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Lyne Des Mots, la conteuse
Elle aimait les mots, elle en vit aujourd’hui. Tout juste rentrée du Togo et du Kenya, cette valeur montante de Côte d’Ivoire en impose avec sa poigne de fer et son large sourire : « Je suis arrivée dans le slam comme un cheveu sur la soupe. J’ai fait ma première scène en 2015. Avant, j’écrivais de la poésie, j’étais conteuse, et je dirigeais une chorale au sein d’un club allemand à l’université. En 2014, nous avons été invités à un festival de contes, au Ghana. Nous devions animer une cession avec des slameurs, et là, ça a été un choc. Je ne comprenais pas ces jeunes Ghanéens, mais chaque mot me transperçait. Je suis tombée amoureuse de cette façon de porter la parole. » De retour à Abidjan, elle rencontre des professionnels : « Ils m’ont acceptée, adoptée, je suis montée sur scène avec eux, et je n’en suis plus descendue. »
Elle fait ses armes, écume les salles, inspirée par les autres.
Aujourd’hui, « Slam Mama », comme l’ont surnommée ses trois enfants, est elle-même une source d’inspiration pour d’autres jeunes artistes. « Le slam est accessible à tout le monde, mais il faut travailler, être au taquet… On ne dort pas. » Sa plume et son art du conte l’ont sûrement aidée. En 2020, elle remporte le concours international Slam rose, dans le cadre de la lutte contre le cancer du sein. Lyne Des Mots aime scander et l’image que véhicule cette discipline : « C’est un puissant outil de communication qui porte des messages forts. Slamer, c’est toucher l’âme des gens. On part à la conquête de l’être. » Elle est très fière de son statut : « Je me sens privilégiée, particulière. Un slameur est une personne équilibrée, complète. Il faut être cultivé et bien s’exprimer. » D’autant que petite fille, l’experte des mots était bègue. C’est le slam, avec cette façon si particulière de lancer les mots, qui l’a libérée de son bégaiement. Est-ce pour cela qu’elle se présente comme une « docteure de l’âme » ?
Aujourd’hui, Lyne Des Mots vit de son art, a sorti trois singles, voyage dans toute l’Afrique. Quand on lui demande comment son mari a réagi face à son activité très exposée, elle éclate de rire : « Ça a été tout un combat ! Au début, il s’inquiétait, mais ça va maintenant. Il a fallu lui faire comprendre que j’aimais ce que je fais et que je n’arrêterai pas. On ne marchande pas ce plaisir de la scène, cette liberté, cette force qu’elle te donne. » Quant à ses enfants, ils sont fiers d’elle : ils la regardent à la télévision, mais elle aimerait qu’ils viennent plus souvent la voir en vrai. Se sent-elle féministe ? Pas vraiment. Disons qu’elle est « pour les femmes et pas contre les hommes » : « Je suis une femme libre, je veux être moi-même, inspirer les autres. » Car Lyne Des Mots se voit plus qu’une slameuse : « Je me considère comme une messagère : du vent, de la terre, de l’eau, du feu. Le slam apporte la joie où il y a de la tristesse, l’amour où il y a la haine, le rire où il y a les pleurs. » Un beau message. ■