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PALESTINE

LA GUERRE SANS FIN

Rafah, dans la bande de Gaza, le 31 octobre dernier.

RETOUR SUR SEPT DÉCENNIES É DE TRAGÉDIES, É DE SOUFFRANCES ET D’ESPOIRS PERDUS.

SENEGAL

EN VEILLE D’ÉLECTION

RDC

Le chef d’État congolais.

L’INCONTOURNABLE

Monsieur Tshisekedi

Le Palais de la République, à Dakar.

France 4,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3000 FCFA ISSN 0998-9307X0

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L 13888 - 446 S - F: 4,90 € - RD



édito PAR ZYAD LIMAM

LA GUERRE SANS FIN Le 7 octobre est une tragédie et un massacre. Un traumatisme immense pour Israël et pour le monde juif. Des centaines de victimes, civils, soldats, policiers. Des otages. Une attaque menée par le Hamas, stupéfiante, inimaginable, au-delà des murs de Gaza, au-delà des murs du blocus. Une rupture stratégique, profonde, un changement du cours de l’histoire. Une faillite stratégique, sécuritaire et militaire pour l’État hébreu et son système imprenable de défense. Des vies brisées, des jeunesses volées. Et rien ne sera plus comme avant. La réponse d’Israël, la nouvelle guerre de Gaza, est une tragédie et un massacre. De grande ampleur. Le blocus total de l’enclave. Des bombardements massifs incessants, d’une violence inouïe. Une ville rasée. Des gens qui meurent de tout. Des missiles, de la faim, de maladies, d’amputations sans anesthésie. Avec des milliers de victimes, dont des milliers d’enfants. Des images insoutenables, pires que celles que l’on a vues tant de fois dans le passé. Le chaos qui guette. La stratégie du Hamas a ouvert la porte de l’enfer. Des vies brisées, des jeunesses volées. Et rien ne sera plus comme avant. On peut parfaitement comprendre le droit d’Israël à se défendre. Mais la défense implique une stratégie, et pour tout État qui se dit démocratique le respect de principes minimaux. S’il faut «détruire» le Hamas, faut-il faire la guerre de cette manière, en brûlant tout sur son passage, en décimant les civils, hommes, femmes, enfants, en envoyant ses avions pilonner les vivants, en coupant l’eau, l’électricité, le téléphone, en tuant aussi les journalistes et leurs familles ? Où est la stratégie, s’il y en a une ? Où sont les buts raisonnables de guerre, s’ils existent ? AFRIQUE MAGAZINE

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La vengeance d’un État surpuissant, soutenu par des pays surpuissants, sur une population sous blocus, sans défense, est-elle légitime ? « Moralement» acceptable? Oui, le Hamas et sa branche armée utilisent des méthodes terroristes, comme l’ont montré les attaques du 7 octobre. Mais le Hamas, c’est aussi une idéologie, un référent religieux puissant, une organisation disséminée aux quatre coins du monde, des réseaux. Le Hamas est l’une des incarnations du nationalisme palestinien, et en tant que tel, il sera difficile de tout simplement l’éradiquer. Mais le Hamas, ce n’est pas toute la Palestine, ce n’est pas toute son histoire. Ne pas prendre en compte la tragédie de ce peuple, ne pas prendre en compte plus de sept décennies d’ordre colonial et de dépossession, ne pas prendre en compte le refus avéré d’un État viable et indépendant, refuser toute discussion sur le statut de Jérusalem, accepter le non-droit, le quasiapartheid, le vol des terres et des maisons, la justice et l’ordre militaire, ne jamais prendre en compte la réalité du problème des réfugiés (depuis 1948, et qui sont aujourd’hui près de 6 millions…), c’est passer volontairement et rationnellement à côté de l’essence même du conflit. L’idée de Palestine existe. Elle s’impose. Et d’ailleurs, pendant que l’armée israélienne bombarde Gaza sans relâche, les colons de Cisjordanie, soutenus implicitement ou directement par la police et l’armée, et dans le silence assourdissant des grandes puissances amies et alliées, mènent une politique de harcèlement des populations, d’appropriation des terres et des maisons, avec des crimes avérés sur des civils sans défense. L’armée est entrée dans les camps de Jénine, haut lieu de la résistance en Cisjordanie. Aujourd’hui, Israël existe. C’est une nation puissante, développée, riche, une puissance scientifique, technologique, militaire et nucléaire, un pays enviable à plus d’un titre, reconnu par le monde 3


ÉDITO

entier ou presque, y compris par de nombreux pays musulmans et arabes. Aujourd’hui, la Palestine n’existe pas. Le concept est en miettes. Une nouvelle génération de Palestiniens arrive, la troisième ou la quatrième depuis 1948, elle sera nourrie par le deuil, l’occupation, la violence. On se rappelle ce que Gandhi disait : « An eye for an eye makes the whole world blind» («Œil pour œil, et le monde finira aveugle»)… Aujourd’hui, nous voilà avec un Premier ministre d’Israël, Benjamin Netanyahou, devenu l’emblème du monde libre, un responsable pourtant visé par de multiples enquêtes judiciaires pour corruption, leader d’un gouvernement d’extrême droite décidé à mener une politique coloniale et d’éviction, décidé à saper les fondements constitutionnels de l’État de droit de son pays, chef d’un gouvernement et d’un appareil militaire responsables par aveuglement de la débâcle sécuritaire du 7 octobre. Et qui appelle à la vengeance, parsème ses discours messianiques d’auto-prophéties apocalyptiques et bibliques. Voilà un homme dont toute la carrière politique aura été de rendre impossible la création d’un État palestinien, un leader dont l’objectif aura été d’éteindre toutes les voix palestiniennes raisonnables, celles du compromis historique. En allant jusqu’à soutenir indirectement le Hamas, manière la plus efficace d’empêcher la création d’un État palestinien… Ses déclarations sur le sujet sont quasiment publiques. L’onde de choc des dernières semaines est mondiale. La Palestine est redevenue un sujet central. Dans les pays musulmans, la colère des peuples menace la stabilité des régimes. Dans les Suds globaux, les opinions se fédèrent autour d’un conflit perçu comme essentiellement colonial. Et qui s’inscrit dans cette vague historique de remise en cause de la toutepuissance de l’Occident, dont Israël est un membre stratégique. De contestation de cet ordre mondial hérité de la colonisation et de la Seconde Guerre mondiale. L’alternative possible au modèle américain est confuse, mais la Palestine devient le symbole des inégalités, du deux poids, deux mesures, de l’ordre moral variable selon les intérêts du club des puissants. Et il devient facile de comparer le sort de l’Ukraine à celui de la bande de Gaza. «Nos victimes ne valent rien à vos yeux», « Nos morts valent moins que vos morts », crient les manifestants dans les rues et sur les réseaux sociaux, et cet argument est terriblement efficace. 4

Un bombardement israélien sur la bande de Gaza, le 29 octobre dernier, vu depuis Sdérot, ville proche de la frontière.

De fait, la solution à deux États est moribonde. Depuis un moment déjà, ce n’est plus qu’un slogan creux, miné par les implantations et la réalité du terrain. La solution à un État, si séduisante intellectuellement, semble irréaliste, encore plus depuis le 7 octobre. Pour une grande partie de la classe politique israélienne, ce qui compte, c’est de protéger et de renforcer l’État juif. C’est dit presque clairement: l’objectif, c’est la marginalisation des communautés palestiniennes, la diminution du nombre, les expulsions. Et le contrôle. Avec la dynamique actuelle, rien n’est exclu. Ni une nouvelle annexion plus ou moins partielle de la Cisjordanie, ni une nouvelle annexion de Gaza vidée en partie de ses habitants, qui seraient « relogés » dans le désert, quelque part dans le Sinaï… Une seconde «Naqba» («catastrophe»). Et la guerre perpétuelle, religieuse, ethnique. En Israël, au Moyen-Orient, et au-delà. Il y a urgence à sortir de ce cercle infernal et destructeur. De cette «guerre de Cent Ans». Les grilles d’analyse du passé ont sauté. Le nationalisme palestinien était largement laïc, multiconfessionnel et politique. Il est devenu largement religieux, porté par la puissance de l’islam. Le sionisme aussi a profondément changé, le mouvement laïc, socialiste, AFRIQUE MAGAZINE

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FADEL SENNA/AFP

l’idéal des kibboutzim, est devenu une force dominée par une vision messianique, biblique, portée par la puissance de la prophétie. Il faut mettre au plus vite un terme à cet incendie qui peut tout ravager. À une dynamique qui pourrait plonger la région entière et le monde dans le chaos. Le scénario du pire n’est pas à exclure. Des violences interreligieuses vont se multiplier au-delà des frontières du conflit. Une attaque terroriste d’ampleur est toujours possible. Le discours des États de la région se durcit (au Yémen, en Turquie, en Jordanie…). L’Iran et le Hezbollah libanais sont des acteurs rationnels, soucieux de leur survie, mais on ne peut pas exclure un dysfonctionnement, une fuite en avant. Des puissances tierces, comme la Russie, peuvent alimenter les braises. Et après l’Ukraine et la Palestine, chacun (y compris la Chine) pourrait être tenté de régler ses comptes de voisinage. On peut aussi imaginer les dégâts calamiteux que provoquerait le retour d’un Donald Trump déchaîné, au sens propre, aux États-Unis en 2025. Il faut imposer la paix. Ici et maintenant. Les États-Unis portent une lourde responsabilité. C’est à eux d’agir, de mobiliser. L’attaque du Hamas les ramène au cœur de ce qu’ils considéraient comme une cause perdue et classée. Le « soutien AFRIQUE MAGAZINE

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inconditionnel» les isole. La possibilité d’un conflit généralisé les menace. En filigrane, le message de Washington paraît clair: «Détruisez le Hamas, mais il faut préparer la suite.» Sauf que pour «la suite», il faudra sortir des vieux slogans éculés. Remettre les vraies questions sur la table: le territoire, les réfugiés, Jérusalem, les prérogatives, la sécurité… Imposer un plan. Sur le terrain, chaque partie devra faire un immense pas. Israël, État juif, doit accepter le fait palestinien et la nature multiethnique et multireligieuse d’un espace commun à définir. Les Palestiniens doivent accepter la présence d’Israël à majorité juive, avec des garanties de sécurité, dans ce même espace. Des options juridiques sont possibles. Un système confédéral novateur peut voir le jour. Ça peut paraître presque impossible. Mais avons-nous vraiment le choix? Certains d’entre nous, les moins jeunes, se rappellent avec émotion, et tristesse, les images et les symboles des accords d’Oslo, de ce moment à la Maison-Blanche, avec la poignée de main entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat. De cet espoir insensé qui n’a pas duré. C’était il y a vingt ans, une éternité… Et pourtant, c’est certainement là où il faut revenir, de là où il faut repartir. ■ 5


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ÉDITO La guerre sans fin par Zyad Limam

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par Zyad Limam et Frida Dahmani

ON EN PARLE C’EST DE L’ART, DE LA CULTURE, DE LA MODE ET DU DESIGN

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Coup de projecteur 24

PARCOURS Carlos G. Lopes par Astrid Krivian

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C’EST COMMENT? Industrialiser, pour qui? par Emmanuelle Pontié

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par Cédric Gouverneur

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VIVRE MIEUX Connaissez-vous bien vos artères? par Annick Beaucousin

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VINGT QUESTIONS À… Tiken Jah Fakoly par Astrid Krivian

Au Sénégal, veille d’élection par Zyad Limam

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CE QUE J’AI APPRIS Sylvie Mombo LE DOCUMENT Dessiner l’indicible

RD Congo: L’incontournable Monsieur Tshisekedi par Cédric Gouverneur

par Astrid Krivian

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TEMPS FORTS Palestine: Une si longue quête

Nadia Yala Kisukidi: «Le langage de la déchirure n’est pas le mien» par Astrid Krivian

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Mohamed Kordofani: Le Soudan en divisions par Jean-Marie Chazeau

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Yasmine Chami: S’indigner devant l’indignité par Astrid Krivian

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FILES GPO/AFP - AESCHIMANN GENEVA

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FONDÉ EN 1983 (39e ANNÉE) 31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE Tél.: (33) 1 53 84 41 81 – Fax: (33) 1 53 84 41 93 redaction@afriquemagazine.com Zyad Limam DIRECTEUR DE LA PUBLICATION DIRECTEUR DE LA RÉDACTION zlimam@afriquemagazine.com Assisté de Laurence Limousin

llimousin@afriquemagazine.com RÉDACTION Emmanuelle Pontié DIRECTRICE ADJOINTE DE LA RÉDACTION epontie@afriquemagazine.com

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Développement durable: À la recherche de la lumière Au Liberia, les crédits carbone de la discorde En Guinée, la filière avicole appelle au secours Françoise Gaill: «La diplomatie scientifique est un acteur essentiel» Les voisins du Niger en difficulté La population de rhinocéros augmente

Isabella Meomartini DIRECTRICE ARTISTIQUE imeomartini@afriquemagazine.com Jessica Binois PREMIÈRE SECRÉTAIRE DE RÉDACTION sr@afriquemagazine.com Amanda Rougier PHOTO arougier@afriquemagazine.com ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO

Jean-Marie Chazeau, Frida Dahmani, Catherine Faye, Cédric Gouverneur, Dominique Jouenne, Astrid Krivian, Camille Lefèvre, Luisa Nannipieri, Sophie Rosemont.

VIVRE MIEUX Danielle Ben Yahmed RÉDACTRICE EN CHEF

avec Annick Beaucousin.

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par Cédric Gouverneur

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La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos reçus. Les indications de marque et les adresses figurant dans les pages rédactionnelles sont données à titre d’information, sans aucun but publicitaire. La reproduction, même partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique Magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction. © Afrique Magazine 2023.

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ON EN PARLE C’est maintenant, et c’est de l’art, de la culture, de la mode, du design et du voyage

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PEINTURE

COUP DE PROJECTEUR

AESCHIMANN GENEVA (2) - DR

À Paris, le musée Maillol accueille la première grande exposition monographique consacrée à l’incontournable CHÉRI SAMBA.

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DIFFICILE de ne pas penser à Salvador Dali ou à Giorgio De Chirico, maîtres du surréalisme, dans l’œuvre de cette figure essentielle du mouvement de la «peinture populaire» congolaise, apparu dans les années 1970. Nourrie de couleurs acidulées et de thèmes symboliques, la touche sûre, éclatante et engagée de Chéri Samba appose sur chacun de ses tableaux le sceau d’un engagement profondément ancré dans la culture congolaise et kinoise. Chroniques du quotidien, des mœurs, conflits sociaux, moraux et politiques… L’artiste se nourrit de l’actualité. Mais aussi de l’histoire de l’art et de sa passion des femmes, thème qui lui permet ici de dialoguer avec les gravures et les sculptures de nus d’Aristide Maillol. Démesurées et provocatrices, ses créations interpellent, caricaturent et dénoncent. Le plus souvent avec humour. Toutes proviennent ici de la collection d’art contemporain africain de Jean Pigozzi – l’une des plus importantes au monde –, contribuant ainsi, depuis plus de trente ans, à la reconnaissance sur la scène internationale des artistes d’Afrique subsaharienne. ■ Catherine Faye

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Ci-dessus, The Draughtsman, 1981. À gauche, Merci, merci je suis dans la zone verte, 2020.

«CHÉRI SAMBA, DANS LA COLLECTION JEAN PIGOZZI»,

Musée Maillol, Paris (France), jusqu’au 7 avril 2024. museemaillol.com

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ON EN PARLE SOUNDS

À écouter maintenant !

❶ Jamila Woods

MARIECÉCILE ZINSOU, Wax Stories,

Maison CF, 288 pages, 40 €.

Water Made Us, Jagjaguwar Sur ce remarquable troisième album, la chanteuse, poétesse et musicienne afroaméricaine originaire de Chicago mixe, une fois de plus, la soul, le spoken word et le R’n’B. À travers le prisme de l’état amoureux, ou du moins sentimental, et empruntant son titre à Toni Morrison, Water Made Us rappelle qu’il faut rester au plus près des éléments naturels pour échapper à la folie humaine. Superbe!

❷ Elisapie

DERRIÈRE LES MOTIFS

Conçu au Bénin et publié aujourd’hui en France, ce bijou éditorial invite à la découverte du LANGAGE SECRET DU WAX. BIEN QUE NON EXHAUSTIVE, cette encyclopédie de près de 300 pages recense le wax sous toutes ses formes. Via des textes concis et poétiques, enrichis de belles images, les auteurs présentent au fil des chapitres les tissus et leurs significations. Véritable langage visuel, ces motifs nous parlent d’amour, de vie quotidienne, de nature ou encore d’animaux. Conçu par Marie-Cécile Zinsou, fondatrice de la Fondation Zinsou au Bénin, l’historien Gabin Djimasse et Sophie Douay Zinsou, l’ouvrage a été publié pour la première fois en 2019 à Cotonou. Et paraît donc en France pour une troisième édition avec le soutien de la galeriste et éditrice parisienne Clémentine de la Féronnière. À noter que dans sa boutique, la Fondation Zinsou en propose une version plus maniable et fun: trois mini-livres avec une couverture en wax, dédié chacun à une thématique précise, et entièrement réalisés au Bénin. ■ Luisa Nannipieri 10

Elle est née d’une mère Inuk au nord du Québec et, depuis une quinzaine d’années, s’est imposée comme une icône des voix autochtones. Ce dont témoigne ce superbe nouvel album dans lequel elle reprend, dans sa langue maternelle, l’inuktitut, Blondie, Queen, Pink Floyd ou encore Cyndi Lauper. D’une grande élégance et d’une grande singularité, il souhaite jeter des ponts artistiques entre des cultures a priori aux antipodes, tout en revenant sur les méfaits du colonialisme auquel Elisapie a assisté, enfant.

❸ Niofar

Melting Potes, Dora Dorovitch Voilà un premier album prometteur, attachant même, enthousiasmant dans tous les cas. Imaginé en dix jours par un collectif d’artistes français et sénégalais à Louga, au Sénégal, mué par un discours pacifique polyglotte (du peul à l’occitan!) et dénonçant les inégalités sociales et raciales, Melting Potes met en lumière le pouvoir expressif du balafon, de la kora ou des percussions mbalax… Sans oublier son terreau: le hip-hop. ■ Sophie Rosemont

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B E AU L I V R E

Inuktitut, Yotanka


AUGURE (Belgique-RDC), de Baloji.

Avec Marc Zinga, Lucie Debay, Eliane Umuhire. En salles. FILM

DE TOUTES LES COULEURS

TOSALA FILMS - DR

La folie chromatique d’un cinéaste belgo-congolais EXPLOSE SUR GRAND ÉCRAN dans un film tourné en RDC, à la fois comédie, drame familial et western, entre magie noire et guerre des gangs en rose. Osé et stylé ! UNE GOUTTE DE SANG tombe sur un bébé et toute une famille est confortée dans son idée: l’homme qui a vu ainsi son nez saigner mérite bien sa réputation de sorcier, même s’il souffre en réalité d’épilepsie. C’est qu’une marque sur la joue (un zabolo, «la tâche du diable») l’a rendu suspect depuis sa naissance. Parti vivre en Europe loin de ces croyances, Koffi (incarné par l’impeccable Marc Zinga) y est confronté de nouveau dix-huit ans après, en revenant en République démocratique du Congo (RDC) présenter à ses proches sa femme belge et blanche, enceinte de jumeaux. Ce n’est pourtant pas l’histoire d’un retour au pays, car on suit le destin de trois autres personnages: sa sœur Tshala, mal vue elle aussi par la famille parce qu’elle ne veut pas d’enfant, sa mère, qui a du mal à se délivrer d’un mari toxique, et Paco, enfant des rues qui se joue des accusations de sorcellerie dans une guerre des gangs en guenilles roses. Derrière la caméra: Baloji, dont le nom en swahili signifie «sorcier»… Le réalisateur natif de Lubumbashi AFRIQUE MAGAZINE

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est surtout un magicien de l’image, venu du rap, de la mode et du graffiti. Acteur et musicien, cet auteur multiforme qui a grandi en Belgique, exploite dans ce premier long-métrage culotté (après quatre courts déjà réalisés en RDC) tous les genres cinématographiques: du western à la comédie musicale, en passant par le drame familial ou le film de gang, largement saupoudré de magie et de poésie colorée. Baloji, qui se définit comme «synesthète», explique que, pour lui, «tout est connecté aux couleurs. Bruits, ambiances… tout a une couleur dans [s]a tête». Résultat: les vêtements, les filtres sur l’image, les lettrages des mots qui surgissent à l’écran contribuent à cet opéra moderne, vif et généreux, bouillonnant, jusqu’à brouiller parfois les messages rendant justice aux femmes ou à la créativité de la jeunesse de Kinshasa. Prix de la nouvelle voix au dernier Festival de Cannes dans la sélection officielle Un certain regard, Augure a été choisi par la Belgique pour la représenter dans la course aux Oscars… ■ Jean-Marie Chazeau 11


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ON EN PARLE

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MUSIQUE

OKO EBOMBO D’émotion et de liberté

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Ce troubadour semblant TRAVERSER ÉPOQUES ET CONTINENTS nous livre un disque riche d’un parcours pluridisciplinaire. «PARIS, MA VILLE, MON AMOUR», chante-t-il sur la première piste de son excellent premier album, avant de rappeler que la capitale française est aussi capable de brûler – Paris Is Burning, un joli clin d’œil au voguing, porté par un crescendo sonore prompt à la transe. Une transe brève certes, car le morceau ne dure guère plus de 3 minutes et 27 secondes (et aucun des suivants n’est de longue durée), mais intense. On se laisse porter par la voix, profondément soul et peu apprêtée de ce musicien français d’origine congolaise, et pléthore d’instrumentistes qui l’entourent – trompettiste, tromboniste, claviéristes ou encore batteurs… Le tout enregistré dans le studio Boombass, sous la houlette de feu Philippe Zdar qui l’a encouragé à se lancer dans l’enregistrement de Free Emotion, après un premier AFRIQUE MAGAZINE

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EP plus que prometteur, Naked Life. À l’origine était la danse, puis, il y a une quinzaine d’années, le chant s’est imposé comme un nouveau médium à explorer dans toutes ses possibilités. Notamment au sein de collectifs parisiens, tels PainOchoKolat ou 19, et de projets, comme Vizioneer, qui défend le concept de «poésie action». Avec sa proposition solo, Oko Ebombo convoque son amour pour la rumba congolaise, la pop synthétique, le jazz, le blues ou encore le funk, sans chercher à plaire, mais plutôt à libérer ses émotions… comme l’indique le nom du disque! Sur «Nalingo Yo», il déclare son amour en lingala à sa mère. Sur «Celebrate», où l’on peut sentir l’influence d’une Sade, il appelle à plus que vivre son existence, à la savourer. «Ordinary Love», au clip tourné dans le désert marocain, est une ode à l’altérité. Enfin,

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OKO EBOMBO, Free Emotion, Mokili. le contemplatif «Diamond» clôt ce voyage tant artistique qu’affectif, riche du vécu d’un artiste complet qui, proche de la quarantaine, ne veut plus laisser passer d’occasions de chanter ses «amours au sens large». Et nous conquiert par la même occasion. ■ S.R. 13


ON EN PARLE

MARGUERITE ABOUET ET CLÉMENT OUBRERIE, Aya de Yopougon, tome 8,

Gallimard, 104 pages, 18€. BD

CHRONIQUES IVOIRIENNES

POUNDO

DAKAR FEVER

Le nouvel opus de la MUSICIENNE FRANCO-SÉNÉGALAISE aux origines bissau-guinéennes est explosif ! ON LE SAIT DÉJÀ, Poundo sait tout faire: chanter, écrire, composer, danser, rapper, et même créer des vêtements. Une artiste pluridisciplinaire qui, après le succès de son album We Are More, est vite retournée plancher sur de nouveaux morceaux. En témoigne un single imparable, «Wautin B’Nautz», qui mixe l’amapiano et la culture manjak. Enregistré entre le Sénégal et la France, le bien nommé EP Home a été confectionné aux côtés des beatmakers PassaBeatz et JeussHitmaker. Et ça groove comme jamais, puisant dans une urbanité fiévreuse et audacieuse (le rap du morceau-titre n’est pas de ceux qui font des compromis), où la danse se vit, mais est aussi source de réflexion sur le monde dans lequel on évolue, contre vents et marées. Puissant! ■ S.R. POUNDO, Home, Poundo And The Bubus. 14

SUR LA COUVERTURE, un large bonhomme en costume, mallette et bouteille de whisky à la main, traverse le hall, implacable. Bonaventure Sissoko n’est autre que le patron de la société Solibra, une bière locale. Derrière lui, trois personnages donnent le ton. L’un, sourire carnassier, son fils caché, est devenu le DRH de l’entreprise. L’autre, mains jointes, la peur au ventre, intrigue. La troisième, grandes créoles aux oreilles, bras croisés, semble exaspérée: c’est Aya, l’héroïne de la bande dessinée «aux 800000 lecteurs», dont la saga, commencée en 2005, traduite en 15 langues et adaptée en film d’animation en 2013, n’a rien perdu de sa verve. Illustrés par la justesse du trait de Clément Oubrerie, les propos de Marguerite Abouet retranscrivent encore une fois avec humour les péripéties du quotidien abidjanais: le rapport à l’argent, à l’alcool, aux tabous, notamment la polygamie, l’homosexualité ou les sans-papiers… Loin des clichés. Et sans concession. ■ C.F. AFRIQUE MAGAZINE

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KACHKACH - DR (3)

ALBUM

Le huitième tome des aventures D’AYA DE YOPOUGON ne faillit pas à sa réputation. Et frappe juste.


L I T T É R AT U R E

KIPLING

OU LA VIE SAUVAGE

PICTORIAL PRESS LTD/ALAMY - DR

À la fois célèbre et mal connu, Le Livre de la jungle livre ses secrets dans un tirage spécial illustré de la collection « LA PLÉIADE », enrichi de 12 récits étiologiques et de poèmes inédits. PEU DE TEXTES interrogent aussi bien les méandres de l’humanité. Et les aventures de Mowgli, popularisées par le film de Walt Disney, en 1967, schématisent la richesse des contes et des chants poétiques qui composent les Livres de la jungle de Rudyard Kipling – on oublie parfois qu’un Second Livre de la jungle a suivi le premier, paru en 1895, à un an d’intervalle. Ce qui est intéressant, c’est que le personnage du «petit d’homme» n’est pas l’élément central du livre. Cette bible de la selve est d’ailleurs portée par un court texte, Comment vint la peur, placé à l’ouverture du Second livre. L’éléphant Hathi y évoque l’âge d’or de la jungle, la manière dont il y a été mis fin, et la création d’une «loi», rendue nécessaire par la violence qui règne désormais dans ce paradis perdu: «La loi de la jungle, qui est de loin la plus ancienne du monde, a prévu presque tous les accidents qui peuvent arriver au peuple de la jungle…» Dans ce récit initiatique, riche en symboles, les héros expriment les sentiments fondamentaux et possèdent les qualités primaires de l’humanité. Les animaux, quant à eux, ont la complexité et l’ambiguïté des humains. Un monde tourmenté, plus que jamais d’actualité, où tous, sans exception, sont soumis aux lois de la jungle. Souvent controversé, colonialiste, impérialiste, colérique, l’auteur de cette fable, prix Nobel de littérature en 1907, n’en reste pas moins un conteur de génie, à l’imagination sans limites. Même s’il faut parfois lire entre les lignes de son œuvre, à la fois politique et philosophique, ce sont certainement la quête d’identité et la question de la destinée qui l’articulent. Durant toute sa vie, l’écrivain britannique a montré une passion pour les contrées lointaines, et pour l’Inde en particulier, où il est né et a passé ses premières années. Avec «Si» – «Tu seras un homme, mon fils» –, poème légendaire sur la filiation et la transmission, et la nouvelle L’Homme qui voulut être roi, Kipling reste, sans aucun doute, l’un des auteurs les plus populaires de la fin du XIXe siècle jusqu’au milieu du XXe siècle. ■ C.F. RUDYARD KIPLING, Le Livre de la jungle,

La Pléiade, 944 pages, 66 €.

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ON EN PARLE ES SAI

À feu et à sang Dans cette grande fresque historique, Amin Maalouf nous éclaire sur les enjeux des conflits en cours.

PLACE AUX JEUNES!

Le décapant DOCUMENTAIRE d’un étudiant tourné au cœur de l’université de Bangui… «DÉGAGE, TU AS ASSEZ VOLÉ», chante Rafiki Fariala contre les nombreux professeurs de l’université de Bangui qui abusent de leur position… Auteur de slams, ce jeune réalisateur de 23 ans s’est fait remarquer à la Berlinale en février dernier avec son premier long-métrage. Natif de République démocratique du Congo mais tôt réfugié en Centrafrique avec ses parents, il y poursuit des études d’économie et de gestion dans des conditions qu’il dénonce avec malice, prenant sa caméra pour filmer trois amis, véritables personnages de son documentaire en immersion. On les voit se lever à 3 heures du matin pour être sûrs d’avoir une place dans un amphi surpeuplé, raconter la corruption dont ils sont victimes, ou fabriquer et vendre des yaourts sur le campus pour quelques francs CFA… La parole est aussi donnée aux étudiantes, victimes de viols, de grossesses non dési désirées, «bloquées» dans leur parcours universitaire quand elles refusent de coucher avec un prof. La colère est rentrée mais évidente contre la vieille génération, qui tient les manettes du pouvoir et du savoir, et n’hésite pas à dire aux étudiants d’aller voir les filles du lycée pour leur laisser celles de l’université… ■ J.-M.C. NOUS, ÉTUDIANTS! (République centrafricaine-France-RDC), de Rafiki Fariala. En salles. 16

ses questionnements. À travers le bouleversement qui affecte notre mode de vie et remet en cause les fondements de notre civilisation, le secrétaire perpétuel de l’Académie française, depuis 2011, retrace les itinéraires chaotiques des trois pays qui se sont dressés face aux Occidentaux, depuis deux siècles: le Japon, la Russie et la Chine. Sans oublier d’évoquer les États-Unis, leurs opposants. Un ouvrage alarmant. Mais pas désespéré. ■ C.F.

PREMIER ROMAN

Corps à corps Un récit sur la question du désir et du pouvoir destructeur des hommes et du conformisme.

À 25 ANS, Salma El Moumni explore tout ce que le corps révèle de soi, de l’autre, de la société, de l’humanité tout entière. À travers l’histoire d’Alia, tiraillée entre instinct, frustration et bravade des interdits, la jeune romancière marocaine n’hésite pas à dévoiler les facettes plurielles que le désir, le fantasme, l’attirance et l’ostracisation induisent. Pour l’héroïne, très consciente de ses formes, de sa féminité et de ce qu’elles provoquent, surtout dans les rues de Tanger, et dans la relation avec son père, il s’agit à la fois AFRIQUE MAGAZINE

SALMA EL MOUMNI, Adieu Tanger, Grasset,

180 pages, 18€.

d’une énigme et d’un danger. Cette présence charnelle, la sienne, devient alors le terrain d’une introspection et d’une mise en abîme. Où se prendre en photo, se regarder dans le miroir, jouer avec son corps et quitter son pays bouleversent toute sa vie. Tanger est dans ce livre un personnage à part entière. Une ville déchirée entre la passion et le «silence de la soumission». ■ C.F. I

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MAKONGO FILMS KIRIPIFILMS - DR (3)

T É M O I G N AG E

EN EXERGUE, l’écrivain franco-libanais cite Faulkner: «Le passé ne meurt jamais. Il ne faut même pas le croire passé.» Des propos tirés de Requiem pour une nonne, paru en 1951, qui explore une relation troublante entre deux femmes. Un entrelacs entre passé et présent, secrets et suspense, auxquels Amin Maalouf fait écho dans son examen méticuleux du destin des grandes puissances du XXe siècle. Les motivations des protagonistes et les étranges paradoxes de notre époque devenant le fil rouge de

AMIN MAALOUF, Le Labyrinthe des égarés: L’Occident et ses adversaires, Grasset, 448 pages, 23€.


RY T H M E S

ONIPA Mix humaniste

Le quartet londonien revient avec une ODYSSÉE MUSICALE nourrie par l’amitié de ses fondateurs et les rites africains ancestraux.

ONIPA, Off The Grid,

Real World Records.

XXXXXXXXXXXXXX NELSON AUTEFAULT

IL ÉTAIT UNE FOIS UNE RENCONTRE, celle de Kweku of Ghana (aussi connu sous le nom de K.O.G.) et Tom Excell, à la tête de Nubiyan Twist et d’un studio à Oxford. Le nouveau spécimen de leur quartet Onipa, l’excellent Off The Grid, cultive leur entente amicale et artistique: «Avec Kweku, nous travaillons ensemble depuis plus de dix ans, nous explique Tom Excell. Nous comprenons viscéralement nos processus d’écriture et notre voyage créatif respectif. Cette alchimie a toujours été fructueuse et fluide, quasi télépathique.» Cela s’entend dans ces nouvelles chansons, qui poursuivent l’objectif d’Onipa (dont le nom signifie «humain» en langue twi): «Nous sommes toujours à la recherche de nouvelles façons d’explorer la musique folklorique africaine dans un contexte moderne. Au cœur d’une époque passionnante qui voit l’afrobeat et l’amapiano célébrés dans le mainstream, cet album vise à fusionner des influences moins connues: ogene et broken beat, le blues du désert avec la trap. Notre album représente la liberté que la musique nous confère pour échapper aux grilles technocratiques, sociales et économiques qui nous oppriment.» ■ S.R.

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ON EN PARLE La créatrice est née à Abidjan et a étudié la couture à Beyrouth.

Le design de cette robe tressée apporte une touche originale à une silhouette chic et décontractée.

MODE

RENWA YASSIN

La collection « Mami Wata », rend hommage à la divinité aquatique africaine.

FLUIDITÉ SANS COMPLEXES EN 2022, elle a été l’une des finalistes du Fashion Trust Arabia dans la catégorie prêt-à-porter. Cette année, sa marque Renwa a été présentée pour la première fois au Milan Fashion Hub durant la semaine de la mode. Dans la foulée, elle était à Paris aux côtés de Lafalaise Dion et Kente Gentlemen, au sein du showroom organisé à l’occasion de la Fashion Week par la société d’investissement dans le luxe africain Birimian, qui célébrait la richesse des marques du continent. Elle, c’est Renwa Yassin, styliste libano-ivoirienne et étoile montante de la nouvelle garde créative africaine. Fière de sa double culture – elle est née à Abidjan et a étudié la couture à Beyrouth –, elle mélange dans ses créations des motifs et des techniques puisés dans l’environnement méditerranéen et du continent. Sa dernière collection, la très fluide « Mami Wata », rend hommage à l’esprit de l’eau qui, dans le folklore africain, est souvent représenté comme une femme 18

magnifique et élégante, habillée avec des vêtements et des bijoux traditionnels. D’où le choix d’employer du coton tissé et teint à la main, avec des pigments naturels, par ces mêmes villageois qui célèbrent la divinité et sa promesse de prospérité. Les perles artisanales évoquent les tenues des jours de fête et les détails tressés les longs cheveux dénoués de l’esprit. Parmi les pièces de la collection, qui jouent avec les transparences et les couleurs, la robe tressée verte et blanche est particulièrement vivante. Son design unique apporte une touche originale à une silhouette chic et décontractée. Depuis son lancement, en 2019, Renwa promeut une mode éthique et durable. Dans ses ateliers, au Liban et en Côte d’Ivoire, on travaille avec des fibres naturelles et locales, comme le raphia, le coton et le lin bio, le tencel (produit à partir de pulpe de bois) ou le polyester recyclé. Dans un effort anti-gaspillage, elle n’hésite pas non plus à réutiliser les textiles d’une collection à l’autre, sans pour autant renoncer à la créativité. renwayassin.com ■ L.N. AFRIQUE MAGAZINE

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La styliste libano-ivoirienne est une ÉTOILE MONTANTE qui joue habilement avec les codes du continent et d’ailleurs.


CESÁRIA ÉVORA, LA DIVA AUX PIEDS NUS (Portugal), d’Ana Sofia Fonseca. En salles.

D O C U M E N TA I R E

Les perles artisanales évoquent les tenues des jours de fête.

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Les pièces sont fabriquées avec des fibres naturelles et locales, dans une démarche éthique et durable.

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LA DIVA DES SANS-VOIX Des archives intimes inédites racontent l’incroyable destin de CESÁRIA ÉVORA, chanteuse de bar devenue une véritable icône africaine.

ELLE N’A JAMAIS AIMÉ LES CHAUSSURES, et c’est donc pieds nus que Cesária Évora a arpenté avec succès les plus grandes scènes internationales, chantant la morna, le blues de son Cap-Vert natal. Dans ce superbe montage d’archives retrouvées récemment chez ses proches, on suit la chanteuse aussi bien à Cuba qu’à Paris, New York, et jusqu’en Australie, filmée dans sa vie quotidienne au fil d’une carrière tardive: elle a enregistré son premier disque (en France) à 46 ans, en 1987, et sa chanson «Sodade» est devenue un tube planétaire cinq ans plus tard. Son «petit pays», comme elle le chantait, n’était jamais loin: elle se débrouillait pour déguster dans sa loge de la cachupa, le plat national cap-verdien, où qu’elle se trouve dans le monde! Fidèle également à ses origines misérables (les pieds nus, c’était aussi pour ne pas l’oublier), distribuant des billets de banque, et laissant sa porte ouverte à ceux qui cherchaient à manger. D’étonnantes scènes nous montrent sa maison de São Vicente pleine de monde, pendant qu’elle cuisine. Une femme forte avec ses zones d’ombre, qui ne sont pas cachées, comme son addiction à l’alcool. La force du film est d’avoir contextualisé cette masse d’images totalement inédites par des témoignages en voix off de ses proches, que l’on ne voit que sur les clichés d’époque. C’est comme si l’on accompagnait Cesaria Évora durant des décennies, de sa vie de femme noire sous le joug colonial quand elle était chanteuse de bar, jusqu’au culte qui lui est voué depuis trente ans. On approche ainsi au plus près d’une diva à la voix unique, héroïne généreuse de tout un peuple, qui défendait également très farouchement sa propre liberté. ■ J.-M.C. 19


ON EN PARLE

De haut en bas, The Zamose Reunion, Lagon noir et Boubacar Traoré.

NOMADE ET INCANDESCENT

ÉVÉNEMENT

LES MUSICIENS DE TOUS BORDS, venus d’Afrique et des Caraïbes, vont s’emparer des scènes de Seine-Saint-Denis et du nord-est parisien: d’Oumy Gueye, plus connue sous le nom d’OMG, figure de la musique urbaine féminine sénégalaise et farouche opposante aux violences conjugales et sexuelles et aux mutilations génitales, à sa compatriote Josiane Coly, surnommée Jozie, aux fusions innovantes, loin des codes et du politiquement correct, en passant par le jeune artiste kenyan Kabeaushé, oiseau rare dans le paysage des musiques électroniques… Engagé, parfois hors de contrôle, toujours novateur, le festival hybride, fondé en 1989 par Philippe Conrath, ancien journaliste de Libération devenu patron de label musical, et dirigé par l’agrégé de philosophie et ex-chanteur lyrique Sébastien Lagrave, est un concentré de tout ce qui compose aujourd’hui la scène musicale africaine. À l’aune du message véhiculé par le collectif d’artistes et de vidéastes nomades, Mix ta race, solidaire de la parole fondatrice de Frantz Fanon: «Ô mon corps, fais de moi toujours quelqu’un qui interroge…» ■ C.F. AFRICOLOR, Île-de-France, du 17 novembre au 24 décembre. africolor.com

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MATEI BABU SHIRIMA - SAMUEL MALKA - N’KRUMAH LAWSON DAKU - DR

La 35e édition du festival francilien AFRICOLOR détonne et percute. Avec brio.


DESIGN

Aklill Le lifestyle éthiopien Cette JEUNE MARQUE propose des tapis innovants et contemporains, aux lignes graphiques.

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EN AMHARIQUE, le mot «aklill» («couronne») est un symbole de richesse, de pouvoir et d’élégance. C’est pour cette raison que la jeune entrepreneuse Yididiya Damtew l’a choisi il y a trois ans pour lancer sa marque de produits lifestyle réalisés artisanalement en Éthiopie. Aklill Company souhaite incarner la fusion entre patrimoine culturel et ressources locales, en créant des accessoires de décoration, qui sont également de véritables œuvres d’art. Elle propose notamment des tapis d’exception, réalisés avec une esthétique contemporaine et des lignes graphiques qui évoquent les caractères de l’alphabet éthiopien, les silhouettes d’instruments musicaux traditionnels ou encore les éléments naturels. Comme le modèle Adey Abeba, qui a récemment été utilisé par les autorités lors de cérémonies officielles pour remplacer le tapis rouge. Avec ses fleurs jaunes qui caractérisent la période du nouvel an (11 septembre), il est aussi le parfait symbole de l’hospitalité éthiopienne. Pour créer des pièces uniques, les artisans mélangent les techniques (tissage, nouage et fabrication à la machine) et les matières. Les tapis sont réalisés en laine et en bambou, une ressource locale et durable encore très peu exploitée, qu’Aklill contribue à valoriser. aklill.com ■ L.N.

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ON EN PARLE

Très convivial, Chez Oumy est dédié à la cuisine du Maghreb. Ci-dessous, Dumenu propose des plats traditionnels et revisités.

SPOTS

DEUX TABLES À LOMÉ MIRA FERDJANI est originaire du sud de l’Algérie, mais elle vit depuis longtemps à Lomé, où tout le monde l’appelle Oumy («maman» en arabe). Parce qu’avec elle, on se sent toujours à la maison. Ce sens de l’hospitalité est l’un des atouts de Chez Oumy, son restaurant dédié à la cuisine du Maghreb, ouvert fin 2020. Ici, les clients locaux et internationaux sont accueillis avec un thé à la menthe par une petite équipe très soudée. Et se régalent avec un couscous frais, à base de semoule roulée à la main dans le sud de l’Algérie et assaisonnée avec des épices de choix. La carte prévoit aussi du méchoui au riz jaune, des bricks, des salades et une variété de desserts: des crêpes mille trous (baghrirs) au m’semen, sans oublier la délicieuse mousse au chocolat praliné. Convivial et délicieux! chez-oumy.business.site 22

Ambiance plus arty chez Dumenu, ouvert fin 2021 par l’entrepreneuse passionnée de cuisine Lauretta Ajavon au sein de la Maison Bagui. Fidèle à son nom, qui veut dire «du terroir», «de mon pays», ce spot gastronomique propose des plats traditionnels ou revisités et quelques mets internationaux. La carte Passion Togo rend hommage à la cuisine locale avec le yébésséssi, un concassé de tomates avec poisson grillé, frit ou séché, le grand classique gboma dessi et sa délicate sauce épinards, ou encore un fonio aux petits légumes et des saucisses locales servies avec une pâte de farine de manioc. À savourer en regardant des œuvres d’artistes togolais, qui changent régulièrement, pour terminer avec un verre de whisky au très bon bar de la maison. ■ L.N. AFRIQUE MAGAZINE

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Dans la CAPITALE TOGOLAISE, on déguste aussi bien des plats algériens, préparés comme à la maison, que DE LA CUISINE GASTRONOMIQUE fraîche et locale.


ARCHI

Au royaume des navires

Le nouveau terminal de croisières de Durban offre une imposante PORTE D’ENTRÉE À LA VILLE depuis la mer.

MAXINE

LE DÉVELOPPEMENT DU PORT de Durban et de son front de mer fait partie intégrante du plan de relance du secteur touristique entrepris par l’Afrique du Sud. La ville, qui mise sur l’expansion du marché des croisières dans la région, a inauguré en 2022 le nouveau terminal international Nelson Mandela, conçu pour accueillir 6000 passagers par jour et servir de centre de conférence hors saison. Construit par l’agence durbanaise Elphick Proome Architecture avec un budget de plus de 9 millions d’euros, il a été imaginé comme une véritable porte d’entrée au royaume des Zoulous. Sa dimension (environ 6400 m2) et son esthétique provocante mais manifestement africaine font de ce bâtiment un point de repère dans un quartier en pleine rénovation urbaine. Inspirés par les textures vibrantes et les traditionnels motifs triangulaires de l’artisanat zoulou, les architectes ont enveloppé le terminal d’une canopée pluridimensionnelle aux couleurs terreuses, qui assure la ventilation naturelle. Les formes géométriques décorent également le haut plafond en bois des halls voyageurs et les murs intérieurs. L’inclinaison du toit guide le regard des passagers, à l’arrivée comme au départ, à travers la grande verrière qui donne sur un auvent d’entrée en porte-à-faux. Elle encadre le port, d’un côté, et les façades victoriennes rajeunies du quartier historique, de l’autre, créant une connexion visuelle entre la mer et la ville. eparch.co.za/practice ■ L.N.

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PARCOURS

Carlos G. Lopes LE CHANTEUR FRANCO-CAPVERDIEN

embrasse la richesse de sa double culture dans son dernier album. Avec son écriture poétique, il livre une critique sociale au rythme d’une musique nourrie des traditions de son archipel. par Astrid Krivian

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’est une lumière, un ciel, la couleur de ses rêves, une géographie intérieure, l’azur de ses deux pays de cœur: son Cap-Vert natal, entouré par l’Atlantique, et la France, où il a grandi – à Nice, en bord de Méditerranée. Avec son deuxième album, Azul («bleu»), le chanteur et compositeur explore la richesse de sa double culture, en créole et en français. Enracinée dans les expressions de sa terre natale, comme la douce mélancolie de la morna, l’énergie tellurique du batuque ou la fièvre dansante du funaná, sa musique déploie ses ailes pour se tisser à la pop, au rap, au jazz, à l’électro. Celui qui scande «La vie est belle / Quand la rime est créole» est l’héritier d’une tradition poétique, d’un art oratoire: enfant, il a été bercé par les métaphores et les formules de sagesse de son grand-père, poète du quotidien. Carlos G. Lopes sculpte ainsi son langage imagé, choisit ses mots pour alerter sur la dérive du monde gouverné par l’argent, ou confier sa sodade, sa nostalgie. «Je pense au Cap-Vert de mes origines, de mes aïeux. Je fantasme ce pays. C’est un mélange de tristesse et de joie. Par la musique, je photographie ces souvenirs, la vie nous filant entre les doigts.» Sur l’île de Santiago, il vit une enfance rurale et paysanne, où l’on se nourrit des récoltes – en priant le ciel pour que la pluie advienne –, où l’on apprend le respect de la nature, la patience. À 8 ans, alors que ses parents sont partis en France pour travailler, Carlos s’interroge: «Est-ce que ma mère voit les mêmes étoiles que moi ?» Il va vite trouver une consolation, et même une passion: la musique. Quand son oncle, émigré à Lisbonne, rentre au village avec des vinyles de Bob Marley sous le bras, c’est l’électrochoc: «Cette voix qui sortait de nulle part, ce disque qui tournait… Moi aussi, je voulais être écouté ainsi!» Après l’école, tandis qu’il ramasse la paille pour nourrir les bêtes, il fredonne les mélodies d’Alpha Blondy, Lucky Dube, Loketo, Pepe Kalle… À 10 ans, il rejoint ses parents à Nice. À la maison, la platine familiale diffuse les grandes voix africaines. Adolescent, il s’initie au clavier, prend des cours de chant, monte un groupe. Et enregistre une chanson dans une maison de la jeunesse et de la culture. À 20 ans, sa vocation artistique s’impose à lui: il quitte les bancs de la faculté de sociologie pour le conservatoire de musique, où il travaille d’arrache-pied. «J’ai compris l’importance de l’effort, de la rigueur, de l’assiduité pour progresser. Il ne s’agit pas juste de talent», observe l’artiste qui a aussi appris de ses parents : «Ils m’ont transmis la valeur du travail. Ma mère se levait à 5 heures du matin et rentrait à 19 heures. Mon père était en déplacement, rentrait le week-end. J’avais conscience qu’ils se démenaient pour nous; je devais assurer.» Jazz, musiques actuelles, puis chant lyrique… Sa voix se forge, se métamorphose. Et il poursuit ses études au conservatoire de Paris. En 2017, il enregistre un premier album, Kanta Pa Skece («chanter pour oublier»). Aujourd’hui, il a à cœur de transmettre son art à des enfants défavorisés au Cap-Vert, auxquels il manque l’accès à l’enseignement musical: «J’aimerais qu’ils découvrent la joie de s’exprimer en public.» ■ Azul, Pilar Records/Inouïe Distribution. En concert le 1er décembre au Studio de l’Ermitage, à Paris.


«J’ai compris

l’importance de l’effort pour

BÉRENGÈRE PORTELLA

progresser. Il ne s’agit pas juste de talent.»


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C’ESTCOMMENT ?

PAR EMMANUELLE PONTIÉ

DOM

INDUSTRIALISER, POUR QUI? Le continent a connu sa période de grands travaux et du BTP roi. Les projets de routes et la création d’infrastructures étaient sur toutes les lèvres, dans tous les programmes politiques. Aujourd’hui, cette phase semblant être achevée (en partie seulement dans certains pays), on peut estimer que les bases pour un développement durable ont ainsi été posées. Le nouveau credo, c’est l’industrialisation. En la matière, l’Afrique est la région du monde la moins bien lotie. Sa contribution à la valeur ajoutée manufacturière au niveau mondial stagne à 1,8% et a même diminué depuis 2014. À juste titre, les gouvernements multiplient les programmes incitateurs pour leur secteur privé, les institutions financières internationales financent à tour de bras, comme la Banque mondiale à coups de milliards de dollars. Évidemment, l’Afrique doit cesser d’être un vivier de matières premières transformées ailleurs. Elle doit générer chez elle de la valeur ajoutée, créatrice d’emplois et de revenus. Assister à une pénurie d’essence dans un pays d’Afrique centrale producteur de pétrole n’est plus tolérable… Mais en parallèle aux programmes boosters de manufacturing, il faudrait mener une sensibilisation des populations sur le «consommer local». Les rares usines de jus de fruits produisent des flacons aux saveurs locales qui sont loin d’être les premiers sur les tables africaines. Souvent, on continue à privilégier les marques étrangères, qui font plus chic. Idem pour les nations productrices de cacao, dont la vente de tablettes de chocolat ou d’œufs de Pâques ne décolle pas. Avant même d’accéder aux marchés extérieurs, la consommation intérieure devrait d’abord privilégier les produits du cru. C’est le cas de tous les pays du monde. Aux États-Unis, on aime d’abord le ketchup fabriqué dans le pays. Idem en France pour les parfums ou la haute couture: la french touch est la plus appréciée. D’autant plus que l’exportation des produits finis africains, ce n’est pas encore pour demain. À part trois chips de bananes pour apéros bobos ou quelques paniers mossis colorés que l’on trouve dans des boutiques de commerce équitable, ils ne sont pas légion dans le commerce de masse hors du continent. Le monde n’attend pas l’Afrique. Il faut qu’elle se batte pour exister. Et la plus-value faite en Europe l’arrange, évidemment. Le cas le plus emblématique est celle d’un gouverneur du Kasaï-Occidental, en RDC, région qui regorge de diamants, qui a décidé de créer une usine de taille sur place. Résultat, les acheteurs d’Anvers, la place mondiale du business de la pierre précieuse, ont menacé d’aller s’approvisionner ailleurs. Bref, la route sera longue. Mais le développement durable du continent ne pourra se faire sans le manufacturing, la transformation et l’industrialisation. Donc il faut foncer. Et les Africains, déjà, doivent comprendre que le premier marché pour leurs produits, c’est eux. ■ AFRIQUE MAGAZINE

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