-sept ans d’exil, elle rentre pour la première fois en Iran, c’est le choc. Elle plonge dans l’océan de ses origines, s’en enivre. Bascule pour la troisième fois. À son retour en France, elle écrit quatre contes de l’exil, incorporés dans son roman dont elle entreprend l’écriture en 2012 à Pékin où elle s’est expatriée. La difficulté d’être exige parfois de nouveaux déracinements, pour mieux entamer le chemin de la réconciliation. D’autres voyages en Iran et deux années à Istanbul viennent clore son débat intérieur. Sa révolte. « Écoute le ney (la flûte de roseau) raconter une histoire, il se lamente de la séparation […] Quiconque demeure loin de sa source aspire à l’instant où il lui sera à nouveau uni », chante Rûmî, poète persan. Voici donc Maryam l’Orientale, tisseuse de mots français, passeuse hybride. À l’heure des dictatures, des montées fondamentalistes, de l’exil, sa voix est un vent d’espoir. Et sa langue pleine de vie, un appel d’air. ■

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« Marx et la poupée », Maryam Madjidi, Le Nouvel Attila, 208 pages.

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PERSPECTIVES

L’inspiration Macron

La victoire du nouveau locataire de l’Élysée provoque un vif débat en Afrique, où le dialogue des générations ne fait pas toujours recette…

LE POUVOIR

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omme le dit si bien l’adage, « le pouvoir ne se donne pas, il se prend ». Emmanuel Macron, 39 ans, jamais élu, ministre deux ans à peine, a donc « grillé » toute la classe politique française, François Hollande en premier, pour accéder à l’Olympe élyséen. Dans une France que l’on disait vermoulue, arc-boutée, incapable de changer, « l’effet jeune », ce pouvoir jeune porté par le président Macron, a surpris aux quatre coins du monde, en particulier en Afrique, continent du « grand-frérisme » et des traditions, où l’âge se porte en bandoulière, et où les transitions générationnelles sont souvent si difficiles. Bienvenue donc dans le continent jeune par excellence. Aujourd’hui, un Africain sur deux a moins de 20 ans. En Algérie, 29 % de la population a moins de 15 ans. Un taux qui monte à 30 % en Afrique du Sud et à 50 % au Niger… La Tunisie ayant l’âge médian le plus élevé (34 ans). En 2017, 220 millions d’Africains ont entre 15 et 24 ans et, d’ici à 2030, ils seront plus de 350 millions. La jeunesse africaine n’est plus seulement l’avenir du continent, elle est l’avenir du monde. En 2050, selon les projections, un tiers des 15-24 ans sur Terre seront africains. 20

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Pourtant, cette jeunesse est trop souvent perçue par les élites en place comme un « nombre » puissant et menaçant, capable de tous les désordres, plutôt que comme une force pour le pays. Elle est en vérité un peu des deux et plus encore. Et ce n’est qu’un début. Partout, les conférences, les tables rondes, les réunions sur la « bombe à retardement » démographique africaine se multiplient. La crainte du Nord, évidemment, c’est que les marchés du travail africains ne parviennent jamais à absorber cette gigantesque offre de travail et que ce boom de la natalité ne se transforme en « boom migratoire ». Pour les gouvernements africains, c’est la peur de l’« explosion sociale » qui prédomine. Le sous-emploi est déjà source de bouleversements. De la révolution du Jasmin en Tunisie à la fin du régime Compaoré au Burkina Faso. Et dans les chancelleries du continent, il n’est pas rare que l’on se demande « à qui le tour ? ». La capacité à scolariser, à instruire, à préparer aux technologies de demain représente un défi considérable. Avec en (sombre) toile de fond, le chômage, ou plutôt le sous-emploi, problématique cruciale. Chaque année, près de 15 millions de nouveaux actifs se retrouvent sur le marché du travail. D’ici 2030, ce seront au total 51 millions de Nigérians, 30 millions d’Éthiopiens, 26 millions de Congolais (RDC) et 18 millions d’Égyptiens à qui il faudra trouver AFRIQUE MAGAZINE

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RGA/RÉA

par Julien Wagner

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CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES : VOIR PAGES SUIVANTES

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une activité rémunératrice. L’agriculture, qui occupe près de 60 % de la population active du continent, est le secteur dans lequel se concentre la plus importante des batailles. Par son développement, elle préviendrait que des millions de jeunes ruraux en quête d’une vie meilleure ne viennent grossir les rangs des désœuvrés urbains, des migrants noyés, ou pire, des groupes armés, terroristes et trafiquants en tout genre… Mais encore, cela ne suffira pas. Pour profiter à plein de ce que certains économistes appellent « le dividende démographique », cet accroissement durable, massif des classes moyennes par la démographie, il faudra aussi investir lourdement dans la formation et répondre enfin à l’inadéquation chronique entre offre et demande de travail. Mais ce panorama oublie une donnée fondamentale : l’incroyable volonté de réussir de la jeunesse africaine. Très loin du « simple spectateur du désespoir quotidien » que certains décrivent, les jeunes Africains cultivent l’optimisme. En 2016, l’institut Ipsos Africap réalisait une étude auprès des 15-24 ans sur le continent. À la question de savoir quel qualificatif les définissait le mieux, 31 % des jeunes interrogés répondaient « travailleur », 20% « ambitieux » et 16 % encore « débrouillard ». Florence de Bigault, qui a participé à l’enquête, la commentait ainsi : « Les 15-24 ans en Afrique sont une génération qui croit au travail, à la libre entreprise, à l’éducation, à la méritocratie, mais qui est aussi désabusée et n’attend plus de changements qui viendraient d’en haut. Si cette jeunesse dresse un état des lieux très critique de la situation politique et sociale de leur pays, elle veut aussi prendre son avenir en main. » La galerie de portraits que nous vous proposons dans ce numéro témoigne du dynamisme de cette jeunesse, des défis aussi auxquels elle fait face. Ces travailleurs, ces ambitieux, ces créateurs sont les faiseurs d’Afrique de demain. Partis de rien ou bien nés, femmes ou hommes, autodidactes ou sortis des meilleures écoles, entrepreneurs ou artistes, hommes politiques ou militants de la société civile, nés dans une mégapole étrangère ou en zone rurale, tous, chacun à leur manière, sans se concerter, ont franchi les obstacles et brisé les barrières, ont décidé de prendre ce qu’on leur a donné, et surtout, ce qu’on ne leur a pas donné. ■ (J.W. avec Cédric Gouverneur) AFRIQUE MAGAZINE

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Ces travailleurs, ces ambitieux, ces créateurs sont les faiseurs d’Afrique de demain. Partis de rien ou bien nés, ils ont choisi de prendre et de faire.

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PERSPECTIVES LE POUVOIR JEUNE

PERSONNAGES EN QUÊTE D’AVENIR Dossier réalisé par Sabine Cessou, Frida Dahmani, Hedi Dahmani, Zyad Limam, Emmanuelle Pontié, Sophie Rosemont et Julien Wagner

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Mmusi Maimane L’alternance historique ? 36 ans, ce jeune homme fringuant fait vaciller l’historique Congrès national africain (ANC). Leader depuis mai 2015 de l’Alliance démocratique (DA), il a rénové ce parti d’opposition de centre droit blanc et métis, lui permettant de séduire l’électorat noir. Pari gagné lors des municipales d’août 2016 : la DA, qui gérait déjà Le Cap, a remporté Tshwane, Johannesburg et Nelson Mandela Bay. Son score, 26,5 % des voix contre 54 % pour l’ANC, signale l’érosion de la base électorale de l’ancien mouvement de libération nationale. « Il faut se libérer des libérateurs », clame Mmusi Maimane, qui a le sens de la formule. Prêcheur dans une église évangélique où il a rencontré sa femme, Natalie, une Sud-Africaine blanche, il a tout pour plaire. Tribun hors pair, élégant et doté d’une forte personnalité, il n’est pas de ces Noirs parfois incompétents bombardés directeurs par des actionnaires blancs pour faire semblant de répondre aux exigences

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du Black Economic Empowerment (BEE). Peu enclin à faire des compromis avec son identité, il parle six des onze langues nationales et s’inscrit en faux contre les propos « limites » de ses camarades blancs – comme Hellen Zille, à qui il a succédé à la tête de la DA, et qui vantait les mérites de la colonisation. Fils d’une Xhosa et d’un Batswana, il est issu du brassage interethnique du township noir de Soweto, où il a grandi. Diplômé de psychologie et titulaire de deux maîtrises (administration publique et théologie), il a monté sa société de conseil en gestion et s’est fait connaître à Johannesburg lors des municipales en 2011. Il se distingue au Parlement par ses mots très durs contre Jacob Zuma, contre qui il mène une partie de la fronde actuelle. « Vous êtes un homme brisé qui dirigez une société brisée », lui assène-t-il. Avec la presse, les syndicats et la justice, il fait partie de ces contre-pouvoirs sur lesquels la démocratie sud-africaine peut compter. ■ Sabine23 Cessou

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PERSPECTIVES LE POUVOIR JEUNE

Youssef Chahed et Mehdi Jomâa

Le quadra (et le quinqua) à l’œuvre en Tunisie

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ouverte. Car même si la classe politique met de temps à autre l n’avait pas encore 40 ans lorsque, ce 3 août 2016, le des jeunes en avant, ceux-ci ne décident de rien. Ces leaders, président de la République lui a confié les commandes de pour la plupart issus d’une vieille opposition qui ne s’est pas l’exécutif. Youssef Chahed entre alors dans l’histoire du renouvelée, n’entendent pas passer le flambeau aux nouvelles pays en étant le plus jeune des chefs de gouvernement de la générations avant qu’elles ne fassent leurs preuves pour Tunisie indépendante. Le geste est fort même si beaucoup accéder aux sphères du pouvoir. Résultat : un univers politique oublient que, dans les rangs des premiers gouvernements de en « déphasage » avec un pays qui affiche une moyenne d’âge Bourguiba, certains ministres étaient à peine trentenaires. de 33 ans, et où les 20-40 ans représentent près de la moitié de D’emblée, l’âge de Chahed devient une raison d’espérer un la population. changement significatif du système. « Un pays de jeunes dirigé par des vieux », soulignait en Sans tenir compte de son parcours, les Tunisiens le 2012 une opinion publique qui rappelait l’âge des leaders : compareront au Premier ministre canadien, Justin Trudeau, 72 ans pour Mustapha Ben Jaafar, président de l’Assemblée 44 ans, et à Matteo Renzi, chef du Conseil italien à 41 ans. constituante et fondateur du parti Ettakatol, 71 ans pour Mais pas à Aléxis Tsípras, devenu à 41 ans patron de Rached Ghannouchi, chef de file des islamistes, 68 ans pour l’exécutif grec… Pour éviter de se référer à un autre pays Néjib Chebbi, patron d’Al Joumhouri… Les élections de 2014 qui tangue ? Un jeune siégeant à la Kasbah est déjà un confirmeront la tendance en donnant le pouvoir au président bouleversement, une rupture dans la tradition politique de la République, Béji Caïd Essebsi, 88 ans, au président de locale, mais également un indicateur de crise. Comme si l’Assemblée, Mohamed Ennaceur, 80 ans, et au chef de du sang neuf était nécessaire pour soigner l’instabilité du l’exécutif, Habib Essid, 65 ans. Dans ce contexte, la pays. En 2014, l’État avait déjà eu recours à la même nomination de Youssef Chahed a fait l’effet d’un prescription avec l’exécutif mené par Mehdi Jomâa coup de fraîcheur. S’il est dans une décontraction (51 ans à l’époque), que les Tunisiens surnomment apparente, il pèche parfois par une communication « MeJo ». Cet ancien ministre de l’Industrie, maladroite. Néanmoins, ce n’est pas tant le jeune ingénieur, qui a fait l’essentiel de sa carrière âge de l’ex-ministre des Affaires locales qui freine auprès de multinationales dans les hydrocarbures ses initiatives : à la tête d’un gouvernement d’union aura eu pour mission d’achever la transition nationale, les partis ne le soutiennent que peu. Si la démocratique en conduisant le pays aux élections mince expérience politique du locataire de la Kasbah législatives et présidentielle. Son gouvernement de leur a permis de croire pouvoir le manipuler, ils technocrates avait une moyenne d’âge plus ont été déçus. De crise en crise, Chahed, que basse que les précédents, mais de les Tunisiens n’appellent plus « Youyou », faibles marges de manœuvre au mais « Jo », diminutif – autrement plus vu de la brièveté de sa mission : viril – de Joseph (traduction de Youssef en un an et huit jours. français), ne s’est pas laissé intimider et a Depuis 2011 et l’« intifada » fait preuve de volonté en s’attelant au mal tunisienne portée par des endémique de la corruption. jeunes qui appelaient à une Le 23 mai, alors que des mouvements mutation du pays, la nécessité protestataires dans le sud du pays de rajeunir l’image du prennent en otage des champs pouvoir a primé, au point pétrolifères, il ordonne un vaste coup de de confier, trois jours après filet dans le milieu affairiste, obtenant la chute du régime de Ben une adhésion populaire sans précédent. Ali, le 17 janvier 2011, des En passant à l’acte, ce jeune père de portefeuilles à de jeunes famille issu d’un milieu bourgeois, figures de la Révolution, Mehdi Jomâa, dont on prenait la courtoisie et la tel le cyber-militant Slim 55 ans, vient de fonder modestie pour de la faiblesse et de Amamou. Une cette fenêtre son propre parti : Al-Badil Ettounsi. l’indécision, affirme sa volonté et fait qui ne sera que brièvement 369 – JUIN 2017

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d’une pierre trois coups : il respecte la feuille de route qui lui a été édictée à sa prise de fonction et qui donnait la priorité à la lutte contre la corruption ; il prouve aux Tunisiens qu’il tient ses engagements ; et il transforme en action le discours de l’opposition qui reprochait au pouvoir sa mansuétude à l’égard du milieu trouble de l’argent en lien avec la politique, la contrebande et le terrorisme. Certains pourraient penser que Chahed, agronome de formation venu à la politique après la Révolution, se sachant en danger et n’ayant plus rien à perdre, a joué son va-tout. Peut-être. Il a surtout, politiquement, pris son autonomie. Son audace est aussi vécue comme une rébellion contre les collusions politiques, notamment celles de son propre parti, Nidaa Tounes, qui recevait l’appui de Chafik Jarraya : cet intouchable homme d’affaires qui se vantait publiquement d’acheter juges, parlementaires et journalistes, est désormais sous les verrous. Mehdi Jomâa, également formé à l’étranger, a aussi été confronté à une économie parallèle à hauteur de 50 % du PIB, et au terrorisme, mais aucune tête n’est tombée. Mais pour Jo comme pour Mejo, le mérite n’est pas le fait de l’âge. Le premier a pris à contre-courant les mouvements politiques, le deuxième a tenu les objectifs qui lui avaient été impartis ; ce qui lui permet aujourd’hui de se replacer sur l’échiquier avec son propre parti, Al-Badil Ettounsi. Dans les faits, tous deux ont accompli leur mission comme si la pratique du pouvoir n’attendait pas le nombre des années. Pourtant, la Tunisie peine à rompre avec un schéma à l’ancienne, hérité du système européen, qui voudrait qu’il faille du temps pour faire un homme politique. Dans tous les cas, avoir fait preuve de courage et de volonté en entreprenant un grand nettoyage des écuries d’Augias a véritablement lancé la carrière politique de Youssef Chahed. En trois jours, sa cote de satisfaction est passée de 61,6 % à 76 % sans que l’on connaisse l’issue des opérations qu’il a lancées. Mais sa capacité à susciter un tel regain de confiance le range déjà parmi les présidentiables pour 2019. Le voudra-t-il ? En aura-t-il les moyens politiques dont s’est doté Mehdi Jomâa ? Rien n’est sûr, mais ce qui est certain, c’est que tous deux, représentants de la génération X, qui succède selon les sociologues à celle du baby-boom de l’après-guerre, devront mettre en place une Tunisie innovante et rénovée, comme le réclament les jeunes de la génération Y, branchés technologies et à l’aise avec la mondialisation. ■ Frida Dahmani AFRIQUE MAGAZINE

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À 41 ans, Youssef Chahed s’affirme comme un vrai chef de gouvernement. 25

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PERSPECTIVES LE POUVOIR JEUNE

Khaled Igué Cap sur les idées iré à quatre épingles, très policé, un brin british style, Khaled Igué, 34 ans, a une ambition : faire bouger les lignes sur son continent. Né et élevé à Cotonou jusqu’à sa majorité, il intègre une prépa à Paris, suivie d’une école d’ingénieurs dont il sort diplômé en 2008, avant de réussir un double diplôme à l’Illinois Institute of Technology à Chicago. Puis il entre chez Areva, où il travaille sur les politiques énergétiques et part en mission en Finlande. Puis il demande un poste au Niger. L’envie de retourner en Afrique grandit, en même temps que son appétence pour les questions de développement… Après une année passée chez Eurogroup Consulting France, comme manager, il intègre début 2016 OCP, le géant marocain des phosphates, en tant que directeur des partenariats publics et institutionnels de la jeune OCP Africa. « L’OCP s’est donné pour mission, sur la base des relations Sud-Sud prônées par le roi Mohammed VI, d’accompagner les pays africains dans le développement du secteur agricole », rappelle-t-il. L’or vert, l’autosuffisance alimentaire, les relations Sud-Sud… Autant de thèmes auxquels il croit, et dont il débat depuis 2012 au sein de son think tank, Club 2030 Afrique. Résolument persuadé que les solutions aux maux de l’Afrique viendront des Africains, de leurs idées, de leur créativité en matière de modèles nouveaux pour demain, le jeune Béninois multiplie les rapports, les recommandations et les interventions dans les réunions internationales. L’émergence africaine, selon lui, c’est pour 2030. « Un cap qu’il faut fixer, pour y arriver ». ■ Emmanuelle Pontié

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l fallait le faire ! Exposer des toiles de Jean-Michel Basquiat ou de Keith Haring à Cotonou. Deux des artistes contemporains les plus prisés au monde. Qui aurait pu l’imaginer il y a encore quinze ans ? Et pourtant, MarieCécile Zinsou l’a fait. Cette Franco-Béninoise de 35 ans, grande, visage pâle, fille de l’ex-Premier ministre Lionel Zinsou, a de la suite dans les idées et une détermination

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sans faille. En 2005, à 23 ans à peine, elle crée dans la capitale béninoise, avec l’aide de son père (il la finance à 60 %), la Fondation Zinsou. Un centre d’art qui propose des expositions, édite des livres et met à disposition des bibliothèques. Le succès est immédiat, surtout auprès du jeune public. Près d’une trentaine d’expositions plus tard et avec plus de 100 000 visiteurs par an, elle est devenue un personnage incontournable de l’art en Afrique. Elle a participé à l’émergence d’artistes aujourd’hui internationalement reconnus comme le Tanzanien George Lilanga ou le Béninois Romuald Hazoumè. Bien née, chaperonnée par le président fondateur du groupe Danone, Antoine Riboud, qu’elle considère comme son « grand-père », la Cotonoise souhaite peut-être rendre ce qu’on lui a donné. En tout cas, elle y parvient. Aujourd’hui, « l’art africain est devenu branché », sourit-elle en signe de victoire. Ce qui ne l’empêche pas de poursuivre le combat. Récemment, elle s’est engagée en faveur de la restitution des biens pillés par la France lors de la colonisation du Bénin. Et, dès qu’elle en a l’occasion, elle met les hommes politiques africains face à leurs responsabilités. « C’est bien beau de hurler qu’on est meurtri par l’aliénation de son patrimoine, dit-elle. Mais on fait quoi pour les artistes contemporains qui sont le patrimoine de demain ? » Une voix qui manquait. ■ J.W. AFRIQUE MAGAZINE

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Marie-Cécile Zinsou L’art et la manière

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l fallait la voir monter les marches du perron de l’Élysée le 14 mai dernier. Jeune femme noire entourée d’hommes blancs, sourire aux lèvres… on ne voyait qu’elle. Sibeth Ndiaye, la nouvelle cheffe du service presse du président de la République française est sénégalaise, née à Dakar, au Plateau, il y a trente-sept ans. Depuis, elle fait le buzz. Pas un média français n’a manqué de tirer le portrait de cette spin doctor atypique. À la manœuvre lors des déplacements du candidat durant la campagne, elle était une conseillère en communication zélée qui jouait le rôle de tampon entre Emmanuel Macron et les journalistes, et qui débriefait chaque jour avec lui. Indéniablement, son travail a été couronné de succès. Pourtant, son métier actuel n’a pas grand-chose à voir avec son parcours scolaire. Partie étudier à Paris dès le lycée, elle est diplômée en économie de la santé (DESS). C’est son engagement syndical, et politique en parallèle, qui vont la mener tout en haut. D’abord au sein de l’UNEF, syndicat étudiant très marqué à gauche, de 1999 à 2006, et au Parti socialiste à partir de 2002. Puis, c’est l’escalade : directrice de campagne lors des cantonales de 2008 à Saint-Denis, où elle habite, elle devient cheffe du service presse de Claude Bartolone,

président du conseil général de la Seine-Saint-Denis, puis secrétaire nationale du PS chargée de la petite enfance en 2009. Manifestement, elle sait naviguer entre les courants. Strauss-khanienne à l’origine, elle soutient Martine Aubry en 2012 lors des primaires socialistes, contre François Hollande ou Arnaud Montebourg. Malgré la défaite de sa candidate, elle devient chargée de mission presse au cabinet du même Arnaud Montebourg, devenu ministre du Redressement productif. Quand celui-ci est remplacé par Emmanuel Macron en 2014, Sibeth Ndiaye choisit de rester, aux côtés du nouveau ministre, puis rejoint son mouvement En Marche ! dès sa création. On ne sait exactement quelle est l’ampleur de son influence sur les décisions du président. Quand on lui pose la question, elle botte en touche : « Dans [l’] équipe, chacun contribue par son regard, son parcours et ses idées, à le conseiller. [...] À la fin, c’est lui qui tranche. » Et sa passion pour la politique ne vient pas de nulle part. Sa mère, Mireille Ndiaye, d’origine togolaise, décédée en 2015, fut présidente du Conseil constitutionnel su Sénégal de 2002 à 2010. Son père, Fara Ndiaye, est l’ex-numéro deux

du Parti démocratique sénégalais d’Abdoulaye Wade et ancien député. Jusqu’ici empêchée de se présenter à toute fonction élective dans l’Hexagone du fait de sa nationalité, Sibeth Ndiaye a été naturalisée française en 2016. Pour peut-être briguer un jour de nouvelles fonctions ? ■. J.W.

Pas un média français n’a manqué de tirer le portrait de cette spin doctor atypique. FRANÇOIS MORI/AP/SIPA

DR ANTOINE TEMPÉ

Sibeth Ndiaye Au cœur de l’Élysée

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PERSPECTIVES LE POUVOIR JEUNE

Jaha Dukureh Contre le rite et la mutilation

Un combat de longue haleine qu’elle s’est promis de continuer avec abnégation. 28

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n 2016, le magazine américain Time la classe parmi les 100 personnalités les plus influentes du monde. C’est la seule femme noire à y figurer. Cette jeune militante américaine d’origine gambienne de 26 ans vit aujourd’hui à Atlanta avec son second mari et leurs trois enfants. Excisée à l’âge d’une semaine dans son pays, elle part aux États-Unis à 15 ans pour un mariage arrangé. Quelques années plus tard, elle décide de se « révolter «. Elle divorce, reprend sa liberté, de parole d’abord. Et lance en 2013 l’ONG Safe Hands For Girls afin de lutter aux ÉtatsUnis et dans les pays d’Afrique contre ces mutilations génitales qui concernent plus de 200 millions de femmes dans le monde. Un an plus tard, Jaha lance une pétition sur change. org qui recueille plus de 220 000 signatures. Elle appelle le président Obama et les services sociaux à réaliser une étude sur la pratique de l’excision aux États-Unis, très répandue malgré l’interdiction. Elle lance un blog où les femmes du monde entier peuvent raconter leur histoire, leur blessure. Son combat est récompensé en 2015 par un premier effet concret : le président Yahya Jammeh interdit l’excision en Gambie. Jusque-là, les trois quarts des femmes gambiennes étaient concernées par ce rite. Aujourd’hui, ceux qui le leur imposent encourent trois ans de prison et une amende de 1 300 dollars. Un combat de longue haleine, que Jaha s’est promis de continuer avec abnégation, parce qu’une « diaspo » a souvent davantage d’écho au loin, jusqu’en Afrique. Un combat soutenu par l’ONU, qui s’est fixé pour objectif de faire cesser définitivement cette pratique d’ici 2030, selon les objectifs de développement adoptés par 193 pays dans le monde en septembre 2015. ■ E.P.

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Le risque et l’assurance

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eau, brillant et avenant », l’hebdomadaire marocain La Vie éco est manifestement tombé sous le charme. C’est que ce Casablancais de 41 ans réussit pour l’instant un parcours sans faute… tout en sachant prendre des risques. En janvier dernier, il a surpris le milieu des affaires en démissionnant du poste convoité de PDG de Saham Assurance. Apparemment, diriger sa propre entreprise le tentait davantage ; en mai, il a ainsi pris le contrôle majoritaire de Belassur, l’un des dix plus gros cabinets de courtage du Royaume. Il faut le mettre à son crédit, Mehdi Tazi sait compter. Diplômé de ParisTech (réseau d’écoles d’ingénieurs) en 1999, il intègre dans la foulée le cabinet d’audit KPMG Consulting France. Très vite, il comprend que, pour satisfaire ses ambitions, il va devoir épaissir son cursus. Tazi réussit alors à intégrer l’Insead, dont le MBA est aujourd’hui considéré comme « le meilleur au monde ». Il montre déjà des qualités entrepreneuriales en fondant, en 2003, avec Youssef Chraïbi, la société d’offshoring Outsourcia (dont il est toujours actionnaire). C’est alors qu’il rencontre Moulay Hafid Elalamy, président fondateur de Saham et actuel ministre de l’Industrie et du Commerce du Maroc, qui lui propose le poste de directeur du développement de Saham Holding, au moment où le secteur des assurances est en plein essor. La société réalise une vague d’acquisitions et étend son réseau. Mehdi Tazi va enchaîner les postes à responsabilité jusqu’à sa nomination en 2014 à la tête de Saham Assurance. Il fait son entrée dans le top 10 des « dirigeants africains de demain » de l’institut Choiseul : 7e en 2014, 4e en 2015, et enfin 2e en 2016. Pour sa dernière année au poste de PDG de Saham Assurance, la compagnie enregistre un chiffre d’affaires record de 4,39 milliards de dirhams (401 millions d’euros, + 16,2 % par rapport à 2015). Si Belassur n’est pas encore LE cabinet qui compte (17,7 millions de dirhams en 2015), avec Mehdi Tazi à sa tête, il pourrait bien changer bientôt de catégorie. ■ J.W.

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Mehdi Tazi

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PERSPECTIVES LE POUVOIR JEUNE

Riyad Mahrez et Pierre-Emerick Aubameyang

Le « magicien » et « l’homme-araignée » dopent le foot

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avant d’être recruté en 2013 pour à peine 500 000 euros par Leicester City, alors en deuxième division. Quant à Aubameyang, si le Milan AC le recrute dès 2007 après qu’il a été sacré meilleur buteur de la Champions Youth Cup, il n’y jouera pas un seul match en équipe première. Il passe même de club en club, en prêt, sans jamais convaincre, à Dijon, Lille ou Monaco. Et ne s’impose en Ligue 1 qu’à partir de 2012, une fois définitivement acheté par Saint-Étienne. Malheureusement aussi, l’un comme l’autre n’ont pas encore réussi à reproduire en équipe nationale leurs succès en club. Gabon et Algérie ont même été éliminés dès les phases de poule lors de la dernière CAN. Le hasard pourrait aussi les réunir très prochainement dans le même championnat. Car, à l’heure où nous écrivons ces lignes, l’Algérien serait tout proche d’un accord avec l’AS Monaco, tandis que le Gabonais débarquerait au ParisSaint-Germain. Deux retours par la grande porte. ■ J.W.

Pierre-Emerick Aubameyang.

BPI/SHUTTERSTOCK/SIPA - PIXATHON/SHUTTERSTOCK/SIPA

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nfin ! Après quinze années de football africain dominé par le sempiternel trio Samuel Eto’o, Yaya Touré, Didier Drogba, l’éclosion au plus haut niveau de Riyad Mahrez et de Pierre-Emerick Aubameyang enterre définitivement la vieille garde. Car voilà bien les deux meilleurs joueurs continentaux du moment. Le premier a même chipé au second le titre de Ballon d’Or africain en 2016 (Aubameyang l’a remporté en 2015). D’un côté, l’Algérien de 26 ans, surnommé le « Magicien », qui joue à Leicester City (Angleterre). De l’autre, le Gabonais de 27 ans, alias « Spiderman », attaquant du Borussia Dortmund (Allemagne), qui vient de terminer la Bundesliga comme meilleur buteur. S’ils jouent tous deux aux avant-postes de leurs équipes, leur style et leur personnalité sont opposés. Le « Fennec », pur gaucher, est un ailier aux dribbles soyeux et aux feintes renversantes, un technicien qui crée des occasions et fait jaillir l’étincelle, mais dont la nature est plutôt réservée. La « Panthère », droitier, est lui un buteur à la capacité d’accélération phénoménale, qui finit les actions plutôt qu’il ne les initie et dont le caractère est aussi joyeux qu’exubérant. L’Algérien a fait preuve d’une incroyable détermination en surmontant le scepticisme de ses formateurs qui l’ont longtemps considéré Riyad comme physiquement trop Mahrez. frêle pour le haut niveau. Quand Aubameyang, talent précoce, a toujours affiché un tempérament débonnaire et un goût prononcé pour les vêtements flashy et les voitures rutilantes. Et pourtant, leurs carrières se ressemblent beaucoup. L’un comme l’autre sont nés et ont été formés en France. Mahrez en banlieue parisienne, à Sarcelles (Val-d’Oise) où il a joué en junior. Et « Aubame » à Laval, en Mayenne. Tous deux aussi ont mis du temps à exploser au plus haut niveau. Champion d’Angleterre et élu meilleur joueur du Royaume-Uni en 2016 (une première pour un Africain), Riyad Mahrez est d’abord passé par des petits clubs comme Quimper et Le Havre

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Au nom du peuple e journaliste de 39 ans a fondé avec ses amis rappeurs Thiat et Fou Malade, du groupe Keur Gui, le mouvement citoyen Y’en a marre, en février 2011. Parti d’une simple exaspération face aux coupures d’électricité, ce collectif a ensuite su mobiliser les jeunes par un travail de terrain acharné, à travers le Sénégal, en juin 2011, contre les tentatives du président Abdoulaye Wade de modifier la Constitution afin de briguer un troisième mandat. En un an, Fadel Barro est ainsi devenu un leader d’opinion respecté, présenté comme un « guérillero pacifique » dans la page « portrait » du quotidien français Libération. Il a reçu en 2012 la visite de Laurent Fabius, alors ministre français des Affaires étrangères, puis en 2013 celle de Barack Obama. Le mouvement Y’en a marre a mobilisé le 7 avril dernier à Dakar des foules impressionnantes, pour protester contre les dérives du gouvernement de Macky Sall. Il reproche à ce dernier sa « gabegie » dans la gestion des affaires du pays, son népotisme, mais aussi l’incarcération de son principal challenger politique, le maire de Dakar, le 8 mars, pour une affaire de fausses factures. Arrêté à Kinshasa le 15 mars 2015, il a été expulsé par les autorités congolaises après avoir donné une conférence de presse avec les mouvements Filimbi et la Lucha en République démocratique du Congo (RDC), qui font manifestement peur à Joseph Kabila, malgré la faiblesse de leurs moyens. ■ S.C.

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RAPHAËL FOURNIER/DIVERGENCES

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Fadel Barro

Un leader d’opinion respecté présenté comme un guérillero pacifique par le quotidien français « Libération ». AFRIQUE MAGAZINE

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Leïla Slimani

Le pouvoir du verbe

La chef de file d’une littérature balayant l’anecdotique. 32

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lle a grandi avec ses deux sœurs à Rabat, dans une famille aimante, avec un père banquier et une mère médecin – la première à avoir une spécialité (ORL) au Maroc. Un bel exemple pour Leïla Slimani, qui vit aujourd’hui en France. Après des études à Sciences Po et à l’ESCP, où elle a analysé les médias de près, elle devient journaliste à L’Express puis à Jeune Afrique. Malgré son amour pour le reportage, elle décide de se consacrer davantage à l’écriture littéraire. Ainsi naît Dans le jardin de l’ogre (2014), qui a fait parler de lui pour son sujet osé : encore aujourd’hui, le désir féminin dérange. Mais c’est Chanson douce qui bouscula la rentrée littéraire de septembre 2016 : s’inspirant d’un fait divers américain (une nounou assassinant les enfants dont elle avait la charge), Slimani y livre un récit glaçant d’un style à la fois acéré et empathique. Évoquant le quotidien des femmes contemporaines, qui jonglent entre métro, boulot, dodo, mari et enfants, tout comme la situation de celles à qui elles confient leur progéniture, l’écrivaine nous fait regarder en face ce qu’il peut arriver de pire. Résultat : le prix Goncourt ! Succédant à Marie NDiaye, Leïla Slimani est la deuxième femme d’origine africaine à le recevoir. À 35 ans, elle s’impose alors comme chef de file d’une littérature affirmée apportant un souffle de fraîcheur à la littérature française, balayant d’un seul coup le poussiéreux et l’anecdotique. Loin de se reposer sur ses lauriers, cette observatrice née est repartie au bercail pour y écrire un essai qui promet de faire parler de lui, Sexe et mensonges : la vie sexuelle au Maroc. Abordant le thème de la sexualité et du respect de l’autre, il sera en librairie le 6 septembre. Celle qui dit écrire « en trois dimensions » va prochainement voir sa Chanson douce adaptée sur grand écran, par Maïwenn. On attend beaucoup de la rencontre de ces deux femmes de tête, tout en persévérance et en finesse. Leïla Slimani a décidément encore bien des cartes à abattre. ■ Sophie Rosemont 369 – JUIN 2017

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15 ans et déjà grande !

L Yérim Sow

L’entrepreneur ertes, il a presque 50 ans, et donc il n’est plus tout jeune… Mais Yérim Sow a commencé tôt à faire de bonnes affaires, à entreprendre, à sortir du giron d’une succession familiale toute tracée. Issu d’une grande famille sénégalaise et fils de l’entrepreneur Aliou Sow, Yérim aura touché à presque tout avec un certain succès : télécoms, banques, immobilier, agro-industrie… Il cultive le secret, n’aime guère se montrer et s’entretenir avec les médias (l’une de ses rares interviews a été pour notre publication sœur Afrique Méditerranée Business – AMB). Il a gardé tout au long de ces années un goût certain pour les ruptures, la nouveauté, le risque, le changement, l’intuition. Ce qui justifie sa présence dans notre sélection. Dernière grande aventure en date, l’hôtellerie, avec la création en 2013 du groupe Inaugure Hospitality et sa filiale de gestion Mangalis. L’idée évidemment n’est pas de faire une ou deux opérations immobilières à Abidjan ou à Dakar, mais d’inventer et lancer un concept nouveau et adapté à l’Afrique. En travaillant sur les déclinaisons, les styles, les matériaux, le design, en privilégiant l’écodurabilité en se basant sur trois marques : Noom (séjour d’affaires et haut de gamme), Yas (économique et dynamique) et Seen (trendy et connecté). Trois hôtels sont déjà en opération (Conakry, Abidjan, Dakar) et cinq autres prévus. Keep going ! ■ Zyad Limam

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Zuriel Oduwole

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Micheline Mwendike

Pour un Congo nouveau ilitante congolaise de 31 ans, elle étudie les Sciences politiques à Florence pour mieux se préparer à construire l’avenir de son pays, et se fixe ce qui ressemble fort à une mission impossible en RDC : « Nous devons traiter le mal à la racine : corruption, culte de la personnalité, impunité et acceptation par les populations de l’inacceptable ». Elle a étudié l’économie à l’université de Goma, sa ville, où elle est devenue membre du mouvement Lutte pour le changement (Lucha). Organisés de par cellules, afin de survivre à la répression, ces jeunes, qui incarnent une génération qui ne veut plus baisser les bras, écopent de peines de prison sous le régime de Joseph Kabila. La Lucha incarne une génération de jeunes qui ne veut plus baisser les bras. Micheline n’a pas renoncé, même après avoir été battue par un policier lors d’une manifestation et emprisonnée une semaine. Pour elle, la lutte continue, dans la non-violence. « Nous voulons la réforme du secteur de la sécurité. Tant que nous n’aurons pas d’armée digne de ce nom au Congo, les Nations unies pourront amener la plus grande armée étrangère dans notre pays avec les 20 000 hommes de la Monusco, rien ne changera ». ■ S.C.

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a conclusion sera pour elle, cette jeune Américaine, née à Los Angeles, d’un père nigérian et d’une mère mauricienne. Elle a fait la une des grands magazines, la « liste des plus influents », des « most powerful youngsters » (des jeunes les plus puissants)… Elle réalise et produit des films. Quatre à son actif, déjà. Et elle n’a que… 15 ans. À 9 ans, elle signe son premier documentaire dans le cadre d’un projet scolaire : The Ghana Revolution. Un an plus tard, un deuxième film, The 1963 OAU Formation, sur la création de l’Organisation de l’unité africaine. En 2016, c’est Technology in Educational Development et A Promising Africa. Elle interviewe chefs d’État, ministres, est reçue par de hautes personnalités (John Kerry par exemple, alors secrétaire d’État), elle parcourt le continent, donne des cours de cinéma à de jeunes Africains, a un sens aigu du marketing. Et fin 2105, elle crée la fondation Dususu (Dream Up, Speak Up, Stand Up) pour favoriser l’éducation. On reste épaté par cette assurance et cette efficacité. ■ Z.L.

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PERSPECTIVES LE POUVOIR JEUNE

La génération des capitaines Conduire un pays sans être encore quadra est une véritable exception. Seuls cinq dirigeants à travers le monde, pas un de plus, ont moins de 40 ans.

Vanessa d’Ambrosio (Saint-Marin).

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où l’âge moyen des dirigeants est de 64,8 ans, 30 d’entre eux – sur les 54 – sont en dessous de ce seuil, tels le Sénégalais Macky Sall (55 ans), le Burundais Pierre Nkurunziza (53 ans) ou Mohammed VI, roi du Maroc (53 ans). À signaler : seuls trois dirigeants ont 50 ans ou moins : Faure Gnassingbé (Togo, 50 ans),

Mswati III (roi du Swaziland, 48 ans) et Joseph Kabila (45 ans), actuel « benjamin » des leaders africains. Mais, contraint théoriquement de quitter le pouvoir d’ici l’année prochaine, il n’est pas certain que l’actuel président de la République démocratique du Congo (RDC) puisse conserver ce record… ■ Hedi Dahmani

TOP 5 DES DIRIGEANTS LES PLUS JEUNES DE LA PLANÈTE

1. 2. 3. 4. 5.

Vanessa d’Ambrosio (Saint-Marin) Kim Jong-un (Corée du Nord) Tamim Ben Hamad Al Thani (Qatar) Jigme Khesar Wangchuk (Bhoutan) Emmanuel Macron (France)

29 ans 34 ans 36 ans 37 ans 39 ans

TOP 10 DES DIRIGEANTS LES PLUS JEUNES D’AFRIQUE 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10.

Joseph Kabila (RDC) Mswati III (Swaziland) Faure Gnassingbé (Togo) Adama Barrow (Gambie) Letsie III (Lesotho) Mohammed VI (Maroc) Pierre Nkurunziza (Burundi) Mohamed Abdi Mohamed (Somalie) Danny Faure (Seychelles) Macky Sall (Sénégal)

45 ans 48 ans 50 ans 52 ans 53 ans 53 ans 53 ans 54 ans 54 ans 55 ans

TOP 5 DES DIRIGEANTS LES PLUS JEUNES DU G20

1. 2. 3. 4. 5.

Emmanuel Macron (France) Justin Trudeau (Canada) Enrique Peña Nieto (Mexique) Joko Widodo (Indonésie) Mauricio Macri (Argentine)

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39 ans 47 ans 50 ans 55 ans 58 ans

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ERCOLE GIARDI/FOTO MW

C’EST UNE FEMME, VANESSA D’AMBROSIO, 29 ANS, capitainerégent de la République de SaintMarin (principauté logée au cœur de l’Italie), qui est la plus jeune chef d’État en exercice, mais pour quelques mois seulement : le 1er octobre, elle sera remplacée par un(e) autre parlementaire, désigné(e) pour une période de 6 mois. La palme du leader le plus jeune pourrait alors échoir au très médiatique et inquiétant Kim Jong-un (Corée du Nord, 34 ans), suivi de l’émir Tamim Ben Hamad Al Thani (Qatar, 36 ans) et de Jigme K. Wangchuk (roi du Bhoutan, 37 ans). Ces quatre personnalités n’étant pas passées par le verdict du suffrage universel, c’est donc Emmanuel Macron (39 ans) qui peut se targuer d’être, aujourd’hui, le plus jeune chef d’État démocratiquement élu. Le président français détient aussi un autre record : celui d’être le plus jeune dirigeant d’un des pays membres du G20. Parmi eux, seuls deux ont moins de 50 ans : Justin Trudeau (Canada, 47 ans) et Enrique Peña Nieto (Mexique) qui vient d’avoir 50 ans. En Afrique,

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« Quel âge as-tu pour oser demander ? » par Emmanuelle Pontié

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as facile d’être jeune et ambitieux sous nos tropiques. Les sociétés, bantoues en particulier, sont pour la plupart très attachées au respect et au pouvoir des anciens. La leçon du village et de la tradition ont la vie dure. Là-bas, en brousse ou dans la forêt, le chef est omnipotent, et ne cède sa place qu’à sa mort, à l’un de ses fils. Ce dernier pourra régner jeune, mais exclusivement par filiation. Ce qui semble reléguer à plus tard toute idée de partage du pouvoir, de remise en question du système, voire de processus démocratique. Bien sûr, les nations et le pouvoir officiel ont depuis longtemps fait fi de ces pratiques, mais, mine de rien, mentalement, la société a du mal à faire confiance, accorder son soutien ou promouvoir un jeune, jugé inexpérimenté, même s’il a reçu une formation bien plus pointue que ses aînés. Déjà, dans les familles, il est rare qu’un fils parle avant son père ou le contredise à table. Lorsqu’il y a un souci à régler, c’est toujours l’oncle le plus âgé qui gère, qui tranche. Et force est de reconnaître que l’on est « jeune » longtemps… Dans certains ministères de la Jeunesse, justement, la catégorie de la population cible prise en charge pour les programmes de prévention santé ou d’appui à l’auto-emploi, englobe les classes d’âge de 15 à 34 ans. C’est dire… En gros, en Afrique subsaharienne, on sort de cette catégorie lorsque l’on est marié et quand on a trouvé un travail (de préférence avant de convoler). On s’affranchit lorsque l’on obtient une

indépendance économique. Celle-ci peut venir vite si on a les moyens de se lancer tôt dans le business, petit ou grand, et être son propre patron. Éventuellement encore, quand un de ses oncles ou parrain est bien placé et vous trouve un poste. Sinon, le miroir de la société vous remet à votre place de « trop jeune » pour être écouté, considéré ou soutenu. Une kyrielle de petites phrases du quotidien sont éloquentes : « Reviens dans quelques années… Quel âge as-tu pour oser demander ça ? tu as encore bien le temps de souffrir … » Et, ceci expliquant cela, la représentativité des moins de 40 ans dans les mandats électifs ou dans les postes ministériels est dérisoire. Voire inexistante parfois. La presse locale souligne la jeunesse de tel préfet ou de tel secrétaire général lorsqu’il a moins de 60 ans… Alors, l’arrivée d’un chef d’État comme Emmanuel Macron à 39 ans en France, semble interpeller davantage sur le continent africain qu’ailleurs. Le « modèle » change, évolue, amuse souvent ceux qui pensent que là-bas c’est possible mais jamais chez eux. Mais il fait aussi réfléchir ceux qui estiment que les poussées démographiques hors normes constatées ou prévues dans tel ou tel pays pourraient faire bouger les lignes. La tradition et le respect des anciens devraient peut-être arriver à cohabiter avec une prise en considération croissante des talents et des ambitions des jeunes. Et leur donner parfois une chance ! Après, c’est au « candidat » d’être brillant et de réussir. Car, enfin, l’âge seul n’est pas forcément déterminant dans le domaine. ■

Ils ont eu la foi avant 40 ans

Figures aux destins parfois tragiques, ils ont laissé une trace dans l’histoire.

Nelson Mandela, Afrique du Sud, 25 ans quand il devient membre de l’ANC. Mouammar Kadhafi, Libye, 27 ans quand il renverse le roi Idris Ier. Habib Bourguiba, Tunisie, 31 ans quand il fonde le parti du Néo-Destour. Julius Nyerere, Tanzanie, 31 ans quand il fonde le Tanganyika African National Union (TANU). Thomas Sankara, Burkina Faso, 33 ans quand il devient Premier ministre puis président du CNR). Il sera abattu à l’âge de 37 ans.

Patrice Lumumba, RD Congo, 34 ans quand il devient Premier ministre ; et 35 ans quand il est assassiné. Gamal Abdel Nasser, Égypte, 34 ans quand il renverse la monarchie égyptienne. Amadou Mahtar-M’Bow, Sénégal, 36 ans Thomas quand il devient ministre de l'Éducation et de la Culture (période d’autonomie interne, Sankara. 1957-1958). Kwame Nkrumah, Ghana, 38 ans quand il fonde le Convention People’s Party (CPP). ■

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REPORTAGE

Sécurité, tensions sociales, inquiétudes… Le contexte était difficile. Mais les PÈLERINS sont venus pour le grand rendez-vous annuel dans ce haut lieu du judaïsme. Un pas sur le chemin escarpé du dialogue et de la confiance. par Julien Wagner, envoyé spécial

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Entre le 12 et le 14 mai, près de 1 500 fidèles ont fait le déplacement à la synagogue. Loin des quelque 10 000 personnes qu’attirait l’événement dans les années 90.

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n ce 14 mai ensoleillé, à Erriadh (Djerba), dans la cour du foundouk (caravansérail), en face de la plus vieille synagogue d’Afrique, la foule se presse comme à un concert. Elle est au moins trois fois plus importante que dans le temple. Sur l’estrade, un jeune chanteur s’égosille en arabe accompagné d’un orchestre tunisien. Comme lui, la plupart des hommes portent une kippa. De nombreuses femmes ont les cheveux teints en blond. D’autres portent un léger foulard en guise de coiffe. La moyenne d’âge se situe autour de 50 ans. Des drapeaux rouge et blanc aux couleurs de la Tunisie flottent dans l’air par dizaines accrochés à des filins. On boit de la boukha

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REPORTAGE À LA GHRIBA, UNE TUNISIE DE L’ESPOIR

(alcool de figues) mélangée à de la bière. On mange des bricks à l’œuf, des poivrons farcis, des fruits secs… On rit. On parle, en arabe et en français. On chante. On danse. « Qui sont les filles à marier ? », lance « Marco » Zaghdoun à la foule depuis l’estrade. Petit, large, exubérant, ce restaurateur à Paris XIXe est une des figures emblématiques du pèlerinage. C’est le maître de cérémonie. « Alors ? insiste-t-il, qui a des jeunes à marier ici ? » En guise de réponse, deux femmes lui lancent des tissus sur lesquels sont inscrits des messages au feutre noir. « ŒUFS À VŒUX » ET FILLES À MARIER La synagogue de la Ghriba, à quelques mètres de là, aurait été érigée à partir d’une pierre du temple de Salomon (Jérusalem), ravagé par l’empereur Nabuchodonosor en 586 avant notre ère. Des Cohanim (ou Cohen, membre de la tribu des prêtres) seraient alors venus faire souche à Djerba. « Ni tout à fait sépharades*. Ni ashkénazes. » Les juifs djerbiens cultivent le mythe de juifs inclassables malgré plusieurs vagues de populations séfarades venues par la suite d’Espagne, du Maroc, d’Algérie ou de Libye. Aujourd’hui, dimanche, c’est la fête juive de Lag Ba’omer, qui marque la fin de ce pèlerinage, l’un des rares que compte le monde juif (il en existe aussi au Maroc, en Ukraine et en Biélorussie). C’est le jour et le lieu parfaits pour faire un vœu. « Il y a 2 000 ans, un homme est venu ici. Il a demandé une faveur à Dieu et a été exaucé », raconte le rabbin Serfaty, venu de Safed (Israël) mais né à Médenine (Tunisie). « Les juifs du monde entier qui viennent ici verront leurs vœux exaucés », promet-il. Sur du tissu, en allumant des bougies ou en écrivant sur des œufs déposés dans une petite grotte à l’intérieur de la synagogue, on demande là le mariage d’une fille, ici la naissance d’un enfant… Cette année, près de 1 500 juifs (2 500 selon les autorités tunisiennes), en grande majorité de Tunisie, de France ou d’Israël, sont venus. Bien loin de la dizaine de milliers de personnes qu’attirait l’événement dans les années 90. Depuis deux ans, c’est en fait toute l’île de Djerba qui connaît une baisse massive de la fréquentation touristique. Les attentats successifs commis entre mars et novembre 2015 au Bardo (22 morts), à Sousse (39 morts) et contre la garde présidentielle à Tunis (12 morts) ont considérablement abîmé l’image du pays à l’étranger. « Je suis dans le secteur depuis vingt-deux ans. Et je peux vous dire que les deux années écoulées ont été les plus catastrophiques de l’histoire du tourisme tunisien », reconnaît Mohamed Jerad, directeur de l’hôtel Radisson Blu (lire pages suivantes), plus prestigieux établissement de l’île. Déjà, depuis 2011 et la révolution du Jasmin, le nombre de touristes avait chuté. De 7,8 millions en 2010, à 7,2 millions en 2014. Mais en 2015, il est tombé à 5,4 millions. Un choc terrible pour le pays pour qui cette industrie est la principale source de devises étrangères. La fréquentation des Français en particulier, pre38

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Orchestre, rires et danses : autour du maître de cérémonie, l’ambiance est d’abord à la fête.

mier contingent de clients, a baissé de 70 % entre 2010 et 2015. Quant aux Britanniques, ils ne viennent plus du tout : avec 30 tués lors de l’attentat de Sousse, Londres déconseille toujours la destination à ses ressortissants. Comme la Belgique, Israël ou les pays scandinaves. « Ces décisions ne constituent pas la principale raison, tempère toutefois le directeur. La preuve, la France ne déconseille pas la Tunisie. La vraie raison, c’est la chute de la confiance des voyageurs dans le pays. Avant 2011, en Tunisie, nous n’avions aucun problème au niveau sécuritaire. Nos hommes faisaient davantage du gardiennage que de la sécurité. Ce n’était ni une priorité, ni une nécessité. Mais aujourd’hui, tout a changé. » Et le pèlerinage est l’occasion idéale pour le gouvernement de le montrer. Du 11 au 15 mai, sur la côte nord de Djerba, là où se situe la majorité des hôtels, et jusqu’à la Ghriba, de nombreux barrages policiers ont été érigés. Pour atteindre la synagogue, plusieurs cordons de sécurité, des hommes armés et encagoulés, membres de Brigade anti-terroriste (BAT), des véhicules blindés, un portique de sécurité. Le tout surveillé par un hélicoptère militaire qui couvre la zone. La fédération des hôtels de Djerba a, elle aussi, décidé de réagir, surtout après l’attentat de Sousse, en investissant dans des quads qui sillonnent les plages. Les établissements qui en avaient les moyens, comme le Radisson Blu, ont investi dans des caméras, des centres de surveillance, des systèmes anti-intrusion électroniques, des portiques… AFRIQUE MAGAZINE

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Olivier Poivre d’Arvor, l'ambassadeur de France, qui s'est rendu sur place, a invité ses compatriotes à venir nombreux.

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« C’est inscrit en nous depuis longtemps. Il fallait Eli, 56 ans, et sa femme Annie, 53 ans, sont venus en pèlerinage avec un groupe de 42 personnes en provenance d’Israël. Ils habitent à Ashdod, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Tel-Aviv. Eli est né en 1961, à Mateur (Tunisie). L’année même de la « crise de Bizerte », qui vit s’affronter les armées françaises et tunisiennes pendant trois jours, faisant près de 1 000 morts, en grande majorité tunisiens. Pris de peur pour leur sécurité et encouragés par l’État d’Israël, des milliers de juifs tunisiens firent eux aussi le choix d’émigrer. Dont Eli, à peine né, et ses parents. Selon les estimations, il y avait 100 000 juifs en Tunisie (dont près de 5 000 à Djerba) en 1948, à la création d’Israël. 25 000 quittèrent le pays entre 1948 et fin 1961. Et quasiment tout le reste après la guerre des Six-Jours en 1967, puis celle de Kippour en 1973. Eli, comme tant d’autres, n’était jamais revenu. « C’est très émouvant pour moi, confie-t-il dans un grand sourire. J’ai pu me rendre sur la tombe de ma grand-mère, Nina Taïeb, enterrée ici le 4 septembre 1919. La Ghriba, c’est quelque chose d’inscrit en nous depuis longtemps, c’est inné. Mes parents s’y rendaient chaque année. Il fallait que je revienne un jour ici. » Le couple est ravi. Et même surpris de l’accueil qui lui a été réservé. « Fantastique, commente Eli.

LES RUSSES À LA RESCOUSSE

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n 2016, le nombre de touristes en Tunisie a légèrement augmenté par rapport à 2015, « annus horribilis ». De 5,4 à 5,7 millions. Mais cette légère amélioration est un trompe l’œil. D’abord, parce qu’elle a eu lieu aux dépens d’une baisse sévère des prix. À tel point que les revenus du tourisme (2 414 millions de dinars, soit 882 millions d'euros) étaient supérieurs en 2015 à ceux de 2016 (2 322 millions de dinars). Mais aussi parce qu’un événement extérieur est venu booster anormalement la destination « Tunisie ». Le 24 novembre 2015, un chasseur russe qui survolait la Syrie était abattu par l’armée turque. Depuis, les relations entre Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan sont assez fraîches, et Moscou a vivement déconseillé à ses ressortissants de se rendre au pays de la Mosquée bleue. Or, pendant la saison estivale, la station balnéaire d’Antalya, au sud de la Turquie, était occupée à 70 % par des touristes russes. Les opérateurs russes étant de bons patriotes, ils ont « redirigé » leurs ouailles vers de nouvelles destinations, dont Djerba. Bilan : +700 % de touristes russes en 2016. De 100 000 à 700 000. Mais reviendront-ils cette année ? C’est la question que tout le monde se pose à Djerba. Quoi qu’il en soit, d’après les premiers chiffres, la Tunisie pourrait repasser au-dessus des 6 millions de touristes annuels en 2017. ■ J.W.

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Vraiment très chaleureux. Et puis il y a un niveau de sécurité comme on a jamais vu, même en Israël. C’est trop même. Le ministère du Tourisme tunisien nous a demandé de venir, nous a facilité l’obtention des visas et a promis que la sécurité serait au rendez-vous. Ces efforts sont vraiment touchants. Alors malgré les avertissements de notre gouvernement, nous sommes venus. Je ne savais pas que les Tunisiens prenaient tellement à cœur leur communauté juive. » Une « histoire d’amour » qui ne date pas d’hier mais qui a connu des hauts et des bas. Déjà, le régime Ben Ali (1989-2011) avait affiché sa volonté de « normaliser » les relations avec sa diaspora juive en choisissant justement le pèlerinage de la Ghriba comme clé de voûte d’une vaste entreprise de séduction. Mais la « lune de miel » fit long feu. Elle ne survivra pas à la seconde intifada à partir de 2000, puis à l’attentat en 2002 (19 morts) perpétré par un Franco-Tunisien devant la synagogue de la Ghriba et revendiqué par Al-Qaïda. UNE MADELEINE DE PROUST « Aujourd’hui, il n’y a plus qu’environ 1 500 juifs en Tunisie, décompte en arabe le Grand Rabbin de Tunisie, Haïm Bittan, également Grand Rabbin de Djerba. Il en reste 1 200 entre ici, [Djerba] et Zarzis. Et environ 300 à Tunis. » Des chiffres stables. Les 25 à 30 naissances annuelles sont couvertes par des départs vers Israël. Cette petite communauté juive demeure malgré tout la deuxième en nombre du monde arabe, derrière celle du Maroc (environ 2 000). Ceux qui ont émigré constituent donc aujourd’hui la très grande majorité des pèlerins, et font la renommée de la Ghriba. Simon est l’un d’entre eux. Le sourire aux lèvres, il est venu en famille. Né à Tunis en 1968, de parents juifs djerbiens, il a quitté la Tunisie pour la France à 14 ans. « Je suis toujours revenu régulièrement à la Ghriba. C’est censé être une fête religieuse. Mais disons que, pour moi, c’est comme une “madeleine de Proust”, un retour à mon enfance. Je viens pour le côté folklorique, la musique, l’ambiance, les retrouvailles. Après les événements de Sousse, où le terroriste a abattu des touristes sur la plage, j’ai été un peu refroidi… C’est vrai. Mais dès que j’ai pu, je suis revenu. » Depuis deux ans, le pèlerinage était comme en sommeil. Seuls 600 pèlerins avaient ainsi fait le déplacement l’an passé. Et c’est ce renouveau et celui du tourisme qu’est venu défendre le Premier ministre Youssef Chahed en personne à la Ghriba, en ce dimanche 14 mai. « La Tunisie est un pays ouvert, tolérant et en réconciliation avec son identité », a-t-il rappelé. Ajoutant : « La réussite du pèlerinage de la Ghriba et l’augmentation de 34 % du nombre des nuitées au cours du premier trimestre sont de très bon augure. » C’est ce message résolument positif que sont venues marteler les autorités tunisiennes, et avec elles, les « amis de la Tunisie ». AFRIQUE MAGAZINE

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que je revienne ici. » « L’État a effectué un travail remarquable pour assurer la sécurité des touristes, loue Olivier Poivre d’Arvor, l’ambassadeur de France en Tunisie. Il a été très méthodique, y compris à travers les coopérations internationales et notamment françaises. Aujourd’hui, le pays est aussi sécurisé qu’on peut l’être vis-à-vis de ce type de menace. C’est pourquoi nous appelons nos compatriotes à retourner à Djerba. » Il semble qu’il soit peu à peu écouté. « Ça reprend, affirme la ministre du Tourisme Selma Elloumi Rekik, elle aussi présente à l’occasion du pèlerinage. On en est à +70 % sur le marché français à Djerba par rapport à 2016 à la même époque et à +30 % sur l’ensemble de la Tunisie. » Sur l’île, 80 à 85 % des 120 hôtels sont désormais ouverts contre moins de 50 % il y a encore un an. Les investisseurs aussi reprennent confiance, avec de nombreuses constructions d’hôtels en prévision. Le groupe Four Seasons a confirmé en avril son intention d’implanter un cinq-étoiles à Tunis (lire p. 89). D’autres enseignes ont fait de même comme Ritz-Carlton, AccorHotels ou Six Senses. Il est grand temps. L’économie tunisienne souffre terriblement depuis cinq ans. Avec une croissance atone (1 % l’an dernier) et un déficit commercial qui ne cesse de se creuser (12,62 milliards de dinars en 2016). Fin avril, le dinar tunisien a dévissé de 9 % par rapport à l’euro en à peine quatre jours (2,68 pour 1 euro) quand la nation compte toujours plus de 630 000 chômeurs (pour 11 millions d’habitants), dont une grande proportion de jeunes. Pour ne rien arranger, le pays est sur les nerfs et l’instabilité demeure. Pas moins de neuf gouvernements se sont succédé depuis la révolution du Jasmin en 2011. Et l’État passe son temps à éteindre les feux qui s’allument tour à tour à Kerkennah, Douz, Kairouan ou Sidi Bouzid… Dans la région de Tataouine, des soulèvements populaires ont lieu depuis plusieurs semaines. Le 23 avril, des milliers de jeunes se sont dirigés vers la zone pétrolière protégée par les forces armées, à El Kamour, pour réclamer une meilleure redistribution de la maigre rente pétrolière. Le 22 mai, un manifestant a même été tué « accidentellement » par un véhicule de la gendarmerie. À Djerba pourtant, à moins de 120 km de là, tout le monde veut croire au « renouveau ». Et les pèlerins ne sont pas les derniers. Pour eux, l’opération « Ghriba 2017 » est un succès. Et pour Eli peut-être plus que pour aucun autre. « Ce qui est sûr, c’est que quand on rentrera en Israël, on dira à tous nos proches qu’on peut venir en Tunisie sans problème. C’est vrai que j’appréhendais un peu au début, mais là, c’est bon. On sait que c’est bon. » Pourvu que ça dure. ■ ONS ABID

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* Séfarades (ou sefardim, pluriel de sefardi) renvoie aux juifs « espagnols » en hébreu, et ashkénazes (ou ashkenazim) aux juifs « allemands ».

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3 questions à... MOHAMED JERAD

Directeur du Radisson Blu Djerba AM : Il faut suffisamment de sécurité pour rassurer les touristes, mais pas trop pour ne pas les effrayer. Comment résoudre ce dilemme ? La sécurité est une priorité. Nous avons investi en deux ans près de 200 000 euros pour les deux hôtels Radisson de Djerba. Nous avons embauché des hommes et disposé 150 caméras. Mais il faut une part de discrétion. Un voyageur d’affaires reste un ou deux jours. Avant d’arriver à l’hôtel, il passe déjà par six portiques. Mais un client de Djerba, qui vient se détendre, ne supportera pas de passer dix fois par jour à travers un portique. Il faut être mesuré.

Les deux dernières années ont été très difficiles. Vous sentez-vous économiquement en danger ? Bien sûr. Et pas simplement d’un point de vue touristique. La Tunisie est un pays qui n’a pas de ressources. Nous dépendons énormément de nos échanges extérieurs et de notre capacité à exporter. Le tourisme est une exportation. Tous les secteurs d’activité souffrent depuis 2011. Heureusement, au niveau politique, le dialogue national entre les deux principales forces du pays a permis de stabiliser les choses. Mais le principal effort doit venir de nous-mêmes, les Tunisiens.

Une des clés serait de retirer davantage de revenus du tourisme. Comment faire pour sortir du low cost ? Nous l’avons fait avec la thalassothérapie. Il existe aujourd’hui plus de 50 centres à travers le pays. Nous sommes le deuxième pays de cure après la France. Maintenant, il faut développer d’autres créneaux comme la culture, des logements innovants, des lieux de divertissement. On a essayé le golf mais la percée n’est pas spectaculaire. Nous pouvons continuer à nous diversifier et accompagner le retour des clients par une montée en gamme. ■ propos recueillis par J.W. 41

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Sénégal HOMMES, FEMMES : RUDES COMBATS

Argent, amour, séduction, polygamie, situation sociale… Sur le continent, les Sénégalaises ont une RÉPUTATION à part. Jalousées ou admirées, elles ne laissent pas indifférent. Surtout ces messieurs, qui semblent chercher le bon mode d’emploi.

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par Sabine Cessou envoyée spéciale à Dakar

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émarche chaloupée, regards en coin, mise dernier cri. De l’encens par ci, des « bin-bin » par là – fameuses ceintures de perles censées exciter les hommes au lit… Pas de doute, sur le continent, les Sénégalaises ont une réputation, parfois sulfureuse, de redoutables « croqueuses d’hommes », suscitant craintes ou jalousies de Bamako à Lomé. Gazelles ou « drianké » (femmes plantureuses), jeunes ou dans la fleur de l’âge, elles se trouvent à la croisée des chemins, entre l’érotisme de la tradition, la libération qu’implique la modernité, la pression sociale et les impératifs de l’islam. Au point d’entendre certains, dans les pays de la sous-région, conseiller d’éviter de les prendre pour épouses… « C’est parce qu’elles sont belles, répond un photographe du cru. Et plus raffinées et sophistiquées que leurs sœurs ivoiriennes ou camerounaises, qui n’ont rien à envier à personne dans le côté combatif et intéressé du rapport avec les hommes. À Abidjan aussi, le gaou n’intéresse pas la go s’il n’a pas d’argent ! » Le confort matériel, souci au Sénégal comme dans tous les pays pauvres du Sahel, est, ici, souvent l’un des moteurs de la relation homme-femme. Le « thiof », en wolof, signifie « mérou », ce gros poisson qui se trouve au cœur du tieboudiène, le plat national du Sénégal. C’est aussi le surnom donné aux hommes jugés valables sur le marché matrimonial, qui se doivent non seulement d’avoir le minimum – un téléphone, une voiture et un revenu quel qu’il soit – mais aussi d’être solvables. Car il s’agit de subvenir à la « dépense », un terme assez flou pour désigner les besoins quotidiens comme les coquetteries de ces dames. Souleymane, 42 ans, ingénieur divorcé, incarne cette promesse d’argent facile aux yeux de la gent féminine. Il l’avoue sans difficulté : il n’est pas en mal de sexe, mais plutôt d’amour. « Dès qu’on sort avec une fille, il faut être prêt à payer les factures d’électricité, le loyer et la « dépense » – des frais divers qui ne se calculent pas en petites coupures de 5 000 francs CFA [environ 7 euros, NDLR]. Mes copines n’hésitent pas à me dire : « Passe-moi 100 000 (140 euros) »… Ce n’est pas tous les jours, mais c’est répétitif. Ce qui fausse tout ! » De l’autre côté, les femmes ne cachent pas leurs préoccupations vénales : « Me marier, oui, mais pas avec n’importe qui ! », lance ainsi Salimata. Cette célibataire endurcie, femme d’affaires quadragénaire qui emploie une trentaine de personnes à Dakar et dont les revenus assurent la totale indépendance, se soucie malgré tout du qu’en-dira-t-on. « Je contrôle mon image et je ne laisse rien filtrer de mes liaisons. Par ailleurs, je vois venir ceux qui veulent vivre à mes crochets. Je ne trouve pas chaussure à mon pied au Sénégal ! Mon mari se devra d’être riche, car je ne veux pas l’entretenir et il devra avoir les moyens de m’offrir les sacs à main et les vacances de luxe dont j’ai envie. » Dans toutes

les couches sociales, les femmes sont poussées à se caser avec le meilleur parti possible, de manière à subvenir aux besoins de leur famille, souvent leurs propres parents. « Où est ton mari ? » Telle est la question rituelle à laquelle il faut répondre à Dakar, quand on se promène non accompagnée. Quant aux esprits libres féminins qui fréquentent les bars le soir, elles le paient très cher sur le plan de la respectabilité, vite cataloguées « filles faciles », voire traitées de « prostituées ». À Dakar, la pression sociale est telle sur l’image que se doit de renvoyer l’épouse et la mère – deux statuts sans lesquels il est difficile de se faire respecter – que peu de voix s’élèvent contre « ces femmes formatées pour être futiles, vénales et calculatrices », comme le confie une artiste qui ne se reconnaît pas dans ce modèle dominant. Sans vouloir le dénoncer publiquement, histoire de ne pas se faire mal voir. Parmi les rares à se revendiquer « féministes » figurent Marie-Angélique Savané, épouse de l’homme politique de gauche Landing Savané, et Fatou Kiné Camara, professeur de droit et juriste, qui demande non sans courage la dépénalisation de l’homosexualité au Sénégal. Si le monde des adolescents et celui des parents est bien séparé, dans une société organisée par classes d’âges, les univers masculin et féminin restent eux aussi bien à part. L’ambiance qui Attention, apparences trompeuses : au Sénégal, celui qui conduit n’est pas forcément maître à bord.

Entre

tradition érotique,

islam et

influences occidentales, la société compose avec ses ambiguïtés.

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a beau être l’un des rares pays d’Afrique à être relativement épargné par le sida, les MST n’en sont pas moins fréquentes. « Certaines femmes promènent de vrais bouillons de culture !, poursuit notre gynécologue. On en parle aussi très peu, mais il y a des viols, de la maltraitance, des filles abandonnées par leurs parents lorsqu’elles se retrouvent enceintes, ou à la merci d’un homme parce qu’il leur paye tout. » UNE SEXUALITÉ INITIATIQUE FAITE DE NON-DITS Derrière la « guerre des sexes » qui se livre au Sénégal, sur fond de rapports monétisés où le sexe « faible » exploite l’autre sans scrupules – quitte à voir le sexe « fort » aller chercher l’émotion ailleurs – la tradition et l’islam se retrouvent en toile de fond. Avec l’influence de la culture occidentale et des clips hypersexués du rap américain, c’est l’une de ces trois pistes qui marquent en permanence cette « aventure ambiguë » qu’est la vie de tout un chacun au Sénégal. D’un côté, l’érotisme, partie intégrante de la culture traditionnelle : les sabar, ces fêtes organisées sur la place publique dans les quartiers, voient des femmes exécuter des danses suggestives dans lesquelles elles rivalisent dans l’art d’écarter leurs pagnes et de dévoiler très rapidement leur intimité aux yeux de tous. Des rites d’initia-

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peut régner autour des bols, lors des déjeuners dans les maisons, en dit long sur l’état d’esprit des uns et des autres. D’un côté, les hommes et les garçons, décontractés, parlant librement et riant de tout. De l’autre, les femmes et les filles roulant des yeux et se perdant en « tchiiip » lors de conversations qui tournent autour des mêmes thèmes – beauté, mode, mariage, famille, fêtes, potins sur les relations et les attitudes des unes et des autres… « Les femmes chez nous se regardent en chiens de faïence et vivent dans le culte des apparences », explique un gynécologue dakarois, qui se désole de l’absence d’éducation sexuelle et de franc-parler des mères à l’égard de leurs filles, de fait non informées, non protégées et livrées à ellesmêmes. « Nous sommes toujours dans le mythe de la virginité jusqu’au mariage, poursuit-il. Les aînées déconseillent la pilule aux cadettes, sous prétexte que ce mode de contraception fait grossir et qu’il risque d’empêcher les grossesses plus tard – ce qui est faux, bien sûr. Certaines, avant d’arriver chez le médecin, ont fait le tour des guérisseurs et des pharmaciens pour obtenir la pilule du lendemain – alors qu’elle n’est pas toujours efficace… » Du coup, estime le médecin, « les relations sexuelles se font de façon débridée mais secrète, dans un contexte assez particulier chez nous, qui mêle l’érotisme à l’islam ». Le Sénégal

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Felwine Sarr

« La guerre des sexes, des rapports durs et violents » Professeur d’économie, écrivain et éditeur, Felwine Sarr, 44 ans, marié et père de famille, est l’un des rares parmi nos interlocuteurs à avoir accepté de parler de cette question sensible à visage découvert. pays : quand un père meurt, ses descendants se disputent et dilapident l’héritage. Au lieu de garder les biens en indivision, les rapports sont généralement si exécrables entre demi-frères et demi-sœurs que la plupart du temps, ils finissent par vendre le peu de patrimoine constitué. Il faut donc tout recommencer à chaque génération. L’amour peut-il être multiple ? Je conçois qu’un individu puisse se dire : l’amour est vaste et j’aime plusieurs personnes différemment, comme j’aime mes différents enfants, sans exclusivité. Mais la relation conjugale asymétrique qui consiste à mettre deux femmes dans un même espace symbolique (l’épouse), alors qu’elles ne peuvent pas en faire de même, revient à reproduire un modèle patriarcal et féodal. Le roman de Mariama Bâ, Une si longue lettre, n’a pas pris une ride sur cette question depuis qu’il a été écrit en 1979. Il est resté d’une modernité absolue. par leurs propres mères, Quid de la pression exercée exer que les hommes prennent une tantes ou sœurs pour qu épouse ? seconde épouse? La société fait pression, certes. Mais les hommes pr qui l’acceptent le ffont parce que ça les arrange ! Les conditions da dans lesquelles la polygamie se pratique sont problématiques. Certaines sociétés pro polygames ou polyandres ont existé, y compris p en Afrique, mai mais avec une autre culture de la relation et un rapport à l’autre sexe moins aliénant. rap Nous sommes arrivés à une forme extrême d’utilitarisme où des femmes veulent être d’utilitar seconde secon ou troisième épouse pour avoir une sorte de contrat à temps partiel avec av un homme. Autrement dit, di la possibilité d’avoir leur vie tout to en se faisant entretenir… ■ propos recueillis par S.C. DR

AM : Comment voyez-vous les relations entre les hommes et les femmes au Sénégal ? Felwine Sarr : Il existe toute une mauvaise culture de la relation, qui n’est pas conçue pour être mutuellement bienveillante. On apprend aux femmes à tenir leur mari, à le gérer, bref à savoir comment l’instrumentaliser à des fins individuelles et financières. Du côté des hommes, il en va de même. On n’aime pas l’autre. On l’adore comme un objet, un fétiche qui remplit des fonctions codées et que la société a normées. La relation n’est pas inventée entre les deux individus. On demande à l’autre de se conformer à un rôle préétabli. Les couples l’endossent sur une grande scène où la même pièce a été jouée plusieurs fois. La guerre des sexes implique des rapports extrêmement durs et violents. Dans les séries télévisées, c’est intéressant de voir comment ces relations sont dépeintes. L’homme est un objet que l’on conquiert, que l’on acquiert, que l’on exploite et que l’on perd. Il faut fourbir ses armes et unee fois qu’on a conquis les espaces, les administrer et les protéger. otéger. D’autant que la polygamie induit une compétition terrible. errible. L’avez-vous vécue ? J’ai vécu jusqu’à l’âge de 30 ans dans une famille monogame, tranquille, où tout out allait bien. Quand la polygamie a débarqué chez ez nous, j’ai vu de plus près ce qu’elle voulait dire, e, au-delà des apparences. Certains vont vous affirmer que la concorde règne dans leur foyer polygame… olygame… En fait, à quelques exceptions près, les femmes se détestent ! Même quand l’homme meurt, cette détestation continue et la guerre re perdure… Il n’y a pas de trêve. Ce conflit fait énormément de dégâts, et pas seulement psychologiques pour les femmes. Peu de gens réussissent à construire de patrimoine dans ce

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tion à la sexualité se font par ailleurs dans une ambiance de tolérance et de non-dits. « Quand trois filles s’enferment dans une chambre, personne ne leur dit rien, note un cinéaste sexagénaire. Ce qui n’est pas le cas pour les garçons, qui se doivent de laisser leur porte ouverte. Les femmes s’initient entre elles, non seulement pour apprendre à faire plaisir à l’homme, mais aussi à se faire plaisir. Prenez-le comme vous voudrez, mais les Sénégalaises savent très bien faire l’amour ! » Second facteur lourd de sens dans la vie d’une Sénégalaise : la polygamie, à la fois liée à la tradition et validée par l’islam. « Comme tous les pays, le Sénégal a ses codes amoureux, mais un et un ne font pas forcément deux », note la réalisatrice et écrivaine française Caroline Pochon, qui a vécu une expérience polygame dont elle a tiré un roman et un film, Deuxième femme (Buchet Chastel, Paris, 2013). Dans son livre, elle relate sa rencontre avec un cinéaste sénégalais au Fespaco, à Ouagadougou. Puis sa décision de le suivre à Dakar, son arrivée dans la maison de Guédiawaye, banlieue dakaroise, où elle est présentée en tant qu’« amie » à celle qui sera sa rivale : une première épouse alors enceinte. « Nous grandissons en France dans un imaginaire monogame, poursuit Caroline Pochon. Au Sénégal, j’ai l’impression que les filles grandissent avec l’idée que si elles rencontrent un homme marié, il n’y a aucun problème. Elles savent aussi qu’elles ne seront pas la seule dans la vie de leur mari. Une culture de séduction très poussée existe. On entend dire qu’il y a plus de femmes que d’hommes et qu’il faut “aider” celles qui ne sont pas mariées. Quand la rivale arrive, il y a une forme de résignation peut-être plus facile pour une femme qui sait que cette situation risque de se produire. » Il n’est pas dit que ce soit si « facile », pourtant. Aminata, quinquagénaire, patronne issue de la bourgeoisie et qui ne correspond pas forcément au cliché de la matronne en boubou, pensait avoir trouvé l’homme de sa vie. Jusqu’à ce que son mari cède à la pression de sa famille et épouse, en catimini, une seconde femme bien plus jeune. Mise devant le fait accompli, Aminata n’a pas eu le courage de divorcer. Elle ne trouve pas non plus le ressort d’accepter cette situation, qui la prive de son époux un week-end sur deux et tous les deux soirs, l’intéressé respectant les codes du partage de son temps entre ses épouses. Aminata dépérit et redoute la grossesse de sa rivale, qui lui prendra pour de bon, pense-t-elle, les petites miettes qui lui restent de son mariage.

L’écrivain Felwine Sarr (voir ci-contre), l’un des rares à assumer à visage découvert un point de vue hétérodoxe sur la polygamie, fait remarquer que 70 % des femmes qui se rendent aux consultations psychiatriques de l’hôpital de Fann souffrent des affres de ces mariages. Dans un commentaire publié à ce sujet sur Facebook, un Sénégalais exhortait ses « sœurs à ouvrir leur cœur et à partager la chaleur masculine ». Ce à quoi une compatriote répondait par cet appel : « Toute la société doit être remise en question. D’abord, le culte du mensonge sur lequel repose notre société à tous les niveaux doit s’arrêter. Les femmes se racontent des histoires en croyant que vivre malheureuse avec un homme sous prétexte de ne pas rester seule ou sans enfant représente la voie à suivre. Et les hommes doivent arrêter leurs délires car la polygamie et/ou la souffrance féminine ne font qu’une chose : mettre en danger la progéniture du patriarche gratuitement. Ne vous étonnez pas, Messieurs, quand vous décédez avec une ribambelle d’enfants de mères différentes. Vos “héritiers” s’empressent de vous enterrer et de dilapider vos biens. »

Ici, nombre de femmes considèrent qu’il vaut

mieux

LE DIVORCE, CLÉ DE LA LIBERTÉ ? Après Mariama Bâ dans Une si longue lettre (Le serpent à plumes, Paris, 2001), Ken Bugul est l’une des seules romancières à avoir abordé de front son rapport avec les hommes. « Les garçons s’étaient moqués de moi. Je devais me venger. Être la meilleure à l’école, les utiliser, les séduire et les laisser tomber comme des pantins désarticulés », écrit-elle dans Mes hommes à moi (Présence africaine Paris, 2008). Son père avait 85 ans quand elle est née et sa mère l’a confiée à sa famille quand elle avait 5 ans. Abîmée par son enfance, elle est revenue brisée, encore jeune, de ses années en France, errant célibataire parmi les marginaux de Dakar pour finalement rencontrer celui qu’elle appelle « Le Sage », un chef religieux dont elle accepte de devenir la 28e femme. Un époux qui lui apporte, dans le cadre de cette union polygame, un soutien salvateur, mais aussi le précieux statut d’épouse – le bouclier le plus efficace contre la déchéance et les pressions sociales. Son destin reste unique, même si la polygamie représente une façon honorable de se « caser » pour certaines. De plus en plus, le secret des femmes indépendantes qui aspirent à la liberté consiste à se marier, puis divorcer. Leur statut d’épouse, ex ou pas, les suit pour toute la vie, leur garantissant une paix des plus enviables sur ce qu’elles feront par la suite de leur vie privée. ■

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être mal accompagnée que de vivre seule.

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INTERVIEW

Didier Claes « L’art,

un pont entre les hommes » Galeriste incontournable à Bruxelles comme sur la scène internationale, il présente des ŒUVRES dans les plus grandes foires et a pour clients collectionneurs avisés et grands musées. Sa spécialité ? Les ARTS PREMIERS, qui concentrent, aujourd’hui plus que jamais, toutes les attentions. propos recueillis à Paris par Sabine Cessou

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e métis belgo-congolais de 40 ans est né et a grandi à Kinshasa, avant de devenir en 2002 galeriste à Bruxelles. Marchand d’art premier, il fonctionne au coup de cœur, place la relation humaine au centre de tout et voit les choses en grand. Il a déménagé en mai, faisant passer sa galerie du quartier du Sablon à celui de l’avenue Louise dans le haut de Bruxelles, où se trouvent les grands galeristes d’art moderne et contemporain – Almine Rech, Daniel Templon ou Nathalie Obadia. Non qu’il veuille se convertir : sa spécialité reste les arts classiques d’Afrique, aussi appelés arts premiers, même s’il veut y mettre une touche d’art contemporain, en tant que collectionneur et amateur de ces formes d’expression en plein essor. Il participera en septembre au Brussels Gallery Weekend, et exposera sur ses 200 nouveaux mètres carrés des sculptures anciennes en même temps que des œuvres du plasticien sud-africain Kendell Geers. Entretien à bâtons rompus avec un passionné qui dit ce qu’il pense du marché et de ses polémiques. ■ AFRIQUE MAGAZINE

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THIERRY MALTY

« Nous avons des acheteurs éclectiques et curieux de tout. » AFRIQUE MAGAZINE

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INTERVIEW DIDIER CLAES : « L’ART, UN PONT ENTRE LES HOMMES »

AM : Fils de conservateur de musée, vous avez grandi dans l’art. Quel rapport gardez-vous avec la République démocratique du Congo ? Mon père était plus précisément anthropologue et fournisseur de musées nationaux à l’époque où certains pays tels que la Côte d’Ivoire, le Zaïre et l’Angola en créaient. J’ai beaucoup voyagé avec lui à l’intérieur du Congo-Kinshasa. Je reste attaché au continent bien sûr, sans vouloir rester cloisonné à mon seul pays. Je me rends souvent en Angola et au Sénégal, où je travaille, parce qu’on y accepte de débattre de l’art africain. Quid de l’Afrique du Sud ? Bonne question ! À mes yeux, ce pays est sorti de son contexte d’art rituel en raison de son histoire. Ce n’est pas vraiment l’Afrique. Les peuples sud-africains ne détiennent pas énormément de sculptures. Ce pays représente un marché, il est vrai, mais j’ai besoin d’un attachement humain aux territoires sur lesquels je me rends. Je suis plutôt attiré par les pays ayant des passés ancrés et profonds comme la RDC, le Nigeria ou le Sénégal. Mais tout peut changer ! Je reste ouvert… Pensez-vous à avoir une galerie ou une antenne sur le continent ? Le sujet me titille, en effet, mais beaucoup de choses restent à discuter. J’ai par exemple vendu une pièce à un Angolais, qui a été taxé à 100 % à l’entrée de son œuvre dans son pays, car elle est considérée comme un produit de luxe par les douanes. Lorsque vous exportez une statue d’art ancien aux États-Unis, elle ne fait l’objet d’aucune taxe, car les Américains considèrent qu’elle vient enrichir leur patrimoine. Ce type de mesure pourrait être repris sur le continent. Quel est le profil type de l’acheteur à Bruxelles ? Ils ne viennent plus seulement, comme autrefois, pour des raisons familiales, en raison d’un passé colonial ou de l’existence d’un parent collectionneur. La majorité d’entre eux sont des amateurs d’art contemporain et d’art moderne, et font partie de ceux qui comprennent le mieux les lignes artistiques. Nous avons de moins en moins de collectionneurs de timbres obnubilés par un seul domaine, mais des acheteurs éclectiques et curieux de tout. Qui sont les collectionneurs africains et pourquoi se font-ils si discrets ? Ils sont plus nombreux qu’on ne le croit, c’est certain. À mon sens, l’avenir de l’art africain se trouve sur le continent, mais tout le monde n’y a pas accès et n’est pas non plus intéressé. On demande aux Africains d’être de grands lecteurs, sans accès à des bibliothèques ! Il en va de même pour l’art ancien, qui relève certes d’une histoire et d’une civilisation, sans pour autant que tout le monde se sente concerné. En Europe, n’importe quel collectionneur peut aller dans une 50

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« Je vais de plus en plus vers les artistes africains, même si l’engouement actuel à leur égard me gêne, car on a l’impression de vivre un moment de mode… » galerie, un musée, une vente privée… Il faut bien comprendre que la plupart des Africains ne se rendent pas compte de ce que représente l’art classique du continent. Certains pensent qu’il est encore possible de trouver des œuvres, alors que 80 % du patrimoine ancien africain se trouve hors du continent, en Europe et aux États-Unis. J’achète dans les vieilles collections et les ventes privées en Europe, car je ne trouve plus de pièces anciennes en Afrique, sauf des pièces archéologiques avec lesquelles je ne travaille pas. Pourquoi ? Elles sont issues du pillage et je ne m’imagine pas en train de les faire sortir du continent pour les proposer ensuite à des Africains ! Quels sont les outils pour repérer les faux ? Le premier outil, c’est l’œil et l’expérience. Des techniques de datation comme le carbone 14 permettent de se rassurer, mais beaucoup de collectionneurs font confiance aux œuvres qui sont répertoriées depuis longtemps sur le marché européen. Vous paraît-il choquant que des pièces anciennes soient exposées au Quai Branly sans grandes explications sur leur contexte ou leur histoire ? Le Quai Branly est né d’une rencontre entre Jacques Chirac et Jacques Kerchache, un homme formidable qui voulait montrer la portée universelle de l’art africain – d’où la sortie de son contexte. La question est complexe, car l’art africain étant identitaire, c’est difficile de lui retirer la civilisation qu’il représente. Ce qui m’a le plus choqué, je l’avoue, lors d’une exposition sur l’art baoulé au Quai Branly, ce sont les appellations occidentales comme « Rockefeller » données à certaines pièces, en foncAFRIQUE MAGAZINE

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ALOHAFRED

La galerie Didier Claes, installée dans le quartier de l’avenue Louise, pivot de l’art contemporain à Bruxelles. tion de leur propriétaire. On peut sortir l’art ancien africain de son contexte si on l’estime universel, mais pas si on le considère comme un art rituel. Il n’existe pas de ligne de conduite unique et nous ne serons jamais tous d’accord sur ce sujet. Quelle est votre position sur les demandes de restitution comme celle qu’a faite récemment le Bénin, refusée par la France, portant sur des œuvres volées durant la période coloniale ? Cette requête du Bénin me paraît respectable, en tant que première demande officielle émanant d’un pays africain. Cependant, elle a été mal formulée, faisant l’amalgame entre les objets issus du pillage et ceux qui sont arrivés en Europe de manière tout à fait légale et honnête. Les 5 000 objets dont il est question portent ce lien douloureux avec l’époque coloniale, mais n’ont pas tous été volés. On ne peut pas généraliser et dire que toutes les collections des musées occidentaux proviennent de pillages. Les objets dont on est en mesure de prouver qu’ils ont été volés, en revanche, peuvent faire l’objet d’un débat. Le Bénin aurait pu demander à la France d’identifier toutes les pièces issues du pillage, puis d’ouvrir une discussion. L’Afrique a aussi droit à ses musées et ses collections permanentes. D’un autre côté, n’oublions pas qu’il est positif d’être représenté partout, pour que l’on comprenne notre grande histoire. Il faut jouer sur ces deux tableaux. AFRIQUE MAGAZINE

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Vous avez votre collection personnelle d’art contemporain… Qui achetez-vous ? Je viens d’acquérir une pièce de Robin Rhodes, un photographe sud-africain qui met en scène des livres d’images. J’avais vu ses œuvres à Art Brussels en 2012 et je l’ai rencontré à la fondation Louis Vuitton en avril. Je l’ai trouvé tellement sympathique que j’ai acheté ! Je fonctionne au ressenti et sans programme… Par exemple, je ne suis pas attiré au premier abord par le travail de Kendell Geers, mais je l’achète et l’expose car je suis fou amoureux du personnage et de son engagement. À l’inverse, le plasticien béninois Romuald Hazoumè, dont j’aime les œuvres, s’est montré tellement arrogant et hostile à mon égard lorsque je l’ai rencontré dans un avion que je ne me vois pas acheter ses œuvres. Les rapports humains dans notre domaine sont très importants, car l’art est une sorte de pont entre les hommes. Quel support vous intéresse-t-il le plus dans l’art contemporain ? J’aime plutôt la peinture, la sculpture relevant pour moi de l’art ancien africain, qui a atteint un niveau maximal d’expression avec très peu de moyens. Cela étant, j’adore les œuvres en céramique de Barthélémy Toguo. J’ai une collection éclectique qui ne comprend aucun artiste contemporain de RDC pour l’instant, et qui passe par l’accumulation d’objets qui correspondent à des moments, des rencontres. Je vais de plus en plus vers les artistes africains, même si l’engouement actuel à leur égard me gêne, car on a l’impression de vivre un moment de mode… Ce qui n’est pas très rassurant ! Que pensez-vous des querelles de chapelle qui prévalent parfois dans l’art contemporain, chaque commissaire se voyant reprocher d’avoir son écurie respective d’artistes ? Il existe aussi une querelle publique entre Romuald Hazoumè et le collectionneur congolais Sindika Dokolo, par journaux interposés [le premier rend hommage au soutien qu’il a reçu d’André Magnin, qui le représente, tandis que le second conteste à cet acheteur d’art français son caractère « extérieur » au marché, NDLR]. Il me semble triste de voir des Africains se dresser les uns contre les autres. Le parcours d’André Magnin, commissaire de l’exposition « Beauté Congo » à Paris en 2015, est à saluer. Il est un peu le Jacques Kerchache de l’art contemporain, dans la mesure où il y a cru avant tout le monde. Il a la chance d’avoir cette collection qui fait de lui une personnalité sur le marché, avec de très bons choix d’artistes. Simon Njami, commissaire de l’exposition « Afriques capitales » à La Villette, est aussi quelqu’un de très respectable qui a proposé de bons choix à la Biennale de Dakar. Toutes ces personnes se doivent de pouvoir s’entendre pour faire évoluer un combat commun dans le bon sens, même si l’on ne peut pas empêcher les ego d’exister ! ■ 51

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TEMPS FORT

Djihad L’immense douleur des mères

Un jour, leur enfant est parti rejoindre les terres du combat, les rangs de l’État islamique. Dans un livre poignant (Dans le ventre du djihad), notre collaboratrice ALEXANDRA GIL leur a donné la parole, les a écoutées. Des témoignages uniques de celles que l’on entend trop rarement. propos recueillis par Hedi Dahmani

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et enfant a été porté pendant neuf mois. On l’a veillé, soigné, nourri, accompagné ses premiers pas, consolé de ses chagrins, encouragé dans ses activités. À peine le temps de le réaliser qu’il avait déjà grandi. Il avait des projets, des rêves d’un monde meilleur, parfois encore des illusions. Et puis, un jour, il s’est éloigné. A disparu. Avant de réapparaître quelque part au Levant, en Libye, ailleurs… Ce que les parents ont ensuite appris, c’est que leur enfant avait rejoint une des cohortes djihadistes armées qui sèment la terreur depuis la bande sahélo-saharienne jusqu’en Irak, frappant partout où ils le peuvent. Daesh ou l’uberisation du terrorisme. Qu’est-il arrivé dans l’intervalle ? Comment des mères et des pères vivaient-ils ce qui pouvait s’apparenter à une

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TEMPS FORT D J I H A D : L’ I M M E N S E D O U L E U R D E S M È R E S

faillite personnelle ? Pour le savoir, la journaliste Alexandra Gil, responsable des éditions numériques d’Afrique Magazine, est allée à la rencontre de parents – athées, catholiques ou musulmans – dont les enfants, filles ou garçons, étaient partis au front, engagés dans une guerre qui n’a rien de sainte. De ces entretiens est né un livre, En el vientre de la yihad (Dans le ventre du djihad), publié en Espagne et dont la première édition a été épuisée après deux semaines de ventes. Huit parents, sept femmes et un homme, dont certains vivaient le deuil de la mort de leur enfant, ont accepté de témoigner. Échaudés par de précédentes et mauvaises expériences avec les médias, ils ont fini par livrer leurs doutes, leurs incompréhensions. Et poser des questions, aussi, afin d’éviter à la société et à d’autres parents que ces souffrances ne se reproduisent. L’auteure revient sur la genèse de cet ouvrage dont nous publions en exclusivité un extrait.

AM : Comment est né ce projet de livre ? Alexandra Gil : En mars 2016, j’effectuais un reportage pour le site El Español, durant lequel j’ai été amenée à rencontrer la mère d’un djihadiste. Nous sommes restées en contact et elle a insisté sur la qualité d’écoute qu’elle avait cru percevoir. Je me suis donc intéressée à la manière dont les médias et son entourage l’avaient sollicitée et écoutée jusque-là. Quand nous nous sommes revues, elle m’a expliqué s’être fait insulter sur les réseaux sociaux la première fois qu’elle avait pris publiquement la parole. Des commentaires tels que « C’est qui cette bobo ? Elle ne pleure même pas quand elle parle de la perte de son fils ! » ou « Si ton fils est mort, c’est bien fait pour toi. Comme ça, tu sais ce qu’on a ressenti quand les gens comme lui tuaient des innocents »… Elle m’a expliqué qu’elle n’était pas la seule mère à souffrir, que d’autres étaient dans son cas. Et que toutes, aussi, craignaient de raconter leurs histoires.

prendre le temps de les écouter, leur faire comprendre que je n’étais pas dans le jugement, et pouvoir gagner leur confiance. Non pour avoir de la « matière éditoriale » mais afin qu’elles s’expriment sans crainte, sans réfléchir à la manière dont on jugerait leurs propos. Le respect de leur anonymat a aussi permis de lever les dernières barrières. Qu’est-ce qui vous a intéressée dans ce sujet ? Dans un premier temps, je voulais comprendre la manière dont les médias couvraient les affaires de terrorisme, sous tous les angles possibles. Le sensationnalisme est brutal, parfois violent, et c’est un des défis de notre profession pour les années à venir. Pour quelles raisons une mère de djihadiste qui témoigne pour tenter de prévenir la société d’un danger – un phénomène qui touche près de 2 000 jeunes Français, par exemple – peut-elle se faire lyncher sur Twitter ? À la radio, un journaliste français a ainsi demandé à une maman dont le fils était parti en Syrie si elle ne se sentait pas un peu coupable de l’attentat du 13 novembre 2015 au Bataclan ! Elles ont toujours l’impression d’être utilisées : « On ne nous appelle que lorsqu’il y a un drame », relèvent-elles souvent. À quoi peut donc servir leur parole ? Elle est importante au sens où elles peuvent être des agents de prévention de la radicalisation violente. Je me suis dit que si elles ne pouvaient occuper cet espace en France, peut-être leur expérience pourrait-elle être utile à l’Espagne, mon pays d’origine, et où le phénomène est encore de moindre importance : pour l’instant, « seuls » près de 200 jeunes en sont partis pour faire le djihad en Syrie ou en Irak. Y a-t-il un dénominateur commun, un schéma répétitif qui se reproduit à chaque fois ? Ou les expériences des uns et des autres sont-elles uniques et particulières ? Le dénominateur commun est l’abandon : celui des enfants, de l’État, et de la société. Si chaque histoire est unique, toutes les familles décrivent néanmoins une bataille administrative sans fin, qu’il s’agisse d’obtenir un certificat de décès lorsque leur enfant est mort, de tenter de fermer leurs comptes en banques ou d’annuler un crédit étudiant… Toutes se heurtent aussi à des questions qui restent souvent sans réponses. Certains de ceux qui sont partis grossir les rangs de Daesh ont eux-mêmes eu des enfants pendant leur périple… Quelles mesures prendra le gouvernement s’ils reviennent avec ces bambins ? Pourront-ils vivre avec les grands-parents pendant que le djihadiste sera incarcéré ? Iront-ils dans des familles d’accueil ? C’est une lutte perpétuelle, à laquelle s’ajoute l’attente, pour les familles qui font face à des longs silences de leur part. Ou le deuil, pour celles qui ont appris la mort de leur enfant via un message anonymisé sur WhatsApp.

UN JOURNALISTE A DEMANDÉ À UNE MAMAN ❝ SI ELLE NE SE SENTAIT PAS COUPABLE DE L’ATTENTAT DE NOVEMBRE 2015 AU BATACLAN ! Vous avez donc cherché d’autres témoignages similaires ? Cette femme m’a parlé d’une autre maman. Mais la prise de contact n’a pas abouti. J’ai alors mené des recherches en parallèle : une douzaine de familles n’ont jamais répondu à ma demande ou ont refusé en raison d’une expérience malheureuse avec les médias. J’étais sur le point de renoncer avant de réaliser que le projet ne réussirait que si j’acceptais qu’il prenne beaucoup de temps. Dès lors, j’ai passé plus de 130 heures aux côtés de celles et ceux qui ont accepté de témoigner. Il fallait 54

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Qu’est-ce qui fait le plus souffrir ces parents ? L’absence de leur enfant. Le regard des autres. Le fait de se réveiller chaque matin en se demandant ce qu’ils auraient pu faire pour éviter cette dérive. Être obsédé par l’idée que son enfant, plutôt que de vivre, a préféré un projet de mort. Et, surtout, n’avoir aucune réponse à cette question qui les hante : « Pourquoi ?» Avez-vous été amenée à contacter des pères également ? J’en ai rencontré un, dont le fils, rentré en France après être parti faire le djihad, est aujourd’hui en prison. La douleur est la même. Les femmes me disaient que leurs maris – ou leurs ex-maris – vivaient ce deuil d’une manière différente, ce qui ne veut pas dire moins douloureuse pour autant. Chez les pères, selon leurs dires, il y a un sentiment d’échec dans leur rôle de chef protecteur. Chez les femmes, il existe une sorte de besoin d’éviter à d’autres la même souffrance. « Si en parlant avec vous, je peux éviter qu’une autre mère traverse cet enfer, je suis en train de sauver un peu de mon enfant », m’a confié l’une d’entre elles. Vous décrivez un processus où les mères témoignent afin que ces schémas se reproduisent pas. Mais où cette parole leur échappe ensuite instantanément, happée par le bruit médiatique et les commentaires qui l’accompagnent… La perte d’un enfant bouscule leurs repères, parfois leur avenir. Certaines de ces femmes ne savent plus où se situer. Elles veulent témoigner et manifester contre le terrorisme quand il y a un attentat, mais y contribuent le plus souvent en silence, cachées et fondues dans la masse. Lorsqu’elles s’engagent, c’est surtout avec des experts en terrorisme, aident des chercheurs dans leurs thèses sur le phénomène, ou certains médias sous l’anonymat. Et bien sûr, dans les écoles, des associations de quartier… Elles militent ! On ne les voit pas souvent, mais elles sont bien présentes et leurs histoires nous renvoient les erreurs de nos sociétés, que ce soit sur le plan de coordination, d’intelligence, d’intégration, de recrutement… Une femme m’expliquait que le maire de sa ville a refusé pendant des mois d’afficher à l’hôtel de ville le numéro vert de prévention que le gouvernement a mis en place, car « il ne fallait pas stigmatiser la population musulmane ». D’après elle, il ne voulait pas risquer de perdre des voix pour les élections. Certaines de ces mamans ont-elles eu des contacts avec leurs enfants une fois ceux-là partis ? Oui, toutes. Une famille parlait avec son enfant presque tous les jours, avant que la coalition ne renforce les bombardements. Maintenant, c’est une fois tous les trois mois. Ça change en fonction du contexte auquel ils font face en Syrie ou en Irak, évidemment. Mais oui, la consigne est claire : « Télécharge l’application Telegram. WhatsApp n’est pas sûr pour moi, on peut

me géolocaliser. » Et les mères font avec. Et elles attendent : un message, un appel, un signe. Tout en sachant que supplier leur enfant de revenir ne servira pas à grand-chose. Elles ont déjà vécu des « punitions » de leur part ou de leur entourage. Leur poser trop de questions peut entraîner des conséquences sur leurs communications. Donc, elles se sont habituées à échanger des banalités, parler du temps qu’il fait, de ce qu’elles ont mangé ce jour-là. En définitive, de conserver le peu de liens qui subsistent et de tenter de réveiller chez leurs enfants l’envie de revenir de leur propre initiative. Que sont devenus celles et ceux qui sont partis ? Sur les huit concernés, quatre sont morts : deux dans un bombardement de la coalition et deux autres – issus, à l’origine, de familles catholiques et ensuite convertis – dans des attentats suicides. Trois sont encore en vie, avec plusieurs enfants nés sur place. Enfin, l’un d’entre eux est revenu en France après avoir déserté une katiba d’Al-Qaïda. Il est aujourd’hui emprisonné.

LA CONSIGNE EST CLAIRE : « TÉLÉCHARGE ❝ L’APPLICATION TELEGRAM. WHATSAPP N’EST PAS SÛR POUR MOI. ON PEUT ME GÉOLOCALISER. »

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Ces parents peuvent-ils prodiguer des conseils pour empêcher que ces destins ne se reproduisent ou s’agit-il d’une forme de fatalité à laquelle personne ne peut prétendre échapper ? Les mères se posent les bonnes questions. Elles n’ont pas toujours les réponses, mais tentent de recomposer le puzzle qui aboutit au parcours de leurs enfants. Cela peut être très utile pour nous aider à comprendre ce qui peut rendre un projet de mort en Syrie plus attirant qu’un projet de vie en France. Elles soulèvent des facteurs comme la présence de recruteurs dans leurs villes, la puissance de la propagande de Daesh sur Internet, mais aussi le manque de perspectives d’avenir de leurs enfants en France ou en Belgique, la discrimination qu’ils vivaient lorsqu’ils étaient à la recherche d’un emploi, leurs sentiments de désarroi… La plupart de ces jeunes étaient fichés « S »* quand ils sont partis. Dans le cas du jeune revenu en France, que j’évoque dans ce livre, il a pu prendre un vol et se cacher chez lui, près de Paris, pendant un mois, avant que la police ne vienne le chercher. Dans la souffrance de ces familles, dans l’absence de réponses, se niche le miroir de notre propre société. ■ * En France, la fiche « S » (pour « atteinte à la sûreté de l’État ») est l’une des catégories du fichier des personnes recherchées (FPR). Ayant un rôle d’alerte, elle n’entraîne aucune action automatique de coercition et concerne des personnes que la France (ou un autre pays européen) soupçonne de visées terroristes ou d’atteinte à la sûreté de l’État, sans pour autant qu’elles aient commis de délit ou de crime.

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TEMPS FORT D J I H A D : L’ I M M E N S E D O U L E U R D E S M È R E S

Extraits

«Mon bébé, mon bébé est mort !» Fruit de longs mois d’enquête en France, Dans le ventre du djihad est paru début mai en Espagne. Dans cet extrait, l’histoire de Pierre, issu d’une famille catholique de l’est de la France, et qui a rejoint en 2013 les rangs de Daesh. Il avait 18 ans. Et la douleur de sa mère Marie-Agnès. UNE FOIS, UNE SEULE FOIS, le téléphone de haute. Après, elle s’arrêtera la gorge nouée et éclatera la maison a sonné et la mère a répondu sans grand en sanglots à nouveau. espoir. Cela faisait déjà huit mois qu’elle n’entendait « Bonjour mon petit Pierre. J’espère que tu peux pas la voix de son fils. Elle a décroché. « C’est Pierre. » lire tous nos mails. Je t’envoie ces trois photos La mère reproduit en criant la kyrielle de phrases [de leurs neveux, NDLR] car tu leur manques, ils qu’elle a pu lâcher en pleurant lorsqu’elle a reconnu sa n’arrêtent pas de demander après toi. Comme tu vois, voix. « Mon fils ! Où es-tu que je vienne te chercher ! ils s’entraînent au foot, ils veulent être meilleurs que Tu as faim ou froid ? ! Reviens, reviens à la maison. Je toi. La petite a fêté ses deux ans sans son parrain… veux te voir avant de mourir. » Je n’ai pas de nouvelles. Je suis tellement inquiète. Tu Mais le jeune homme de l’autre côté de l’appareil me manques tellement. Moi, qui attendais les weekn’était plus son Pierre. Stoïque, il ends et tu me disais où tu voulais aller. s’est limité à écouter en silence les Et j’y allais. Maintenant j’ai l’impression paroles de sa mère sans dire un mot. que ma vie n’a plus de sens sans toi. Aujourd’hui Marie-Agnès assure être J’ai envie de rien. Je te fais des gros persuadée qu’on a mis à l’épreuve bisous. » son fils à travers cet appel. Quand la L’horreur a frappé Paris en femme utilise « on », elle ne spécifie à janvier 2015 avec les attaques de aucun moment à qui elle fait référence. Charlie Hebdo et de l’Hypercacher de Pour elle, l’entourage de son fils lui a Vincennes et Marie-Agnès a fait face, permis d’appeler ce jour-là afin de voir pour la première fois, à cette étrange si celui-ci montrait le moindre signe sensation qu’encore aujourd’hui elle d’affection envers sa famille. a du mal à définir avec précision. La Pour Marie-Agnès il était très tristesse la rongeait de l’intérieur, difficile de continuer de parler, et mais elle ne se sentait pas légitime Gérard a pris le relais. Le père a dédié de participer à la minute de silence ce temps précieux à lui demander nationale. Elle l’a respectée, bien Le livre est paru en Espagne de ne pas tuer, de ne faire du mal à sûr, mais chez elle, en évitant toute (Debate, 192 p.). Extrait traduit personne, de ne pas prendre les armes. cérémonie publique qui aurait pu par Alexandra Gil. Après ceci, ils ont raccroché et n’ont augmenter cette gêne. La femme plus jamais entendu sa voix. cherche ses mots pour l’expliquer tout en plissant le La mère attrape ses lunettes de lecture et éloigne visage, chagrinée. Après quelques secondes, elle les maintenant le portable en fronçant ses sourcils. Elle trouve : « Je ne sais pas où est ma place. Voilà. Voilà ce recherche les messages échangés avec lui. Elle les qui m’arrive. C’est un peu ça. Dans ces situations je ne a tous imprimés et gardés dans ce classeur qu’elle sais pas si j’ai le droit ou non de montrer ma tristesse, protège sous son avant-bras. Mais elle aime les ou… J’sais pas… Mon soutien à ces personnes qui retrouver aussi sur son appareil. Cela la maintient en ont souffert des conséquences de ce que mon fils vie, dit-elle. La femme tombe alors sur un mail qu’elle défend… a envoyé en mars 2015 et lit une bonne partie à voix Ou défendait. »

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Et du coup, quand on m’a hospitalisée, mon autre fils m’a ramené une tablette. Tiens maman, comme ça tu vois tes choses, il m’a dit. Et comme ça je continuais à regarder mes choses sur l’actualité, voyez ? Et d’un coup, je lis sur le compte Twitter de David Thomson : Un islamiste français se fait exploser dans un attentat suicide. Je dis : Ouf, que ça soit pas le mien. [Elle tousse] Je continue de descendre… [Silence] ABU THALA ! Oh mon Dieu, mon gamin. Je vais voir la photo… Que ça soit pas lui, s’il vous plaît. J’arrive à la photo. [Elle lève les mains sur sa tête] C’est lui ! [Long silence] Moi je criais [Elle agite la tête] JE HURLAIS ! « Mon bébé ! Mon bébé ! » Et une infirmière est venue et m’a dit : « Qu’est-ce qu’il y a, Madame ? » Et je lui répétais : « Mon bébé ! Mon bébé est mort ! » Et elle : « Calmez-vous, peut être ce n’est pas lui. » [Elle accélère] « Je vous dis que c’est lui ! Que c’est mon bébé ! Il est mort ! Je l’ai mis au monde, moi. Je le connais, » je lui disais… Mais très énervée je lui disais hein ? Et très rapidement j’ai appelé la DGSI : « Mon bébé, mon bébé est mort. Je l’ai reconnu. » Et eux, la même : « Vous êtes sûre, Madame ? » « Je l’ai mis au monde ! J’ai accouché de lui ! Je vous dis que c’est lui, que cette photo-là c’est mon fils ! » Et eux, bah, ils devaient faire leurs vérifications et tout ça, j’imagine. Ils ne voulaient pas avancer des choses trop tôt, ils essayaient d’identifier de qui il s’agissait, bien sûr. [Silence] Et là… Ben… Ils ont bloqué tout l’hôpital, on a protégé mon nom à l’entrée et tout ça… Pour les médias. Pour les médias. Personne ne pouvait venir me rendre visite. Ça s’est passé un mardi, et samedi je suis sortie de l’hôpital. À mon arrivée, ce soir-là, on a commencé à parler à la télé de tout ça. Moi je n’avais pas ouvert la bouche hein ? Mais allez savoir, tous les gamins, tous ces jeunes avec Facebook et tout ça, ou j’en sais rien, mais le truc c’est que les médias l’ont su [silence] Ils ont su ça… Que j’étais la mère.» Pour Marie-Agnès, ainsi que pour le reste de mères de djihadistes morts en attentats suicides ou au combat, le plus compliqué c’est de faire face au deuil. Ce n’est pas, dit cette femme, comme les gens qui perdent un être cher après une longue maladie. Elle associe plutôt cette perte aux avions qui tombent en plein vol et que la mer avale sans laisser de trace. « Le plus dur, c’est de ne pas dire au revoir. Ne pas pouvoir dire au revoir à ton fils. Parce que sans le corps, sans rien… [Elle suspend ses paumes de

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mains en l’air] Tout le monde a besoin de dire au revoir. Moi, je pense que je ne me rends pas compte qu’il n’est plus là. Le certificat de décès, personnellement… Moi, ça ne m’aiderait pas à surmonter ça, à faire le deuil. Non. [Silence] Ça ne m’apporterait rien. Tant que j’aurai pas vu son corps, et que je ne pourrai pas lui dire au revoir d’une manière ou d’une autre, je pense que ce n’est pas possible. [Elle regarde le jardin] Je ne sais pas, c’est… Des fois, je regarde sa photo, là, celle qui est là [Elle montre la table de la cuisine] et… Comment vous dire. Je sais pas, j’ai l’impression qu’il va revenir. Qu’il est parti quelque part, mais qu’il va revenir. Je ne me rends pas compte qu’il n’est plus là. Ce n’est pas comme si c’était une maladie. Ce n’est pas comme ces personnes qui ont une longue maladie et qui décèdent au bout d’un moment, et on les enterre et voilà, point final. Non. Nous… La dernière fois qu’on l’a vu il était vivant et aujourd’hui nous n’avons rien pour lui dire au revoir, je ne sais pas si je me fais comprendre. C’est ça, le plus dur. [Elle baisse les yeux] C’est ça. Moi je côtoie la mort dans mon travail. Et je vois les familles des personnes âgées, je vois les questions qu’ils se posent. « Qu’est-ce qu’il a fait ? Quelle est la dernière chose qu’il a dite ? A-t-il souffert ? « Ils me demandent, des fois. Bah moi je suis un peu dans ce point-là. J’aimerais savoir ce qu’il a fait, ce qu’il a pensé, quel a été son dernier geste, qu’est-ce qu’il a dit ? Ça c’est… Humain. C’est humain de vouloir savoir ça. Moi, aux familles des personnes âgées qui viennent au centre et me demandent, je leur dis toujours la même chose. « Ne vous inquiétez pas, il est parti tout doucement… Il est parti tranquillement, il n’a pas souffert. » Parce que je sais que ça les rassure quelque part. Savoir qu’ils n’ont pas souffert au moment de mourir. Ben moi, par exemple, je pense que mon fils a souffert en étant là-bas. [Elle nie avec la tête] Il a dû souffrir ! Parce que mentalement, il était obligé de se positionner dans tout ça. Il était obligé, pour ne pas souffrir davantage. [Elle réfléchit] Je ne sais pas. La vérité c’est que je n’aurai jamais la réponse et peut-être… Peut-être je me pose toutes ces questions mais je me donne aussi les réponses que j’aimerais entendre, qui me conviennent. Peut-être c’est ça, non ? [Silence] Peut-être ». ■

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LES GENS

Daouda Coulibaly « Il faut arrêter de fermer les yeux ! » Wùlu, premier long-métrage du réalisateur franco-malien (sortie en France le 14 juin), est un THRILLER qui nous plonge au cœur d’une bourgeoisie bamakoise enrichie par le trafic de COCAÏNE. Un film coup de poing inspiré de faits réels. propos recueillis par Jean-Marie Chazeau

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ùlu », c’est le chien en bambara… Un terme qui désigne à la fois quelqu’un sans scrupule, et le dernier stade d’un rite d’initiation de la tradition du N’tomo, qui permet de trouver sa place dans la société. Ladji, jeune apprenti chauffeur de minibus, irréprochable, se voit refuser par son patron la promotion dont il aurait bien besoin. Pour survivre, il accepte alors de transporter une petite cargaison de cocaïne… jusqu’à devenir un gros trafiquant de drogue et intégrer les cercles les plus riches de la société malienne, croisant des hommes d’affaires véreux et des militaires corrompus. Le premier film de Daouda Coulibaly a tout du thriller grand public et du film d’auteur politique. Ce Scarface malien mêle avec beaucoup de soin et d’efficacité les références au conte africain et les réalités d’aujourd’hui. Il pointe du

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De ville en ville, Daouda Coulibaly et « Wùlu » se font apprécier des cinéphiles. Comme ici, fin mars, au Festival international du film policier de Beaune (France).

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LES GENS DAOUDA COULIBALY : « IL FAUT ARRÊTER DE FERMER LES YEUX ! »

doigt les élites qui ont fait le jeu des islamistes par appât du gain, le trafic alimentant les réseaux terroristes… Le tournage devait d’ailleurs commencer en mars 2015 quand un attentat anti-occidental à Bamako a fait 5 morts, obligeant toute l’équipe à se délocaliser au Sénégal. Dans le rôle de Ladji, le comédien parisien d’origine malienne Ibrahim Koma (Le Crocodile du Botswanga). Son jeu mutique et tout en retenue a frappé les jurés du Fespaco 2017 qui lui ont décerné le prix d’interprétation masculine. À ses côtés, la chanteuse et mannequin malienne Inna Modja (AM n° 368), particulièrement lumineuse. Remarqué dans les Festivals de Namur, Toronto et Angoulême, Wùlu a également remporté le prix du public du festival d’Amiens. Belle occasion d’en savoir plus…

où tout se ressemble, un coup d’État, une guerre, c’est quelque chose d’endémique, c’est le lot des Africains. Alors que ce n’est pas le cas : s’il survient un coup d’État, en creusant un peu, peut-être qu’il y a une explication, et donc ce n’est pas quelque chose qu’on n’arrivera jamais à enrayer non plus. Les problèmes des Africains ne sont pas insolubles. Si on regarde d’un peu plus près, on arrive à remonter le fil, à trouver des pistes, et c’est en suivant ces pistes-là qu’on peut définir des programmes sur le long terme. Et aussi établir un certain nombre de responsabilités des uns et des autres. Vous vous êtes beaucoup documenté pour le côté réaliste de ce que vous montrez à l’écran ? Oui, j’ai lu beaucoup d’articles de presse, des rapports de l’ONU sur les trafics de drogue en Afrique de l’Ouest, le livre du journaliste de RFI Christophe Champin Afrique noire, poudre AM : Le tournage de Wùlu a-t-il été compliqué ? blanche (André Versaille éd.) qui présente bien la situation… Et Daouda Coulibaly : À l’origine, nous avions prévu de tourner six puis, ce que j’ai vécu : je vivais alors à Bamako… Après l’affaire semaines au Mali et une semaine au Sénégal. Et puis, il y a eu Air Cocaïne en 2009, lorsque je réalise l’ampleur du trafic dans l’attentat de La Terrasse à Bamako, donc on ne pouvait plus la région, je me dis que ça va être le Mexique, que les narcopasser autant de temps dans la capitale malienne. On a donc trafiquants vont mener la guerre contre l’armée, j’imagine l’enchoisi d’inverser la proportion : six semaines au Sénégal, et lisement, des modèles d’identification pour une semaine à Bamako. Il a fallu reprendre la la jeunesse. Bref, j’ai une vision désastreuse, préparation dans l’urgence, ça a été compliqué catastrophiste des événements, et je trouve, par moments, mais on s’en est sortis. On a naïvement, intéressant de faire un film pour donc quand même tourné au Mali pour ancrer conjurer un peu la crise qui menace. Je le film à Bamako, mais quasiment tous les commence à écrire le scénario fin 2011. En intérieurs ont été tournés à Thiès au Sénégal. mars 2012, survient le coup d’État et, très Être ancré dans la réalité du Mali était donc si vite, la junte militaire dénonce les collusions important ? entre le pouvoir et les narcotrafiquants ! Les Oui, le film est d’ailleurs jalonné de faits langues alors se délient, les gens savent qu’il historiques. C’est quelque chose qui aurait pu y a un lien. Plutôt qu’un film d’anticipation se passer ailleurs, il a un côté universel, on comme je le pensais à l’origine, puisque la peut très bien imaginer la même histoire à crise est déjà là, je me dis que je vais essayer Djakarta, ou au Mexique, mais là c’est la réade raconter la genèse de cette même crise. lité nationale et régionale qu’on voulait porter Parce que le coup d’État est, d’une certaine à l’écran. Ce qui m’intéressait, c’était de faire manière directement lié à ce narcotrafic. Il ne le lien entre la crise malienne et le trafic de « Wùlu » a été remarqué aux festivals faut pas oublier que ce sont des soldats subaldrogue dans toute cette Afrique de l’Ouest. de Toronto, Angoulême, Amiens… ternes, des soldats de troupe, qui refusent C’est quelque chose que les gens connaissent d’aller au front parce qu’ils ont conscience que les généraux sur place, mais ce n’est pas quelque chose sur laquelle on comtrafiquent avec ceux qu’on leur demande d’affronter. C’est donc munique quand on parle du Mali : on a beaucoup parlé du sur fond de trafic de cocaïne que le coup d’État se met en place. terrorisme, des rébellions… Cela existe, bien sûr, mais j’avais Passé cette vision catastrophiste, comment voyez-vous envie de donner une autre version de la genèse de la crise la réalité aujourd’hui ? malienne. Et cette version-là met le projecteur sur un trafic né Naïvement peut-être, je me dis que Wùlu est l’occasion de au début des années 2000, et qui a pris de plus en plus d’amsusciter la controverse, de débattre, de reconnaître qu’il y a un pleur. Souvenez-vous, par exemple, de l’affaire « Air Cocaïne », problème de trafic, qui concerne à la fois l’Europe – destination cet avion qu’on avait retrouvé incendié au nord de Gao. majoritaire de la cocaïne en transit – et le Mali. On constate Vous avez l’impression que, vu de l’extérieur, on ne voit pas désormais qu’il y a des conséquences sur le pays, et qu’il faut les vraies raisons de la situation actuelle ? s’en préoccuper. Or, j’ai aussi l’impression qu’on n’en parle pas Absolument. Vu d’Occident, tout ce qui se passe « là-bas », suffisamment. Tant que l’on fermera les yeux, les choses ne c’est-à-dire en Afrique, que l’on considère comme un seul pays

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LA CHAUVE-SOURIS/ASTOU FILMS - SYLVAIN LEFEVRE/GETTY IMAGES

« Naïvement peut-être, je me dis que ce film est l’occasion de susciter la controverse, de débattre. »

Douada Coulibaly avec Inna Modja et Ibrahim Koma, qui a reçu le prix d’interprétation au Fespaco pour le rôle de Ladji (ci-contre).

risqueront pas de bouger. Donc ce film est fait un peu pour diriger le regard sur ce problème, et débattre. Moi, je n’ai pas la solution. Je ne fais pas des films pour éclairer, je fais des films pour susciter un débat, pour que l’on discute, que l’on dise si c’est un vrai problème ou… si c’est moi qui ai vu le mal où il n’était pas, ce dont je doute ! Votre film n’est pas pour autant un documentaire, on suit un personnage de fiction, mais qui parle peu… Je trouvais approprié d’avoir un personnage principal qui parle peu, et d’avoir une façon de filmer simple, sobre, une mise en scène très discrète pour mettre en valeur le personnage et son attitude. Que l’on soit concentré sur lui, et non pas distrait par des effets : c’était ça le challenge. Et c’est un vrai thriller, avec des scènes d’action sobres mais spectaculaires, comme celle d’un traquenard, impressionnante, où l’on se retrouve au milieu des balles… Je voulais faire vivre au plus près l’action, avec le souci d’être au plus près du personnage. Il est très mutique, il a souvent le visage fermé, il y a des gros plans sur lui pour essayer de sonder ce qu’il vit intérieurement. Dans la scène du traquenard que vous évoquez, il s’agissait de montrer ce que ça fait de se retrouver dans une telle situation. Comment ce personnage que l’on montre très serein tout le temps, craque. On n’est pas dans l’amusement, on est dans le dur. Mais pour être totalement honnête, on n’avait pas beaucoup de temps pour filmer, donc je savais que je ne pouvais pas faire une scène de poursuite avec des voitures qui démarrent, des personnages qui se tirent dessus, etc. Parfois, les contraintes agissent comme un catalyseur d’idées. Quelquefois on a une référence en tête, une scène de film qui vous inspire, que vous avez envie de reproduire dans le même esprit, sauf que vous ne savez pas AFRIQUE MAGAZINE

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comment ça a été tourné. Parfois, il s’agit de films qui ont 50 millions de dollars de budget et là, c’est difficile d’assumer la référence quand on a un cinquantième de cette somme, donc ça pousse à s’exprimer autrement. Pour cette scène de fusillade, ce sont les contraintes qui m’ont forcé à trouver quelque chose de différent. Vous décrivez le quotidien de la bourgeoisie malienne, certains personnages sont mêmes ce qu’on peut appeler des parvenus, enrichis par le trafic. Vous aviez en tête des exemples ? Oui, si on passe un peu de temps en Afrique, on voit bien qu’il y a beaucoup d’argent aussi. Vu d’ailleurs, l’Afrique, c’est la poussière, la misère… ça existe, on le voit dans le film, on ne passe pas à côté sans le souligner, mais il y a aussi l’opulence, il y a des gens qui circulent dans des voitures qui coûtent 50 000 euros, qui vivent dans des palais, qui vivent très bien. C’est quelque chose que j’ai observé et que j’avais envie de montrer. Et comme c’est souvent tape-à-l’œil, c’est impressionnant à l’image ! Vous introduisez aussi un conte, l’occasion d’une très belle séquence. C’est quelque chose qui me tenait particulièrement à cœur. J’adore les contes, j’ai grandi avec Amadou Hampâté Bâ, une référence pour moi, dont j’essaye d’insuffler l’esprit dans les films que je fais. Parce que ça évoque l’Afrique à laquelle je suis sensible. ■ 61

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CE QUE J’AI APPRIS propos recueillis par Loraine Adam

Oxmo Puccino En vingt ans de carrière et huit albums, avec son écriture ciselée et son sens aigu de la métaphore, le chanteur né au Mali s’est imposé comme une figure incontournable du rap français. Pour ce grand optimiste, toucher ses nombreux fans par ses textes est une récompense sans cesse renouvelée.

Actuellement en tournée française avec M, et en concert le 24 juin dans le cadre du Festival Causette solidaire à Bordeaux. 62

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› Je ne suis pas nostalgique de mon enfance. Je suis né au Mali et arrivé très tôt en France où j’ai grandi avec mes parents et mes trois frères dans un quartier populaire de l’est de la capitale. Ma famille m’a transmis le goût du travail et l’honnêteté. Savoir se taire et savoir écouter également. Ma grand-mère était un phare pour nous tous mais c’est ma mère qui a changé le cours de ma vie. Les histoires qu’elle me lisait m’ont appris l’importance et le sens des mots. Elle a partagé les secrets de l’oralité, héritage ancestral du Mali. Enfant, je n’étais pas en adéquation avec mon âge, j’attendais d’être adulte. Aujourd’hui encore, je continue d’apprendre, d’étudier et donc de grandir. J’y consacre beaucoup de temps et c’est un travail solitaire. › Je suis certain d’être un grand musicien ayant manqué quelque chose. Donc après avoir appris la basse et la guitare, j’étudie le piano. Je n’ai pas envisagé la musique comme une carrière et j’ai mis longtemps à réaliser que c’était mon métier. Un jour, avec le clip de « Mama Lova », mon visage est apparu à la télévision et personne dans ma famille n’était au courant ! Un moment important qui m’a révélé au grand public. › L’essentiel dans la vie, c’est de savoir qui on est. En suivant d’autres traces, on n’a pas d’identité. Je tire ma force du temps et de la connaissance de qui je suis, spectateur de qui je vais devenir. Aux jeunes, je conseillerais de parcourir la Terre en commençant autour d’eux, afin de découvrir ce qui les passionne pour le partager. Le chaos est un ordre qui fait tourner le monde. Nous lui avons donné la valeur d’un contrepoids utopique, dans le sens où le « monde meilleur » est à construire autour de soi. Malgré la nature de l’homme, malgré l’actualité, nous n’avons jamais connu une ère aussi « pacifique ». › Le Mali m’apporte le temps et la proximité de mes racines. J’aimerais revenir plus souvent, bien sûr. Cependant, je ne pourrai pas vivre ailleurs qu’à Paris. Je suis de ces Parisiens qui pensent que leur ville a besoin d’eux, même si je suis toujours de nationalité malienne. › Les femmes changent notre vie, mais je les aime trop pour être féministe. Je déteste les mots en « -iste » : c’est trop radical, trop extrême pour moi. Je suis pour que l’on arrête d’opposer femmes et hommes. Je suis pour l’union et c’est dans cet esprit que je prépare une création inédite pour le festival solidaire et engagé Causette à Bordeaux, fin juin. › Je rêve de la vie que je mène. Me lever chaque matin en bonne santé. Profiter de ma fille, de ma famille, de mes amis. Monter sur scène, partir en tournée, retrouver mon public qui semble touché par la manière dont mes textes coïncident avec la vie et par ce que j’essaye de transmettre de beau. Je m’étonne toujours que des gens m’écoutent, se déplacent à mes concerts et me donnent cet amour incroyable. Je me ressource à travers toutes ces marques de tendresse. › Ce qui compte n’est pas la rencontre elle-même mais ce que l’on en fait. Toutes m’ont enrichi, de Booba à M (Matthieu Chedid). Je suis impérativement positif et j’ai une belle étoile. J’aimerais que l’on retienne quelque chose de moi, maintenant. Un ami m’a dit : « Les gens ont peur de la mort mais c’est la vie qu’ils devraient redouter ! » J’en ris encore. Peu importe ce qui se passera concrètement après, il y a d’abord une vie à parcourir. ■ AFRIQUE MAGAZINE

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VINCENT DESAILLY

« Les femmes changent notre vie, mais je les aime trop pour être féministe. Je suis pour que l’on arrête d’opposer femmes et hommes. »

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LE DOCUMENT présenté par Zyad Limam

En selle et aux quatre coins du monde Éditeur, écrivain, journaliste, « espion » (voir l’extrait ci-contre), voyageur impénitent, Jean-Louis Gouraud est un spécialiste unique du cheval, un amoureux des équidés, fasciné par leurs relations avec nous autres humains. Son dernier ouvrage nous emmène loin, bien loin à la découverte de ces liens d’interdépendance vitaux : sans hommes, aujourd’hui, il n’y a plus de chevaux....

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petite géographie amoureuse du cheval, Jean-Louis Gouraud, 320 p., Belin (2017).

L’auteur devant le zoo de Pyongyang, Corée du Nord.

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l y a certes le journalisme, l’écriture, l’édition, la politique, les voyages aussi, avec un tropisme fort, accentué pour la Russie, en particulier la plus lointaine, terre d’origine de son épouse. Mais ce qui compte vraiment, ce qui est finalement à l’origine de tout, l’obsession de Jean-Louis Gouraud, c’est les chevaux, les destriers, l’equus caballus de toutes sortes, de tous les coins du monde, de toutes les races. Une vie entière à les comprendre, à les aimer, à raconter leurs aventures. Un historien et un encyclopédiste du cheval pour reprendre sa bio officielle. Avec près d’une trentaine d’ouvrages à la clé, dont ce dernier Petite géographie amoureuse du cheval. Un grand voyage, à destinations multiples, où l’auteur nous raconte comme dans un grand reportage, joyeux, insolite, drôle, mais toujours précis et méticuleux, l’interdépendance forte entre nous-mêmes et les chevaux. Une étrange aventure qui en dit aussi long sur les humanoïdes que sur les équidés : « Dis-moi comment tu traites les chevaux, comment tu les élèves, comment tu les montes, je te dirai qui tu es »… L’une des particularités de Jean-Louis, c’est qu’il est né au voyage et à l’écriture par l’entremise de Jeune Afrique, où il entre comme responsable des pages culture en 1968. Avant d’en devenir assez vite, et jusqu’en 1975, un des rouages essentiels. JLG est resté proche de BBY et de ses projets. Proche de l’Afrique aussi, dont il connaît les cours et les arrière-cours. Un reporter dans l’âme, dont le dernier périple en date l’a mené en Corée du Nord début 2016. Un regard rare à retrouver dans les extraits qui suivent. ■

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Le coming out : je suis un espion Bon, il est temps de dire la vérité. Il est temps de passer aux aveux. Maintenant qu’il y a prescription, je peux bien en convenir. Eh bien oui, c’est vrai, je suis un espion ! Beaucoup m’en soupçonnaient depuis longtemps. Cette suspicion était même si répandue qu’un de mes éditeurs (et ami), Pierre-Marcel Favre, en fit état dans le petit texte qui, imprimé au dos d’un de mes premiers livres (Serko, 1996) est censé présenter son auteur : « Au cours de sa longue carrière, avait-il écrit, Jean-Louis Gouraud a été traité de tous les noms : aventurier, cavalier, cavaleur, galopeur, galopin, pèlerin, pérégrin, voyageur, vagabond, globe-trotteur, chamane, espion [c’est moi qui souligne], journaliste, scénariste, éditeur… Il faudra désormais ajouter : écrivain. » Merci du compliment. Mais, tout de même, le mot était lâché : espion ! Je n’ai pourtant pas vraiment le look de James Bond, je ne porte jamais de chapeau melon ni de lunettes noires, je ne sais pas piloter un hélicoptère (ni, d’ailleurs, une simple automobile), ni parler une autre langue que celle de ma mère. Je n’ai jamais sauté en parachute la nuit (ni, d’ailleurs, le jour), je n’ai jamais fait de plongée sous-marine, ni de judo, ni de tir, ni rien de tout ce qu’un véritable agent secret est censé savoir faire. Qu’est-ce qui me vaut alors une telle réputation ? J’ai beaucoup fréquenté, c’est vrai, des gens infréquentables, des tyrans africains, des despotes arabes, des dictateurs sanguinaires. Je me suis beaucoup baladé, c’est exact, dans des pays réputés impénétrables, interdits aux étrangers, en tout cas pas vraiment des destinations touristiques. Bizarre tout ça. Suspect. Je le reconnais. D’autant que, souvent, les régions d’où je revenais étaient soudain la proie d’événements violents : coup d’État, guerre civile, révolution. Coïncidences qui finirent par attirer l’attention. AFRIQUE MAGAZINE

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Celle, du moins, de mon ami Bartabas qui, depuis lors, prend un malin plaisir à insinuer mon appartenance à je ne sais quels services spéciaux. Jusqu’à maintenant, lorsqu’on me posait la question, j’éludais d’un grand rire, ou d’une boutade du genre : à votre avis ? KGB ou CIA ? Deux ou trois fois, j’avais tenté d’expliquer que ce qui m’attirait le plus dans ces foutus pays, outre l’absence, justement, de touristes, c’était la présence des chevaux, leur variété, leur emploi. Tu parles ! À chaque coup, mon interlocuteur partait d’un grand rire… La principale qualité d’un agent secret, c’est le secret. Malgré tout, aujourd’hui j’ai décidé de le lever. De tout dire, tout avouer. De déclassifier mes archives. De soulager, aussi, ma conscience. Comme disent ceux qui, après avoir longtemps caché leur perversion, décident de s’en vanter : de faire mon coming-out ! Oui, c’est vrai, je le reconnais, je l’avoue : je suis un espion.

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Au pays de Kim Jong Il J’ai voulu, au cours de mon séjour en Corée, visiter les ateliers où se fabrique cette glorieuse iconographie. L’endroit n’est pas difficile à trouver, au centre de Pyongyang, à deux pas de l’édifice consacré à Chollima, le cheval ailé. Le Centre d’art de Mansudae est facile à repérer. De l’extérieur, on aperçoit, dominant la cour, la statue géante de deux magnifiques cavaliers : les deux dirigeants décédés, figés pour l’éternité dans le bronze. Les touristes peuvent librement y pénétrer et choisir dans un vaste hall les œuvres qui y sont exposées. Le meilleur, ici comme ailleurs, voisine avec le pire. Il faut payer en devises (assez cher), mais une agence de DHL, fort opportunément hébergée par la galerie, peut 65

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s’occuper d’acheminer le tableau que vous aurez sélectionné jusqu’à votre domicile, à Paris, Pékin, Moscou ou New York. Il m’a fallu insister beaucoup pour voir autre chose que les quelques croûtes bazardées aux touristes dans ce grand hall. J’ai voulu visiter aussi les ateliers où sont exécutées les immenses statues dont la Corée du Nord s’est fait une spécialité, et qui ont été fort prisées, en particulier en Afrique, dans les années 1970-1980. On a vu en effet surgir alors sous les tropiques de gigantesques représentations nord-coréennes de roitelets locaux (Eyadema au Togo, Mobutu au Zaïre, Bokassa en Centrafrique) pointant d’un doigt phénoménal un horizon qui leur fut rarement favorable. Après de longues palabres, on consent à me faire pénétrer dans les bâtiments de l’Académie pour y rencontrer deux des quelque 700 artistes fonctionnaires qui y travaillent. L’un d’eux, Kim Chol, est peintre. Il a déjà portraituré des chevaux, mais pour l’heure, il dessine une énorme tête de tigre. Chaque poil de la bête demandant un coup de pinceau, il va lui falloir deux bons mois pour en venir à bout. L’autre, Ro Ik Hwa (78 ans), est un sculpteur célèbre : il a réalisé quelques-uns des plus grands bas-reliefs des (nombreux) monuments qui, dans tout le pays, rappellent aux passants les très riches heures du régime nord-coréen. Il a aussi exécuté des commandes venues d’Afrique… C’est dans ces ateliers que sont conçus et confectionnés les décors censés orner le hall d’entrée de toutes les usines, tous les hôpitaux, toutes les écoles, toutes les crèches dont, au cours de mon séjour, on m’aura infligé la visite. D’un absolu réalisme, et même hyperréalisme, certains d’entre eux, il faut le reconnaître, sont tout à fait charmants. Spécialement ceux où l’on voit des groupes d’enfants heureux entourer le bon Kim Il Sung, toujours souriant, dans

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un environnement fleuri, ou son fils Kim Jong Il encourager, lui aussi d’un bon sourire, les ouvrières d’une filature joliment vêtues de robes colorées. Mon préféré, toutefois, et celui qui occupe un mur entier du vestibule qui mène au musée ouvert (je ferais mieux de dire « entrouvert », car n’y entre pas qui veut) à l’extrémité du complexe équestre dont j’ai évoqué plus haut la construction récente : on y voit un Kim Il Sung triomphal, monté sur son cher cheval blanc. Je n’ai pas été autorisé hélas, à photographier cette fresque, pas plus que les objets, pourtant bien anodins, contenus dans ce musée secret : des photos prouvant que les trois dirigeants qui se sont succédé à la tête du pays ont tous trois pratiqué l’équitation, des selles ayant eu l’honneur de porter leurs augustes personnes, des bottes, des cravaches, quelques vieux livres – bref, rien de bien sensationnel. Les seules informations hautement confidentielles qu’un maître de l’espionnage équestre de mon genre a pu y glaner sont que, d’après les photos, Kim Jong Un monte plutôt en mors de filet, alors que ses prédécesseurs montaient en mors de bride, que le cheval préféré de Kim Jong Il était un cheval de race russe (un orlov) appelé Maebong, et que la monture qu’utilise l’actuel dirigeant, lorsque ses occupations écrasantes lui en laissent le temps, est également un orlov, appelé Chollyong, que lui a offert Vladimir Poutine.

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Le paradis des chevaux Les Blancs sont vraiment bizarres. Ils qualifient de « bonnes » les routes qui sont en fait les plus mauvaises. C’est-à-dire les plus dangereuses, les plus meurtrières. Sur une « bonne » route, on peut rouler vite, mais plus on roule vite, plus on se tue. En Afrique, c’est quelque chose que les Européens ont beaucoup de difficulté à comprendre, plus les AFRIQUE MAGAZINE

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routes sont « bonnes », plus elles sont mauvaises. À l’inverse, les meilleures routes y sont celles que les Blancs appellent les mauvaises. C’est-àdire « pleines de trous » et de bosses, qui obligent à ralentir. Sur ces routes-là, il n’y a jamais d’accident grave. Ou très peu. C’est une route de ce genre qui mène de Douala, le grand port camerounais, à Bafoussam, le chef-lieu du pays Bamiléké. Difficile d’y rouler à plus de 60 kilomètres à l’heure. Il faut deux à trois heures pour arriver, avec une bonne voiture, à la première agglomération importante, Nkongsamba, à 150 kilomètres environ de Douala. La région est magnifique. C’est l’Afrique tropicale telle qu’on l’imagine, l’Afrique équatoriale dans toute sa splendeur : verdoyante, luxuriante, exubérante. Ça, c’est les bons côtés. Il y en a de moins bons : la chaleur moite, le paludisme. Ou, pire encore, la maladie du sommeil, transmise par une sale bestiole, la mouche tsé-tsé, qui s’en prend non seulement aux hommes, mais aussi aux animaux domestiques – et tout spécialement aux chevaux. Si dans toute l’Afrique sahélienne : au Tchad, au Niger, au Burkina, au Mali et même dans le nord du Cameroun, les chevaux sont omniprésents et font partie de toutes les fêtes, de toutes les parades – aucune chance en revanche d’en voir ici, à Nkongsamba, au cœur du SudOuest camerounais, où l’apparition d’un seul d’entre eux sèmerait d’ailleurs la panique parmi les villageois. Aucune chance ? À moins d’un miracle. En Afrique, heureusement, les miracles sont plus fréquents qu’ailleurs. Si vous voulez assister à l’un d’eux, c’est très facile. Remontez dans votre voiture, dépassez l’agglomération et prenez la première piste à gauche, en direction de Melong et Bangem.

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L’Afrique profonde. Plus d’asphalte mais, c’est encore mieux, car cela oblige à rouler encore moins vite, un ruban de latérite cabossé, chaotique, raviné par le ruissellement des eaux qui transforment le sentier en torrent à la saison des pluies. Quand le déluge s’arrête, le chemin est si gluant, si glissant qu’il est « pratiquement impraticable ». Raison pour laquelle il est impératif de ne venir ici qu’à la saison « sèche » (tout est relatif). En novembre, c’est idéal. Après une heure de piste et la traversée de quelques villages noyés dans la végétation prolifique, vous arrivez au pied du mont Manengouba, où il vous faut abandonner votre véhicule : même en 4 x 4, impossible de rouler sur le chemin lacéré de profondes rigoles creusées par les pluies, interrompu par d’énormes crevasses ou encombré par des éboulis. Il faut poursuivre l’ascension à pied. La grimpette est sportive et relève parfois de l’escalade, mais on peut toujours faire de petites haltes à l’ombre des arbres ou des maisonnettes de villageois, qui se raréfient au fur et à mesure qu’on progresse vers le sommet. Quand on finit par arriver, le souffle court, on est à 2 400 mètres. Au début, on met ça sur le compte de l’oxygène : l’altitude, paraît-il, peut entraîner des troubles sensoriels, provoquer des hallucinations. Or ce qu’on ressent ici, ce qu’on voit – ou croit voir – relève certainement de l’hallucination. C’est simple : on se croirait au paradis ! Imaginez un immense tapis de verdure. Immense, et peut-être même infini. Un pâturage céleste, dans lequel s’ébattent en toute liberté des hardes de chevaux. Des chevaux par centaines, répartis en petits troupeaux éparpillés. Qui cohabitent avec quelques mastodontes débonnaires : des bœufs, des zébus aux cornes majestueuses, avec une drôle de bosse au garrot. C’est bien le paradis, n’est-ce pas ? ■ 67

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Conakry, comme le pays tout entier, semble prendre un nouvel envol. Malgré la pauvreté de la nation, le FMI prévoit jusqu’à 7 % de croissance en 2017.

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JULIE DESHAIES/GETTY IMAGES/ISTOCKPHOTO

De l’eau, un potentiel agricole et écologique immense, un sous-sol riche. Les RESSOURCES sont là. Pourtant, le train du développement reste difficile à attraper. Après un demi-siècle « perdu », l’urgence est désormais de s’inscrire dans une perspective de stabilité et de CROISSANCE durable.

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Guinée

Devenir la perle de l’Afrique de l’Ouest

par Coralie Pierret, envoyée spéciale à Conakry

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ai hérité d’un pays sans État », déclarait Alpha Condé en 2012, un an et demi après son arrivée à la présidence de la République. « Un État imparfait, mais qui se rénove », répète depuis six ans l’équipe gouvernementale à tour de bras, dans les conférences de presse, devant les bailleurs internationaux ou les investisseurs. La Guinée reste le onzième pays le plus pauvre au monde, selon le Fonds monétaire international (FMI). Son développement a été entravé par des années de déstabilisation et de gouvernance répressive, de l’indépendance en 1958 à 2010. Héritier de ces décennies de violence, Alpha l’opposant politique est élu à la tête de son pays. La tentative d’assassinat

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contre sa personne en 2011 et les manifestations meurtrières de 2013 en prélude des élections législatives déstabilisent les premières années. Aujourd’hui, les bases sont installées et le « Professeur » (titre honorifique attribué à Alpha Condé) se plaît à occuper plusieurs fauteuils internationaux. Il vient de céder sa place au Sénégalais Macky Sall, le 17 mai dernier, à la tête de l’Organisation panafricaine pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), qui a trois projets de barrage en Guinée, dont le plus important est celui de Koukoutamba. Devenu promptement artisan de la lutte contre le changement climatique, soutenu par Ségolène Royal, ministre française de l’Environnement

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Samory Touré, fondateur de l’empire Wassoulou (qui était situé à la frontière entre la Guinée et le Mali) résista à la colonisation française en Afrique de l’Ouest.

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faire. Seul le peuple me le dira », répondait avec autorité le chef de l’État. Depuis sa réélection en octobre 2015, il entretient le flou sur une possible candidature. Est-ce une réelle ambition ou une façon de faire taire les velléités présidentielles dans son camp ou dans celui de ses adversaires politiques ? Cellou Dalein Diallo, chef de file de l’opposition et candidat malheureux aux présidentielles de 2010 et de 2015, s’y oppose strictement. Il a d’ailleurs lancé un front anti-troisième mandat. « L’objectif est de demander au président de la République de réitérer ses engagements de se conformer à la Constitution et de ne pas la tripatouiller », précise-t-il. Selon l’article 154, le nombre et la durée de la mission suprême ne peuvent faire l’objet d’une révision. « Ce principe est inviolable et verrouillé. Ni l’Assemblée nationale ni le peuple par référendum ne peuvent le faire sauter », explique le juriste Mohamed Camara.

SE RELEVER D’EBOLA Mais l’homme tumultueux de Conakry n’a que faire des débats politiciens. Il y a urgence à sortir le pays de la convalescence après le ravageur virus Ebola, qui a causé la mort de 2 500 Guinéens en deux ans. La maladie a mis en lumière les défaillances du système de santé, encore basé sur la médecine traditionnelle. Avec l’appui de la communauté internationale, une Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSS) a été créée. Mais les délais de réponse aux fréquentes épidémies comme la méningite, la rougeole ou le choléra restent trop longs, et les centres de prise en charge sont encore insuffisants. Seulement 1 médecin guinéen est formé pour 10 000 habitants, 34 fois moins qu’en France, selon les chiffres du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Pendant l’épidémie, de 2014 à 2016, les affaires tournaient au ralenti, et les entrepreneurs, forts d’une confiance nouvelle depuis l’arrivée d’Alpha Condé au pouvoir, ont déserté. La Banque mondiale évalue les pertes à près de 535 millions de dollars. Malgré tout, le pays semble tourner la page et prendre un nouvel envol. Docteur en droit, le chef de l’État a lancé des réformes pour assainir les finances publiques. Le FMI prévoit de 5 à 7 % de croissance en 2017. Mais, pour accélérer les signatures de conventions, les promesses de financements et booster le marché intérieur, la priorité sera de mettre à niveau le réseau routier, en piteux état. À Conakry, les motos filent par centaines, dépassant les voitures et taxis jaunes cabossés, bloqués parfois pendant des heures dans les embouteillages à cause de la chaussée dégradée. Sur 7 000 km de routes nationales, seulement un tiers du réseau est goudronné. La formation de la jeunesse, qui subit un chômage de masse, devra aussi être l’un des chantiers phares. Les responsables de l’éducation tirent régulièrement le signal d’alarme. En février 2017, la colère et la grève des enseignants a fait au moins cinq morts. Le chef de l’État a « mouillé le maillot » et s’est personnellement investi AFRIQUE MAGAZINE

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jusqu’au mois dernier, et son ami intime Bernard Kouchner, ancien ministre des Affaires étrangères, Alpha le panafricain plaide, avec l’énergie et la fermeté qu’on lui connaît, la cause du continent à la COP21. Naît à Paris l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables (AREI), dont il est aussitôt nommé responsable, en raison des 1 200 cours d’eau guinéens et de leur capacité quasi inexploitée de 6 000 mégawatts, soufflet-on dans les couloirs d’un grand hôtel de Conakry, lors de la première réunion en février. Quelques semaines auparavant, le numéro 1 du « Château d’eau de l’Afrique de l’Ouest » avait déjà obtenu une consécration, élu par ses pairs pour succéder au tchadien Idriss Déby à la présidence de l’Union africaine. Cette notoriété internationale fait s’emballer les tambours du troisième mandat. À la radio au petit-déjeuner, sur les bancs des gargotes autour d’un riz gras à midi, ou le soir dans les ruelles des quartiers, c’est l’un des sujets de débat favori. Quelques fidèles lieutenants soutiennent et réclament publiquement Alpha Condé en 2020. « Est-ce que les exemples voisins vous inspirent ? Après les deux mandatures, comptez-vous quitter le pouvoir ?», questionnait un journaliste il y a un an au palais présidentiel. « Chacun est libre de faire sa politique, je n’ai pas à porter de jugement. Personne ne me dira ce qu’il faut

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pour régler la crise scolaire en promettant de meilleures conditions de travail dans son bureau de Sékoutoureya. Mais en ne recevant qu’une partie des manifestants, critiquent des syndicalistes. À ce jour, un fonctionnaire gagne entre 400 000 et 900 000 francs guinéens (entre 40 et 90 euros) en moyenne par mois. Même si un Guinéen sur deux vit toujours en dessous du seuil de pauvreté, une classe moyenne commence à éclore. Le temps d’un selfie dans les allées, d’une dégustation de glaces ou d’une virée shopping, elle côtoie les Guinéens aisés au Prima Center, l’unique centre commercial du pays. Cette galerie marchande, et surtout le barrage hydroélectrique de Kaléta, inauguré en 2015, ont largement servi d’arguments de campagne pour la réélection d’Alpha Condé. Cet ouvrage, d’une capacité de 240 mégawatts qui comble une partie du déficit énergétique du pays, a coûté 526 millions de dollars, financé conjointement par l’État (25 %) et China Exim Bank (75 %).

LES INVESTISSEMENTS CHINOIS

DING LIN/XINHUA/RÉA

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Depuis 2011, la Chine et la Guinée ont renforcé leur partenariat à l’instar de l’accueil fait par Xi Jinping à Alpha Condé en novembre 2016.

Le chef de l’État mise sur le développement des infrastructures. Ses décisions sont prises au sommet avec quelques proches et ministres. Ce « cabinet de la présidence » fait la part belle aux investisseurs chinois, et pour cause : ceux-ci convoitent les ressources du sous-sol. La Société minière de Boké (SMB) commercialise déjà la bauxite (lire page suivante). Le pays dispose des deux tiers de réserves mondiales de cette roche rouge indispensable pour fabriquer l’aluminium. D’autres AFRIQUE MAGAZINE

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entreprises sont candidates pour creuser le sol guinéen. La construction d’un grand port au nord en échange de l’exploitation du minerai de la région de Boffa est sur la table des négociations. Ce permis pourrait être accordé à Chalco (Aluminium Corporation of China Ltd), filiale de Chinalco, membre fondateur de Simfer SA, le consortium formé pour exploiter le fer du mont Simandou, en Guinée forestière. Une fenêtre pour devenir actionnaire majoritaire s’est ouverte depuis que l’anglo-australien Rio Tinto s’est retiré du projet, son directeur général doutant de sa rentabilité à long terme. Côté guinéen, l’abandon est inconcevable. « Nous pouvons développer la mine, lancer les infrastructures à savoir la construction du chemin de fer et celle du port en eau profonde, » assure une nouvelle fois Alpha Condé, lors de son voyage en Chine pour négocier la reprise, en octobre 2016. Le projet est estimé à 18 milliards de dollars, l’exploitation devrait créer 45 000 emplois et doubler le produit intérieur brut (PIB). 100 millions de tonnes de fer pourraient être produites pendant plus de quarante ans. Les investissements chinois s’étendront-ils aussi à l’agriculture ? L’empire du Milieu a déjà placé ses pions dans une partie de l’Afrique de l’Est, comme au Malawi, dans les plantations de coton. Au pied du mont Simandou, ou plus au nord sur les collines du Fouta-Djalon, la Guinée a un potentiel de 6 millions d’hectares de terres arables, dont 2 millions encore inexploitées (voir l’interview de la ministre de l’Agriculture, p. 80) qui pourraient placer le pays sur les rails du développement. ■ 71

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Bauxite, un filon si convoité Ici, le sous-sol recèle les plus IMPORTANTES RÉSERVES au monde de cette roche rouge, qui pourrait servir de tremplin au développement. Mais gare à la « malédiction des ressources » que rencontrent certains pays riches en matières premières…

JEAN-CLAUDE MOSCHETTI/RÉA

C Le minerai guinéen (ici, un site de la CBG) est exporté brut vers l’étranger. Une usine de transformation locale permettrait de multiplier sa valeur par… 40. AFRIQUE MAGAZINE

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onakry, mi-mai. Les couloirs du Sheraton, le plus luxueux hôtel de la ville, viennent de se transformer pour trois jours en parc des expositions. Les responsables d’entreprises minières et leurs sous-traitants déploient sourires et banderoles publicitaires, et se tiennent droit devant leur stand au symposium sur les mines. S’enchaînent les conférences, les échanges de poignées de main et de cartes de visite. Les 500 participants arrivent de trente pays différents pour ce salon professionnel. Ils parlent français, anglais, russe, persan… Et surtout, chinois. Depuis deux ans, l’empire du Milieu s’implante en Basse Côte. En janvier 2015, la Société minière de Boké (SMB), composée de deux groupes chinois (Winning Shipping et Hongqiao Shandong Weiqiao) et d’un guinéen (UMS International) obtient son permis de recherche. Après six mois d’études de faisabilité, elle décroche son permis d’exportation. Du terminal fluvial de Katougouma, le premier chargement de bauxite part vers la Chine le 20 juillet 2015. L’essor est spectaculaire. « Nous estimons atteindre 27 millions de tonnes exportées en 2017, confie Frédéric Bouzigues, directeur général de la SMB. Par rapport à la concurrence, nous faisons plus vite et nous faisons 73

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LE SYNDROME MALAISIEN ET INDONÉSIEN ? La croissance devrait atteindre 5 % en 2017, notamment grâce à la vitalité du secteur, indiquent la Banque africaine de développement et le Fonds monétaire international. Les réserves en minerai serviront-elles de tremplin au développement ? Dans un rapport remis à Alpha Condé lors de sa visite en avril à Paris, deux économistes français mettent en garde le président sur la « malédiction des ressources », « concept renvoyant à la déstabilisation des économies riches en matières premières, soumises à la volatilité des cours et aux luttes internes pour l’allocation des rentes », lit-on dans ce document. Selon Christian de Boissieu et Patrice Geoffron, l’expérience de la bauxite en Asie du Sud-Est, où les entreprises chinoises ont investi, n’est pas rentable. La Malaisie a suspendu en janvier l’exploitation à cause des dégâts sur l’environnement et la santé publique. Et l’Indonésie a, pendant trois ans, interdit les exportations des minerais bruts pour inciter les sociétés à les transformer sur place. La bauxite guinéenne est elle aussi exportée pure principalement vers la Chine, qui dispose des infrastructures et des technologies pour transformer le minerai en aluminium. « Nous ne serons pas de simples fournisseurs », déclarait au symposium devant un parterre d’investisseurs le chef de l’État qui souhaite lancer des usines de transformation pour augmenter les plus-values. La tonne se vend autour de 50 dollars, l’aluminium à 1900 dollars. Il y a cinq ans, l’entreprise russe Rusal a fermé l’unique raffinerie d’alumine de Guinée. Même si certaines annonces de réouvertures sont régulièrement faites par l’État, aucune reprise n’est encore effective. ■ C.P. 74

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3 QUESTIONS À...

Abdoulaye Magassouba Ministre des Mines et de la Géologie

« Rendre le secteur plus transparent » AM : Les dernières manifestations montrent-elles l’échec de la politique de « promotion du contenu local » du ministère ? Abdoulaye Magassouba : Ce département a été créé l’an passé. Donc, échec, non. N’oubliez pas que, dans ces entreprises minières, la majorité des employés sont des Guinéens : c’est du contenu local. Mais, quand il y a des investissements dans une zone, les gens ont parfois des attentes allant au-delà de ce que peut offrir le secteur. C’est pourquoi nous estimons qu’il est l’un des leviers de développement et non pas son moteur. Par exemple, deux milliards de francs guinéens d’investissement vont créer 15 000 emplois dans le secteur minier, quand la même somme pourrait générer 100 000 emplois dans le domaine agricole. Qu’est-ce que sera la zone économique spéciale de Boké ? Un décret présidentiel en a posé les bases fin avril, mais les décrets d’application ne sont pas encore rédigés. L’objectif sera de booster l’investissement en créant de meilleures conditions en termes d’infrastructures, de procédures administratives, de mutualisation de certains services et d’incitations fiscales et juridiques. Ce paquet devrait attirer les entreprises, au-delà du secteur minier. Les équipes s’activent afin que ce dispositif soit opérationnel dans les prochains mois. La corruption perdure dans ce secteur, comment l’éradiquer ? Nous avons travaillé au cours des six dernières années à rendre le secteur plus transparent. Nous sommes conformes à l’ITIE. Les rapports sont publics et tous les revenus miniers et les taxes prélevées par l’État y sont détaillés. Tout est reversé dans le budget national, qui est lui aussi public. La Guinée publie tous les contrats miniers, c’était inimaginable avant 2011. Aujourd’hui, le cadastre est en ligne. Enfin, nous avons créé un guichet unique pour faciliter l’accès aux autorisations. Dans la gestion quotidienne, les défaillances entraînent des sanctions. Récemment, trois fonctionnaires se sont permis d’encaisser personnellement un chèque d’un opérateur de carrière. La condamnation est tombée le même jour, et cela a été affiché au ministère. ■ C.P. AFRIQUE MAGAZINE

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bien. » Dans le nord-ouest de la Guinée, une dizaine d’entreprises se sont installées récemment. Toutes sont en phase de recherche et de négociation avec les autorités pour l’obtention des autorisations, hormis la SMB et l’historique Compagnie des bauxites de Guinée (CBG) – la société guinéenne d’origine, installée sur le site de Sangarédi depuis 1963 et qui a vendu 15 millions de tonnes de minerai en 2014 selon le rapport de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE). Depuis cinquante ans, les riverains voient passer les chariots pleins de roche rouge, « sans jamais en profiter », déplore Amadou Bah, de l’ONG Action Mines Guinée. Fin avril, des émeutes dans la région de Boké ont fait au moins deux morts après un accident entre un motard et un transporteur minier. La population réclame l’amélioration de ses conditions de vie. « Malgré les richesses, les habitants n’ont ni eau, ni électricité. La poussière des camions détruit les plantations d’acajou. Les frustrations s’accumulent », enchaîne le responsable de l’ONG. Une route de contournement est en construction, assurent les autorités, reconnaissant avoir pris du retard faute de financements.

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28 septembre 2009. DES MILITAIRES ouvrent le feu sur une foule de manifestants dans un stade de la capitale. LA JUSTICE GUINÉENNE PIÉTINE. ituée sur un des grands axes du centre-ville, la prison de Coronthie abrite la grande majorité de la population carcérale de Conakry. Quelques gardes veillent sur les entrées et sorties. Il est aisé de pénétrer dans l’enceinte, mais beaucoup plus difficile d’accéder à la cellule d’Aboubacar Sidiki Diakité, alias Toumba, le détenu le plus surveillé de Guinée. « Une sécurité spéciale lui est assignée », assure l’un de ses avocats. Du Sénégal, il est revenu menottes aux poignets le 12 mars 2017, après sept ans de cavale. Depuis sa tentative d’assassinat à l’encontre de son ancien patron Moussa Dadis Camara, le chef de la junte militaire à l’époque, Toumba était recherché par la police guinéenne principalement pour son implication présumée dans le massacre du 28 septembre 2009. Ce jour-là, date anniversaire du référendum sur la Constitution, au moins un millier de personnes se regroupent dans un stade de la capitale pour protester contre une éventuelle candidature du chef des putschistes à la présidentielle. « Dadis, dehors ! » Les premiers coups de feu retentissent. « Ils ont fait appel aux bérets rouges, la garde présidentielle. Ils ont commencé à tirer n’importe comment. Ils avaient même des couteaux baïonnettes pour embrocher les gens, violer les femmes en pleine journée, » témoigne un rescapé quelques jours après le drame. Selon des manifestants, Toumba, alors aide de camp de Dadis, était sur les lieux « pour tuer », disent certains. « Pour sauver les leaders politiques de l’opposition », rétorquent d’autres. Presque huit ans plus tard, sur quatorze inculpés, cinq présumés responsables sont en détention. Toumba est le seul gros poisson à être derrière les barreaux, les autres, poursuivis par la justice, restent libres. Le capitaine Moussa Dadis Camara, inculpé en juillet 2015, selon la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), pour avoir ordonné l’envoi de ses troupes d’élite et de ses milices, est en exil à Ouagadougou. Il n’est ni en résidence surveillée, ni sous contrôle judiciaire et aucun mandat d’arrêt n’a été émis contre lui. Enfin, il y a des anciens responsables qui n’ont pas été entendus par la justice. « Je ne répondrai que devant la Cour pénale internationale », affirmait le général Sékouba Konaté sur un site d’information guinéen en avril dernier. Une convocation, en qualité de témoin,

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Il y a huit ans, un massacre toujours impuni

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Moussa « Dadis » Camara (au 1er plan) et l’ancien aide de camp Aboubacar « Toumba » Diakité, cinq jours après les tueries. Le 3 décembre 2009, ce dernier tirera sur le chef de la junte. de l’ancien ministre de la Défense est pourtant réclamée depuis plusieurs années par l’association des victimes Avipa. Depuis 2009, certains rescapés sont retournés au « stade du 28-Septembre ». D’autres n’ont jamais osé. Aujourd’hui, il n’y reste plus aucune trace des événements : les murs ont été repeints et les gradins rénovés. Les autorités sont-elles tentées d’enterrer le dossier ? « Non », répond avec fermeté Gassama Diaby, le ministre de la Réconciliation nationale. « Pour l’honneur de notre pays, pour l’honneur des victimes, mais aussi pour les droits humains. » Fin mars, le garde des Sceaux, Cheikh Sakho, rappelait encore que « le procès s’ouvrira avant fin 2017 ». Une promesse que les associations de défense des droits humains, qui s’essoufflent à exiger justice, mettent en doute. Il faudra d’abord clôturer l’enquête et le dossier d’instruction, puis répondre aux questions sécuritaires. « Même si son retour effraie les autorités, car il y a un risque de déstabilisation politique, il est difficile d’imaginer un procès sans la présence du chef de la junte », indique Mamadou Malal Diallo, vice-président de l’Organisation guinéenne des droits de l’homme (OGDH). En attendant, D’ici là, l’unique détenu du dossier du 28 septembre 2009 a perdu ses avocats : afin de protester contre « le manque de volonté politique », ceux-ci ont décidé de suspendre la défense de leur client. ■ C.P. 75

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Pour une capitale propre À Conakry, CITOYENS et pouvoirs publics se mobilisent pour prendre en main le ramassage des déchets.

Armés de leur énergie, des citoyens tentent d’assainir la ville.

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l’entrepreneuriat social ! », argumente-t-il. Ces deux initiatives citoyennes sont nées après le buzz suscité par #selfiedechets, un autre hashtag lancé sur Facebook et Twitter par la bloggeuse Fatoumata Chérif. Tous réclament une politique nationale de gestion des ordures.

UNE NOUVELLE AGENCE D’ASSAINISSEMENT Pourtant, les campagnes d’assainissement reviennent comme une rengaine. Déguerpissement, rafraîchissement des infrastructures, installation de poubelles dans les rues du centre-ville... La « Perle de l’Afrique de l’Ouest », comme elle était surnommée dans les années 1950, produit entre 1 000 et 1 200 tonnes de déchets par jour selon les estimations des autorités. Tous les camions-bennes, remplis plus qu’à ras bord, convergent vers l’unique décharge de la ville, à Concasseur. « Il y a vingt ans, nous avions vingt-cinq hectares à notre disposition. Nous n’en avons plus que quinze aujourd’hui », regrette l’un de ces travailleurs. L’accroissement de la population et les constructions riveraines anarchiques ont créé ce paradoxe : celui d’un dépotoir réduit alors que les déchets s’accumulent. « Au départ, cette carrière avait une profondeur de vingt mètres. Aujourd’hui, l’entassement atteint jusqu’à vingt mètres au-dessus du sol », explique Mohamed Lamine Condé, le coordinateur des opérations d’assainissement de la ville. Pour faire face à cette saturation, les pouvoirs publics ont lancé plusieurs projets pour créer des centres d’enfouissement. Le premier, celui de Kagbelen, à 50 kilomètres du centre administratif, est à l’abandon. Pendant la période de transition de 2009-2010 durant laquelle les militaires étaient aux affaires, les soixante hectares réservés ont été vendus à des particuliers, ou réquisitionnés par les autorités pour construire une école de police. Le second, à Khorira, est suspendu. En raison de sa proximité avec les chutes touristiques de la Soumba, le ministère de l’Environnement a émis des réserves. « Nous allons réaménager Concasseur pour pouvoir l’utiliser encore pendant cinq ans », conclut Mohamed Lamine Condé, cadre de la toute nouvelle Agence nationale de l’assainissement et de la salubrité publique. Créé en décembre 2016 par décret présidentiel, ce bureau devra rafraîchir et réorganiser le secteur en collaboration avec les collectivités locales, qui en ont la compétence légale. Des entreprises de quartiers ont été identifiées pour le ramassage des ordures et « devraient bientôt entrer en fonction », annonce la direction. ■ C.P. AFRIQUE MAGAZINE

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e rendez-vous est matinal. Autour du rond-point Samory-Touré, des dizaines de jeunes ratissent le caniveau. Des débris d’immondices ont bouché les canaux d’évacuation, provoquant des inondations. Résultat : des eaux y stagnent même en saison sèche. « C’est un carrefour négligé de la capitale », reproche Mohamed, l’un des initiateurs de « Conakry saine et propre ». Les membres du collectif, lancé d’abord sur les réseaux sociaux, n’ont qu’une idée en tête : débarrasser leur ville de ces détritus. Derrière leur brouette, ces citoyens interpellent les passants, leur tendent des pelles. Si épurer la métropole est un défi, sensibiliser les Conakrykas à l’écologie en est un autre. « C’est vrai, il y a des déchets industriels ou chimiques dangereux. Mais il faut commencer à la base, responsabiliser et outiller les acteurs et se tourner vers les ménages », indique Baïlo. Cet écologiste activiste convaincu a lui aussi lancé son mouvement. Sur les réseaux sociaux, via le hashtag #samedisdassainissement, il convoque quelques militants. Ce joli matin de mai, ils sont réunis sur le sable blanc de la plage de la Minière. Le décor est paradisiaque. Mais les émanations d’égouts gâchent la carte postale. « Depuis trois semaines, nous balayons les sachets d’eau ou les boîtes de conserve calcinées. », déplore le directeur de l’ONG « Destin en main ». Au-delà du nettoyage, l’objectif est de créer un espace de loisirs et de générer des emplois. « Le plastique et le fer sont rachetés. Les citoyens peuvent trier eux-mêmes puis vendre ces matières aux petites ou moyennes entreprises, qui iront ensuite les revendre à ceux qui font du recyclage. C’est de

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LE CONSORTIUM

SMB-WINNING-UMS

UN ACTEUR ÉCONOMIQUE ET CITOYEN

Depuis 2015, un grand projet minier donne un nouveau souffle à l’économie guinéenne. Il s’agit de l’exportation de la Bauxite de la région de Boké par SMB-WINNING-UMS. En 2016, ce projet a pris une telle envergure que la croissance prévisionnelle du PIB définie par le FMI a été multipliée par deux.

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OBJECTIF : ATTEINDRE UNE PRODUCTION DE 50 MILLIONS DE TONNES DE BAUXITE PAR AN PORT DE BOKÉ, TERMINAL DE KATOUGOUMA.

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est une so ciété minière fondée en 2014. Issue d’une alliance stratégique entre WINNING SHIPPING, le plus grand transporteur maritime d’Asie, UMS, leader du transport routier en Afrique de l’ouest, et SHANDONG WEIQIAO, numéro 1 de la production d’aluminium en Chine. De par leur enthousiasme, leur intérêt dans un projet commun, les trois actionnaires, Mr Sun Xiushun, PDG du groupe Winning Shipping ; Mr Zhang Bo, PDG du groupe Hongqiao Weiquiao et Mr Fadi Wazni, PDG du groupe UMS International, ont mobilisé leurs équipes et mis leurs moyens en commun dans un consortium d’entreprises pour un modèle de développement rapide. Ce consortium de 3 entreprises actionnaires, intègre l’Etat Guinéen comme 4ème actionnaire, ainsi que réglementé par le Code Minier de la République de Guinée, à hauteur de 10%. Pour mener à bien cette formidable aventure économique et humaine, les 3 entreprises ont mobilisé les moyens

nécessaires à la réalisation d’un projet de cette envergure. 1. WINNING SHIPPING est le plus grand transporteur maritime d’Asie, transportant plus de 50 millions de tonnes de bauxite par an vers la Chine. 2. Certifié ISO 9001 depuis 5 ans en Guinée, UMS est le leader du transport en Afrique de l’Ouest depuis de nombreuses années. 3. Avec un CA 2015 de près de 45 milliards de dollars US, et 160.000 employés, SHANDONG WEIQIAO est le numéro 1 de la production d’aluminium en Chine. Ajouté à cela l’expertise incontestable de Yantaï Port Group dans la construction de plateforme de logistique portuaire, et vous obtenez la chaîne logistique permettant l’exportation par la SMB de la Bauxite de Guinée vers la Chine.

Un modèle de logistique intégré Notre modèle est un modèle de logistique intégrée, démarrant par la gestion quotidienne de nos ressources

sur notre site, ressources transportées par camions sur nos routes minières exclusives, menant aux terminaux portuaires construits sur les rives du Rio Nunez à Katougouma et Dapilon.

Le projet de développement Pour réussir un tel modèle de développement, il s’agit aussi pour la SMB de mettre en avant les valeurs des actionnaires du consortium. Ces valeurs et ses intentions donnent ainsi naissance à un modèle économique participant au quotidien et à l’essor de la Guinée, faisant de la SMB une entreprise Eco-citoyenne. Répondant aux règles de gouvernance et de transparence, en harmonie avec l’ITIE et le Code Minier de la République de Guinée, la SMB souscrit entièrement à la règlementation en la matière, sans aucune exonération et vacances fiscales. En tant qu’entreprise citoyenne, et mettant en avant tous les jours sa responsabilité sociétale, la SMB s’implique dans le développement communautaire sur la zone géographique.

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INFRASTRUCTURES PORTUAIRES DE KATOUGOUMA.

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Frédéric Bouzigues Directeur Général de la SMB

Quels sont les engagements pris par SMB – WINNING-UMS auprès de la population Guinéenne ?

L’emploi est un des résultats majeurs de notre implication dans les communautés présentes sur nos sites. Nous nous sommes engagés à employer dans toutes les localités sur lesquelles le projet fonctionne. Nous participons également à l’amélioration des conditions de vie des populations par la construction d’écoles, de centres de santé, de campagnes de construction de forage d’eau. En plus de la piste minière déjà construite, nous sommes en train de réaliser une seconde piste rurale pour le public. Quand est-il de la formation des communautés ?

Qu’en est-il de l’aspect environnemental ?

Notre impact environnemental est minime car nous avons un métier exclusivement d’excavation sans transformation. Nous travaillons sur des programmes de réaménagement des zones excavées avec des plantations. L’excavation et de prélèvement de la bauxite sont écologiques car nous transformons une terre inexploitable en une terre végétale et fertile, qui favorise l’agriculture. L’impact sur l’environnement halieutique est lui aussi très limité car les barges que nous utilisons suivent les mouvements de la marée. Enfin, dans le cadre de notre plan de contrôle de la poussière sur nos routes minières, nous avons élaboré un programme minutieux et faisons tout notre possible pour en assurer la stricte application. ■

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La formation est un pilier de notre politique sociétale. Nous avons créé un centre d’alphabétisation pour permettre aux jeunes, sans diplôme ni formation, d’acquérir des connaissances, avant d’en embaucher

ensuite une partie dans notre entreprise. Toujours en matière de contenu local, pour les métiers de la marine, le groupe Winning, en association avec l’Institut Marine Jiantsu, dispense des formations pour les futurs marins, pilotes de navire et remorqueurs en Guinée.

AM/DF - PHOTOS : © SABINE DIAKITE SAUF MENTION.

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INTERVIEW

Une fondation pour la solidarité, la culture et la santé plus grand nombre l’accès et la pratique artistique. • Apporter une aide au niveau sanitaire par la construction de dispensaires et la mise en place de plans de vaccinations dans la région de Boké. La Fondation soutient également l’évènement « Conakry, Capitale Mondiale du livre 2017 » et a lancé « S’il te plait, dessine-moi un livre ! » une initiative culturelle en faveur d’élèves aveugles et malvoyants.

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L Fondation SMB WINNING La CONSORTIUM s’est donnée pour C mission de promouvoir et de soum teni tenir ir les les projets projets j culturels cult guinéens, de participer activement au développement communautaire, d’initier des actions de solidarité. Elle s’engage à : • Favoriser l’épanouissement et l’autonomie des jeunes par l’accès à l’éducation. • Faire rayonner la culture Guinéenne, et élargir au

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UMS

+224 626 87 11 90 www.smb-guinee.com

+224 625 49 34 81 www.ums-international.com

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DOSSIER GUINÉE : DEVENIR LA PERLE DE L’AFRIQUE DE L’OUEST

INTERVIEW

Jacqueline Sultan Ministre de l’Agriculture

« L’agriculture, c’est la croissance inclusive qui réduit la pauvreté »

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lors que six millions de Guinéens sont des actifs agricoles, la dotation allouée à l’agriculture est en baisse. Elle représente moins de 5 % du budget national de 2017, contrairement aux engagements pris par l’Union africaine à Maputo en 2003, où les chefs d’État de la région s’étaient engagés à consacrer au moins 10 % de leur budget national à l’agriculture. Pour développer le pays durablement et pour assurer la sécurité alimentaire, il y a urgence à professionnaliser et moderniser le secteur. Ce défi, Jacqueline Sultan se dit prête à le relever. Cette ancienne chirurgienne-dentiste a quitté sa ferme agropastorale en 2014 pour prendre les rênes du ministère de l’Agriculture. AM : Devant un parterre d’investisseurs miniers, le chef de l’État a rappelé début mai que l’agro-industrie était l’un des piliers du développement. Pourquoi miser sur l’agriculture, peu rémunératrice, dans un pays au tel potentiel minier ? Jacqueline Sultan : La Guinée a tellement d’atouts ! Elle a un potentiel en eau, en terres et en ressources humaines car la population est jeune. L’agriculture est pratiquée par plus de 60 % de la population, elle est créatrice d’emplois à la fois dans le maillon production et dans celui de la transformation. La particularité du secteur agricole est son caractère inclusif, contrairement aux mines. Les travailleurs ne sont pas tributaires des cours internationaux, ils créent de la richesse, augmentent leur revenu et réduisent la pauvreté. Le gouvernement a pour ambition de faire de la Guinée une puissance agricole et énergétique d’ici 2025. Au vu du caractère rural et peu moderne du secteur, comment s’appuyer sur des statistiques fiables pour les prévisions ? Cette question n’est pas un problème propre à la Guinée, mais touche tous les pays d’Afrique de l’Ouest. Cela ne justifie pas pour autant que l’on ne soit pas en mesure de rendre des données vérifiées. Une Agence nationale des statistiques agricoles se consacre à la collecte. Nous effectuons des enquêtes tous les ans sur le bilan des récoltes. Par contre, il faut recon80

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naître que le dernier recensement national de l’agriculture et de l’élevage remonte aux années 2000. Une de nos priorités, c’est la recherche du financement pour le réactualiser. Des investisseurs étrangers misent-ils sur ce potentiel vert ? Nos terres arables suscitent des convoitises. Mais, aujourd’hui, le système de production est de type familial. Peu d’exploitations industrielles et peu de privés se sont installés en Guinée, contrairement à l’Afrique de l’Est. Les producteurs sont en cours de structuration par filière sous forme de groupements, de coopératives, de fédérations. Mais tout cela peine à se mettre en place. En outre, il ne faut pas non plus négliger la question du foncier [le code n’a pas été réformé depuis 1992, NDLR]. Il faut lancer le chantier de la justice foncière pour sécuriser les éventuels investissements. Ira-t-on à terme vers une industrialisation des exploitations ? Industrialisation, oui, mais à condition de prendre en considération le contenu local. Le modèle idéal serait que des grands conglomérats s’installent et accompagnent les exploitations familiales en les tirant vers le haut par un transfert de technologie. Avant cela, il faut intensifier les rendements. Ebola a été une belle leçon : l’agriculture a été le secteur le plus résilient, le seul qui n’a pas été en croissance négative. Il a porté toute l’économie guinéenne. Mais, qui dit intensification ou industrialisation, dit aussi formation des jeunes. Il ne faut pas seulement former des ingénieurs, mais également ceux qui travailleront dans les champs via les lycées agricoles. La Guinée est le « château d’eau » de l’Afrique de l’Ouest, c’est aussi un poumon vert. Comment concilier agriculture intensive et préservation de l’environnement ? Premièrement, sur les six millions d’hectares de terres disponibles, deux millions sont exploités. Deuxièmement, la productivité y est tellement faible qu’il y a une marge pour intensifier la production sur les superficies déjà en culture. Troisièmement, concernant l’utilisation d’engrais, nous sommes très loin des quantités qui pourraient menacer l’environnement ou AFRIQUE MAGAZINE

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Autosuffisance, stabilité économique, emplois… Les effets vertueux du développement de ce secteur sont légion, selon la ministre, qui souligne l’impératif de le moderniser.

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résolument aller vers la maîtrise de l’eau, ce qui délimiterait les exploitations agricoles autour des terres humides et éviterait le déboisement et l’agriculture sur brûlis. Il faut quitter les pentes des montagnes et descendre dans les vallées. La riziculture est de type pluvial, l’essentiel de la production se fait pendant les six mois de la saison des pluies, moins de 10 % pendant la saison sèche, alors qu’on atteint deux ou trois récoltes par an dans les pays asiatiques. La chaîne de valeur du riz n’est pas très longue par rapport à celle de la transformation de l’hévéa en caoutchouc. L’objectif est de passer de 2 tonnes par hectare par an à 3 ou à 4 tonnes. À quand l’exportation des produits guinéens ? Ils sont peu présents sur les marchés extérieurs, c’est vrai, mais il faut dire haut et fort que nous sommes autosuffisants en produits maraîchers. Il existe un commerce intrarégional avec la banane, l’orange, le piment, le manioc… Près de la moitié de notre production de fonio part au Mali et au Sénégal où il y est transformé, et même labélisé « production Mali ou Sénégal ». Développer les niches à haute valeur ajoutée comme le café de Ziama ou le karité est un de nos objectifs. Idem pour la filière ananas : à l’horizon 2020, entre 20 000 et 30 000 tonnes devraient être exportées contre 2 000 tonnes « export fret avion » aujourd’hui. ■ C.P.

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les nappes phréatiques. En revanche, les effets du changement climatique inquiètent. Par exemple, les grandes marées de 2015 ont détruit des récoltes de riz de mangrove. Les axes routiers sont dégradés et les stocks pourrissent. Comment améliorer l’écoulement des marchandises ? Des applications mobiles sont développées pour mettre en relation producteurs et acheteurs. Concernant les routes, il revient à l’État de désenclaver les zones de production : 100 000 km de pistes rurales ont été tracés pour relier les champs aux marchés. Des magasins de stockage ont été construits. La dynamique est enclenchée. Maintenant, les besoins en financement sont là. Il faudrait que le privé, national ou étranger, s’intéresse à certains maillons : les intrants [destinés à améliorer le rendement], les outils ou même la microfinance. En Basse Guinée, les agriculteurs produisent du riz pour leur consommation mais n’en vivent pas. Comment réaliser l’objectif de l’autosuffisance d’ici 2018, alors que le pays en importe encore 300 000 tonnes par an ? Mais il produit déjà 2 millions de tonnes de riz paddy [non décortiqué] par an pour aboutir à 1,1 million de tonnes de riz consommable ! C’est ce qu’on oublie souvent. Cette part destinée au marché s’accroît. Le cap des 300 000 tonnes peut être atteint à condition de faire des choix d’investissement. Il faut

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La tradition, et après ? Même si les artistes guinéens connus et reconnus, comme les romanciers CAMARA LAYE ou TIERNO MONÉNEMBO, sont encore très prisés, les jeunes commencent à PERCER.

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au centre culturel franco-guinéen (CCFG) pour l’événement omme un monument au centre du village de Kou« Sur les murs la poésie », organisé en partenariat avec les édiroussa, la forge des années 1930, dépeinte dans L’Entions Gandaal. Dans l’espace des expositions, chacun clame et fant noir, tourne toujours. Camara Laye y battait le affiche ses propres compositions. Depuis que le Petit Musée fer avec les marteaux et les enclumes de son père, a fermé ses portes, le CCFG est l’unique salle de spectacle du écrit-il dans son roman autobiographique, prix Charles Veilpays. « L’ambition est de faire le lien entre ce qui se fait ailleurs lon en 1954. En avril dernier, des notables de la région, des et ici, pour inspirer, servir de lieu de création et potentiellegriots et d’anciens amis sénégalais viennent conter les plus ment de vitrine et de relais pour les artistes locaux », explique beaux exploits du fils du pays. La cérémonie est préparée par le directeur, Nicolas Doyard. Il a lancé avec son équipe de noules organisateurs de « Conakry capitale mondiale du livre » veaux rendez-vous où fusionnent plusieurs formes artistiques : (CCML). « Abidjan est réputé pour sa musique, Bamako pour le cinéma avec un concert, la projection d’un documentaire sa photographie, Ouagadougou pour son cinéma, Conakry le avec la confection d’une sculpture. « Ce n’est pas dans les sera pour ses ouvrages », assure Sansy Kaba Diakité, le commishabitudes ici de mélanger les genres. Je rêverais que l’on me saire général de l’événement initié par l’Unesco. Aujourd’hui, présente une création comme les Ballets africains [troupe de les treize millions de Guinéens se partagent deux maisons danse mythique de Guinée, NDLR] version électro ! », poursuit le d’édition, une vingtaine de bibliothèques et de librairies. Plus responsable. Pour se tourner vers le futur et couper le cordon de 60 % de la population ne sait ni lire ni écrire selon les estiavec la tradition, cette maison mise aussi sur le numérique : mations des autorités. « 130 points de lecture seront construits avec l’organisation de Playday, un tournoi de cette année », précise Lamine Camara, président jeu vidéo, ou l’installation prochaine du wifi de l’Association des écrivains de Guinée. Le buden accès libre. « La nouvelle technologie est get de CCML s’élève à 60 milliards de francs guiun avantage. Dans les années 1970, les pellinéens (6 millions d’euros). L’État s’est engagé à cules cinématographiques étaient envoyées en en verser 50 %, mais « les institutions internaEurope pour être développées. Aujourd’hui, les tionales et partenaires traînent pour le restant », facilités sont extraordinaires, mais on ne peut confie le ministre de la Culture Siaka Barry. Or, pas les mettre à profit sans formation », déplore une partie de l’enveloppe a déjà été dépensée le cinéaste et documentariste Thierno Souleypour l’ouverture, le salon du livre et les hommane Diallo. mages aux auteurs célèbres guinéens et africains (Williams Sassine, Tierno Monénembo, Ahmadou Kourouma, etc.). Des honneurs qui LES MOTS DE BILIA BAH interrogent : pourquoi offrir une large place à Seulement, les moyens sont modestes. Pour ceux qui sont décédés ou déjà reconnus et pourgagner leur vie, les chanteurs s’adonnent proquoi ne pas inviter les plus jeunes ? questionnent gressivement à la « mamaya », chant mandingue des acteurs du secteur culturel. En Guinée, une coutumier. Ils deviennent « chansonniers à la Le premier roman poignée d’écrivains arpente les bibliothèques en gloire de ceux qui ont de l’argent en échange de Camara Laye, (1953), attendant d’être placés sur les étagères. Certains de quelques billets », explique le comédien fleuron de la littérature africaine contemporaine. s’étaient donné rendez-vous en mars dernier Ibrahima Sory Tounkara, du Théâtre natio369 – JUIN 2017

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Créé en 1961 et toujours vaillant, Bembeya Jazz est le groupe musical culte du pays.

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Influencé par le r’n’b et les mélodies traditionnelles, le chanteur Soul Bang’s a obtenu le prix Découvertes RFI en 2016. nal. Mais certains chanteurs de la nouvelle génération se distinguent. Kandia Kora ou Soul Bang’s, respectivement finaliste et gagnant du prix découverte RFI 2016, mêlent rythmes modernes et traditionnels. Quand il ne slalome pas entre les tables de la brasserie des arts, dont il est le gestionnaire, l’écrivain est adossé au comptoir et cause avec ses clients, spectateurs ou artistes. Bilia AFRIQUE MAGAZINE

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Bah n’est jamais éloigné des salles de spectacle. Avec sa compagnie, La Muse, née en 2011, et sa troupe de dynamiques comédiens, ils défendent la culture comme levier de développement. « Regardez l’industrie musicale ou cinématographique nigériane : le secteur peut rapporter de l’argent ! Mais ici, il n’y a rien dans la caisse », regrette le manager. C’est pour remédier à cette solitude qu’il a lancé le premier festival de théâtre guinéen, après une résidence à la Cartoucherie de Vincennes en région parisienne. La première moisson est la bonne. Sept ans plus tard, deux des participants sont entrés dans le cercle : le Guinéen Hakim Bah a reçu le prix RFI et le Camerounais Édouard Elvis Bvouma celui de la SACD. Aujourd’hui, tout le monde se les arrache sur le continent ou en Occident. L’auteur de Cour commune et de Châteaux de la ruelle aurait pu partir en Europe pour écrire, il a choisi de rester en Afrique. « Il y a tout à faire. Il faut créer un nouveau public et démystifier la scène. » Le ras-le-bol n’est jamais loin. Mais la première de ses casquettes est celle du théâtre en partage. ■ C.P. À venir : L’Univers des mots 2017 est annoncé en novembre dans les locaux du Centre culturel franco-guinéen, autour du thème de la « migr’action ».

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Elles sont bien décidées à compter ! Elles enseignent, militent, chantent, créent, informent… Rencontre avec cinq femmes qui font BOUGER les lignes. par Jean-Noël Caussil et Faustine Sappa

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lles ont entre 20 et 40 ans, elles sont journalistes, enseignantes, écrivaines, artistes ou cadres dans les ministères. Alors que Conakry, désignée Capitale mondiale du livre 2017 par l’Unesco, a les projecteurs du monde culturel braqués sur elles, ces femmes sont fermement décidées à prendre leur destin en main. Elles construisent des bases nouvelles pour veiller au respect de leurs droits et de ceux de leurs enfants. Elles se battent pour la promotion de l’éducation, contre toutes les formes de violence, contre l’excision ou encore pour valoriser le travail des femmes dans les industries qui font vivre le pays. Souvent issues de la diaspora et revenues en Guinée pour contribuer à son développement, elles sont nombreuses à avoir créé leur propre ONG. Parfois dans l’ombre, mais jamais en silence, elles clament haut et fort leur devoir d’exister.

Diaka Camara

La volonté à l’américaine

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UN DÉBIT DE MITRAILLETTE, et un discours truffé d’anglicismes. Diaka Camara, 36 ans, est une femme énergique. Productrice et journaliste star de la chaîne Espace TV, elle anime l’émission musicale Top 10, très suivie par les jeunes. « Ils sont l’avenir, ce sont eux qui changeront notre pays, et je veux y contribuer en les exhortant à l’action. C’est pour cela que je suis revenue. » Longtemps expatriée aux États-Unis, où elle a obtenu un bachelor en communication et journalisme à l’université de Houston, elle est de retour depuis 2011. « C’était pour moi une évidence. La Guinée vivait un renouveau et je voulais y participer. » Femme d’action, elle multiplie les initiatives, à la tête de sa Fondation et comme ambassadrice de « Conakry capitale mondiale du livre 2017 ». « Je mets ma notoriété au service de ce combat. L’État ne peut pas tout et la société civile doit prendre ses responsabilités. Notre pays compte 65 % d’analphabétisme. Son avenir tout entier s’en trouve compromis. D’où mon autre émission, Livre en action, qui me tient particulièrement à cœur. Mettre des livres devant les yeux de ces jeunes leur donnera envie d’apprendre. Le développement passe par la lecture, j’en suis convaincue. » AFRIQUE MAGAZINE

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Binta Ann Une vie pour lutter contre l’excision LA FRANCE, LES ÉTATS-UNIS… Binta Ann a vu bien des pays. Mais il n’y en a qu’un qui est cher à son cœur. Le sien. De retour depuis trois ans, cette jeune quadragénaire déborde d’énergie pour accompagner la génération nouvelle vers un avenir meilleur. Professeur d’anglais au lycée français de Conakry, elle œuvre, le soir venu, à l’alphabétisation des enfants de son quartier et contre l’excision des jeunes filles. C’est pour elle le combat d’une vie, mené au sein de sa Fondation pour les enfants et les femmes (Fonbale), financée sur ses fonds propres, et en tant que membre du comité d’organisation de l’événement « Conakry Capitale mondiale du livre 2017 ». Avec comme seule force celle d’une foi inébranlable. « L’excision est une abomination. Et c’est à nous, les femmes, de nous lever AFRIQUE MAGAZINE

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pour dire stop ! et pour protéger les jeunes filles d’aujourd’hui », assène-t-elle. Et c’est peu de dire si lutter contre la tradition est difficile… « J’ai fait du porte-à-porte pour expliquer et convaincre. J’ai été agressée, blessée, insultée, on a vandalisé ma voiture. Qu’importe, j’y suis retournée. » Binta Ann n’est en effet pas du genre à se laisser impressionner. « À force d’abnégation, on prenant bien soin d’expliquer que l’on ne lutte pas contre une culture, mais contre un problème de santé publique, on arrive à convaincre. Je me suis fait accompagner d’anciennes exciseuses repenties qui, mieux que personne, peuvent raconter les dangers de l’excision, insister sur le fait que, chaque année, de nombreuses jeunes filles meurent des suites de ces mutilations. » 85

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DOSSIER GUINÉE : DEVENIR LA PERLE DE L’AFRIQUE DE L’OUEST

Afiwa Mata Ahouadjogbe Son combat pour l’information

VOILÀ SEPT ANS que Afiwa Mata Ahouadjogbe se bat, au sein de l’Association des femmes journalistes de Guinée (AFJG), pour faire valoir leurs droits. C’est loin d’être une sinécure tant l’égalité des sexes est encore un doux rêve en Guinée-Conakry. Alors, une femme journaliste… « On nous assimile trop souvent à des femmes de mauvaise vie, se désole-t-elle. Parce que l’on n’a pas d’horaires, que l’on travaille tard, que l’on est sans cesse en déplacement… » La jeune femme, formée à l’université, avec une thèse en communication et marketing en poche après des études de gestion, ne choisit donc pas la facilité quand elle se lance dans une carrière de journaliste. « C’est un sacerdoce. J’ai la chance que mon mari me soutienne, sans cela, rien n’aurait été 86

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possible. Mais ce n’est pas le cas de ma belle-famille, qui ne comprend pas pourquoi je ne suis pas plus présente à la maison pour m’occuper de mes enfants. » Pas question de transiger, pour autant. Afiwa Mata Ahouadjogbe entend mener vie privée et vie professionnelle de front. « Nous avons une responsabilité sociale à assumer. Les Guinéens vivent dans l’ignorance, et notre rôle est de leur apporter les clés pour comprendre, pour penser par eux-mêmes. L’information, de même qu’un médecin peut sauver des vies, c’est ainsi que je conçois mon métier. » Elles sont une centaine de femmes à œuvrer en ce sens au sein de l’Association. En 2010, elles n’étaient que quinze. Leur influence croît. Elles ont l’avenir pour elles, elles en sont persuadées. AFRIQUE MAGAZINE

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et pour les droits des femmes journalistes

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Zeinab Camara

Keyla K

Le rap qui éduque

L’envie de faire changer les choses de l’intérieur AU DÉBUT, elle s’exprime tout bas, peu à l’aise s’il s’agit de parler d’elle. Mais dès qu’on évoque Women in mining, une énergie nouvelle l’anime. « Mon esprit est toujours en recherche de solutions aux problèmes des femmes dans le secteur minier. Elles sont très peu représentées, comme dans tous les secteurs, mais sont les premières à en subir les impacts négatifs. » Avec cette fondation qu’elle préside, elle œuvre à promouvoir cette activité et à en améliorer les conditions de travail. « Nous souhaitons mettre en place un congé de maternité, par exemple, et réorganiser les horaires afin de laisser du temps libre. » Cette jeune femme de 36 ans, fille de diplomate et petite-fille de ministre, est revenue en Guinée en 2008, après avoir débuté sa carrière à Londres, au ministère de la Santé. Aujourd’hui chef de cabinet au ministère de l’Enseignement supérieur, elle croit en la parole d’État, même si elle se bat au quotidien pour qu’il « agisse mieux ». Et puis elle encourage les jeunes diplômés à se tourner vers le secteur public plutôt que vers le privé, pourtant très séduisant, parce que « c’est là qu’il y a un impact sur le changement ». AFRIQUE MAGAZINE

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« ON FAIT AVEC », « Laisse-les parler », « J’aimerais croire »… Les messages de la jeune rappeuse de 21 ans cherchent à être les plus clairs possible. Cela fait trois ans qu’elle a adopté ce style de musique dont les représentantes féminines manquent cruellement en Guinée, selon elle. En passant des podiums à la scène, cette ancienne mannequin a souhaité incarner son idée selon laquelle « les femmes se battent pour ce qu’elles veulent ». Ce qu’elle veut, Keyla K, c’est parler à son jeune public, notamment féminin. « J’écris depuis l’âge de 12 ans. Tout m’inspire, mais surtout les problèmes de l’Afrique et de mon pays. » Pour l’album qui sortira cette année, elle prépare une chanson qui rend hommage aux femmes, aux mamans, et à celles qui n’ont pas pu l’être. La lutte contre l’excision fait également partie de ses combats. « C’est nous, les femmes, qui la subissons mais ce sont aussi des femmes qui la font subir. Une femme qui parle aux femmes, c’est le meilleur moyen d’être entendue. » Pour aborder ce thème délicat, Keyla K s’essaie pour la première fois au slam, afin d’accroître le pouvoir de ses mots et de bien se faire comprendre. Soutenue par ses nombreux fans, elle les encourage en retour à poursuivre leurs études. « L’école est le seul outil véritable d’émancipation dans un pays qui compte autant d’analphabètes », affirme-t-elle. Elle-même titulaire d’une licence de communication, Keyla K se sent ainsi investie d’une mission d’éducation : « En suivant mon exemple, eux aussi peuvent réussir. » ■ 87

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Le port de pêche de la ville est, encore aujourd’hui, l’un des plus actifs du Sénégal.

SAINT-LOUIS, LE TEMPS SUSPENDU

SITUÉE À L’EMBOUCHURE du fleuve Sénégal, barbarie et ses belles plages de sable blond. Au loin encore, à 266 kilomètres de Dakar, face à l’océan Atlantique, wle parc du Djoudj et ses centaines de races d’oiseaux Saint-Louis est un spot exceptionnel en Afrique de l’Ouest. tropicaux rares. Et là, sur le fleuve, le bateau Bou El Mogdad, Capitale du pays jusqu’en 1957, et avant cela la plus ancienne que l’on peut emprunter pour une croisière de quelques jours colonie française, elle a conservé une architecture à part, qui remonte entre les terres. On atteint Saint-Louis depuis avec des ruelles pavées de maisons sublimes, fréquemment Dakar par la route, en sillonnant des paysages de steppes restaurées à la manière d’hier, avec des cours intérieures sablonneuses plantées d’épineux à perte de vue. À une heure construites en arcades autour de fontaines de la capitale, on peut faire une pause agréable LES BONNES et de bougainvilliers fleuris, des balcons à Kelle, et se rafraîchir à l’hôtel Coumba Andal. ADRESSES en fer forgé, des portes en bois ciselé et des Côté agenda, un nouvel événement devrait ✔ Les hôtels murs aux couleurs dégradées en tons ocre et contribuer au rayonnement de la belle cité du Maison Rose et Dior orangés. Classée au patrimoine mondial de fleuve. Le Forum de Saint-Louis, qui tiendra ✔ Les maisons d’hôtes Au fil l’Unesco, cette incroyable cité d’eau accueille sa première édition du 26 au 28 novembre du fleuve et Keur Jam des événements culturels célèbres, depuis prochain, organisé par Amadou Diaw, fondateur ✔ Le bateau Bou el Mogdad le Festival de jazz jusqu’à la manifestation de l’Institut supérieur de management ✔ Le parc national du Djoudj d’art contemporain Le Fleuve en couleurs. de Dakar (ISM), très impliqué dans le renouveau De nombreuses galeries, petites ou grandes, de sa ville natale, « port de multiples influences, mettent en valeur les artistes, artisans, stylistes locaux au témoin de l’histoire du monde ». L’ambition du Forum, cœur de la ville ancienne. On y dort dans des maisons d’hôtes selon son concepteur, est de promouvoir la créativité ou des petits hôtels décorés à la façon des signares, ces africaine, générer des idées nouvelles, afin d’appuyer femmes métisses aux bonnes manières, issues de mariages le développement de solutions pour un mieux-être pour tous. mixtes aristocrates au XIXe siècle. Au loin, la Langue de Rendez-vous pris. ■ Emmanuelle Pontié 88

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Avec son architecture coloniale typique, ses parcs naturels et plages de sable fin, cette CITÉ D’EAU fondée en 1659, où le passé ressurgit à chaque coin de rue, ne manque pas d’arguments !

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Four Seasons arrive en Tunisie hôtel

C’EST L’UNE DES PLUS BELLES marques du monde, créée en 1960 par un entrepreneur canadien, Isadore Sharp, avec une première ouverture à Toronto. Confrontée aux difficultés du coût de l’immobilier, la compagnie s’oriente dès la fin années 70 vers le management pour compte d’hôtels haut de gamme. Une approche qui favorise la qualité du service, des prestations, et la diversité architecturale, selon les lieux et les développeurs. Four Seasons s’investit également en amont sur le design et l’aménagement dans chaque projet, apportant une longue expérience, acquise aux quatre coins du Globe. Et signe des baux « longue durée » pour protéger sa marque. La chaîne, qui appartient majoritairement depuis 2007 à Bill Gates et au prince Al-Walid, gère plus de 100 hôtels de luxe à travers le monde. Dont neuf en Afrique. L’ouverture avant la fin 2017, du Four Seasons Gammarth, à quelques kilomètres de Tunis, dans la très chic « banlieue nord », marque pour la première fois l’implantation d’une marque haut de gamme en Tunisie, malgré les difficultés du pays. À l’origine et à la conclusion du Four Seasons Gammarth, le groupe Mabrouk, et tout particulièrement Marwan Mabrouk qui porte le projet depuis de nombreuses années. L’ambition est réelle : 200 chambres et suites entre forêt et plage, un spa d’inspiration « romaine », une cascade de fontaines et de piscines, l’utilisation intensive de l’artisanat national… On attend donc avec impatience l’ouverture ! ■ Z.L. AFRIQUE MAGAZINE

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GOLF CLUB DE YAOUNDÉ

Depuis 50 ans, voilà le lieu INCONTOURNABLE de la bourgeoisie camerounaise. EN QUÊTE d’un endroit chic, le nouvel arrivant à Yaoundé se voit invariablement proposer la même réponse : « Allez au Golf Club ! ». Il faut dire que depuis 1957, date de sa création par Jacques Grounin et Jules Labonté (dit Tonton Jules), le lieu, situé sur les pentes du mont Fébé, près des ambassades des États-Unis et d’Arabie saoudite, attire la bonne société camerounaise de génération en génération. Si le 18-trous offre quelques difficultés aux sportifs amateurs, les habitués peuvent également profiter de l’entre-soi, dans le très cosy Club House. Bien sûr, des green fees sont disponibles pour les visiteurs de passage (de 15 à 20 000 francs CFA/jour), mais le nec plus ultra est d’en être membre. Pour cela, un parrainage sera obligatoire, sans oublier le droit d’entrée (100 000 FCFA) et la cotisation annuelle : 420 000 FCFA pour les nationaux et 500 000 FCFA pour les autres. Mais le luxe n’a pas de prix… ■ H.D.

La prestigieuse enseigne s’installe près de la CAPITALE. Une grande première.

DARKO DOZET/GETTY IMAGES/ISTOCK PHOTO - DR

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MADE IN AFRICA escapades

Yaoundé Golf Club, Mont Fébé, BP 56, Yaoundé. Tél. : 699 89 39 22. golfclubdeyde.blogspot.fr

Situé à flanc de colline, le parcours présente un terrain complet et varié, autant pour les entraînements sportifs que les sorties familiales. 89

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AÏCHA LACHHAB

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Profession : chef cuisinier. Signe particulier : revisite les plats marocains à sa façon. (Et c’est bon !)

Cheick Diallo, le défi du fer

Vila Bea, une maison d’hôtes à mi-chemin entre Tanger et Rabat. En fonction des produits du marché local, Aïcha improvise chaque jour des plats frais et inventifs qui ravissent toutes les papilles.

Maître des matières, l’artiste malien crée en s’amusant. Résultat : des meubles pleins de vie et de couleurs.

AM : Comment êtes-vous devenue chef de cuisine ? Après une école de pâtisserie, j’ai ouvert un commerce de tartes et pizzas à Tanger. Puis j’ai suivi mon époux à Moulay Bousselham. J’ai alors proposé un service de traiteur à domicile aux sociétés et particuliers. Puis, un jour de 2014, la patronne de Vila Bea, qui allait ouvrir, m’a contactée. Après quelques essais, j’étais embauchée le soir même… Où trouvez-vous votre inspiration ? Au fil du temps, j’ai appris à prendre des risques et à tester à chaque fois des associations nouvelles. Je regarde aussi les émissions culinaires de la télévision française : dès qu’un plat m’intéresse, j’essaie de le reproduire… Qu’appréciez-vous le plus dans votre métier ? J’aime quand les clients demandent à me rencontrer pour me saluer, me remercier ou pour que je leur livre le secret d’une recette ! Une satisfaction aussi grande que celle de voir revenir une assiette vide ! ■ H.D.

SA RECETTE Velouté de courgettes au thym

Pour 4 personnes. Préparez 80 à 100 cl de bouillon de bœuf. Lavez 4 courgettes et coupez-les en dés. Incorporez-les 15 minutes au bouillon sans porter à ébullition. Mixez le tout. Une fois la consistance lisse, mélangez à 4 pincées de thym et servez dans des verrines individuelles. Accompagnement : dans un bol, mélangez 2 œufs, 1 cuillère à soupe d’huile d’olive, de l’emmenthal râpé, une pincée de thym et des olives noires finement ciselées. Étalez cette tapenade sur de petits morceaux de pain et mettre 5 minutes au four à 180 °C. Bon appétit !

* Vila Bea, 41 front de mer, Moulay Bousselham, Maroc. 90

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CHEICK DIALLO est incontestablement la référence du design au Mali. Précurseur, il crée des pièces de décoration qui allient le chic à des matériaux inattendus (couvercles de bouteilles, fer à béton, cuir). Ses œuvres phares, largement copiées, sont inspirées des populaires fauteuils multicolores en fils de nylon tressé que l’on retrouve dans la plupart des familles de Bamako. De ce « basique », il a décliné les formes les plus folles, sensuelles, ciselées et luxueuses pour des formats qui prennent parfois des allures majestueuses. Monochrome, le fil de nylon, dont le tressage est précis et élaboré, donne à ces fauteuils des allures d’équilibristes. Le fer est également l’un des matériaux de prédilection de l’artiste qui donne aussi parfois au bois des courbes originales. Issu d’une formation en architecture et design à Paris, Cheick Diallo transforme le quotidien pour donner vie à un mobilier d’intérieur coloré avec la délicatesse d’une dentellière. Designer présenté dans la mythique exposition d’art contemporain « Africa Remix » en 2005, ses œuvres sont régulièrement exposées à travers le monde : à la galerie 50 Golborne à Londres au mois d’avril, Cheick Diallo participait en même temps à l’événement « Voyage à Dakar » à la Galerie Médina à Bamako qui rassemblait des artistes maliens et sénégalais présents à la Biennale d’art contemporain de la capitale sénégalaise. ■ Aurélie Dupin AFRIQUE MAGAZINE

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HEDI DAHMANI POUR AM - DR

secrets secret de pro/ Maroc de pro/tunis

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MADE IN AFRICA carrefours insolites Le Musée national d’histoire et de culture africaine-américaine de Washington, inauguré en septembre 2016.

Sir David Adjaye, un homme d’influence

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Institutions, maisons de stars, villas : rien ne résiste au GÉNIAL BÂTISSEUR, dont le carnet de commandes ne désemplit pas. NÉ À DAR ES SALAAM en Tanzanie, de père ghanéen, cet architecte britannique figure parmi les 100 personnes les plus influentes du monde selon le magazine Time – seul architecte de cette sélection. Fait Officier de l’empire britannique (OBE) en 2007, il a été anobli en 2017 par la reine, et est désormais « Sir » David Adjaye. Il a fondé son cabinet à Londres juste après ses études, en 1994, à 28 ans, et s’est distingué dans cette ville avec le Idea Store Whitechapel, un édifice primé en 2006. Coup dur lors de la crise financière internationale de 2008 : quatre projets sont annulés, lui faisant frôler le dépôt de bilan. Il se refait en 2009 avec une commande de taille à laquelle il participe aux côtés d’autres cabinets, le Musée national d’histoire et de culture africaine-américaine, ouvert à Washington en septembre 2016. Ce bâtiment s’envole sur trois étages, dont les volumes sont inspirés par une couronne traditionnelle yoruba. Professeur invité à Princeton,

aux États-Unis, il compte nombre de réalisations prestigieuses qui brisent les barrières entre l’intérieur et l’extérieur, dont le Musée d’art contemporain de Denver aux États-Unis et la Skolkovo Moscow School of Management en Russie. À Londres, il dessine les demeures de célébrités telles que Alexander McQueen ou Ewan McGregor. Des privés se l’arrachent aussi de Lagos à Kigali pour signer des villas d’exception. Son carnet de commandes ne désemplit plus, du nouveau Studio Museum à Harlem au centre gouvernemental de Libreville, au Gabon. Ayant l’Afrique à cœur, il a lui consacré un documentaire en 2005, intitulé Building Africa : Architecture of a Continent, dans lequel il estime que « gouvernements et secteur privé doivent s’allier pour penser les villes, avec de vraies identités qui intègrent la nature au cœur de leur développement ». ■ Sabine Cessou adjaye.com

LE LIEU : LE BENOUA LODGE (OUAGADOUGOU)

Voilà une adresse de connaisseurs. Le Benoua Lodge (qui propose aussi 7 chambres d’hôtes très sympa) sert midi ET SINON ? et soir dans un havre de verdure une cuisine goûteuse. Cuisine d’inspiration Spécialités locales : le poulet braisé bicyclette, mais aussi du Sud-Ouest français. des plats french du Sud-Ouest ou des recettes espagnoles. POUR QUI ? Why not? Et les vins sont très recherchés par le patron Jean-Bernard Expats avides d’une paëlla Bugnazet, avec un très bon petit champagne abordable. ■ E.P. ou d’une saucisse de Toulouse. Zogona secteur 13, Ouagadougou, Burkina Faso. Tél : 00 226 64772020. QU’EST-CE ?

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Restaurant et maison d’hôtes.

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Le tailleur Victor Da Costa (à g.) et l’entrepreneur Chakir Belhaloumi se sont associés pour faire rayonner l’élégance au masculin.

Sidi Marrakech Tailoring

Une irrésistible ascension Tissus de grande qualité, STYLE AFFIRMÉ, fait main… Créée en 2014, la première maison de HAUTE COUTURE homme du Maroc fait parler d’elle dans tout le Royaume. Et au-delà. LE MAÎTRE TAILLEUR-STYLISTE de cette maison de surmesure et prêt-à-porter située au cœur de la Ville rouge dans le quartier de Guéliz, c’est Victor Da Costa. Né au Portugal et arrivé très jeune en France, celui-ci est passé par la Chambre syndicale de couture de Paris et par la maison Francesco Smalto, avant de se lancer à 25 ans dans l’aventure aux côtés de l’entrepreneur belgo-marocain Chakir Belhaloumi. Qui pour sa part, connaissait déjà bien le milieu de la mode pour avoir distribué pendant dix ans Thierry Mugler et Kenzo. Victor a commencé le métier très tôt avec 92

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des maîtres tailleurs parisiens réputés comme le mythique Claude Rousseau qui lui a transmis sa passion, ses secrets de fabrication et son goût de la finesse. Aujourd’hui, les affaires sont florissantes pour ces deux associés qui se sont connus via Instagram, où Victor postait régulièrement ses créations pour Smalto. Il connaissait déjà le Maroc en tant que touriste et trois ans plus tard, il n’envisage plus de vivre ailleurs. Victor se décrit humble, respectueux et honnête et, à l’écouter, on a très envie de le croire. Chez son associé marocain, c’est le côté spontané et le AFRIQUE MAGAZINE

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MEHDI MOUNIR (2)

par Loraine Adam

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sens du relationnel qui rime avec humour qu’il apprécie tout particulièrement : « Notre collaboration se passe très bien. Nous sommes complémentaires. Chakir s’occupe de tout ce qui est gestion, administration, vente… Et moi du style, du marketing et de la fabrication. On a chacun notre domaine mais on se consulte régulièrement et nous ne faisons jamais rien sans l’accord de l’autre. » Aujourd’hui, Sidi Marrakech Tailoring propose plusieurs gammes que Victor définit ainsi : « Le prêt-à-porter, avec tous les standards à avoir dans sa garde-robe, le sur-mesure ou grande mesure avec plus de 2 000 références (à partir de 12 000 dirhams, soit 1 100 euros environ). Et, bien entendu, la haute couture où j’exprime mon style et mes goûts. » À part lui, toute l’équipe est marocaine. Meriem, la directrice, est un des piliers de la maison. Autour d’elle, s’activent une vingtaine de tailleurs, apiéceurs, culottiers, giletiers et accessoiristes qui réalisent vêtements, ceintures, portefeuilles, pochettes, cravates, boutons de manchette… « L’artisanat marocain est l’un des plus complets au monde : cuivre, poterie, damasquinerie (gravure de l’acier), tannerie, maroquinerie, couture, ferronnerie, zellige (mosaïque)… Toutes les matières premières sont exploitées, c’est un travail ancestral connu et reconnu. » Deux autres boutiques ont été ouvertes, à la Mamounia et au Royal Palm, et des défilés sont organisés au Royal Mansour. Victor rêverait d’habiller James Bond. En attendant, c’est l’acteur Mourad Zaoui qui a lancé leur notoriété, paradant sur les podiums avec une veste à doublure ornée du drapeau marocain. Depuis, show-biz, personnalités politiques africaines et autres stars internationales telles que le chanteur Akon, l’acteur Saïd Taghmaoui, le groupe Fnaïre ou le judoka Teddy Riner et le producteur RedOne, fréquentent les lieux. « Notre clientèle est à 80 % marocaine. Pour le moment, nous nous concentrons sur le Royaume AFRIQUE MAGAZINE

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Le savoir-faire local est valorisé : si les étoffes proviennent de tisserands étrangers, les petites mains qui leur donnent forme sont, elles, exclusivement marocaines.

mais on nous sollicite depuis un moment pour exposer notre travail à l’étranger. Cela se fera très bientôt, je pense. » Dès le début de l’aventure, ils ont reçu des propositions de rachat. « Mais ce serait idiot d’abandonner notre part maintenant. Nous préférons évoluer à notre rythme, sans être soumis aux conditions de grands groupes car généralement, c’est ce qui freine la créativité au profit de la rentabilité. » La prochaine étape sera l’ouverture d’une extension de 300 m2. Victor aux mains d’or précise : « On y installera ma table de coupe. Le client pourra alors interagir avec moi et suivre la construction du patronage, dans l’esprit d’une cuisine ouverte. Nous préparons aussi de nouveaux défilés mais pour le reste, ce sera une surprise… » ■ 93

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ACUPUNCTURE

La méthode du Qi ! QUI NE CONNAÎT PAS quelqu’un qui, un jour, a attesté avoir été soulagé, comme par magie, par l’acupuncture ? Cette même personne ajoutant qu’elle était même sceptique au départ… De fait, cette discipline médicale permet d’apporter une réponse différente à des problèmes de santé fréquents, auxquels la médecine classique n’est pas parvenue à donner des solutions satisfaisantes. L’acupuncture est une branche de la médecine traditionnelle chinoise. Les premiers écrits y faisant référence datent d’avant Jésus-Christ, et ses principes fondamentaux ont été décrits il y a environ 2 000 ans dans un ouvrage qui fait toujours référence (le Huangdi Neijing). Mais ce n’est qu’au XXe siècle que sa pratique a connu une réelle diffusion mondiale. Théorie de base de cette approche thérapeutique : les maladies sont liées 94

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à une perturbation de l’équilibre énergétique. L’acupuncture consiste à stimuler des points spécifiques de l’organisme afin d’agir sur le Qi (ou Chi), l’énergie en mouvement dans le corps selon la tradition chinoise, le but étant de rétablir la bonne circulation de cette énergie. Les points d’acupuncture sont situés le long de trajets appelés méridiens, qui parcourent l’ensemble de l’organisme, et qui sont en relation avec les différents organes et structures du corps (cœur, foie, poumon, muscles, os, sang…). La stimulation est effectuée le plus souvent par l’implantation et la manipulation de fines aiguilles. Mais d’autres moyens sont parfois utilisés comme de bâtonnet d’armoise (citronnelle) générant de la chaleur (moxas) ou, désormais aussi, l’électricité, les aimants ou les lasers. AFRIQUE MAGAZINE

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Cette pratique TRADITIONNELLE chinoise, basée sur l’équilibre des énergies, répond souvent à des affections que la médecine classique soigne mal. Introduction au monde des AIGUILLES guérisseuses…

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Des indications nombreuses L’acupuncture a fait l’objet de vastes publications scientifiques. Les motifs les plus fréquents de consultation concernent les douleurs chroniques pour lesquelles la médecine conventionnelle n’offre qu’un soulagement des symptômes (avec, parfois, des effets secondaires médicamenteux). Sont notamment prises en charge ainsi des lombalgies chroniques, des cervicalgies, des douleurs ostéo-articulaires liées à de l’arthrose par exemple, des maux de tête (céphalées de tension) et des migraines. Des indications pour lesquelles l’Inserm en France (Institut national de la santé et de la recherche médicale) a conclu globalement à des effets bénéfiques dans un rapport d’évaluation en 2014. D’autres troubles peuvent être traités avec efficacité, comme les nausées et vomissements en postopératoire, liés à la grossesse, ou provoqués par une chimiothérapie anticancéreuse. Mais il existe bien d’autres affections concernées : on y recourt beaucoup aussi pour des états de stress ou anxieux, la fatigue ou les troubles du sommeil, des problèmes gastro-intestinaux, des règles douloureuses… Cette thérapie peut aussi soigner des allergies, des problèmes ORL comme les acouphènes, des affections génito-urinaires, ou encore être utilisée pour le sevrage tabagique. En revanche, il n’est nullement question de prendre en charge ainsi le sida ou le cancer.

Les séances en pratique

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VIVRE MIEUX forme & santé

pages dirigées par Danielle Ben Yahmed avec Annick Beaucousin et Julie Gilles

Un médecin acupuncteur commence bien sûr par établir un diagnostic. Puis si le trouble relève bien de l’acupuncture, après un « examen énergétique », il choisit les points à cibler. Selon la pathologie et les habitudes du praticien, le nombre d’aiguilles utilisées varie : de quelques dizaines, à seulement cinq, voire une. On peut ressentir une petite douleur à l’endroit de la pose. Les points d’acupuncture sont stimulés en moyenne durant 10 à 20 minutes, parfois moins. Les risques d’effets indésirables sont extrêmement rares, du moins dans les pays où les aiguilles sont jetable. En revanche, l’usage de matériel non stérilisé dans certaines parties du monde peut être source d’infections et de contaminations virales. Quant au nombre de séances nécessaires, il dépend du problème à traiter et est très variable. En général, deux à trois séances permettent déjà de constater l’efficacité du traitement, mais cinq à six sessions en moyenne peuvent être nécessaires. ■ AFRIQUE MAGAZINE

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DEUX CONDIMENTS QUI FONT DU BIEN !

Ils donnent de la SAVEUR à nos aliments, mais ils peuvent aussi faciliter la DIGESTION. LES VERTUS des épices sont souvent mises en avant. Bien moins le sont celles des condiments. En voici deux qui méritent particulièrement votre assiette.

• La moutarde. Concoctée avec les graines d’une plante de la famille des crucifères, elle est une excellente source de vitamines (C et B) et minéraux (calcium, magnésium). Grâce à ses composés soufrés, elle limite la fermentation dans l’intestin et la production de gaz, et lutte également contre l’aérophagie. Enfin, elle contient des antioxydants qui neutralisent les radicaux libres, agissent en prévention de cancers et de maladies cardiovasculaires. • Le raifort. Cette plante autrefois appelée « pénicilline du jardin » se trouve sous forme de sauces toutes prêtes, de poudre ou de racine à râper, sur les marchés. Le raifort est riche en vitamine C, bien plus que l’orange ! On lui accorde des vertus dépuratives et stimulantes. Et grâce à des substances anti-infectieuses, il booste les défenses immunitaires ! ■ 95

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Limiter aussi son exposition

Les POLLENS sont de retour ! Et avec eux, le pénible « rhume des foins ». Voici quelques réflexes pour se soulager. ÉTERNUEMENTS, nez qui coule et se bouche, picotements, yeux rouges… Les symptômes de la rhinite allergique due aux pollens sont facilement reconnaissables. Et selon les pollens auxquels on est sensible, ils peuvent durer durant des semaines, voire plusieurs mois. On peut grandement limiter la gêne au quotidien, en agissant sur plusieurs fronts. D’abord, on n’hésite pas à prendre des comprimés antihistaminiques disponibles en automédication : ils sont efficaces pour atténuer rapidement l’écoulement nasal, les éternuements et démangeaisons, ainsi que les désagréments oculaires. Certains de ces médicaments ayant l’inconvénient d’induire un risque de somnolence, on demande au pharmacien ceux qui n’en entraînent pas ou très peu, à base de cétirizine ou loratadine (nombreux génériques). Si les symptômes durent des semaines, il faut les prendre en continu. Il existe aussi des antihistaminiques en spray nasal ou en collyre en vente libre : ils peuvent être employés en complément si besoin. Parallèlement, on mise sur une « toilette pollens ». On lave son nez avec un spray d’eau de mer ou avec un spray spécifique « nez allergiques » enrichi en cuivre et manganèse. Les yeux, on les nettoie au sérum physiologique ou à l’eau, en insistant sur les cils qui accrochent les pollens. Bon à savoir : des sprays nasaux préventifs sont proposés depuis peu (Allergyl, Sterimar Stop Protect…). Utilisés avant de sortir et au cours de la journée, ils forment comme un gel sur la muqueuse nasale pour constituer une « protection barrière » à l’attaque des pollens. 96

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EN BREF VIVRE MIEUX EN PÉDALANT Les personnes se rendant au travail à vélo ont deux fois moins de risque de développer des maladies cardiovasculaires ou des cancers que celles qui prennent leur voiture ou les transports en commun. C’est la conclusion d’une étude ayant porté sur plus de 250 000 personnes, menée par l’université de Glasgow, et publiée dans le British Medical Journal. Marcher est également bénéfique vis-à-vis des maladies cardiovasculaires, mais un peu moins (distance plus courte, effort plus modéré). AFRIQUE MAGAZINE

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ALLERGIES : COMMENT FAIRE FACE ?

Mesure importante : ne pas aggraver les troubles. Il est conseillé d’aérer son intérieur tôt le matin ou tard le soir, pas en journée car il y a énormément de pollens dans l’air, d’autant plus s’il fait soleil et en cas de vent. En pleine période de troubles, on évite d’aller se promener au vert pour ne pas s’exposer. Et en voiture, on roule vitres fermées. Autres précautions auxquelles il faut penser : on ne sèche pas son linge dehors en saison d’allergie, car les pollens viennent s’y coller ! Quand on fait du jardinage, on enlève aussitôt après sa tenue, et on se douche. Enfin le soir, on lave non seulement son visage, mais aussi ses cheveux (rinçage à l’eau), ou on les brosse bien pour ne pas garder les pollens sur soi, et éviter qu’ils ne se déposent sur l’oreiller et titillent la nuit. Si malgré toutes ces mesures, des symptômes très gênants persistent, mieux vaut consulter son médecin : il peut prescrire d’autres médicaments dispensés uniquement sur ordonnance, par exemple des corticoïdes pour venir à bout de l’obstruction nasale. ■

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GRAISSE ABDOMINALE : ON NE LA LAISSE PAS S’INSTALLER !

Quand on travaille toute la journée sur écran, on pense à faire des pauses : si possible une dizaine de minutes par heure, en se consacrant à une autre tâche. Autre bon réflexe : on regarde au loin de temps en temps.

LES MÉDECINS alertent de plus en plus sur l’excès de graisses au niveau du ventre. Il augmente la fabrication de substances inflammatoires libérées dans le sang, faisant le lit d’affections comme le diabète, l’hypertension, l’encrassement des artères, et donc de problèmes cardiovasculaires. Il peut aussi avoir un impact sur le foie avec accumulation de graisse dans cet organe et un risque de stéatose hépatique non alcoolique (danger de cirrhose, puis de cancer). Mieux vaut prévenir. On surveille son tour de taille avec un mètre-ruban : il ne doit pas dépasser 88 cm pour une femme, et 1 m pour un homme. Pas loin de la limite ou juste au-dessus ? On augmente son activité physique : note encourageante, la graisse à la taille est la moins récalcitrante à disparaître ! Marche rapide à raison de 30 minutes minimum par jour, et une autre activité en plus : natation, vélo, abdos deux à trois fois par semaine… On fait aussi attention à son alimentation : on limite les graisses – surtout les plats préparés industriels et les fast-food très gras – et toutes les boissons sucrées. Un tour de taille déjà bien au-dessus de la norme ? Le mieux est de faire le point avec son médecin. ■

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EN BREF

Écrans : 6 bons conseils contre la fatigue visuelle

LES ÉCRANS n’abîment pas la vision. Mais ils la sollicitent énormément. On fixe avec une attention soutenue ; et on cligne peu, ce qui favorise un assèchement de l’œil. D’où une fatigue visuelle, avec des picotements, une sensation d’irritation, de voir moins bien, parfois des maux de tête. Avant tout, on fait un contrôle chez l’ophtalmologiste. Les symptômes peuvent être dus à un trouble visuel ignoré, et une correction peut alors tout changer.

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On prend l’habitude de cligner pour stimuler les sécrétions lacrymales. On fait des clignements complets, avec un contact des paupières du haut et du bas durant 2 secondes, plusieurs fois de suite, et en les serrant fort une fois.

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On décontracte ses yeux avec des mouvements d’assouplissement : on les ferme durant 20 secondes, puis on les fait tourner dans le sens des aiguilles d’une montre. En cas de sensation d’œil sec, on peut utiliser des collyres lubrifiants (dits larmes artificielles) vendus sans ordonnance : ils améliorent l’hydratation de la surface oculaire.

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VIVRE MIEUX forme & santé

Pour protéger ses yeux de la lumière bleue des écrans qui fatigue aussi (et peut en outre être nocive pour la rétine), on s’équipe de verres anti-lumière bleue (verres correcteurs, ou neutres si on ne porte pas de lunettes) : ils apportent un confort. ■

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UNE APPLI POUR SENSIBILISER LES JEUNES AU VIH Cette nouvelle application QiSS, pour « Quizz d’information en santé sexuelle », est recommandée par la Chaire Unesco santé sexuelle et droits humains. Elle est destinée à sensibiliser et informer de manière ludique les 15-25 ans sur le VIH et les infections sexuellement transmissibles. Toutes les questions liées à la sexualité sont abordées sous forme de jeu. Appli gratuite, téléchargeable sur tablette et mobile Apple et Android. 97

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LES 20 QUESTIONS propos recueillis par Astrid Krivian

1. Votre objet fétiche ? Mon téléphone : je ne le lâche jamais, sauf quand je le perds, c’est-à-dire souvent !

3. Le dernier voyage que vous avez fait ? Dubaï. La femme y est très valorisée. Il y a partout des espaces réservés pour elle, dans le métro, les files d’attente, la plage… On y trouve tous les styles : minijupe, niqab, foulard… Après, oui, c’est très surfait, bling-bling… Mais il suffit d’aller aux bons endroits. 4. Ce que vous emportez toujours avec vous ? Mon sac à dos. Un modèle breveté que personne d’autre ne peut ouvrir. En cuir jaune, une couleur pétillante comme j’aime. Il y a toute ma vie dedans. 5. Un morceau de musique ? « Comme un bateau » d’Indila. Elle raconte l’histoire de ma vie : malgré les épreuves, les embûches, elle garde le cap, elle avance, elle fonce…

Samia Orosemane Pour camper ses personnages, inspirés autant par le Maghreb que l’Afrique subsaharienne, la comédienne d’origine tunisienne a recours à une arme d’adhésion massive : le rire. Et fait actuellement un carton au Point-Virgule, à Paris. Fantaisie garantie ! 50 fois ! Ils m’ont donné envie de faire ce métier, même si mon grand maître est Élie Kakou, tunisien comme moi ! 8. Votre mot favori ? Amour. Je voyage, je fais des rencontres, je partage de l’amour sur scène.

6. Un livre sur une île déserte ? Un Coran, pour méditer.

9. Prodigue ou économe ? Il n’y a pas plus panier percé que moi ! Je dépense l’argent avant même de l’avoir touché ! Car il n’a aucune importance ni valeur pour moi. C’est juste un moyen de rendre les gens heureux.

7. Un film inoubliable ? Les Trois Frères des Inconnus. J’ai dû le voir

10. De jour ou de nuit ? Plutôt de nuit. Tout est magique !

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11. Twitter, Facebook, e-mail, coup de fil ou lettre ? Je suis une malade de Facebook ! 12. Votre truc pour penser à autre chose, tout oublier ? Écouter la musique à fond. Et marcher, regarder les autres… 13. Votre extravagance favorite ? Ma vie entière est extravagante ! Je suis la folie incarnée, je ne respecte pas les codes. J’aime faire le contraire de ce que les autres font. Et je me fais tout le temps gronder par mon entourage.

15. La dernière rencontre qui vous a marquée ? Mes deux attachées de presse. 16. Ce à quoi vous êtes incapable de résister ? Un sourire. 17. Votre plus beau souvenir ? Le Festival du rire de Djerba. Papa était assis au premier rang. Et les gens venaient lui dire : « Tu peux être fier de ta fille. » 18. L’endroit où vous aimeriez vivre ? En Tunisie. Ou en Belgique ou au Canada, car les gens sont tellement gentils ! 19. Votre plus belle déclaration d’amour ? Mon mari, au quotidien, sans le dire avec des mots, me soutient. Il supporte mes absences, ne montre pas ses moments de jalousie… Pour moi, c’est la plus belle preuve d’amour qui existe. 20. Ce que vous aimeriez que l’on retienne de vous au siècle prochain ? Que j’étais un distributeur d’amour sur pattes ! ■

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2. Votre voyage favori ? La Tunisie, mes racines. Je cherche tous les prétextes pour m’y rendre.

14. Ce que vous rêviez d’être quand vous étiez enfant ? Comédienne. Adolescente, j’usais de subterfuges pour aller prendre des cours de théâtre en cachette !

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