LES
AFRIQUE MAGAZINE
HORS SÉRIES
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HORS -SÉRIE
AFRIQUE
MAGAZINE
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DÉCEMBRE
2017
DÉCEMBRE 2017
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LES INTERVIEWS EXCLUSIVES DE ◗ ◗ ◗ ◗ ◗ ◗ ◗ ◗ ◗ ◗ ◗ ◗ ◗
KANDIA CAMARA SIDI TOURÉ STANISLAS ZÉZÉ MIKE COFFI PARFAIT KOUASSI MICHEL MERCIER DIDIER ACOUETEY DRAMANE HAÏDARA ISSIAKA KONATÉ STÉPHANE AFFRO IBRAHIMA KONÉ JEAN-PHILIPPE KABORÉ JEAN-FRANÇOIS VALETTE
À l'image du pays, Abidjan est au rendez-vous du XXI e siècle.
LA CÔTE D’IVOIRE,
DEMAIN La société bouge, l’économie évolue, la politique aussi ! Les opportunités et les défis sont là. Enquête sur un pays en profonde mutation.
France 5,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € Canada 9,99 $C – DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € – Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 2900 FCFA ISSN 0998-9307X0
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ÉDITO
PAR zyad limam
UNE HISTOIRE EN MARCHE
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ls seront nombreux le 29 et le 30 novembre à Abidjan pour le 5e Sommet Union africaine-Union européenne. De nombreux chefs d’État feront le déplacement. On parle d’une centaine de délégations, avec les invités, les observateurs, la société civile… Des milliers de participants. Il y a quelque chose qui « pulse » autour de l’événement, qui dépasse les codes un peu compassés de la diplomatie et le cadre des rencontres habituelles et très formatées de l’Union européenne avec ses partenaires continentaux. Il faut d’abord parler chiffres, données objectives : en termes d’échanges commerciaux, la Chine a pris la première place, mais l’UE reste malgré les hauts et les bas, le second interlocuteur du continent, sans vraiment le vouloir, d’ailleurs. Les échanges entre la zone UE et le continent ont plus que doublé depuis 2007. Les exportations africaines vers l’Europe représentent près de 200 milliards de dollars par an. Au-delà du business, il y a justement un changement de perception stratégique. L’Union européenne se retrouve fragilisée par la montée du protectionnisme et du « trumpisme » américain. Menacée aussi par l’affirmation de la puissance chinoise, l’émergence d’une Asie industrieuse. Pourtant, malgré les difficultés, les pesanteurs, l’UE reste la zone la plus prospère du monde, avec des entreprises compétitives. Et aussi un espace unique de liberté, de social-démocratie. Cette Europe se cherche une politique de puissance autonome, elle se cherche des nouveaux partenariats, de nouveaux débouchés pour ses produits. Et elle devra assumer beaucoup plus la charge de sa protection et de sa défense. À son sud, juste là, à peine à quelques heures d’avion, quelques jours de bateau, il y a un continent immense en profonde mutation. C’est le continent du XXIe siècle. Ne serait-ce que par la démographie. L’Afrique comptera 2,5 milliards d’habitants en 2050. 4,5 milliards à l’horizon AFRIQUE MAGAZINE
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DÉCEMBRE 2017
2100. Un être humain sur quatre sera alors africain. Ils seront tous aux portes de la zone la plus riche de notre planète. Climat, sécurité, technologie, potentiel, épicentre de la croissance pour le XXIe siècle, cette Afrique immense sera au cœur des enjeux globaux. L’Afrique aura besoin d’investissements, de coopération sécuritaire et militaire, de technologie. Elle aura aussi la volonté de maintenir une diversité de relation avec ses partenaires pour préserver son indépendance. L’Europe a besoin d’espaces pour ses entreprises, de s’accrocher à de nouvelles locomotives de croissance, à de nouvelles sources d’inspiration et d’énergie. Elle a aussi la nécessité de protéger un modèle démocratique au moment où l’autoritarisme retrouve une triste modernité. Elle a besoin enfin de sécurité, et de contrôler les flux de populations. Les sujets de frictions seront nombreux (commerce équitable, protection des migrants, transferts de ressources, etc.) mais tous les éléments d’un partenariat transformé, révolutionnaire, sont là, sur la table. Il y a une diagonale Nord-Sud, par-delà la Méditerranée, d’Oslo à Johannesburg, qui portera une grande partie de l’histoire du siècle. Autant ou presque que ce qui se passera en Chine et en Asie. Que ce 5e sommet se tienne en Côte d’Ivoire est un symbole tout aussi porteur. Abidjan, capitale économique cosmopolite, s’est imposée en quelques années, comme l’une des grandes portes d’entrée vers l’Afrique. Depuis l’accession d’Alassane Ouattara à la présidence, le pays s’est lancé dans un cycle de reconstruction, de réformes, de croissance. Ici, à l’image du continent, tout est défi et mouvements : importance de la jeunesse, émergence des classes moyennes, enjeux politiques, économiques, éducation, nouvelles technologies… C’est l’ambition, forcément modeste, de ce hors-série : explorer cette Côte d’Ivoire en mutation, cette Côte d’Ivoire de demain. ■ 3
RMO Job Center, l’Expert des métiers R.H. depuis plus de 30 ans Présent depuis plus de trente ans en Côte d’Ivoire, le groupe RMO, initialement spécialisé dans le travail temporaire, est désormais l’expert des métiers R.H. en Afrique de l’ouest francophone. Grâce à son équipe pluridisciplinaire, RMO Job Center vous offre une expertise complète en Ressources Humaines.
HISTORIQUE
1985
Création de RMO Afrique, une filiale de RMO France, en Côte d’Ivoire
1992
Indépendance de RMO Afrique qui devient autonome et est renommé « RMO Côte d’Ivoire »
2004
RMO Côte d’Ivoire est rebaptisé RMO Job Center
2006
Création de la filiale RMO Mali
2009
Création de la filiale RMO Burkina-Faso
2011
Création de la filiale RMO Togo
2017
Aménagement dans les nouveaux locaux et Inauguration du nouveau siège du Groupe RMO Job Center
SA VOCATION Renforcer le capital humain pour contribuer au développement des entreprises. Cette mission s’accomplit au travers de quatre axes majeurs : Le recrutement des compétences, La gestion du capital humain, Le développement des potentiels , L’efficacité des organisations.
Ò La synergie de ses services
Organisé en 6 départements, la complementarite de ses departements fait de rmo job center un partenaire à chaque étape de la gestion de vos projets RH. SOUS TRAITANCE L’externalisation d’une partie de vos activités vous permet de vous recentrer sur votre cœur de métier. Maîtrisez vos coûts et donnez de la flexibilité à votre organisation. A votre demande, RMO Job Center réalise un diagnostic de votre organisation et de son environnement et vous propose des solutions de partenariat répondant à vos objectifs. TRAVAIL TEMPORAIRE Grâce à sa base de données de plus de 130 000 candidats actifs, vous repondrez a un besoin temporaire, immediat. RECRUTEMENT Grâce à ses outils
de gestion et d’évaluation et à ses recruteurs de talent, RMO est à même de proposer une sélection des meilleurs profils, même les plus rares, en adéquation avec vos besoins. FORMATION RMO renforce aussi bien les compétences de vos collaborateurs que de vos intervenants sur sites. Son habilitation FDFP, vous permet de bénéficier du remboursement partiel ou total de votre plan de formation sur différents domaines. CONSEIL RH Depuis plus de 30 ans RMO a capitalisé des expériences dans tous les secteurs d’activités et dans tous les domaines des ressources humaines. A votre demande, vous pourrez bénéficier d’un audit organisationnel et d’un conseil à la gestion de vos effectifs, afin d’optimiser l’organisation de vos
ressources humaines et améliorer vos performances. Ses experts vous accompagnent également sur le plan juridique, pour évoluer sans risque parmi les nombreuses lois, sans cesse renouvelées, régissant le droit du travail. MARKETING EVENTS Spécialisés dans la promotion des ventes et du marketing-opérationnel, ses animateurs et ses forces de vente sauront véhiculer vos valeurs et être garant de votre image.
Ò Plus qu’un fournisseur, un partenaire
Précurseur du travail temporaire et de la sous-traitance en Côte d’Ivoire, RMO Job Center est le partenaire idéal en Ressources Humaines. Sa position de leader dans le domaine s’explique par ses atouts porteurs de valeur : Un réseau sous régional et désormais intercontinental En tant qu’expert souhaitant toujours être plus proche de ses clients, la société est solidement implantée en Afrique de l’Ouest avec 7 agences réparties dans 4 pays : la Côte d’ivoire, le Burkina Faso, le Mali et le Togo.
FONDATION RMO RMO Job Center mène une politique active en matière de Responsabilité Sociétale et Environnementale en créant en 2016, la Fondation RMO. L’éducation et la formation étant au centre de ses préoccupations, la Fondation RMO a choisi de soutenir le développement d’un groupe scolaire au cœur de la Côte d’Ivoire : l’école Marc Braillon de Gohitafla (GSMBG). Fondateur de RMO Côte d’Ivoire et co-fondateur du GSMBG, l’entreprise poursuit l’engagement de Marc Braillon par un développement structurel (construction des classes pour 550 élèves, logements des instituteurs) et matériel (sacs à dos, fournitures et bancs scolaires, etc.) depuis 2016. La Fondation RMO prévoit également la construction et l’aménagement d’une salle informatique, en 2018. En parallèle, la Fondation RMO oriente ses actions dans le domaine de la santé. Elle soutient l’association « sourire d’un jour » qui intervient annuellement sur des enfants atteints de malformations faciales. La Fondation RMO participe à l’intégration des jeunes en quête d’emplois en partageant l’expertise à l’employabilité de ses consultants métiers, dans les écoles et universités.
CHIFFRES CLÉS
+ DE 30 ANS d’existence
Présence dans
4 PAYS
(Côte d’Ivoire, Mali, Burkina-Faso, Togo)
18 000 COLLABORATEURS (dont 12 000 en Côte d’ivoire et 6 000 dans la sous-région)
300 SITES CLIENTS 7 AGENCES (dont 3 agences en Côte d’ivoire)
Une base de données de + DE 130 000
CANDIDATS
CÔTE D’IVOIRE 16 BP 1808-Abidjan 16 Tel : +225 21 21 35 35 BURKINA FASO BP 1242-Ouagadougou CMS 11 Tel : +226 25 36 00 09 MALI BP E4501-Bamako Coura Tel : +223 20 23 88 80/81 TOGO BP 1451 Lomé Tel : +228 22 27 91 48 FRANCE Domaine de Chosal 74160 Archamps Tel : +33 4 50 31 90 20
PUBLI REPORTAGE
inscrits sur son site internet (le plus grand vivier de chercheurs actifs en Côte d’Ivoire)
et de vous consacrer à vos priorités stratégiques. RMO respecte et se conforme aux obligations légales en matière d’assurance civile, d’agrément d’exercice et de déclaration fiscale et sociale. La garantie de travailler avec un partenaire respectant des normes internationales (agrément SMETA attribué par Global Sedex) engagé ans une démarche qualité. Une surface financière, des experts internes et des consultants externes dédiés, pour mettre à votre disposition les moyens humains et matériels, capables de répondre à toutes les attentes d’un partenariat gagnant-gagnant RMO étudie votre projet, le met en place, gère et préfinance les salaires de la main d’œuvre.
AFRIQUE MAGAZINE
Son positionnement sous régional et ses réseaux vous garantissent un recrutement de profils hautement qualifiés, dans tous les secteurs d’activités. Une maîtrise du marché du travail ivoirien grâce à 30 années d’expérience La longévité et le rayonnement de RMO lui permettent de s’adapter aux contraintes liées aux différents secteurs d’activités et à l’environnement économique. Forte de son expérience sectorielle, RMO apporte un soutien aux entreprises sur les aspects salariaux, organisationnels et légaux du travail. Une parfaite connaissance du cadre juridique Devant les nombreux défis liés à la formalisation des documents administratifs et face à l’évolution de l’activité de l’entreprise et son influence directe sur ses effectifs, l’entreprise doit constamment ajuster sa politique de gestion des ressources humaines pour se conformer au nouveau code du travail. Avoir recours aux services de RMO vous permet de limiter vos risques juridiques
HORS-SÉRIE DÉCEMBRE 2017 LES
AFRIQUE MAGAZINE
HORS SÉRIES DÉCEMBRE 2017
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LES INTERVIEWS EXCLUSIVES DE
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KANDIA CAMARA SIDI TOURÉ STANISLAS ZÉZÉ MIKE COFFI PARFAIT KOUASSI MICHEL MERCIER DIDIER ACOUETEY DRAMANE HAÏDARA ISSIAKA KONATÉ STÉPHANE AFFRO IBRAHIMA KONÉ JEAN-PHILIPPE KABORÉ JEAN-FRANÇOIS VALETTE
À l'image du pays, Abidjan est au rendez-vous du XXI e siècle.
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DEMAIN La société bouge, l’économie évolue, la politique aussi ! Les opportunités et les défis sont là. Enquête sur un pays en profonde mutation.
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PHOTOGRAPHIE DE COUVERTURE : NABIL ZORKOT
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ÉDITO Une histoire en marche
106 L’INSTANTANÉ
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DIDIER ACOUETEY « Le secteur privé doit s’impliquer dans la formation »
INTERVIEWS
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KANDIA CAMARA « Que tout le monde pose balle à terre et œuvre à la cohésion ! »
DRAMANE HAÏDARA « Le développement dépendra de l’investissement dans l’éducation »
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STANISLAS ZÉZÉ « Les fondamentaux restent solides »
ISSIAKA KONATÉ « La diaspora a tous les atouts en main »
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STÉPHANE AFFRO « Aller vers l’industrialisation de l’immobilier »
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IBRAHIMA KONÉ « Des dispositifs durables et concrets pour le transport routier »
par Zyad Limam
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42
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MIKE COFFI « Abidjan confirme sa position de plateforme financière régionale » PARFAIT KOUASSI « Le financement des PME locales reste primordial » SIDI TOURÉ « Notre jeunesse est la priorité »
104 JEAN-FRANÇOIS VALETTE « Deux continents intimement liés sur le plan humain, mais aussi stratégique et économique » AFRIQUE MAGAZINE
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DÉCEMBRE 2017
DR (2)
par Zyad Limam
AFRIQUE MAGAZINE
FONDÉ EN 1983 (34e ANNÉE) 31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE Tél. : (33) 1 53 84 41 81 – fax : (33) 1 53 84 41 93 redaction@afriquemagazine.com
Zyad Limam
p. 24
TEMPS FORTS
zlimam@afriquemagazine.com
Assisté de Nadia Malouli
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La Côte d’Ivoire, demain
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ÉCONOMIE Objectif leadership
Emmanuelle Pontié
34
AGRICULTURE La crise du cacao accélère la diversification
epontie@afriquemagazine.com
nmalouli@afriquemagazine.com
par Zyad Limam
RÉDACTION DIRECTRICE ADJOINTE DE LA RÉDACTION
Hedi Dahmani RÉDACTEUR EN CHEF DÉLÉGUÉ
hdahmani@afriquemagazine.com
Isabella Meomartini DIRECTRICE ARTISTIQUE
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BANQUES L’irrésistible ascension
56
EMPLOI ET FORMATION L’indispensable secteur privé
Éléonore Quesnel
Michel Mercier : « Certains profils intermédiaires sont assez difficiles à pourvoir »
Amanda Rougier PHOTO
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NABIL ZORKOT POUR AM - KAMBOU SIA - NABIL ZORKOT POUR AM
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION DIRECTEUR DE LA RÉDACTION
imeomartini@afriquemagazine.com SECRÉTAIRE DE RÉDACTION
sr@afriquemagazine.com arougier@afriquemagazine.com ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO Lilia Ayari, Dounia Ben Mohamed, Alexis Gau, Virginie Gazon, Issiaka N’Guessan, Sophie Lebeuf.
DIASPORA Un fonds pour catalyser les ressources
VENTES
EXPORT Arnaud Desperbasque TÉL.: (33) 5 59223575 FRANCE Destination Media 66, rue des Cévennes - 75015 Paris TÉL.: (33)156821200
ABIDJAN La dynamique et ses conséquences NUMÉRIQUE Un tremplin pour les jeunes entrepreneurs
80
DÉVELOPPEMENT Les régions à l’avant-garde
84
SOCIÉTÉ Petits changements, vrais bouleversements
ABONNEMENTS Com&Com/Afrique Magazine
p. 34 p. 86
18-20, av. Édouard-Herriot - 92350 Le Plessis-Robinson Tél. : (33) 1 40 94 22 22 - Fax : (33) 1 40 94 22 32
afriquemagazine@cometcom.fr COMMUNICATION ET PUBLICITÉ AMC Afrique Méditerranée Conseil 31, rue Poussin - 75016 Paris Tél.: (33)1 53 84 41 81 – Fax: (33)1 53 84 41 93 GÉRANT Zyad Limam DIRECTRICE GÉNÉRALE ADJOINTE Emmanuelle Pontié regie@afriquemagazine.com CHARGÉE DE MISSION ET DÉVELOPPEMENT Elisabeth Remy
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IMMOBILIER Le boom des produits « clés en main »
AFRIQUE MAGAZINE HORS-SÉRIE EST UNE PUBLICATION ÉDITÉE PAR 31, rue Poussin - 75016 Paris. PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL ET DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Zyad Limam.
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TRANSPORTS Plus vite, plus loin, plus efficace
Compogravure : Open Graphic Média, Bagnolet. Imprimeur: Léonce Deprez, ZI, Secteur du Moulin, 62620 Ruitz.
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MÉDIAS Ce qui va changer dans le paysage audiovisuel
100 DIPLOMATIE Le retour sur l’échiquier mondial AFRIQUE MAGAZINE
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DÉCEMBRE 2017
Commission paritaire : 0219 / I 856 02. Dépôt légal : novembre 2017. La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos reçus. Les indications de marque et les adresses figurant dans les pages rédactionnelles sont données à titre d’information, sans aucun but publicitaire. La reproduction, même partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction. © Afrique magazine 2017.
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UN TRAVAIL DÉCENT POUR TOUS L’action du Bureau international du travail en Côte d’Ivoire et dans la sous-région EMPLOI
epuis sa création en 1919, l’Organisation internationale du travail (OIT) promeut la réalisation du travail décent qui traduit l’aspiration de liberté, et de dignité de chaque homme et femme, à un emploi rémunérateur, exercé dans un contexte de sécurité, de liberté, de dignité. Le Bureau international du travail (BIT), secrétariat de l’OIT, apporte un appui technique et financier à ses mandants – gouvernement, syndicat et patronat – en vue de la mise en œuvre de cet agenda. Dans tous les pays couverts par le BIT Abidjan (Côte d’Ivoire, Bénin, Burkina Faso, Mali, Niger, et Togo), les priorités des Programmes par pays de promotion du travail décent (PPTD) portent sur l’emploi des jeunes, des femmes, et des personnes handicapées ; l’extension de la protection sociale ; le renforcement du dialogue social.
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Appui à la promotion de ll’emploi pour la lutte co contre la pauvreté (APERP) Mettre en œuvre la décision Met adopt lors du Sommet extraordiadoptée te à Ouagadougou en 2004, naire tenu de placer l’e l’emploi au cœur des politiques économiques eet sociales afin de lutter contre la pauvreté : tel est l’objectif poursuivi par le projet APERP, financé par la France, qui intervient dans quatre thématiques : 1. Améliorer la gouvernance du marché du travail 2. Faciliter la transition de l’économie informelle à l’économie formelle 3. Améliorer l’employabilité de la main-d’œuvre 4. Renforcer les capacités des mandants tripartites de l’OIT dans les domaines techniques de l’emploi couverts par le projet. Améliorer l’employabilité des jeunes ruraux dans les circuits productifs au Mali Au Mali, sur financement du Grand-Duché du Luxembourg, le BIT contribue au développe-
ment des compétences et à l’employabilité des jeunes ruraux dans les chaînes de valeur agricoles, particulièrement dans trois filières (riz, sésame et fonio) avec des enjeux en termes de sécurité alimentaire et de croissance économique. Le projet met en œuvre une stratégie intégrée pour: - doter les institutions de formation professionnelle d’outils pour l’entrepreneuriat et le travail décent - renforcer les systèmes d’orientation professionnelle - promouvoir des entreprises rurales durables. Entreprises et travail décent : la responsabilité sociale des entreprises multinationales En Côte d’Ivoire, sur financement de la France, le BIT mobilise les entreprises autours des pratiques responsables, inclusives et durables recommandées par la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de l’OIT.
C o n t a c t : M. Dramane Haidara, Directeur du Bureau de Pays de l’OIT pour la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Togo Tél. + 225 20 31 89 00
PROTECTION SOCIALE
Adresse : Immeuble CCIA, av. Jean-Paul II 01 BP 1387 - Abidjan - Côte d’Ivoire
Dialogue social pour l’extension de la protection sociale Dans un contexte où seule une infime proportion de la population est couverte par les systèmes existants de protection sociale, l’extension de la protection sociale est au cœur du dialogue social. Au Togo, sur financement de l’OCDE, le BIT a contribué à la reformulation et des axes stratégiques de la politique nationale de protection sociale. Au Niger, le BIT a apporté des conseils techniques à la réorganisation des priorités en matière de mise en place du socle de protection sociale.
DROITS AU TRAVAIL Lutte contre le travail des enfants Au Mali, au Niger et au Burkina Faso, le BIT appuie les efforts nationaux de lutte contre le travail des enfants, avec un focus sur le secteur de l’Agriculture. Certaines de ces initiatives font l’objet de partenariats novateurs avec le secteur privé et le gouvernement du Brésil au titre de la coopération sud-sud. En Côte d’Ivoire, le projet CLEAR (Engagement et Assistance au Niveau Pays pour réduire le travail des enfants), financé par les Etats Unis, soutient le fonctionnement du Système national de suivi du travail des enfants (SOSTECI). Le BIT s’attache également à soutenir les initiatives de coopération sous régionales de
lutte contre la traite et le travail des enfants initiées par la Première Dame de Côte d’Ivoire, Madame Dominique Ouattara. Gouvernance du travail Dans le contexte où près de 90% des travailleurs se trouvent dans l’économie informelle, le BIT renforce la conformité des TPE/PME (Très Petites / Micro et Petites Entreprises) avec les droits fondamentaux au travail et les règles de santé et sécurité au travail. Le projet GOUVERNANCE, financé par la France, apporte pour ce faire un soutien aux inspections et administrations du travail et contribue à consolider l’engagement des organisations d’employeurs, de travailleurs et des gouvernements. Il intervient dans deux à trois secteurs prioritaires, avec le BTP comme secteur commun, dans cinq pays (Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Togo, Tunisie, Madagascar).
Mail : Abidjan@ilo.org
RENFORCEMENT DES PARTENAIRES SOCIAUX ET DU DIALOGUE SOCIAL Appui au Patronat Le Conseil National du Patronat du Burkina a réalisé une évaluation de l’environnement propice aux entreprises durables au Burkina Faso et la confédération Générale des Entreprises de Côte d’Ivoire a réalisé une l’analyse des besoins en compétences des entreprises. Le BIT a aidé le Conseil National du Patronat du Mali à mettre en place un service de formation en dialogue social et techniques de négociations des conventions collectives en faveur de ses membres. Le BIT a également mis à la disposition du Conseil National du Patronat du Togo un logiciel de gestion de ses adhérents et formé ses cadres sur l’administration et l’utilisation de la base de données. Appui aux syndicats Le BIT renforce la capacité des organisations syndicales de travailleurs, par exemple en matière de négociation et de dialogue social pour mieux faire respecter les normes dans l’économie informelle au Burkina Faso ou, en matière de stratégies et politiques syndicales pour promouvoir les droits et conditions de travail des travailleurs migrants au Mali.
PUBLI REPORTAGE
En 2019, l’Organisation internationale du Travail – la plus ancienne institution spécialisée du système des Nations Unies – célébrera son 100e anniversaire. L’OIT et ses partenaires entendent œuvrer ensemble afin de permettre à l’Organisation de relever les défis qui iront de pair avec la réalisation de son mandat de justice sociale pour l’avenir et qui consiste à garantir un travail décent à toutes et à tous dans le cadre de l’agenda 2030 pour le développement durable.
AFRIQUE MAGAZINE
Conférence des Premières Dames d’Afrique de l’Ouest et du Sahel, 17-18 octobre 2017
Site web : www.ilo.org/africa
CHARLES PLATIAU/AP/SIPA
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HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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DÉCEMBRE 2017
TEMPS FORT
La Côte d’Ivoire,
demain
En six ans, le pays a beaucoup changé. Mais la modernisation est exigeante. Réconciliation, unité, élections, démocratie, création de richesses nouvelles, luttes contre les inégalités… Ce qui fera l’avenir se joue maintenant.
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par Zyad Limam
oici donc la Côte d’Ivoire, au cœur du golfe de Guinée, peuplée de près de 25 millions d’habitants (ce qui la place au 55e rang mondial démographique). Un grand pays, 322 462 km2 entre mer, forêt et étendues semi-désertiques, des lagunes d’Abidjan et des plages de San Pedro jusqu’aux portes du Sahel. Le produit intérieur brut (PIB) se situe aux alentours de 35 milliards de dollars. Ce qui en fait la 15e économie africaine, et aux alentours de la 100e mondiale. Avec un revenu par habitant d’environ 1 500 dollars ou de 3 600 dollars en parité de pouvoir d’achat. Au même niveau que l’Inde, et un peu plus que le Kenya. Un pays de richesses et de potentialités, mais où le développement humain reste encore insuffisant, avec un IDH en forte progression mais qui reste trop bas. Mais, ici, en terres ivoiriennes, on revient de loin, de très loin. La nation fondée par Félix Houphouët-Boigny, indépendante depuis 1960, portée par le miracle du cacao (1er producteur mondial) a connu une très longue crise politico-militaire, avec des épisodes proches de la guerre civile ou de la partition. Une chute longue de deux décennies, de la fin des années 90 (coup d’État de Noël 1999) au début de 2011 et l’élection d’Alassane Ouattara. Vingt ans de divisions politiques, d’éclipse, de surplace, de mal-développement. Une génération mise de côté en quelque sorte. Avec la tragédie électorale de 2010 comme paroxysme. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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TEMPS FORT
DES AMBITIONS LÉGITIMES Évidemment, comme souvent, la première discussion se trouve à nouveau sur le terrain politique. L’élection présidentielle de 2020, la succession supposée d’Alassane Ouattara, focalise les ambitions, aiguise les appétits. La révision constitutionnelle et surtout la nomination du fidèle entre les fidèles, du fils politique, Amadou Gon Coulibaly, comme Premier ministre ont lancé la séquence… Les appareils s’agitent autour de ce but, de ce Graal, l’élection présidentielle. Au sein Amadou Gon Coulibaly, Premier ministre, fidèle second, s’investit sur le front économique.
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Il faut gouverner le pays, accentuer les réformes, maintenir le cap de l’émergence… 2020, ce n’est pas maintenant. du RDR, où certains veulent assumer, proposer ou imposer leur statut d’héritier. Au sein du PDCI, où l’on estime parfois que l’échéance doit impérativement jouer en leur faveur. Mais aussi au sein des forces militaires de l’ex-rébellion, proche de Guillaume Soro, qui plaident que leur temps est venu… Et puis, il y a aussi les nostalgiques du Gbagboïsme qui espèrent que leur chef historique pourrait être libéré rapidement. Qu’une telle évolution pourrait juste bouleverser les rapports de force… Pourtant, « 2020, ce n’est pas maintenant » pour reprendre une expression présidentielle. L’échéance est à trois ans. Et en attendant, les mois comptent, il y a un mandat à accomplir, il faut gouverner le pays, accentuer les réformes, maintenir le cap de l’émergence, chercher les investissements et les investisseurs. 2020, ce n’est pas maintenant, et les politiques de tous bords auraient certainement tort de sous-estimer le président. ADO est bien là, à la tête du pays. Soucieux de réussir, de contrôler l’agenda, se laissant certainement encore plusieurs mois avant de fixer son propre cap. Et de toute façon, décidé à imprimer sa marque sur l’après, sur la suite. Par ailleurs, et pour reprendre encore une fois une parole présidentielle, tout le monde peut y aller, tout le monde a le droit d’avoir des ambitions. Chacun peut prétendre à être élu. Le président aussi, même si lui-même semble en avoir exclu l’hypothèse. Des poids lourds pourraient tenter leur chance. Mais la Côte d’Ivoire a changé. En 2020, l’élection sera une élection et personne ne pourra être « désigné » ou « adoubé ». Personne ne gagnera sans convaincre les Ivoiriens qu’il ou elle incarne une perspective de croissance, de stabilité, de progrès durable. De projection vers l’avenir. Les électeurs auront le dernier mot. C’est le processus démocratique, et c’est probablement l’une des évolutions les HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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ROLAND KEMP/SHUTTERSTOCK/SIPA
Le 6 mai 2011, Alassane Dramane Ouattara entre, enfin, à la présidence et prend ses fonctions. Il s’engage dans le très grand chantier de la reconstruction nationale. Politiquement, le pays retrouve de la stabilité, un centre de gravité, avec une équipe soudée, et un président qui préside activement. Et qui pose comme objectif l’émergence. Depuis, la Côte d’Ivoire s’est imposée comme l’une des économies les plus dynamiques du continent, portée par des taux de croissance annuelle élevés, de 8 % à 10 % par an. La pauvreté recule, pas assez vite certainement, mais elle recule. L’objectif est de se positionner dans les années à venir comme un pays à revenu intermédiaire. ADO est réélu largement en 2015. Une nouvelle Constitution est adoptée par référendum, en octobre 2016, avec la volonté d’une réorganisation des pouvoirs adaptés au pays. Le pari, économique, politique, est d’ampleur. D’autant plus que pour reprendre les données démographiques, si importantes dans le devenir d’une nation, les Ivoiriens seront près de 50 millions en 2050 ! 2011-2017. Six ans. Et pourtant le pays a déjà beaucoup changé, il change, il est en mouvement. La machine est lancée. Entre le court terme et le moyen terme, les défis, enjeux de demain se bousculent.
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Le vrai défi, c’est la jeunesse. 40 % des Ivoiriennes et des Ivoiriens ont moins de 25 ans. plus importantes du pays, son inscription dans une forme de modernité politique, portée par une jeunesse plus éduquée, ambitieuse, ouverte sur le monde, des classes moyennes émergentes. Comme souvent en politique, le progrès et le conservatisme vont souvent ensemble, le premier entraînant le second. Les événements récents, les mutineries qui ont marqué le début de l’année 2017, les polémiques sur les caches d’armes, le désarmement, montrent aussi que tous les paramètres de la crise électorale de 2010-2011 n’ont pas été entièrement dépassés. Le positionnement des acteurs politiques, « classiques », repliés sur les bases régionales, reflète les schémas d’hier. La Côte d’Ivoire, malgré les immenses progrès des années ADO, reste un pays en construction, dont les ressorts politiques sont encore marqués par l’ethnicité, les fidélités claniques, les fraternités d’armes. La clé du futur reste donc plus que jamais la capacité du pays à se rassembler, à s’unifier, à se réconcilier, à s’accorder autour de principes de gouvernance et d’exercice du pouvoir relativement partagés. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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La naïveté serait de croire que ce chemin est facile. Mais l’expérience ivoirienne, celle de la quasi-guerre civile, de l’affrontement entre frères, alors que tout cela semblait si improbable, au pays d’Houphouët, cette expérience douloureuse peut servir maintenant positivement. Les Ivoiriens ont vu ce qui pouvait être perdu et détruit. Ils recherchent avant tout la paix et la stabilité. Ils sont dans le vivre-ensemble, même si c’est parfois plus par nécessité, que vraiment avec le cœur. Les comptes judiciaires des deux décennies de crise n’ont pas tous été réglés. Dans les familles, on pense à ce frère, ce fils, ce cousin, cette sœur, cette mère qui a été victime. En termes de réconciliation, beaucoup a été fait, mais il reste un long chemin à parcourir. Et peut-être que les uns et les autres, ceux qui dont la voix résonne un peu plus fort, devraient se faire entendre, raconter l’autre version du roman national. Celle du récit d’une Côte d’Ivoire une, mais multiple, diverse. Une et diverse, du grand Nord, au grand Sud, au grand Centre, au grand Ouest. Une et diverse, chrétienne, musulmane, animiste, agnostique aussi pour certains. Le récit d’une terre de métissages, d’une nation créée par l’histoire, née de la fusion 13
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et particulièrement des cours du cacao, est venu souligner que la reconstruction économique n’est pas à l’abri d’un retournement brutal de conjoncture. Mais le pays a aussi montré une capacité de résistance surprenante. Même si la diversification sera un effort de longue haleine, elle est en marche. Et les investisseurs privés mais aussi multilatéraux, ont confiance dans le potentiel du pays. Abidjan s’impose comme l’une de portes d’entrée majeures sur sa zone proche (l’UEMOA, la Cédéao) mais aussi sur un continent immense en développement, en mouvement. L’émergence n’est pas juste un slogan politique. Si l’on prend un taux de croissance moyen de 8 % à 10 % par an depuis 2011-2012, on peut estimer que la richesse nationale globale du pays a plus que doublé. C’est impressionnant. Ça se voit sur le terrain, en particulier avec les grands projets d’infrastructures. Mais la répartition a mal suivi. Les revenus modestes n’accompagnent pas la courbe de la croissance. Les classes moyennes renaissantes se sentent fragilisées. Enfin, les paramètres sociaux (indice de pauvreté) restent toujours faibles par rapport au dynamisme de l’économie. Les effets de l’attractivité ne sont pas tous positifs (prix, coût de la vie…). Les progrès génèrent plus de demandes, d’exigences de la part de citoyens mieux informés. FAIRE ÉMERGER « L’AUTRE » CÔTE D’IVOIRE Pour réussir, il faut toujours plus de croissance, mais aussi, Cette modernisation politique ne peut se faire sans le et dorénavant, une meilleure redistribution des richesses et maintien d’une politique économique active, pro-croissance, des revenus. Faire en sorte que le progrès vienne vers les soutenue par les partenaires extérieurs. Et qui permet de petits revenus, qu’il sorte aussi d’Abidjan. Que la croissance lutter contre la pauvreté et d’émanciper la grande majorité vienne toucher les zones rurales et les zones périurbaines. des citoyens. La démocratie ne peut exister qu’avec le déveC’est l’objectif que s’est fixé l’équipe du Premier ministre Amaloppement économique. L’émergence ne peut fonctionner que daou Gon Coulibaly. Faire entrer « l’autre » Côte d’Ivoire dans si les citoyens ont confiance dans leurs pouvoirs publics. l’émergence. L’État peut beaucoup, il doit favoriser l’initiative, Le choc financier, lié à la baisse des matières premières, l’entreprise, moderniser les textes, la fiscalité, mais ne pourra pas tout. Le salut ne dépendra Une politique économique active, qui pas que de la puissance publique et/ou des inclut le développement du tourisme. Ici, la cultures de rentes. Le secteur privé, l’artisanat, station balnéaire d’Assinie, près d’Abidjan. le commerce, les services, le tourisme, l’industrie de transformation sont la clé de la croissance de demain, des emplois. La Côte d’Ivoire doit pouvoir compter sur ses grandes entreprises. Mais pas uniquement. De très nombreux Ivoiriens peuvent et doivent devenir entrepreneurs, dans le commerce, dans l’artisanat, dans l’agriculture, dans les services… Tout cela pourrait paraître bien ambitieux et bien optimiste. Mais ici, en Côte d’Ivoire, on y croit. On y croit parce que l’on revient de loin et que le potentiel est là. On y croit aussi parce que le pays est jeune, que 40 % des Ivoiriens et des Ivoiriennes ont moins de 25 ans. Que beaucoup d’entre elles et eux sont venus à l’âge adulte après les crises. Ils sont la force de demain. ■ 14
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de vagues différentes de migrations africaines, mais aussi celle du colon et de l’homme blanc, d’Europe ou d’Orient, et qui se sont « fondues » dans une même entité moderne. Il y a quelque chose d’unique dans ce melting-pot. Au-delà des divergences, des différences souvent instrumentalisées pour des raisons politiques, un pays, une identité commune se forge. Ce récit positif, unificateur, doit pouvoir se traduire dans une réalité politique. Qui renforce la stabilité, le ciment. Plus que jamais, le pays a besoin de dépasser les clivages organisés du passé. Plus que jamais, la Côte d’Ivoire a besoin d’un pôle politique majoritaire qui va au-delà des clans, des frontières ethnico-culturelles, des chapelles territoriales. La clé du présent, de maintenant, c’est tout d’abord l’alliance entre le RDR et le PDCI. C’est la cohésion de chaque parti et des deux, ensemble. Mais l’une des clés de l’avenir reste la mise en place de cette incontournable structure unifiée, le RHDP (Rassemblement des houphouëtiste). Un RHDP qui incarne avant tout des valeurs politiques, des valeurs de modernité, qui apporte un regard différent et novateur sur la démocratie ivoirienne et qui permet de sortir, progressivement, des carcans du passé.
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PUBLI REPORTAGE
LA CCI CÔTE D’IVOIRE ACCUEILLE LA 43 ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE LA CPCCAF e
INTERVIEW
KANDIA CAMARA
« QUE TOUT LE MONDE POSE BALLE À TERRE ET ŒUVRE À LA COHÉSION ! » Ministre de l’Éducation nationale, de l’enseignement technique et de la formation professionnelle, elle est aussi, depuis septembre, la nouvelle secrétaire générale du Rassemblement des républicains (RDR). Unité, jeunesse, emploi… Elle s’explique sur les objectifs et les ambitions de son parti. propos recueillis par Dounia Ben Mohamed
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AM : Le parti RDR est désormais incarné par de nouveaux visages. Sur le fond, quelles sont les évolutions apportées par le dernier congrès ? Kandia Camara : Rappelons tout d’abord qu’Henriette Diabate, l’actuelle présidente du RDR, m’a précédée comme première femme secrétaire générale. Elle a été la première à accéder à ce niveau de responsabilité partisan en Côte d’Ivoire. Ces évolutions découlent des instructions du président d’honneur du parti, le chef de l’État Alassane Ouattara. Le RDR existe depuis vingt-trois ans. Pour continuer à répondre aux attentes de la population, il aspire à se remettre en question et à se renouveler. Avant le dernier vote, nous avons tenu un précongrès dans toutes les régions du pays pour prendre le pouls du terrain, et recueillir ses recommandations. À commencer par la cohésion au sein du parti, l’ouverture et l’implication de tous. Les militants sont en demande de plus de solidarité, d’activités, de formation. Ils veulent un mouvement plus fort, conquérant, avec un large rayonnement, prêt à relever tous les défis, présent à toutes les échéances, et vainqueur. Notre mission sera précisément de répondre à ces attentes des militants. Lors des dernières élections législatives, des indépendants ont été élus. Une surprise et une nouveauté dans la vie politique locale. Peut-on y voir un avertissement pour les partis traditionnels, notamment le RDR ? Il est vrai que pendant les élections législatives les formations politiques traditionnelles, et pas seulement le RDR, ont été secouées par l’apparition de candidats indépendants. Cela doit peut-être nous amener à nous interroger sur le mode de sélection des candidatures. Cela dit, en interne, nous sommes en train d’en tirer les leçons en tenant compte de l’avis exprimé par la base. Tout cela pourrait se régler avec davantage d’ouverture au sein du parti, une plus grande communion entre cette base et la direction. Il faut établir un cadre d’échanges entre les deux. Rien ne sera imposé, tout se fera de manière concertée. C’est pourquoi je suis très optimiste quant à l’avenir du RDR. Qu’en est-il de l’alliance avec le Parti démocratique de Côte d’Ivoire ? L’approche de l’alternance prévue en 2020 a suscité des ressentiments au sein de votre famille politique. Pour preuve, le retard constaté dans la création du futur parti unifié… Cela ne suscite pas de tensions. Le président d’honneur nous a demandé de travailler sur la cohésion du RDR, mais également du RHDP (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix), et de nous atteler à la préparation de ce parti unifié. Le président Henri Konan Bédié l’a confirmé récemment lors du troisième anniversaire de l’appel de Daoukro, discours ayant scellé l’alternance en 2020. Une position partagée par les présidents des autres partis qui 20
« Il n’y a pas de “problème Soro”. Il fait toujours partie du RDR. Notre rôle est avant tout de travailler à la réconciliation et à la cohésion. » doivent composer le RHDP. La volonté est affichée, les textes ont déjà été élaborés par mon prédécesseur et ses équipes… Je peux vous assurer que la création de ce parti est une question de semaines, tout au plus de mois. La détermination est là. Le président Alassane Ouattara a été réélu pour un deuxième mandat qui prendra fin en 2020. Il est en train de s’appliquer à répondre aux engagements pris. Pour l’heure, la priorité est de continuer à travailler pour le bien-être des Ivoiriens. Notre population aspire à vivre dans de meilleures conditions. Beaucoup de progrès ont été accomplis depuis la crise, dans tous les domaines sociaux, mais il reste à faire. Et la priorité du président est de créer un environnement apaisé pour consolider la stabilité, la sécurité et la paix. Autant de facteurs essentiels à l’installation de conditions favorables au développement économique. Plus de deux millions d’emplois ont déjà été créés. Ce n’est pas encore suffisant, car de nombreux jeunes restent sans emploi. Dans le domaine de l’éducation, nous avons adopté une loi pour rendre l’école obligatoire avec un objectif de 100 % d’enfants scolarisés. À ce jour, nous avons atteint les 95 %. Depuis le précédent taux de 77 %, un pas de géant a été fait. Dans le domaine de la santé, les infrastructures, l’accès à l’eau et l’électricité restent des priorités. Le chef de l’État a décidé de faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent à l’horizon 2020, et le chantier est vaste. Nous souhaitons que tous les Ivoiriens se concentrent sur cet objectif. Chaque chose en son temps. À l’heure du débat, nous serons au rendez-vous et nous donnerons notre avis. N’est-ce pas justement la mission de l’exécutif du parti de « calmer les ardeurs » ? À l’approche de l’échéance 2020, HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Université d’Abidjan. L’éducation est un vecteur prioritaire : sur les cinq dernières années, 170 collèges et lycées ainsi que 19 000 classes supplémentaires ont été créés. Et une loi de juillet 2015 a rendu obligatoire la scolarité pour tous les Ivoiriens de 6 à 16 ans. les ambitions personnelles se font entendre et des cadres importants semblent avoir déjà quitté les rangs, à l’image de Guillaume Soro, par exemple… Je vais reprendre ce qu’Henri Konan Bédié a dit, car je suis d’accord avec lui : « Laissez le président Ouattara travailler jusqu’à 2020. » C’est loin. Nous avons encore des problèmes à régler, des objectifs à atteindre. C’est la raison pour laquelle je lance un appel à l’apaisement. Que tout le monde pose balle à terre et œuvre à la cohésion sociale et à la paix. Il n’y a pas de raison de créer des tensions. Cet appel vise d’abord les militants, ensuite le RHDP, mais également l’ensemble de la société. Nous avons besoin d’un climat serein pour travailler sur les chantiers évoqués. Et, contrairement aux rumeurs qui circulent, Guillaume Soro fait toujours partie du RDR. Il n’y a pas de « problème Soro ». Notre rôle est HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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avant tout de travailler à la réconciliation et à la cohésion, conformément aux instructions du président. La question de la réconciliation reste sensible. La dynamique économique ne semble pas suffire pour garantir le vivre-ensemble… Il ne faut pas oublier d’où nous venons. En accédant à la magistrature suprême, le chef de l’État a hérité d’un pays en situation chaotique. Les banques étaient vides, les fonctionnaires s’interrogeaient sur le versement de leurs salaires, sans compter les problèmes d’infrastructures. La Côte d’Ivoire avait été exclue du concert des nations. En moins de six ans, le président a presque réalisé un miracle. Le pays a retrouvé sa place au sein de la communauté internationale, connaît une croissance forte, avec des investissements et des chantiers qui se poursuivent. C’est grâce à Alassane 21
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Ouattara, dont la conviction profonde est que la vie des Ivoiriens peut être meilleure. Ces sacrifices ne doivent pas être vains. C’est pourquoi je demande encore un peu de patience aux citoyens. Le changement demande du temps. Ensemble, œuvrons à la consolidation de la paix et de la sécurité, la condition sine qua non du bonheur. Votre ministère, par son impact sur l’enfance, est au cœur des réformes sociétales de l’émergence de « l’Ivoirien nouveau ». Pouvez-vous nous parler de la série d’innovations introduite dans le système éducatif ivoirien : initiation à l’entrepreneuriat dès le primaire, apprentissage de l’anglais, retour des valeurs ? Le président a décidé de mettre l’accent sur l’éducation, socle du développement et de l’émergence. Des investissements massifs ont été réalisés, comme la création de 19 000 classes en cinq ans et de 170 collèges et lycées, le recrutement de plus de 40 000 enseignants, sans compter toutes les réformes que vous avez citées. À ces dernières j’ajouterai l’enseignement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, ou encore la formation continue des enseignants. La jeunesse doit être bien formée pour trouver sa place sur le marché de l’emploi. Parce qu’il n’y a de richesses que d’hommes. Nous voulons une Côte d’Ivoire émergente. Il faut des hommes et des femmes pour atteindre cette ambition. Comment faire de cette jeunesse un atout et non une bombe à retardement ? En prenant le taureau par les cornes et en misant sur l’éducation de base et la formation. Puis la sécurité. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises s’implantent en Côte d’Ivoire et créent des emplois. Par ailleurs, un ministère dédié à la jeunesse a été mis en place pour que les talents puissent trouver des espaces d’expression et contribuer efficacement au développement du pays. Notre défi est aussi de faire en sorte que ces derniers s’investissent ici plutôt qu’à l’étranger, au terme de traversées périlleuses. Certes, nous rencontrons des problèmes liés à l’emploi de ceux qui arrivent sur le marché du travail, mais c’est un phénomène mondial. La France et les États-Unis font face à la même problématique. Chacun y travaille pour que la jeunesse soit épanouie, confiante en elle-même, mais aussi en l’avenir de son pays. C’est notre priorité. Les dernières échauffourées à l’université d’Abidjan ont contraint les autorités à prendre des mesures contre les syndicats étudiants. On vous a entendu dire que politique et violence n’avaient pas leur place à l’université… Nous sommes dans un État de droit. N’importe qui ne peut pas faire n’importe quoi. Nous créons pour la jeunesse un environnement où s’épanouir. La violence et les revendications permanentes ne peuvent pas établir les conditions nécessaires à l’enseignement. Encore une fois, il ne faut pas 22
« Il faut faire en sorte que nos jeunes s’investissent, ici, chez nous, plutôt qu’à l’étranger, au terme de traversées périlleuses. » être amnésique, mais se souvenir du passé. Avant 2011, nos écoles étaient en proie à la violence armée. Les temps d’apprentissage étaient escamotés cinq à six mois par an, et les résultats scolaires étaient lamentables. Le rapport d’État du système éducatif national (Resen) de la Banque mondiale a d’ailleurs dressé un bilan catastrophique. En tirant les leçons de ce rapport, nous avons décidé, avec les parents, les enseignants et les élèves, de mettre en place un code de bonne conduite avec une règle claire : plus de violences à l’école. Notre responsabilité est d’accroître l’accès à l’éducation en augmentant le nombre de classes, la qualité des enseignements, les équipements… Établir un cadre propice au bon apprentissage. Cela passe aussi par le respect du calendrier scolaire. Depuis 2011, la rentrée se fait chaque année à une date précise, les examens ont lieu selon le calendrier prévu, et le nombre d’heures d’apprentissage répond aux normes recommandées par l’Unesco. Nous travaillons pour une éducation de qualité. Notre jeunesse doit être compétitive et donc formée selon les standards internationaux. Mais nous devons la protéger pour qu’elle puisse se concentrer sur ses études. Cela passe aussi par l’application de la loi selon laquelle les mineurs ne peuvent pas pratiquer une activité politique ou associative. Rappelons qu’en Côte d’Ivoire, on obtient sa majorité à 20 ans. Syndicats et partis politiques n’ont donc pas leur place dans nos établissements. Cela dit, les élèves ont des conseils de classe où ils peuvent exprimer leurs revendications, et les établissements sont tenus d’y répondre. Nous voulons des élèves disciplinés, qui aiment leur patrie et cultivent les valeurs de paix, de sécurité, de respect de la différence, et visent l’excellence afin de devenir, demain, les adultes accomplis qui contribueront efficacement au destin de leur pays. ■ HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Infrastructures, industries, énergie, tourisme… Avec l’un des plus forts taux de croissance de la sous-région, le pays voit grand et parie sur l’émergence. Reste à relever le défi social et à répartir plus équitablement ces nouvelles richesses.
par Dounia Ben Mohamed, envoyée spéciale à Abidjan
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usqu’ici tout va bien. Et même très bien. Le tableau macroéconomique de la Côte d’Ivoire affiche de nombreux bons points : la croissance reste solide avec des perspectives positives pour les trois prochaines années (7,5 % en 2019) ; la marque « Côte d’Ivoire » est de plus en plus attractive ; et la confiance des bailleurs de fonds, Banque Mondiale et FMI en tête, demeure au rendez-vous. Les deux institutions financières internationales continuent à miser sur le pays, perçu comme une valeur sûre dans un contexte régional difficile. L’impact limité de la baisse des cours du cacao, par la réduction de 5 % des dépenses de fonctionnement des ministères notamment, montre que la diversification de l’économie s’accélère, avec des niches qui accroissent HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I D É C E M B R E 2 0 1 7
Signe de la bonne santé économique, l’avenue Anoma, dite « rue des banques », au Plateau, montre une intense activité.
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un toit sur la tête. » Loin d’être un cas isolé, nombre PRINCIPAUX INDICATEURS ÉCONOMIQUES de diplômés se retrouvent 2014 2015 2016 (p) 2017 (p) contraints à vendre des CROISSANCE DU PIB (%) 8,8 9,0 7,5 7,9 puces de téléphone au coin INFLATION (MOYENNE ANNUELLE) 0,4 1,2 0,7 1,5 des rues, à garer les voitures SOLDE BUDGÉTAIRE*/PIB (%) -2,3 -3,0 -4,0 4,5 dans les parkings du Plateau DETTE PUBLIQUE/PIB (%) 46,5 48,9 49,0 48,3 ou encore travailler comme Le solde budgétaire est la différence entre le niveau des recettes employés de maison. Au et le niveau des dépenses constatées dans le budget de l’État. Source Coface cœur de cette problématique : l’inadéquation entre le niveau de formation des jeunes et les besoins du marché local. Une sa résilience face aux fluctuations du prix des matières presituation qui n’est pas propre à la Côte d’Ivoire, mais qui mières. Sans oublier l’amélioration du climat des affaires et revêt, dans ce contexte post-crise, d’autres dimensions. Autre de la gouvernance attestée par la progression dans le classeombre au tableau du « second miracle ivoirien », celui de la ment Doing Business 2017 de la Banque mondiale : la Côte réconciliation, dans un pays qui reste dans une configuration d’Ivoire y figure à la 21e place sur 47 pays africains. d’après-guerre où les tensions sont palpables. La question « Sur le papier, il n’y a rien à redire, c’est certain, reconnaît de l’alternance en 2020 hante aussi les esprits : alors que Parfait Kouassi, 1er vice-président de la Chambre de coml’alliance entre le président Ouattara et l’ancien président merce et d’Industrie ivoirienne. Mais… » Mais les défis à de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, semble révolue, la relever demeurent nombreux et sont de taille. La question de Côte d’Ivoire évitera-t-elle une nouvelle lutte pour le pouvoir, la sécurité intérieure reste centrale avec les épisodes de mutiavec le risque d’instabilité que cela suppose ? neries de militaires, partiellement réglées, et le phénomène des « microbes », ces jeunes délinquants qui sèment la terreur dans la capitale. S’ajoute la préoccupation de l’emploi. Aussi « MANGER LA CROISSANCE » solide soit-elle, l’économie nationale ne crée pas suffisam« Il ne faut pas oublier que l’on revient de loin. Le pays ment d’emplois pour intégrer tous les jeunes qui sortent de était, il y a six ans à peine, coupé en deux, en proie à la l’école. « La nourrice de mes enfants a un bac + 2, elle gagne guerre civile… », rappelle Kandia Camara, ministre de l’Éduenviron 100 euros par mois. Mais son seul souci, c’est d’avoir cation et nouvelle secrétaire du Rassemblement des répu-
La transition énergétique s’accélère Centrales thermiques classiques ou à biomasse, solaires, hydrauliques… L’effort est porté tous azimuts. Objectif : répondre aux besoins en doublant la production d’ici trois ans.
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ancé en 2011, le programme de renforcement du parc électrique a permis en moins de cinq ans de faire passer la production de 1 200 à 2 000 mégawatts (MW), fournie essentiellement par quatre centrales thermiques (à hauteur de 70 %) et six centrales hydrauliques (moins de 30 %). Pour accompagner les ambitions de l’émergence, il faudra aller beaucoup plus loin, beaucoup plus vite. Désormais, il s’agit d’atteindre les 4 000 MW à l’horizon 2020. Avec un double objectif : augmenter la capacité énergétique tout en réduisant le recours aux énergies fossiles (66 % actuellement). La part des énergies renouvelables (hors hydraulique) atteindra les 11 % d’ici à 2030, contre moins de 5 % aujourd’hui. Pour cela, un investissement
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de 16 milliards d’euros est prévu dans le secteur d’ici 2030, financés en grande partie par le privé. Le modèle : des partenariats publics-privés (PPP) dans lesquels l’État s’engage à acheter l’électricité qui sera produite. De nombreux projets sont déjà à pied d’œuvre. Dans le domaine de l’hydroélectricité, outre le barrage de Soubré, opérationnel, d’autres barrages sont au programme, dont ceux de Boutoubré, de Louga et de Gribo-Propoli, soit 500 MW au total. Des centrales thermiques sont également en chantier. Et concernant l’énergie solaire, le français Engie a annoncé la construction d’une centrale à Bouaké d’une capacité de 150 MW. Côté biomasse, dont le potentiel est très important en Côte d’Ivoire avec la valorisation des déchets issus des industries du cacao,
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blicains (RDR), le parti au pouvoir. Depuis 2011, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, au risque d’oublier parfois que les plaies sont loin d’être cicatrisées. D’autant qu’à force d’entendre le monde entier saluer les prouesses économiques de la Côte d’Ivoire, les Ivoiriens s’impatientent et aimeraient eux aussi « manger la croissance ». À l’inverse, le coût de la vie a flambé, notamment dans la capitale économique, victime de son attrait. Abidjan concentre toute l’activité, les grands chantiers, les nouveaux services et loisirs. Alors que, dans le reste du pays, l’emploi, l’embellie macroéconomique et l’émergence… sont des chimères inaccessibles. Ceci étant, même le plus exigeant des observateurs de la scène ivoirienne, Stanislas Zézé, à la tête de l’agence de notation Bloomfield, se veut rassurant. « Il faut arrêter avec les scénarios alarmistes. Les fondamentaux sont là. Un pays comme la Côte d’Ivoire ne s’écroulera pas de sitôt. Surtout pas pour des épiphénomènes liés à des conjonctures transitoires ». Issiaka Konaté, directeur des Ivoiriens de l’extérieur, Monsieur Diaspora en somme, ne mesure pas son enthousiasme : « Ce pays à un avenir radieux devant lui ! Il va falloir que les Ivoiriens en prennent conscience et se mettent au travail. » Certains le font déjà. Dans le secteur du numé-
rique notamment, une niche pour les jeunes entrepreneurs. Force est de constater qu’aujourd’hui de nombreux Ivoiriens et Ivoiriennes se saisissent des opportunités qu’offrent les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), en développant des solutions de « mobile monnaie » en zone rurale, des applications pour améliorer la prise en charge des victimes d’accident, ou encore des jeux vidéo 100 % made in Côte d’Ivoire. Ce secteur, en plein essor grâce à la vivacité endogène, a convaincu les autorités de poser les bases d’une économie numérique, source de croissance inclusive.
DEUX MILLIONS D’EMPLOIS CRÉÉS
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Dans un pays où la culture d’entreprendre entre timidement dans les mœurs, des initiatives portées par le secteur privé, comme la CGECI Academy, commencent à porter leurs fruits et permettent à une nouvelle génération d’Ivoiriens d’intégrer le marché du travail. « On n’a pas encore le recul pour savoir si ces nouvelles entreprises vont passer le cap des trois ans, mais c’est prometteur », estime Parfait Kouassi, pharmacien de son métier. Pour accompagner les jeunes entrepreneurs, l’État a établi une feuille de route : mise en place d’un ministère dédié, création de l’agence pour l’emploi des jeunes et d’un guichet unique qui centralise l’accès à l’information, l’accompagnement, le financement et l’incubation. Déjà, quelque 2 millions d’emplois
OLIVIER
Le barrage de Soubré, dans le sud-ouest du pays, a été inauguré officiellement le 2 novembre dernier.
de coton, de palmier à huile, une centrale de palmiers est attendue dans la région d’Aboisso (sud-est du pays, proche du Ghana) au premier semestre 2019, avec une puissance installée de 66 MW. Enfin, ce développement énergétique se fait de concert avec les populations. Le projet « Daoukro Énergies » prévoit la construction de centrales solaires photovoltaïques et thermiques à biomasse, d’une capacité de 350 MW chacune, mais également des infrastructures
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socio-économiques et culturelles sur un espace de 1 200 hectares offert par les villageois de Dengbê et d’Anoumabo. Un projet mené par un consortium ivoiroitalien via la société « Daoukro Énergies », filiale du consortium SERES Synergies Holding SA, dont le coût global s’élève à 1,6 million d’euros. Ce type d’initiatives renforce le positionnement du pays comme bourse énergétique régionale. La Côte d’Ivoire fournit de l’électricité au Burkina Faso, au Mali, au Ghana, au Togo, au Bénin et bientôt à la Guinée-Conakry et au Liberia. Au total, la Côte d’Ivoire a investi, entre 2011 et 2017, 7 000 milliards de francs CFA (plus de 10 milliards d’euros) dans le secteur. ■
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TEMPS FORT
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ont été créés depuis 2011. Il en faudra plus, et plus vite. La jeunesse fait partie des priorités du chef de l’État, qui appelle à l’avènement de l’Ivoirien nouveau et d’une nouvelle génération de citoyens exemplaires. Plus active et consciente, cette nouvelle génération n’a pas connu le premier miracle ivoirien sous le président Houphouët-Boigny. Détachée de ce passé, elle bouscule la société ivoirienne de l’intérieur, en imposant ses propres codes, ses propres aspirations. Une génération « engagée » comme l’exprime Edith Brou, blogueuse, l’une des figures les plus influentes de la sphère numérique ivoirienne : « Les jeunes Ivoiriens, avec l’ouverture d’esprit que leur offre l’accès à Internet, ont compris que l’État-providence c’était fini. Ils aspirent à la paix, à un travail décent et à l’autonomie financière. Ils veulent un meilleur système éducatif et de santé, accessible aux plus pauvres, moins de taxes et plus de transparence. On peut dire que nous sommes les vrais Ivoiriens nouveaux. Bercés par les NTIC, engagés dans des causes sociales, pressés par le changement et des actions concrètes, fiers de leur pays qu’ils veulent voir grand et puissant, exaspérés par la corruption, l’injustice, l’incivilité… Une génération connectée à ses semblables du continent, fière de son africanité et panafricaine. » Alors que 77 % de la population a moins de 35 ans, ce dynamisme démographique pourrait se révéler à double tranchant : un atout majeur ou une véritable bombe à retardement. Pour la désamorcer, il faudra être en mesure de canaliser la créativité et le dynamisme de cette jeunesse, sous peine de la voir être manipulée par les extrêmes en tout genre. Un défi dont les autorités ont aujourd’hui pleinement conscience. Sur le plan politique, l’élection d’indépendants, lors des dernières législatives, a sonné comme une alerte pour le RDR. Le 3e congrès ordinaire du parti, qui s’est tenu en septembre dernier, se voulait une réponse à cet avertissement. La présence remarquée et remarquable du chef de l’État Alassane Ouattara a permis de resserrer les rangs au
LES CHIFFRES ESSENTIELS
Secteur primaire :
Une diversification économique équilibrée par rapport aux autres pays de la sous-région.
du PIB
21 %
L’INDE, UN AMI QUI VOUS VEUT DU BIEN
C
’est en marge d’une rencontre entre des membres du gouvernement ivoirien et des opérateurs indiens, en octobre dernier à Abidjan, que le chiffre a été « lâché ». Entre 2015 et 2016 Les investissements de l’Inde vers la Côte d’Ivoire ont enregistré une hausse de 300 % . Cette augmentation des échanges globaux représente un montant de 624 millions de dollars (environ 310 milliards de francs CFA), selon le secrétaire général du ministère ivoirien des Affaires étrangères, Adom-Kacou Houadja. Parmi les secteurs concernés, l’énergie, l’agriculture et les technologies de l’information et de la communication. Signe de l’intérêt porté par l’Inde, le président Pranab Mukherjee se trouvait en visite sur les bords de la lagune en juin 2016, et a rencontré son homologue ivoirien. Le message de la Côte d’Ivoire a consisté à souligner que de tels partenariats stratégiques correspondent aux objectifs annoncés de l’émergence à l’horizon 2020. Avec ses investissements, l’Inde pourrait concurrencer la Chine, le Maroc ou encore la France, qui restent cependant les principaux investisseurs étrangers en Éburnie. ■ D.B.M.
sein d’une formation en proie aux divisions internes. L’attribution de postes clés à des femmes à poigne, Henriette Diabaté à la présidence et Kandia Camara au secrétariat général, a concrétisé ce désir de modernisation du parti. Sans oublier la volonté d’ouverture affichée en direction des alliés, et envers le premier d’entre eux : le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Retardée, la création du
Secteur secondaire :
Secteur tertiaire :
du PIB
du PIB
22 %
57 %
• Un PIB national de 28 milliards d’euros, soit 1000 euros par habitant • Une inflation maîtrisée: de 1,3 à 2 % par an • 48 % de la population est active en 2014, 90 % des emplois dans le secteur informel, 5 % dans le secteur privé formel et 4 % dans le secteur public et parapublic
• 41 % de la population âgée de moins de 15 ans, l’âge médian étant de 19 ans. 28
Source : données officielles du gouvernement ivoirien
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nouveau parti reste au programme, symbole d’une « Côte d’Ivoire rassemblée ». À l’image du parti, la société ivoirienne se renouvelle. Alors que les infrastructures et les transports se modernisent, l’émergence d’une classe moyenne, visible, prouve une amélioration du niveau de vie. Ainsi, selon la dernière enquête réalisée par la Banque mondiale, le taux de pauvreté a reculé à 46 % en 2015. Une prouesse qui s’appuie sur des mesures concrètes comme le prix garanti aux agriculteurs, la mise en place de la couverture maladie universelle et le relèvement des salaires. Ces décisions entraînent dans leur sillage tout un pan de l’activité économique. Les centres commerciaux, immeubles et villas de haut standing se multiplient en même temps que de nouveaux services et loisirs se développent. Incontestablement, Abidjan affiche un nouveau visage. Celui d’une ville moderne, prospère et dynamique.
38 % DES ENGAGEMENTS DU PND DÉJÀ RÉALISÉS Mais ce succès, et ses bons résultats, cela tarde encore à porter ses fruits sur l’ensemble du territoire. La décentralisation de l’activité économique vers des villes stratégiques comme Bouaké, San Pedro ou Man pourrait offrir des alternatives aux défis tels que l’urbanisme, la pression démographique, les inégalités sociales, l’emploi… En atten-
dant d’autres pistes, la locomotive ivoirienne passe en mode TGV. Ainsi, après seulement un an, 38 % des engagements du programme national de développement (PND) pour la période 2016-2020 ont déjà été réalisés. Le PND a obtenu 15,4 milliards de dollars sous la forme de dons et de prêts des bailleurs de fonds. Le groupe de la Banque mondiale s’est engagé à doubler son soutien au cours des quatre prochaines années pour le porter à 5 milliards de dollars environ. La coopération bilatérale contribue également au développement du pays. Les États-Unis ont apporté un financement de 500 millions de dollars dans le cadre du conseil d’administration de Millenium Challenge Corporation (MCC). Et la France, décidée à rester le « partenaire de référence de la Côte d’Ivoire », a annoncé en octobre dernier un nouvel apport de 2 milliards d’euros au PND, dont 1,4 milliard sera consacré à la construction du métro d’Abidjan. Le président français Emmanuel Macron devrait poser la première pierre en marge du sommet Union Européenne-Afrique qui se tiendra dans la capitale ivoirienne en novembre prochain. Après les Jeux de la francophonie en juillet dernier, ce sommet international apportera sans doute l’occasion à la Côte d’Ivoire de démontrer sa capacité à répondre aux défis actuels et d’affirmer son leadership régional et économique. ■
INTERVIEW
STANISLAS ZÉZÉ
« LES FONDAMENTAUX RESTENT SOLIDES » Président-directeur général de l’agence de notation Bloomfield Investment Corporation, le dirigeant revient sur les aspects positifs du modèle ivoirien et sur les faiblesses à corriger. propos recueillis par Dounia Ben Mohamed
AM : Selon la notation de votre agence, la Côte d’Ivoire a obtenu la note A- avec des perspectives stables à long terme, et AA à court terme. Depuis, le pays a fait face à des mutineries ainsi qu’à la chute des cours du cacao… Avez-vous revu votre note à la baisse ? Stanislas Zézé : Absolument pas, la dynamique reste solide. Et cette tendance se retrouve chez toutes les agences de notation. Un pays comme la Côte d’Ivoire ne va pas s’écrouler à cause d’une mutinerie de trois jours. Des événements peuvent assombrir temporairement les perspectives d’un pays sans pour autant affecter les fondamentaux. L’impact de la chute des prix du cacao a été limité grâce à une diversification, récente, de l’économie ivoirienne. La multiplication des apports de croissance permet une meilleure résilience aux chocs extérieurs. Nous ne disons pas que tout va bien car An’est pas équivalent à AAA. Des faiblesses demeurent telles que l’éducation et la formation des compétences, la bonne gouvernance et le système de santé où beaucoup d’efforts restent à faire. En septembre dernier, vous avez publié l’indice de performance du secteur privé ivoirien d’activité (Bloomfield Private Index) selon des données établies en juillet. On observe un léger fléchissement… Ces dernières semaines, le secteur privé affiche un repli d’activités, imputable principalement aux baisses enregistrées par l’agriculture, les exportations, le commerce et le BTP. Les principales difficultés relevées par les entreprises sont relatives à l’administration fiscale et l’accès à l’énergie électrique. D’autres secteurs sont restés dynamiques comme l’élevage, l’industrie, les activités financières et assurances, l’hôtellerie et les activités de service aux entreprises et particuliers. 30
De nouveaux secteurs et services émergent. Quel rôle la classe moyenne joue-t-elle dans cette diversification de l’économie ? L’essor de la classe moyenne n’est qu’une conséquence. Le développement du secteur privé a surtout permis aux rémunérations d’augmenter et au pouvoir d’achat de progresser. Voici les raisons de l’émergence de cette nouvelle classe sociale : son niveau de vie supérieur lui permet de peser sur le marché ; elle demande de nouvelles offres, notamment dans l’immobilier, la mode, l’automobile, le luxe, les services bancaires et les assurances ; et l’attrait pour le luxe correspond à une nouvelle façon de consommer, plus exigeante, et de concevoir la qualité de l’offre de biens et de services. On peut noter comme indicateur de ce cercle vertueux le fait qu’Air France propose désormais deux vols par jour entre Paris et Abidjan, en sus d’un vol quotidien pour Corsair et Brussels Airlines. Cette demande ne comprend pas seulement les voyages d’affaires, mais également les visites privées et touristiques. C’est le signe de la transformation des classes sociales, un pas de plus vers l’émergence. Pour autant, vous alertez sur la situation de la dette en devises dans le dernier rapport Bloomfield Invest. Quels sont les risques pour le pays ? Le stock de la dette, estimé à 42 % du PIB, reste en dessous du plafond de 70 % établi par l’UEMOA (Union monétaire des États d’Afrique de l’Ouest). Ce taux n’est pas alarmant, mais plutôt rassurant. Le problème demeure dans la composition de cette dette qui est à 55 % en devises étrangères. Cette situation peut poser problème à long terme dans la mesure où la Côte d’Ivoire appartient à une communauté économique et monétaire dont les devises sont mutualisées et gérées par une banque centrale indépendante. Elle ne maîtrise donc pas HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Selon Stanislas Zézé, l’essor récent de la classe moyenne est un pas supplémentaire vers l’émergence.
ses réserves en devises. Par ailleurs, leur niveau à l’UEMOA reste bas après cinq mois d’importation. Cette situation ne confère pas un matelas de confort pour des remboursements en devises nationales à moyen terme. L’idéal pour la Côte d’Ivoire et la majorité des pays africains est de s’endetter au maximum en francs CFA. En attendant, la population s’impatiente et tarde à bénéficier des fruits de cette embellie macroéconomique… Structurellement, les inquiétudes concernent le système éducatif. Le débat manque sur la réforme de ce secteur et celui de la santé, alors que ce sont les deux piliers d’un État émergent. Il faut une véritable stratégie de communication sur les actions gouvernementales pour informer les populations de ce qui est fait et leur permettre de mesurer l’impact des réalisations. Sur le plan des infrastructures, les partenariats public-privé (PPP) ont permis de réduire le recours à l’emprunt. Ce modèle répond aux besoins de financements dans le domaine des infrastructures. Après, il faut expliquer à l’opinion que ces investissements, peu productifs à court terme, bénéficieront au pays à long terme. L’État crée le cadre afin que les populations puissent jouir des opportunités. Pourtant, face à la grogne, le gouvernement a dû céder sur l’augmentation du prix de l’électricité… Il s’agit d’une décision politique pour calmer les esprits, mais il est important de comprendre que le prix HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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de l’électricité ne peut rester éternellement statique. Cette augmentation permet d’apporter les investissements nécessaires au développement de la production pour améliorer l’accès à l’électricité et sa qualité. Par ailleurs, un effort de sensibilisation en faveur des ménages sur l’utilisation du réseau est nécessaire pour leur permettre de mieux consommer et d’éviter les gaspillages. Les tensions sociales et la perspective de la prochaine présidentielle sont-elles une source d’inquiétude pour la stabilité du pays ? Sur le contexte sociopolitique, la population est davantage avertie grâce, notamment, aux réseaux sociaux. Des forces vives se sont constituées et catalysent l’action des politiciens. Grâce à ce nouveau moyen d’expression, l’opinion et les populations peuvent peser sur l’action du gouvernement, qui a plusieurs fois dû faire marche arrière. Cette maturité politique s’est exprimée lors des dernières législatives, qui ont envoyé soixante-seize députés indépendants à l’Assemblée nationale. Preuve que le peuple a pris conscience de son pouvoir de sanction. De toute façon, la politique a changé en Côte d’Ivoire. Personne ne peut prédire aujourd’hui qui sera président en 2020. C’est déjà une avancée significative du point de vue démocratique. Comme en France ou aux États-Unis lors des derniers scrutins, le jeu reste ouvert. Ce qui prélude à une normalisation de la vie démocratique. ■ 31
L’Union européenne appuie aussi les productions de produits vivriers
Relations entre l’Union européenne et la Côte d’Ivoire
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epuis 1961, l’Union européenne entretient des relations politiques et économiques privilégiées avec la République de Côte d’Ivoire. Seul partenaire du pays à être resté pendant la crise post-électorale, l’Union européenne a développé un partenariat solide avec le gouvernement ivoirien, qui se veut structurel, permanent, et indépendant des changements et aléas politiques. Aujourd’hui, elle est un partenaire incontournable de la Côte d’Ivoire qu’elle accompagne vers l’émergence. La tenue du 5e Sommet Union africaine-Union européenne à Abidjan les 29 et 30 novembre, précédé de nombreux autres événements renforçant la relation entre l’Afrique et l’Europe, illustre l’intensité de la relation entre l’Union européenne et la Côte d’Ivoire.
L’Union européenne soutient la formation professionnelle des jeunes
L’Union européenne est aujourd’hui le premier partenaire commercial de la Côte d’Ivoire, absorbant 36% de ses exportations et fournissant 26% des produits importés par le pays. En attendant l’avancement des négociations sur l’Accord de partenariat économique au niveau régional, la Côte d’Ivoire est liée à l’Union européenne par l’Accord de partenariat économique intérimaire, entré en vigueur le 3 septembre 2016. Plus de la moitié de l’aide mondiale au développement provient de l’Union européenne et de ses Etats membres, faisant de l’UE le premier donateur au monde et en Côte d’Ivoire. Pour la période 2016-2020, l’Union européenne intervient principalement dans les secteurs suivants en Côte d’Ivoire: > Gouvernance L’Union européenne soutient les efforts du gouvernement ivoirien dans la réalisation de son Plan national de développement (PND), notamment en ses aspects liés à la bonne gouvernance économique, au renforcement de l’état civil et à la justice. Egalement, l’Union européenne appuie la réforme des finances publiques. Elle soutient ainsi la mise en place d’une approche budgétaire axée sur les résultats et le renforcement des statistiques économiques et sociales. > Agriculture, sécurité alimentaire L’Union européenne appuie aussi les productions de produits vivriers, de banane, de coton et de sucre pour améliorer la compétitivité des producteurs ivoiriens. Grâce à son soutien, la production ivoirienne de bananes exportées a ainsi augmenté de 18% de 2000 à 2014, faisant du pays le premier
SOMMET
Union africaine Union européenne
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es 29 et 30 novembre, pour la première fois en Afrique subsaharienne, la Côte d’Ivoire accueille le 5e Sommet Union africaine-Union européenne des chefs d’Etat et de gouvernement. Ce sommet, qui intervient dix ans après l’adoption de la stratégie commune Afrique-UE, constituera une occasion décisive de renforcer les liens politiques et économiques entre les deux continents. Dans son ensemble, l’UE est le principal investisseur étranger en Afrique, son principal partenaire commercial, un garant essentiel de la sécurité et son premier partenaire
exportateur africain de banane. Son soutien au secteur de l’agriculture et de la sécurité alimentaire se traduit aussi par un appui à la sécurisation du foncier rural, un chantier crucial pour la modernisation de l’agriculture, l’investissement et la cohésion sociale dans le pays. > Infrastructures: transport, eau et assainissement, énergie L’énergie représente l’un des trois principaux domaines de coopération de l’Union européenne avec la Côte d’Ivoire pour la période 2016-2020. Ainsi, l’Union européenne contribuera au redressement du secteur énergétique ivoirien pour à assurer la sécurité énergétique du pays de manière durable, afin de fournir une énergie de qualité et à moindre coût.
PUBLI REPORTAGE
la gouvernance, notamment la démocratie, les droits de l’homme, les migrations et la mobilité l’investissement et le commerce le développement des compétences. Les jeunes pourront faire valoir leur point de vue lors de cette rencontre des chefs d’Etat et de gouvernement. Du 9 au 11 octobre, un Sommet de la Jeunesse a ainsi rassemblé 120 représentants d’organisations de la jeunesse à Abidjan. Ils ont adopté une déclaration et des recommandations, sur lesquelles 36 jeunes sélectionnés dans le cadre de la «Youth Plug-in Initiative» de l’UA et de l’UE continueront de travailler. Ils présenteront ensuite ces recommandations aux chefs d’Etat et de gouvernement au moment du Sommet. Selon la Haute représentante/Vice-présidente Federica Mogherini, les dirigeants ne peuvent «pas trouver les réponses appropriées aux besoins des jeunes sans les inclure.» D’autres événements parallèles précèdent le Sommet, notamment le 6e forum des affaires UE-Afrique. Il a pour objectif de stimuler les investissements qui favorisent le développement en Afrique. Les débats menés dans le cadre du forum des affaires porteront tout particulièrement sur les jeunes entrepreneurs et les femmes entrepreneurs.
AFRIQUE MAGAZINE
dans le domaine du développement et de l’aide humanitaire. Dans un paysage mondial en mutation rapide, l’Afrique connaît de profonds changements économiques, politiques et sociaux. Elle revêt une importance de plus en plus évidente pour les dimensions intérieure et extérieure de la sécurité et de la prospérité de l’Europe, d’où la nécessité pour les deux continents de renforcer leurs liens politiques et économiques. La dynamique démographique sera l’un des changements structurels les plus importants dans le monde du XXIe siècle. D’ici à 2050, la population africaine comptera 2,4 milliards de personnes, majoritairement des jeunes. La manière dont ces changements seront gérés politiquement et accompagnés économiquement déterminera l’avenir du continent et d’autres régions du monde. Lors du sommet, les dirigeants africains et européens se pencheront sur l’avenir des relations UE-UA et mettront l’accent sur l’investissement dans la jeunesse et l’emploi. Il s’agit d’une priorité pour l’Union européenne comme pour l’Afrique, 60 % de sa population ayant moins de 25 ans. D’autres priorités du partenariat UE-Afrique seront examinées au cours du sommet, dont: la paix et la sécurité
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AGRICULTURE
LA CRISE DU CACAO ACCELERE LA DIVERSIFICATION En dépit d’une hausse de 28 % de la production, la filière, qui représente 15 % du PIB ivoirien, subit de plein fouet la chute des cours sur les marchés mondiaux. Pour y parer, priorité est désormais donnée à l’activité de transformation, avec un objectif de 50 % à moyen terme. Et, en parallèle, d’autres secteurs s’implantent… par Lilia Ayari 34
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n septembre dernier, l’ambiance morose qui prévalait à l’ouverture des Journées nationales du cacao et du chocolat (JNCC), espace de promotion du label Made in Côte d’Ivoire, était à l’image de la situation dans la filière. Lors de la 4e édition de cette manifestation, organisée à la Caistab, la Caisse de stabilisation et de soutien des prix des productions agricoles, les organisateurs ont joué la carte de la sobriété. Malgré une activité en hausse de 28 %, le domaine se remet difficilement de la chute des cours sur les marchés mondiaux – plus de 30 % entre mars et octobre 2016. Une fluctuation qui révèle la vulnérabilité du secteur – malgré les réformes entreprises – et surtout son poids économique, stratégique pour la Côte d’Ivoire, puisqu’il représente 15 % de son PIB, soit plus de la moitié de ses recettes d’exportation et les deux tiers des emplois directs et indirects, selon la Banque mondiale. Les fruits HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I D É C E M B R E 2 0 1 7
SIA KAMBOU
Pour maintenir le prix d’achat garanti de 700 francs CFA (1,06 euros) le kilo, aux producteurs, le gouvernement a renoncé à une partie des taxes à l’exportation du cacao.
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de la récolte 2016-2017 étaient pourtant bons. Entre 2015 et 2016, la production a augmenté de 28,49 %. Les exportations se montent à 1 926 371 tonnes, soit une croissance de 23,31 %. Preuve, selon Lambert Kouassi Konan, président du conseil d’administration du Conseil café-cacao, l’institution qui encadre la filière, que « la réduction du prix n’a nullement entamé l’enthousiasme et l’ardeur des producteurs ». L’ancien ministre de l’Agriculture reconnaît toutefois une fragilisation du secteur. « Cette campagne a été émaillée d’énormes difficultés, et il est de notre devoir d’en tirer les leçons afin d’envisager l’avenir avec sérénité. » Des difficultés liées selon lui à la surproduction causée par l’abondance des pluies ; au changement climatique ; à la faiblesse de la livre sterling, sur laquelle est indexé le marché du cacao, par rapport à l’euro, monnaie de référence pour le franc CFA ; et à la spéculation. « Un audit de notre système de commercialisation est en cours. Un rapport provisoire a déjà été remis au gouvernement. Le monde de l’économie cacaoyère est à pied d’œuvre pour trouver des réponses à la crise actuelle. Ce n’est pas la première fois, dans notre histoire, que nous connaissons des difficultés, et grâce aux efforts de tous, nous avons pu renverser la situation. Cette fois encore, nous saurons répondre aux défis. »
notre économie ». Après dix années de crise, le président Alassane Ouattara s’est évertué à remettre le secteur primaire au cœur de la politique nationale de développement. Avec des résultats visibles. « La production totale, toutes cultures confondues, est passée de 16 millions de tonnes en 2011 à 24 millions de tonnes en 2016. Ce qui a permis à la Côte d’Ivoire de consolider sa place et de demeurer le premier producteur mondial de cacao devant le Ghana, rappelle Yves Koné. Au-delà du cacao, nous sommes leader mondial pour la production d’anacarde, de noix de cola, de bananes et d’hévéa ; premier exportateur africain d’huile de palme et de mangues. Il n’y a pas que le cacao ! » Un palmarès qui cache mal l’urgence d’accélérer la transformation du secteur agricole, laquelle requiert selon le chef de l’État « une volonté politique, des réformes courageuses, un financement soutenu des infrastructures et un partenariat solide ». Autrement dit, les axes du modèle agricole porté par la Côte d’Ivoire et décliné dans le Plan national d’investissement agricole (PNIA), un programme d’investissement sur la période 2010-2015 en synergie avec le PND, seront portés par un investissement de 2 040 milliards de francs CFA sur cinq ans. Ce programme aboutira à une profonde réforme du système de formation agricole, avec la mécanisation du travail, mais aussi la transformation des produits. En commençant par le cacao. « Il nous faut à présent réaliser des efforts pour que le niveau de transformation suive la tendance de cette production », indique Lambert Kouassi Konan. Dans cette optique, le gouvernement a mis en place un dispositif fiscal et conclu des conventions avec huit unités de broyage. Ce qui va conduire dans les années à venir à une augmentation du niveau de transformation, créer de la valeur localement et des emplois. Transformation, donc, du modèle comme des produits. C’est le mot d’ordre. « Alors que l’année 2018 ne devrait voir aucune amélioration des cours, l’alternative est d’augmenter le taux de transformation locale du cacao, pour atteindre les 50 % de la production nationale », a exhorté Coulibaly Siaka Minayaha, directeur de cabinet du ministre de l’Agriculture, Mamadou Sangafowa Coulibaly. Citant Houphouët-Boigny, il ajoute : « L’avenir de notre pays ne sera garanti que lorsque nous aurons réussi à transformer tout ce que nous produisons. C’était un visionnaire. Si nous avions les capacités industrielles pour transformer au moins la moitié de notre cacao, nous n’aurions pas subi l’impact de ces chocs. » Car si les premières tablettes de chocolat et autres produits dérivés
L’abondance des pluies, les dérèglements climatiques, ainsi que la spéculation sont en cause.
BANANES ET NOIX DE COLA C’est dans ce contexte qu’Yves Koné a pris les rênes du Conseil café-cacao. L’ingénieur agronome, diplômé de l’École nationale supérieure d’agronomie, (Ensa, à Yamoussoukro), succède à Massandjé Touré-Litsé, emportée par la crise qui a causé une perte sèche de 43 milliards de francs CFA à l’État. Pour pallier la conjoncture, le gouvernement a imposé une restriction budgétaire à tous les ministères. Des mesures qui permettent de garantir un prix d’achat aux producteurs de cacao, à 700 francs CFA/kg (1,06 euro) pour la campagne 2017-2018, soit un prix équivalent à la saison précédente. De quoi rassurer les producteurs locaux. Car les revenus distribués sont passés de 3 000 milliards de francs CFA en 2011 à près de 6 000 milliards en 2016. « Ceci est quasiment l’équivalent du budget national de l’année 2017. C’est donc en moyenne 20 % du budget qui est distribué, par an, au monde paysan. C’est pour cela que l’agriculture se porte bien », s’est réjoui le chef de l’État, alors qu’il participait à l’ouverture officielle à Abidjan du 7e Forum sur la révolution verte en Afrique (Agra), rappelant le « choix judicieux de notre premier président Félix Houphouët-Boigny qui, dès l’indépendance, a choisi de faire de l’agriculture le pilier de 36
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du cacao 100 % made in Côte d’Ivoire ont fait leur apparition sur les étals, avec l’implantation de chocolatiers tel que Cemoi, Nestlé ou Mars, seules 30 % des 2 millions de tonnes produites (la moitié de la production mondiale), sont transformées localement. Un manque à gagner aussi important qu’évident. Pour le cacao, mais aussi pour l’anacarde qui, avec un taux de transformation de 7 % pour une production de 700 000 tonnes, illustre le chemin qu’il reste à parcourir. Et des investissements à réaliser. À ce titre, un fonds de garantie de 6 milliards de francs CFA doit voir le jour, selon une annonce faite par le ministre Sangafowa Coulibaly. Le fonds, qui doit bénéficier de l’appui d’une institution de développement allemande, remédiera à l’absence de banque agricole en Côte d’Ivoire par la mise en place de guichets dédiés au financement du secteur au sein des banques commerciales, à l’instar de l’exemple marocain. LES DRONES DÉBARQUENT Pour répondre aux besoins de financement, le gouvernement souhaite aussi associer le secteur privé au PNIA 20152020. Y compris sur le plan de la recherche. Ainsi, dans le cadre d’un PPP, le groupe belge Société d’investissement pour l’agriculture tropicale (Siat), présent en Côte d’Ivoire à travers la Compagnie hévéicole de Cavally (CHC) et la Compagnie hévéicole de Prikro (CHP), a annoncé en septembre un projet de développement rural intégré et de conservation de la forêt classée de Goin-Débé. Signe de la modernisation en marche, des drones ont fait leur apparition dans le secteur. Fruit d’un accord entre Delta Drone et Bureau Veritas, des solutions de precision farming (agriculture de précision) ont été mises en place grâce à la collecte par voie aérienne puis à l’analyse d’informations. Le champ d’application est vaste, allant du comptage d’arbres à l’identification de zones de végétation stressée en passant par l’analyse de l’état sanitaire des plantes, le pilotage de la fertilisation et de l’irrigation. « L’une de nos ambitions, à l’horizon 2020, est de faire de Bureau Veritas un acteur de référence dans l’agroalimentaire en Afrique, a indiqué Marc Roussel, senior vice-président Afrique de la société. Le développement de l’agriculture de précision sera une étape importante dans la mise en œuvre de notre initiative de croissance. Elle est aujourd’hui indispensable pour minimiser les risques et maximiser les rendements. Bureau Veritas va tirer parti du savoir-faire de Delta Drone pour apporter un service plus complet à ses clients. » Et c’est la Côte d’Ivoire, et son modèle, qui a été choisie pour tester le produit avant de le développer dans la sous-région. Un modèle qui sera mis en avant lors de la quatrième édition du Salon international de l’agriculture et des ressources animales d’Abidjan, du 17 au 26 novembre, avec pour thème « Transformation structurelle de l’économie agricole face au changement climatique ». ■ HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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COTON, RIZ, ÉLEVAGE… CES BRANCHES QUI DÉCOLLENT i le cacao vire à l’amer, d’autres filières, à l’inverse, ont le vent en poupe. Ainsi, le coton génère près de 120 milliards de francs CFA de chiffre d’affaires par an et représente entre 5 et 10 % des exportations. Encadré par l’Organisation interprofessionnelle Intercoton, le secteur joue un rôle stratégique en matière d’emplois et de développement de services dans les zones de savane, avec environ 3,5 millions de personnes impliquées. Autrefois dynamique, la filière a périclité du fait de la crise et de la concurrence du cacao ou plus récemment de l’hévéa. Mais elle fait désormais l’objet d’un nouvel élan politique. De même, un programme de relance caféière, qui vise l’amélioration quantitative et qualitative de la production de café, sa transformation, ainsi que de meilleures conditions de vie aux caféiculteurs, a été mis en place par les autorités. Ambition affichée : une production de 200 000 tonnes et un taux de torréfaction de 50 % d’ici 2020. Pour l’heure, la production s’élève à 106 000 tonnes, en baisse par rapport à 2016 du fait de la sécheresse. Toujours dans le cadre de la politique de diversification, le gouvernement table sur le riz : le pays en importeant 600 000 tonnes chaque année, l’objectif est d’inverser la tendance d’ici 2019 et de devenir exportateur. L’accent est aussi mis sur l’aviculture. Une filière « qui connaît 10 % de croissance », assure JeanMarie Akhah, PDG de la Société ivoirienne de production animale (Sipra), président de l’Interprofession avicole ivoirienne (Ipravi) et chef du patronat ivoirien. Production, transformation, fourniture d’intrants et commercialisation, il estime la filière « complète ». Avec 44 500 tonnes produites en 2015, « la filière avicole a réalisé un chiffre d’affaires de 240 milliards de francs CFA pour la période, précise-t-il. Ces performances sont le fruit de la mise en œuvre du plan stratégique de relance de l’aviculture ivoirienne (PSRA) ». Concernant l’élevage, l’« ambition est de produire 60 000 tonnes de viande et 1,678 milliard d’œufs à l’horizon 2020, des objectifs raisonnables eu égard à la qualité des acteurs animant le secteur », selon Kobenan Kouassi Adjoumani, ministre des Ressources animales et halieutiques. Cette filière, et ses 170 000 emplois directs et indirects, est un « outil de lutte contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, le chômage et la pauvreté » a déclaré le ministre, exhortant les acteurs de ce secteur à évoluer vers la fabrication de matériels et équipements « modernes » afin de renforcer la productivité des élevages. ■ L.A.
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TEMPS FORT
Banques L’irrésistible ascension Avec vingt-huit établissements installés à Abidjan, la capitale confirme sa place de plateforme financière incontournable. Le dynamisme du secteur a participé à doubler le taux de bancarisation ces dix dernières années, mais aujourd’hui, c’est sur le terrain du mobile money et du digital que la compétition se poursuit. par Dounia Ben Mohamed
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e secteur bancaire ivoirien est leader au sein de la zone UEMOA. » C’est l’information qui ressort d’un rapport de la BCEAO confirmant le dynamisme d’un secteur qui, avec vingthuit banques et établissements financiers en plus de la présence de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), positionne Abidjan comme le hub financier régional. Dernière arrivée, après la banque espagnole BDK Financial Group et la sud-africaine Standard Bank, la Banque d’Abidjan (BDA). Filiale de la Société ivoirienne des finances holding (SIF), la Banque d’Abidjan est née du partenariat du groupe Banque de Dakar (BDK) et de la Poste de Côte d’Ivoire, qui détiennent respectivement 80 % et 20 % de l’actionnariat. L’établissement compte déployer son réseau dans les deux cents agences de la Poste de Côte d’Ivoire. La BDA offre actuellement des services aux entreprises et à la clientèle haut de gamme. Elle envisage d’ouvrir trente-deux agences sur tout le territoire… Le groupe marocain Attijariwafa Bank, à travers sa filiale Société ivoirienne de banque (SIB), affiche un bénéfice net d’un peu plus de 17 milliards de francs CFA (26 millions d’euros) à la fin 2016, soit une hausse de 15 % par rapport à l’année précédente. Une année également marquée par son entrée réussie à la cote de la BRVM. Ses compatriotes, les groupes Banque populaire et BMCE, sont également sur le marché ivoirien à travers leurs filiales respectives Banque Atlantique Côte d’Ivoire et Bank of Africa Côte d’Ivoire. Les
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banques nigérianes leur emboîtent le pas, sans connaître toujours le même succès, à l’image des problèmes rencontrés par la filiale ivoirienne du groupe United Bank for Africa (UBA), qui enregistre une baisse de 92 % de son bénéfice net entre le premier semestre 2016 et le premier semestre 2017. Les tunisiennes aussi rencontrent des difficultés en Côte d’ivoire, telle la Banque de l’habitat, en lice pour la reprise de la Banque de l’habitat de Côte d’Ivoire (BHCI) et qui s’est finalement fait coiffer au poteau par le canadien WestBridge Mortgage Reit dans le cadre du processus de privation des parts de l’État (51 % de ses 55 %).
LA PERCÉE MAROCAINE SE CONFIRME Et si les banques se disputent la place sous le soleil ivoirien, c’est parce que la dynamique de la locomotive d’Afrique de l’Ouest se répercute sur l’activité bancaire. Selon l’association professionnelle, quelque 536 milliards de francs CFA (817 millions d’euros) ont été accordés sous forme de crédit aux petites et moyennes entreprises ivoiriennes en 2016, soit 13 % du concours des banques à l’économie. Pour 2017, les actifs bancaires globaux pourraient atteindre 9 111 milliards de francs CFA (13,9 milliards d’euros) contre 7 409 milliards l’année précédente. Des chiffres qui témoignent de la bonne santé du secteur. « Les gens ont la mémoire courte, mais en 2011, au moment de la crise, les banques étaient vides, rappelle un opérateur du secteur. Nous étions au bord de la faillite. Il a fallu du HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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L’immeuble du Centre de commerce international, l’un des sites de la Banque africaine de développement (BAD).
temps pour que les premières rouvrent et que d’autres les rejoignent. » Du temps et des réformes – assainissement du climat des affaires, gratuités des services bancaires imposées par la banque centrale dès 2013, etc. – qui ont permis aux acteurs de financer les projets portés tant par l’État que par les opérateurs privés et les particuliers. Un impact économique majeur, important levier de mobilisation de ressources et de renforcement des moyens des établissements de crédit pour financer durablement l’économie. Avec un fort impact social également. En un an, le taux de bancarisation a connu une légère hausse (1,5 point), passant de 14,5 % en 2015 à 16 % en 2016, après avoir doublé en dix ans, (7,1 % en 2007). Une progression honorable, mais pas suffisante, selon Guy Koizan, au regard du potentiel du pays. Il vise désormais les 20 %, invitant les banques commerciales à se rapprocher de leurs cibles, en proposant des produits innovants, des facilités et autres assouplissements pour attirer les clients.
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LE DIGITAL, NOUVEL OBJET DE COMPÉTITION Certaines s’y sont déjà attelées. Comme ailleurs sur le continent, les banques classiques, un temps dépassées par le mobile money, l’ont aujourd’hui pleinement intégré à leur stratégie de développement, et la compétition entre les leaders du secteur a maintenant lieu sur le plan digital. À la tête du podium, la Société générale, qui cumule soixante ans de présence dans le pays, entend bien conserver sa position. Elle HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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a lancé une nouvelle application, Yup, grâce à laquelle elle souhaite doubler son nombre de clients (pour le porter à deux millions en Afrique subsaharienne). Yup propose une multitude de services réalisables à partir d’un smartphone (règlement de factures, achat de crédit de téléphone, transferts) tout en réduisant les coûts importants des réseaux physiques. Les banques peuvent compter sur la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pour veiller sur leurs prérogatives : l’institution n’a pas hésité à rappeler à l’ordre l’opérateur de mobile money Orange Côte d’Ivoire, fin février, et lui a demandé de mettre un terme aux opérations de transferts de fonds à l’international, lesquels relèvent exclusivement du domaine des banques. Un cadre législatif rassurant pour les acteurs de plus en plus nombreux à se positionner sur un marché digital qui, selon les données de l’Autorité de régulation des télécommunications en Côte d’Ivoire (ARTCI), compte environ 7,5 millions d’utilisateurs au 31 décembre 2016 pour un niveau de transaction se chiffrant à près de 51,2 milliards de francs CFA (78 millions d’euros). Comparé aux chiffres kényans, pays leader du mobile money, le digital en est encore à ses balbutiements en Côte d’Ivoire. Parallèlement, le développement du service de proximité se poursuit – la moitié des agences sont encore concentrées dans la capitale économique, Abidjan. Pour accroître leur compétitivité, les établissements financiers n’hésitent plus à s’installer à Bouaké, Korhogo ou Man… ■ 41
INTERVIEW
MIKE COFFI
« ABIDJAN CONFIRME SA POSITION DE PLATEFORME FINANCIÈRE RÉGIONALE » Diversifications, technologies, dette, finances… Le président de l’Association des sociétés de gestion d’OPCVM et de patrimoine (Asgop), et directeur général d’Ecobank Asset Management, partage son analyse. propos recueillis par Dounia Ben Mohamed
AM : Asset Management affiche une progression de 22 % sur les trois dernières années. Quelles en sont les raisons ? Mike Coffi : Les sociétés de gestion (SGO) d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) se consacrent exclusivement à la gestion collective (FCP et Sicav). Un tel placement est constitué de sommes mises en commun par des investisseurs et gérées pour leur compte par un gestionnaire de portefeuille. L’activité de gestion d’OPCVM connaît une remarquable croissance. Nous sommes passés de huit OPCVM et quatre sociétés avec 20 milliards de francs 42
CFA [30 millions d’euros, NDLR] d’actifs sous gestion en 2004, à soixante OPCVM, seize sociétés et près de 700 milliards [1 milliard d’euros] d’actifs à la fin de 2016. Ecobank Asset Management n’est pas restée en marge de cette belle évolution, nos actifs étant passés de 10 à 150 milliards en quelques années, avec une gamme de sept OPCVM. Notre vision d’Asset Management est inclusive. Notre ambition est non seulement d’offrir des produits d’épargne alternatifs, mais aussi des solutions accessibles, innovantes et performantes aux particuliers et aux institutionnels de la région. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Avant de rejoindre Ecobank en 2012, Mike Coffi a notamment travaillé au Texas, durant huit ans, pour JP Morgan Chase, première banque américaine.
Nous voulons transformer l’industrie de l’épargne et être un acteur majeur du développement du marché financier régional de l’UEMOA en permettant l’élargissement de la base d’investisseurs et en encourageant l’approfondissement et l’animation du marché. Quel est votre positionnement actuel ? Ecobank Asset Management figure parmi les leaders du marché avec une croissance de ses actifs de plus de 60 % par an, et 21 % de part de marché au 31 décembre 2016, HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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contre 15 % 2014. Notre stratégie est très claire : créer et gérer des produits innovants, performants et accessibles, et utiliser notre réseau de distribution à travers les filiales bancaires du groupe afin d’assurer une couverture régionale. Dans notre industrie, nous nous voyons comme des collègues et non des concurrents, car le marché est naissant et qu’il y a de la place pour la quinzaine de sociétés de gestion que nous avons sur le marché. Cela dit, pourquoi choisir Ecobank Asset Management ? Parce que le groupe est une institution 43
INTERVIEW/MIKE COFFI
bancaire panafricaine solide qui offre un accès à ses produits à travers trente-six filiales. Nous nous assurons que les objectifs de placement de nos clients sont atteints en fournissant des performances de portefeuille cohérentes et solides, une plateforme technologique de classe mondiale et un excellent service client. Notre équipe expérimentée gère les stratégies d’investissements en mettant l’accent sur la gestion des risques. Notre expertise couvre différentes classes d’actifs pour répondre aux besoins d’investissements des clients. Le 22 juin, vous avez lancé un fonds commun de placements actions UEMOA. Faut-il y voir une réponse à cette demande grandissante d’épargne dynamique ? Le marché connaît une croissance spectaculaire : on dénombrait une soixantaine de fonds communs de placement en 2016, contre seulement huit en 2004. Sur la même période, les actifs sous gestion du marché dans sa globalité sont passés de 20 à 705 milliards de francs CFA [de 30 millions à plus de 1 milliard d’euros], soit une hausse exponentielle de 3 000 %. Ecobank Asset Management ne reste pas en marge de ce développement, ses actifs étant passés de 50 à 130 milliards de francs CFA [de 75 à 200 millions d’euros] en à peine deux ans. Cela démontre que l’épargne des ménages, autrefois passive et confinée au sein du système bancaire, s’inscrit désormais dans des placements financiers plus actifs. Le choix d’Abidjan, place financière régionale, semble être à ce titre stratégique… Cette ville confirme en effet sa position de plateforme financière régionale. Le retour des institutions africaines et internationales, telles que la Banque africaine de développement, la Banque européenne d’investissements, Exim Bank ou encore Commerzbank, atteste de l’attractivité de la capitale économique ivoirienne. Nous approchons de la trentaine d’institutions financières. Dernière implantation en date : la Banque d’Abidjan, en partenariat avec La Poste. On assiste donc à une concentration de l’activité bancaire, liée au développement économique du pays. La Côte d’Ivoire pèse 40 % du PIB de l’UEMOA, avec la plus forte croissance régionale. Il est vrai que cette dernière est soutenue par les projets d’infrastructures qui se multiplient depuis la fin de la crise, ce qui entraîne de gros financements et donc attire les banques de développement. Enfin, les entreprises qui s’installent en Côte d’Ivoire ne visent pas seulement le marché national, mais toute la région. Les bailleurs de fonds et investisseurs internationaux maintiennent leur soutien au pays malgré les mutineries de militaires et autres incidents survenus ses derniers mois. Comment l’expliquez-vous ? Si l’on s’en tient aux agrégats macroéconomiques, pour les investisseurs, la Côte d’Ivoire est le seul pays de la zone présentant une économie diversifiée et plusieurs produits d’exportation en plus des matières premières. L’impact de la 44
baisse des cours du pétrole est faible, même si la chute des cours du cacao a fragilisé le budget de l’État. Le gouvernement a toutefois pris des mesures pour en limiter les effets. À côté, des filières se développent, comme la noix de cajou [anacarde] ou l’élevage. Le pays dispose d’un fort potentiel, car de nombreuses niches restent à exploiter. Par ailleurs, les perspectives économiques à court terme sont bonnes. Le boom de l’après-guerre a été ralenti par la récente baisse du prix du cacao et des problèmes de sécurité, mais la croissance réelle du PIB devrait demeurer robuste, avec un léger ralentissement à environ 7,2 % en 2017. Cette croissance est aussi soutenue par les investissements publics du gouvernement, en particulier dans la construction de routes, les transports et l’énergie. Certes, le risque souverain a augmenté car les comptes de l’État ont subi une pression immense, accentuée par la décision du gouvernement en début d’année de verser des primes à près de 8 000 soldats. Pour autant, il n’y a pas de risque d’instabilité à court terme. Avec le niveau d’engagement financier des bailleurs de fonds et des investisseurs, il est peu probable que le pays rebascule. C’est le troisième eurobond pour la Côte d’Ivoire. Comment l’interpréter ? Le 8 juin 2017, le pays a exploité les marchés financiers mondiaux pour la troisième fois avec une dette en deux tranches : USD1.25bn sur seize ans avec un coupon de 6,25 % qui donne un rendement de 6,125 %. La seconde tranche est un eurobond de 8 millions d’euros au prix de 5,25 %. La demande des investisseurs a été au rendez-vous dans les deux tranches : celle en dollars a été « sursouscrite » de quatre fois, et celle en euro de sept fois. Cette levée de dette réussie reflète l’appétit des investisseurs pour le rendement élevé de l’État ivoirien, et illustre leur appréciation du risque. Comparé à 2015, lorsque le pays a émis son deuxième eurobond de 12 milliards de dollars pour un rendement de 6,625 %, celui-ci montre un confort accru des investisseurs malgré les récents problèmes politiques. Le pays a l’intention d’utiliser le produit de cette levée de fonds pour financer un déficit budgétaire. Et son succès a également suscité la perspective d’une nouvelle émission au vu de la demande des investisseurs pour les obligations des marchés émergents et subsahariens, grâce aux faibles coupons disponibles sur les marchés développés. Même si le niveau de la dette reste maîtrisé, n’y a-t-il pas un risque ? La chute des cours du cacao a rappelé la fragilité des sources de revenus de l’État… La Côte d’Ivoire affiche actuellement un niveau modéré de sa dette extérieure, à32 % du PIB. Les normes de convergences d’endettement de la zone sont d’environ 70 % du PIB, ce qui laisse encore de la marge. Le pays reçoit actuellement un soutien financier supplémentaire du FMI, ce qui contribue à éviter une crise de la balance des paiements et à limiter HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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le risque de défaut de remboursement de sa dette. Toutefois, une baisse prolongée des prix du cacao accompagnée de dépenses budgétaires plus élevées représentent un risque élevé. Le niveau de la dette n’est pas alarmant, et le succès des émissions des eurobonds sur les marchés internationaux atteste de la confiance des bailleurs de fonds. C’est vrai que les montants sont importants, mais ce n’est pas excessif. Il n’y a pas d’inquiétude de surendettement. Même si l’on doit maîtriser les entrées de ressources pour avoir une balance équilibrée. L’essor d’une classe moyenne participe-t-il à doper l’activité bancaire ? Le pays compte plus de vingt-six banques, dont quinze détenues par des groupes régionaux et internationaux. Le total de l’activité Asset Management des banques sur le territoire a augmenté de 25 % sur la période 2014-2015. Selon l’analyse faite par le département de recherche de notre groupe, cette évolution est due à une croissance des crédits de 30 % et de 27 % des investissements sur le marché durant la même période. Les dépôts de la clientèle ont également augmenté de 23 %. Contrairement à ce que l’on pense, la Côte d’Ivoire reste un marché axé sur les prêts et avances de trésorerie représentant 55 % de l’actif total. Les prêts et avances aux clients ont augmenté de 17 % entre 2010 et 2015. La croissance a été principalement attribuable aux activités de prêt au wholesale [prêts aux entreprises locales et multinationales ainsi qu’à la petite et moyenne entreprise mature, NDLR], qui ont augmenté de 24 % dans la même période. Du côté du financement, les bilans des banques commerciales sont toujours tributaires des dépôts des clients qui représentent 70 % des passifs de financement. Les passifs du compte courant dominent le profil de financement des banques commerciales. La croissance a été poursuivie grâce à un faible coût du financement du bilan [dépôts] et à une baisse des provisions pour créances douteuses. Cependant, la qualité des actifs des banques en Côte d’Ivoire demeure un problème. Au cours de l’exercice 2015, 20 % des revenus bruts des livres de prêts aux clients des banques commerciales ont été dépréciés par des provisions pour pertes sur prêts. On note néanmoins une amélioration. Selon nos analyses, alors que le ratio des créances douteuses de l’industrie a diminué de 100 bps à 10 %, il devrait rester stable jusqu’en 2018 en raison du faible recouvrement. Le taux de bancarisation a doublé sur les dix dernières
années. Quel en est l’impact sur l’économie du pays ? La compétitivité des banques a permis aux populations d’avoir des agences de proximité et des produits et services accessibles à toutes les couches sociales. Concrètement, c’est l’expansion des agences, la stratégie de proximité des banques, le développement de produits et, surtout, la gratuité qui ont participé à ce résultat. Ecobank se distingue de ses concurrentes en proposant un autre format. Même à l’heure de la digitalisation, nous continuons à développer notre réseau et à avoir des banques de proximité, des produits à forte valeur ajoutée pour les personnes et surtout des outils qui permettent d’avoir du crédit. L’émergence d’une classe moyenne suscite une demande de produits bancaires classiques, mais aussi innovants. Un taux de bancarisation élevé a un rôle important dans la croissance du pays à travers l’évolution de l’épargne intérieure qui permet aux
« La croissance du PIB devrait demeurer robuste, avec un léger ralentissement en 2017, à environ 7,2 %. »
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banques d’avoir un accès à des ressources à moindre coût et de baisser ainsi le prix du crédit. À taux bas, ils permettent de toucher un maximum de ménages et donc de stimuler la consommation. Dernier facteur : le retour de la diaspora, qui travaille, investit, et participe au développement du pays. Lorsqu’elles s’installent, les multinationales ou les entreprises régionales attirent des compétences de l’extérieur. Et les Ivoiriens de la diaspora ouvrent généralement deux ou trois comptes : un pour les dépenses courantes, un pour leur entreprise et un pour l’épargne. En termes de nouvelles technologies, quelles sont les évolutions sur votre segment de marché ? Très clairement, les nouvelles technologies nous permettent d’aller plus vite et de toucher beaucoup plus de personnes. Au niveau d’Ecobank, nous avons lancé l’an dernier un vaste projet de digitalisation. D’ici l’année prochaine, nous aurons atteint nos objectifs en termes de réseau physique. Notre stratégie est désormais de nous concentrer sur le développement de plateformes digitales. Les opérateurs de télécommunications ont des millions d’abonnés quand nous avons des millions de clients. Le partenariat est évident. D’autant que le digital nous permet d’inventer de nouveaux concepts. ■ 45
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Le patron de la CCI souhaite notamment mieux sensibiliser les PME à l’importance du recrutement, des procédures et du management. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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« LE FINANCEMENT DES PME LOCALES RESTE PRIMORDIAL » Docteur en pharmacie, il dirige depuis 2016 la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Côte d’Ivoire. Avec franchise, il analyse le manque d’impact des petites et moyennes entreprises sur l’économie nationale, et présente les mesures prises pour inverser la tendance. propos recueillis par Dounia Ben Mohamed
AM : Croissance robuste, pays de plus en plus attractif, Abidjan accueillant les plus grandes manifestations régionales… L’image est souvent très positive, mais comment se porte vraiment le pays sur le plan économique ? Parfait Kouassi : Effectivement, il y a un « mais ». Plusieurs, même. Du point de vue macroéconomique, le pays affiche des résultats indiscutables. Le taux de croissance figure parmi les plus élevés au monde. Mais, dans les détails, cette dernière est essentiellement due aux investissements étrangers, notamment de grands groupes – ce qui confirme l’attractivité du pays – et pas assez par les PME locales. De fait, la richesse générée ne profite que partiellement à l’économie nationale. Ainsi, la baisse du taux de pauvreté et l’augmentation du pouvoir d’achat tardent à se faire sentir. C’est cette dichotomie qui nourrit la grogne sociale. Quant aux PME, beaucoup sont créées, mais leur apport à la production nationale pèse peu. Il reste du chemin à parcourir. Nous y travaillons, notamment pour les
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aider à passer le cap fatidique des trois premières années, où le taux de cessation d’activité est très élevé. Quels sont les outils mis en place pour permettre de passer ce cap et aller au-delà ? L’accompagnement et l’appui aux entreprises est l’une des missions pionnières de notre chambre consulaire. La CCI-Côte d’Ivoire met à disposition des entreprises toute une série d’offres de services en matière de conseils, d’appui à la gestion et d’accompagnement dans la démarche entrepreneuriale. Les insuffisances managériales des entrepreneurs sont à l’origine de la plupart des cessations d’activité. Des études montrent que ces méconnaissances nourrissent les réticences des financeurs institutionnels classiques. Pour entreprendre, il ne suffit pas d’être un excellent technicien dans son domaine, il faut également savoir gérer une comptabilité, élaborer des stratégies, diriger une équipe, trouver des partenaires… C’est pourquoi nous avons initié des modules ouverts aux dirigeants sur tous les processus
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concourant à la réussite d’une entreprise : organisation du travail, mise en place des procédures, structuration de l’activité, recrutement, etc. Nous organisons également des rencontres d’affaires lors de missions économiques, par exemple. Cela permet d’établir des contacts avec des réseaux d’entreprises diversifiés et expérimentés. Dans le même esprit, nous mettons en place des afterworks pour permettre aux PME locales de se rencontrer et de développer entre elles des courants d’affaires nationaux. Ces événements connaissent un certain succès, notamment chez les start-up du numérique. Enfin, nous n’oublions pas notre rôle de plaidoyer auprès du gouvernement pour orienter ses décisions vers les attentes des entreprises. Justement quelles doléances rapportez-vous aux instances gouvernementales ? La grande question demeure celle du financement des activités des PME. D’un côté, ces dernières demandent des crédits ; de l’autre, les banques et institutions financières se plaignent de la faible viabilité des dossiers présentés. Entre les deux, il faut un engagement politique pour faire avancer les choses. D’où notre plaidoyer. Cela peut passer par la mise en place par l’État de fonds pour garantir les risques que les institutions financières classiques ne veulent pas assumer. Il serait judicieux aussi de mettre en place un fonds souverain afin de booster l’entrepreneuriat et l’actionnariat nationaux. La CCI-CI promeut des mécanismes alternatifs d’appréciation des entreprises. C’est l’objet du programme champion que nous avons mis en place avec l’appui de la BAD. Une initiative innovante qui consiste en la notation financière, et surtout managériale des entreprises. L’objectif est d’amener les banques à apprécier le potentiel et la crédibilité des PME sur d’autres critères que les seules questions financières. En ce sens, le président de la République avait justement annoncé la création d’un fonds dédié à l’entrepreneuriat des jeunes… Qu’en est-il ? En effet, un fonds d’appui à l’entrepreneuriat des jeunes a été lancé. Aujourd’hui, les montants alloués sont insuffisants par rapport aux besoins, mais les choses avancent dans le bon sens. Intervenez-vous également sur le plan de la formation ? Les sociétés déplorent le manque de main-d’œuvre adaptée à leurs besoins, dans le BTP par exemple… Nous intervenons aussi bien en formation initiale avec l’école pratique de la CCI, qu’en continu, en renforçant les capacités. Avec le Bureau international du travail, nous avons identifié un paradoxe : la disponibilité d’une offre appréciable de main-d’œuvre qualifiée dans le top management face à la faible disponibilité de main-d’œuvre qualifiée dans les niveaux inférieurs et intermédiaires. De fait, nous allons investir dans la création d’une école de formation spécialisée 48
« Il serait judicieux de mettre en place un fonds souverain afin de booster l’entrepreneuriat et l’actionnariat nationaux. » dans certains métiers spécifiques. Nous commencerons par l’hôtellerie et la restauration, car ces secteurs connaissent les déficits les plus importants, alors qu’ils sont les premiers à se développer dans un pays en croissance. L’afflux d’investisseurs et de touristes d’affaires a conduit à la construction de parcs hôteliers de plus en plus en plus modernes. Ce problème existe aussi dans tous les autres secteurs, notamment le bâtiment. Nous militons pour la renaissance d’une ancienne tradition ivoirienne, celle des centres techniques de formation, qui ont fait les grandes heures du pays. Aujourd’hui, beaucoup de ces centres ont quasiment disparu, ou sont en incapacité. Il faut les relancer pour sortir des formations classiques, qui présentent beaucoup de théorie et pas assez de pratique. Pour financer ces efforts, la tendance consiste à mettre à contribution le privé. Joue-t-il suffisamment son rôle ? Pour notre centre de formation, nous envisageons effectivement un partenariat avec des opérateurs privés. En plus de l’expertise qu’ils apportent, les PPP offrent la possibilité de trouver des alternatives pour financer des projets très coûteux. Certains ont pu profiter de ce biais, comme deux tiers du Plan national de développement 2016-2020. Le privé est donc bien présent. Pour contribuer à le renforcer et faire « émerger des champions nationaux », l’État a mis en place le dispositif des 20 % de PME locales pour tous les appels d’offres lancés par les autorités. Est-ce appliqué ? Le dispositif a été adopté et mis en place réglementairement. Il faut maintenant qu’un mécanisme de suivi puisse contrôler son application pour en apprécier son effectivité et son efficacité. La bourse de sous-traitance devrait pouvoir y jouer un rôle, en centralisant et en diffusant largement les marchés ouverts aux PME locales. ■ HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Une des initiatives phares du gouvernement : la mise en place d’une agence du travail, pour mettre en relation candidats et recruteurs, mais aussi favoriser l’entrepreneuriat.
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SIDI TOURÉ « NOTRE JEUNESSE EST LA PRIORITÉ »
Le ministre de la Promotion de la Jeunesse, de l’Emploi des Jeunes et du Service civique, revient sur l’importance de la politique menée en faveur des nouvelles générations. Il n’est plus question d’écrire leur histoire sans leur pleine participation… propos recueillis par Dounia Ben Mohamed
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INTERVIEW/SIDI TOURÉ
AM : Aujourd’hui, 78 % de la population ivoirienne a moins de 35 ans. Si cela est globalement un atout, comment faire face aux questions de l’emploi et de la formation ? Sidi Touré : Le président de la République Alassane Ouattara a anticipé sur le défi de la jeunesse dès 2015 en créant un département ministériel dédié, dont j’ai la charge. Dans un contexte de sortie de crise, il est apparu urgent d’envoyer un signal fort car l’attente était grande. Dès sa création, notre département a mis en œuvre plusieurs initiatives, conformément aux souhaits des différentes catégories de jeunes, à travers l’élaboration d’une politique nationale de la jeunesse (PNJ 2016-2020). C’est la première du genre en Côte d’Ivoire depuis son indépendance. Votre action en tant que ministre dédié à cette tranche de la population est transversale. Quels sont vos domaines prioritaires ? Tous les secteurs d’activité sont concernés. À juste titre, la jeunesse est prise en compte dans l’ensemble des initiatives des autres départements ministériels identifiées dans le plan national de développement (PND) 2016-2020, la feuille de route gouvernementale. Notre priorité est donc de rendre opérationnelles les cinq stratégies de ce document, qui déterminent le programme national de la jeunesse. Le premier axe est l’autonomisation des jeunes, qui a abouti à la mise en place du Conseil national des jeunes de Côte d’Ivoire (CNJCI), le 11 février 2017. C’est la faîtière de toutes les associations et organisations concernées. Elle est désormais le principal interlocuteur du gouvernement. Vient ensuite la stratégie de protection des jeunes, que nous mettons en œuvre à travers des campagnes de sensibilisation dans tout le pays contre l’alcool, la drogue, le tabac, les maladies sexuellement transmissibles, les grossesses précoces, la cybercriminalité ou encore la migration clandestine… Ensuite, la promotion de la jeunesse et la coordination des initiatives en faveur des jeunes dispose d’un répertoire de talents et d’un comité. Ce répertoire recense les 500 meilleurs profils de diplômés inscrits sur la plateforme technologique de l’Agence emploi jeunes (AEJ), www.emploijeunes.ci. Nous l’éditons auprès des entreprises privées et publiques ainsi que des cabinets de recrutement. Quatrième axe : le service civique national du volontariat et du bénévolat, qui s’appuie notamment sur le développement de campagnes de promotion des valeurs civiques et citoyennes. Enfin, la stratégie nationale d’insertion et d’emploi des générations montantes qui se déploie à travers le service public de l’AEJ. Ce guichet unique est encore dans sa phase de déploiement et envisage à court et moyen termes de se localiser dans les 31 régions du pays. Dans un souci de rapprochement entre les services de l’AEJ et ses cibles, nous 52
« Nous avons mis en place un répertoire de talents, recensant 500 profils de diplômés et diffusé auprès d’entreprises publiques et privées. » avons développé des « points service emploi jeunes » dans les mairies, universités et grandes écoles. Certains fonctionnent déjà, et notre objectif est d’en implanter 164 sur tout le territoire. L’ensemble des mesures élaborées dans le PNJ seront coordonnées par le dispositif Comité jeunesse. Ce dernier regroupe tous les points focaux de l’ensemble des départements ministériels intégrant la dimension jeunesse dans leur politique. Il est en charge du suivi et de l’évaluation des initiatives développées dans le PNJ. Quels sont les principaux besoins identifiés par l’AEJ ? Sa principale mission est d’être un intermédiaire entre l’offre et la demande sur le marché du travail. Elle veille également à l’autonomisation de toutes les catégories de jeunes, diplômés ou non, scolarisés ou analphabètes, ruraux ou citadins. En ce sens, son dispositif intègre les emplois salariés, mais également l’entrepreneuriat. À travers son site Internet, chacun a la possibilité de s’inscrire pour une offre ou de poster son projet pour requérir un financement. Des conseillers accompagnent et aident à structurer les demandes (rédaction de CV, lettres de motivation ou plans d’affaires). Plusieurs prestations sont offertes par l’AEJ, comme les formations complémentaires qualifiantes ayant pour objectif d’adapter les profils des demandeurs aux offres existantes sur le marché. Et il faut le mentionner, toutes les initiatives développées par l’Agence concernent, pour 30 %, des jeunes filles. Près de 8 000 Ivoiriens ont migré vers les côtes italiennes en 2017, dont un millier de mineurs… Comment expliquer ce phénomène dans un pays en plein essor économique ? Il faut relativiser cette proportion. Ce chiffre concerne des gens qui se sont déclaré Ivoiriens. Notre nation a toujours été un pays d’accueil, et plus de 20 % de la population est étrangère. C’est un carrefour, et donc un hub pour les départs. Certes, il y a des Ivoiriens, je ne le nie pas, mais également des HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Yopougon, août 2017. Le ministre rencontre des membres de l’association Jeci (Jeunesse estudiantine de Côte d’Ivoire) et s’engage à les accompagner dans leurs actions, notamment en faveur de l’insertion de leurs camarades les plus fragiles. Maliens, des Burkinabè et d’autres nationalités qui préféreront être rapatriés en Côte d’Ivoire. Nous travaillons avec les autorités italiennes pour identifier les « vrais Ivoiriens ». Cela dit, nous sommes conscients du problème du chômage qui pousse bon nombre de nos jeunes à tenter l’aventure vers ce qu’ils croient être un Eldorado. C’est pourquoi notre ministère tend à développer une approche par la base afin de les retenir, en leur donnant un cadre d’épanouissement et un appui décent. L’évolution de l’économie fera le reste. Avec un taux de croissance moyen de 9 % par an, cette dynamique participe au développement du secteur privé, et par conséquent à la création d’emplois et d’opportunités. Cependant, le chômage n’est pas leur seul facteur de migration. Certains abandonnent leur travail ou vendent leurs business pour se lancer dans cette aventure périlleuse. Le coût moyen de ce voyage est de 3 à 5 millions de francs CFA (4 573 à 7 622 euros). Ces ressources pourraient servir à financer une activité génératrice de revenus ! Il faut aussi pointer la responsabilité de la communauté, et surtout des parents qui participent souvent au financement du voyage. Un autre phénomène se développe : celui des « microbes », qui sont parfois des mineurs. Comment les récupérer ? Ce phénomène de délinquance urbaine trouve sa source dans la crise que nous avons connue, mais également dans HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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la démission des parents. Pour y répondre, le gouvernement expérimente plusieurs approches : la répression pour les majeurs et la resocialisation pour les mineurs. À cet effet, diverses initiatives ont été mises en place, comme la cellule de coordination, de suivi et de réinsertion (CCSR), le service civique d’action pour l’emploi et le développement (SCAED), la direction de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse (DPJEJ), ou encore le programme de protection des enfants et adolescents vulnérables (PPEAV). Ces actions sont adossées à diverses institutions, dont le Conseil national de sécurité, les ministères de l’Éducation nationale, de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle, de l’Emploi et de la Protection sociale, de la Justice, de la Solidarité, de la Promotion de la femme et de l’enfant, de l’Intérieur et de la Sécurité, et enfin de la Promotion de la Jeunesse, de l’Emploi des Jeunes et du Service civique. Sans omettre tous les acteurs non étatiques comme la société civile, l’Unicef et Interpeace. Pour notre part, cette question est traitée à travers l’Office national de service civique. Grâce au service civique d’action pour l’emploi et le développement (SCAED), les jeunes en conflit avec la loi sont pris en charge dans des centres régis par un régime d’encadrement disciplinaire et civique, et bénéficient d’une formation professionnelle auprès de maîtres artisans afin de 53
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faciliter leur insertion dans la société. De plus, un projet de loi est sur la table en vue de réintroduire le service civique national. Ceci nous permettra de redessiner « l’Ivoirien nouveau » souhaité par le chef de l’État. Certaines valeurs sont à inculquer au plus tôt, comme l’apprentissage de la vie en société, la mise au service de la communauté, le respect des institutions et des symboles de la République. Autre paradoxe : de nombreux jeunes diplômés sont contraints de multiplier les petits boulots pour vivre. Comment répondez-vous au problème de l’inadéquation entre le niveau de formation et les besoins du marché ? Sous la gouvernance de l’ancien Premier ministre et actuel vice-président, Daniel Kablan Duncan, une réflexion avait été entamée. Elle s’est accélérée sous l’impulsion de l’actuel Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly. Il s’agit d’apporter une réponse à cette épineuse question de l’inadéquation entre formation et emploi, en veillant à la construction et la réhabilitation des infrastructures scolaires et professionnelles existantes et en révisant les contenus des programmes au niveau de l’éducation nationale et de la formation professionnelle. Les formations complémentaires qualifiantes sont aussi une solution. Grâce à ce dispositif, ils sont formés selon les profils spécifiques recherchés par les employeurs. Par exemple, une jeune fille, qui n’avait pas trouvé de poste pendant trois ans avec un diplôme de secrétaire, a été sélectionnée par la plateforme de l’AEJ pour bénéficier d’une formation théorique et pratique en BTP. Aujourd’hui, elle travaille en tant que chef de chantier dans une entreprise. Grâce à l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), davantage de jeunes innovent et se lancent dans l’entrepreneuriat. Comment accompagnez-vous et renforcez-vous ce mouvement ? La question de l’auto-emploi est une bataille quotidienne. Comme j’aime à le rappeler, n’oublions pas que nous venons de loin. Beaucoup de jeunes ont connu une période où la facilité était de mise, où il suffisait de suivre un homme politique pour obtenir des financements. L’arrivée du président Ouattara a opéré un virage à 180 degrés et recentré les Ivoiriens sur le travail, n’en déplaise à ceux qui disent que « l’argent ne circule plus ». Cela a pris du temps de faire comprendre qu’il circule, mais pour l’essor du pays. Aujourd’hui, nous percevons les effets bénéfiques de ce développement. Les réalités du monde moderne font que tout est challenge, et les nouvelles générations l’ont très bien perçu. Le secteur des TIC est en forte croissance et les jeunes ne sont pas en marge. Plusieurs incubateurs existent, et j’ai rencontré beaucoup de jeunes Ivoiriens à Abidjan qui développent des applications et d’autres solutions innovantes. Je vous assure qu’ils n’ont rien à envier aux jeunes des États-Unis, de la France ou d’autres pays développés. Aussi, nul n’est sans savoir que notre économie repose sur l’agriculture, principal pourvoyeur d’emplois 54
« L’arrivée du président Ouattara a opéré un virage à 180 degrés et recentré les Ivoiriens sur le travail. » pour les jeunes. Notre département a pris la pleine mesure de ces facteurs et a mis sur pied plusieurs projets et programmes dans ce sens au niveau de l’AEJ. La jeunesse bouleverse les sociétés de l’intérieur avec ses propres codes, notamment à travers les réseaux sociaux, loin des schémas classiques et des espaces politiques traditionnels. Comment vous adaptez-vous en tant qu’acteurs politiques ? Du point de vue institutionnel, notre approche est d’être en contact avec les jeunes et d’utiliser leurs outils de communication. Nous l’expérimentons à travers une activité que nous avons dénommée « Les Rendez-vous avec les jeunes ». Cette action consiste à déporter les directions techniques du Ministère dans une localité déterminée afin d’interagir avec les jeunes sur nos missions. Cette année, nous visitons cinq chefs-lieux de région avec, à chaque fois, une thématique en rapport avec nos axes stratégiques. La plateforme technologique de diffusion des offres de prestations de l’AEJ intègre aussi les réseaux sociaux Facebook, Twitter, etc. Pour conclure, la nouvelle génération sera au cœur du prochain sommet Union européenne-Afrique. Qu’attendez-vous de cette rencontre ? En prélude au meeting des chefs d’État, le sommet de la jeunesse s’est tenu du 9 au 11 octobre. Il a réuni des Européens et Africains ayant travaillé de concert sur des thématiques majeures telles que la promotion, l’emploi, la protection, l’environnement, etc. Ces travaux ont accouché d’une déclaration qui sera portée devant les chefs d’État lors du sommet UE-Afrique, en novembre. L’objectif de cet exercice est de donner la parole aux jeunes afin qu’ils s’expriment sur leurs différentes attentes sans que leur voix soit portée par un tiers. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de développer des politiques les concernant sans les impliquer directement. ■ HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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L’Institut national polytechnique Félix Houphouët-Boigny (IN-PHB) de Yamoussoukro, certifié centre d’excellence régional de l’UEMOA.
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EMPLOI ET FORMATION
L’INDISPENSABLE SECTEUR PRIVÉ Compétences, expériences, adaptation au marché du travail… Les entreprises jouent directement un rôle clé. Soutenues par un État conscient des enjeux. par Lilia Ayari
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’est un événement désormais célèbre. La Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI) a organisé la 6e édition de la CGECI Academy les 29 et 30 septembre derniers à Abidjan. « Une opportunité unique pour les jeunes de se mesurer à plusieurs centaines de sociétés de divers horizons de la Côte d’Ivoire » selon Pierre Magne, président de la Commission entrepreneuriat jeune. La formation est l’un des axes clés de la stratégie du patronat ivoirien, décidée à travers sa feuille de route « Côte d’Ivoire 2040 », lancée en 2011, pour contribuer à l’effort national de création d’emplois. « L’objectif de la CGECI, principale organisation patronale de la Côte d’Ivoire, a toujours été de construire un secteur privé fort pour soutenir le développement économique du pays », a rappelé à cette occasion le nouveau président de la CGECI, Jean-Marie Ackah. « Les Ivoiriens sont, en règle générale, peu entreprenants et les sociétés créées par les nationaux restent généralement de petite ou moyenne taille, si elles ne sont pas dans l’informel. Face à ces constats, l’une des réponses apportées par la CGECI réside dans l’institution en 2012 du Forum économique du patronat ivoirien, devenu la CGECI Academy à partir de
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2013. L’objectif, dans un premier temps, était de développer la culture d’entreprise en Côte d’Ivoire. Depuis, la manifestation a instauré une Commission entrepreneuriat jeune avec la réalisation annuelle de la « Business plan compétition », la création d’un accélérateur de projet et la mise en œuvre d’un incubateur dénommé Prodije. Autant d’initiatives destinées à favoriser l’émergence de champions nationaux. Dans le même esprit, AfricTalents, une initiative d’AfricSearch, met en relation, depuis 1999, en France et en Afrique, des entreprises et des candidats à la recherche d’emploi. Plus de 2 000 jeunes diplômés et cadres expérimentés pour 200 offres à pourvoir « immédiatement » étaient au rendez-vous de l’édition 2017, inaugurée en présence du ministre de la Promotion de la Jeunesse, de l’Emploi des Jeunes et du Service civique, Sidi Touré, qui rappelait à cette occasion : « Il y a une forte amélioration de la situation de l’emploi grâce aux initiatives du gouvernement. Plus de deux millions de jeunes ont trouvé un emploi entre 2011 et 2016. » Admettant toutefois que les attentes sont encore nombreuses, il se réjouit de l’existence d’AfricTalents : « Cette nouvelle vision d’accession au marché du travail pour les jeunes Ivoiriens diplômés constitue une occasion incontournable de contribuer au défi de l’emploi en Côte d’Ivoire et en Afrique. »
UN NIVEAU D’EXCELLENCE
Un programme national de création d’incubateurs, piloté par le ministère du Commerce, a été lancé.
Face à la demande, le secteur privé est appelé à la rescousse en Côte d’Ivoire. Même si, pour certains, c’est déjà fait. Ainsi, l’opérateur Orange a lancé un « accélérateur » de start-up, dont l’objectif est de fournir coaching, conseils et soutien, tout en facilitant l’accès à une des plus importantes entreprises de télécommunications au monde. Un programme auquel vient de s’ajouter Orange Digital Ventures Africa, un véhicule d’investissement doté d’une enveloppe de 50 millions d’euros, dédié aux projets innovants dans les domaines des nouvelles connectivités, de la fintech, des objets électroniques, de l’énergie ou encore de la e-santé. Autre projet qui associe cette fois le privé et le public, le premier incubateur d’entreprises en Côte d’Ivoire, implanté à la Riviera, dans la commune de Cocody. Une initiative qui s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des grands projets de l’émergence, lequel prévoit un programme national de création d’incubateurs d’entreprises, piloté par le 58
ministère du Commerce, de l’Artisanat et de la Promotion des PME. Quatre sont prévus, et deux sont déjà opérationnels, à Abidjan et Yamoussoukro. « L’incubateur d’Abidjan aura une vocation généraliste, c’est-à-dire qu’il prendra en compte n’importe quel projet viable. Par contre, celui de Yamoussoukro sera technologique et biotechnologique. J’ai déjà envoyé une mission à l’Institut national polytechnique Houphouët-Boigny (INP-HB) pour engager les discussions à ce propos. Notre objectif est de créer cet incubateur en partenariat avec cette institution », a précisé en mai dernier le ministre du Commerce, de l’Artisanat et de la Promotion des PME, Souleymane Diarrassouba. Outre l’entrepreneuriat, le privé pose sa pierre à l’édifice de la formation. Ainsi, le groupe Eranove (filiale CIE) a contribué à la réhabilitation du Centre des métiers de l’électricité (CME) de Bingerville. Un centre de formation qui a fait jadis la réputation de la Côte d’Ivoire dans le secteur avant de tomber en désuétude et de mettre la clef sous la porte. Le CME vise à répondre aux besoins en formation et compétences du secteur électrique pour les entreprises de service public ivoiriennes et régionales, les producteurs indépendants d’électricité d’Afrique et les entreprises industrielles. « Le groupe Eranove et la CIE sont convaincus du nécessaire investissement des acteurs du secteur privé dans le capital humain en Afrique. Au CME, notre mission consiste à combattre la pénurie de compétences locales en donnant à la jeunesse les moyens de révéler son plein potentiel. Il s’agit désormais de consolider notre niveau d’excellence en valorisant la mosaïque d’expertises africaines, en intégrant les mutations du secteur avec les défis du numérique et de l’énergie renouvelable et en nous ouvrant au bilinguisme français-anglais », explique dans un communiqué le directeur du CME, Paul Ginies. L’établissement s’est par ailleurs vu attribuer le statut de « centre d’excellence », un label décerné par le conseil d’administration de l’Association des sociétés d’électricité d’Afrique. L’apport du privé dans la formation ne se réduit pas au financement mais apporte une vraie plus-value en matière de savoir-faire. Au-delà des initiatives privées, la réponse aux besoins en formation et compétences passe aussi par une réforme de l’enseignement technique et de la formation professionnelle, amorcée par les autorités nationales. ■ HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Deux questions à… Michel Mercier « Certains profils intermédiaires sont assez difficiles à pourvoir » Pour le PDG de l’agence de conseil en ressources humaines RMO Job Center, les sociétés doivent avant tout bien identifier leurs exigences en matière de recrutement.
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AM : Quelle est la cartographie des ressources humaines en Côte d’Ivoire ? On dit souvent que pour les postes de cadres supérieurs et pour les emplois à la « base », il y a des profils très bien formés, mais que le niveau intermédiaire fait défaut. Il existe peu, voire pas d’études disponibles sur lesquelles nous pourrions nous appuyer afin de répondre de façon précise. Notre analyse se fonde donc principalement sur notre connaissance pratique du terrain. En premier lieu, on observe que les emplois peu qualifiés sont régulièrement et plutôt rapidement pourvus en raison d’un nombre important de demandeurs d’emploi. Ces personnes en recherche
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sont tout de suite disponibles et leur opérationnalité sur la fonction requiert peu d’accompagnement. Ensuite, l’arrivée des « repats », communément appelés « diaspora », sur le territoire, permet de pourvoir également assez rapidement et plutôt aisément à certains besoins en middle, voire middle up ou top management. Le marché local dispose aussi de talents avérés qui ont fait leurs armes dans des établissements supérieurs de qualité et qui sont à même de répondre aux problématiques posées et peuvent saisir les challenges présentés. A contrario, certains profils intermédiaires, disons les agents de maîtrise, peuvent manquer. Ces fonctions restent hautement stratégiques pour les entreprises : elles ont besoin de compétences techniques mais également de personnalités bien spécifiques. Dans ce contexte, comment apportez-vous des solutions à des sociétés qui n’arrivent pas à recruter faute de candidats ? Intervenez-vous sur le volet formation ? L’étape la plus importante reste la définition du besoin. Tout comme en médecine, seul un bon diagnostic peut permettre d’identifier le bon traitement. Force est de constater que bien souvent, les entreprises commettent déjà des erreurs à cette étape cruciale du recrutement. Nos études ont prouvé que plus de 50 % des problématiques d’embauche trouvent leur solution dans une analyse pertinente du poste à pourvoir et une bonne définition du profil. En tant que cabinet conseil, nous accompagnons donc les structures dans le cadre de cette définition de besoin. Nous préconisons de privilégier un recrutement axé sur des aptitudes comportementales, une personnalité et des valeurs en tout premier lieu. Grâce à des techniques d’évaluations, nous identifions le capital humain du candidat et ses besoins en accompagnement. Notre département formation s’appuie sur un réseau d’experts métier, qui ont recours à des mises en situation permettant de mesurer l’impact des formations mais surtout, d’observer le développement réel des aptitudes et du savoir-faire afin de devenir performants sur la fonction occupée. ■ L.A.
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INTERVIEW
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« LE SECTEUR PRIVÉ DOIT S’IMPLIQUER DANS LA FORMATION » Le président d’AfricSearch, cabinet de recrutement des talents d’Afrique et de la diaspora, revient sur le challenge à relever en matière d’emploi. À l’image des autres économies émergentes du continent. propos recueillis par Dounia Ben Mohamed
AM : Comment expliquez-vous que la Côte d’Ivoire crée si peu d’emplois malgré une forte croissance et une réelle attractivité ? Didier Acouetey : En effet, malgré une croissance supérieure à 7 % depuis une dizaine d’années, le nombre de postes espéré n’a pas été atteint. D’abord, parce que les principaux investissements se font dans les infrastructures, secteur qui généralement ne crée pas d’emplois immédiats, mais sur le long terme. Ensuite, l’économie est encore trop peu diversifiée et son impact trop faible dans le PIB malgré les efforts du gouvernement. De plus, à cause de la crise, le secteur éducatif a beaucoup souffert et n’a pas forcement produit les ressources humaines attendues. Ce qui renvoie à la question de l’inadéquation entre le niveau de formation et les besoins de l’économie actuelle. Un défi qui concerne beaucoup de pays africains. Au-delà du constat, quelles mesures concrètes ont été prises pour endiguer le problème ? C’est un vrai sujet qui, effectivement, ne touche pas que la Côte d’Ivoire. Il faut garder à l’esprit quelques chiffres : 80 % des jeunes sortent du système éducatif sans éducation, et les trois quarts d’entre eux sont formés en sciences 60
humaines, un domaine où les débouchés sont très limités. De même, les formations technologiques sont aujourd’hui insuffisantes et ne répondent plus aux besoins attendus par les entreprises. Une étude menée par la commission éducation et formation du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN) pour identifier dans les pays francophones les établissements d’enseignement en mécanique, électricité et plomberie a révélé qu’à peine une trentaine de centres sur un millier identifiés répondait aux normes concernant le niveau de formation. Cela signifie que les filières techniques sont encore rares et de niveaux trop faibles. Des initiatives ont donc été prises, comme la réhabilitation de l’école d’électricité de Bingerville, par exemple. Néanmoins, cela reste une goutte d’eau, et les États doivent encore renforcer leurs efforts dans la création d’établissements de formations professionnelles et technologiques. Le gouvernement a mis en place de nombreux outils pour encourager et accompagner l’entrepreneuriat des jeunes : ministère dédié, guichet unique, fonds de financement, dispositif d’octroi de 20 % des contrats lors des appels d’offres… Que pensez-vous de l’intérêt de ces démarches ? La question de l’emploi n’est pas simple. Nous avons HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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constaté que les programmes d’insertion à court terme ou l’aide à la création d’entreprise n’étaient pas efficaces sans accompagnement. À l’issue de ces formations, la plupart des jeunes se retrouvent sur le carreau. Ces stratégies manquent d’une réelle réflexion à long terme, et doivent être liées aux entreprises. Lorsque l’on affiche 7 % de croissance, on doit pouvoir stimuler le secteur privé local, notamment celui des PME, qui crée 80 % des emplois. Il est donc important d’impliquer ces entreprises, à travers des bourses de sous-traitance, par exemple. Même s’il n’est pas encore opérationnel, le plan Phoenix [dédié aux PME] peut apporter une réponse. Mais, à ce jour, l’emploi des jeunes reste un défi. Avec le manque de centres de formation professionnelle, beaucoup n’accèdent pas aux études supérieures. La moitié des effectifs d’une classe d’âge n’atteint pas le collège, encore moins le lycée. Il ne s’agit pas de les renvoyer à l’école, mais de leur offrir une alternative avec le concours des entreprises, notamment des PME, qui gagneraient à être davantage soutenues. Est-ce le rôle du secteur privé d’apporter sa contribution tion ? Malheureusement, ou heureusement, le secteurr privé devra s’impliquer fortement dans la question des formations mations pour résoudre ce défi. Au regard de la croissance démogramographique et du nombre de jeunes arrivant sur le marché, é, l’État n’a ni les moyens de créer les salles de classe nécessaires, ssaires, ni celui de recruter suffisamment d’enseignants, encore moins d’assurer une qualité de formation. C’est dans ans ces domaines que le privé peut intervenir par la création n d’établissements sur le modèle de PPP où le gouvernement nt fournit les infrastructures, et le privé le contenu. En attendant, une émulation est palpable au niveau des jeunes, qui entreprennent, innovent… Ils ont compris qu’ils devaient créer leurs propres emplois ? Absolument. Le phénomène ne nous échappe pas. s. Ils le font parce que l’accès à l’emploi est difficile, et qu’ils voient leurs camarades marocains et sénégalais le faire. Il y a effectivement une vraie dynamique . Mais on ne se décrète pas entrepreneur parce qu’on n’a pas de travail. Less incubateurs, les espaces de coworking ou encore les « ecolab olab » sont essentiels pour accompagner cet élan. La volonté té ne suffit pas, il faut un cadre et un écosystème pour les accompagner. À l’image de ce que nous avons mis en place au Bénin avec la Banque mondiale. Justement, avec AfricSearch, vous organisez chaque année le SME Champions Forum qui vise à réunir l’écosystème dans lequel vont éclore ces champions africains… Les PME ont des besoins : coaching de dirigeants, accompagnement en solutions financières, accès au marché… L’Africa SME Champions Forum, premier forum exclusivement consacré au financement des PME africaines, est organisé HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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en partenariat avec le cabinet de conseil en management AfricSearch, le fonds de garantie African Guarantee Fund, la SFI (Société financière internationale), la banque panafricaine Ecobank et la Banque africaine de développement (BAD). Permettre aux PME à forte croissance de devenir les champions de demain, tel est le leitmotiv de ce rendez-vous continental. Ce forum leur permet d’accéder aux financements à travers les banques, les fonds d’investissement et de garantie, les fondations et autres business angels, d’accroître leurs réseaux et de bénéficier des meilleurs conseils grâce aux experts présents. Fort de sa quatrième édition, ce rassemblement offre cet écosystème, réunissant banques et acteurs intéressés et expérimentés… Plus de trois cents PME, une centaine d’institutions financières et d’experts sont prévus pour la prochaine édition, les 17 et 18 novembre à Kigali, au Rwanda. Un pays à la pointe en termes de développement d’entreprises, notamment dans le secteur des technologies. Il n’y a pas un seul État qui ne soutienne pas les PME, même les États-Unis, pays le plus libéral au monde. En Afrique, les pouvoirs publics doivent trouver les ressources pour développer des programmes similaires. ■
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BURKINA FASO, COTE D’IVOIRE, GUINEE, MALI, NIGER, SENEGAL ET TOGO. Aujourd’hui, le groupe SNEDAI se positionne comme une holding prometteuse qui entend à l’horizon 2020 contribuer incontestablement à favoriser le développement.
FILIALES
Cocody 2 plateaux BP 222 cidex 05 Abidjan, Côte d’Ivoire Tél.: +225 22 51 08 08 +225 22 51 08 00 www.snedai.com
AFRIQUE MAGAZINE
PUBLI REPORTAGE
rée le 26 octobre 2007, le groupe SNEDAI s’est spécialisée dans le domaine de la biométrie en mettant en place des solutions informatiques innovantes au service de ses clients, de ses partenaires privés et publics. A ce titre le groupe SNEDAI capitalise six conventions de concession dans la sous-région. Des conventions ont été signées avec l’Etat de Côte d’Ivoire pour la production du passeport ordinaire, du passeport diplomatique, du passeport de service et aussi les visas biométriques. Pour le Burkina Faso, le groupe SNEDAI intervient dans la fabrication et la délivrance des cartes consulaires biométriques burkinabé résidant en Côte d’Ivoire. Fort d’une vision qui vise à proposer des solutions adaptées aux exigences d’un monde en perpétuelle mutation, SNEDAI crée les filiales STL pour le transport lagunaire, S.ENERGIES pour le secteur de l’énergie et MARYLIS BTP pour l’immobilier et le BTP qui forment aujourd’hui le GROUPE SNEDAI. 2007-2017, 10 ans d’existence, d’expérience et de professionnalisme dans ces différents domaines d’activités qui ont permis au groupe SNEDAI de se faire une place de choix sur l’échiquier économique sous régional; à la lumière des grands défis de développement que présente l’Afrique de l’ouest. Cela traduit l’engagement de son PDG dont la vision panafricaniste a permis à la société de s’implanter dans 8 pays africains: BENIN,
INTERVIEW
DRAMANE HAÏDARA « LE DÉVELOPPEMENT DÉPENDRA DE L’INVESTISSEMENT DANS L’ÉDUCATION »
L’emploi est au cœur des problématiques de chaque État. Mais pas à n’importe quel prix. Le directeur du Bureau de pays de l’Organisation internationale du travail (OIT) pour la Côte d’Ivoire fait le point sur les priorités du programme mené en accord avec les partenaires et les autorités.
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propos recueillis par Dounia Ben Mohamed
AM : Concrètement, quelles missions effectuez-vous en Côte d’Ivoire ? Dramane Haïdara : La mission fondamentale du Bureau international du travail (BIT) est d’assurer la promotion du travail décent. Faire en sorte que, partout dans le monde, chacun puisse obtenir un emploi productif de qualité dans des conditions de liberté, d’équité, de sécurité, mais aussi de dignité humaine. Cet objectif est mis en exergue dans le programme pour le développement durable à l’horizon 2030, dont le huitième paragraphe vise à « promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein-emploi productif et un travail décent pour tous ». Pour la Côte d’Ivoire, nous avons élaboré un programme pays de promotion du travail décent (PPTD) couvrant la période 2017-2020, évalué à plus de 7 millions de dollars, qui sera prochainement soumis à validation aux autorités 64
nationales. Deux priorités s’en dégagent : la promotion de l’emploi, en particulier des jeunes, des femmes et des personnes en situation de handicap, et la protection sociale avec le renforcement du dispositif de sécurité ainsi que l’extension de la couverture sociale aux couches les plus démunies. Le bureau de l’OIT à Abidjan, qui couvre par ailleurs cinq pays d’Afrique de l’Ouest, a appuyé le gouvernement et les partenaires sociaux dans la réalisation et l’adoption d’une politique nationale de l’emploi et d’une stratégie nationale pour l’emploi des jeunes, à travers un partenariat avec la France. Dans le cadre de la mise en œuvre du Plan national de développement (PND), le BIT a travaillé avec le ministre de l’Emploi des jeunes sur une étude portant sur la prise en compte de cette thématique dans les programmes d’investissements publics et privés. Le BIT soutient également le ministère en charge HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Une vision globale : depuis Abidjan, Dramane Haïdara supervise aussi les actions menées au Bénin, Burkina Faso, Mali, Niger et Togo.
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INTERVIEW/DRAMANE HAÏDARA
de l’Emploi et de la Protection sociale dans la formulation d’une stratégie pour l’intégration des personnes en situation de handicap dans l’entreprise. Nous renforçons les capacités de l’Observatoire de l’emploi à produire et à analyser les informations sur l’offre et la demande du travail en Côte d’Ivoire, afin de mieux orienter les décisions et les politiques publiques dans ce domaine. Enfin, avec la forte prévalence de l’informel, nous appuyons la formulation d’une stratégie de transition des unités de l’économie informelle vers le formel. Qu’en est-il de vos interventions sur le terrain concernant des dossiers préoccupants comme celui du travail et de l’exploitation des enfants ? En effet, le travail des enfants est une violation flagrante de leurs droits, mais également un obstacle au développement d’un pays. La plupart des enfants travailleurs sont privés d’éducation et constitueront une main-d’œuvre analphabète et non qualifiée. Il est utile de rappeler que 47,1 % de la population en âge de travailler est analphabète. D’après l’enquête nationale sur le secteur de l’emploi et le travail des enfants datant de 2013, un sur cinq est astreint au travail en Côte d’Ivoire, soit près de 1,4 million. Cependant, le pays s’est résolument engagé à combattre ce phénomène en ratifiant les conventions de l’OIT et en révisant son cadre législatif. C’est ainsi que l’âge minimum d’accès à l’emploi a été récemment élevé à 16 ans (âge de scolarisation obligatoire), et qu’avec l’appui du BIT deux arrêtés ont été signés pour identifier les travaux légers exceptionnellement autorisés aux enfants de 13-15 ans et les travaux dangereux interdits aux enfants de 16-17 ans. Le pays a également formulé et mis en œuvre plusieurs plans d’action de lutte contre le travail des enfants, et s’est doté de mécanismes de coordination efficaces sous le leadership des ministères du Travail et de la Protection de l’enfant. Dominique Ouattara, Première dame de Côte d’Ivoire, préside en personne le Comité national de surveillance des actions de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants (CNS). Elle est une avocate infatigable de leur cause. On peut ainsi noter l’organisation d’une conférence des Premières dames d’Afrique de l’Ouest et du Sahel à Abidjan, les 17 et 18 octobre 2017. Le BIT soutient le pays dans ses efforts. En tant que gardien des normes internationales en matière de travail des enfants, nous appuyons la révision du cadre législatif et politique en la matière et la conduite d’enquêtes. Nous apportons par ailleurs un appui à la pérennisation du Système de suivi et d’observation du travail des enfants en Côte d’Ivoire (Sosteci). Ce dispositif permet de détecter le travail des enfants dans les communautés et d’en référer aux services sociaux appropriés. Le BIT appuie actuellement la révision des outils du Sosteci qui sont testés dans trois communes de la région de Mbatto. Nous soutenons par ailleurs la mise en place d’un mécanisme de financement durable du Sosteci à travers la 66
mobilisation de financements plus pérennes, y compris du secteur privé. Enfin, nous lançons bientôt un nouveau projet visant à rendre les lieux de travail plus sûrs et plus salubres pour les jeunes travailleurs de 15 à 24 ans, en particulier en milieu rural et dans les plantations de cacao. Ces actions se basent sur les acquis d’importants projets financés par le département du travail américain et l’industrie du cacao et du chocolat visant à lutter contre le travail des enfants dans la cacaoculture. Parlez-nous de votre travail dans les domaines de l’aide à l’emploi et de la formation… Sur cette question, nous pensons que les entreprises peuvent accroître les possibilités d’insertion des jeunes dans leurs chaînes d’approvisionnement. Pour cela, nous nous appuyons sur les principes recommandés par la déclaration de l’OIT sur les entreprises multinationales pour mobiliser le secteur privé. Carrefour a donné un exemple encourageant à travers des partenariats avec des producteurs locaux. Cela illustre comment les entreprises peuvent contribuer au progrès social grâce à des pratiques responsables et inclusives. L’agriculture est un fort pourvoyeur d’emplois en Afrique. Il faut inventer des dispositifs pour intégrer cette jeunesse en quête d’avenir dans le secteur, mais toujours avec le souci de leur fournir un travail décent et dans le respect de leur dignité. La Côte d’Ivoire, comme d’autres pays africains, connaît un taux de chômage des jeunes exponentiel. Quelle est votre approche pour faire face à ce phénomène ? Nous accompagnons la mise en place d’initiatives visant à améliorer l’employabilité des jeunes. Parce qu’ici comme ailleurs, le problème de l’emploi des jeunes se pose en termes de déficit de compétences. Il faut développer la formation technique et encourager l’esprit d’entreprise, en intégrant ces dernières dans les modules de formation, dès l’école. En effet, la promotion de l’emploi passera par le développement des PME, et le fait que l’entrepreneuriat soit un choix de carrière. À notre niveau, nous avons créé des modules intitulés « Germe » pour « Gérez mieux votre entreprise ». Une expérience pilote est en cours via l’Agence nationale de la formation professionnelle (Agefop) avec une quarantaine de jeunes artisans et entrepreneurs. Tout ceci vise à faciliter l’employabilité des jeunes via l’entrepreneuriat. Nous travaillons également avec la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI) et le ministère chargé de la Formation professionnelle sur l’analyse des besoins en compétences des entreprises et l’offre de formation professionnelle. Ces études permettront de mieux ajuster l’offre et la demande en orientant mieux les options de formation face aux besoins de l’économie. Car il faut souligner : si le taux de chômage associé à celui du sous-emploi est très élevé, de nombreuses offres ne sont pas satisfaites, car le niveau de formation de la main-d’œuvre n’est pas adapté. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Justement, il semblerait que l’accent soit aujourd’hui porté sur la formation professionnelle… Selon le tableau de bord ivoirien de mai 2016, le taux combiné du chômage, de la main-d’œuvre potentielle et du sous-emploi était estimé à 25,3 % en 2015, contre 26,5 % entre 2012 et 2013. Cela montre le déficit d’emplois à combler. Nous souhaitons valoriser la formation professionnelle et faciliter le passage de l’école à la vie active grâce aux outils liant la formation à l’emploi, dont l’apprentissage. On ne doit plus considérer les filières professionnelles comme des choix au rabais. En général, c’est quand un élève a échoué dans le cursus scolaire qu’il s’oriente vers les filières technologiques et professionnelles. Ce n’est pas un choix de départ. De fait, vous préconisez une approche globale ? Pour traiter le déficit d’emploi des jeunes, cinq mesures s’imposent. En premier lieu, l’heure est venue de changer de paradigme dans la définition des politiques économiques et sociales et de placer les objectifs du travail décent au centre des efforts de développement. Il faut trouver un nouvel équilibre entre ces politiques, qui mettent l’accent sur la stabilité macroéconomique, et celles visant à officialiser les marchés, améliorer la compétitivité, élargir la protection sociale et canaliser l’abondante énergie créatrice de ceux qui travaillent dans l’économie informelle. Deuxième axe : maintenir la croissance économique, nécessaire au développement et à la création d’emplois. À cette fin, il est urgent et impératif de resserrer le lien entre croissance et emploi. On ne saurait se contenter de promouvoir n’importe quel type de croissance : elle doit être durable et créatrice d’emplois pour bénéficier aux plus pauvres. Le taux de chômage inquiétant de la jeunesse africaine est souvent mis en parallèle avec la croissance économique rapide du continent. Selon la BAD, parmi les dix économies dont la croissance est la plus rapide au monde, six se trouvent en Afrique subsaharienne avec un taux de chômage de 6 %. La troisième mesure concerne la compétitivité et le développement de l’entreprise comme objectif national majeur. Cela doit être une priorité dans chaque pays. Les petites entreprises jouent un rôle clé dans la création d’emplois. Accroître l’investissement dans les secteurs à fort potentiel, voilà le défi principal, au même titre que le développement de l’investissement public, de l’investissement privé et de l’investissement étranger (IED). La modernisation de l’agriculture est indispensable pour une croissance équilibrée, car la demande générée par le secteur pourra engendrer un cycle de croissance vertueux.
La quatrième mesure consiste à donner un puissant élan à la formation et à l’apprentissage. Dans une économie globalisée, le niveau de qualification dans un pays détermine non seulement l’employabilité individuelle, mais également la façon dont il commerce avec le reste du monde. Cela suppose que les gouvernements s’engagent à investir et à créer les conditions pour améliorer l’éducation et la formation à tous les niveaux ; que les entreprises assurent la formation continue de leurs salariés ; et enfin que chacun veille à développer ses compétences et sa carrière. C’est une responsabilité partagée qui requiert une attention particulière envers les jeunes. Enfin, le droit du travail. Le respect des normes et des règles, la qualité des conditions de travail doit être un préalable pour la réussite des politiques publiques et l’emploi des jeunes. La promotion de ces valeurs constitue le meilleur gage pour garantir la paix sociale et le développement harmonieux
« Il faut une convergence des efforts pour trouver des solutions à cette épineuse question d’emploi des jeunes. »
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du pays. C’est donc une approche globale qu’il convient de mener. Aucune entité ne pourra relever seule ce défi. Ni les gouvernements, ni les employeurs, ni la société civile. Il faut une union et une convergence des efforts. Une politique commune et coordonnée au niveau national avec l’appui des partenaires techniques et financiers doit permettre de trouver des solutions à cette épineuse question d’emploi des jeunes, souvent qualifiée de bombe à retardement. Il s’agit aujourd’hui d’une problématique majeure et mondiale. Elle figure d’ailleurs au cœur des enjeux du sommet UE-Afrique. Le défi est-il donc de réussir à adopter une politique commune pour répondre aux attentes d’une jeunesse dynamique et créative, certes, mais en mal d’avenir ? C’est tout l’enjeu de ce sommet : aboutir à un partenariat mondial intégrant l’ensemble des parties prenantes, notamment les jeunes. On ne peut plus décider à leur place de leur avenir. Ils veulent davantage s’impliquer. Je reviens d’un atelier à Johannesburg où se trouvaient plus d’une centaine d’étudiants : ils sont en phase avec les solutions que je préconise. Ils souhaitent avant tout que les gouvernements fassent de l’éducation et de la formation une priorité. On doit les intégrer dans la conception de la stratégie de la politique d’emploi, qui ne doit pas être isolée, mais macroéconomique et comprise dans les plans et programmes nationaux de développement. ■ 67
TEMPS FORT
Diaspora for Growth, un forum économique et carrefour des investisseurs destiné aux Ivoiriens de l’extérieur, dont la 2e édition a eu lieu à Abidjan en février 2015.
Diaspora Un fonds pour catalyser les ressources La Côte d’Ivoire avait connu, hier, des candidats au départ. Aujourd’hui, s’inspirant de la politique menée par le Maroc, un dispositif a été mis en place pour inciter les expatriés à revenir dans les meilleures conditions.
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e 5 octobre dernier à Paris, entre les murs de l’hôtel Sofitel, les membres de la Direction des Ivoiriens de l’extérieur, organe chargé des questions relatives à la diaspora, et les représentants de l’Union européenne en Côte d’Ivoire signaient un protocole d’accord portant sur l’attribution d’une enveloppe de 2,7 millions d’euros pour « faire revenir les migrants ». L’immigration clandestine, obsession des instances européennes, est également une préoccupation des autorités ivoiriennes. Alors qu’auparavant l’objectif était de chercher à contenir les populations originaires de la sous-région, attirées par le « premier miracle économique ivoirien », la crise d’hier a contraint à relever de nouveaux défis. Traditionnellement terre d’accueil, la Côte d’Ivoire est devenue un pays
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de départ. Selon les statistiques des autorités, ils seraient plus de 8 000 Ivoiriens à avoir débarqué à Lampedusa (Italie) depuis le début de l’année 2016. « C’est une surprise, admet Jean François Valette, ambassadeur de l’Union européenne à Abidjan. Un pays avec une croissance importante, des mesures pour l’emploi des jeunes, qui figure en tête des nations de départ des migrants. Ce paradoxe ivoirien devrait faire l’objet de débats. » Notamment pour trouver des moyens de mettre un terme à ce « marché de mort » qui « persuade les jeunes qu’ils trouveront facilement une vie meilleure en Europe et que tout ira bien ». Et de rappeler : « En 2015, c’est contre ce phénomène mafieux que les chefs d’État européens et africains, au premier rang desquels celui de Côte d’Ivoire, se sont engagés à HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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par Dounia Ben Mohamed
lutter conjointement ». Pour l’Union européenne, cela se traduit par la mise en place d’un Fonds fiduciaire pour l’Afrique de l’Union européenne (FFUE-OIM), annoncé à l’issue du sommet de La Valette (Malte), avec pour objectif la protection et la réintégration des migrants.
UN PARADOXE NATIONAL Une question prise « à bras-le-corps » par les autorités ivoiriennes, selon le ministre de l’Intégration africaine et des Ivoiriens de l’extérieur, Ally Coulibaly. « Au total, 1 279 compatriotes ont été ramenés à la maison. Cela reste insuffisant au regard des milliers de jeunes fascinés par le mirage européen », déplore le ministre. « Pour nous, il ne s’agit pas de s’opposer au voyage, à la mobilité. La migration est un phénomène aussi vieux que le monde. En revanche, nous pouvons créer les conditions pour retenir nos enfants parce que nous en avons besoin. C’est ici que notre jeunesse pourra réaliser son bonheur. » La Côte d’Ivoire reste cependant une terre d’accueil. Ally Coulibaly souligne que 23 % de la population présente sur le territoire national est étrangère. L’autre volet de la politique en faveur des Ivoiriens de l’extérieur et de leur mobilité consiste en la prise en charge des questions relatives à la diaspora. Pour cela, les autorités ivoiriennes se sont inspirées du modèle
marocain. Il consiste à mettre en place un cadre législatif et institutionnel pour favoriser le retour des migrants et leur installation. Des candidats au retour connus sous le nom de « repats », « repatriés ». Il s’agit également de poser les conditions idoines et d’encourager ceux qui souhaitent investir. Ces intentions ont été concrétisées par des rencontres avec la diaspora, comme le forum Diaspora for Growth, organisé à Paris et à New York, au cours duquel les membres du gouvernement ivoirien, dont l’ancien Premier ministre Daniel Kablan Duncan, ont invité la diaspora à saisir les opportunités que lui offre le Plan national de développement (PND). Les projets à forte valeur ajoutée ne manquent pas en Côte d’Ivoire : immobilier, agrobusiness, services… Par exemple, des souscriptions ont été ouvertes en faveur des Ivoiriens de l’extérieur pour les logements économiques en cours de construction dans le pays, sous la conduite de l’État. Alors que les premières souscriptions ont été enregistrées, la Direction des Ivoiriens de l’extérieur travaille à un autre projet, plus ambitieux : la mise en place d’un fonds destiné à catalyser les investissements des acteurs de la diaspora. Si le format est encore à l’étude, le projet est plus que jamais une priorité du chef de l’État, qui ne cesse, depuis son arrivée au pouvoir, de multiplier les adresses à l’attention de la diaspora. ■
INTERVIEW
ISSIAKA KONATÉ « LA DIASPORA A TOUS LES ATOUTS EN MAIN » Le gouvernement a fait des compatriotes vivant à l’étranger une priorité. C’est la mission du directeur général des « Ivoiriens de l’extérieur », qui travaille à renforcer les liens entre la nation et ses expatriés. propos recueillis par Dounia Ben Mohamed
AM : Quelles sont les principales préoccupations des ressortissants vivant à l’étranger ? Issiaka Konaté : Il faut rappeler que pendant très longtemps, la Côte d’Ivoire a été un pays d’accueil et non de départ. Ensuite, la crise a conduit certains de nos compatriotes à partir. Le caractère récent du mouvement migratoire de la diaspora ivoirienne fait que nous ne rencontrons pas les mêmes problèmes que les autres pays. Ceci étant dit, la première étape pour répondre aux préoccupations des Ivoiriens de l’extérieur, conformément à la vision du président Ouattara, a été d’en établir une cartographie. La création de notre 70
ministère répond à cette volonté. En 2008, notre diaspora était évaluée à 240 000 personnes. Depuis, nous n’avons pas de données fiables. Selon les estimations effectuées à partir des transferts de fonds et de la Banque mondiale, elle concernerait désormais 1 240 000 individus. Cependant, en s’en tenant exclusivement aux listes électorales, elle ne compte que 55 000 personnes en âge de voter. Ces différences sont trop importantes pour aboutir à une estimation réelle et convenir de mesures idoines. Aussi, avec l’Organisation internationale des migrations (OIM), nous souhaitons cartographier trois pays : la France, les États-Unis et le HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Avant de rentrer pour participer au redressement du pays, Issiaka Konaté a lui-même vécu à Londres. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Sénégal. Les préoccupations de concitoyens de l’étranger ont été recueillies lors de deux forums que le gouvernement a organisés en 2015 et 2017 et des rencontres « Diaspora for growth » organisées en France et à Abidjan. Elles portent sur les facilités douanières, les problèmes d’investissement, la représentation politique (partiellement prise en compte dans la Nouvelle Constitution), la question du retour réussi et la double nationalité, mais aussi des difficultés sociales. Ces éléments reviennent régulièrement et nous devons y faire face. Nous devrions être en mesure d’éviter les erreurs d’autres pays en nous fondant notamment sur des exemples de réussites afin d’adapter notre politique. Laquelle devra également répondre à ces autres préoccupations majeures de la diaspora : comment rester en contact avec son pays tout en résidant à l’extérieur, et comment mieux aider à son développement. Travaillez-vous à orienter les transferts de fonds à usage familial, dont les montants dépassent parfois l’aide au développement, vers des investissements dans de véritables projets ? En effet. C’est l’idéal, mais c’est difficile. Quand quelqu’un envoie de l’argent, il le fait pour des besoins précis, souvent urgents, pour aider sa famille restée au pays. Il doit désormais être en mesure d’identifier les projets en Côte d’Ivoire lui permettant de participer concrètement au développement de son pays, et non plus de répondre seulement aux urgences familiales. Comment concilier les deux ? C’est la grande question. À mon sens, apporter des réponses ponctuelles n’est pas la solution, il faut davantage réunir la famille autour de projets productifs. Nous savons aussi que le cercle proche n’est pas toujours exempt de reproches dans la gestion des biens des personnes établies à l’extérieur. Ces agissements engendrent des difficultés pour le retour de la diaspora. Certaines souscriptions pour les logements sociaux en cours de construction, comme la cité Ado à Yopougon, ont été ouvertes aux Ivoiriens de l’extérieur. Quel succès cette mesure a-t-elle rencontré ? Je dois reconnaître que le nombre de souscriptions n’a pas rempli les attentes. Le ministre de l’Intégration africaine, Ally Coulibaly, dont je dépends directement, a engagé des consultations avec le ministère de la Construction en instruisant qu’une première réunion se tienne sur le plan technique. C’est un dossier prioritaire. Ensemble, nous allons essayer de proposer des solutions nouvelles dans l’intérêt de nos compatriotes. J’ai confiance en la solidarité gouvernementale et en nos bons rapports avec les départements en charge de cette question. Nous soumettrons des propositions à notre hiérarchie. En tout état de cause, ces mesures pour le logement social vont être ajustées pour assurer la sécurisation des souscriptions. 72
« Des expatriés ont accepté d’enseigner dans nos universités, et bien d’autres lancent des actions sociales ! » Des projets d’investissements ont également été annoncés pendant le forum « Diaspora for growth », mais tous n’ont pas été concrétisés. C’est un véritable défi. Pour autant, l’immobilier demeure une piste intéressante pour lier véritablement la diaspora à son pays d’origine. Une maison, c’est une attache. Nous réfléchissons également à la mise en place d’un mécanisme d’investissement sur le modèle de ce qui a été établi au Sénégal. Le rapport final de ce dispositif a été rendu il y a quelques jours. Il faut une structure en mesure de canaliser les financements et de les inscrire dans des projets à forte valeur ajoutée et possiblement en rapport avec notre programme national de développement (PND). Vous évoquiez la question du retour. C’est l’un des leitmotivs du président Ouattara : inviter la diaspora à rentrer et à participer au développement de son pays… Quel impact espérez-vous sur le plan social ? Le retour ne doit pas être un objectif en soi. Le but est surtout d’avoir une diaspora qui connaisse sa force et ses opportunités. Qu’elle soit dans une démarche de retour ou depuis l’extérieur, elle doit être bien organisée. Nous allons l’y aider sans être directifs ! Nous avons comptabilisé plus de 1 000 associations d’Ivoiriens en France et dans le monde ! Elles doivent se fédérer afin que nous puissions mieux répondre aux attentes et préoccupations de la diaspora, tout en respectant les lois des pays où elle est établie. Si les Ivoiriens, et les Africains d’une manière générale, ne sont plus heureux dans leurs pays d’adoption, que les opportunités de travail s’amoindrissent, malgré leur formation de qualité, et qu’ils sont sous-employés, ils doivent songer à saisir les aubaines qui se développent sur le continent africain. Qu’ils prennent le risque que nous avons pris avant eux. Mais un retour s’anticipe et nécessite des dispositions. Je suis moi-même de la diaspora. Revenir de Londres a été un défi majeur, mais j’ai choisi de rentrer parce que je voulais participer au développement de notre pays. L’élection du HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Juin 2017, au Medef (Paris), siège du patronat français. Autour d’Issiaka Konaté, une équipe d’intervenants fait part de ses expériences et planche sur la thématique du retour au pays. président Ouattara a offert cette opportunité à plusieurs d’entre nous : des Ivoiriens installés à l’étranger ont accepté d’enseigner dans nos universités, et bien d’autres lancent des actions sociales ! Toutes ces contributions sont bien utiles. Cette dynamique doit se poursuivre. Ce combat peut s’avérer compliqué, mais la diaspora peut gagner car elle a tous les atouts. C’est le message que je m’acharne à véhiculer car je rencontre régulièrement des Ivoiriens talentueux et bien formés en attente d’occasions. Notre continent doit offrir ces opportunités s’il veut continuer à bénéficier de l’expérience et des compétences de sa diaspora. Cette dernière doit aussi faire preuve de patience, de persévérance et d’humilité dans une Afrique en pleine mutation. La politique africaine de la France doit être incarnée par une nouvelle institution, le Conseil présidentiel pour l’Afrique. Qu’en pensez-vous ? Pourquoi pas ? Il peut être intéressant qu’Emmanuel Macron crée une nouvelle cellule pour réfléchir à d’autres formes de partenariats. Encore faut-il les adapter aux réalités africaines. Dans notre pays, 77 % de la population a moins de 35 ans. C’est un défi immense, et pas seulement démographique ! Quel avenir, quels emplois allons-nous leur offrir ? Quelles opportunités dans une Afrique en pleine mutation, qui fait face à une mondialisation galopante ? Si la France veut mettre fin demain aux drames de l’immigration clandestine, elle a tout intérêt à répondre aux problématiques de la jeunesse aux côtés des leaders africains. Le prochain sommet Afrique-Union européenne en offrira l’opportunité. France et Afrique doivent s’assurer de travailler ensemble pour des solutions durables. Il faut une collaboration fondée sur la confiance, de la concertation dans les positions. Hommes et femmes doivent pouvoir voyager librement, mais dans le respect des lois des pays d’accueil, de départ et de transit. Je crois en la migration légale et bien organisée pour un partage des expériences. C’est notre responsabilité HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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d’offrir à la jeunesse une alternative à ces embarcations de fortune. Il ne s’agit pas de pointer du doigt coupables et innocents, mais d’apporter une réponse mondiale ! Les hommes doivent pouvoir se déplacer dans des conditions dignes et décentes ! Ce défi fait appel à toute notre humanité. La Côte d’Ivoire prendra ses responsabilités en regard du fort soutien politique du président de la République, du viceprésident et du Premier ministre, mais aussi de l’ensemble du gouvernement. Par ailleurs, notre pays abrite 25 % de personnes d’origine étrangère. Nous sommes aussi une terre d’accueil et même de transit. Une belle alternative à l’Occident. Justement, quelle politique est mise en place pour accueillir et intégrer les étrangers ? J’ai eu la chance de partager notre vision lors du lancement du projet avec l’Union européenne et l’Organisation internationale des migrations (OIM), le 5 octobre dernier. Parmi les solutions proposées, une politique en faveur des jeunes est en voie d’implémentation, et nous appuyons régulièrement leurs projets. Mais il faut aussi saisir les occasions offertes par le fonds fiduciaire d’urgence de l’UE et renforcer les centres de formation professionnelle. La Côte d’Ivoire a toujours été accueillante malgré nos années difficiles. Ally Coulibaly compare souvent notre pays à une Afrique en miniature ! Les Ivoiriens aiment recevoir et font oublier le mal du pays. Le nôtre se veut ouvert, agréable, puissant économiquement et percevant l’immigration comme une chance. Toutefois, les défis sécuritaires actuels du continent exigent davantage de prudence et de mutualisation des renseignements et des expériences policières. La Côte d’Ivoire va surprendre le monde. Je me sens fier, chanceux et privilégié de faire partie de l’une des aventures humaines les plus exaltantes depuis 2010, date de l’élection du président Ouattara. Je souhaite juste apporter ma modeste contribution. ■ 73
REPORTAGE
ABIDJAN : LA DYNAMIQUE ET SES CONSÉQUENCES La capitale économique attire de plus en plus d’investisseurs, touristes et commerçants. Mais cette vitalité n’est pas sans poser un certain nombre de questions à résoudre, notamment en matière de circulation, d’habitat ou de gestion des déchets… Tour d’horizon.
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as une semaine ne se passe sans qu’Abidjan n’accueille une manifestation d’envergure. Des grandes rencontres internationales, comme les Jeux de la francophonie ou le sommet Union européenne-Afrique, aux rendez-vous régionaux comme le Salon de la pharmacie et de la pharmacopée traditionnelle, Pharmafrica, ou la rencontre des dix-sept Premières dames d’Afrique de l’Ouest. Sans oublier des rendez-vous culturels comme le FEMUA, qui célèbre cette année les vingt ans de carrière du groupe Magic System. La capitale économique ivoirienne est devenue en quelques années la porte d’entrée de l’Afrique de l’Ouest et un centre régional qui séduit les multinationales. Coca-Cola, par la voix de Brian Smith, son patron pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique, se félicitait de « l’environnement opérationnel » créé par le gouvernement ivoirien. Il a exprimé la volonté de son groupe de poursuivre « son business » à travers des investissements directs et indirects dans le pays. Et il n’est pas le seul. Dans le sillon français, on retrouve Jumia, Bel et L’Oréal, récemment implantés. Une dynamique qui s’illustre également, localement, avec la création de start-up par de jeunes Ivoiriens. Mohamed
Bakayoko Lamine, PDG d’Avva, est l’un d’eux. « Abidjan est une ville superattractive ! En termes de marchés, d’infrastructures, de services, on y trouve tout ce dont on a besoin. Ma matière première me coûte moins cher ici que dans les zones de production du café. Le potentiel économique est élevé. Cependant, il faut désengorger Abidjan pour un meilleur attrait de la Côte d’Ivoire tout entière », recommande le jeune chef d’entreprise, avant d’admettre : « Toutefois, je n’irai pas investir à l’intérieur du pays, tant cette ville résume à elle seule le pays ». La capitale économique avec son port, dont les travaux d’élargissement du canal d’accès ont été financés par la banque chinoise Eximbank, à hauteur de 560 milliards de francs CFA (854 millions d’euros), devrait accueillir prochainement de plus grands navires. Une rentabilité certaine qui attire des investisseurs, dont la majorité s’installe à Abidjan pour la réduction de coûts comme le transport. Les investisseurs qui ont repris la route d’Abidjan après la période de la crise sont maintenant orientés vers la nouvelle zone industrielle d’Akoupé-Zeudji, aux abords de l’autoroute Abidjan-Yamoussoukro, où 940 hectares ont été mis à disposition par la chefferie de ce village attié – en août 2016, 52,8 hectares étaient occupés par vingt-sept entreprises. Il faut dire Au cœur de la ville, le Plateau, surnommé « le petit Manhattan », est devenu le quartier des affaires par excellence.
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Avec l’augmentation constante de la population, que la zone industrielle de Yopougon arrivait à saturation. Un petit tour non loin de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) permet de constater que la voie Abidjan-Adzopé est occupée par les camions de la Cimaf (Ciments d’Afrique). Avec sa très grande enseigne, ses rues d’accès bitumées, la joint-venture de la brasserie CFAO-Heineken a pris ses marques sur ce nouveau site industriel, après la vaste station de pesage d’Allokoi, à la sortie de Yopougon. À Marcory, juste à côté de l’usine du groupe Solibra (Cas-
BAIE DE COCODY, UNE MARINA POUR ABIDJAN
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ifficile d’entrevoir pour l’heure à quoi ressemblera l’ancien site du Café de Rome, détruit et en chantier depuis 2016. Les grandes affiches situées en façade vendent du rêve. Une eau bleue, des voiles, une marina. Pour Abidjan. La tâche de la réalisation revient au groupe marocain MarchicaMed et les travaux coûteront au total 280 milliards de francs CFA, dont 60 % financés par la Banque islamique de développement (BID). Le 18 janvier 2016, Daniel Kablan Duncan, alors Premier ministre, posait la première pierre. Cette marina dont le chantier a reçu la visite du roi Mohamed VI, le 6 mars dernier, sera achevée vers 2020. Lors de la visite du roi M6 et du chef de l’État, Alassane Ouattara, Saïd Zarour, le premier responsable de MarchicaMed a soutenu qu’avec ce projet « il s’agit de consolider Abidjan, la perle des Lagunes, en tant que destination touristique privilégiée. » Pour l’heure, les pelleteuses ont enlevé beaucoup de sable, creusé le fond qui longe la voie de la corniche, enlevé des tonnes de boue, fait reculer l’eau… Bien avant les travaux, cette partie de la lagune était recouverte de salades d’eau douce et dégageait une odeur irrespirable. Aujourd’hui, avec la noria de camions-bennes se disputant le terrain difficile de ne pas remarquer ce vaste chantier. Symbole du renouveau relationnel entre Abidjan et Rabat, la future marina ivoirienne est très attendue par les Abidjanais. Pour l’heure, les adeptes de la plaisance se rendent dans la station balnéaire d’Assinie, à une soixantaine de kilomètres d’Abidjan, pour profiter de la mer, sur des voiles ou de puissants bateaux de plaisance. Avec le Maroc et cet investissement touristique, le rêve est permis. Et il n’y a qu’à voir les maquettes en photo. Pour l’émergence, il y a quelques bribes d’espoir sur l’eau. ■ I.N.
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tel) et du centre commercial PlaYce, les engins de travaux publics vrombissent depuis quelques semaines. D’un coût de 50 milliards de francs CFA, l’échangeur qui sort de terre est le « pont » symbolique de la forte relation entre la Côte d’Ivoire et le Japon. Il permettra de fluidifier la circulation sur le boulevard Valéry-Giscard-d’Estaing (VGE). Trois ans auparavant, le 16 décembre 2014, Alassane Ouattara et son « aîné » Henri Konan-Bédié inauguraient ensemble le pont baptisé du nom du président du PDCI-RDA, au titre de l’alliance des houphouétistes, au pouvoir. Abidjan poursuit sa mue vers la modernisation de ses infrastructures et ressemble parfois à un immense chantier à ciel ouvert.
VERS LES DEUX MILLIONS DE PASSAGERS Signe de cette embellie économique, la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) a atteint un portefeuille de 43 entreprises. Autre signe, le nombre de compagnies aériennes qui desservent la capitale. Après Air France, passée à un vol quotidien, Corsair, Brussels Airlines et plus récemment la TAP desservent quotidiennement les bords de la lagune… L’aéroport international Félix-Houphouët-Boigny, géré par AERIA, se retrouve avec des dessertes de vingtquatre compagnies, dont KLM Air France, qui dispose de quatorze fréquences hebdomadaires. D’ailleurs, en 2016, Gilles Darriau, DG de l’aéroport, estimait à 1,8 million le nombre de passagers passés par Abidjan, contre un peu moins de 1,6 million en 2015, soit une augmentation de 16 %. Pour accroître les capacités opérationnelles, AERIA compte investir 40 milliards de francs CFA (près de 61 millions d’euros) sur trois ans. Et afin de mieux héberger le flux des visiteurs économiques déferlant sur la ville, les hôtels poussent comme des champignons. Seen Hôtel est sorti de terre en plein cœur du Plateau, à côté du siège de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI) et à deux pas de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI-CI). Le Radisson Blu a ouvert ses portes peu après l’hôtel Onomo dans le périmètre aéroportuaire. Dernier arrivé, le complexe Azalaï sur le VGE, fruit de 24,2 milliards de francs CFA d’investissement et de 164 emplois créés, 200 chambres et suites au total, qui s’ajoutent à l’offre abidjanaise déjà existante du Sofitel Hôtel Ivoire, de l’Eden Golf Hotel, des deux complexes Ibis ou du Novotel, sans oublier de nombreuses résidences. En attendant, circuler à Abidjan est devenu de plus en plus difficile. Chaque jour, vous pouvez perdre jusqu’à trois heures dans les embouteillages. Le gouvernement, conscient du frein économique qu’ils entraînent, tente d’y remédier. La Corée du Sud finance actuellement l’agrandissement d’une portion du boulevard Latrille qui est une des voies les plus engorgées. Le pont Yopougon-Adjamé-Plateau est également HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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le futur métro tomberait à point nommé… très attendu. Il doit partir des environs de la Sideci pour atteindre Adjamé et le Plateau, dans les environs de la mairie d’Adjamé, le quartier marchand d’Abidjan. D’un coût estimé à 150 milliards de francs CFA, il est soutenu par la Banque africaine de développement (BAD). L’État ivoirien participera à hauteur de 55,3 milliards de francs CFA. Ce quatrième pont est l’espoir des usagers qui peinent chaque jour à sortir de Yopougon pour aller travailler au Plateau. Les voitures, de plus en plus nombreuses, ne permettant plus de faciliter le transport des Abidjanais, le métro apparaît comme une solution. Les travaux devraient être lancés le 30 novembre prochain à l’occasion de la première visite en terre ivoirienne du président français Emmanuel Macron pour le sommet Union européenne-Afrique. Autre piste, la mise en valeur de la voie lagunaire. STL d’Adama Bictogo et Citrans de Zoumana Bakayoko sont les nouveaux concurrents de la Sotra, la société publique qui, toutefois, a renouvelé son parc automobile grâce à un prêt de 118 milliards de francs CFA d’Eximbank of India. À ce jour, selon une source au ministère des Transports, la Sotra a reçu, par tranches, 500 autobus. Objectif, en acquérir 2 000 à l’horizon 2020.
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DE NOUVELLES PROBLÉMATIQUES Autres défis majeurs pour la ville : le logement. Le plan stratégique de construction de logements sociaux se poursuit et s’accélère pour faire face à un déficit estimé à 400 000 unités par an. Les Abidjanais peinent à se loger, et avec eux, les investisseurs, dont certains allient bureaux et résidence, comme des responsables turcs de Sibeton sur le Latrille, après le centre commercial Sococé, aux Deux-Plateaux. Enfin, la question sécuritaire et la délinquance inquiètent. Notamment, ce phénomène dit « des microbes », ces enfants constitués en bandes et qui ont fait de l’ultraviolence leur mode opératoire. Il a fallu la mort d’un policier pour que les autorités lancent le troisième volet de l’opération « Épervier », dont l’objectif est de traquer le grand banditisme. Pour Jean-Jacques Konadjé, expert indépendant en sécurité et enseignant-chercheur à l’Université de Rouen, « malgré le charme discret de la paix qui règne, la Côte d’Ivoire semble en proie à une violence symbolique qui se manifeste sur plusieurs formes », dont les agressions des « microbes. » Une délinquance urbaine comme en connaissent toutes les grandes villes de ce monde, rappelle le ministre de la Promotion de la Jeunesse, de l’Emploi des jeunes et du Service civique Sidi Touré. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Demain, la ligne de métro pourra transporter jusqu’à 300 000 passagers par jour. La pression démographique est une réalité, avec plus de 4,3 millions d’âmes selon le dernier recensement. L’augmentation de la population, 2,6 % par an, est une réelle source de réflexion qui entraîne de nouvelles problématiques liées à l’urbanisme. Comme la pollution. À Abidjan, la respiration devient parfois difficile. Avec une majorité de véhicules d’occasion, qui ont dépassé les 10 ans, on suffoque ! Mais, pis, la gestion d’ordures à ciel ouvert constitue un nœud gordien pour le gouvernement, qui planche sur une solution définitive. Le gouverneur du district, Robert Beugré Mambé, a annoncé un budget de 13 milliards de francs CFA (20 millions d’euros) pour cette modernisation. Les Abidjanais, et avec eux les investisseurs et visiteurs de la capitale économique ivoirienne, placent un véritable espoir dans ce chantier, l’un des nouveaux défis à régler… ■ 77
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Numérique Un tremplin pour les jeunes entrepreneurs L’essor des smartphones contribue à accélérer les changements des modes de consommation. Des créateurs imaginent des applications et des établissements forment aux métiers du digital. Ambition affichée : faire de la Côte d’Ivoire le futur pôle technologique de la région. par Dounia Ben Mohamed
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a jeunesse, quand on lui fait confiance et qu’on lui donne sa chance, c’est un formidable atout ! » s’exclame Édith Brou. La blogueuse, influente sur la toile ivoirienne, ne feint pas son enthousiasme. Elle en veut pour preuve le nombre d’initiatives portées par des jeunes en Côte d’Ivoire. Sa génération notamment. Ni dorée ni sacrifiée, qui a connu tant la période faste que celle des vaches maigres, une jeunesse entreprenante. « On a fini par comprendre la fin de l’État providence et décidé de créer les conditions de notre avenir. » Et, à cet effet, ils usent sans modération des nouvelles technologies, en plein essor dans le pays et véritable accélérateur d’autonomisation des jeunes. En atteste une étude réalisée par Jumia Côte d’Ivoire présentée en septembre dernier lors d’une rencontre dédiée à l’e-commerce. « Le pays, avec ses indicateurs de 2016, est au-dessus des moyennes africaines, avec un taux de pénétration mobile de 122 %, et de 22 % pour Internet », confirme Francis Dufay, DG de Jumia Côte d’Ivoire, premier site marchand du pays. Installée en 2012, « après des débuts difficiles », la plateforme compte aujourd’hui 300 000 clients, 200 000 commandes par jour à travers tout le pays (dont la moitié en provenance de l’intérieur), 50 000 références et 430 employés. Un succès qui illustre l’essor du numérique en Côte d’Ivoire. Selon le ministère des NTIC, le pays compte 8 000 000 d’abonnés Internet et 25 000 000 abonnements à
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la téléphonie mobile. Un secteur dopé par l’arrivée dans le paysage local de la 3G en 2012, ainsi que par l’importation des smartphones d’Asie, moins coûteux. Un boom de la téléphonie qui entraîne de nouvelles tendances de consommation, notamment dans le commerce : 85 000 Ivoiriens sont abonnés à des plateformes de vente en ligne telles que Jumia, dont 42 % de femmes et 58 % d’hommes. Un phénomène d’autant plus marquant qu’il s’est développé dans un contexte de crise. En effet, beaucoup ont vu dans ce secteur une source d’emploi et un tremplin pour l’autoentrepreneuriat. Depuis, la tendance se confirme. Totalisant 150 000 emplois aujourd’hui, dans l’économie formelle, un chiffre d’affaires de plus de 1 000 milliards de Francs CFA en Côte d’Ivoire, représentant 7 à 8 % du PIB.
UN NOUVEAU SOCLE JURIDIQUE « En effet, l’investissement du secteur privé n’a cessé de croître ces cinq dernières années », indique le ministre chargé du secteur, Bruno Koné. « L’État a initié plusieurs projets ambitieux visant à augmenter la maturité numérique du pays. Ce qui a considérablement transformé les habitudes des populations ivoiriennes, et favorisé l’adoption de nouveaux services et le développement d’activités nouvelles, créatrices de valeur (le commerce électronique, le paiement mobile, l’infogérance, la production d’applicatifs informatiques, la HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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production audiovisuelle, la sécurité informatique, etc.). » Il souligne au passage le succès du mobile money, lequel « permet une plus grande inclusion financière. Cette activité, auparavant inexistante, continue de s’accroître de façon exponentielle avec un volume journalier de transactions enregistrées dans les réseaux des opérateurs qui est passé, en l’espace de trois ans, à près de 15 milliards de Francs CFA (près de 23 millions d’euros ». Décidé à mieux encadrer le secteur, perçu comme un axe stratégique de l’émergence du pays à l’horizon 2020, l’État a mis en place un cadre qui doit conduire à l’avènement d’un modèle économique numérique conçu comme une véritable source de croissance inclusive. Ainsi, quatre lois ont été adoptées dès 2012 : le code des Télécommunications/TIC sur les transactions électroniques, la protection des données à caractère personnel et la lutte contre la cybercriminalité. Un nouveau socle juridique qui a été suivi par la mise en place d’une infrastructure large bande, la fibre optique, sur 7 000 km, reliant tous les pôles administratifs et économiques du pays. Par ailleurs, la libéralisation du secteur des télécommunications a augmenté la compétitivité entre les opérateurs, participant par la même occasion à une réduction des coûts. Enfin, l’application d’un programme « e-gouv » pour tous les services publics est en cours. Entre-temps, pour assurer la demande en compétences, l’École supérieure africaine des technologies de l’information et de la communication (Esatic), un établissement public qui forme aux métiers du numérique, a été créée. Et, projet phare de l’ambition nationale, Vitib, zone franche de la biotechnologie, des technologies de l’information et de la communication (ZBTIC), à Grand Bassam, est sortie de terre. Cet écosystème doit permettre l’émergence des leaders nationaux et positionner la Côte d’Ivoire comme le hub numérique régional. Opérationnelle pour sa première phase, la structure, en voie d’extension, accueille déjà les poids lourds du secteur, dont Orange. Tandis qu’une usine de fabrication de médicaments contre le diabète, le paludisme et les problèmes cardiaques, Pharmanova, est en cours de construction. Mais les nouvelles technologies produisent, elles aussi, leur revers de médaille. Comme l’apparition des « brouteurs », des cyber-arnaqueurs qui ont conduit Paypal à exclure la Côte d’Ivoire de son réseau. Les autorités tentent d’adapter la législation à ce phénomène. Non sans difficultés… En attendant, et fort heureusement, Bruno Koné, ministre d’autres innovations voient de la Communication, le jour. Des bijoux connecde l’Économie tés pour lire le dossier numérique et de la Poste. médical des victimes HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE NE E
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d’accident ; des solutions de mobile money en zone rurale ; des luminaires intelligents ou encore des carnets de vaccination électronique… Autant d’idées qu’il existe de besoins. Les jeunes entrepreneurs ivoiriens apportent des solutions concrètes à des problèmes de société, participant ainsi à son progrès. « On a plus d’une dizaine d’agences digitales locales et internationales. Et les agences de communication classiques s’y sont mises aussi. Les marques nationales et internationales professionnalisent leur présence sur les réseaux sociaux », observe Édith Brou. Avec la baisse du coût des forfaits Internet mobile et la consommation accrue de la vidéo, de nouveaux métiers ont fait leur apparition. Les influenceurs drainent chaque jour des milliers de fans sur Facebook, Instagram, Twitter et Snapchat. Les métiers du digital connaissent un véritable engouement. Les entreprises cherchent constamment à recruter des community managers, des trafic managers, des développeurs, des référenceurs, des web-designers, des digital managers… Tout ça évolue très vite et participe à changer la société ivoirienne, c’est certain. »
UNE STRATÉGIE AMBITIEUSE Sidick Bakayoko, organisateur du Festival de l’électronique et des jeux vidéo d’Abidjan (Feja, 11 et 12 novembre 2017), le « plus grand événement d’e-sport en Afrique » selon son promoteur, est tout aussi enthousiaste. « De nombreux jeunes se mettent au numérique, pour créer le buzz autour du social media, des blogueurs, des gens qui fabriquent du contenu et le partagent en ligne. Des vidéos autour de la cuisine, de l’entertainment, la création locale devient importante. C’est intéressant. Avec des acteurs locaux encore petits mais qui bousculent les choses. Ce qu’on veut faire avec le Feja, c’est montrer qu’il y a un écosystème qui existe et révéler ses acteurs. » Et le jeune homme d’ajouter : « C’est à la nouvelle génération de saisir cette opportunité. Être dans l’innovation, c’est souvent être avant-gardiste et incompris. Dans certains pays, le cadre légal et institutionnel existe, dans d’autres, les choses vont rapidement devoir se mettre en place. En Côte d’Ivoire, notamment. Le ministère a une stratégie très ambitieuse autour des NTIC, avec un accompagnement prévu pour les start-up locales. De façon générale, le gouvernement envoie des signaux positifs en lançant des projets comme le Vitib, une sorte de Silicon Valley. À nous de viser la lune… » En exploitant certaines niches comme l’industrie du jeu vidéo, qui offre énormément de potentialités d’emploi. » Les autorités, en l’occurrence, visent la création d’au moins 150 000 emplois nouveaux (directs et indirects) dans le secteur d’ici à 2020. ■ 79
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Constructions et rénovations : le réseau routier national (ici, l’axe Yamoussoukro-Abidjan) va bénéficier d’une modernisation sans précédent.
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LES RÉGIONS À L’AVANT-GARDE Déconcentrer l’activité économique vers l’intérieur du pays constitue un des axes de la feuille de route gouvernementale. Priorité : booster les infrastructures. par Issiaka N’Guessan
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e 2 octobre 2017, à l’hôtel Sofitel d’Abidjan. Au cours d’un atelier organisé dans le cadre des Rencontres Africa 2017, l’ancien Premier ministre ivoirien Jeannot Ahoussou-Kouadio, président de l’Association internationale des régions francophones (AIRF), invite les hommes d’affaires français à saisir les opportunités d’investissement. « La Côte d’Ivoire est un pays qui regorge de richesses. » Café, cacao, hévéa, palmier à l’huile, anacarde, manioc, mais également minerais (or et cuivre) et produits pétroliers… Des matières premières qui restent à valoriser. À cet effet, « les réformes structurelles entreprises par le gouvernement ces dernières années offrent des facilités aux partenaires financiers en vue de contribuer pleinement à la valorisation de ses atouts économiques et à la création de richesses dans le pays », assure-t-il. L’objectif est simple : attirer les investisseurs au cœur des régions, agricoles notamment.
• Répartir l’activité économique : une urgence Afin de mieux partager les fruits de la croissance, les autorités ont opté pour la décentralisation économique. Cette priorité gouvernementale vise à disséminer l’activité, focalisée sur Abidjan. Pour accompagner ces mesures sur le plan juridique, un ensemble de lois et de réformes ont été adoptées. Elles visent à accélérer le processus et orienter les nouveaux projets d’investissements vers l’intérieur du pays, à travers les fameux partenariats public-privé (PPP), importants leviers de financement. Ainsi, selon les annonces de Jeannot Ahoussou-Kouadio, des PPP ont par exemple été conclus entre les autorités nationales et un groupe marocain pour la construction de projets immobiliers dans la région du Bélier. Mais encore faut-il mettre en place les infrastructures nécessaires à l’implantation de ces projets. Un travail amorcé, dès 2011, à travers le Plan d’infrastructures d’urgence, puis le PND I et II, qui promettent une réhabilitation des routes, la construction d’autoroutes, ponts et autres voiries, et l’augmentation de la capacité énergétique des villes stratégiques.
• Les routes, voies de l’émergence SIA KAMBOU
Le gouvernement ivoirien a défini un plan ambitieux d’investissement sur la période 2016-2020. 3 760 milliards de francs CFA vont être injectés dans la construction et la réhabilitation des routes. 4 000 kilomètres de bitume HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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seront donc réhabilités durant ce quinquennat, pour un coût de 1 246 milliards de francs CFA grâce à un financement acquis lors de la réunion du groupe consultatif de Paris en mai 2016. À l’issue de cette réhabilitation, en 2020, le réseau routier national sera multiplié par deux. Il est actuellement composé de 220 km d’autoroutes et de 6 500 km de routes bitumées. En attendant, la réfection de l’autoroute Yamoussoukro-Bouaké, pour un coût de 292 milliards de francs CFA (près de 450 millions d’euros) permettra d’améliorer la circulation intérieure. Tout comme l’axe Abidjan-San Pedro, la seconde ville portuaire du pays, dans le Sud-Ouest. Enfin, la réalisation du 4e pont d’Abidjan, de Yopougon au Plateau, coûtera quant à elle 200 milliards de francs CFA (300 millions d’euros). Yamoussoukro, Abengourou, Bouaké, et Soubré: ces villes, ciblées pour leur fort potentiel de développement et leur position stratégique, seront les fers de lance de cette décentralisation économique. L’idée étant de renforcer l’interconnexion, tant nationale que régionale, à travers ces agglomérations destinéss à devenir des pôles de croissance.
• San Pedro, zone stratégique Ainsi, la cité portuaire de San Pedro, haut lieu du cacao, où se développe l’activité pétrolière et industrielle, doit voir la construction d’une nouvelle ligne ferroviaire la reliant à Man, en vue de stimuler l’activité économique dans l’ouest du pays. Déjà annoncé, le prolongement de l’autoroute AbidjanYamoussoukro doit desservir Bouaké, dans un premier temps, mais aussi relier le Burkina Faso. Les voies Bouaké-Tiébissou et Yamoussoukro-Tiébissou sont au programme. Sur le plan régional, d’autres projets vont accroître le rôle central de la Côte d’Ivoire pour l’exportation de matières premières : les autoroutes Abidjan-Lagos et Abidjan-Ouagadougou restent essentielles ; le corridor ferroviaire de 1 000 km reliant le port de San Pedro à Bamako ouvrira la voie à la circulation des minerais de fer ; et l’axe Man-Nzérékoré (Guinée-Conakry) permettra l’exploitation en commun du sous-sol guinéen. Citons également la route reliant la Côte d’Ivoire au Mali. En partant d’Ouangolo vers Bougouni, elle passe par Niélé et Sikasso. Enfin, le projet « Rail City », une reconversion du patrimoine foncier de la Société ivoirienne de gestion du patrimoine ferroviaire (SIPF). L’association du réseau ferroviaire et routier participera au développement de l’exploitation minière, mais surtout renforcera l’interconnexion régionale.
• Le retour de l’État dans le Nord Cette décentralisation plus que nécessaire répond surtout à une demande socio-économique. Elle marque la volonté de l’État de rétablir la gouvernance dans le Nord, autrefois 82
fief de la rébellion, délaissé par l’autorité centrale. Ainsi, la construction d’hôpitaux, d’écoles, le déploiement de l’administration et la création de logements sociaux seront la priorité dans des villes clés comme Khorogo et Bouaké. Des zones d’activités économiques sont également prévues afin d’inciter les entreprises à s’implanter. In fine, ces villes doivent devenir des poumons économiques régionaux, autonomes. Mais, pour cela, il faudra aussi une révolution culturelle : accepter qu’Abidjan délaisse un peu de sa centralité. Et achever le processus de décentralisation administrative… ■
KORHOGO, LA RENAISSANCE Située à 635 km d’Abidjan, cette ville fait figure d’exception dans une zone encore marquée par la crise. Embellie, la « capitale des motos » prend un nouveau virage.
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otamanan! « Bienvenue », en sénoufo, la langue parlée dans la région de Korhogo. Dans cette ville, il faut arriver la nuit, après plusieurs heures de route depuis Abidjan, pour prendre la mesure du changement. C’est après Yamoussoukro que la réalité s’impose. En attendant le début effectif des travaux de prolongement de l’autoroute reliant la capitale à Tiébissou, les automobilistes doivent affronter nids-de-poule et crevasses. Et après Bouaké, les véhicules sont contraints de ralentir. La voie internationale Abidjan-Bouaké-Ferké-Ouagadougou ou Bamako est devenue un frein à la fluidité des échanges entre les pays de l’hinterland et les ports ivoiriens d’Abidjan et de San Pedro. Lorsque Korhogo apparaît enfin, la difficulté du voyage cède la place au plaisir de la découverte d’une belle et agréable cité. Juste après le virage du lycée Félix-Houphouët-Boigny, à l’entrée de la ville, non loin de l’ancien aérodrome, le visiteur débouche sur une vallée de lumière ! À gauche, l’université Péléforo-Gbon-Coulibaly, du nom du fondateur de cette ancienne cité historique et protecteur du père de l’indépendance. Le maire actuel n’est autre que son descendant, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. D’importants travaux ont été menés en vue de redorer le blason de cette commune de 245 000 âmes, selon le dernier recensement officiel (2014), marquée, comme le reste de la région, par la crise politico-militaire. Signe tangible de HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Routes bitumées et quartiers entretenus : la commune a été sacrée en 2015 et 2016 « ville la plus propre de Côte d’Ivoire » par le Prix de l’excellence du président de la République. changement, la destruction de l’espace « Bois sacré », face à la gendarmerie, un ensemble de petits « maquis » créé du temps de la rébellion. Une volonté de faire table rase de ce passé douloureux dont l’économie locale a tout de même profité. Avec la fin de la crise et la mise en place du programme présidentiel d’urgence (PPU), la cité se transforme. Au point qu’Air Côte d’Ivoire nouvelle génération a repris ses dessertes vers l’aéroport. Les sapeurs-pompiers ont eux aussi une caserne. Et les villas « bon chic bon genre » se multiplient. Autant de signes positifs. Le boulevard dit Alassane-Ouattara, véritable autoroute interurbaine, conduit vers Ferké. L’avenue William-Tolbert offre à la « cité du Poro », surnom de Korhogo, une vraie allure de métropole. Les terrepleins sont envahis par des poteaux électriques. Les 15 km de route qui mènent à l’aéroport ne sont plus couverts de poussière. Désormais, place au bitume.
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60 % DE COMMERÇANTS Les changements pas sans conséquence sur la vie socio-économique. « Après la fin de la crise, les loyers ont suivi les standards appliqués à Abidjan, auparavant de 15 000 francs CFA (23 euros) à 20 000 francs CFA (30 euros). Nous sommes à 50 000-60 000 francs CFA (de 76 à 91 euros), voire 100 000 à 150 000 francs CFA (de 152 à 228 euros) pour les logements les plus luxueux. Je dispose d’une villa 3-pièces que je loue à 90 000 francs CFA en bordure de voie bitumée. Le bitume apporte une valeur ajoutée au logement », fait savoir un promoteur immobilier. Une chose n’a pas changé et s’est même accrue : le commerce. Cette activité reste principalement informelle et aucune statistique fiable et officielle n’est disponible à la chambre de commerce et d’industrie à Bouaké (CCI-CI). La CCI-CI n’existait pas dans la ville avant l’avènement de la nouvelle équipe dirigeante, composé du président Faman Touré et de son vice-président, le Dr Parfait Kouassi. « La plupart des jeunes se débrouillent en créant des commerces HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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ou des entreprises de transport », témoigne Diamouténé Aboubacar, président d’une association de consommateurs de Korhogo. Tout de même, selon Idrissa Coulibaly, président régional de la Chambre des métiers, « certaines professions comme les mécaniciens ont émergé. Korhogo est la capitale des motos en Côte d’Ivoire. Beaucoup de personnes ont intégré ce corps de métier ». Le secteur de la construction embauche aussi. Une dizaine de nouveaux quartiers ont vu le jour et les projets immobiliers sont nombreux. De son côté, le secteur bancaire est florissant. « Les grands commerçants locaux ont besoin des banques. Avec la fin de la crise, de grandes enseignes sont venues s’installer. Sur le plan des activités, les filières de la quincaillerie, du bois ou encore de l’aménagement intérieur, autrefois monopole des communautés libanaise et sénégalaise, appartiennent aujourd’hui à des locaux. Les Ivoiriens ont compris la nécessité de s’investir dans le commerce de gros. Dans nos fichiers, établis selon le recensement précédent, Korhogo abrite 12 000 commerçants, soit 60 % de la population active de la ville », relève le président régional de la Chambre des métiers. Pour bien accompagner ce dynamisme et en profiter, l’homme d’affaires Daouda Soukpafolo Koné s’est lancé dans la construction d’un centre commercial, situé à la place de l’ancienne gare de Bouaké. Objectif : devancer l’arrivée des grandes surfaces. Mais, depuis plusieurs années, les travaux traînent en longueur. Et la concurrence n’attend pas : Citydia, construit par le chef d’entreprise Aboubakar Fofana, a déjà pointé son nez ! Outre le secteur marchand, Korhogo demeure une place forte de l’agriculture vivrière et industrielle du pays avec la culture du coton et la forte poussée de la noix de cajou (anacarde). Pour la campagne de coton 2016-2017, la région du Poro a créé 90 000 des 310 000 tonnes de production nationale. Le chiffre d’affaires de ce secteur, sur le plan national, représente 120 milliards de francs CFA (soit environ 183 millions d’euros). ■ I.N. 83
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Société Petits changements, vrais bouleversements Phénomène visible, l’essor de la classe moyenne suscite de nouveaux modes de vie, de consommation des loisirs et aussi des attentes plus exigeantes vis-à-vis du politique. Une vraie révolution en marche. par Dounia Ben Mohamed
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ui avait un micro-ondes ou une machine à laver, il y a quelque temps encore à Abidjan ? C’était un luxe. Aujourd’hui, tout le monde en dispose. Merci les Chinois ! » Si cette jeune Abidjanaise plaisante sur le sujet, les commerçants observent cette mutation de la société ivoirienne avec un sérieux intérêt. Désormais, comme dans nombre de pays africains, la classe moyenne, selon l’institut Ipsos, représenterait entre 25 % à 75 % de la population. Selon cette étude sur les habitudes de consommation, cette catégorie sociale préfère les petits commerces pour les produits de consommation courante et les dépenses alimentaires. Mais elle fréquente les supermarchés au moins une fois par mois. Autre particularité de consommation : l’achat d’équipements high-tech et de nouvelles technologies ; 98 % d’entre eux disposent d’une télévision. L’embellie économique, le regain d’attractivité du pays et la création de nouveaux emplois ont fortement contribué, au cours des cinq dernières années, à une importante amélioration du niveau de vie. Ce progrès social, bien que limité, a été confirmé par le dernier rapport de l’Indice de développement humain (IDH) 2016 du Pnud : avec une note de 0,474 (sur 1), la Côte d’Ivoire a progressé d’un point dans le classement, passant de la 172e à la 171e place mondiale. L’évolution de cet indicateur au cours des dernières années (0,43 en 2010, 0,45 en 2013) montre une évolution positive et continue du contexte social. Ce nouveau pouvoir d’achat entraîne une révolution des modes de vie et des habitudes de consommation. Une
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tendance qui n’aura pas échappé aux acteurs de la grande distribution. Les centres commerciaux se multiplient dans le paysage abidjanais. Après qu’un premier mall à Marcory a vu le jour en décembre 2015, CFAO Retail a dévoilé, en juin dernier, PlaYce Palmeraie, son second centre commercial à Abidjan. Le modèle reste inchangé : un supermarché Carrefour Market de 2 400 m², une vingtaine d’enseignes partenaires du groupe, des cafés et restaurants branchés… dans un communiqué du groupe diffusé à l’occasion de l’inauguration, Xavier Desjobert, directeur général de CFAO Retail, indique : « Cette deuxième ouverture illustre le déploiement de notre stratégie de commerce de détail en Afrique. Le succès du premier PlaYce a été immédiat. Les consommateurs exigeaient une offre de qualité et diversifiée, et des prix maîtrisés. Grâce à PlaYce Palmeraie et aux autres centres commerciaux que nous ouvrirons en Afrique, nous projetons l’exigence et la qualité du groupe au plus près de nos consommateurs. » Entre-temps, les acteurs traditionnels du secteur, les magasins de la Société ivoirienne de promotion de supermarchés (Prosuma) ou de la Compagnie de distribution de Côte d’Ivoire (CDCI) ont été poussés à renouveler leur offre, avec l’inauguration du centre commercial Orca Deco à la Riviera après celui de Marcory. Juste à côté de PlaYce donc. Tandis que Cap Sud 2 était construit le long du boulevard Valéry-Giscard-d’Estaing. « Ça nous a un peu bousculés, il faut l’admettre », indique un Libano-Ivoirien, professionnel du secteur. « Mais cela ne nous a pas ruinés pour autant. Les consommateurs gardent leurs habitudes, nous faisons HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Autrefois peu nombreux, les centres commerciaux (ici à Marcory, sur le fameux boulevard « VGE ») et hypermarchés se fondent désormais dans le paysage.
partie du paysage local. Et je ne suis pas certain que PlaYce ait atteint ses objectifs. C’est davantage un lieu de sortie et de promenade que d’achats. » Cette nouvelle compétition dans la grande distribution n’est que l’un des aspects visibles de l’iceberg de la classe moyenne. Son émergence a suscité un boom dans l’immobilier. D’une part, les promoteurs proposent des produits adaptés, avec des offres de haut standing ; de l’autre, les particuliers investissent dans les constructions avec des maisons à leur image. « Des espaces moins grands, un style plus sobre, avec quelques excentricités parfois, observe un constructeur. Tout le monde construit aujourd’hui en Côte d’Ivoire. Selon ses moyens. Les salaires ont progressé et les banques accordent plus facilement des crédits. Ce qui se ressent sur notre activité. » Entendez un carnet de commandes bien rempli jusqu’en 2019… Les banques, justement, pour répondre aux nouvelles demandes de la classe moyenne, multiplient les agences et proposent de nouveaux produits pour séduire cette clientèle. Avec désormais vingt-huit institutions bancaires en place, la compétition devient sévère. « Cette nouvelle classe sociale, qui émerge dans toute la sous-région, impose de renouveler l’offre bancaire et nécessite de l’innovation », indique Mike Coffi, Directeur général d’Aseat Management, filiale d’Ecobank. Le secteur des assurances est entraîné par cette émulation socio-économique. Ces nouveaux modes de vie appellent des produits d’assurance adaptés : pour la maison, la voiture, les enfants… Plus largement, le secteur des services dans son ensemble connaît une croissance exponentielle. Des besoins récents nécessitent de rénover l’offre. Dans la restauration, les loisirs… Une véritable révolution culturelle. À l’image HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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de Baab, « le magazine de la classe moyenne », selon ses adeptes. On y trouve des informations sur les derniers bars à la mode, les séances de cinéma, mais également sur la vie artistique, les expositions en cours, les activités sportives et autres rubriques lifestyle. « Forcément, avec le nouveau pouvoir d’achat, le retour de la diaspora, l’arrivée d’expatriés et d’autres cultures, les Ivoiriens découvrent la société de loisirs. Ce ne sont que les prémices, mais prometteurs », commente une Française installée à Abidjan.
SOIF DE NOUVEAUTÉ Un phénomène qui n’est pas sans répercussion sur le plan social et politique. « Cette nouvelle bourgeoisie aux modes de consommation mondialisés aspire forcément à davantage de transparence, explique un journaliste local. Elle demande surtout plus d’exigence en matière de service public, d’éducation et d’accès aux soins. C’est une génération instruite et informée, qui s’exprime sur les réseaux sociaux et dans des think tanks. Elle a soif de changement, c’est certain, et bouscule les acteurs politiques. » En témoigne la tentative des autorités d’augmenter le prix de l’électricité qui s’est soldée par de violentes manifestations contraignant le gouvernement à reculer. « Désormais, il faudra communiquer davantage en direction de la population, faire plus de pédagogie pour faire passer des réformes, parfois nécessaires, mais pas toujours bien comprises… » En attendant que la classe politique communique mieux avec cette nouvelle catégorie de la population, la grande distribution, elle, s’adapte facilement, intégrant dans ses étals des produits made in Côte d’Ivoire. Le must chez les bobos abidjanais. ■ 85
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LE BOOM DES PRODUITS « CLÉS EN MAIN »
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Pour parer au déficit national en matière de logements, les promoteurs développent des offres « tout compris » : de l’accès du foncier au financement, en passant par les demandes de permis de construire. Une tendance qui satisfait les particuliers comme les entreprises. par Dounia Ben Mohamed
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our la dixième année, le salon Archibat, plus grande plateforme de l’immobilier de la sous-région, ouvrait ses portes à Abidjan, le 3 octobre dernier. Accueillant plus de 25 000 participants et de 300 exposants, l’événement a mis cette année l’accent sur la nouveauté. « Archibat se présente comme une plateforme d’innovation qui fait évoluer le savoir-faire dans les métiers de la construction. La tendance est à l’industrialisation des matériaux. Nous sommes passés du parpaing et de la dalle à couler au béton prêt à l’emploi, de l’étayage en bois à l’étayage métallique. Un savoir-faire en pleine évolution qui prouve aussi la bonne santé du secteur. Il s’est diversifié, professionnalisé. Il a créé des pans entiers d’activité », souligne Ismaël Boga N’Guessan, directeur général d’Axes Marketing et organisateur du salon. « Si l’on veut faire un parallèle audacieux entre notre croissance, celle du salon et celle du secteur, alors, en dix ans, la superficie d’exposition est ainsi passée de 4 000 à 10 000 m², les exposants de 100 à 300 dont trois quarts
Le secteur est en plein essor, comme à Koumassi, l’une des dix communes de la capitale.
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d’Ivoiriens, et le nombre de visiteurs de 10 000 à 30 000 dont 90 % de nationaux, les autres provenant de la région et des Européens venus en prospection. » Le marché ivoirien est attractif, porté par la vitalité économique et l’impulsion de l’État, qui s’est engagé à construire 100 000 logements « économiques » à l’horizon 2020. « L’État est en effet très dynamique à ce niveau. Clairement, dans la mesure où il y a une volonté politique d’offrir à tout Ivoirien un toit décent et la mise en place de mécanismes pour faciliter l’accès à la propriété, cette volonté politique permet aux acteurs nationaux de profiter de cette impulsion. » L’essor de la classe moyenne également, et avec elle la demande de logements de haut standing, une niche encore sous-exploitée. « Sur le secteur de l’offre immobilière, les maisons de haut standing sont visibles, mais cela reste une niche. Il faut rappeler que la demande en matière de logement s’élève à 400 000, et les logements sociaux et de moyen standing constituent la base de la pyramide. Aujourd’hui, avec l’extension de la ville, ces derniers sont privilégiés. »
SOLUTIONS INTÉGRÉES ET… ÉCONOMIQUES La dernière tendance, ce sont les produits « clés en main » ou solutions intégrées. Dans l’un des stands présents à Archibat, Hafedh Ben Arab, directeur de développement marketing et business chez Lafarge Holcim Côte d’Ivoire, présente le nouveau produit lancé, à titre expérimental, par le cimentier Probat. « C’est un nouveau concept, précise-t-il. Quand vous pensez Probat, il faut penser qualité. Probat tient ses promesses. Les matériaux, nous les choisissons minutieusement, il y a un cahier des charges qui tient compte de tous les aspects de la construction, jusqu’à la formation de la maind’œuvre et la sécurité, selon les valeurs du groupe. » Avec un discours commercial bien rodé, il poursuit. « Probat offre une solution de logement économique. Avec Probat, Lafarge Holcim Côte d’Ivoire s’engage non seulement à aider les futurs acquéreurs dans le montage de leurs dossiers de financement et de demande de permis de construire, mais les accompagne aussi à chaque étape de l’acquisition et de la construction. » Autrement dit, des solutions intégrées, de l’acquisition du terrain au respect des normes internationales, en passant par le financement. Un produit « clés en main ». Avec trois modèles de maison proposés au marché ivoirien : Lyz, un 2-pièces à 8,9 millions de francs CFA (13 568 euros) ; Zen, 3-pièces à 11,9 millions de francs CFA (18 141 euros) ; et Fly, 4-pièces à 13,9 millions de francs CFA (21 190 euros). « Des tarifs très en dessous des prix du marché pour des constructions de qualité. » Et si ce géant du ciment né d’une fusion mondiale entre le français Lafarge et le marocain Holcim peut se permettre des « offres si avantageuses », c’est parce qu’il a réuni des partenaires professionnels stratégiques : fournisseurs, bureau de 88
Cœur de cible : les classes moyennes. Mais aussi les entreprises qui souhaitent des lotissements pour leurs employés. contrôle de renommée internationale, banques… Il fournit aussi l’une des matières premières, le ciment, avec ses unités locales d’une capacité de production de deux millions de tonnes. « On ne vend pas une maison, mais un nouveau concept. Tous les gaspillages dans la construction, jusqu’à 30 % des matériaux, se répercutent sur le propriétaire. Nous, en tant que Lafarge Holcim, on ne charge pas nos services. Ce sont des volumes supplémentaires de ciment pour nous. Et les accords avec deux banques locales, la BICICI et la CIB, permettent à nos clients d’accéder à la propriété. Voilà l’innovation, c’est comme un crédit à la consommation pour un projet immobilier, et ça, ça n’existe pas ! » Avec un objectif de 300 000 logements, c’est la classe moyenne qui est ciblée. Mais également les entreprises. « Des sociétés nous contactent afin de construire des lotissements pour leurs employés. Avec des banques qui ne font confiance ni aux constructeurs ni aux fournisseurs, notre solution apporte une réponse à ce double problème. On ne va pas s’arrêter à ce type de maison, la demande est très forte. » Y compris dans la sous-région.
DES FINANCEMENTS INÉDITS Ceci dit, ils ne sont pas les seuls à déployer, en Côte d’ivoire et dans la sous-région, cette offre de solution intégrée. À Attecoubé, un autre chantier est en cours. Sur le site, une maison témoin, toute en couleur et volontairement moderne. Un style qui porte la signature d’Addoha, opérateur immobilier marocain, leader du logement social au Royaume chérifien, et qui exporte aujourd’hui son savoir-faire en Afrique subsaharienne. En Côte d’Ivoire, entre autres. « Addoha a été le premier opérateur immobilier à se lancer en 1995 dans le domaine du logement social », rappelle Anas Berrada, directeur général délégué d’Addoha et responsable inspection du groupe. « Même les personnes qui n’ont pas de revenus, qui travaillent dans l’économie souterraine ou l’informel, grâce à des montages financiers et des partenariats public-privé, HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Pour les catégories plus aisées, de nouveaux lotissements voient aussi le jour, comme ici à Golf Riviera. peuvent ainsi accéder à la propriété. » Des appartements de 50 m² vendus 25 000 dollars au Maroc avec un guichet unique où sont centralisées toutes les formalités pour éviter les tracasseries administratives. « Avec des financements sur vingt-cinq ans à des taux très attractifs afin que l’échéance soit supportable : autour de 120 à 130 dollars par mois, ce qui est moins que le revenu minimum d’où notre slogan, “acheter au prix d’un loyer”. Un concept qui a connu un grand succès. » Après avoir construit des « milliers de logements » au Maroc, Addoha a conclu un contrat avec les autorités ivoiriennes pour la construction de 10 000 logements dans les six années à venir, sur le même modèle, mais adapté aux réalités locales. « On a essayé de reproduire le modèle marocain tout en l’adaptant aux besoins des Ivoiriens. Y compris sur le plan architectural. Et aujourd’hui nous proposons plusieurs produits qui démarrent à 20 millions de francs CFA (30 000 euros), des 3-pièces de 60 m², un peu plus spacieux que le modèle marocain, et des 4-pièces de 70 m2 à 26 millions de francs CFA (40 000 euros). Pour favoriser l’accès à la propriété, nous avons signé des conventions avec les banques pour ramener l’échéance à moins de 150 000 francs CFA (230 euros) par mois. Nous avons notamment signé avec Bank of Africa le premier financement en Côte d’Ivoire sur vingt-cinq ans. Le maximum jusqu’à présent en matière de crédit à l’immobilier, c’était vingt ans. » Une fois encore, la réduction des coûts est permise par la force et la verticalité du groupe. « Ce qui fait que nous pouvons construire à moindre coût, c’est notre expertise et notre savoir-faire. On a une centrale d’achat qui achète à grande échelle le carrelage pour les 20 000 logements que nous produisons. La HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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synergie avec le groupe permet ces coûts. C’est un modèle qui est dupliqué dans un souci d’optimisation des coûts… Les banques sont rassurées parce que nos produits sont sécurisés au niveau des titres fonciers, elles pourront ainsi inscrire une hypothèque sur le bien qu’elles vont acquérir. D’ailleurs, dans nos conventions, il est prévu de financer 100 % du prix de vente, y compris l’avance de départ et le reliquat à la fin. » Tout en garantissant la même qualité de ce qui a fait le succès du groupe au Maroc, insiste le promoteur. « Nous sommes aujourd’hui entrés dans la phase d’accélération de cette convention avec le lancement de la commercialisation. Notre développement en Côte d’Ivoire est sur le bon chemin. » En attendant, les premiers logements doivent être livrés au premier trimestre 2018.
DOUBLER L’OBJECTIF DE CONSTRUCTION Malgré ces projets faramineux, l’offre demeure inférieure à la demande. L’État ivoirien, après avoir lancé en 2012 un programme de logements sociaux visant la construction de quelque 60 000 résidences pour des ménages à revenus faibles ou moyens – doté d’un budget de 428 milliards de francs CFA (652 millions d’euros) avec des logements de moyen standing pour un prix inférieur à 20 millions de francs CFA (30 000 euros) –, a décidé de doubler son objectif de construction de logements économiques, 150 000 unités d’ici 2020, tout en mettant en place des réformes sur le cadre réglementaire ; 46 promoteurs (dont 42 Ivoiriens) se sont engagés à la construction de logements dans le cadre de ce programme. En 2016, soixante-douze projets sociaux étaient en chantier. ■ 89
INTERVIEW
STÉPHANE AFFRO
« ALLER VERS L’INDUSTRIALISATION DE L’IMMOBILIER »
Le directeur général de la société de conseil en investissement immobilier Kaydan Real Estate, également DG adjoint de Kaydan Groupe, analyse pourquoi, malgré le boom de la filière, l’offre est encore loin de couvrir les besoins. propos recueillis par Dounia Ben Mohamed
AM : Premier constat pour le visiteur qui revient à Abidjan : le nombre élevé de nouvelles constructions, liées au boom de l’immobilier. En tant qu’acteur du secteur, comment l’expliquez-vous ? Stéphane Affro : Le dynamisme du secteur de l’immobilier en Côte d’Ivoire, et particulièrement dans l’agglomération d’Abidjan, sa capitale économique, est dû à la conjugaison de plusieurs facteurs. Le premier réside dans l’effet de rattrapage de la longue crise politique qu’a connue le pays. Pendant une dizaine d’années, l’offre immobilière a stagné alors que la demande, déjà forte, a continué à s’accroître. À cela s’ajoute une pression démographique importante. Il faut noter qu’à l’instar des pays de la sous-région, la Côte d’Ivoire a une croissance démographique de 3 % par an en moyenne. À l’issue de la crise, l’État a entrepris des réformes au niveau du foncier mais a aussi engagé un vaste programme de logements sociaux. Enfin, le climat socio-économique, relativement stable ces dernières années, avec une croissance continue de plus de 8 % depuis 2011, a favorisé l’arrivée d’investisseurs, dont des promoteurs. L’État lance des projets immobiliers, les particuliers placent également, avec l’essor de la classe moyenne, dans des constructions de moyen et haut standing… Ces investissements seront-ils suffisants pour répondre à la demande, qui représente 200 000 logements pour Abidjan, 400 000 pour l’ensemble du pays ? 90
La production immobilière, de 20 000 logements, ne couvre que 10 % de la demande à Abidjan. Celle-ci aurait pu être plus importante si les promoteurs et les acquéreurs disposaient d’une offre variée de mécanismes de financement autres que ceux du circuit classique des banques commerciales. En effet, seule une personne sur dix de la population active travaille dans le secteur formel, et est donc éligible au crédit hypothécaire classique. À l’inverse, 64 % de la demande émane de familles vivant du secteur informel non agricole, qui sont par conséquent exclues des mécanismes de financement classiques. Si les efforts consentis par l’État pour alléger les coûts supportés par les promoteurs et acquéreurs sont à saluer, il n’en demeure pas moins que la solution réside dans la diversification des mécanismes de financement. Le recours au private equity semble être une amorce de solution au problème. L’autorité des marchés financiers de la sous-région semble avoir compris l’avantage que peuvent représenter ces modes alternatifs, et nous espérons une modification de la réglementation qui permettra au grand public de profiter des rendements du secteur de l’immobilier. Ce boom immobilier concerne principalement Abidjan. Quelle est la situation dans le reste du pays ? Quelques opérations sont en cours à l’intérieur du pays, notamment à Bouaké, Daloa et dans d’autres grandes villes. Néanmoins, l’intensité et le planning d’exécution de ces programmes n’ont pas la même importance que ceux réalisés HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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à Abidjan et dans sa banlieue. Il faut souligner que cette ville concentre à elle seule 25 % de la population ivoirienne et 65 % de son économie. Pour la construction, les coûts d’importation de matières premières restent importants. Arrivez-vous à produire « local » ? Effectivement, la production locale de matériaux de construction reste un défi majeur à relever. À la différence de quelques secteurs tels que la cimenterie, la production de béton prêt à l’emploi et la peinture, qui connaissent un début d’implantation avec la construction de quelques unités de production dans Abidjan et sa périphérie, la majorité des matériaux de construction sont importés. Cela participe grandement au renchérissement des coûts de production. L’enjeu réside donc dans l’industrialisation du secteur de l’immobilier par la création d’unités de production (carrelage, tubes de plomberie, sanitaires, composants électriques, etc.), l’incitation des industriels locaux à se développer davantage dans ces secteurs et la création d’un cadre institutionnel et réglementaire favorable à l’installation dans le pays d’industriels internationaux. De plus en plus d’opérateurs proposent des solutions intégrées, de la construction au financement, livrées « clés en mains ». Cela peut-il concourir à répondre à la demande ? Ces solutions résolvent en grande partie le Pour le dirigeant, problème. L’échec de nombreuses promotions une diversification des mécanismes financiers immobilières est dû au fait que les intervenants ne permettrait de maîtrisaient pas toute la chaîne de valeur. Avec un stimuler les investissements. opérateur intégré, les risques sont considérablement réduits (respect des délais, respect des enveloppes construction et de structuration financière. Bien que Kaydan budgétaires, réduction du risque de non-achèvement). Aussi, soit un opérateur aux solutions intégrées, nous n’hésitons l’un des aspects importants de la solution intégrée est la pas le cas échéant à avoir recours à des structures externes réduction du circuit de décision. L’opérateur fait ainsi interagir sur la base de leur professionnalisme. Pour ce qui concerne différents professionnels dont il assure la coordination. le volet financement, Kaydan Real Estate a contribué à Cependant, le véritable défi est la professionnalisation des la structuration et à la levée de fonds pour divers projets acteurs du secteur, de la construction à la commercialisation. réalisés à Abidjan et dans la sous-région. Avec Kaydan, vous affichez également Quid de la formation ? On dit partout que l’on manque des offres intégrées, avec un volet financier, de menuisiers, de charpentiers, de plombiers… à travers votre fonds d’investissement… La problématique de la formation des ouvriers du Kaydan est un groupe opérant sur l’ensemble de la chaîne secteur du BTP est culturelle. En effet, la grande majorité de valeur du secteur immobilier. Nous possédons un cabinet de ces métiers opère dans l’économie informelle, ce qui d’architecture pour concevoir et designer des produits ne contribue pas à les valoriser aux yeux de la population originaux dans toutes les catégories d’actifs immobiliers, active. Il appartient aux intervenants du secteur de les de l’hôtellerie aux commerces en passant par les bureaux et professionnaliser, ce qui contribuera à améliorer leur image les résidences de standing. Notre bureau d’ingénierie nous dans l’esprit de tous. Partant de là, le système éducatif sera permet de répondre en amont aux problématiques techniques incité à développer des filières spécialisées performantes liées à la construction (fondations, structure en béton ou dans ces métiers, d’autant que la dynamique observée dans construction métallique, réseaux de fluides, sécurité, etc.). le secteur du BTP ne fléchira pas de sitôt. ■ La palette de nos services est complétée par nos filiales de HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Transports Plus vite, plus loin, plus efficace Plus de 1 000 milliards de francs CFA… Entre chemins de fer, routes, ports et aéroports, les chantiers ne manquent pas. Une dynamique dictée par la volonté des autorités d’améliorer la circulation des populations et accélérer celle des marchandises. par Lilia Ayari
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n « puissant vecteur de développement économique entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso » : c’est ainsi que le porte-parole du gouvernement, Bruno Koné, a qualifié le 6 septembre le plan de construction et de réhabilitation du réseau ferroviaire reliant ces deux pays. Les travaux, d’un investissement de 262 milliards de francs CFA, ont démarré le même mois. Une convention a même été d’ores et déjà signée entre la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et la société Sitarail pour l’exploitation du réseau ferroviaire, dans le cadre du sixième traité d’amitié et de coopération (TAC) entre les deux pays. Au niveau des infrastructures portuaires, une convention conclue entre le Port autonome de San Pedro (PASP) et la société concessionnaire du terminal à conteneurs de San Pedro, la Méditerranéen Shipping Company (MSC), vise à faire de ce port « l’un des plus importants pour accueillir des navires de grande capacité et de dernière génération ». Le PASP, qui bénéficie d’un « plan de développement 2035 », doit, avec différents aménagements (le déplacement et l’extension du terminal à conteneur, d’un coût de 260 milliards de francs CFA ; la construction d’un terminal minéralier, d’un coût de 500 milliards de francs CFA, et la construction d’un terminal polyvalent industriel, pour un coût global de 20 milliards de francs CFA), se « repositionner parmi les ports leaders de la sous-région ». En mai dernier déjà, un avenant au contrat de concession du terminal à conteneurs du Port de San Pedro avait été signé entre la Côte d’Ivoire et la MSC en vue de
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développer un quai de transbordement de conteneurs et de faire ainsi du PASP un hub régional. Choisi pour son positionnement stratégique et ses capacités d’accueil de grands navires, il doit héberger une méga-plateforme de traitement de conteneurs en provenance d’Asie ou d’Europe et à destination des pays de la sous-région. Dans le cadre d’un partenariat public-privé, ce projet nécessitera un investissement de 328 milliards de francs CFA, dont 131 milliards à la charge de MSC et l’autre part à la charge de l’État ivoirien. Une durée de vingt-quatre à trente-six mois est estimée pour la construction de cet ouvrage.
TROIS AXES PRIORITAIRES Pour le secteur aéroportuaire, la sécurité prime. Bruno Koné a indiqué une convention portant approbation du contrat pour la fourniture d’un système intégré d’identification et contrôle des voyageurs et de gestion d’immigration aux frontières, conclue entre l’État de Côte d’Ivoire et les sociétés Securiport SA et Securiport LLC. Cette convention porte sur l’installation de quatre portiques, aux frontières avec le Liberia, le Mali, le Burkina Faso et à l’aéroport Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan, et prend en compte la volonté du gouvernement de rendre l’aéroport plus compétitif et plus sûr, sur les plans technique et administratif, a ajouté le porte-parole du gouvernement ivoirien. Le secteur aérien doit connaître d’autres aménagements de « modernisation » : l’extension de la piste de l’aéroport Félix-Houphouët-Boigny pour recevoir les gros-porteurs de type A380, la création HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Le port autonome de San Pedro bénéficiera d’un investissement de 328 milliards de francs CFA (environ 500 millions d’euros). d’un taxiway parallèle, la construction d’un centre de santé aéroportuaire, l’acquisition de cinq nouveaux aéronefs de type Airbus pour la compagnie aérienne nationale, Air Côte d’Ivoire, et la réhabilitation des aérodromes de l’intérieur du pays. Plus largement, la politique de l’État de Côte d’Ivoire pour la redynamisation du secteur des transports s’articule autour de trois axes essentiels. Il s’agit dans un premier temps de faciliter la circulation des populations en augmentant la capacité du parc automobile des entreprises de transport public, de créer d’autres moyens de transport avec notamment la construction de lignes de train urbain et, enfin, de mettre en place un dispositif informatique intelligent afin de HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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lutter contre l’incivisme. Et, selon Bruno Koné, les grandes réformes débutent dès 2018. « Des études sont en train d’être menées sur certains aspects afin de faciliter la mobilité des Ivoiriens et les résultats seront visibles dès l’année prochaine. Le transport routier représente 90 % du trafic global en Côte d’ivoire mais nous n’oublions pas les transports ferroviaire, maritime et aérien, qui donnent déjà d’énormes satisfactions. En 2011, nous étions à 6 000 passagers pour le transport aérien. Et cette année nous sommes déjà à plus de 2 millions. C’est dire que le développement du secteur des transports en Côte d’ivoire est une priorité pour l’État. » L’un des défis : rajeunir le parc automobile de plus en plus vieillissant : 80 % des véhicules en circulation ont entre 10 et 21 ans. ■ 93
INTERVIEW
IBRAHIMA KONÉ
« DES DISPOSITIFS DURABLES ET CONCRETS POUR LE TRANSPORT ROUTIER » Spécialisé dans la mise en place de solutions technologiques dédiées, Quipux Afrique a signé un contrat avec l’État ivoirien pour la gestion intégrée des activités de ce secteur. Son directeur général en précise les enjeux. propos recueillis par Dounia Ben Mohamed AM : Avant de parler de Quipux et de vos activités en Côte d’Ivoire, qui êtes-vous ? Vous n’êtes sans doute pas arrivé à la tête de sa filiale africaine par hasard… Ibrahima Koné : Je suis diplômé en ingénierie financière à l’Institut des hautes études de management (IHEM) d’Abidjan. Le milieu automobile m’a offert ma première expérience en tant que directeur commercial de la Setaci, un concessionnaire de la marque Kia Motors en Côte d’Ivoire. En 2008, j’ai eu l’opportunité d’aller travailler au Brésil pour une société de représentation commerciale évoluant dans la distribution d’équipements de contrôle de gestion du trafic, de développement de systèmes de transports intelligents (STI) et de détection électronique d’infractions routières (DEI). Quand Alassane Ouattara a appelé la diaspora à apporter ses compétences dans la reconstruction du pays, je suis rentré. Nous étions en septembre 2011. Quipux Afrique a signé un contrat avec l’État ivoirien « pour la mise en place et l’exploitation d’un système de gestion intégrée des activités du secteur des transports terrestres en Côte d’Ivoire ». Concrètement, quelle est votre mission ? Nous avons signé cette convention après avoir remporté l’appel d’offres international lancé en 2012 par les autorités. Il s’agit d’une concession pour la conception, l’ingénierie, le financement, la mise en place et l’exploitation d’un système de gestion intégrée de l’ensemble des activités de ce secteur. Le ministère des Transports a entrepris un vaste programme 94
de réformes en vue de la modernisation de cet important levier de son économie. L’objectif affiché est clairement de moderniser cette administration pour accroître sa part dans le produit intérieur brut (PIB), mais surtout de doter le secteur du transport routier de solutions durables et concrètes. Sur quelle innovation reposent vos services ? Les transports constituent un enjeu majeur de l’urbanisme en Afrique. C’est l’un des principaux défis des prochaines années : nos métropoles africaines devront faire face à environ 500 millions de citadins supplémentaires, c’est une première dans le monde. Pour s’adapter à la jeunesse et à ses besoins en mobilité, le transport est au cœur des politiques de développement de nos États. Quipux propose un ensemble de solutions à l’aide des nouvelles technologies, qui apportent une valeur ajoutée à l’ensemble des acteurs du transport, opérateurs et usagers. Nos principaux clients sont les administrations en charge de la gestion du transport, à qui nous proposons différents modèles économiques et financiers. L’axe central étant la mise en place d’une culture de l’innovation, de nouvelles pratiques à fort impact social. Il s’agit donc pour les autorités de positionner des solutions intelligentes innovantes comme les clés de la compétitivité des économies africaines. Qu’avez-vous déjà mis en place, et avec quels résultats ? Nos solutions permettent aujourd’hui d’avoir un système d’information en temps réel accessible sur l’ensemble du territoire national. Il s’organise autour de trois principaux HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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registres : ceux des conducteurs, des véhicules et des transporteurs. Ces fichiers permettent de sécuriser les titres de transport, à savoir le permis de conduire, la carte grise et la carte de transporteur. Cette organisation permet également de définir des politiques spécifiques pour les acteurs. Trente centres de gestion intégrée (CGI) sont repartis sur l’ensemble du pays pour améliorer l’acces au service public. Cela permettra de construire une base centralisée de données qui pourra être mutualisée pour améliorer les politiques de mobilité, élaborer des objectifs clairs et, dans un second temps, mettre en place un plan national pour la sécurité routière. Le pays entame une profonde modernisation avec l’adoption de nouveaux modes de transport, comme le futur TGV. À quel niveau intervenez-vous dans cette feuille de route ? La mise en place du système précédemment évoqué bénéficiera aux voyageurs qui obtiendront des meilleures informations sur les heures d’arrivée et de départ, ou les délais d’attente en gare grâce, notamment, à des panneaux à messages variables. Ces éléments contribueront à faciliter le changement de comportement des usagers. Il s’agira de créer un citoyen nouveau, que j’aime à nommer le smart citizen, grâce aux données que nous serons à même de lui fournir via les réseaux sociaux, Facebook, Twitter, etc. Ensuite, notre apport devrait permettre de mettre en place une administration des transports beaucoup plus efficace, plus à même d’assumer ses fonctions de régulation, d’accompagnement et de renforcement des capacités des acteurs à travers une plateforme technologique robuste et accessible sur l’ensemble du territoire. Les transports relèvent du domaine économique, mais quel est leur impact sur la vie sociale ? Il est transversal et concerne l’ensemble des secteurs d’activité de l’économie. Il nécessite de mobiliser des ressources importantes, de mettre en place des modèles économiques et financiers innovants, comme des partenariats public-privé. Le pays, vitrine de Quipux, vous permet-il de viser d’autres marchés ? Nous avons en effet reçu plusieurs délégations d’Afrique de l’Ouest : Mali, Burkina, Niger, Sénégal. Elles sont venues s’imprégner de notre modèle de fonctionnement inédit en Afrique subsaharienne. Nous venons également d’ouvrir un bureau à Dakar, nommé Quipux West Africa. Notre vision est de devenir leader en Afrique dans la gestion intégrée des services, des opérations et de la modernisation des activités de gestion et contrôle de la circulation et du transport routier. Nous tissons des relations de confiance grâce à l’expérience du groupe. Nous offrons des services spécialisés compétitifs dans d’autres secteurs d’activité. Notre objectif immédiat : HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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nous implanter sur le continent à travers des projets spécifiques, et mettre à contribution nos solutions technologiques pour améliorer la gestion des systèmes de transport. Enfin, la qualité du service demeure notre quête permanente. Envisagez-vous de développer des solutions « vertes » et des transports qui fonctionnent aux énergies renouvelables ? Cela fait partie de notre stratégie. La mise en place de la base de données permet de définir des politiques de transport qui tiennent compte de ces enjeux. Les outils technologiques de contrôle, les panneaux à messages variables répondent à une autre conception de l’infrastructure routière, une autre vision de ces différents espaces et, bien évidemment, un autre type de services de transport. Nous avons monté un centre de contrôle opérationnel permettant de coordonner l’activité en interne. Des dispositifs électroniques seront interconnectés, avec des caméras, des radars. C’est un outil fonctionnel qui pourra aider à gérer de façon intégrée toutes les composantes liées à la circulation. Tout ce qui est entrepris pour améliorer la sécurité routière agit sur la qualité de vie des populations. ■
Ibrahima Koné est revenu au pays en 2011, après l’appel d’Alassane Ouattara à la diaspora. 95
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CE QUI VA CHANGER DANS LE PAYSAGE AUDIOVISUEL
Avec le déploiement de la TNT, les Ivoiriens diront bientôt adieu aux programmes d’antan ! La libéralisation du secteur transforme les habitudes des auditeurs et téléspectateurs, ravis de découvrir une nouvelle tendance : la production locale.
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es panneaux publicitaires urbains révèlent la tendance : de larges affiches vantent les séries et programmes des chaînes de télévision. Le paysage audiovisuel ivoirien (PAI) a été bouleversé par la libéralisation amorcée. À la suite de l’appel d’offres lancé en mai 2016, quatre opérateurs privés ont été retenus par la Haute Autorité de communication audiovisuelle (Haca). Ils ont été sélectionnés sur la base d’un cahier des charges présoumis et les autorisations accordées pour une durée de dix ans pour les services de télévision et de cinq ans pour les services de radiodiffusion sonore. Première arrivée : Life TV, la version « petit écran » du magazine du même nom lancé par le génie de la communication, Fabrice Sawegnon, PDG de Voodoo Communication. Suivent TV7, la chaîne d’information économique et sociale de la société Optimum média, A+, dont l’actionnaire principal est le groupe Canal+, et Sorano-CI, déjà propriétaire de Radio
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Le groupe Canal+ a fait de la Côte d’Ivoire sa tête de pont pour l’Afrique.
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Nostalgie Abidjan. Un bouleversement du PAI qui fait suite à la transition vers la télévision numérique terrestre (TNT), dans laquelle se sont engagés la Côte d’Ivoire et le reste des pays africains depuis 2015. À l’horizon 2019, en vertu d’un accord signé à Genève en 2006, ces pays devront définitivement rompre avec les émetteurs analogiques. Adieu, les antennes râteau ! Une rupture majeure avec ces vingt dernières années qui ont fait les belles heures de la radio et de la télévision par voie hertzienne. Cette libéralisation du secteur a également mis fin au monopole exercé par la Radiotélévision ivoirienne (RTI), l’entreprise publique, créée le 26 octobre 1962, et dont le capital reste exclusivement détenu par l’État. En cinquante-cinq ans, la RTI a évolué et renouvelé ses programmes en lançant RTI 2 (ex-Canal 2) puis TV2 née en 1983, axée sur le divertissement. Dès 2015, la télévision affrontait l’apparition d’un nouveau venu. Diffusée à titre expérimental sur le bouquet TNT, la chaîne A+ Côte d’Ivoire est la déclinaison nationale de la chaîne A+, diffusée dans une vingtaine de pays d’Afrique francophone. « Cette chaîne familiale propose des séries inédites, des films et des émissions de divertissement avec plus de 30 % de contenus ivoiriens », annonce Canal+ dans un communiqué. Par ailleurs, le groupe français, vainqueur avec Orange d’un second appel d’offres international pour deux bouquets de TNT payants, va déployer l’offre de télévision numérique EasyTV avec la structure Telenum Côte d’Ivoire. Cette proposition de chaînes couvrira des thématiques telles que le divertissement, l’information, les séries, le cinéma, le sport, la religion, la jeunesse, la musique ou encore les voyages. Une offre généraliste « avec des chaînes de référence internationales et locales ». Outre les entreprises françaises, les dragons asiatiques aussi font preuve d’intérêt pour le pays. Voire d’appétit. La multinationale chinoise des médias StarTimes, dont le siège est situé à Pékin, a créé sa filiale StarTimes* Côte d’Ivoire. Le groupe a obtenu sa licence d’opérateur de télévision numérique payante sur l’ensemble du territoire en 2016, avec l’objectif de franchir le seuil de 200 000 abonnés d’ici à la fin de l’année. Pour Jean-Philippe Kaboré, secrétaire exécutif du Comité national de migration de la Côte d’Ivoire vers la TNT, le défi de ces nouvelles chaînes, dirigées par des acteurs locaux, est la création de contenus inédits, en adéquation avec les attentes et les goûts des téléspectateurs ivoiriens. « Une proximité essentielle », selon lui. L’apparition de créations locales donne l’occasion aux Ivoiriens de redécouvrir leur pays, ses valeurs, ses cultures. Le bouquet de chaînes gratuites se composera, à l’issue du processus, de trois chaînes publiques diffusées par la RTI (les deux chaînes existantes et une nouvelle) et de six nouvelles chaînes. « Nous sommes à cinq chaînes avec la RTI, mais nous comptons atteindre une douzaine voire une quinzaine, indique le ministre de la Communication, Bruno Koné. L’es98
sentiel étant de faire en sorte que ces chaînes de télévision montent en puissance et rentabilisent leurs investissements. » Tandis que le processus de mutation du PAI doit se poursuivre jusqu’en 2018, selon le ministre, les Ivoiriens sont invités à payer 2 000 FCFA au titre de la redevance de la Radiodiffusion télévision ivoirienne (RTI) via leurs factures d’électricité. « Payer cette redevance est un acte de patriotisme, une contribution nationale », explique Bruno Koné. ■ * Implanté dans une trentaine de pays du continent, StarTimes possède notamment les droits de retransmissions en Afrique subsaharienne de grands championnats de football européens (Bundesliga, Ligue, Série A…) ainsi que de la Coupe du monde de football 2018.
JEAN-PHILIPPE KABORÉ «LES SÉRIES US OU ÉTRANGÈRES NE FONT PLUS RECETTE» Le secrétaire exécutif du Comité national de la migration vers la télévision numérique terrestre (CNM-TNT) décrypte les changements qui affectent l’audiovisuel. AM : Quel est le rôle du comité dans cette évolution ? Jean-Philippe Kaboré : La libéralisation de l’audiovisuel marque les prémices d’une croissance dynamique du secteur. À l’issue d’un appel d’offres, la Haute autorité de la communication audiovisuelle (Haca) a autorisé quatre entreprises à exploiter un service de télévision privée commerciale sur le réseau TNT : Life TV, Optimum Media CI, Société audiovisuelle de Côte d’Ivoire et Sorano. Cela ouvre des opportunités aux différents acteurs du secteur, telles que le développement et la diversification des métiers, notamment de production, et l’augmentation des revenus publicitaires. Un nouvel écosystème va se mettre en place, créant des richesses et une diversité culturelle. On assiste à une modernisation du pays avec une multitude de contenus télévisuels stimulant la variété d’opinions. L’essor économique se fait ressentir à travers la classe moyenne, qui fait vivre cet écosystème, ainsi que le développement de la vente en ligne et les autres secteurs de distribution. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Également directeur général de la société Optimum Media, « JPK » élargit l’offre en lançant la chaîne d’info en continu TV7. Vous contribuez vous-même à ce développement en lançant une nouvelle chaîne. Quel est son format, sa cible ? Les Ivoiriens sont en majeure partie axés sur l’information et le développement économique. De fait, TV7 info est une chaîne d’information, de business et de développement avec un format journal, des plateaux TV (magazines) et des reportages. Canal + avec A+, Star Times, etc. arrivent également sur les écrans. Quel est l’impact de cette diversification ? La diversité se fait ressentir, et nous attendons encore d’autres chaînes tout aussi professionnelles. Les éditeurs doivent fournir des contenus de qualité afin de couvrir l’ensemble des besoins de la population. Nous encourageons les jeunes à se diriger vers ce secteur en expansion. Peut-on dire que l’audiovisuel est un marché récent où tout reste à faire ? Il y a encore quelques années, il n’y avait qu’une ou deux chaînes de télévision d’État dans beaucoup de pays africains. Aujourd’hui, le continent connaît la plus forte progression de consommation télévisuelle du monde. La diversification des chaînes est en marche, pour satisfaire un public HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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nouveau et répondre à une forte demande de contenus. La consommation multi-écrans est désormais d’usage en Côte d’Ivoire, notamment via les téléphones portables. Par ailleurs, la population est en attente d’une télévision de qualité, correspondant à son identité culturelle. Les séries américaines ou importées ne lui correspondent plus. De fait, le premier objectif est de développer une production locale, notamment de séries à travers lesquelles les Ivoiriens peuvent s’identifier. Globalement, pour vous, en tant que secrétaire exécutif du Comité national de migration vers la TNT, comment l’arrivée de cette dernière a-t-elle bousculé les pratiques ? La TNT favorise le nouveau paysage audiovisuel en permettant la diffusion de plusieurs chaînes, et surtout une meilleure qualité d’image et de son. Une véritable révolution pour le téléspectateur. Nous prévoyons plusieurs multiplex avec 60 à 80 chaînes en SD ou 30 à 40 chaînes en HD. À travers le ministère de la Communication, de l’Économie numérique et de la Poste, l’État met en place une infrastructure permettant à la population d’accéder gratuitement aux différentes chaînes. ■ 99
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DIPLOMATIE
LE RETOUR SUR L’ÉCHIQUIER MONDIAL Côte d’Ivoire is back ! Élue membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU en juin dernier, le pays se positionne dorénavant comme le leader politique sous-régional.
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par Dounia Ben Mohamed
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À Cocody, l’hôtel Sofitel Ivoire d’Abidjan et son Palais des congrès accueillent des événements d’ampleur toute l’année, comme les Rencontres Africa.
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près une première édition en 2016 à Paris, les Rencontres Africa, une manifestation portée par les ministères français des Affaires étrangères et de l’Économie, se tenaient simultanément dans trois villes africaines. « Une expérience inédite », selon le commissaire général des Rencontres Africa, Marc Hoffmeister. Née des conclusions du sommet de l’Élysée en 2013 et du constat porté par le rapport de la fondation « Africa-France : un partenariat pour l’avenir » cosigné par Hubert Védrine et Lionel Zinzou, l’événement est destiné à redynamiser les relations économiques entre la France et le continent africain – en recul de 50 % en dix ans –, sur les bases d’un nouveau partenariat entre les acteurs publics, mais aussi privés. Avant Tunis, point de rencontre pour les partenaires d’Afrique du Nord ; Nairobi pour l’Afrique de l’Est, les 5 et 6 octobre, ces rendez-vous économiques ont démarré avec une session inaugurale, à Abidjan, les 2 et 3 octobre. La capitale économique ivoirienne apparaît ainsi comme le « point focus d’un new deal entre la France et l’Afrique francophone, suffisamment attractive pour devenir le poumon politique et économique de la région, en termes de croissance, d’investissements, de potentiels et d’enjeux stratégiques… », indique un des membres de l’organisation. Une analyse aujourd’hui largement partagée par les partenaires institutionnels et économiques du continent. « Incontestablement, la Côte d’Ivoire est le hub de l’Afrique de l’Ouest, une pièce maîtresse », assure un diplomate européen. Un rôle tenu par le pays depuis l’époque des indépendances avec Félix Houphouët-Boigny, pilier de la « Françafrique ». La longue crise politico-militaire a par la suite effacé la Côte d’Ivoire des radars. Sous la présidence de Laurent Gbagbo, les relations entre Paris et Abidjan ont été heurtées, à tout le moins, marquées par une défiance mutuelle, dans le contexte d’une crise politique aux enjeux obscurs. Une intervention internationale plus tard, l’élection d’Alassane Ouattara à la magistrature suprême a permis une normalisation du pays. Dans le rétablissement des relations économiques, l’ancien directeur adjoint du Fonds monétaire international (FMI) joue à l’époque de tout son réseau pour rétablir la confiance avec les Français, mais également les Européens, les Chinois, les Américains… En véritable VRP, appuyé par son fidèle bras droit, l’économiste et ancien Premier ministre Daniel Kablan Duncan – actuel vice-président – il parcourt les capitales du monde entier pour vendre la marque « Côte d’Ivoire » et rassurer les potentiels investisseurs. Un slogan illustrera ce retour : « Côte d’Ivoire is back ». De fait, la croissance, depuis HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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2011, est au rendez-vous jusqu’à devenir aujourd’hui la plus forte de la région ; les investissements reviennent et Abidjan reprend des allures de capitale fréquentable. L’attractivité d’Abidjan dépasse même celle de son passé glorieux. La ville accueille les plus grands événements du continent. Avant les Rencontres Africa, les Jeux de la francophonie s’y sont déroulés en août dernier, et en novembre prochain se tiendra la cinquième édition du sommet Union européenne-Afrique, organisé pour la première fois sur le continent. À Abidjan. Un enjeu majeur pour l’Afrique et pour la Côte d’Ivoire par la même occasion, marquée cette année par des mutineries de militaires, la chute des cours du cacao ou encore les attentats de Bassam en 2016. Ces événements sont venus tester la solidité du modèle ivoirien. Un modèle que le chef de l’État est allé promouvoir aux Nations unies, en septembre dernier à l’occasion de la 72e Assemblée générale de l’organisation. « Dans le cadre de ses objectifs prioritaires de développement, la Côte d’Ivoire a réalisé un taux de croissance de 9 % en moyenne sur les cinq dernières années. Ceci grâce à une bonne politique macroéconomique, le travail des Ivoiriens, un environnement des affaires amélioré ainsi que d’importants investissements. Nous nous attelons désormais à distribuer efficacement les fruits de cette croissance, en particulier aux plus démunis et aux couches les plus vulnérables, tout en poursuivant l’œuvre de transformation du pays. C’est tout l’enjeu du Plan national de développement 2016-2020 et des réformes sociales courageuses menées par mon gouvernement. »
notre Organisation mondiale dans le domaine du maintien de la paix depuis plusieurs décennies, doivent inspirer davantage les Nations unies dans leurs initiatives en faveur de la paix. » Réitérant l’engagement de son pays à œuvrer pour la paix et la sécurité à travers le monde, il invite ses pairs à « intensifier leur engagement contre le terrorisme en Afrique, et soutenir davantage les efforts du continent. Ce soutien, nous le voulons et le demandons en faveur du G5 Sahel, dont l’action est capitale pour la sécurité d’une large partie du continent africain. Pour sa part, la Côte d’Ivoire fera du soutien au G5 Sahel et de la lutte contre le terrorisme en Afrique l’une des priorités de son mandat au Conseil de sécurité des Nations unies, car, sans stabilité, il n’y a pas de développement ». Sur la question de la sécurité, comme du réchauffement climatique, ou encore du trafic des êtres humains favorisé par l’immigration clandestine, Alassane Ouattara positionne la Côte d’Ivoire comme l’allié stratégique des Occidentaux. Et pas seulement, des Asiatiques également. La coopération avec la Chine – Pékin est le troisième partenaire commercial du pays – a été renforcée en septembre dernier par la signature d’un mémorandum avec la Société chinoise d’investissement et de développement des infrastructures à l’étranger (COIDIC). Dans l’énergie notamment – un secteur où les Chinois sont déjà très présents après la construction du barrage de Soubré, trois nouveaux projets de centrales hydroélectriques sont prévus –, mais aussi le transport et les télécommunications. Un renforcement des relations sino-ivoiriennes confirmée par l’ouverture, en août dernier, de la première chambre de commerce chinoise en Côte d’Ivoire.
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DES SECTEURS PLUS STRATÉGIQUES Autre géant asiatique, l’Inde, avec qui les échanges ont crû de 300 % ; les Singapouriens, les Sud-Coréens et autres dragons passent aussi par Abidjan pour s’implanter dans la sous-région. Mais les partenaires privilégiés restent les Européens, avec lesquels les échanges s’intensifient. L’Union européenne a accompagné la Côte d’Ivoire dans le processus de sortie de crise et de reconstruction du pays à travers une enveloppe financière de 531,5 millions d’euros (347 milliards de francs CFA), soit 8,4 % de l’aide totale au pays, rappelait l’organisation en septembre dans son rapport provisoire de l’évaluation de sa coopération avec la Côte d’Ivoire, menée par une équipe de consultants indépendants sur la période 2007-2015. Soulignant néanmoins des « fragilités » telles que la gouvernance, la cohésion sociale et les besoins en termes de santé, l’Union européenne a entrepris de réorienter son soutien dans des secteurs stratégiques à plus fort impact, comme celui de l’énergie ou de l’agrobusiness, des axes précisément ciblés par les autorités pour accélérer le développement et renforcer la stabilité du pays. Sans oublier la jeunesse. Des thèmes au menu du prochain sommet Union européenne-Afrique. ■ HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Un rendez-vous d’autant plus important que, depuis juin 2017, la Côte d’Ivoire a été élue membre non-permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. « Je voudrais, pour commencer, vous exprimer la gratitude du peuple ivoirien pour la grande mobilisation de vos pays à porter la Côte d’Ivoire au Conseil de sécurité des Nations unies pour la période 2018-2019. Cette élection témoigne de votre soutien à l’engagement constant de mon pays en faveur de la paix et du dialogue. Elle est aussi un appel à partager, avec le monde, notre expérience en matière de gestion de sortie de crise et de coopération efficace avec les Nations unies, comme le prouve le succès de l’Opération des Nations unies en Côte Marcel Amon-Tanoh, le ministre des Affaires d’Ivoire. Les leçons de cette opéétrangères. ration de paix, reconnue par tous comme l’un des rares succès de
31 août 2017, à l’Élysée, Paris. Le président Alassane Ouattara et son homologue français Emmanuel Macron, qui sera présent au Sommet UA-UE de novembre.
Sommet Union africaine-Union européenne UNE VITRINE INÉDITE Pour la première fois, l’événement, les 29 et 30 novembre, sera accueilli par une nation subsaharienne. Pour le continent, les enjeux de cette coopération sont essentiels.
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’objectif affiché : « renforcer les liens politiques et économiques entre les deux continents », selon le communiqué officiel publié par l’Union européenne (UE). Les politiques communes « mettront l’accent sur l’investissement dans la jeunesse. Il s’agit là d’une priorité pour l’Afrique comme pour l’UE, 60 % de la population africaine ayant moins de 25 ans ». « Pour l’UE, le défi sera d’adopter une position commune, qui fera de l’Afrique la priorité de ses politiques, ce qu’elle devra faire comprendre à son opinion publique », indique Alain Dupouy, ancien conseiller Afrique d’Alain Juppé, aujourd’hui à la tête d’O2A, « un laboratoire d’idées » qui réunit une cinquantaine de membres. Il a organisé un forum « à huis clos » le 10 octobre à Paris, sur les enjeux de ce sommet. « Nous n’avons pas la prétention de donner des consignes, mais des recommandations aux responsables français, européens et africains. » Un triptyque pour lequel il résume les enjeux ainsi : « L’UE, alors que nous arriverons en 2020 au terme des accords de Cotonou, devra démontrer, à l’issue de ce sommet, l’orientation qu’elle veut donner à son partenariat avec l’Afrique. Sur le plan économique, fondamental, mais sans négliger la question de la sécurité, sur laquelle elle peut accompagner le continent et les conditions de l’aide au développement. » Autrement dit, qui pourra prétendre au soutien de l’UE, sous quelles conditions, et avec quelles limites. « L’UE ne pourra plus, par exemple, soutenir des pays qui ne luttent pas contre la corruption. » La France devra, selon lui, réaffirmer son rôle de « tête de pont dans les relations bilatérales entre l’Europe et l’Afrique ». Quant à l’Afrique, représentée par l’Union africaine, co-organisatrice de l’événement, « elle devra créer les conditions de
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son autonomie. Ce qui est inscrit dans son agenda 2063, très ambitieux même si parfois utopique. Mais elle doit se prendre en charge financièrement. Ce qui ne veut pas dire qu’elle ne peut pas bénéficier du soutien de l’UE. Dans le domaine de la sécurité notamment ». Un point sur lequel les sociétés civiles africaines expriment de nombreuses attentes. Les acteurs économiques se retrouveront le 27 novembre lors du 6e Forum des affaires UE-Afrique. Ils attendent de leurs dirigeants « davantage de protectionnisme », lâche un membre du secteur privé ivoirien. « Les APE (Accords de partenariat économique) notamment doivent être renégociés. Les Européens n’hésitent pas à protéger les acteurs économiques de leur continent, par des subventions et en limitant l’accès au marché européen. » Sur la question de l’immigration, pourtant, elle commence à le faire. Assumant leurs responsabilités, les leaders africains ont formulé une position commune, depuis les accords de La Valette, en novembre 2015, dans lesquels ils s’engagent à s’impliquer davantage contre les trafics et l’immigration clandestine. Mais, en contrepartie, ils attendent un plus large soutien de l’UE. Principalement en termes d’investissements en faveur du développement socio-économique du continent. Cette double question sera incontestablement au cœur du sommet. Mais c’est davantage dans les coulisses qu’elle se négociera… Pour la Côte d’Ivoire, le défi est tout autre : réaffirmer sa stabilité, en s’assurant de la tenue de l’événement « sans heurts », selon un acteur public ivoirien ; renforcer son partenariat avec l’Union européenne ; plus largement s’imposer comme le pendant de la France, être une « tête de pont » dans les relations euro-africaines. ■ D.B.M. 103
INTERVIEW
JEAN-FRANÇOIS VALETTE « DEUX CONTINENTS INTIMEMENT LIÉS SUR LE PLAN HUMAIN, MAIS AUSSI STRATÉGIQUE ET ÉCONOMIQUE »
Pour l’ambassadeur de l’Union européenne en Côte d’Ivoire, la jeunesse sera l’un des enjeux prioritaires du sommet Afrique-UE. propos recueillis par Dounia Ben Mohamed
AM : Abidjan accueille le prochain sommet UA-UE. Une première en Afrique subsaharienne. Pourquoi le choix de la Côte d’Ivoire ? Jean-François Valette : La Côte d’Ivoire est un pays d’Afrique subsaharienne. Or, effectivement, cette partie de l’Afrique n’avait jamais abrité le sommet Union africaine-Union européenne. C’est la première raison. La deuxième raison est le rôle de leadership que joue la Côte d’Ivoire, notamment en Afrique de l’Ouest, tant dans le domaine politique que par son dynamisme économique. La troisième raison est bien sûr que les autorités ivoiriennes ont manifesté leur vif intérêt pour accueillir ce sommet, compte tenu de la densité des liens avec l’Union européenne. L’événement est coorganisé par l’Union africaine et l’Union européenne. Quel est le rôle de chacun ? Je voudrais préciser que le troisième coorganisateur du sommet est la Côte d’Ivoire elle-même. C’est elle en effet qui assume la charge la plus lourde sur le plan logistique. Les rôles sont les suivants : l’UE et l’UA définissent ensemble les thématiques du sommet, ses grands enjeux. Celui-ci est préparé depuis un an par la tenue de plusieurs événements parallèles (ou plutôt, « précurseurs »), qui ont vocation à nourrir le dialogue des chefs d’État lors du sommet. Pour ne citer que ceux-là, vous avez vu par exemple qu’un sommet de la Jeunesse s’est tenu à Abidjan 104
du 9 au 11 octobre. Il y a également un forum des conseils économiques et sociaux les 16 et 17 novembre, un forum des collectivités locales et de la décentralisation les 27 et 28 novembre, un forum des parlements de l’UE et de l’UA et un Business Forum le 27 novembre. Tous ces événements parallèles, qui se tiennent à Abidjan, ont pour but une large participation des acteurs politiques et sociaux, des ONG et de la société civile et, bien sûr, des entreprises, à la réussite du sommet lui-même, qui sera en quelque sorte l’aboutissement de ce processus riche et complexe. Plus largement, à quel niveau se situe la collaboration entre l’UA et l’UE ? La coopération est excellente, que ce soit à Addis-Abeba, ici à Abidjan, où nous travaillons en étroite coordination avec la représentante spéciale de l’UA, ou à Bruxelles, où s’est aussi réuni le comité de direction conjoint UA-UE de préparation du sommet. Notre but commun est que l’Afrique fasse l’objet d’une attention politique et médiatique en Europe et qu’il en soit de même, en sens inverse, pour l’Europe en Afrique. Les deux continents sont en effet intimement liés sur le plan humain, mais aussi stratégique et économique. Le sommet doit être l’occasion de faire toucher du doigt cette réalité. Selon le programme, le sommet met l’accent sur l’entrepreneuriat et les jeunes. C’est l’urgence ? HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Mai 2015. Jean-François Valette avec Daniel Kablan Duncan (alors Premier ministre) et Raymonde Goudou Coffie, ministre de la Santé, à la remise du centre de traitement d’Ebola, financé par l’Union européenne.
En effet, car les jeunes, en Afrique comme en Europe, aspirent à un avenir meilleur, mais aussi plus maîtrisé. Pour ce qui concerne l’Afrique subsaharienne en particulier, la prééminence de la jeunesse est écrasante, puisque 70 % de la population y est âgée de moins de 30 ans. C’est une opportunité, mais c’est aussi un risque, car faute d’emplois décents, cette jeunesse peut devenir source d’instabilité. L’Afrique, depuis le sommet de La Valette sur les migrations de 2015, tout en assumant ses responsabilités sur la question de l’immigration clandestine, invite en contrepartie ses partenaires européens à augmenter leur collaboration avec l’Afrique. Dans ce sens, ce sommet est annoncé comme une nouvelle étape dans la coopération UE-Afrique ? En effet, pour que la jeunesse africaine trouve son avenir en Afrique, l’Europe doit appuyer les efforts des gouvernements africains dans les investissements créateurs d’emplois. Nous pensons donc que ce sommet pourrait être un tournant à cet égard. Notre proposition est de compléter l’offre traditionnelle de coopération, qui a montré ses limites, par un soutien direct aux investisseurs privés, notamment aux nationaux africains, en facilitant le financement de leurs projets. C’est en effet le manque de ressources financières, ou le coût du risque, que les banques jugent excessif, qui expliquent la difficulté à financer ces projets, souvent très inventifs, qui sont portés par les jeunes africains. HORS -SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE
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Plus largement, comment évoluent les relations entre l’UE et l’Afrique ? Je dirais que le dialogue est désormais beaucoup moins idéologique et beaucoup plus concret qu’il y a une vingtaine d’années. On constate en effet un accord sur les priorités et, de plus en plus, un accord sur les moyens concrets d’atteindre nos objectifs communs. Et, plus particulièrement, les relations entre l’UE et la Côte d’Ivoire ? Elles sont excellentes. Le seul fait que le sommet se tienne à Abidjan montre que la priorité politique de la Côte d’Ivoire est bien sa relation avec l’Europe. Nos échanges commerciaux se sont accrus de 50 % depuis 2008. L’Europe est la première destination des exportations ivoiriennes (34 % du total) et la première source d’investissement étranger. L’an dernier, l’excédent commercial de la Côte d’Ivoire à l’égard de l’Union européenne s’est élevé à 2 milliards d’euros. Les tensions entre le Maroc et la République arabe sahraouie démocratique (RASD), soutenue par l’Algérie mais également par l’Afrique du Sud, ont menacé la tenue du sommet. Le problème est réglé, du moins à court terme… Le problème a effectivement été réglé, par un dialogue interafricain. Il n’appartient pas à l’Europe de prendre position sur cette question qui est du seul ressort des Africains. ■ 105
La nuit s’étire le long de la lagune d’Abidjan, et on s’encanaille à Marcory, cette ville dans la ville, « au-delà des ponts », là où les noctambules ont décidé de prendre leurs quartiers. On dîne, on lève le coude, on refait le monde, on refait la Côte d’Ivoire, on s’anime, on se perd parfois dans les ambiances multiples et différentes. On passe de saveurs en saveurs, de Beyrouth à Paris à Hanoï, on passe du son branché global à celui d’un bon vieux coupé-décalé qui déménage. Et là, un peu soudainement, au coin du bar où se croisent toutes sortes de parcours, un peu en retrait, il y a cette image. Le fondateur Félix Houphouët-Boigny est là, décidé et bienveillant. Comme adressant un message venant d’hier et balisant le chemin vers demain. Quelque chose qui nous rappelle que sans paix et sans unité, les ambitions sont vaines. Zyad Limam 106
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