AM Business #21

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Afrique Méditerranée A M B LE MAGAZINE DES ÉCONOMIES ET DES ENTREPRISES ÉMERGENTES

SPÉCIAL INVESTIR AU MALI OPPORTUNITÉS, CLIMAT DES AFFAIRES, ÉNERGIE... BAMAKO VEUT CHANGER LA DONNE BANQUES & FINANCE DES VERTUS DE LA RÉSILIENCE

Afrique Méditerranée

No 2 1

DÉCEMBRE

2017-JANVIER

2018

ENJEUX AVEC LES ROUTES DE LA SOIE, LA CHINE TISSE SA TOILE

+

INTERVIEWS

MEHDI HOUAS Président du groupe Talan

« L’INCONTOURNABLE RÉVOLUTION DIGITALE »

MOHAMED HORANI Président de HPS

« PARIER SUR LES HAUTES TECHNOLOGIES »

ABDERRAHMANE BENHAMADI Président de Condor

« LA PERFORMANCE AU MEILLEUR PRIX » MARKETING CLASSES MOYENNES, MYTHE ET RÉALITÉ SÉLECTION LE LUXE MADE IN AFRICA

MO IBRA IBRAHIM HIM LE MILLIARDAIRE MILITANT MILIT ANT Entrepreneur à succès, il prêche la bonne gouvernance depuis 2006 à travers sa fondation. Une approche à la fois passionnante et controversée. Enquête. N° 21 DÉCEMBRE 2017-JANVIER 2018

M 04557 - 21 - F: 5,90 E - RD

France 5,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € – Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3500 FCFA ISSN 0998-9307X0

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TÉLÉVISION NUMÉRIQUE TERRESTRE

INFRASTRUCTURES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS

FIBRE OPTIQUE

Développer l'infrastructure numérique au Mali ! Mise en œuvre de la Télévision numérique terrestre (TNT) Diffusion des programmes radio-TV de l'ORTM et des télévisions privées Interconnexion des structures de l'Administration publique en vue d'offrir la téléphonie sur IP, la téléprésence et l'Internet. Location de la fibre optique et partage d'infrastructures de télécommunications.

SOCIÉTÉ MALIENNE DE TRANSMISSION ET DE DIFFUSION Route de l'Aéroport - BP E 5303 - Bamako - MALI - Tél: (+223) 44 21 22 45


POUR COMMENCER par Zyad Limam

WISE À DOHA

Séjour au Qatar, mi-novembre, à l’occasion de WISE, la grande conférence sur l’éducation et l’innovation. Dans le contexte géopolitique du moment, une telle manifestation, d’ampleur, apparaît évidemment comme une belle opération de soft power. L’émirat s’y projette comme une terre d’ouverture et de dialogues. Mais Wise, c’est surtout une plongée dans le monde de l’éducation, un domaine essentiel pour le développement et le progrès. Organisée par la Qatar Foundation, dirigée par la très célèbre Sheikha Mozah (la mère de l’actuel émir Tamim) et sa fille Hind (CEO), elle attire des centaines de spécialistes venus du monde entier. L’éducation, c’est à l’avant-garde de l’innovation. Les technologies digitales permettent de proposer de véritables écoles universelles (parfois gratuites), accessibles online, ouvrant des pans entiers du savoir à des centaines de millions de gens (jeunes et moins jeunes). Les applications sur smartphone multiplient les opportunités d’apprentissage. Une connexion Internet (grâce à un panneau solaire par exemple) permet à une école reculée d’accéder à du matériel pédagogique de qualité. Le développement de l’éducation privée dans les pays émergents pallie en partie les faiblesses structurelles du secteur public. De financer toute une série de métiers jusque-là dévalorisés, en payant mieux les professeurs, les assistants, en créant un écosystème qui limite la fuite des cerveaux. À suivre par exemple, le cas de l’université Ashesi, près d’Accra, fondée par Patrick Awuah, ancien manageur ghanéen du géant américain Microsoft, et récipiendaire du Wise Prize for Education 2017. Ici, on se donne comme objectif de former l’Africain de demain, authentique, globalisé, capable de dialoguer avec les cultures.

UNE PRIORITÉ AFRICAINE

Plus encore que partout ailleurs, et compte tenu du retard accumulé, l’éducation et la formation sont des priorités stratégiques pour l’Afrique. Le retard limite sévèrement les capacités productives du continent, ses capacités d’imagination économique, de recherche, d’ingénierie technique ou commerciale… Pour reprendre un terme entrepreneurial, les « RH », les ressources humaines, sont insuffisantes pour porter le potentiel continental dans les années à venir. Le défi commence maintenant avec l’éradication de l’analphabétisme. Entre 35 % et 40 % des adultes de 25

à 45 ans sont analphabètes ou mal alphabétisés, ce qui les rend par ailleurs incapables d’aider leurs enfants. Douze des treize pays dont le taux d’alphabétisation est inférieur à 50 % se situent en Afrique subsaharienne. Et aujourd’hui, à peine 6 % à 10 % d’une classe d’âge concernée trouverait sa place dans l’éducation supérieure. Malgré les efforts de l’éducation de base, les chiffres restent stables, alimenté par une démographie puissante. Comptant 1,2 milliard d’habitants en 2017, le continent devrait en accueillir près de 2,5 milliards en 2050. Sa population pourrait quadrupler pour atteindre 4,4 milliards en 2100… Ces centaines de millions d’enfants, de garçons et de filles qui arrivent, il faudra les mettre à l’école, les former, les aider à être citoyens et actifs. L’affaire n’est pas seulement économique. Le niveau d’éducation de chaque pays permet de prévoir ce que sera le profil du leadership et des élites dans vingt-cinq ans ou trente ans. L’éducation et la formation d’aujourd’hui feront l’émergence et la gouvernance de demain.

LE SAUT DIGITAL

Pour l’Afrique, le défi est double. Il faudra à la fois répondre aux besoins de l’éducation de base, tout en se préparant à des transformations révolutionnaires du marché du travail, qui rendront les emplois fixes, salariés, plus rares. La technologie, la digitalisation, l’intelligence artificielle, la robotisation n’épargneront ni les économies riches, ni les économies émergentes, bien au contraire. Les industries de la confection, le textile, les secteurs de la sous-traitance automobile, machinerie, verront leurs effectifs diminuer puis disparaître quand les machines seront plus rentables et moins coûteuses qu’un salaire, même modeste. Idem pour l’agriculture, l’agrobusiness. Ou pour la prestation, gestion, juridique : les softwares seront très vite moins chers que les comptables, mêmes à prix cassés. Former des gens à des emplois qui existeront de moins en moins pourra se révéler explosif sur le plan social. Les solutions consisteraient, par « le bas », à développer massivement l'auto-emploi, l’auto-entrepreneuriat, en adaptant la formation aux besoins réels et en multipliant les mécanismes de microcrédit. Et de bouger par « le haut » en investissant dans les nouvelles technologies. Faire ce qui a été fait dans la téléphonie, sauter plusieurs étapes. Pour être dans le siècle, exploiter au maximum son potentiel, l’Afrique devra s’émanciper des vieux modèles, faire un saut digital, s’inventer son économie de la connaissance (voir interviews de Mehdi Houas p. 26 et Mohamed Horani p. 32). ❐

DÉCEMBRE 2017 - JANVIER 2018

Afrique Méditerranée Business

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Afrique Méditerranée N° 21 / DÉCEMBRE 2017 – JAN V IER 2018

Afrique Méditerranée

Pou r com menc er

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A M B LE MAGAZINE DES ÉCONOMIES ET DES ENTREPRISES ÉMERGENTES

Parol e d’e xpert

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SPÉCIAL

INVESTIR AU MALI

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BUSINESS REPORT

Son objectif : promouvoir la bonne gouvernance. Une approche à la fois passionnante et controversée.

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Banques & Fina nc e Entre résilience et consolidation Capitech, le succès du low cost Le Maroc prend-il trop de risques en Afrique ?

26

Mehd i Houas Digitale révolution !

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32

Moh amed Hor ani « Le continent doit parier sur la haute technologie »

Cons o Classes moyennes, mythe et réalités

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Port r ait

ENJEUX AVEC LES ROUTES DE LA SOIE, LA CHINE TISSE SA TOILE

Tri bune

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MEHDI HOUAS Président du groupe Talan

par Hakim Ben Hammouda

« L’INCONTOURNABLE RÉVOLUTION DIGITALE »

MOHAMED HORANI Président de HPS

« PARIER SUR LES HAUTES TECHNOLOGIES »

ABDERRAHMANE BENHAMADI

MO IBRA IBRAHIM HIM

Président de Condor

« LA PERFORMANCE AU MEILLEUR PRIX »

LE MILLIARDAIRE MILIT MILITANT ANT

MARKETING CLASSES MOYENNES, MYTHE ET RÉALITÉ SÉLECTION LE LUXE MADE IN AFRICA

Entrepreneur à succès, il prêche la bonne gouvernance depuis 2006 à travers sa fondation. Une approche à la fois passionnante et controversée. Enquête. N° 21 DÉCEMBRE 2017-JANVIER 2018

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14 RENCONTRES & REPORTAGES

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Mo Ibr ahim Celui qui voulait changer les élites

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Afrique Méditerranée A M B LE MAGAZINE DES ÉCONOMIES ET DES ENTREPRISES ÉMERGENTES

MEHDI HOUAS ET MOHAMED HORANI ALGÉRIE

ABDERRAHMANE BENHAMADI Président de Condor

N

21

DÉCEMBRE

2017

JANVIER

2018

«LA PERFORMANCE AU MEILLEUR PRIX » ENQUÊTE

MO IBRAHIM LE MILLIARDAIRE MILITANT

DIGITALE RÉVOLUTION !

Le PDG du cabinet international de conseil Talan et le fondateur d’un groupe leader dans le domaine des services de paiements électroniques vous donnent certaines clés de l’avenir. Deux entretiens exclusifs.

SPÉCIAL INVESTIR AU MALI

OPPORTUNITÉS, CLIMAT DES AFFAIRES, ÉNERGIE… BAMAKO VEUT CHANGER LA DONNE

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BANQUES & FINANCE DES VERTUS DE LA RÉSILIENCE ENJEUX AVEC LES ROUTES DE LA SOIE, LA CHINE TISSE SA TOILE

Le Tunisien Mehdi Houas

Le Marocain Mohamed Horani N° 21 DÉCEMBRE 2017-JANVIER 2018

M 04557 - 21 - F: 5,90 E - RD

France 5,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € – Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3500 FCFA ISSN 0998-9307X0

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PHOTOS DE COUVERTURE : INTERNATIONAL : BRUNO AMSELLEM/DIVERGENCE MAGHREB : PHILIPPE SAUTIER - MUS IBIRAL

2 juillet 1998 : La grande crise asiatique Abder haman e Benh amadi « Nous vendons de la performance au meilleur prix »

BANQUES & FINANCE DES VERTUS DE LA RÉSILIENCE

INTERVIEWS

Une dat e, une hist oi r e

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par Cédric Dubucq

OPPORTUNITÉS, CLIMAT DES AFFAIRES, ÉNERGIE... BAMAKO VEUT CHANGER LA DONNE

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par Zyad Limam

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Patrick Pouyanné

Parol e d’e xpert

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par Gilles Acogny St r at égie Le Dragon tisse sa toile

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p. 52

NG HAN GUAN/AP/SIPA - DR

p. 44

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Afrique Méditerranée Business

DÉCEMBRE 2017 - JANVIER 2018


LA BOAD RÉALISE AVEC SUCCÈS SA SECONDE ÉMISSION SUR LE MARCHÉ FINANCIER INTERNATIONAL Dans le cadre de sa seconde émission sur le marché financier international réalisée le 27 juillet 2017, la Banque ouest africaine de développement (BOAD) a levé 850 millions de dollars américains correspondant à 730, 74 millions d’euros, soit 479, 33 milliards de FCFA. Le taux d’intérêt de l’opération swappée en euros se situe à 3,25%, sur une maturité de 10 ans. La BOAD se positionne ainsi comme l’une des rares banques de développement d’Afrique subsaharienne à avoir réalisé un emprunt international sur une telle maturité. Cette émission sur le marché international a été très bien accueillie par les investisseurs. 190 souscriptions d’un montant total de 2,6 milliards de dollars américains ont ainsi été enregistrées, contre 1,8 milliard de dollars américains lors de l’émission inaugurale réalisée en avril 2016. Les soumissions retenues proviennent essentiellement du Royaume Uni (39%), des Etats-Unis (27%), de Suisse (15%), du reste de l’Europe (11%), et du reste du monde (8%). Par catégorie socio-professionnelle, les gestionnaires de fonds sont les principaux souscripteurs avec 77% des soumissions retenues, suivis par les banques (10%), les fonds d’investissement (4%), les fonds de pension et compagnies d’assurance (5%), et d’autres catégories (4%). Les agences Fitch et Moody’s ont été chargées de noter l’émission. Les notes délivrées ont été conformes à celles que les deux agences attribuent à la BOAD depuis 2015, soit respectivement « BBB » avec perspective stable, et « Baa1 » avec perspective stable.

Premier émetteur non souverain sur le marché régional des capitaux Le recours au marché financier international est l’une des principales orientations contenues dans le Plan stratégique 2015-2019 de la BOAD. Il se justifie par les besoins importants de financement des Etats membres et de l’étroitesse du marché régional des capitaux, sur lequel la BOAD se situe au premier rang des émetteurs non souverains, avec 991 milliards de F CFA mobilisés à ce jour. L’opération qui vient d’être réalisée contribuera ainsi à diversifier et mieux sécuriser les sources de financement de l'institution, mais également à réduire le coût de ses ressources. A propos de la BOAD Fondée en 1973, la Banque Ouest Africaine de Développement est une institution commune aux 8 Etats membres de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). Ses interventions sont orientées vers trois grandes directions : la lutte contre la pauvreté, la promotion du développement équilibré des Etats membres, et la réalisation de l’intégration régionale. Elle finance des projets publics et privés dans divers domaines, notamment l’agriculture, les infrastructures de transport, l’industrie, l’énergie, l’hôtellerie et les télécommunications. Au 30 septembre 2017, le montant de ses financements s’élevaient à environ 4 929 milliards FCFA pour plus de 1094 opérations. Pour plus d’informations sur la BOAD : www.boad.org

BOAD, une banque de développement forte, pour l'intégration et la transformation économiques en Afrique de l'Ouest B.P. : 1172 Lomé TOGO - Tél.: +228 22 21 59 06 / 42 44 - Fax : +228 22 21 52 67 / 72 69 - site web : www.boad.org - E-mail : boadsiege@boad.org


Afrique Méditerranée TRIMESTRIEL FONDÉ EN 2013 31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE Tél. : (33) 1 53 84 41 81 fax : (33) 1 53 84 41 93 info@ambusinessmagazine.com RÉDACTION DIRECTEUR GÉNÉRAL DIRECTEUR DE LA RÉDACTION

Zyad Limam zlimam@afriquemagazine.com Assisté de Nadia Malouli nmalouli@afriquemagazine.com DIRECTRICE ADJOINTE DE LA RÉDACTION

Emmanuelle Pontié epontie@afriquemagazine.com DIRECTRICE ARTISTIQUE Isabella Meomartini

imeomartini@afriquemagazine.com SECRÉTAIRE DE RÉDACTION

Éléonore Quesnel sr@afriquemagazine.com

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DESTINATION BUSINESS

76 78 80 84 86 88 89 92

Mal i Bamako is back ! Investissements : un climat propice Interview de Konimba Sidibé Agriculture et élevage : Le premier potentiel Infrastructures : Un nouvel élan TIC : Préparer demain… Énergie : Le choix du renouvelable Réussites : Un jour, ils se sont lancés Sortir à Bamako : Après le business…

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Lectur es Le spectre d’une nouvelle crise

VENTES EXPORT Arnaud Desperbasque tél. : (33) 5 59 22 35 75

p. 96

LA SÉLECTION

Luxe made in Af ri ca Ils en sont convaincus, c’est un secteur d’avenir. Chacun à leur façon, ils l’ont investi avec talent.

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dépar t Casablanca fait sa mue vivr e L’évasion entre terre et mer voy ager South African et Kenya Airways sur le fil Dépenser Mode : le chic décontracté Mo t s et Tendanc es

Aide, despotisme libéral, PNN par Akram Belkaïd ANNONCEURS Un encart INVESTIR de 4 pages sur la Côte d’Ivoire est inséré entre les pages 9 et 12. Un encart BUSINESS PROMO de 8 pages sur le Cameroun est inséré entre les pages 37 et 42.

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Afrique Méditerranée Business

FRANCE Destination Media 66 rue des Cévennes 75015 Paris Tél. : (33) 1 56 82 12 00 ABONNEMENTS COM&COM/AFRIQUE MAGAZINE

18-20, avenue Édouard-Herriot 92350 Le Plessis-Robinson tél. : (33) 1 40 94 22 22 – fax : (33) 1 40 94 22 32 afriquemagazine@cometcom.fr COMMUNICATION ET PUBLICITÉ AMC AFRIQUE MÉDITERRANÉE CONSEIL

31, rue Poussin – 75016 Paris tél. : (33) 1 53 84 41 81 – fax : (33) 1 53 84 41 93 GÉRANT ZYAD LIMAM DIRECTRICE GÉNÉRALE ADJOINTE EMMANUELLE PONTIÉ CHARGÉE DE MISSION ET DÉVELOPPEMENT

APRÈS L’HEURE 105 108 110

ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : Gilles Acogny, Célia d’Almeida, Akram Belkaïd, Delphine Bousquet, Julie Chaudier, Farid Farah, Frida Dahmani, Founé Diarra, Cédric Dubucq, Aurélie Dupin, Alexis Gau, Virginie Gazon, Alexis Hache, Hakim Ben Hammouda, Noé Hochet-Bodin, Sébastien Le Belzic, Luisa Nannipieri, Guillaume Pitron, et Julien Wagner.

DÉCEMBRE 2017 - JANVIER 2018

ELISABETH REMY

AMB, Afrique Méditerranée Business, est un magazine bimestriel édité par 31, rue Poussin, 75016 Paris Président-directeur général et directeur de la publication ZYAD LIMAM

Compogravure : Open Graphic Média, Bagnolet. Imprimeur : Léonce Deprez, ZI, Secteur du Moulin, 62620 Ruitz. Commission paritaire : 0718 K 91909 Dépôt légal : novembre 2017. La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos reçus. Les indications de marque et les adresses figurant dans les pages rédactionnelles sont données à titre d’information, sans aucun but publicitaire. La reproduction, même partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique Méditerranée Business est strictement interdite, sauf accord de la rédaction. © Afrique Méditerranée Business 2017.

CHARLES PLATIAU/AP/SIPA - DR

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PHOTO Amanda Rougier arougier@afriquemagazine.com



PAROLE D’EXPERT PAR CÉDRIC DUBUCQ

PLAIDOYER POUR UNE RÉVOLUTION JURIDIQUE

DR

A

ujourd’hui, l’avocat n’a plus le monopole de l’information. Il a face à lui une multitude de nouveaux acteurs : banques, compagnies d’assurances, sociétés de conseils juridiques, de recouvrement de créances, mutuelles, universités, auditeurs et experts-comptables. En parallèle, son client a changé. Il est plus avisé, plus exigeant et souhaite qu’on lui tienne un langage clair. Enfin, une autre révolution est en cours avec l’émergence des legaltech (plateformes juridiques en ligne) et le développement du numérique qui permet un partage des connaissances à une échelle mondiale. Ces évolutions vont conduire les avocats, notaires et juristes à réaliser une introspection pour définir quelle sera, demain, leur valeur ajoutée. Pour les professionnels du droit, la technologie aide depuis peu à la prise des décisions. Les legaltech se sont ainsi tournées vers les cabinets d’avocats et les juridictions. La justice prédictive (le logiciel Prédictice notamment) ce notammen en nt)) se développe en exploitant ploitant les techniques de l’intelligence lligence artificielle. Ce nouvel vel outil permet de déterminer ner l’angle d’attaque le plus efficient ficient dans un litige, d’élaborer borer la meilleure stratégie de défense ou d’attaque, ou encore d’évaluer les probabilités de gain d’un procès. Elle permet à l’avocat de se concentrer sur son expertise stratégique.

défense ? Est-il judicieux de conseiller Les changements amorcés grâce à un client de saisir un arbitre en ligne aux blockchains sont plus transversaux qui pourra trancher rapidement et et vont devenir spectaculaires. Pour confidentiellement un litige ? Comment rappel, ce système de base de données les victimes civiles et commerciales décentralisée fonctionne comme un pourront demain se regrouper pour grand livre comptable, ouvert à tous et lancer une action collective ? Comment crypté pour la protection des données, puis-je échanger sur des forums ce qui lui permet de ne perdre la trace spécialisés avec des internautes qui d’aucune transaction, mais aussi de ont des questions juridiques ? garder en mémoire tout document Le continent, comme les autres, qui y est ajouté. Grâce à la blockchain, est concerné par cette fusion certains pays d’Afrique ont L’avocat doit (les esprits chagrins diront désormais l’opportunité de mener une que c’est une OPA hostile) mettre en place des systèmes introspection entre la technologie et le droit. de cadastres décentralisés pour définir Le marché juridique devrait se servant de cette base de quelle sera, être bouleversé d’ici cinq ans. données en ligne… ce qui va demain, sa garantir le droit de propriété valeur ajoutée. Les études menées concluent qu’il n’y a pas d’un côté la et libérer les investissements. technologie et de l’autre l’humain. Les professionnels du droit ont le Que les deux sont indispensables devoir d’accompagner ces changements et indissociables. La robotique est majeurs et ils doivent anticiper les puissante car elle peut analyser un réponses aux questions qui suivent. très grand nombre de données – par Comment l’automatisation des actes exemple vérifier si la clause limitative juridiques permettra-t-elle au conseil de responsabilité est bien présente dans de se concentrer uniquement sur les milliers de contrats d’une entreprise l’analyse remplissage ? l an nalyse et non le re ou sonder d’innombrables décisions Comment Comment la justice just prédictive de jurisprudence. L’humain, lui, deviendra un a atout dans possède le discernement, la sensibilité, l’optimisation d’une stratégie de l’expérience et la déontologie. Ces qualités conduisent le conseil à orienter Avocat associé au cabinet la stratégie et, donc, à apporter une Bruzzo Dubucq, PDG incontestable plus-value. La révolution de Lexafrika, plateforme juridique porte sur la valeur des juridique et numérique, tâches, sur la technologie et sur lancée en octobre, l’identification des qualités humaines destinée aux start-up, qui serviront de liant. L’avocat doit TPE et PME voulant passer de Napoléon à Steve Jobs. se développer L’ébullition du secteur est réelle, elle sur le continent. www.lexafrika.com peut devenir une source d’inspiration et nous permettre d’inventer l’avenir. Le droit est mort, vive le droit ! ❐


investir in nv en COTE

D IVOIRE

ÉNERGIE

© SIA-KAMBOU

Au cœur de l’émergence

Avec l’entrée en service du barrage de Soubré, projet phare du secteur, le pays accélère sa marche vers l’autosuffisance, l’une des clés essentielles des programmes ambitieux de développement.


investir en COTE D IVOIRE

LE DÉFI EST D’ATTEINDRE L’AUTOSUFFISANCE D’ICI 2020, DOUBLER LA CAPACITÉ EN PASSANT DE 2000 À 4000 MW ET EN SE TOURNANT RÉSOLUMENT VERS UN MIX ÉQUILIBRÉ.

… et pose avec les partenaires du projet, la délégation chinoise et Thierry Tanoh, ministre du Pétrole, de l’Énergie et du Développement des énergies renouvelables (à droite).

C’est une fierté pour moi » a déclaré le président Alassane Ouattara le 2 novembre dernier alors qu’il participait à l’inauguration du barrage de Soubré. D’une puissance installée de 275 MW, avec une production annuelle de 1100 GWh,« ce bel ouvrage » doit doubler la part de l’hydroélectricité dans la fourniture de l’énergie du pays. Pour l’heure, l’électricité en Côte d’Ivoire est assurée à 75 % par les centrales thermiques au gaz naturel. Avec cinq barrages hydroélectriques existants, le pays, qui a fait le choix du mix énergétique, est résolument engagé à atteindre l’autosuffisance, tout en se positionnant comme hub énergétique régional. La Côte d’Ivoire exporte déjà 15 % de son électricité, à travers un ambitieux programme initié en 2011. Lequel, après avoir permis d’augmenter en moins de cinq ans la production de 1 200 mégawatts (MW) à 2 000 MW, prévoit de doubler la capacité actuelle, pour passer à 4 000 MW à l’horizon 2020. En s’appuyant, entre autres, sur le potentiel hydraulique de la Côte d’Ivoire. « Notre pays s’est engagé en 2015 dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat (la COP 21) à réduire à l’horizon de 2030 ses émissions de gaz à effet de serre de 28 % pour l’ensemble des secteurs confondus, a rappelé le président Ouattara. Le barrage hydroélectrique de Soubré produisant une énergie renouvelable contribue à atteindre cet objectif. » Celui-ci étant aujourd’hui opérationnel, les autres chantiers sont d’ores et déjà lancés. La première pierre du barrage de Gribo Popoli, un autre barrage hydroélectrique situé 7 km en aval de Soubré, a été posée le 2 novembre. De 112 MW, pour un coût estimé à 173 milliards de francs CFA (263 millions d’euros) financé par la Chine également et construit par Sinohydro, sa mise en service est prévue pour fin 2020. Deux autres barrages sont inscrits sur la feuille de route énergétique ivoirienne, celui de Boutoubré et de Louga.

© SIA-KAMBOU

« © C I BOU T

2 novembre. Le chef de l’État inaugure l’ouvrage…

Une grande stratrégie hydroélectrique


Énergie : au cœur de l’émergence

Un chantie er pharaonique SORTI DES TIROIRS PAR

© C I BOU T

MÉGAWATT TS

IN NJECTÉ ÉS DAN NS LE E RÉ ÉSEAU ÉLE ECTRIQ QUE E DU PA AYS

ALASSANE OUATTARA À SON ARRIVÉE AU POUVOIR, SOUBRÉ AURA NÉCESSITÉ PRÈS DE QUATRE ANS DE CHANTIER ET 504 MILLIONS

EMPLO OIS DIR RECT TS CRÉÉ ÉS

EM MPLLOISS IN NDIR REC CTSS CRÉÉ ÉS

D’EUROS, FINANCÉS À 85 % PAR LA CHINE.

Installé sur les rives du fleuve Sassandra, dans le sud-ouest du pays, d’une longueur de 4 km,

le barrage est composé de trois turbines, d’un barrage principal et d’un barrage secondaire, d’un évacuateur de crues, d’une mini-centrale et d’un canal de restitution. C’est le plus grand barrage hydroélectrique de Côte d’Ivoire, réalisé par l’entreprise chinoise Sinohydro du Groupe PowerChina. Après une mise en service progressive démarrée en juin dernier, la mise en marche de la quatrième et dernière turbine lors de son inauguration par le chef de l’État le

2 novembre, va injecter 275 mégawatts (MW) supplémentaires dans le réseau électrique du pays. Le président ivoirien a par ailleurs souligné les retombées sociales et économiques de ce projet, avec notamment la création de 3 000 emplois directs et 5 000 emplois indirects en plus de la soustraitance assurée par des entreprises locales, l’électrification des villages riverains, et l’augmentation de la capacité en fourniture d’eau potable de la ville de Soubré.


investir en COTE D IVOIRE SOLAIRE, BIOMASSE, HYDRO…

Vive les renouvelables !

E

n matière d’énergie, la Côte d’Ivoire s’est engagée dans un double défi. Augmenter sa capacité pour résoudre le déficit énergétique tout en réduisant le recours aux énergies fossiles. Et si la part des énergies renouvelables est faible à l’heure actuelle (moins de 5 %), les autorités visent les 15 % en 2020 et 20 % en 2030, compte tenu du potentiel ivoirien en la matière. Dans l’hydraulique, avec un potentiel non exploité estimé, par les experts de Finergreen, à 7000 MW, dont 1847 MW potentiellement exploitables économiquement. Dans le solaire également, avec un ensoleillement correct avec un GHI moyen de 2077 kWh/m2. Dans le nord du territoire en particulier. Dans le cadre de l’objectif électricité pour tous, l’État prévoit le développement des mini-grids, pour lesquels le photovoltaïque est très bien adapté. Ainsi, de nombreux projets d’éclairage public par lampadaires solaires ont déjà vu le jour. La biomasse surtout. La Côte d’Ivoire présente l’un des meilleurs potentiels d’Afrique en biomasse avec une capacité annuelle estimée à 12 millions de tonnes avec la valorisation des déchets issus des industries du cacao, du coton, du palmier à huile. L’énergie renouvelable la plus prometteuse à court terme pour le pays. C’est pourquoi l’essentiel de l’objectif de 15 % d’énergies renouvelables en 2020 doit être porté par la biomasse. Des projets (Biokala, Sitrade, Groupe Eoulee) sont en cours de développement. Ci-contre. La centrale thermique de Vridi.

DES SOLUTIONS INTÉGRÉES

Ci-dessous. Les résidus issus de l’industrie du cacao sont utilisés pour la biomasse.

©XINHUA/ZUMA/REA

© NABIL ZORKOT

COMMENT AUGMENTER LA PRODUCTION TOUT EN RÉDUISANT LA PART DU FOSSILE ?

Pour atteindre ses ambitions, estimées à 16 milliards d’euros à investir dans le secteur d’ici 2030, la Côte d’Ivoire mise sur les partenariats publics-privés… et les solutions intégrées. Le projet « Daoukro-Energies », mené par un consortium ivoiro-italien, s’inscrit dans ce cadre. Développé en concertation avec les populations locales, il prévoit la construction de centrales solaires photovoltaïques et thermiques à biomasse mais également des infrastructures socio-économiques et culturelles.


TRIBUNE par HAKIM BEN HAMMOUDA

EST-CE LE RETOUR DE LA FINANCE CASINO ?

NICOLAS FAUQUÉ/IMAGESDETUNISIE.COM

I

l y a dix ans, commençait l’une des plus importantes crises financières mondiales, comparable dans son ampleur à la grande dépression de 1929. Durant le mois de juillet 2007, les prémices de cette déflagration retentissante apparaissent avec l’annonce de l’agence de notation Moody’s de dégrader la note de nombre de titres adossés à des prêts immobiliers, ce que l’on appelle les subprimes. Cette décision constitue un revirement radical dans l’attitude des agences de notation qui, jusque-là, avaient été bienveillantes face au développement de cette activité, favorisant l’émergence d’une finance débridée, libérée de tout contrôle et de toute réglementation. À partir de cette date, les difficultés vont s’accumuler et les annonces de faillites vont se multiplier jusqu’à la déroute de Lehman Brothers, le 15 septembre 2008 (voir AMB no 6), qui sera le moment épique de cette crise sans précédent. En marge de la course pour le sauvetage du système financier et des grandes banques, on a vu fleurir les analyses et les lectures pour comprendre les raisons de cette débâcle. Et, très rapidement, un consensus a émergé sur la responsabilité des mastodontes bancaires et l’aventurisme des traders comme sur les dérives de la libéralisation financière, de la globalisation des marchés et de la croyance sans limite dans l’efficience de ces derniers. L’unanimité

n’avaient pas vraiment le choix, beaucoup d’entre elles étant au bord de la faillite du fait de leur exposition Économiste, ancien aux subprimes. Elles ont donc suivi ministre tunisien des avec beaucoup de nervosité la mise Finances (2014-2015) en place des plans sauvetage par les et auteur de l’ouvrage gouvernements des pays développés. Chroniques d’un ministre On a vu les financiers courber l’échine, de transition (Cérès Éditions, décembre 2016). devoir rendre des comptes et être hakimbenhammouda. présentés devant la justice pour typepad.com certains. Quelques années plus tard, la situation a beaucoup changé. Les grandes banques se sont refait une santé. Le relâchement de la politique ne concernait pas seulement l’origine monétaire leur a permis de se du tsunami financier mais aussi les refinancer à des conditions politiques à mettre en place pour éviter avantageuses. Leurs bilans se sont qu’il ne se reproduise. Fini le laisseraméliorés, les profits sont réapparus. faire, l’heure de la régulation avait Avec le retour de la rentabilité, les sonné. Il fallait mettre au pas cette pratiques du passé ont repris de plus globalisation financière, au cœur de la belle – salaires extravagants, défiance générale vis-à-vis On a vu les bonus, affaires, tous les de la mondialisation. Sous financiers symboles de la finance l’égide du Comité de Bâle, courber l’échine, casino – portés par un responsables politiques, devoir rendre intense travail de lobbying experts et économistes ont des comptes, contre les réformes prévues travaillé à établir une être présentés par les accords de Bâle III nouvelle régulation devant la justice et en faveur du « business financière mondiale. Ce pour certains. thème est devenu le cœur Quelques années as usual ». Ces pressions sont en train de produire des grandes réunions et plus tard, la leurs effets. L’administration débats internationaux, situation a notamment les sommets beaucoup changé. Trump cherche en effet à remettre en cause la loi du G20. Le durcissement Dodd-Frank, qui a mis un frein, de la réglementation financière a été pour un temps, à la cupidité des acté (Bâle III et IV), avec notamment traders. De quoi redonner des ailes des exigences supplémentaires aux marchés financiers et générer en fonds propres. à nouveau une euphorie… avec Le monde de la finance n’a pu le risque d’une nouvelle chute. ❐ qu’accepter ce revirement. Les banques

DÉCEMBRE 2017 - JANVIER 2018

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RENCONTRES & REPORTAGES

Leader Il a été et reste un entrepreneur hors pair.

Enthousiaste, habile, excellent communicant, toujours prêt à dire sa vérité, il s’est lancé depuis 2006 dans une œuvre qui le passionne : la fondation qui porte son nom. Objectif (très ambitieux) : promouvoir la bonne gouvernance, élément clé de toute émergence africaine. Une approche à la fois passionnante et controversée.

Mo Ibrahim, celui qui voulait changer les élites

par Julien Wagner

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BRUNO CHAROY/PASCO

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RENCONTRES & REPORTAGES

I

l faut avoir vu Mo Ibrahim, 71 ans, à Marrakech en avril dernier lors du forum qui porte son nom, pour percevoir un trait caractéristique de la personnalité du plus philanthrope des milliardaires africains : c’est un homme joyeux. Ici peut-être encore plus qu’ailleurs. Seul sur scène, sourire aux lèvres, se frottant les mains, le Britannique d’origine soudanaise savoure le plaisir d’être là. Il joue tout à la fois, le maître de maison, l’anchorman et l’intervieweur. Il faut le voir parler au chanteur du groupe U2, Bono, en lui tapant sur l’épaule, rire aux côtés d’un Kofi Annan impassible, ou glisser avec malice une anecdote lors d’une question à Paul Polman, le PDG du géant anglo-néerlandais de l’agroalimentaire Unilever. L’homme né en Nubie a l’enthousiasme d’un enfant. Ce week-end biennal (annuel à l’origine), initié en 2010 à PortLouis (Maurice), c’est « son » week-end. Depuis qu’il a vendu en 2004 l’opérateur téléphonique Celtel pour 3,4 milliards de dollars, l’ingénieur en électrotechnique de l’université de Bradford (Angleterre), dont la fortune est estimée à 1,5 milliard de dollars par Forbes, s’est donné pour mission d’aider au développement du continent. Non pas en lançant une nouvelle entreprise ni en s’engageant en politique, mais par la promotion de la bonne gouvernance. Pour le « docteur », le diagnostic est limpide : « Si l’Afrique est pauvre, c’est d’abord parce qu’elle est mal gérée. » Et « Mo » est déterminé à y remédier. Alors, dans les coursives du forum où l’on croise les hérauts de l’Afrique émergente, chacun a un mot d’admiration à distiller à son hôte. Le Français Pascal Lamy, ancien directeur de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), n’est pas le moins charmé : « Mo Ibrahim est un grand leader de l’Afrique d’aujourd’hui. Il ne représente pas un pays, il représente le continent dans son ensemble. Il fait bouger les choses, s’engage, milite. C’est un leader africain. » Un beau compliment, mais qui, venant d’un Européen, ne constitue pas encore la reconnaissance ultime. Au journal Le Monde, Mo Ibrahim déclarait en 2013 : « Mon souhait, c’est que les Africains, plus tard, disent de moi : “C’était l’un des nôtres. Il a eu de la chance, il a réussi, mais il ne nous a pas oubliés”. » SCORE, CLASSEMENT ET PRIX À FORTE RÉCOMPENSE Pour y parvenir, le « Dr Mo » s’échine. Ce qu’il veut ? « Créer une base objective et scientifique pour permettre de discuter des forces et des faiblesses du continent », puis « la diffuser le plus largement possible afin que les citoyens, dans chaque pays, sachent ce que fait leur gouvernement ». C’est pourquoi, en 2006, il a créé à Londres la Fondation Mo Ibrahim, à laquelle il a confié deux missions. La première, construire un indice composite, l’indice Ibrahim, afin d’évaluer annuellement l’état de la gouvernance en Afrique en octroyant un score et

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Leader

un classement à chaque pays (voir encadré). La seconde, décerner une nouvelle distinction, le Prix Ibrahim, récompensant chaque année (si possible) un chef d’État démocratiquement élu qui aurait fait montre d’un « leadership exceptionnel » tout en respectant le « terme constitutionnel de son mandat ». Le montant de ce prix est conséquent : plus de 5 millions de dollars (500 000 dollars par an pendant dix ans puis 200 000 jusqu’à la fin de la vie). Pour évaluer ce leadership, l’indice Ibrahim fait foi, mais la décision revient à un jury composé de sept personnalités politiques reconnues internationalement, présidé par l’un des très proches du fondateur, l’ancien Premier ministre tanzanien (1984-1985) et président de l’Organisation de l’unité africaine (1989-2001), le Dr Salim Ahmed Salim. Leur cheval de bataille, c’est la corruption des élites, dans le secteur public et privé, en Afrique comme ailleurs, du côté du corrompu autant que du corrupteur. Mo Ibrahim est d’ailleurs membre d’un groupe de dirigeants et décideurs, The B Team, fondé par le milliardaire britannique Richard Branson (Virgin), qui promeut la « transparence dans les affaires ». Cette position critique, c’est ce qui le différencie des autres « bienfaiteurs africains », comme les Nigérians Aliko Dangote (la Dangote Foundation investit dans l’éducation et la santé) et Tony Elumelu (la Tony Elumelu Foundation se concentre sur le développement de l’entrepreneuriat) ou le Sud-Africain Patrice Motsepe (la Motsepe Foundation vient en aide aux plus nécessiteux). « La Fondation “Mo” n’est ni une association caritative, ni un fonds d’investissement. Nous ne levons pas de fonds, nous ne sommes subventionnés par personne. Mo Ibrahim est le seul financeur. C’est ce qui nous confère notre indépendance. Elle joue davantage le rôle d’un institut privé ou d’une ONG, un fact-tank plus qu’un think-tank », précise un membre de la fondation. C’est donc une toute nouvelle philanthropie que Mo Ibrahim met en œuvre. Beaucoup plus politique – même s’il s’en défend. En évaluant les actions publiques, il juge les mandats. En récompensant les « dirigeants exceptionnels », il note les chefs d’État. « La valeur de son travail, je la vois dans un véritable projet politique pour l’Afrique, affirme Jacques Ould Aoudia, spécialiste de la gouvernance, ancien haut cadre du ministère français des Finances et créateur de l’indice « Institutional Profiles Database », utilisé en France par le Trésor depuis 2001. Mo Ibrahim cherche à valoriser les comportements vertueux. Son projet n’est pas de simplement créer un indicateur de référence, c’est de s’en servir pour attribuer des récompenses

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Mo Ibrahim, celui qui voulait changer les élites

DR

Marrakech, avril 2017 : lors du forum annuel de sa fondation, qui fêtait ses dix ans, Mo Ibrahim aux côtés de Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique et entrepreneur marocain et du président de la BAD Akinwumi Adesina.

de manière objective afin de modifier les comportements des élites politiques et économiques du continent. » Pour Jacques Ould Aoudia, sa démarche s’inscrit dans une lignée : « Depuis le rapport du PNUD de 1990 qui introduit l’indice de développement humain (IDH) comme nouvelle mesure du développement, mais aussi avec la publication en 1995 de l’Indice de perception de la corruption par Transparency International et, plus généralement, avec les travaux de l’économiste indien Amartya Sen [Prix Nobel 1998, NDLR], il y a eu une prise de conscience progressive de l’importance de la gouvernance dans le développement. » Jusqu’à cette date, l’approche de la Banque mondiale et du FMI se concentrait essentiellement sur les indicateurs économiques. Une démarche que « Mo » peut embrasser d’autant plus facilement qu’il ne dépend pas du bon vouloir d’un dirigeant africain, que ce soit pour lui-même ou pour sa fondation. Il a bâti seul sa réussite et sa fortune, grâce à son travail et à son flair (voir article page suivante). Citoyen britannique, il est depuis douze ans résident monégasque (ce qui lui offre de très intéressants avantages fiscaux), loin d’éventuelles pressions locales. « Mo Ibrahim est un fauteur de troubles, le dépeint son ami, le chanteur Bono. Il fait peur à certains gouvernements car il vient les mains propres. C’est la nouvelle voix

En évaluant les actions publiques, il juge les mandats. En récompensant les « dirigeants exceptionnels », il note les CHEFS D’ÉTAT. de l’Afrique. » Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne se prive pas de parler. En 2016, par exemple, il n’a pas hésité à dénoncer le manque de transparence du scrutin présidentiel au Gabon. « Tout le monde sait que cette élection a été volée et comment elle a été volée, a-t-il déclaré. Nous avons les vrais chiffres. Je connais les vrais chiffres. Ali Bongo n’est pas le président élu. »

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RENCONTRES & REPORTAGES

Si son « extériorité » au continent lui assure une certaine indépendance, elle constitue aussi l’un de ses points faibles. Elle lui vaut d’être assimilé aux « organisations internationales », aux « Occidentaux » ou même aux « jugements postcoloniaux » par les rares détracteurs qui acceptent de s’exprimer, et encore, sous couvert d’anonymat. Elle alimente aussi l’image d’un donneur de leçons peu enclin à balayer devant sa propre porte. En chantre de la bonne gouvernance, Mo Ibrahim condamne fermement le népotisme. Pour autant, il a confié la gestion de ses affaires à ses enfants (tous deux citoyens britanniques). Sa fille Hadeel, 34 ans, dirige la Fondation depuis sa création, alors qu’elle n’était âgée que de 23 ans. D’après le « docteur », c’est déjà elle qui s’était chargée de sa conception dès 2004 (elle avait alors 21 ans). Son fils, Hosh, y travaille également depuis peu comme « directeur des projets spéciaux », après des débuts dans le monde du spectacle comme acteur. Quelles que soient les qualités professionnelles et personnelles des enfants Ibrahim et bien que la Fondation soit une organisation privée, les nommer à de tels postes fait mauvais effet. « Même si c’est son argent, juge Séverine Bellina, la directrice de l’Institut de recherche et débat sur la gouvernance (IRG), c’est dérangeant. Car le népotisme est un des objets de son combat. Ce qu’il demande aux chefs d’État, il doit se l’imposer à lui-même. » UN BILAN SUJET À DÉBAT Autre accroc à l’image flamboyante de « Mo », le flou sur les relations entre son activité philanthropique et ses affaires personnelles. En 2006, outre sa Fondation, il crée Satya Capital, un fonds d’investissement consacré à l’Afrique. Également installé à Londres, il est resté peu actif à ses débuts : moins d’une dizaine d’opérations en dix années d’existence. Mais, depuis deux ans, le fonds fait davantage parler de lui. À l’été 2015, il s’est allié à l’américain TPG Growth, filiale du géant TPG Capital (75 milliards de dollars d’actifs dans le monde), autour de la promesse d’investir près de 1 milliard de dollars sur le continent. Selon une personne proche, Mo Ibrahim y consacre actuellement « beaucoup de temps et d’énergie ». Interrogé sur le détail des projets, le fonds, qui ne publie pas de rapport d’activité, a fait savoir qu’il « n’y avait pas de porteparole disponible dans les semaines à venir ». Via son site Internet et des déclarations faites à la presse, on sait tout de même que l’alliance Satya/TPG a engagé comme « conseiller » l’ancien président de la Banque africaine de développement (BAD), le Rwandais Donald Kaberuka, et qu’elle a pour objectif de « réaliser des investissements de long terme, compris entre 20 et 100 millions d’euros, dans des entreprises de taille intermédiaire, particulièrement en Afrique ». Avec une inclination particulière pour les secteurs à fort potentiel : dans l’éducation avec les Écoles Yassamine, l’un des plus grands réseaux d’écoles privées du Maroc, dans la distribution avec S2 Africa (panafricain), dans la gestion de services informatiques avec

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Leader

« Je ne crois pas qu’il s’attaque aux points CRUCIAUX qui changeraient les équilibres. Il y a chez lui une forme de conformisme plutôt que de rupture », souligne Ousmane Sy. Mara-Ison et de centres d’appels avec Ison BPO (panafricain, Moyen-Orient, Inde), dans le réseau de télécommunication satellitaire avec O3b Networks (mondial), les biens de consommation courants avec Chemi & Cotex Industries (Tanzanie, Afrique de l’Est), la santé avec Hygeia Nigeria ou encore les services financiers avec Guaranty Trust Bank (Nigeria, Afrique de l’Ouest, Grande-Bretagne). Des investissements qui peuvent se révéler lucratifs. Après avoir investi 18 millions de dollars dans Hygeia Nigeria, un réseau de deux hôpitaux et trois cliniques (sous le nom de Lagoon Hospitals) et une organisation de soins de santé intégrés (Hygeia HMO), Satya Capital s’est retiré en janvier 2016 contre un chèque de 66,8 millions de dollars. Soit plus de trois fois sa mise de départ en six ans. Le bilan même de la Fondation, après plus de dix ans d’activité, est sujet à débat. Depuis sa création, le Prix n’a été attribué qu’à quatre reprises : à l’ancien président du Mozambique Joaquim Alberto Chissano en 2007, à celui du Botswana Festus Mogae en 2008, à Pedro Pires, président du Cap-Vert, en 2011, et à Hifikepunye Pohamba, président de la Namibie, en 2014. Ces derniers auraient-ils agi différemment si la récompense n’avait pas existé ? Peut-on vraiment parler d’un mécanisme incitatif ? Rien n’est moins sûr. « Il est encore un peu tôt pour faire un bilan à ce sujet, tempère le spécialiste Jacques Ould Aoudia. Les dynamiques en matière de gouvernance sont d’abord endogènes. Il est très difficile de toucher le cœur des sociétés de l’extérieur. » Pour Séverine Bellina, « si le Prix n’a été remis que quatre fois en dix ans, c’est d’abord un gage de sérieux plutôt qu’un constat d’échec. » Ce que regrettent plusieurs observateurs, c’est le manque d’impact sur le terrain du travail de Mo Ibrahim. « La grande majorité des Africains ne voit pas de retombées concrètes à ses actions et ne ■ ■ ■

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Un indicateur de référence ?

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e classement 2017 vient de sortir et il est consultable « on line » (http ://mo.ibrahim. foundation). Il présente une collection de données particulièrement importantes. C’est le « cœur » de l’action de la Fondation : un indice pour évaluer la gouvernance dans les 54 pays africains. Il a été conçu par une équipe de chercheurs d’Harvard. Présenté par ses auteurs comme « la compilation de données la plus exhaustive sur la gouvernance en Afrique », l’Indice Ibrahim comprend 94 indicateurs répartis en 4 catégories (sécurité et État de droit, participation et droits de l’homme, opportunité de développement durable, développement humain). Ses sources proviennent de « données officielles, d’analyses d’experts et d’enquêtes auprès des citoyens fournies par plus de 30 institutions internationales indépendantes ». Une nature très composite, assumée par ses promoteurs, mais qui fait tiquer certains experts. Le Prix Nobel d’économie américain Joseph Stiglitz l’a par exemple assimilé au fait d’évaluer « les performances d’un conducteur en agrégeant en une seule valeur la vitesse d’un véhicule et le niveau d’essence… Et pourquoi pas l’âge du capitaine ? »,

a-t-il ironisé. « Les indices de référence, tout le monde s’en méfie. On sait très bien qu’on peut faire dire tout et n’importe quoi à des statistiques, même chose avec un indicateur », observe Séverine Bellina, directrice de l’Institut de recherche et débat sur la gouvernance (IRG). Le Mo Ibrahim Index n’est en effet pas le seul indicateur sur le « marché » de l’évaluation. Des organisations gouvernementales, non gouvernementales, des instituts et agences de notation en réalisent aussi. Nombre d’entre eux intègrent, sous une forme ou une autre, des variables liées à la bonne gouvernance ou l’État de droit, comme les six « indices de Kaufman » utilisés par la Banque mondiale. Une autre critique, qui vaut pour bien d’autres indices, a trait aux résultats eux-mêmes. L’indice « Mo » place en tête des économies très inégalitaires, comme l’Afrique du Sud (6e), le Ghana (8e) ou des quasi-paradis fiscaux, comme l’île Maurice(1er) ou les Seychelles (2e). L’approche a néanmoins le mérite de répartir les pays selon qu’ils progressent ou qu’ils régressent. Et de proposer un autre classement avec un recul sur 5 à 10 ans, où la Côte d’Ivoire s’illustre en prenant la 1re place (voir tableaux ci-dessous). ❐ J.W.

À droite, le classement 2017, réparti entre pays en progrès et en recul. Et à gauche, l’évolution de l’indice sur cinq à dix ans.

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RENCONTRES & REPORTAGES ■ ■ ■ les connaît probablement même pas », note le Malien Ousmane Sy, deux fois ministre, membre fondateur et coordinateur de l’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique (ARGA). « Améliorer la gouvernance en Afrique, c’est d’abord s’attaquer à l’inadéquation entre institutions et citoyens, entre institutions et communautés, reprend-il. Dans mon pays, depuis la création même de l’État malien, les crises de gouvernance ont trait à ces inadéquations. Et je ne suis pas certain qu’une récompense à un chef d’État puisse y changer quoi que ce soit. » Cette analyse expliquerait pourquoi on ne connaît que peu

Leader d’ennemis à « Mo » parmi les élites africaines et très peu de contradicteurs. « Je ne crois pas qu’il s’attaque aux points cruciaux qui changeraient les équilibres, ajoute Ousmane Sy. Il y a chez lui une forme de conformisme plutôt que de rupture. Il critique les chefs d’État, mais est-ce que le débat qu’il conduit touche le fondement même des institutions ? Et la façon dont ces institutions prennent ou non en charge les communautés avec leur spécificité ? Au Mali, les populations refusent les institutions qui leur ont été imposées. C’est cela la question de fond, et Mo Ibrahim ne l’aborde pas. » Pour l’un de ses proches, s’il

Aux origines était Celtel !

Né en Nubie (Soudan), éduqué en Égypte puis en Angleterre, l’ingénieur fait partie des précurseurs, ceux qui ont vu très tôt le potentiel de la téléphonie mobile en Afrique.

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nfant, né au Soudan et rapidement immigré en Égypte, « Mo » n’a pas bénéficié des mêmes avantages que sa progéniture. Il avait malgré tout l’essentiel. « Ma famille était commune, s’est-il confié un jour lors d’un forum. Pauvre selon les standards occidentaux […] Mais nous n’avons jamais eu faim. Surtout, ma mère avait cette obsession concernant l’éducation comme moyen d’avancer. » Une obsession qui s’est depuis transformée en or. Tous les enfants de la fratrie, ses trois frères et sa sœur, feront des études supérieures. Lui obtient un diplôme d’ingénieur à l’Université d’Alexandrie. À la fin des années 1960, il repart à Khartoum où il est embauché par la compagnie d’État Sudan Telecom. À 27 ans, en 1973, il décide de parfaire son parcours et part avec sa femme, Hania, soudanaise et médecin, reprendre ses études en Angleterre, à Bradford puis à Birmingham, où il décroche un doctorat en télécommunications mobiles. Il enseigne alors à l’université et travaille pour British Telecom, entreprise au sein de laquelle il participe, en 1985, à l’installation du premier réseau mobile au monde. Un « savoir-faire » qui sera à la base de sa fortune. « Mo » Ibrahim se tourne résolument vers le secteur privé. Il commence à vendre ses conseils dans l’installation de réseaux mobiles et décroche un premier contrat en Suède. En 1989, il crée Mobile Systems International (MSI), seul. « L’année suivante, j’embauchais 10 ingénieurs. En 1992, nous étions 25. Et en 2000, MSI comptait 800 salariés répartis dans 17 filiales internationales », aime à raconter cet éternel espiègle, Mais, attention, sans aucune fanfaronnade. Sa réussite, « Mo » s’empresse systématiquement de l’attribuer à la chance ou au travail plutôt qu’au talent : « Travailler dur », « être au bon moment au bon endroit », « rencontrer les bonnes personnes sur son

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chemin », voilà ses secrets. Et ses succès, l’homme qui a révolutionné l’industrie téléphonique en Afrique n’a eu de cesse d’en faire profiter ceux qui ont eu la bonne idée de l’accompagner. Jeune étudiant au début des années 1960, Mohamed Ibrahim était membre du Parti communiste soudanais. Si jeunesse se passe, l’esprit demeure. Et il vient de loin : « Chez nous, les Nubiens, le réseau social est très fort. Si quelqu’un a faim, c’est un problème pour tout le monde. Vous ne pouvez pas aller vous coucher. » Il aime d’ailleurs à répéter à ses interlocuteurs ce vieil adage nubien qui trouve son équivalent sous d’autres latitudes : « Un mort n’a pas de poches ». Chez MSI en tout cas, il avait pris l’habitude d’offrir des parts de la compagnie à chacun de ses employés, dès l’embauche ou bien sous forme de bonus, alors même que l’entreprise n’était pas cotée en Bourse. « Je voulais que les gens qui créent de la richesse deviennent riches », confesse-t-il simplement. Tant et si bien que, lorsqu’il vend MSI à Marconi (branche communication de General Electric, disparue depuis) pour 916 millions de dollars en 2000, 30 % du capital appartient aux salariés – le reste se répartissant entre lui et des investisseurs entrés quelques années plus tôt via une fusion. Autant dire qu’ils n’ont pas eu à le regretter. L’ingénieur a, lui, de toute façon, déjà un coup d’avance. Deux ans avant la vente de MSI, Mo Ibrahim crée une filiale : MSI Cellular Investments, futur Celtel. Au départ envisagée comme une « société portefeuilles » censée regrouper et acquérir des actifs dans le secteur des télécommunications, MSI-CI va rapidement se transformer en opérateur téléphonique. Un coup de génie. « À cette époque, j’avais remarqué qu’il y avait une ruée sur les licences téléphoniques un peu partout dans le monde et que certains pays commençaient à demander beaucoup d’argent

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Mo Ibrahim, celui qui voulait changer les élites

FONDATION MO IBRAHIM

fait l’unanimité, c’est que « la fondation se base sur des faits, pas des jugements de valeur. Au début, sa démarche a créé de la méfiance, voire du rejet de la part de certains, puis petit à petit l’outil a commencé à intéresser les gouvernements et ils ont compris que la fondation promouvait la bonne gouvernance, mais sans faire de name and shame [“citer et humilier”] ». Le Nubien est lui persuadé d’être sur le bon chemin, avec l’assurance de ceux à qui tout réussit. « Voilà dix ans, le mot “gouvernance” n’était pas entré dans notre vocabulaire en Afrique, triomphe-t-il. Aujourd’hui, tout le monde est conscient

des défis qu’elle représente. » Et, inéluctablement, l’avenir lui donnera raison : « Le succès économique ne peut pas être un substitut aux droits de l’homme ou à la démocratie. Cela ne marche pas comme ça, insiste-t-il. […] Moi, avant d’investir dans un pays, la première chose que je regarde, c’est l’État de droit. » Son modèle d’organisation pour l’Afrique, en réalité, est l’Union européenne (UE). Ce dont il rêve, c’est d’un « grand marché commun africain » aux côtés d’une Union africaine (UA) indépendante et au service des peuples. Un rêve plus européen qu’africain en somme. ❐

aux opérateurs pour les céder. Or, il restait un endroit sur Terre où on pouvait encore obtenir des licences gratuitement : l’Afrique. » En effet, à la fin des années 1990, la frilosité envers le continent convainc certains pays d’octroyer des licences pour rien ou presque afin d’inciter les opérateurs privés à venir développer un réseau. En compagnie de Nelson Mandela, lauréat d’un prix Ibrahim honoraire, en 2007. En tant qu’Africain, « Mo » d’abonnés. C’est alors que se présente l’opportunité connaît les risques du continent, mais il sait aussi que d’un deuxième cashout. MTC Kuwait (qui deviendra Zain les craintes sont « largement exagérées ». « Je sentais qu’il en 2008 puis Airtel Africa en 2010) lui propose 3,4 milliards existait un très grand écart entre ce que percevaient de de dollars pour racheter sa société. Pourtant, « l’Afrique les gens du secteur et ce qu’elle était en réalité. Mo » n’a pas encore l’intention de vendre. Sauf que pour C’est comme cela que j’ai décidé de faire de MSI-CI les autres actionnaires, c’est une offre qui ne se refuse pas. un opérateur », explique-t-il, soulignant que « le besoin À l’issue de l’opération, près d’une centaine d’anciens des individus de communiquer les uns avec les autres est employés de Mo deviendront millionnaires. Lui, c’est le même en Afrique qu’ailleurs ». Alors, il conserve sa filiale presque « forcé » qu’il se résout à une retraite dorée, alors et prospecte en commençant par l’Ouganda et la Zambie, qu’il n’a pas 60 ans. ❐ J.W. recherchant des investisseurs pour soutenir son développement. « Durant les cinq premières années, 1. « Mo Ibrahim ou la corruption mise à prix », Florence Beaugé, nous avons effectué plus d’une dizaine de présentations Le Monde, 26 avril 2013. financières à des investisseurs potentiels. » Et l’argent, il va 2. D’autres initiatives sont venues élargir le travail de la Fondation : le trouver, malgré les réticences et malgré l’éclatement de la trois jours de conférences et discussions autour de thèmes et d’intervenants prestigieux organisés en marge du forum depuis 2010 et le Ibrahim Leader bulle Internet en 2001. Là encore, il persuade les employés Fellowship, un programme d’accompagnement des leaders africains qu’il embauche d’accepter des parts de la société. Et là de demain, lancé en 2012. Ce dernier offre à des jeunes triés sur le volet encore, ils n’auront pas à le regretter. Celtel se développe à de travailler pour une rémunération garantie de 100 000 dollars par an pour la Banque Africaine de développement (BAD), la Commission une vitesse frénétique, comptant, six ans après sa création, économique pour l’Afrique des Nations unies (UNECA) ou le Centre quelque 4 000 employés, dont 98 % d’Africains, 14 licences de commerce international de Genève (ITC). dans 14 pays d’Afrique subsaharienne et plus de 10 millions 3. www.satyacapital.com/about.html.4. RFI 5. Mo Ibrahim Forum 2015.

D ÉCEM B R E 2017-JANVI ER 201 8

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SÉCURITÉ, SÉCURITÉ, COHÉSION COHÉSION SOCIALE SOCIALE ET RELANCE ET RELANCE ÉCONOMIQUE ÉCONOMIQUE AU CŒUR AU CŒUR DE L’ACTION DE L’ACTION

J’

J’

ai été élu en 2013 ai étéavec élu en un 2013 score avec plus que un score confortable, plus queayant confortable, ayant obtenu un report obtenu de voix un report supérieures de voixà supérieures celles du 1eràtour. celles du 1er tour.

de veiller avant detout veiller à laavant préservation tout à lade préservation la sécurité et dede la sécurité la paix, et de la paix, à la consolidation à la consolidation de la cohésionde sociale, la cohésion à la satisfaction sociale, à la d’une satisfaction d’une part substantielle part de substantielle la demandedesociale. la demande sociale.

de mes concitoyens de mesqui concitoyens aspirent par-dessus qui aspirent tout par-dessus à la paix, tout fédé-à la paix, fédéC’est pourquoi, C’est je ne pourquoi, reculeraijedevant ne reculerai aucunedevant concession aucune pour concession pour protéger le lien protéger social, pour le lien mettre social, lepour paysmettre à l’abrile depays tourmentes à l’abri de tourmentes aventureuses, aventureuses, mais aussi pour mais laisser aussitout pour le laisser temps tout nécessaire le temps à nécessaire à une meilleureune compréhension meilleure compréhension des enjeux et des à laenjeux manifestation et à la manifestation de la vérité. Voilà de la mon vérité. crédo! Voilà mon crédo! J’ai le Mali chevillé J’ai leau Mali corps chevillé : « Malikofa au corpsb :n«na Malikofa ». b n na ».

Ibrahim Boubacar Ibrahim Boubacar Keïta Keïta

Président de laPrésident République de la duRépublique Mali du Mali

LA SÉCURITÉ LA SÉCURITÉ DES MALIENS DES MALIENS ET LE RENFORCEMENT ET LE RENFORCEMENT DE LA PAIX DEAU LA CŒUR PAIX AU DUCŒUR DU BILAN ETBILAN DES ACTIONS ET DES ACTIONS DU PRÉSIDENT DU PRÉSIDENT IBK IBK

AA

LE DÉVELOPPEMENT LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS ÀDEDESTINATION PROJETS À DESTINATION DES DES ujourd’hui, il ujourd’hui, n’y a pas ilden’yguerre a pasoudedeguerre ou de POPULATIONS DU NORD DU NORD confrontationsconfrontations entre les forces entre armées les forces ma- arméesPOPULATIONS maliennes et lesliennes groupesetarmés. les groupes Grâce armés. aux ac-Grâce aux acLe Président IBK Le Président a relancé une IBK apolitique relancé une de développepolitique de développetions du Président tionsIBK, du Président le Mali enIBK, paix, lec’est Mali le en paix, c’est le ment dedes travaux d’infrastructure à destinament projets de travaux d’infrastructure à destinagage du développement gage du développement inclusif, le retour inclusif, de le retour dedes projets tiondu des populations Nord à travers : tion desdu populations du Nord à travers : la croissance économique, la croissance et économique, la réponse aux et laattentes réponsedu aux attentes quotidien desquotidien populations desqui populations redevient qui possible redevient : eau,possible : eau, • La réalisation• de Latravaux réalisation de réhabilitation de travaux dedes réhabilitation infrastruc-des infrastrucéducation, santé, éducation, routes et santé, électricité, routesemploi et électricité, des jeunes, emploi des jeunes, tures notamment dans le Nord, le lancement tures dans le Nord, le notamment lancement des travaux des travaux etc. etc. et de d’installation de groupes électrogènes de fournituresde et fournitures d’installation groupes électrogènes dans la centrale pour dans thermique de thermique Kidal pour de un Kidal montant deun montant de LA SOUVERAINETÉ LA SOUVERAINETÉ DE L’ETAT MALIEN DE L’ETAT AU CŒUR MALIEN DU AU BI- CŒUR DU BI-la centrale plus de de 2,5francs milliards francs CFA.seront Ces travaux seront plus de 2,5 milliards CFA.de Ces travaux LAN DU PRÉSIDENT LAN DU PRÉSIDENT réalisés par une entreprise basée à Tombouctou. réalisés par une entreprise basée à Tombouctou. L’organisationL’organisation des Assises Nationales des AssisessurNationales le Nord en sur le Nord en 2013 a permis2013 de ressouder a permis le detissu ressouder social,le detissu renforcer social, de renforcer des forages etdes desforages puits à Gossi, et des Gathieloumo, puits à Gossi, Intadéinit Gathieloumo, Intadéinit et Tessalit. d’une nation plurielle d’une nation réconciliée plurielle avec réconciliée elle-même. avec elle-même. et Tessalit. La mise en œuvre La mise de l’Accord en œuvre dede Paix l’Accord a permis de de Paix retroua permis de retrou• La réhabilitation • La réhabilitation d’écoles notamment d’écoles à Haribono. notamment à Haribono. ver la stabilitéver et la lasouveraineté stabilité et lade souveraineté l’Etat sur l’ensemble de l’Etat sur l’ensemble de son territoire de :son le retour territoire progressif : le retour de l’administration progressif de l’administration dans le Nord, dans notamment le Nord,lenotamment retour récent le retour du Gouverrécent du Gouverdestination des destination populations desdu populations Nord. A titre dud’exemple, Nord. A titre d’exemple, neur à Kidal, laneur miseàen Kidal, place la mise des autorités en placeintérimaires des autoritésà intérimaires à l’Etat de estmobiliser en train de de 235 milliards l’Etat est en train prèsmobiliser de 235 près milliards Tombouctou, Gao Tombouctou, et Kidal ; la Gao mise et Kidal en place ; la mise des collèges en place des collèges transitoires detransitoires Taoudénit de et Ménaka, Taoudénitetetla Ménaka, sécurisation et la sécurisation pulations : péodpuucalattio ionn, sai: déedsuaclaim tioenn,tairdeess, éanliemrg einetaeirtes, énergie et des populations desà populations travers la mise à travers en place la mise du MOC en place à Gaodu MOC pàoGao hydraulique, gouvernance, hydraulique, paix gouvernance, et cohésion paix sociale, et cohésion etc sociale, etc et Kidal. et Kidal.


PUBLI-REPORTAGE PUBLI-REPORTAGE PUBLI-REPORTAGE

LE RENFORCEMENT LE RENFORCEMENT DE LA COMPOSANTE DE LA COMPOSANTE FORCES MILITAIRES FORCESETMILITAIRES DE SÉCURITÉ ET DE POUR SÉCURITÉ LA STABILITÉ POUR LA ET STABILITÉ LA PAIX ET LA PAIX Le Président IBK Le aPrésident mis en place IBK adepuis mis en2013 placeplusieurs depuis 2013 mécanismes plusieurspolitiques mécanismes en faveur politiques de laenstabilité faveur de : la stabilité : • L’opérationnalisation • L’opérationnalisation de la Commission de laNationale Commission Désarmement Nationale Désarmement Démobilisation Démobilisation et Réinsertionet (CNDDR). Réinsertion (CNDDR). • La mise en p•laLcaemdiuseMeéncapnlaiscm e edu OpMééra catinoinsn meel d OepéCroaotirodninaetliodne (CMoO oC rd) in à aGtiaoon e(M t àOC K)idàalGaavoecetdàesKim daolye avnescco dm esmm eo:yens comme : véhicules, matériel véhicules, d’Habillement, matériel d’Habillement, de Campe- ment, de Campede Couchage ment, et ded’Ameublement Couchage et d’Ameublement (HCCA). (HCCA).

LA RELANCE ÉCONOMIQUE AU BÉNÉFICE DES POPULATIONS

• Le Ministère •de LelaMinistère Défense de et des la sous Défense Anciens etCombattants des Anciens aCombattants déployé ad’une déployé prèsen d’opérations d’une dizaine militaires d’opérations en redistribution cours militaires en cours La relance de l’économie les actions du Président IBK après permis de dizaine mettre place une politique de d’exécution dans d’exécution le cadre général dans le cadre de l’opération général de DAMBE l’opération dans laDAMBE régiondans de Gao la région et dansdelaGao villeetdedans Tombouctou. la ville de Tombouctou. travail- leurs et des agents publics de façon considérable. Avec la mise en Avec œuvre la 3ème mise de LOPM, en œuvre le Président de IBK leUEMOA. Président a engagé une IBK2013 apolitique engagé une volontariste politique en volontariste faveur troupes faveurarmées des troupes armées Le Mali est la économie de LOPM, la zone Entre, et 2016, le pays s’est enrichides : en pour l’amélioration pour l’amélioration de leurs conditions de leurs de conditions vie et de travail. de vieLes et de droits travail. perçus Les par droits lesperçus soldatspar ontles doublé soldats entre ont 2013 doublé et entre 2013 et 2017.De• plus, 2017.De une politique plus, une de renforcement politique de renforcement des équipements des militaires équipements sans militaires précédent sans a été précédent mise en place. a été mise en place. L’évolution du PIB au Mali qui n’est rien d’autre que la richesse nationale est passée de 1,7% en 2013 à successivement 7,2% en 2014, 6% en 2015 et 5,8% en 2016.

L’URGENCE L’URGENCE SOCIALE SOCIALE ET LA RET ELAau LNAC31Edécembre REÉLCAONNC OEMÉIles Q CU OENOAM U IQCUEENTAtotales RUE CD EENSprogressé TRE DES • Durant la période allant du 31 décembre 2013 2016, recettes budgétaires ont de 51% en passant de 898,2 milliards Fcfa à 1356,2 milliards de francs CFA. PRÉOCCUPATIONS PRÉOCCUPATIONS ET DE L’ACTION ET DE L’ACTION

L’amélioration des conditions de vie des travailleurs et des agents publics : d’achat grâce àd’achat une politique grâce à une constante politique de soutien constante à lade soutien à la L’augmentation demaliens, la valeur de 21%, passant de consommation. 330,75 en 2015 à 400 en 2017 sociales• des maliens, sociales le des Président IBK leduPrésident apoint lancéindiciaire leIBK Pro-a lancé le Proconsommation. gramme Présidentiel. grammeCe Présidentiel. programmeCe repose programme sur les repose élé- sur les Le éléProgrammeLe Présidentiel Programmed’Urgences Présidentiel Sociales d’Urgences prévoit Sociales prévoit • L’augmentation de plus ments suivants ments : suivants : de 30% des frais de mission dans les mois dans à venir lesdes mois actions à venirconcrètes des actions dans concrètes l’endans l’ensemble des secteurs sembled’activités des secteurs pour d’activités apporter pour la justice apporter la justice • La baisse 8depoints du taux ITS sociale socialedévelopper aux maliens, etdévelopper assurer la pérennité et assurer la pérennité • Des investissements • Desde investissements proximité qui dede amélioreront proximité quide amélioreront de aux maliens, des productions desagricoles productions pouragricoles de plus grands pour derendeplus grands rende• Le SMIG qui a doublé passant de 28 460 à 40 000 Fcfa ments. Par exemple ments.àPar travers exemple à travers • L’augmentation taux allocations familiales passant•de 1construction 500 Fcfa à 3de 500 généralalimen et 4 -000 Fcfa • La nécessité • La de nécessité faire du plus de endes faire faveur plus desencouches faveur desqui couches •triple La construction Lade 14 bâtiments 14 deen stockage bâtiments deà stockage alimenpour les enfants handicapés taire à énergie réfrigérés autonome à énergie pour autonome les marchés pour les marchés les moins favloersisémeosindse fanvoosripsé oe psuld ateionnoss, m po alpgurélatlieosns, malgtaire ré leréfrigérés s ressources limitées ressources de notre limitées pays de notre pays de Bamako etde environs, BamakoSikasso, et environs, MoptiSikasso, et Kayes, Mopti pouret Kayes, pour • L’adoption d’une loi de protection sociale des fonctionnaires un montde anl’État t du en7en m 00omatière nmtailnliton dd’accident se d7e00framnicllsde ioCnFtravail sAd . eCefret p an rode cjsetmaladies CFA. Ce projet professionnelles. • La réduction•des La inégalités réduction des dontinégalités sont victimes dontnombre sont victimes nombre permettra auxpermettra femmes de aux préserver femmesleurs de préserver fruits etleurs lé- fruits et léde Maliens dans de l’accès Maliensaux dans services l’accèssociaux aux services de base sociaux de base gumes ainsi que gumes leursainsi poissons que leurs de Sélingué poissonsàde Mopti Sélingué ; à Mopti ; • L’octroi de toutes sortes de primes et indemnités aux agents publics s’élèvent à 89,4 milliards de francs CFA de 2013 à maintenant. • La préservation • La préservation autant que possible autant que du pouvoir possible du pouvoir poissons poissons


Gao etGao Ségou, et Ségou, pour un pour montant un montant de 720demillions 720 millions Fcfa. Une Fcfa.mesure Une mesure concrète concrète créatrice créatrice de 600deemploisdirects, 600 emploisdirects, dont les dont les jeunes.jeunes. Renforcer Renforcer et développer et développer l’élevage l’élevage pour accroitre pour accroitre les productions les productions et les rendements et les rendements : : • La réalisation • La réalisation d’une d’une unité de unité découpe de découpe et de conditionnement et de conditionnement des produits des produits de l’élevage, de l’élevage, en particulier en particulier de la volaille de la volaille qui pourraient qui pourraient être désormais être désormais vendus vendus en pièces. en pièces. • L’installation • L’installation d’une d’une unité laitière unité laitière à Bamako à Bamako pour lapour satisfaction la satisfaction des besoins des besoins en laiten delait la zone de lapériurbaine zone périurbaine de Bamako, de Bamako, avec une avec capacité une capacité de production de production de 20.600 de 20.600 litres de litres laitde parlait jour, parpour jour,un pour montant un montant de 650demillion 650 million francsfrancs FCFA. FCFA. des abattoirs, des abattoirs, notamment notamment de Ségou, de Ségou, Bamako Bamako et Mopti. et Mopti. Cela permettra Cela permettra d’améliorer d’améliorer la qualité la qualité du plateau du plateau technique technique d’abattage d’abattage et les conditions et les conditions de transport de transport de la viande. de la viande. Le projet Le projet couvrecouvre les zones les zones de Bamako, de Bamako, Kati etKati Kalabancoro, et Kalabancoro, pour pour un montant un montant de 1,085 de 1,085 milliards milliards de francs de francs CFA. CFA. Renforcer Renforcer les capacités les capacités des industriels des industriels pour accroitre pour accroitre • L ’Eta•t L l’aEntactera lanlc’aenranée l’anpnro écehapirnoechlaeine souletiesnouatuiexn aux l’accèsl’accès à l’électricité à l’électricité pour les pour maliens les maliens : : inscriptions inscriptions et auxet bourses aux bourses dans les dans écoles les écoles privées, privées, un un montant montant d’environ d’environ 37 milliards 37 milliards de francs de francs CFA. CFA. • La réalisation • La réalisation d’une d’une centrale centrale solairesolaire photovoltaïque photovoltaïque Renforcer Renforcer l’emplacement l’emplacement des commerces des commerces de de de 50MW de 50MW à Koulikoro à Koulikoro pour assurer pour assurer la demande la demande et évi-et évi- proximité: proximité: ter lester délestages. les délestages. Plus de Plus 434de000 434foyers 000 foyers serontseront des- desservis servis à Banamba, à Banamba, Touba,Touba, Kiban Kiban et Koulikoro. et Koulikoro. • La construction • La construction prochainement prochainement de nouveaux de nouveaux sites, sites, pour reloger pour reloger les déguerpis les déguerpis au nombre au nombre de 5000 de 5000 sur la sur la • La réalisation • La réalisation d’une d’une centrale centrale solairesolaire photovoltaïque photovoltaïque rive gauche rive gauche en octobre en octobre prochain. prochain. de 50MW de 50MW à Yanfolila à Yanfolila pour augmenter pour augmenter la production la production • La réhabilitation • La réhabilitation du Marché du Marché Rose de Rose Bamako de Bamako est préest - prédemande demande et éviter et éviter les délestages. les délestages. vue levue 22 le septembre 22 septembre prochain. prochain. Cela permettrait Cela permettrait de de Améliorer Améliorer l’accèsl’accès aux services aux services de l’eau de au l’eau plus augrand plus grand nombre nombre : : de 2013 de et 2013 de plusieurs et de plusieurs déguerpis, déguerpis, pour une pourcapacité une capacité d’accueil d’accueil de 800decommerçants. 800 commerçants. • La réalisation • La réalisation de 5000 de 5000 branchements branchements sociaux sociaux pour pour améliorer améliorer l’accèsl’accès aux services aux services de l’eau, de en l’eau, multipliant en multipliant L’ACCÈS L’ACCÈS AU LOGEMENT AU LOGEMENT COMME COMME DROITDROIT ÉLÉMENTAIRE ÉLÉMENTAIRE et en et facilitant en facilitant les conditions les conditions des branchements des branchements so- so- SOUTENU SOUTENU PAR LES PAR ACTIONS LES ACTIONS DU PRÉSIDENT DU PRÉSIDENT ciaux. ciaux. Le montant Le montant du projet du projet est deest 550demillions 550 millions Fcfa. Fcfa. Le ProLgeraPmro mgeraP mrm éseidP ernétsieidl eLnetieMl aLlie dM ’Aabliordd’Aebsotrdtrèesst très explicite en ce en quice concerne qui concerne l’aspiration l’aspiration et l’ambition et l’ambition • La réalisation • La réalisation de 101debornes 101 bornes fontaines fontaines pour accroître pour accroître explicite l’accèsl’accès à l’eauà potable l’eau potable dans les dans localités les localités de Bamako, de Bamako, de chaque de chaque malienmalien et de loger et de sa loger famille sa famille et de la et sousde la sousMarkala, Markala, Sélingué, Sélingué, Sévaré,Sévaré, Gao, Ségou, Gao, Ségou, Kita etKita Mopet Mopti-Sévaré. ti-Sévaré. Le montant Le montant du projet du projet est deest 1,739 de 1,739 milliards milliards logements. logements. francsfrancs CFA. CFA. Des actions Des actions concrètes concrètes pour permettre pour permettre aux maliens aux maliens de de se loger se :loger : Renforcer Renforcer l’accèsl’accès à l’éducation à l’éducation et développer et développer la qua-la qualité des lité apprentissages des apprentissages : : • La réalisation • La réalisation de 850delogements 850 logements de Programme de Programme Gou- Gouvernemental vernemental dont 500 dont en500 attente en attente d’attribution d’attribution dans les dans les • L’Etat• L’Etat a investi a investi en 2017 en environ 2017 environ 1 milliard 1 milliard Fcfa pour Fcfa pour régions régions de Kayes, de Kayes, Koulikoro, Koulikoro, Ségou,Ségou, Mopti Mopti et Gao.et Gao. des cours des cours de soutien de soutien dans les dans écoles. les écoles. Cet investisseCet investissement m a epnetrm a ispedr’m éliesvedr’éle vtearuxle dteaurxéudsesitreéudsasn itse ldeasns les • La construction • La construction et la réception et la réception de 3873 de 3873 logements logements sociaux sociaux en PPP. en PPP. • Le lancement • Le lancement du programme du programme d’amélioration d’amélioration substansubstantielle de tielle l’accès de l’accès à l’éducation à l’éducation et à la et qualité à la qualité des apprendes apprentissages tissages dans 41 dans communes 41 communes vulnérables vulnérables du Mali dupour Mali pour un montant un montant qui s’élève qui s’élève à environ à environ 6 milliards 6 milliards Fcfa. Fcfa.

• La réalisation • La réalisation en cours en cours de 7896 de 7896 logements logements du Produ Programme gramme Gouvernemental Gouvernemental dont 270 dont dans 270les dans régions les régions de de Kayes,Kayes, Koulikoro, Koulikoro, Sikasso, Sikasso, SégouSégou et Mopti et Mopti et 7626 et loge7626 logementsments au titreaudu titre Partenariat du Partenariat PublicPublic Privé (PPP) Privé (PPP)

• La promotion et la vulgarisation et la vulgarisation des matériaux des matériaux locauxlocaux • La distribution • La distribution pour lapour rentrée la rentrée prochaine prochaine de 550de000 550 000 • La promotion dans ladans construction la construction de logements. de logements. kits scolaires. kits scolaires. • L’informatisation • L’informatisation de plus de de plus 200 desalles 200 salles de classes de classes d’écoles d’écoles fondamentales fondamentales publiques publiques F2 duF2 District du District de de Bamako. Bamako.


PUBLI-REPORTAGE PUBLI-REPORTAGE

LA RELANCE LA RELANCE ÉCONOMIQUE ÉCONOMIQUE AU BÉNÉFICE AU BÉNÉFICE DESDES POPULATIONS POPULATIONS La relance de l’économie sous les actions du Président IBK a permis de mettre en place politique de redistribution La relance de l’économie sous les actions du Président IBK a permis de mettre en une place une politique de redistribution travail-travailleurs et leurs deset agents des agents publics publics de façon de considérable. façon considérable. Le MaliLeest Mali la 3ème est la 3ème économie économie de la zone de laUEMOA. zone UEMOA. Entre, Entre, 2013 et 2013 2016, et 2016, le paysles’est paysenrichi s’est enrichi : : • L’évolution • L’évolution du PIBdu auPIB Mali auqui Mali n’est quirien n’estd’autre rien d’autre que laque richesse la richesse nationale nationale est passée est passée de 1,7% de en 1,7% 2013 en à2013 successiveà successivement 7,2% ment en 7,2% 2014, en 2014, 6% en6% 2015 en et 2015 5,8% et en 5,8% 2016. en 2016. • Durant • Durant la période la période allant allant du 31 du décembre 31 décembre 2013 au 2013 31 au décembre 31 décembre 2016, 2016, les recettes les recettes budgétaires budgétaires totalestotales ont progressé ont progressé de 51% deen 51% passant en passant de 898,2 de 898,2 milliards milliards Fcfa à Fcfa 1356,2 à 1356,2 milliards milliards de francs de francs CFA. CFA. L’amélioration L’amélioration des conditions des conditions de viede desvie travailleurs des travailleurs et deset agents des agents publics publics : : • L’augmentation • L’augmentation de la valeur de la valeur du point du indiciaire point indiciaire de 21%, de passant 21%, passant de 330,75 de 330,75 en 2015 en à2015 400 àen400 2017 en 2017 • L’augmentation • L’augmentation de plus dede plus 30% dedes 30% frais desde frais mission de mission • La baisse • La baisse de 8 points de 8 points du taux dude taux ITS de ITS • Le SMIG • Le qui SMIG a doublé qui a doublé passant passant de 28 de 460 28à 460 40 000 à 40Fcfa 000 Fcfa • L’augmentation • L’augmentation du taux dudes taux allocations des allocations familiales familiales qui triple qui passant triple passant de 1 500 de 1Fcfa 500à Fcfa 3 500 à 3en500 général en général et à 4 et 000 à 4Fcfa 000 Fcfa pour les pour enfants les enfants handicapés handicapés • L’adoption • L’adoption d’une d’une loi de loi protection de protection socialesociale des fonctionnaires des fonctionnaires de l’État deen l’État matière en matière d’accident d’accident de travail de travail et de maladies et de maladies professionnelles. professionnelles. • L’octroi • L’octroi de toutes de toutes sortessortes de primes de primes et indemnités et indemnités aux agents aux agents publics publics s’élèvent s’élèvent à 89,4àmilliards 89,4 milliards de francs de francs CFA deCFA 2013 de 2013 à maintenant. à maintenant.


RENCONTRES & REPORTAGES

Mehdi Houas PDG DU CABINET DE CONSEIL TALAN

DIGITALE RÉVOLUTION !

Le cofondateur et PDG du cabinet de conseil Talan décrypte les conséquences des nouvelles technologies de l’information sur son métier, sur la Tunisie, et sur l’Afrique. L’ex-ministre tunisien du Tourisme et du Commerce (2011, année révolutionnaire) voit grand et explique pourquoi il y croit. propos recueillis à Paris par Julien Wagner

AMB : Comment toute cette histoire, l’aventure Talan, a commencé ? Mehdi Houas : C’est d’abord une histoire humaine avec Éric Benamou et Philippe Cassoulat, mes deux associés. Celle de trois amis, un juif, un chrétien et un musulman qui se connaissent depuis plus de trente ans. Ensemble, nous avons créé trois entreprises. La première a plutôt réussi, la seconde non, et la troisième a pu bénéficier des deux expériences qui l’ont précédée. Surtout, d’ailleurs, de notre expérience manquée avec Valoris (1993). Dans les années 1990, cette société était une des pépites du monde Internet. 1 200 collaborateurs dans 4 pays, et plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires. Mais, en 2000, Valoris a explosé avec la bulle Internet. On

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Afrique Méditerranée Business

avait omis un principe simple : la vocation d’une entreprise est de créer plus de richesses qu’elle n’en consomme. Alors, avec Talan, on a décidé de faire exactement le contraire. Et, depuis le premier mois, nous sommes rentables. L’autre leçon, c’est que Valoris a explosé dans une bulle. Et donc on a cherché à ce que notre nouvelle entreprise ait un fonctionnement acyclique. Ce qui est le cas puisque Talan a traversé 3 ou 4 crises sans jamais cesser de croître ni d’être rentable. Enfin, le dernier principe fondateur a été le partage de la richesse créée avec comme conséquence de faire disparaître leur plafond de rémunération. Cela pour pousser nos collaborateurs à s’investir à fond dans leur entreprise. Aujourd’hui, 25 de nos collaborateurs ont des parts dans la société.

DÉCEMBRE 2017 - JANVIER 2018


PHILIPPE SAUTIER

DÉCEMBRE 2017 - JANVIER 2018

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RENCONTRES & REPORTAGES

Mehdi Houas

Mais comment avez-vous fait, concrètement, pour rendre votre entreprise « acyclique » ?

PARCOURS

1959

Naissance à Marseille.

1983

Diplômé de l’École nationale supérieure des télécommunications, il commence sa carrière chez IBM.

1989

Il se lance dans l’entrepreneuriat et participe ensuite à la création d’entreprises dans le domaine du conseil (Telease Consulting, Talan…)

2011

À la suite de la Révolution, il est nommé, le 27 janvier, ministre du Commerce et du Tourisme dans le gouvernement d’union nationale de Mohamed Ghannouchi puis dans celui de Béji Caïd Essebsi, jusqu’au 24 décembre de la même année.

2016

Talan atteint un chiffre d’affaires organique de 160 M€ pour 1 700 collaborateurs dans le monde.

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En choisissant un positionnement qui réponde à un besoin permanent. Et le seul positionnement, dans ce cas, c’est celui de l’accompagnement, de la transformation. Quelles que soient les conditions dans lesquelles elle évolue, une entreprise a besoin de s’adapter, d’anticiper, d’évoluer, voire de se transformer.

Vous transformez-vous vous-mêmes ? Bien sûr, sinon comment prétendre le faire avec nos clients ? Nous sommes concentrés sur les quatre technologies de l’AIOTI (Alliance for Internet of Things Innovation). Et dans ces quatre domaines-là, nous investissons dans la recherche et le développement. Nous avons ainsi lancé des partenariats avec des grandes écoles. Avec l’École polytechnique (Université Paris-Saclay) et Télécom ParisTech, nous avons créé une chaire (un poste de chercheur, NDLR) sur le big data. Avec PariTech, nous avons créé une chaire sur l’AIOTI. Ces investissements vont nous permettre de mieux maîtriser et de mieux anticiper les technologies de demain, de les dompter, et de les transformer en services à valeur ajoutée et en projets concrets pour nos clients.

Comment imaginez-vous Talan dans dix ans ? Je rêve grand. Sans plafond. Je vois une entreprise qui, dans cinq ans, aura dépassé le cap du milliard d’euros de chiffre d’affaires et qui, dans dix ans, sera un leader incontesté et incontestable de l’accompagnement et de la transformation d’entreprise.

Qu’est-ce que les nouvelles technologies de l’information changent à votre métier ? Énormément de choses ! La vocation de Talan, c’est de dire « je comprends le métier de mes clients et je vais les faire évoluer en actionnant le levier de la technologie liée à l’information ». L’information dans toutes ses dimensions. Dans sa recherche, dans son stockage, dans son organisation. Aujourd’hui, 80 % de l’information disponible se trouve en dehors de l’entreprise. Ce sont des informations qui viennent des objets connectés, de l’open data. De plus en plus, cette information va être ouverte et accessible. Donc, un des axes phares sur lesquels nous nous sommes spécialisés, c’est ce qu’on appelle l’IOT (Internet of Things). Comment est-ce que je fais pour capter l’information de 5 milliards d’objets connectés ? Et dans cinq ans, de 50 milliards d’objets ? Une fois qu’elle est captée, comment est-ce que je transforme cette information en action ? D’abord, je dois la stocker, et de manière intelligente afin de

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pouvoir la traiter ensuite. C’est le deuxième axe, la problématique du big data. Ensuite, pour la traiter, je dois l’analyser. Il me faut un algorithme ou l’intelligence artificielle, qui va permettre à mes systèmes de chercher par eux-mêmes une meilleure efficience. C’est le troisième axe. Enfin, toutes ces informations vont faire l’objet de transactions et d’échanges qui doivent être garantis et sécurisés, et c’est la technologie blockchain qui apporte cette dernière réponse. Voici donc les quatre axes majeurs pour le développement des fintech, des greentech et de tous les champs qui utilisent ces technologies nouvelles. Les quatre axes sur lesquels Talan est spécialisé.

Pouvez-vous nous expliquer, simplement, ce qu’est la technologie blockchain et son intérêt ? C’est moins compliqué que ça en a l’air. Aujourd’hui, tous les échanges ont besoin d’un tiers de confiance. Quand une transaction est réalisée entre deux individus ou entre deux entreprises, elle doit être validée par un notaire, un assureur, une banque, un État, etc. La blockchain casse cette verticalité en offrant une « chaîne » qui fait office de registre comptable et qui fait état de toutes les transactions précédentes des agents en question. Par exemple, vous voulez me vendre votre montre. Pour cela, il faut que je sois certain qu’elle vous appartient, et que vous, vous soyez certain que j’ai les moyens de la payer. Cela peut se faire par l’intermédiaire d’un tiers, comme un bijoutier, qui va réaliser la transaction, ou par celle d’une blockchain, d’un registre qui va être lancé dans l’espace numérique et par l’intermédiaire duquel une communauté va vérifier qu’effectivement, la montre vous appartient, et que de mon côté, j’ai l’argent en ma possession. Lorsqu’un nombre requis de membres de la communauté auront donné leur validation, la transaction sera garantie. Ce système offre une rupture extraordinaire. Il signifie que je n’ai plus besoin d’instance supérieure pour effectuer cette validation.

Qu’est-ce que cette technologie peut apporter spécifiquement à l’Afrique ? Déjà, en Afrique, les tiers de confiance n’existent pas forcément. Donc, la blockchain peut entraîner une meilleure garantie des transactions, sans fraude, comme dans les échanges de matières premières, nobles ou moins nobles. Prenons le diamant. Comment garantir que le diamant que j’achète est un vrai diamant ? La blockchain peut l’authentifier. Elle peut aussi me garantir que le blé que j’ai acheté va bien m’être livré. Mieux encore peut-être, l’utilisation de la


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blockchain pour garantir les cadastres. En Afrique, dans certains pays, 80 % des litiges devant les tribunaux ont trait aux titres de propriété. Bien souvent, ces titres ne sont pas garantis ou très difficilement garantissables. La blockchain peut apporter ce service en faisant office de registre partagé et garanti par toute une communauté. C’est déjà le cas au Ghana, où une start-up (Bitland) utilise cette technologie. Mais ce n’est pas tout. La blockchain peut aussi être une monnaie. Une monnaie utilisée pour récompenser les membres de la communauté qui vont garantir la véracité des informations. Ce gain, pour le « valideur », c’est par exemple un bitcoin. En Tunisie, c’est déjà très pratiqué. De nombreux ingénieurs tunisiens participent aujourd’hui à des validations et sont récompensés dans une monnaie qui est elle-même une devise, avec laquelle ils pourront acheter des outils et des matériels dont ils ont besoin pour faire évoluer leur technologie.

ERIC DESSONS/JDD/SIPA

Vous avez déjà quelques clients en Afrique. Qui sont-ils ? Avant tout, des opérateurs de services télécoms, qui sont les plus naturellement consommateurs de ces technologies. Ensuite, les banques. Et enfin, ce sont les administrations, les États, que l’on commence à aborder. Nous essayons de leur faire prendre conscience que la trans-

formation numérique va leur apporter une plus grande efficience auprès de leurs citoyens, mais aussi garantir une meilleure fluidité des investissements. En Afrique comme ailleurs, un investisseur veut savoir trois choses : la trajectoire du pays dans lequel il investit ; si son investissement sera pérenne ; et enfin, s’il pourra récupérer son argent quand il le désirera. Aujourd’hui, la digitalisation des administrations et donc l’utilisation des technologies de l’information, avec comme premiers leviers la blockchain, le big data ou l’intelligence artificielle, apportent ces garanties. Si les États acceptent et décident de les implémenter dans leurs administrations, les investisseurs viendront naturellement et plus nombreux sur un continent qui représente un relais de croissance extraordinaire.

2 mars 2011, Tunis. Tout jeune ministre, il rencontre son homologue français Frédéric Lefebvre. De son passage au gouvernement, Mehdi Houas gardera le souvenir d’une « expérience exceptionnelle » et d’une « année d’action ».

La blockchain peut entraîner une meilleure GARANTIE des transactions, sans fraude, comme dans les échanges de MATIÈRES premières, nobles ou moins nobles. DÉCEMBRE 2017 - JANVIER 2018

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RENCONTRES & REPORTAGES

Mehdi Houas

Dans votre métier, vous devez expliquer ce que vous faites à vos clients et quel peut en être l’intérêt pour eux. Ce travail pédagogique est-il différent en Afrique ? Il y a cinq ans, c’était un travail d’évangélisation. Il y a trois ans, c’était un travail pédagogique. Mais aujourd’hui, la prise de conscience est globale. Il n’y a pas un pays africain qui n’ait pas mesuré l’importance de ce levier. En revanche, la vraie question, c’est « comment ». Comment est-ce que je mets en place le plan de numérisation de mon pays ? Par quoi je commence ? Par les infrastructures ? Les services ? Comment je fais pour créer un écosystème ? Une appétence ? Et comment je fais en sorte que l’entrepreneur qui a une bonne idée chez moi n’ait pas la conviction qu’il vaut mieux aller se développer à l’étranger ? C’est ça le vrai sujet des États africains et de nos clients.

Servir votre pays est quelque chose qui vous MARQUE à vie. La Tunisie traverse une période difficile mais je suis un OPTIMISTE. Je vois surtout les opportunités.

Existe-t-il des pays modèles en la matière ?

Il n’y a pas de modèle prédéfini mais on peut citer des expériences réussies. Aujourd’hui, l’axe technologique mondial, c’est la Silicon Valley, Israël et la Chine. Il y a dix ans, c’était la Silicon Valley, la Silicon Valley et la Silicon Valley. Donc en moins de dix ans, deux pays, un immense et un petit, sont parvenus à se positionner sur l’échiquier. Ça signifie que, quelle que soit la taille, c’est possible. Les Israéliens ont choisi d’être « focus ». Un focus lié à leur contrainte principale : la sécurité. Ils sont devenus des spécialistes de la sécurité et de la mobilité. Comment je fais pour garantir la sécurité de tout ce qui bouge et de tout ce qui est échangé ? L’application Waze, qui vous permet d’éviter les embouteillages, est israélienne. Viber, c’est israélien. La Chine, elle, a choisi d’acheter des start-up et de leur ouvrir son immense marché. Une start-up a besoin de deux choses pour se développer : un terrain de jeu pour valider son business model, et derrière, un relais de croissance. En Afrique, on peut avoir les deux. On a un marché d’1,2 milliard de consommateurs, qui seront bientôt 2 milliards, et un terrain de jeu gigantesque. Mais pour réussir, il faut casser les frontières. Que nos pays raisonnent non plus à l’échelle locale mais à l’échelle régionale, et qu’on essaie de créer des champions régionaux. Ça pourrait être le cas par exemple

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avec la start-up nigériane Flutterwave, qui propose un système de paiement panafricain. Elle a été créée par un jeune entrepreneur nigérian, Iyinoluwa Aboyeji, mais son siège social est aux États-Unis car le financement vient de là-bas.

L’Afrique n’est donc plus un simple laboratoire pour les nouvelles technologies ? En effet. Regardez le paiement mobile. Vous avez davantage d’effet de levier à le déployer en Afrique qu’en Europe. Parce qu’en Europe le marché est mature, le m-paiement vient s’ajouter à une multitude de moyens de paiement déjà à disposition. En Afrique, ce n’est pas une option supplémentaire. C’est une nécessité, un besoin à grande échelle. C’est la seule opportunité offerte à quelqu’un qui habite une zone reculée ou un lieu non connecté.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la Tunisie ? Quel modèle économique est possible ? Forcément, mon regard est bienveillant. Encore plus depuis mon expérience de ministre. Servir votre pays est quelque chose qui vous marque à vie. La Tunisie traverse aujourd’hui une période difficile mais je suis un optimiste. Je vois surtout les opportunités. Elle a été confrontée au terrorisme. Elle a eu à s’inventer une démocratie. Et, économiquement, l’équation qu’elle doit résoudre reste complexe. Ma vision, ce serait de faire de la Tunisie une sorte de Suisse de la Méditerranée ou de Singapour de l’Afrique. Une plateforme, un relais de croissance de l’Europe et de l’Asie vers le continent de demain, l’Afrique. Une plateforme où l’intelligence collective tunisienne, notre matière première, pourrait s’exprimer de la façon la plus pleine. Pour cela, il faut d’abord donner une direction à long terme, dix, vingt ou trente ans. Avec une économie naturellement ouverte vers l’économie numérique, les services, le tourisme. Avec un pays qui investit massivement dans l’agriculture et dans les énergies renouvelables. Un pays qui deviendrait une sorte de Silicon Valley. Après tout, qu’est-ce que la Silicon Valley sinon de la matière grise concentrée en un même lieu et qui se développe dans un écosystème favorable ?

Comment avancer, de manière pragmatique ? Qu’un grand leader industriel du type Volkswagen ou Mercedes émerge un jour en Tunisie n’est pas évident. En revanche, l’équivalent d’un Facebook, d’un Google, d’un Twitter, c’est tout à fait possible. Ce qu’il faut, c’est déclarer cette ambition et donner la direction. Dire, moi, gou-


Digitale révolution ! vernement, je m’engage à créer les conditions nécessaires pour que quelqu’un qui a un projet dans l’économie numérique puisse trouver tout ce dont il a besoin en Tunisie. Par exemple, il faut une administration solide et fiable. Donc il faut engager des réformes fortes pour améliorer cette administration, qui a les capacités, mais qui a aussi beaucoup souffert. Une administration qui doit pouvoir dire de manière claire et rapide ce qu’elle peut offrir ou non aux investisseurs et aux entrepreneurs. Il faut aussi des lois et un appareil judiciaire qui combattent la corruption et le marché parallèle, deux gangrènes de notre économie. D’après différentes études menées par la Banque mondiale et le FMI, le marché parallèle représente plus de 50 % du PIB de la Tunisie. Cette situation fragilise l’État et décourage l’investissement. Et puis j’inciterais les enfants de la Tunisie à investir en Tunisie. Je ne crois pas qu’on puisse durablement convaincre des investisseurs étrangers de venir chez nous si nous n’investissons pas nous-mêmes dans notre pays. Et pour cela, je m’appuierais sur la diaspora tunisienne, qui représente près de 1 million et demi de personnes et près de 15 % de notre population.

Vous avez accepté au lendemain de la Révolution d’être ministre du Commerce et du Tourisme alors que ce n’est pas vraiment votre domaine de compétence. Pourquoi ? Le 14 janvier 2011, le régime Ben Ali tombe. Mohamed Ghannouchi, qui était déjà Premier ministre sous Ben Ali, est reconduit Premier ministre par le Président de la chambre des députés, en charge avec la vacance constatée du pouvoir*. Ghannouchi doit former un gouvernement et conduire à l’organisation d’élections alors que la rue ne pense qu’à une seule chose : que tous ceux qui ont participé au système Ben Ali « dégagent » ! Mohamed Ghannouchi fait un choix intelligent. Il lui faut trouver des gens compétents mais qui n’ont pas frayé avec Ben Ali. Une tâche très compliquée puisqu’il était resté vingt-trois ans au pouvoir… Il décide donc de se tourner aussi vers la diaspora. Et c’est comme ça qu’il a fait appel à une poignée de ministres, dont moi. Il a aussi l’intelligence de ne pas nommer ces personnes dans leurs domaines d’activité afin d’éviter tout conflit d’intérêts. Quand il m’a appelé pour me dire qu’il me nommait ministre du Commerce et du Tourisme, j’ai d’abord répondu que ce n’était pas possible, que je ne pouvais pas, que je vivais en France avec ma femme et mes enfants et que je n’étais pas com-

pétent. Il a insisté : « Le pays a besoin de toi, m’at-il dit, et la compétence, c’est à moi d’en juger. » Il m’a laissé deux minutes pour me décider, et j’ai dit oui. Je crois que s’il m’avait laissé plus de temps, ma réponse aurait été différente. Au final, je suis heureux que les choses se soient déroulées ainsi car j’ai vécu une expérience formidable qui m’a transformé à jamais.

Comment cela s’est passé ensuite ? Deux jours plus tard, j’avais quitté mon entreprise et j’arrivais devant mon ministère. Il y avait 500 personnes qui criaient « Dégage ! Dégage ! Dégage ! ». Au début, je croyais qu’elles s’adressaient à moi mais j’ai vite compris qu’elles s’adressaient à ceux qui s’étaient compromis avec Ben Ali. J’entre alors dans le bâtiment et je suis accueilli par les cinq membres de mon cabinet ministériel. Mon équipe me regarde. Et mon chef de cabinet me dit : « Monsieur le ministre, qu’est-ce qu’on fait ? » Je lui ai répondu : « On va bosser. » Et on s’y est mis !

Vous avez été ministre du 27 janvier au 24 décembre 2011. Comment avez-vous vécu cette année-là ? Ce fut une expérience exceptionnelle. Une année d’action où nous avons réussi à ce que le pays ne s’écroule pas et à organiser des élections libres et démocratiques. Bien sûr, la victoire des islamistes d’Ennahdha aux élections constituantes d’octobre 2011 aura été une grande déception. Mais c’est le prix de la démocratie.

Il faut une administration SOLIDE et fiable, et aussi, des lois et un appareil judiciaire qui combattent la corruption et le marché parallèle, deux gangrènes de notre ÉCONOMIE.

Si un jour on vous rappelait pour être ministre, que diriez-vous ? On m’a rappelé à plusieurs reprises pour être ministre ou pour m’engager en politique. J’ai adoré ce que j’ai fait en tant que ministre, mais je ne suis pas politique. La première fois, mon engagement correspondait à une réelle nécessité pour le pays. Je l’ai senti. Je ne l’ai pas ressenti depuis. Ce qui ne veut pas forcément dire plus jamais… ❐ * Mohamed Ghannouchi, ayant assuré l’intérim du pouvoir durant vingt-quatre heures après la fuite de Ben Ali, est placé à la tête du gouvernement de transition avant d’être poussé à la démission le 27 février 2011. Il est remplacé par Béji Caïd Essebsi, Premier ministre, dont l’objectif principal devient la tenue d’une élection constituante.

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RENCONTRES & REPORTAGES

Mohamed Horani PDG DE HIGHTECH PAYMENT SYSTEMS (HPS)

« Le continent doit parier sur la haute technologie » Ancien « patron des patrons » marocain, il est surtout à la tête d’un groupe leader dans le domaine des solutions et services de paiements électroniques. Présent dans 85 pays dans le monde, dont 39 africains, HPS s’est imposé avec son progiciel PowerCard. Une réussite qui met l’accent sur l’importance de l’économie numérique pour les pays émergents. propos recueillis par Julien Wagner, à Paris

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lus de 900 millions de dirhams, soit environ 90 millions de dollars. C’est la valorisation d’Hightech Payment Systems (HPS) sur la place boursière de Casablanca, la plus importante parmi les sociétés de haute technologie casablancaises, hors opérateurs télécoms. Et pour cause, le groupe de Mohamed Horani, qui a dirigé la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) entre 2009 et 2012, affiche des résultats impressionnants : 650 millions de dirhams (environ 65 millions de dollars) de chiffre d’affaires attendu cette année, une présence dans plus de 85 pays, dont 39 en Afrique, et une croissance de l’activité de 37 % en 2016 après 25 % en 2015. Cette réussite, c’est avant tout celle de son progiciel (ensemble de programmes) PowerCard, une solution gérant les paiements par carte de crédit et vendue aux banques. Tout a commencé en janvier 1995, lorsque Mohamed Horani et trois autres amis ingénieurs réussissent à rassembler un million de dirhams (environ 100 000 dollars) pour créer leur entreprise de conception de logiciels. L’affaire décolle puis se développe avec l’arrivée d’investisseurs de capital-risque, jusqu’à se transformer en un groupe qui compte aujourd’hui 550 employés, dont plus de 350 au Maroc, une centaine en France et une tren- ■ ■ ■

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MUS IBIRAL

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RENCONTRES & REPORTAGES

PARCOURS

1953

Naissance à Casablanca.

1974

Diplômé de l’Institut national de statistique et d’économie appliquée (INSEA), il intègre le ministère du Plan comme statisticien.

1976

Cadre, puis directeur général de la Sacotec, filiale de l’Omnium nord-africain (ONA), en 1977, il rejoint Bull Maroc en 1982.

1984

Devient directeur général de la Société Maghrébine de Monétique (S2M).

1995

Fonde son entreprise, Hightech Payment Systems (HPS).

2009

Est élu à la tête de la Confédération générale des entreprises du Maroc.

2017

Après Casablanca, Paris, Aix-enProvence et Dubaï, ouvre un bureau de sa société à Singapour, pour se positionner sur le marché asiatique.

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Mohamed Horani

■ ■ ■ taine à Dubaï, aux Émirats arabes unis. Après avoir ouvert son premier bureau asiatique à Singapour en 2017, le groupe compte s’implanter aux États-Unis l’an prochain. Toujours en 2018, il projette de lancer plusieurs représentations en Afrique subsaharienne, dont une au Sénégal et deux autres, encore à l’étude, en Côte d’Ivoire et en Afrique du Sud. Fort de ce parcours, Mohamed Horani, âgé de 65 ans et membre du Conseil économique et environnemental, veut user de son influence pour défendre une conviction : l’économie numérique sera la planche de salut du Maroc comme de l’Afrique.

AMB : Le continent n’est pas instinctivement associé à la haute technologie. Au cours de votre développement, vous êtes-vous sentis pénalisés par le fait d’être africains ? Mohamed Horani : Avant de devenir un groupe reconnu, on a eu ce handicap, c’est vrai. Je me souviens surtout de deux cas de très grandes sociétés intéressées par notre produit où, lorsque notre profil a été présenté en conseil d’administration, certains membres se sont montrés réticents et ont voulu voir par eux-mêmes. Nous les avons accueillis de bon cœur en les mettant le plus à l’aise possible. Dans les deux cas, nous avons reçu des gens de très haut niveau venus pratiquement auditer HPS. Mais cette époque est révolue.

Comment HPS est passé du statut de PME à celui de groupe avec une empreinte internationale ? Après avoir développé notre produit de A à Z pendant cinq ans, nous avons été confrontés à deux difficultés majeures : la nécessité d’actualiser notre logiciel et des problèmes liés à notre organisation. Jusque-là, notre entreprise comptait des salariés polyvalents, formés sur plusieurs années. La même personne devait être capable de faire de l’étude, du développement de programmes, de l’installation, de la formation client, de l’assistance… Évidemment, c’était très difficile de trouver ce genre de profil. Pour croître, il nous fallait changer. En 2002, nous avons trouvé deux investisseurs de capital-risque. Upline Securities, un marocain (racheté depuis par Banque populaire) et un fonds conjoint de la Caisse de dépôt et de gestion marocaine et de son homologue canadienne. Chacun nous a apporté 20 millions de dirhams (2,1 millions de dollars) en échange de 12,5 % du capital de la société, ce qui valorisait notre groupe à hauteur de 160 millions de dirhams (17 millions de dollars). C’était une très bonne chose pour nous. Cela nous a permis de

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nous développer et de nous institutionnaliser, de lancer la version 2 de PowerCard et de nous réorganiser. À partir de 2002, la répartition du travail a changé. Une équipe s’est spécialisée dans les très petites entreprises (TPE), une autre dans les guichets, une autre encore dans les cartes de crédit, etc. Parallèlement, nous avons créé à Casablanca la HPS Academy, une école qui forme près de 500 élèves par an, dont nos nouvelles recrues mais aussi des clients.

Que sont devenus les capital-risqueurs qui vous ont soutenus ? Dans le pacte d’actionnaires signés à l’époque, nous leur avions octroyé plusieurs options de sortie dont une à l’introduction en Bourse. C’est exactement ce qu’ils ont fait en décembre 2006. Et ils ont multiplié leur mise de départ par sept.

Comment se passe la diversification de votre activité ? HPS reste largement concentrée sur la partie vente de logiciels. Depuis l’année dernière, nous commençons à nous diversifier et à vendre du service, de la sécurité et du processing. En 2016, nous avons acquis deux datacenters et récupéré une activité de switching* au Maroc, le tout pour plus de 120 millions de dirhams (13 millions de dollars). Nous avons aussi investi 4 millions de dollars en recherche et développement (R&D). Soit plus de 160 millions de dirhams (17 millions de dollars) d’investissements pour 2016. D’un point de vue géographique, notre plus gros marché demeure l’Europe, avec plus de 40 % de notre chiffre d’affaires. L’Afrique, où nous sommes leaders, vient après et représente 23 % de notre activité, dont moins de 10 % au Maroc. Notre stratégie est d’abord de consolider nos acquis là où nous sommes présents mais aussi de conquérir de nouveaux marchés, comme le Moyen-Orient.

Comment assurez-vous votre développement aujourd’hui ? Notre marque est désormais établie et reconnue à travers le monde. Nous sommes sollicités par des acquéreurs que nous ne connaissons pas, qui nous ont découverts grâce à notre présence géographique ou grâce à nos quelque 350 clients. Notre produit est parmi les meilleurs au monde, nous possédons des experts très connus dans notre domaine et notre organisation originale nous donne de l’agilité. Ce capital immatériel, c’est ce qui nous permet de vendre notre logiciel, mais aussi dans le futur, d’autres services sous la marque HPS, comme les fonctions de routage et de compensation des transactions interbancaires de paiement à travers l’activité de switching.


« Le continent doit parier sur la haute technologie » Parlez-nous de l’organisation de votre groupe…

ISTOCKPHOTO/GETTY IMAGES

En termes de gouvernance, HPS est un véritable modèle. Nous sommes d’ailleurs l’objet d’études de cas dans de grandes écoles au Maroc, au Canada, aux États-Unis et en France. Notre conseil d’administration a un fonctionnement dynamique, ses membres sont très actifs. Parmi eux, on compte quatre administrateurs indépendants, dont deux Françaises, Anne Cobb (ancienne présidente de Visa CEMEA) et Christine Morin-Postel (administratrice chez Veolia et Suez), qui sont très impliquées et nous apportent beaucoup de valeur ajoutée. Nous avons également mis en place un comité de rémunération et de nomination et un comité d’audit. Nous faisons aussi appel à un déontologue qui épluche nos actions et nous conseille… À cela, il faut ajouter notre approche participative. Depuis le départ, nous proposons aux salariés d’entrer au capital de la société. Ils sont 15 aujourd’hui à être actionnaires. Ensuite, avant de mettre en place un nouveau projet, nous le soumettons à l’ensemble du groupe, nous écoutons les retours et nous enrichissons notre action. Cette méthode crée de l’intelligence collective, chacun peut s’approprier le projet. C’est ainsi qu’HPS a réussi à se développer jusqu’à présent et c’est de cette façon que nous relèverons les défis des années à venir.

une croissance de votre activité de 37 % en 2016 ? Non, pas encore. Cette nouvelle activité n’a représenté que 5 % de notre croissance l’an passé. C’est d’abord l’essor du marché au niveau mondial, +12 % chaque année, qui explique nos performances. Au niveau des pays émergents, elle atteint parfois +40 %. Cette croissance nous offre une grande stabilité. Par exemple, le chiffre d’affaires 2017 était déjà assuré en 2016. Et je sais dès aujourd’hui que je n’aurai pas de problème pour 2018.

Quel est votre business model ?

Qui sont vos concurrents ?

Nous en avons deux. Le premier est simple et souple, c’est celui que nous développons depuis le début de notre activité. Il est fondé sur une licence perpétuelle en fonction des volumes. Quand vous achetez un module de gestion de cartes de crédit, son prix dépend du nombre de cartes qu’il devra traiter. Pour 50 000 cartes, il y a un tarif, pour 500 000, un autre, pour 1 million, encore un autre, etc. Ce produit est donc accessible à de très grandes banques comme à de plus modestes. Il suppose de s’acquitter d’une redevance annuelle unique (maintenance comprise) calculée sur la base d’un pourcentage du prix de la licence. Sauf que ce modèle ne suffit plus en raison de trois changements : l’évolution des technologies, de la réglementation et du marché lui-même. Nous devons à la fois actualiser notre logiciel, anticiper les futurs besoins et imaginer l’avenir du secteur. C’est ce que nous essayons de faire depuis près de quatre ans, avec le lancement d’un nouveau business model, qui vise d’autres types de clients et n’est plus lié au nombre de cartes mais aux volumes de transactions générés.

Il y a des Américains, dont First Data, avec un produit pour la gestion des commerçants et pour les cartes de crédit. Sur le marché des grands comptes, ils sont quasiment nos seuls concurrents. Après, il y a d’autres acteurs comme les Russes de BPC, mais aucun n’est présent sur toute la chaîne de valeur.

C’est lui qui vous a permis d’enregistrer

Gestion de cartes de crédit, d’applications de mobile banking… Les activités de la multinationale sont très larges.

Vous dites vouloir éliminer complètement l’argent liquide. Or, en Afrique, on part de loin… Prenons le cas du Maroc qui est assez paradoxal. Le pays affiche un taux de bancarisation supérieur à 60 %, soit l’un des plus élevés du continent et pourtant, le cash demeure ultradominant, avec plus de 99 % des transactions.

Notre STRATÉGIE est d’abord de consolider nos acquis là où nous sommes présents mais aussi de conquérir de NOUVEAUX marchés, comme le Moyen-Orient. DÉCEMBRE 2017 - JANVIER 2018

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RENCONTRES & REPORTAGES

Mohamed Horani

Et 93 % de l’utilisation des cartes bancaires se concentrent sur le retrait d’argent au guichet automatique. La même problématique existe dans le reste de l’Afrique, où le taux de bancarisation est encore plus faible en moyenne. Une des pistes pour contourner cet écueil consiste à créer un écosystème favorable. Par exemple, au Maroc, depuis peu, tous les organismes qui versent de l’argent aux citoyens, comme la Caisse nationale de sécurité sociale ou les Caisses de retraite, le font par virement sur un compte que les citoyens peuvent utiliser via un portefeuille mobile. Ce genre d’initiative alimente la dématérialisation.

Quel est votre regard sur la situation économique de l’Afrique ? Beaucoup d’indices sont très positifs. La croissance moyenne ces dix dernières années a été supérieure à 5 %. Et, malgré une forte poussée démographique, le PIB par habitant a augmenté. Cela a permis d’élargir un peu la classe moyenne, ce qui augmente en retour la consommation locale. Nous sommes donc en train de construire un nouveau moteur de croissance, en dehors des exportations de matières premières. Bien sûr, ce n’est pas suffisant. Pour réussir, il nous faut exporter davantage. Et pourquoi ne pas opter pour le numérique ? Imaginez aujourd’hui la balance commerciale du secteur numérique en Afrique : d’un côté, une colonne haute à l’infini de tout ce que nous importons ; de l’autre, une colonne proche de zéro de tout ce que nous exportons. C’est ce qu’il faut changer.

Notre logiciel gère des MILLIARDS de dollars chaque jour. C’est la PREUVE que dans un domaine HIGH-TECH, l’Afrique peut s’imposer.

Quel est selon vous l’obstacle majeur au développement du pays ? En 2017, on anticipe une croissance de 4,7 %, ce qui en ferait l’une des meilleures du continent. Certes, elle dépend encore trop du secteur agricole et donc du niveau de précipitation. Mais désormais, sauf année vraiment catastrophique, le PIB croît au-delà de 2,5 %. En parallèle, des choix stratégiques très pertinents ont été opérés, notamment dans le secteur des énergies renouvelables ou du tourisme. Je suis donc très optimiste. Le bémol, c’est que le Maroc n’a pas bien joué le coup en matière numérique. Au niveau opérateur télécoms, nous avons été parmi les premiers à libéraliser le secteur. Nous avons trois opérateurs qui travaillent sérieusement, une couverture téléphone mobile de 130 %, plus de 20 millions d’internautes… Très bien. Mais aucune stratégie numérique n’a été intégrée à l’intérieur de chacun des plans sectoriels. Dans le tourisme, par exemple, qu’est ce que l’on peut faire de mieux aujourd’hui que Booking.com ? Attention, cela ne signifie pas qu’il ne faut rien faire, mieux vaut tard que jamais.

En 2010, vous faisiez pourtant partie des initiateurs du plan « Maroc Numeric 2013 »…

Comment jugez-vous la stratégie de développement du Royaume ?

Nous avions identifié un certain nombre de services publics qui devaient être numérisés mais, manifestement, il n’y a eu aucun suivi. En raison de problèmes de gestion de projets, de synchronisation entre différentes administrations, mais aussi de choix des priorités sans doute. J’ai l’impression que le gouvernement n’est pas suffisamment conscient de l’importance du digital dans la croissance et dans le développement en général. Nous avons maintenant une stratégie 2020, bien meilleure que la précédente certes, mais encore trop peu ambitieuse. On pourrait faire tellement plus en intégrant de façon systématique la dimension numérique dans toutes les stratégies sectorielles et les grands projets d’infrastructure, ou en modernisant l’administration avec l’informatique comme levier de performance et de transparence. ❐

Depuis une dizaine d’années, le Maroc a donné l’exemple en lançant des stratégies sectorielles qui donnent leurs premiers fruits

* Plateforme qui permet aux banques de s’interconnecter et d’accepter mutuellement leurs cartes de crédit.

Comment ?

Tout l’enjeu est de créer des champions nationaux et régionaux qui permettraient d’équilibrer la balance commerciale numérique. Notre logiciel gère des milliards de dollars chaque jour. C’est la preuve que dans un domaine de haute technologie comme le paiement électronique, l’Afrique peut s’imposer. Cette démonstration est valable dans tous les domaines. D’ailleurs, le gouvernement marocain cherche à dupliquer ce modèle, même si ce n’est pas facile.

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aujourd’hui. C’est vrai dans l’aéronautique, dans l’automobile… Pour les pays africains, il s’agit de trouver des secteurs relais hors matières premières, et, en même temps, faire en sorte que ces matières premières créent de la valeur ajoutée sur place. C’est ainsi que l’on générera de l’emploi, du savoir-faire.

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©SHUTTERSTOCK - ALEXIS HUGUET

Priorité à l'initiative privée

CAMEROUN Douala, capitale économique, cœur du monde des affaires.


CAMEROUN

«

La balle est désormais dans le camp des investisseurs qui devraient déjà sortir des tiroirs les nombreux projets en instance, préparer leurs dossiers pour les soumettre à l’Agence de promotion des investissements (API). » Ainsi se réjouissait un éminent membre du patronat camerounais, résumant le satisfecit des milieux d’affaires depuis la signature des décrets d’application de la loi fixant les incitations à l’investissement privé au Cameroun. Cette loi très favorablement accueillie, se fixe pour objectif, « de favoriser, de promouvoir et d’attirer les investissements productifs en vue de développer les activités orientées vers la promotion d’une croissance économique

Créer sa propre société Les mesures se multiplient pour faire des PME la locomotive de l’émergence. forte, durable et partagée, ainsi que l’emploi ». Dans le cadre de cette loi, ces investisseurs, astreints à un régime d’agrément, bénéficient dans les phases d’installation et d’exploitation, d’une série d’incitations d’ordre fiscal, douanier, financier et administratif, ainsi que d'autres, spécifiques, pour des investissements concernant les activités jugées prioritaires par le gouvernement, tels que le secteur agropastoral, ou encore les entreprises créant un grand nombre d’emplois.

Les résultats déjà obtenus traduisent la détermination des pouvoirs publics à intensifier les actions de modernisation, de simplification et de facilitation

©PRÉSIDENCE DU CAMEROUN

des procédures.

Le 10 février 2016, comme chaque année, le chef de l'État, Son Excellence Paul Biya, adresse son message à la jeunesse et ses conseils pour l'accès à l'emploi.

Un centre de formalités dédié En plus de ces facilités offertes aux investisseurs, le gouvernement a entrepris une série de réformes visant à simplifier la vie des entreprises. Ainsi, grâce au centre de formalités des entreprises, 72 heures suffisent désormais à tout entrepreneur pour créer et enregistrer sa société. De surcroît, les conditions de création ont été substantiellement allégées, avec par exemple le capital minimum des SARL qui passe d’un million à cent mille francs CFA, le promoteur pouvant désormais choisir ou non d’enregistrer la société par-devant notaire. Pour maintenir un rythme de réformes adapté aux attentes des entrepreneurs, l’État organise annuellement avec le secteur privé le Cameroon Business Forum (CBF), une plateforme d’échanges présidée par le Premier ministre, et qui permet aux organisations professionnelles et syndicats patronaux d’exposer leurs problèmes structurels directement aux acteurs étatiques concernés. Réduction des délais La dématérialisation et le télépaiement des procédures du commerce extérieur et de certaines opérations fiscales, la mise en œuvre des réformes judiciaires et foncières et l’amélioration des performances des centres de formalités de création d’entreprises sont autant de mesures


75 % de ces entreprises sont des PME, 19 % des petites, 5% des moyennes et 1 % seulement des grandes. Des chiffres qui confortent le tempérament entreprenant de la

récentes issues de ces concertations. Celles-ci avaient par le passé abouti aux réformes concernant la réduction de délais de création d’entreprise ou encore la simplification des procédures foncières. Selon les dernières statistiques, le secteur formel comprend aujourd’hui plus de 100 000 entreprises, 75 % de ces entreprises sont des TPE, 19 % des petites entreprises, 5 % des moyennes entreprises et 1 % seulement des grandes entreprises. Des données qui confortent le tempérament entreprenant de la population camerounaise. Mais surtout ces chiffres en forte hausse viennent mettre en relief l’efficacité des mesures prises ces dernières années pour favoriser la création d’entreprises et encourager les investissements étrangers directs.

Un meilleur classement Grâce à ces optimisations de l’environnement administratif et fiscal, cette année, le Cameroun a encore amélioré son classement dans le Doing Business (2018), le ranking annuel réalisé par la Banque mondiale sur l’attractivité des pays. Selon Christian Pout, le président du Think Tank CEIDES (Centre africain des études internationales, diplomatiques, économiques et stratégiques), ce gain de trois places tient en grande partie de la réduction à 100 000 francs du capital minimum exigé pour la constitution des SARL. Ce qui, selon lui, « a eu un effet positif sur l’amélioration du climat des affaires en amoindrissant un écueil majeur à la création d’entreprises dans notre contexte ». « Je note donc, ajoute-t-il, que la mesure des réglementations

dans dix domaines du cycle de vie d’une entreprise a permis à notre pays de s’en tirer avec des progrès ». Audelà de ces réformes qui simplifient l’entrepreneuriat, le gouvernement est fortement impliqué dans la recherche de solutions aux problèmes de financement des entreprises. Outre la promotion de nouveaux outils tel que le capital-risque ou encore le leasing. Plus spécifiquement, une Banque des petites et moyennes entreprises a été créée, entièrement financée par l’État, avec un capital initial de 10 milliards de francs CFA. Sa vocation est de parvenir à une offre de crédit à faible coût, de contribuer à un accroissement substantiel des financements aux PME/PMI et aux artisans et de mettre en œuvre des facilités spécifiques aux PME et UPA (Unités de production artisanales).

ADVERTORIAL

population.

©JEAN-PIERRE KEPSEU

Usine de transformation de produits alimentaires. Le manufacturing, un nouveau débouché dans le pays.


CAMEROUN

API/APME : accompagner les investisseurs L'Agence de Promotion des Investissements et celle dédiée à la promotion des petites et moyennes entreprises sont les deux principaux instruments du gouvernement pour stimuler l'entrepreneuriat.

M

arthe Angeline Minja, la directrice générale de l’agence de promotion des investissements, n’est pas peu fière. Depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2013 sur les incitations l’investissement, elle enchaîne la signature des accords d’établissement avec des investisseurs, permettant à ces derniers de bénéficier des dispositions généreuses de ce texte, et en contrepartie, de mobiliser des fonds colossaux et surtout créer de nombreux emplois. En octobre dernier, l’API totalisait déjà près de 150 conventions signées avec à la clé 3 500 milliards de francs CFA d’investissements et environ 50 000 emplois projetés. La plupart de ces projets opèrent dans des secteurs porteurs tels que l’agro-industrie, l’industrie manufacturière, la chimie, les matériaux de construction, la sidérurgie et la métallurgie, le logement, l’hôtellerie/tourisme, ou encore l’énergie. En plus de mobiliser ainsi les investisseurs à travers le monde pour les conduire au Cameroun,

©JEAN-PIERRE KEPSEU

©JEAN-PIERRE KEPSEU

L'API participe à l'amélioration de l'environnement des affaires.

Entrepôt de matériaux de construction à Yaoundé. Le BTP, un secteur en plein essor.

l’API est chargée de contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique du gouvernement dans le domaine de la promotion des investissements au Cameroun et de participer à l’investissement et surtout l’amélioration d’un environnement incitatif et favorable. C’est dans ce sens que l’API a créé des bureaux d’accueil et d’orientation dans les aéroports pour les investisseurs étrangers, et favorisent même l’obtention du visa pour les hommes d’affaires en route pour le Cameroun. L’Agence de promotion des petites et moyennes entreprises (APME) a elle aussi des missions semblables

de promotion des investissements, mais plus orientée vers les entrepreneurs locaux. Son rôle est de promouvoir et renforcer les capacités entrepreneuriales, notamment chez les jeunes, améliorer la compétitivité des PME camerounaises à travers la fourniture des services d’assistance, de facilitation et de soutien à leurs promoteurs, y compris pour le montage des dossiers de demande de crédit ou l’élaboration des plans d’affaires. En somme, explique un cadre de la mission, il s’agit de faciliter la création de nouvelles PME, accompagner le développement de celles qui existent, et développer autour d’elles un réseau de partenaires en vue de créer un environnement favorable à leurs performances. L’agence s’attache par ailleurs à mettre en place un système d’information dynamique et performant afin d’assurer l’éligibilité des PME aux régimes des incitations à l’investissement.


En six ans, le Cameroun a exécuté près de 140 réformes pour simplifier les procédures.

L’État organise

Philémon Yang, Premier ministre.

annuellement avec le secteur privé le Cameroon Business Forum (CBF), une

ministre.

©BAPTISTE DE VILLE D'AVRAY/HANSLUCAS.COM

spécialisées ont été instituées auprès des tribunaux d’instance, tandis que la création de centres de gestion agréés permet aux PME de pouvoir mettre à jour leurs conditions fiscales et leurs statistiques d’exploitation de sorte à pouvoir postuler aux crédits auprès des banques. Idem pour la dématérialisation du commerce extérieur, à travers la création d’une plateforme électronique et d’un guichet uniques pour les opérations d’import-export. Au cours de ces travaux du CBF, Monique Courchesnes, représentante régionale pour l’Afrique centrale de la Société financière internationale (filiale de la Banque mondiale dédiée au secteur privé), s’exprimant au nom des partenaires au développement, a salué les efforts constants du gouvernement visant à mettre en place un environnement des affaires plus attractif, soulignant que « les résultats déjà obtenus traduisent la détermination des pouvoirs publics à intensifier les actions de modernisation, de simplification et de facilitation des procédures ». Quant au Premier ministre Philémon Yang, il confirme la volonté

Séance de formation à la Société commerciale de banques (SCB) à Douala.

du gouvernement de poursuivre l’amélioration de l’environnement des affaires : « Les efforts menés par le gouvernement ont un objectif : faciliter la création et le développement des entreprises privées, les rendre plus compétitives afin de susciter la croissance économique et la multiplication des emplois ».

ADVERTORIAL

M

eilleur réformateur de la région. C’est le label qu’arbore désormais le Cameroun. Ainsi, lors de la dernière rencontre entre le gouvernement et les acteurs du secteur privé en mars dernier dans le cadre du Cameroon Business Forum (CBF), les participants ont relevé qu’environ 140 réformes ont été menées entre 2010 et 2016. Ces dernières, souligne Moise Ekedi le secrétaire permanent du CBF, couvrent 11 domaines d’actions prioritaires : la création d’entreprise, le paiement des impôts, le règlement des différends, le commerce transfrontalier, l’accès à la propriété foncière, le permis de construire, la gouvernance économique, la promotion des investissements, l’accès au financement, les inspections et licences, et l’insolvabilité des entreprises. En général, dans chacun de ces secteurs, il s’est agi de rationaliser les procédures administratives par la création de guichets uniques et la suppression de certaines formalités, ou encore de les dématérialiser. Sur le plan de la justice par exemple, des chambres

présidée par le Premier

©JEAN-PIERRE KEPSEU

Améliorer le climat des affaires

plateforme d’échanges


CAMEROUN

PROMOUVOIR L’ENTREPRENEURIAT JEUNE

ADVERTORIAL

Un Programme de promotion de l'esprit d'entreprise vient d'être lancé. Objectif : booster l'initiative face à la rareté de l'emploi. Alain Blaise Batongue, secrétaire exécutif du groupement interpatronal du Cameroun, est formel : « Face à la rareté de l’emploi, l’idée d’entreprendre est de plus en plus présente dans l’esprit des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur. Ils élaborent des business plans et essayent de trouver des financements auprès des institutions financières pour mettre en œuvre leur projet. Cependant, il est important qu’ils reçoivent un réel coaching pour ne pas se décourager et persévérer jusqu’au bout de leur démarche d’entreprendre. » S’il pose ce diagnostic, c’est en connaissance de cause. Car il a plusieurs fois organisé les « journées de l’entrepreneuriat jeune du Cameroun » au sein du Gicam. Il s’agit d’une manifestation qui vise à primer les meilleurs projets de jeunes et à leur trouver à la fois un parrainage et un premier financement. D’une manière générale, en plus des initiatives prises par les gouvernements à travers le ministère des PME et de l’Artisanat, plusieurs autres organismes existent, qui aident les jeunes, ruraux ou urbains, diplômés ou non, à se lancer dans l’entrepreneuriat, que ce soit dans les domaines pointus tels que les technologies et les sciences ou dans d’autres secteurs tel que l’agropastoral. La plus récente de ces initiatives est le Programme de promotion de l’esprit d’entreprise en milieu

jeune (PE2MJ) lancé par l’APME pour inculquer aux jeunes l’envie d’être employeur plutôt que le désir d’être employé. Selon Alain Blaise Batongue, l’État pourrait aller plus loin pour répondre aux attentes. Lors de la conférence ministérielle sur l’emploi et l’entrepreneuriat des jeunes organisée en février dernier à Yaoundé par la Banque africaine de développement, il a ainsi suggéré la densification de l’accompagnement des start-up, notamment par la réalisation des études de marché et l’élaboration des susiness plans ; le développement de l’infrastructure financière adaptée aux start-up et aux PME ou encore la mise en place d’incitations particulières comme l’exonération pendant une durée de cinq ans des taxes et impôts (y compris la TVA) pour les entreprises créées par les jeunes nationaux de moins de 35 ans, et la promotion de la soustraitance à travers des mesures incitatives.

Il est important

qu’ils reçoivent un réel coaching pour ne pas se décourager et persévérer jusqu’au bout de leur démarche.

Alain Blaise Batongue


PAROLE D’EXPERT PAR GILLES ACOGNY

TRANSFORMER SA PAROLE EN OR

CECILE FAURE PRIEUL

L

’économie africaine est à la mode et la bataille des théories se poursuit. Les afro-pessimistes prédisent les pires calamités quand les afro-optimistes annoncent l’imminence d’une période faste. Les faits : un taux de croissance de 4 à 12 % selon les pays, avec une moyenne prévisionnelle de 3,4 %, en baisse cette année selon la Banque africaine de développement (BAD), l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Parmi les experts qui commentent ces résultats, on trouve peu d’Africains et cela n’émeut personne. Cherchez l’erreur… L’Afrique brille par son absence sur la scène internationale, faute de réussir à mettre en œuvre un « packaging » vendeur portant haut et fort les précieux messages qu’elle souhaite transmettre. Elle souffre aussi d’un manque d’exigence sur les solutions qu’on lui propose. Quel que soit le message à transmettre, la manière et l’aisance à le faire différencient le bon du piètre orateur. Autrement dit, « le marketing et le packaging » de votre message sont fondamentaux. Les anglophones s’en sortent mieux car l’art oratoire fait partie de leur ADN éducationnel à travers les debating societies. Côté francophone, c’est la débâcle ! Notre constat se nourrit de nombreuses années d’observation de présentateurs et de panélistes trop prolixes, au discours monotone et mal structuré, aux gestes fébriles ou agités, lisant d’un ton monocorde

(dans le secteur de la banque, l’assurance, l’industrie…) font appel à nous et se forment aux techniques d’art oratoire. Ils ne peuvent que constater les changements observés tant en interne qu’auprès de leurs Cofondateur et PDG clients. Des interventions pertinentes de Acosphere, cabinet et percutantes se soldent par un de conseil en gestion gain de confiance mais aussi une des affaires. Texte écrit croissance des ventes. Par exemple, en collaboration avec grâce à ses progrès dans l’expression Nadia Mensah-Acogny, orale, Mafal Lô, jeune entrepreneur cofondatrice et directrice qui révolutionne digitalement le générale. transport au Sénégal avec sa société acosphere.co.uk FireFly, a fait partie des 14 chefs d’entreprise sélectionnés par Google et l’espace de coworking de Lagos Co-creation Hub Nigeria (CcHUB) des PowerPoint soporifiques. En pour faire une tournée en Europe face, le public s’ennuie, bavarde, en août-septembre derniers afin répond à ses e-mails, s’endort ou, de lever 22 millions d’euros auprès pire encore, s’en va. Et le message d’investisseurs. Ce changement doit se perd dans les méandres d’une venir du top management, avant impréparation consternante. d’être insufflé aux conseils Les batailles L’Afrique brille d’administration, équipes d’aujourd’hui se gagnent par son absence de direction et managers. par la communication, sur la scène Notre avis d’expert est verbale ou non verbale. internationale, qu’il est également absolument L’objectif est d’avoir faute de réussir à nécessaire de coacher les de l’impact, puis de mettre en œuvre membres de gouvernement l’influence et, enfin, un « packaging » d’inspirer son public. vendeur portant et de la fonction publique dès qu’ils occupent des postes à À chaque prise de parole, les messages responsabilités et sont appelés auprès d’un collègue, d’un qu’elle souhaite à s’exprimer en public. Il y va client, d’un fournisseur, transmettre. de la crédibilité de l’institution de ses élèves, de ses amis, qu’ils représentent comme de leur de sa famille ou de ses concitoyens, on capacité à négocier au mieux avec fait bonne ou mauvaise impression. leurs interlocuteurs. Pour réussir L’exercice a de quoi pétrifier ! cette révolution, il faut éduquer Ayant pris conscience de autrement, bousculer les a priori et l’importance de cette question, certains donner au talent l’opportunité de se choisissent d’agir. Les membres de révéler et de s’exprimer librement. ❐ nombreux conseils d’administration

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RENCONTRES & REPORTAGES

Stratégie

Avec son méga-projet mondial de « nouvelles routes de la soie », la Chine veut asseoir sa puissance commerciale et protéger sa croissance. Une ambition immense qui évidemment ne fait pas l’unanimité.

Le Dragon tisse sa toile

NG HAN GUAN/AP/SIPA

par Sébastien Le Belzic, à Pékin

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BOR », pour « One Belt, One Road » ou « une ceinture, une route ». Depuis le lancement officiel de ce méga-projet, en mai dernier par le président chinois Xi Jinping, les responsables politiques, économiques et diplomatiques de l’empire du Milieu n’ont que ce mot à la bouche. Exposé dans toutes les conférences auxquelles Pékin participe, ce concept de « nouvelles routes de la soie » s’est imposé comme le leitmotiv de l’action extérieure de la deuxième puissance mondiale. Mentionné dans tous les contrats, il est devenu le principal vecteur des investissements des entreprises chinoises à l’étranger. Mais de quoi s’agit-il ? L’OBOR est un programme de construction de plus de neuf cents projets d’infrastructures (ports, aéroports, autoroutes, lignes de che-

«

min de fer) en Asie, Europe et Afrique, représentant un investissement de près de 1 000 milliards de dollars. Ces infrastructures doivent permettre de tracer un double corridor : l’un terrestre (la route) qui part de Pékin pour relier Rotterdam en traversant toute l’Asie centrale et l’Europe de l’Est ; l’autre maritime (la ceinture), qui doit connecter le port chinois de Tianjin (à 120 kilomètres à l’est de Pékin) à la ville de Venise en Italie, en passant par une série de ports stratégiques, Shanghai, Kuala Lumpur, Singapour, Calcutta, Colombo, Nairobi, Djibouti, Port-Saïd et Le Pirée. Avec cet ambitieux plan, la Chine entend redessiner les cartes de la mondialisation, assurer l’essor de son économie et asseoir son influence sur la scène internationale. Une ambition qui n’est pas du goût de tout le monde, à commencer par ses voisins asiatiques, Japon et Inde, mais aussi les États-Unis et

Photo de groupe autour du président chinois Xi Jinping le 15 mai dernier à Pékin, lors du sommet « One Belt, One Road ».

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RENCONTRES & REPORTAGES

Stratégie

l’Europe. Quant au continent africain, il va devoir manœuvrer s’il veut tirer le meilleur parti de la poussée chinoise. Le projet OBOR a été officiellement lancé en grande pompe à Pékin lors d’une conférence rassemblant une trentaine de chefs d’État et de gouvernements. Une réunion symbole de ce nouveau monde qui est en train d’émerger à l’initiative de la Chine. Autour de Xi Jinping, un plateau de choix : le Russe Vladimir Poutine, le Turc Recep Tayyip Erdogan, ainsi que les présidents du Kenya et de l’Éthiopie, entre autres… À cette époque, alors que l’Américain Donald Trump parlait de repli sur soi, Xi Jinping, lui, entendait donner un sérieux coup de fouet au commerce international. « La mondialisation fait face à des vents contraires, a-t-il lancé. Nous devons rejeter le protectionnisme. » L’ouverture des marchés, c’est le nouveau credo de Pékin. Un paradoxe lorsque l’on connaît la multitude de barrières et de taxes qui freinent la pénétration du marché chinois par les sociétés étrangères. Une gageure encore pour un pays accusé régulièrement de dumping aux États-Unis et en Europe, notamment sur l’acier, les pneus ou le textile. Peu importe, la Chine a déjà signé 270 accords de coopération et entraîné dans son sillage 60 pays qui, tous à des degrés divers, pourront bénéficier de ses largesses.

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Près des deux tiers des 50 plus grands PORTS mondiaux comptaient des PARTICIPATIONS chinoises en 2015. se projeter comme une nouvelle puissance maritime à même de faire face aux États-Unis. La « Pax Americana » laisserait la place à la « Pax Sinica ». Plusieurs de ses nouvelles installations portuaires auront en effet un double usage : commercial et militaire. C’est le cas notamment de Djibouti qui accueille la plus importante base militaire chinoise à l’étranger. Sur place, plus de 10 000 soldats de l’Armée populaire seront déployés à une encablure seulement des bases françaises, américaines et japonaises. Les premiers militaires chinois viennent d’ailleurs de prendre possession de leurs baraquements, moins d’un an

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XINHUA NEW AGENCY/SIPA

AMBITIONS GÉOPOLITIQUES Fidèle à sa stratégie de rouleau compresseur et aidée par ses liquidités débordantes (3 000 milliards de dollars en devises étrangères au premier trimestre 2017), Pékin veut devenir le maître de l’économie mondiale. Sa route de la soie version XXIe siècle n’a plus grand-chose à voir avec les caravanes de commerçants chargées d’épices, de pierres précieuses et d’étoffes rares qui traversaient les plaines d’Asie centrale en direction de l’Empire romain il y a deux mille ans. Aujourd’hui, elle prend la forme de conteneurs remplis à ras bord de tee-shirts, matériel électronique et fournitures en tout genre qui se dirigent vers l’Asie, de l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique. Explication : puisque les coûts de production sont à la hausse en Chine, c’est du côté des frais de transport et de la logistique qu’il faut faire des économies, afin d’assurer des exportations rentables. En effet, le salaire horaire a triplé depuis dix ans et, selon une étude de Natixis, le coût salarial unitaire pourrait rejoindre celui de la zone euro dans moins de cinq ans ! Avec la construction de la route et de la ceinture, Pékin fait d’une pierre plusieurs coups. Elle utilise ses surcapacités en acier et en ciment, mobilise sa main-d’œuvre et ses grandes entreprises d’État et fluidifie le commerce mondial en même temps qu’elle en contrôle les points stratégiques. Autrement dit, Pékin se donne les moyens de relancer sa croissance au plus bas depuis trente ans, et qui devrait cette année avoisiner les 6,5 %… seulement. « Ce sont des investissements dominés par la volonté chinoise d’asseoir son influence internationale, plus que par de réels besoins », notent les analystes de l’agence de notation Fitch. Car, derrière ce programme, se cachent aussi des ambitions géopolitiques moins avouables. La Chine entend


Le Dragon tisse sa toile Vue aérienne du terminal de Yangshan au port de Shanghai, numéro un mondial du transport de conteneurs.

après la signature de l’accord militaire avec Djibouti. Des mouvements qui ont déclenché l’inquiétude des Américains, mais aussi des Japonais et Indiens, qui ont même lancé une route concurrente. Porté par Tokyo et New Delhi, le « corridor de la croissance Asie-Afrique » (AAGC, Asia-Africa Growth Corridor), surnommé la « route de la liberté », a pour objectif de créer une région Indo-Pacifique « libre et ouverte » et met l’accent sur des voies maritimes à « bas coût » avec une « faible empreinte carbone ». Malgré les réticences, Pékin continue à tisser sa toile aux quatre coins du globe. Elle s’est engagée dans une

série d’acquisitions de terminaux portuaires (Isla Margarita au Panama, Le Pirée en Grèce, Gwadar au Pakistan) couplée au développement de sa marine marchande. Selon une enquête du Financial Times parue en janvier 2017, les cinq premières compagnies maritimes chinoises contrôlent 18 % du trafic de conteneurs transportés par les vingt premières compagnies internationales. Et, près des deux tiers des 50 plus grands ports mondiaux comptaient des participations chinoises en 2015. Dans ce cadre, la Grèce joue un rôle crucial, devenant une tête de pont de la pénétration chinoise en Europe.

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Stratégie

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Nombre de pays asiatiques et africains voient d’un Sur le continent africain, trois pays sont aux avant-postes : le Kenya, l’Éthiopie et Djibouti. Sur place, les ports, voies ferrées et routes sont largement financés par Pékin : 3,5 milliards de dollars déboursés par l’Eximbank of China pour construire les 752 kilomètres de voies de chemin de fer reliant AddisAbeba et Djibouti, une ligne inaugurée fin 2016 côté éthiopien et début 2017 côté djiboutien ; 3,1 milliards pour les 472 kilomètres entre Mombasa, ville au sud du Kenya, et la capitale Nairobi, encore réalisés grâce aux fonds de l’Eximbank. Des projets qui interviennent après la réhabilitation du chemin de fer de Benguela, 1 350 kilomètres traversant l’Angola d’est en ouest, la construction de la ligne Khartoum-Port-Soudan (780 kilomètres) et celle d’Abuja-Kaduna (180 km) au Nigeria.

Mais ce n’est pas tout. Plusieurs autres pays africains sont aussi parties prenantes de la route maritime : au nord, l’Égypte, puis l’Afrique du Sud, ensuite, en remontant sur la façade Atlantique, le Cap-Vert et même le Maroc. Plus de la moitié des investissements prévus par la Chine dans le cadre de cette nouvelle route de la soie iront à l’Afrique ! Soit plus de 400 milliards de dollars selon les chiffres cumulés au 15 mai 2017. Le continent, dont 90 % des importations et des exportations se font par la mer, ne pourrait bientôt plus s’approvisionner sans passer par des infrastructures chinoises… « Certes, demeure l’attrait pour un marché en pleine croissance, mais les investisseurs chinois ont aussi retenu la proximité géographique avec l’Europe, soulignent Mariem Brahim, économiste à l’Ipemed (Paris) et Hassan Ben Janena, professeur d’économie à l’ISG

LE PLAN CHINOIS Pas moins de 900 projets d’infrastructures doivent permettre de bâtir un corridor terrestre (ferroviaire et routier, en rouge) et une route maritime (en bleu) entre l’Asie et l’Europe, en passant par l’Afrique.

Route terrestre Route maritime

RUSSIE

Moscou

Duisbourg Rotterdam

Astana Horgos K AZAKHSTAN

Venise

Istanbul

Almaty

Le Pirée

Douchanbé Téhéran

Port-Saïd

Pékin Tianjin

Ürümqi

CHINE

Xian

Shanghai

Calcutta INDE

Djibouti

Kuala Lumpur

Colombo

Nairobi

Zhanjiang

INDONÉSIE

Singapour

AMB

Jakarta

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Afrique Méditerranée Méditerrané ée Busine Business nes s ne

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Le Dragon tisse sa toile

bon œil cet afflux d’investissements chinois. de Sousse (Tunisie) dans une contribution publiée par le journal économique La Tribune. D’où le souci de faire appel à une main-d’œuvre locale, abondante et peu coûteuse, avec à terme l’invasion du marché européen par des produits fabriqués ainsi à bas coûts au sud de la Méditerranée. » Les deux chercheurs voient une autre explication à l’intérêt chinois pour l’Afrique. « La politique de l’enfant unique engendrera, à plus ou moins long terme, la raréfaction de la main-d’œuvre chinoise. À cet égard, le projet du groupe chinois Haite est très parlant. Il construit au nord du Maroc une nouvelle cité industrielle et résidentielle. S’étendant sur 2 000 hectares, elle devrait, dans les dix ans à venir, héberger près de 200 usines chinoises et engendrer 100 000 emplois. L’opération devrait réclamer un investissement de 10 milliards de dollars. Ce sera de loin la plus importante plateforme industrielle chinoise établie sur le continent africain. » De même, HiSense, l’une des principales sociétés de fabrication électronique chinoise, s’est installée dans la province du Cap occidental, en Afrique du Sud. RENTABILITÉ DU PROJET « Pragmatisme oblige, il est difficile pour des pays en développement de se passer de cette manne chinoise », assure Barthélémy Courmont, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). De fait seule l’Union européenne a posé des conditions (voir encadré). En revanche, des pays comme le Laos, le Cambodge, la Birmanie, le Pakistan, le Sri Lanka et les continents africain et sudaméricain voient d’un très bon œil cet afflux sans exigence, ou presque, d’investissements. « La Chine ne pose quasiment aucune condition à l’octroi de ses prêts qui vont servir à construire des infrastructures, explique un diplomate sous couvert de l’anonymat. Quand elle prête 65 milliards de dollars au Venezuela ou 7 milliards au Nigeria, elle sait très bien qu’elle ne sera jamais remboursée mais cela lui permet de constituer une cour d’obligés sur qui elle pourra faire pression si besoin, notamment pour s’opposer aux États-Unis. » Demeure la question de la rentabilité du plan OBOR. Sur ce point, Pékin n’a pas lésiné sur les moyens. Les projets sont financés à 90 % par des banques chinoises d’État et par des institutions comme l’Eximbank, la banque chinoise d’importexport et, plus récemment, la Banque asiatique d’investissements dans les infrastructures (BAII), créée par la Chine. Cette sorte de « Banque mondiale rouge » vient concurrencer à la fois la Banque asiatique d’investissement, le FMI et la Banque mondiale, rassemblant l’ensemble des pays du G20 (membres fondateurs), à l’exception notable des États-Unis et du Japon. En Afrique, l’Égypte et l’Afrique du Sud sont également membres fondateurs. Au mois de juin 2017, l’Éthiopie et le Soudan y ont fait leur entrée. D’autres pays suivront en 2018, dont l’Algérie, la Libye, le Nigeria et le Sénégal. La BAII et le Fonds « Silk Road » cumulent à eux deux des capacités d’investissements de

DE NOMBREUSES RÉTICENCES

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algré l’importante communication chinoise autour de son projet et l’enthousiasme de certains de ses partenaires, notamment en Afrique, le plan de Pékin est loin de faire l’unanimité. Au contraire, il est source d’inquiétudes et de critiques. Un premier « couac » est intervenu en marge du sommet organisé en mai dernier. L’Allemagne, la France, la Grèce, le Portugal, le Royaume-Uni et l’Estonie ont refusé de signer le communiqué commun sur le commerce proposé par la Chine. Les six pays européens avaient demandé à assortir le texte d’exigences en termes d’études environnementales et de transparence sur l’attribution des marchés publics. En vain : leur requête s’est vu opposer une fin de non-recevoir. Les Européens, qui appellent également à un accès facilité au marché chinois encore trop souvent fermé aux entreprises étrangères, ne sont pas les seuls à être réticents. L’Inde et le Japon ont boycotté le forum pour des raisons principalement politiques. New Delhi n’apprécie pas que la route chinoise inclue le renforcement des relations avec le Pakistan ainsi qu’un développement des liens avec le port de Colombo au Sri Lanka. Tokyo, en froid avec Pékin à cause d’une dispute territoriale en mer de Chine orientale, voit d’un mauvais œil un projet qualifié d’hégémonique. Preuve des tensions, dix jours après le sommet de Pékin, le Premier ministre indien Narendra Modi a lancé, lors de l’Assemblée générale de la Banque africaine de développement (BAD) organisée pour la première fois dans son pays, un projet concurrent, appelant le Japon à soutenir l’initiative. Baptisée « Asia-Africa Growth Corridor » (AAGC), cette route s’appuierait uniquement sur des liaisons maritimes entre le port de Jamnagar au Gujarat et Djibouti mais aussi Calcutta et Sittwe au Myanmar. ❐ Alexia Eychenne

140 milliards de dollars ! Ces établissements octroient des prêts bonifiés, parfois négociés sous forme de troc « infrastructures contre matières premières » (comme en Namibie ou en Angola), parfois sous forme de dons purs et simples. « Le danger pour Pékin, maintenant, est de se retrouver seul si un État fait défaut. On a connu ces problèmes avec le Zimbabwe ou le Ghana. Les banques chinoises sont très riches, elles peuvent tenir, explique un expert occidental de ces dossiers, mais si les défauts devaient se multiplier, alors le risque deviendrait trop lourd à porter. » ❐

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UNE DATE, UNE HISTOIRE par Akram Belkaïd

2 juillet 1997

La grande crise asiatique L’effondrement du baht, la monnaie thaïlandaise, signe le début d’une tempête qui touche tous les nouveaux « tigres » et « dragons ».

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Les responsables politiques de la région ne pardonneront jamais au FMI d’avoir autant tardé à intervenir et préconisé des remèdes qui ont aggravé le mal. 50

u milieu des années 1990, la presse économique mondiale consacre des milliers d’articles au « miracle asiatique ». Il n’est question que de « pays émergents », de « tigres » et de « dragons », des pays dont la croissance du produit intérieur brut (PIB) dépasse les 6 %. Outre la Chine et l’Inde, les champions du moment sont la Corée du Sud, Hong Kong, Singapour et Taïwan (pour les dragons), la Thaïlande, le Vietnam, les Philippines, la Malaisie et l’Indonésie (pour les tigres). Ces économies attirent des milliards de dollars de capitaux qui voyagent désormais à la vitesse d’un clic de souris d’ordinateur. De réformes en plans de modernisation inspirés par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM), les pays de la région ont déréglementé leurs marchés financiers, levant notamment leur contrôle des changes. En 1996, la Thaïlande connaît toutefois deux mouvements antagonistes. L’un, très médiatisé, est l’incessante activité de sa Bourse, qui vole de records en records, encourageant les investissements spéculatifs, notamment immobiliers. L’autre, peu connu,

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est le gonflement de son endettement, l’État, les entreprises publiques et privées empruntant à court terme et à tour de bras. Sauf que, petit à petit, l’inquiétude s’installe : apparition de faillites, premiers retraits de capitaux, pression sur la monnaie locale jugée surévaluée par rapport au dollar. Pour décrisper la situation, le gouvernement thaïlandais dévalue le bath le 2 juillet 1997. Mais le geste déclenche une panique. Les capitaux étrangers fuient, la bourse perd 80 % de sa valeur en trois mois, le bath plonge. Sans tarder, la contagion atteint les marchés voisins. Le peso philippin, le ringgit malais et la roupie indonésienne sont pris dans la tourmente. Seule la Malaisie (dirigée par le Premier ministre Mahathir bin Mohamad) décide de rétablir un contrôle des changes, contre l’avis du FMI. Les devises locales plongent, les autorités peinent à freiner ces dévaluations malgré les milliards de dollars dépensés pour inverser la tendance. La crise est d’autant plus grave que les ÉtatsUnis comme le FMI refusent d’agir. Pour Washington, il faut « laisser le marché faire son œuvre » tandis que le Fonds encourage à aller plus loin dans les réformes structurelles.


SUKREE SUKPLANG

Puis, c’est au tour de l’économie « réelle » d’être touchée. Incapable de se financer sur le marché, endettées, des milliers d’entreprises font faillite. En Indonésie, des émeutes éclatent, visant notamment les minorités étrangères dont la chinoise, très présente dans les affaires et accusée de profiter de la crise. En Thaïlande, l’agitation sociale est si importante que l’armée menace d’intervenir pour rétablir le calme. Aux États-Unis, le Congrès finit par s’émouvoir. La crise affaiblit des alliés (Corée du Sud et Philippines) alors qu’elle ne semble guère toucher la Chine, l’Inde ou le Vietnam. Le président Bill Clinton décide qu’il est temps de mettre en place un plan de sauvetage. Au total, 50 milliards de dollars sont mobilisés par le FMI, la BM et la Banque asiatique de développement. C’est très peu en comparaison des 450 milliards de dollars de perte enregistrés par les marchés financiers de la région. C’est aussi trop tard pour empêcher la propagation au Brésil, en Argentine et, surtout, en Russie, dont le rouble va s’effondrer en 1998.

La violence de la crise asiatique n’aura néanmoins d’égale que sa brièveté. À partir de 1999, la région se relève. Les investissements étrangers reviennent. Les exportations sont relancées grâce à la faiblesse des monnaies. Le dynamisme chinois sert de relais de croissance. Pour autant, en Indonésie, personne n’a oublié l’humiliant accord d’ajustement structurel conclu avec le FMI. Et les responsables politiques de la région ne pardonneront jamais au grand argentier mondial d’avoir autant tardé à intervenir et préconisé des remèdes qui ont aggravé le mal. Cela explique pourquoi les pays concernés, appuyés par la Chine, envisagent encore aujourd’hui de créer un Fonds monétaire asiatique dont les pays occidentaux, États-Unis en tête, seraient exclus des instances de décision sinon du capital. Car, s’il est une leçon majeure de la crise asiatique, c’est que l’Amérique a pesé de tout son poids pour imposer sa vision de la manière dont l’économie régionale doit être organisée. Et, en 2017, cette problématique demeure plus que jamais d’actualité. ❐

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Stigmate de la crise, projets immobiliers à l’arrêt à Bangkok, la capitale thaïlandaise, en 1999.

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RENCONTRES & REPORTAGES

Abderrahmane Benhamadi PRÉSIDENT DE CONDOR HOLDING

« Nous vendons de la performance au meilleur prix » Leader de l’électroménager et de l’informatique, success story algérienne, le groupe Condor Electronics investit massivement dans l’export, en particulier sur le continent. Sans perdre de vue les opportunités en Europe. propos recueillis par Farid Farah, à Bordj Bou Arreridj

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a ville de Bordj Bou Arreridj, située à 200 kilomètres au sud-est d’Alger, est le fief de la famille Benhamadi. C’est ici que le patriarche, Mohamed Tahar Benhamadi, a lancé dans les années 1960 un commerce de produits alimentaires, avant d’investir dans l’achat de camions pour le transport de marchandises et de matériaux de construction. Au fil du temps, l’affaire prospère et l’entreprise familiale diversifie ses activités en créant une unité de fabrication de carrelage et, dix ans plus tard, la première briqueterie privée du pays. À la fin des années 1990, alors que les foyers algériens veulent s’équiper, l’entreprise importe le premier récepteur satellite dans le pays, puis des pièces détachées pour fabriquer des télé-

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viseurs. Le succès est au rendez-vous. C’est ainsi que Abderrahmane Benhamadi, l’un des sept fils du fondateur, qui a rejoint l’entreprise après une formation à l’université de Sétif et en Angleterre, crée Condor Electronics au début des années 2000. Pour se développer, l’entreprise acquiert un terrain en périphérie de la ville de Bordj (devenue une zone industrielle) sur lequel elle installe une usine de montage. Après les télévisions, elle passe aux climatiseurs, puis aux réfrigérateurs, congélateurs, cuisinières, machines à laver, chauffages domestiques… Leader de l’électroménager (avec 40 % de part de marché), le groupe algérien se lance dans le marché du mobile. Fidèle à sa stratégie, il importe d’abord des téléphones de Chine puis des composants, qui sont assemblés sur place, tout en dévelop-

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pant une unité locale de recherche et développement. En 2013, Condor Electronics fabrique le premier smartphone « made in Algérie », le C1. En parallèle, il commence à exporter dans le monde arabe, notamment en Tunisie et en Jordanie, mais aussi en Afrique subsaharienne, au Mali et en Mauritanie, entre autres. Aujourd’hui présent dans huit pays du continent, Condor Electronics, devenu Condor Holding fin octobre dernier, réalise plus de 500 millions d’euros de chiffre d’affaires (principalement avec ses ventes algériennes) et veut étendre son réseau africain, mais vise aussi l’Europe, dont la France et la Belgique. Il est le fleuron du groupe Benhamadi, un conglomérat de 15 filiales et unités de production employant plus de 6 000 personnes, actif dans le BTP, l’agroalimentaire, les transports, la logistique, la fabrication de panneaux photovoltaïques et l’hôtellerie. Son patron, Abderrahmane Benhamadi, 58 ans, revient sur les défis d’un tel essor.

AMB : Cela fait quelque temps que vous annoncez votre développement à l’export, une stratégie qui s’est accélérée cette année. Pourquoi ? Abderrahmane Benhamadi : Condor a toujours affiché sa volonté de conquérir le marché africain, marqué par une forte profitabilité sur notre secteur d’activité. Mais, jusqu’à ces dernières années, le marché algérien restait important, avec des taux de croissance à deux chiffres. L’international n’était donc pas une priorité pour nous. Or, depuis l’année dernière, le contexte macroéconomique de notre pays a changé. La crise des matières premières a provoqué l’arrêt de nombreux projets, ce qui a engendré une baisse de la demande. Cela explique qu’à l’avenir la quasi-totalité de nos décisions d’investissement seront orientées vers l’export. Et cela explique aussi notre objectif, dans un futur proche, de réaliser 50 % du chiffre d’affaires de Condor Electronics hors d’Algérie.

Visez-vous seulement l’Afrique ? Nous ambitionnons de devenir une compagnie régionale en Afrique du Nord, qui ouvrira des représentations dans la zone subsaharienne, bien sûr, mais aussi dans le monde arabe et en Europe.

DR

Comment s’est réalisée votre implantation sur le continent ? Nos produits sont disponibles en Tunisie, d’une manière erratique certes, depuis 2012. Nous y avons lancé la commercialisation à grande échelle au deuxième trimestre de cette année. En Afrique subsaharienne, nous avons débuté en Mauritanie en 2016. Cette expérience nous a permis de valider la faisabilité de l’export, puis d’étendre notre présence à d’autres pays comme le Sénégal, par exemple, où nous avons ouvert un showroom en avril dernier. Depuis, d’autres ont vu le jour à Cotonou au Bénin, à Brazzaville en république du Congo et

à Bamako au Mali. Nous comptons également ouvrir, en une seule fois, trois autres showrooms au Maroc.

Votre déploiement semble centré sur les grandes villes. Comptez-vous desservir aussi les zones moins peuplées ? Effectivement, notre représentation africaine est assez restreinte puisqu’elle n’est localisée que dans les capitales. Cela dit, nous encourageons également nos partenaires à ouvrir des showrooms dans les villes secondaires. C’est une façon de dupliquer notre business model. Toujours dans le même objectif, nous avons ouvert des centres de distribution en Tunisie et au Maroc afin d’accroître notre présence locale.

Quels sont les défis spécifiques à relever pour s’implanter dans les villes africaines ? Ils sont nombreux et dépassent le cadre commercial. L’une des difficultés majeures est d’assurer à nos partenaires un délai de livraison acceptable, ce qui nécessite des efforts considérables en termes de logistique. Contrairement aux villes européennes qui sont situées à quelques heures de navigation des


RENCONTRES & REPORTAGES

Abderrahmane Benhamadi

■ ■ ■ ports d’Alger, de Béjaïa ou d’Oran, les capitales africaines sont moins faciles à desservir. Sans parler de celles qui n’ont pas de littoral, comme Bamako. Autre contrainte, il faut compter trois semaines pour acheminer la marchandise au Maroc en raison de l’absence d’une ligne maritime directe avec l’Algérie. Pour envoyer la marchandise à Casablanca, il faut transiter par Malte, Barcelone ou encore Valence. Avec la Tunisie, c’est plus aisé, puisque les produits sont transportés par camion.

Combien de rotations faites-vous en moyenne ? Tout dépend du pays destinataire. Un chargement hebdomadaire est effectué vers la Tunisie. Le départ vers le Maroc, lui, s’effectue toutes les trois semaines. Pour ce qui est des autres pays, pour l’instant, le cycle d’expédition des produits demeure bimestriel.

Qui sont vos concurrents ? Dans la téléphonie mobile, nos compétiteurs sont chinois, coréens et européens. Sur le segment des « produits blancs », nous subissons une concurrence féroce de la part des sociétés turques.

Notre groupe vient juste de se transformer en holding : cela va nous permettre de développer des moyens juridiques et financiers pour appuyer nos nouvelles filiales.

De quelle manière vous démarquez-vous ?

Concernant le marché de la téléphonie mobile, il est aujourd’hui dominé par les modèles d’entrée de gamme pour lesquels le prix est plus important dans le choix que les fonctions. Ces modèles sont majoritairement réalisés par des acteurs chinois, qui occupent une position de force. Nous sommes arrivés après eux, mais nous pouvons faire la différence en proposant un meilleur rapport qualité-prix : offrir des performances et de l’efficacité, tout en conservant des tarifs raisonnables. Pour y parvenir et pour exister face à des sociétés multinationales, nous avons adopté une stratégie commerciale osée : nous acceptons de limiter à 1 % notre marge bénéficiaire sur un terminal mobile qui coûte 100 dollars. C’est une niche que nous exploitons.

Comment certifiez-vous que vos articles « made in Algeria » respectent les normes de qualité et de sécurité ? Il faut savoir que, pour un produit fini ou importé en kit selon les formules SKD (semi knocked down) ou CKD (completely knocked

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down), le tarif douanier est le même. Pourtant, nous avons choisi la voie la plus difficile, celle du SKD, qui requiert le plus de tests. Aucun téléphone ne sera commercialisé sans qu’il ait été contrôlé et testé par nos ingénieurs. Ce choix permet de donner une garantie à nos terminaux mobiles, qui sont certifiés par Google et d’autres sociétés internationales reconnues. Quant au travail de création du design et d’assemblage, il a nécessité, en amont, un investissement d’environ 10 millions de dollars pour constituer une unité de recherche et développement compétente et innovante.

Qui dit qualité, dit prix élevé. Comment convaincre les clients ? Ce que vend Condor, c’est de la performance avec une image environnementale positive auprès des consommateurs. Nous comptons beaucoup sur le capital humain pour faire la différence et rester dans la compétition.

C’est-à-dire ? Historiquement, Condor Electronics est un fabricant. Mais notre ambition est aussi de maîtriser la distribution de l’ensemble de nos produits : mobiles, ordinateurs, tablettes, produits électroménagers, climatiseurs, réfrigérateurs, télévisions connectées. Dans ce cadre, le rôle du conseiller, du vendeur, du revendeur ou du réparateur est essentiel. Aujourd’hui, nous avons par exemple encouragé nos partenaires africains à créer les services après-vente avant même le la commercialisation des produits. La formation et l’accompagnement sont au centre de notre politique de fonctionnement et de notre philosophie. C’est ce qui permet à une entreprise de remplir son rôle social et citoyen. En moyenne, nous formons dix personnes par pays d’implantation, une formation d’une durée minimale d’un mois réalisée dans notre siège, à Bordj Bou Arreridj.

Envisagez-vous de fabriquer sur place vos produits ? Pour le moment, nous n’avons pas de projets de délocalisation vers l’Afrique. Nous ne sommes pas contre l’idée, mais les conditions économiques, qui restent le principal facteur de décision, ne sont pas réunies. Le jour où l’assemblage d’un réfrigérateur au Sénégal ou ailleurs sur le continent sera rentable, nous le ferons.

Quels sont vos objectifs pour 2018 ? Nous avons lancé un grand projet d’étude pour fabriquer en Algérie les produits encastrables et les petits électroménagers. Cela nous permettra de stopper l’importation depuis la Chine, donc d’aller plus loin dans l’intégra-


tion locale, et d’approvisionner notre nouvelle société de fabrication de cuisines équipées, Convia, créée en partenariat avec la société tunisienne Delta Cuisine. Par ailleurs, nous allons acquérir 70 % du capital de Enicab [Entreprise des industries du câble de Biskra], une société mixte algéro-américaine qui fabrique des câbles. Cela devrait nous permettre de développer des activités dans le domaine des télécommunications et, plus précisément, dans la fourniture et la pose de câbles de fibre optique.

Vous êtes aussi engagés dans le projet d’usine en Algérie du groupe automobile français PSA Peugeot Citroën. Quel rôle allez-vous jouer ?

DR

Après avoir paraphé le pacte des actionnaires – notre groupe en détenant 15,5 % du capital de ce grand projet – nous sommes en attente de concrétisation des prochaines étapes. Le groupe Condor a accompagné Peugeot dans la phase de l’étude des sols et celle de l’élaboration des plans de l’usine. Concernant la suite, nous espérons jouer pleinement notre rôle dans la conception des ateliers de fabrication des pièces, afin qu’ils soient les plus efficaces possible.

Vous avez entamé une véritable politique d’acquisitions et de diversification de vos activités. N’est-ce pas risqué d’un point de vue financier ?

Notre groupe vient juste de se transformer, avec le concours du cabinet Ernst & Young, en holding : cela va nous permettre de développer des moyens juridiques et financiers pour appuyer financièrement nos nouvelles filiales. Par exemple, si Condor Logistics souhaite nouer des accords avec d’autres sociétés, elle pourra le faire sans engager l’ensemble du groupe dans la prise de décision. Pour réussir, cette stratégie suppose d’accorder une grande importance au recrutement des ressources humaines. Il faut trouver les compétences nécessaires pour chaque type d’activité.

L’ambassadeur du Kenya en Algérie visitant l’une des plus importantes unités de production de Condor Electronics, à Bordj Bou Arreridj, le 18 septembre 2017.

Quelle est l’importance des activités énergétiques ? En dépit des difficultés rencontrées, nous travaillons à l’élaboration d’un système d’éclairage routier par panneaux solaires afin de permettre aux villes de réduire le coût de leur consommation énergétique. Pour cela, nous avons investi plus de 10 millions d’euros pour moderniser la chaîne de fabrication des panneaux solaires. Nous voulons devenir le premier fournisseur de ces produits aux Offices de promotion et de gestion immobilières (OPGI), qui entendent généraliser l’utilisation de l’énergie solaire dans l’éclairage public. C’est un premier pas positif, en attendant le feu vert du ministère de l’Énergie pour développer d’autres projets. ❐

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BUSINESS REPORT

BANQUES ET FINANCE

L’année 2017 a été marquée par un regain du secteur malgré une croissance en berne au Nigeria et en Afrique du Sud, deux poids lourds. Les grandes structures ont su résister grâce à un environnement monétaire favorable et au fruit de leur réorganisation depuis le début de la crise.

Entre résilience et consolidation

O

par Julien Wagner

uf ! » C’est un peu le cri de ralliement des banquiers africains en cette fin d’année 2017. Après une année 2016 qui avait vu la croissance en Afrique subsaharienne s’écraser à 1,4 %, l’année 2017 devrait se révéler meilleure selon le FMI (+2,6 %). Malgré tout, quelques établissements financiers n’auront pas résisté à la houle. C’est le cas de la BIAC (RDC), de la Skye Bank (Nigeria) ou de la Chase Bank (Kenya), liquidées ou placées sous administration. C’est aussi que les chiffres globaux masquent des réalités disparates. Le Nigeria et l’Afrique du Sud, qui représentent près d’un tiers du PIB de l’Afrique, sont restés moribonds en 2017 (respectivement +0,7 % et

SHUTTERSTOCK

«

+0,8 %), quand la Côte d’Ivoire (+7,6 %), le Sénégal (+6,8 %), l’Éthiopie (+8,5 %) ou la Tanzanie (+6,5 %) tirent le continent. Toutefois, les établissements financiers des pays en difficulté auront su résister et même connaître une année finalement assez favorable, en partie du fait de facteurs exogènes. « Le dollar faible a soutenu les taux de change des pays émergents en général, explique Samir Gadio, head of Africa strategy à la Standard Chartered Bank. Particulièrement le rand, monnaie africaine la plus liquide et qui est très sensible à ses variations. » Une faiblesse qui aura également permis au naïra et à la livre égyptienne de ne pas trop perdre. Au bilan cumulé des actifs, les 200 plus grosses banques africaines n’auront donc perdu « que » 1,7 % (de 1 497 à 1 471 milliards de dollars selon le palmarès des banques de Jeune Afrique), contre -5,2 % l’année précédente.

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BUSINESS REPORT

Banques & finance

p. 62). Le groupe BMCE Bank of Africa a par exemple ouvert Depuis le retournement de la conjoncture en 2014, la plu38 agences en 2016 (contre 19 en 2015) et tiré 32 % de son propart des grandes banques du continent ont commencé à « faire duit net bancaire (PNB) de l’Afrique subsaharienne. Signe de le ménage » avec comme maîtres mots la maîtrise des coûts, la bonne santé du secteur au royaume chérifien, Casablanca a l’efficience opérationnelle, la rationalisation des politiques conservé en 2017 sa place de premier centre financier d’Afrique de crédit, et la digitalisation. Ecobank en est sans doute le au classement du Global Financial Centres Index meilleur exemple. La banque basée à Lomé (Togo), devant Johannesburg et est même le seul centre solide leader de la zone franc (6 114 milliards de africain à avoir progressé au classement global francs CFA d’actifs totaux), a vu ses effectifs dimiLes maîtres (de la 44e à la 33e place). En Égypte, la croissance nuer de moitié en à peine quatre ans (de 10 000 à mots : 5 000 employés) et son taux d’exploitation passer économique est restée soutenue à 4,1 % en 2017 maîtrise des (contre 4,3 % en 2016) et la faiblesse du dollar de 62 % à 44 % entre 2015 et 2017. Présente dans coûts, ratio- a fait le reste. La plus grande banque du pays et 36 pays, sa phase d’expansion paraît terminée et sa direction semble même plutôt encline à quitter septième plus grosse d’Afrique (38 milliards de nalisation certains marchés, notamment en Afrique de l’Est. d’actifs totaux), la National Bank of Egypt, des politiques dollars « Après une phase initiale d’expansion, la plupart a connu une belle année 2016 avec un bénéfice de crédit, des grands groupes arrivent à un point de maturité avant impôt en hausse de 88 % par rapport à digitalisation. l’exercice précédent à 1,1 milliard de dollars. La et n’ont de toute façon plus beaucoup de pays vers où s’étendre, analyse Samir Gadio. Cette phase va banque Misr (23 milliards d’actifs totaux) n’est se poursuivre en 2018 mais plutôt sous la forme pas non plus à plaindre avec un bénéfice avant d’une consolidation avec expansion des filiales. Pour devenir impôt qui a progressé de 30,7 % à 560 millions de dollars. profitables, elles doivent d’abord faire niche. » En Algérie et en Tunisie en revanche, c’est plutôt la soupe à la Les banques marocaines ne sont-elles pas rassasiées et grimace. Depuis Alger, le nouveau (et ancien) Premier ministre ne poursuivent-elles pas leur progression en Afrique (voir algérien, Ahmed Ouyahia, a qualifié en août la situation finan-

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THOMAS MUKOYA / REUTERS

Si le continent reste sous-bancarisé (20 %), l'avenir est le mobile banking, qui continue son irrésistible progression.


cière de l’État d’« infernale ». Le déficit budgétaire s’est établi à 15,7 % du PIB en 2016, les réserves de change ont été divisées par trois depuis 2013 et l’inflation menace. En Tunisie, les établissements publics souffrent également. Ils ont tendance à financer davantage l’État (+23 % des achats de bons du trésor en 2016) que le secteur privé (+9,5 % de crédits). À l’inverse, les banques privées affichent une situation financière satisfaisante avec une rentabilité des capitaux propres globale de 10,1 %. Mais d’après les spécialistes, elles sont encore trop nombreuses (24 banques universelles). La question de la concentration agite aussi l’Afrique de l’Ouest. Doit-on aller plus vite ? Se focaliser seulement sur quelques grands acteurs ? « Le système bancaire dans la zone UEMOA est sous-capitalisé et fragmenté, constate Samir Gadio. Donc beaucoup de régulateurs poussent pour limiter un nombre d’acteurs aujourd’hui trop important. Mais cela reste un processus très graduel. L’objectif n’est pas forcément de faire disparaître les plus petites structures parce qu’elles peuvent avoir un segment de marché où elles contribuent à l’économie. » Quoi qu’il en soit, l’ensemble des établissements bancaires de la zone a commencé l’implémentation des règles prudentielles inscrites dans les directives dites Bâle II et III. Elles entreront en vigueur dès le 1er janvier 2018. En zone Cémac, où les faibles prix du pétrole continuent de grever l’économie, les banques centrales tirent la langue. Les réserves de change sont à un niveau critique et plusieurs pays ont déjà un programme en cours ou en discussion avec le FMI (Gabon, Cameroun, Congo-Brazzaville). Il faut donc s’attendre à des « ajustements » fiscaux en 2018. Dans ce contexte incertain et malgré les scandales à répétition, le groupe BGFI conserve son leadership sur la zone avec 2 390 milliards d’actifs totaux (+8 %) devant la banque camerounaise Afriland (1 776 milliards) et la française Société Générale (1 389 milliards). LA NEW TECH AU SECOURS DU SYSTÈME En 2017, le secteur bancaire africain pâtit toujours des mêmes maux. Il reste sous-bancarisé, avec un taux proche de 15 % en Afrique subsaharienne et de 20 % sur l’ensemble du continent. Lueur d’espoir depuis quelques années, le mobile banking continue de progresser sur le continent, particulièrement en Afrique de l’Ouest. D’après Jeune Afrique, le nombre de comptes d’argent mobile en Afrique subsaharienne est même passé de 200 000 fin 2006 à 277 millions fin 2016. Mais les acteurs ne se bercent pas non plus d’illusion. « Le mobile banking a permis une inclusion bancaire massive, notamment au Kenya, observe Samir Gadio. Mais il ne pourra jamais remplacer le système financier traditionnel. Une chose est de placer son argent dans une banque. Une autre est que les individus ou les PME aient accès au crédit. Dans beaucoup de pays d’Afrique subsaharienne aujourd’hui, il n’est pas exceptionnel de se voir proposer des crédits immobiliers ou automobiles à des taux supérieurs à 25 %. » La démocratisation du service bancaire attendra. ❐

LE BOOM DU MOBILE MONEY UN ESSOR TRÈS RAPIDE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE Avec davantage de comptes mobiles que de comptes bancaires traditionnels, la bancarisation a significativement augmenté en Afrique subsaharienne. Progression de comptes mobiles en Afrique subsaharienne, de 2006 à 2016 Nombres de comptes bancaires en 2015

Millions 300 250

178M*

277M

200 150 100 50

0,2M

0 Déc Déc Déc 2007 2008 2009 2010 XM

Déc 2011

Déc 2012

Déc 2013

Déc 2014

Déc 2015

Déc 2016

Nombre de comptes mobiles

Le nombre de comptes mobile money est désormais supérieur à celui des comptes bancaires classiques : 277 millions pour les premiers contre 178 millions pour les seconds.

27% 40% HAUSSE DES REVENUS DU SECTEUR entre septembre 2015 et juin 2016. Il emploie environ 1,5 million de personnes, contre 180 000 en 2011.

1,3

DE LA POPULATION ADULTE

utilise son téléphone au quotidien pour effectuer des paiements dans 7 pays : Gabon, Ghana, Kenya, Namibie, Tanzanie, Ouganda et Zimbabwe.

MILLIARD DE DOLLARS

C’est le montant total des prêts octroyés à quelque 15 millions d’utilisateurs par le système M-Shwari au Kenya entre son lancement en 2012 et juin 2016. Ce sont 22 millions de dollars distribués à 5 millions de personnes en Tanzanie par le service M-Pawa.

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Le nombre de pays où sont proposées des offres d’assurance via le mobile. Des services d’épargne ont été lancés dans 10 Etats. Source : The state of mobile money in subsaharian Africa, GSMA, 2016.

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BUSINESS REPORT

Banques & finance

Afrique du Sud Capitec, le succès du low cost Créée en 2001, elle est devenue la seconde banque du pays en moins de vingt ans d’existence. Un succès foudroyant acquis grâce à une stratégie agressive de prêts sans garantie à destination des foyers à revenus modestes, largement majoritaires dans la nation Arc-en-Ciel.

PAR NOÉ HOCHET-BODIN

C

apitec est la meilleure banque du monde. » Ce constat est signé Michael Lafferty, fondateur du Lafferty Group. Ce consultant britannique qui fait autorité en la matière établit tous les ans un rapport mondial sur un échantillon de 100 banques dans 28 pays différents, fondé sur la stratégie, les profits et le management. « Capitec est le seul établissement à recevoir cinq étoiles, précise-t-il. C’est le leader du classement depuis deux ans maintenant ! » L’histoire de cette jeune banque se raconte comme une véritable success story. Capitec voit le jour en 2001 à Stellenbosch, dans la province du Cap-Occidental. Dès le début, les deux fondateurs, Michiel Le Roux et Riaan Stassen, investissent le marché en attirant essentiellement les revenus modestes. Le secteur bancaire sudafricain se résume alors au « Big Four » (Standard Bank, Absa, FirstRand Bank et Nedbank), largement dévoué à « l’économie riche ». Ce cartel des puissants a aujourd’hui explosé sous l’impulsion de Capitec. Avec ses 9 millions de clients, cette dernière est devenue la deuxième banque du pays en nombre d’utilisateurs. Elle est celle qui attire le plus de nouveaux usagers : 100 000 à 150 000

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par mois. Son chiffre d’affaires a également doublé en cinq ans, atteignant une base d’actifs de 62 milliards de rands en 2016, soit 3,9 milliards d’euros. Selon l’analyste bancaire sud-africain Petar Soldo, le modèle Capitec n’est vraiment reconnu que depuis quatre ou cinq années, mais la banque doit son succès à son projet originel. « Capitec, c’est la victoire de la simplicité : une seule offre avec un seul prix », précise Petar Soldo. Le compte unique s’appelle à l’époque le Global One Account et propose trois offres en une : transaction, épargne et crédit. Pendant longtemps, cette option unique s’impose. Avant qu’au fil du temps Capitec se transforme en « une banque plus équilibrée, dérivant une part importante de ses revenus des opérations bancaires transactionnelles », selon l’analyste. PAS D'ÉQUIVALENT Capitec a eu « une idée fantastique », complète Michael Lafferty : « Sa principale source de profit est tout simplement ses clients. Il n’y a pas d’équivalent en Afrique du Sud. En Europe, on peut éventuellement penser à Cetelem, mais le succès n’est pas le même. » La jeune banque de Stellenbosch a attiré la majorité de sa clientèle grâce à ses prêts

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sans garantie, recherchés par les petits salaires sud-africains. Une stratégie originale, pour Petar Soldo : « Le business model était particulièrement risqué, surtout dans les huit à dix premières années. L’échec d’African Bank (le pionnier des crédits non garantis) montre bien les dangers de cette formule. Ce qui a aidé Capitec, c’est qu’elle savait que pour prospérer il fallait avoir une large base de transaction. » Les Big Four ont fini par réagir à la montée de Capitec. « Les grandes banques devaient leur échec au fait qu’elles cherchaient à proposer toutes les offres à tous les clients, analyse Michael Lafferty. Elles cherchaient à être banque de détail, banque d’affaire, banque d’investissement et banque de


MIKE HUTCHINGS/REUTERS

La société a d'abord su séduire en tablant sur la simplicité : une seule offre à prix unique.

dépôt. » Aujourd’hui, lorsque l’on regarde le coût des comptes bancaires en Afrique du Sud, par exemple, on s’aperçoit que toutes les banques majeures ont drastiquement baissé leurs prix. À tel point que la banque dont l’abonnement mensuel est le plus élevé pour un compte est Capitec (5,50 rands par mois, contre 5 rands chez Nedbank, et même 4,95 rands chez AbsaBank).Capitec se « normalise » donc progressivement. Elle propose diverses options à ses clients. Elle n’est plus seulement la banque de détail qui a fait son succès il y a dix ans. « Il y a déjà des signes de changement, explique Petar Soldo. Avec le lancement d’une offre de carte de crédit et l’investissement significatif dans la technologie financière

tembre dernier. « Le contexte (fintech) à l’étranger. » Capitec a d’ailleurs récem« Sa principale politique intérieur imprévisible » est un argument ment acquis la société eurosource de de poids pour la société de péenne Creamfinance pour profit est tout notation financière, qui sous’étendre. En outre, le PDG simplement ligne également la très faible de la banque, Gerrie Foucroissance (seulement 0,5 % rie, déclarait à Bloomberg ses clients », prévu en 2017). L’Afrique du l’an dernier : « Capitec ne selon le Sud est officiellement entrée propose pas encore de proconsultant en récession en juin. Mais duits d’assurances, ni de les quatre grandes banques services aux entreprises. Michael restent particulièrement Ce sont des opportunités à Lafferty. rentables, selon Pricewateexplorer ». Mais se diriger rhouseCoopers (PwC). Dans vers une stratégie d’expanun rapport datant du 20 septembre, le sion peut paraître risqué dans la conjonccabinet d’audit montre que les profits des ture économique et politique actuelle de Big Four ont même augmenté de 3,8 % l’Afrique du Sud. Moody’s a émis un avis de janvier à juin. ❐ négatif sur les banques du pays le 11 sep-

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Banques & finance

BUSINESS REPORT

Le Maroc prend-il trop de risques en Afrique ?

20% des crédits des banques du Royaume se dirigent vers le continent, nouveau relais de croissance majeur. Si les analystes extérieurs s’inquiètent d’une exposition trop marquée, à Rabat, la Banque centrale reste, elle, rassurante, tout en incitant les établissements à plus de rigueur encore.

PAR JULIE CHAUDIER, À CASABLANCA

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ans le sillage d’Attijariwafa Bank et de la BMCE, la BCP poursuit cette année sa politique d’expansion tous azimuts sur le continent africain. Une demande d’agrément pour s’implanter au Gabon, l’acquisition de BIA Niger, une tentative pour entrer au capital de Bank of Kigali… la troisième banque panafricaine du Maroc tente de rattraper son retard. En 2016, les trois banques du pays détenaient déjà 1 400 agences réparties dans 25 pays africains, essentiellement dans l’UEMOA et la Cemac. Désormais, près de 20 % des prêts accordés par les banques marocaines sont faits en Afrique hors Maroc. Le continent est devenu un véritable eldorado. TRÈS CHERS ACTIFS Avec seulement 23 % de ses prêts consentis en Afrique, Attijariwafa Bank a ainsi réussi à produire 28 % de ses revenus nets bancaires en 2016. Pour la BCP, 12 % de ses prêts ont produit 17 % de ses revenus, selon la dernière publication de l’agence de notation Moody’s pour le Maroc, le 27 juillet 2017. La BMCE fait encore mieux, avec 25 % de prêts accordés en Afrique générant 47 % de ses revenus nets bancaires. À l’exception du cas de la BCP, la rentabilité des activités (ROA) des banques

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coup. À titre de comparaison, en 2015, marocaines est en effet nettement supéles NPL représentaient 49,6 % des prêts rieure en Afrique qu’au Maroc. Les actifs à Chypre et 3,4 % des prêts en Alleafricains de la BMCE sont même plus de magne. « Les taux de provisionnement deux fois plus rentables que ses actifs de nos créances sont confortables et marocains. en lien avec notre exposition », objecte Ces activités sont cependant aussi Kamal Mokdad, directeur général du aléatoires qu’elles sont rentables. Depuis groupe BCP à l’international. Celui-ci 2015, le FMI, puis les agences internaoffre en effet un taux de couverture tionales de notation Fitch et Moody’s de ses créances douteuses en Afrique n’ont eu de cesse de sonner l’alarme : les subsaharienne de 91,2 %, nettement banques marocaines prendraient trop supérieure à la couverture de 73,3 % de risques en Afrique, ce qui pourrait pour le Maroc. Il n’en va cependant pas menacer la stabilité de leurs maisons de même pour les autres banques. Là mères au Maroc et, avec elle, celle de encore, la BMCE se distingue par une l’économie du Royaume. Le taux de couverture de seulement 50,4 % en créances douteuses (NPL), c’est-à-dire Afrique subsaharienne, inférieure de les prêts dont le remboursement a été 16,3 points à celle qu’elle maintient interrompu depuis un certain temps, est pour les mêmes prêts au Maroc. en effet bien supérieur dans les filiales En dépit de ces constats alarafricaines qu’au Maroc. Ainsi, Moody’s mants, Bank Al-Maghrib (BAM), la révèle que la part de ces créances « susBanque centrale marocaine, reste très pectes » parmi les prêts accordés par confiante. « Les créances en souffrance Attijariwafa en Afrique subsaharienne portées par les filiales à est de 9,1 %, contre 6,8 % l’étranger, notamment en seulement au Maroc. Elle a Ces activités Afrique subsaharienne, cependant plutôt tendance pourraient ont totalisé un encours à se réduire, alors qu’avec de 13,2 milliards de 11,1 % de créances douteuses menacer dirhams, soit un taux de en Afrique subsaharienne, la stabilité risque de 9,6 %, contre contre 7,4 % au Maroc, la des maisons 9,7 % une année plus tôt. BMCE voit augmenter le risque d’impayé depuis deux mères au pays. Le taux de couverture de ces créances par les ans. C’est à la fois peu et beau-

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BALKIS PRESS/ABC/ANDIA.FR

Tétouan, 29 juillet 2017. Mohammed VI recoit Abdellatif Jouahri, le gouverneur de la Banque centrale. L'institution se veut très confiante. provisions s’est amélioré d’une année à l’autre de 4 points, à 72 % », insiste ainsi la BAM dans son rapport 2016 de supervision bancaire. « Le risque de contagion transfrontalière pouvant émaner des filiales des banques marocaines implantées en Afrique reste très faible », rassure-t-elle. Les banques sont elles-mêmes très optimistes. « En ce qui concerne le risque de défaut sur les obligations des gouvernements locaux [souligné par Fitch, NDLR], nous pensons que les éventuelles crises institutionnelles ne peuvent être que temporaires. Nous faisons confiance au continent et nous pensons que, sur le long terme, il présente un potentiel extrêmement élevé », estime Kamal Mokdad. La confiance générale se fonde en particulier sur un stress test de la BAM bâti sur la base d’une hypothèse de défaut de l’ensemble de ces filiales qui « confirme la résilience des banques à de tels chocs, compte tenu de leur assise financière et du niveau faible de leurs expositions sur leurs filiales situées à l’étranger », selon l’institution. Le FMI avait lui-même procédé à différents stress tests en 2015 pour rendre son rapport sur la stabilité du système financier du Maroc. Il était parvenu à la même conclusion. « L’analyse du réseau suggère de faibles

expositions directes entre les banques marocaines et leurs filiales en Afrique subsaharienne en termes de crédits ou de dépôts. Actuellement, il n’y a pas de transactions transfrontalières entre les filiales des banques marocaines en Afrique, ce qui limite encore les retombées. » En fait, les filiales africaines des banques marocaines sont autonomes. Elles financent leurs prêts grâce à leurs propres dépôts. Ainsi les risques – élevés – qu’elles prennent n’affectent qu’elles-mêmes. « Le risque qu’une forte détresse des filiales africaines affecte le système bancaire marocain est faible et son impact serait d’environ 1 % du capital réglementaire », conclut le FMI. RÉGULATEURS ÉTRANGERS Partant du constat d’un risque élevé aux conséquences a priori limitées, Bank Al-Maghrib tente d’adapter sa surveillance. En 2016, elle a notamment déployé une approche de scoring des implantations en Afrique. Celle-ci permet de situer les filiales les plus problématiques afin d’assurer un meilleur suivi et de programmer des contrôles conjoints sur place avec les régulateurs étrangers. Surtout, la Banque centrale met progressivement en place les règles prudentielles de Bâle III. Il s’agit des mesures adoptées par les gouverneurs

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de banque centrale de 13 pays parmi les plus riches du monde après la crise financière de 2008 pour permettre aux banques de ne pas s’effondrer, lors d’une crise, sous le poids de leurs créances douteuses. BAM a ainsi mis en place l’an dernier le « coussin contracyclique », c’est-à-dire l’obligation pour les banques de mettre de côté des fonds propres supplémentaires en période de croissance afin de pouvoir absorber les pertes en cas de crise. Elle prépare également un projet hautement sensible : la redéfinition des différents types de créance selon la norme internationale. Ce faisant, elle va devoir élargir la définition des créances douteuses et donc augmenter leur part dans les actifs des banques. En toute logique, ces dernières devront alors accroître encore leurs réserves. Aujourd’hui, toute la difficulté pour les grandes banques marocaines réside dans le fait que leur formidable expansion en Afrique s’opère dans le contexte de l’après-crise de 2008. Elles prennent ainsi de plus en plus de risques – contenu localement à l’heure actuelle – et doivent en même temps non seulement respecter les règles de prudence établies par le passé – ce qu’elles font déjà scrupuleusement –, mais se conformer aux nouvelles règles de Bâle III, encore plus contraignantes. ❐

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RENCONTRES & REPORTAGES

Conso Ils et elles nourrissent depuis

quelques années les ambitions des grandes entreprises mondiales. Ces nouveaux Africains sont-ils aussi nombreux qu’on le dit ? Et la croissance ne devrait-elle pas s’appuyer avant tout sur les besoins des plus modestes ?

Classes moyennes, mythe et réalités par Alexis Hache

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ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

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Des produits de qualité, des marques et des prix imbattables : les grandes enseignes évoluent pour répondre aux nouveaux modes de consommation.

n article de la Harvard Business Review mettait récemment l’accent sur le fait que quelques entreprises étrangères désertaient l’Afrique, coupables de s’être trompées ou montrées trop optimistes quant à l’expansion annoncée de ces fameuses classes moyennes censées leur rapporter gros. Et l’article de citer les exemples de Barclays ou Nestlé pour étayer son propos. Mais, si la banque britannique quitte le continent, c’est pour une bonne raison : plombée par un scandale financier né dans les années 2000 et la chute du rand en Afrique du Sud, elle a choisi de se recentrer sur ses activités les plus rentables, au Royaume-Uni notamment, et de revendre progressivement ses parts dans Barclays Africa, présent dans douze pays. Quant au géant suisse de l’agroalimentaire, qui a investi près de 1 milliard de dollars sur le continent en dix ans, la désillusion s’est incarnée en juin 2015 dans une interview de Cornel Krummenacher, patron du groupe pour la région Afrique équatoriale, accordée au Financial Times : « Nous pensions que ce serait la prochaine Asie, mais nous avons réalisé que la classe moyenne dans la région est très petite et pas vraiment en progression. » Résultat, Nestlé a fermé ses bureaux en Ouganda et au Rwanda et supprimé 15 % de ses effectifs sur le continent. Sauf qu’à y regarder de plus près, on constate avant tout que Nestlé s’est sans doute trompé de cheval de bataille, misant sur la marque Nespresso et les confiseries au lieu de privilégier ses produits de base, moins prestigieux mais plus accessibles à une

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RENCONTRES & REPORTAGES classe moyenne très diverse (voir l’éditorial d’AMB 20). Une erreur stratégique évitée par le groupe Bel, numéro 3 mondial du fromage, implanté en Afrique depuis plus de cinquante ans, qui a mis sur pied Sharing Cities, un programme favorisant les circuits de distribution alternatifs pour vendre ses incontournables. Connu pour sa Vache qui rit à portions, Bel a ainsi trouvé le moyen de faciliter un peu plus l’accès à son produit phare auprès d’un public parfois éloigné des circuits de distribution classiques en misant sur les vendeurs de rue. Autre preuve de la bonne santé du groupe sur le continent, où Bel a vu sa croissance bondir de 8 % en 2015, il a ouvert l’année dernière une nouvelle usine de production de La Vache qui rit en Côte d’Ivoire, dans la zone commerciale de Yopougon, à Abidjan. Elle s’ajoute aux trois grands centres de production du groupe français déjà implantés au Maroc, en Algérie et en Égypte. Nestlé versus Bel, la différence de stratégie et de succès entre les deux géants illustre à la perfection cette phrase de Stéphane Brabant, avocat associé spécialiste de l’Afrique chez Herbert Smith Freehills : « Il est risqué d’aller en Afrique, mais il est encore plus risqué de ne pas y aller. » UNE FOURCHETTE TRÈS LARGE L’erreur de Nestlé a certainement été de miser sur les habitudes de consommation d’une classe moyenne semblable à celle que l’on trouve en Europe. Pourtant, les différentes études sur le sujet ont montré qu’il n’y avait pas une, mais des classes moyennes en Afrique. En 2011, la Banque africaine de développement (BAD) évaluait ainsi à 330 millions le nombre d’habitants appartenant à la classe moyenne (350 millions en 2017, selon les derniers chiffres que l’organisme a publiés au printemps), soit plus du tiers de la population du continent. Il fallait, selon la BAD, gagner entre 2 et 20 dollars par jour pour faire partie de cette catégorie. Une fourchette très large comprenant notamment la classe dite « flottante », qui gagne entre 2 et 4 dollars par jour. Or, cette dernière catégorie, dont les habitudes de consommation sont très différentes des autres classes moyennes, flirte constamment avec le seuil de pauvreté et représente à elle seule 20 % de la population du continent. Elle gonfle donc énormément un chiffre qui devient trompeur. « Je ne qualifierais jamais cette “floating class” de classe moyenne, affirme Clélie Nallet, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (Ifri) et spécialiste du sujet. On parle de gens dans des situations précaires, voire très précaires, avec un risque de déclassement omniprésent, qui sont très dépendants des conjonctures économiques ou politiques, et aux trajectoires sociales dont l’avenir est particulièrement incertain. » En 2015, une autre étude, menée cette fois par le groupe CFAO, Ipsos et le cabinet Bearing Point, a remis les chiffres de la BAD en perspective, en excluant la classe « flottante ». Restaient 78 millions de consommateurs ayant un revenu discrétionnaire qui leur permettrait de dépenser autrement que pour répondre à leurs besoins primaires : la fameuse classe moyenne ciblée par les entreprises étrangères. L’engouement pour cette catégorie est compréhensible.

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Conso Selon une étude menée par CFAO et Ipsos, celle-ci est désireuse, et surtout capable, de consommer différemment : sur les 4 000 foyers interrogés, 98 % ont la télévision, 85 % un smartphone et 73 % un ordinateur. Pour répondre à leurs besoins, les centres commerciaux se sont multipliés dans les villes. En Côte d’Ivoire, c’est à Abidjan que bat le cœur de la classe moyenne. CFAO Retail y a ouvert son premier centre commercial, PlaYce Marcory, le 18 décembre 2015, dans le sud de la capitale, 20 000 m2 divisés en trois parties, sur le modèle des centres commerciaux occidentaux ou asiatiques : un food court avec cinq restaurants, une galerie marchande de 55 boutiques et un hypermarché Carrefour, « la locomotive du centre » selon Jean-Paul Denoix, le directeur général de CFAO Retail en Côte d’Ivoire. Depuis, un deuxième mall, plus petit, a ouvert dans le nord d’Abidjan et un troisième devrait voir le jour dans la commune de Grand-Bassam à l’horizon 2020. Le premier centre PlaYce, qui a représenté un investissement de 52 millions d’euros, a été un succès immédiat selon son promoteur. « 3,6 millions de personnes nous ont rendu visite l’an dernier, détaille Jean-Paul Denoix. Il répond vraiment à la demande d’une classe moyenne avide de consommation, qui veut des produits de qualité, des marques et des prix imbattables. On trouve encore pas mal de contrefaçon, sur les marchés traditionnels notamment. PlaYce est un gage de garantie, de confort et de sérieux. » Au sommet des ventes figurent les produits alimentaires de grande consommation et de plus en plus de produits « made in Côte d’Ivoire », souligne M. Denoix. 700 000 baguettes de pain ont ainsi été achetées en 2016 au centre commercial ; le riz, l’huile, l’eau, mais aussi les escargots locaux connaissent également un franc succès. Les rayons non alimentaires, notamment le marché de premier équipement, sont aussi très fréquentés : « 7 000 téléviseurs se sont vendus en 2016 à PlaYce Marcory », ajoute-t-il. Un essor qui va se poursuivre, porté par une double réalité : la forte croissance de certains pays et un mouvement généralisé et rapide d’urbanisation. Selon une étude menée par Havas Horizons en début d’année portant sur 55 institutions financières et bancaires, 63 % des entreprises interrogées désiraient renforcer leurs investissements sur le continent. Parmi les pays les plus attrayants à l’horizon 2022, le Kenya, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, le Nigeria et le Sénégal constituent le top 5. Si le Nigeria marque le pas en raison de la chute des cours du pétrole, avec une croissance de seulement 0,8 % cette année et 1,9 % prévu pour 2018, les autres membres du top 5 affichent des taux entre 6 et 8 %, confirmant l’intérêt pour la zone subsaharienne. En outre, comme le souligne le Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN) dans son rapport 2017, 40 % de la population africaine vit aujourd’hui en ville. Ce sera 50 % en 2035 et 60 % en 2050. « Quand je suis arrivé dans la zone où PlaYce s’est implanté, il y avait 19 tours en construction. Actuellement, il y en a 34, constate Jean-Paul Denoix. Des gens vont louer ou acheter ces appartements et ils viendront chez nous pour acheter les meilleurs produits aux meilleurs prix. On a encore de beaux jours devant nous

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Classes moyennes, mythe et réalités

En décembre 2016, le cap DU MILLIARD de mobiles actifs sur le continent a été passé. En 2021, c’est celui du milliard de SMARTPHONES qui sera franchi. et beaucoup de choses à apprendre de nos clients. » Apprendre et s’adapter tout en pariant sur le numérique, c’est la clé du succès, avancent nombre d’acteurs, dont Canal+. En décembre 2016, l’Afrique a en effet passé le cap du milliard de mobiles actifs sur le continent. En 2021, c’est celui du milliard de smartphones qui sera franchi. « De nombreux pays sont en train de bouger très vite dans le domaine digital, et toute la nouvelle génération fonctionne énormément sur mobile, souligne Damiano Malchiodi, directeur général d’A+, chaîne 100 % Afrique du groupe Canal+. Nous misons donc de plus en plus sur l’application My Canal, qui est un relais de confort et de consommation pour l’abonné. Canal+ est ainsi tout le temps dans sa poche. » Présent depuis plus de vingt ans sur le continent, le groupe français a assisté, en première ligne, à l’émergence de la classe moyenne puis à l’évolution des modes de consommation. Le lancement d’A+ en octobre 2014 a par exemple répondu à « une demande grandissante de proximité » de la part des abonnés africains à Canal+, note Damiano Malchiodi. Au départ destinée aux expatriés ou aux foyers ayant des revenus confortables, l’offre Canal+ s’est également diversifiée afin d’être accessible aux petits budgets. Pour 5 000 francs CFA par mois, soit environ 7,50 euros, il est aujourd’hui possible de recevoir A+ et 148 autres chaînes. Pour avoir les chaînes Canal+, compter 10 000 francs CFA (15 euros). Enfin, pour un accès à tous les contenus du groupe, il faut en revanche débourser 40 000 francs CFA par mois (61 euros), une offre réservée de fait aux familles aisées. Autre exemple de réussite, le groupe de télécoms Orange. Présent dans 19 pays d’Afrique, avec 124 millions de clients à son actif et un chiffre d’affaires continental de 4,8 milliards d’euros, il entend densifier ses investissements pour répondre aux nouveaux besoins des classes moyennes. Offres VOD et de télévision payante, partenariats TNT, et bien sûr développement de la 3G et de la 4G (déjà présente dans 10 pays) :

l’opérateur français est sur tous les fronts et compte énormément sur Orange Money, son service de transfert d’argent et de paiement mobile, pour accompagner au quotidien les classes moyennes émergentes, en particulier celles ayant les plus faibles revenus, tout en restant rentable. « Pour couvrir nos investissements, nous développons des services digitaux qui ont vocation à être utilisés en nombre, explique Bruno Mettling, directeur général adjoint d’Orange, PDG d’Orange MEA (Afrique et Moyen-Orient) (voir AMB 18). Structurellement, nous sommes en capacité de servir les besoins des plus démunis. Nous développons des équipements qui sont accessibles à des ARPU [Average Revenue Per User, chiffre d’affaires mensuel moyen par client réalisé par une entreprise, NDLR] plutôt faibles, c’est-à-dire quelques dollars par mois. Sur Orange Money, le montant moyen des transactions est très hétérogène, de 0,91 euro pour le rechargement dit « topup » à 70 euros pour le transfert international. » Surfant sur le succès d’Orange Money (32 millions de clients sur le continent), le groupe veut pousser encore plus loin l’exploitation de son service. « La classe moyenne souhaite pouvoir emprunter et épargner, indique Bruno Mettling. On travaille pour répondre à ces nouveaux besoins de microcrédits et de pico-crédits. Nous allons apporter une proposition de valeur qui n’existait pas, en tout cas pas dans le secteur formel : des crédits inférieurs à 100 euros, remboursables sous trente jours. Là encore, seule une activité de volume permettra de dégager un niveau de rentabilité acceptable pour Orange, tout en contribuant à développer l’inclusion financière. » SERVICES ACCESSIBLES AUX PLUS FAIBLES REVENUS Mais, sur un continent où 500 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté et où une grande partie de la population doit se contenter de 4 dollars par jour pour vivre, les entreprises doivent encore peaufiner leurs stratégies. « Pour répondre à la demande du plus grand nombre, il nous faut constamment adapter notre offre, aller plus vite et sans doute proposer à notre clientèle des formats différents, explique Jean-Paul Denoix. Je pense bien sûr aux supermarchés, mais aussi aux magasins de proximité ou aux structures plus petites. » Du côté d’Orange, on sait également qu’une grande part de la population n’a pas les moyens de se payer un smartphone ni un accès Internet et fonctionne encore avec des mobiles de première génération. Et si l’opérateur travaille d’arrache-pied avec les constructeurs pour proposer des mobiles adaptés, embarquant moins de fonctions et coûtant moins cher, il développe aussi des services accessibles aux plus faibles revenus, grâce aux protocoles USSD (Unstructured Supplementary Service Data) qui permettent, selon Bruno Mettling, « d’échanger des textes et d’accéder à certains services comme Facebook sans avoir Internet ou un smartphone ». Grâce à cette technologie, conclut Bruno Mettling, « 400 000 agriculteurs maliens sont par exemple informés dans leur langue des prix du marché ou du meilleur moment pour semer ». ❐

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PORTRAIT par Guillaume Pitron

Patrick Pouyanné Discret et direct, peu connu du grand public, celui qui a pris la tête du groupe Total en 2015 ne ménage pas ses efforts pour protéger le leadership du géant pétrolier français. Après un plan de restructuration, ce Polytechnicien au physique de rugbyman cherche à définir un nouvel business model.

■ 1963 Naissance en Seine-Maritime.

1986 Sort de Polytechnique avec un diplôme d’ingénieur.

1989 Commence sa carrière dans la fonction publique, au ministère de l’Industrie et dans des cabinets ministériels.

1995 Est nommé conseiller technique pour l’environnement et l’industrie auprès du Premier ministre Édouard Balladur.

1997 Rejoint Elf, qui sera absorbé par Total en 2000. En 2006, il entre au comité directeur du groupe, puis au comité exécutif en 2012.

■ 2015

Devient présidentdirecteur général du groupe Total.

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I

l est l’un des patrons les plus puissants de France. Présidentdirecteur général du groupe Total, quatrième entreprise gazière et pétrolière mondiale avec 127 milliards d’euros de chiffre d’affaires réalisés en 2016, il chaperonne 100 000 collaborateurs dans le monde. Il est également le VRP des intérêts énergétiques français dans les 130 pays où l’entreprise étend sa présence, et on le voit fréquemment côtoyer les puissants tels que Denis Sassou Nguesso, Hassan Rohani et Vladimir Poutine. Paradoxalement, Patrick Pouyanné, 54 ans, est un dirigeant peu connu du public, qui ne goûte pas l’exposition médiatique comme son illustre prédécesseur, Christophe de Margerie. DE L’ANGOLA AU QATAR Né le 24 juin 1963 en Seine-Maritime, Patrick Pouyanné grandit dans le sud-ouest de la France. Il suit de brillantes études à l’École polytechnique et intègre le corps des mines. Puis il entame sa carrière en 1986 au sein du groupe agroalimentaire Vico avant de rejoindre plusieurs cabinets ministériels, en particulier celui du Premier ministre Édouard Balladur. Mais ce fils d’un père douanier et d’une

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mère employée des postes se plaît davantage dans le secteur privé et en 1997, il choisit de rejoindre le groupe Elf (absorbé par Total en 2000). Commence alors une vie d’expatrié qui l’emmène, avec sa femme et ses quatre enfants, en Angola puis au Qatar. Le PDG Christophe de Margerie flaire son potentiel et promeut son ascension. Patrick Pouyanné gravit les échelons de l’entreprise et prend en 2012 la tête de la branche « raffinage chimie ». Mission : remettre cette vacillante et déficitaire activité de Total en ordre de marche. Patrick Pouyanné agit vite, ferme les sites industriels les moins rentables, investit dans la pétrochimie et en Asie. Les résultats sont au rendez-vous, les comptes à nouveau dans le vert – et l’admiration de Christophe de Margerie pour son collaborateur ne fait que croître. Le patron loue ses qualités intellectuelles et sa connaissance des dossiers. Patrick Pouyanné est un grand travailleur doté d’une mémoire phénoménale. Et surtout, un fonceur, « un taureau qui sort ses cornes et fonce dans le tas » pour parvenir à ses fins, décrypte l’un de ses collaborateurs. Tout s’accélère lorsque Christophe de Margerie décède brutalement dans un accident d’avion en Russie, en octobre 2014 : Patrick Pouyanné est nommé directeur général à peine deux jours après la


BRUNO LEVY/DIVERGENCE

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PORTRAIT

Le présidentdirecteur général bouscule, prend à contre-pied, dérange. Et surtout, s’impose : s’il sait engager la discussion, il n’hésite pas à taper du poing sur la table pour faire respecter ses décisions.

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disparition de son protecteur puis prend les fonctions de président-directeur général en 2015. Total traverse alors une passe difficile : les cours du baril sont en chute libre, affectant sérieusement les marges du groupe. Le nouveau dirigeant va-t-il appliquer la méthode forte dont il est coutumier pour redresser les résultats ? « Total, c’est un gros paquebot, il change doucement, répond-il à des journalistes, mais il est évident que la personnalité du patron joue sur l’ensemble du management. » Une forte personnalité, en effet, que conforte un physique singulier : Patrick Pouyanné est un colosse de 1,91 mètre. Sa carrure de rugbyman et sa corpulence impressionnent d’emblée ses interlocuteurs. D’autant qu’il n’a pas ménagé ses efforts pour soigner son apparence : oublié « le type un peu négligé » que décrivent certains de ceux qui l’ont côtoyé. De ce côté un peu pataud et gauche reste ce surnom, « Papou », les deux premières syllabes de son état civil… Mais loin de l’image du gros nounours, Patrick Pouyanné bataille pour secouer le géant pétrolier. Il lance un vaste programme de restructuration du raffinage avec l’objectif de réduire les coûts de structure de cinq milliards d’euros par an d’ici 2020. « Cette stratégie d’abaissement des points morts a été indéniablement couronnée de succès, analyse Francis Perrin, chercheur associé à l’OCP Policy Center. En 2016, les bénéfices nets de Total ont dépassé ceux d’ExxonMobil, pourtant première compagnie pétrolière privée au monde. » Deuxième axe de son action, la diversification des approvisionnements pétroliers et gaziers. « Des recherches sont actuellement entreprises dans des zones peu ou pas explorées où le groupe estime qu’il existe un fort potentiel, en particulier au large de la Guyane française, de la Namibie et de l’Afrique du Sud », souligne Francis Perrin. Suivant cette logique, Patrick Pouyanné annonce en 2017 l’acquisition de son concurrent danois Maersk Oil, dont 85 % des activités sont concentrées dans les pays, très stables, de l’OCDE. Cela ne

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l’empêche pourtant pas de prendre des risques : alors que tous ses concurrents s’en retirent et malgré la pression des États-Unis, il signe la même année un contrat sur un gisement de gaz en Iran. Enfin, le patron de Total croit aux énergies renouvelables. Déjà impulsé par ses prédécesseurs, ce chantier connaît une forte accélération sous sa présidence. Acquisition du fabricant français de batteries électriques Saft et du fournisseur belge d’électricité et de gaz Lampiris, prise de participation dans le groupe Eren Renewable Energy… « Patrick Pouyanné a agencé une stratégie intégrée qui combine le gaz naturel, l’électricité et les énergies renouvelables afin de faire de Total non plus une simple société pétrolière mais un groupe énergétique », analyse Francis Perrin. « Papou » bouscule, prend à contre-pied, dérange. Et surtout, il s’impose : s’il sait engager la discussion, il n’hésite pas à taper du poing sur la table pour faire respecter ses décisions. « Il a des idées arrêtées et des avis tranchés, explique l’un de ses collaborateurs. La marque Pouyanné, c’est ce côté très rapide et impulsif. Lorsqu’une décision de la direction descend aux échelons inférieurs de la hiérarchie, il faut réagir vite. C’est excitant, ça dépote. » DISTANCE ET AUTORITÉ Pour cela, il met en place de nouveaux modes d’échanges avec ses collaborateurs : « Contrairement à son prédécesseur qui avait le tutoiement facile, Pouyanné vouvoie ses employés et impose la distance : c’est une manière de signifier “chacun à sa place’’ », décrypte Khalid Benhammou, coordinateur syndical CFE-CGC chez Total. Point d’espace pour les relations personnelles : l’homme est discret, pour ne pas dire réservé. « Avec lui, les sujets de conversation, c’est le boulot. Il n’y a jamais de transgressions », souligne un pilier du groupe. Tout au plus sait-on que le dirigeant consacre ses samedis à sa famille, aime le rugby et aurait de profondes convictions religieuses.


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Et puis, il jouit d’une telle autorité naturelle qu’il en use… et en abuse. On rapporte qu’au comité exécutif (l’autorité de décision du groupe), ses plus proches collaborateurs ont été relégués au rang de simples exécutants, sans pouvoir décisionnaire. D’aucuns racontent avoir été témoins de recadrages en direct et en public. « Si une direction prend une décision qui ne lui convient pas, il va la changer sur-le-champ, sans discussion possible, explique un cadre. Et de toute façon, personne n’aura le cran de le contredire. » Car on le dit irascible, caractériel, voire colérique. Il inspirerait même la crainte. Un tel mode de management pourrait-il lui jouer des tours ? On craint qu’il ne « saute un jour sur une mine » si, faute d’avoir recueilli suffisamment d’avis contradictoires, il commettait une lourde erreur d’appréciation sur un dossier majeur. Mais on reconnaît aussi ses qualités d’écoute et sa capacité à aller chercher les informations à la source, dans les différents métiers du groupe, avant de décider. On le crédite également d’une dimension sociale et humaine : le plan de restructuration n’a donné lieu à aucun départ forcé, car « Total ne peut pas se permettre de licencier quand on gagne des milliards », justifie-t-il. Aussi l’homme fort du groupe agrège un large consensus au sein et à l’extérieur de son

entreprise. Tous ne partagent pas son choix de ne pas s’investir dans le nucléaire et certaines opérations de croissance externe n’auraient pas généré les résultats escomptés, mais dans l’ensemble, les salariés se disent en phase avec sa stratégie. « Ses équipes lui font globalement confiance car ses décisions sont justes, parce qu’il sauve les emplois tout en satisfaisant les actionnaires. On considère que c’est la bonne personne pour le poste », explique un cadre. Quelles orientations Patrick Pouyanné fixera-t-il au groupe Total à l’avenir ? Déjà initiées avant sa prise de fonctions, les stratégies de diversification des approvisionnements et de baisse des coûts de structure ont certes mis la société à l’abri des soubresauts géopolitiques, mais des questions subsistent : « À quelle vitesse allons-nous engager la conversion vers les énergies renouvelables ?, interroge Marc Blanc, ex-administrateur salarié de Total. La mutation est plus rapide qu’on ne le pense, et je crois que Patrick Pouyanné a conscience qu’il va falloir engager ce tournant plus vite que prévu. » Pour le reste, l’homme est réputé loyal à son paquebot et n’a pas l’intention de le quitter de sitôt. Tout juste nommé, il a d’ailleurs confié : « Je suis un jeune PDG, j’ai encore plein de choses à faire chez Total ! J’essaie aussi d’y être utile à la France. » ❐

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Lors d’une visite à Lacq (PyrénéesAtlantique), en mars 2015, le dirigeant s’est félicité d’une reconversion réussie : l’ancien bassin gazier, dont l’exploitation a pris fin en 2013, est devenu un centre industriel spécialisé dans le carbone.

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Bamako is back !

Les 7 et 8 décembre, la capitale accueille le forum Invest in Mali. Deux jours pour parler business et lier des partenariats utiles dans les secteurs porteurs. Et surtout, rompre avec l’image d’insécurité d’un pays qui a montré sa forte capacité de résilience depuis 2012 et dont les ambitions économiques pour demain s’affirment. par Emmanuelle Pontié, envoyée spéciale 72

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CHARLES PLATIAU/AP/SIPA

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ourner la page », « le retour du Mali », « changer le narratif »… Autant de petites phrases dans le vent, martelées dans les bureaux des directeurs généraux de la place. La plupart d’entre eux sont installés dans les sièges modernes de leurs sociétés, récemment construits dans la zone ACI 2000, le nouveau quartier des affaires. C’est une des illustrations du paradoxe malien. Depuis le coup d’état de 2012 et l’instabilité des zones du Nord, où la guerre contre les islamistes continue, on parle beaucoup à l’étranger, dans les médias, d’un pays où il faut être prudent. Tout le grand Nord, jusqu’aux frontières de Kayes et Mopti, reste classé rouge et la capitale, orange. Mais l’on n’évoque quasiment jamais « l’autre Mali ». Celui

Un partenariat privilégié : le président Ibrahim Boubacar Keïta et son homologue français Emmanuel Macron, le 31 octobre 2017.

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tissements. Une panoplie de mesures gouvernementales qui se joue à Bamako. Dès l’arLa croissance robuste facilite aujourd’hui le business et le pays est passé en tête rivée à l’aéroport international, de 5,3 % en 2016 s’est des membres de l’OHADA pour le climat des affaires. rénové, on entre dans une ville maintenue en 2017, Autant d’atouts qui ont motivé l’organisation du Forum dense, industrieuse, sillonnée grâce à une forte Invest in Mali, dont l’idée a fleuri dès 2015, en même par une multitude de gens qui demande intérieure. temps que les autorités souhaitaient encourager l’émertravaillent, du plus petit comgence économique et sociale ainsi que le retour du Mali merçant qui achalande nonsur la scène internationale. Les 7 et 8 décembre, l’événestop les étals de son commerce ment accueillera donc environ 500 participants à l’hôtel de l’Amitié, autour jusqu’à l’employé de bureau costumé ou le directeur de réunions BtoB, de conférences, de visites d’entreprises privées ou la préd’une nouvelle boîte d’agrobusiness ou d’une startsentation de projets étatiques ambitieux dans quatre secteurs majeurs et up intelligente. Signe de bonne santé, le BTP bat attractifs : l’agriculture, l’élevage, l’énergie et les infrastructures. Quelques son plein. De nombreux chantiers hérissent les deux célébrités ont très tôt confirmé leur venue, comme Issad Rebrab, PDG du rives du Djoliba. Et les indicateurs économiques du groupe Cevital, Matthieu Pigasse, président de la banque d’affaires Lazard Mali sont plutôt bons. La croissance robuste de ou encore l’ex-ministre française de l’Environnement, de l’Énergie et de 5,3 % en 2016 s’est maintenue en 2017, grâce à une la Mer, Ségolène Royal. Akinwumi Adesina, président de la BAD, devrait forte demande intérieure. Le secteur entrepreneuaussi faire le voyage. Coût de l’opération : 980 millions de francs CFA, rial, même encore modeste et concentré autour de dont 30 % issus du budget national, et le solde réparti entre la Banque la capitale, présente de réelles opportunités d’inves-

ZOOM MOUSSA ISMAÏLA TOURÉ JEUNE, ÉNERGIQUE, Moussa Ismaïla Touré, à 49 ans, a le profil type du dirigeant issu du privé. Originaire de Kita, dans la région de Kayes, il grandit à Bamako. Puis suit ses parents en France à l’âge de 11 ans. Sa mère est magistrat et son père, enseignant, occupe alors le poste de conseiller culturel à l’ambassade, à Paris. Il revient à Bamako pour y passer son bac, avant d’intégrer l’ENA, où il obtient sa maîtrise. Il fait un troisième cycle à Paris, en gestion des entreprises. En 1996, nouveau retour au Mali, où il intègre le groupe Shell comme responsable stocks et transports au département des finances pour deux ans. Puis il entre au service commercial de Bramali, la filiale malienne du groupe Castel. Dix ans plus tard, en 2009, il repart à l’étranger. À Cotonou pour commencer, où il est nommé directeur de Coca-

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Cola pour le Bénin et le Togo. Puis ce sera le Cameroun, en tant que directeur régional pour l’Afrique centrale. Mais, depuis quelque temps, l’envie de rentrer au pays se fait sentir. Moussa répond alors à un appel à candidature pour être le nouveau directeur général de l’Agence de promotion des investissements (API). Son profil séduit, et il s’installe dans son grand bureau en bord de fleuve début 2015. « J’ai soumis un plan d’attaque dès mon arrivée. On a lancé le processus de dématérialisation, mis à jour les outils de promotion de la destination Mali, lancé la déconcentration du guichet unique… Nous sommes présents à Kayes, Ségou, Sikasso depuis janvier 2016. Et nous comptons ouvrir cette année Mopti et Gao. » Et puis surtout, dès le deuxième trimestre de 2015, le projet du forum Invest in Mali est lancé. L’idée : organiser une manifestation internationale capable de remettre la destination au goût des investisseurs et rompre avec la mauvaise

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Rencontre avec le directeur général de l’Agence pour la promotion des investissements (API), co-organisatrice du forum.


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Bamako is back!

le narratif sur le pays, délivrer un message positif et attirer les capitaux dans les secteurs à grand rendement que nous offrons. Avec un code des investissements très attractif en matière d’exonérations fiscales. » Notamment dans le secteur agricole, au potentiel important dans ce pays – carrefour situé au cœur de l’Afrique de l’Ouest, et déjà investi par des sociétés locales et sous-régioACI 2 000, le nouveau quartier des affaires, abrite les sièges des grandes entreprises. nales spécialisées dans les engrais ou l’agroalimentaire, à destination du grand marché de l’UEMOA. Même son de cloche au palais de Koulouba. Selon Soumeylou mondiale, l’Union européenne, les coopérations Boubèye Maïga, secrétaire général de la présidence : « Nous avons besoin néerlandaise et danoise, le secteur privé malien de développer nos transports et des infrastructures de qualité, comme le et international, notamment français et marocain. rail et les routes. Et de transformer nos produits agricoles. Fluidifier et Selon Moussa Touré, directeur général de l’Agence optimiser le commerce avec les pays voisins est une priorité pour notre de promotion des investissements (API), co-orgapopulation qui a la culture du commerce et du négoce dans le sang. Nous nisatrice du Forum : « Nous envoyons un message avons aussi lancé de grands programmes structurants en matière d’énergie clair : pariez sur le Mali ! Nous souhaitons changer ou de numérique, facilité le climat des affaires. Je pense que les retombées de ce forum seront positives et concrètes pour le Mali en matière d’investissements et d’image à l’extérieur ». Le troisième producteur d’or et de coton africain, vulnérable aux fluctuations des cours des matières premières, mise, à terme, sur une diversification économique tout en encourageant l’industrialisation, la valeur ajoutée. Il bénéficie généralement d’une bonne évaluation-risque dans les rapports des organismes de cotation internatioimage d’insécurité qui plombe le pays depuis naux, qui soulignent volontiers que son économie est dynamique. 2012. Avec des conférences, des rencontres B to B, des invités prestigieux du monde DES ARGUMENTS ATTRACTIFS des affaires. Et la présentation des secteurs « Faire le pari du Mali », ce sont les mots du président Ibrahim Boubacar attractifs et prioritaires comme l’énergie, les Keïta, au pouvoir depuis septembre 2013 et dont le premier mandat infrastructures, l’agriculture, l’élevage. Fin s’achève en 2018. Confronté à une situation sécuritaire complexe, où les octobre, Monsieur le DG avait un agenda Accords de paix signés en 2015 peinent à se mettre en œuvre dans les constellé de réunions liées à l’approche du régions du grand Nord, le chef de l’État « parie » sur le développement jour J. À son bureau, à son ministère de économique et l’apport de capitaux extérieurs. « Personne ne doute qu’IBK tutelle, sur les lieux prévus pour l’événement va se représenter en juillet prochain, et il a besoin de poursuivre la mise ou encore au siège des entreprises locales en route des projets structurants, notamment en matière d’énergie et innovantes, dont on ouvrira les usines à d’infrastructures, tout en développant le tissu industriel lié au secteur la visite pour les participants. Un rythme agricole. Il veut un bilan. Et montrer que “son” Mali avance, malgré haletant qui semble parfaitement convenir tout », commente un observateur proche du pouvoir. Dans les quartiers, à celui qui se plaint parfois des lenteurs qui à Bamako comme ailleurs, les populations, elles, ne se sentent pas trop accompagnent la mise en place des mesures concernées par le forum Invest in Mali. Elles continuent à s’activer, avec au sein de l’API et aimerait que tout aille cette particularité très malienne de cumuler les petits boulots à l’infini, encore plus vite. En dehors des heures de flairer les opportunités d’import-export de ceci ou cela, investir dans un bureau (quand elles existent !), Moussa terrain pour y construire des appartements à louer ou y installer une Ismaïla Touré, dont l’épouse est cadre dans plantation à rendement. Car au-delà des considérations politico-éconoune banque, profite de ses quatre enfants. miques, elle réside sûrement là, la vraie richesse. Dans les ressources C’est aussi un passionné de basket-ball. Il a humaines et la mentalité traditionnellement « business » des Maliennes été joueur et arbitre international en France et des Maliens. Et c’est une vraie opportunité aussi pour les investisseurs et au Mali. Et ne rate jamais un match. ❐ E.P. attendus début décembre. ❐

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Investissements Un climat propice Malgré sa légère régression dans le classement « Doing Business » 2018, le pays continue sur sa lancée et veut retrouver sa place économique dans la région.

PAR CÉLIA D’ALMEIDA

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our faire des affaires, le Mali est « the place to be ». C’est le disemprunt obligataire lancé il y a un an, le pays a cours tenu depuis plusieurs mois et largement repris par les plus de nouveau réussi à mobiliser sur le marché finanhautes instances du pays. Il faut dire que Bamako a tout intécier de l’Union économique et monétaire (UEMOA) rêt à se vendre, lui qui attend environ 800 hommes d’affaires plus de 100 milliards de francs CFA pour le finandont 300 étrangers pour le forum Invest in Mali, qui se tiendra les 7 et cement de projets, notamment la construction de 8 décembre. Une foire aux projets, des rencontres B to B, des sessions routes et d’aménagements agricoles. « En quelques d’échanges, de quoi montrer au monde que, malgré les aléas, le Mali reste mois, nous avions obtenu 102 milliards. Nous avons une terre d’opportunités. Plusieurs dizaines de projets dans les secteurs de donc décidé d’arrêter. Ceci démontre encore une l’énergie, des infrastructures, de l’agriculture et de l’élevage sont d’ailleurs fois la confiance des investisseurs en notre pays », déjà sur la table, pour allécher ceux qui veulent « faire le pari du Mali », déclarait le DG de la SGI-Mali, Amadou Baba Cissé, selon le slogan de cette rencontre. La 143e place au palmarès de l’améliolors de la cérémonie de cotation de cet emprunt, qui s’est déroulée fin août à Bamako en présence ration du climat des affaires, publié par la Banque mondiale, ne devrait du directeur général de la Bourse régionale des pas affecter négativement cet élan. En effet, même s’il recule de deux valeurs mobilières (BRVM), Edoh places par rapport au « Doing Business » 2017, le Mali Kossi Aménouvé. Une autre premaintient le cap avec des réformes « focalisées sur la La tendance au mière que cette cotation, au cours facilitation de la création d’entreprise, le paiement des partenariat publicde laquelle le directeur du Trésor impôts et taxes, le commerce transfrontalier et l’accès privé s’est accentuée et de la comptabilité publique au financement », nous apprend-on au ministère de la et des projets sont du Mali, Sidi Almoktar Oumar, Promotion des investissements et du secteur privé. en cours, avec la saluait le fait que « nos finances collaboration de l’État publiques sont désormais assaiMOBILISER SUR LE MARCHÉ FINANCIER et d’opérateurs locaux. nies », raison pour laquelle « nous Mais, au-delà du discours positif, il y a aussi la réalité avons autant d’investisseurs. Nous des chiffres. « L’économie malienne se porte relativedevons garder cette crédibilité ». Pour dynamiser ment bien si on regarde les indicateurs traditionnels auxquels se réfèrent les l’activité économique du Mali et créer des richesses experts pour faire leur évaluation », se réjouissait début octobre le ministre et des emplois durables, seul véritable indice pour de l’Économie et des Finances, Boubou Cissé. Un taux de croissance le mieux-être des populations, l’État du Mali et les constant à 5 % – et même 6 % prévus pour 2017 –, des investissements acteurs de son économie misent sur le secteur privé. importants, surtout dans le secteur des infrastructures et des réformes La tendance au partenariat public-privé (PPP) s’est volontaristes dans le sens de l’amélioration du climat des affaires : autant de accentuée ces dernières années et plusieurs projets paramètres positifs, selon le ministre. Autre indice de la bonne perception sont en cours grâce à la collaboration entre l’État dont bénéficie le Mali : la réponse des marchés financiers à ses sollicitations et des opérateurs économiques locaux et étranen matière de mobilisation de fonds. Après le succès de son tout premier

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gers. « La centrale hybride de Ségou (4e région administrative du pays et pôle économique, ndlr) va être faite en PPP. Les passeports maliens sont aujourd’hui fabriqués grâce à un PPP avec une entreprise française. Ce sont des milliards de francs CFA qui sont mobilisés pour mettre en œuvre ces projets. On appelle cela chez nous la délégation de services publics, c’est l’une des formes du PPP. Il y a aussi la concession et le contrat de marchés, où c’est l’État qui paie directement l’opérateur privé », explique Daouda Coulibaly, directeur général du cabinet de formations Trainis et initiateur du premier Forum PPP Afrique qui s’est tenu à Paris les 24 et 25 octobre 2017. DES ARGUMENTS ATTRACTIFS Les opérateurs économiques maliens comptent « sur ces partenariats pour acquérir de nouvelles compétences, obtenir un transfert de technologies et mettre en œuvre des projets qu’ils ne pourraient jamais réaliser seuls » estime pour sa part Mamadou Sinsy Coulibaly, président du Conseil national du patronat du Mali (CNPM). Ce type de financement est également appelé du côté des industriels. Ces derniers ont entrepris de nombreuses actions, avec comme cadre leur « Livre blanc » et ses mesures pour booster un secteur encore trop faible dans l’économie malienne (autour de 10 % du PIB). Ces dernières trouvent une résonance positive au sein du jeune ministère du Développement industriel qui, avec un peu plus d’une année d’existence, mobilise les acteurs afin d’« avoir une industrie par substitution d’importation », permettant de « transformer ce que nous consommons », comme le souhaite Mohamed Aly Ag Ibrahim, chef dudit ministère. Un marché sans cesse croissant (la population malienne est estimée à près de 18 millions d’âmes en 2017) et une ouverture de plus en plus grande sur les pays voisins, en particulier ceux de l’hinterland (pays sans débouchés maritimes), grâce à un réseau routier qui se développe constituent des arguments attractifs pour les investisseurs, même si la question de la fourniture en électricité et de son coût reste encore un défi à relever. À voir l’engouement actuel pour la création d’entreprises industrielles, petites et grandes, les opérateurs économiques maliens comme leurs partenaires étrangers semblent avoir décidé de mettre les bouches doubles. ❐

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Interview Konimba Sidibé « Les réformes ont déjà porté leurs fruits» Le ministre de la Promotion de l’investissement et du secteur privé fait le point sur les projets en cours pour favoriser les affaires. AMB : Des réformes ont été menées pour contribuer à l’amélioration de l’environnement des affaires au Mali. Quelles sont-elles ? Konimba Sidibé : Depuis des années, le Mali mène des réformes dans le cadre de l’amélioration du climat des affaires. Et elles ont déjà porté leurs fruits, au vu du bon score enregistré par le Mali dans le classement du « Doing Business » 2017 de la Banque mondiale, qui proclame notre pays comme premier pays réformateur de l’UEMOA et de l’espace Ohada. La mise en place de ce dispositif a été saluée par les partenaires techniques et financiers, et a permis d’atteindre des résultats jugés fort encourageants. Parmi ces réformes majeures, on peut citer : la création d’entreprise en 72 heures ; la déconcentration du Guichet unique dans trois régions administratives (Kayes, Ségou et Sikasso) ; la réduction du capital de la sarl de 1 000 000 francs CFA à 5 000 francs CFA ; la création du bureau d’information sur le crédit et l’adoption d’une loi sur les PPP et la création d’une Unité PPP. Plusieurs chantiers sont en cours pour contribuer davantage à l’amélioration du climat des affaires. On peut citer : l’informatisation du registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM), du permis de construire, la réduction du délai de création d’entreprise, la relecture du Code des investissements, la création de sarl par acte sous seing privé, etc. À cela s’ajoute la poursuite de la politique de déconcentration du Guichet unique, avec l’ouverture prochaine des antennes régionales de Mopti et Gao.

Quels sont les avantages majeurs du Code des investissements en vigueur ? Ses inconvénients, s’il y en a ? Les avantages majeurs liés au Code des investissements portent sur l’exonération totale de droits de douane sur les équipements de production importés et la réduction du taux d’imposition de 30 % à 25 %, à quoi s’ajoute l’exception du paiement de la TVA. La durée du bénéfice de ces deux derniers avantages varie en fonction du niveau d’investissement.

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De même, le code encourage les entreprises qui L’agriculture et ses sous-secteurs que sont l’élevage et la pêche constivalorisent les matières premières locales et qui les tuent des secteurs très dynamiques. Le développement du Mali passe transforment localement, les entreprises d’exporobligatoirement par la mise en valeur de son imposant potentiel agritation, celles qui sont installées dans les zones cole. Aujourd’hui, il faut créer des chaînes de valeur dans les différents industrielles et celles qui sont dans une dynamique sous-secteurs agricoles. Cela engendrera localement de la richesse, mais d’innovation technologique. aussi et surtout des emplois pour notre jeunesse fortement affectée par le En d’autres termes, pour être beaucoup plus phénomène du chômage. Pour atteindre cet objectif, il nous faudra moderexplicite, les avantages douaniers portent sur niser le secteur, créer des unités de transformation, afin de ne plus avoir l’exonération de droits de douane et de TVA au à exporter en l’état nos productions. Prenons le cas de la filière viande, cordon douanier des matéoù nous exportons tout sur pied, alors que nous avons riels, machines et outillage le cheptel le plus important de la sous-région. Il s’agira « Il faut créer nécessaires à la réalisation du de créer, de l’embouche à l’abattage frigorifique, aux des chaînes de programme d’investissement containers frigorifiques, aux tanneries et autres conservaleur dans les sousdurant trois ans. Comme avanveries, de la valeur ajoutée et d’exporter des produits tages fiscaux, nous offrons l’exotransformés. Mais cela, vous en conviendrez avec moi, secteurs agricoles. nération de TVA des matériels, n’est pas envisageable sans infrastructures, sans routes, Cela engendrera de la machines et outillage achetés et bien évidemment sans énergie. richesse, et surtout, sur place et de toute prestation Qu’attendez-vous du forum Invest in Mali ? des emplois. » de service pendant le délai de Quelles retombées concrètes ? réalisation du programme d’inNous attendons d’abord que le forum entraîne un vestissement, fixé à trois ans. changement du discours sur le Mali. Ce qui permettra aux investisseurs d’avoir une bonne perception des opportunités et l’environnement des Quels sont les principaux partenaires affaires, et en même temps de booster l’investissement. Le forum Invest économiques du Mali ? in Mali souhaite présenter les opportunités d’investissement ; faire savoir Outre les partenaires traditionnels que sont les aux investisseurs potentiels que le climat des affaires au Mali est suffisampays membres de l’Union européenne, la Chine, ment attrayant et compétitif ; développer des partenariats d’affaires entre les États-Unis d’Amérique, la Turquie, le Maroc et opérateurs privés. Invest in Mali constitue une étape importante dans la l’Afrique du Sud, avec le développement du secpromotion de la destination. Nous travaillons à ce que cette dynamique de teur minier, les pays de la Cedeao restent des parconfiance et de partenariat entre investisseurs étrangers et maliens donne tenaires majeurs. lieu à des projets qui seront réalisés dans les secteurs clés du développeLes secteurs les plus attractifs à ce jour ment socio-économique de notre pays. ❐ propos recueillis par E.P. pour les investisseurs ?

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Agriculture et élevage Le premier potentiel L’économie de tradition agropastorale repose à 80 % sur le travail de la terre, qui représente environ 40 % du PIB. La richesse de son bétail lui confère aussi une place de choix dans l’espace UEMOA. Mais des progrès et des innovations sont encore à mener dans les deux secteurs.

L

e territoire dispose d’un potentiel de plus de 2 millions d’ha de terres irrigables, auxquels s’ajoute le périmètre irrigué de l’Office du Niger, qui est l’un des plus vastes du continent : 1 947 000 ha. Situé sur le delta intérieur du fleuve Niger, il se trouve à environ 250 km de Bamako, à égale distance des villes de Ségou, Niono, Mopti et San. Au total, le pays atteint presque la barre des 7 millions d’ha de terres arables. Deuxième producteur de coton, derrière le Burkina Faso, le Mali a connu une saison 2016-2017 réussie, avec plus de 645 000 tonnes récoltées. Même rang pour le secteur céréalier, puisque le Mali se place derrière le Nigeria, avec une production de près de 9 millions de tonnes pour la saison, riz, maïs, mil et sorgho cumulés. De quoi confirmer sa réputation de « grenier de l’Afrique de l’Ouest ». Le secteur de l’élevage est considérable : il représente 30 % de l’ensemble du cheptel de l’espace UEMOA, ce qui correspond à une valeur de 100 millions de dollars. Le pays est en outre le premier producteur de lait de la zone, avec 600 millions de litres par an.

Au salon organisé par l’Association malienne pour le développement et l’amélioration de la race ovine et caprine, en octobre 2017 à Bamako.

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Certains chiffres sont, certes, porteurs d’espoir mais, dans la réalité, une refonte du secteur doit être opérée. Sans quoi l’État ne pourra pas jouir pleinement de ses ressources agricoles. De nombreuses filières sont porteuses, comme le sésame, la gomme arabique ou l’anacarde. Le Mali est l’un des dix producteurs de cette denrée en Afrique de l’Ouest. En 2015, 38 000 tonnes d’anacarde ont été produites localement, mais seules 1 500 tonnes ont été transformées de façon artisanale. Les producteurs sont donc obligés de vendre leur matière première pour la transformation. Ce qui amène à s’interroger sur l’industrialisation, la modernisation et enfin la mécanisation de ce secteur d’activité. La problématique des infrastructures agricoles a d’ailleurs été le thème principal de la sixième édition du Salon international de l’agriculture, à Bamako, en 2016. D’après le ministre de l’Agriculture, Nango Dembélé, le gouvernement envisage de faire un pas de géant en passant d’un taux de mécanisation actuellement au-dessous de la barre des 5 % à plus de 60 %. Aujourd’hui, 15 % du budget national est alloué à l’agriculture, soit 5 points de moins que ce qui avait été décidé à Maputo, en 2003, dans le cadre du Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA). Pour la période 2014-2018, 100 000 ha supplémentaires ont été octroyés au secteur de l’agriculture via le Programme gouvernemental d’aménagement (PGA). Le potentiel agricole malien n’est exploité qu’à hauteur de 7 %, l’espace inexploité correspondant à une superficie plus grande que l’Allemagne : c’est dire l’ampleur de la capacité en sommeil. ❐

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PAR FOUNÉ DIARRA



PROJET DU NO LES GRANDES L’Agence des technologies de l’information et de la communication (AGETIC) a pour mission de concevoir, développer et entretenir les infrastructures TIC des services publics, de veiller à la mise en œuvre de la stratégie nationale dans le domaine des TIC, de former et renforcer les capacités au sein des services publics et parapublic de l’Etat et des collectivités territoriales, de gérer le nom de domaine .ml et de participer à la mise en œuvre de l’accès universel et appuyer toutes les initiatives visant à l’appropriation des TIC par tous.

L’AGETIC occupe, depuis sa création, des locaux au sein de la Bibliothèque nationale qui n'ont pas été conçus pour elle. Aujourd’hui, elle a besoin d’un siège qui lui soit adapté, qui lui permette de déployer ses différents services techniques et ses activités, d’y développer ses projets et de répondre parfaitement à ses missions. Un terrain de 4 à 5 hectares a été attribué à l'AGETIC à Bamako pour abriter son nouveau siège. Un projet global a été conçu pour faire de l’AGETIC un véritable campus composé des bâtiments suivants : Une tour pour l’Administration générale. Une tour pour l’ensemble des directions techniques de l'AGETIC avec une déchetterie électronique.

Une tour pour la formation en TIC comprenant un Centre de perfectionnement (destiné aux agents de l'état, aux collectivités territoriales et à la société civile), un Incubateur d'entreprises juniors TIC et une Cellule des Certificats, Licences et Attestations. L’Incubateur d'entreprises abritera 24 startup TIC pour une durée de 24 mois. Un comité de pilotage recevra et sélectionnera (selon des critères prédéfinis) les candidatures à l'hébergement par l'Incubateur. Les jeunes entrepreneurs pourront ainsi bénéficier de 2 bureaux, d’une connexion Internet haut débit, d’un encadrement et d’un appui dans la recherche de financements et de marchés. Un bâtiment pour la production d'énergie ondulée et stabilisée (UPS) 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à toutes les composantes du


OUVEAU SIÈGE : S AMBITIONS DE L’AGETIC

PUBLI-REPORTAGE

Campus de l'AGETIC. sa fonction étant primordiale pour la bonne marche de toutes les installations, il est important que sa gestion soit dès plus rigoureuse. Son accès sera ultra sécurisé et bien filtré. Un espace de détente, de sport et de loisirs. Un bâtiment de commerces et services appelé Sugunin. Un amphithéâtre central de 600 places, l’Hexagone. Son rôle est d'abriter tous les événements assurant une animation numérique. Les activités de l'AGETIC, des entreprises TIC ou de la société civile y trouveront un cadre adéquat numérisé pour tenir congrès, colloques, festivals et autres rencontres du domaine des TIC. Des parkings et un vaste espace arboré.

L’AGETIC disposera aussi d'un Centre de calcul dont la puissance sera mise au service de l'administration publique, des privés et de la société civile. Des connexions partiront de la Salle d'arrivée vers toutes les installations de l'AGETIC pour rendre la connexion haut débit sécurisé et la puissance de calcul à disposition. Deux laboratoires de développement sont également prévus dans les installations. Un laboratoire hardware est destiné à la conception ou au test d'équipements et machines pour les administrations, les services et organismes para publics et pour les collectivités territoriales. Un laboratoire software est destiné à la conception ou au test d'applications métiers pour les mêmes bénéficiaires. Le campus de l’AGETIC sera respectueux de l'environnement. Un forage fournira les infrastructures en eau. Des panneaux solaires et de l’huile de jatropha permettront de faire

fonctionner les équipements et les groupes électrogènes. La déchetterie permettra de traiter tous les rebus électroniques produits.


Mali

Les travaux de l’autoroute Bamako- Koulikoro devraient s’achever en 2018.

Infrastructures Un nouvel élan Sans façade maritime, le développement socio-économique passe en priorité par les transports. Quid des principales réalisations du moment ? PAR FOUNÉ DIARRA

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epuis les années 1990, le pays s’est doté d’une politique de transports ambitieuse qui s’inscrit dans le Cadre stratégique pour la croissance et la réduction de la pauvreté (CSCRP). En octobre 2015, le chef de l’État, Ibrahim Boubacar Keïta, procédait au lancement des travaux d’aménagement en 2 x 2 voies de l’axe Bamako-Koulikoro ainsi qu’à la construction du pont de Kayo, non loin de Koulikoro, sur le fleuve Niger. Cette infrastructure et ses voies d’accès devront relier Koulikoro avec les régions de Ségou, Mopti, Tombouctou, Gao et Kidal par le biais de la route nationale 6 (Bamako-Ségou) au niveau de Zantiguila. La fin des travaux est prévue en 2018. Les populations ellesmêmes s’impliquent dans ce processus de désenclavement, comme ce fut

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le cas dans la ville de Kayes. Les habitants ont su se faire entendre du gouvernement lors d’une marche pacifique, en 2016, demandant la construction d’un second pont. Le démarrage des travaux a eu lieu en février dernier et le résultat final sera visible courant 2019. D’une longueur de 532 mètres, cette nouvelle réalisation permettra de désengorger le premier pont. Car la plupart des marchandises en provenance de Dakar transitent par Kayes. Le coût de l’opération est de 60 milliards de francs CFA, soit 90 millions euros. La capitale, elle, dispose déjà de trois ponts. Pour faciliter la circulation entre les deux rives du fleuve Niger, les autorités maliennes veulent s’atteler à la construction d’une quatrième structure. Ce nouveau pont bamakois, qui limitera les embouteillages et, par la même occasion, la pollution atmosphérique, proposera, à la différence des autres, un passage payant. En raison du contexte sécuritaire dans le nord du pays, les travaux de construction des 565 km de la route Niono-Tombouctou et de la bretelle Goundam-Diré, financés par l’Union européenne à hauteur de 197 millions d’euros via son 10e Fonds européen de développement (FED), ont été reportés. Dans le cadre de la politique de désenclavement des régions du Nord, le gouvernement et ses partenaires techniques et financiers ont décidé de mettre l’accent sur une dizaine de chantiers, à commencer par la rénovation de l’aéroport de la ville de Gao, qui bénéficie d’une cure de jouvence grâce à un financement multiple issu de la Minusma, la mission des Nations unies, du Mali et enfin de l’Allemagne, et par la construction d’un aéroport à Kidal, pour un montant prévu de 32 milliards de francs CFA (48,6 millions d’euros). Ces deux projets, pour ne citer qu’eux, destinés à rompre l’isolement de cette partie du pays témoignent d’un effort pour assurer la stabilité de la zone de Tombouctou, Gao et Kidal, importante dans le processus de paix. Elle couvre une grande partie du territoire malien, absorbant 66 % de l’espace total. Une situation paradoxale, car ce même espace ne concentre que 8,8 % de la population, soit moins de 2 millions d’habitants. Si le pari du désenclavement tient ses promesses, les régions du Nord (y compris les deux nouvelles régions, Menaka et Taoudéni) pourront revoir à la hausse leur contribution à l’économie nationale. En 2015, elle n’était que de 5 %. ❐

EMMANUEL DAOU BAKARY

DESTINATION BUSINESS


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Mali

Orange a déployé son réseau de « quatrième génération » en août 2017.

TIC Préparer demain… Le Plan Mali numérique 2020, qui devrait sortir le pays du fossé numérique, sera bientôt lancé. En attendant, le secteur bouge, avec l’arrivée de la 4G, un nouvel opérateur, des innovations au niveau de l’administration et la vulgarisation de l’accès au téléphone portable…

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fficiellement annoncé en décembre 2014, le Plan Mali Numérique 2020 n’a toujours pas démarré. « La mise en œuvre n’a jamais véritablement commencé. Il devait y avoir une table ronde des bailleurs de fonds mais elle n’a jamais été organisée », explique un cadre du département de l’Économie numérique et de la Communication. Avec ses 6 axes stratégiques, le projet a pour objectif de promouvoir le développement socio-économique du Mali à travers les TIC. En attendant la mobilisation des fonds pour son lancement effectif, les acteurs publics et privés préparent la généralisation de l’accès aux réseaux et services numériques, mais aussi la diversification des usages et le développement d’une industrie locale.

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Avec l’avènement de la 4G chez l’opérateur de télécommunications Orange Mali et le premier appel de son nouveau concurrent Alpha Telecom Mali (Atel Mali), qui a finalement réussi à finaliser son implantation, le secteur de la téléphonie se montre tout aussi dynamique que par le passé. Même si la qualité des prestations et leur coût restent deux questions à résoudre. Les opérateurs s’en défendent mais leurs clients sont convaincus qu’ils peuvent mieux faire, en particulier dans la fourniture d’Internet. On a d’ailleurs assisté fin

EMMANUEL DAOU BAKARY

PAR CÉLIA D’ALMEIDA


Bamako is back!

EMMANUEL DAOU BAKARY

octobre 2017 à un événement inédit : une marche des usagers des réseaux de téléphonie mobile à Tombouctou pour réclamer de meilleurs services. L’arrivée tant attendue du troisième opérateur et l’annonce d’un quatrième déjà sur les rangs devraient agir positivement sur le marché. En ce qui concerne les infrastructures, la fibre optique, dont le déploiement se poursuit, assurera à terme la connexion des huit capitales régionales et l’interconnexion avec les pays voisins en généralisant l’accès à l’Internet, avec pour objectif le développement du haut débit mobile, ce qui devrait concourir à la mise en œuvre, différée depuis juin 2015 du passage au numérique audiovisuel. Tous ces chantiers n’empêchent pas la réalisation d’actions sur le terrain. « À l’Agetic, nous avons choisi certaines actions qui figurent déjà dans le Plan […]. Elles concernent en priorité la digitalisation de l’action malienne », explique Hamed Salif Camara, directeur général de l’Agence pour la promotion des TIC. « Plusieurs applications ont été développées pour dématérialiser les procédures au niveau de l’administration et en faciliter l’accès aux usagers et aux agents de l’État. Par ailleurs, il s’agissait dans le Plan de développer les infrastructures. Aujourd’hui, la connexion des services publics a connu un bond important. Plus d’une centaine de services sont connectés à la fibre optique et peuvent désormais produire de la vidéoconférence ou des services qui sont sur l’intranet, comme la messagerie gouvernementale, la vidéosurveillance de la capitale, les services de communication des forces de sécurité, etc. », poursuit-il. UNE PALETTE DE NOUVEAUX OUTILS L’économie numérique locale se développe également, mais elle demeure tributaire de la qualité de la fourniture Internet. De nombreux outils et services ont ainsi vu le jour ces dernières années, allant des applications aux médias en ligne. « Le secteur est dynamique parce que les gens y voient des opportunités et ont des solutions à proposer aux besoins croissants de la population. C’est de bon augure pour le développement du Mali », se réjouit Tidiane Ball, médecin et initiateur de l’application Doctix ainsi que de l’incubateur DoniLab, où de nombreux autres projets dans le domaine sont en cours d’élaboration ou de mise en œuvre. ❐

3 questions à… HAMED SALIF CAMARA Directeur général de l’Agence des technologies de l’information et de la communication (Agetic)

« À BAMAKO, TOUTES LES STRUCTURES SONT CONNECTÉES » AMB : Quel est le rôle de l’Agetic ? En 2005, le Mali a lancé un vaste projet de mise en réseau des services de l’administration, par faisceau hertzien. Puis, on a mis en place un projet d’interconnexion par fibre optique. Aujourd’hui, des centaines de services sont connectés : les ministères, les directions des contrôles financiers et du budget, les impôts, les directions des finances et du matériel, les établissements publics, les gouvernorats… A Bamako, tout est fait. Idem pour les liaisons entre la capitale et les régions. À l’intérieur du pays, le processus est en cours. Mais depuis 2012, l’insécurité a ralenti notre effort. En 2015, on a tiré le câble pour aller jusqu’à Tombouctou, Gao et Kidal. Mais il a été déterré par endroits, voire détruit par des terroristes…

Vous avez développé des applications? Lesquelles ? On peut citer l’application de gestion de la dépense de l’État ou des marchés publics, ou du courrier, dans l’objectif d’une « administration zéro papiers ». Nous avons aussi créé un logiciel d’archivage qui va permettre de sécuriser les archives du Mali depuis les années 1960. On a également lancé une application de gestion des marchés en consultation restreinte afin que le client et le fournisseur travaillent en ligne, dans la plus grande transparence. Nous avons aussi créé une version mobile des démarches administratives.

Quel est le budget de votre programme et quel est son mode de financement ? L’Agetic a deux modes de financement. Nous vivons de la subvention de l’État, qui s’élève à 1,6 million de francs CFA par an. Et aussi de ressources propres qui proviennent des prestations facturées aux services publics, comme les formations, le développement d’applications… Cela nous permet de combler le déficit budgétaire pour faire face à notre mission. Car depuis les événements de 2012, nous ne bénéficions plus du soutien des partenaires techniques et financiers. Avant cette date, le budget de l’Agetic s’élevait à 7 milliards par an ! Aujourd’hui, la priorité porte sur la sécurité du territoire. Et nous pensons justement que, de nos jours, les technologies de l’information et de la communication doivent y être associées. On a par exemple installé un programme de surveillance de nos villes. Bamako est déjà totalement sous contrôle, Sikasso aussi. Et on compte étendre cela aux autres villes du pays. ❐ propos recueillis par E.P.

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Panneaux solaires DESTINATION photovoltaïques à Bankass, au centre du pays.

BUSINESS

Mali

Énergie Le choix du renouvelable Avantages climatiques, géographiques et autres atouts naturels… Autant de ressources prometteuses qui ne demandent qu’à être exploitées. PAR FOUNÉ DIARRA

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EMMANUEL DAOU BAKARY

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par deux fleuves (le Niger et le Sénégal). Le potenu Mali, la biomasse (bois de chauffe et charbon) constitue la tiel en hydroélectricité se concentre sur ces deux principale source d’énergie et représente 78 % du mix énercours d’eau. D’après les estimations, sa production gétique du pays. D’après la BAD, « son mode de ramassage et d’énergie pourrait atteindre 5 000 Gwh/an. d’utilisation est généralement informel et traditionnel » et des Comme l’explique Alkeydi Touré, directeur de la problèmes de pollution atmosphérique ont été observés chez les populastratégie Afrique d’Akuo Energy. « Le Mali, en raison tions rurales. En dépit de cela, d’autres matériaux comme les « quantités de son déficit énergétique et du poids des énergies de résidus agricoles et agro-industriels ainsi que l’important potentiel de fossiles dans son mix, a fait le choix de développer production d’huile végétale de substitution et d’alcool carburant » sont son potentiel considérable au niveau des énergies à prendre en compte, selon Souleymane Berthé, directeur général de nouvelles, et cela par le partenariat public-privé. l’Agence des énergies renouvelables du Mali. Cette politique s’est traduite de manière concrète Alors que le taux d’électrification de l’Afrique subsaharienne est de par la négociation de plusieurs concessions de type 43 %, le Mali est partiellement au-dessus de cette moyenne continentale. PPA, dont la convention signée le 21 octobre 2015 Le pays est électrifié à 55 % dans les centres urbains, contre 15 % dans avec Akuo Energy pour construire et exploiter une les zones rurales. Pour parfaire le réseau énergétique, des partenariats centrale photovoltaïque de 50 MW à ont été scellés, notamment entre l’Agence française Kita, dans le centre ouest du Mali. » de développement et l’État malien pour la confection Le pays est D’après le site officiel de l’Agence de d’une nouvelle ligne haute tension reliant Manantali à électrifié à 55 % la promotion pour les investissements Bamako. Estimation des travaux : 80 millions d’euros. dans les centres au Mali, « les contrats de PPP signés ou « La situation géographique du Mali, propice à l’interurbains (au-dessus en voie de l’être s’élèveront à 300 MW connexion des réseaux électriques des pays voisins de la moyenne en 2020 ». La production d’électricité ouvre des opportunités pour la réalisation de grandes continentale), issue des ressources naturelles – hors centrales solaires et éoliennes », ajoute Souleymane Bercontre 15 % dans hydroélectricité – pourrait atteindre thé. Autres atouts, le pays bénéficie d’une durée d’ensoles zones rurales. 4 % d’ici à 2019-2020. ❐ leillement de sept à dix heures par jour et est traversé


Bamako is back !

Réussites Un jour, ils se sont lancés Pleins d’envies et d’idées, elles et ils ont monté leur entreprise, bravant les difficultés. Portrait de six femmes et hommes d’affaires qui n’ont pas froid aux yeux. PAR AURÉLIE DUPIN

SÉBASTIEN RIEUSSEC POUR AMB

AMADOU DIAWARA

IBRAHIM MAÏGA

DELTA CHALLENGE SOLUTIONS

TAXI PLUS VIP

Champion de la new tech

Un conducteur hors pair

SON ALLURE JUVÉNILE et son accent parisien n’annoncent pas, a priori, les grandes ambitions d’Amadou Diawara. Pourtant, ce trentenaire évolue vite et bien depuis son retour au Mali, en 2010, après des études en ingénierie des infrastructures informatiques et quelques années d’expérience dans une enseigne de distribution d’outils de bureautique en France. Il fonde d’entrée Famib, une société qui commercialise du matériel informatique et développe des solutions pour les entreprises ou des entités publiques. Il a notamment conçu un logiciel de gestion des ressources humaines employé par le ministère de la Fonction publique et celui des Finances, et un service de SMS banking utilisé par plusieurs établissements financiers de la place. Famib s’installe en Côte d’Ivoire dès 2014, puis au Niger en 2016. La même année, Amadou Diawara s’associe au leader français du mobilier de bureau, Sokoa, pour créer sa filiale malienne. Fort de plus de 2 000 références, Sokoa Mali, c’est aussi la première chaîne de montage de mobilier de bureau du pays, avec une capacité de production de 700 fauteuils par mois et plus de 30 références exportables bles dans la sous-région. Le cabinet abinet Delta Challenge Solutionss est le dernier-né du jeune entrepreneur. preneur. En regroupant des consultants tants et des ingénieurs maliens et étrangers, il propose des prestations aux standards internationaux.. Le cabinet travaille aussi à un schéma directeur pour le Mali émergent 2016-2027 et pour l’aménagement du territoire.

PAR UNE CHAUDE SOIRÉE DE 2014, Ibrahim Maïga arrive à l’aéroport de Bamako. Personne n’est disponible pour venir le chercher. Il prend donc un taxi. Mais la quasi épave dans laquelle il embarque le marquera pour toujours : elle met de longues minutes à démarrer, et sa carrosserie d’un âge avancé laisse entrevoir l’asphalte qui défile sous le véhicule… Pour ce jeune entrepreneur à la tête d’une petite société de transport à Montréal, la nécessité du retour au pays s’impose alors, mettant un terme à son expatriation entamée douze ans auparavant, en Suisse puis au Canada pour des études scientifiques. Il abandonne en 2015 ses dix véhicules de transport de courrier et son camion de déménagement de la capitale québécoise pour regagner Bamako. S’il n’a que 35 ans, Ibrahim Maïga veut « créer des milliers d’emplois ». Les activités de Taxi Plus VIP, lancées sur fonds propres, démarrent en 2016 avec une vingtaine de véhicules qui sont aujourd’hui devenus 60, seront 100 d’ici à janvier 2018 et devraient atteindre les 400 à la fin de l’année prochaine. Voitures clima climatisées et service de proximité, la structure travaille avec des sociétés privées et des particuliers. Approché par les syndicats des A taxis pour devenir deven leur président, le natif de Sikasso veut aff affecter positivement le secteur en proposant un une offre plus qualitative et une gestion professio professionnelle. Et parce qu’il compte bien révolutio révolutionner les transports urbains, Ibrahim Ibrahi Maïga travaille à la mise en place d’un projet de bus pour la capitale malienne, en partenariat avec la mairie du district et le constructeur nigérian IVM. Un partenariat public-privé 100 % ouest-africain ! 1

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Mali

ABOU AMADOU GUITTEYE

DJAMILA FERDJANI BEN BABA

AFRICA SCÈNE

LAHAM INDUSTRIES

Des télécommunications à Sean Paul

En avant les produits frais!

CERTAINES PERSONNES naissent avec une aptitude innée. Abou Guitteye est né avec celle d’« ambiancer ». Peut-être est-ce parce qu’il a vu le jour à Poto-Poto, à Brazzaville. Peutêtre est-ce parce que son « papa était déjà dans l’ambiance » et qu’il a toujours encouragé le talent de son fils. Passé par le Mali et le Sénégal, c’est finalement à Casablanca, au Maroc, où il fit ses études en télécommunications, que « DJ Abou » fit ses premières armes en dehors du cercle familial. Des soirées étudiantes à celles de la communauté malienne, le jeune homme commence à développer une activité qui s’impose à lui. Il crée Africa Scène en 2003, organise ses premiers concerts et apprend au fil des erreurs et des réussites. En 2005, ses études achevées, il rentre au Mali. S’il trouve rapidement un emploi chez Orange Mali, il développe parallèlement Africa Scène et investit tout ce qu’il gagne dans du matériel. En 2009, il organise les concerts de Sean Paul et DJ Arafat au stade Modibo Keïta, à Bamako. Cherchant à aller toujours plus loin dans l’innovation, il tente de « faire les choses différemment des autres ». Mais c’est son sérieux et sa régularité qui le distinguent, lui qui met autant d’application à organiser une fête d’anniversaire qu’un événement institutionnel. Chez ses 37 employés, qu’il envoie régulièrement en formation, il cultive l’esprit d’équipe et le souci de la performance. Autant d’ingrédients d’une recette qui lui permet de se consacrer exclusivement à son entreprise à partir de 2015. À 38 ans, Abou Guitteye voit loin et prépare de gros investissements pour asseoir définitivement Africa Scène comme la référence event au Mali.

SA VOIX EST DOUCE ET CALME. Son parcours est celui d’une femme d’affaires avertie. Diplômée de l’École supérieure d’administration des entreprises à Paris, c’est à Conakry que cette Tombouctienne par sa mère démarre sa vie professionnelle en commercialisant la marque Toyota. De retour à Bamako, elle construit à l’occasion de la CAN 2002, un hôtel 4 étoiles au bord du fleuve Niger. Elle en confie la gérance au groupe Kempinski puis le vend au groupe libyen Laico en 2006. Pour faire honneur à l’héritage familial commerçant, Djamila Ben Baba lance également un thé, « La Gazelle ». Mais le projet que cette cinquantenaire a mûri pendant longtemps est industriel. Elle crée Laham Industrie et commence la construction d’un abattoir moderne à Kayes en 2012 afin de transformer et exporter de la viande non seulement vers le Sénégal, mais aussi vers tous les pays intéressés par des produits halal. L’investissement est important, environ 4 milliards de francs CFA, et la capacité de production; de 300 bœufs par jour. C’est en 2015 que l’abattoir démarre ses activités et l’année suivante, Djamila Ben Baba lance à Bamako le Carré fermier, dont la vocation est de distribuer de la viande, de la volaille, du poisson, des œufs et autres produits frais. En un an, sept franchises ont été ouvertes dans la capitale malienne où l’objectif qu’elle s’est fixé est de 180 points de vente pour des produits locaux de qualité et à un prix abordable. D’autres projets sont en cours, Mme Ben Baba ayant visiblement pour ambition de révolutionner la filière viande du Mali, qui détient le premier cheptel d’Afrique de l’Ouest.

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SIDI DAGNOKO SPIRIT MCCANN

HALATOU DEM

EMMANUEL DAOU BAKARY - SÉBASTIEN RIEUSSEC POUR AMB

Stratège et touche-à-tout DISCRET ET TRAVAILLEUR, Sidi Dagnoko aime entreprendre. Après une maîtrise en droit des affaires et un MBA en marketing à Bamako et Abidjan, il crée en 2000 une agence de communication, Multicom. La structure devient Spirit en 2004, en même temps que franchise McCann. En tant que directeur général, Sidi Dagnoko affine la stratégie et le positionnement, cherche à comprendre le marché, affûte les compétences et les organise en pôles pour développer une agence qui gère aujourd’hui la communication et les événements de clients d’envergure (Malitel, le GIE AMI, Bramali, Shell…). Mais l’horizon entrepreneurial de Sidi Dagnoko est vaste et, persuadé que « le développement du Mali passera par l’industrialisation », il donne vie en 2012 à Mandingo Industries, qui produit les gammes de thés Sahel Infusion, dont les matières premières sont produites et transformées au Mali par 50 employés et 22 coopératives agricoles. Quinquéliba, citronnelle et gingembre, en thé ou en infusion, sont distribués dans la sous-région, le seront bientôt aux États-Unis et en Europe et sont soutenus par le Danemark. Cet audacieux quadragénaire investit également dans de nombreux secteurs et entreprises stratégiques et n’hésite pas à se lancer sur de nouveaux chemins. De la théorie à la pratique (et inversement), pour Sidi Dagnoko, entreprendre est un tout au sein duquel le lobbying est une nécessité. Il est ainsi secrétaire général du Groupement patronal des agences de communication et très impliqué dans le Conseil national du patronat malien (CNPM), pour lequel il dirige un comité de travail sur la réforme économique que cette structure faîtière compte proposer au gouvernement.

DANAYA CÉRÉALES

La fée du fonio HALATOU DEM EST UNE HÉRITIÈRE. Sa mère lui a légué une petite entreprise familiale de transformation de céréales créée en 1992 et un goût d’entreprendre. Après une maîtrise de finances et management à Rabat, au Maroc, elle rentre à Bamako en 2008. Et quand sa mère lui propose de reprendre l’unité familiale, elle ne considère pas son offre avec sérieux. Mais une incursion dans le Mali profond au cours d’un stage chez Mali Biocarburant lui fait prendre conscience de l’importance de l’agriculture et des immenses potentialités de l’agroalimentaire. En 2010, à 24 ans, elle reprend donc Danaya Céréales et passe au stade industriel. La gestion en tandem pendant deux ans avec Aïssata Thiam Dem, sa mère, lui permet d’apprendre les exigences de matières premières comme le mil, le sorgho, le fonio ou le maïs. Aujourd’hui, la jeune femme travaille sans filet et si le chiffre d’affaires, d’environ 100 millions annuels, ne s’envole pas encore, elle pose patiemment les jalons de sa réussite. Après avoir professionnalisé la collaboration avec les coopératives de producteurs et leur production, elle déménage l’usine de Danaya Céréales dans la zone industrielle de Dialakorodougou en 2015, sur un espace de 2 000 m2. Elle y emploie une trentaine de personnes dont une vingtaine de permanents et mise tout sur la certification ISO 2200, afin d’investir les marchés européen et américain que son fonio, sans gluten, dont elle veut faire le nouveau quinoa, devrait séduire. Pour sa farine de mil fortifiée, c’est le marché malien qu’elle vise, en collaborant avec le Programme alimentaire mondial (PAM). ❐

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Sortir à Bamako Après le business… Bars branchés ou cuisine raffinée, lounges et hôtels tout confort : pour être sûr de ne pas vous tromper, suivez le guide. PAR EMMANUELLE PONTIÉ

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amako est une ville étendue, aux quartiers répartis des deux rendues incontournables dans la ville. C’est le cas côtés du fleuve, enchevêtrés de petites routes secondaires pas du Loft, au quartier Quinzambougou, véritable souvent bitumées. Il faut connaître les bonnes adresses car elles institution aux mets raffinés. Service au cordeau. ne se livrent pas de prime abord. Pour les femmes et les hommes L’établissement fait aussi hôtel, et propose quelques d’affaires qui cherchent une bonne idée pour organiser un déjeuner BtoB chambres au confort haut de gamme. Et bien sûr, ils sur le pouce, plusieurs restaurants ont ouvert dans le quartier ACI 2000, sont célèbres, sympas, style maquis à grillades, l’un hérissé des sièges flambant neufs des grosses sociétés de la place. Chez d’eux redécoré de mobilier baroque local et cocasse : Guido’s par exemple, la table climatisée à l’intérieur et ombragée en extéles Blabla (l’un au quartier Badalabougou et l’autre rieur est fort correcte, avec une palette de spécialités internationales et à Hippodrome). L’autre zone où pas mal de bonnes italiennes. Ou encore, il faut essayer le tout dernier Nubian Lounge, qui adresses sont disposées en enfilade, c’est le quartier propose de délicieuses quiches et des plats simples dans un décor moderne. du fleuve. On y mange international, et aussi thaï, Ainsi qu’une palette de pâtisseries, gaufres chocolat ou à l’excellent Soukhothai, moitié clim cupcakes gourmands. moitié jardin. En bord de Djoliba (le La plupart Autre table très courue, le Bamako Kitchen, qui préfleuve en bambara) toujours, pour un de ces adresses sente l’avantage d’offrir à la fois une salle climatisée à dîner romantique, on peut choisir le sont ultra la déco épurée pour les midis où le soleil culmine et où Badala et son ambiance tamisée le sécurisées à l’on sert des mets savoureux au rez-de-chaussée et un soir, à Badalabougou. Ajoutons, afin l’entrée, avec bar lounge branché pour le soir, où l’on peut choisir une de rassurer les inquiets, que la pludétecteurs ou sas série de bons tapas, installé à l’étage sur une vaste terpart de ces adresses sont ultra sécurasse à ciel ouvert. Et bien sûr, d’autres enseignes se sont risées à l’entrée, avec détecteurs ou hermétiques. sas hermétique. Enfin, côté hôtels, la capacité d’accueil est large. HorLes chambres mis l’ancien et imposant Amitié, qui et suites de abrite le Forum et sera donc pris l’hôtel Azalaï, d’assaut pour l’occasion, la plus belle totalement offre du moment est répartie entre rénovées le Radisson et le Salam. Le premier, marqué par un attentat en 2015, s’est bunkarisé avec portails de fer et sas inviolable à l’entrée. Il offre toujours les charmes de son beau spa. Le second, c’est le fleuron du groupe Azalaï. Chambres et suites rénovées, avec pans de bois chics et serviettes pliées en forme de cygnes. Belle piscine posée dans un jardin luxuriant. Une réussite. ❐


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LECTURES rassemblées par la rédaction

Le spectre d’une nouvelle crise

E

n juin 2017, Janet Yellen, la présidente de la Réserve fédérale américaine (Fed) déclarait dans un discours à Londres qu’il y avait « peu de chances pour que l’on assiste, de notre vivant, à une nouvelle crise financière comparable à celle de 2007-2008. » Un mois avant, l’économiste australien Steve Keen, auteur du best-seller néo-keynésien L’Imposture économique, publiait Can we avoid another financial crisis? en répondant par la négative. Dès les premières pages de son ouvrage, désormais disponible en français, il affirme qu’il y aura bien une nouvelle crise financière comparable à celle de 2008, peut-être même plus violente et plus dévastatrice pour l’économie réelle. Une nouvelle Cassandre comme en connaît la corporation des économistes ? Pas si sûr, car l’homme a pour lui d’avoir prédit la débâcle des subprimes au milieu de la dernière décennie. Et son raisonnement, exposé avec pédagogie, paraît imparable. Rappelant que les experts comme Janet Yellen et autres thuriféraires du marché n’ont pas vu venir le choc de 2008, il explique que cette cécité n’était pas accidentelle. Elle était due à l’incapacité de penser l’économie autrement qu’à travers le prisme néolibéral. Ces experts, aussi sérieux soient-ils, n’avaient pas les outils conceptuels pour prévenir un tel événement. On touche là le cœur de la réflexion de Keen. Pour lui, les grandes

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POUVONS-NOUS ÉVITER UNE AUTRE CRISE FINANCIÈRE ?, STEVE KEEN, préface

de Gaël Giraud, Les Liens qui Libèrent.

instances internationales comme le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) n’arrivent pas à appréhender le fait que les crises à répétition, parmi lesquelles figurent les krachs boursiers de 1987 et 2000, ne sont pas de simples accidents, mais bien des éléments structurels d’un système de plus en plus fou. Le livre est donc autant une mise en garde qu’un plaidoyer pour sortir des ornières idéologiques qui mènent de façon certaine au désastre. La question fiscale est un exemple parmi tant d’autres. Depuis trois décennies, il y a un consensus sur

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l’idée que les États doivent diminuer la fiscalité sur les entreprises (et parfois, mais pas toujours, sur les ménages). Il en résulte une baisse de leurs moyens, ce qui les oblige à se tourner vers le marché pour emprunter. Résultat, l’endettement public ne cesse d’augmenter. Or, les États dépendent de l’appréciation des agences de notation et du jugement d’investisseurs dont la finalité est de maximiser leurs profits. Ce qui passe, souvent, par une spéculation effrénée, laquelle mènera à un grand krach. Si le monde a pu encaisser la crise grecque – au prix de sacrifices imposés à la population –, qu’en sera-t-il si, d’aventure, cinq ou six pays européens sont incapables de rembourser leurs créances ? En maintenant des taux bas et en rachetant des obligations sur le marché, les banques centrales, dont la Fed, affirment avoir contribué à annihiler les effets de la crise de 2008. C’est vrai, concède Steve Keen, mais, pour lui, cette solution à court terme a tout du mauvais médicament. Les liquidités abondantes favorisent la spéculation et encouragent les États à s’endetter. Que se passerat-il, s’interroge l’économiste, quand les taux vont remonter ? Une perspective à laquelle Janet Yellen et ses pairs ne semblent pas vouloir penser. ❑ Akram Belkaïd

DR

Steve Keen, qui avait prédit la débâcle des subprimes, met en garde contre la tempête à venir si le « système » ne sort pas de son prisme exclusivement néolibéral.


BLOG

ET AUSSI

LES DESSOUS DE L’IPHONE LE MARCHÉ, CET INCONNU Quand un sociologue décortique l’une des notions phares de l’économie, cela donne un ouvrage de haut vol. C’est la performance réalisée par le Français Michel Callon. Interrogeant la notion de « marché », terme omniprésent dans les discours politiques, l’auteur ne le définit plus uniquement comme une confrontation entre offre et demande mais comme un processus complexe qui dépend de plusieurs facteurs, certains relevant de la psychologie des acteurs et d’autres des mécanismes économiques. D’où sa proposition de parler désormais d’« agencements marchands » afin de mieux les appréhender et les gérer. ❑ A.B. L’EMPRISE DES MARCHÉS. COMPRENDRE LEUR

Véritable best-seller aux États-Unis, ce livre raconte la genèse du smartphone conçu par Steve Jobs, revient sur son succès planétaire mais dévoile aussi des côtés sombres de son histoire, à commencer par les conditions déplorables dans lesquelles vivent les ouvriers chinois qui le fabriquent. Spécialiste des technologies, Brian Merchant, qui vit à Los Angeles, est un collaborateur régulier de Motherboard, la déclinaison science et tech du magazine Vice, mais aussi du Guardian et de Slate. À la fois caustique et enjoué, il pose en filigrane une question inattendue mais pertinente : l’humanité avait-elle vraiment besoin d’un tel appareil ? ❑ A.B. THE ONE DEVICE, THE SECRET HISTORY OF THE IPHONE, Brian Merchant, Bantam Press.

DESSINER, C’EST GAGNÉ Le drame de nombre d’économistes est leur propension à abuser des mathématiques et des équations pour appuyer leur démonstration. Voici un livre qui prend le chemin opposé en faisant le pari de la pédagogie grâce à l’infographie. Chacun des cent thèmes abordés (mondialisation, pensées économiques, commerce international, produit intérieur brut…) est illustré par un schéma annoté. On apprécie, par exemple, la planche consacrée au « big data », qui donne les clés pour comprendre une activité encore largement méconnue. Un travail né de la collaboration entre le journaliste Thomas Ramge (The Economist, Stern) et Jan Schwochow de l’agence Golden Section Graphics. ❑ A.B.

À LA POINTE DE L’INNOVATION Quelles sont les start-up qui veulent « bidouiller » dans notre cerveau ? Le numérique peut-il améliorer les démocraties ? À quoi ressemblera le marketing du futur ? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles répond le Français Olivier Ezratty, ingénieur de l’École centrale Paris et spécialiste en stratégies de l’innovation, à travers des posts didactiques et denses. Sur son blog, intitulé Opinions Libres, il publie aussi un rapport très détaillé du Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas, la grand-messe de la high-tech mondiale qui se tient tous les ans en janvier. Une référence, à destination des entreprises et des particuliers, des connaisseurs comme des novices, pour rester à la page. ❑ Estelle Maussion oezratty.net/wordpress

L’ÉCONOMIE COMME VOUS NE L’AVEZ JAMAIS

FONCTIONNEMENT POUR

VUE, Thomas Ramge et Jan

POUVOIR LES CHANGER,

Schwochow, Eyrolles.

La Découverte.

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LA SÉLECTION

Luxe made in Africa Ils en sont convaincus, c’est un secteur d’avenir. Chacun à leur façon, ils l’ont investi avec talent.

Dossier réalisé par Delphine Bousquet, Frida Dahmani, Noé Hochet-Bodin, Luisa Nannipieri et Julien Wagner

C

ertains sont des artisans, d’autres portent les couleurs de prestigieuses marques internationales, les derniers offrent des prestations sur mesure. Toutes (notre sélection est pour une fois majoritairement féminine) et tous ont un point commun : ils proposent du haut de gamme. Que ce soit dans la mode, le loisir, le tourisme ou le service, le luxe se développe sur le continent, porté par l’essor économique. Marché de niche qui pèse environ 3 milliards de dollars, il doit croître de 10 % par an selon le cabinet Wealth-X. Un potentiel que ces entrepreneurs ont compris depuis longtemps.

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Vania Leles Créatrice de beauté of America puis en travaillant pour de grands noms, Graff Diamonds, De Beers et Sotheby’s. Aujourd’hui installée à Londres, elle y a sa boutique, décorée comme un boudoir et où l’on vient sur rendezvous, sur la très chic Bond Street, à côté de Cartier. Ses diamants, matériaux de prédilection avec le saphir et la perle, sont certifiés éthiques et souvent mis en valeur dans des créations en forme de papillon, l’un de ses motifs

Bracelets en or jaune 18 carats sertis préférés. de diamants (2,38 Philanthrope, et 3,35 carats) de la elle a dessiné collection Sahara. l’une de ses collections, Sahara, pour soutenir une ONG britannique active au Nigeria. Ses clients déboursent, eux, de 3 800 à plus de 200 000 euros. Parmi eux, peu d’Africains et Vania Leles, qui espère ouvrir des points de vente dans de grands magasins londoniens et new-yorkais, le regrette. vanleles.com ❐ D.B.

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◗ COLLIERS, bagues, boucles d’oreilles sertis de pierres précieuses : elle les portait, maintenant elle les fait ! Ancien mannequin, cette BissauGuinéenne élevée en partie au Portugal a prêté ses traits à des publicités pour la haute joaillerie avant de lancer sa propre marque, VanLeles Diamonds, en 2011. Mais, pour percer dans ce monde fermé, Vania s’est formée pendant dix ans, au Gemological Institute

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Luxe made in Africa

LA SÉLECTION

Ensemble boucles d’oreilles et collier de la collection Kefia.

Sonia Fekih Le chic au grand cœur ◗ FORMÉE en gestion et finances, elle a débuté sa carrière dans l’importation et la distribution de produits pharmaceutiques, avant de créer sa marque de bijoux de luxe, en 2014. Pour asseoir son positionnement, Sonia Fekih, née à Tunis, met en place un département recherche et développement et sélectionne avec le plus grand soin ses pierres précieuses. Résultat : Habiba Jewellery présente 30 collections, dont nombre de pièces sont portées par des stars tunisiennes comme Anissa Daoud et Dorra Zarrouk. Réalisant 300 000 dinars de chiffre d’affaires (environ 100 000 euros), la marque séduit une clientèle africaine, notamment ivoirienne, et du Golfe, tout en étant distribuée en Floride et à Montréal. Employant 80 % de femmes, elle a notamment reçu le soutien de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). À 45 ans, Sonia Fekih entend bien poursuivre son essor avec des collections renouvelées et la mise en place d’un réseau de distribution. habiba.jewelry ❐ F.D.

◗ SON PÈRE, John Obayuwana, a été l’un des premiers à vendre des montres et des accessoires de luxe pour hommes au Nigeria, où il a fondé Polo Limited en 1991. Jennifer le rejoint à la tête de l’entreprise en 2006, après une formation en commerce à l’Université américaine de Paris et en relations internationales en Suisse. Six ans plus tard, en 2012, elle crée une filiale consacrée aux parfums et à la mode : Polo Avenue. Aux prestigieuses marques Rolex, Cartier, Chopard, Hublot et Gucci viennent s’ajouter Balenciaga, Jimmy Choo, Salvatore Ferragamo et Versace. Faiseuse de tendances, Jennifer Obayuwana est une star sur Instagram où elle compte plus de 150 000 abonnés. En réponse aux attentes des millennials (générations nées entre 1980 et 2000), elle développe la présence en ligne de son groupe et ouvre le premier e-shop de luxe du continent (Thepoloavenue.com). Et organise également dans la boutique de Victoria Island des défilés pour faire connaître de jeunes créateurs. pololuxury.com ❐ L.N.

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DR - JEN POLO

Jennifer Obayuwana La classe dans le sang


Chekwas Okafor L’art du digital

DR - FRANCISCO MARIN

Yamousso Thiam-Berthod Maîtresse du temps ◗ PETITE-FILLE de l’ancien président Félix Houphouët-Boigny et fille de diplomates très attachés à l’étiquette, elle aidait son père, ambassadeur, à remonter ses montres pendant son enfance. Professeur de protocole et art de vivre à Dubaï et Abidjan, elle travaille dans le monde du café, puis aux côtés de son mari dans le conseil en marketing et finance, naviguant entre le Maroc, l’Europe et la Côte d’Ivoire. Après cette première vie, elle décide de se consacrer entièrement à l’horlogerie haut de gamme. Collectionneuse d’art, passionnée par l’histoire du luxe mais aussi la mode vintage, elle fait appel à Cartier, qui accepte de la former en Suisse, chez les meilleurs artisans horlogers et joailliers, et lui confie le marché ivoirien. En décembre 2015, Yamousso Thiam-Berthod ouvre sa boutique dans la galerie marchande de l’hôtel Sofitel Ivoire et lance en même temps sa marque de bijouterie et de joaillerie, Yuxe West Africa. Devenue une référence en Côte d’Ivoire pour les pièces de prestige signées Cartier, IWC, Officine Panerai, Piaget et Poiray, elle ambitionne maintenant de conquérir l’Afrique de l’Ouest. yuxe.ci ❐ L.N.

◗ À 27 ANS, il croit dur comme fer au luxe africain et s’est donné pour mission de contribuer à son rayonnement international. Pour ce faire, le Nigérian Chekwas Okafor a lancé, il y a un an, Onychek.com, une plateforme de e-commerce installée à New York mais dédiée aux créateurs du continent. Originaire d’Aba, dans le sud du pays, il part aux États-Unis en 2009 pour suivre des études en biologie, puis travaille dans le domaine du BTP. À l’époque, sa connaissance du monde de la mode se réduit à une courte expérience comme mannequin et à l’entreprise d’importation textile de son père, à laquelle le nom de son site rend hommage. L’idée de la plateforme lui vient en 2014, quand un ami lui fait découvrir d’étonnantes créations de prêtà-porter fabriquées au Nigeria et qu’il entend faire découvrir au monde. Il travaille encore deux ans sur le projet, notamment pour constituer un réseau de designers, avant de se jeter à l’eau. Pour sensibiliser les clients, il a associé à la boutique en ligne un blog où il raconte l’histoire des produits (vêtements et accessoires) ainsi que les processus de fabrication. ❐ L.N.

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LA SÉLECTION

Luxe made in Africa

Janet Rhys Reine de la toilette

Yswara propose des thés gourmets venant des quatre coins du continent.

◗ QUE FAIRE lorsque l’on est femme au foyer et que l’on approche de la cinquantaine ? Janet Rhys choisit de s’associer à un pharmacien reconnu, Shaun McDermott, pour développer des produits de beauté de luxe dans la ville du Cap en Afrique du Sud. Nous sommes en 2000 et, à l’époque, il n’existe pas de soins pour le corps fabriqués localement. « Charlotte Rhys » (en hommage à la grand-mère de Janet) débute avec un article, une eau de linge, et 2 000 euros de chiffre d’affaires. Dix ans plus tard, ce sont une centaine de produits et plus de 600 000 euros de chiffre d’affaires. Dans un premier temps, « Charlotte Rhys » écoule ses parfums, bougies et eau de toilette dans les hôtels et safaris haut de gamme du pays. Conquis, les clients achètent et ramènent les produits chez eux, contribuant à faire connaître la marque, si bien que l’entreprise ambitionne de percer sur le marché européen et surtout britannique, bien connu de Janet, qui est née au Pays de Galles avant de s’installer en Afrique du Sud. charlotterhys.com ❐ N. H.-B.

Swaady Martin-Leke Tea Lady

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La marque a décliné toute une gamme de soins pour le visage, le corps et les cheveux.

GARY STEPHEN -DR

◗ FRANCO-IVOIRIENNE de 37 ans, elle a fondé en 2012 Yswara, marque de thé haut de gamme. Née en Côte d’Ivoire, Swaady Martin-Leke grandit au Liberia, puis étudie l’économie à Londres, Paris et Lausanne. Entrée chez General Electric, elle y travaille près de dix ans, avant d’être nommée, en 2009, directrice régionale Afrique subsaharienne à seulement 29 ans. Elle occupe ce poste un an puis le quitte pour lancer, avec un capital de 100 000 euros, sa marque. Elle choisit le thé, car nombre de pays du continent sont producteurs, mais aucune marque locale n’existe alors. Malgré la faiblesse du rand depuis 2015, qui accroît le coût de ses prêts en dollars, son usine en Afrique du Sud, qui produits sachets et accessoires, continue à tourner. Tout comme ses deux Tea Stores, l’un ouvert en 2016 à Johannesburg, où elle réside, l’autre à Accra, ouvert en février dernier, où l’on déguste du thé venant du Rwanda, d’Égypte, d’Éthiopie, du Malawi… Ses clients : Harrods, BHV Paris ou Four Seasons. Alors que 60 % de sa production est réalisée sur le continent l’objectif est d’atteindre les 100 % d’ici 2025. yswara.com ❐ J.W.


Hamid Bentahar Monsieur 5 étoiles

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◗ UNE ASCENSION au soleil. Fils d’une mère originaire d’Agadir et d’un père venant du Rif, Hamid Bentahar naît en 1971 à El Jadida, ville côtière au sud-ouest de Casablanca. À peine sorti de l’université, il rejoint le groupe français Accor et débute, en 1989, au Palmariva de Marrakech (l’actuel Pullman). De la Ville ocre, il est envoyé à l’étranger, notamment en Grèce et en Turquie, avant de revenir sur le continent, en Tunisie (à Djerba) puis au Maroc. En 2008, il se voit confier la gestion des Sofitel du sud du Maroc, puis de l’ensemble du pays, du continent et de la région, en devenant vice-président en charge des marques luxe pour l’Afrique et l’océan Indien. En juin dernier, nouvelle promotion, il devient président d’Accor Gestion Maroc (en charge de l’ensemble des activités du groupe dans le pays), tout en gardant sa casquette luxe. Président du Conseil régional du tourisme de Marrakech depuis 2008, il pourrait être appelé à prendre la direction de l’institution au niveau national. Au vu de son agenda surchargé, on comprend pourquoi sa définition du luxe est aussi simple qu’« un hamac au soleil ». ❐ J.C.

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LA SÉLECTION

Luxe made in Africa

Modèle phare d’Okhtein, le sac mini-dôme orange, en cuir de veau souple avec finitions plaquées or 18 carats.

Aya et Mounaz Abdelraouf Sœurs de talent ◗ ELLES SONT jeunes, élégantes et férues de mode depuis leur enfance. Originaires du Caire, Aya et Mounaz Abdelraouf, 25 et 26 ans, se forment à l’Université américaine de la capitale égyptienne – en communication et design pour la première, en marketing et arts plastiques pour la seconde – avant de se consacrer à leur passion. En 2013, les deux sœurs lancent leur griffe de sacs à main, Okhtein (« sœurs » en arabe). Elles se font connaître et réalisent leurs

premières ventes en ligne, avant de multiplier les points de vente, dans des enseignes de luxe à Riyad, Koweït City, Dubaï mais aussi Londres et New York. Récemment, elles ont ouvert leur « pop-store » cairote sur l’île de Gezira. Inspirées, pour les premières collections, des rues et bâtiments du vieux Caire, leurs créations sont finement réalisées par des artisans locaux et vendues entre 200 et 980 dollars. À l’avenir, Aya et Mounaz (cette dernière, également dessinatrice et peintre, expose en Égypte et en France) veulent décliner les différentes facettes de l’identité égyptienne afin de faire une place à leur pays au royaume du luxe. okhtein.com ❐ L.N.

◗ PRIVATISER une île pour un célèbre footballeur, redécorer la suite d’un palace pour un membre d’une famille princière du Moyen-Orient… C’est le genre de service que rend Zakary Chanou, fondateur d’Ultimate Luxury for You and Only You (UUU). Né à Porto-Novo, il grandit à Cotonou avant de partir étudier en France. Passé par une école d’ingénieur et de commerce, il fait plusieurs voyages aux États-Unis, où il est impressionné par le service personnalisé de haut vol proposé par certains établissements. De retour en France, il fonde, en 2003, UUU, première conciergerie pour VIP. Aujourd’hui, elle compte plusieurs milliers de clients et 30 concierges qui s’occupent d’eux partout dans le monde 7/7 et 24/24. « Le luxe, ce n’est pas ce qui est clinquant, c’est ce qui est parfait », résume le chef d’entreprise de 43 ans. Prochaine étape : développer ses services en Afrique. « Le continent est une niche dans notre portefeuille mais l’activité y augmente de 30 % par an. » Alors, à quand l’ouverture d’une antenne en Côte d’Ivoire ? the-uuu.com ❐ D.B.

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Zakary Chanou L’ami des VIP


L’entrepreneuse a organisé la deuxième édition de la conférence « quand le luxe rencontre l’Afrique » à Paris, début octobre.

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Coralie Omgba Femme de réseau ◗ « POUR BEAUCOUP de gens, le luxe, c’est posséder ; pour moi, c’est vivre des expériences uniques. » C’est la conception que défend cette trentenaire française d’origine camerounaise. Née à Paris et formée en marketing et business management, Coralie Omgba travaille en banque dans la Ville lumière puis au Luxembourg et à Genève. C’est là qu’elle rencontre une

clientèle fortunée, tout en cultivant son « goût des belles choses ». En 2015, elle lance une plateforme numérique consacrée au luxe en Afrique, Magnates’ Place. L’année suivante, elle crée sa société, Co-Signature, qui met en relation marques prestigieuses et clients qui ont un lien avec le continent. Exemple : proposer au dirigeant d’une société minière la visite de l’atelier de sa marque de montre préférée. Sur son nombre de clients justement, elle reste discrète : « c’est mon côté suisse ! » Outre l’organisation d’une conférence

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sur le marché du luxe en Afrique subsaharienne (dont la deuxième édition a eu lieu à Paris début octobre), la businesswoman aide aussi des marques à s’implanter sur le continent. magnatesplace.com ❐ D.B.

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Après l’heure

Découvrir, partir, voyager, prendre le temps de vivre

Plus de 4,2 millions de personnes habitent la métropole, qui ne cesse de s’étendre.

DÉPART

CASABLANCA FAIT SA MUE

ALFREDO CALIZ/PANOS-RÉA

L

a capitale économique du Maroc se rêve en capitale de l’Afrique. Alors, quand le roi Mohammed VI visite la ville en 2013, il est en colère : comment prétendre devenir la première place financière du continent avec un tel niveau d’aménagement ? Le cœur battant du Royaume, cette métropole bouillonnante, hyperactive, bruyante, est aussi congestionnée et sale. Les services publics y sont sous-dimensionnés. Cité berbère fondée sur son port ■ ■ ■

+

VIVRE L’évasion entre terre et mer DÉPENSER Le chic décontracté VOYAGER Les jets privés ont la cote

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Après l’heure

DÉPART

PAR JULIE CHAUDIER

historiques du centre-ville pour leur donner la capacité de croître. Derb Omar, la vaste zone de commerce de gros qui s’est développée de façon anarchique aux alentours du port, doit ainsi être déplacée à 20 kilomètres au sud, à Mediouna. De quoi donner de l’espace aux boutiques – le commerce assurait 57 % du produit intérieur brut (PIB) réel du Grand Casablanca en 2012 – mais aussi aux habitants de Derb Omar. Les

d’activités (ZI) se situe dans les quartiers de Aïn Sebaâ et Sidi Bernoussi, où Vivo Lubrifiant (Shell), Cosumar, Unilever, Lesieur Cristal, Procter & Gamble, Induver, notamment, ont construit leurs usines. Cinq cents entreprises emploient 50 000 salariés pour un chiffre d’affaires de plus de 67 milliards dirhams par an. Cette zone et les autres en périphérie produisaient 49 % de la valeur ajoutée industrielle nationale en 2012. S’il reste encore des terrains pour s’étendre à l’est, vers Zenata, les pouvoirs publics préféreraient voir les nouvelles usines s’implanter ailleurs: dans une nouvelle zone de 840 hectares à Ouled Hadda (sud). En 2006, le roi avait lancé l’éco-cité de Zenata, une ville nouvelle – écologique – dont le but était de canaliser la croissance de Casablanca. Un échec : la métropole s’est répandue au sud et à l’ouest où le nombre d’habitants augmente en moyenne de 9 % par an depuis dix ans. À Zenata, seul le grand collecteur d’assainissement, l’échangeur autoroutier et la zone de relocalisation industrielle sont achevés. Loin de ses activités hisPreuve du dynamisme économique, les centres commerciaux se sont multipliés ces dernières toriques, Casablanca cherche années dans la ville. Ici, l’immense Morocco Mall (200 000 m 2) situé sur la Corniche. aussi un relais de croissance à « Casa Anfa ». Ce nouveau centre d’afactivités portuaires, elles aussi, vont nue de croître à un rythme effréné : près faires sort de terre à la place de l’ancien être délocalisées. Le port de pêche et de deux hectares par jour. Passée de aéroport d’Anfa – supplanté par l’aéroson chantier naval, cœurs maritimes quelques milliers d’habitants au début port Mohammed V et abandonné en de la ville, doivent s’installer à l’est du XXe siècle à plus de 4,2 millions en 2007. Il accueillera notamment la tour du terminal à containers. Le port de 2014, elle rassemble 12,6 % de la popude Casa Finance City. La place financommerce bénéficiera d’un axe roulation du Royaume. Après le coup de cière, lancée en 2010, est déjà classée tier rénové, moyennant 600 millions colère royal, un nouveau plan de déve30e mondiale et première place africaine de dirhams (53 millions d’euros), pour loppement du Grand Casablanca a été permettre aux poids lourds de rejoindre lancé pour organiser cette croissance. au Global Financial Centres Index. À ce facilement la future zone logistique de Depuis, la métropole n’est plus qu’un jour, une centaine d’entreprises a sousZenata, située encore plus à l’est. vaste chantier. crit à son statut malgré un climat des Pôle maritime, la capitale éconoPremier port de commerce du pays affaires entaché par la persistance de la mique marocaine est également un avec 32 % du trafic d’import-export, corruption et par le manque de liberté centre industriel. La plus ancienne zone « Casa » cherche à extraire ses activités économique et d’efficacité de l’action

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DUFFOUR/ANDIA

■ ■ ■ et conquise par les Almohades (arabes) au XIIe siècle, Casablanca bascule sous protectorat français à partir de 1912. S’étendant à l’extérieur des remparts de la médina, la ville grandit tant qu’après l’indépendance, en 1956, son centre névralgique se déplace vers le boulevard périphérique, jusqu’au Twin Center, un ensemble de deux tours jumelles de 100 mètres de haut érigées en 1998. Aujourd’hui, elle conti-


ARRÊTSURIMAGE - DR (2)

publique, selon la Banque centrale. La capitale économique du pays rassemble déjà près de 65 % de la valeur ajoutée nationale dans le secteur de la finance et des assurances. Obsédée par son essor, « Casa » n’a longtemps eu que peu de considération pour son image à l’étranger et pour la qualité de vie de sa population. Aujourd’hui, la métamorphose la plus visible s’opère sur la place administrative historique en pleine rénovation et sur son front de mer. Un terminal de croisière est annoncé à l’est du port actuel, ainsi qu’un port de plaisance face à un nouveau centre commercial en construction. La marina, après des années de chantier, a enfin vu s’élever ses premiers immeubles entre la mer et les remparts de la médina. Après la mosquée Hassan II, l’une des plus grandes du continent, la côte poursuit sa mue : le roi a lancé au printemps les travaux d’aménagement d’une promenade ; tandis que tout au bout de la corniche, le parc archéologique est prêt à être inauguré. Ces aménagements ne concernent toutefois qu’une petite partie de la ville, certainement la plus riche. En 2012, le ministère de l’Habitat recensait encore 500 bidonvilles, où vivaient près de 111 500 familles, sur l’ensemble de la métropole, poches de précarité au sein d’une cité riche. Si le taux de pauvreté de la région Casablanca-Settat est passé de 6,9 % à 2 % – le plus bas de tout le pays – en une décennie, l’indice de Gini (qui mesure le niveau des inégalités) atteignait encore 39,6 % en 2014, un record au niveau national juste après la région de la capitale Rabat-Salé. De la Lamborgini rutilante à la charrette à bras, le contraste est frappant, pour les habitués de la ville comme les nouveaux visiteurs. ❐

LES VRAIES ADRESSES Trois lieux pour découvrir l’histoire, l’art de vivre et la culture de la Ville blanche. Charme d’autrefois, le Doge. Construit dans les années 1930 au cœur du centre-ville, c’est un petit bijou Art déco. Chambres, suites, spa, restaurant et boudoir offrent une ambiance feutrée aux airs de vieux films américains. Repris en 2015 par la famille Sellami, l’hôtel 5 étoiles a conservé son lustre d’antan tout en procédant à plusieurs changements : abandon de sa carte gastronomie internationale (liée au label Relais et Châteaux) pour une cuisine traditionnelle marocaine, création d’une salle de réunion et, à venir, ajout d’un rooftop – très à la mode dans la Ville blanche – pour profiter de la vue sur le Parc de la Ligue arabe. hotelledoge.com L’incontournable table, la Sqala. C’est l’un des rares restaurants chics de Casablanca à cuisiner marocain – et il le fait bien ! Située derrière les remparts de la médina mais accessible depuis le port, la Sqala décline une carte « chaâbi chic » dans un havre de verdure comme la ville en compte peu. Haut lieu de déjeuners d’affaires pendant la semaine, il devient plus familial le week-end. www.facebook.com/lasqala

Culture urbaine, l’Uzine. Créé et financé par la Fondation Tazi du groupe d’ameublement Richbond, ce centre culturel est dédié à l’art contemporain et aux cultures urbaines. Situé tout près du siège du leader marocain des matelas et salons, en plein milieu de la zone industrielle d’Aïn Sebaâ, c’est l’un des rares lieux culturels de Casa. Contrairement à ce que son nom indique, l’endroit n’est pas une ancienne usine, mais un immeuble de bureaux réaménagé. Les graffeurs, de plus en plus souvent invités à habiller les murs aveugles de la ville, se sont associés pour lui donner une âme. Expositions, spectacles et ateliers sont régulièrement accessibles au public. luzine.ma

À SAVOIR La société de développement local Casa Events & Animation met en place le programme Casamouja – Urban Art Wave. Des fresques murales conçues par des artistes peintres et graffeurs jalonnent les murs de la ville.

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Après l’heure

VIVRE

PAR ALEXIS HACHE

Des chambres sur pilotis, les pieds dans l’eau de la lagune…

SÉN ÉGAL

l’évasion entre terre et mer

N

iché au cœur de la réserve naturelle de Palmarin, à quelques encablures du Parc national du delta du Sine Saloum, le Terragora des collines de Niassam mise sur l’authenticité. Il vous invite à prendre de la hauteur au moment de dormir : soit dans un lodge « robinson » installé dans un baobab et qui permet de profiter d’une terrasse suspendue au sommet de l’arbre, soit dans une petite maison sur pilotis au bord des eaux poissonneuses où pélicans et cormorans viennent festoyer ensemble. Pour ceux qui ont le vertige, il faut choisir les chambres « colline » ou « savane », sur la terre ferme et à l’abri

des regards, qui marient bois et tadelac pour un confort à l’élégance naturelle. Côté gastronomie, la cuisine sénégalaise épouse les classiques français dans une fusion des saveurs à base de produits de la pêche du jour et de légumes du jardin. Pour parfaire le dépaysement, le lodge propose de nombreuses excursions : rencontre avec les hyènes déambulant dans la mangrove, observation des oiseaux, dont le fameux rollier d’Abyssinie, pirogue à voile, canoë et pêche, massages ou encore découverte de la lutte traditionnelle sérère dans un village proche. À partir de 185 euros la nuit. ❐ … ou au cœur de la brousse : l’hôtel s’intègre parfaitement dans son environnement. www.niassam.com

Marrakech

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Cocooning extra-luxe chez Ô de Rose

SI VOUS VOULEZ tester le meilleur spa d’hôtel de luxe du continent (selon le World Luxury Spa Awards 2017), rendez-vous au Mövenpick Hotel Mansour Eddahbi de Marrakech au Maroc. Son centre de soins, « Ô de Rose », vient en effet de recevoir cette distinction. Dans un décor de style oriental, bercé par les effluves de jasmin, il propose les rituels de beauté du visage et du corps de la marque française Cinq Mondes, qui s’inspire des techniques des cultures ancestrales alliées aux vertus des plantes. Avant ou après, vous pourrez profiter des incontournables hammam, sauna et jacuzzi. Sans oublier l’espace onglerie, qui utilise les produits de la marque Semilac, et le salon de coiffure, qui travaille avec ceux de L’Oréal Professionnel. Bref, on est dorloté de la tête aux pieds. De 9 à 215 euros. ❐ movenpick.com


VIP Four Season Private Jet

Matériaux bruts Matériaux brut et ddesign éépuré, é la marque de fa fabrique de cet éc éco-lodge du Jérid.

TUNISIE

L’expérience Dar Hi

Vu Vue sur le toitte terrasse et la pi piscine, alimentée pa par une source ch chaude riche en soufre.

LUKASZ JANYST (2)

C

’est un ovni à Nefta au cœur de région semidésertique du Jérid. Le Dar Hi, imaginé par les créateurs du Hi Hôtel de Nice et la designer française Matali Crasset, est un incroyable ensemble aux formes contemporaines fait de matériaux naturels. Aux couleurs du désert, cet éco-lodge propose quatre types d’habitations : les pilotis et leur vue imprenable sur la Corbeille de Nefta, les troglodytes, les dunes à fleur de sable et de ville, et, enfin, la Dar Malika, petite maison dans le plus pur style tunisien. Piscine alimentée par une source avoisinante, hammam chauffé naturellement, cuisine bio locale : le Dar Hi est écologique jusqu’au bout. À partir de 82 € la nuit. ❐ dar-hi.net

Il est encore temps de réserver sa place (138 000 dollars) pour l’édition 2018 du « World of Adventures » organisé par Four Seasons Private Jet. Ce tour du monde en avion (Boeing 757 de luxe), proposé chaque année par la célèbre chaîne hôtelière, aura lieu du 19 octobre au 11 novembre et fera plusieurs escales sur le continent (Rwanda, Marrakech, Seychelles), en plus de Seattle, Orlando, Bali, Kyoto, les Galapagos et Bogotá.

Emaar Hospitality Premier Vida en Égypte Le groupe originaire de Dubaï va ouvrir son troisième projet à Marassi, destination touristique côtière au nord de l’Égypte : un établissement de sa marque haut de gamme Vida Hotels & Resorts. Le Vida Marassi Marina proposera 120 chambres et suites, plusieurs restaurants et piscines, ainsi qu’un accès au yacht-club.

Minor International Cap sur le Maroc Le groupe thaïlandais veut s’implanter dans le Royaume. Il compte ouvrir un hôtel d’une capacité de 250 chambres en 2018 à Tanger et planche sur une deuxième implantation à Agadir. Fondé en 1978 et installé à Bangkok, Minor International possède 155 hôtels à travers le monde.

HILTON

fait son entrée au Niger. Le groupe américain a signé un contrat avec Niamey Hotel & Suites Niger Ltd pour prendre la gestion d’un établissement haut de gamme de 142 chambres à Niamey, rue des Oasis. Inauguration prévue en 2019.

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Après l’heure

VOYAGER

PAR ALEXIS HACHE

Emirates Liaison vers Le Caire renforcée

Transavia Nantes-Agadir cet hiver

La compagnie émiratie augmente son offre à destination de la capitale égyptienne à partir de novembre. Emirates lance quatre nouvelles rotations hebdomadaires, portant à 21 le nombre de vols Dubaï-Le Caire chaque semaine.

La filiale low cost d’Air France lancera à partir du 23 décembre un vol reliant Nantes à Agadir (Maroc) à raison de deux rotations par semaine. Pour Transavia, il s’agit de la deuxième destination marocaine au départ de Nantes après Marrakech. Le vol est proposé à partir de 70 euros l’aller simple.

Le transporteur rwandais a annoncé la signature d’un protocole d’accord avec le Bénin prévoyant l’ouverture d’un hub à l’aéroport de Cotonou et, à terme, le lancement d’une compagnie nationale béninoise gérée conjointement par les deux pays. RwandAir, qui dessert 18 destinations en Afrique, disposera de deux Boeing 737 à Cotonou qui lui permettront d’assurer des vols continentaux sans passer par le Rwanda.

Air Mauritius Un A350 entre en piste La compagnie mauricienne a mis en service en octobre un Airbus A350. Il relie plusieurs fois par semaine l’île Maurice à Johannesburg (Afrique du Sud). Il s’agit du premier A350 sur les six commandés par Air Mauritius. À partir de novembre, il reliera également Port-Louis à Londres trois fois par semaine avant d’être lancé sur une liaison avec Paris début décembre.

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South African et Kenya Airways sur le fil

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’horizon semble enfin s’éclaircir pour les compagnies sud-africaine et kényane, en grande difficulté car lourdement endettées. Concernant South African Airways, le Trésor public a proposé un plan de sauvetage d’un milliard de dollars associé à la nomination d’un nouveau PDG, Vuyani Jarana. Dans la foulée, SAA va retirer cinq avions de sa flotte et réduire de 23 % son nombre de vols d’ici la fin 2017. Pour Kenya Airways, un plan de restructuration de la dette a été engagé et l’État a apporté des garanties sur 750 millions de dollars. En outre, onze banques ont accepté de convertir les créances (pour plus de 360 millions de dollars) en actions. ❐

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Rwanda Première pierre pour l’aéroport de Bugesera Longtemps repoussé, le chantier de l’aéroport international de Bugesera, à 40 kilomètres au sud de Kigali, a enfin commencé. La mise en service de l’aéroport, qui coûtera 418 millions de dollars et pourra accueillir 1,7 million de passagers par an, est prévue pour décembre 2018. Une deuxième phase de travaux devrait permettre de passer à 4,5 millions de voyageurs par an.

Ryanair Destination Marrakech depuis Dublin La compagnie low cost desservira Marrakech depuis Dublin à partir de l’été 2018. Il s’agira de la première destination marocaine reliée depuis la capitale irlandaise. Au Maroc, Ryanair dessert également Agadir, Fès, Oujda, Nador, Rabat et Tanger.

DR

RwandAir Ouverture d’une base à Cotonou

B O L D ’A I R


Dix constructeurs, dont Bombardier (ci-dessous) et Textron Aviation (ci-contre), se partagent ce marché, prometteur sur le continent.

VIP

les jets privés ont la cote

Q

uand vient l’heure de voyager, de plus en plus d’hommes d’affaires préfèrent le confort d’un jet privé à la classe business ou première d’un avion de ligne. Optimisation du temps de trajet, luxe, expérience de vol personnalisée et contournement des problématiques continentales liées au manque d’infrastructures routières et ferroviaires ou aux liaisons intra-africaines insuffisantes. En Afrique, cette flotte privée s’élèverait à environ 500 appareils, dont 169 en Afrique du Sud, 134 au Kenya et 91 au Nigeria. Sa taille a plus que doublé depuis dix ans et près de 200 nouvelles livraisons sont attendues

au cours de la prochaine décennie pour une valeur de 7 milliards de dollars, selon une étude réalisée par le constructeur Bombardier. Les « super-riches » africains, qui possèdent des fortunes supérieures à 30 millions de dollars, trustent 200 jets privés à eux seuls. Mais, beaucoup de businessmen se contentent de louer les appareils. On compte ainsi une centaine d’opérateurs dans le secteur. Pour relier Abidjan à Lagos via PrivateFly, l’un des leaders sur le marché, comptez par exemple entre 14 200 euros avec un jet de petite taille et plus d’un million d’euros en Airbus A319 de 145 places ! Gulfstream, Bombardier, Dassault ou

encore Cessna… Il y a une dizaine de constructeurs sur le marché pour une quarantaine de modèles d’appareil. Au Maroc, le trafic sur ce segment, en hausse de 18 % sur un an, représente près de 48 000 passagers et plus de 10 000 mouvements d’avions en 2017, Marrakech réalisant 40 % de l’activité. Si les commandes et livraisons VIP ont atteint leur plus bas niveau depuis dix ans en 2016 dans le monde, l’Afrique s’impose comme un marché prometteur. Même s’il reste des obstacles à surmonter : les redevances aéroportuaires, l’accès à l’espace aérien ou encore le manque d’aéroports, de pistes et de services au sol associés. ❐

DR (2) - DARIN LACRONE

VTC Africab séduit en Côte d’Ivoire LANCÉ DÉBUT 2016 A ABIDJAN, le service de voiture de transport avec chauffeur (VTC) de Vangsy Goma rencontre un grand succès, à tel point qu’il vaut mieux réserver la veille. Africab, qui a déjà réalisé quelque 180 000 courses, compte désormais 145 véhicules (climatisés et avec wi-fi). Pour étendre sa flotte, l’entrepreneur congolais a eu l’idée de l’offre « Africab Invest » : il propose d’ investir dans un véhicule (Peugot 301) et de le louer à sa société durant trois ans en échange d’un loyer mensuel de 450 000 francs CFA (environ 685 euros). Également actif à Cotonou, l’entreprise vise maintenant Lomé, avant Dakar et Yaoundé. ❐ afri-cab.com

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Après l’heure

DÉPENSER

PAR LUISA NANNIPIERI

UN BOLIDE DE SMARTPHONE Conçu en « métal liquide », un alliage ultra-léger mais résistant, recouvert de cuir avec des finitions dorées, le Lamborghini Alpha One n’a rien à envier aux voitures de luxe de la marque italienne. Permettant d’utiliser deux cartes SIM, il est équipé du système Android 7 et du processeur Snapdragon 820 de Qualcomm. High-tech, il dispose d’un écran antiempreintes de 5,5 pouces Quad HD, de deux caméras de 8 et 21 mégapixels et d’une mémoire interne de 64 Mo. Son prix : 2 450 dollars. En vente en exclusivité à Dubaï, chez Harrods à Londres et sur le site lamborghinimobile. com co

SÉRIE ADDICT En attendant la 8e et dernière saison de Game of Thrones, les fans de la série pourront se faire plaisir avec des bijoux inspirés de ceux portés par Daenerys Targaryen. Certains modèles sont même des copies. Dessinée par les créateurs anglais Yunus & Eliza avec Michele Clapton, la ligne de pendentifs, bracelets et bagues est réalisée en argent. À partir de 85 euros. mey.london

SHOPPING

Le chic décontracté

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ODE AUX MATÉRIAUX Elle a quitté une carrière prometteuse dans l’audit pour se consacrer à sa passion, la création de bijoux. C’est ainsi que la Béninoise Sarah Codjo a lancé Perlicious Accessoires en 2009. Son équipe d’artisans et de bijoutiers travaille exclusivement avec des matières premières issues du continent, certaines prisées comme l’agate, le quartz, la topaze, d’autres plus modestes dont le bois, le verre et le batik. Surtout pas de wax. La jeune femme puise son inspiration dans la nature luxuriante de son pays mais aussi du Sénégal, de la République démocratique du Congo et de la Côte d’Ivoire. De 8 à 450 euros. En vente sur perlicious.fr

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DR (4) - RBEVERSON

UNE MARQUE À POIGNE Le sac de voyage Stingray fait partie des pièces d’exception de Felio Siby, griffe lancée en 2013 à Miami par le Gabonais Dominique Siby. L’extérieur en peau de raie noire révèle, à l’ouverture, une doublure flamboyante en cuir italien rouge (14 995 dollars), un mélange de matière devenu une marque de fabrique. Sponsor de sportifs de haut niveau, le designer propose aussi des montres de luxe et des sacs à main (à partir de 2 950 dollars). feliosiby.com

MARRAKECH STYLE Fondée en 2013 par le photographe de mode américain Randall Bachner, tombé sous le charme de la Ville ocre, la ligne Marrakshi Life fait du confort élégant sa signature. Les caftans, chemises et tuniques aux couleurs douces des deux collections Désert et Marinière incarnent la philosophie slow wear : des créations de qualité et durables, faites main par des artisans locaux à partir de matières naturelles. Caftan à partir de 350 euros, chemise 250 euros sur marrakshilife.com


150 $

DESIGN

Géométries souples

S

orti de la prestigieuse école parisienne de design ENSCI, Younes Duret travaille depuis plus de dix ans au Maroc avec sa sœur Mia. Riche de sa double culture, il propose une subtile synthèse entre son amour de l’art islamique et sa formation occidentale. La collection de mobilier contemporain modulable Souk’na, dont le fauteuil Boussa (1 350 euros), l’illustre bien. Innovateur, l’artiste utilise aussi l’impression 3D pour réaliser certains objets, dont le vase Jidhr (racine, en arabe) en bioplastique (450 euros). younesdesign.com

C’est le prix de ce trombone en argent de 6 cm de long sur 2 de large vendu par Barneys New York. Il ne sert pas à réunir des feuilles mais à regrouper billets et cartes de visite ou de crédit.

DR (4)

Innovation Cœur ancestral pour rythme moderne NÉE AU CAMEROUN, développée en France et inspirée par le Japon, Noumbissidesign est une marque qui met les cultures et savoir-faire traditionnels au service de la modernité. Illustration avec sa dernière création, les tambours parlants Higoma. Ces enceintes high-tech réalisées en bois d’iroko traité au beurre de karité ont été conçues avec l’aide des fabricants de djembés du Cameroun. Les deux kits disponibles, un mini-ampli accompagné de deux enceintes (Kongosseur) ou d’un caisson de basse (Ambianceur), se connectent sur tout dispositif Bluetooth. Fabriqués à la demande au Cameroun, les tambours Higoma se commandent sur noumbissidesign.com ou chez Onze Home, 21 rue de la Villette à Paris. À partir de 295 euros.

à voir Deux nouveaux musées consacrés à Yves Saint Laurent et à la mode ouvrent leurs portes : le premier à Paris, avenue Marceau, le second à Marrakech, situé à proximité du célèbre Jardin Majorelle et s’étendant sur 4 000 m2.

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MOTS ET TENDANCES par Akram Belkaïd

Comment l’aide internationale doit-elle évoluer ? Faut-il l’augmenter en raison de l’explosion des inégalités dans les pays du Sud et de leur incapacité à s’installer dans une croissance durable et inclusive ? Faut-il, au contraire, la supprimer pour inciter les États concernés à se prendre en main, thèse défendue il y a quelques années par la Zambienne Dambisa Moyo ? Il faut se souvenir qu’au départ, l’aide internationale telle que pensée par les États-Unis avait pour but de contenir le communisme, notamment en Asie et en Amérique latine. C’était aussi un moyen de réparation implicite pour accompagner les processus de décolonisation. Dans les années 1990, elle a surtout servi à réparer les dégâts structurels des plans d’ajustements… structurels. Aujourd’hui, un nouvel élément de réflexion apparaît. Faut-il que cette aide prenne en charge la reconstruction de certains pays dévastés par la guerre ou les catastrophes naturelles ? Des zones où État et institutions ont disparu. Si oui, comment faire et qui le fera ? Car le constat est sans appel. La communauté internationale ne maîtrise pas le « nation building ». La Somalie, l’Afghanistan, la Centrafrique et même l’Irak en sont des exemples patents. Il faut d’ores et déjà ajouter la Syrie à cette liste. Faut-il créer une branche des Nations unies pour cela ? Avec quel budget et comment conceptualiser cette mise sous tutelle ? Comment faire pour ne pas renouer avec la sombre période des mandats occidentaux, voire des protectorats ? Le sujet est soigneusement évité par les grands de ce monde quand ils se rencontrent.

DESPOTISME LIBÉRAL

On connaît le débat. Le progrès et le développement peuventils s’accommoder d’un régime d’absence de libertés individuelles, politiques et syndicales ? Les Occidentaux, notamment les Européens, répondent par la négative même si certains d’entre eux vivent actuellement une vague populiste d’importance, comme la Pologne. À l’inverse, l’Asie offre des exemples qui permettent de répondre par l’affirmative. Au début des années 1960, la Corée du Sud a entrepris son redressement économique (auquel personne ne croyait, à commencer par le Fonds monétaire international) sous l’égide d’une dictature militaire. De même, Singapour est devenue un acteur majeur de la mondialisation dans un contexte

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où la moindre critique menait directement au cachot. Enfin, la Chine et son omniprésent Parti communiste démontrent année après année que l’autoritarisme n’empêche pas la croissance et la baisse de la pauvreté. À tout cela, on peut aisément objecter que la Corée du Sud et Singapour se sont éloignés de l’autocratie, la première pouvant même être considérée comme un modèle de démocratie (comme l’a montré la destitution récente de son ex-présidente Park Geun-hye). Du coup, on peut penser que le despotisme libéral n’a de sens que s’il est limité sur une période de temps (quelques décennies) et s’il débouche vraiment sur la démocratie. Pour l’heure, la Chine est un puissant contre-exemple. Mais qui sait ? En ce début de siècle très chahuté, rien ne dit que le « Consensus de Pékin » (liberté économique et verrouillage politique) n’est pas appelé à toujours durer.

PNN

Qui parle encore du Produit national net (PNN) ? Pour savoir de quoi il s’agit, il faut remonter dix ans en arrière, juste au moment où la planète financière commençait à s’enfoncer dans la crise des subprimes. On se souvient que l’une des mesures novatrices présentées par plusieurs économistes, dont Joseph Stiglitz, consistait en une refonte totale de l’appareillage de mesure de la performance économique. Le bon vieux Produit intérieur brut (PIB) fut mis en accusation car incapable de donner une idée précise sur la dégradation de l’environnement, la baisse des ressources naturelles ou l’importance du patrimoine, sans oublier les activités non-marchandes. L’idée de favoriser le PNN, sorte de solde entre la richesse produite mais aussi celle qui a été consommée ou détériorée, fut reprise de colloques en tribunes. Avec cet indicateur, on allait pouvoir intégrer les préoccupations écologiques dans les statistiques. Dix ans plus tard, le bilan est maigre. Certes, on connaît désormais le « jour du dépassement » (overshoot day en anglais), c’est-à-dire la date à partir de laquelle l’humanité aura consommé la totalité des ressources que la planète peut renouveler en un an (le 2 août en 2017). Ce moment où l’humanité commence à vivre « à crédit » (et cela jusqu’au 31 décembre) est très médiatisé, d’autant plus qu’il survient de plus en plus tôt. Mais cela s’arrête là ou presque. Aucun État n’a pris de mesure phare pour institutionnaliser le PNN et la logique qui l’accompagne. ❐

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AIDE




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