MONDE ARABE
« Ena Zeda ! » « Moi aussi ! »
Le mouvement tunisien s’étend au Maroc, au Moyen-Orient aussi. Elles se lèvent contre le harcèlement et les abus. Et témoignent publiquement.
CAMEROUN
Aux origines de la crise
anglophone
PRIX NOBEL
ABIY AHMED ENTRE GUERRES ET PAIX
L’Éthiopie apparaît comme un concentré d’Afrique : développement et pauvreté, violences ethniques et souverainisme, potentiel immense et danger immédiat…
CÔTE D’IVOIRE
CINÉMA
Elles sont un facteur clé de l’émergence
CHOISIS PAS. JE SUIS FRANÇAIS, AFRICAIN, MALIEN »
LE CAPITAL Ladj Ly FEMMES « JE NE Un dossier spécial de 16 pages.
ROMAN
Fatou Diome : « L’écriture n’est pas une thérapie ! »
France 4,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3000 FCFA ISSN 0998-9307X0
N° 398 - NOVEMBRE 2019
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PRIX NOBEL
ABIY AHMED ENTRE GUERRES ET PAIX
Le Premier ministre éthiopien est le chef d’un pays immense, sur un fil. CINÉMA LADJ LY
« Je ne choisis pas. Je suis français, africain, malien » STAR OXMO PUCCINO
« J’ai été sombre avant de proposer du lumineux »
HARCÈLEMENT
#EnaZeda
Moi aussi
En Tunisie, elles se lèvent contre les abus. La parole se libère. Un mouvement qui s’étend au Maroc, au Moyen-Orient…
ENQUÊTE SUR UNE RÉVOLUTION EN COURS France 4,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3000 FCFA ISSN 0998-9307X0
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Jane Alexander Olu Amoda El Anatsui Mahi Bine Bine Zoulikha Bouabdelah Meriem Bouderbala Soly Cissé Viyé Diba Adel El Siwi William Kentridge Jems Koko Bi Abdoulaye Konaté Bill Kouelany Siriki Ky Mohamed Melehi Vitshois Mwilambwe Bondo Nenna Okoré Mohammed Omar Khalil Yazid Oulab Chéri Samba Kofi Sétordji Joseph Sumégné Fathiya Tahiri Barthélémy Toguo Freddy Tsimba Ouattara Watts Fatiha Zemmouri Dominique Zinkpé
DAKAR
06 Décembre 2019
Commissaire Général Yacouba Konaté Commissaire Artistique Brahim Alaoui
www.pretemoitonreve.com Partenaires Panafricains
Partenaires Etape
édito PAR ZYAD LIMAM
L’AFRIQUE AU CENTRE DU MONDE Tout part d’un paradoxe et d’une injustice historiques. L’Afrique (16 % de la population mondiale, moins de 6 % de la consommation énergétique et 3 % des émissions de gaz à effet de serre) n’est pas responsable du changement climatique. Elle a peu produit et peu pollué au cours du siècle dernier, contrairement aux puissances occidentales (États-Unis, Europe) et aux puissances émergentes comme la Chine, l’Inde, le Brésil… L’Afrique est « innocente », et pourtant elle est touchée de plein fouet par le dérèglement : bouleversement des saisons, du cycle des pluies, sécheresse, montée du niveau de la mer, mise en danger du littoral… On demande au continent de s’adapter et de lutter sans, par ailleurs, vraiment mettre sur la table les moyens immenses nécessaires à cette lutte existentielle : « débrouillez-vous… », en quelque sorte. Pourtant, le monde aura besoin de l’Afrique. On le sait, l’équation démographique est impitoyable. La population du continent pourrait doubler d’ici à 2050 pour atteindre près de 2,5 milliards d’habitants. Plus de 10 millions de jeunes Africains arriveront chaque année sur le marché de l’emploi, formel ou informel. L’urbanisation massive changera les modèles sociétaux en profondeur. L’Afrique aura besoin d’un taux de croissance élevé sur une longue durée, avec des économies fortement créatrices d’emplois, pour tenir le choc. Mais si nous nous mettons demain à produire et à consommer comme la Chine ou l’Inde d’aujourd’hui, ce sera la fin des objectifs globaux en matière de hausse des températures. Pour que, globalement, l’humanité ait une chance d’assurer une véritable transition écologique, il faut que l’Afrique « leap frog » en matière de croissance « clean », qu’elle bascule rapidement vers un mode « vert », alternatif. Compte tenu de l’urgence et de l’enjeu planétaire, les financements, les transferts de technologies devraient être assez vite disponibles. L’Afrique a une formidable carte à jouer, en particulier sur la question des énergies renouvelables. Les évolutions technologiques, l’attitude des grandes
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entreprises mondiales pétrolières, poussées par une opinion de plus en plus mobilisée, ont transformé la donne. Les renouvelables sont l’une des clés du futur, en particulier le solaire, l’éolien, l’hydroélectricité, la biomasse… Dans tous ces domaines, l’Afrique dispose d’un atout majeur grâce à sa « ceinture du Soleil ». Et à l’exception de quelques-uns, dont notamment l’Afrique du Sud [voir p. 100], la plupart des pays du continent ne sont pas soumis à la nécessité d’abandonner le charbon. Notre carte est vierge, blanche, nous pouvons nous accrocher aux technologies de l’avenir. En particulier pour ouvrir l’accès à l’énergie pour l’ensemble du continent. Aujourd’hui, seulement 30 % du milliard et plus d’Africains ont accès à l’électricité. Et on ne voit pas comment on pourrait parler d’émergence sans énergie disponible. L’Afrique reste aussi une puissance fossile. Depuis le début des années 2000, les découvertes gazières et pétrolières se multiplient, dans le golfe de Guinée, sur la façade de l’océan Indien, dans le bassin du lac Tchad… Près d’un tiers des découvertes mondiales de pétrole et de gaz entre 2010 et 2015 concerne l’Afrique subsaharienne. Des pays importateurs vont devenir exportateurs. Plus encore que le pétrole, le gaz apparaît comme une formidable opportunité africaine. Des découvertes majeures ont eu lieu au Mozambique (le « nouveau Qatar »), en Tanzanie, au large du Sénégal et de la Mauritanie, dans le golfe de Guinée encore… Pour le moment, ces gisements n’ont pas tous donné des mises en production. Mais le potentiel est là. Selon certaines estimations, l’Afrique subsaharienne pourrait dépasser la Russie en tant que fournisseur de gaz d’ici à 2040. En restant optimiste, l’Afrique pourrait donc à la fois se lancer dans une incontournable transition écologique complexe, tout en disposant d’un matelas de sécurité en matière d’énergies traditionnelles. À elle de faire valoir son jeu, ses atouts, de se placer au centre de la discussion mondiale sur une question essentielle à l’avenir de tous. ■
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P.24
3 ÉDITO L’Afrique au centre du monde
TEMPS FORTS Abiy Ahmed : Entre guerres et paix
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par Zyad Limam
par Cédric Gouverneur
6 ON EN PARLE C’EST DE L’ART, DE LA CULTURE, DE LA MODE ET DU DESIGN
Harcèlement : Une révolution en marche
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par Frida Dahmani, Cédric Gouverneur et Julie Chaudier
Manifeste féministe 20 CE QUE J’AI APPRIS Muthoni Drummer Queen
Cameroun : Aux origines de la crise anglophone
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par Astrid Krivian
par François Bambou
23 C’EST COMMENT ? Adresse inconnue
Ladj Ly : « Je ne choisis pas. Je suis français, africain, malien »
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par Emmanuelle Pontié
114 VINGT QUESTIONS À… Noumoucounda par Astrid Krivian
par Astrid Krivian
Fatou Diome : « L’écriture n’est pas une thérapie »
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par Astrid Krivian
P.40
Oxmo Puccino : « J’ai été sombre avant de proposer du lumineux »
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par Astrid Krivian
Portfolio : Rencontres de Bamako
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par Emmanuelle Pontié
BUSINESS Menaces sur la souveraineté numérique
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Alioune Sarr : « Notre objectif est d’atteindre 3 millions de visiteurs »
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par Emmanuelle Pontié
P.32 Afrique Magazine est interdit de diffusion en Algérie depuis mai 2018. Une décision sans aucune justification. Cette grande nation africaine est la seule du continent (et de toute notre zone de lecture) à exercer une mesure de censure d’un autre temps. Le maintien de cette interdiction pénalise nos lecteurs algériens avant tout, au moment où le pays s’engage dans un grand mouvement de renouvellement. Nos amis algériens peuvent nous retrouver sur notre site Internet : www.afriquemagazine.com
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YASUYOSHI CHIBA/AFP - DR - STEFANIA MIZARA/LE PICTORIUM
par Jean-Michel Meyer
FONDÉ EN 1983 (35e ANNÉE) 31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE Tél. : (33) 1 53 84 41 81 – Fax : (33) 1 53 84 41 93 redaction@afriquemagazine.com Zyad Limam DIRECTEUR DE LA PUBLICATION DIRECTEUR DE LA RÉDACTION zlimam@afriquemagazine.com Assisté de Maya Ayari
mayari@afriquemagazine.com RÉDACTION Emmanuelle Pontié DIRECTRICE ADJOINTE DE LA RÉDACTION epontie@afriquemagazine.com Isabella Meomartini DIRECTRICE ARTISTIQUE imeomartini@afriquemagazine.com
P.49
DÉCOUVERTE Côte d’Ivoire : Le capital femmes
Jessica Binois PREMIÈRE SECRÉTAIRE DE RÉDACTION sr@afriquemagazine.com
par Ouakaltio Ouattara, Laure Nesmon et Alexandra Fisch
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Amanda Rougier PHOTO arougier@afriquemagazine.com ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO
Elles ont du potentiel ! Dynamiques et engagées L’économie au défi de la parité Un hôpital d’exception L’école, clé du futur Elles sont la Côte d’Ivoire
François Bambou, Hind Bouzar, Julie Chaudier, Jean-Marie Chazeau, Frida Dahmani, Catherine Faye, Alexandra Fisch, Glez, Cédric Gouverneur, Dominique Jouenne, Astrid Krivian, Fouzia Marouf, Jean-Michel Meyer, Luisa Nannipieri, Laure Nesmon, Ouakaltio Ouattara, Sophie Rosemont.
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MADE IN AFRICA PARTEZ EN VOYAGE, PRENEZ VOTRE TEMPS
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VIVRE MIEUX Cancers : essayer de s’en protéger La grenade : une mine de bienfaits Contre les virus, boostez votre immunité Dents de lait : Il faut en prendre soin ! par Annick Beaucousin et Julie Gilles
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Le mouvement tunisien s’étend au Maroc, au Moyen-Orient aussi. Elles se lèvent contre le harcèlement et les abus. Et témoignent publiquement.
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GRÉGORY BRANDEL
C’est maintenant, et c’est de l’art, de la culture, de la mode et du design
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MANIFESTE FEMINISTE
Dans cette création solo, la chorégraphe Julie Dossavi s’interroge sur la PLACE DES FEMMES dans la société, passé un certain âge.
DR - GRÉGORY BRANDEL
JULIE DOSSAVI a eu 50 ans en 2018. Un cap. Une étape difficile à franchir dans notre société, d’autant plus pour une danseuse. Dans son nouveau spectacle au Théâtre d’Angoulême, pendant une heure, la chorégraphe française d’origine béninoise incarne des portraits de femmes modernes, singulières, étonnantes, exubérantes, belles, drôles et libres. Leur point commun : elles ont entre 50 et 80 ans et osent aller au bout de leurs désirs, sans tenir compte de leur âge. Parmi elles, Mama Tekno, DJ, qui évolue dans plusieurs styles musicaux, de la techno au rock, en passant par les sons basses des rythmes africains, le chant et même le silence. Cette femme est le fil conducteur qui unit tous les personnages de Julie Dossavi par la même passion musicale. Pour accompagner son solo sur scène, la danseuse s’est entourée d’Yvan Talbot et de Maki La Machete, compositeurs d’une partition sur-mesure oscillant entre électro, musique africaine et hip-hop. Une bande-son qui se veut pacifique, et dans laquelle la tolérance, l’acceptation et l’hédonisme tiennent une place centrale. En somme, un véritable manifeste pour les femmes dans l’air du temps ! ■ Catherine Faye
La danseuse incarne des personnages ayant tous entre 50 et 80 ans, sur plusieurs styles musicaux, de la techno au rock, en passant par les rythmes africains.
MAMA TEKNO de Julie Dossavi,
Théâtre d’Angoulême – Scène nationale, Angoulême (France), les 5, 6, 7, 12 et 13 novembre 2019. theatre-angouleme.org
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ON EN PARLE … et des ceintures faites main et en petite série.
La marque de Nicole Tiangaye propose de multiples accessoires élégants, dont des harnais…
MODE
LA TOUCHE CHOC SEXY, PROVOCATEUR, MODERNE ET AFRO, c’est le style d’accessoires que Nicole Tiangaye, 32 ans, née en République centrafricaine et arrivée à Orléans, en France, à 8 ans, a voulu créer avec sa marque, La Dame chiic : « Je cherchais quelque chose de ce type auprès d’autres créateurs afro, mais je n’arrivais pas à trouver. Vu ma passion pour la mode, mon fiancé m’a suggéré de le faire moi-même, et c’est comme ça que je me suis lancée. » Aujourd’hui, elle a sorti sa troisième collection, coup de cœur de l’ancienne miss France Flora Coquerel, de la chanteuse Lynnsha et de la danseuse et chorégraphe BadGyal Cassie, avec laquelle elle a entrepris des collaborations. Le produit phare de la marque est le harnais, un accessoire qui peut se marier avec toutes 8
sortes de looks, du glamour au punk, en passant par le street style, et qui permet d’ajouter une touche provocante et moderne à n’importe quelle tenue. Réalisées en wax et en similicuir, les créations de Nicole Tiangaye sont faites à la main et en petite série, afin que chacune de ses clientes puisse se sentir unique. Depuis sa deuxième collection, La Dame chiic propose des bretelles pour homme et enfant, mais aussi des bananes et des ceintures. Dernières nouveautés en date, des visières et des porte-jarretelles, qui viennent élargir une gamme d’accessoires faite pour des femmes qui osent. Parce que les vraies férues de mode le savent : pour avoir un look qui se démarque, il faut soigner avant tout les petits détails. la-dame-chiic.afrikrea.com/fr ■ Luisa Nannipieri
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DR (3)
Ce sont souvent les détails qui font toute la différence dans une tenue, et c’est le cas avec les harnais en wax de LA DAME CHIIC.
Porté par un dessin particulièrement soigné, le récit s’étale sur plusieurs niveaux de temps.
CINÉ
J’AI PERDU MON CORPS
XILAM ANIMATION - DR
Le pari osé et réussi d’un dessin animé qui a pour héroïne… UNE MAIN TRANCHÉE ! NAOUFEL, ENFANT DÉRACINÉ DE SON MAROC NATAL, a perdu ses parents dans un accident de voiture. Adolescent, il se retrouve hébergé en France par un oncle qui lui ponctionne un loyer sur son maigre salaire de livreur de pizzas. Jusqu’au jour où Naoufel rencontre Gabrielle. En parallèle, on suit la folle équipée d’une main coupée qui s’échappe du réfrigérateur d’un hôpital et qui part à la recherche du reste de son corps… Avec tous les obstacles que peut rencontrer sur son chemin une main qui avance au ras du sol avec ses cinq doigts – la course-poursuite avec des rats est mémorable, on n’est clairement pas dans le Ratatouille de Disney. Ces deux morceaux d’histoire finiront par se recoller, sans que le spectateur ne se perde pour autant entre les nombreux flash-back, et ce n’est pas la moindre habileté du scénario (inspiré du roman Happy Hand, de Guillaume Laurant). Tout un jeu sur le souvenir s’instaure : mémoire d’un membre amputé, mémoire d’un jeune homme qui, enfant, a enregistré sur magnétophone les bruits et les voix autour de lui avant de les oublier.
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Porté par un dessin particulièrement soigné, le récit, souvent haletant, tisse plusieurs niveaux de temps, entre présent et passé plus ou moins lointain, et nous embarque. L’animation recrée un quotidien très réaliste (intérieur d’appartements, rues, gestes quotidiens, etc.), à la façon des studios japonais dont les dessins animés visent un public adulte. Le résultat est à la fois très original, puissant et limpide, malgré la complexité de sa construction. Ce premier film poétique – son réalisateur, Jérémy Clapin, n’avait fait que des courts-métrages jusque-là – a d’ailleurs fait chavirer le dernier Festival de Cannes en remportant le Grand prix de la Semaine de la critique. Et des dessins animés qui gagnent au détriment de films, on les compte… sur les doigts d’une main ! ■ Jean-Marie Chazeau J’AI PERDU MON CORPS (France), de Jérémy Clapin. Avec les voix de Hakim Faris, Victoire Du Bois, Bellamine Abdelmalek. 9
ON EN PARLE
SOUNDS À écouter maintenant !
❶ Souad Massi Oumniya, Naïve/ Believe
DÉJÀ PLUS DE VINGT ANS DE CARRIÈRE pour la voix d’or venue d’Alger. Après le très beau El Mutakallimûn, dans lequel elle s’appropriait les textes des plus grands poètes arabes, Souad Massi revient avec Oumniya (« mon souhait »). Ici, il s’agit avant tout de liberté, sur un fond tissé de chaâbi et de folk aux arrangements toujours ciselés. Cette liberté, c’est celle des femmes, de tout âge et de tout continent, celle des hommes aussi. Un album aussi poétique qu’engagé. ■ Sophie Rosemont
Hend Sabri incarne une blanchisseuse adultère aux prises avec son mari violent.
CINÉ
NOURA RÊVE
Un suspense sociétal dans la Tunisie post-révolutionnaire.
❷ Acid Arab
POUR INCARNER NOURA, UNE BLANCHISSEUSE travaillant dans les sous-sols d’un hôpital, Hend Sabri, star en Égypte, a dû réapprendre le langage parlé par la rue de son pays d’origine, la Tunisie. Mais aussi apparaître sans maquillage, elle, l’égérie de L’Oréal et de Garnier pour les pays arabes, les traits cernés par la fatigue. Et pour cause : en plus de son travail, Noura doit s’occuper de ses trois enfants, rendre visite en prison à son mari qu’elle déteste et qu’elle craint, et se cacher pour retrouver régulièrement son amant. Dans un pays où l’adultère est puni jusqu’à cinq ans de prison, elle cherche à rapidement divorcer pour épouser l’homme qu’elle aime. Problème : le mari sort de prison plus tôt que prévu, veut garder son épouse, et va se venger d’une façon assez peu réaliste mais violente. Ce sombre scénario ménage un suspense haletant, dans cette banlieue sud de Tunis, Djebel Jelloud, qui offre un décor miséreux et pourtant sublimé par la caméra. Les trois comédiens principaux sont particulièrement convaincants, jusque dans l’ambiguïté de leur personnage. Cette nouvelle variation du trio vaudevillesque, dans la Tunisie post-révolutionnaire, est à la fois intense et très politique. C’est aussi une belle étude sur le mensonge comme moyen de sauver sa peau. ■ J.-M.C. NOURA RÊVE (Tunisie-Belgique-France), de Hinde Boujemaa.
Jdid, Crammed Discs
FONDÉ PAR LES DJ Hervé Carvalho et Guido Minisky, ce collectif a pour vocation de mixer l’électro façon clubbing avec les mélodies orientales traditionnelles. Et ça dépote ! Pour son deuxième album, Acid Arab s’entoure du groupe féminin touareg Les Filles de Illighadad, de la chanteuse algérienne Radia Menel ou encore du Jordanien Hasan Minawi. De « Staifia » à « Malek Ya Zahri », le rythme ne faiblit pas et confirme le titre du disque, Jdid (« frais » en arabe). ■ S.R.
Avec Hend Sabri, Lotfi Abdelli, Hakim Boumsaoudi. DESIGN
En un an, COUMBA DIAKITÉ, 28 ans, a mis sur pied une entreprise faisant passer les vieux pneus du bord de la route au salon. Dans son atelier, avec l’aide de quatre menuisiers, elle les habille d’une structure en bois pour les transformer en poufs et fauteuils, avant de les vendre à des entreprises, des hôtels et des particuliers. Son projet lui vaut d’être parmi les 54 femmes distinguées en 2019 par le forum Women in Africa. byrecycl.com ■ L.N. 10
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AXEL DERRIKS - DR (5)
By’Recycl, du pneu au pouf
ARTHUR FARACHE SAUVEGRAIN/RUDY WAKS/DAVID KOSKAS/CPB FILMS/SCARLETT PRODUCTION/CANAL+
TÉLÉ
Roschdy Zem
CHEZ LES SAUVAGES
Cette série politique MADE IN FRANCE a secoué la rentrée du petit écran. AFRIQUE MAGAZINE
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À PEINE ÉLU, UN PRÉSIDENT FRANÇAIS d’origine kabyle se fait tirer dessus par un jeune arabe… Le premier épisode de l’ambitieuse série produite par Canal+ donne le ton. Le chef de l’État, c’est Idder Chaouch, joué par un Roschdy Zem magnétique, très Barack Obama. Sa fille vit avec Fouad Nerrouche, un acteur à succès qui a un peu
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trop rapidement oublié sa cité d’origine à Saint-Étienne et se retrouve accusé de complicité avec le tireur… qui est son cousin. Mêlant soap opera familial, plongée dans les coulisses du pouvoir, enquête policière et suspense, la série s’inspire des romans de Sabri Louatah, par ailleurs créateur de cette adaptation. Ces Sauvages vont parfois vite en besogne, mais touchent au but : interroger l’avenir d’un certain vivre ensemble dans une ex-puissance coloniale. Avec une ribambelle d’excellents acteurs arabes, comme on a peu vu dans une production française. ■ J.-M.C. LES SAUVAGES (France), de Sabri Louatah et Rebecca Zlotowski (6 x 52 mm). Avec Roschdy Zem, Dali Benssalah, Farida Rahouadj, Marina Foïs, Amira Casar. Disponible sur Canal+ et Canal+ Afrique. 11
ON EN PARLE
Congo 1968, Marcelo Brodsky, 2018.
AKAA – ALSO KNOWN AS AFRICA, Carreau du Temple, Paris
ART CONTEMPORAIN
CRÉATIONS SANS FRONTIÈRES
(France), du 9 au 11 novembre 2019.
akaafair.com
POUR SA QUATRIÈME ÉDITION, l’unique foire française d’art contemporain centrée sur le continent et ses diasporas ne place plus au centre les artistes africains, mais l’Afrique dans sa globalité. Et cela change tout. En redessinant la carte de l’art contemporain en France, Victoria Mann, fondatrice et directrice du projet, invite à (re)découvrir des Afriques qui sont ouvertes sur le monde… et un monde ouvert sur le continent. Cette année, on y verra par exemple Marcelo Brodsky, un artiste argentin qui étudie dans son travail les systèmes économiques, sociaux et politiques du Congo. Mais aussi l’Allemande Marion Boehm ou le Congolais Houston Maludi, lequel investira la nef centrale pour une expérience immersive inédite. Autant d’artistes qui vont au-delà de leur nationalité ou leur géographie propre, pour s’inspirer des mondes qui les entourent. ■ C.F. 12
Victoria Mann est la fondatrice et directrice de cet événement français unique en son genre.
AFRIQUE MAGAZINE
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MARIA ISABEL BRATH - ROBERTA VALERIO - DR
Pendant trois jours, la foire parisienne ALSO KNOWN AS AFRICA présentera une sélection toujours plus pointue.
ALBUM
Natacha Atlas Toujours au sommet
En mariant l’anglais et l’arabe sur une musique entre jazz et mélodies orientales, LA CHANTEUSE arrive à relier tous les styles. APRÈS LE TRÈS ÉLÉGANT MYRIAD ROAD paru il y a quatre ans, Natacha Atlas revient avec un nouvel opus imaginé aux côtés du compositeur, violoniste et directeur musical Samy Bishai. Tous deux sont nés d’un père égyptien et d’une mère britannique et souhaitent marier la musique traditionnelle arabe au jazz. Entourés de musiciens cinq étoiles (de la pianiste Alcyona Mick au trompettiste Hayden Powell, en passant par le percussionniste Oli Savill et la chanteuse Joss Stone), Atlas et Bishai ont écrit un album qui rappelle toute la richesse des influences de la diva : « Mon hybridité et ma dualité entre le Moyen-Orient et l’Europe, dans toutes ses facettes », précise-t-elle. De « Out of Time » à « Moonchild », on se laisse porter par cette musique à la fois saisissante et inclassable, organique et synthétique. ■ S.R. NATACHA ATLAS, Strange Days,
SAMIR BAHRIR
Whirlwind Recordings/Socadisc.
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L I T T É R AT U R E
Hemley Boum Trois femmes, plusieurs Cameroun
La ROMANCIÈRE aborde avec justesse et lucidité les questions de la transmission et DE L’IDENTITÉ.
Hemley Hem H em e mley ey y Bo Bou ou o um. m Boum.
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RÉCITS SOLIDAIRES SEIZE TEXTES INTENSES, émouvants souvent, intimes parfois, sont réunis dans ce recueil aussi bouleversant qu’éclairant. Livrées par des auteurs méditerranéens, à l’instar d’Aminata Aidara, Meryem Alaoui, Leïla Slimani ou encore Mahmoud Tawfik, ces courtes fictions francophones ou traduites évoquent les relations entre les pays du Sud et l’Europe, et le destin d’une mer devenue cimetière. Ils racontent l’espoir d’une autre vie, l’horreur rencontrée en chemin ou la déchirure de l’exil, ponctués par de fragiles instants de joie ou de douceur. Avec l’intégralité de ses bénéfices reversés à l’association SOS Méditerranée, ce livre est une contribution à la mobilisation citoyenne internationale. Depuis 2015, elle porte assistance aux hommes, femmes ou enfants, migrants ou réfugiés, qui se retrouvent en danger de mort lorsqu’ils traversent la Méditerranée. Son bateau, L’Aquarius, dont l’écrivain français Laurent Gaudé a écrit qu’il était l’Antigone de l’Europe, est aujourd’hui contraint de rester à quai, à Marseille, faute de pavillon. Mais la mobilisation, elle, n’a pas faibli. ■ C.F. COLLECTIF, Méditerranée, amère frontière, Actes Sud,
144 pages, 15 €.
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DR (2) - FRANCESCA MANTOVANI/GALLIMARD
RIEN NE PRÉDESTINAIT Hemley Boum à une carrière d’écrivaine. Née en 1973 à Douala, puis diplômée d’une maîtrise en sciences sociales à l’université catholique d’Afrique centrale, à Yaoundé, elle poursuit ses études à Lille, en marketing et commerce extérieur, pour finalement s’installer en banlieue parisienne. D’une grande puissance narrative, ce nouveau roman s’inscrit dans la lignée de ses précédents ouvrages, parmi lesquels Le Clan des femmes, en 2010, qui traite de la polygamie dans un village africain du début du XXe siècle. Ou bien Les Maquisards, dans lequel elle revisite avec passion la lutte pour l’indépendance du Cameroun, et plus largement la décolonisation. HEMLEY BOUM, Les jours viennent Un roman puissant et complexe, récompensé en 2015 et passent, Gallimard, par le Grand prix littéraire d’Afrique noire, puis 368 pages, 21 €. le Prix du livre engagé l’année suivante. Les jours viennent et passent invitent à une épopée spatio-temporelle au cours de laquelle on glisse aisément du présent au passé, des années 1950 à nos jours, de Paris à Douala. Au soir de sa vie, Anna se remémore son existence mouvementée dans un Cameroun en pleine transformation. Sa fille unique, Abi, a fait le choix de vivre en France, où elle tente de dénouer ses propres conflits, d’accorder sa vie amoureuse et ses responsabilités familiales. Puis apparaît Tina, rescapée des camps terroristes de Boko Haram. Cette toute jeune femme mêle sa voix et sa destinée à la leur. Derrière les mots de sa protagoniste, Hemley Boum place une fois de plus les mutations de son pays et les questions identitaires au cœur de ses écrits. « Je me suis longtemps tenue à l’écart de la littérature africaine, j’y lisais une injonction qui ne me convenait étrangers it pas. Les auteurs étrange g rs parlaient à un moi intime, eux convoquaient la couleur oule l ur de ma peau, ainsi qu’une histoire qui me blessait et m’humiliait mil iliait », écrit-elle. écriit-elle. Si les voix des femmes portent le récit, cit, les hommes ne sont toutefois pas en reste : Max, le fils ils métisse d’Abi, représente – avec Tina et ses amis de Douala ouala – une génération confrontée au pire, mais habitée bitée par l’espoir de jours meilleurs. L’ouverture d’une nouvelle ouvelle ère. À travers trois générations de femmes, la romancière embrasse, en un même élan romanesque, ue, à la fois l’histoire contemporaine du Cameroun et l’éternelle histoire du cœur humain. ■ C.F.
Héros à découvrir EXPO
Le Smithsonian’s National Museum of African Art, à Washington, met sur le devant de la scène LES GRANDS PERSONNAGES du continent. POUR SA NOUVELLE EXPOSITION ÉVÉNEMENT, « Heroes : Principles of African Greatness », le Smithsonian’s National Museum of African Art a décidé de s’intéresser aux grands héros du continent. Par leurs combats, leurs luttes et leurs triomphes, ces individus exceptionnels incarnent des valeurs qui méritaient d’être célébrées et de traverser les générations. Dans cette exhibition très attendue, le musée national d’art africain de Washington a rassemblé près de 50 œuvres de 40 artistes de sa collection permanente ayant un lien avec le parcours de personnages qui ont joué un rôle clé dans les arts et l’histoire de l’Afrique. La scénographie est novatrice : chaque œuvre est associée à un individu africain héroïque, lequel incarne une valeur portée par l’œuvre en question. Une manière originale de découvrir des héros et héroïnes tantôt connus, tantôt surprenants, mais toujours courageux. ■ C.F. « HEROES : PRINCIPLES OF AFRICAN GREATNESS »,
FRANKO KHOURY (2)
National Museum of African Art, Washington (États-Unis), à partir du 16 novembre 2019. africa.si.edu
Ci-dessus : The Nasser Era and Om Kalsoum, Chant Avedissian, 1994. Ci-contre : cette statue igbo, du début-milieu du XXe siècle, est associée au célèbre écrivain nigérian Chinua Achebe.
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De gauche à droite, Ben Abarbanel-Wolff, Pat Thomas et Kwame Yeboah.
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MUSIQUE
PAT THOMAS & KWASHIBU AREA BAND Le légendaire chanteur ghanéen de highlife revient avec OBIAA!, un épatant concentré D’ÉNERGIE ET D’AFROPOP.
MARIE WEIKOPF - DR
PAT THOMAS & KWASHIBU AREA BAND, Obiaa!, Strut
Records.
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À LA FOIS AUTHENTIQUE PAR SON CHANT, funk par ses cordes et afrobeat par son dynamisme – sans oublier ses cuivres entêtants –, Obiaa! est le disque qui va éclairer notre hiver, et tous ceux à venir. Car l’on a affaire à Pat Thomas, 72 ans, l’une des plus grandes voix du highlife, un mouvement musical né à Kumasi, comme lui, haut en swing et en engagement. Les seventies n’auraient pas été les mêmes sans cet artiste inspiré et nomade, qui a habité en Allemagne comme au Canada. Quand on lui demande ce que cela fait d’être une icône de la musique ghanéenne, il fait preuve de son habituelle humilité : « Je n’y pense jamais ! Je mène tout simplement ma vie, heureux de pouvoir continuer à faire de la musique. C’est formidable que des personnes découvrent encore mes disques du passé, comme ils écoutent les nouveaux. Mais au-delà de ma passion pour la scène, je suis dévoué à ma famille et je veux être certain de payer mes factures, comme tout le monde ! » Il vient justement d’enregistrer un nouveau disque avec son groupe Kwashibu, composé du multi-instrumentiste Kwame Yeboah et du saxophoniste Ben Abarbanel-Wolff. Enregistré à Berlin, Obiaa! fait suite à Pat Thomas & Kwashibu Area Band (2015), qui souhaitait déjà conjuguer l’héritage de l’Afrique de jadis aux sonorités actuelles. Fort d’une tournée à guichets fermés, Pat Thomas ne se fait pas prier quand ses deux compères lui demandent de remettre ça en studio : « Nous avons voulu développer le style Kwashibu, testé et approuvé durant nos concerts, et Kwame a réussi à préserver l’esprit des années 1970, notamment avec les guitares, tout en lui insufflant du neuf. » Le titre de l’album signifie « Tout le monde ! » et, en effet, il brille par son universalité. Les messages d’ouverture d’esprit et de bienveillance traversent les chansons, entre « Onfa Nkosi Hwee » et « Odo Ankasa ». Et quand on lui demande quel est son secret de forme, ce qui lui permet une telle énergie créative, Pat Thomas s’exclame : « Je n’en ai aucune idée ! Mais ça doit être quelque chose en lien avec la nourriture… [rires] Jouer sur scène devant des foules du monde entier est électrisant, car le public aime tellement la musique… Et le Kwashibu Band est si chaud ! Il y a de quoi me maintenir en forme ! » ■ S.R.
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ÉVÉNEMENT
Marrakech,
Le palais El Badi a accueilli une exposition hommage au Libanais Michel Nachef.
grand format JOURNÉE ENSOLEILLÉE au Musée Yves Saint Laurent de Marrakech le 14 octobre dernier. Abdellah Oustad, directeur artistique du festival In Situ à Arles, est le créateur de cet événement dédié au huitième art. « Je souhaite transmettre ma passion à un large public, rendre accessible à tous la culture de l’image et promouvoir la jeune photographie marocaine et africaine », précise-t-il en animant une conférence-débat avec Lassana Igo Diarra, délégué général des Rencontres de Bamako [voir p. 84]. Au programme de cette deuxième édition, 60 photographes provenant d’Afrique et des quatre coins du monde y étaient réunis, aux côtés de dix experts internationaux assurant la lecture de portfolios en tête à tête. Nombre de lieux d’exposition étaient à découvrir au fil de déambulations marrakchies, comme le riad Denise Masson ou le monumental palais El Badi, dans lequel se sont 18
tenues trois nuits de projection, présentant les séries d’Aurèle Andrews-Benmejdoub et Ali Berrada (Maroc), Nadia Rabhi et Pierryl Peytavi (France), Zoé Aubry (Suisse) ou encore Justin Dingwall (Afrique du Sud). Le palais a également accueilli l’exposition hommage à Michel Nachef, « Sahara, nos territoires », sous la direction du commissaire d’exposition, Gilles Magnin : « C’est un témoignage artistique qui évoque la culture marocaine dans sa diversité. » Cet événement a pour finalité de s’imposer comme un rendez-vous majeur au sein du royaume et du continent. Pour Lassana Igo Diarra, le cercle vertueux est lancé : « Il y a déjà des ponts entre les divers pays : la prochaine biennale photo de Bamako présentera des séries signées par le collectif 220, représenté par les jeunes Algériens Fethi Sahraoui et Youcef Krache. Quant au Maroc, il déborde de dynamisme et d’énergie créative à suivre. » AFRIQUE MAGAZINE
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LAURENCE PETIT
Fondées par le directeur artistique Abdellah Oustad, les RENCONTRES DE LA PHOTOGRAPHIE de Marrakech se sont tenues dans la cité ocre du 14 au 20 octobre derniers. La deuxième édition de ce festival entièrement dévolu au huitième art a fédéré jeunes talents et grands noms venus des quatre coins du monde.
Ahwando, Ishola Akpo, 2017.
ISHOLA AKPO - AURÈLE ANDREWS-BENMEJDOUB - YUKI ONODERA - BERNARD GILLE
Autoportrait, Aurèle Andrews-Benmejdoub, 2019.
Si parmi les photographes, il y a ceux qui visitent le monde et ceux qui s’attachent à leur environnement immédiat, Ishola Akpo est une subtile alliance des deux, incarnant les jeunes pousses du milieu. Porteur d’un brassage culturel et identitaire, destiné à « penser l’avenir du continent dans sa multiplicité », ce photographe d’origine nigériane et béninoise signe une série singulière, « Ahwando », réalisée sur le site archéologique d’Agongointo au Bénin (datant du XVIIIe siècle) et présentée lors des nuits de projection. Le photographe ravive la trace des envahisseurs venus du Nigeria en se plaçant dans la peau des traqués, camouflé dans des feuilles mortes, caché dans des ahwando (« trous de guerre »). En 2018, il avait consacré un autre projet, « Daibi », à un dieu imaginaire, alors qu’il était à la résidence d’artistes Jardin Rouge (fondation Montresso), à Marrakech : tout en s’inspirant de la culture marrakchie et yoruba, il y avait réalisé une puissante série d’autoportraits sur impression pigmentaire, présentée dans le cadre de l’exposition « IN-DISCIPLINE ». « Me représenter dans un espace différent du contexte béninois yoruba a été très enrichissant », précise-t-il. Autre surprise : le Japon était le pays invité de cette édition. Une carte blanche a été donnée à l’artiste japonaise Miki Nitadori, qui a sélectionné et présenté six de ses pairs de renommée internationale : Yuji Hamada, Naruki Oshima, Yuki Onodera, Ken Kitano, Kazuyoshi Usui et Risaku Suzuki. Pour Marie Moignard, curatrice et journaliste pour le magazine Diptyk : « Il faut réunir davantage d’artistes marocains et de la diaspora afin de séduire le public touristique et local. » Au-delà d’être une plate-forme d’échanges fédérant les regards croisés d’artistes provenant du Maghreb, d’Afrique et d’Asie, ces Rencontres de la photographie de Marrakech devront en effet s’inscrire dans le temps, dans un ancrage plus local, afin de convaincre les partenaires financiers et de susciter un grand attrait pour le public. ■ Fouzia Marouf
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Transvest: Iris and Noah, Yuki Onodera, 2009.
De gauche à droite, Abdellah Oustad, Lassana Igo Diarra, Khalid Tamer et Ishola Akpo.
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CE QUE J’AI APPRIS
Muthoni Drummer Queen CETTE RAPPEUSE ET PERCUSSIONNISTE KENYANE est également une entrepreneure à succès. Dans son dernier album, She, elle se fait la porte-parole des femmes du continent et les célèbre avec son sens du rythme et sa verve inimitable. propos recueillis par Astrid Krivian Mon album raconte des histoires de femmes de mon pays, inspirées par des récits que j’ai entendus. Lancer un business, se détacher de l’emprise maternelle, faire le deuil d’une relation avec un compagnon… Elles sont à un moment décisif de leur vie où elles font face à des bouleversements. En ayant le courage de régler leur situation, elles deviennent leur propre héroïne, leur sauveuse, et améliorent leur existence.
J’ai commencé les percussions à 10 ans, puis j’ai fait de la batterie. Le rythme est un langage premier, c’est vraiment ce qui fait bouger les gens. Tout peut être une percussion : un seau, une table… Je fais de la musique parce qu’elle est venue facilement et naturellement vers moi. Je me sens épanouie à en créer, à en écouter, à en partager. C’est aussi une manière directe et efficace de transmettre une idée, un message au monde. La musique nous fait grandir, nous élève. Elle est une belle manière de se connecter aux autres, à l’humanité. En concert, l’éclairage, la chorégraphie, les tenues participent à amener l’expérience à un plus haut niveau, à sortir de l’ordinaire, pour l’artiste comme pour le spectateur. Et, comme dans certaines cérémonies kenyanes, le maquillage fait partie du rituel de la performance. Je choisis mes vêtements, pas forcément parce qu’ils sont sexy, mais parce qu’ils expriment une histoire visuelle forte. De style futuriste, ils sont confectionnés au Kenya, c’est une façon aussi de présenter le design, la mode de mon pays.
J’ai initié deux festivals au Kenya, Africa Nouveau et Blankets and Wine. Cela représente beaucoup de travail, mais il faut créer des espaces pour mettre en avant de nouvelles idées. Africa Nouveau fait se croiser la musique, la mode, les films, le culinaire, autour des identités, des diasporas, de leurs connexions. En somme, une célébration philosophique de la vie et de l’Afrique, avec ses créateurs les plus doués, à la pointe de la modernité. Je suis heureuse d’avoir contribué à la bande originale de Rafiki, réalisé par mon amie She, Yotanka Records, 2018.
Wanuri Kahiu [sorti en 2018, le long-métrage raconte une histoire d’amour entre deux jeunes femmes à Nairobi et a été censuré au Kenya, ndlr]. C’est un film très intéressant, qui montre les expériences des personnes LGBTQ dans mon pays natal, les discriminations qu’elles subissent. Ce type d’œuvres est important pour ouvrir un débat.
Ma chanson « Million Voice » m’a été inspirée par la situation, ces dernières années,
En menant une carrière artistique et en dirigeant un business, je contribue au dynamisme économique du secteur musical de mon pays, lequel est encore au stade de développement. Et même s’il y a beaucoup à faire, avec mes consœurs de ma génération, nous faisons ainsi fait progresser les droits des femmes, leur place, leur statut social. ■ 20
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des réfugiés somaliens, soudanais et rwandais au Kenya. Mais elle embrasse un sujet plus large : la façon dont les peuples qui accueillent ces exilés les traitent, les perçoivent, interagissent avec eux… Le but de ce morceau est d’inviter les gens à les considérer comme des humains avant tout.
PETER MUTUMA
«La musique nous fait grandir, nous élève. Elle est une belle manière de se connecter aux autres, à l’humanité.» AFRIQUE MAGAZINE
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C’EST COMMENT ?
PAR EMMANUELLE PONTIÉ
DOM
ADRESSE INCONNUE On a souvent entendu parler de projets d’adressage dans les capitales africaines. C’est-à-dire numéroter les habitations et autres locaux commerciaux, avec un nom de rue bien indiqué en début et en fin de voie. Mais, finalement, force est de reconnaître que… ça ne marche pas ! Et malgré quelques efforts (pas terribles), le système D reprend ses droits. Pour les locaux, qui connaissent par cœur leur tissu urbain, c’est pas bien grave. Mais, pour les visiteurs, invités à dîner chez X ou Y, il faut reconnaître que c’est une joyeuse galère ! Les indications, déjà, montrent qu’on n’est pas sortis de l’auberge. « Alors, c’est au quartier bidule, deuxième rond-point à gauche, roulez jusqu’au panneau Orange, puis aller à droite jusqu’aux palmiers, et après la maison au portail bleu, c’est encore à gauche et à droite, puis tout droit jusqu’à la boulangerie Pain d’or, et… » Et là, vous demandez, car vous êtes paumé ! La notion de « à gauche » ou « à droite » sur la rue X part en cacahuètes quand on se rend compte qu’il y a plusieurs rues concernées, ou que l’enseigne de telle ou telle boutique a changé, que machin a repeint son portail, etc. Alors, évidemment, si vous vous rendez chez un « grand quelqu’un », ministre, DG ou star de la chanson, la mine d’infos, ce sont les gardiens. Eux savent toujours et vous orientent quand vous errez, en tournant trois fois sur le même rond-point, hébété. Ils assurent, passent leur journée à épier les allées et venues de X ou Y, et connaissent parfaitement les villas des personnalités alentour. En revanche, si vous avez le malheur d’aller chez un ami pas connu du tout, qui loge dans un quartier modeste où les gardiens ne pullulent pas, c’est plus coton. Et là, y a pas intérêt à ce qu’on ait rasé les palmiers que l’on vous a indiqués comme point de repère. Sinon, vous êtes obligé, neuf fois sur dix, de vous arrêter là où vous êtes, en attendant que votre hôte vienne vous chercher… « Sur le goudron », comme on dit, car, en général, c’est la redoutable petite route non bitumée que vous avez ratée ! Bref, il paraît que ça coûte super cher de donner des noms et des numéros aux rues. Et, certes, les constructions anarchiques ne facilitent pas la tâche. Sans compter que ce système « flou », où l’on ne sait pas vraiment officiellement où habitent les gens, arrange pas mal de locataires clandestins et de faux propriétaires. Il n’empêche qu’au-delà du folklore, il serait peut-être temps de se pencher sur le sujet. Car, justement, l’adressage peut être un bon moyen d’assainir les capitales et leur cadastre. Et, accessoirement, de faciliter la vie aux visiteurs perdus ! ■ AFRIQUE MAGAZINE
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ABIY AHMED
ENTRE GUERRES ET PAIX Pour la seconde année consécutive, le prix Nobel de la paix est africain. Après le docteur congolais Denis Mukwege, c’est au tour du Premier ministre éthiopien d’être honoré. Aux commandes depuis avril 2018, il se voit encouragé à poursuivre ses réformes audacieuses dans un pays qui, à bien des égards, apparaît comme un concentré d’Afrique : émergence et pauvreté, violences ethnorégionales et souverainisme, potentiel immense et danger immédiat… par Cédric Gouverneur 24
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PETTERIK WIGGERS/PANOS-REA
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Dans les rues d’Addis-Abeba durant la journée sans voiture, organisée en février dernier à l’initiative du gouvernement.
let 2018, s’est faite autant « à l’initiative du président Afeworki. Ou alors il aurait fallu attribuer le prix Nobel conjointement à Afeworki, ce qui est évidemment impossible », sa tyrannie étant largement responsable de l’exode des jeunes Érythréens, dont plusieurs dizaines de milliers sont d’ailleurs réfugiés en Scandinavie. René Lefort relativise aussi l’ouverture attribuée à Abiy Ahmed : « Les libérations de prisonniers politiques ont commencé dès janvier-février 2018 », avant l’intronisation du jeune Premier ministre, « qui les a [ensuite] mises en œuvre avec énergie ». Dès février, son prédécesseur, Haile Mariam Dessalegn, avait
en effet libéré des opposants et annoncé sa démission, « vitale pour permettre de mener à bien les réformes qui établiront une paix durable et la démocratie ». Mais peu importe. Car le choix du comité Nobel constitue avant tout une façon d’encourager et de fortifier la démarche du dirigeant éthiopien. Le lauréat l’a bien compris et a attribué à sa récompense une portée continentale : « C’est un prix donné à l’Afrique, donné à l’Éthiopie, et je peux imaginer comment les autres leaders l’accueilleront positivement pour travailler à la construction de la paix sur le continent. » Car non content d’avoir signé la paix avec l’Érythrée, Abiy
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EDUARDO SOTERAS/AFP
es pronostiqueurs s’attendaient à voir récompensée la chancelière allemande Angela Merkel. Ou Greta Thunberg, la jeune pasionaria suédoise de l’urgence climatique. Ou même les manifestants démocrates de Hong Kong. La décision du comité du prix Nobel, vendredi 11 octobre à Oslo, a donc constitué une surprise, que sa présidente, Berit Reiss-Andersen, a ainsi justifiée : « En Éthiopie, même s’il reste beaucoup à faire, Abiy Ahmed a amorcé d’importantes réformes qui donnent à de nombreux citoyens l’espoir d’une vie meilleure et d’un avenir plus lumineux. » Arrivé au pouvoir en avril 2018, après des troubles ayant coûté la vie à des centaines de personnes, le jeune Premier ministre a, explique-t-elle, « consacré les cent premiers jours » de son mandat « à lever l’état d’urgence et à amnistier des milliers de prisonniers politiques ». Puis, « quand Abiy Ahmed a tendu la main, le président, Issayas Afeworki, l’a saisie, contribuant à faire la paix entre les deux pays », poursuit Reiss-Andersen. Le contentieux est immense. L’Érythrée est née de sa scission avec l’Éthiopie en 1993, privant le géant africain de sa façade maritime. Une guerre sanglante et fratricide pour quelques arpents de déserts éclate en 1998, avec au bout plus de 100 000 morts… Le retour au dialogue est donc un pas immense pour la région. Même si, à ce jour, la frontière entre les deux pays n’est toujours pas vraiment ouverte. Et comme le nuançait l’historien René Lefort, à l’antenne de RFI, la paix avec l’Érythrée, signée le 9 juil-
« Même s’il reste beaucoup à faire, il a amorcé d’importantes réformes qui donnent à de nombreux citoyens l’espoir d’une vie meilleure et d’un avenir plus lumineux. » Ahmed entend désormais réconcilier militaires et manifestants au Soudan. Il a aussi œuvré à la désescalade du litige frontalier entre le Kenya et la Somalie. À L’ORIGINE, UN CHOIX PAR DÉFAUT
L’homme qui, le 10 décembre prochain, se verra remettre son prix dans la capitale suédoise, est arrivé au pouvoir non par hasard mais par défaut : « Il n’y avait personne d’autre ! » résume l’historien français Gérard Prunier, spécialiste des arcanes de la Corne de l’Afrique. Au début de l’année 2018, le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE) ne parvenait pas à sortir
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le pays de la crise politique : les Oromo – près d’un tiers de la population – s’étaient soulevés, exaspérés par l’omnipotence de la petite minorité tigréenne. Malgré la répression, les émeutes s’amplifiaient, menaçant d’emporter non seulement le régime en place depuis 1991, mais la nation elle-même. « Le Premier ministre Haile Mariam Dessalegn ne contrôlait plus rien, analyse Gérard Prunier. Et c’est aux États-Unis que tout s’est joué, sous l’égide officieuse de Donald Y. Yamamoto, ambassadeur américain en Somalie et ancien ambassadeur en Éthiopie et à Djibouti. C’est un très bon connaisseur de la région, et Dessalegn lui a demandé
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conseil : le Premier ministre craignait une implosion du pays. » Le FDRPE est « à peu près aussi transparent que le parti communiste nord-coréen, ironise le spécialiste. Il fallait à Dessalegn un Oromo qui calme les contestataires, mais qui soit modéré : le nombre de candidats était limité. » Ce dernier doit trouver un équilibriste qui réussisse cette synthèse. Il s’intéresse alors au profil d’un ancien ministre des Sciences, membre de l’Organisation démocratique des peuples oromo (ODPO), l’un des quatre partis de la coalition FDRPE. Un homme de bureau mais aussi d’action : vétéran des guerres contre le régime de Mengistu, puis
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UNE « ABIYMANIA » S’EMPARE DU PAYS
Abiy Ahmed est né le 15 août 1976 à 500 kilomètres à l’ouest de la capitale, dans l’ancienne province de Kaffa – dont le nom a donné le mot « café ». Son père était un Oromo musulman et sa mère une Amhara orthodoxe convertie au pentecôtisme. Il grandit au village de Beshasha, au milieu des champs de café et de qat, et raconte avoir « découvert
À 41 ans, le voilà donc plus jeune leader du continent. Et quasiment personne ne le connaît ! l’existence de l’électricité et du bitume à l’âge de 10 ans », en allant à la ville voisine d’Agaro. Alors que le « Négus rouge » règne sur l’Éthiopie, son père est arrêté, et un frère aîné exécuté. Peu avant son quinzième anniversaire, il prend les armes contre Mengistu, qui tombe en 1991. Engagé dans l’armée du nouveau régime, le voici en 1995 au Rwanda, avec le contingent éthiopien des Casques bleus des Nations unies. Lors de la guerre ouverte contre l’Érythrée (mai 1998 à juin 2000), il dirige une unité de renseignement. Domaine dans lequel il excelle, apparemment, puisqu’il y fera carrière : major, puis lieutenant-colonel. Diplômé en informatique, il fonde en 2008 l’Agence éthiopienne de sécurité des réseaux d’information (INSA) – en clair, la surveillance du Web. Ce
Hommages, rencontres avec la population, le pape François ou le président français Emmanuel Macron…
inStargram Sur Instagram, plus de 48 000 personnes suivent le compte du dirigeant.
… ou encore séances de travail, le Premier ministre a un agenda bien rempli qu’il partage sur Internet.
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poste répressif aurait-il été perçu par les apparatchiks comme un gage d’immobilisme ? En ce cas, ils auraient commis une monumentale erreur de jugement. Car, peu après son intronisation, Abiy Ahmed s’excuse pour la répression et libère des milliers d’opposants. Il invite la diaspora à rentrer et amnistie des leaders en exil. Y compris des activistes catalogués jusque-là comme « terroristes », tel Berhanu Nega (élu maire d’Addis-Abeba en 2005) et son parti, Ginbot 7. Mieux : le Premier ministre retourne l’accusation de « terrorisme » contre les tortionnaires des services de sécurité et fait renvoyer des responsables de prisons. Le 5 juin, il lève l’état d’urgence. Le ministère de l’« Information » (c’est-à-dire de la censure) est démantelé, plus aucun journaliste n’est incarcéré. Enfin, il nomme des femmes à la tête de la Cour suprême, de la commission électorale… Les médias étrangers sont estomaqués : « Quelque chose d’extraordinaire se passe en Éthiopie, écrivent Tom Gardner et Charlie Rosser le 25 septembre 2018 dans le Guardian. Avec le nouveau Premier ministre Abiy Ahmed, l’autoritarisme et la brutalité d’État font place à ce qui ressemble à la démocratie. Un des partis les plus autocratiques d’Afrique est désormais dirigé par un homme qui croit sincèrement à la liberté d’expression. » C’est comme si le discret apparatchik pentecôtiste avait attendu toute sa vie cette occasion pour révéler sa vraie nature. D’ailleurs, l’un de ses anciens collègues évoquait dans une interview, en 2018, un homme cultivé et ouvert, à l’image de son bureau dont la porte n’était jamais close, et qui croulait sous « les livres de philosophie, de science
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CAPTURES D’ÉCRAN D’INSTAGRAM
contre l’Érythrée, officier de renseignement, Abiy Ahmed a quitté l’armée avec le grade de lieutenant-colonel. Il s’était fait remarquer en 2010 pour être revenu dans son village natal afin de réconcilier orthodoxes et musulmans après des violences interconfessionnelles. Il est oromo mais pentecôtiste (une Église protestante qui, en une génération, a séduit sans doute un cinquième des Éthiopiens). Et son épouse est une Amhara de Gondar. Dessalegn – lui aussi pentecôtiste – opte pour cet oiseau rare. Fin mars, Abiy Ahmed est désigné par une majorité des délégués du parti, avec 108 voix contre 60. Le 2 avril 2018, à 41 ans, le voilà donc plus jeune chef de gouvernement du continent. Et quasiment personne, en Éthiopie comme ailleurs, ne le connaît !
YASUYOSHI CHIBA/AFP
Abiy Ahmed et sa femme, Zinash Tayachew, à Kigali, le 7 avril dernier, lors de la commémoration des 25 ans du génocide.
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PORTRAIT
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e 22 octobre dernier, Abiy Ahmed a déclaré : « La guerre ne peut pas être une solution », en évoquant le contentieux avec l’Égypte. Cependant, le prix Nobel de la paix a mis en garde : « Aucune force ne peut empêcher l’Éthiopie de construire ce barrage. Un quart de la population éthiopienne est pauvre et jeune, nous pourrions en mobiliser des millions… » Le ministère des Affaires étrangères égyptien a aussitôt dénoncé « des insinuations inacceptables ». Au centre de cette tension : le grand barrage de la renaissance éthiopienne (GERD, Great Ethiopian Renaissance Dam), qui doit entrer en service à partir de 2022. Le plus vaste ouvrage hydroélectrique du continent est érigé sur le Nil bleu, non loin de la frontière soudanaise. La puissance du GERD pourrait atteindre 6 000 MW (soit près de trois fois celle du haut barrage d’Assouan). L’Éthiopie, en phase d’industrialisation, compte utiliser l’électricité produite et en revendre une partie aux États voisins. Le souci est que les travaux ont été effectués à partir de 2011 sans concertation aucune avec l’Égypte – alors en plein Printemps arabe. Or, l’Égypte dépend à 90 % du Nil pour son approvisionnement en eau. Le Caire demande à Addis-Abeba de reconnaître le traité de 1959, signé sous l’égide de l’ancienne puissance coloniale britannique, qui lui accorde 55,5 m3 par an, et au Soudan 18,5 milliards. Reste qu’à l’époque, l’Éthiopie de Haïlé Sélassié n’avait pas signé ce traité… Et le réservoir du GERD peut – potentiellement – retenir 74 milliards de m3 ! Le remplir trop vite pourrait siphonner le débit en aval, aux dépens des Égyptiens. Le Caire veut qu’Addis-Abeba lui garantisse un minimum annuel de 40 milliards de m3. Mais, début octobre, des négociations à Khartoum entre l’Éthiopie, l’Égypte et le Soudan ont abouti à une impasse… Le différend prend une inquiétante tournure chauviniste : depuis l’ère des pharaons, le plus grand fleuve du continent est indissociable de Le projet pharaonique devrait l’identité égyptienne. Côté éthiopien, l’ouvrage être opérationnel en 2022… alimente la fierté nationale, un symbole de souveraineté. Le barrage est en partie financé par une souscription nationale auprès des citoyens éthiopiens. En cas de conflit ouvert, le pays ne ferait sans doute guère le poids : la revue spécialisée américaine Stars and Stripes évalue l’armée éthiopienne à 300 000 hommes (100 000 de moins qu’il y a vingt ans, lors du conflit avec l’Érythrée). Le budget militaire est estimé à un demi-milliard de dollars. En face, l’armée égyptienne compte près de 450 000 hommes et bénéficie de plus de 4 milliards de dollars de budget (dont environ 1,3 milliard d’aide militaire directe américaine). Depuis l’arrivée au pouvoir en 2014 du maréchal-président Abdel Fattah al-Sissi, l’Égypte s’est hissée au troisième rang des importateurs d’armes dans le monde : ses achats ont crû de 215 %. Mais Addis-Abeba a conclu en avril 2018 avec Khartoum un accord pour défendre conjointement le GERD… ■ C.G.
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UN CHARISME À TOUTE ÉPREUVE
Ce génie de la com cultive son image. Il arbore un bouc soigneusement taillé, des tenues décontractées (chapeau et lunettes de soleil, T-shirts de couleur vive…) et laisse publier des photos de sa vie de famille, avec son épouse, Zinash Tayachew, et leurs trois filles. Il est non seulement issu d’un couple mixte oromo-amhara, mais sa confession pentecôtiste lui permet d’échapper au clivage orthodoxe/musulman. Et il parle quatre langues : amharique, oromo, tigrigna et anglais. Son action suscite évidemment des résistances : en juin 2018, des extrémistes oromo (eux-mêmes manipulés par un extrémiste amhara) lancent une grenade dans sa direction lors d’un rallye de soutien, tuant deux de ses partisans et en blessant 150 autres. Mais son charisme est à toute épreuve : en octobre 2018, il a mis dans sa poche une foule hostile de soldats venus exiger une augmentation de solde. Dans une vidéo virale, le Premier ministre fait des pompes avec eux !
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TIKSA NEGERI/REUTERS
Le grand barrage de la discorde
et de religion » : une personnalité aux antipodes de l’idée que l’on se fait d’un officier du renseignement. Le peuple éthiopien tombe sous le charme de ce Premier ministre souriant, dynamique, audacieux et bosseur. En quelques mois, une véritable « abiymania » s’empare du pays. L’ambiance des manifestations de soutien est festive, digne d’un office pentecôtiste : on s’embrasse, on chante, on parle d’amour et de réconciliation, en arborant des drapeaux ethniques ou politiques jusque-là interdits, mais aussi en portant des T-shirts et des banderoles à l’effigie du Premier ministre adulé ! Et si affrontements il y a, c’est moins entre policiers et manifestants qu’entre mouvements d’opposition rivaux. Qui s’en étonnera, la nouvelle liberté d’expression est parfois détournée par des extrémistes pour déverser leur haine ethnique sur les réseaux sociaux… Ce qui fortifie la posture de rassembleur d’Abiy Ahmed, motivé sans doute d’abord par la recherche de stabilité que par une réelle volonté de démocratie.
TIKSA NEGERI/REUTERS
La visite du président érythréen, Issayas Afeworki (à droite), en juillet 2018 à Addis-Abeba, officialise la paix signée entre les deux pays.
« Les Éthiopiens apprécient les leaders charismatiques, davantage que les partis et les programmes, avait expliqué en 2018 Goitom Gebreluel, chercheur éthiopien à l’université de Cambridge. Et Ahmed a cultivé cela de façon intelligente. » « Abiy connaît son Éthiopie par cœur ! » sourit Gérard Prunier. Le mot amharique « medemer » (« addition », « synergie », « travailler à l’unisson ») devient le nouveau leitmotiv. Seulement, ses adversaires les plus déterminés ne se laisseront pas séduire par des pompes… La crise la plus grave est survenue en juin dernier : cinq officiels sont assassinés à travers le pays dans une tentative de coup d’État fomentée par un général, Asaminew Tsige, nostalgique de la domination amhara. Détail machiavélique : l’une des victimes, le chef d’état-major Seare Mekonnen, a été abattue par l’un de ses gardes du corps, dont la famille avait été prise en otage… Depuis, le Premier ministre est plus que méfiant : « Il a confié sa sécurité à des Israéliens, explique Gérard Prunier. Il ne gouverne qu’avec une quinzaine de conseillers, pour la plupart oromo. Car l’administration est truffée de partisans
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L’Érythrée est née de sa scission avec l’Éthiopie en 1993, privant le géant de sa façade maritime. de l’ancien régime », des Tigréens qui voient leurs prébendes s’étioler. « C’est pour cela qu’il s’entend si bien avec le général Abdel Fatah al-Burhan », chef du « Conseil de la souveraineté », qui dirige le Soudan avec le Premier ministre de transition, Abdallah Hamdok. « Ahmed et al-Burhan font tous les deux face à des administrations hostiles. » Abiy Ahmed fait donc nettoyer l’administration des Tigréens, virés ou mutés pour « corruption ». Le prix Nobel de la paix 2019 n’est pas au bout de ses peines. L’Éthiopie compte désormais plus de 2 millions de déplacés internes, en raison de violences politico-ethniques qui se généralisent dans un pays où les « kalachs» circulent en toute impunité. Le Premier ministre s’est
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ainsi brouillé avec Jawar Mohammed. Ce jeune leader oromo charismatique, rentré d’exil en 2018 et qui comptait au nombre de ses soutiens officieux, l’accuse désormais de « dérive dictatoriale » et de vouloir attenter à sa vie. Fin octobre, la venue de policiers au domicile de Mohammed a provoqué des émeutes à Addis-Abeba et dans la région Oromia, entraînant la mort d’au moins 67 personnes. « Abiy rame », résume sèchement Gérard Prunier, qui estime « improbable » que des élections législatives libres et transparentes puissent être, comme promis, organisées dès mai 2020. Mais face aux cassandres qui prédisent une guerre civile, l’historien relativise : « Cela fait un demi-siècle qu’on répète que l’Éthiopie va imploser… » Et pourtant, elle tourne ! ■
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monde arabe
Harcèlem Une révolution en marche « Ena zeda ! » « Ana kamen ! » « Moi aussi ! » En Tunisie, au Maroc, en Égypte, au Moyen-Orient, les femmes se lèvent contre les abus. Et elles témoignent publiquement.
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ttablés aux terrasses des cafés de l’avenue Bourguiba de Tunis, les hommes ont pour activité préférée de regarder les femmes qui passent. Le regard est lourd, intrusif et plein d’arrogance. C’est le même que celui des badauds de la rue Didouche-Mourad à Alger, du boulevard Ben-Kaddour, à Casablanca, ou dans le quartier de Zamalek, au Caire. Lors de cet examen minutieux durant lequel les femmes sont déshabillées du regard, ils effleurent parfois discrètement leur entrejambe ; certains marmonnent des réflexions chargées de sous-entendus, d’autres, généralement en groupe, s’enhardissent à des commentaires plus sentis et souvent vulgaires. Devenue quotidienne dans les pays arabes, la scène ne dérange plus grand monde – si ce n’est les femmes elles-mêmes. Beaucoup se taisent, baissent la tête et accélèrent le pas, mais d’autres réagissent. « J’ai hurlé et insulté un jeune homme qui tenait des propos indécents au passage de ma fille », raconte Basma, une Tunisienne qui vit au Caire. Celles qui expriment leur indignation lors des agressions verbales sont de plus en plus 32
rares, comme si la loi du nombre prenait le dessus et qu’elles se retrouvaient démunies face à une société de mâles dominants. « Il ne faut pas laisser passer la première réflexion, il faut répondre, les remettre à leur place ; c’est ainsi que commence le harcèlement », assure Nadia, une Algérienne d’Annaba rencontrée à Sidi Bou Saïd, en Tunisie, qui se souvient que, dans les années 1960, les hommes draguaient, tentaient leur chance avec beaucoup moins d’agressivité. « C’était en tout cas plus flatteur et sans offense », ajoute celle qui remarque que ses cheveux blancs lui valent désormais le respect. Mais toutes s’accordent sur la persistance d’une omerta autour des agressions et des violences sexuelles. Néanmoins, les femmes dans les pays arabes semblent de plus en plus refuser le silence. Si les Tunisiennes ont été parmi les premières à dénoncer les violences qui leur sont faites, Égyptiennes, Marocaines et Libanaises se sont aussi indignées et ont emboîté le pas, dès 2017, au mouvement #MeToo, initié par l’actrice Alyssa Milano pour dénoncer les agissements du producteur Harvey Weinstein, et plus largement de tous les agresseurs du même acabit. Au Maroc, où 62,8 % des femmes subissent des formes de violence et où seules 17,4 % des violences dans les lieux publics AFRIQUE MAGAZINE
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SHUTTERSTOCK
par Frida Dahmani
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Des femmes dans le métro du Caire, en Égypte. Certains wagons leur sont spécialement réservés.
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d’OnTV qui avait filmé, en caméra cachée, tous les abus subis par les femmes au quotidien dans l’espace public. Si, en Algérie, seule la violence domestique est pénalisée depuis 2015 et le harcèlement largement banalisé, au Liban et en Jordanie, les lois permettant à un violeur d’échapper à une condamnation en épousant sa victime ont été abolies – mais les agressions persistent. Au point qu’une plate-forme, Harass Tracker, copie du Harass Map égyptien lancé durant le soulèvement de 2011, permet de cartographier les dénonciations de harcèlement à Beyrouth. « C’est une forme de violence qui doit être reconnue, nommée, et endiguée », réclame Charlotte Karam, directrice du projet KIP (Knowledge Is Power), qui axe ses travaux sur le genre et la sexualité au Liban pour susciter un véritable débat public en invitant à mettre en ligne des vidéos, des images ou des messages sous le hashtag Mesh_Basita (« ce n’est pas anodin »). Faute d’avoir réussi à obtenir une loi contre le harcèlement, les Libanaises refusent la résignation et investissent la Toile, comme d’autres femmes arabes le font sous le hashtag Ana Kamen.
Grâce au numérique, les révoltes du printemps arabe ont permis « à beaucoup de femmes pauvres, ou à la marge, de prendre conscience de leurs droits », estiment des ONG, mais tout semble se dérouler à huis clos, comme si la société restait en marge de phénomènes qui sont néanmoins régulièrement dénoncés. En Tunisie, sur 3 000 femmes, plus de la moitié se dit victime de violences dans les espaces publics, notamment les transports en commun, mais préfère se taire plutôt que de porter plainte. Dans la sphère arabo-musulmane, les femmes sont AFRIQUE MAGAZINE
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STEFANIA MIZARA/LE PICTORIUM
PRISE DE CONSCIENCE
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sont suivies de plaintes, la vidéo de l’agression en bande d’une jeune femme dans un bus en 2017 a suscité une vague de colère et déclenché une vaste campagne de dénonciation des violences et du harcèlement des femmes. L’écho a été tel que la promulgation en 2018 de la loi 103-13, qui couvre aussi bien le harcèlement en milieu public que les propos à caractère sexuel tenus ou envoyés à travers les réseaux sociaux, impose un à six mois d’emprisonnement et une amende de 2 000 à 20 000 dirhams aux contrevenants. Paradoxalement, une loi similaire était en vigueur, mais ne portait que sur le harcèlement dans un cadre professionnel. Les Égyptiennes, qui les avaient précédées dans cette mobilisation, ont eu moins de chance, bien qu’elles soient 93 % à en être victimes. Aucune disposition légale n’a été prise malgré la libération de la parole sur les réseaux sociaux. Les photos des agressions sur la place Tahrir au moment de la révolution et les nombreux témoignages n’ont pas déclenché d’initiative législative. Pire, ces nombreux incidents ont même été interprétés comme une forme de répression exercée par le système. Résultat, « Le Caire est la mégalopole la plus dangereuse au monde pour les femmes », selon un rapport de la fondation Thomson Reuters. « Ces attaques visent à exclure les femmes de la vie publique et à les punir de leur participation au militantisme politique et aux manifestations », assénait l’organisation Operation Anti-Sexual Harassment. Les Égyptiennes ne baissent pourtant pas les bras : Inas Mekkawy, du mouvement de défense des droits des femmes Baheya ya Masr, est radicale : « Nous voulons que le terme “harcèlement” ne soit plus utilisé. Ce dont il s’agit, aujourd’hui, c’est de terrorisme sexuel. » Le terme est lâché et a été abondement illustré par une émission
La différence systématique Mœurs et libertés, accès au monde du travail… Elles sont souvent considérées comme des « sujets » éternellement « mineurs ». Tour d’horizons arabes. par Cédric Gouverneur
Harcèlement sexuel
Culte de la virginité
LES SOCIÉTÉS CIVILES du monde arabe se mobilisent, depuis les années 2010, contre le harcèlement sexuel. Selon de récentes enquêtes d’opinion, la quasi-totalité des Égyptiennes (99,3 %) et des Tunisiennes (92 %) en ont été victimes. De nombreux pays arabes n’ont que très récemment aboli une disposition effarante du Code pénal permettant à un violeur d’être exempté de poursuites judiciaires s’il épousait sa victime. En 2016, en Tunisie, le tribunal d’instance de la région de Kef avait ainsi autorisé les noces d’un violeur avec une enfant de 13 ans, tombée enceinte, en osant justifier : « Les deux familles ont demandé le mariage pour ne pas faire de scandale »… Face au tollé, l’article 227 bis avait été retiré l’année suivante. Afin d’éviter les situations de promiscuité propices aux mains baladeuses, une solution peut être la mise en place de transports en commun réservés aux femmes : c’est le cas de certains wagons du métro du Caire depuis 2007.
LA GÉNÉRALISATION du téléphone portable permet désormais aux jeunes filles d’accéder à une vie sociale moins strictement contrôlée par leur entourage. Le culte de la virginité avant le mariage peut ainsi être plus facilement contourné : les astuces des anciennes générations (foie de volaille, œuf de pigeon…) ont fait place à des kits de virginité made in China qui, lors de la nuit de noces, font illusion. Et nombre de médecins pratiquent discrètement des hyménoplastie (reconstruction chirurgicale de l’hymen), Internet facilitant l’accès à l’information sur ces sujets.
« Crime d’honneur » LE VIOL CONJUGAL n’est reconnu par aucun pays arabe. À l’inverse, le « crime d’honneur » est parfois considéré comme une circonstance atténuante. En Irak, le Code pénal limite à trois ans de prison la peine maximale pour un mari ayant tué sa femme. En Jordanie, entre 15 et 35 jeunes filles sont assassinées chaque année par leur propre famille. Des Jordaniennes « fautives » ont même été incarcérées, au prétexte de les protéger. Malgré l’implication de la reine Rania, la société évolue lentement sur ce sujet : dans un récent sondage, la moitié des étudiants (et un cinquième des étudiantes !) s’y disait favorable… En 2016, l’Iftaa a cependant prononcé une fatwa qualifiant le crime d’honneur contraire à la loi coranique. Et en 2017, pour la première fois, deux frères qui avaient empoisonné leur sœur ont été condamnés à de lourdes peines.
Accès aux soins et à l’éducation LES INÉGALITÉS entre filles et garçons concernant l’accès à l’éducation et aux soins dans les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient se sont considérablement réduites, selon la Banque mondiale : entre 1980 et 2010, le nombre d’années de scolarité pour les filles a plus que doublé. La mortalité maternelle a, quant à elle, diminué de 60 % depuis les années 1990, constituant « la plus forte baisse au monde ». La BM relève cependant que « ces progrès ne se sont pas traduits par un rôle égal dans les domaines de la politique et de l’économie ».
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Des femmes sous-employées LES STATISTIQUES de l’Organisation internationale du travail sont formelles : dans les pays arabes, une femme sur quatre travaille ou cherche du travail, contre une sur deux dans le monde ! Le taux de chômage des femmes est le double de celui des hommes et il semble encore difficile de concilier famille et carrière : en Jordanie, 7 % des diplômées mariées ont un emploi, contre 20 % des diplômées célibataires. Les femmes sont plus susceptibles de travailler dans l’agriculture, l’administration, l’enseignement et la santé. « À la puberté, les normes sociales à l’égard des femmes, de leur rôle et de leur statut, limitent drastiquement leurs opportunités éducationnelles », écrit la BM. À Rabat, le fait qu’une compagnie de bus recrute 80 conductrices a récemment suscité une certaine incompréhension. La BM souligne aussi l’impact du harcèlement sexuel : nombre d’entre elles évitent de travailler dans le privé, certaines préférant demeurer femmes au foyer… Néanmoins, les normes sociales concernant leur place dans la société progressent, lentement mais irrémédiablement.
Moins de dirigeantes SELON L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES pour le développement industriel (UNIDO), les pays arabes comptent moins de patronnes : en moyenne, entre 31 et 38 % des entreprises du globe sont possédées et/ou dirigées par des femmes. Mais ce chiffre tombe à 15 % en Afrique du Nord et au MoyenOrient. Les entrepreneures interviewées par l’UNIDO font état de leurs difficultés pour être prises au sérieux, notamment par les banques et les administrations. À noter que beaucoup de cheffes, confrontées par le passé à des « problèmes » avec des subordonnés masculins, admettent recruter de préférence d’autres femmes… ■
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un problème. Sacrées dans le cadre privé, elles deviennent objets dans l’espace public. « Je ne fais pas de différence entre chez moi et l’extérieur, mais le regard des hommes me contraint de plus en plus à veiller à avoir une tenue vestimentaire irréprochable », commente Jihane. Les femmes réclament, pour éviter le harcèlement, des wagons séparés et acceptent des files d’attente dédiées dans les services publics. Du jamais vu en Tunisie, mais qui est le lot commun dans d’autres pays arabes. « Le regard des hommes nous fige », avance une activiste égyptienne qui s’insurge contre les tabous liés aux femmes. Il est omniprésent dans tous les pays arabes, si bien que les petites libertés accordées aux Saoudiennes font la une des médias et ont des allures de grandes conquêtes. « Malgré l’émancipation, les femmes sont toujours la fille d’un père, puis l’épouse d’un mari : elles sont sous une tutelle perpétuelle. Les mentalités sont construites sur ce schéma, même si les lois accordent des libertés », remarque l’avocat, spécialiste des droits humains, Ghazi Mrabet.
« AVOIR LA PAIX »
Comme le souligne le sociologue tunisien Mohamed Jouili, « l’escalade de la violence à leur égard vient de ce que les femmes occupent de plus en plus l’espace public et se pose en rivales des hommes, ce qui n’était pas le cas dans les années 1960. Les hommes réagissent comme s’ils défendaient leur territoire et deviennent agressifs, notamment avec le harcèlement. C’est un effet pervers de ce que Bourdieu appelle la “domination masculine” ». Face à cette tension, de nombreuses femmes se réfugient derrière la respectabilité pour subir et accepter les interdits. Toujours selon Mohamed Jouili : « En quelque sorte, une femme voilée dans la rue, le soir, n’attirera pas l’attention, et personne ne se demandera ce qu’elle fait. Le voile donne un alibi à certaines et conduit, comme le disent les Égyptiens, à des “formes de bricolage” autour d’une vie privée dont on veut être sujet et non contraint à un rôle de figurant. Les hommes effectuent un classement, ou plutôt un déclassement, entre les femmes sexuées et celles qui ne le sont pas, ou du moins qui n’en affichent pas les signes. » Les femmes l’ont compris : elles sont de plus en plus nombreuses à se voiler, à être en conformité avec une certaine idée de la décence « pour avoir la paix ». Peu, finalement, oseront évoquer la réalité, celle de sociétés beaucoup plus sexualisées qu’elles ne le disent, de civilisations aux fortes traditions érotiques. Les jeunes se voient, s’embrassent, et souvent plus si affinités. Les lois qui interdisent le sexe hors mariage sont constamment « bafouées », tous les jours. Mais le sujet reste totalement tabou. Jusqu’à quand ? La modernité suppose une égalité des genres. Des femmes libres qui travaillent, participent plus qu’activement au développement. Et qui sont maîtresses de leur corps. « Il n’y a pourtant pas de mauvais moment pour aborder la question d’un point de vue politique afin de sécuriser durablement l’espace public », signale Charlotte Karam. ■ 36
Tunisie L’arme des réseaux sociaux Sur Facebook ou Twitter, on découvre avec stupéfaction un autre visage du pays des droits des femmes. par Frida Dahmani
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es Tunisiennes, promptes à revendiquer et à défendre leurs acquis, n’ont pas tout de suite été sensibles au mouvement #MeToo, impulsé par l’affaire Harvey Weinstein. Même si certaines avaient osé dénoncer à l’époque les abus dont elles avaient été victimes. Parmi celles qui ont brisé l’omerta, l’actrice Rim El Benna avait annoncé avoir été longtemps harcelée, à 12 ans, par un professeur et s’être tue par crainte des réactions de son père, et la mannequin Nour Guiga était revenue, à la télévision, sur le viol qu’elle avait subi à 20 ans. Deux ans plus tard, il a suffi d’un nouvel incident déclencheur pour que les Tunisiennes se mobilisent et créent leur propre hashtag, EnaZeda, traduction littérale de « moi aussi ». En quelques jours, des milliers de témoignages révèlent une triste et dérangeante réalité dans le pays arabe où les droits des femmes sont officiellement les mieux protégés. Le 11 octobre dernier, à peine une semaine après les élections législatives, une lycéenne de 19 ans a mis en ligne des clichés d’un homme qui se masturbait dans sa voiture après l’avoir longuement suivie dans la rue. Il s’agit de Zouhair Makhlouf, un député à peine élu du parti Qalb Tounes. Figure connue des médias, ancien opposant à Ben Ali, il se défend laborieusement. Il serait diabétique et aurait eu besoin d’uriner de toute urgence. Le procureur de la République a ordonné l’ouverture d’une instruction pour harcèlement sexuel et atteinte à la pudeur ; il encourt deux ans de prison et 1 600 euros d’amende. DES CHIFFRES ACCABLANTS
« S’il n’avait pas été une personnalité en vue, aurait-il été poursuivi ? » se demande Selima qui a rejoint le groupe #EnaZeda sur Facebook et Twitter. Peut-être pas, mais, ici, les réseaux sociaux et les médias contribuent largement à dénoncer les agressions que subissent les femmes. Une pression qui a permis en 2017 l’adoption de la loi contre les violences faites aux femmes, qui pénalise lourdement les agresseurs. Mais un corpus de lois ne suffit pas à mettre fin à des pratiques et des dérives issues d’abord d’un machisme ambiant. Les chiffres eux-mêmes sont accablants et disent l’ampleur de ce phénomène AFRIQUE MAGAZINE
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Les femmes refusent la résignation et investissent la Toile via de multiples plates-formes.
de société : en Tunisie, 90 % des femmes ont été harcelées dans les transports, 80 % ont subi des violences sexuelles, et 97 % n’osent pas porter plainte. Meriem, victime d’un viol en bande perpétré par des policiers en 2012 – son histoire a été reprise dans le film La Belle et la Meute, de Kaouther Ben Hania, en 2017 – a tenu bon et supporté toutes les pressions pour obtenir que justice lui soit rendue. « Les hommes ont toujours été des harceleurs », note Aziza, une sexagénaire habitante de Bab Jedid, un quartier historique de Tunis. Elle se souvient des mains baladeuses et des frotteurs dans le bus en rentrant du lycée. « Le sujet était tellement tabou que personne n’évoquait ce problème, si bien que beaucoup de filles ont pu penser que c’était normal et que d’autres ont compris qu’il fallait se taire pour préserver leur liberté de mouvement, sans pour autant savoir comment éviter ou faire cesser le harcèlement. » Les Tunisiennes sont aujourd’hui plus informées, elles parlent entre elles, mais il est très rare qu’une victime s’expose ou que le sujet de la violence ou des abus soit évoqué en famille, même s’il fait l’objet de débats dans les médias. « Nous sommes dans une équivoque constante, les femmes agressées se taisent par crainte de ne pas être reconnues comme victimes et d’être traitées en coupables », précise Amel, une opératrice de l’association Beity. Les pouvoirs publics sont conscients de la problématique. Constatant que 97 % des Tunisiennes ne portaient pas plainte après une violence sexuelle dans l’espace public et que 66 % des victimes ne réagissent pas, le Centre de recherche,
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d’étude, de documentation et d’information sur la femme (Credif) a lancé en 2017 une campagne contre le harcèlement dans les transports en commun sous le slogan : « Le harceleur ne monte pas avec nous. » Mais les effets de cette campagne sont restés très ponctuels. Et les comportements dans ce pays libéral, pas toujours glorieux. À l’ouverture de la session 2019 des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), la déferlante de commentaires sexistes et misogynes sur les réseaux sociaux qui ont accompagné l’arrivée des personnalités féminines sur le tapis rouge donne toute la dimension de la violence qui sous-tend la société. #EnaZeda pourra-t-il y changer quelque chose ? Le hashtag participe à une prise de conscience : les femmes échangent, l’anonymat des réseaux sociaux les encourage à s’épancher. Mais aucune ne « balance son porc » ; elles taisent l’identité de leur harceleur, qu’elles connaissent le plus souvent, toujours avec en filigrane la crainte de devoir affronter le jugement de leur entourage. « Mon petit ami n’acceptera jamais qu’un autre ait pu me peloter, il le vivra comme une atteinte à sa virilité et ne prendra pas en compte mon traumatisme », constate une anonyme à laquelle la communauté répond que « ce n’est pas le bon partenaire ». IMPOSER LA TOLÉRANCE ZÉRO
Dans tous les cas, le débat est lancé, la situation des Tunisiennes est mise sur la place publique, et une certaine solidarité se crée. « Il n’y a pas une seule femme en Tunisie qui n’ait pas subi de harcèlement sexuel », assène l’activiste Lina Ben Mhenni. Entre la mise à contribution du digital pour s’indigner et dénoncer et l’intervention de la justice, la société civile pourrait jouer le rôle d’un chaînon manquant et faire que les femmes soient entendues et que leurs plaintes puissent aboutir. « Il faut en finir avec l’impunité. Imposer la tolérance zéro. Ce n’est que par des prises de position exemplaires de la justice et un contenu éducatif que nous pouvons mettre fin à ces pratiques et surmonter les tabous », indique l’avocate Selma Dahri, qui note avec satisfaction que des hommes ont exprimé leur soutien aux femmes d’EnaZeda. Reste que, comme de nombreuses initiatives, le mouvement risque de très vite s’essouffler, faute d’être axé sur un objectif précis. Dénoncer ne suffira peut-être pas, il faudrait encourager les femmes à porter plainte et impliquer la justice. Les plates-formes deviendraient alors un acteur à part entière de la société civile. ■
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Maroc : L’affaire Hajar Raissouni, miroir du conservatisme social ? La condamnation à de la prison ferme d’une jeune journaliste pour avortement illégal et relations sexuelles hors mariage a secoué le royaume, avant de se conclure, mi-octobre, par une grâce royale. Analyse de deux sociologues. par Julie Chaudier
Leïla Boufraioua « Les relations sexuelles avant le mariage constituent une réalité sociale » ELLE S’INTÉRESSE À LA TRANSITION DES JEUNES vers l’âge adulte et en particulier aux relations sexuelles hors mariage, qui sont aujourd’hui pratiquées dans toute la société marocaine, et en particulier dans l’anonymat des grandes villes.
mariage forment une réalité sociale ancienne. Elles sont profondément liées au phénomène urbain. Dans les années 1960, 80 % de la population marocaine vivait dans le monde rural. Le contrôle social sur les jeunes filles était d’autant plus fort que, non seulement, tout le monde se connaissait, mais qu’en plus, elles vivaient dans des familles élargies avec père, oncles et frères qui pouvaient surveiller leur conduite. Les familles, en changeant d’environnement, se sont resserrées sur leur noyau (parents-enfants) en raison, notamment, du coût élevé des logements en ville. Par ailleurs, l’instruction et l’éducation des jeunes filles données jusque-là par les mères reviennent aujourd’hui à l’école, et de plus en plus longtemps. Cet espace de mixité favorise les rencontres. On constate aujourd’hui, avec la généralisation de l’école, une véritable standardisation du parcours des jeunes à l’échelle mondiale. Aujourd’hui, que vous grandissiez à New York, Tokyo ou Casablanca, vous passez votre bac au même âge.
Condamnée à un an de prison, Hajar Raissouni a été relâchée après un mois et demi de détention.
constaté qu’au lycée, les jeunes filles ciblaient plutôt des hommes nettement plus âgés, les autres n’étant pas des maris potentiels. Il y avait aussi une certaine ambiguïté : des femmes n’allaient pas jusqu’à l’acte sexuel avec l’homme dont elles espéraient le mariage, craignant qu’il ne les repousse ensuite pour se marier avec une jeune fille vierge. D’autres, au contraire, s’abandonnaient à eux, pour les convaincre d’aller au bout de leur engagement en les épousant. Celles-là ont bien conscience de prendre un risque, car la virginité est une garantie de réussite pour un mariage. Si cette relation n’aboutit finalement pas, certaines, quand elles le peuvent, recourent aux cliniques qui reconstituent les hymens. Elles ne veulent pas prendre le risque de dire qu’elles ont déjà fait l’amour à leur prochain rendez-vous, ni celui de voir un éventuel mariage annulé pour ce motif. En somme, elles sont extrêmement pragmatiques face à un système qui conserve les mêmes règles pour juger de la valeur d’une personne qu’à l’époque où les filles étaient mariées dès 13 ou 16 ans.
Dans vos travaux, vous constatez l’influence considérable du mariage sur les pratiques sexuelles des jeunes. Comment expliquer qu’il reste l’unique perspective, même dans des pratiques hors normes ?
Dans ce contexte, quel est le discours des jeunes gens pour légitimer ces comportements ? Sont-ils en opposition avec le regard moral social ?
La question du mariage, mais aussi de la virginité, reste en effet déterminante dans les pratiques sexuelles hors mariage. J’ai
Certaines personnes, en particulier les plus instruites, assument leur comportement et s’opposent effectivement à la norme
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AM : L’affaire Hajar Raissouni a rouvert la question des relations sexuelles hors mariage, qui sont toujours condamnées par la loi et la société. Sont-elles anecdotiques ou un phénomène social majeur ? Leïla Boufraioua : Les relations sexuelles des jeunes avant le
sociale. Elles déclarent que cette question est d’ordre purement privé et que personne, en dehors de leur couple, n’a à s’en mêler ; ni la famille, ni l’État. Elles ont également de plus en plus souvent recours à l’argument sentimental : être amoureux justifie de passer à l’acte. Parmi les personnes les moins éduquées, notamment les femmes, j’ai plus le sentiment d’une grande naïveté. Elles connaissent et se plient aux règles, et lorsqu’elles les enfreignent, elles acceptent la « punition ». Elles ont beaucoup moins d’arguments pour se justifier et n’essaient d’ailleurs parfois pas. Elles sont dans la honte et la dissimulation, car elles n’ont pas les moyens de recourir à un discours de légitimation. Face à cette réalité sociale, la norme sociale et la loi ne changent que très peu. Faut-il croire que la société marocaine est dans le déni de ces évolutions ?
Je pense que les gens savent très bien que les choses changent. Les boîtes de nuit, les lieux de sortie, les hôtels de passe sont nombreux, et tout le monde sait ce qu’il s’y déroule. La société a parfaitement conscience de ces changements et évolue, elle aussi, à la marge : il y a vingt ans, il était totalement inconcevable pour un jeune couple de se tenir par la main dans la rue, fut-ce dans une grande ville. Aujourd’hui, c’est très fréquent, et le regard des autres n’est plus aussi accusateur.
Abderrahmane Rachik « Les libertés individuelles ne sont pas un sujet de mobilisation pour la population » IL ÉTUDIE L’ÉVOLUTION des mouvements sociaux à travers les actions collectives dans l’espace public depuis les années 1980. Et explique la place réduite que tiennent les libertés sexuelles dans les préoccupations des Marocains. AM : La condamnation de Hajar Raissouni a provoqué un tollé médiatique. Quelques rares voix discordantes se sont cependant fait entendre pour souligner que les libertés individuelles n’étaient pas « un sujet », que les Marocains s’inquiétaient plus de leurs conditions de vie et de travail, ou de la justice sociale… Ces critiques sont-elles fondées ? Abderrahmane Rachik : Les libertés individuelles, et plus lar-
gement sexuelles, ne sont pas un sujet majeur de mobilisation pour les Marocains. Seule une centaine de personnes se sont réunies à Casablanca lors du sit-in organisé en solidarité à Hajar Raissouni. Au contraire, l’inverse – les limites imposées aux libertés par la morale religieuse – pourrait être très fortement mobilisateur. Si le mouvement islamiste – lequel n’est pas homogène, certains anciens prédicateurs emprisonnés se déclarant
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aujourd’hui en faveur des libertés individuelles – le voulait, il pourrait mobiliser les gens contre ces libertés. En 2000, il avait ainsi réussi à réunir beaucoup de monde pour dénoncer la réforme de la Moudawana : des amendements opérés sur le Code de la famille en faveur des libertés individuelles et des droits des femmes. Ces manifestations furent les premières pacifiques – tant côté manifestants que côté forces de l’ordre – et « raisonnables » fondées sur des enjeux sociétaux internes. Si elles ne sont pas vecteurs de mobilisation, quels sont alors les « véritables » sujets de revendication ?
Depuis 2016, les mobilisations collectives se caractérisent notamment par des manifestations massives. Bien sûr, la période a été marquée par les manifestations du Hirak à Al-Hoceima, dénonçant la hogra, l’exclusion de la région et son sousdéveloppement, avec plus de 700 actions en six à sept mois selon le ministère de l’Intérieur. Pour autant, elles sont restées localisées, et il n’y a pas eu de contagion. On a cependant vu se développer un phénomène de petites manifestations de soutien, en réaction à des faits divers violents, des femmes ou des jeunes garçons violés, des femmes ayant avorté… Commence donc à apparaître la question des droits sexuels, alors que les années 2000 étaient marquées par des revendications de hausse de salaire, d’amélioration des conditions de travail…
Dans cette catégorie, les récentes manifestations des enseignants contractuels, exigeant leur intégration à la fonction publique, et celles des étudiants médecins se caractérisent, comme Al-Hoceima, par une mobilisation massive et qui se prolonge dans le temps. Si, en dépit de l’émergence de la problématique des libertés individuelles et sexuelles de façon très ponctuelle et limitée dans des manifestations solidaires, celle-ci n’est pas un objet de mobilisation et de revendication pour la population marocaine, comment expliquer que l’affaire Hajar Raissouni ait soulevé autant de réactions dans les médias ?
Le sujet des libertés individuelles et sexuelles est une préoccupation majeure pour une partie de l’élite marocaine que l’on retrouve à la tête des journaux. Surtout, cette affaire avait une dimension politique bien particulière : la jeune femme accusée d’avortement illégal est la nièce d’Ahmed Raissouni, président de l’Union internationale des savants musulmans (UISM), qui lutte fermement contre les libertés individuelles et sexuelles. Il y avait là, comme dans d’autres affaires, une contradiction entre les paroles et les actes que la presse ne pouvait manquer de souligner. Enfin, entre les « islamistes », défendant l’une des leurs, et les « progressistes », défendant le droit à l’avortement, Hajar Raissouni était finalement défendue par tous les mouvements politiques et associatifs du pays. Alors que pour le grand public, l’affaire restait uniquement dans le registre moral : Hajar Raissouni n’avait pas le droit de tuer une vie, ni d’avoir des relations sexuelles avant d’être mariée. ■
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Le monument de la réunification, à Yaoundé, construit au début des années 1970 pour marquer la réunion des régions anglophone et francophone au lendemain de l’indépendance.
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CAMEROUN AUX ORIGINES DE LA CRISE ANGLOPHONE En 1972, les deux étoiles du drapeau ne deviennent qu’une. Mettant fin de manière abrupte à un héritage colonial et au fédéralisme. Mais sans régler véritablement les différents et les incompréhensions, qui vont s’accumuler… par François Bambou
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ymne national chanté en anglais et en français, embrassades chaleureuses, sourires satisfaits. Ce 4 octobre, les quelque 600 participants au Grand dialogue national – qui s’est ouvert le 30 septembre –, convoqués par le président Paul Biya pour mettre fin à la crise sociopolitique dans les régions anglophones, baignent dans une sorte d’euphorie. « Nous avons longuement échangé sur différentes thématiques en lien avec la résolution de la crise sociopolitique, que traversent les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest depuis près de quatre ans », assure le Premier ministre, Joseph Dion Ngute. Nommé à la tête du gouvernement le 4 janvier dernier, ce diplomate anglophone a été mandaté le 10 septembre par Paul Biya pour organiser et présider le Grand dialogue national sur la crise anglophone. Avocats, politiques, hommes d’affaires, diplomates, élus, syndicats et associations se sont relayés à son cabinet pendant deux semaines afin de formuler leurs propositions de sortie de crise. Et un millier d’autres citoyens s’est adressé par courrier au chef du gouvernement avant ce Grand dialogue, finalement boudé par les séparatistes. Des assises en forme de catharsis qui se sont tenues du 30 septembre au 4 octobre, et dont on espère qu’elles mettront un terme à trois années de crise et de violences dans cette partie du pays, crise dont le bilan s’accroît chaque jour un peu plus. Malgré les tensions nées des revendications corporatistes des avocats et enseignants anglophones en 2016, personne n’a vraiment vu venir l’insurrection armée qui a commencé un an plus tard. Pour le peuple et ses dirigeants qui ont toujours vanté le « Cameroun-havre-de-paix », le bilan, après deux ans de guerre fratricide, est incroyablement lourd : 2 000 morts, 550 000 déplacés internes, près de 35 000 personnes réfugiées au Nigeria voisin et une économie dévastée [voir encadré]. Depuis trois ans, les groupes armés interdisent toute activité socio-économique et 6 000 écoles ont été fermées dans la zone, occasionnant la déscolarisation de 600 000 enfants selon l’Unicef. Les parents qui le peuvent ont envoyé leur progéniture étudier dans les villes francophones. Le président lui-même dresse un catalogue terrifiant des atrocités commises par les 42
Le bilan, après deux ans de violences fratricides, est incroyablement lourd. Objectif du président Biya : sortir de la crise par le haut, avec un nouveau contrat national. séparatistes depuis le début des violences : « Le monde entier a été témoin des atrocités commises par ces groupes armés : mutilations, décapitations, assassinats des éléments des Forces de défense et de sécurité, des autorités administratives et des civils sans défense, destructions des infrastructures et édifices publics, incendie des écoles, des hôpitaux, etc. » Ils sont également accusés d’exactions, d’exécutions extrajudiciaires ou d’incendies de villages. L’ONG International Crisis Group dresse un bilan sévère de la situation : « Le pouvoir et les séparatistes campent sur des positions inconciliables. Les séparatistes vivent dans l’utopie d’une indépendance prochaine. Le gouvernement, quant à lui, croit vraisemblablement en vain à la possibilité d’une victoire militaire à court terme. Les modérés et les fédéralistes, qui bénéficient pourtant de la sympathie d’une majorité de la population, peinent à s’organiser. » L’ensemble du pays a hâte de mettre un terme à cette situation pour que les populations de ces deux régions, ainsi que des voisines (Ouest et Littoral) qui accueillent le plus grand nombre des déplacés internes, retrouvent une vie normale. Basés pour la plupart à l’étranger (États-Unis, Norvège, Afrique du Sud…), les chefs politiques et militaires de la dizaine de milices séparatistes – qui revendiquent 4 000 hommes – jouissent d’une étonnante immunité dans ces pays « amis » du Cameroun, alors même qu’ils appellent ouvertement au meurtre et lèvent des fonds pour acheter des armes et entretenir leurs troupes sur le terrain. AFRIQUE MAGAZINE
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Paul Biya et son épouse ont été accueillis par le président français, Emmanuel Macron, le 10 octobre dernier, à l’occasion du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, à Lyon.
LUDOVIC MARIN/AFP
UNE SITUATION QUI A POUR ORIGINE L’HISTOIRE
Mais qu’est-il arrivé pour que la situation anglophone dégénère à ce point ? L’histoire commence lors de la Première Guerre mondiale, lorsque le colonisateur allemand perd la guerre et se retrouve dépouillé de ses possessions en Afrique. Ses anciennes colonies sont alors dispersées entre les vainqueurs, et c’est ainsi que le 10 juillet 1919, la France et le Royaume-Uni se partagent le Cameroun, qui était sous protectorat allemand depuis 1884 : la partie orientale, qui représente environ quatre cinquièmes, est confiée aux Français, et l’occidentale, voisine du Nigeria, est
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donnée aux Britanniques. Londres, peu active dans les affaires de cette dernière, donne l’impression de vouloir rattacher au Nigeria sa nouvelle prise, le Cameroun britannique, découpé administrativement en deux régions (le Northern Cameroons et le Southern Cameroons). Exploitant les ressources agricoles, minières et commerciales de ce territoire et prélevant des taxes auprès des indigènes, les autorités coloniales du Royaume-Uni négligent le développement socio-économique de la zone, ainsi que le révèle l’historien Daniel Abwa : « Entre 1916 et 1945, les Britanniques ne dotèrent le Southern Cameroons d’aucune
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Une économie en souffrance
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’axe Bamenda-Babadjou, qui relie la région anglophone du Nord-Ouest à celle de l’Ouest francophone, est désormais quasi désert. Et pour cause, les camions transportant les vivres se font rares, depuis que la crise s’est intensifiée. Celle-ci a eu un effet ravageur sur l’agriculture dans ces régions, qui comptent parmi les principaux pôles de production de thé, de palmiers à huile, de cacao et de café. Selon le Groupement inter-patronal du Cameroun (GICAM), une organisation du secteur privé qui regroupe plus de 1 000 entreprises, « la filière cacao-café subit avec une acuité particulière les effets de cette crise sécuritaire, compte tenu de ses spécificités et de l’importance de ces régions dans la production de ces filières. Le Sud-Ouest représente notamment 45 % de la production cacaoyère nationale, tandis que le Nord-Ouest est le principal bassin de production du café arabica, avec plus de 70 % de la production nationale ». Les sociétés Pamol et Cameroon Development Corporation (CDC) sont durement frappées. Les activités sont quasiment à l’arrêt depuis que les groupes armés s’en sont pris aux employés. On estime à 9,2 milliards de francs CFA les récoltes perdues pour la CDC, en 2018, à 11,4 milliards le manque à gagner et à 1 milliard les équipements détruits ou volés. Par ailleurs, l’activité étant fortement ralentie à cause de l’exode des populations, 80 % du Sud-Ouest et 60 % du Nord-Ouest sont inaccessibles aux industries brassicoles, meunières et laitières, dont les camions et stocks sont régulièrement incendiés. Les start-up de la Sillicon Mountain, à Buea, ont délocalisé leur activité ou tournent au ralenti – quand elles n’ont pas fermé. On estime le manque à gagner des entreprises à environ 300 milliards. Un chiffre qui ne concerne que les grandes enseignes, dont les activités sont traçables, et qui induit des pertes fiscales pour l’État. En outre, à cause de l’enlisement de la crise, le gouvernement consacre une grande partie de ses ressources à l’achat d’équipements militaires et au déploiement de troupes. Une véritable saignée dans le budget de l’État, qui devait déjà supporter les frais liés à la lutte contre Boko Haram et le tarissement des ressources dû à la chute des cours des matières premières. Au-delà du plan humanitaire d’urgence de 12 milliards mis en œuvre par le gouvernement, le plan Marshall annoncé pour la reconstruction des deux régions sera probablement bien plus coûteux. ■ F.B.
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infrastructure de communication viable. Au niveau de l’enseignement, tous les Camerounais méridionaux étaient contraints d’aller poursuivre leurs études secondaires au Nigeria, soit au Government College Umuahia, dans l’est du pays, soit au King’s Collège ou au Queen’s College de Lagos. Il n’y avait même pas suffisamment d’écoles primaires. Il faudra attendre 1939 pour voir la mission catholique ouvrir une école secondaire à Sassé, dans la préfecture de Victoria. » Cette situation révolte la jeune élite intellectuelle du Southern Cameroons, qui crée des syndicats étudiants et autres mouvements de pression : la Cameroons Welfare Unions (CWU) est fondée en 1939, et la Cameroons Youth League (CYL) est créée le 27 mars 1940 par des élèves éparpillés au Nigeria, demandant la réparation des torts causés aux Camerounais méridionaux sur les plans économique, éducatif, politique et social. Ces organisations posent les bases de revendications plus politiques et vont exiger la réunification des deux parties du pays. Cette reconstitution du Grand Cameroun est au cœur de l’agenda de plusieurs autres organisations politiques qui naissent dans la zone britannique. Un premier parti politique, le Cameroons National Federation (CNF), est créé en mai 1949 sous la houlette d’Emmanuel Mbela Lifate Endeley, qui vise la réunification du pays. Deux dissidents du CNF, N. N. Mbile et R. K. Dibongué, fondent alors le Kamerun United National Congress (KUNC), toujours dans l’optique d’une réunification. En 1953, une fusion entre le CNF et le KUNC engendre finalement le Kamerun National Congress (KNC), qui entreprend alors activement de recoller les deux morceaux du pays. INDÉPENDANCE DE LA ZONE FRANÇAISE
Du côté du Cameroun sous administration française, une dynamique similaire est en place avec des partis, comme l’Union des populations du Cameroun de Ruben Um Nyobè qui, anticipant déjà les problèmes actuels, plaide pour une réunification des deux parties du pays avant l’accession à l’indépendance. Dans un discours fleuve à l’ONU le 17 décembre 1952, Um Nyobè demande une unification immédiate des territoires : « La réunification est la seule voie par laquelle le Cameroun doit passer pour accéder à son indépendance. Si on ne l’accepte pas ainsi, c’est qu’on est partisan de l’indépendance d’une partie du Cameroun au sein du Nigeria ou du Commonwealth britannique et de “l’indépendance” d’une partie du Cameroun “au sein de l’Union française”. De ce fait, le peuple camerounais ne pourra plus jamais réaliser son unité […] dans l’avenir qu’au prix du sang. » Il ne sera pas suivi, et le 1er janvier 1960, le Cameroun français est indépendant. Face à la pression de l’ensemble de ces mouvements nés dans les deux parties du pays, un référendum est organisé le 11 février 1961 pour départager les pro et les anti-rattachement au Nigeria. La partie nord du Cameroun britannique se prononce pour l’incorporation au Nigeria, tandis que la zone méridionale (actuelles régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest) vote pour le rattachement à la partie orientale déjà indépendante. AFRIQUE MAGAZINE
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Ci-dessus : Cours en anglais à l’école catholique Saint Antoine, à Njinikom. Ci-contre : John Ngu Foncha, Premier ministre du Cameroun britannique, à l’Assemblée, en 1959.
HENK BRAAM/HH-RÉA - CAPTURE D’ÉCRAN
Une histoire complexe qui commence au lendemain de la Première Guerre mondiale, en juillet 1919. AFRIQUE MAGAZINE
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Le Grand dialogue national : pour une nouvelle idée du Cameroun ?
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n statut spécial pour les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. C’est la résolution phare issue des cinq jours de réflexion, au cours desquels les participants ont rejeté le retour au fédéralisme et souhaité une accélération de la décentralisation, dans une formule qui respecterait les particularismes de la culture anglo-saxonne dans les deux régions en crise. Une allocation spéciale devrait d’ailleurs être versée à chaque municipalité du Nord-Ouest et du Sud-Ouest afin de faciliter la reprise effective des activités dans certaines localités, tandis que les délégués du gouvernement, super-maires nommés à la tête des grandes villes, devraient disparaître au profit des élus. De plus, pour éviter de nouvelles frustrations, des mesures spécifiques sont annoncées pour assurer un statut égal aux langues française et anglaise dans tous les aspects de la vie nationale, puis élaborer et mettre en œuvre un programme de cours sur la fraternité intercommunautaire, la restauration de la confiance entre communautés, ainsi que l’engagement civique de façon à renforcer la cohésion sociale nationale. Comme l’indique le rapporteur général des assises, Félix Mbayu, ministre délégué auprès du ministre des Relations extérieures, il faut « améliorer la pratique du bilinguisme dans toutes les couches de la société avec la création et la mise en œuvre de programmes dès
la maternelle, puis enraciner la diversité culturelle par une mise en œuvre stricte de l’équilibre régional et un accès équitable aux services publics et aux corps des forces de sécurité. Il faut aussi veiller à ce que les réformes du secteur de l’éducation intègrent la nécessité de maintenir les deux sous-systèmes éducatifs, de les rendre dynamiques et futuristes, en reconnaissant les spécificités singulières de chaque sous-système, en s’appuyant sur les forces de chacun pour des diplômés camerounais bien formés, qui rayonnent partout où ils se trouvent ». Sachant qu’un minimum de quiétude est indispensable à la mise en œuvre de ces résolutions sur le vivre ensemble, l’éducation et la justice, le désarmement des combattants a occupé une place centrale dans les débats. Pour l’heure, il s’agit de diffuser largement l’offre d’amnistie faite par le chef de l’État aux combattants qui déposent les armes et s’insèrent dans le processus de réintégration, et d’améliorer la dotation et le fonctionnement des centres de désarmement et de réinsertion déjà mis en place dans les deux régions. Au bénéfice des Camerounais de l’extérieur, le Grand dialogue national recommande de réformer le code de la nationalité pour l’adoption de la double nationalité ou des nationalités multiples, et d’approuver le principe de la représentation de la diaspora aux niveaux parlementaire et gouvernemental, avec la création d’un ministère dédié à la diaspora. ■ F.B.
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Le bureau du Grand dialogue national, dirigé par le Premier ministre Joseph Dion Ngute (au centre).
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UNE RÉUNIFICATION RAPIDEMENT ADOPTÉE
Dans ce Cameroun français indépendant, les dirigeants de la jeune République sont impatients de voir évoluer le statut du territoire britannique, afin que les deux parties du pays soient à nouveau recollées. Les acteurs politiques des deux Cameroun se rencontrent alors de manière formelle à Bamenda, Foumban et Yaoundé, en juin, juillet et août 1961, pour peaufiner les clauses de la réunification et s’accorder sur le projet de Constitution. Lors de la conférence de Foumban, du 17 au 21 juillet 1961, les modalités de la réunification sont arrêtées, avec le projet de Constitution adopté par le président du Cameroun francophone, Ahmadou Ahidjo, et le Premier ministre du Cameroun britannique, John Ngu Foncha. Cette loi fondamentale sera adoptée par l’Assemblée nationale du Cameroun francophone lors de sa session extraordinaire, tenue à Yaoundé du 10 au 14 août 1961, puis par la Chambre des élus du Cameroun méridional sous tutelle britannique. Le 1er septembre 1961, la Constitution de la République fédérale du Cameroun est promulguée, avec son drapeau vert-rouge-jaune frappé de deux étoiles dorées. Et le 1er octobre, jour de l’indépendance du Cameroun britannique, la réunification est célébrée partout dans la grande nation. Naturellement, même si elle emportait l’adhésion de la majorité de la classe politique, cette démarche ne fait pas l’unanimité. Certains délégués de l’ex-Cameroun britannique à la conférence constitutionnelle de Foumban s’estiment floués par leurs partenaires de la République du Cameroun, déjà indépendante, lesquels seraient venus avec un texte rédigé pour en imposer les principaux termes. Ce ressentiment s’aggrave en 1972 lorsque le président Ahmadou Ahidjo organise un référendum dans le but d’instaurer un État unitaire en lieu et place de la fédération : la République unie du Cameroun. L’une des deux étoiles du drapeau s’éteint et la vice-présidence de la République, jusque-là dévolue aux anglophones, disparaît de la nouvelle Constitution, de même que les parlements et gouvernements fédéraux, lesquels géraient au plus près les problèmes de la population. Si des anglophones occupent bien de hautes fonctions dans le pays, ce n’est plus grâce à une disposition constitutionnelle, mais selon le bon vouloir du chef de l’État. Devenu président en 1982, Paul Biya rebaptise le pays « République du Cameroun » – soit le nom qu’adopta la partie francophone à son indépendance en 1960. Une décision que nombre d’anglophones n’auraient pas appréciée. Ces ressentiments vont s’accroître au fur et à mesure de la maturation politique et démocratique de la nation, des élites anglophones évoquant à répétition le problème de la marginalisation des leurs, ainsi qu’une tendance à ignorer les spécificités de leur communauté dans les secteurs clés, tels que l’éducation, la justice et la gestion publique. Le lancement au début des années 1990 de la Conférence générale anglophone, qui dessine les racines de la crise actuelle avec la naissance des premiers mouvements fédéralistes et sécessionnistes, est la première véritable expression du ras-le-bol.
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On semble ne pas percevoir l’ampleur du malaise jusqu’à l’explosion de 2016. APAISER LES TENSIONS
Ces mouvements se contentant de lever un drapeau fédéral chaque 1er octobre, le gouvernement semble ne pas percevoir l’ampleur du malaise jusqu’à l’explosion de 2016. Ancien gouverneur du Sud-Ouest, puis du Nord-Ouest (les deux régions anglophones), ancien ministre et ancien secrétaire général de la présidence, David Abouem A Tchoyi, francophone, résume dans une analyse devenue virale les six facettes de la crise anglophone : la critique de l’État centralisé ; le transfert des centres de décision à Yaoundé, loin des populations et de leurs problèmes ; le non-respect des engagements relatifs à la prise en compte de manière équitable des cultures et traditions institutionnelles, juridiques, administratives héritées des anciennes puissances administrantes ; le non-respect des promesses solennelles faites pendant la campagne référendaire (pour l’instauration de l’État unitaire) ; le changement du nom de l’État ; et le non-respect du bilinguisme dans le secteur public, bien que la Constitution fasse du français et de l’anglais deux langues officielles d’égale valeur. Pour apaiser ces tensions et mettre fin aux violences, le Grand dialogue national a donc pour vocation, selon les termes du président Paul Biya, d’« apporter des réponses aux préoccupations des populations du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, ainsi qu’à celles des autres régions de notre pays : le bilinguisme, la diversité culturelle et la cohésion sociale, la reconstruction et le développement des zones touchées par le conflit, le retour des réfugiés et des personnes déplacées, le système éducatif et judiciaire, la décentralisation et le développement local, la démobilisation et la réinsertion des ex-combattants, le rôle de la diaspora dans le développement du pays, etc. ». Un vaste chantier confié à huit commissions constituées lors du Grand dialogue national, qui ont livré des propositions audacieuses, et dont la population et la classe politique attendent impatiemment qu’elles soient mises en œuvre. ■
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Comprendre un pays, une ville, une région, une organisation
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DÉCOUVERTE/Côte d’Ivoire
Elles ont du potentiel ! La promotion de l’égalité est clairement un enjeu majeur en matière économique et sociétale. Les initiatives étatiques et privées se multiplient pour rattraper les retards. Avec l’appui des partenaires au développement. par Ouakaltio Ouattara et Laure Nesmon
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ans la marche vers l’autonomisation des femmes et avec la volonté de leur accorder de plus en plus d’espace, la Côte d’Ivoire multiplie les actions. Elles n’ont certes pas encore toutes porté leurs fruits, mais certains chiffres sont encourageants pour un pays qui compte 23 millions d’habitants, dont 48,3 % de femmes, selon le dernier recensement de l’Institut national de la statistique (INS) publié en 2014. La décomposition de l’Indice de développement humain (IDH) en fonction du genre traduit une plus faible performance pour les femmes (0,421) que pour les hommes (0,517). Malgré la croissance économique (9 % en moyenne annuelle) que connaît le pays depuis 2012, la pauvreté touche plus les premières (47,4 %) que les seconds (45,5 %), et plus le milieu rural (56,8 %) que l’urbain (35,9 %), notamment dans le nord et l’ouest du pays, selon le rapport sur le développement humain publié en 2015 par le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) sur l’égalité des genres en Côte d’Ivoire. Début septembre 2019, la composition du nouveau gouvernement a été annoncée : sur 49 ministres et secrétaires d’État, on dénombre huit femmes. Au niveau politique, le pays enregistre 27 députées sur 255 (soit 10,5 %), 19 sénatrices sur 99 (20 %) et 15 mairesses sur 200 (7,5 %). Selon des chiffres rendus publics en 2017, sur 17 697 sociétés créées, seulement 50
20 % étaient pilotées par une femme, et on dénombrait 20 dirigeantes sur 430 patrons de grandes entreprises. Même si elles souhaitaient une loi sur la parité, les défenseures de la participation politique des femmes acceptent, pour l’instant, la loi sur le quota d’au moins 30 % de femmes sur les listes des candidats aux législatives, sénatoriales et élections locales : « Si nous apprécions le minimum de 30 % pour les scrutins uninominaux, nous revendiquons la parité pour les scrutins de liste », interpelle néanmoins Rachel Gogoua, présidente du Groupement des organisations féminines pour l’égalité homme-femme (GOFEHF). La politique nationale de l’emploi 2016-2020 montrait que, en 2015, les emplois domestiques (services aux ménages) étaient occupés à 51,6 % par les femmes. La part de la main-d’œuvre féminine a diminué entre 2014 et 2015, passant de 42,9 % à 39,9 %, alors que la population hors main-d’œuvre passait de 55,7 % à 61,4 %. Le nombre de femmes au chômage est donc plus élevé que celui des hommes. Une enquête sur le niveau de vie des ménages réalisée en 2015 démontrait que les hommes occupaient la majorité des emplois dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et des services (respectivement 70,1 %, 68,4 % et 60,5 %). En revanche, les femmes étaient majoritairement représentées dans le commerce, avec 59,5 % des postes. Notons aussi que la majorité des femmes exercent leur activité AFRIQUE MAGAZINE
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À l’Institut national polytechnique Félix Houphouët-Boigny, à Yamoussoukro.
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dans le milieu informel. Et que le taux d’emplois vulnérables est de 78,9 % pour les femmes contre 64 % pour les hommes. Longtemps inconsidérée, la situation des femmes est désormais l’objet d’attention. Pour réduire les inégalités de genre, la Côte d’Ivoire fait de la promotion des femmes une préoccupation institutionnelle. UNE VOLONTÉ POLITIQUE EXISTANTE
Après l’adoption du plan d’action pour la mise en œuvre de la résolution 1325 du conseil de sécurité des Nations unis sur les femmes, la paix et la sécurité, le pays est passé à une autre étape en 2011, avec l’élaboration d’un Compendium des compétences féminines de Côte d’Ivoire (COCOFCI), en vue de renforcer la visibilité, la participation et le leadership des femmes dans la gestion des affaires publiques et privées. À cet effet, le ministère
Développer le leadership chez les jeunes filles
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a question de l’inclusion des femmes se pose également pour les plus jeunes. La Déclaration et le Programme d’action de Beijing, en 1995, prévoit l’engagement en faveur des femmes mais aussi des petites filles. Avec la création d’ONU femmes en 2010 et l’adoption des objectifs du développement durable cinq ans après, le sujet de l’inclusion des jeunes filles ressurgit de plus en plus. D’ailleurs, le Forum de Tunis sur l’égalité de genre en 2019 a présenté la parité comme le leadership des futures générations. En Côte d’Ivoire, cette nécessité d’inclure les jeunes est également de mise. Des organisations comme Sephis s’y investissent. Cette association manage African Women of Future (AWF), un programme prestigieux de mentorat et de leadership. Au bout d’un processus de sélection, des jeunes filles sont retenues et sont placées dans un centre dans lequel elles bénéficient d’une formation intensive de six semaines sur des thématiques bien spécifiques, animées par des partenaires nationaux et internationaux. L’idée est de stimuler leur confiance en elles : « Réussir, c’est se fixer des objectifs réalisables à court, moyen et long terme. L’une des clés est de savoir dès le départ ce que l’on veut faire réellement », conseille pour sa part la ministre de la Solidarité, de la Cohésion sociale et de la Lutte contre la pauvreté, Mariatou Koné, véritable modèle pour les jeunes femmes. ■ L.N.
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de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l’Enfant a élaboré en 2014 une Stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre (SNLVBG). Une dynamique dont le pays a profité pour modifier quatre articles de la loi sur le mariage : les articles 58, 59, 60 et 67 consacrent désormais la gestion conjointe (mari et épouse) du ménage. La responsabilité parentale est ainsi promue pour corriger les aléas de la seule puissance paternelle, le chef de famille. Une énorme avancée dans un contexte où la gestion du ménage était dévolue aux hommes. Et une grande victoire pour les femmes, avaient commenté certaines d’entre elles avec le slogan « Le moment est favorable, et ce moment c’est maintenant ». Depuis 2012, l’opinion a en effet assisté à la mise en place du Fonds d’appui aux femmes de Côte d’Ivoire (FAFCI), piloté par la Première dame, Dominique Ouattara [voir p. 57]. D’un montant de 1 milliard de FCFA par an au départ, le budget n’a cessé d’augmenter, pour atteindre 12 milliards de FCFA, en 2019. L’objectif étant de répondre à la problématique d’accès au financement pour les femmes. Il s’agit de permettre à ces dernières d’accéder à des ressources financières à coût réduit, en vue de créer ou de renforcer les activités génératrices de revenus. En sept ans d’existence, le système de crédit du FAFCI a permis d’investir un montant total de 25 milliards de FCFA. Ce capital a permis à plus de 170 000 bénéficiaires de réaliser des activités génératrices de revenus au profit de leur famille. Parallèlement, et tout en poursuivant son élan dans sa politique en faveur des femmes, le gouvernement a lancé par décret l’Observatoire national de l’équité et du genre (ONEG) en décembre 2014, et l’inscription du principe de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la Constitution du 30 octobre 2016 apparaît comme un élément décisif. Notons que ce principe se décline dans divers domaines : parité sur le marché de l’emploi, participation politique et lutte contre les violences faites aux femmes. On verra par exemple que dans la stratégie nationale de l’inclusion financière présentée AFRIQUE MAGAZINE
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en 2019, les femmes occupent une place de choix. Des engagements et des intentions que la société civile qui œuvre pour l’inclusion des femmes soutient. Les lobbyings et plaidoyers se mènent avec l’implication des partenaires au développement. Et ces derniers appuient autant l’État que les organisations pour l’égalité de genre. La synergie d’actions produit des résultats, même s’ils ne sont pas encore totalement satisfaisants selon les femmes en lutte. Une autre stratégie privilégiée par la société civile est d’obtenir une adhésion des hommes afin de produire des résultats ensemble. Le concept He for She se développe. Et même le président de la République, Alassane Ouattara, affirme être un « He for She ». Autrement dit, il réitère son engagement d’œuvrer à l’égalité de genre. Prenant ainsi l’opinion à témoin. Mais des efforts restent encore à faire, même si, au niveau de l’administration publique par exemple, 31 % de l’effectif des fonctionnaires était constitué de femmes en 2015, contre 28 % en 2009. Le taux brut d’admission au primaire, qui était de 73,4 % en 2008, s’est grandement amélioré pour se situer à 97,8 % en 2014. Le taux de scolarisation, quant à lui, est passé de 76,2 % à 94,7 % sur la même période. Et le taux d’inscrits à l’école primaire est aujourd’hui quasiment équivalent entre filles et garçons, tandis que le taux d’alphabétisation est de 40 % chez les femmes contre 54 % chez les hommes. Avec l’aide du PNUD, le gouvernement a par exemple appuyé la prise en compte du genre dans la réforme du secteur de la sécurité. Cela a permis le renforcement des capacités des forces de l’ordre dans la prise en charge et la protection des femmes victimes de violences basées sur le genre, de même que l’ouverture de bureaux spécialisés au sein de commissariats de police et de brigades de gendarmerie. Sous l’impulsion d’Anne Désirée Ouloto, alors ministre de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l’Enfant, la gendarmerie a concédé à ouvrir ses portes aux femmes en 2015, faisant évoluer la question du genre au sein des forces armées.
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UN LEVIER DE DÉVELOPPEMENT
L’égalité de genre est un enjeu de développement. Quand les leviers sont solides, les spécialistes pronostiquent sur des retombées positives. Le rapport de la Banque mondiale intitulé « Et si l’émergence était une femme ? Comment la Côte d’Ivoire pourrait gagner au moins six milliards de dollars » est évocateur. Son auteur principal, Jacques Morisset, économiste en chef de la Banque mondiale, déduit qu’une politique en faveur de la parité femmes-hommes pourrait aider la nation à devenir un pays à revenu intermédiaire : « La promotion de la parité hommes-femmes en Côte d’Ivoire suppose une démarche triple : d’abord, une politique volontariste qui vise à réduire les inégalités à l’encontre des femmes, en particulier dans le domaine de l’éducation, ensuite, l’identification de champions, et encore mieux, de championnes, capables de porter cet agenda, et enfin, la bonne gestion des coûts d’ajustement qui pourraient survenir dans les familles et sur le marché du travail au cours de la mise en œuvre de cette politique. » En tout cas, l’heure n’est pas au pessimisme. Dans la société ivoirienne, des femmes, malgré tous les défis, se distinguent sur le terrain de l’engagement. Aussi faut-il mettre ces profils de femmes d’impact sous le feu des projecteurs. Que ce soit dans le domaine de la politique, de l’économie, des arts et de la culture, des droits humains, etc. ■
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Un laboratoire de l’usine de Cipharm, la première entreprise du domaine de l’industrie pharmaceutique.
Elles sont sous-représentées dans le secteur public, en politique ou dans les entreprises. Mais elles restent des actrices clés du commerce formel et informel.
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Dynamiques et engagées Elles ne sont que huit dans l’actuel gouvernement, mais jouent un rôle important en occupant des portefeuilles sensibles. Et en faisant preuve de volontarisme et de courage politique. par Ouakaltio Ouattara
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e nouveau gouvernement Amadou Gon Coulibaly, formé le 4 septembre dernier, compte huit femmes sur 49 ministres et secrétaires d’État, soit environ 16 %. Nous sommes loin de la parité. Mais certaines y gardent leur place depuis 2011, comme la « battante et bouillonnante » ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle, Kandia Kamissoko Camara, ou la ministre de l’Assainissement et de la Salubrité Anne Désirée Ouloto. Après avoir occupé durant quatre ans le portefeuille de la Santé, Raymonde Goudou Coffie occupe désormais le ministère de la Modernisation de l’administration et de l’Innovation du service public. Leur longévité dans le gouvernement s’explique par le fait qu’en plus de bénéficier de la confiance du président de la République, elles font preuve de maîtrise de leur département. La présence des femmes reste également très faible à la tête des institutions, puisque sur sept, seule la Grande chancellerie a une présidente, Henriette Dagri Diabaté [voir p. 62].
Ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle
Femme politique présente sur l’avant de la scène depuis une trentaine d’années et à la tête d’un ministère assez délicat, Kandia Camara est reconnue pour son caractère intransigeant et sa fermeté. Ses fonctions au gouvernement ne l’écartent nullement 54
MARIATOU KONÉ (53 ANS) Ministre de la Solidarité, de la Cohésion sociale et de la Lutte contre la pauvreté
Elle fait partie des femmes les plus influentes de Côte d’Ivoire. Avec un franc parlé empli de sagesse, cette enseignante-chercheure en
RAYMONDE GOUDOU COFFIE (63 ANS) Ministre de la Modernisation de l’administration et de l’Innovation du service public
Ses premières apparitions sur l’échiquier politique remontent aux années 2000, quand le Parti
DR (2) - KAMBOU SIA
KANDIA CAMARA (60 ANS)
des activités politiques. Bien au contraire, sa cote se renforce davantage au sein du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Membre du conseil politique, elle fait partie du cercle restreint des membres influents de ce parti. Son passé d’enseignante et de militante au Mouvement des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire (MEECI), puis au Syndicat national des enseignants du second degré de Côte d’Ivoire (SYNESCI) a contribué à faire d’elle une femme coriace qui ne recule presque devant rien.
démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), auquel elle appartient, perd le pouvoir. Pharmacienne à la base, elle gravit rapidement les échelons au sein du PDCI et entre au bureau politique, où elle est nommée à l’inspection du parti, une fonction habituellement réservée aux anciens hauts cadres militants. Elle est nommée secrétaire exécutive du PDCI chargée de la Femme et de la Santé en 2010, et devient alors incontournable au sein de son parti, qui n’hésite pas à la proposer ministre de la Santé en 2011. Mais avec le temps, son influence a quelque peu baissé, même si elle tente de reprendre le leadership au niveau de sa ville natale, Toumodi (Centre).
anthropologie fait ses premiers pas au sein du gouvernement en 2015. Elle doit travailler à la réconciliation du pays et à l’indemnisation de plus de 300 000 victimes d’exactions durant la crise postélectorale, et fait ses marques en facilitant le retour de plusieurs ressortissants en exil, parmi lesquels des cadres du Front populaire ivoirien (FPI). Depuis, elle joue de plus en plus sur le terrain politique et prend des galons au sein du RHDP. Ce qui lui ouvre la porte à son premier poste électif à la tête du conseil régional de la Bagoué (Nord).
ANNE DÉSIRÉ OULOTO (53 ANS) Ministre de l’Assainissement et de la Salubrité
Elle porte fièrement le surnom de « Maman Bulldozer », en rapport avec ses grandes campagnes d’assainissement d’Abidjan. Porteparole du candidat Alassane Ouattara à l’élection présidentielle de 2010 et porte-parole adjointe du gouvernement durant sept ans, elle maintient une influence au RHDP et fait office de pied d’appui pour le chef d’État dans la zone ouest du pays. Elle a su insuffler aux différents maires de la commune d’Abidjan ses spectaculaires opérations de déguerpissement.
RAMATA LY-BAKAYOKO (64 ANS)
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Ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfant
NIALÉ KABA (56 ANS) Ministre du Plan et du Développement
Cette diplômée de la Sorbonne, à Paris, est une habituée des arcanes du pouvoir depuis un peu plus de vingt ans. Macroéconomiste, elle est la première femme ivoirienne à avoir occupé le poste de ministre de l’Économie, et ce pendant quatre ans. Membre de la direction du RHDP, elle coordonne depuis plusieurs années les activités politiques de son parti, mais aussi celles d’Alassane Ouattara, dans la région du Zanzan (Nord-Est), d’où elle est originaire.
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Tant bien que mal, elle tente de se frayer un chemin en politique. Elle a présidé pendant six ans la Commission régionale d’experts du bureau Afrique de l’Ouest de l’Agence universitaire de la francophonie et a été présidente de l’université Félix-Houphouët-Boigny, avant d’atterrir au gouvernement. Elle devient ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique en 2016 avant de se voir confier en 2018 un portefeuille moins turbulent, celui de la Femme, de la Famille et de l’Enfant.
AIMÉE ZÉBEYOUX (55 ANS) Secrétaire d’État auprès du garde des Sceaux, chargée des Droits de l’homme
de la chambre civile, commerciale et administrative, présidente de la chambre correctionnelle et présidente de la chambre d’accusation. Elle est en outre juge à la Cour d’arbitrage de Côte d’Ivoire (CACI), juge arbitre à la cour de justice de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) et fut experte juridique à la Commission dialogue vérité et réconciliation (CDVR). Militant contre les inégalités juridiques et les discriminations, Aimée Zébéyoux revendique son rôle de défenseuse des droits de la veuve et de l’orphelin. Elle représente une génération de femmes leadeuses voulant œuvrer pour le développement du droit et de l’accès à la justice pour les plus vulnérables.
MYS BELMONDE DOGO (43 ANS) Secrétaire d’État auprès de la ministre de la Femme, chargée de l’Autonomisation des femmes
Elle est arrivée au gouvernement le 4 septembre dernier, après avoir fait une entrée remarquable sur la scène politique en devenant, en 2016, députée de la circonscription de DignagoGalébré-Guibéroua (Centre ouest) et la première femme à occuper ce poste dans cette ville. Une prouesse qui lui confère un poste de vice-présidente de l’Assemblée nationale. Très proche du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, la secrétaire d’État en charge de l’Autonomisation des femmes semble avoir les coudées franches pour mener à bien sa mission. ■
Cette magistrate hors hiérarchie a successivement été juge des enfants, juge chargée des affaires civiles et commerciales, juge-commissaire chargée des liquidations, redressements judiciaires et liquidations de sociétés, conseillère à la cour d’appel, présidente
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L’économie au défi de la parité
Bureau de la Banque Atlantique de Côte d’Ivoire, à Abidjan.
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a grande majorité des femmes travaille dans le secteur informel, exerçant des activités à domicile ou de vente dans la rue. Et quand elles ont réussi à entrer dans le secteur formel, elles ne sont que 24 % à être salariées contre 40 % pour les hommes. Elles sont actrices et aussi moteurs puisqu’elles créent un quart des nouvelles entreprises enregistrées au Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire (Cepici). Quant à l’inclusion financière, en 2015, 72 % des hommes possédaient un compte bancaire contre près de 28 % de femmes. Si ces indicateurs économiques témoignent de la force de travail féminine, ils illustrent également des inégalités qui restent criantes. Des lois sur le mariage, la filiation, la minorité et la succession ont été adoptées en mars dernier pour faire évoluer des règles vieilles de cinquante ans et rééquilibrer les rapports femmes-hommes au sein de la
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société. Notamment en interdisant l’union d’une mineure – source de grossesse précoce et donc de décrochage scolaire pour les jeunes filles – ou en avançant la majorité civile à 18 ans… Des signes clairs qui, même s’ils ne sont pas immédiatement ressentis dans le quotidien, visent à améliorer le droit des femmes, dans le but de les faire accéder à l’autonomisation. Les obstacles pour une fille sont nombreux, et ce dès le plus jeune âge. Elle a en effet statistiquement moins de chance de terminer sa scolarité et donc d’acquérir la qualification nécessaire à son autonomie future. Mais ce qui était vrai hier ne le sera peut-être plus demain. Le plan éducation a en effet renforcé les actions pour la parité. En 2010, seulement 64,8 % des filles étaient scolarisées en primaire contre plus de 91 % aujourd’hui, avec un objectif de 100 % en 2020. Et surtout, le gouvernement met l’accent sur l’achèvement du cycle secondaire. AFRIQUE MAGAZINE
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Une insertion nettement plus forte des femmes dans le secteur formel s’impose comme un levier de croissance incontournable. par Alexandra Fisch
Un impératif à l’apport d’une valeur ajoutée financière non négligeable au pays. Des études menées par la Banque mondiale ont en effet démontré que le fait de réduire les discriminations actuelles pour se rapprocher de pays comme la Tanzanie, le Rwanda ou le Malawi, permettrait à la Côte d’Ivoire de capitaliser 6 milliards de dollars supplémentaires. Les experts vont même plus loin en affirmant que, si le pays se rapprochait des standards de la Norvège ou du Vietnam, le bénéfice grimperait à 8 milliards. Une manne qui équivaudrait à 20 % du PIB actuel.
CAPTURE D’ÉCRAN
LE DÉFI DE L’AUTONOMISATION
Protéger les plus vulnérables et les aider à progresser restent les objectifs de la politique sociale menée par l’État. De cette dynamique est né en 2012 le Fonds d’appui aux femmes de Côte d’Ivoire (Fafci), porté par la Première dame, Dominique Ouattara [voir encadré ci-contre]. Dans ce cadre, des formations en gestion de projets et en comptabilité simplifiée ont été dispensées aux bénéficiaires afin de leur permettre de mieux gérer leurs activités. D’autres fonds ont été créés, comme Femmes et Développement, du ministère en charge de la Femme, ou encore le fonds de soutien aux femmes entrepreneurs mis en place par le ministre du Commerce, de l’Artisanat et de la Promotion des PME, avec l’appui de la Banque Atlantique de Côte d’Ivoire (Baci). Au-delà de ces structures, un réseau dynamique d’associations de la société civile maille le pays, lesquelles accompagnent les jeunes filles et les femmes dans bien des aspects de leur vie. Autant d’actions pour améliorer la compétitivité du pays et faire de la croissance inclusive une réalité. Lors du lancement d’un projet d’autonomisation des femmes du Cavally, le Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, avait d’ailleurs rappelé que l’« autonomisation des femmes est quelque chose d’une grande importance. Tout le monde sait la contribution inestimable que peuvent apporter les femmes ayant un revenu, tant au niveau de l’éducation des enfants que dans le soutien général à la famille ». ■
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FAFCI et FOFED, deux mécanismes de soutien
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eurs fonctions, aussi diverses soient-elles, les placent au centre des défis économiques, sociaux et politiques que doit encore relever le pays. En 2018, le capital du Fonds d’appui aux femmes de Côte d’Ivoire (FAFCI) est passé de 10 milliards de FCFA à 12 milliards. En sept ans d’existence, son système de crédit a permis d’investir un montant total de 25 milliards de FCFA pour l’autonomisation des femmes, aidant plus de 170 000 bénéficiaires à réaliser des activités génératrices de revenus. Ces femmes ont également suivi des formations en gestion de projets et en comptabilité simplifiée pour mieux gérer leurs activités. De son côté, Mariam Fadiga Fofana, présidente de la fondation African Women Initiatives (AWI), souhaite accompagner les femmes entrepreneures vers la quête de marché, un facteur déterminant pour plus de financement. La fondation envisage de distinguer avec différents prix des lauréates, qui pourraient ainsi bénéficier d’un accompagnement institutionnel, ce qui permettrait de créer des championnes nationales. AWI organise en outre chaque année depuis 2017 le Forum femme et développement (FOFED), un réseau d’opportunités qui œuvre dans le sens de l’autonomisation des femmes et qui accompagne les entrepreneures dans Le FAFCI a permis d’aider la concrétisation de leurs entreprises. plus de 170 000 femmes. Les efforts conjugués du FAFCI et du FOFED portent leurs fruits. De plus en plus de femmes investissent le monde des affaires, s’affranchissant ainsi d’un certain mode de pensée qui les cantonnait à la non-activité professionnelle. En attendant d’avoir de grandes figures d’exemples de réussites provenant de ces deux projets, on peut citer parmi les femmes d’affaires les plus influentes du continent Bénédicte Janine Kacou Diagou, directrice générale du groupe NSIA (spécialisé dans la banque et l’assurance), Martine Hélène Coffi-Studer, présidente du conseil d’administration de Bolloré Transports & Logistics Côte d’Ivoire, Mireille Dosso, directrice de l’Institut Pasteur, qui a reçu un grand nombre de prix et de distinctions, dont celui de l’Académie des sciences d’outremer, ou encore Colette Irié Lou, présidente de la Fédération nationale des sociétés coopératives de vivriers de Côte d’Ivoire (FENASCOVICI), qui sillonne le pays pour diffuser les bonnes pratiques agricoles. À cette liste, on peut ajouter Françoise Kaudjhis-Offoumou, l’infatigable star du barreau d’Abidjan, qui a fait de la réconciliation nationale sa grande cause. Avec de telles femmes, qui ouvrent la voie aux autres, l’émancipation des Ivoiriennes est en bonne voie. ■ O.O.
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Le président Ouattara et la Première dame inaugurent le HME de Bingerville, le 16 mars 2018.
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Un hôpital d’exception Établissement privé qui assure une mission de service public à but non lucratif, l’hôpital mère-enfant Dominique Ouattara a transformé l’offre de soins dans le pays et la sous-région. par Alexandra Fisch
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’est l’une des réalisations majeures de la Fondation Children of Africa : la création d’un pôle de soins entièrement dédié aux mères et à leurs enfants doté d’un matériel dernier cri et de personnels formés. Situé dans la commune de Bingerville, l’hôpital mère-enfant Dominique Ouattara (HME) ne désemplit pas depuis son ouverture en mars 2018. Avec sa capacité d’accueil de 130 lits, il est vite devenu le principal recours des parents aux alentours, voire de tout le pays et même de la sous-région, grâce à ses équipements high-tech et à ses personnels soignants formés en continu. En moyenne, ce sont ainsi 500 patients enregistrés par jour, nécessitant une simple consultation pédiatrique, des analyses médicales, mais aussi des hospitalisations parfois lourdes. UNE RÉUSSITE NATIONALE
Sa principale mission est d’offrir des services obstétriques et pédiatriques performants dans l’optique de continuer à réduire la mortalité maternelle et infantile. En effet, si en vingt ans, la mortalité infantile (probabilité pour un enfant de décéder dans sa première année) a baissé de 112 à 60 pour 1 000 naissances vivantes, le recul doit continuer. L’établissement propose également des spécialités pour lesquelles il fallait auparavant consulter
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à l’étranger, comme la procréation médicalement assistée (PMA) ou l’oncologie pédiatrique. De l’espoir et du réconfort pour nombre de parents. Des aménagements spécifiques – une salle d’éveil ainsi qu’un encadrement par une institutrice – ont même été prévus pour les jeunes patients en longue hospitalisation. De tels services ont bien sûr un coût pour les usagers, que la Première dame, dans sa volonté d’équité d’accès aux soins, a réparti selon les niveaux de ressources. De façon générale, les tarifs sont nettement inférieurs à ceux pratiqués dans les cliniques privées et légèrement supérieurs à ceux des centres hospitaliers universitaires (CHU). Par exemple, une femme ayant des complications et nécessitant une césarienne devra payer entre 800 000 et 1 000 000 de francs CFA dans une clinique avec un plateau technique moderne, contre environ 700 000 francs CFA au HME. À noter que 75 % des patients sont assurés et directs (c’est-à-dire qu’ils peuvent payer directement) et que 25 % sont « socialement faibles » (n’ayant pas de ressources suffisantes), et qu’ils sont donc pris en charge. Lors de l’inauguration de l’hôpital mère-enfant, la Première dame, soucieuse de la pérennité du projet, expliquait qu’elle avait installé un bureau au sein de l’établissement afin de s’assurer au plus près de son bon fonctionnement et de pouvoir rapidement
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Sa capacité d’accueil est de 130 lits.
La structure vient d’être labélisée par la très prestigieuse Assistance publiqueHôpitaux de Paris (APHP) tant sur le plan de la qualité des soins que sur celui de la sécurité des patients.
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remédier aux multiples problèmes de mise en route inhérents à ce type de projet. Dix-huit mois plus tard, son travail semble avoir payé, puisque le HME est la première structure d’Afrique à obtenir le label « Qualité et sécurité des soins » de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). PARTAGER UNE EXPERTISE EN SOINS DE SANTÉ
Le directeur général de l’institution française, Martin Hirsch, s’est tout spécialement déplacé à Bingerville le 30 septembre dernier, afin de remettre cette labellisation au cours d’une cérémonie solennelle. Celle-ci était portée par la Première dame Dominique Ouattara, en présence d’Eugène Aka Aouélé, ministre de la Santé et de l’Hygiène publique, Gilles Huberson, ambassadeur de France en poste actuellement, et Jobst von Kirchmann, ambassadeur de l’Union européenne en Côte d’Ivoire. À cette occasion, la Première dame a expliqué la recherche de qualité dans laquelle s’inscrivait l’hôpital : « Le label
AP-HP, qui vient de vous être présenté, est celui donné par l’Assistance publique des hôpitaux de Paris aux établissements qui répondent aux normes internationales en matière d’infrastructure, d’équipement et de qualité des soins. Il est d’autant plus important que la France a l’un des systèmes de santé les plus performants au monde. » Cette récompense salue la technicité des équipements, mais surtout l’engagement de toutes les équipes (médicales, soignantes et administratives) dans leur recherche continuelle d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins dispensés. Sur une grille de quatre niveaux (bronze, argent, or, platine), l’hôpital mère-enfant a obtenu l’argent, avec une mention spéciale décernée au dynamisme du personnel. Une victoire commune partagée par la Première dame : « Oui, nous y sommes arrivés ! L’hôpital mère-enfant Dominique Ouattara de Bingerville est aujourd’hui un hôpital de référence, labellisé AP-HP, pour le bonheur des femmes et des enfants de Côte d’Ivoire. » ■ AFRIQUE MAGAZINE
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L’école, clé du futur Pauvreté, conservatisme, mariages précoces… Malgré les progrès, la scolarisation des filles reste insuffisante. Et le taux d’abandon beaucoup trop élevé. par Ouakaltio Ouattara
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i la Côte d’Ivoire note un progrès dans la scolarisation des filles, les acteurs du système scolaire notent qu’il y a encore des efforts à faire. Pour l’année scolaire 2017-2018 par exemple, selon les chiffres de la Direction des stratégies, de la planification et des statistiques (DSPS), on enregistrait 1 868 388 filles sur 3 900 222 inscrits à l’école primaire, soit 47,8 % du total. Un progrès d’environ 10 % entre 2000 et 2011, que l’on pourrait attribuer à la politique d’école gratuite lancée par le gouvernement. Toutefois, la même source indique une baisse du taux de scolarisation dans le secondaire général : sur un total de 1 923 763 inscrits, le nombre de filles s’élève à 830 853, soit 42,1 %. On note aussi qu’il existe des écarts importants entre les genres en matière d’achèvement de scolarité dans l’enseignement primaire et secondaire, ainsi qu’au niveau de l’alphabétisation. En 2018, le taux d’alphabétisation des femmes était de 40 %, tandis que celui des hommes était de 54 %. Et celui des jeunes femmes (15-24 ans) était de 53 % et de 64 % pour les jeunes hommes. Sur 100 filles entrées au CP1, seulement 58 parviennent au CM2. Pire, moins d’un tiers (30,5 %) de celles inscrites en première année du secondaire va jusqu’au bout du premier cycle. En 2018, le taux d’achèvement des filles était de 64,7 % au primaire, de 35,4 % au premier cycle du secondaire et de 18,9 % au second cycle. Les raisons de leur abandon, en particulier dans les régions rurales, restent complexes. Si la pauvreté est la cause principale de ces comportements, les grossesses et les mariages précoces sont mentionnés par plus de 10 % des 16-18 ans. Entre 2008 et 2013 par exemple, le nombre de grossesses recensés par le ministère de l’Éducation nationale est passé de 1 300 à 5 000. La campagne « zéro grossesse en milieu
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scolaire », lancée par la ministre Kandia Camara, donne néanmoins des résultats encourageants. On est ainsi passé de 5 076 cas en 2013 à 3 374 en 2017, soit une réduction de 33,53 %. Pour la rentrée scolaire 2019-2020, Kandia Camara a annoncé la disponibilité de 4 257 600 kits scolaires, d’un coût de 10 milliards de francs CFA, pour les écoles primaires publiques et de 250 000 tables-bancs pour l’ensemble des établissements. « Cette année, la volonté de l’État d’accompagner les parents d’élèves pendant cette période cruciale s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du programme social du gouvernement », avait-elle déclaré, assurant que ce dernier ne lésinerait pas sur les moyens pour faire face aux questions liées à l’éducation. 3 494 924 kits, d’un montant global de 9,72 milliards de FCFA, avaient déjà été distribués lors de la rentrée précédente. À ces efforts, le gouvernement ajoute la construction de plusieurs salles de classe, notamment dans les zones les plus reculées du pays afin de rapprocher les écoles des familles. Et parallèlement, l’État multiplie les recrutements d’enseignants. Le dernier, qui date de juin 2019, avait pour objectif d’embaucher 5 300 professeurs au préscolaire et au primaire, 3 000 au collège (dont 2 690 bivalents et 310 monovalents) et 2 000 au lycée. Si ces efforts sont louables, Yves Mathurin, conseiller pédagogique, estime que la politique de gratuité de l’école doit être accompagnée : « Il faudra parvenir à mettre en place des mécanismes juridiques pénalisant les parents qui refusent de scolariser les jeunes filles, en particulier. Cela devrait avoir pour effet d’augmenter sensiblement leur taux de scolarisation et de contribuer à les maintenir dans le système scolaire le plus longtemps possible. » ■
Sur 100 fillettes entrées au CP1, seulement 58 parviennent au CM2.
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Elles sont la Côte d’Ivoire Qu’elles soient femmes politiques, créatrice d’entreprise, présidente de fédération, banquière ou encore artiste, ces six femmes sont la fierté du pays.
HENRIETTE DAGRI DIABATÉ, pionnière et inspiratrice PREMIÈRE DOCTEURE d’État en histoire en Afrique de l’Ouest francophone, première femme ministre d’État, première présidente d’institution, première leadeuse politique et secrétaire générale, puis présidente d’un parti significatif en Côte d’Ivoire, Henriette Dagri-Diabaté est une intellectuelle accomplie. Aujourd’hui Grande chancelière, cette dame de conviction et de caractère est, on peut le dire, entrée dans l’histoire par la grande porte. Elle a laissé ses marques au ministère de la Culture et de la Francophonie avec la création du festival des arts scripturaux Grafolies, du Marché des arts du spectacle africain (MASA), et du Palais de la culture Bernard Binlin Dadié. Afin de rendre hommage à cette figure emblématique 62
du leadership féminin en Côte d’Ivoire – voire en Afrique –, un colloque a été organisé en 2015 par le ministère de la Culture et de la Francophonie, intitulé « Henriette Dagri Diabaté et le leadership féminin : histoire et actualité ». Des amphithéâtres aux arènes politiques, la professeure s’est imposée partout par la qualité de son travail. Toujours au-dessus de la mêlée, cette mère, grand-mère et arrière-grand-mère de 84 ans, très écoutée par le président Alassane Ouattara, reste l’une des rares femmes politiques à faire l’unanimité sur le plan national et impose le respect sur le plan continental. O.O.
MARTINE COFFI-STUDER, discrétion et efficacité FONDATRICE D’OCÉAN OGILVY, une société de publicité présente dans une
EUPHRASIE YAO, Madame Compétence JUSQU’À CE JOUR, elle est la seule femme détentrice d’une Chaire Unesco en Côte d’Ivoire (depuis 2006). De nombreuses autres distinctions internationales témoignent de manière éloquente de son parcours dans la lutte contre les inégalités basées sur le genre. Euphrasie Yao a fortement contribué à la vulgarisation des notions de genre dans l’esprit des Ivoiriens, pour avoir notamment
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SIA KAMBOU/AFP
Henriette Dagri Diabaté et le président Ouattara.
vingtaine de pays africains, en 1988, cette ancienne ministre déléguée à la Communication de 2006 à 2007 est titulaire d’un diplôme d’études approfondies (DEA) en économie. À 58 ans, elle a par ailleurs été administratrice de nombreuses sociétés (Compagnie ivoirienne de production d’électricité ; Blue Solutions, Bolloré et Financière de l’Odet ; Fondation des parcs et réserves de Côte d’Ivoire ; Compagnie des gaz de Côte d’Ivoire), gérante de Pub Régie et directrice de Pétro Ivoire SA. C’est à juste titre que Martine Coffi-Studer a reçu, le 30 avril 2014, le grand prix de la communication lors de la 5e édition des Bâtisseurs de l’économie africaine, à Abidjan. Mariée à Christian Studer, un collaborateur très proche de Vincent Bolloré, et mère de quatre enfants, elle est discrète mais influente dans le milieu de la publicité en Afrique et dans le cercle des hommes d’affaires, où elle ouvre presque toutes les portes. O.O.
travaillé à l’élaboration de plans nationaux et de politiques nationales en la matière, tout en jouant un rôle important dans divers mécanismes et instruments décisionnels, comme le Compendium des compétences féminines de Côte d’Ivoire. Après deux ans au gouvernement comme ministre de la Promotion de la femme, de la Famille et de la Protection de l’enfant, l’ancienne du lycée de jeunes filles de Yamoussoukro est aujourd’hui conseillère à la présidence de la République, chargée des questions de genre. À 55 ans, l’experte consultante n’a pas lâché son bâton de pèlerin pour autant. Elle continue de promouvoir les valeurs qui lui sont chères, en incitant les femmes qui ont des compétences à se faire valoir et à se faire répertorier dans le Compendium afin de mettre leur savoir au service du pays. Un véritable créneau dans lequel elle fédère toutes les leadeuses et entrepreneures, en les tirant vers le haut. O.O.
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COLETTE IRIÉ LOU, l’incontournable du vivrier À 63 ANS, elle est à la tête de la Fédération nationale des sociétés coopératives de vivriers de Côte d’Ivoire (FENASCOVICI), une faîtière d’associations de productrices agricoles qui compte pas moins
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de 5 000 membres, et qu’elle a fondée en 2001. Depuis son enfance active dans le commerce, la petite vendeuse de fruits et légumes qu’elle était hier a pris du coffre et est à l’avant-garde de la lutte contre la cherté de la vie. Elle s’engage au quotidien avec les femmes de sa coopérative pour approvisionner les marchés ivoiriens en produits vivriers de qualité. Sans jamais être allée à l’école, cette battante a su s’imposer dans ce milieu hautement compétitif et est aujourd’hui une voix qui compte. Il n’est pas rare de la voir, lors de grands sommets internationaux, défendre la cause des producteurs ivoiriens auprès des décideurs du monde entier. Elle a également activement participé à la réalisation de projets de construction d’usines de transformation de produits agricoles dans diverses régions, comme récemment à Bouaflé, où sortira bientôt de terre une usine de transformation de maïs. Elle ne manque pas de saisir chaque occasion pour inciter les femmes du vivrier à se rendre incontournables sur les marchés ivoiriens. O.O.
PERVENCHE ALIMAN, la banquière au service de l’entrepreneuriat féminin PERVENCHE ALIMAN s’est lancée dans la promotion de l’entrepreneuriat féminin en partant d’un paradoxe : elle gérait un portefeuille de PME au sein d’une banque quand elle a constaté que parmi les clients, peu de dirigeantes ou même peu de femmes étaient présentes dans l’actionnariat de ces sociétés. Mais dans le même temps, elle s’est rendu compte qu’elles étaient les plus entreprenantes dans l’informel. « Ayant compris que c’était, entre autres, un problème de formation et de leadership, j’ai voulu mettre mon expérience de banquière à leur service, afin de les aider à faire passer leur business
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à un autre niveau », confie-t-elle. L’aventure débute donc en 2018 avec le lancement de l’incubateur Comman-Ya et son programme engagé dans la promotion de l’entrepreneuriat et du leadership féminin. Cet engagement citoyen est devenu sa seconde vie. Avec Comman-Ya, cette boursière du programme américain Young African Leader Initiative (YALI) s’est donné comme objectif de servir de rampe de lancement pour les femmes porteuses de projets. « Nous donnons aux entrepreneures tous les rudiments à la bonne gestion d’une entreprise. Mais nous les aidons avant tout à devenir des opportunités pour les institutions financières en sachant défendre leur projet. » Pervenche Aliman a un atout : son background. En plus d’avoir effectué des études en gestion commerciale et en droit des affaires, elle est diplômée de l’Institut des techniques bancaires (ITB), ce qui lui permet de proposer une formation (gratuite) sur trois mois destinée à celles qui veulent investir ou qui investissent déjà. Depuis 2018, 22 femmes sont passées par son école : 10 en 2018 et 12 en 2019. « En matière de bilan, il faut noter que parmi les dames qui viennent à Comman-Ya, certaines avaient déjà lancé leur business. » Cet engagement n’est pas sans défi. Le premier est celui du financement de l’organisation. « Nous avons plusieurs activités, et prendre en charge ces femmes pendant trois mois requiert un certain budget. Il n’est souvent pas facile de gérer des personnes venues de divers horizons et de leur faire adopter de nouvelles postures. Mais c’est notre rôle. Pour nous y aider, nous sommes rigoureux dans la sélection de nos boursières », indique Pervenche Aliman. Son projet immédiat : nouer des partenariats solides avec des
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institutions financières afin d’assurer un financement aux femmes au sortir de l’incubateur. Mais comment fait-elle pour gérer sa carrière de banquière ainsi que son école ? Elle table sur la gestion du temps : « Pour me permettre de mener cette activité de front, nous ne lançons qu’une cohorte par année. Le reste de l’année, nous faisons le suivi évaluation. » Elle reconnaît que sa vie familiale est souvent perturbée. Mais elle s’organise au mieux et compte sur une équipe qui lui est d’un grand support. L.N.
BACOME NIAMBA, danseuse de la vie FORMÉE À LA FONDATION panafricaine Ki-yi M’Bock, Bacome Niamba est à la fois chanteuse, comédienne, danseuse et chorégraphe. Enfant, vivant dans une famille nombreuse à Abobo, commune populaire d’Abidjan, elle est subitement déscolarisée dès le premier trimestre de cinquième, ses parents n’ayant pas les moyens d’assurer ses frais d’école. Alors qu’elle espère retourner en classe, elle se retrouve finalement dans des habits de nounou chez une famille à la Riviera, un quartier huppé. C’est un choc pour la petite fille qui aime étudier. Son vœu d’en sortir est entendu quelques années plus tard. Le village Ki-yi recrute. « Mon frère est venu me voir à l’endroit où je travaillais pour m’informer du concours. » Elle est admise aux épreuves, mais n’a pas l’âge requis. « J’avais 17 ans, or, il fallait être âgé d’au moins 20 ans. De peur d’être refoulée, j’ai fait croire que j’en avais 19. Were Were Liking, qui sentait l’arnaque sur mon âge, m’a demandé de venir avec mes parents. Le lendemain, je me suis présentée avec mon père », se remémore Bacome Niamba. Ce dernier avoue 64
le véritable âge de sa fille, mais supplie la fondatrice du village pour qu’elle soit retenue, étant donné qu’elle est admise aux épreuves. C’est le début de sa formation professionnelle en danse, qui aboutira sept ans plus tard. Mais comment est-elle arrivée à ce niveau ? À sa sortie du village Ki-yi, Bacome Niamba monte sa première compagnie, TchéTché, en 1997. « Avec Béatrice Combe, nous étions les premières femmes à avoir une compagnie de danse contemporaine en Côte d’Ivoire. Nous avons été retenues pour le MASA (Marché des arts du spectacle africain). Ensuite, j’ai encadré des groupes. Le premier était Nigui Saff K-Dance (meilleur groupe africain de musique moderne d’inspiration traditionnelle aux Kora Awards, en 1999, en Afrique du Sud), que j’ai suivi de 1999 à 2003. » Au cours de sa carrière, la danseuse a signé de nombreuses chorégraphies, parmi lesquelles Dimi pour la compagnie TchéTché, mais aussi pour des artistes comme Boni Gnahoré (Africa Non-Stop) en 2004
ou le groupe Résurrection (Ruth la Moabite) de 2004 à 2006. Elle a également encadré des groupes chrétiens, tels que La Harpe de David en 2003 ou Les Anges de l’éternel en 2005. Bacome Niamba joue aussi comme comédienne dans des pièces, et intervient enfin comme chanteuse dans des projets musicaux. À partir de 2006, alors qu’elle n’a qu’un niveau de cinquième, l’artiste pluridisciplinaire est recrutée comme enseignante à l’Institut national supérieur des arts et de l’action culturelle (Insaac), son expérience faisant autorité. Autrement dit, elle enseigne à des bacheliers et est la collègue d’universitaires. « Au début, j’étais complexée par mon niveau d’études. Ma mère m’a encouragée à accepter l’offre. Je deviens alors un petit rat de bibliothèque. Je m’instruis. Je bouquine, et je bouquine encore. C’est ainsi que je commence à enseigner. » C’est à cette période qu’elle retourne à l’école pour passer le baccalauréat artistique, qu’elle obtient avec brio. Elle donne des cours de danse classique, de danse contemporaine, de conception de spectacle chorégraphique et de comédie musicale. Bacome Niamba intervient par ailleurs dans des activités extrascolaires pour les tout-petits. « Je me bats pour qu’au sein de nos établissements, la culture et l’art soient promus. L’art concourt à l’équilibre de nos enfants », déclare celle qui encourage les activités culturelles et artistiques dans les écoles. Son professionnalisme fait d’elle une invitée de taille dans les concours nationaux et internationaux. Aujourd’hui, Bacome Niamba prépare sa soutenance de master 2 et entend désormais passer le cap du doctorat. L.N.
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THÈME : « ENTRE REPLI IDENTITAIRE ET PANAFRICANISME,QUELLE PLACE POUR LA ZONE DE LIBRE ECHANGE CONTINENTALE AFRICAINE ? »
55 ans
de presse... Tél . : 20 37 06 66 • 20 30 60 00 • 06 33 33 01 • 07 77 05 41 contact@fratmatinfo • info@fratmat.info
cinéma
LADJ LY «JE NE CHOISIS PAS. JE SUIS FRANCAIS, AFRICAIN, MALIEN» Son premier long-métrage de fiction, Les Misérables, est un véritable uppercut, couronné par le Prix du jury au dernier Festival de Cannes. Un cri d’alarme, une plongée dans les banlieues et un regard sur l’enfance et la violence policière. Entretien avec un autodidacte à cheval sur les cultures.
propos recueillis par Astrid Krivian
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es racines sont sa source d’inspiration, son plateau de tournage : l’intrigue des Misérables se déroule en effet à la cité des Bosquets à Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, où il a grandi. La vie et le cinéma sont imbriqués pour ce réalisateur de 39 ans d’origine malienne. Clin d’œil au célèbre roman du XIXe siècle de Victor Hugo, son film raconte une enfance en banlieue, laissée-pour-compte, livrée à elle-même et à la brutalité de certains policiers. Il dresse un constat alarmant sur les conditions de vie des habitants de ces territoires périphériques, abandonnés par les politiques depuis quarante ans. Une œuvre puissante, sous tension, dépeignant avec subtilité la complexité des rapports entre les individus, qui ont un ennemi commun : la misère. Derrière ce film, il y a plus de vingt ans de travail passionné et acharné. Cet autodidacte empoigne sa caméra comme une arme depuis ses 18 ans. Mû par l’envie de témoigner d’une réalité plus juste et nuancée de son environneAFRIQUE MAGAZINE
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PAUL GRANDSARD/SAIF IMAGES
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ment, il contre la représentation caricaturale et sensationnaliste diffusée par de nombreux médias. Parmi ses réalisations, le documentaire 365 jours à Clichy-Montfermeil capte sur le vif les émeutes de 2005, déclenchées par la mort des jeunes Zyed et Bouna dans un transformateur électrique. En 2012, il parcourt le Mali, son autre terrain de cinéma, et relate au plus près les profonds troubles politiques du pays. En 2018, son documentaire À voix haute est nommé aux Césars. Et Les Misérables représentera la France dans la catégorie Meilleur film étranger aux Oscars 2020. Ladj Ly est un passeur : après avoir créé une école de cinéma gratuite dans sa ville, il compte en ouvrir cinq autres en Afrique, pour rendre accessible l’apprentissage de cet art et inculquer aux jeunes l’esprit d’indépendance, lui qui n’a jamais attendu un producteur ou un distributeur pour réaliser ses films. Avec le rêve de voir un jour l’un de ses élèves suivre ses pas, couronné à Cannes… AM : L’intrigue des Misérables se déroule dans le quartier de Montfermeil où vous avez grandi. Le film est donc inspiré de votre vécu… Ladj Ly : C’est un peu mon histoire que je
Votre titre est une référence au roman de Victor Hugo, dont une partie se déroulait aussi à Montfermeil, au XIXe siècle. Vous le citez : « Il n’y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il n’y a que de mauvais cultivateurs. »
Mon film est un cri d’alarme adressé aux politiques. J’estime qu’ils sont les premiers responsables de la situation sociale et économique des banlieues, qu’ils ont laissée pourrir. Pour qu’un changement advienne, il faut une vraie volonté de leur part, seul moyen pour faire bouger les lignes. Sans quoi rien n’évoluera. Le plan Borloo de rénovation urbaine est le seul changement concret auquel on a assisté. Mais il reste énormément à faire, en matière d’éducation, de culture, d’infrastructures, etc. La qualité des écoles est catastrophique. Elles sont là pour former la main-d’œuvre. Il y a très peu de chances pour les jeunes d’intégrer une grande école par la suite.
Les Français se rendent compte que la vie est de plus en plus dure et que la police peut être violente. »
raconte à travers ce film. Tout est inspiré de faits réels, du début à la fin. J’avais 10 ans lorsque j’ai subi mon premier contrôle de police. Depuis, j’ai dû me faire contrôler plus de 1 000 fois ! Dès notre plus jeune âge, notre rapport avec les policiers est donc très particulier. D’autant que pendant plus de dix ans, j’ai filmé leurs interventions dans le quartier en faisant du copwatch [surveillance de la police, ndlr]. J’étais devenu leur bête noire. Un jour, je capte une bavure : je diffuse la vidéo sur le Net, l’Inspection générale des services ouvre une enquête, la presse relaie, les policiers sont suspendus. C’était la première fois en France que des agents étaient condamnés à cause d’une vidéo. J’ai alors réalisé la force, l’impact de l’image. Et ça m’a donné envie d’en faire une fiction. Pourquoi avoir choisi la fiction, et non le documentaire ?
Pour toucher un plus grand nombre de spectateurs. Mes documentaires ont tous été censurés par la télévision. Je n’avais donc pas d’autre choix que de les diffuser gratuitement sur le Web. Aboutir aux Misérables a été un long chemin. Mais tourner des docus m’a permis d’apprendre, de me faire la main. Je suis un autodidacte, je n’ai pas fait d’école de cinéma, j’ai appris sur le tas en travaillant avec mes potes du collectif Kourtrajmé [Kim Chapiron, Toumani Sangaré, Romain Gavras, ndlr]. On a commencé par un court-métrage, c’était plus simple. Car si je me présente, moi, Ladj Ly, de Montfermeil, avec le projet de faire un longmétrage sur les violences policières dans les quartiers, ça n’aurait pas rassuré les financiers ! Le court a très bien marché, il a remporté 40 prix dans des festivals, a été nommé aux Césars 2018 68
en même temps que mon documentaire À voix haute. Et malgré ça, on ne parvenait pas à faire financer le long. Finalement, on a obtenu la moitié du budget, et on a pris le risque de se jeter à l’eau.
Le film montre les actes violents de certains policiers, pour autant, votre propos n’est pas « anti-flics »...
Loin de là. Ce film parle avant tout de la place de l’enfance dans ces quartiers. Mais aussi de la misère sociale qui y règne. Les misérables, ce sont tous ceux qui y évoluent, policiers ou habitants. Les premiers touchent souvent un salaire médiocre, habitent dans une cité HLM. Ceux qui s’en sortent à peu près se sont endettés pour acheter une petite maison. Je me mets aussi à leur place. Je voulais que mon film soit le plus juste possible, témoigne d’une situation le plus précisément possible.
On pense aux événements tragiques de ces dernières années en France, comme la mort d’Adama Traoré après une interpellation par les policiers en 2016. Ou à Théo, violenté par la police en 2017 et qui gardera des séquelles à vie…
On peut en citer 50 des bavures policières, de Malik Oussekine [frappé à mort par des policiers lors d’une manifestation, ndlr], en 1986, jusqu’à aujourd’hui. Dans nos quartiers, ce sont des brigades spécialisées qui patrouillent, ce n’est pas la même police que dans les grandes villes. Elles sont là avant tout pour « casser des bouches ». Donc, forcément, les rapports avec les jeunes sont plus compliqués. Quand on se plaignait des violences policières, on nous traitait de racailles. Mais quand t’es posé, tranquille dans ton quartier, et qu’on te contrôle tous les jours, qu’on te brutalise sans raison… Ça fait plus de vingt ans AFRIQUE MAGAZINE
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Le film se déroule à la cité des Bosquets à Montfermeil, en Seine-Saint-Denis.
qu’on est gilets jaunes, qu’on revendique nos droits, qu’on subit les violences policières, la misère, l’isolement. Aujourd’hui, les Français se rendent compte que la vie est de plus en plus dure et que la police peut être violente.
l’abandon, les habitants s’organisent par euxmêmes, pour que la vie se passe au mieux. Et pas seulement les religieux, mais aussi les médiateurs sociaux, les éducateurs. Et quelle est la place des parents ?
Ils sont présents, mais il est difficile de vivre dans ces territoires, ils exercent très souvent des métiers pénibles, mal payés. Ils sont dépassés, travaillent loin de leur domicile, et quand ils rentrent le soir, ils n’ont plus le temps d’éduquer leurs enfants. Mon intrigue se déroulant pendant les vacances scolaires, Bien sûr. Il a marqué notre adolescence et les gamins sont livrés à eux-mêmes. Aussi, ils nous a donné envie de faire du cinéma. Pour improvisent un petit camp de vacances pour la première fois, un film parlait de la banlieue s’occuper comme ils peuvent. À mon époque, de l’intérieur. En 1995, La Haine racontait une Sortie dans les salles françaises c’était différent : on avait des centres de loisirs, bavure policière, en 2019, mon film aussi… le 20 novembre prochain. des associations organisaient des sorties, des C’est triste de constater que les choses n’ont colonies de vacances… Aujourd’hui, tout a disparu. Les budgets pas évolué. Hélas, la plupart du temps, quand il y a un problème ont été sucrés. Les centres de loisirs coûtent très cher, et les colode violence en banlieue, ça part toujours de la police. Ils ont nies, n’en parlons pas. Comment fait-on quand on travaille dur carte blanche dans ces quartiers, ils ont le droit de faire ce qu’ils avec un salaire très bas pour envoyer ses enfants en vacances ? veulent. Comme dit l’un des personnages du film, ce sont eux la C’est facile de jeter la pierre aux parents, mais il y a quand même loi. Et quand l’un d’entre eux déconne, la hiérarchie les couvre. un système écrasant qui les met en grande difficulté. Si tu vas porter plainte au commissariat, c’est quasiment le mec qui t’a tabassé qui va te recevoir… Quels écueils souhaitiez-vous éviter ? Quelle est la place de l’islam dans votre film ? Tous les clichés ! Il n’y a ni rap, ni drogues, ni armes. Car, hélas, les représentations de la banlieue sont très souvent stéElle est importante, car ce sont des quartiers majoritaireréotypées. Des personnes qui ne la connaissent pas en parlent… ment musulmans. Aujourd’hui, certains médias et politiques ont J’ai voulu être le plus juste possible, décrire la situation sans tendance à stigmatiser cette religion, à l’insulter chaque jour, exagérer, sans parti pris ni jugement. à faire l’amalgame entre terrorisme et islam. Mais les « musulmans » dont on parle dans les médias, je n’en connais pas dans Votre fils, Al-Hassan, incarne Buzz, un personnage mon quartier ! Je parle de ceux que je connais, qui y vivent et qui filme le quartier grâce à un drone, véritable ont un vrai rôle social au sein de la cité. C’est important de le ressort dramatique… préciser, car beaucoup pensent que les « barbus » vont engrainer C’est un peu un parallèle avec moi, qui ai filmé ce territoire la jeunesse pour faire le djihad. Alors qu’ils assurent une mission pendant plus de quinze ans. J’étais devenu l’œil du quartier. éducative, comme expliquer aux gamins pourquoi il ne faut pas Avec un drone, on prend de la hauteur, on accède à une vision déranger le voisinage. Inspiré du réel, le personnage de l’imam plus large du quartier, et on se rend compte de son isolement. est un ancien voyou reconverti, qui a décidé de faire le bien Aujourd’hui, on a tendance à utiliser le drone à tout-va, mais ici, autour de lui. Comme ces quartiers sont complètement laissés à c’est vraiment un personnage à part entière.
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Par son sujet, Les Misérables fait écho à La Haine, de Mathieu Kassovitz, film culte pour toute une génération, qui décrivait déjà ce rapport très tendu entre les jeunes et la police en banlieue. Est-ce qu’il a compté pour vous ?
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Malgré le contexte difficile, les dialogues sont souvent très drôles…
Oui, car en banlieue, même si c’est dur par moments, en dehors de ça, il y a aussi beaucoup de joie et de rires. Les vannes fusent ! Donc c’était important, au moins dans la première partie du film, d’apporter un peu d’humour dans un monde dur. La scène d’ouverture montre ces jeunes arborer le drapeau français lors de la finale de la Coupe du monde.
Ils quittent la cité avec le drapeau français pour supporter la France, et non pas l’Algérie ou le Sénégal. Cette séquence raconte que, malheureusement, il n’y a que le foot qui parvient à nous réunir. « Liberté, égalité, fraternité» fonctionne à ce moment-là. Mais une fois le match terminé, chacun retourne à sa condition. Nous, on s’est toujours sentis français. Puis, du jour au lendemain, on a appris qu’on ne l’était pas vraiment, que ce n’était pas clair : on était français, mais… Ce problème d’identité n’est pas réglé. On peut être en colère de ne pas être considérés comme des Français à part entière. Moi, je suis français, mais aussi africain, malien. On nous demande de choisir entre les deux, mais c’est hors de question ! On ne choisit pas entre notre mère et notre père ! On est nés en France, on a cette culture française, mais on a hérité d’une culture africaine. Il ne faut pas oublier d’où l’on vient. Vous adressez votre film aux responsables politiques, et notamment au président français, pour leur dire l’urgence d’agir envers ces populations. Est-ce qu’Emmanuel Macron l’a vu ?
Avec le collectif Kourtrajmé, vous avez créé une école de cinéma gratuite à Montfermeil il y a un an. Votre projet est d’en ouvrir d’autres en Afrique, n’est-ce pas ?
Oui. J’ai deux territoires, la banlieue et l’Afrique. Ce continent me tient à cœur. C’est important de former la nouvelle génération, afin qu’elle puisse faire ses propres films. Ça manque aujourd’hui. Il est temps qu’on nous laisse raconter nos histoires ! L’idée est d’ouvrir cinq écoles : au Sénégal, à Dakar, en mars prochain, puis en Côte d’Ivoire, au Mali, au Burkina Faso et au Maroc. Celle de Montfermeil marche très bien. On a formé 30 jeunes, produit cinq courts-métrages, et on développe des longs. On aimerait faire fleurir des écoles un peu partout.
Quand je suis à Bamako, mon kif est d’écumer tous les concerts. Je passe mon temps dans les studios. »
Il a reçu notre message et nous a invités à l’Élysée. J’ai décliné l’invitation, et je lui ai proposé de venir voir le film à Montfermeil plutôt. On attend sa réponse. Comment avez-vous vécu le Festival de Cannes, où vous avez reçu le Prix du jury ?
C’était vraiment une surprise. Il y a encore un an, je n’étais pas sûr de faire le film, et là, on se retrouve à Cannes… C’est fou ! Mais c’est important de garder la tête sur les épaules. Je me dis que ça devait arriver, ça fait quand même longtemps que je fais du cinéma : j’ai réalisé mon premier film à 17 ans, j’en ai 39 aujourd’hui. On a travaillé pour. Mais c’est bien de ne pas s’arrêter sur ce succès. Il faut continuer. On pense déjà au prochain, et aux suivants. Et votre première sélection aux Oscars ?
Alors ça, par contre, c’est énorme ! Autant, Cannes, c’était super cool, autant là, ça implique beaucoup de choses politiquement. Un film réalisé par un mec de banlieue, avec un sujet délicat, qui va porter les couleurs de la France aux États-Unis… C’est quand même un symbole fort et une ouverture importante. 70
Je suis content, je suis celui qui va représenter la France ! Ça me fait rire par moments ! Mais c’est aussi une grande responsabilité. Il va falloir assurer.
Vous souhaitez ainsi rendre plus accessible aux jeunes l’apprentissage du cinéma ?
Oui, pour qu’ils sachent qu’il ne faut pas forcément rentrer dans le rang, faire comme tout le monde. Si tu as une idée, développe-la ! Beaucoup attendent après une production, une personne, mais il faut passer à l’action. Aujourd’hui, tu n’as plus d’excuse, tu peux même filmer avec un téléphone. Une caméra ne coûte pas très cher, il existe des logiciels de montage gratuits. On essaie d’impliquer au maximum les jeunes des quartiers dans les projets, pour qu’ils découvrent que d’autres univers existent. Et que ça leur donne envie d’essayer. On leur transmet quelques clés pour avancer, et après, c’est à eux de jouer. Le but est de former cette nouvelle génération aux métiers du cinéma et d’apporter de l’air frais à ce milieu. Si tu n’as pas des parents dans le sérail ni les moyens de te payer une école, il reste très difficile d’accès. Notre école est gratuite, ouverte à tous, sans conditions d’âge ni de diplômes. On donne sa chance à tout le monde : si tu as une idée et que tu es motivé, bienvenue !
Et vous, quels étaient vos rêves de gosse ?
Mes rêves de gosse… Je ne sais même pas si j’en avais. En tout cas, je ne m’en souviens pas. Le cinéma m’est tombé dessus par hasard. J’avais déjà un pied dedans sans le savoir : j’ai suivi le mouvement avec mes potes du collectif Kourtrajmé. Et je me suis retrouvé avec une caméra à la main. Êtes-vous cinéphile ?
Pas du tout ! Je suis un peu un ovni, je débarque en ayant toujours fait mes films en indépendant. Je regarde très peu de films. D’ailleurs, aujourd’hui, à quel moment irai-je au cinéma ? AFRIQUE MAGAZINE
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Je n’ai plus une journée de libre. Je n’ai pas de références ni de modèles. Ça peut sembler culotté, mais en réalité, je m’en fiche. On est toujours là à comparer les films avec tel cinéaste, telle séquence… Moi, je sais réaliser sans pouvoir même l’expliquer. Je fais les films dont j’ai envie, avec ma façon de monter, de filmer, sans copier ni m’inspirer de quiconque. En 2014, vous avez réalisé le documentaire 365 jours au Mali. Qu’est-ce qui vous a motivé ? Et qu’avez-vous appris ?
Je suis malien, j’y vais plusieurs fois par an depuis mes 12 ans, donc j’ai vraiment des attaches fortes. Quand j’entendais à l’époque que c’était devenu l’un des pays les plus dangereux au monde, qu’Al-Qaïda s’y était installé, j’avais du mal à y croire, je m’interrogeais beaucoup. J’ai donc voulu aller voir sur place ce qu’il s’y passait, avec ma caméra. J’ai embarqué un pote. Pendant un an, je me suis aventuré à travers le pays, sur tous les camps, pour essayer de comprendre : les islamistes, les milices, le MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), les Touaregs, l’armée malienne… Après avoir rencontré tous ces gens, on se rend compte que la situation n’est pas très claire. Il y a beaucoup d’intérêts financiers en jeu. Les zones immenses riches en minerais, en ressources, attirent forcément les loups. Si la France y est présente, ce n’est pas pour sauver le Mali. Tout le monde veut sa part du gâteau et est prêt à déstabiliser un pays pour ça.
Montée des marches à Cannes, en mai 2019, avec son fils, qui incarne Buzz, l’un des personnages principaux du film.
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Vous vous y rendez toujours régulièrement ?
Tous les ans, avec mes enfants. Mali, Sénégal, Côte d’Ivoire… C’est important de leur transmettre cette culture aussi. Quand je suis à Bamako, mon kif est d’écumer tous les live de musique. Je passe mon temps dans les studios, j’ai beaucoup d’amis griots musiciens. La musique du Mali est d’une richesse phénoménale, c’est la meilleure du monde. Depuis la nuit des temps, on nous copie [rires] ! Quels sont vos projets ?
J’écris un biopic sur l’ancien maire de Clichy-sous-Bois, Claude Dilain. À l’origine pédiatre, il s’est présenté aux élections car le Front national était sur le point de prendre la mairie. Il a récupéré une ville endettée, a redressé les comptes, et à ce moment-là, les émeutes de 2005 ont éclaté… J’essaie de rester sur mon plateau de tournage, où j’habite toujours.
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Vous aviez documenté ces émeutes de 2005 dans 365 jours à Clichy-Montfermeil…
Pendant un an, j’ai filmé les émeutes de l’intérieur, ce qui se passait en bas de chez moi. Aucune chaîne de télé n’en a voulu. On l’a alors diffusé sur Internet. On voulait montrer un point de vue différent, notre point de vue, raconter, témoigner, car on était les premiers concernés ! Dans le but aussi de casser l’image de jeunes sauvageons. Il y avait des raisons à cette violence. Personne ne se lève un matin et va brûler une voiture, ça n’a pas de sens. La révolution viendra-t-elle des quartiers périphériques ?
Je l’espère ! Pour l’instant, elle émerge de la classe moyenne, avec le mouvement des gilets jaunes. Mais à tout moment, elle peut partir des banlieues. ■
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interview
FATOU DIOME « L’ÉCRITURE N’EST PAS UNE THÉRAPIE » La jeune Coumba a perdu son mari dans le naufrage du Joola. À quoi s’accrocher face à la perte d’un être aimé ? Spirituel, philosophique, Les Veilleurs de Sangomar, nouveau roman de la Franco-Sénégalaise, convoque l’animisme et la foi en l’avenir. Leçons de vie. propos recueillis par Astrid Krivian
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’interview se déroule en début de soirée, avant qu’elle consacre sa nuit à l’écriture, absorbée jusqu’à l’aube comme à l’accoutumée. Née à Niodior, dans le sud-ouest du Sénégal, installée à Strasbourg depuis vingt-cinq ans, l’écrivaine est révélée au grand public en 2003 avec son premier roman, Le Ventre de l’Atlantique, sur les rêves d’émigration et les désillusions d’un jeune Sénégalais. Depuis, ses œuvres, ancrées entre ses deux pays, auscultent les fragilités humaines (la perte, le manque, la quête identitaire). En 2017, elle signe un essai politique, Marianne porte plainte !, réponse aux discours nauséabonds sur l’identité nationale, rappelant les valeurs de la République française. Paru à la rentrée, son 11e roman, Les Veilleurs de Sangomar, est le récit du veuvage de la jeune Coumba, à la suite de la perte de son mari dans le naufrage du Joola en 2002, au large du Sénégal. Entre l’incompréhension de ses proches face à sa douleur et les injonctions rigoristes de certains religieux, l’héroïne cherche une consolation à travers la tradition animiste de son peuple, les Sérères. Chaque soir, elle espère communiquer avec son aimé disparu en invoquant les esprits et les âmes des défunts, réunis sur l’île mystérieuse de Sangomar, dans le Siné Saloum. Sauront-ils lui porter secours ? AFRIQUE MAGAZINE
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INTERVIEW
AM : Pourquoi avoir construit votre intrigue à partir du naufrage du Joola ? Fatou Diome : Cette tragédie a eu lieu non loin des côtes de mon
village, où je me trouvais alors. C’est la plus grande catastrophe maritime dans l’histoire africaine, sinon mondiale, avec un nombre de victimes plus important que celui du Titanic. Même si des commémorations existent, on en a très peu entendu parler. Or, les personnes concernées n’ont pas encore fait complètement leur deuil, et les voir souffrir fait que cette tragédie n’a pas quitté mon esprit. Ce livre est aussi une manière de partager leur détresse, d’essayer de consoler. C’est le récit du deuil d’une jeune veuve, qui fait notamment appel aux disparus à travers le culte de ses ancêtres, l’animisme sérère…
Beaucoup de jeunes ont péri dans ce bateau : des étudiants, des touristes, des commerçants… J’ai voulu analyser comment une jeune épouse qui vient de perdre son mari tente de survivre. À quoi peut-elle s’accrocher alors qu’elle se projetait dans l’avenir avec lui ? C’est une histoire d’amour qui finit comme un nuage éphémère. La perte, l’abandon, le deuil, la rupture, les manques, la solitude, la liberté… Ces questions existentielles traversent mes livres. Ce roman, c’était aussi l’occasion d’interroger les religions par rapport au deuil, la manière dont les villageois le vivent au quotidien. L’héroïne, Coumba, trouve du réconfort dans l’animisme, religion qui permet d’entrer en contact avec ses morts. Au Sénégal, dans la région sérère, même si beaucoup se disent musulmans, ils restent encore liés à leur culture d’origine, la tradition animiste. La religion musulmane importée n’est pas très ancienne au regard de notre histoire. Quelle est cette île de Sangomar ?
Une île mythique, inhabitée, un ancien lieu de culte animiste, en face de mon village natal. D’après la tradition sérère animiste, elle abrite les Champs-Élysées, l’endroit où les Djinns et les Pangôls [esprits des disparus, ndlr] se rassemblent. Quand j’étais enfant, on s’y rendait pour des cérémonies : libations, offrandes, bains purificateurs, et des chants rituels pour solliciter l’esprit des ancêtres. On y priait pour la paix, la santé, la bonne pêche, et pour l’abondance des récoltes à l’approche de la saison des pluies. Vous décrivez beaucoup cette nature omniprésente du Saloum…
J’ai toujours été sensible à cette nature luxuriante, c’est sans doute l’une des choses qui me manque le plus quand je quitte mon village : ce sable blanc, ces plages à perte de vue, ces palétuviers, cocotiers, manguiers, baobabs, cette végétation particulière du sud-ouest du Sénégal. Le delta du Saloum est d’ailleurs classé réserve mondiale de biosphère, c’est un microcosme très vert, protégé. Coumba est dans ce décor paradisiaque, mais tout lui semble désolé, car son bien-aimé n’y est plus. Quelle que soit la beauté d’un endroit, quand on y est malheureux, tout devient triste. Mais, au Saloum, même le diable doit être ému de voir une amoureuse y verser des larmes. 74
« Même si la littérature n’allège aucun fardeau, elle empêche au moins de déposer le sien sur le dos d’autrui. » Qui sont les Métamorphosés, qui font une interprétation rigide du Coran ?
De faux dévots, qui ne sont plus vraiment africains, mais pas tout à fait ce qu’ils prétendent. Ce sont généralement de mauvais musulmans, car ignorant le texte. Ils sont sévères et plus rigides que les animistes d’antan, qui eux étaient ouverts et tolérants. Les Métamorphosés rejettent l’animisme et dénigrent ceux qui s’y réfèrent ; pourtant, il s’agit bien de notre culture ancestrale. L’ouverture au monde, oui, la négation de soi, non. Votre héroïne trouve aussi un secours dans l’écriture. Vous croyez à sa vertu salvatrice ?
Comme écrit dans le livre, je pense que, même si l’écriture n’allège aucun fardeau, elle empêche au moins de déposer le sien sur le dos d’autrui. Avec l’écriture, vous êtes bâtisseur de votre propre monde, libre d’imaginer, d’analyser les choses à votre façon, sans être jugé. C’est l’occupation de Coumba. Avec un cahier et un stylo, elle veut faire de l’Atlantique un Taj Mahal pour son défunt mari, Bouba. L’écriture est son refuge, son lieu de méditation et d’apaisement. Elle n’est plus dans le combat contre les autres, mais en quête de sa vérité intérieure. Les pages l’acceptent telle qu’elle est, elle se présente au Seigneur telle qu’il l’a faite, donc à Lui d’assumer sa pauvre créature. Sa prise de parole, c’est une forme d’honnêteté vis-à-vis d’elle-même, l’espace pour exprimer ses souvenirs, ses analyses du quotidien, ses révoltes, ses aspirations pour l’avenir de sa fille, sa manière de rêver une autre Afrique possible. Est-ce l’action qui sauve ? « Tout arrêt est mortel », écrivez-vous…
On entoure, on cajole les éprouvés, mais, finalement, n’est-ce pas l’action qui redonne goût aux jours ? Quand on est malheureux, rester à se lamenter ne change rien. Dès que l’on se met en action, on retrouve un peu d’entrain, puis une certaine satisfaction à réaliser ce dont on est capable. Debout, petit à petit, on se raccroche à la vie pour sortir du gouffre, renaître de la détresse, essayer d’avancer. On a tous des raisons d’arrêter parfois, de tout envoyer balader. Mais puisqu’on est dans cette vie, il s’agit d’essayer de rester debout. Pour revenir à l’écriture, je me méfie de cette idée d’« écriture cathartique ». Ce n’est pas un AFRIQUE MAGAZINE
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Dans son dernier ouvrage, l’auteure convoque les esprits des défunts de Sangomar.
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INTERVIEW
médicament, un antalgique, ni une thérapie, on n’est pas chez le psy. Sinon, la seule dimension réparatrice ne réduirait-elle pas la création artistique ? Certes, écrire permet d’analyser, d’y voir un peu plus clair dans le chaos pour avancer, mais, parfois, écrire sur une douleur peut vous faire souffrir davantage, puisque se remémorer, c’est revivre. Avec le recul, on perçoit les choses avec plus de lucidité, le ressenti peut donc s’avérer plus violent qu’au moment des faits. Léopold Sédar Senghor est souvent évoqué dans votre roman comme une figure intellectuelle forte. Que vous a-t-il appris ?
Je retiens son regard universaliste, sa poésie, son respect des femmes. Mon pays natal, dont il a écrit l’hymne national, est indépendant grâce à lui. Il a réussi à fédérer une diversité de royaumes pour en faire une république démocratique, cela nous a évité coups d’États et guerres intestines. Il prônait le dialogue des cultures et le vivait. L’accord conciliant, c’est l’avenir du monde, parce que les antagonismes nous détruisent. Il nous a transmis une ouverture d’esprit. Découvrir les autres cultures permet de mieux comprendre la nôtre, de l’évaluer, de l’enrichir et de la valoriser. Si vous ne connaissez pas les autres alors qu’eux vous connaissent, ils pourront vous imposer leurs propres règles, leur échelle de valeurs. Plus on est ouvert sur le monde, plus on est capable de défendre son peuple et l’humain en général. Que représente pour vous l’océan, élément dramatique dans ce roman ?
c’est bien de pousser la barque, quitter le quai, avancer, sans savoir exactement vers quoi. Fixer un cap est d’abord une détermination, une décision, un apprentissage, mais également une métaphore que l’on peut appliquer à tous les domaines de l’existence. Il faut la foi en la vie pour aller vers l’inconnu. Qu’est-ce qui vous a donné cette foi en la vie ?
Je sais la peur de partir, mais j’ai appris à la gérer aux côtés de gens qui n’ont jamais abandonné. Je n’ai pas d’ambition particulière, j’essaie seulement de vivre dignement, tout le reste découle de cette aspiration. On veut gagner sa vie, on fait ce qu’on peut pour ne pas avoir à tendre la main. On ne se rend même pas compte du prix à payer, car l’intention est plus forte. Quand on sait pourquoi on fait les choses, cela devient plus facile à supporter, on assume. J’ai fait beaucoup de petits boulots pour payer mes études. Femme de ménage, baby-sitter, auxiliaire de vie… Bref, tout ce que je trouvais de légal. Du moment que je savais pourquoi je nettoyais les appartements des autres, le soleil était bien à sa place. Vos grands-parents vous ont élevée. Votre grand-père vous disait : « Les jérémiades ne sauvent rien… »
Oui. Quand on allait à la pêche, pendant la saison des pluies, lorsqu’il y avait un orage, que le vent soufflait fort et nous ballottait, j’avais froid et peur. Mais si je commençais à pleurer, il me disait de ramer plutôt, car mes pleurs ne nous ramèneraient pas plus vite au village. C’est une leçon que j’ai retenue. En tant qu’humains, nous avons des faiblesses, des fragilités, il ne s’agit pas de les nier, mais les laisser gagner, c’est tout perdre. Donc, parfois, l’action est d’une nécessité vitale et, dans ce cas, elle ne résulte même pas du courage, mais de l’urgence. Je remercie mon grand-père de m’avoir transmis cela. Quand on est jeune, on trouve ça dur, mais c’était sa façon de me donner de la force.
La navigation est, pour moi, une métaphore de la vie. On apprend tous à avoir le pied marin, à maintenir l’équilibre. Les pirogues tanguent, on lutte pour tenir debout, comme Les Veilleurs de Sangomar, dans la vie. Étant née sur une île, la mer est Albin Michel, 2019. un élément fondamental pour moi. Elle nous encercle, semble nous prendre en otages, mais, en même temps, Et quel était votre rapport avec votre grand-mère ? on peut partir, prendre le large depuis tout le pourtour de l’île. Avec son mari, ils sont mes anges gardiens, les personnes les L’île est à la fois un lieu de départ et d’arrivée. Deux mouveplus importantes de mon existence, envers lesquelles j’ai le plus ments, flux et reflux, tel le ressac des vagues. La mer nourrit mon de reconnaissance. Ma grand-mère m’éduquait à la dure, me peuple depuis la nuit des temps, mais c’est aussi elle qui parfois disait les choses telles qu’elles étaient et m’aimait d’un amour le tue. Au village, chaque famille de pêcheurs a perdu quelqu’un inconditionnel. Pensant à leur âge, mes grands-parents disaient en mer. Comme tous les peuples marins, on vit de la mer, on en qu’ils m’élevaient de sorte que je puisse me débrouiller quand ils meurt aussi. C’est un réservoir pour notre survie, mais aussi une ne seront plus là. Et quand on disait à mon grand-père : « C’est menace permanente. Cet élément raconte le mieux le caractère une fille, il ne faut pas l’amener à la pêche ! », il répondait : « Pourdes Sérères-Niominkas. Tenaces, ils se battent, tiennent tête à quoi une fille n’irait-elle pas à la pêche, alors qu’une fille mange la mer, luttent au quotidien. Leur courage m’a toujours fascinée. du poisson ? » Cette phrase est la déclaration la plus féministe que j’aie jamais entendue. Vous avez choisi de prendre le cap Ce n’est pas surprenant, j’ai été élevée par un grand-père pêcheur. À 13 ans, déjà, je devais quitter mon village pour étudier en ville. Et je partais ailleurs quand il le fallait : Foundiougne, Sokone, Mbour, Dakar… et me voici à Strasbourg. Parfois, 76
« On ne cherche pas la vie dans les yeux des autres », vous disait votre aïeule…
Oui, tout comme mon grand-père, et c’était pour m’apprendre à ne pas me soucier des médisances. Ils m’apprenaient l’autonomie, la liberté d’assumer ma vie, à simplement faire de AFRIQUE MAGAZINE
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dans votre vie, plutôt que de rester à quai…
mon mieux : ne pas attendre que les autres viennent me sauver ou me reconnaître. Quand j’allais étudier en ville, des gens du village médisaient parce que je suis une fille, il ne fallait pas que je parte, etc. Mes grands-parents m’ont fait promettre entre quatre yeux d’être travailleuse, sérieuse, respectueuse, consacrée à mes études, ils m’ont fait confiance. Et la confiance, ça se mérite, donc je ne faisais que travailler et étudier, sinon, à part faire du sport, je lisais ou j’écrivais dans ma chambre. Qu’est-ce que l’écriture pour vous ?
J’écris depuis mon enfance, et de façon plus sérieuse depuis mes 13 ans, quand je suis partie en ville. L’écriture n’est pas un travail pour moi, au sens d’« obligation », c’est un besoin, une manière de vivre. Je n’écris pas seulement pour être publiée, d’ailleurs, j’ai écrit pendant vingt ans avant de penser à la possibilité de l’être. Écrire, c’est mener une réflexion qui demande une certaine retraite, du calme. Enfant, je pouvais rester silencieuse car je n’arrivais pas à dire ce qui me tenait à cœur, donc j’écrivais. Ça me plaisait, c’était comme à l’école, mais plus librement. Aujourd’hui, je m’organise en fonction de l’écriture, car si je n’écris pas, tout le reste devient vite pesant [rires] ! J’évite donc autant que possible ce qui peut m’empêcher d’écrire. Pourquoi écrivez-vous la nuit ?
Cela a toujours été ainsi. Plus jeune, j’apprenais mes leçons la nuit, puis, quand j’ai fait des petits boulots, la nuit était mon seul moment libre pour écrire. En ville, la nuit m’effrayait, alors j’écrivais ou je lisais, comme ça, je lui tenais tête. Dès que j’entendais les rues s’animer, je pouvais alors m’endormir tranquille. À la fac, j’ai souvent choisi des cours en fonction des horaires, afin de ne pas m’y rendre frustrée de n’avoir pas pu écrire. En général, j’écris jusqu’à l’aube, accompagnée de musique, et je ne vois pas les heures passer. Je préfère le moment où la veillée commence, il y a une joie, une disponibilité. La littérature est aussi le lieu où vous alliez vos deux mondes, le Sénégal et la France…
Sérère, j’écris en français ; née à Niodior, je vis à Strasbourg. Ces deux mondes fusionnent, ils sont constitutifs de mon identité, donc de mon écriture. Il n’y a aucune langue de bois, aucun complexe à le reconnaître : c’est une richesse. J’aime mes deux cultures et je les assume honnêtement, ouvertement. J’ai deux cartes d’identité : sénégalaise et française. Je n’ai à cacher ni l’une ni l’autre. Je les assume pleinement. Par ailleurs, la France, qui m’a accueillie, a aussi été défendue par les tirailleurs sénégalais. Si les miens sont morts pour cette patrie, il n’y a aucune raison qu’on m’y bouscule : ici, c’est aussi chez moi. J’y suis une citoyenne naturalisée, c’est-à-dire adoptée, mais citoyenne à part entière ; après l’effort d’adaptation, j’entends être de ceux qui défendent les valeurs républicaines. Quels enseignements partagez-vous avec les jeunes Africains ?
Notre histoire africaine est tellement douloureuse, il ne s’agit pas de l’oublier, mais s’en gargariser pendant des siècles ne changera la vie de personne, encore moins la situation du
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« La navigation est une métaphore de l’existence. On apprend tous à avoir le pied marin, à maintenir l’équilibre.» continent. Alors, oui, je dis aux jeunes qu’il ne faut pas que le passé les possède, c’est à eux de posséder leur passé pour construire leur avenir. Il s’agit de comprendre l’histoire, mais, au lieu d’en être l’otage, de s’en affranchir suffisamment pour dessiner de nouvelles perspectives. Il est plus utile d’essayer de résoudre les problèmes actuels que de décerner des certificats de culpabilité qui ne nous sauveront de rien. Un passé douloureux qui ne passe pas, cela donne un présent pourri d’amertume, or, le ressentiment ne fait que légitimer la complainte et justifier les échecs, cela brise l’élan, hypothèque le futur. Aucune évolution humaine ne s’est faite sans obstacles, donc tout peuple avance en consolidant ses acquis, mais aussi en corrigeant les conséquences néfastes de son passé. L’état mental nécessaire au développement, c’est d’être conscient que, malgré les tragédies passées, le présent réclame de nous une voie vers le futur. Je voudrais donc que les jeunes aient foi en eux-mêmes, en l’avenir, car reconnaître les difficultés héritées ne dispense personne de la lutte contre les problèmes de son époque. Rendons à la jeunesse africaine sa fierté, la possibilité de s’accomplir chez elle et sa place dans le monde. Beaucoup continuent de penser que les autres sont faits pour réussir et pas eux, or, sous toutes les latitudes, seul l’effort peint votre part de ciel. Que l’Afrique respecte mieux sa culture, ses acquis, pour affirmer sa place parmi les peuples et dire que ce troisième millénaire ne se fera pas sans elle. Certes, les conséquences du passé perdurent, mais répéter cette triste évidence aux jeunes améliorera-t-il leur vie ? Au lieu d’un lamento, proposons des perspectives. D’ailleurs, si vous accusez sans cesse l’autre de vous avoir maltraité, exploité, vaincu par le passé, sachez que votre complexe d’infériorité entretient son complexe de supériorité. Ce n’est pas ainsi que nous gagnerons l’égalité ni la paix entre les peuples. Une paix, préalable au dialogue, à la diplomatie, à la coopération, au partenariat éthique indispensable à l’amélioration de notre destin collectif. Écrivaine, je ne suis mandatée que par ma plume et ma conscience, mais l’histoire regorge d’aînés qui ont subi rires et quolibets pour avoir partagé leurs rêves. Pourtant, leurs folles utopies ont rehaussé la dignité humaine. Leur souvenir nous fait garder la foi : prônons un discours positif, constructif pour rendre à l’Afrique son honneur face à ses partenaires : l’humanisme intégral exige la réciprocité du respect. ■
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OXMO PUCCINO
«J’AI ETE SOMBRE AVANT DE PROPOSER DU LUMINEUX »
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Il est l’un des patrons du rap français. Ses textes éclairés et son style singulier ont donné au genre ses lettres de noblesse. Il signe un nouvel album percutant, La Nuit du réveil, entre introspection et analyse du monde. propos recueillis par Astrid Krivian
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urnommé le « Jacques Brel du hip-hop », il se présente lui-même comme un chansonnier, faisant fi de la distinction entre rap et chanson. Depuis plus de vingt ans, au fil de huit albums solo, Oxmo Puccino s’est imposé comme l’un des artistes majeurs du genre en France. Devenu célèbre avec son titre « Mama Lova » en 1998, publiant dans la foulée son premier disque, Opéra Puccino, qui fut un succès critique et public, c’est un conteur, un poète. Son regard lucide et sa plume aiguisée scrutent notre époque, à la faveur de textes riches en métaphores, imprégnés de sagesse et d’ironie. Loin des egotrips et de la vulgarité, il manie l’art du verbe comme personne pour chanter ses colères, ses désillusions, ses espoirs, ses analyses de la société. Né en 1974 à Ségou, au Mali, Abdoulaye Diarra de son vrai nom a ensuite grandi à Paris. Déjà, jeune, son écriture est d’une remarquable maturité, préférant sublimer la violence de ce qui l’entoure par l’amour des mots, une parole pacifiste, de l’humour. Récompensé par deux Victoires de la musique pour L’Arme de paix (2009) et Roi sans carrosse (2012), l’artiste a fait quelques incursions dans le jazz, notamment avec le trompettiste Ibrahim Maalouf pour Au pays d’Alice. Il a sorti en septembre un nouvel album, La Nuit du réveil, accompagné d’invités de taille (Gaël Faye, Erik Truffaz, Orelsan…). Entre lyrisme et punchlines clairvoyantes, il évoque entre autres le cheminement spirituel de chacun, s’interroge sur le temps, la place du rap en France, remonte le fil de ses origines. AM : Pourquoi avoir baptisé votre nouvel album La Nuit du réveil, titre évoquant le spirituel ? Oxmo Puccino : Comment peut-on vivre
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Vous avez déclaré : « Je pars d’une obscurité, d’un désespoir, qui font que tout est bon à prendre. »
C’est hélas une loi du destin, de la vie. L’important est de savoir quand on se situe encore dans l’obscurité. Sinon, c’est compliqué de s’en sortir. C’est une démarche d’être heureux, il faut le vouloir, envers et contre tout. Ça demande des méthodes, de la compréhension, de passer par cette nuit du réveil qui est comme une période d’initiation. Je construis mon bonheur à partir de règles de vie très simples : faire le métier que l’on souhaite, s’entourer de gens que l’on aime, qui nous aiment et le manifestent, communiquer, être « à l’heure » – c’est-à-dire au fait de ce qu’il se passe autour de nous, dans le monde –, faire attention à ce que l’on dit, mettre l’ego de côté… Déjà, rien qu’avec ça, vous êtes bien parti ! Comme j’ai pratiqué le contraire, je sais de quoi je parle. J’ai été négatif, sombre, avant de proposer du lumineux. Le doute est-il un moteur pour vous, à chaque nouvel album ?
Les certitudes sont bien pires que les doutes… Je vis avec le doute, je ne le crains pas. Ni la peur. Je gère cela afin que ça ne pose pas trop d’obstacles sur mon chemin. Ces émotions sont naturelles, et il faut savoir les utiliser à bon escient. Vous confiez avoir pris votre temps pour élaborer et affiner ce disque, « libéré des vents tournants »…
Au fil de ma carrière, mes propositions se sont souvent situées à contre-courant. Et aujourd’hui, être à contre-courant, c’est prendre son temps. C’est un vrai luxe ! C’est regarder les autres vivre à une vitesse effrénée (qu’eux-mêmes ne comprennent pas), c’est couper le contact, prendre du recul, envisager les choses, les améliorer… Hélas, pour fournir constamment du contenu, nous sommes dans l’époque du premier jet, mais il ne faut pas s’y arrêter ! Même les grandes marques d’automobile, d’électroménager, pressées par le temps, s’y mettent.
discographie sélective ◗ L’Amour est mort (2001) ◗ L’Arme de paix (2009) ◗ Roi sans carrosse (2012) ◗ La Voix lactée (2015) ◗ La Nuit du réveil (2019)
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sans spiritualité ? Ce titre parle de ce réveil, que tout le monde va connaître un jour. Cette découverte, cette prise de conscience, qui peut vous mener vers l’âge adulte ou à une véritable vie… Avant que la lumière n’apparaisse, on traverse une période sombre. Parce que pour connaître la lumière, il faut avoir connu l’obscurité. La Nuit du réveil est donc ce moment, cette réalisation. Ce sont des retrouvailles contraintes et frontales avec soi-même. C’est inévitable. Après, ça ne dépend que de vous d’en faire quelque chose. Soit on trouve la lumière un jour, soit on reste dans le noir, comme beaucoup de gens. La différence entre les deux est flagrante, on la perçoit dans le discours, le comportement, le sourire, la couleur de nos messages, nos projets… Tout ce qui fait une vie en somme, nos réalisations. Quand on regarde mon parcours depuis mon premier album, Opéra Puccino, en 1998, mon cheminement est cohérent, et l’on distingue
que j’ai aussi traversé une nuit du réveil. Musicalement, cela s’entend également.
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D’où l’importance du service clientèle, qui n’existait pas à l’époque où le monde allait moins vite… Le morceau « À ton âge » évoque ce rapport au temps…
Je parlerai toujours du temps, car l’on ne peut pas parler d’amour sans s’y référer. On mesure l’amour au temps qu’on lui a consacré, en bien ou en mal. La notion du temps est réelle, mais cette réalité prend source à un âge de la vie où l’on commence à s’inquiéter de celui qui nous reste. Ce n’est pas uniquement une préoccupation de personnes âgées. On est tous dans le même bateau, on traverse les mêmes périodes et passages, à un moment donné. Que l’on me questionne sur l’importance que je voue au temps donne une idée de ce que vous faites du vôtre. Le temps est une obsession pour tout le monde. Nous sommes dans un compte à rebours, le zéro arrive. Il ne faut pas que cela nous empêche de vivre, mais il ne faut pas l’oublier. Cette conscience du temps qui passe devient-elle plus aiguë avec les années ?
Bien sûr. Parce que ce n’est pas une question d’ego, de rapport à soi. Avec le temps, des visions se confirment, se concrétisent. Et surtout, on continue d’apprendre, ce qui remet constamment en question nos convictions, nos croyances, notre rapport au monde, lesquels changent. Enfin, si l’on n’est pas rigide, que l’on sait être souple et ouvert d’esprit… Les choses ne seront jamais « comme il faut », comme on voudrait qu’elles soient. Donc ça nous oblige à nous adapter, trouver des manières et des méthodes pour s’accorder, s’arranger de ça, ne pas en rester là. Pourquoi écrivez-vous être « né trop âgé » ?
À l’époque de mon premier album, on m’a souvent dit qu’il était très mûr pour mon âge. Avant de le sortir, j’étais pourtant la même personne, mais comme je n’écrivais pas, que je n’avais pas de reconnaissance, mes propos étaient pris à la légère. Alors que j’ai toujours posé un avis réfléchi sur certaines situations, cultivé une conscience des choses. Je réfléchissais autrement que quelqu’un de mon âge. Je m’en suis rendu compte par la suite. Mon âge ne m’a pas toujours donné du crédit. Dans « Le Droit de chanter », vous écrivez : « Les cas sociaux sont nés des silences coloniaux. » Qu’est-ce qui vous a inspiré ?
J’ai réussi à concentrer des décennies d’histoire de France en une phrase. Quand je l’ai trouvée, j’étais tellement fier de moi ! Elle veut tout dire. Elle se rapporte à l’histoire de la France et de ses anciennes colonies, qui n’a pas été racontée, ou à moitié. Pourtant, si mon père parle français et qu’il a émigré en France, et non en Russie ou en Israël, c’est bien qu’il y a des raisons ! Les cas sociaux, c’est-à-dire les échecs scolaires, la mauvaise éducation, les valeurs négatives que l’on transmet à nos jeunes… ils ne sont pas tombés du ciel ! Là encore, il faut chercher dans l’histoire. C’est facile de jeter la pierre sur le « monstre » : c’est ainsi dans tous les pays, ce sont les populations les plus défavorisées qui trinquent, qui payent, qui sont instrumentalisées, bannies… Au milieu des années 1980, la banlieue a commencé à être prise en compte médiatiquement, d’abord avec condes-
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« C’est facile de jeter la pierre sur le “monstre” : c’est ainsi dans tous les pays, ce sont les populations les plus défavorisées qui trinquent. » cendance, puis, avec le temps, on s’est rapproché d’un discours violent, qui pouvait servir les électorats. Quand l’on a besoin d’un propos pour défendre une conviction sécuritaire, par exemple, on utilise tous les clichés sur la banlieue. Aujourd’hui, on nous parle de vivre ensemble, mais on n’y a pas été élevés pendant les trente dernières années ! « Le Droit de chanter » est une chanson sociale à portée historique. Elle parle d’une musique, le rap, qui a longtemps été déniée, dénigrée de par son origine sociale, et est désormais devenue majeure dans la société. C’est pour cela que vous dites : « Rapper, c’est être tristement célèbre » ?
Oui. J’ai beaucoup apprécié la réaction des médias dits « urbains » au sujet de cet événement qui a eu lieu il y a un an [la bagarre entre les rappeurs Booba et Kaaris à l’aéroport de Paris Orly en juillet 2018, ndlr], et dont le monde entier a parlé. Ils ont clairement signifié qu’on ne les sollicitait seulement quand il y avait des problèmes. Alors qu’il y a tellement de choses à célébrer, et dont les médias généralistes ne parlent jamais… L’image du rap en France a-t-elle évolué depuis vos débuts ?
Oui, elle a changé avec l’arrivée des nouvelles générations. Ceux qui ne comprenaient rien à notre musique commencent à vieillir, ils ont des enfants qui réfléchissent plus qu’eux et accordent au rap sa juste valeur. Il est incontournable aujourd’hui. Même les grands chanteurs de variété travaillent avec des artistes de hip-hop, que ce soit au niveau de la musique, des chorégraphies. Ils font appel à des producteurs d’électro, lequel est pour moi comme le hip-hop, car ces musiques ont les mêmes origines : Chicago. Vous racontez que les rappeurs étaient méprisés…
Oui, et ça nous déconcentrait. On passait plus de temps à se défendre et à essuyer les coups qu’à avancer dans notre art.
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Car en vérité, il fallait le rappeler, nous sommes des artistes ! Prenez le street art : au début, les graffeurs, qui n’avaient pas d’espace dédié pour créer, se faisaient arrêter, car c’était illégal. Aujourd’hui, ils sont considérés comme de véritables artistes, les jeunes générations ne connaissent qu’eux, leurs œuvres se vendent une fortune… « Le Nombril » est une quête de vos origines, du contexte familial avant votre naissance.
On ne parle jamais de cette période, alors qu’elle est très importante. Tout commence pour nous bien avant que l’on naisse. Ça m’a fait du bien d’en apprendre plus sur l’histoire de mes parents, pour ensuite la raconter. J’ai échangé avec eux. Par exemple, je ne savais pas qu’ils vivaient à Paris avant ma naissance, où j’ai été conçu ! J’ai ainsi établi des liens avec l’histoire de cette ville, comme l’importance du quartier Barbès, dans le 18e arrondissement, où ils se sont installés. Mon père est arrivé du Mali tout seul à 17 ans, en bateau, à l’époque où l’avion était un moyen de locomotion extrêmement luxueux. Il m’a raconté des histoires qu’il avait toujours gardées pour lui, sur ses difficultés dans la capitale dans les années 1960, les obstacles qu’il a rencontrés dans le travail, et pour tout le reste… Il m’avait prévenu que ce ne serait pas facile pour moi, parce que j’étais noir. Quarante ans plus tard, j’ai compris pourquoi. Vous aviez un an quand vos parents sont revenus vivre à Paris, quittant le Mali, où vous êtes né…
Oui, je suis né à Ségou [ville au bord du fleuve Niger, ndlr]. J’aime le dire, parce que ce n’est pas la capitale. À Ségou, on a un rapport différent avec la spiritualité. C’est difficile à expliquer, c’est tellement codé que c’est compliqué à traduire. C’est un climat, une atmosphère particulière. Être originaire de cette ville, c’est un peu l’équivalent en France de venir de Bretagne, c’est une différence évidente. On a un autre rapport avec la nature, on partage une histoire, un langage communs, pas forcément connus de tous, des touristes, etc. Quand on parle d’un pays, on le présente souvent à travers sa capitale, alors qu’elle ne le représente pas dans sa globalité, sa complexité. Elle n’est qu’un centre économique, politique. Mais l’identité d’une nation, c’est aussi toutes les régions qui la composent. Vous y êtes retourné trente et un ans plus tard. Quel souvenir en gardez-vous ?
C’était très fort. J’ai revu ma grand-mère, pour l’avantdernière fois. J’ai rencontré des dizaines de cousins qui me ressemblaient… On apprend beaucoup de choses sur soi-même, car on remonte l’arbre généalogique. On résout certaines questions familiales. Ce voyage a fait partie de ma nuit du réveil. Depuis, je retourne souvent au Mali, je ne passe pas deux ans sans y aller. Je rêve de me rendre au Festival sur le Niger de Ségou. Le Mali est un pays aux richesses musicales immenses. Font-elles partie de votre panthéon ?
Ce sont les musiques de mon enfance, que j’ai entendues en premier ! Elles sont donc une part de moi-même. Le balafon [instrument de percussion idiophone, ndlr] ou le kamele n’goni 82
« Je me considère comme un représentant de la langue française. Aujourd’hui plus que jamais, je connais la valeur de l’écriture. » [luth traditionnel, ndlr] sont des souvenirs de vacances que l’on ramène aux enfants. Je me suis familiarisé très jeune avec ces derniers. Il y a aussi la kora [harpe mandingue, ndlr], un instrument spirituel. Il faut être initié pour en jouer : au Mali, c’est une tradition familiale qui se transmet de génération en génération. Sinon, je côtoie les grands musiciens maliens, les « tontons » : Salif Keita, Toumani Diabaté, Cheick Tidiane Seck… Lui, c’est le tonton des tontons ! Il se consacre à la transmission auprès des jeunes, c’est beau. Mon grand regret est de ne pas avoir rencontré Ali Farka Touré [maître de la guitare, décédé en 2006, ndlr]. Le titre de votre deuxième album, en 2001, est L’Amour est mort, mais cette fois-ci, l’une de vos chansons s’appelle « Trop d’amour »…
Oui, et j’en suis très heureux, car c’est une idée qui n’est pas souvent évoquée. C’est peut-être encore tabou, cette notion de « trop d’amour », pourtant, cela provoque bien des dégâts. Parler d’amour d’une manière différente est tabou, en général. Cela a tellement été récupéré… Quand je parle d’amour, je fais appel à l’histoire, aux générations, au but de tout homme. Nommer un album L’Amour est mort était un peu suicidaire. Mais aujourd’hui, vingt ans plus tard, il n’y a rien de plus véridique. C’est presque banal de dire que l’amour est mort. Cela justifie certains comportements, certains rapports durs. Il faut que l’on sorte de cette violence. Donc il y a vingt ans, la vie était belle, en fait. Aujourd’hui, on s’est juste habitués à une vie dure. Vous qui chantiez « 1998 », qu’en est-il de cette France qui accepte et compose avec sa diversité, symbolisée par la formule « black, blanc, beur » ?
Ça évolue, et il le faut bien. Mais cette question vous met dans une position particulière, quelle que soit votre réponse. C’est pour cela que je n’ai pas trop d’avis là-dessus. J’ai l’habitude de dire que la vie se déroule, et que nous, on raconte AFRIQUE MAGAZINE
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des histoires à son sujet. « Black, blanc, beur », c’est une question de couleur, ce n’est pas mon propos. J’ai un ami qui est d’origine italienne, qui a grandi avec des Marocains et qui parle couramment portugais. L’humoriste Alban Ivanov est d’origine russe, mais a été élevé par un beau-père marocain. Des histoires comme ça, il y en a des tas ! « Black, blanc, beur », c’est un décor qu’on nous a mis dans la figure, une description du monde à laquelle je n’adhère pas. Le monde était comme il était avant que l’on en parle, tous ces gens ne sont pas arrivés avec la victoire de la France lors de la Coupe du monde de foot 1998 ! Ce sont des arguments de vente, ce ne sont pas des thèmes qui m’intéressent.
L’artiste a célébré les 20 ans de son premier album sur scène, à L’Olympia (Paris), en juin 2018.
Quel est votre rapport avec la langue française ?
C’est un lien éprouvé sur huit albums solo, en plus de projets parallèles, comme des disques collectifs ou des participations théâtrales… Je me considère comme un représentant de la langue française. Je l’étudie, j’écris pour moi et d’autres interprètes. Mes textes peuvent encore toucher des années après. Je n’ai jamais été dans le divertissement. Aujourd’hui plus que jamais, je connais la valeur de l’écriture. On devrait en prendre conscience, car depuis l’histoire de l’humanité, on a jamais autant écrit qu’à l’heure actuelle.
RICHARD BORD/WIREIMAGE
Êtes-vous aussi féru de lecture ?
J’adore lire toutes sortes de styles, d’auteurs. C’est une insulte suprême que de savoir lire et de ne pas le faire. Ce serait comme avoir une baguette magique et ne pas s’en servir, c’est insensé ! Par contre, je n’arrive pas à lire quand je suis en phase d’écriture. Comme j’écris intensément depuis quelques mois, je ne suis pas dans mon rythme de lecture habituel. Sur mon nouvel album, je partage le titre « Parce que la vie » avec mon ami Gaël Faye. J’avais lu Petit Pays [le premier roman de ce rappeur et romancier franco-rwandais, qui a reçu le prix Goncourt des lycéens en 2016, ndlr] avant tout le monde. Il n’y a rien de plus beau que d’oublier que l’auteur est votre ami. Car forcément, on est dans la crainte, le jugement, et il n’y a rien de pire qu’un ami qui n’est pas à la hauteur. Je suis littéralement tombé dedans. Cette histoire d’amitié entre des enfants dans un contexte de violence, qui existe encore dans d’autres pays, est fantastique. Il mérite vraiment le succès qu’il a rencontré. Pourquoi vous présentez-vous comme un chansonnier ?
C’est plus sympa, plus abordable ! En matière de textes, rien ne peut se partager plus qu’une chanson. Et les gens ont parfois un rapport trop élitiste avec les mots. Alors qu’il ne s’agit pas
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de bagages, mais de ce que vous faites avec. Ça ne tient qu’à vous, c’est une question de réflexion. Une belle phrase tient sur moins de dix mots. Quelles sont vos révoltes ?
Aucune, puisque je suis dans l’action. Cela permet d’être au plus près du sujet. Au lieu de parler de musique, je suis en studio ou sur scène. Au lieu de me demander ce que je peux faire pour aider l’autre, je m’engage aux côtés de l’Unicef. J’ai le privilège de pouvoir témoigner de certaines situations, je me rends dans des camps de réfugiés… Il y a beaucoup de problèmes que l’on ne voyait pas avant, relayés chaque jour par cette politique des actualités. Toutes ces réalités, s’il y a besoin d’en parler, c’est parce que les gens n’ont rien vu ou n’ont pas voulu voir. Vous êtes engagé auprès de l’Unicef. Quelles sont les causes qui vous tiennent le plus à cœur ?
Les enfants, donc l’éducation. Si l’on veut envisager le futur, on ne peut pas être plus précis. ■ La Nuit du réveil, Oxmo Puccino, All Points/Believe.
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Rencontres de Bamako 12E BIENNALE AFRICAINE DE LA PHOTOGRAPHIE
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e célèbre rendez-vous, qui a vu le jour en 1994, fêtera ses 25 ans du 30 novembre 2019 au 31 janvier 2020. Pour cette édition exceptionnelle, supervisée par le commissaire d’exposition camerounais Bonaventure Soh Bejeng Ndikung, 85 photographes issus du continent et de sa diaspora exposeront leurs œuvres dans une dizaine de sites de la capitale. 1 500 clichés, dont l’impression a été réalisée pour la première fois au Mali, seront proposés aux 5 000 visiteurs attendus. Thème retenu cette année : « Les courants de conscience. » par Emmanuelle Pontié
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Jodi Bieber • #I (Tshepang Dumelakgosi), 2016-2017. Courtesy of the artist (Afrique du Sud)
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Adama Jalloh • Love Story, 2016. Courtesy of the artist (Royaume-Uni/Sierra Leone)
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Fanyana Hlabangane • Poolside Boy (de la série Silent Conversations), 2019. Courtesy of the artist (Afrique du Sud)
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Deborah Willis • Carrie Mae Weems at Euro Salon, 2010. Courtesy of the artist (États-Unis)
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Khalil Nemmaoui • Air Twelve Land, 2019. Courtesy of the artist (Maroc)
Fototala King Massassy • Tenir (Anyway), 2019. Courtesy of the artist (Mali) AFRIQUE MAGAZINE
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BUSINESS Menaces sur la souveraineté numérique La bataille pour la maîtrise et le stockage des données personnelles échangées sur Internet fait rage dans le monde. Distancée, l’Afrique n’abrite que 1 % des data centers de la planète. Le continent doit réagir. par Jean-Michel Meyer
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’Afrique victime du colonialisme de la part des grandes puissances technologiques et des géants de l’Internet. L’affirmation convainc certains pour qui les Africains auraient perdu le combat de la maîtrise des milliards de données personnelles échangées chaque jour sur le continent par les utilisateurs du Web et des réseaux sociaux. Pour d’autres, la bataille est mal engagée, mais rien n’est perdu. Seule certitude : « Il existe pour les pays africains une véritable perte de souveraineté sur nos données parce que nous ne disposons pas des ressources permettant de les héberger sur le continent », déplorait, sur l’antenne de RFI en mai 2018, Mouhamadou Lo, rédacteur de la loi sénégalaise sur la protection des données à caractère personnel. Or, ces informations propres aux individus, récoltées souvent à leur insu, sont le moteur de l’économie du XXIe siècle, guidée par les données (data 90
driven economy). Les maîtriser procure un avantage déterminant. Fin juin 2019, les pays émergents, se sentant dépossédés, ont tapé du poing sur la table lors du G20, au Japon. Emmenés par l’Inde, l’Afrique du Sud et l’Indonésie, ils ont refusé de signer la déclaration internationale sur les flux de données, dénommée « Voie d’Osaka », faute d’avoir pu faire valoir leurs intérêts dans ce domaine. « La problématique du stockage des données se trouve dans une impasse mondiale », relève Jacqueline Hicks, chercheuse au département d’informatique de l’université de Nottingham. Les pays du Sud veulent s’affranchir de leur « dépendance à l’égard des infrastructures numériques détenues par des étrangers », et ils réclament leur localisation sur leur sol. Avec 270 millions d’utilisateurs de Facebook en juillet 2019, l’Inde est le pays qui compte le plus grand nombre d’adeptes du réseau social américain. Sauf que 10 centres de stockage AFRIQUE MAGAZINE
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Le Soudan du Sud s’accroche à son rêve pétrolier
Énergie Fin de vie programmée pour le charbon
Fintech Bizao veut fluidifier le paiement mobile
SHUTTERSTOCK
L’invité Alioune Sarr, ministre sénégalais du tourisme
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LES INFORMATIONS PERSONNELLES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE DÉTOURNÉES SUR INTERNET Date de naissance Numéros de carte de crédit Situation familiale
Numéros de sécurité sociale
Nationalité
Informations médicales Numéros de téléphone
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Langues parlées
Informations privées Adresse IP
Adresse postale
(Source : Infoguerre)
Adresses e-mail
EXPLOSION DES DONNÉES TRANSFÉRÉES PAR SMARTPHONE PAR RÉGION Total et nouveaux abonnements mobiles au premier trimestre 2019 (en millions)
Amérique du Nord Amérique du Sud Europe de l’Ouest Europe centrale et orientale Moyen-Orient Afrique
Top des pays par ajouts nets au premier trimestre 2019
385 (+2)
Chine +30 millions
665 (+1) 510 (-5) 580 (0)
Nigeria +5 millions
415 (+3) 1 045 (+15)
APAC (hors Chine et Inde) Chine Inde
1 545 (+12) 1 595 (+30)
Philippines +4 millions
1 160 (-14) (Source : Ericsson mobility, rapport 2019)
des données (data centers) de la firme de Mark Zuckerberg se concentrent en Amérique du Nord, quatre sont en Europe et un en Asie, à Singapour. Ce paradoxe conduit les autorités indiennes à parler de colonisation des données ou numérique. À l’image du pétrole au siècle dernier, les données sont devenues le carburant d’une économie mondialisée et digitalisée. Et tout comme les pays producteurs de pétrole ont insisté pour construire des raffineries sur leur sol afin d’ajouter 92
de la valeur au pétrole brut, les gouvernements du Sud réclament des centres de données dans leur pays. Car, outre la maîtrise des données, une étude de Facebook en 2018 a démontré que les dépenses de ses data centers aux États-Unis ont créé des dizaines de milliers d’emplois et contribué pour 5,8 milliards de dollars au PIB en seulement six ans. Aujourd’hui, le défi n’est donc plus seulement de transmettre les données, mais de les stocker. En 2019,
293 milliards de mails sont envoyés chaque jour à travers la planète, contre 204 milliards en 2015. Selon le cabinet IoT Analytics, 7 milliards d’objets connectés étaient en service dans le monde en 2018. Ils seront 21,5 milliards en 2025, pour un marché de 1 567 milliards de dollars ! « Les données personnelles ont une importance économique majeure. Connaître le sexe, le nom, la date de naissance d’un individu permet de l’identifier et d’avoir affaire à une personne. Connaître ses dépenses et ses trajets permet de délimiter des profils de consommation et d’avoir affaire à un client. Constituer des méga-bases de données comportementales ouvre la voie à un marketing efficace et lucratif », analyse Georges Chatillon, directeur du master de droit de l’Internet de l’université Paris-I, Panthéon-Sorbonne. Dans cette guerre, les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) sont de plus en plus actifs dans les pays du Sud car, au nord, les législations se durcissent. À l’image du règlement général sur la protection des données (RGPD), qui renforce les droits des citoyens de l’Union européenne depuis mai 2018. Dans ce contexte, comment l’Afrique peut-elle réussir sa révolution digitale si elle perd la bataille des data centers ? En 2021, un milliard d’Africains auront accès à Internet depuis leur mobile. Où et par qui seront conservées leurs données ? Pas en Afrique ! Le continent n’abrite que 1 % des sites de stockage dans le monde ! L’Afrique du Sud fait exception avec plus d’une trentaine de data centers. Avec trois sites construits en 2017, le Sénégal se distingue en Afrique de l’Ouest et centrale. Deux appartiennent à des opérateurs : la Sonatel (filiale d’Orange) et Tigo. Le troisième, édifié pour le compte du gouvernement,
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revient à l’Agence de développement de l’informatique de l’État (Adie). « Sa grande capacité permettra d’asseoir de manière pérenne la souveraineté des données du Sénégal », expliquait alors le directeur général de l’Agence de l’informatique de l’État, Cheikh Bakhoum. Le manque d’infrastructures numériques n’est pas le seul handicap. Les États sont à la traîne. « La plupart des pays africains ne présentent pas un cadre législatif exhaustif et conforme au regard de la gestion des données personnelles », écrit Merav Griguer, du cabinet d’avocats Bird&Bird. Seuls 23 pays en ont adopté un selon ce dernier. Toutefois, ces lois sont souvent peu contraignantes, car huit seulement (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Gabon, Mali, Maroc, Sénégal, Tunisie) disposent d’une autorité administrative indépendante de contrôle. En 2014, pourtant, l’Union africaine (UA) a publié une convention sur la cybersécurité et la protection des données personnelles, la Convention de Malabo. Un fiasco. Les pays avaient jusqu’au 14 mars 2018 pour la signer. Dix l’ont fait. Et seuls le Sénégal et l’île Maurice l’ont ratifiée afin qu’elle entre en vigueur sur leur territoire national ! Sans plus de succès, le Réseau africain des autorités de protection des données personnelles (RAPDP), qui milite pour une position commune africaine dans ce domaine, a été lancé en 2016. Là encore, il ne compte que 13 pays membres, dont l’Afrique du Sud, le Bénin, le Burkina Faso, Cap-Vert, le Mali, le Maroc, São Tomé-et-Principe et le Sénégal. « Le monde évolue à une vitesse inouïe, et il faut tenir la cadence. Force est de constater que les pays africains se dépêchent encore lentement », regrette Beaugrain Dumoungue, coordonnateur des Clubs du Centre africain de veille et d’intelligence économique (CAVIE). ■
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LES CHIFFRES Le siège du géant pétrolier à La Défense.
7 800
milliards de dollars C’est l’encours de la dette extérieure des pays à revenu faible et intermédiaire en 2018.
5 270
C’EST LE NOMBRE D’EMPLOIS QUE LE GROUPE MINIER SIBANYE-STILLWATER A ANNONCÉ SUPPRIMER SUR SON SITE DE MARIKANA, EN AFRIQUE DU SUD.
Total a finalisé l’acquisition de la participation de 26,5 % d’Anadarko dans le projet de gaz naturel liquéfié du Mozambique, pour un montant de 3,9 milliards de dollars.
1,3
million d’euros Soit le prix auquel le tableau Christine, du peintre nigérian Ben Enwonwu, s’est vendu aux enchères à Londres.
30 milliards de dollars
C’est la somme que la Banque mondiale a débloquée pour financer le développement en faveur des pays d’Afrique subsaharienne en 2018 et 2019.
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MINISTRE SÉNÉGALAIS DU TOURISME ET DES TRANSPORTS AÉRIENS
« Notre objectif est d’atteindre 3 millions de visiteurs »
Lancement du hub de Dakar, nouvelles lignes aériennes, accueil de grands événements, lutte contre la pollution… À ce poste depuis avril 2019, ce Thiessois a de nombreux chantiers devant lui, mais il reste déterminé. propos recueillis par Emmanuelle Pontié AM : Vous sortez du salon professionnel du tourisme, Top Resa, à Paris. Comment cela s’est-il passé ? Alioune Sarr : Nous sommes très
Vous étiez aussi venu présenter le plan de déploiement d’Air Sénégal et le nouveau hub de Dakar, qui sera inauguré le 27 octobre.
Absolument. Notre pays est aujourd’hui connecté à toutes les routes mondiales. Fin octobre, Air Sénégal va réceptionner son deuxième A330. Nous lançons le hub de Dakar, depuis lequel la compagnie nationale irriguera nos voisins de la Cédéao. En partant de Paris, en vol quotidien, vous irez à Dakar, et de là, vous aurez la possibilité de visiter tous les pays de la sous-région. En mars 2020, nous allons ouvrir Genève, Londres, Barcelone, Marseille… Ce qui est capital, puisque la première contrainte des tour-opérateurs, c’est la question du transport.
PATRICK GELY
satisfaits de notre participation. Le marché français représente 47,5 % du tourisme au Sénégal. Il était normal que nous soyons présents pour nous adresser aux 34 000 participants et leur présenter la nouvelle offre diversifiée du tourisme au Sénégal. Les stations balnéaires de Saly et Cap Skirring ou la Casamance sont des atouts historiques. Mais à côté de ces points forts, nous faisons également la promotion du tourisme d’affaires. Des hôtels Mövenpick, Sheraton et Hyatt sont en train d’être construits. Et le Sénégal va accueillir de grands événements : les Jeux olympiques de la jeunesse, le Forum mondial de l’eau, le Forum Chine-Afrique. Nous nous sommes dotés des infrastructures nécessaires pour accueillir tous les grands événements mondiaux : nous
disposons du Centre des expositions internationales, du Centre international de conférences Abdou Diouf, où se déroulera le Forum mondial de l’eau, avec ses 15 000 participants. Nous pouvons aussi mettre le Dakar Arena à disposition des manifestations sportives, et nous sommes en train de construire un stade pour les Jeux. Un autre de nos points forts : le tourisme culturel, avec le Musée des civilisations noires, et bien sûr, l’île de Gorée, qui fait partie du patrimoine mémoriel. Nous nous adressons à toute la communauté d’origine africaine. Air Sénégal va ouvrir la ligne Dakar-New York-Washington pour toucher un segment important de la communauté noire qui vit aux États-Unis. Enfin, nous offrons un vrai tourisme de découverte, avec des sites comme la réserve de Fathala et ses lions, le Parc national du Niokolo-Koba ou le delta du Saloum, qui fait partie des 44 plus belles baies du monde.
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Notre pays est aujourd’hui connecté à toutes les routes mondiales.
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Nous accueillons aujourd’hui 1,7 million de touristes par an. L’objectif est d’atteindre 3 millions de visiteurs et 5 millions de passagers entre 2023 et 2025, grâce au nouveau hub de Dakar. Les tour-opérateurs que j’ai rencontrés à Paris m’ont donné, pour la plupart d’entre eux, des statistiques en hausse sur la destination. Ce qui est un très bon indicateur. Parlons de l’aéroport international Blaise Diagne (AIBD). Depuis qu’il est en fonction, enregistrez-vous des retombées positives ?
Oui. Nous avons comptabilisé 9 % de croissance par rapport à avant son ouverture. C’est un aéroport de classe internationale, qui reçoit tous types d’avions, y compris les plus gros porteurs. Il y a pourtant eu des mouvements sociaux qui dénoncent sa cherté.
Je répondrais ce que les compagnies aériennes me disent : les services y sont d’une qualité exceptionnelle, et celui-ci offre tous les services de conformité. L’AIBD a été certifié par l’Organisation de l’aviation civile internationale, les agences américaine et européenne, et récemment
Le président Macky Sall réceptionne l’Airbus A330neo, sur le tarmac de l’aéroport international Blaise Diagne, le 31 janvier 2019.
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l’Organisation internationale et Air France discutent de normalisation. aussi régulièrement. De 600 millions y ont été même avec le groupe ADP, investis pour offrir ce au sujet du déploiement, Il faut que niveau de confort. C’est ce du changement d’horaires. les hommes que je retiens. Celui qui Où en est la construction et les femmes du TER (train express achète une Porsche et celui puissent qui achète une 2 CV ont régional), en partenariat chacun une voiture, certes, avec Alstom ? librement mais le confort n’est pas le La ligne Dakarcirculer même. C’est pourquoi nous Diamniadio, pour laquelle sur le avons le premier aéroport Alstom construit les rails, continent. de la sous-région. Ce sont progresse bien. Je ne veux ces indicateurs que je retiens. pas trop m’avancer, mais Et le service de qualité a un coût. il devrait être opérationnel à la fin de Évidemment, on travaille sur les autres l’année. Il va permettre de désengorger aspects. On a par exemple donné Dakar, limitera le nombre de voitures instruction à l’exploitant d’investir et la pollution urbaine. dans le solaire afin de baisser les Justement, la lutte contre la pollution charges liées à l’énergie. Ce sont des semble devenir une priorité, comme PME qui s’occupent des salons VIP, avec le projet de la Cité verte d’Akon, où il y a des discussions très avancées une ville de demain. avec l’exploitant. Sur les coûts, avec Nous avons affecté 50 hectares au un aéroport qui démarre, nous n’avons groupe Akon dans le site de Mbodiène, pas encore atteint la vitesse de croisière, qui est à 70 kilomètres de Dakar. donc on discute. La société LAS, qui Ils ont prévu d’y construire une cité exploite l’AIBD, sous-traite avec les PME. verte, qui respecte l’environnement Et naturellement, nous accompagnons (énergies renouvelables, recyclage ces discussions. des eaux, etc.). Ce sera une vraie ville, avec des habitations, des écoles, La coopération avec Air France des commerces. Nous avons signé le a récemment évolué, n’est-ce pas ? protocole pour l’affectation du foncier, Oui, nous avons signé début octobre et les travaux doivent démarrer à la un accord de partenariat technique, fin de cette année. La cité devrait être sur la maintenance en ligne pour livrée en 2022. Cela nous paraît capital certains gros-porteurs. Air Sénégal d’innover et d’investir dans ce genre de projet, puisque le réchauffement climatique est un sujet primordial dans le monde aujourd’hui. Nous avons injecté plus de 50 milliards à Saly pour rénover les plages qui ont été avalées par les eaux. C’est un chantier colossal, entamé il y a un an et demi. Nous devrions livrer les nouvelles plages en décembre prochain. Des efforts concernant le désengorgement de la ville de Dakar ont aussi été entrepris.
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Comment se porte le tourisme au Sénégal aujourd’hui ? Vos ambitions de dépasser le million et demi de visiteurs l’année dernière semblent avoir été atteintes.
Déjà, une bonne partie des activités a été déplacée à Diamniadio. C’est le cas pour pratiquement tout le gouvernement, les forces armées, etc. Cette nouvelle cité désengorge peu à peu Dakar. L’aéroport international Léopold-Sédar Senghor a été déplacé à Diass et, avec lui, tout le trafic automobile qu’il concentrait dans la capitale. Ajoutons le travail fait par mon collègue de l’urbanisme, qui s’attaque au désencombrement du centre-ville de Dakar en déplaçant les épaves de véhicules et en préparant l’assainissement du marché de Sandaga. Passons à un autre sujet d’actualité, plus clivant, qui pourrait impacter le secteur : la réciprocité des visas entre la France et le Sénégal revient à l’ordre du jour. Une question qui avait déjà été évoquée, puis abandonnée en 2013. Quel est votre avis sur le fait d’instaurer des visas pour les Français ?
Je suis favorable à leur suppression. Au-delà de la question des retombées sur le secteur touristique, je suis farouchement opposé à la notion de visas. Exiger un papier pour que quelqu’un entre en France ou aux États-Unis, c’est une idée dépassée pour moi, qui n’est pas conforme aux valeurs que l’on doit prôner sur la liberté de circulation. Si nous voyons qu’untel est un citoyen qui respecte les lois et les règlements, on doit le laisser circuler à sa guise.
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Mais comment savoir qu’untel est quelqu’un de « bien », sans passer par un visa justement ? En ce moment, la question de la sécurité est centrale…
Il existe beaucoup d’autres moyens d’avoir des informations sur vous. Nous sommes à l’heure de la digitalisation, on peut tout savoir sur les gens. Et j’en profite pour m’adresser aux pays européens, pour leur dire que le traitement qu’ils infligent
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Plage de Cap Skirring.
aux ressortissants africains avec cette histoire de visas est totalement inacceptable. Supprimons-les afin que cesse le traitement humiliant qu’infligent certains consulats. Je suis favorable à la libre circulation des personnes et des biens dès lors qu’elle respecte les règlements. Et, bien entendu, nous avons besoin de cette libre circulation dans le secteur touristique. L’Afrique vient de signer l’accord sur la zone de libre-échange continentale, mais il y a pourtant de nombreux pays qui exigent encore un visa à leurs voisins. Je trouve cela insupportable. Résultat : nous enregistrons moins de 12 % de commerce intracontinental, alors que vous en avez 60 % en Europe. Si nous voulons donner du travail à notre jeunesse africaine, il faut que les hommes et les femmes puissent circuler librement sur le continent. Si la France maintient les visas, ce qui est probable, que fera le Sénégal ? Est-ce qu’il remettra les siens ?
Le Sénégal connaît très bien les questions de droit et de diplomatie.
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Nous pouvons faire confiance aux négociations entre les deux pays, qui entretiennent des relations depuis trois cents ans. Et surtout, regardons l’avenir et les intérêts nouveaux de demain. Notre nation va entrer dans une économie pétrolière, où nous avons pris l’option de faire du contenu local. Nous allons construire un écosystème autour du gaz et du pétrole. Si j’étais un pays intéressé par cette richesse, je ferais en sorte que la circulation des Sénégalais et des Sénégalaises soit facilitée. Le monde change. Pour finir, vous venez de lancer le conseil national du tourisme. À quoi va-t-il servir ?
C’est une force de proposition. Un espace composé du secteur privé, du gouvernement, des partenaires. Par exemple, la question des visas peut être à l’ordre du jour. Ce conseil a été créé en 2003, mais n’avait jamais vraiment été mis en place. Je l’ai réactivé, car je crois en un concept simple : coopérer pour compétir ensemble. Le gouvernement a besoin d’accompagner son secteur privé pour aller à l’assaut des marchés. ■
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BUSINESS Le Soudan du Sud s’accroche à son rêve pétrolier Le pays, qui détient les troisièmes plus grandes réserves d’or noir d’Afrique subsaharienne, tente d’attirer les investisseurs.
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a plus jeune nation du monde, le Soudan du Sud, qui a vu le jour en 2011, tente de faire oublier les cinq dernières années de troubles causés par la guerre civile pour redorer son image et attirer les investisseurs. Avec les troisièmes plus grandes réserves de pétrole d’Afrique subsaharienne, la république du Soudan du Sud possède des arguments. Le pays est assis sur
3,5 milliards de barils de réserves prouvées, dont 70 % sont inexplorées. Selon les autorités, les réserves totales avoisineraient les 13 milliards de barils. Outre cette manne, les conditions d’investissement s’améliorent, notamment grâce à la relance de la production de plusieurs gisements clés dans le nord du pays, l’accord de paix historique signé en septembre 2018 avec le chef de l’opposition, Riek Machar,
et à une coopération apaisée avec le Soudan voisin, où transite le pétrole via un pipeline. Après être tombée sous les 150 000 barils par jour (b/j) pendant la guerre, la production est remontée à 180 000 b/j. Elle devrait « atteindre la barre des 200 000 b/j d’ici à la fin de 2019 », assure Awow Daniel Chuang, le ministre du Pétrole. En 2020, le pays vise une cadence de 350 000 b/j, qui renouerait avec le pic
Un couple franco-tunisien s’invite au capital de Picard Le groupe Zouari doit prendre 43 % du spécialiste français du surgelé.
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’homme d’affaires franco-tunisien Moez-Alexandre Zouari s’apprête à racheter 43 % de Picard (valorisés 156 millions d’euros) au groupe de boulangerie industrielle suisse Aryzta, en difficulté. Le fonds d’investissement britannique Lion Capital en restera l’actionnaire majoritaire, avec 51 % du capital. britan compte 1 100 magasins en France et à l’étranger, lesquels alimentent La chaîne cha de clients. Lors de l’exercice 2017-2018, le roi du surgelé a dégagé un chiffre 11 millions mi d’affaires de 1,4 milliard d’euros et un excédent brut d’exploitation de plus de d’affai « Par ce choix stratégique, nous poursuivons la diversification de notre 200 millions. m groupe, basé sur la création de valeur, l’innovation et la recherche active de nouveaux group concepts », s’est félicité le dirigeant. Grâce à cette opération, le groupe Zouari, qu’il gère conce avec av son épouse, Soraya, sort de l’ombre. Plus important franchisé de l’enseigne Casino, il emploie aujourd’hui près de 6 000 personnes en France, où il exploite C près pr de 400 magasins Monoprix, Franprix et Leader Price. Il possède en outre une u branche immobilière, investie dans des baux commerciaux. À noter que le projet d’acquisition doit encore être validé par les autorités de la concurrence. La famille Zouari serait la 149e fortune de France, selon le magazine Challenges, qui qu l’estime à 600 millions d’euros. ■ J.-M.M. A F R I Q U E AM FR A IGQAUZEI NME A IG 3 A 9Z 8I N –E NI OF V ÉV EM R IBE RR E 2 0 1 9
ÉRIC DESSONS/JDD
Soraya et Moez-Alex andre Moez-Alexandre Zouari.
d’avant-guerre, en 2012. Toutefois, le retour à la normale est moins rapide que prévu. En mars dernier, l’ambassadeur du Soudan du Sud en Éthiopie, James Morgan, déclarait à la presse, qu’« avec l’ouverture de champs de pétrole précédemment fermés et la réhabilitation en cours des champs en exploitation, le Soudan du Sud produira un million de barils de pétrole par jour d’ici à la fin de 2019 ». Un optimisme douché par la réalité. Cet énorme potentiel est courtisé. Aux côtés de la société pétrolière nationale, Nilepet, des investisseurs s’activent : le malaisien Petronas, la China National Petroleum Corporation (CNPC), le russe Zarubezhneft, le consortium Dar Petroleum, associant les compagnies pétrolières publiques de la Chine et de la Malaisie, ou encore la société d’exploitation Sudd Petroleum, qui réunit Petronas, l’indien ONGC Videsh et le local Nilepet.
LES MOTS
GLEZ
Appels d’offres Afin d’attirer de nouveaux venus, le gouvernement a profité de la conférence South Sudan Oil & Power, à Djouba, les 29 et 30 octobre derniers, en lançant des appels d’offres pour des licences d’exploration pétrolières et gazières en 2020, les premières depuis l’indépendance. Une évolution qui ne séduit pas forcément Pékin, qui détient des participations dans la plupart des gisements du pays. En 2011, 5 % du pétrole chinois provenait du Soudan du Sud. Mais, depuis l’indépendance, tous les contrats sont renégociés, et la Chine est davantage perçue à Djouba comme un allié de Khartoum. Des marchés lui échappent. En mars dernier, le Strategic Fuel Fund de l’Afrique du Sud a ainsi signé un accord de partage d’exploration et de production avec Oranto Petroleum, un explorateur panafricain. ■ J.-M.M.
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« Si les Africains ne développentt pas l’Afrique, l’Afrique ne se développera pas d’elle-même. » JEAN-LUC KONAN, PDG DU GROUPE COFINA
« La zone franc apporte des avantages et des garanties, la stabilité, la prospérité économique. Il y a des attentes, elles se manifestent et nous les entendons. L’initiative doit venir des États membres de la zone franc. » BRUNO LE MAIRE, MINISTRE FRANÇAIS DE L’ÉCONOMIE
« La Russie a toujours accordé la priorité au développement des relations avec les États africains. » VLADIMIR POUTINE, PRÉSIDENT DE LA RUSSIE
« La marginalisation actuelle de l’Afrique dans l’économie mondiale, avec seulement un poids de 2 % des échanges, tire à sa fin. » ISSOUFOU MAHAMADOU, PRÉSIDENT DU NIGER
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En Afrique du Sud, le charbon assure 86 % de la production d’électricité.
Fin de vie programmée pour le charbon Il broie du noir ! La Banque africaine de développement (BAD) annonce un important plan d’investissements dans les énergies propres et condamne à terme la roche en Afrique.
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e message est clair et définitif. « Le charbon n’a plus sa place en Afrique, il appartient au passé. L’avenir est aux énergies renouvelables. En ce qui nous concerne, à la Banque africaine de développement (BAD), nous sommes en train de nous en débarrasser », a déclaré le président de l’institution, Akinwumi Adesina, lors de l’assemblée générale des Nations 100
unies, fin septembre. Sur le continent, c’est encore la troisième source d’énergie (22 %), derrière le pétrole (42 %) et le gaz (28 %). Dans la foulée, le patron de la BAD a annoncé le déploiement par la banque d’un plan de 500 millions de dollars en 2020 pour favoriser la production d’énergie verte, qui devrait générer des investissements totaux de 5 milliards de dollars. Akinwumi Adesina a également évoqué des projets
d’investissements d’une valeur de 20 milliards de dollars dans le solaire et les énergies propres, offrant une capacité totale de 10 000 MW à destination de 250 millions d’Africains. « Il existe une raison pour laquelle Dieu a donné la lumière du soleil à l’Afrique », s’est enflammé le président de la BAD. D’autant plus que selon l’ONG britannique CoalSwarm, qui répertorie les infrastructures mondiales de combustibles fossiles, plus de 100 centrales à charbon d’une capacité de production cumulée de 42,5 GW se situent à différentes étapes de planification ou de développement dans 11 pays africains, hors Afrique du Sud ! Soit plus de huit fois la capacité existante. Il en va ainsi des projets de centrale à charbon de Bargny, près de Dakar, de San Pedro, en Côte d’Ivoire, ou dans l’île touristique de Lamu, au Kenya, un site pourtant classé au patrimoine mondial de l’humanité. De plus en plus contestés pour des raisons environnementales et de santé publique par les populations locales, ces projets sont pour la plupart cofinancés par… la BAD et des investissements étrangers, dont près de la moitié par la Chine. Dans son réquisitoire contre le charbon, Akinwumi Adesina n’a pas évoqué le sort de ces centrales. Mais il ne s’agit pas du seul paradoxe. Face à l’urgence climatique, le charbon, responsable de plus de 40 % des émissions mondiales de CO2, à l’origine de fortes pollutions des sols, de l’eau et de l’air, ainsi que de nombreux problèmes de santé publique (asthme, bronchites, etc.) pour les populations riveraines des centrales, est condamné d’ici à 2030 par une vingtaine de pays, de la France au Costa Rica, en passant par les îles Fidji, l’Italie ou encore la Nouvelle-Zélande.
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Si le charbon est mis au ban au profit des énergies renouvelables, il a toutefois connu une nouvelle année de reprise en 2018, après celle de 2017, selon le rapport BP Statistical Review of World Energy. La production mondiale a progressé de 4,3 % l’an passé, tandis que la consommation grimpait de 1,4 % – la plus forte hausse depuis 2013 – en raison des besoins de l’Inde et de la Chine. « Toute la croissance de la consommation mondiale de charbon est allée au secteur de l’électricité. L’énergie renouvelable a crû rapidement, mais pas assez vite pour répondre à la croissance de la demande en électricité, et le charbon a été aspiré dans le secteur de l’énergie en tant que carburant équilibrant », analyse Spencer Dale, économiste en chef et auteur du rapport BP. Dans ce contexte, la production africaine de charbon est passée de 140,5 millions de tonnes d’équivalent pétrole en 2006 à 156 en 2018.
SÉBASTIEN RIEUSSEC POUR AM
Un droit constitutionnel Au pays roi du charbon, l’Afrique du Sud, il assure 86 % de la production d’électricité, contre 2 % pour le solaire et l’éolien. La compagnie nationale Eskom, qui fournit plus de 90 % de l’électricité du pays, possède et exploite 13 centrales électriques au charbon. Dont 12 dans la région de Highveld, l’une des plus polluées au monde en dioxyde d’azote et de soufre. Là aussi, la pression environnementale augmente. En juin dernier, deux ONG de défense de l’environnement, GroundWork et Vukani, ont attaqué en justice le gouvernement sud-africain pour avoir « violé le droit » constitutionnel des citoyens à respirer un air sain dans cette région. Un argument de plus pour Akinwumi Adesina. ■ J.-M.M.
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3 QUESTIONS À…
Moussa Touré Directeur général depuis 2015 de l’Agence pour la promotion des investissements au Mali (API-Mali), rattachée à la Primature
« Le secteur privé continue son développement » ①
Comment vendre le Mali en pleine crise sécuritaire ? Moussa Touré : Nous devons continuer à en faire la promotion.
Si nous ne faisions rien, la situation serait catastrophique aujourd’hui ! Malgré la crise, le pays enregistre une croissance économique moyenne de 5 % sur les dix dernières années (5,8 % en 2017) ainsi qu’une faible inflation. Le secteur privé continue son développement, et l’État a mis en place divers dispositifs permettant de s’implanter au Mali pour y réaliser de bonnes affaires.
②
Quels sont les secteurs attractifs et les derniers gros investissements ?
③
Qu’est-il prévu pour attirer la diaspora ?
D’abord, l’agriculture, à travers le renforcement de diverses productions, mais surtout la transformation et la valorisation de ces produits. Ensuite, l’élevage, avec un fort potentiel, puisque le Mali offre le premier cheptel d’Afrique de l’Ouest, hors Nigeria. Puis, l’énergie : le taux d’ensoleillement élevé et l’existence de cours d’eau donnent l’opportunité de produire de l’électricité à bas coût, ce qui permettra de soutenir le développement industriel. Enfin, les infrastructures : dans un pays de plus de 1 240 000 km2, elles présentent un potentiel d’investissement et de croissance inédit. De quoi optimiser les coûts de production et des services, afin d’améliorer la compétitivité des entreprises et de favoriser le flux d’investissements directs à l’étranger (IDE) vers le Mali. Côté investissement, les trois projets phares annoncés lors du forum Invest in Mali 2017 sont en cours de réalisation : une nouvelle cimenterie à Diago, construite par la société Ciments et Matériaux du Mali (CMM) en partenariat avec l’entreprise française Vicat ; un projet d’électrification en énergie solaire de 50 villages, porté par Africa GreenTec ; et une usine de production d’emballages en carton réalisée par la société Safalim Printing and Packing Mali. Je peux encore citer l’investissement par le groupe français Akuo Energy dans une centrale solaire de 50 MW à Kita. Par ailleurs, le secteur de la téléphonie a enregistré l’arrivée d’un troisième opérateur. Et un quatrième est annoncé. Nous travaillons sur la mise en place d’un dispositif dédié qui l’encouragera à orienter une part plus importante de ses flux financiers vers la création de valeur, à rentrer pour investir ou à offrir ses compétences. L’API-Mali lancera bientôt « e-Registration », un outil qui dématérialise la création d’entreprises. Les porteurs de projets pourront ainsi entamer leurs démarches en ligne. ■
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Bizao veut fluidifier
le paiement mobile
La start-up travaille à booster la transformation digitale du continent grâce à une plate-forme unique qui connecte les opérateurs, les banques et les commerçants.
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Créée en 2017, la société compte déjà plus de 400 millions de comptes ouverts.
devez signer un contrat avec chacun des trois ou quatre principaux opérateurs. Et vous multipliez l’opération par autant de pays où vous souhaitez vous développer. Sauf qu’en moyenne, il vous faudra entre six mois et un an pour conclure avec un opérateur. Cela vous demandera au total entre cinq et dix ans ! Avec Bizao, il suffit de signer un seul contrat pour tous les pays », explique Aurélien Duval-Delort. Spécificité de la start-up, deux moyens de paiement sont acceptés : le mobile money et les crédits téléphoniques, « ce qui permet à tous les Africains détenteurs d’une carte SIM d’acheter via Bizao », assure le fondateur. Selon Mikaël Ptachek, le secrétaire général, la fintech garantit aux acteurs de la chaîne du paiement la transparence des données « en
temps réel, avec le nombre et la valeur des transactions, et la part de revenus qui revient à chacun des marchands et fournisseurs de contenu auprès de chaque opérateur télécom ». Le cap des 100 millions de transactions par mois est dépassé, et l’objectif des 500 millions est annoncé pour 2020. La start-up de 20 salariés a signé avec six opérateurs, principalement des filiales d’Orange, a déployé sa solution dans cinq pays (Côte d’Ivoire, Sénégal, Cameroun, République démocratique du Congo et Burkina Faso), et vise cinq autres pays à court terme. « Nous avons vocation à couvrir la majorité du continent avec les principaux opérateurs d’ici trois à quatre ans. Commercialement, nous souhaitons que l’Afrique soit perçue comme une entité nationale », assure le PDG. ■ J.-M.M.
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érieux coup d’accélérateur pour Bizao. Après deux ans d’incubation chez Orange, la fintech prend son envol depuis septembre, qui suit une levée d’amorçage auprès d’un family office français, dont l’identité et la somme investie par celui-ci restent confidentielles. L’objectif de l’opération est double : « Renforcer nos équipes techniques et d’intégration et accompagner notre développement commercial sur le terrain », explique Aurélien Duval-Delort, fondateur et PDG de Bizao, qui a lancé le projet en 2017. Si ce dernier compte 400 millions de comptes ouverts, avec une progression supérieure à 40 % ces trois dernières années, son essor est freiné par la grande fragmentation des opérateurs télécoms, au nombre de 200 sur le continent ! La solution de la fintech ? L’interopérabilité, grâce à une offre technologique qui réunit les opérateurs de téléphonie mobile, les banques et les commerçants. Concrètement, la start-up a conçu une plate-forme digitale d’interopérabilité qui agit comme un guichet unique commercial, technique et financier de paiement mobile pour les entreprises. Bizao se rémunère par une commission sur chaque transaction. « Vous êtes une compagnie aérienne et souhaitez mettre en place un système de paiement mobile dans un pays. Vous
des sociétés d’assurances de droit national africaines (Fanaf), en collaboration avec l’Association des sociétés d’assurances du Cameroun (Asac), organise la 5e édition du Forum des marchés, les 7 au 8 novembre 2019 à Douala, au Cameroun. Consacré aux initiés du marché des assurances africain, le thème principal du forum traitera de la « relecture du traité CIMA [qui a institué en 1992 une organisation intégrée de l’industrie des assurances dans les États africains, ndlr] : quelles orientations pour nos marchés après vingt-cinq ans de mise en œuvre ? » À noter que la Fanaf regroupe 210 sociétés opérant dans 29 pays du continent. ■ fanaf.org
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Rendez-vous pris à Douala, au Cameroun.
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LE 9 DÉCEMBRE
➠ La Fédération
D U 11 A U 1 3 N O V E M B R E
5E ÉDITION DU FORUM DE LA FANAF
par Jean-Michel Meyer
Alain Ebobissé, DG d’Africa50.
ÉDITION 2019 DE L’AFRICA INVESTMENT FORUM
TRANSFORMERS SUMMIT À DAKAR
➠ En 2019, le sommet
à Abidjan les 22 et 23 novembre 2019 autour du thème « Financer les PME-PMI à fort potentiel et amplifier les partenariats public-privé (PPP) ». Le forum veut favoriser « la rencontre entre le secteur privé ivoirien et les entreprises des autres pays de la région et du reste du monde, en quête de relais de croissance dynamiques et de partenaires d’affaires solides ». Une centaine de PME-PMI ouest-africaines ont ainsi été sélectionnées pour participer à ce rendez-vous. Le forum entend également « rassembler les acteurs clés de l’écosystème du financement et des PPP de la région » – banques, acteurs du conseil, experts-comptables, institutions de capital-risque, agences de développement, etc. ■
des Transformers ou « Transformers Summit » se tiendra le 9 décembre à Dakar. L’événement est organisé en partenariat entre le gouvernement du Sénégal et la Banque de développement islamique (BID). Pour cette édition, « entrepreneurs, innovateurs et leaders mondiaux » sont invités à débattre sur la manière d’utiliser la science, la technologie et l’innovation pour créer des villes et des communautés durables, atteignant l’ODD11 (objectif de développement durable de l’Agenda 2030) : « Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables. » ■
investinwestafrica.com
isdb-transformers.org
➠ Organisé par la Banque africaine de développement (BAD), l’Africa Investment Forum 2019 (AIF) se déroulera pour sa deuxième édition du 11 au 13 novembre à Johannesbourg, en Afrique du Sud. L’objectif de ce rendezvous : « Relever les défis du financement des infrastructures afin d’accélérer la transformation économique du continent. » Un défi qui consiste à combler un déficit annuel d’investissement dans les infrastructures en Afrique, évalué entre 130 et 170 milliards de dollars. « L’AIF contribue à conclure des transactions qui prendraient des mois ou des années », assure Alain Ebobissé, DG d’Africa50. ■ africainvestmentforum.com LES 22 ET 23 NOVEMBRE
LES 7 ET 8 NOVEMBRE
L’AGENDA
FORUM INVEST IN WEST AFRICA ➠ Le forum international Invest In West Africa se tiendra
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Attachez vos ceintures, partez en voyage, prenez votre temps
La station balnéaire d’Assinie, destination week-end très prisée des Abidjanais.
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CAP SUR LA CÔTE D’IVOIRE D É PA R T
NABIL ZORKOT - DR
Avec un PROJET D’ENVERGURE, le gouvernement espère exploiter le potentiel touristique et attirer les visiteurs. C’EST UNE DÉCISION STRATÉGIQUE du gouvernement. C’est le très ambitieux projet Sublime Côte d’Ivoire. Faire du pays une grande destination touristique, la cinquième du continent à l’horizon 2025. Structurer des financements sur cette période pour un montant espéré de 3 200 milliards de francs CFA (4,8 milliards d’euros). Avec un État ivoirien, pleinement impliqué, qui prendra à sa charge 50 %. Objectif : doubler le nombre d’arrivées pour atteindre environ six millions de visiteurs. Et porter Table ronde des investisseurs à Dubaï. De g. à dr. : le secrétaire général la contribution du tourisme à 8 % du PIB. de l’OMT Zurab Pololikashvili, Didier Drogba, le secrétaire général À la baguette de Sublime Côte d’Ivoire, le de la présidence Patrick Achi, le ministre du Tourisme Siandou Fofana, ministre du Tourisme Siandou Fofana, ancien le chanteur A’salfo, le gouverneur de Yamoussoukro Augustin Thiam, le couturier Alphadi, le consul général de la Côte d’Ivoire à Djeddah, directeur général du FER (Fonds d’entretien Soumaïla Bamba, et le PDG du groupe Fedel Afrique Germain Ollo. routier), spécialiste des exigences budgétaires et des recherches de financements. Le produit Côte d’Ivoire ne manque pas d’atouts. Depuis la fin 2010 la présidence représentant le président Ouattara, la star du football reconverti en entrepreneur philanthrope et l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara, Abidjan Didier Drogba, les célébrissimes Magic System, a retrouvé sa place de cité globale, porte d’entrée le couturier nigérien Alphadi, ivoirien d’adoption, de la sous-région. C’est un centre d’affaires, de loisirs, et des hautes personnalités comme le gouverneur de shopping, une ville vibrante avec une hôtellerie de Yamoussoukro, Augustin Thiam. Autre présence de qualité, des restaurants branchés, des nuits qui importante, celle de Zurab Pololikashvili, secrétaire finissent souvent à l’aube… Mais la Côte d’Ivoire, c’est général de l’Organisation mondiale du tourisme aussi des centaines de kilomètres de plages vierges, (OMT). Outre une soirée endiablée animée par les dont le fameux spot d’Assinie. C’est Yamoussoukro et Magic, l’opération aura été un succès spectaculaire. sa basilique grandiose. Ce sont des paysages multiples, Les investisseurs se seront engagés sur des projets la savane et la forêt, les chemins de la boucle du cacao, totalisant déjà près de 5 milliards de dollars ! Il faudra ou la séduction mystérieuse des traditions du pays concrétiser toutes ces bonnes intentions, mais pour Senoufo à Korhogo. Mais la filière a besoin d’un vrai Siandou Fofana, la course est lancée. Prochain rendeztravail de fond (le foncier, l’aérien, la formation…) et d’investisseurs motivés. D’où la table ronde des bailleurs vous, début 2020 à Abidjan, avec le premier forum mondial Investir dans le tourisme en Afrique, avec de fonds qui a eu lieu les 20 et 21 octobre à Dubaï, plus de 3 000 participants prévus. Et, en attendant, véritable opération séduction. Le ministre avait réuni une délégation à la fière allure, un melting-pot de toutes n’hésitez pas, prenez la route d’Abidjan, venez découvrir cette Sublime Côte d’Ivoire. ■ Zyad Limam les Côte d’Ivoire : Patrick Achi, secrétaire général de
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Au programme : longueurs, crinières et gastronomie…
HALTE ÉQUESTRE À MARRAKECH VIP
Une TABLE SECRÈTE où l’on prend place à côté de pur-sang arabes. expérience atypique ensemble. Les clients sont invités à soumettre leurs préférences au chef, El Hachem Oulhous, à la tête de tous les restaurants de cet hôtel de luxe. Ils pourront ensuite se lancer dans un voyage culinaire grâce à un dîner gastronomique réalisé dans la plus pure tradition marocaine. Les plats sont créés le moment venu, selon l’inspiration du chef, et accompagnés de fines bulles de champagne ainsi que d’un service sur mesure. Les convives pourront de plus profiter d’un show équestre, soigneusement rythmé par l’association marocaine Cheval libre. ■ L.N. HÔTEL SELMAN, Marrakech (Maroc). selman-marrakech.com
SPOTLIGHT
Avec l’inauguration,
en août, de son premier établissement trois étoiles à Douala, le groupe Onomo met un pied au Cameroun, où il ouvrira d’ici à 2020 deux autres structures. Fin 2019, il comptera 21 hôtels dans une douzaine de pays. Un partenariat avec Air Côte d’Ivoire permettra en outre aux passagers de la compagnie d’accéder à des promotions dans tous les hôtels des villes desservies (Abidjan, Dakar, Conakry, Bamako, Douala, Libreville et Lomé). ■ L.N. 106
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LAURENT VILBERT - DR - NICOLAS RÉMÉNÉ
PARMI TOUS LES PALACES SITUÉS À MARRAKECH, le Selman est reconnu pour sa singularité. Dessiné par Jacques Garcia et construit par les meilleurs artisans de la région, il comprend des écuries dans lesquelles se trouvent les pur-sang arabes de l’élevage privé des propriétaires. C’est ici, dans le prolongement de la majestueuse piscine de 80 mètres de long, au cœur des jardins de l’hôtel et à côté des boxes de ces magnifiques créatures, que le palais oriental a dévoilé une table secrète, avec pour seul visà-vis les destriers. Unique et privative, elle peut accueillir deux personnes au minimum (pour un dîner ou un petit-déjeuner des plus romantiques), et jusqu’à 70 personnes venues vivre cette
ARCHI
SOUS LES CANOPÉES, LES ÉTALS Le projet d’Atelier Masomi pour un MARCHÉ RURAL conjugue fonctionnalité, désir d’émancipation et architecture moderne.
LE MARCHÉ DE DANDAJI, au Niger, était, comme la plupart des marchés ruraux de ce coin du pays, un marché hebdomadaire. Afin d’aider le développement du village, en pleine croissance, et de booster l’économie locale, il a été décidé de le transformer en marché quotidien. Il a donc fallu revoir la disposition des étals autour de l’arbre sacré, devenu au cours des années le centre de la vie publique de Dandaji. Le cabinet niaméen Atelier Masomi, réputé pour employer et adapter les techniques locales dans ses projets, a puisé son inspiration dans l’architecture
typique des marchés en plein air de la région, avec leurs petits murs en briques et leurs toits de canisse. Les 52 étals destinés aux commerçants sont séparés par de simples parois en terre compactée et surmontés par des ronds en métal recyclé et coloré. Des jolies canopées artificielles mais costaudes, qui remplacent le feuillage des arbres, trop difficile à entretenir sur cette terre aride. En plus de garantir de l’ombre, la superposition, la hauteur et le matériel des lames facilitent la ventilation naturelle. ■ L.N.
ATELIER MASONI - MAURICE ASCANI SHUTTERSTOCK
Les auvents métalliques remplacent les arbres dans un esthétisme local et organique.
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SPOTS
MADE IN AFRICA
Ataya Caffe Chiller dans un restau afro-italien à Berlin. « ATAYA », au Sénégal, c’est la cérémonie du thé : un moment de partage ouvert à tous. Et c’est le concept derrière ce beau café de Prenzlauer Berg, quartier bobo et créatif de Berlin, cogéré par Bachir et Betta. Le couple, aux fourneaux et dans la vie, a fait de ce spot coloré une bulle de convivialité et l’une des meilleures tables véganes et zéro déchet de la ville. Ici, la qualité des produits méditerranéens, tous choisis chez des producteurs amis, est au service de la cuisine d’Afrique de l’Ouest, version végane. Voici donc le mafé de légumes, servi sur du basmati de Sardaigne, ou le jollof box, qui accompagne le riz rouge pimenté de crème d’avocat et de bananes frites. Pour manger à sa faim et prendre son temps en bonne compagnie. À ne pas rater, le brunch du dimanche, avec les classiques beignets de banane à la cannelle. ■ L.N. ZELTER STR. 6, BERLIN (ALLEMAGNE). atayacaffe.de
LADY ADJIGO
Le Griot
Plus besoin d’arpenter les quartiers africains de Paris pour trouver une bonne table. DANS CE PETIT ET CHALEUREUX RESTAURANT ouvert il y a deux ans, Adama Kouyaté sert des classiques de la cuisine d’Afrique de l’Ouest. Midi et soir, on y goûte des savoureux mafés, thiéboudiennes et thiébou guinars, ou des délicieuses grillades au charbon de bois de poulet, d’agneau, de bœuf ou tilapia. Tous soigneusement marinés dans des épices et aromates africains. Le soir, la carte s’enrichit de brochettes de gambas ou de capitaine braisé, mais aussi d’entrées comme les pastels, des beignets frits et variés, et de soupes bien nourrissantes. Comme la kandia, avec viande de bœuf, escargots et poisson fumé, ou la sauce graine avec kplo, de la viande de bœuf fumée. Adama prépare aussi du ndolé et du kédjénou sur commande, et on peut se faire livrer ou prendre à emporter. Mais il serait dommage de ne pas profiter de la compagnie du personnel, toujours cordial et à l’écoute. ■ L.N. 4 RUE THIBAUD, PARIS (FRANCE). legriot-restaurant.com 108
NICLETTE SOSSOUVI est une rapatriée qui a fait de sa passion, la cuisine, un métier. De retour à Cotonou après vingt ans d’absence, elle a décidé de faire au Bénin ce que beaucoup de chefs sont en train de réaliser en Europe : changer les idées reçues autour de la cuisine africaine. Dans son restau à la déco soignée et européenne, un cadre paisible qui plaît aux jeunes actifs, elle propose les plats traditionnels des grands-mères béninoises, revisités à sa manière, mais aussi des spécialités camerounaises et des classiques de la cuisine française. À découvrir également, les cocktails à base de rhum et l’inimitable axwévi, une eau-de-vie faite maison. ■ L.N. RUE PHARMACIE ADECHINA, NON LOIN DE LA DIRECTION DE CDPA, COTONOU (BÉNIN). restauladyadjigo.com AFRIQUE MAGAZINE
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Cuisine fine à Cotonou.
RANDONNÉE
LE TOGO À PETITS PAS Dans le pays se multiplient les possibilités de trekking pour toutes les jambes et toutes les envies. C’EST LA FIN DE L’AUTOMNE, et au Togo, on est au début de la saison sèche : au sud, l’air demeure un peu humide, mais dans le nord du pays commence à souffler l’harmattan, un vent sec et chaud qui rend le séjour très agréable. Le plus petit pays de la région offre à la fois un condensé d’expériences et une étonnante diversité de paysages aux visiteurs. L’hospitalité des Togolais est l’un des atouts du pays, qui séduit par son atmosphère paisible et ses cultures traditionnelles encore prégnantes. Ce décor invite à l’indolence et à une découverte pas à pas. L’idéal pour les randonneurs, amateurs ou chevronnés. Le trek est un secteur en plein développement, avec des circuits organisés par les associations locales, comme les Jeunes en actions sans frontières, ou par des tour-opérateurs classiques. Chez Nomade Aventure, par exemple, on encadre plusieurs randonnées de 14 ou 16 km par jour au cœur de la végétation tropicale de la région des plateaux, ses cascades et ses charmants villages. Pour ceux qui préfèrent des petites balades, Terres d’Aventure propose un séjour entre Togo et Bénin pour découvrir la forêt de Kouma Konda et ses plantes médicinales. Les deux incluent des nuits en bivouac pour une immersion totale dans la nature et quelques jours relax sur les plages du sud. Des circuits de randonnée s’étalent aussi sur les bords du lac Togo, avec ses forêts de baobabs et ses villages de pêcheurs, et tout au long du fleuve Mono, réputé pour ses forêts-galeries. Circuits en petit groupe, à partir de 1 490 euros pour neuf jours. ■ L.N. nomade-aventure.com / terdav.com
MAURITANIE : LE DÉSERT EST DE RETOUR Depuis leur réouverture en décembre 2017, les circuits dans l’Adrar attirent à nouveau les amateurs de déserts, d’histoire, de cités anciennes et de randonnées. Le pays a accueilli 1 488 randonneurs au cours de la saison 2017-2018 et 3 800 en 2018-2019. Avec un objectif de 6 000 visiteurs pour la nouvelle saison. Les voyagistes programment la destination dans leurs catalogues. Informations et consignes de sécurité sur les sites des voyagistes et sur celui du ministère français des Affaires étrangères. ■ Z.L.
IBRAHIM BAH/NOMADE D’AVENIR - DR
PLUS BESOIN D’ALLER JUSQU’À CUBA
Dans le milieu du cigare,
on connaissait le Cameroun pour ses capes haut de gamme, mais on commence aussi à parler du Maroc et du Mozambique, avec deux maisons 100 % africaines. Bongani Cigars naît en 2016, à Maputo, d’une idée de l’ancien banquier Kamal Moukheiber, qui embauche des pros dominicains pour former les rouleurs locaux. À Casablanca, c’est Moulay Omar Zahraoui qui transforme les feuilles de la région de Ouazzane depuis 2015. Ses Habanos Maroc pourraient même bientôt s’exporter aux États-Unis. ■ L.N. AFRIQUE MAGAZINE
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VIVRE MIEUX Pages dirigées par Danielle Ben Yahmed, avec Annick Beaucousin et Julie Gilles
CANCERS ESSAYER DE S’EN PROTÉGER ON PENSE SOUVENT que les facteurs héréditaires ont un grand impact dans l’apparition de cancers. Or, la part de ceux résultant de la transmission d’une mutation génétique prédisposante est estimée à moins de 10 %. Pour les autres, nous sommes loin d’être impuissants : beaucoup de cas sont évitables selon l’Institut national du cancer et le Centre international de recherche sur le cancer. LES ALIMENTS POINTÉS DU DOIGT
Quelles actions mettre en œuvre ? Avant tout, bien entendu, il faut éviter ou arrêter au plus tôt le tabagisme, premier coupable de nombreux cancers ! Sa durée dans le temps étant plus dangereuse que la quantité de cigarettes par jour. Arrive en deuxième facteur de risque évitable, 110
l’alcool. Et ce, pour tous les types, pas seulement les forts ! En prévention, mieux vaut ne pas boire plus de deux verres par jour, et pas quotidiennement. Attention à l’excès de viande rouge (bœuf, veau, porc, agneau, mouton) et de charcuterie, qui augmenterait notamment le risque de cancer du côlon. Il est conseillé de limiter la part de viande de boucherie à moins de 500 g par semaine, soit pas plus de trois fois (un steak faisant 100 à 150 g). Pour les autres jours, on privilégie la volaille et on alterne avec les poissons (deux fois par semaine), les œufs et les légumes secs. Quant à la charcuterie, on reste sous 50 g par jour, et on n’en mange pas tous les jours. Par ailleurs, des apports excessifs en sel augmentent le risque de cancer de l’estomac. AFRIQUE MAGAZINE
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EN CHANGEANT CERTAINES HABITUDES DE VIE, IL SERAIT POSSIBLE D’ÉVITER JUSQU’À 40 % DES CAS DE CETTE MALADIE !
On pense au sel de table que l’on ajoute aux plats, mais surtout aux multiples aliments industriels transformés (plats préparés, soupes, etc.) qui en cachent souvent beaucoup. Des données récentes ont établi un lien entre la consommation de boissons sucrées (sodas, mais aussi jus de fruits) et l’apparition de cancers : ne serait-ce qu’augmenter de 100 ml sa quantité moyenne quotidienne entraînerait un risque accru d’environ 18 %. Enfin, il faut se méfier du surpoids, en général lié à l’alimentation : celui-ci augmente le taux d’hormones impliquées dans la prolifération de cellules cancéreuses dans nombre de localisations. On surveille donc son poids, ou l’on réduit son excès en adoptant une alimentation moins énergétique et en bougeant davantage.
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LES COMPORTEMENTS PROTECTEURS
Grâce à leur richesse en fibres, en vitamines et en minéraux, les fruits et légumes protègent de nombreux cancers. La bonne dose : cinq portions de 80 à 100 g (une tomate, une pomme, un bol de soupe…) par jour. Et l’on varie le plus possible les aliments car leurs antioxydants sont complémentaires. Manger la même chose ou presque tous les jours, ou ne miser que sur des superaliments en vogue n’a pas la même action que varier les denrées. Reste la question des pesticides… Pour limiter ces derniers, on lave les aliments et on pèle ceux qui peuvent l’être. Les produits laitiers (lait, fromage, yaourt, fromage blanc) sont également bénéfiques pour lutter contre le cancer colorectal : il est conseillé d’en consommer au moins deux par jour en les alternant. L’an dernier, l’étude française NutriNet-Santé annonçait une association significative entre forte consommation d’aliments issus de l’agriculture biologique et diminution du risque de cancers tous types confondus. Néanmoins, cela reste à confirmer par d’autres recherches. Évitez le stress permanent ou émotionnel, il serait aussi négatif pour notre santé. Enfin, on sait trop peu qu’il a été prouvé que l’activité physique éloigne ces maladies. En faisant régulièrement de l’exercice, on diminue le risque de 20 à 35 % pour tous les cancers, notamment ceux du sein, du côlon, de l’utérus, de la prostate et de l’estomac. Le risque peut même être réduit de près de moitié chez les plus actifs ! L’explication : l’exercice combat la prise de poids, mais diminue aussi le niveau d’inflammation dans l’organisme, inflammation qui est un terrain propice au développement de la maladie. ■ Annick Beaucousin
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LA GRENADE : UNE MINE DE BIENFAITS C’EST LA PLEINE SAISON, PROFITEZ-EN. AU VU DES NOMBREUSES ÉTUDES dont elle a fait l’objet, la grenade est aujourd’hui en haut du hit-parade des superaliments. Riche en fibres, vitamines et minéraux, elle regorge d’antioxydants protecteurs. Elle contribue ainsi à préserver la santé cardiovasculaire et a une action préventive sur divers cancers (sein, côlon, prostate). Elle lutte contre le vieillissement de la peau et de tout l’organisme. Elle a également une action anti-inflammatoire et pourrait avoir des effets protecteurs contre la maladie d’Alzheimer. Enfin, elle contribue à la bonne santé intestinale. On peut simplement déguster les grains de la grenade à la cuillère (il faut alors retirer les peaux blanches un peu amères pouvant y adhérer). Mais ceux-ci agrémentent aussi des salades, se glissent dans des salades de fruits ou sur des sorbets. Et bien sûr, on déguste la grenade en jus, pressée comme une orange, ou avec la chair passée à la centrifugeuse. En cas d’achat dans le commerce, veillez à le choisir 100 % pur jus, sans sucres ajoutés ! ■ Julie Gilles
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VIVRE MIEUX
En bref Faire les bons choix ◗ Plutôt que des cures détox ponctuelles à l’effet souvent bref, ce livre propose une détox permanente, intelligente, pour faire du bien à notre corps ainsi qu’à la planète. Alimentation et santé, hygiène et beauté, ou encore maison et jardin, on y découvre des tas de conseils antitoxiques pertinents, simples, et de bon sens ! Perma Détox, par Anne Dufour et Catherine Dupin, éditions Leduc.s, 18 €.
POUR AMÉLIORER NOS DÉFENSES NATURELLES, ON AGIT. ON COMMENCE par se pencher sur l’hygiène de vie. Attention tout particulièrement au manque de sommeil qui perturbe le système immunitaire : il faut dormir au minimum 7 heures ! Parallèlement, on pratique une activité physique 30 minutes par jour (marche, vélo, jogging, natation…). Et on lutte contre le stress chronique qui affaiblit les défenses immunitaires en prenant soin de soi, en se tournant vers la relaxation, le yoga, ou tout ce qui vous fait du bien. Côté assiette, on mise sur les nutriments essentiels au bon fonctionnement des cellules de l’immunité : la vitamine C avec les 112
fruits et légumes ; le zinc avec les fruits de mer et les crustacés, les poissons, les volailles, etc. ; la vitamine E avec les huiles et les oléagineux (amandes, noix, noisettes) ; sans oublier la vitamine D avec les poissons gras (saumon, thon, hareng, sardine…). Fabriquée par la peau sous l’effet du soleil, cette vitamine peut nécessiter une supplémentation à cette saison. On peut également doper ses défenses avec quelques coups de pouce… Outre les produits de la ruche comme le miel (le manuka indice 5+, de la gamme Humer, étant à cet égard le nec plus ultra) ou la gelée royale, les oligoéléments cuivre, or et argent (Oligostim du laboratoire des Granions) aident le corps à lutter contre les virus, le stress et la fatigue. Citons aussi l’échinacée, une plante immunostimulante, ou les probiotiques (Lactibiane Immuno du laboratoire Pileje, qui apporte en outre des vitamines C et D), le microbiote intestinal jouant un rôle crucial sur le système immunitaire. ■ A.B. AFRIQUE MAGAZINE
Pas de chargeur dans le lit ◗ Laisser son téléphone portable branché près de son oreiller la nuit est une habitude à proscrire. Des cas (pas si rares) de brûlures ont été rapportés, sans compter qu’une électrisation (le passage de courant électrique dans le corps, entraînant des blessures variées) est aussi possible. Attention aux chargeurs de sous-marque ou contrefaits.
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CONTRE LES VIRUS, BOOSTEZ VOTRE IMMUNITÉ
ÉCHAPPER AUX REFLUX GASTRIQUES, C’EST POSSIBLE QUELQUES CONSEILS.
DENTS DE LAIT IL FAUT EN PRENDRE SOIN !
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CERTES, ELLES SONT DESTINÉES À TOMBER, MAIS ELLES MÉRITENT NOTRE ATTENTION. AU MOMENT DES POUSSÉES DENTAIRES, on oublie l’idée de frotter les gencives avec un morceau de sucre ou le dos d’une cuillère, c’est douloureux ! Le mieux est de laisser son enfant mordiller : ce geste répété décongestionne les gencives et calme les douleurs. Il existe également des gels ou des pommades spécifiques à appliquer, pouvant apaiser. Côté hygiène, dès que son enfant a 6 mois, on utilise une petite brosse, avec un petit pois de dentifrice (dosé à 500 ppm de fluor). Et on lui brosse les dents dans l’idéal deux fois par jour, le brossage du soir étant le plus important. La prise éventuelle de médicaments en sirop ou de granules homéopathiques se fait avant. Sur le plan alimentaire, il faut éviter de fréquemment donner des biberons de boissons sucrées, et même de lait car celui-ci contient du sucre, ce qui augmente notablement le risque de caries. Attention en particulier au biberon sucré donné le soir dans le lit pour aider à l’endormissement ! Celui-ci ne doit contenir que de l’eau, sous peine d’entraîner des caries à développement rapide. Il est important de faire une première visite assez tôt chez le dentiste, d’autant plus si l’on suspecte des anomalies sur les dents ou si l’enfant a pleuré ou s’est plaint de douleurs à ce niveau, même brièvement – les douleurs aux dents de lait ne durant qu’un à deux jours. Soigner les petites dents destinées à tomber est primordial, puisqu’elles cohabitent avec les définitives chez les enfants de 6 à 12 ans. Et leurs caries peuvent alors se transmettre à ces dents de toute une vie ! ■ A.B.
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BIEN DES PERSONNES SONT GÊNÉES par des reflux du contenu de l’estomac dans l’œsophage. Cela se traduit par des sensations de remontées acides, de brûlures, une irritation ou des douleurs de la gorge, voire une toux. En cause : le muscle sphincter en bas de l’œsophage se relâche de façon intempestive, laissant ainsi remonter du contenu acide de l’estomac. Ces troubles sont favorisés par plusieurs facteurs. D’abord, le surpoids : celui-ci augmente la pression abdominale et, de fait, le sphincter fonctionne moins bien. Il est donc essentiel d’agir sur ce point. Sur le plan alimentaire, gare aux repas trop copieux ou trop gras. L’excès de graisse ralentit la vidange de l’estomac, d’où un risque accru de remontées. Attention également à ne pas avaler à la va-vite : il faut prendre le temps de mâcher. Certaines denrées comme le café, l’alcool, les boissons gazeuses, les aliments épicés, et d’autres au cas par cas, peuvent aussi favoriser les reflux : si le lien apparaît évident, on s’en méfie bien entendu. En revanche, contrairement à ce que l’on pense souvent, il est recommandé de boire un peu d’eau pendant les repas : cela dilue les aliments et aide l’estomac à se vider plus vite. Enfin, on évite de s’allonger dans les deux heures suivant les repas, car cela peut provoquer des reflux. En cas de gêne la nuit, dormir en position un peu inclinée (à l’aide de cales sous la tête de lit) supprime en général le problème. On peut aussi essayer les infusions de gingembre ou de réglisse (sauf en cas d’hypertension). Si l’on souhaite des médicaments permettant de soulager ponctuellement, on s’oriente vers les alginates, lesquels forment un gel visqueux sur le contenu de l’estomac, ou vers le gel Esoxx One, qui protège la muqueuse de l’œsophage. Il faut, dans les deux cas, les prendre après les repas. Et en cas de troubles fréquents dans la durée, n’hésitez pas à consulter. À noter que les médicaments dits IPP (inhibiteurs de la pompe à protons), diminuant la sécrétion acide de l’estomac, sont déconseillés sur le long cours, car ils peuvent exposer à des effets indésirables. ■ J.G.
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Tous les films chinois d’arts martiaux Shaolin.
8 Votre mot favori ? « Decam the time », une expression humoristique que j’ai inventée à partir de la chanson « We Are the World ». Je le dis tout le temps à mes amis !
9 Prodigue ou économe ? Prodigue, pour aider mes proches. J’ai été élevé avec cette valeur du partage.
10 De jour ou de nuit ? De nuit. Je fais des concerts, je compose, j’enregistre, j’ai l’inspiration. Quand les gens se lèvent, je m’endors.
11 Twitter, Facebook, e-mail,
coup de fil ou lettre ? WhatsApp et téléphone. Mes amis gèrent ma page Facebook, car je ne suis pas très expert.
Noumoucounda Le GRIOT URBAIN SÉNÉGALAIS, maître de la kora (harpe mandingue), croise avec virtuosité le hip-hop et les musiques traditionnelles. À travers son message pacifiste, il aborde l’éducation, la société et la condition des femmes. propos recueillis par Astrid Krivian
12 Votre truc pour penser à autre chose, tout oublier ? La musique ! La kora m’apaise, je suis dans un autre monde.
13 Votre extravagance favorite ? Les voyages au bout du monde, de beaux habits, un bon parfum.
14 Ce que vous rêviez d’être quand vous étiez enfant ? Ingénieur du son, aider les gens, faire connaître la kora au monde… Je suis dans mon chemin.
15 La dernière rencontre qui vous 1 Votre objet fétiche ?
a marqué ?
Mon instrument, la kora, est mon porte-bonheur. Elle m’a permis de découvrir le monde.
À chaque fois que je vois ma mère. Mes parents m’ont donné beaucoup d’amour, ils m’ont transmis une belle éducation.
2 Votre voyage favori ? N’importe où sur la planète où ma musique m’emmène.
3 Le dernier voyage que vous avez fait ?
16 Ce à quoi vous êtes incapable de résister ?
Le Québec. J’ai aimé la mentalité des gens, très différente, et la beauté de cette province.
L’argent, pour aider mon prochain, investir.
4 Ce que vous emportez toujours
Quand j’ai joué devant mon père un morceau qu’il m’avait appris, mais à ma manière, modernisé. Il était si heureux de me voir réussir !
avec vous ? Ma famille ! Mes enfants dansent et jouent des percussions à mes concerts, ma nièce chante…
17 Votre plus beau souvenir ?
18 L’endroit où vous aimeriez vivre ?
5 Un morceau de musique ?
N’importe où, pourvu qu’il y ait la paix.
Ma chanson « Yewala ». Je chante la paix partout où je vais. L’union fait la force, on a tous la même couleur de sang.
19 Votre plus belle déclaration d’amour ? Ma chanson « Sama Ngor », dédiée à ma femme.
20 Ce que vous aimeriez que l’on retienne
6 Un livre sur une île déserte ?
de vous au siècle prochain ?
Pas un livre, mais plutôt les contes mandingues que me racontaient mon père lorsque j’étais enfant, sur l’histoire de nos ancêtres, leurs valeurs.
Que j’amenais la paix partout où j’allais. ■
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Noumoukan Wilila, Karantaba Records, 2019.
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VBLOCH - DR
LES 20 QUESTIONS
7 Un film inoubliable ?