MARS 2007 = N°147
Penser l’évaluation Universel et singulier
REVUE DE RECHERCHE ET D’ÉCHANGES
AFPEP 141, rue de Charenton - 75012 Paris Tel. 01 43 46 25 55 - Fax. 01 43 46 25 56 ISSN : 0301-0287
Penser l’évaluation Universel et singulier
MARS 2007 = N°147
Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé 28 €
REVUE DE RECHERCHE ET D’ÉCHANGES
Penser l’évaluation Universel et singulier
Mars 2007 = N°147
Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé
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PSYCHIATRIES N°147 MARS 2007
AFPEP-SNPP
L'Association Française des Psychiatres d'Exercice Privé (A.F.P.E.P.), fondée en juillet 1970, a promu une recherche théorico-pratique pluridisciplinaire sur la psychiatrie, son objet, son exercice, ses limites, en s'appuyant de façon plus particulière sur l'expérience de la pratique privée. Société scientifique de l'Association mondiale de psychiatrie (W.P.A.), affiliée à l'UNAFORMEC en tant qu'organisme de formation continue, l'A.F.P.E.P. anime de multiples cadres de travail nationaux ou décentralisés, prioritairement à l'intention et avec le concours des psychiatres privés, mais enrichis d'une très large participation nationale et internationale de cliniciens, chercheurs et théoriciens concernés par la psyché, dans toute la diversité de leurs orientations. Scandés par la tenue annuelle des “Journées nationales de la psychiatrie privée”, les travaux de l'A.F.P.E.P. s'articulent autour de sessions d'étude et de séminaires thématiques, régionaux ou nationaux. Productrice de modules de formation, elle accrédite et coordonne par ailleurs les activités de formation d'associations locales ou régionales de psychiatres privés. L'A.F.P.E.P. a élaboré en 1980 la “Charte de la psychiatrie” autour des références éthiques garantes de l'indépendance des praticiens ainsi que du respect des patients. L'A.F.P.E.P., association scientifique, à travers sa réflexion et ses recherches, donne socle à l'action du Syndicat National des Psychiatres Privés (S.N.P.P.) fondé en 1974. L'A.F.P.E.P.-S.N.P.P. a publié en 1995 le “Manifeste de la Psychiatrie”, synthèse des principes d'efficience d'une pratique confrontée aux risques contemporains de réduction bureaucratique et comptable de l'activité soignante des psychiatres privés.
AFPEP-SNPP 141, rue de Charenton - 75012 Paris - France Tél. : (33)1 43 46 25 55 - Fax : (33)1 43 46 25 56 E-mail : info@afpep-snpp.org - Site Internet : http://www.afpep-snpp.org
PUBLICATION DE L’AFPEP MARS 2007 - N°147 Secrétariat de la Rédaction 141, rue de Charenton 75012 Paris tél. : 01 43 46 25 55 fax : 01 43 46 25 56 psychiatries@afpep-snpp.org
Fondateur Gérard BLES Directeur de la Publication Jean-Jacques LABOUTIÈRE Directeur de la Rédaction Olivier SCHMITT Rédactrices en Chef Dominique JEANPIERRE Anne ROSENBERG Comité de Rédaction Jacques BARBIER, Antoine BESSE Hervé BOKOBZA, Pascal BOURJAC Martine BURDET-DUBUC, Patrice CHARBIT Pierre COËRCHON, Anne DESVIGNES Claude GERNEZ, Marie-Lise LACAS Jacques LOUYS, Marc MAXIMIN Patrick STOESSEL, Jean-Jacques XAMBO Traduction en anglais Steven JARON Conception Graphique Marie CARETTE / Gréta Réseau Graphique Impression Imprimerie Nouvelle Sté Angevin - Niort ISSN 0301-0287 Dépôt légal : 1er trimestre 2007 28 €
SOMMAIRE ÉDITORIAL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.7 1 - PENSER L’ÉVALUATION A) À PARTIR DE RÉFÉRENCES PHILOSOPHIQUES Marc Hayat : Les dangers de l’évaluation dite moderne . . . . . . . . . .p.15 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.20 Pierre Ginésy : L’évaluation : un enjeu biopolitique (sur l’antinomie de l’évaluer et du témoigner) . . . . . . . . . . . .p.23 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.38 Alain Vanier : Pouvoir d’évaluer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.43
B) DANS NOTRE SOCIÉTÉ Christian Ruby : Évaluation et contrôle de soi non disciplinaire dans les sociétés contemporaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.53 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.66 Hervé Defalvard : Retour sur l’évaluation des 35 heures : quelques enseignements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.71 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.80
C) EN PSYCHIATRIE Thierry Jean : Qu’est-ce qu’un fait clinique ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.85 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.92 Albert Le Dorze : Pourquoi des groupes Balint ? Il n’y a pas de science de la praxis. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.99 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.109 Jean-Jacques Laboutière : L’interformation au risque des référentiels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.115 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.122
SOMMAIRE
2 - UNIVERSEL ET SINGULIER A) HISTOIRE Patrice Charbit : Du singulier à l’universel : le retour aux lumières de la psychiatrie. . . . . . . . . . . . . . . . . .p.135 Claude Gernez : UNiversel et UNique (résumé de l’intervention) . . . . . .p.143
B)HISTOIRES Antoine Besse : Souffrir de la peau. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.147 Chantal Jacquié : Troubles ou symptômes... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.157 Anne Rosenberg : Le chat et la souris ou l’univers singulier d’une rencontre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.165
DÉSIR DE LIVRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.177
ANCIENS NUMÉROS Liste de tous les numéros de PSYCHIATRIES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 183
BULLETIN D’ADHÉSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 187
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ÉDITORIAL Les textes de la première partie de ce numéro sont issus du séminaire de printemps de l’AFPEP organisé en avril 2006 en partenariat avec Le Collège de Psychiatrie et le Journal Français de Psychiatrie sur le thème “L’évaluation : nécessité scientifique ou servitude volontaire ?” L’obligation d’Évaluation des Pratiques Professionnelles (EPP) envahit le champ socio-professionnel et n’épargne pas la psychiatrie. Et dans l’état actuel des choses, il ne s’agit pas de rendre compte d’une clinique mais bien d’appliquer une norme, de conformer sa pratique à un référentiel préétabli. Une telle démarche nous entraînerait dans une absence de pensée pour le moins paradoxale dans notre métier. Nous serions « détachés » de nos ancrages symboliques : l’histoire et la parole, le débat philosophique et la question de la vérité, le corps sensible, la prise en compte de l’autre et de son environnement, la liberté de penser… Notre clinique s’élabore pas à pas, au cas par cas, avec nos patients. Ce qui se dit dépend de qui écoute (Thierry Jean)… et un référentiel n’écoute pas. Chaque histoire est singulière, chaque parole est incarnée et cherche un destinataire. Nos patients sont comme nous des personnes, non des corps, des cerveaux ou des machines à réparer. D’autre part, nous ne pouvons faire table rase de l’histoire de la psychiatrie telle qu’elle s’est constituée et transmise durant deux siècles. Nous ne pouvons nier notre filiation et nous déclarer les enfants d’un strict pragmatisme américain qui s’est d’ailleurs perdu lui-même. Une idéologie l’a remplacé à laquelle il faut résister si nous ne voulons pas devenir dépendants des laboratoires et persécutés par la peur des procédures judiciaires.
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Et pourtant, vous le lirez avec Marc Hayat, riche de promesses était la confrontation entre psychiatrie française, américaine, et différentes philosophies de la vérité. L’évaluation est une rhétorique de la certitude et de la norme qui, lorsqu’elle devient de surcroît prédictive, bannit le sujet (Christian Ruby). Sommes-nous en train de fabriquer l’homme de la masse, sans qualité et sans destin, qui ne peut même plus témoigner ? (Pierre Ginésy). L’« Evidence Based Medicine » veut cerner l’incertitude. Mais « il n’y a pas de solution finale », et là où le théoricien totalitaire veut faire coïncider la hasardeuse réalité avec les diktats des programmes, Hannah Arendt rappelle que penser n’est pas raisonner et exige de se saisir de l’existence d’autrui, y compris dans le domaine biologique (Albert Le Dorze). Alors comment faire puisque la loi nous oblige à l’évaluation ? Jean-Jacques Laboutière nous propose d’utiliser l’inter-formation entre psychiatres sur le modèle des groupes Balint pour rendre compte de notre clinique tout en justifiant l’écart avec la norme, quel que soit le référentiel choisi pour la définir. Ceci permettrait de sauvegarder la réflexion, d’éviter la standardisation des pratiques… et le morcellement technicisé des remboursements pris en charge par l’assurance maladie. Ainsi, face à l’évaluation quantitative des pratiques dominantes dans nos sociétés, la psychiatrie entre en résistance du fait de son attachement à la parole (Hervé Defalvard). Et si l’économie fonde la valeur, « une pratique sans valeur, voilà ce qu’il s’agirait d’inventer » (Alain Vanier se référant à Lacan). Pour vous réconforter et vous conforter dans l’idée du caractère fondateur et fondamental de la clinique, la deuxième partie de ce numéro est consacrée aux cinq interventions au congrès de l’Association Mondiale de Psychiatrie (W.P.A.) qui a eu lieu en juillet 2006 à Istanbul et dont le thème était : « Universel et singulier ». Patrice Charbit y a exposé, à partir d’un éclairage historique sur la psychiatrie au temps des Lumières et de la Révolution française en passant par la République, une réflexion sur l’idéologie actuelle. « La nouvelle psychiatrie se veut de masse et industrielle ». Il avance que le sujet se divise lui-même quand la cité est unifiée, alors que dans une société fragmentée il se recentre sur son psychisme propre. Un des aspects de l’universel consiste en la difficulté à le spécifier dès qu’il s’applique à un champ particulier. La querelle des universaux a épuisé l’élite intellectuelle du XIVe siècle par de vaines discussions sur ce thème. Claude Gernez à partir de la scolastique souligne l’échec historique de cette démarche, l’universel devant rester un concept, non une application formaliste.
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S’il existe des universaux de l’homme, aucun ne doit réduire le traitement de la souffrance à un acte indifférencié. Bien au contraire, le passage de critères généraux à la question du singulier doit restituer au sujet sa place spécifique et il est important de faire une lecture particulière à chaque situation clinique de différents symptômes (Chantal Jacquié). Comme le remarque Binswanger, un phénomène n’existe pas comme isolé mais en tant que l’expression de telle ou telle personne. Le va-et-vient entre le travail de théorisation de la pensée (universel) et le singulier de chaque rencontre produit du thérapeutique (Anne Rosenberg). Antoine Besse nous propose un déchiffrage de l’inscription cutanée de la souffrance psychique chez certains patients, véritable écriture orientant vers une approche plus générale. Voilà pour le menu du numéro 147. De quoi nourrir votre réflexion… Bonne lecture à tous. Dominique Jeanpierre et Anne Rosenberg
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1 - PENSER L’ÉVALUATION
À PARTIR DE RÉFÉRENCES PHILOSOPHIQUES
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À PARTIR DE RÉFÉRENCES PHILOSOPHIQUES
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LES DANGERS DE L’EVALUATION DITE MODERNE Marc Hayat*
a religion des chiffres trouve sa source dans la modernité de l’Amérique naissante. C’est Charles Sanders Peirce (1839-1914) qui énonce le principe du pragmatisme : « Considérer quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir être produits par l’objet de notre conception. La conception de tous ces effets est la conception complète de l’objet. » Le pragmatisme consiste à dire que toute idée ou hypothèse est à vérifier et que la vérité de l’idée est dans la mise à l’épreuve. Ainsi, la vérité n’est plus l’adéquation de l’idée et de la chose hors du temps, ou de l’idée et d’un fait historiquement donné dans le passé. La vérité évolue, elle est toute entière tournée vers l’avenir. L’esprit expérimentaliste ou l’esprit de laboratoire, comme le nomme encore Peirce, est l’esprit du pragmatisme. L’idée est une hypothèse, un plan d’action. Sa mise en œuvre est en même temps sa mise à l’épreuve. Pour William James (1842 – 1910) le pragmatisme est essentiellement une théorie de la vérité. S’il y a vérification ou plutôt « validation » comme le dit James – et le choix du mot est suggestif – cette opération a une fonction de validation rétrospective : « La vérité vit à crédit. » Les hypothèses vérifiées deviennent ces vérités, provisoires, certes, par définition, mais auxquelles le temps confère une sorte d’éternité qui, à la limite, pourrait bien en être une : les vérités tendent d’une manière continue vers la Vérité. Non une Vérité qui est déjà là, mais une Vérité qui se fait expérimentalement. C’est là la clef de l’opposition du pragmatisme à la philosophie de la vieille Europe : À Descartes qui propose l’intuition privée et subjective des idées claires et distinctes, le doute cartésien du chercheur-philosophe, le Dualisme, Peirce
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*Psychiatre, psychanalyste, Paris.
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Discussion Monsieur X J’ai été très sensible dans ce que vous évoquiez du contrat social républicain à ce fait que l’une des idées de la République est de produire des sujets comptables de leurs actes, qui ne s’abritent pas derrière Dieu. C’est-à-dire de faire en sorte que la notion de citoyen soit conjuguée avec la responsabilité devant l’acte. Devant l’acte, chacun peut être divisé, mais en tout cas, il ne peut pas dire que c’est la faute de l’autre. J’étais très heureux de voir cette question revenir dans votre bouche, et cette façon de faire valoir les oppositions entre la psychiatrie anglo-saxonne et la nôtre. Une question : je me demande ce qui a permis la conjonction dans nos hautes sphères entre une critériologie anglo-saxonne pragmatique et l’antipsychiatrie à la Michel Foucault, puisque ce sont apparemment les deux grandes références. Aucun Ministère ne nous écrit sans citer inexorablement Michel Foucault. Il semblerait être le poids antipsychiatrique idéologique majeur. Marc Hayat Foucault, dans son rapport à la folie, avait deux axes de pensée. L’un d’eux était celui de l’aliénation du fou par le pouvoir. Marcel Gauchet (Le sujet de la folie) en a fait une critique précise et je m’en suis largement inspiré dans mon intervention. Pour Foucault les psychiatres sont complices du pouvoir dans la vaste entreprise de l’enfermement des fous. Marcel Gauchet montre que non. Pinel justement inaugure l’action psychiatrique en libérant le fou de ses chaînes pour le ramener à la Raison. L’autre dimension développée par Foucault est la réduction de l’homme à une machine. C’est la question technocratique : il faut faire des prévisions, connaître le coût du traitement, connaître le nombre de schizophrènes potentiellement à traiter. La santé, le social ne sont plus jamais les objectifs fondamentaux du fonctionnement de la société, ce sont simplement des éléments dont il faut chiffrer le coût, comme on chiffre le coût de la révision d’une voiture. Combien va coûter la « révision » de l’être humain, à raison d’un check up tous les 5, 10, 15 ans ? Il faut dénoncer cette tendance naturelle du pouvoir politique français à découper l’homme en rondelles. Pierre Cristofari Je suis peut-être un peu moins gaulois que vous. Parmi les choses passionnantes que vous avez dites, j’en relève une : c’est cette insistance sur le désir de cliver d’un côté et sur les asiles de l’autre. Il y a des contre exemples, je pense à Bettelheim qui montre que les choses sont un peu plus complexes.
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L’ÉVALUATION : UN ENJEU BIOPOLITIQUE (Sur l’antinomie de l’évaluer et du témoigner) Pierre Ginésy*
à Jacques Fanise omme Gérard Granel l’écrivait dans le texte Les années trente sont devant nous1, en ce type de domaine, concernant pour partie « l’avenir qui n’a pas de figure », il convient d’abord de penser l’essence de ce à quoi nous avons affaire. En l’occurrence de prendre en compte la tentative (sans précédent) de notre modernité de se fonder sur le concept d’infinité. Il faut entendre par là le caractère absolutiste, sans reste, de la technique moderne, pour laquelle les questions de la limite et de l’essence n’ont pas d’inscription possible. C’est pourtant à partir de la limite que se constitue l’être des choses, et on ne s’étonnera donc pas de l’impossibilité d’une telle fondation, dont l’inéluctable conséquence ne peut être qu’une destruction généralisée par « infinitisation galopante » 2 (comme l’avait déjà indiqué Aristote). Toute structure, sociale ou subjective, se voyant en effet impérativement sommée de se réduire au plus vite à un matériau amorphe et disponible. L’évaluation joue ici un rôle déterminant, non seulement d’index de la progression de cette réduction à l’amorphe, mais bien plus encore de fourrier de l’informe.3
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Il ne s’agit en tout cas pas pour moi de vous parler de l’évaluation à partir de quelque position de supposé spécialiste qui participerait fondamentalement de la même rhétorique technologique que ce qu’il s’agit d’analyser et de déconstruire, d’une position qui ne ferait de ce fait que donner le spectacle d’une démarche critique et qui ne prêterait de ce fait à aucune conséquence. *Psychiatre, psychanalyste, Paris.
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Discussion Yves Froger L’intervention de Pierre Ginésy nous plonge au cœur de ce à quoi nous sommes confrontés à l’AFPEP dont nous a parlé Jean-Jacques Laboutière : dans quoi mettons-nous les pieds et les mains et quels sont les dangers qui nous guettent ? Marc Maximin Pourriez-vous développer votre point de vue sur l’expérience institutionnelle dont vous nous avez parlé ? Vous nous avez mis l’eau à la bouche… Monsieur X Merci pour ton exposé. Je te laisse la parole pour que tu puisses nous raconter cette expérience institutionnelle, je voulais juste ajouter en préambule qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé mais trop régulièrement fréquent dans nos institutions. Pierre Ginésy C’est une histoire singulière certes, mais en même temps extrêmement banale. Cela se passe dans une institution spécialisée comme il y en a sans doute beaucoup en France. Il y a eu un changement du Président du Conseil d’Administration, le Vice-Président était le directeur du supermarché du coin. À partir de là, ils ont écarté le directeur de l’institution qui a dû partir dans des conditions que je n’ai comprises que bien plus tard. En effet, je n’avais aucune expérience dans le champ de l’entreprise alors que, dans les textes même, l’institution était devenue une entreprise. Je ne sais pas si vous avez lu cet assez mauvais roman d’Amélie Nothomb où elle raconte ce qui lui est arrivé dans une entreprise japonaise, mais elle parle de ce genre de manœuvres régulièrement pratiquées dans certaines entreprises spécialisées. Cela consiste à faire partir l’employé en lui voulant le plus grand bien : en l’isolant, en ne le prévenant pas des réunions, en lui disant des choses du genre « vous devez prescrire des médicaments à ces enfants, vous devez leur prescrire des antidépresseurs »… Lorsque l’employé écrit à celui qui lui a dit ça et qui n’est pas du tout médecin ! - : « Je vous demande de me spécifier vos dires par écrit », ce n’est pas celui qui a dit cela qui répond mais le Président du Conseil d’Administration. À ce quelque chose qui a été dit devant 10 personnes, le Président du Conseil d’Administration répond : « vous êtes un menteur, il ne vous a jamais été dit ça ! ». Ce genre de procédure est courant. Tout a commencé à se déchaîner au cours d’une réunion portant sur la loi de réforme de 2002 concernant les institutions à caractère
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POUVOIR D’ÉVALUER Alain Vanier*
es textes d’annonce de ce colloque me paraissent fort bien situer la question et ses enjeux. J’ai peu à y ajouter et je vous propose plutôt une sorte d’excursion autour de ces propositions. Évaluer : nous ne cessons d’évaluer, de donner une valeur, de porter un jugement, non seulement sur ce que nous pratiquons, mais aussi parce qu’il y a des jugements de valeurs fondateurs dans notre relation au monde. Ainsi par exemple, il y a dès le départ pour l’infans, lors des premières satisfactions, un partage entre ce qui est bon et ce qui est mauvais : les saveurs des premières satisfactions orales qui font accepter ce qui est considéré comme bon et rejeter ce qui est mauvais. On notera à ce propos que saveur et savoir ont la même étymologie. Il y a donc un nouage initial entre savoir et jouissance. Je pense à ce petit garçon de quelques mois qui ne mangeait le salé que chez sa nourrice et le sucré chez ses parents. Nous vivons dans l’ère du jugement ; la difficulté est que cette notion a pris un tour spécifique dans le monde contemporain. Il y a diverses manières de situer ce tournant. Ainsi, Walter Benjamin, dans son essai sur le langage humain, laissait paraître une certaine nostalgie puisque pour lui le monde d’aujourd’hui, celui de l’ère du jugement – Urteil – manifeste une forme dégradée du langage divin où mot et chose correspondaient, où la langue était nomination. Elle n’a plus aujourd’hui qu’une valeur d’usage, un statut d’outil. Benjamin propose un mythe d’origine du langage, et son mode contemporain de dégradation. Car la question est celle de l’évaluation aujourd’hui. Ainsi, on peut rejoindre ce qu’a pu dire hier Christian Ruby quand il souligne que les évaluations contemporaines ne sont pas des extractions de valeurs mais des validations, et qu’en tout cas, elles
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*Psychanalyste, membre d’Espace analytique, ancien psychiatre des hôpitaux, professeur des Universités.
DANS NOTRE SOCIÉTÉ
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ÉVALUATION ET CONTRÔLE DE SOI NON DISCIPLINAIRE DANS LES SOCIÉTÉS CONTEMPORAINES Christian Ruby* ême si, au fond, chacun est bien persuadé du fait que la dissolution d’un monde n’équivaut pas à la disparition du monde, beaucoup aiment à entretenir l’illusion d’une perte définitive de tout monde dès lors que ce qui naît devant eux ne correspond plus à leurs habitudes ou à la grille de leurs catégories. Le genre de crise culturelle ou spirituelle, individuelle ou collective, ainsi déclenché ne répond sans doute finalement à rien d’autre qu’à l’incapacité à laisser place à autre chose (du “nouveau”, le novateur comme l’insolite), dans un contexte de référence pris pour « naturel ». Au prix du ressentiment lorsqu’on doit faire place au nouveau qui s’installe. On se sent perdu, dépassé, ou exclu du jeu social du fait qu’on se raccroche à d’anciennes attitudes, devenues alors inefficaces dans leurs rapports aux nouvelles normes, ou à d’anciennes normes que d’autres regardent comme périmées. Toute mesure semble dépassée. Si l’on n’accepte pas de se transformer soi-même ou si l’on n’envisage pas de se battre pour instaurer un autre monde, mieux vaut effectivement, pour survivre sans trop de dégâts, croire que tous critères ont désormais disparu, relativement à un modèle ancien pris pour seule valeur de référence. Certes, le « nouveau » n’a pas raison du seul fait de son paraître. Mais il n’est pas certain non plus qu’il faille systématiquement se retirer de l’effectivité simplement parce que les référentiels se modifient, sinon à affirmer qu’on ne veut pas être moteur dans une transformation. C’est sans doute dans la conscience de ce double obstacle que le regard positif sur les incitations contemporaines à l’évaluation plonge ses racines. Encore n’est-ce pas la seule source de la question de l’évaluation. Il existe aussi un socle objectif de sollicitations à l’évaluation qui tient à la forme sociale en cours
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*Docteur en philosophie, enseignant (Paris).
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Discussion Marcel Czermak Si le Président me le permet, j’aimerais prendre la parole puisque vous terminez sur des questions avec toutes ces positions variées au regard de la question de l’évaluation. Peut-être y a-t-il un aspect présent dans votre exposé, mais qui n’a pas été abordé directement comme tel et qui nous intéresse au premier chef. C’est cette question sur laquelle vous avez mis l’accent : qu’est-ce qui fait valeur pour nous ? Cette question de la valeur renvoie directement pour nous à la question de l’objet. Qu’est-ce qui fait la valeur d’un objet ? Question centrale, une des grandes difficultés en psychiatrie, non pas au sens de la finalité de la discipline mais de la définition et de la spécificité de l’objet. Avec cette constatation d’abord que l’objet pour l’homme est insaisissable mais bien là puisque même en divorçant dix fois, c’est toujours la même femme qu’on épouse, que si je fais une collection de timbres, je n’aurai jamais le bon. Nous ne le connaissons que pour autant qu’il est foireux, insaisissable. Nous le dessinons, le repérons par son absence. De temps en temps nous le rencontrons directement, c’est le cas des psychotiques pour qui l’objet est tellement là qu’ils ne peuvent plus s’en séparer. Cette question est connectée à ce que vous formuliez : qu’est-ce qui est làdedans commensurable puisque l’objet pour l’homme se définit par son incommensurabilité ? Le rapport que j’entretiens avec la femme que j’aime est incommensurable, ce qui occasionne nos engueulades conjugales quotidiennes. La question de la commensurabilité est au cœur de notre pratique et c’est très précisément sur ce point que nous sommes l’objet d’attaque. Il faudrait produire un objet commensurable alors que l’objet qui est le nôtre, c’est pour autant qu’il est manquant que les choses deviennent commensurables. La dimension comptable, mesurable pour l’être parlant n’est présente que pour autant qu’il y a un objet qui a disparu pour l’autre. L’exemple a contrario est très clair, c’est le cas du psychotique qui se retrouve dans un temps pétrifié. De sorte que pour ce qui nous concerne, la question de l’évaluation passe primordialement par la reconnaissance de cet objet, ses conséquences ou pas sur ce qui serait une métrique y compris celle de notre corps pour autant que nous connaissions les sujets qui ne peuvent pas se déplacer dans un espace métrique. Donc la question de la commensurabilité est une question essentielle pour nous. Voilà la remarque que je voulais vous faire. Il me semblait que dans tout
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RETOUR SUR L’ÉVALUATION DES 35 heures : QUELQUES ENSEIGNEMENTS Hervé Defalvard*
e commencerai par un souvenir que ce lieu des Diaconesses dans le XIIe arrondissement me rappelle ; c'est en effet à la maternité des Diaconesses que mon premier enfant est né voici presque 16 ans, faisant de moi un père. En y revenant, je me disais alors que nous vivions une époque encore heureuse puisqu'il n'était toujours pas prévu que comme père j'y revienne pour une EPP (évaluation des pratiques du père) avec éventuellement soit un bonus en cas de résultats positifs soit un malus en cas de résultats négatifs. Ouf me disais-je, "l'idéologie évaluative" comme l'appelle l'argument de ce colloque n'a pas été jusque-là.
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Par rapport au champ premier de ce colloque, portant pour faire bref sur l'évaluation des pratiques en psychiatrie, je voudrais faire quelques remarques introductives afin de situer quelque peu le propos de ma communication. La première sera pour préciser s'il en était besoin qu'en tant qu'économiste de profession je ne connais pas vos pratiques, n'ayant fréquenté l'hôpital psychiatrique Sainte Marie de Clermont-Ferrand que comme enfant du personnel, puisque ma mère y était standardiste. La deuxième sera pour avancer que je suis néanmoins en proximité avec l'enjeu qui vous réunit aujourd'hui, qui est de sauvegarder me semble t-il la place de la parole et du sujet qui la soutient à son insu, dans la valeur ou la valorisation de vos pratiques. En effet, je crois que nous partageons, vous depuis la psychiatrie, moi depuis l'économie, une espèce de résistance marginale ou marginalisée par rapport à un abord des pratiques qui ne tient plus compte de l'épaisseur langagière de celles-ci. Pour ma part, cette résistance je l'ai largement *Économiste, Maître de conférence, Université Marne-la-Vallée.
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QU’EST-CE QU’UN FAIT CLINIQUE ? Thierry Jean*
a question : « qu’est-ce qu’un fait clinique ? » est un vieux débat, difficile à tenir. Trois occurrences m’ont toutefois incité à vous le proposer de nouveau.
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1. De récentes journées de l’association lacanienne internationale intitulée clinique usitée et inusitée ont remis aux centres de nos préoccupations la nature du dispositif que requiert la fabrication de la clinique, son recueil, sa sériation et les conditions de sa transmissibilité. L’argumentaire de ces journées notait ceci : « Qu’est-ce qu’un fait clinique ? Tourments réitérés devant l’invocation que chacun aurait de sa clinique ce qui la ferait proprement disparaître », question dont on sait qu’elle est au centre de la mise en place des conférences de consensus au titre de la nécessité d’une homogénéisation des références même au risque d’une sorte d’espéranto psychiatrique. 2. Un débat auquel nous fûmes conviés à Poitiers par Alain Harly sur les présentations de malade qui n’en finissent pas de créer des remous voire des scandales puisqu’y seraient supposés le fantasme d’un voyeurisme ou le théâtre d’une objectivation déshumanisante, en aucun cas un lieu où « in concerto » s’élaboreraient et se vérifieraient les principes fondamentaux de notre clinique. 3. Enfin, le projet partagé avec quelques-uns de proposer ce qu’il en serait d’une nosographie qui, seule, serait susceptible de s’opposer au déferlement d’une clinique de signes statistiquement établis qui s’imposent à nous. Proposer une nosographie nécessite préalablement qu’en soient posés les principes et c’est donc la question de ces principes et de la façon dont nous pourrions nous entendre sur ces principes que j’essaierais d’exposer. *Psychiatre, Épinay sur Seine.
EN PSYCHIATRIE
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POURQUOI DES GROUPES BALINT ? Il n’y a pas de science de la praxis Albert Le Dorze*
« Comment se fait-il que la médecine ait laissé échapper cette véritable chance qui lui était offerte dans les années soixante ? » Jean-Jacques Kress.
ésormais la loi rend obligatoire l'évaluation des pratiques professionnelles, psychiatriques comprises. Un Clic sur le site de l'AMMPPU1 nous apprend qu'une activité de « formation personnelle doit permettre à l'apprenant de préciser ses objectifs, de situer ses résultats par rapport à eux, de tenir compte pour les apprécier, de son environnement professionnel, du cadre réglementaire et des conditions éthiques de son exercice, de cerner les problèmes restant à résoudre et les moyens de les résoudre (acquisition de connaissances ou de savoir-faire, organisation,...) et d'évaluer les progrès réalisés dans une spirale de formation. » Dans cet esprit, il convient, selon l'auteur2, de conjoindre les obligations d'évaluation et de formation professionnelle. Il est ajouté : « La démarche fondamentale est bien la prise de conscience de la nécessité de s'intégrer dans une démarche qualité. » Les actions de formation permettent, par la comparaison des expériences et la confrontation à des références validées de rentrer dans une démarche d'amélioration de la pratique, de la compétence professionnelle. Elles sont à la base de la formation médicale continue. Question : qui valide quoi ? Et pourquoi ?
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*** *Psychiatre, psychanalyste, Lorient.
EN PSYCHIATRIE
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L’INTERFORMATION AU RISQUE DES RÉFÉRENTIELS Jean-Jacques Laboutière*
P
ar ce titre, je voulais vous exposer où en est la réflexion de l’AFPEP au sujet de d’EPP, réflexion qui est loin d’être bouclée comme vous allez le voir.
L’AFPEP a été créée en 1970, il y a donc 36 ans, par un groupe de psychiatres privés et, dès cette époque, la première de ses missions statutaires, a été la recherche des meilleures conditions possibles de la pratique de la psychiatrie privée. L’AFPEP s’est donc construite sur une ambition assez proche de celle que vise l’EPP et il est assez étonnant de le mesurer avec 36 ans de recul. Pour y parvenir, elle s’est progressivement dotée d’un outil, d’une méthodologie que nous avons au fil du temps dénommée : interformation. Le texte le plus récent publié par l’AFPEP à ce propos est une mise au point qui en a été faite dans l’après coup des ordonnances Juppé d’avril 1996 sur la Formation Médicale Continue. On peut consulter ce texte sur notre site internet. Très concrètement, l’interformation peut se définir comme une méthode de réflexion sur la pratique, non hiérarchique, donc entre pairs, qui consiste à rendre compte d’un cas ou d’un autre aspect de sa pratique à ses collègues. Dans ce processus, l’index de qualité est précisément constitué par cette capacité de rendre compte de son travail, c'est-à-dire à la fois s’exposer au jugement de ses pairs et être capable de rendre compte de son travail. L’EPP est une obligation légale depuis l’été 2005. Elle indexe, quant à elle, la qualité sur l’homogénéité de la pratique puisque ce qui fait qualité dans le cadre de l’EPP, est bien que les pratiques convergent vers une norme. Elle se distingue de ce fait radicalement de l’interformation qui ne produit en revanche aucune norme. Dans ce travail de réflexion critique sur la pratique, il n’est en effet jamais *Psychiatre, Mâcon.
HISTOIRE
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DU SINGULIER À L’UNIVERSEL : LE RETOUR AUX LUMIÈRES DE LA PSYCHIATRIE Patrice Charbit*
a psychiatrie française est née du mouvement de 1789 dans le bain des lumières de Locke, Kant et Rousseau. Du contrat social, de l’égalité des chances, de la responsabilité du gouvernement devant le peuple, de la division des pouvoirs est née l’inspiration d’une conception et d’une prise en charge de la maladie mentale à la plus grande distance possible de « la barbarie de l’ancien régime ». Les révolutionnaires français croyaient que la folie était la conséquence des méfaits du régime monarchique et qu’un traitement « en douceur » allait y remédier. Telle est l’origine du traitement moral de Pinel qui allait initier la psychiatrie mondiale au début du XIXe siècle. Il fallut vite déchanter car, malgré les excellents résultats enregistrés (guérison de 50 % des malades à un an), le nouveau régime politique n’engendrait pas le miracle attendu (guérison totale et disparition de la folie) et Pinel se tourna, pour une part, vers les statistiques. Le mouvement conceptuel était cependant en marche et, en s’éloignant des illusions, allait permettre des nouveautés considérables. Il était né d’un clivage : Pinel pensait soigner la partie malade en faisant appel aux lumières de la partie saine. La folie n’était donc pas un phénomène global, n’envahissait pas toute la vie psychique du patient. Esquirol en donna une première forme avec le concept de monomanie soit une « idée fixe et pathologique » dans un esprit sain. Pouvait donc apparaître l’idée d’un clivage dans l’esprit d’un même sujet, coexistaient une partie saine et une partie malade pourquoi pas en caricaturant ce qu’ils sous-entendaient « une partie révolutionnaire saine et une partie monarchiste malade ».
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*Psychiatre, psychanalyste, Paris.
HISTOIRE
UNiversel et UNique
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( Résumé) Claude Gernez*
a réflexion concernant l'universel et l'unique se porte vers ce que l'humanité et ses cultures pourraient comporter de commun par-delà leurs différences. Une vérité objectivement définie, établie à partir de règles validées pour tous, permettrait de concevoir des paradigmes propres à changer l'évolution d'un domaine choisi. Une pratique de santé publique constitue un champ privilégié à ce type d'investigation, le bien-être de chacun fondé sur l'étude de tous. Ce mode d'élaboration se heurte à des contradictions qui invalident cette démarche.
L
L'universel sériel : une recherche autour de la définition d'une suite d'éléments identiques, permettant de constituer un ensemble homogène, s'invalide en atteignant les objets limites : ceux-ci nécessitent un aménagement des critères de base et, par là même, obligent une reprise globale du travail effectué. Durant le quatorzième siècle, l'élite intellectuelle s'épuisa pendant des décennies au cours de la "Querelle des Universaux " selon ce principe ; et il fallut la rigueur de Guillaume d'Occam pour terminer ces discussions scolastiques. Selon la théorie "terminaliste" de ce dernier, seul le lien d'un objet au mot, au "terme", qui le représente revêt un caractère universel. L'universel unique : L'existence d'un objet unique reconnu comme valable pour tous s'avère, lui aussi, être une utopie. Ainsi, Baruch Spinoza, au dix-septième siècle, s'appuie sur l'exemple de la Loi divine : Dieu est unique, et sa Loi s'applique à tous. Et pourtant, la démonstration du philosophe montre la relativité historique de cette assertion chaque peuple se constitue ses références propres en ce domaine. *Psychiatre, psychanalyste, Enghien-les-bains.
HISTOIRES
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SOUFFRIR DE LA PEAU Antoine Besse*
ans la médecine contemporaine, la démarche diagnostique se limite de plus en plus au corps, simple objet de la matière, de la physique, de la chimie. Mais le corps est aussi pour nous, psychiatres et psychanalystes, objet de la réalité psychique. Il ne s'agit plus d'opposer corps et psyché, ni réalité et pensée comme ce fut trop souvent le cas. Par notre double culture médicale et psychanalytique nous voulons ramener l’importance du fait psychique et de la subjectivité au cœur de la médecine. Certes, en médecine la démarche diagnostique reste synchronique : au bout des investigations cliniques et paracliniques, le diagnostic tombe parfois très durement, tel un couperet. Le psychiatre-psychodynamicien obéit à une démarche diachronique, du temps du symptôme présent à un temps dans le passé. Il s’agit là d’une logique antérograde.
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La peau, les cheveux, quand ils sont touchés, comme nous l’apprend Didier Anzieu1, disent ce que l’inconscient ne peut dire en mots, mais cela n’en affirme que mieux que l’inconscient, au travers de ses conditions d’expression est parole et que le corps s’y trouve totalement participant. Dans les dernières décennies, les sciences fondamentales en dermatologie ont démontré les liens existant entre peau et système nerveux : La peau est un organe d’échange. Laurent Misery2 le rappelle : On sait depuis 1970 que la peau fabrique de nombreuses substances et exerce de multiples fonctions. *Psychiatre, psychanalyste, Saint-Germain en Laye.
HISTOIRES
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TROUBLES OU SYMPTÔMES… Chantal Jacquié*
e souhaite parler ici de choses qui se passent dans notre pratique courante, en Jsans tant que psychiatre française, d’exercice libéral, avec une pratique du «un par un», nier l’apport de l’épidémiologie, mais dans le droit fil de notre tradition, attentive à la singularité de chaque patient quand on se situe dans une démarche thérapeutique. Ce thème central du congrès « unité et universalité » m’a renvoyé la question du symptôme… Le symptôme, d’une certaine façon c’est ce qui est comptabilisé dans les statistiques (sous le vocable de « trouble »). Une sorte de plus petit commun dénominateur, élément irréductible dans une syntaxe globale scientifique qui s’efforcerait de tenir compte des composantes à la fois culturelles, sociales, ainsi que de réalités plus particulières en imaginant une réponse qui pourrait être globale (?) Un signe qu’on retrouverait quelque soit le lieu, l’époque et qui signifierait que quelque chose ne va pas. C’est avec leur symptôme que les patients viennent nous voir. Quelquefois ils ont lu des choses là-dessus… quelquefois non. Dans tous les cas ils viennent nous voir parce qu’ils ne savent plus comment faire avec cette souffrance dans leur vie, et qu’ils n’ont pas trouvé de réponse. Étymologie du mot symptôme Comme vous le savez sans doute le mot symptôme vient du grec de « syn » qui veut dire avec et de « pto » qui veut dire tomber. *Psychiatre, Saint-Brieuc.
HISTOIRES
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LE CHAT ET LA SOURIS OU L’UNIVERS SINGULIER D’UNE RENCONTRE Anne Rosenberg*
a racine latine d’universel est unus qui veut dire un et pourtant l’universel, relatif au général, concerne la totalité des objets ou des humains. L’unicité, l’univocité ont la même racine. Unique a deux sens : seul ou incomparable. Singularis a donné singulier, avec ses deux côtés, unique et isolé, ou bien individuel, particulier, extraordinaire, spécial, curieux, qui se distingue des autres par des traits qu’on remarque. Avançons donc que nous allons penser l’universel non du côté de l’univocité mais plutôt de la multiplicité des singuliers.
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L’impératif méthodologique de la médecine se soutient de son objectivité et de sa scientificité. Il s’intéresse à ce qui est semblable chez les malades. Le savoir médical est un savoir sur la maladie, non sur l’homme. Il ne prend en compte le malade que comme terrain sur lequel évolue la maladie. La maladie pourrait exister en soi, elle fonctionne d’elle-même. Quant à la psychiatrie, fille de la médecine, elle s’est longtemps contentée d’observation, de classement nosographique et nosologique. Cependant Binswanger, (1881-1966) psychiatre et psychanalyste pratiquant la « Daseinanalyse » ou « analyse existentielle » a orienté l’ensemble de ses recherches sur le « fondement philosophique » de la psychiatrie et sa constitution comme science. « Le problème de la psychiatrie se révèle en tant que tel de plus en plus clairement dans la perspective que la psychiatrie au fond est une science de l’homme. » *Psychiatre, psychanalyste, Paris.
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ANCIENS NUMÉROS
Liste des anciens numéros 02 03 04 05 06 07 08 10 12 13 14 15 16 17 18 19 20
Libre choix. Temps partiel (en voie d’épuisement). Pédo-psychiatrie. Où, quand, comment ? (en voie d’épuisement). La psychiatrie autonome et l’institution. Le secret. La demande. Etc. Hospitalisation. Secteur. Demande de soins, demande de psychanalyse. Le secret. L’avenir de la psychiatrie libérale (en voie d’épuisement). Le retour du/au corps (II) (en voie d’épuisement). Exercice de groupe, exercice d’équipe (I) - Pédopsychiatrie. Exercice de groupe, exercice d’équipe (II). Rééducation psycho-motrice. Le psychiatre et la société (II) (en voie d’épuisement). Vivre en professionnel - Pédopsychiatrie (salariés). Limites et fonction de la psychiatrie. L’argent. L’installation.
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PSYCHIATRIES N°147 MARS 2007
Expériences - Psychopathologie. L’hospitalisation psychiatrique (I) - Problèmes généraux. Les Journées Nationales de la Psychiatrie Privée (C.R. intégraux) : “La psychiatrie… à qui ? Le psychiatre… pour quoi faire ?” La psychose en pratique privée : textes introductifs. Psychose et institution. Loi d’orientation en faveur des personnes handicapées. Textes officiels et documents critiques. Loi d’orientation en faveur des personnes handicapées. Les débats parlementaires (en voie d’épuisement). La psychose en pratique privée : compte rendu des Ves Journées Nationales de la Psychiatrie Privée. Du côté de l’organique - La psychiatrie ailleurs. Expériences de la clinique. Symptômes et structures. Honolulu ou le combat pour la liberté (en voie d’épuisement). Pratiques en question (en voie d’épuisement). La psychiatrie et la santé. Thérapies familiales. Trentenaire de l’Élan. Psychiatrie et cultures. Numéro spécial SZONDI. Horizons thérapeutiques. L’écoute.... musicale. La psychiatrie et les contrôles. L’efficacité thérapeutique en psychiatrie. Le chemin parcouru. Sélection de textes publiés entre 1972 et 1975. L’intégration scolaire. La paranoïa aujourd’hui. Première partie. La paranoïa aujourd’hui. Deuxième partie. Médecine et psychanalyse. Clinique de la souffrance. Psychothérapie et/ou psychanalyse institutionnelles. Transsexualisme - Totalitarisme. La solitude. Psychiatries en institutions d’enfants. Médecine et psychanalyse. La difficulté de guérir. Éthologie de la sexualité.
ANCIENS NUMÉROS
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À d’autres.... Jeu, psychodrame et psychose. Du rêve. Du rêve : Deuxième partie. Chronobiologie. Autour de l’hystérie. Psychiatres en institutions d’enfants. Coûts en psychiatrie. Psychiatre, psychanalyse et feuilles de soins. Psychiatres, charlatans et magiciens. Le supposé clivage inconscient/biologique (I, II et III). Urgence et patience. Julien Bigras. Hospitalisation privée. Autour de Henry Ey - De quelques “réalités”. Le délire, espoir ou désespoir (I). Le délire, espoir ou désespoir (II). Autour des psychothérapies. Du père. Épidémiologie psychiatrique. La dépression dans tous ses états. Psychosomatique. Le psychiatre, le malade, l’état. Rencontres. Peurs. Psychothérapies. Corps et thérapies. Le Temps. Les états de Dépendance L’impossible à vivre. Souffrance psychique.... La limite des névroses. L’enfant et la consultation. Le psychiatre et la loi. L’enfant et la consultation. Les psychoses. Adolescence, des liens en souffrance. XXVe Anniversaire de la Psychiatrie Privée. Les Psychoses. L’Enfance. Psychiatrie et prévention, liaison dangereuse ? (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P. 1996) Souffrir de la peau. Peau et psyché, approche.
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Le psychiatre, la médecine et la psychanalyse. Le Secret. Psycho-somatique 97. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P. 1997) Suicide : d’une violence, l’autre. La consultation. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P. 1998) La responsabilité maltraitée (Séminaire A.F.P.E.P. 1999) Filiations - Dimension clinique (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) La psychiatrie est-elle une science ? Filiation et société (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) Nouvelles Filiations (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) Filiations culturelles, Filiations spirituelles (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) Traversée culturelle francophone à la découverte des pratiques ambulatoires de la psychiatrie. (Premières rencontres FRANCOPSIES). L’intime et l’argent. Le métier de psychiatre Le psychiatre et la psychothérapie Les cachets de la folie Les mots de la Psychiatrie Psychiatre et citoyen
BULLETIN D’ADHÉSION
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ASSOCIATION FRANÇAISE DES PSYCHIATRES D’EXERCICE PRIVÉ SYNDICAT NATIONAL DES PSYCHIATRES PRIVÉS Cotisation 2007
Le Docteur : Adresse :
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Code Postal : Tél. :
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Ville : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fax :
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Règle sa cotisation A.F.P.E.P. - S.N.P.P. pour 2008 » Etudiants, internes, 1ère, 2ème et 3ème année d'exercice : 130 € » 4e année d’exercice et au-delà : 280 € » conjoints d’adhérents, membres honoraires et retraités : 180 €
Bulletin à compléter et à retourner, accompagné de votre règlement, par chèque bancaire ou postal, à l’ordre du S.N.P.P. : S.N.P.P. Secrétariat administratif 141, rue de Charenton 75012 Paris
Pour les non-adhérents, l’abonnement à “PSYCHIATRIES” est de 53 euros Chèque à libeller à l’ordre de l’A.F.P.E.P.
MARS 2007 = N°147
Penser l’évaluation Universel et singulier
REVUE DE RECHERCHE ET D’ÉCHANGES
AFPEP 141, rue de Charenton - 75012 Paris Tel. 01 43 46 25 55 - Fax. 01 43 46 25 56 ISSN : 0301-0287
Penser l’évaluation Universel et singulier
MARS 2007 = N°147
Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé 28 €