DÉCEMBRE 2004 = N°142
le métier de psychiatre
REVUE DE RECHERCHE ET D’ÉCHANGES
AFPEP 141, rue de Charenton - 75012 Paris Tel. 01 43 46 25 55 - Fax. 01 43 46 25 56 ISSN : 0301-0287
28 €
le métier de psychiatre
DÉCEMBRE 2004 = N°142
Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé
REVUE DE RECHERCHE ET D’ÉCHANGES
le métier de psychiatre
DÉCEMBRE 2004 = N°142
Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé
PUBLICATION DE L’AFPEP DÉCEMBRE 2004 - N°142 Secrétariat de la Rédaction 141, rue de Charenton 75012 Paris tél. : 01 43 46 25 55 fax : 01 43 46 25 56 psychiatries@afpep-snpp.org
Fondateur Gérard BLES Directeur de la Publication Jean-Jacques LABOUTIÈRE Directeur de la Rédaction Olivier SCHMITT Responsable de ce numéro Claude GERNEZ Secrétaire de Rédaction Dominique JEANPIERRE Anne ROSENBERG Comité de Rédaction Antoine BESSE, Hervé BOKOBZA Martine BURDET-DUBUC, Pierre CRISTOFARI, Anne DESVIGNES, Claude GERNEZ, Dominique JEANPIERRE, Marie-Lise LACAS Jacques LOUYS, Marc MAXIMIN, François OURY, Anne ROSENBERG, Linda SARFATI, Olivier SCHMITT, Patrick STOESSEL, Jean-Jacques XAMBO Conception Graphique Marie CARETTE / Gréta Réseau Graphique Impression Imprimerie Nouvelle Sté Angevin - Niort ISSN 0301-0287 Dépôt légal : 4ème trimestre 2004 28 €
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PSYCHIATRIES N°142 DÉCEMBRE 2004
AFPEP-SNPP L'Association Française des Psychiatres d'Exercice Privé (A.F.P.E.P.), fondée en juillet 1970, a promu une recherche théorico-pratique pluridisciplinaire sur la psychiatrie, son objet, son exercice, ses limites, en s'appuyant de façon plus particulière sur l'expérience de la pratique privée. Société scientifique de l'Association mondiale de psychiatrie (W.P.A.), affiliée à l'UNAFORMEC en tant qu'organisme de formation continue, l'A.F.P.E.P. anime de multiples cadres de travail nationaux ou décentralisés, prioritairement à l'intention et avec le concours des psychiatres privés, mais enrichis d'une très large participation nationale et internationale de cliniciens, chercheurs et théoriciens concernés par la psyché, dans toute la diversité de leurs orientations. Scandés par la tenue annuelle des “Journées nationales de la psychiatrie privée”, les travaux de l'A.F.P.E.P. s'articulent autour de sessions d'étude et de séminaires thématiques, régionaux ou nationaux. Productrice de modules de formation, elle accrédite et coordonne par ailleurs les activités de formation d'associations locales ou régionales de psychiatres privés. L'A.F.P.E.P. a élaboré en 1980 la “Charte de la psychiatrie” autour des références éthiques garantes de l'indépendance des praticiens ainsi que du respect des patients. L'A.F.P.E.P., association scientifique, à travers sa réflexion et ses recherches, donne socle à l'action du Syndicat National des Psychiatres Privés (S.N.P.P.) fondé en 1974. L'A.F.P.E.P.-S.N.P.P. a publié en 1995 le “Manifeste de la Psychiatrie”, synthèse des principes d'efficience d'une pratique confrontée aux risques contemporains de réduction bureaucratique et comptable de l'activité soignante des psychiatres privés.
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ÉDITORIAL érard Bles. Lourde responsabilité d’évoquer le fondateur de cette revue. Le respect de la rigueur formelle restait, pour lui, la condition nécessaire à l’éclosion de la pensée créatrice. En regard de l’éthique, le refus de toute compromission se liait à une visée évolutive de la pratique, l’efficience thérapeutique conditionnée à une remise en cause permanente. Albert Le Dorze a choisi deux textes de Gérard Bles pour rappeler l’ami qu’il a perdu.
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Suite à cet hommage, les textes choisis convergent vers une même inquiétude, le métier de psychiatre se devant de conserver son éthique en maintenant son indispensable pouvoir de subversion. La première partie retrace des parcours et réflexions individuels, la seconde porte le débat au registre sociétal. Le professeur Kress introduit au mieux cette problématique, l’analyse au cours de sa carrière et montre le rôle de la subversion comme fondement du métier de psychiatre au registre de l’éthique. Le professeur Houzel décrivant à son tour sa trajectoire, explicite la difficulté à être pédopsychiatre, notamment en exercice libéral ; les exposés de l’un et l’autre s’avèrent intenses et justes. Claude Forzy, au terme de son expérience, tire les conclusions de son approche des patients psychotiques, en reprenant le lien particulier noué avec chacun d’eux. Ensuite, les interventions de Dominique Le Herrissé et Frédéric Ledan décrivent leur enquête effectuée auprès des psychiatres de la région Grand-Ouest, leurs conclusions prouvent la valeur des pratiques concernées, la volonté d’une évolution personnelle et leurs méthodes pour la mettre en œuvre.
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Laurence Roux-Dufort place son expérience au service de ses convictions pour démontrer la place indispensable de la théorie psychanalytique dans la pratique pédo-psychiatrique. Dans la même veine que les interventions précédentes elle insiste sur la solitude du psychiatre face au patient. Du métier d’infirmier, Jean-Pierre Vérot retrace la place de Pussin dans l’histoire des aliénés, et ainsi s’inquiète avec pertinence de l’évolution de cette profession. De son histoire personnelle, Dominique Jeanpierre ajoute les analyses et les réflexions tirées de celle-ci, la culture, au sens le plus large, lui semble la condition nécessaire à l’évolution, à la transmission de la pratique du psychiatre. Suivant le fil de l’acte thérapeutique, Élie Cany lie l’ensemble des éléments cliniques et théoriques, notamment l’hypothèse diagnostique, démontre l’indispensable articulation entre chacun d’eux ; par-delà les systématisations et les classifications “arbitraires”. Les faits de “croyance” jusqu’aux dérives sectaires, incitent Gilbert Letuffe à en chercher les causes dans le registre lacanien du “parlêtre” avec l’aliénation que cet état implique, puis propose des réponses à ces situations. Jean de Kervasdoué amorce le second versant, les relations à la société, en présentant le devenir de la psychiatrie au regard de la nécessaire évaluation, après une analyse socio-économique de ce concept. Autre vision de l’avenir : Jean-Jacques Laboutière, fort de ses expériences des institutions européennes, analyse les divers fonctionnements d’autres pays, et en tire des perspectives d’évolution pour la santé mentale et son éthique. Reprenant l’évaluation, Olivier Schmitt considère les différentes complexités de l’acte psychiatrique au registre du soin, les estime en fonction de leur qualité et, par là même, de l’éthique. La réflexion de Richard Rechtman se porte sur les nouvelles attentes du pouvoir et de la population en termes de “normalisation”. Avec une vision originale de “l’ordre asilaire”, il parvient à définir la nouvelle mission de régulation sociale impartie aux psychiatres. Dès 2001, Thierry Jean avait une analyse clairvoyante du problème de la réglementation des psychothérapies. Depuis, il y a eu toute l’agitation que l’on a connue, beaucoup a été dit et le législateur a tranché, mais le texte reproduit ici n’a pas vieilli. Chantal Coornaert perçoit dans la plus grande difficulté de la pratique libérale un infléchissement vers une “demande” concernant des troubles “sensitifs”. Elle s’appuie en particulier sur le travail de Christophe Dejours.
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Frédérique De Oña déduit de son expérience personnelle une prospective concernant le secteur médico-social. Très référencée, l’intervention de Jean-Louis Chassaing articule les concepts situés entre psychiatrie et psychanalyse, notamment celui de la psychopathologie. Ceci lui permet d’insister sur des critères de formation et d’enseignement, sujet où Freud se montre subversif. La conclusion revient à Hervé Bokobza, qui effectue la synthèse de ces trois jours de travail. Il propose des axes de réflexions pour répondre à la situation de crise de la pratique psychiatrique actuelle. À la tentative de réduction imposée par la pensée postmoderne, il oppose la réouverture de la recherche clinique. Claude Gernez
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ÉDITORIAL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 5 HOMMAGE : Albert Le Dorze — Bles Gérard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 13 Gérard Bles — L’efficacité thérapeutique en psychiatrie . . . . . . . . . . . . . . .p. 19 Gérard Bles — La pratique privée demain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 25
JOURNÉES NATIONALES DE LA PSYCHIATRIE PRIVÉE Lorient, octobre 2001 Albert Le Dorze — Ouverture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 33
1. Le psychiatre comme sujet, parcours et éthique Jean-Jacques Kress — Éthique en psychiatrie. Aboutissement d’un itinéraire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 43 Didier Houzel — Le métier de pédo-psychiatre est-il différent de celui de psychiatre ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 51 Laurence Roux-Dufort — Le transfert chez l’enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 59 Claude Forzy — Itinéraires de psychiatres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 75 Frédéric Ledan et Dominique Le Herrissé — Une journée de psychiatre . .p. 83 Jean-Pierre Vérot — Le métier d’infirmier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 93 Dominique Jeanpierre — Apprentie psychiatre (souvenirs) . . . . . . . . . . . . .p. 101 Élie Cany — La demande en psychiatrie, psychothérapie et psychanalyse . . .p. 111
SOMMAIRE Gilbert Letuffe — La croyance, ou comment ne pas croire ? . . . . . . . . . . . .p. 121
2. Psychiatre et société : Attentes et controverses Jean de Kervasdoué — L’avenir de la psychiatrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 129 Jean-Jacques Laboutière — Le métier de psychiatre en Europe . . . . . . . . .p. 149 Olivier Schmitt — Notre acte est-il évaluable ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 159 Richard Rechtman — L’évolution contemporaine des usages sociaux de la psychiatrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 167 Jean-Louis Chassaing — La psychiatrie dans ses rapports avec la psychanalyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 181 Thierry Jean — Psychothérapie ? La belle affaire ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 195 Chantal Coornaert — De l’influence de la société actuelle sur la pratique clinique en psychiatrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 201 Frédérique De Oña — Le psychiatre en institution : Une place en question entre technique et politique . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 207 Hervé Bokobza — Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 211
DÉSIR DE LIVRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 219 ANCIENS NUMÉROS Liste de tous les numéros de PSYCHIATRIES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 235
BULLETIN D’ADHÉSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 239
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érard Bles étant décédé peu avant les Journées Nationales de la Psychiatrie Privée de Lorient d’octobre 2001, elles lui ont naturellement été dédiées. Qui mieux que lui, pouvait parler du métier de psychiatre dans le cadre de la psychiatrie privée ? Aussi, le lecteur trouvera à la suite de cet hommage deux textes de lui, les plus représentatifs à nos yeux. (N.D.L.R.).
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BLES GÉRARD Albert Le Dorze*
hêne planté en 1931, abattu par un quelconque bûcheron-cancer le 11 mai 2000. Une stature, un visage, un regard, un sourire, un rire. Chef de bande, de tribu, créateur avec d’autres, en 1970, de l’Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé. Puis, en 1974, du Syndicat National des Psychiatres Privés. Accoucheur donc, après Freud, de la psychiatrie privée.
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Il fallait se rebeller contre l’exclusivité administrative publique, un certain risque (fantasmatique ?) d’étatisation de la psychiatrie. Il fallait défendre un exercice pluriel de celle-ci, le colloque singulier médecin-malade, le libre choix par le patient de son praticien et de son lieu d’hospitalisation, défendre le secret et l’indépendance professionnelle du psychiatre. À cette époque - refoulant quelques questions posées en mai 1968, qui, bien entendu, resurgiront plus tard - la croyance en un programme politique gouvernemental, commun aux forces du progrès, était censée résoudre, dans leur totalité, les problèmes du citoyen. Pourtant quelques voix répétaient, têtues, que la société civile n’est pas réductible à la militarisation publique, que le droit civil est une branche du droit privé, que la psychanalyse ne peut, opium du peuple comme la religion, se balayer d’un revers de main. Certains, aujourd’hui dinosaures, parlaient d’autogestion. C’est dans ce contexte, en 1974-1975, que j’ai connu Gérard Bles. Il m’a permis, comme d’autres enfants de 68, de ne pas me perdre, me consumer aux flammes d’idéologies totalitaires qui alors brillaient de tout leur éclat. Un psychiatre de l’Allemagne de l’Est, responsable d’un service chargé de soigner les malades * Psychiatre, psychanalyste, Lorient.
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atteints de dissidence politique ne confiait-il pas fièrement : « Je suis communiste d’abord, allemand ensuite, enfin psychiatre. » ? La rencontre de Gérard Bles a rendu impossible cet ordre de valeurs. Psychiatre d’abord : question d’éthique. J’ai assisté à mon premier congrès de l’A.F.P.E.P. en 1975. Bigarrure de la psychiatrie : de brillants esprits, des analystes qui scintillent et même des psychiatres de secteur, mais aussi des originaux, tel ce vieux psychiatre qui en pleine réunion plénière affirmait, sous les acclamations de la foule, que seul un toucher vaginal permettait de vérifier qu’une hystérique était vraiment frigide ! Ces congrès de l’A.F.P.E.P. ! Incroyables meetings où je respirais les fragrances d’authentiques réactionnaires, de gauchistes encore intacts, de conservateurs éclairés, de psy pur jus. J’y ai même rencontré Jean Oury qui, théoricien de la psychothérapie institutionnelle, m’apparaissait – encore aujourd’hui – comme un modèle. Qui plus est, il s’autorisait à dire des gros mots : neuroleptiques, électrochocs, il employait de drôles de formules : la psychiatrie et la psychanalyse, c’est la même chose. Étonnements… Et quel plaisir de constater que dans ces congrès, ces réunions, il en allait tout autrement que dans d’autres colloques : un orateur, un discutant spécialiste qui refait la communication de l’orateur en mordant allégrement sur les horaires, deux ou trois questions, pour la forme, octroyées aux pékins de base et il faut aller bouffer ! Rideau ! Discours clôturés, styles maîtrisés… À l’A.F.P.E.P., douce anarchie, sans doute des exposés mais la parole est dans la salle, pour tous. Il est si facile de glisser dans le convenu, le promotionnel, le publicitaire ou pire, dans l’interactif dirigé par de Grands Communicants qui à l’aide de transparents, de Q.C.M. vous convainquent que la psychiatrie aujourd’hui c’est E.B.M. + R.M.O. + R.R.R. + N.S.T. + A.R.B… À l’hôtel Niko me semble-t-il, notre assemblée côtoyait un congrès de voyance et de parapsychologie. Après le repas du midi, une bonne dizaine de psys se trompèrent de salle mais ne réalisèrent leur erreur qu’après une bonne heure, on l’espère, somnolente. Ils revinrent à leurs amours légitimes sous le regard hilare de Gérard Bles qui, œcuménique, tenait ses ouailles, lâchait ou raccourcissait, selon les moments, la longe. Car il était le Plus Grand Dénominateur Commun des psychiatres privés, et sans doute au-delà. Il synthétisait toutes les diffluences et cimentait dans ces grandes messes son programme syndical. Son goût du faste le faisait certainement préférer les grands hôtels saturés d’histoire plutôt que, les choses étant devenues ce qu’elles sont, de récents palais bétonnés et silencieux. Congrès, rencontres, échanges, cris, chuchotements, éclats de rire, complicités, rivalités, carte du tendre passionnée ou cabossée d’une année à l’autre. La vie ! De l’exercice d’une psychiatrie où mes tendances autoritaires se seraient dissimulées derrière le paravent de la Passion pour le Bien Public, Gérard Bles m’a fait accéder à une pratique où les jouissances d’emprise se limitent, au-delà
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de la déontologie, par des réciprocités, par le constat, peut-être désabusé mais incontournable, de l’impossibilité d’une transparence absolue, - le secret des parents est le garant de celui des enfants, l’existence d’une sphère privée est la première des libertés sexuelles, -, par la nécessité du maintien d’une certaine ambiguïté qui visse le patient, envers et contre tout, à la place de Sujet Humain qui exerce son métier d’homme. Un Passeur, c’est peut-être cela, non ? C’est Vargas Llosa1 qui constate que toute tyrannie, toute dictature, abolit la vie privée, supprime l’intimité des relations, oblige à abdiquer toute participation dans les prises de décision et s’efforce par le contrôle de l’information, la corruption, de mettre en place – Orwell « 1984 » - une police de la pensée. Ne pas oublier que dans l’antiquité un homme cessait d’être libre par la seule volonté du vainqueur : esclave, chose, homme-meuble. La ligne de crête de tout travail de psychiatre serpente entre assujettissement et souci de la singularité. La Charte de la Psychiatrie élaborée à Nantes en 1980, a gravé, en lettres de feu, ces principes devenus Tables de la Loi. Et justement, en 1977, au congrès mondial de Honolulu, l’URSS était condamnée comme utilisatrice de la psychiatrie à des fins politiques. Mille gouttes d’halopéridol combattaient des schizophrénies torpides dont les symptômes consistaient en des idées politiques dissidentes, bourgeoises, contraires aux intérêts supérieurs des masses. Novlangue obsolète ? Gérard Bles, avec l’aide de Dominique Bonnet, Paul Géhin et de quelques autres, pesa de tout son poids, et nous savons qu’il ne s’agit pas seulement d’une métaphore, pour engager la psychiatrie française, et plus particulièrement l’A.F.P.E.P., dans ce combat éthique. En témoigne la lettre du 27 juin 1981 adressée aux Présidents des sociétés de l’Association Mondiale de Psychiatrie, qui propose la nomination du Dr Anatolij Koryaguine comme membre honoraire à titre individuel de cette Association. Koryaguine, ce psychiatre soviétique adopté par l’A.F.P.E.P. qui dénonçait les médecins « qui collent à des sujets parfaitement sains des diagnostics de maladies inexistantes »2. Et si Koryaguine a reçu une standing-ovation au congrès de l’A.F.P.E.P., à Vincennes en novembre 1987, l’association prenait aussi la défense de psychiatres sudaméricains poursuivis, torturés pour leurs idées par des dictatures militaires. Ce combat n’était pas nul. Il faudrait tous les citer, les compagnons de la première heure. Des personnalités. En vrac : la vitalité aiguisée de Simone Blajan-Marcus, les rires tonitruants de Paul Géhin, les oscillations métaphoro-métacycliques d’Émile Rogé qui nous laissaient abasourdis et convaincus du degré zéro de notre culture3, le velours de la voix de Vincent Mazeran qui nous enseignait l’importance de la séduction, la présence charnelle de Claude Forzy qui face à la psychose nous faisait douter de 1 - Vargas Llosa .- le Nouvel Observateur, 25/04/2002, n° 1955. 2 - Koryaguine, Psychiatries, A.F.P.E.P., n° 46, 1981, p. 48. 3 - Moins cinq au-dessous de zéro serait plus exact.
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l’importance du Savoir et le caractère minimaliste de nos connaissances devenait une évidence après les interventions de Robert Palem. Gérard a rejoint aux Champs-Élysées Jean-Pierre Jacquot et ses mystères, Pierre Comelade et son amour de la Catalogne, Thémouraz Abdoucheli et ses remarques grinçantes, Sidney Pelage et son exubérance contagieuse. Dans une vie antérieure, Gérard était fils ou frère de d’Artagnan, aristocrate, condottiere, pourpoint de drap de Hollande bordé de dentelles d’or, flamboyant, poète, florentin - de temps en en temps une dague à la ceinture - flibustier, pirate, corsaire. Polémiste, bretteur, voix de stentor, tribun exceptionnel. Rusé, madré, tonitruant, Depardieu à la tribune ! Haut les cœurs ! Le torrent Gérard Bles emportait tout sur son passage. Jouisseur, sybarite, Lancelot cerné de Guenièvres et donc privé du Graal, gourmand. Ces parfums de conspiration humés lors d’un repas gargantuesque dans une brasserie de la gare de l’Est où quelques-uns, breuvages aidant, réussirent à te convaincre, Gérard, qu’il était de ton devoir de reprendre les rênes du S.N.P.P. - A.F.P.E.P. ! Manteau traîne-poussière, barbe conquérante, cigarillo aux lèvres : « Il était une fois dans l’Ouest ». Western toujours possible, colt dégainé pour une faute d’orthographe ou pour un mot, tel un furoncle, mal placé. Syndicaliste tu étais. Cap tenu, fermeté sur les principes mais stratégies souples. Nécessité d’une évaluation correcte des rapports de force. Pas de tour d’ivoire. L’histoire, les mentalités et même l’opinion publique devaient être prises en compte. Tu savais évoluer. Comme Lampedusa qui affirmait dans le Guépard : « Il faut bien que les choses changent pour que tout soit comme avant. ». Il jugeait peu finalement, accueillait, écoutait souvent. Un jour : « Mais que t’a apporté la psychanalyse ? ». Réponse : « Le goût du silence ». Homme de réflexion, philosophe, musicien, amateur d’opéra, danseur émérite : le regard énamouré des femmes, psychiatres ou pas, invitées lors des soirées de gala, à partager avec le fringant Gérard des rocks ou paso-dobles endiablés ! Lecteur et écrivain. Ferrailleur des idées, prestidigitateur, toujours quelques cartes d’avance dans la manche au poker de la vie. Un psychiatre devait revenir d’un marché de Provence ensoleillé, le cabas lesté de biochimie universitaire, de pensées sauvages lévistraussiennes, d’un bouquet garni de Lacan, de compassion, du code de déontologie, des œuvres complètes du marquis de Sade, de compétence, de la méthode Coué, d’un vieil électroencéphalogramme, d’un Machiavel jauni par le temps, sans doute d’une pincée de phénoménologie et de beaucoup d’humour. Conditions indispensables au plaisir du penser. Balint a rehaussé une médecine générale centrée sur la consultation. Eh bien ! Grâce à toi, Gérard Bles, la consultation psychiatrique singulière privée s’est
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élevée à un rang qui a permis à la psychiatrie générale de s’enrichir : il y a là, dans notre pratique, un trésor, une mine d’or à exploiter. La création de la revue Psychiatries a illustré cette volonté. Lisible, regards neufs, découverte de talents inconnus,- les premiers numéros, quel spontanéisme ! – écrite par des professionnels de proximité (quelle horreur !) mais de qualité. Portes ouvertes à tous, respect scrupuleux du pluralisme, fidèles transcriptions des débats qui agitent le petit monde social des psys. Un zeste d’utopie, beaucoup d’ironie : la revue de Gérard. Un reproche : tu as disparu laissant dans les limbes ce livre que tu n’as pas écrit, que tu évoquais souvent, qui aurait certainement fait date, posé les fondations d’un chantier auquel se serait attelée une nouvelle génération de psy à laquelle tu aurais transmis le suc de tes engagements. Et ce métier que j’exerce, sous ton autorité, jour après jour, depuis tant d’années, entre quatre murs, sans fierté ni culpabilité particulières, en dépit de tout, me semble utile. Et circonstance aggravante : j’ai aimé et j’aime toujours cela. Et j’imagine l’immense cortège endeuillé de tous les psychiatres de France et de Navarre qui défileraient, reprenant en chœur quelques slogans troussés de ton vivant, derrière un portrait géant, le tien, hissé sur un char militaire tout décoré de jolies roses avec l’inscription : « A Gérard Bles, la profession reconnaissante »… Non, non, je te jure, tu n’as plus le droit de rire… C’est fini !
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L’EFFICACITÉ THÉRAPEUTIQUE EN PSYCHIATRIE* Gérard Bles
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année dernière, à Nantes, nous avons scandalisé !
En contestant que notre pratique puisse être soumise à des contrôles externes, quantitatifs, économiques. En contestant que notre pratique doive se réduire à ce qui peut être dénombré, et notre parole technique se ramener au discours commun, médical voire profane. Des personnalités éminentes, administratives, médicales, psychiatriques se sont offusquées de notre prétention à l’indépendance. La grande presse s’en est faite écho : « à qui se fier ? » titrait un quotidien du matin – la confiance ne pouvant naître que du contrôle, s’entend… Et un distingué psychiatre1, universitaire et psycho-pharmacologue, d’écrire sur les « traitements codifiables », articulant toute sa démonstration sur l’efficacité qui, selon lui, devient exigible dès lors que la collectivité prend en charge les soins (le « gaspillage » n’étant acceptable que lorsqu’il s’agit d’un « contrat privé »…). L’acte médical « devenu objet de consommation » doit être estampillé. Et l’efficacité se mesurer à la durée d’une thérapeutique, d’une hospitalisation, à la fréquence de cette dernière, au pourcentage des réadaptations socio-professionnelles… Plutôt que contrôle de qualité, concluait-il, « la réalité serait plutôt une évaluation de l’efficacité des soins permettant ainsi des comparaisons entre différentes approches thérapeutiques ». * Texte paru en 1982 dans le N° 51 de PSYCHIATRIES 1 - Édouard Zarifian : « Des traitements codifiables », Le Figaro, 28 octobre 1980.
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La confusion éclate bien là : refuser le contrôle externe, quantitatif ou qualitatif, c’est se dérober devant une évaluation de l’efficacité. Ne s’agirait-il point en fait par cet évitement de masquer plus ou moins complètement notre inefficacité ? Ou l’inefficacité de telle ou telle méthode ? par rapport à des cibles dont on dit bien la prévalence « sociale » ? La réflexion qui s’ensuivit au sein de l’A.F.P.E.P. débouchait quelques semaines plus tard sur la conviction qu’il s’imposait désormais de réfléchir sur l’efficacité thérapeutique en psychiatrie – non d’ailleurs pour tenter d’en faire la preuve, ou d’en dénoncer la carence – mais bien pour, à partir d’un constat indiscutable de son existence, s’interroger sur la nature et ses ressorts, en ce qu’elle se déploie à de multiples registres méthodologiques et théoriques apparemment peu conciliables, sans pour autant que cette diversité l’affecte toujours avec des écarts significatifs… La psychiatrie est devenue efficace : quel est celui d’entre nous qui pourrait le nier, pour autant qu’il ait affronté la réalité asilaire de la première moitié du siècle, et observé les bouleversements contemporains de la révolution psychopharmacologique des années cinquante ? D’autres cependant, ne disposant pas de ce recul, pourraient être tentés d’évoquer les imperfections, les limites, les échecs de cette efficacité-là : ils n’y manquent point d’ailleurs – mais leur attitude critique et leur exigence nouvelle trouvent leur possible même dans la réalité d’un efficace global autorisant le report des frontières, le déplacement des cibles, l’affinement dans l’analyse des résultats, des processus qui y président et de leurs rapports structuraux avec la personne, sa biologie, son désir, son histoire, ses relations avec le milieu. 1. Qu’est-ce que l’efficacité ? Il convient de compulser une fois de plus le Robert, inépuisable mine de « redécouvertes » dans un maniement de la langue qui n’a que trop tendance à s’appauvrir… Comme références analogiques à Efficacité, Robert nous propose « action, énergie, force, pouvoir, propriété, puissance ». Et il indique que par extension, efficacité signifie « capacité de produire le maximum de résultats avec le minimum d’effort, de dépense » (analogie avec « productivité, rendement »). Efficace, analogiquement « actif, agissant, bon, énergique, infaillible, puissant, sûr », se définit : « qui produit l’effet qu’on attend ». Par extension : « un homme efficace est celui qui remplit avec succès sa tâche, qui obtient effectivement les résultats auxquels tend sa volonté ». Il est enfin frappant de noter pour les deux vocables le nombre d’exemples qui se réfèrent à la médecine, à commencer par « remède efficace » (par analogie, « souverain » !)…
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Deux idées me paraissent devoir dominer ces variations sémantiques : - l’efficacité se définit par rapport au résultat qu’on attend, apparente tautologie qui pourrait bien s’avérer… efficace pour notre analyse… - l’efficacité comporte une connotation économique dominante. L’efficacité n’est pas l’efficience. Un processus efficient (« qui produit quelque effet ») ne devient efficace que dès lors que l’effet est maximum pour le moindre prix (dans toute l’acception de ce dernier terme). Économiquement, l’efficacité renvoie donc à : - amplitude de l’effet, - moindre effort, - rapidité de l’effet, - moindre coût. Cette économie de l’effet risque de compliquer singulièrement notre tâche – et il nous faudra sans doute, un certains temps, graduer notre réflexion entre efficient et efficace, à moins que ce ne soit la finalisation des actions thérapeutiques qui apporte réponse à nos perplexités. 2. Qu’est-ce que l’efficacité en psychiatrie ? Il fut sans doute un temps, dans l’abord thérapeutique des troubles mentaux, où l’efficacité se confondait avec l’efficience – tant était pauvre notre capacité à produire quelque effet à ce registre. Et pendant longtemps, l’efficacité put se ramener à un effet négatif (ou plutôt suppressif ) : la disparition ou le contrôle des symptômes de la maladie mentale, ordonné à un résultat positif lui-même très variable dans son ampleur et sa qualité : l’amélioration de l’adaptation du sujet au milieu – qu’il s’agisse de la simple adaptation intra-asilaire (passer un malade d’un service d’agités à un service de chroniques calmes fut une victoire – et plus encore à un service de travailleurs…), ou que l’on puisse atteindre à la réinsertion dans le milieu habituel (pour ne pas dire « normal »), familial – et, succès majeur, professionnel… La finalisation, à ce temps, s’avérait essentiellement sociale, et fit apparaître à côté de l’efficacité symptomatique du traitement, la notion d’efficacité réadaptative des structures soignantes. Les critères de l’efficacité thérapeutique en psychiatrie pouvaient donc s’évaluer • par rapport au symptôme, - en ampleur de l’effet, - en rapidité de l’effet, - en permanence de l’effet, • par rapport à l’adaptation sociale, avec toutes ses gradations, sa rapidité et sa durée. On retrouve là l’essentiel du propos de Zarifian – et si l’on se reporte à la littérature psychiatrique, ce fut longtemps, et cela reste encore souvent, le seul mode d’évaluation de notre activité. On a tout au plus complexifié la référence symptomatique, la prise en compte de la maladie proprement dite n’intervenant que pour autant que celle-ci puisse se réduire à un ensemble syndromatique plus ou moins organisé.
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Cependant, cette cohérence apparente des critères de l’efficace allait plus ou moins voler en éclats (au moins en apparence), tout autant de par le possible même, voire l’exigibilité de ce « niveau 1 » de l’efficacité, désormais à dépasser, que de par la diversification des méthodes thérapeutiques en psychiatrie, devenue elle-même possible à partir de ce « niveau 1 », diversification méthodologique supportée par une diversification des fondements théoriques et, partant, de la finalisation des démarches curatives. Ainsi, à titre d’exemple : - le passage de la prédominance des soins ambulatoires comme l’extension considérable du champ d’intervention psychiatrique ont rendu beaucoup plus floues les quantifications du critère adaptatif ; - ce critère lui-même s’est vu fortement contesté, jusqu’au paradoxe antipsychiatrique valorisant le symptôme comme prestation sociale politiquement significative ; - plus valablement sans doute, les analyses structurales de la maladie comme des rapports du sujet à lui-même et à son milieu, relativisaient considérablement la valeur de l’effet symptomatique ; - les diverses théories sous-tendant les méthodologies thérapeutiques qui trouvaient enfin à se déployer, notamment sur le registre psychothérapique ou institutionnel, déplacent toute la finalisation de la cure : reconstruction du moi, dépassement ou liquidation des conflits archaïques, rétablissement de la communication, levée des inhibitions pathogènes, déconditionnement, restructuration de l’espace social, etc., tous objectifs apparemment spécifiques qui, à divers degrés, rendent infiniment complexes sinon aléatoires les mesures de temps et d’amplitudes – et par là même la mesure d’une valeur économique tant soit peu valide des résultats obtenus ; - la démarche pharmacologique elle-même, prenant en compte ses échecs, ses limites, ses épuisements, ou les facteurs secondaires de dépendance qu’elle génère, recherche désormais nouvel appui dans la recherche neuro-biologique, à la quête de critères objectifs d’activité plus rigoureusement mesurables, écartant les aléas de la clinique inter-subjective. Il ne faut cependant pas se leurrer : les difficultés économiques et gestionnelles actuelles de nos Sociétés risquent fort de ramener au premier plan les critères symptomatiques et adaptatifs parce que mesurables, même si la mesure en est grossière, parce que contrôlables, parce que gages du parcours apparemment le plus rapide – même si l’éthique du psychiatre l’a amené à déplacer ses enjeux d’une conception purement mécaniste, réparatrice et réadaptative de la maladie et de sa cure vers l’aspiration à restituer le sujet à son histoire et sa liberté. Il pourrait être question désormais de définir le résultat attendu à partir de l’économique du parcours pour y atteindre…
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3. Où les contradictions fleurissent… Ne conviendrait-il pas en définitive de parler plutôt ici d’efficience, dans la mesure où, selon les parcours thérapeutiques, on vient de le dire, la dimension économique qui fonde à des degrés divers l’efficace apparaît plus ou moins difficile à mesurer, relative qu’elle est à des finalités apparemment différentes ? L’hétérogénéité comme la parcellisation des conceptions théoriques qui soustendent les méthodologies est frappante, qu’il s’agisse du fonctionnement psychique de l’homme et/ou de la genèse des maladies mentales, comme des explications des effets curatifs : ces théories non seulement ne s’articulent pas entre elles mais, bien plus, se soutiennent comme inconciliables. Conceptions génétiques ou neuro-métaboliques, métapsychologie freudienne ou jungienne, théories de la communication, du conditionnement, voire sociogenèse pure et simple des troubles mentaux, supportent chacune des démarches autonomes, qui ont simplement pour dimension commune une certaine efficience au regard des buts propres, plus ou moins spécifiques, qu’elles s’assignent. Elles peuvent prétendre en outre, il faut le rappeler, parce que partielles plus que parce que différentes, à une certaine complémentarité. L’étanchéité de ces différents « systèmes » trouve cependant sa limite, d’une part dans des effets communs ou superposables repérables comme tels – la similitude de certains résultats ne préjugeant cependant pas de significations identiques – d’autre part dans la concomitance de phénomènes ressortant en principe de causalités différentes. Il n’est plus guère que quelques acharnés enfermés dans leur dogmatisme pour méconnaître – ou refuser de prendre en compte – ces effets « parallèles », concomitants, renvoyant à des « continuités » dont la plus admise fonde depuis longtemps la psycho-somatique. L’homme n’est pas un agrégat de systèmes (biologique, pulsionnel, noétique, relationnel, etc.) juxtaposés, mais une entité vivante infiniment complexe. Cette entité ne peut, sans doute, en l’état actuel de nos connaissances et de nos moyens, s’analyser de façon globale – mais fait l’objet de « lectures » diversifiées, sur des registres épistémologiques différents et autonomes, fondant euxmêmes des modalités d’intervention spécifiques : seule manière peut-être de maîtriser ce sujet/objet que la linéarité de notre mode de conceptualisation est impuissante à restituer à chaque instant dans son architecture dynamique organisée en une infinité de boucles de rétroactions. On ne maîtrise ici qu’en parcellisant. Mais l’on a bien trop tendance à ne tenir pour primordiale que la parcelle dont on s’est saisi – a fortiori dès lors que l’on s’engage dans l’inexpiable débat sur les causalités…
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L’acceptation, en termes de schéma, d’une circularité multicentrique des causes et des effets, en tentant de « boucler » les systèmes entre eux, aurait le mérite, à tout le moins, de refléter, au moins métaphoriquement, la complexité de la réalité que l’on entend modéliser. Les tentatives de conceptualisation syncrétique, de synthèse, ne sont pas nouvelles, si elles se renouvellent sans cesse – et le Professeur Laborit pourrait nous en dire quelque chose, sans aucun doute. Je ne suis pas convaincu pour autant qu’elles s’imposent pour obvier à ce qui serait l’inélégance de notre éclectisme thérapeutique… Il n’est par contre peut-être pas absurde de penser qu’un jour, à la faveur du progrès dans la saisie des données et de leur mise en corrélation, on pourra lire et mesurer quelque chose d’un phénomène au travers de la lecture et la mesure d’un autre phénomène plus immédiatement saisissable. Pourquoi, au nom de quoi s’interdirait-on, non pas de comprendre, mais d’indexer un processus psychodynamique ou comportemental au travers de son inscription biologique ? À condition, fondamentale, de ne pas confondre paramètre observable et causalité démontrée de ne pas ramener toute finalité d’intervention à l’obtention du phénomène mesuré, de ne pas ériger le signe en ultime réalité. Et de tenir compte des effets d’optique du télescope comme de la vitesse de la lumière, avant d’affirmer que l’étoile est, n’est plus, ou n’a jamais été… Pour autant, l’efficience ne se ramène pas à l’effet sur le mesurable, même si elle peut éventuellement s’y refléter. Le mesurable est là témoin, non-preuve. Théories et méthodologies parcellisées, en s’assignant objets ou objectifs apparemment spécifiques, s’assurent une efficacité d’autant plus grande qu’elles en simplifient les paramètres et placent hors champ d’autres phénomènes, pour virtuellement corrélables qu’ils soient. Ce « je ne veux pas savoir » pose problème aussi bien scientifique qu’éthique. Cela doit-il être le prix de la démonstration de l’efficace ? Pour aller jusqu’au paradoxe, « l’effet qu’on attend » est-il d’abord et avant tout d’être démontrable, mesurable ? À ce point de ma réflexion, je n’ai pas de réponse…
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LA PRATIQUE PRIVÉE DEMAIN* Gérard Bles
J’essaierai d’être court afin de privilégier l’échange. C’est vrai que cette séance devrait être un aboutissement, ou plutôt un point de départ à partir d’une double question. La première serait, non pas de savoir s’il existe une psychiatrie privée - aujourd’hui, mais si elle existera demain. Sera-t-elle possible en tant que telle ? Quelle psychiatrie privée sera jouable demain ? La deuxième, si elle est corrélative, n’est pas totalement consubstantielle, il y a un choix à faire : est-ce que notre association, l’AFPEP, avec ses caractéristiques qui ont assez bien transparu dans nos échanges depuis deux jours, est-ce que l’AFPEP a encore une raison d’être et, si elle a cette raison d’être, quelles doivent être ses modalités de travail, son attitude dans l’ensemble du contexte professionnel, social et médico-social ? J’aborderai ici la première partie. Elle se dessine d’évidence à travers tout ce que nous avons entendu. La psychiatrie privée est concernée sur plusieurs fronts, interrogée. Par exemple hier quelques-uns ont pu se sentir à l’écart d’un certain modèle de préoccupations, d’autres en retard sur ces préoccupations, certains estiment même que ce retard n’est pas acceptable. Grosso modo, la psychiatrie privée est interrogée sur le front des sciences. Celles-ci évoluent, y compris dans le domaine du psychisme et de son support, son “hardware”, qu’est le cerveau, les connaissances apparemment s’approfondissent au point que, par certains biais en tout cas, nous pouvons apparaître déconcertés voire ignares dans certains domaines - la question étant de savoir si cette ignorance ou cette méconnaissance-là * Exposé présenté au 25e anniversaire de l’AFPEP à Paris le 12 mai 1996 sur l’avenir de la psychiatrie privée.
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OUVERTURE Albert Le Dorze*
douard Zarifian titrait un récent éditorial : « Il faut sauver la psychiatrie ». Dans le feu post-soixantehuitard nous affirmions avec Roger Gentis que la psychiatrie, les murs de l’asile abattus, devait être faite et défaite par tous. La prétention à l’exercice professionnel de la chose ne pouvait que recouvrir une redoutable imposture. La parole libérée, toute aliénation supprimée, écartait la maladie mentale et même, idéalement, toute souffrance psychique. En 2001 le métier de psychiatre est socialement reconnu : un diplôme en permet la pratique après des études médicales. D’où des comptes à rendre du côté de la thérapeutique. Une déontologie et des droits, codifiés, ordonnés, qui impliquent un certain rapport politique avec les institutions de sécurité sociale que se sont données les collectivités confrontées aux 20 % de la population souffrant, à un moment ou à un autre, de désordres psychiques.
É
Dès le XVIIe siècle le concept de métier présuppose un travail que l’on choisit — une vocation —, utile à la société, qui répond à des besoins et dont on peut retirer des moyens de subsistance qui récompensent un savoir-faire plus ou moins singulier, plus ou moins partageable, plus ou moins transmissible, qui nécessite l’acquisition de certaines compétences et connaissances. L’artisan effectue un travail manuel à son propre compte, auteur, cause d’une chose, sans machineries ni organisations trop complexes. L’œuvre, * Psychiatre, psychanalyste, Lorient.
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ÉTHIQUE EN PSYCHIATRIE ABOUTISSEMENT D’UN ITINÉRAIRE Jean-Jacques Kress*
e propose d’effectuer ici l’examen rapide d’une quarantaine d’années d’apprentissage, d’exercice et d’enseignement de la psychiatrie. Durant la dernière décennie l’orientation fut prise vers le questionnement éthique comme si le moment était venu, l’époque si prêtant, de s’interroger sur le sens de notre action. La continuité des années n’est qu’apparente et l’examen de leur étendue révèle bien vite des périodes distinctes. J’en distinguerai ainsi quatre qui sont déterminées non seulement par la pratique du métier, mais aussi par le rapport aux savoirs et à la pensée qui l’éclaire et l’organise.
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1. La période d’immersion correspond aux quatre années de l’internat qui furent inaugurées par la rencontre avec ce que la réalité de la clinique psychiatrique avait de radicalement nouveau, de proprement inouï par rapport au long apprentissage de la médecine. En même temps il me semblait que s’allégeait en psychiatrie cette exigence quasi morale, si propre à la médecine, d’acquérir le savoir le plus complet et le plus opérant possible. Malgré cette tolérance, l’immersion dans la réalité clinique permettait dans des délais étonnement brefs l’acquisition, de par les responsabilités d’interne, d’une certaine compétence manifestée lors des gardes mais aussi dans la tenue du service. Cette compétence acquise assez rapidement au contact de la réalité clinique fait contraste avec les longues années qui furent nécessaires pour s’orienter par rapport aux références théoriques de la psychiatrie, la psychopathologie et * Professeur à la faculté de médecine de Brest
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LE MÉTIER DE PÉDOPSYCHIATRE EST-IL DIFFÉRENT DE CELUI DE PSYCHIATRE ? Didier Houzel*
a question n’est pas facile à traiter, mais vous imaginez bien que si j’en ai accepté le défi c’est que je pense qu’en effet il y a des différences significatives entre ces deux composantes de la psychiatrie que sont d’une part la psychiatrie générale et d’autre part la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Je vais donc essayer de relever ce défi, en évitant autant que je le peux tout argument préconçu, voire idéologique. Pour me servir de guide dans ce cheminement difficile, je partirai tout d’abord d’un constat : celui de la rareté de l’exercice privé de la pédopsychiatrie et je m’interrogerai sur le relatif monopole de la psychiatrie publique dans cette discipline. Je vous inviterai ensuite à un rapide survol historique des deux disciplines sœurs : psychiatrie générale et pédopsychiatrie, qui sont nées à des périodes assez lointaines l’une de l’autre et qui ne sont pas issues des mêmes sources. Enfin, je vous proposerai d’examiner de manière comparative les modèles de base de chacune des sous disciplines en m’efforçant de situer chacun de ces modèles en relation avec leurs sources historiques d’une part et avec leurs fondements épistémologiques d’autre part.
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* Professeur de psychiatrie, Caen.
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LE TRANSFERT CHEZ L’ENFANT ? Laurence Roux-Dufort*
e crains que notre spécialité ne se morcelle selon l’âge de nos patients.
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Les nouvelles feuilles de soins et la mention « psychiatrie générale » inscrite sous notre nom semblent indiquer que le nombre des psychiatres analystes diminue.( En quoi ?) D’autre part, il existe une extrême diversité de pratiques de l’analyse d’enfants et un éclatement des conceptions théoriques lié en partie à l’absence d’héritage de Freud. Cette nébuleuse ne me paraît pas étrangère au risque que je viens d’évoquer. Pourtant la psychiatrie de l’enfant n’existerait pas sans la psychanalyse. Il est impossible, à mon avis de recevoir des enfants sans être aussi analyste d’adultes. L’enfant est en contact avec ses parents depuis sa naissance, bien souvent symptôme de leur souffrance, ambassadeur de leurs fantasmes. On ne peut séparer la pédopsychiatrie de la psychiatrie, ni de la psychanalyse, et je dirai même qu’elle devrait faire partie du cursus médical initial tant il est important de connaître le développement psychique de l’enfant. La pratique « en ville » permet une unité de lieu pour parents et enfants et le respect du secret. Il paraît absurde de vouloir isoler l’enfant du contexte familial. C’est de l’ensemble de ce contexte qu’il importe de tenir compte, afin d’essayer de donner un sens à la réalité qui entoure l’enfant et dont il dépend. * Psychiatre, psychanalyste, Paris . Ce texte inachevé de Laurence ROUX-DUFORT a été mis en forme au plus près de ses dernières indications. Il en va de même pour la bibliographie (N.D.L.R.).
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ITINÉRAIRES DE PSYCHIATRES Claude Forzy*
uelle est la place de la liberté dans notre relation avec nos patients ? Q Quelle est celle de la dignité de nos patients et de notre propre dignité dans notre relation à eux ? Je me suis posé ce problème pendant toute ma vie de psychiatre, pendant presque cinquante ans. Depuis que j’ai arrêté mon travail, je suis redevenu un « homme normal ». Les « fous » ne m’intéressent plus beaucoup. J’y pense le moins possible. Mais je m’aperçois qu’il reste malgré moi quelque chose de familier de moi à eux, indélébile, au plus profond de moi. Quand nous nous rencontrons, j’ai envie de leur dire bonjour. Dans le village où nous vivons, ma femme et moi, séjournent tout au long de l’année quelques pêcheurs à la retraite, quelques très vieilles veuves de pêcheurs et quatre psychotiques de plus de cinquante ans, toujours dans les jupons de leurs mères. L’un d’entre eux participe régulièrement à des départs tumultueux avec les pompiers vers l’hôpital psychiatrique le plus proche pour quelques jours ou quelques semaines. Il revient, apaisé par les neuroleptiques pour repeindre inlassablement le même mur en blanc. Une autre (dont ma femme prétend à tort qu’elle est amoureuse de moi) virevolte sur sa bicyclette dans un déguisement tout à fait remarquable. La troisième est immobile, figée, au coin de sa ruelle et soliloque d’un air plutôt méchant. On dit d’elle qu’elle est démente mais moi je sais bien qu’elle est folle et qu’elle souffre. Elle était tout étonnée que je lui dise bonjour et au fil des mois nous sommes devenus bons amis. Le quatrième vient séjourner pendant de longs mois à la belle saison. * Psychiatre
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UNE JOURNÉE DE PSYCHIATRE Frédéric Ledan* Dominique Le Herrissé*
Frédéric Ledan : ous allons vous présenter une synthèse des travaux effectués par l’association qui regroupe une grande partie des psychiatres libéraux de l’Île et Vilaine l’ARPEL : Association Rennaise de Psychiatres d’Exercice Libéral, et essayer de vous décrire une journée d’un psychiatre libéral dans notre département. Nous avions le choix de vous présenter les résultats intégraux de nos enquêtes ou de les modeler suite à leur analyse et à la prise de conscience de nos errances, voire de nos erreurs. Il nous a semblé plus judicieux de coller à la réalité de notre démarche donc de ne pas modifier ni la forme, ni les résultats. Pourquoi et comment cette association a-t-elle vu le jour en 1994 ? Pourquoi : Pour nous connaître d’abord, pour nous apprécier si possible ensuite, et éviter les clans et les inimitiés qui sont souvent dus à la méconnaissance. Pour passer des moments agréables et conviviaux ensemble, pour communiquer, pour échanger, continuer à nous former. Pour nous unir aussi et avoir des forces vives pour nous représenter face aux diverses instances et organismes de tutelles et de contrôle. Comment : Grâce à l’initiative et aux efforts de notre charmante première présidente, Évelyne Fouquenet. Avec elle s’est joint un groupe de 6 ou 7 pionniers, qui, en se réunissant régulièrement au début des années 90, ont affiné le projet, créé l’association et proposé l’adhésion aux libéraux d’abord exclusivement à Rennes et, ensuite, dans tout le département. En 1994, l’ARPEL groupait
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* Psychiatre, Rennes.
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LE MÉTIER D’INFIRMIER EN PSYCHIATRIE Jean-Pierre Vérot*
à l’AFPEP… de m’accorder un temps de parole pour parler du métier d’infirmier en psychiatrie. Merci
Histoire et disparition Je dispose de douze à quinze minutes pour parler d’une génération soi-disant perdue et d’une discipline appelée à disparaître. Inutile de s’émouvoir, si l’annonce d’une disparition existe, c’est qu’elle a un sens par rapport à notre histoire. Un instant j’ai voulu intituler ma prise de parole « Pour qui sonne le Glas », vous avez lu probablement ce roman d’Ernest Hemingway, dans lequel il est question de faire sauter, puis de reconstruire quelque chose qui peut ressembler à un objet relationnel, c’est à dire un pont. Nous devrions quitter la rive de la psychiatrie pour aller vers celle de la santé mentale. Pourquoi à ce titre, annoncer la disparition de la psychiatrie ? L’un(e) n’empêche pas l’autre ? Notre histoire vient de loin, vous le savez, de l’allumage des bûchers aux écueils de la psychiatrie de secteur en passant par les rapports de mission plus ou moins idéologiques, l’agitation, la violence, la peur, les moyens de contentions, la période noire du nursing reste longue et pèse encore dans les pratiques. Je pense à vos confrères et à mes collègues qui ont été agressés par des patients : La disparition tragique d’Yves Bertherat, médecin, celle de Geneviève Psomas, infirmière, et d’autres… nous rappelle que les soignants peuvent être exposés à des risques qu’il ne faut pas sous estimer. * Infirmier en psychiatrie
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APPRENTIE PSYCHIATRE (souvenirs) Dominique Jeanpierre*
« Quand nous parlons de soins de qualité pour nos patients, nous parlons avant tout de leur vie, d’une démarche soignante qui leur permette de s’inscrire dans leur réalité environnementale et intérieure de façon harmonieuse, “aimer et travailler” sans a priori et sans dogme mais en disposant d’une palette de possibilités au regard de leurs besoins — ce qui suppose une formation à la fois rigoureuse et ouverte, et une pratique qui ne le soit pas moins. Une telle disponibilité peut s’avérer inconfortable, narcissiquement éprouvante, malaisée à codifier à l’usage du censeur. Cette liberté-là, on nous la reproche en prétendant qu’elle nuit à la “transparence” et à la planification. Nous appartient-il de nous soumettre et d’acclamer un cheval de Troie que de surcroît nous aurions largement contribué à édifier ? Passe encore d’être dupés, mais nous tromper nous-mêmes ! » Gérard BLES « Cassandre ? », BIPP n° 25 mars 2000 lire certains articles de psychiatrie aujourd’hui, il me semble que la tentation A d’objectiver les troubles mentaux, de les quantifier, les sérier, de s’obnubiler sur les symptômes, n’est contrebalancée par aucun questionnement philosophique ou simplement moral quant au bien-fondé de cette démarche. La volonté d’être scientifique nécessite une grande rigueur et ne requiert pas d’exclure les détours, l’étonnement, la poésie, voire l’extravagance ; mais échanger le nom, l’histoire et la parole singulière des personnes contre des étiquettes et des chiffres peut se révéler dangereux pour l’identité humaine. Une formation trop technique et formatée à la psychiatrie n’en résoudra pas l’éventuelle insuffisance. * Psychiatre, Paris.
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LA DEMANDE ENTRE PSYCHIATRIE, PSYCHOTÉRAPIE ET PSYCHANALYSE Élie Cany*
es deux questions que se posent ceux qui souffrent alors qu’ils basculent du symptôme à la demande, portent pour l’une sur le lieu où ils doivent la poser, ne sachant pas s’ils doivent aller voir un psychiatre, un psychologue ou un psychanalyste, et pour l’autre sur les moyens dont un « psy » va user pour agir sur une situation dont ils subodorent la globalité, la complexité, et éventuellement la chronicité. Dans : Le monde selon Garp, le héros de John Irving se plaint du réductionnisme des « psy », dans l’approche de la souffrance psychique. Selon ses termes : « les psychiatres sont des voleurs de la complexité des êtres ». Pour les philosophes et les épistémologues qui appréhendent les choses de l’esprit dans les termes de la complexité ou plus généralement dans les systèmes conceptuels matérialistes, l’influence des « psy », tous confondus, ne relève que d’une efficacité symbolique qui renvoie à la pratique des gourous ou, au mieux, à la fonction chamanique. Enfin, à la façon dont bon nombre de psy eux-mêmes se servent du terme « d’écoute », flottante ou non, on comprend qu’ils ont du mal à donner un caractère scientifique ou du moins formalisé à leur approche et que, se défaussant de toute explication, ils préfèrent mettre en avant le caractère initiatique de leur formation et parler de leur pratique comme d’un art plutôt que comme d’un métier.
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* Psychiatre, Lorient.
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LA CROYANCE, OU COMMENT NE PAS CROIRE ? Gilbert Letuffe*
algré les avancées spectaculaires de la science moderne nous constatons que la croyance demeure très vivace dans notre société et ceci malgré l’effort d’enseignement général de la population inspiré du cartésianisme. On assiste même a un retour du religieux qui pourrait mettre à mal l’esprit laïque de notre République. L’astrologie, la chiromancie, et d’autres pratiques continuent de fleurir sans parler du mouvement sectaire. Nous connaissons tous certaines personnes qui préfèrent des soins non médicaux au détriment parfois de leur vie pour traiter leurs maux. Le paranoïaque s’avère un cas particulier qui se méfie de l’Autre, n’y croit pas mais est dans la certitude de son persécuteur. Nous nous poserons donc la question suivante : pourquoi l’homme a-t-il ce penchant « naturel » pour la croyance, cette nécessité de répondre à une énigme par une croyance ? nous pouvons d’emblée esquisser une réponse lacanienne : c’est parce que nous sommes des êtres de langage, des « parlêtres » que nous nous posons la question des origines et que nous donnons consistance imaginaire à cette interrogation. Ainsi l’homme inventa D.I.E.U., nom imprononçable, tétragramme qui est à lire sans l’articuler faute des « voix », des voyelles. A ce point, Freud inventa un mythe, celui de Totem et Tabou pour imaginariser ce Réel, cet impossible à dire. Pour la religion c’est celui du péché originel et de la chute. Lacan va faire appel à la logique mathématique et en particulier au théorème d’incomplétude de Gödel pour rendre compte de ce Réel, c’est à dire au défaut fondamental et structural qui va donner naissance au sujet.
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* Psychiatre, Chambéry.
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2. PSYCHIATRE ET SOCIÉTÉ : ATTENTES ET CONTROVERSES
PSYCHIATRE ET SOCIÉTÉ : ATTENTES ET CONTROVERSES
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L’AVENIR DE LA PSYCHIATRIE Jean de Kervasdoué*
arler devant des psychiatres de l’avenir de la psychiatrie, est une gageure. P Avant de la tenter, laissez moi évoquer le contexte dans lequel se trouve aujourd’hui les systèmes de santé des pays occidentaux avant de dire un mot de la France, puis de la psychiatrie. Quand on s’intéresse aux systèmes de santé des deux côtés de l’Atlantique (je suis visiting professor aux États-Unis), et qu’on essaie de réfléchir aux grands facteurs d’évolution des systèmes de santé, il y en a un qui est universel, et qui a de lourdes conséquences dans tous les pays du monde, c’est l’évolution des savoirs. Pour l’illustrer donnons quelques chiffres : il y a dans le monde 20 000 revues médicales publiées, 3 000 revues à comité de lecture et 25 000 nouvelles références « sérieuses » publiées chaque mois. La déontologie médicale en France fait l’hypothèse que tous les médecins ont lu tous ces articles puisque les médecins doivent soigner leurs malades selon « les meilleures connaissances du moment ». Les tribunaux s’appuient sur cet article du code de déontologie pour rendre leurs jugements. Ceci peut même concerner d’autres personnes que les membres du corps médical. Il se trouve que j’étais directeur des hôpitaux pendant l’affaire du sang contaminé. J’ai témoigné aux procès des ministres. Dans l’arrêt de renvoi de Laurent Fabius, les juges ont écrit : “Monsieur vous avez été Ministre de la recherche et de l’industrie en 1983, vous avez financé le Professeur Montagnier donc vous savez tout sur le Sida.” Il a du expliquer que le ministre de la recherche n’était pas Pic de la Mirandole ! Le sujet de la responsabilité médicale est un sujet majeur qui pour l’instant ne reçoit pas de traitement satisfaisant. * Professeur au Centre National des Arts et Métiers.
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LE MÉTIER DE PSYCHIATRE EN EUROPE Jean-Jacques Laboutière*
ans un courrier des lecteurs paru la semaine dernière dans le Quotidien du Médecin, vous avez peut-être lu ceci : « Pour satisfaire à une directive européenne, le nombre de psychiatres en France doit être impérativement réduit. Il est de 30 % supérieur à la moyenne européenne. » C’est un psychiatre qui a écrit cela. Cette affirmation est fausse mais très intéressante : elle montre à quel point certaines idées reçues sur l’Europe et les nécessités d’harmonisation européenne peuvent influencer la représentation de notre métier et mon intervention va tenter de dégager quelques repères à ce sujet. Sans chercher à énumérer les particularités du métier de psychiatre pays par pays, je chercherai plutôt à répondre à ces deux questions : Existe-t-il en Europe plusieurs métiers de psychiatre ou un seul ? L’Europe s’est-elle donné le projet d’un métier de psychiatre unique et unifié ? C’est à partir de mon expérience de délégué dans la section de psychiatrie adulte de l’Union Européenne des Médecins Spécialistes (U.E.M.S.) que je vais chercher à répondre. En effet, notre Président, Antoine Besse, et moi siégeons depuis plusieurs années dans cette structure. Il s’agit d’une institution déjà ancienne, créée un an après le traité de Rome en 1958. Elle est constituée par le regroupement des organisations professionnelles européennes de spécialistes, et donc plutôt par les syndicats médicaux que par les associations scientifiques. Il est vrai que, en Europe, la plupart des pays ne distinguent pas aussi formellement que nous le versant professionnel du versant scientifique et qu’une seule organisation assume souvent les deux fonctions, sur le modèle du Royal College
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* Psychiatre, Mâcon.
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NOTRE ACTE EST-IL ÉVALUABLE ? Olivier Schmitt*
’évaluation des pratiques est non seulement dans l’air du temps, mais inscrite dans nos obligations légales depuis le décret du 28 décembre 1999 et l’article 11 de la dernière version de notre code de déontologie. Devant nos réticences, certains nous disent qu’il n’y a rien qui ne peut être évalué et font alors allusion aux bénéfices que l’on peut attendre de l’évaluation. Jamais ils n’évoquent son coût. Sans parler de l’investissement souvent lourd que cela implique (temps, organisation, charges administratives supplémentaires), il me paraît indispensable de tenir compte des conséquences qui peuvent être néfastes sur l’objet même que l’on veut évaluer. Cela peut devenir une histoire de fou comme celle que nous nous racontions étant enfants, l’histoire de celui qui craquait une à une toutes les allumettes de la boîte pour vérifier leur bon fonctionnement et de dire après : tout va bien, j’ai vérifié le matériel. Ici, c’est l’opératoire de notre position spécifique de psychiatre privé qui est en jeu. Autrement dit, nous devons évaluer avant tout le rapport bénéfice/risque de l’évaluation elle-même.
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Nous avons généralement l’impression qu’il y a une part d’inévaluable dans notre domaine. Cela ne nous a jamais dispensés de nous questionner sur notre pertinence, bien au contraire. En effet, nous avons toujours, non seulement accepté, mais demandé, suscité, organisé la possibilité de rendre compte de notre pratique. Isolés que nous sommes dans l’intimité de nos cabinets, c’est là le seul moyen de nous protéger de dérapages éventuels ou de pratiques * Psychiatre, Niort.
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L’ÉVOLUTION CONTEMPORAINE DES USAGES SOCIAUX DE LA PSYCHIATRIE Richard Rechtman*
’est vraiment un grand plaisir pour moi d’être ici ce soir, car il existe des liens entre l’Évolution Psychiatrique et votre société. Le thème que vous avez choisi m’intéresse énormément, c’est vraiment un thème crucial de notre modernité. J’ai été très honoré et en même temps je me suis demandé ce que je vais pouvoir dire, en tant que psychiatre institutionnel à des libéraux. On sait qu’il y a en France un esprit qui aurait tendance à nous opposer les uns aux autres et à prétendre que nous ne ferions pas le même métier. Les uns, je parle des libéraux, auraient un choix d’exercice, une liberté du choix de leurs patients, des honoraires et peut-être même une liberté à ne pas se soumettre aux contraintes sociales. Tandis que les autres, les publics, n’auraient que l’obligation du tout venant, celle de se soumettre aux contraintes sociales et de travailler pour le bien collectif plus que pour le bien individuel. Si je suis venu ici, c’est que je ne partage absolument pas ce point de vue qui me semble à la fois réducteur et forcé, d’autant plus au fond, que ce qui fait nos différences, offre d’une certaine manière la pluralité des soins, et je crois que c’est une excellente chose. De plus, il y a bien moins de différences dès lors qu’on se rapporte à des choses essentielles. En fait, il y a aussi ceux qui ont tendance à nous opposer les uns aux autres, qui tout à coup se rappellent que nous faisons exactement le même métier lorsqu’il s’agit d’invoquer notre responsabilité professionnelle.
C
* Médecin chef à l’institut Marcel Rivière à la Verrière, secrétaire général de l’Évolution Psychiatrique.
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LA PSYCHIATRIE DANS SES RAPPORTS AVEC LA PSYCHANALYSE Jean-Louis Chassaing*
’aurais pu commencer, cela aurait sans doute arrangé un certain nombre d’entre vous, par “il n’y a pas de rapport”, mais ça fait boutade lacanienne. Je commencerai donc par une autre boutade, celle d’un professeur de psychiatrie, également psychanalyste ce qui va se faire rare. Il disait de la psychanalyse par rapport à la psychiatrie qu’elle était comme une gousse d’ail dans le gigot, ce qui donne le côté pimenté et subversif dont parlait Rechtman avant-hier. Mais sousentendu aussi, point trop n’en faut. C’était il y a environ une quinzaine d’années et depuis 15 ans, l’ail a probablement gardé ses vertus pour la circulation du sang, c’est un avis scientifique, alors que le gigot, est devenu quelque peu sujet à caution. En tout cas et pour rester dans la métaphore culinaire, si certains ont pu penser que la psychanalyse était comme la cerise sur le gâteau, je dirai qu’aujourd’hui on a les bigarreaux d’un côté et le cheese cake de l’autre. On ne va pas en rester là, je vais devenir sérieux. Mais avant d’aborder cette question, éminemment difficile, mais intéressante, je me présenterai ainsi : psychanalyste de formation psychiatrique donc médicale et psychiatre de formation psychanalytique. J’insiste sur cette question de la formation, comme je l’ai mentionné dans mon argument qui est une reprise très partielle de certaines citations trouvées en lisant cet été les trois volumes de L’Évolution Psychiatrique du Livre Blanc de la Psychiatrie, des années 65, 66, 67, rapport tout à fait intéressant. Cette question de la formation, j’en dirai juste
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* Psychiatre, Clermont-Ferrand.
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PSYCHOTHÉRAPIE LA BELLE AFFAIRE ! Thierry Jean*
’homogénéisation européenne, les pressions exercées par des groupes de psychoactivistes et une sensibilité générale aux arguments avancés poussent le législateur à vouloir réglementer la ou plutôt les professions de psychothérapeute.
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Au moins deux projets de loi ont été en ce sens déposés sur le bureau de l’assemblée nationale, l’un par le député vert, Jean Michel Marchand, l’autre par le député RPR, Bernard Accoyer. Par ailleurs une commission au ministère de la santé est actuellement en charge de ce dossier. Au cœur de ce débat se trouverait placée la légitime et commune préoccupation d’un accès aux soins de qualité dans notre pays. Ainsi présentée, l’affaire pourrait sembler anodine, logique dans un pays de droit, congruente au mouvement de réglementation de tous les secteurs de notre vie sociale et négligeable au regard d’autres réformes plus essentielles. Pourtant, dépassant le simple cadre de techniques opératoires, cette question vise essentiellement des problèmes éthiques et politiques, concerne notre conception des soins, engage le débat sur la théorie du sujet. Il s’agit donc tout autant de faire le point sur ce que recouvre ce terme générique de psychothérapie que de s’interroger sur l’aveuglement des responsables de la santé publique qui, le cautionnant d’un titre, en mésestiment la portée, les conséquences et le danger. * Psychiatre, Paris.
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DE L’INFLUENCE DE LA SOCIÉTÉ ACTUELLE SUR LA PRATIQUE CLINIQUE EN PSYCHIATRIE LIBÉRALE Chantal Coornaert*
propos du métier de psychiatre et de la société, j’évoquerai ce qui fait que mon travail n’est plus tout à fait le même qu’il y a 15 ans, notamment eu égard à la tournure que prennent les relations entre les uns et les autres : la tension, la méfiance infiltrent tous les rapports sociaux, couple, famille, école, travail. En outre, j’ai toujours été intéressée, intriguée par le point de rencontre entre un destin, une névrose individuelle et ce que l’on appelle phénomène de société (un divorce qui figure dans l’histoire affective de quelqu’un et de ce fait : X voisins au vécu familial différent se retrouveront dans une situation sociale du coup très similaire). Le psychiatre de ville est en poste avancé pour étudier les moindres frémissements de l’évolution de la société et surtout là où j’exerce c’est une région ultra-favorisée (argent et recherche scientifique) et donc à mon avis en pointe, précurseur des phénomènes de société à venir et qui vient se généraliser.
À
Il me semble qu’à l’heure actuelle les affres de la société alourdissent, parasitent notre travail. C’est indéniable, la société va plus mal qu’il y a 20 ans. Ce qu’Eugène Enniquez appelle « le poids de la modernité », où nous n’assistons pas tant à une crise de repère, mais à une crise de la légitimité de la notion de repère. Société avec tout de même une idéologie, celle de la réussite à marche forcée ou comme le dit Christophe Dejours (collègue, spécialiste en * Psychiatre, Gif-sur-Yvette.
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LE PSYCHIATRE EN INSTITUTION : UNE PLACE EN QUESTION ENTRE TECHNIQUE ET POLITIQUE Frédérique De Oña*
ctuellement à Paris, je suis originaire de Toulouse que je salue bien fort en ces douloureuses circonstances qui ont pour conséquence de nous priver de l’intervention de M. Ruiz, directeur du Centre Paul Lambert où j’ai eu l’heur de travailler.
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Je travaille depuis 1984 comme psychiatre dans des institutions pour enfants et pour adultes et ce n’est que ce mois-ci que je m’installe dans le privé. Quinze ans de pratique institutionnelle c’est peut-être ce qui m’autorise aujourd’hui à intervenir dans cet atelier sur le métier de psychiatre salarié. Puisque j’en suis aux présentations, actuellement par exemple je suis : - médecin responsable d’un Placement Familial Thérapeutique - psychothérapeute dans un Centre de Consultations où je suis aussi médecin responsable et j’interviens une journée dans un foyer pour adolescents. Si je faisais la liste des institutions dans lesquelles j’ai travaillé au cours de ces 15 années on verrait bien leur variété. L’important n’est évidemment pas mon parcours professionnel et même si nombre d’entre vous connaissent ces différents types d’établissements, il me paraît important d’insister sur la diversité des structures existantes qui emploient des psychiatres. Évidemment selon les projets et les financeurs, la place du psy sera très différente même s’il y a des invariants que nous tenterons de relever. * Psychiatre, Paris.
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CONCLUSION Hervé Bokobza*
’apprends ce matin qu’aux États-Unis, on décide de faire “exister” un déficit en 2002 ; jusqu’à présent cette “existence” était proscrite.
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Un rêve : J’espère pour la France que l’on tiendra compte un jour de ce qu’a écrit Jacques Attali en 99 dans un article du Monde : “Pour une nouvelle utopie : Après tout pourquoi ne pourrait-on pas décider pour le progrès de ce pays que nous puissions avoir un gros déficit des dépenses de santé et des dépenses d’éducation ?” Il s’agit là d’une décision politique. Je vais essayer de rassembler ce que j’ai entendu durant ces deux jours, et vous proposer quelques pistes de recherche personnelle. Ceci constitue l’objet de cette conclusion. Pourrions-nous, ensemble, énoncer des principes fondamentaux pour servir de trame à tout travail de recherche ? Et ceci quelles que soient nos théories, et heureusement en psychiatrie il y en a plusieurs, c’est même sa richesse. Tout d’abord, réaffirmer que la psychiatrie est une discipline complexe. J’insiste sur ce mot, et je vous rappelle le rapport remarquable d’Olivier Schmitt aux Journées de l’Île de Ré, sur la différence entre complexe et compliqué. “Complexe” signifie que ça ne peut jamais être simple. Et il est illusoire de croire qu’en psychiatrie nous puissions trouver que 2 = 2. La psychiatrie, située au carrefour d’une multitude de disciplines, n’est pas la psychanalyse. * Psychiatre, psychanalyste, Montpellier.
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ANCIENS NUMÉROS
Liste des anciens numéros* 02 03 04 05 06 07 08 10 12 13 14 15 16 17 18 19
Libre choix. Temps partiel (en voie d’épuisement). Pédo-psychiatrie. Où, quand, comment ? (en voie d’épuisement). La psychiatrie autonome et l’institution. Le secret. La demande. Etc. Hospitalisation. Secteur. Demande de soins, demande de psychanalyse. Le secret. L’avenir de la psychiatrie libérale (en voie d’épuisement). Le retour du/au corps (II) (en voie d’épuisement). Exercice de groupe, exercice d’équipe (I) - Pédopsychiatrie. Exercice de groupe, exercice d’équipe (II). Rééducation psycho-motrice. Le psychiatre et la société (II) (en voie d’épuisement). Vivre en professionnel - Pédopsychiatrie (salariés). Limites et fonction de la psychiatrie. L’argent.
* Les numéros 1, 6, 11, 15, 21, 24, 26, 28, 36, 48 et 50 sont épuisés.
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PSYCHIATRIES N°142 DÉCEMBRE 2004
L’installation. Expériences - Psychopathologie. L’hospitalisation psychiatrique (I) - Problèmes généraux. Les Journées Nationales de la Psychiatrie Privée (C.R. intégraux) : “La psychiatrie… à qui ? Le psychiatre… pour quoi faire ?” La psychose en pratique privée : textes introductifs. Psychose et institution. Loi d’orientation en faveur des personnes handicapées. Textes officiels et documents critiques. Loi d’orientation en faveur des personnes handicapées. Les débats parlementaires (en voie d’épuisement). La psychose en pratique privée : compte rendu des Ves Journées Nationales de la Psychiatrie Privée. Du côté de l’organique - La psychiatrie ailleurs. Expériences de la clinique. Symptômes et structures. Honolulu ou le combat pour la liberté (en voie d’épuisement). Pratiques en question (en voie d’épuisement). La psychiatrie et la santé. Thérapies familiales. Trentenaire de l’Élan. Psychiatrie et cultures. Numéro spécial SZONDI. Horizons thérapeutiques. L’écoute.... musicale. La psychiatrie et les contrôles. L’efficacité thérapeutique en psychiatrie. Le chemin parcouru. Sélection de textes publiés entre 1972 L’intégration scolaire. La paranoïa aujourd’hui. Première partie. La paranoïa aujourd’hui. Deuxième partie. Médecine et psychanalyse. Clinique de la souffrance. Psychothérapie et/ou psychanalyse institutionnelles. Transsexualisme - Totalitarisme. La solitude.
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Psychiatries en institutions d’enfants. Médecine et psychanalyse. La difficulté de guérir. Éthologie de la sexualité. À d’autres.... Jeu, psychodrame et psychose. Du rêve. Du rêve : Deuxième partie. Chronobiologie. Autour de l’hystérie. Psychiatres en institutions d’enfants. Coûts en psychiatrie. Psychiatre, psychanalyse et feuilles de soins. Psychiatres, charlatans et magiciens. Le supposé clivage inconscient/biologique (I, II et III). Urgence et patience. Julien Bigras. Hospitalisation privée. Autour de Henry Ey - De quelques “réalités”. Le délire, espoir ou désespoir (I). Le délire, espoir ou désespoir (II). Autour des psychothérapies. Du père. Épidémiologie psychiatrique. La dépression dans tous ses états. Psychosomatique. Le psychiatre, le malade, l’état. Rencontres. Peurs. Psychothérapies. Corps et thérapies. Le Temps. Les états de Dépendance L’impossible à vivre. Souffrance psychique.... La limite des névroses. L’enfant et la consultation. Le psychiatre et la loi. L’enfant et la consultation. Les psychoses. Adolescence, des liens en souffrance. XXVe Anniversaire de la Psychiatrie Privée. Les Psychoses. L’Enfance.
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Psychiatrie et prévention, liaison dangereuse ? (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P. 1996) Souffrir de la peau. Peau et psyché, approche. Le psychiatre, la médecine et la psychanalyse. Le Secret. Psycho-somatique 97. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P. 1997) Suicide : d’une violence, l’autre. La consultation. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P. 1998) La responsabilité maltraitée (Séminaire A.F.P.E.P. 1999) Filiations - Dimension clinique (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) La psychiatrie est-elle une science ? Filiation et société (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) Nouvelles Filiations (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) Filiations culturelles, Filiations spirituelles (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) Traversée culturelle francophone à la découverte des pratiques ambulatoires de la psychiatrie. (Premières rencontres FRANCOPSIES). L’intime et l’argent.
BULLETIN D’ADHÉSION
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ASSOCIATION FRANÇAISE DES PSYCHIATRES D’EXERCICE PRIVÉ SYNDICAT NATIONAL DES PSYCHIATRES PRIVÉS Cotisation 2005
Le Docteur : Adresse :
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Code Postal : Tél. :
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Règle sa cotisation A.F.P.E.P. - S.N.P.P. pour 2005 » Etudiants, internes, 1ère, 2ème et 3ème année d'exercice : 120 € » 4e année d’exercice et au-delà : 270 € » conjoints d’adhérents, membres honoraires et retraités : 170 €
Bulletin à compléter et à retourner, accompagné de votre règlement, par chèque bancaire ou postal, à l’ordre du S.N.P.P. : S.N.P.P. Secrétariat administratif 141, rue de Charenton 75012 Paris
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DÉCEMBRE 2004 = N°142
le métier de psychiatre
REVUE DE RECHERCHE ET D’ÉCHANGES
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28 €
le métier de psychiatre
DÉCEMBRE 2004 = N°142
Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé