Sa découverte, sa production et sa consommation ont transformé le cours de l’histoire, pour le meilleur et pour le pire. Une substance hautement addictive, qui laisse dans son sillage un arrière-goût amer. par Catherine Faye
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n n’y résiste pas. Synonymes de plaisir, le sucre et tous ses produits dérivés ont le pouvoir de nous faire craquer, voire de nous prendre au piège. Exquise et sournoise, leur saveur douce et agréable, que l’on connaît depuis l’enfance, a en effet tout pour séduire. Plus encore, elle est restée gravée dans notre cerveau et agit sur les centres cérébraux de la récompense et de la gourmandise en stimulant les voies de la dopamine. Pourtant, cette substance inconnue jusqu’au XVIIe siècle porte en elle les stigmates de l’histoire. Inséparable de la colonisation et de l’esclavage, des transformations écologiques désastreuses et du développement du commerce et de l’industrie, elle est aujourd’hui un fléau mondial pour la santé (obésité, diabètes, caries…) et l’une des chevilles de l’économie mondiale. Ainsi, ce qui était autrefois un simple goût pour le sucre a été transformé par les industries modernes en une industrie mondiale massive. C’est à partir du milieu du XIXe siècle que la capacité de produire des aliments et des boissons en énorme quantité a permis aux grandes entreprises du secteur de mélanger le sucre avec une nouvelle gamme de produits et de la diffuser à bas prix à des dizaines de millions de personnes. En 1910, Coca-Cola était le plus gros consommateur de sucre au monde. Depuis, 45 000 tonnes de cette substance sont consommées chaque année via cette boisson. James Walvin, spécialiste de l’histoire de l’esclavage et professeur d’histoire émérite à l’université d’York (Royaume-Uni), se fait l’écho de cette épopée stupéfiante : de la 70
H Histoire du sucre, d histoire h du monde, d JJames Walvin, LLa Découverte poche, p 302 pages, 3 14 €. 1
machine capitaliste à ses débuts, liés au commerce triangulaire, jusqu’aux enjeux commerciaux, sociaux et alimentaires actuels. Il nous livre un récit très documenté, captivant et instructif, où « un bien jadis onéreux, devenu un produit de première nécessité », a révolutionné le cours de l’humanité et de la planète. Cette histoire est donc également celle d’un désastre social, le récit d’une mise en dépendance et d’un objet de corruption. Actuellement, 120 pays en produisent 180 millions de tonnes. Et l’attachement culturel à cette substance est bien trop profond pour qu’elle disparaisse du jour au lendemain. Mi-ange mi-démon, le sucre n’a pas fini de tisser sa toile. ■ AFRIQUE MAGAZINE
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430 – JUILLET 2022
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Sucre, de l’esclavage à l’obésité