LE CHOIX DE MACKY
Le président Sall ne se représentera pas pour un nouveau mandat en février 2024. Une décision historique qui ouvre un immense champ des possibles politiques.
Le président Sall ne se représentera pas pour un nouveau mandat en février 2024. Une décision historique qui ouvre un immense champ des possibles politiques.
En Russie, un mercenaire, ancien cuisinier du Kremlin, que l’on croyait sous contrôle, a failli renverser le régime du tsar Vladimir Poutine. Sans vraiment le vouloir d’ailleurs, ses chars et ses camions ont tout simplement pris la route. Le pouvoir central, d’apparence si puissant, omnipotent, paraît lézardé. Les clans, dit-on, sont en compétition. Et personne ne peut vraiment dire où va cette très grande puissance nucléaire. On ne peut pas exclure qu’un aventurier prenne la main. En Ukraine, la guerre fait rage, civils et soldats meurent tous les jours. Aucune perspective de paix, de sortie de crise, malgré les risques majeurs de dérapages et les coûts pour le monde entier.
Aux États-Unis, un « r écidiviste », i nculpé quasiment de trahison, empilait les notes « s ecret défense » dans les salles de bains en marbre de son palais rococo de Floride… Milliardaire à ses heures perdues, malgré une montagne de dette, Donald Trump, 77 ans, teint de peau carotte, caracole en tête des sondages de la primaire républicaine. Et pourrait être à nouveau président de la première puissance mondiale. On en frémit… S’il ne va pas en prison d’ici-là. Avec des conséquences tout aussi imprévisibles. Face à lui, un homme raisonnable, Joe Biden, d’un âge encore plus respectable. 80 ans… Le locataire de la Maison Blanche paraît un peu fragile tout de même. Il trébuche et bugge de temps en temps. Des dizaines de millions de jeunes Américains sont perdus, désemparés. Ce n’est pas enthousiasmant, mais c’est lui, Old Joe, le rempart contre le chaos. L’élection présidentielle est prévue pour novembre 2024. Dans près de quinze mois. Une éternité…
Les mêmes États-Unis sont engagés dans un bras de fer assumé avec la Chine. Beijing est devenu l’adversaire stratégique, économique, politique majeure. Les États-Unis veulent rester maîtres du système, maîtres du monde. En experts, ils reconnaissent le talent chinois, l’impact d’un pays qui en moins d’un demisiècle est passé du sous-développement au statut de challenger numéro 1. Côté Cité interdite, on s’arc-boute sur l’avenir de Taïwan, devenu le marqueur historique et légitimant du Parti communiste. Et l’Armée rouge montre ses muscles dans toute la région, irritant des nations voisines, comme le Viêt Nam, les Philippines,
l ’I ndonésie, l’Australie… Le conflit est possible. Mais surtout la rivalité États-Unis/Chine rend toute discussion globale quasiment impossible. Comment parler de développement durable et de changement climatique sans une coopération minimale entre les deux pays les plus importants (et les plus pollueurs) du monde ?
E n France, un motard de la police tire à bout portant sur Nahel, un gamin de 17 ans, lors « d ’un refus d’obtempérer ». Les images sont bouleversantes. Des soi-disant penseurs de droite et d’extrême droite trouvent pourtant toutes sortes de raisons qui justifient l’inacceptable. Écœurant. Les extrêmes gauches alimentent les braises. Irresponsables. Les banlieues se soulèvent, des nuits de folie vengeresse, d’une « violence rare », avec leurs cortèges de destructions, de pillages, d’agressions. C’est stupéfiant, littéralement. La France est encore un État de droit. La justice fonctionne. Il y a une enquête sur le policier impliqué. Mais la France refuse aussi de voir le malheur des cités périurbaines, gangrenées par les trafics, de comprendre également à quel point elle change, à quel point elle devient une nation multiraciale, multiculturelle, multireligieuse. Le déni est puissant. Et l’extrême droite monte tranquillement dans les sondages. L’élection présidentielle est dans quatre ans. Et entre-temps, il y a les Jeux olympiques de Paris. Ça va swinguer…
En Israël, un gouvernement d’ultradroite fait sa loi, dans le silence gêné du reste du monde. La nouvelle majorité, menée par l’inoxydable Benjamin Netanyahou, lui-même inculpé depuis la nuit des temps dans un certain nombre de dossiers de corruption, veut mener tambour battant sa révolution identitaire et religieuse. Il faut « éteindre » la Cour suprême, installer la primauté du sacré. Et poursuivre la colonisation, coûte que coûte et au plus vite. En Cisjordanie, la répression s’accentue, la situation est incandescente et les civils, comme à Jénine, payent le prix de la guerre. L’armée déploie tout son arsenal face à de jeunes militants qui n’ont plus rien à perdre. La perspective de deux États sur une même terre n’a jamais été aussi lointaine, aussi inatteignable. Celle d’un seul État, sous régime d’apartheid, n’a jamais été aussi proche. Le dialogue avec les États arabes dans le cadre des accords d’Abraham est au point mort. Le processus de paix est une fiction… ■
3 ÉDITO
Et pendant ce temps-là… par Zyad Limam
6 ON EN PARLE C’EST DE L’ART, DE LA CULTURE, DE LA MODE ET DU DESIGN Ekiti Sound : La force de la musique
24 PARCOURS Sabine Pakora par Astrid Krivian
TEMPS FORTS
28 Sénégal : Une histoire en marche par Zyad Limam et Cédric Gouverneur
36 Planète en état d’urgence par Zyad Limam
46 Changement de stratégie ? par Emmanuelle Pontié
52 Kaouther Ben Hania : « Raconter nos histoires de l’intérieur » par Astrid Krivian
60 Xavier Le Clerc : La rage créatrice par Astrid Krivian
P.06 P.36 P.52
66 Georges Momboye : Hériter et transmettre par Philippe Di Nacera
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78 Diversification impérative
82 Estelle Brack : « Le commerce en dollars n’est pas à l’avantage des pays émergents »
84 En Namibie, l’hydrogène vert devient concret
85 Eau potable : La tech israélienne débarque
86 Le Kenya au régime des lourdes taxes
87 Ashok Leyland s’implante en Côte d’Ivoire par Cédric Gouverneur
P.78
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AM : En quoi le Nigeria vous inspire-t-il ?
Ekiti Sound : Je trouve beaucoup d’inspiration dans les musiques fuji, apala ou highlife pour les ambiances plus folk ou les éléments percussifs. Mais j’aime également les vastes expérimentations de l’Afrique de l’Ouest des années 1970, des formations comme Ofege ou Blo… Le Nigeria est un pays béni par une vaste gamme de sons, qu’ils proviennent d’un groupe de l’Église pentecôtiste ou de l’intense street-pop, forte de producteurs aussi intéressants que Rexxie. Quelle était l’ambition artistique de ce nouvel opus ?
Souhaitant que l’on me connaisse mieux, j’ai davantage parlé et partagé. J’avais envie d’étreindre mes auditeurs avec ma musique, de proposer un disque plus ambitieux mais avec un groove accessible. Bref, j’ai voulu oser sans choquer. Tout en restant fidèle aux piliers d’Ekiti Sound (culture, amour, identité, famille), et sans compromis sur la notion de fidélité. Il s’agissait de repousser les limites de l’électronique africaine, et je crois qu’avec le format Dolby Atmos de l’album, nous avons créé une nouvelle expérience sonore.
Pouvez-vous nous expliquer cette très belle pochette ?
Quand j’étais enfant, j’étais passionné par les missions spatiales, je lisais tout à ce sujet ! Au sein de la sonde Voyager, chacun emportait avec lui une « capsule temporelle » unique. Le message était porté par un enregistrement phonographique, gravé sur un disque en cuivre plaqué or contenant des sons et des images sélectionnés pour décrire la diversité de la vie et de la culture sur Terre. Ce dont l’album s’est inspiré, c’est du monde qui m’entoure. Je trouve du réconfort dans les musées, les reliques et l’analogique, mais je suis fasciné par le progrès et le futur. Cette contradiction se retrouve sur la pochette, qui représente une pièce d’or, le métal le plus précieux – car nous avons tous de la valeur –, qui incarne par ailleurs l’esprit du hip-hop. Ce qui nous renvoie au titre du disque, Drum Money !
Parce que nous sommes tous beaux et uniques, et une fois que nous puisons dans notre horloge interne ou nos âmes, nous en extrayons de l’or… Il n’est pas question de richesse matérielle, mais de sentiments. Pour cela, le roulement de tambour d’un battement de cœur, l’instinct intrinsèque du rythme, l’amour des sons de notre pays et l’accomplissement du voyage suffisent. ■ Propos recueillis par Sophie Rosemont
CONCERTS « MÉDITERRANÉE », Festival d’Aix-en-Provence, Rabat (France), du 4 au 24 juillet. festival-aix.com
À écouter maintenant !
The Omnichord
Real Book, Blue Note
DE WAJDI RIAHI, pianiste d’exception, qui combine son héritage tunisien et sa passion pour le jazz, à Walid Ben Selim, chanteur et compositeur originaire de Casablanca, en passant par le jeune tromboniste d’origine libanaise Robinson Khoury, la programmation des concerts « Méditerranée », essentiellement instrumentale, déploie une grande variété de dispositifs et de langages. Et donne la voix aux cultures bordant la mer, tout comme aux artistes qui, aujourd’hui, en sillonnent les rives.
À l’image des Gharbi Twins, trio tunisien de cordes (oud, violon, qanûn), stars au Maghreb et au Moyen-Orient : ambassadeurs des traditions musicales d’un pays dans lequel on apprend et compose aussi en famille, ils se produiront le 21 juillet à l’Hôtel Maynier d’Oppède. Soit le lendemain de l’Orchestre des jeunes de la Méditerranée, où plus d’une centaine de jeunes instrumentistes, auditionnés dans les conservatoires du bassin, seront menés par le chef et compositeur britannique Duncan Ward, au Grand Théâtre de Provence. ■ Catherine Faye
Déjà trois décennies d’une carrière irréprochable et en perpétuelle réinvention : l’autrice-compositrice et multi-instrumentiste américaine explore la musique qu’elle écoutait enfant dans un merveilleux nouvel album foisonnant, The Omnichord Real Book. Autour d’elle, des complices tels que Joan Wasser (Joan As Police Woman), Jason Moran, Jeff Parker, ou encore Thandiswa Mazwai. Variations jazz et trouvailles sonores…
Kassa Overall Animals, Warp
Ça balance pas mal à Seattle, où réside ce virtuose batteur, rappeur et songwriter accompli, formé auprès de grands noms du jazz, et dont les propositions témoignent d’une hybridité sonore allergique aux étiquettes. Convoquant hip-hop, post-rock et même bossa-nova, cet Animals qui interroge le paradigme humaniste invite, entre autres, Laura Mvula, Lil B, le groupe Shabazz Palaces, le trompettiste Theo Croker…
Fredy Massamba
Trancestral, Hangaa
Music/RFI Talent
Enregistré entre Yaoundé, Bruxelles, Paris et Montréal, le nouvel album de l’artiste congolais [voir son « 20 Questions » en p. 90] passe avec souplesse de la rumba au hip-hop en passant par le jazz, sans oublier les traditions de son pays natal et ses racines musicales : chanté en lingala, kituba ou encore kikongo, le bien nommé Transcestral résonne de la belle âme d’un artiste aussi bien influencé par Manu Dibango que par Tiken Jah Fakoly. ■ S.R.
musicale de son ancrage territorial.
CINÉMA
Une Tunisienne espère toujours le retour de ses filles radicalisées et emprisonnées en Lybie. Dans ce documentaire hybride, Olfa Hamrouni raconte AUX CÔTÉS DE SON DOUBLE incarné par Hend Sabri les violences qu’elle a subies… et infligées.
« JE DÉTESTE LES FILLES ! » lance Olfa Hamrouni au début de ce vrai-faux documentaire. Elle en a pourtant eu quatre, dont deux sont enfermées depuis des années dans une prison libyenne après avoir cédé aux sirènes toxiques de l’État islamique… Son histoire avait été largement médiatisée en 2016 lorsqu’elle avait accusé le gouvernement tunisien de ne rien faire pour les rapatrier. En vain. Elle a donc accepté de se raconter devant la caméra de Kaouther Ben Hania [voir son interview en pp. 52-59], dans l’espoir de relancer son combat, mais aussi de comprendre comment sa famille en est arrivée là… Dans son premier long-métrage, Le Challah de Tunis (2014), la réalisatrice – qui a depuis été nommée aux Oscars en 2021 pour L’homme qui a vendu sa peau – mélangeait déjà fiction et réalité en enquêtant sur un agresseur de femmes. Ici, elle a fait appel à de jeunes comédiennes pour incarner les deux absentes aux côtés de leurs sœurs, mais aussi de Hend Sabri, qui joue Olfa dans les situations les plus traumatiques (violente première nuit de noces, disputes, coups…), reconstituées pour les caméras. Sont aussi filmées les discussions sur le tournage entre Olfa et son double, et
entre les quatre filles et leur mère, alternant scènes écrites et improvisations. Superbement mis en lumière et en musique, ce dispositif hybride mélangeant théâtre, cinéma et thérapie embarque le spectateur dans la recherche d’une vérité difficile. Car Olfa le reconnaît : victime de la violence de son mari (incarné par Majd Mastoura [voir son interview en pp. 58-59], qui joue avec justesse tous les rôles masculins), elle l’avait également été de celle de ses parents, avant de devenir bourreau à son tour et de battre ses filles sous tous les prétextes. Peu à peu, pour les adolescentes, le hijab est devenu une protection, puis le niqab une solution, par jeu, par mode, puis par conviction pour deux d’entre elles, sous l’emprise d’un imam salafiste : « Un petit Daech à la maison », raconte l’une d’elles en riant. Car on sourit aussi. Et avec cette mise en scène pourtant artificielle, ce film radical ne triche jamais. « J’ai eu trop peur pour mes filles, je les ai perdues », constate Olfa. Courageux et captivant. ■ Jean-Marie Chazeau
LES FILLES D’OLFA (Tunisie-France), de Kaouther Ben Hania. Avec Hend Sabri, Olfa Hamrouni, Majd Mastoura. En salles.
IL Y A SOIXANTE-DIX ANS était tourné le tout premier film de fiction en Afrique noire francophone, quelques mois avant celui retenu par les historiens (Afrique sur Seine, de Paulin Soumanou Vieyra) : un moyen-métrage réalisé en Guinée par Mamadou Touré, Mouramani, que personne n’a vu depuis longtemps. Le réalisateur guinéen Thierno Souleymane Diallo est parti à sa recherche en se filmant, traversant son pays les pieds nus (pour montrer qu’« on n’a pas d’argent pour acheter des chaussures, ni faire des films après des études de cinéma »). On pénètre dans des salles noires en ruine, dans un marché où l’on trouve des DVD indiens en version soussou… Une enquête passionnante qui en dit long sur l’histoire d’un pays autrefois à l’avant-garde cinéphile. Qui fait preuve aussi d’un optimisme particulièrement créatif. ■ J.-M.C.
AU CIMETIÈRE DE LA PELLICULE (Guinée-France), de Thierno Souleymane Diallo. En salles.
L’UN DE SES RÊVES ? Ouvrir la « dernière librairie du monde ». À 17 ans, Esther, dont l’auteur de L’Arabe du futur chronique le quotidien depuis ses 10 ans, aborde maintenant l’âge adulte. Le huitième et avant-dernier tome de la série (vendue à plus de 1,5 million d’exemplaires pour les sept premiers) brosse un portrait intime de l’ado brune au long nez, avec tout ce qui fait de cette phase de l’existence l’une des étapes les plus troublantes : vague à l’âme, avenir incertain, désirs flous… Chaque planche dépeint, avec authenticité et drôlerie, les réflexions et le quotidien de la jeunesse contemporaine, à travers des personnages souvent croqués en noir et blanc. Ici ou là, des couleurs primaires se répandent sur les pages, venant intensifier une émotion, une expression : jaune et bleu, par exemple, lorsqu’Esther nous explique sa technique de relaxation mentale (« Déjà, j’imagine que je suis en vacances en Bretagne, mais une Bretagne avec du réchauffement climatique »). Le ton est donné. ■ C.F.
RIAD SATTOUF, Les Cahiers d’Esther : Histoire de mes 17 ans, Tome 8, Allary Éditions, 56 pages, 17,90 €.
cinéaste guinéen part à la recherche d’un moyen-métrage africain OUBLIÉ.
C’EST À MINTABA, en pays bassa, au Cameroun, que Blick Bassy a vu le jour, avant de grandir entre Yaoundé et son village natal – où il noue un lien très fort avec la nature comme la musique. Après avoir rencontré le public avec son groupe Macase, il officie en solo depuis 2009, construisant une trame narrative musicale aux multiples chapitres, convoquant le passé d’esclavagisme du continent africain, le bluesman américain Skip James, ou encore le résistant anticolonialiste camerounais Ruben Um Nyobe. Sans oublier de signer un très beau roman, Le Moabi cinéma… Aujourd’hui, il signe un Mádibá d’une grande épure mais émotionnellement saisissant, aux arrangements imaginés avec le musicien français électro-pop Malik Djoudi. Entouré de cordes, de cuivres et de claviers, il y raconte, en bassa, le pouvoir de l’eau, si vitale, qui peut terriblement manquer. Tantôt chat, tantôt fleur ou oiseau, Blick Bassy confirme être un magnifique conteur. ■ S.R.
CINQUIÈME ALBUM met à l’honneur la langue bassa, tout en électronisant à bon escient sa folk acoustique. Superbe !BLICK BASSY, Mádibá, InFiné/ Othantiq AA.
AVENTURES
En tuk-tuk au Maroc ou à cheval dans le métro de New York, INDIANA JONES retrouve une certaine jeunesse à près de 80 ans, dans le DERNIER VOLET DE LA SAGA…
IL Y A QUINZE ANS, les trucages numériques et la surenchère scénaristique d’Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal avaient assommé le public et la critique : explosion atomique, invasion d’extraterrestres, un fils incarné par Shia LaBeouf… Cette fois-ci, Indy retrouve ses vieux ennemis, les nazis, dans un prologue haletant, en pleine débâcle allemande, Harrison Ford apparaissant avec un visage lifté par de subtils effets spéciaux qui lui donnent l’âge de son personnage en 1944. Vingt-cinq ans plus tard, on le voit prendre sa retraite de professeur d’archéologie à New York avec son visage d’aujourd’hui (79 ans au moment du tournage), amer et rattrapé par son passé via l’irruption d’une filleule très sportive, vénale et peu amène à l’égard de son parrain. Ils se retrouvent pourtant au Maroc, sur les traces d’une moitié d’antiquité conçue par Archimède, permettant de voyager dans le temps pour y changer le cours de l’histoire, et convoitée par un
scientifique hitlérien (Mads Mikkelsen), reconverti en responsable du programme Apollo ! Avec l’aide d’un ado (incarné par un jeune Français d’origine mauricienne, Ethann Isidore), ils vont aller de bagarres en poursuites épiques dans les rues de Tanger (tournées dans la médina de Fès) et en Méditerranée. Loin des polémiques sur le comportement colonial d’Indiana Jones, le réalisateur James Mangold, qui a pris le relais de Steven Spielberg pour cet ultime épisode, a su moderniser la franchise en insufflant une réflexion sur le temps. Et en conservant des personnages récurrents comme Sallah, l’ami égyptien, toujours incarné par l’acteur gallois John Rhys-Davies qui, il y a quelques années, se félicitait « d’incarner enfin un personnage arabe positif dans la culture populaire occidentale » ! ■ J.-M.C. INDIANA JONES ET LE CADRAN DE LA DESTINÉE (États-Unis), de James Mangold. Avec Harrison Ford, Phoebe Waller-Bridge, Ethann Isidore. En salles.
KIWANGA, lauréate du prestigieux prix Marcel Duchamp 2020, invite à la réflexion.
JEUX DE TRANSPARENCE, asymétrie, dégradés de couleurs, voilages ou bulles de verre… Les nouvelles installations de Kapwani Kiwanga, exposées au CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux, proposent une lecture du monde à la fois lucide et onirique, en déconstruisant les récits originels. Ce projet inédit a été pensé en relation avec l’histoire du lieu, l’Entrepôt lainé (autrefois appelé Entrepôt réel des denrées coloniales), destiné au xixe siècle au stockage sous douane des marchandises en provenance des colonies, avant leur expédition à travers l’Europe. Un espace tout en vastes volumes, pierres blanches et arcades, devenu en 1973 un lieu de création contemporaine, où la légèreté et la fluidité des créations de l’artiste canadienne, d’origine tanzanienne, viennent déconstruire les récits qui sous-tendent la géopolitique contemporaine et les asymétries de pouvoir. Une œuvre engagée, mise en lumière à la dernière Biennale d’art contemporain de Venise, au New Museum of Contemporary Art, à New York, à la Haus der Kunst, à Munich, ou encore au Museum of Contemporary Art Toronto. ■ C.F.
« KAPWANI KIWANGA, RETENUE », CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux (France), jusqu’au 7 janvier 2024. capc-bordeaux.fr
JEAN-CHRISTOPHE BERLIN est un étonnant personnage. Kinésithérapeute de renom, il exerce à Paris, où il reçoit à la fois une clientèle de quartier et aussi quelques VIP du monde des arts, du business et de la politique. Ancien rugbyman au Stade français, il en a gardé la carrure, la jovialité et le goût des bonnes choses. Diplômé de médecine du sport et de pathologies du rugby, il s’est impliqué fortement sur la question des accidents, en particulier sur les joueurs les plus jeunes en milieu scolaire et universitaire. Il a aussi vécu en Afrique, à Dakar, pour son service militaire à l’hôpital général, une aventure de vie dont il s’est inspiré pour son roman Babacar a disparu, paru en 2020 aux éditions Sémaphore. Spécialiste du dos, Jean-Christophe Berlin est l’auteur d’une bonne quinzaine d’ouvrages sur le « mal du siècle » : la sédentarité, l’absence d’exercice physique, les mauvaises postures esquintent doucement mais sûrement toute notre structure dorsale, sans parler des atteintes plus graves, comme l’arthrose lombaire ou la hernie discale. Dans son nouveau livre, Jean-Christophe Berlin propose une approche simple, pratique pour prévenir et soulager les douleurs, renforcer la structure articulaire et musculaire : 60 exercices qui sont construits autour de sa méthode A4R (assouplissement, relâchement musculaire, renforcement musculaire, respiration, retour au calme). Et quelques bons conseils aussi pour s’adapter, à long terme, aux situations courantes : au volant, devant son ordinateur, en passant l’aspirateur… Une lecture indispensable et facile pour rester « debout » et en forme ! ■ Zyad Limam
JEAN-CHRISTOPHE BERLIN, Exercices pour prévenir et soulager le mal de dos, Le Courrier du livre, 192 pages, 18 €
Babacar a disparu, Le Sémaphore, 202 pages, 20 €
ÉRIC MUKENDI, Mes deux papas, Gallimard, 192 pages,
« DITES-MOI MADAME, pourquoi je dois m’expliquer devant vous là. Si j’étais un petit Blanc, je n’aurais qu’à raconter. Je vous le jure. » D’entrée, Éric Mukendi, né en République démocratique du Congo et professeur de français à Rouen, affiche le dilemme de son personnage : la langue est pour le jeune homme un enjeu social. Les tournures et les mots n’ayant ni la même saveur, ni la même portée, selon la sphère d’où ils viennent. Depuis son arrivée en France à 7 ans, près de quatre décennies se sont écoulées, mais l’écrivain n’a pas oublié ses premiers pas en Europe. D’où une exploration sans complaisance et pleine de piquant de l’entre-deux métissé dans lequel le héros de son récit évolue. Un télescopage entre deux mondes, deux cultures, deux modes de vie, deux langues. Et deux papas. Car en réalité, celui qui l’élève en banlieue parisienne est son oncle. Et celui qui vient un jour frapper à la porte n’est autre que son père biologique… Cruel dilemme. ■ C.F.
Double « je »
Un premier roman sur les heurs et les malheurs de l’immigration, porté par le TALENT DE CONTEUR d’Éric Mukendi.
LITTÉRATURE
D’ENTRÉE DE JEU, François-Henri Désérable cite en exergue son mentor, Nicolas Bouvier, avant de nous emmener sur ses traces, en Iran. Soixante-dix ans après le voyage effectué de la Yougoslavie à l’Afghanistan de l’écrivain suisse (L’Usage du monde), l’auteur de Mon maître et mon vainqueur (Grand prix du roman de l’Académie française 2021) relève le défi de traverser la république islamique, au plus fort de la répression contre les manifestations qui suivent le décès de Mahsa Amini. Arrêtée en septembre 2022 par la police des mœurs pour « port de vêtements inappropriés », quelques semaines avant l’arrivée de Désérable, cette jeune femme est morte des suites d’une hémorragie cérébrale, causée par des violences policières. Malgré les mises en garde alarmistes du ministère des
Affaires étrangères, l’ancien joueur de hockey sur glace professionnel – qui a écrit son premier livre à 25 ans et décidé de se consacrer à la littérature –a quand même décidé de partir prendre le pouls d’un pays aux abois. De Téhéran aux confins du Baloutchistan, sa narration s’appuie sur la grande tradition du récit de voyage, au fil de rencontres, d’anecdotes, d’observations, du quotidien comme du contexte politique. Parti dans l’esprit de Bouvier (« le programme était vague, mais dans de pareilles affaires, l’essentiel est de partir »), il est entré en contact avec un peuple meurtri et révolté,
dont l’écrasante majorité souhaite la fin du système en place. « J’espère seulement vivre assez longtemps pour voir tomber ce régime, pour voir le jour où l’Iran qui a réprimé devra soutenir le regard de l’Iran qu’il aura réprimé », lui confie son guide dans la plus grande mosquée sunnite du pays, Makki, à Zahedan. C’est dans cette même ville, autre chaudron de la contestation, que plus de 90 manifestants ont été tués par les forces de sécurité, lors du « vendredi sanglant », le 30 septembre dernier. Entre littérature et reportage, le récit de l’écrivain français prête ainsi la main à une révolution en marche. Femmes iraniennes en tête. ■ C.F.
L’Usure d’un monde : Une traversée de l’Iran, Gallimard, 160 pages, 16 €
Dans son dernier ouvrage, L’Usure d’un monde, une traversée de l’Iran, FRANÇOIS-HENRI DÉSÉRABLE rend hommage à une population en révolte.
Tournée vers un futur durable et décolonisé, la BIENNALE D’ARCHITECTURE exhorte à changer de perspective.
LE 18 MAI DERNIER, c’est sous un ciel changeant que Venise a accueilli sa Biennale d’architecture, rendez-vous incontournable pour tous ceux qui s’interrogent sur l’évolution et l’impact de cet art. Intitulée « Le Laboratoire du futur », cette 18e édition est particulière, puisque, pour la première fois depuis sa création en 1980, les projecteurs sont braqués sur les pratiques des professionnels issus du continent et de ses diasporas : près des trois quarts des 89 participants, sélectionnés par la première commissaire noire Lesley Lokko, sont ainsi d’origine africaine. Parmi eux, on trouve les bâtisseurs, comme David Adjaye, Francis Kéré, Koffi et Diabaté, ou encore Mariam Kamara, mais aussi des noms méconnus, repérés autour du globe par l’équipe de la commissaire ghanéenne et écossaise.
Être à Venise, avec ses ponts, ses ruelles denses d’histoire et sa lagune, est pour beaucoup un rêve devenu réalité. Fiers et reconnaissants de l’invitation, ils échangent de manière enthousiaste avec les visiteurs et la souriante et affairée Lesley Lokko. Entre deux rencontres, celle-ci assiste à l’inauguration de la magnifique exposition « Tropical Modernism: Architecture and Power in West Africa », présentée par le Victoria and Albert Museum, ou chaperonne les visites guidées dans les grandioses halles de l’Arsenal et les pavillons des Giardini. Ce sont notamment dans ces deux lieux historiques de la ville que s’articule cette immense expo internationale diffuse, qui brouille les frontières entre art et architecture. C’est le cas pour les pavillons nationaux, comme celui de la Grande-Bretagne, mention spéciale du jury, mais aussi pour les jeunes professionnels invités :
en mélangeant matières et technologies (vidéo, dessin, réalité augmentée, etc.), ils présentent leurs réflexions en faveur d’une architecture décarbonisée et décolonisée, qui intègre le contexte historique-social et les besoins des usagers. Certains petits cabinets ont privilégié une approche très conceptuelle, quand ils auraient pu mettre en avant leurs projets déjà sortis du sol, mais l’ensemble des participants a globalement su articuler une proposition différente. Des voix jusque-là considérées comme marginales ont désormais toute leur place sur la scène vénitienne.
Même s’il les découvre à peine, le milieu très occidentalisé de l’architecture est enfin prêt à les entendre. C’est le cas pour le Nigérian Demas Nwoko, 88 ans, venu retirer un Lion d’or récompensant sa carrière et accueilli par des cris et des applaudissements émus. Ce prix et la petite exposition qui lui a été dédiée au cœur des Giardini visent à mieux faire connaître ce précurseur de l’architecture africaine durable, ancrée dans les traditions locales dès les années 1970. Tout comme les travaux des grands bâtisseurs dans la section « Force majeure » démontrent que d’autres modèles que celui du « starchitecte » fonctionnent… Relançant ainsi l’idée d’un art plus collectif, résolument tourné vers le futur, et au service des personnes et de la planète. ■ Luisa
NannipieriCOMÉDIE
Un FEEL-GOOD MOVIE dans une banlieue parisienne : quand des mères tentent de
LES MÉDIAS les avaient surnommés « les bébés rappeurs » : en 2015, une vidéo virale de gangsta rap montrait des écoliers brandissant une arme (factice) et des liasses de billets en faisant l’apologie du sexe, de la drogue et du meurtre dans un langage ordurier… Ces enfants de Sarcelles ont inspiré ce (premier) film tourné sur les lieux mêmes, dans lequel les mères de trois garçons du clip décident de leur donner une leçon en s’y mettant à leur tour, avec un flow d’enfer ! Coaché, le trio (qui pour faire bonne mesure regroupe une femme noire, une arabe et une blanche) va faire plus de vues que leur progéniture… Si l’abattage de Claudia Tagbo fait toujours merveille, la révélation du film est Zaho : la chanteuse algéro-canadienne incarne
son premier rôle au cinéma avec une fougue et une drôlerie irrésistibles. Autour, les hommes jouent les seconds rôles, dont Jean-Pascal Zadi, qui incarne un producteur de showbiz décalé (« Le rap, c’est pas un jeu, c’est un game »), et deux guests : Guy2Bezbar dans son propre rôle, et Stomy Bugsy dans celui… du maire de Sarcelles ! Parfois bancal et trop plein de bons sentiments, mais heureusement épicé d’un flow percutant. ■ J.-M.C. YO MAMA (France), de Leïla Sy et Amadou Mariko. Avec Claudia Tagbo, Zaho, Sophie-Marie Larrouy. En salles.
retrouver de l’autorité sur leurs enfants… grâce au rap !
QUE CE SOIT À PARIS, New York ou Milan, les créations de Noun Design ont voyagé dans les villes les plus branchées au monde ces derniers mois. Avec ses tables insolites, ses couleurs éclatantes et ses poufs rigolos, la jeune marque basée à Casablanca a obtenu le soutien de la Maison de l’artisan (qui promeut le savoir-faire marocain) et la consécration du public. Les clients s’arrachent par exemple la table basse Aïn, où terracotta et céramique, mate et brillant, s’allient pour former un œil envoûtant. Ainsi que les poufs Matisha, tout en rondeurs et pompons, qui tournent sur eux-mêmes et offrent une assise confortable. Depuis vingt-cinq ans dans l’archi d’intérieur, et déjà directrice d’une grande entreprise familiale spécialisée dans la menuiserie en bois, sa fondatrice Dorothée Navarro a un penchant pour les objets animés par un reflet de lumière, des couleurs vives ou la juxtaposition des textures et des matières. Ses pièces, conçues pendant le confinement et disponibles depuis fin 2021, regorgent de vitalité. À travers leurs noms, celles-ci célèbrent en outre la tradition marocaine, que la designeuse revisite avec des artisans et artisanes du bois, du textile et de la poterie d’exception. Dans un esprit joyeux et hors des sentiers battus. ■ L.N.
Les pièces pastel et eco-friendly de cette petite MAISON
KENYANE subliment
les savoir-faire nomades.
AVEC SES COLLECTIONS contemporaines aux silhouettes éthérées et intemporelles, qui respectent l’environnement et financent directement les petits artisans, Hamaji (signifiant « nomade » en swahili de la côte est du continent) est devenue en quelques années une petite maison de mode kenyane au style unique et à la qualité rare. Le label était à l’origine un projet de fin d’études de la créatrice Louise Sommerlatte. Après des études au Cap et un séjour à Berlin, celle qui est née et a grandi au Kenya est revenue s’installer en 2018 à Kilifi, une ville côtière, laquelle lui a inspiré plusieurs de ses pièces. Le survol annuel des Guêpiers carmins est par exemple figé dans un motif qui égaye des
Une partie de la garde-robe est créée à partir de vêtements vintage ou recyclés.
trenchs, des pantalons, ainsi que de petites robes vert menthe. Le dessin a été travaillé sur des blocs de bois, puis imprimé, avec des teintures végétales, préservant un savoir-faire ancestral.
Une partie de la garde-robe de la marque est créée à partir de vêtements vintage ou recyclés : celle-ci comprend surtout des pièces estivales aux couleurs pastel (caftans, petits hauts, pantalons palazzo, combinaisons), mais aussi des blazers et blousons automne-hiver (fantaisistes vestes Kantha, par exemple). La designeuse travaille également avec du coton et du Tencel, un tissu soyeux en fibres d’arbres, produit dans une petite usine à zéro émission située dans la réserve naturelle kényane de Rukinga. Certaines créations, comme la jupe en dentelle de soie et coton filée à la main au pied du mont Kenya, ou le top perlé Antassia, réalisé par un groupe de femmes Samburu dans le nord du pays, témoignent directement de la richesse de l’artisanat traditionnel. De la conception des dessins au tissage, jusqu’à la réalisation des broderies qui rehaussent les petits détails, c’est principalement le travail des femmes qui permet à Hamaji d’exister. Et c’est pour elles que la marque propose des créations centrées sur une féminité nomade, à l’élégance fluide. hamajistudio.com ■ L.N.
Les créations, plutôt estivales, témoignent de la richesse de l’artisanat traditionnel.
deux tables à tester sur Victoria Island.
PARMI LES NOUVELLES ADRESSES de Lagos, le Ona mérite une mention spéciale. Ouverte par la cheffe nigériane Obehi Ekhomu et son mari il y a un peu plus d’un an, cette table gastronomique à la déco minimaliste et à la vaisselle artisanale a pour objectif de donner ses lettres de noblesse à la cuisine locale et aux techniques de cuisson ancestrales, comme la fermentation ou le fumage. L’une des recettes phares, servie dans une assiette bleue en verre soufflé agrémentée de coquillages, sublime les escargots africains. Les mollusques fumés, de terre et de mer, arrivent avec une crème d’ail rôti à la noix de muscade, huile de piment fermentée et chips de manioc. L’été, la cuisine met à l’honneur les céréales de saison, comme le fonio,
le millet et le sorgho, et toute l’année, sont proposés plus de 50 boissons maison et des spiritueux distillés sur le continent. Y compris l’ogogoro et le vin de palme. Pour s’extraire du brouhaha métropolitain, on peut passer chez The House. Un lieu de socialisation chaleureux, à destination de la population cosmopolite et dynamique qui aime se détendre ailleurs que dans les clubs. Dans cet univers inclusif, chaque pièce a son ambiance, son thème et sa carte. Les créateurs du lieu invitent à se laisser guider par ses envies du moment : des plats gastronomiques dans la White Room ou d’inspiration caribéenne sur un canapé dans l’une des autres pièces ? Et pourquoi pas de la fusion afro, comme les cuisses de dinde avec riz jollof fumé maison – connu dans tout Lagos –, ou le Blackened Suya Burger ? Détendez-vous, et faites comme chez vous ! thehouseng.com ■ L.N.
Àgauche et
ci-dessous,le Ona redonne ses lettres de noblesse à la cuisine locale. Ci-contre et ci-dessus, The House accueille une population cosmopolite.
MÊME DANS LE QUARTIER glamour de L’Hivernage, réputé pour ses magnifiques palaces, la structure circulaire et la carapace d’acier du Nobu Hôtel Marrakech (ancien The Pearl) attirent les regards. Premier établissement en Afrique du groupe cofondé par Robert de Niro et le chef japonais Nobu Matsuhisa, l’hôtel a été officiellement inauguré fin mai par l’acteur hollywoodien en personne. Les trois étages du bâtiment, son spa de 2 000 m2 et ses 71 chambres et suites (nuit à partir de 390 euros) ont été entièrement rénovés, intégrant au décor signé Jacques Garcia des éléments plus frais et lumineux conçus par Stevani & Silva. Ces derniers ont réinterprété la signature esthétique japonisante de Nobu, des murs
en bois clair et du mobilier sur mesure aux lignes épurées, avec des touches modernes et traditionnelles. Le nouveau design crée une continuité d’ambiance entre le bar lounge, le restaurant signature au rez-de-chaussée, où l’on célèbre la cuisine fusion du célèbre chef, et le Rooftop Garden. Ce second restaurant aux influences méditerranéennes et marocaines est aussi un cocktail bar intime et chaleureux, avec solarium et piscine en zellige. Réaménagé avec goût, le toit-jardin est l’une des places to be de la ville : on peut y venir profiter d’un DJ set ou se régaler les yeux avec une vue à 360° sur les montagnes de l’Atlas, la médina et l’iconique minaret de la Koutoubia. marrakech.nobuhotels.com ■
Le groupe commence son AVENTURE AFRICAINE fort d’un rooftop d’exception qui offre une vue imprenable sur la ville ocre.
La Freak, journal d’une femme vaudou, la comédienne d’origine ivoirienne questionne l’altérité en mettant au jour les clichés sur les minorités. Intime et politique, émouvant et satirique, ce seule en scène est présenté au festival d’Avignon. par Astrid Krivian
Mama africaine, maraboute, prostituée, femme de ménage, sommée de tchiper et de parler avec un « accent africain »… Sabine Pakora a longtemps souffert des rôles stéréotypés, essentialisés, qu’on lui proposait d’incarner au cinéma et à la télévision française. Des personnages empreints d’un regard exotisant, hérités d’un imaginaire colonial : « Je me sentais réifiée. J’ai beaucoup joué la prêtresse vaudoue, laquelle représente le fantasme de la société française sur l’Afrique. J’étais la cerise exotique sur le gâteau », raconte l’actrice, entre deux gorgées de soda, sur une terrasse parisienne ensoleillée. Forte de ses études en anthropologie et en sociologie, qui lui ont permis d’affûter et de nourrir ses réflexions, de politiser ses expériences artistiques et professionnelles, elle a écrit un spectacle inspiré de son parcours : La Freak, journal d’une femme vaudou, qu’elle interprète seule et met en scène. « Il pose la problématique de l’assignation, des stéréotypes, des stigmatisations. Je questionne l’altérité, la relation de la norme et de la périphérie. Dès que tu es un peu différent, tu es ostracisé, “freakisé” », s’indigne celle qui a témoigné dans l’ouvrage collectif Noire n’est pas mon métier, initié par Aïssa Maïga en 2018. Si rien ne la prédestinait à être comédienne, l’art dramatique constitue pourtant le fil rouge de son existence. Née en Côte d’Ivoire, où son père a fait fortune dans l’exploitation du bois, Sabine Pakora arrive en France à 4 ans avec sa famille, à Paris, puis dans le Sud. Ne trouvant pas de compagnon de jeu au sein de sa fratrie, la cadette s’invente des histoires avec ses poupées et s’évade à travers la télévision, rejouant par cœur des scènes de films face au miroir. Quand son père fait faillite, il abandonne ses enfants à l’Aide sociale à l’enfance. À 7 ans, le lien avec sa mère, que ce dernier a répudiée, est aussi coupé. Le cinéma revêt alors un sens encore plus vital, nécessaire. « Je vivais un traumatisme ; c’était compliqué de mettre des mots sur la douleur. Le septième art me permettait de rêver, de me projeter, de suivre des personnages qui exprimaient émotions et pensées », confie cette fan de Sergio Leone, de Romy Schneider, et du film musical Les Demoiselles de Rochefort Après un bac théâtre, une formation au Conservatoire d’art dramatique de Montpellier, puis à l’École supérieure d’art dramatique, à Paris, l’actrice s’éprend de danse africaine : « Je me suis ainsi réapproprié ma propre culture. » Elle tourne dans le monde entier avec la compagnie Montalvo-Hervieu, est à l’affiche de la comédie musicale Kirikou. Puis, suite à une blessure, et mue par un désir profond de travailler des textes, elle revient à ses premières amours : sur les planches, elle joue notamment sous la direction de Hassane Kassi Kouyaté et, sur grand écran, de Lucien Jean-Baptiste et de Toledano et Nakache. Actuellement, elle tourne un projet américain : « Un rôle qui n’est pas stigmatisé. Je me sens libre. C’est donc possible ! » Et planche sur l’écriture de l’histoire de ses parents, qu’elle n’a quasi pas connus. « Je veux découvrir quelle était leur jeunesse pendant la période coloniale. C’est aussi mon héritage. » ■ La Freak, journal d’une femme vaudou, du 7 au 26 juillet, à la Chapelle du verbe incarné, à Avignon (France).
«Le septième art mede rêverpermettait , de me projeter.»
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Le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial s’est déroulé en juin dernier, à Paris. La plupart des chefs d’État africains étaient là. Et… de nouvelles promesses pour aider le continent à lutter contre le changement climatique et à réduire les inégalités ont été faites. Après toutes celles qui les ont précédées lors des multiples COP, et pas vraiment encore suivies d’effets. Mais il n’empêche, c’est bien, il faut être là, montrer que l’on est concernés, préoccupés, demander encore et encore, pour obtenir un jour les fonds nécessaires à la « survie » de l’Afrique. Même si le continent ne participe qu’à 3 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, il récolte de plein fouet les conséquences de la pollution générée par les autres. Et il faut urgemment des sous pour mettre en place des politiques intelligentes, innovantes, efficaces, afin d’éviter les terres brûlées, les récoltes anéanties, l’eau raréfiée, etc.
Cela dit, avant de disposer des fonds nécessaires et de mettre en place les solutions adaptées, le premier travail serait de conscientiser les populations. Et c’est peut-être le plus grand chantier. Dans des pays où la pauvreté frappe la plus importante partie des habitants, faire comprendre qu’il faut changer de comportement pour lutter contre la déforestation, abandonner des pratiques ancestrales pour des nouvelles technologies coûteuses, ou encore tout simplement faire le tri des déchets alors que le ramassage des ordures n’existe peu ou pas, devrait être un combat de tous les jours pour les gouvernements. Pourtant, les affiches, messages, articles, réunions locales explicatives sur le sujet ne sont vraiment pas légion. Dans des sociétés qui vivent au jour le jour, où l’urgence, c’est encore manger et se soigner, les méfaits des comportements sur l’avenir du climat, on s’en moque comme de sa première igname. Et c’est malheureusement assez normal. C’est donc aux mêmes gouvernements qui viennent demander des fonds dans les réunions mondiales sur le sujet de travailler déjà chez eux, d’augmenter les budgets de leurs ministères concernés, d’instaurer des programmes à l’école, de sensibiliser et d’éduquer les populations. C’est là l’urgence. Et accessoirement de montrer l’exemple.
Les enfants de présidents ou les milliardaires locaux qui empruntent un avion pour sillonner leur propre pays, alors qu’il y a des routes, c’est tout à fait contre-productif. Ceux qui le font aujourd’hui dans la plupart des pays « riches » sont au minimum épinglés par les médias. C’est donc une profonde refonte des mentalités et des comportements qui doit s’opérer. De haut en bas. Avant même d’imaginer pouvoir lutter utilement à la préservation du continent. ■
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