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12 ÎLE MAURICE Changement de cap
67 KILOMÈTRES DE LONG, 46 de large, C’est l’un des plus petits États d’Afrique.
13 NIGER Carrefour du Sahel
En 2022, le pays est sorti de la liste noire de la Commission européenne en matières fiscales.
Et l’un des plus riches aussi. Louée pour sa stratégie de réponse à la pandémie de Covid-19, au prix de lockdowns sévères et d’un sabordage temporaire de l’industrie touristique, l’île peut se considérer comme miraculée. Les visiteurs sont de retour. Le « nation branding touristique » reprend en s’appuyant sur des sites naturels exceptionnels et une offre haut de gamme. La mixité et la diversité culturelle, la stabilité des institutions et des processus démocratiques renforcent encore un peu plus cette image d’exception mauricienne. Une exception en voie de diversification économique rapide. Au-delà du tourisme, l’île s’est affranchie de sa dépendance à l’égard du sucre et de l’économie « coloniale ». Elle s’impose, avec sa capitale Port Louis, comme une place financière internationale. Maurice est au cœur d’un solide réseau d’accords de libre-échange stratégique, notamment avec l’Inde et la Chine. Le Mauritius Freeport a été reconnu par le Financial Times comme la meilleure zone franche d’Afrique en 2022. Et la place de Port Louis est perçue comme une plate-forme fiable de commerce et d’investissement entre l’Asie et l’Afrique. Grâce à la mise en place d’un cadre juridique et fiscal favorable, Maurice est également une destination privilégiée des sociétés offshore, ce qui peut, évidemment, nourrir les polémiques. Les Mauritius Leaks, en 2019, ont confirmé son statut de paradis fiscal, attirant des entreprises soucieuses de recycler plus facilement leurs profits. Une politique de transparence et de diversification a été mise en place pour préserver la crédibilité de l’île, sévèrement menacée. Début 2022, le pays est sorti de la liste noire de la Commission européenne en matières fiscales, relançant son attractivité. Selon le Global Innovation Index (GII) de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l’île Maurice est devenu le pays le plus innovant d’Afrique. ■ T.C.
On pourrait s’étonner de la présence de cette immense nation désertique dans notre classement. L’une des plus pauvres du monde. Soumis à une menace sécuritaire permanente, et au voisinage du Mali et du Burkina Faso (la tristement célèbre région des « trois frontières »). Mais le Niger, c’est aussi le dernier régime réellement civil du G5 Sahel. La transition entre les présidents Mahamadou Issoufou et Mohamed Bazoum (en avril 2021) a permis de renforcer une démocratie encore fragile. Stratégiquement, Niamey s’impose comme le carrefour du Sahel. C’est ici que l’on croise ceux qui comptent, les Américains (et leur impressionnante ambassade), les Chinois, les Français, les Algériens… C’est ici aussi que se fait le contact avec les États fédéraux du nord du Nigeria, entités quasi « autonomes » par rapport au pouvoir central d’Abuja. C’est ici surtout que l’on appréhende peut-être le mieux les complexités multiples des populations sahariennes. Et les différentes natures du djihadisme moderne. Le savoir et l’expérience sont réels. Le pays est pauvre, on l’a dit, mais fiable, crédible. Et les institutions internationales de développement se bousculent pour investir. Le Niger est l’un des principaux pays d’intervention de la Banque mondiale en Afrique subsaharienne. La production de pétrole s’organise (avec les risques en matière de gouvernance), et l’exploitation d’uranium pourrait connaître une nouvelle vie dans les années à venir avec la relance des projets d’énergie nucléaire aux quatre coins du globe. La capitale, Niamey, joue crânement son jeu comme carrefour de rencontres, de sommets, de forums, favorisant la création d’un réseau d’amitié aux quatre coins de la planète. Le président Bazoum lui-même, avec son franc-parler sur des questions essentielles, comme la démographie, la pauvreté, l’éducation, la gouvernance, participe activement à ce soft power nigérien. Tout cela ne tient que sur un fil, mais le pays croit en lui. Et l’intérêt global, régional, international est celui d’un Niger stable. ■ Z.L.
14 BÉNIN Ascension culturelle
COINCÉ ENTRE LE TOGO et le géant nigérian, dirigé par un « patron-président », ici, on a fixé la barre haut. Malgré la pandémie de Covid-19, le Bénin a maintenu des taux de croissance élevés, avec une véritable volonté de modernisation de son économie. Le port de Cotonou a pour ambition de concurrencer Abidjan et Lomé. En se positionnant comme un point d’accès au Nigeria, relativement plus « facile ». Mais pour le président Patrice Talon (ancien magnat du coton, dont le second mandat s’achève en 2026), l’objectif est aussi d’inscrire son pays sur la scène culturelle et touristique mondiale. En s’appuyant sur un héritage historique particulièrement riche. Nous sommes ici sur les routes de l’esclavage, sur les routes du vaudou, sur celles des rois et des reines d’Abomey. Cette stratégie a mené en particulier à la restitution par la France des trésors du royaume, opération au retentissement quasiment mondial. Autre exemple : le festival de musique WeLovEya, organisé en décembre dernier sur la toute nouvelle place de l’Amazone, à Cotonou. L’événement a accueilli certaines des plus grandes stars de l’afrobeat et du hip-hop francophone, sous le regard de cette statue de bronze haute de 30 mètres, inaugurée en juillet 2022. Parmi les projets d’envergure en cours et à venir, la création progressive d’une offre muséale unique en Afrique subsaharienne : le Musée international de la mémoire et de l’esclavage (Ouidah), le Musée de l’épopée des amazones et des rois du Danhomé (palais royal d’Abomey), le Musée international du vodun (Porto-Novo), et demain peut-être le Musée d’art contemporain (MAC, à Cotonou). Cette politique de fusion « culture-tourisme » reste contrainte par la situation sécuritaire au nord et les menaces des mouvements djihadistes sahéliens. ■ T.C.
Des trésors royaux exposés pour la dernière fois au musée du quai Branly, à Paris, en 2021, avant d’être rendus au Bénin.
15 TUNISIE Le modèle en crise
ON PEUT S’ÉTONNER de cette présence
dans notre classement. La crise politique et économique se double maintenant d’une crise migratoire avec le rejet brutal des migrants subsahariens en situation irrégulière. L’image « officielle » de la Tunisie, berceau des printemps arabes, se dégrade. Pourtant, malgré cette situation convulsive, le devenir de cette démocratie affaiblie reste un enjeu majeur, qui dépasse de loin les frontières du pays. Et les « autres Tunisie », en dehors de la sphère politique, restent autant de raisons d’espérer. Le pays s’est imposé comme l’une des places fortes de la tech émergente. Les success-stories se multiplient, comme celle d’InstaDeep, champion de l’intelligence artificielle né à Tunis, racheté (pour près de 630 millions d’euros) par BioNTech, créateur du premier vaccin anti-Covid. D’autres sont sur une même dynamique de développement avec un tropisme écoresponsable. Les magiciens de Kumulus transforment la rosée en eau jusque dans des hameaux perdus. La diaspora est particulièrement active avec des figures de pointe dans la médecine, l’ingénierie, les services informatiques… La société civile, recentrée sur les fondamentaux du vivre-ensemble, continue à agir dans un contexte difficile. Le domaine de la culture reste d’une étonnante audace. Le présent inspire, nourrit les récits. Au cinéma, comme avec le multiprimé La Belle et la Meute, de Kaouther Ben Hania. Dans la littérature, avec des œuvres marquantes, telles Bel abîme, de Yamen Manai, aux éditions Elyzad, ou Je jalouse la brise du sud sur ton visage, de Meryem Sellami, chez Cérès. On explore le territoire de la psychanalyse avec Nédra Ben Smaïl (dans son livre Écoutez vos enfants !). Les murs de Djerba sont une référence du street art, l’art contemporain gagne du territoire, y compris auprès des couches dites populaires. Ces cultures reflètent une identité changeante au contact d’une Europe toute proche, mais devenue aussi une rive inaccessible. L’héritière de Carthage brasse, malgré tout, des siècles d’échanges et d’influences. Mais la réserve d’énergie n’est pas inépuisable. La présence de la Tunisie dans ce classement est donc un pari optimiste sur l’avenir. ■ Z.L.