CÔTE D’IVOIRE 2011-2020: LE TEMPS DE L’ÉMERGENCE

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dossier paru dans le n° 402 mars 2020

Le siège de la Banque africaine de développement (BAD), à Abidjan.

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nabil zorkot

côte d’ivoire

2011-2020 Le temps de l’Émergence Croissance, investissements, infrastructures, entrepreneuriat, inclusivité… Le pays renoue avec l’ambition et retrouve sa place de leader.


Un nouveau

départ

Avec l’arrivée au pouvoir d’Alassane Dramane Ouattara en mai 2011 et après deux décennies de crises multiples, le pays retrouve le chemin de l’unité et de l’ambition.

II

Le président ADO lors de sa cérémonie d’investiture, le 21 mai 2011, à la Fondation Félix Houphouët-Boigny, à Yamoussoukro.

Sia KAMBOU/AFP

O

n ne mesure peut-être pas aujourd’hui les défis auxquels a dû faire face la Côte d’Ivoire début 2011. À cette époque, elle est exsangue, épuisée par une double décennie de crises. Le décès du président Félix Houphouët-Boigny, le 7 décembre 1993, ouvre une séquence de profonde instabilité. Elle est affaiblie par la récession économique, la montée de la dette, le manque de réformes, ainsi que par la promotion du concept d’« ivoirité », selon lequel certains citoyens seraient plus ivoiriens que d’autres. Une politique dangereuse qui vise essentiellement à exclure du champ électoral Alassane Dramane Ouattara (ADO) et ses partisans réunis au sein du Rassemblement des républicains (RDR). Et contenir la supposée « influence des élites du Nord ». Le président Henry Konan Bédié est destitué par le fameux coup d’État de Noël, en décembre 1999. Et Laurent Gbagbo accède au pouvoir en octobre 2000. En septembre 2002, le pays est coupé en deux à la suite de la rébellion qui conduit à la partition du territoire entre 2002 et 2011, et à l’installation de l’Opération des Nations unies (Onuci) en 2004. Cette dernière a pour mission de faire appliquer les accords Kléber pris à Linas-Marcoussis, en France, un an auparavant. La crise atteint son apogée avec l’élection présidentielle de novembre 2010, reportée à plusieurs reprises depuis 2005. Laurent Gbagbo refuse de reconnaître la victoire d’Alassane Ouattara, alors élu avec 54,1 %. Le peuple est secoué par les agitations jusqu’à la prise de fonction de ce dernier en mai 2011. « Ni guerre, ni paix »


III


LES IVOIRIENS en 2010 Population : 20,4 millions Population urbaine : 47,3 % Espérance de vie : 50 ans (f), 48 ans (h) Indice de développement humain :

35 en Afrique, 170e dans le monde Taux de pauvreté : 51 % e

Croissance démographique :

LES IVOIRIENS en 2018 Population : 25 millions (et plus de 30 millions en 2030) Population urbaine : 50,8 % Espérance de vie : 53 ans (F), 50 ans (H) Indice de développement humain :

35e en Afrique, 165e dans le monde Taux de pauvreté : 46,3 %

Croissance démographique :

2,59 % par an

2,59 % par an

Taux de mortalité infantile (pour 1 000 naissances vivantes) :

Taux de mortalité infantile (pour 1 000 naissances vivantes) :

Taux de scolarisation en primaire :

84,6

71,6

91,3 (f)/102,1 (g)

Taux de scolarisation en primaire :

Sièges occupés par les femmes au Parlement : 10,6 %

Sièges occupés par les femmes au Parlement : 8,9 %

Personnes utilisant Internet :

Personnes utilisant Internet :

2,7 %

Taux d’homicides (pour 100 000 personnes) :

Taux d’homicides (pour 100 000 personnes) :

Taux d’immigrés : 9 %

64,8 (f)/79,4 (G)

12,6

Taux d’immigrés :

26,5 % 11,6

10,3 %

UNE TRANSFORMATION ÉCONOMIQUE 2010 2018

2 %

Taux de croissance

8,8 %

24 milliards de $ PIB

43 milliards de $

26 %

Part de l’agriculture

20,8 %

23,8 %

Part de l’industrie

32,8 %

50,2 %

Part des services 46,3 % et autres activités

155 millions de $

Investissements directs étrangers

IV

675 millions de $

résume en peu de mots la fragilité de la nation à l’investiture du nouveau président, qui hérite d’un pays très affaibli, traumatisé par les violences, comme coupé du reste du monde. L’économie est à l’arrêt. Les armes circulent, les checkpoints sont nombreux. L’administration est disloquée. Abidjan et les autres agglomérations sont délabrées, menacées de coupure d’eau ou d’électricité. Tout est à reconstruire. RÉINVESTIR LE TERRITOIRE

L’État, pour pouvoir fonctionner, doit réinvestir le territoire. Les fonctionnaires, dans une grande majorité, ont dû abandonner leurs postes, les locaux ayant été dégradés. La mission du nouveau gouvernement est de stabiliser l’administration et de se réinstaller. En remettant en place les préfets, mais aussi les sous-préfets, en responsabilisant les autorités et les chefferies traditionnelles. Et en rouvrant les écoles. L’ensemble des services publics gagne progressivement l’intérieur du pays. Dès 2012, le maintien de la sécurité est assuré par le désarmement des milices armées. Soutenus par l’ONU, des accords ont été signés par les forces ex-belligérantes pour des opérations de désarmement, de démobilisation, de réinsertion des combattants des Forces armées des forces nouvelles (FAFN) et des Forces de défense et de sécurité (FDS) recrutés après le 19 septembre 2002. Ainsi, les militaires en exercice avant cette date devront regagner leurs casernes. La gestion de ce programme est confiée à une agence unique, l’Autorité de désarmement, de démobilisation et de réintégration (ADDR). Créée pour une durée de trois ans, celle-ci résultait d’une volonté présidentielle affirmée et était assortie d’un conseil national de sécurité, qui publiait les stratégies à suivre et définissait les objectifs. En 2017, les autorités ont présenté à l’ONU un bilan assez positif du dispositif. L’ADDR a aujourd’hui laissé la place à une structure plus adaptée, la Cellule de coordination, de suivi et de réinsertion (CCSR). Le rétablissement de la sécurité et de la paix civile a été un préalable indispensable pour redresser la situation. Il a fallu protéger


les frontières du pays, restaurer l’autorité de l’État et la cohésion nationale. Ce retour rapide des fonctions régaliennes a également nécessité d’importants travaux d’infrastructures sur le long terme tout en remédiant aux besoins immédiats, souvent vitaux, de la population. En 2012, l’urgence est à la réhabilitation des équipements de base, dont la vétusté pénalise l’économie et handicape gravement les citoyens dans leur vie quotidienne. Abidjan manque d’eau, les risques épidémiques sont réels. Le Programme présidentiel d’urgence (PPU) a permis d’utiliser des circuits directs de passation des marchés. Et d’enclencher les actions au plus vite. Le plan concerne de nombreux domaines, mais surtout la réfection des installations indispensables : les routes et les pistes, l’accès à l’eau potable et à l’électricité, la santé, l’éducation, la salubrité urbaine, l’agriculture…

dr

développer la cohésion sociale

Le PPU a ainsi participé activement à la cohésion sociale. Très rapidement, la capacité en eau de la capitale économique a été doublée. Par ailleurs, la construction de nouvelles voies à l’intérieur du territoire a favorisé la circulation des biens et des personnes. Mais il a aussi fallu répondre aux problèmes d’approvisionnement

alimentaire, rétablir les circuits commerciaux. Les visites présidentielles dans toutes les régions ont permis d’évaluer ces urgences. Le volume du plan a atteint plus de 700 milliards de francs CFA. Ce projet a également ouvert la porte à des programmes nettement plus ambitieux de restauration de la compétitivité, d’investissements dans les infrastructures, portée par le PND 1 (Plan national de développement) et le PND 2. En tout état de cause, la présidence d’Alassane Ouattara marque un véritable changement. En moins d’une décennie, la Côte d’Ivoire a retrouvé de l’unité et de l’ambition. Elle s’est lancée sur le chemin d’une croissance accélérée, et s’est aussi inscrite sur la voie d’un fonctionnement institutionnel normal. Le scrutin présidentiel de 2015, qui a vu la réélection confortable d’ADO, a confirmé ce processus de remise en marche. En 2016, une nouvelle constitution a éliminé les « clauses identitaires » et introduit un nouvel équilibre des pouvoirs. Tout n’est pas parfait. La dette du passé est lourde. Les blessures ne sont pas entièrement refermées. Mais cette sortie de l’abîme, cette reconstruction de la nation, ce retour à la paix et à l’ambition n’étaient pas acquis. Loin de là. ■

Un bureau de vote avant l’élection présidentielle de 2010.

L’urgence,

en 2012, est à la réhabilitation des équipements de base, dont la vétusté pénalise

l’économie.

V


une politique ambitieuse de développement Investissements dans les infrastructures, retour de la compétitivité, inclusion sociale… La Côte d’Ivoire a retrouvé sa place de leader régional.

O

n peut parler, sans aucun doute, d’un second miracle ivoirien. L’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara, en 2011, ouvre un nouveau cycle, fortement dynamique. « La paix comme préalable au développement, le développement pour renforcer la paix. » À l’orée de son premier mandat, le président a annoncé son objectif : faire entrer son pays dans l’émergence à l’horizon 2020. Dès lors, avec son gouvernement, il a mis en place les éléments d’une croissance forte et durable. Depuis la fin de la crise politique en 2011, l’économie a progressé à un rythme moyen de 8 % par an, avec un pic de 10,1 % en 2012. Le PIB est passé de 25 milliards de dollars en 2010 à 40 milliards de dollars en 2017. Une performance qui en fait l’un des États les plus dynamiques du monde sur cette période. L’économie s’appuie sur des secteurs solides : le cacao, les produits agricoles, l’énergie, les services, les ports… Le monde extérieur, les bailleurs de fonds et les investisseurs témoignent de leur confiance, que ce soit dans la réalisation de projets ou lors de la levée de capitaux sur les marchés. La Côte d’Ivoire s’impose à nouveau comme la locomotive de l’Afrique de l’Ouest, et Abidjan comme une grande porte d’entrée sur le continent. La perspective de l’émergence n’est plus tout à fait un slogan, et la dynamique semble durable. Des projets d’infrastructures majeurs sont en cours, comme le métro de la capitale économique. Dorénavant, l’objectif est de monter en gamme, dans l’échelle de valeurs : inciter à la transformation de produits, investir dans la formation et le savoir. Mais aussi dans de nouvelles filières, comme le tourisme et l’économie verte. VI

Cette croissance aura eu un effet transformateur sur le territoire, rendant possible une politique ambitieuse de grands travaux, un accroissement de la compétitivité de l’économie nationale, une élévation rapide des revenus­– en particulier en milieu urbain –, la consolidation d’une classe moyenne. Ce parcours d’émergence repose sur un triple défi : maintenir un rythme rapide et durable, instaurer une croissance plus inclusive (le taux de pauvreté s’élève encore à 46,3 %) et maintenir les paramètres d’une action fiscale et budgétaire équilibrée. Le PND, instrument d’action de l’État

Dans ce contexte, le Plan national de développement (PND) a été élaboré comme un « document maître » pour diriger la politique économique du pays. Il fixe la stratégie à suivre, encadre les grands paramètres du développement, détermine les priorités. Il s’agit aussi de poser les objectifs en matière d’investissements, d’établir la participation de l’État et de mobiliser les ressources extérieures auprès des partenaires et des bailleurs de fonds internationaux, multilatéraux, publics ou privés. Établi en deux phases (2012-2015 et 2016-2020), il est un instrument essentiel d’une croissance dynamique. Et pour assurer la concertation et la coordination de sa mise en œuvre, une Commission nationale de développement a été créée sous le haut patronage du président de la République. Ainsi, près de 10 milliards de dollars auront été engagés dans le PND 1. Les institutions internationales ont renouvelé leur confiance au gouvernement lors de la levée de fonds de la seconde phase, en 2016. Le montant des investissements attendus sur la

Chantier immobilier, à Abidjan.


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nabil zorkot


VIII

période s’élève à 30 000 milliards de francs CFA (60 milliards de dollars), dont 11 284 milliards (22,6 milliards de dollars) pour le secteur public – soit 37,6 % – et 18 716 milliards (37,4 milliards de dollars) pour le privé – soit 62,4 %. Le Fonds monétaire international a validé ce nouveau programme avec un apport de 658 millions de dollars. Les autorités ont aussi conclu un partenariat de suivi du PND 2 avec le centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Les infrastructures, clé de la compétitivité

L’importance de l’investissement financier dans les infrastructures est au cœur de la reprise de la croissance et du regain de compétitivité. Car à partir des années 1980, ce pays leader de l’Afrique de l’Ouest a pris du retard en matière de développement, et l’essor démographique a accentué les besoins. Dans les années 2000, cette perte de vitesse s’est confirmée : l’Afrique subsaharienne enregistrait une croissance

Sia KAMBOU/AFP

Usine de l’entreprise Brassivoire, dans la capitale économique.


de 5 %, alors que la Côte d’Ivoire stagnait à 2 %. Entre 1980 et 2010, le PIB par habitant a été réduit de moitié, passant de 1 800 à 900 dollars. Il a donc fallu restaurer la capacité de production, réinvestir dans les voies de communication, l’énergie, le désengorgement d’Abidjan, l’optimisation des grandes structures portuaires et aériennes… Il était indispensable de favoriser activement la circulation des personnes, des biens et de l’information. Cette politique budgétaire allouée aux installations et aux équipements a également eu un impact direct sur la croissance et l’emploi. Les partenariats public-privé (PPP) ont été choisis comme l’instrument essentiel de cette ambitieuse stratégie gouvernementale. Pour ce faire, un cadre légal a été mis en place en décembre 2012. Des programmes de formation pour les acteurs publics sur la passation des marchés et la structuration des PPP ont été nécessaires. Par ailleurs, l’État a renforcé le contrôle des commandes, à la fois en matière d’optimisation des coûts et de la qualité des travaux, mais aussi afin de mieux lutter contre la corruption. Les deux acteurs principaux dans cette réglementation sont la Direction des marchés publics (DMP), qui donne un avis de non-objection dans l’attribution des projets par les autorités contractantes, et l’Autorité nationale de régulation des marchés publics (ANRMP), qui intervient lorsqu’il y a des contentieux.

seibou traoré

La promotion de l’initiative privée

Le développement du secteur privé est l’une des clés de la croissance durable de la Côte d’Ivoire, mais aussi l’un des paramètres essentiels pour contrer un éventuel essoufflement. Pour les entreprises, il s’agit de participer à l’investissement, de mieux se positionner dans la chaîne de valeurs, de prendre pleinement part à la création d’emplois, l’un des défis majeurs du pays. Le gouvernement a mis en place un certain nombre de mesures qui assurent le cadre général : guichet unique, code des investissements, dispositions fiscales… Les femmes et les jeunes sont particulièrement incités à se lancer dans l’aventure. Aujourd’hui, près de 40 % des

Le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, dans son bureau.

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Communiquer, payer, réserver… Le smartphone s’est démocratisé et est devenu indispensable.

L’objectif est de doper

le tissu des PME,

entreprises privées créées l’ont été par des jeunes de moins de 35 ans. L’objectif est de doper le tissu des PME, soutenir leurs actions, les aider à exporter leurs produits et leur savoirfaire dans la région de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Le but est également de soutenir le développement d’entreprises de taille plus importante. Des projets pour des partenariats sont en discussion, notamment sous l’impulsion du Comité national de pilotage des partenariats public-privé (CNP-PPP). Le gouvernement, par le biais du ministère de l’Économie et des Finances, veut favoriser l’émergence de « champions nationaux ». En octobre 2019, une première liste de 29 entreprises a été sélectionnée. Elles feront l’objet de contrats de performance autour de missions de développement, X

de création d’emplois et de valeur ajoutée, d’exportation de produits manufacturés, et d’essor de pôles régionaux compétitifs. L’un des objectifs reste, effectivement, la déconcentration de la croissance ivoirienne vers l’intérieur du pays. De nombreux projets privés sont ralentis par la saturation des zones industrielles d’Abidjan. La Côte d’Ivoire a la chance d’avoir de nombreuses villes de tailles intermédiaires, comme Bouaké, Korhogo, San Pédro… qui offrent un potentiel majeur pour les sociétés. L’énergie, moteur de la croissance

Inauguré en novembre 2017 par le président Alassane Ouattara et financé avec l’appui de la Chine, le gigantesque barrage de Soubré, au sud-ouest du territoire, doit produire 275 MW par an. Il incarne le renouveau des ambitions

Jacques Torregano/Divergence

soutenir leurs actions, et les aider à exporter leurs produits et leur savoir-faire dans l’UEMOA.


Thierry Gouegnon/reuters

énergétiques ivoiriennes. Ce projet s’ajoute à celui d’extension de la centrale thermique d’Azito, située sur la commune de Yopougon, d’une puissance de 430 MW. Mais pour anticiper les besoins futurs de la capitale économique comme du pays, les travaux d’extension vont permettre d’atteindre 700 MW. À terme, elle produira 30 % de la puissance nationale totale installée. Elle offrira aussi l’un des tarifs les plus faibles. La lumière de Babi rayonnera loin ! Exportatrice d’électricité vers cinq pays de la sous-région (Ghana, Burkina Faso, Togo, Bénin et Mali), la Côte d’Ivoire a une capacité énergétique en augmentation de 55 % depuis 2011. Elle atteint aujourd’hui 2 200 MW avec pour objectif de parvenir à 4 400 MW en 2020 et à 6 000 MW dix ans plus tard. Et ce, grâce à un programme de réorganisation du mix énergétique, en développant l’hydraulique

et le renouvelable pour réduire la part thermique (charbon, gaz, pétrole) qui reste prédominante, avec un peu plus de 80 % du parc actuel. La question des énergies « propres » se pose inévitablement. Ainsi, un engagement a été pris afin d’atteindre 42 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2030. Les projets concernés sont portés par le secteur privé via des partenariats public-privé dans lesquels l’État a prévu d’acheter l’électricité qui sera produite. Le coût total de ces investissements est conséquent : 700 milliards de francs CFA, selon les chiffres officiels du ministère en charge de l’énergie. Ce montant ne comprend pas les investissements visant à étendre les exportations vers le Liberia, la Guinée et la Sierra Léone, estimées à 211 milliards de francs CFA, avec la construction d’une ligne à haute tension de 1 400 kilomètres en cours de réalisation. ■

Le centre commercial Playce Marcory accueille, notamment, le supermarché français Carrefour.

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Les grands chantiers de la République

La politique des grands travaux, l’investissement dans les infrastructures, constitue l’une des clés de la compétitivité économique. Voyages en images sur ces territoires d’émergence.

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Construction (2014) Pont HKB, Abidjan Ce 3e pont de la capitale économique relie Marcory à la zone résidentielle de Riviera. Réalisée en partenariat public-privé, longue de 6,7 km, la structure s’achève sur un vaste échangeur (boulevard VGE). 100 millions de véhicules l’ont empruntée depuis son ouverture*.

nabil zorkot

(* Chiffres arrêtés à mars 2019.)

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découvertE / Côte d’Ivoire

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Sur la nouvelle route bitumée entre Akandjé et Bingerville.

Programme routier (en cours) Objectif désenclavement

Le but est d’atteindre 8 000 km de routes revêtues à la fin 2020 (contre 6 500 km en 2011) sur le territoire, grâce à la remise à niveau et à la construction d’axes supplémentaires et de ponts. Ces nouvelles infrastructures doivent relier les régions et permettre l’accès plus rapide aux pays limitrophes.

Interconnexion rapide

PFO/DR

Les travaux de réhabilitation de l’autoroute A1 entre Abidjan et Yamoussoukro ont été achevés en 2013. Les « deux capitales » sont à moins de 3 heures de route l’une de l’autre. Le tronçon Yamoussoukro-Bouaké est en cours d’achèvement. Et à terme, il s’agit de raccorder Abidjan à Ouagadougou. En 2015, le premier tronçon de l’autoroute vers le sud est et le Ghana est ouvert avec la section Abidjan-Grand-Bassam.

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Travaux d’extension (en cours) Port autonome de San Pédro La grande cité de l’Ouest est le deuxième port du pays et le premier port cacaoyer du monde. Le site bénéficie d’un vaste programe de compétitivité. À la création du terminal industriel et commercial polyvalent, de plusieurs platesformes pour des entrepôts et des aires de stockage (empotage), s’ajoutent les constructions d’une chambre froide pour l’exploitation des produits de la mer et d’un centre emplisseur de la société Gaz Ivoire. XVI

Construction de logements sociaux (2019) Cité ADO, Abidjan La cité ADO, dans la commune de Yopougon, est l’un des grands projets du programme social. Elle regroupe 2 172 logements sociaux, une école primaire, un collège, un complexe commercial, un centre médical, des aires de jeux ou encore un foyer de jeunes.


Construction de logements sociaux (2019) Cité ADO, Abidjan

nabil zorkot - Renaud Van der Meeren

La cité ADO, dans la commune de Yopougon, est l’un des grands projets du programme social. Elle regroupe 2 172 logements sociaux, une école primaire, un collège, un complexe commercial, un centre médical, des aires de jeux ou encore un foyer de jeunes.

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Construction (2017) Barrage de Soubré

nabil zorkot

Implanté sur le fleuve Sassandra, résultat du partenariat entre la Chine et la Côte d’Ivoire, le barrage hydroélectrique de 4 km de long et de 20 m de haut doit produire 275 MW par an. Ce projet-phare a démarré en 2013 et incarne l’un des éléments essentiels de l’indépendance énergétique du pays. Il double, à lui seul, la part de l’hydraulique dans la fourniture d’électricité. Et participe activement aux objectifs en matière d’énergies renouvelables.

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Sauvegarde et aménagement (en cours) Lagune d’Ébrié et baie de Cocody, Abidjan

shutterstock - Renaud Vandermeeren

Enfin ! Les travaux entamés en 2017 ont pour objectif de résoudre durablement la problématique de la pollution de la baie et de son bassin-versant, en 2017. Une véritable transformation pour la lagune (station d’épuration) et la ville, avec l’aménagement urbain des berges (immobilier résidentiel et de loisir). Prévu également, la reconstitution d’un couvert végétal adapté de la zone pour lutter contre l’érosion des sols, qui impacte directement l’ensablement. Enfin, un pont de 1,5 km (lancée de 634 m, viaduc, échangeurs) devra relier le Plateau à la commune de Cocody. Ce sera le 5e pont de la capitale économique (le 4e, travaux en cours, reliant Yopougon au Plateau).

Élargissement (2019) Canal de Vridi, Abidjan Ces travaux d’Hercule sur la passe de Vridi (entre la mer et la lagune) sont la clé du développement du Port autonome d’Abidjan (PAA). Ils permettent l’accès aux grands navires de commerce (avec un tirant d’eau de 16 m et une capacité de 10 000 conteneurs, au lieu de 3 500 par le passé). Et la desserte du deuxième terminal à conteneurs. Objectif : soutenir l’ambition du PAA, qui vise à devenir le port principal sur la façade atlantique d’Afrique, entre Tanger et Le Cap. En 2019, 25 827 167 tonnes de marchandises y ont transité. Un record qui ne cesse de croître. XXI


une puissance agro-industrielle Véritable pépite nationale, la fève de cacao fait vivre 5 millions de personnes. Mais d’autres « branches » sont tout aussi porteuses.

Le cacao, une production stratégique

Premier producteur mondial de cacao, la Côte d’Ivoire est le seul pays d’Afrique de l’Ouest qui présente un excédent de balance commerciale, c’est-à-dire qu’il exporte plus qu’il n’importe. Avec 2 millions de tonnes récoltées en 2018 – soit 40 % de la valeur mondiale –, la fève reste un trésor pour la nation et pour XXII

les 5 millions de personnes qui en vivent. Les fèves et transformés représentent 29 % des recettes d’exportations. Aussi, les autorités ont la volonté de mieux rémunérer les producteurs, acteurs essentiels et pourtant très désavantagés dans la chaîne de distribution. C’est pourquoi la Côte d’Ivoire s’est alliée au Ghana, deuxième producteur mondial, en signant la Déclaration d’Abidjan, le 26 mars 2018. Celle-ci formalise leur engagement commun d’harmoniser leurs politiques de commercialisation du cacao. Ainsi se sont-ils entendus pour imposer, en 2019, un prix plancher sur le marché international, le prix bord champ de la fève passant donc de 750 francs CFA/kg à 1 000 francs CFA. En outre, plus de 3,7 milliards de francs CFA vont être investis pour soutenir la filière. Notamment pour encourager le taux de transformation, qui devrait atteindre 50 % d’ici à 2020. Ce même pourcentage est d’ailleurs visé pour la production d’anacarde. Industrie de transformation et transformation de l’industrie

Le pays accentue son effort en matière de transformation des matières premières afin de mieux capter la plus-value. Produire, c’est bien, transformer, c’est mieux ! Et l’agriculture représente le potentiel le plus important en matière industrielle. Il y a évidemment le cacao, pépite nationale. Outre la création d’une industrie chocolatière de qualité, l’ambition est de passer rapidement de la fève brute au broyage sur place, mais aussi à l’exportation de produits semi-finis, comme la pâte. Cette montée en gamme s’effectue

2 millions de tonnes de fèves ont été récoltées en 2018.

Le territoire bénéficie d’une qualité des sols et de conditions climatiques très favorables pour une grande

diversité

de cultures tropicales.

nabil zorkot

P

remière puissance agricole de la région (nette exportatrice), la Côte d’Ivoire a établi le Programme national d’investissement agricole (PNIA 2012-2016), ambitieux projet de relance et de modernisation du secteur. Il s’organise autour de quatre axes : la sécurité et la souveraineté alimentaire, la gestion durable des cultures de rente et d’exportation, l’engagement du secteur privé par le renforcement des investissements, la gouvernance agricole en matière de réformes des filières agricoles, de restructuration des organisations professionnelles agricoles et de la mise en œuvre de la loi sur le foncier rural. Ainsi, 10 % du budget national y est consacré. Le plan a été reconduit pour une seconde phase qui couvre la période 2018-2025. Le territoire bénéficie d’une qualité des sols et de conditions climatiques très favorables pour une grande diversité de cultures tropicales : 75 % des terres sont arables, quand 40 % seulement sont exploitées. Le secteur fait encore vivre une grande partie de la population, que ce soit dans les cultures vivrières (riz, maïs, manioc, banane plantain, etc.) destinées à l’autosuffisance ou à la vente aux pays voisins, ou dans les cultures d’exportation (cacao, noix de cajou, caoutchouc naturel, huile de palme et de coton).


africa studio/shutterstock

en partenariat avec les leaders mondiaux comme Cargill ou Barry Callebaut. L’agro-industrie représente un marché particulièrement porteur. La demande croissante de denrées alimentaires dans toute la région UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine, 110 millions d’habitants), l’évolution démographique, la consolidation de classes moyennes sont autant d’avantages. Les filières doivent se structurer, et pour cela, le rapprochement avec le secteur privé est important. Le ministère de l’Industrie a mis en place des plans de développement de transformation des produits agricoles, en complément de réformes mises en œuvre par le département de l’Agriculture. Une stratégie est en cours d’élaboration pour l’hévéa, et le gouvernement travaille avec la Société financière internationale (SFI) pour définir précisément les besoins des opérateurs s’installant dans cette filière. D’autres branches, comme l’huile de palme, le sucre, les fruits et légumes, le coton, le caoutchouc, le riz, la noix de cajou, la bière sont particulièrement porteuses. Outre la mise en place du cadre légal des investissements et les directives du PND, plusieurs mesures sont destinées à soutenir le secteur industriel, notamment en lui donnant accès à des infrastructures de production performantes. Le programme a consisté en la rationalisation de terrains disponibles, la réhabilitation de la zone de Yopougon, l’aménagement de la nouvelle zone du PK24… Le guichet unique du permis de construire, désormais opérationnel, a facilité les nouvelles implantations. Il faut également s’accorder aux standards de qualité et de conformité internationaux. Le gouvernement a donc commencé plusieurs actions de promotion et de développement, dont la signature d’un nouveau contrat avec Codinorm, à qui sont confiées l’élaboration des normes et la gestion de la marque nationale de conformité. Cela concerne aussi la promotion des meilleures entreprises inscrites dans la démarche qualité, ou le fait d’accueillir le siège du Système ouest africain d’accréditation (SOAC) à Abidjan, et la création du Comité national de lutte contre la contrefaçon (CNLC). ■

tableau de répartition des principales cultures d’exportation

Production (2018)

Position

Cacao

2 000 000 tonnes

N° 1 mondial

Hévéa

800 000 tonnes

N° 1 africain

Noix 750 000 tonnes de cajou

N° 1 africain et N° 1 mondial

Huile 400 000 tonnes de palme

N° 2 africain et N° 5 mondial

Coton

500 000 tonnes de coton graines

N° 3 africain

Noix de cola

280 000 tonnes

N° 1 africain

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une croissance au service de tous

Le développement économique doit générer plus d’inclusivité sociale. C’est une priorité du gouvernement. Scolarisation, accès aux soins, Couverture maladie universelle, lutte contre le travail des enfants… les chantiers sont nécessaires et multiples. XXIV


Jacques Torregano/Divergence

Sur le campus de l’université Félix Houphouët-Boigny, à Abidjan, une jeunesse connectée et nomade.

L

a croissance, les investissements, l’augmentation du PIB doivent évidemment profiter à tous les Ivoiriens, au-delà des nouvelles classes moyennes et plus aisées, profiter à la Côte d’Ivoire des « quartiers », des zones rurales, celle où les besoins en termes sociaux sont les plus urgents, où l’indice de développement humain (IDH) reste encore trop faible. Malgré les efforts portés depuis près de dix ans (en particulier sur l’espérance de vie et la

durée de scolarisation), le pays reste autour de la 165e place mondiale au classement de l’IDH. La nation paye certainement deux décennies perdues (1990-2010). Entre 1998 et 2008, le taux de pauvreté de la population est passé de 33,6 % à 48,9 %, avant de repartir un peu à la baisse à partir de 2012. Cette exigence de rattrapage est une priorité du gouvernement. Il faut maintenir le dynamisme tout en assurant un développement pour tous, œuvrer à une meilleure répartition des richesses, accroître quantitativement et qualitativement la capacité sociale étatique dans la formation, la santé, le logement, l’éducation (seulement un Ivoirien sur deux est alphabétisé aujourd’hui)… Des exigences d’autant plus prégnantes que 40 % de la population a moins de 30 ans. Pour répondre à ces enjeux, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly a annoncé, en décembre 2018, un très ambitieux programme de plus de 720 milliards de francs CFA : le PS Gouv. Une action multidimensionnelle et rare sur le continent. Ce projet concerne un certain nombre de secteurs clés : l’eau, l’énergie, la santé, l’extension de la couverture maladie universelle, l’éducation, la mobilisation des revenus… Prévu sur deux ans (2019-2020), il mobilise les forces vives de l’administration et du pouvoir. Il vise à soutenir les populations les plus fragiles en s’appuyant également sur des mesures prises les années précédentes. Et il cherche, in fine, à réconcilier croissance et développement, à accélérer l’inclusivité sociale, élément essentiel à la stabilité des sociétés africaines contemporaines. Le programme des filets sociaux

Si les améliorations des conditions de vie des Ivoiriens sont bien visibles, la pauvreté n’a pas pour autant reculé suffisamment. De cette constatation, l’État s’est intéressé aux stratégies réussies de certains pays du continent. Un instrument efficace en est ressorti : le Programme des filets sociaux (PFS). La Côte d’Ivoire a fait son entrée dans ce mécanisme en 2015, avec une phase expérimentale jusqu’en 2018, qui concernait XXV


L’amélioration des conditions de vie des Ivoiriens est bien visible, mais la pauvreté n’a pas pour autant reculé suffisamment.

35 000 bénéficiaires parmi les plus nécessiteux. Le Projet filets sociaux productifs (PFSP), financé par la Banque mondiale à hauteur de 25 milliards de francs CFA pour cinq ans (avec un apport additionnel estimé à 50 milliards), cible essentiellement les populations démunies en milieu rural. Ces laissés-pour-compte de la croissance économique forment, en effet, la grande majorité du taux de pauvreté, qui s’élève à 46 %. Ils vont profiter de mesures d’accompagnement et d’un apport financier de 36 000 francs CFA par trimestre, jusqu’en 2020. Les premiers résultats semblent satisfaisants, car ces personnes ont « joué le jeu », notamment en constituant des associations ou des coopératives agricoles, par la création ou l’agrandissement de champs ou de fermes avicoles et porcheries. En 2019, 15 000 ménages supplémentaires ont été enregistrés et pris

PS Gouv 2019-2020, en chiffres 5 axes essentiels : ✔ Fournir aux populations des services de santé de proximité et améliorer la protection sociale. ✔ Renforcer les conditions d’accès et de maintien à l’école des enfants de 6 à 16 ans, notamment les jeunes filles, et améliorer les conditions d’étude et de vie des étudiants. ✔ Favoriser l’accès des populations aux logements, à l’eau potable, à l’énergie, au transport et aux biens de grande consommation. ✔ Accroître l’accès des jeunes ainsi que des femmes, piliers de nos familles et de nos communautés, à des revenus et à un emploi décent et stable. ✔ Créer des conditions pour le bien-être des populations en milieu rural, et assurer la sécurité alimentaire.

156 ACTIONS PRIORITAIRES, avec 12 PROJETS-PHAREs à impact large et rapide : ✔ renforcement du programme de gratuité ciblée. ✔ opérationnalisation progressive de la CMU. ✔ intensification et élargissement de la couverture des bénéficiaires du Programme de filets sociaux productifs. ✔ développement d’activités d’autonomisation en faveur des jeunes et des femmes. ✔ baisse du tarif social de l’électricité. ✔ renforcement du programme d’accès à l’eau potable en milieu rural et accélération du programme des logements sociaux… XXVI

en compte, portant ainsi à 50 000 le nombre d’attributaires. Le programme, sous l’impulsion du chef de l’État, doit se poursuivre jusqu’en 2023 et toucher, à terme, 100 000 foyers situés dans le centre, le nord et l’ouest. Ce choix a été motivé au regard des taux de pauvreté et de malnutrition les plus élevés, des faibles accès aux services sociaux de la santé et de l’éducation. La Côte d’Ivoire a d’ailleurs établi un Registre social unique (RSU) pour mieux cerner et encadrer les allocataires. Structurer un nouveau système de santé

Le secteur de la santé a été plus lent à restructurer, bien que 3 000 milliards de francs CFA y ont été investis de 2014 à 2016. Le Plan national de développement sanitaire (PNDS) 2016-2020, dans sa phase opérationnelle, n’a pu atteindre les résultats escomptés. Le gouvernement a décidé de consacrer 1 658 milliards de francs CFA au secteur entre 2020 et 2024 pour accélérer la mise en place d’une offre médicale conséquente. Sept principaux piliers vont porter cette réforme : la santé communautaire, la qualité de soins de santé primaire, les ressources humaines et leur formation, les systèmes d’information sanitaire, la chaîne d’approvisionnement, l’intégration du secteur privé et les mesures clés de financement de la santé. Les défis sont énormes et concernent tant la formation et la professionnalisation du personnel que les infrastructures des hôpitaux. Entre 15 % et 20 % du budget alloué à ce secteur sont aujourd’hui affectés aux soins de santé primaire, là où l’objectif est de faire passer la proportion à plus de 60 %. Cela représente un véritable challenge pour la Côte d’Ivoire, qui va devoir composer avec le retrait progressif de l’aide extérieure. En effet, au vu de ses bons résultats économiques, le pays fait désormais partie des nations à revenus intermédiaires et bénéficie donc de moins de soutiens financiers. Dans ce contexte, la mise en place de la Couverture maladie universelle (CMU) apparaît comme une véritable révolution sociale. Lors de sa deuxième campagne


présidence côte d’ivoire

Le chef d’État entouré d’étudiants en médecine à l’université Félix Houphouët-Boigny, à Abidjan.

XXVII


L’éducation et l’université, former un capital humain

En 2011, rendre possible le retour à l’école a été l’un des impératifs du gouvernement. Le premier signe d’une réinsertion à une vie normale. Depuis, chaque année, la rentrée se fait à une date précise, les examens se déroulent selon le calendrier prévu, et le nombre d’heures d’apprentissage correspond à celui recommandé par l’Unesco. La stabilité et la continuité sont essentielles pour former les jeunes, et ce dès le plus jeune âge. C’est pourquoi la scolarité est devenue gratuite et obligatoire depuis la modification de la Constitution, en 2016. L’objectif étant que 100 % des enfants soient en classe d’ici 2021. XXVIII

Un taux pratiquement atteint puisqu’il est d’un peu plus de 95 % aujourd’hui. Les autorités ont également initié en 2014 le Programme de décentralisation des universités (PDU). L’objectif est double : absorber le flot constant de nouveaux bacheliers et rétablir une plus grande égalité entre les jeunes en rendant plus proche et donc plus accessible le système d’enseignement supérieur. En outre, l’implantation d’un campus a un impact très positif sur un territoire. Pour une ville secondaire, c’est en effet une nouvelle population qui vient s’installer (étudiants, personnels d’enseignement, etc.) et qui dynamise l’économie locale. Dans la pratique, le PDU repose essentiellement sur la construction d’infrastructures. Cinq universités avant 2020, et cinq autres pour l’après 2020.

La scolarité est devenue gratuite et obligatoire depuis la modification de la Constitution, en 2016.

La mise en place de la Couverture maladie universelle apparaît comme une véritable

révolution sociale.

Soutenir les femmes et les jeunes

Protéger les plus vulnérables et les aider à progresser restent les objectifs de la politique sociale. De cette dynamique est né, en 2012, le Fonds d’appui aux femmes de Côte d’Ivoire (Fafci), porté par la Première dame Dominique Ouattara. Doté à l’origine d’un capital de 10 milliards de francs CFA, ce système de crédit a pour mission d’aider à créer ou étendre une activité génératrice de revenus. En sept ans, ce fonds a permis d’investir 25 milliards de francs CFA dans l’autonomisation des femmes à travers le territoire. Cela

dr

présidentielle, Alassane Ouattara déclarait qu’il voulait que « chaque membre de la population, où qu’il se trouve, puisse se faire soigner ». Instituée par la loi du 24 mars 2014, la CMU a été mise en place en avril 2017, avec une phase expérimentale sur une population cible : 150 000 étudiants provenant d’établissements scolaires situés à Abidjan, Yamoussoukro, Bouaké, Daloa et Korhogo. Cette période d’essai, menée jusqu’en décembre 2018, est concluante. À l’échelle nationale, les premières cotisations ont alors pu commencer dès juillet 2019 (1 000 francs CFA par personne et par mois) pour des prises en charge à partir du 1er octobre de la même année. Peu à peu, les citoyens se sont enregistrés et ont demandé leur carte. L’objectif est de faire de la CMU l’assurance de base sur tout le territoire. Et d’agir, en particulier, pour les populations le plus fragiles. Un panier de soins définit le périmètre des actes couverts par ce système. Son taux est de 70 %, 30 % restant à la charge du patient (ticket modérateur). Et les assurances complémentaires restent autorisées. Dans le cas concret d’un traitement antibiotique d’une fièvre typhoïde d’une durée de dix jours coûtant 460 francs CFA, l’assuré aura à payer 138 francs CFA. Sans la CMU, le même traitement lui reviendrait à 4 600 francs CFA.


a profité à plus de 170 000 bénéficiaires, et indirectement à leurs enfants et à leurs familles. Dans ce cadre, des formations en gestion de projets et en comptabilité simplifiée leur ont aussi été dispensées pour leur permettre de mieux gérer leurs activités. Par ailleurs, l’État a décidé de créer le ministère de la Promotion et de l’Emploi des jeunes, car ces derniers sont fortement touchés par le chômage. Dans ce cadre a été fondée, en 2015, l’Agence emploijeunes, un guichet unique pour les aider dans leurs recherches de postes. Cette structure apporte un appui et des conseils aux porteurs d’initiatives, potentiellement génératrices de travail pour la jeunesse. Elle met en œuvre les programmes spéciaux pour la réinsertion professionnelle et favorise l’accès au crédit pour la création de projets.

dr

Lutter contre le travail des enfants

Les lois n’empêchent pas les combats de longue durée. Ainsi en 2010, le cacao ivoirien – principale ressource du pays – était menacé d’embargo à cause du travail des plus petits dans les plantations. Très vite, les autorités ont élaboré un Plan national de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants pour la période de 2012-2014. Très impliquée dans cette lutte, la Première dame Dominique Ouattara est la présidente de ce conseil national de surveillance. Selon elle, plus de 80 % des actions prévues ont été réalisées. Elles ont permis de porter assistance à plus de 8 000 enfants qui ont été retirés des mains des trafiquants. Deux autres plans (2015-2017 et 20192021) ont suivi pour assurer la pérennité du « combat ». Le troisième programme, doté de 76,156 milliards de francs CFA, est soutenu par le gouvernement, l’industrie du cacao et du chocolat, les organisations du système des Nations unies, les ONG nationales et internationales. Il prend en compte les services sociaux de base (éducation, santé, état civil), la réduction de la vulnérabilité des familles en luttant contre la pauvreté, et le renforcement du cadre institutionnel et juridique. ■

Un hôpital performant

C’

est l’une des réalisations majeures de la Fondation Children of Africa, dirigée par la Première dame Dominique Ouattara : la création d’un pôle de soins doté d’un matériel dernier cri et de personnels spécialisés dédiés à la mère et à l’enfant. Situé dans la commune de Bingerville, l’Hôpital Mère-Enfant Dominique Ouattara (HME) ne désemplit pas depuis son ouverture en mars 2018. Avec sa capacité d’accueil de 130 lits, il est vite devenu le principal recours des parents alentour, voire de tout le pays et même de la sous-région, grâce à ses équipements high-tech et à ses soignants formés en continu. Venant pour une simple consultation pédiatrique, des hospitalisations plus lourdes ou encore des analyses médicales, 500 patients, en moyenne, sont enregistrés par jour. La principale mission de cet établissement reste d’offrir des services performants en obstétrique et en pédiatrie pour continuer à réduire la mortalité maternelle et infantile (probabilité pour un enfant de décéder dans sa première année). Si en vingt ans, cette dernière a baissé de 112 à 60 décès pour 1 000 naissances vivantes, le recul doit continuer. Le lieu dispose de spécialités, comme l’assistance médicale à la procréation (PMA) ou l’oncologie pédiatrique, pour lesquelles il fallait consulter à l’étranger auparavant. Des aménagements spécifiques (une salle d’éveil ainsi qu’un encadrement par une institutrice) ont même été prévus pour les jeunes patients en longue hospitalisation. Le HME est, par ailleurs, le premier établissement d’Afrique à avoir obtenu le label « Qualité et sécurité des soins » de l’Assistance publique hôpitaux de Paris (AP-HP). ■

Cérémonie d’inauguration de l’Hôpital Mère-Enfant Dominique Ouattara, à Bingerville, en présence de la Première dame, le 16 mars 2018.

XXIX


abidjan,

ville ouverte Avec le retour de la stabilité et le développement économique, « Babi » s’est imposée comme une cité globale connectée au monde, tout en étant la porte d’entrée principale de la sous-région.

XXX


nabil zorkot

Le Plateau, quartier d’affaires au bord de la lagune Ébrié.

A

vec le retour de la paix et le renouveau économique, la capitale économique de la Côte d’Ivoire a retrouvé tout son lustre. Centre névralgique des affaires, place émergente en matière de tourisme et de loisirs, la cité de 5 millions d’habitants incarne aussi un étonnant melting-pot de cultures et d’origines : africaines, européennes, asiatiques… Depuis 2011, de nombreuses organisations internationales y ont élu domicile. La Banque africaine de développement (BAD) a été la première à réintégrer la ville en 2014, après onze ans d’« exil » à Tunis. Cet événement fortement encouragé par le président Ouattara a été rendu possible grâce à la stabilité politique et au retour de la paix. Le siège de l’Organisation internationale du cacao (ICCO) a déménagé de Londres à Abidjan le 25 avril 2017. La mégalopole est dorénavant en mesure d’offrir des infrastructures adéquates (accueil, transport, hébergement, communication, etc.) pour recevoir de grandes entreprises ou organisations. L’offre hôtelière progresse régulièrement avec la présence de marques mondiales de renom. Et l’aéroport Félix Houphouët-Boigny a bénéficié à partir de fin 2017 d’un important programme de modernisation et d’extension. L’objectif est d’accentuer la mise aux normes de la structure et la capacité d’accueil des avions, et de soutenir en parallèle le développement de la compagnie Air Côte d’Ivoire. Avec cette montée en gamme, Abidjan attire également les grands événements et se positionne comme une ville de congrès : assemblées générales de la BAD, gala de la Fondation Children of Africa, Africa CEO Forum, Forum Mo Ibrahim (avril 2019), Forum mondial de l’OMT sur l’investissement touristique en Afrique (février 2020), etc. Dans ce contexte de fort dynamisme, repenser l’urbain, prévoir l’Abidjan de demain est un impératif. Les grands chantiers de la capitale économique concernent plusieurs domaines : lancement du métro, fluidification de la circulation, infrastructures, autonomie en eau et en énergie pour tous, protection et aménagement de la lagune, du patrimoine vert ou encore réinvention de sites pollués et condamnés, comme l’ancienne décharge d’Akouédo. ■ XXXI


Une pause à Bassam

XXXII

zyad limam

I

l y a quelque chose de fluide dans cette nouvelle Côte d’Ivoire, une pratique de l’accueil, de l’Akwaba (« bienvenue »), une ouverture vers le large, un contact avec les autres, une interface avec le vaste monde, portée symboliquement par un littoral de près de 600 km de long. Et sur l’est du pays, derrière ces longues plages face aux vagues de l’Atlantique, un système lagunaire écologique et humain quasiment unique en Afrique, nourri par des grands fleuves, le Bandama, le N’zi, le Comoé… Tout au long de cet enchevêtrement d’eau et de végétaux se déroule l’histoire du pays, en partant de Grand-Lahou, jusqu’à Assinie ou Adiaké, en passant par Grand-Bassam, Bingerville et les tours d’Abidjan. À Grand-Bassam, à quelques mètres des vestiges fatigués de l’empire colonial, un monde métis vient en week-end ou en vacances, en pause, prendre l’air, s’asseoir face à la mer, dos à la lagune, le temps d’une ou deux brochettes ou d’un poisson grillé, le temps de refaire le monde et de refaire la Côte d’Ivoire. ■


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