Psychiatries n°158

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AFPEP 141, rue de Charenton - 75012 Paris Tel. 01 43 46 25 55 - Fax. 01 43 46 25 56 www.psychiatries.fr ISSN : 0301-0287

NUMÉRO SPÉCIAL 2012 = N°158

Être psychiatre aujourd’hui

REVUE DE RECHERCHE ET D’ÉCHANGES

Être psychiatre aujourd’hui

NUMÉRO SPÉCIAL 2012 = N°158

Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé




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REVUE DE RECHERCHE ET D’ÉCHANGES

Être psychiatre aujourd’hui

NUMÉRO SPÉCIAL – OCTOBRE 2012 = N°158

Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé


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PSYCHIATRIES N°158 OCTOBRE 2012 -

N° SPÉCIAL

AFPEP-SNPP L’Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé (A.F.P.E.P.), fondée en juillet 1970, a promu une recherche théorico-pratique pluridisciplinaire sur la psychiatrie, son objet, son exercice, ses limites, en s’appuyant de façon plus particulière sur l’expérience de la pratique privée. Société scientifique de l’Association mondiale de psychiatrie (W.P.A.), affiliée à l’UNAFORMEC en tant qu’organisme de formation continue, l’A.F.P.E.P. anime de multiples cadres de travail nationaux ou décentralisés, prioritairement à l’intention et avec le concours des psychiatres privés, mais enrichis d’une très large participation nationale et internationale de cliniciens, chercheurs et théoriciens concernés par la psyché, dans toute la diversité de leurs orientations. Scandés par la tenue annuelle des “Journées nationales de la psychiatrie privée”, les travaux de l’A.F.P.E.P. s’articulent autour de sessions d’étude et de séminaires thématiques, régionaux ou nationaux. Productrice de modules de formation, elle accrédite et coordonne par ailleurs les activités de formation d’associations locales ou régionales de psychiatres privés. L’A.F.P.E.P. a élaboré en 1980 la “Charte de la psychiatrie” autour des références éthiques garantes de l’indépendance des praticiens ainsi que du respect des patients. L’A.F.P.E.P., association scientifique, à travers sa réflexion et ses recherches, donne socle à l’action du Syndicat National des Psychiatres Privés (S.N.P.P.) fondé en 1974. L’A.F.P.E.P.-S.N.P.P. a publié en 1995 le “Manifeste de la Psychiatrie”, synthèse des principes d’efficience d’une pratique confrontée aux risques contemporains de réduction bureaucratique et comptable de l’activité soignante des psychiatres privés.

AFPEP-SNPP 141, rue de Charenton - 75012 Paris - France Tél. : (33)1 43 46 25 55 - Fax : (33)1 43 46 25 56 E-mail : info@afpep-snpp.org - Site Internet : http://www.afpep-snpp.org


PUBLICATION DE l’AFPEP OCTOBRE 2012 - N°158

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Secrétariat de la Rédaction 141, rue de Charenton 75012 Paris tél : 01 43 46 25 55 fax : 01 43 46 25 56 Site internet : www.psychiatries.fr Courriel : info@afpep-snpp.org Fondateur Gérard BLES Directeur de la Publication Michel MARCHAND Directeur de la Rédaction Olivier SCHMITT Rédacteur en Chef Thierry DELCOURT Comité de Rédaction Jacques BARBIER, Antoine BESSE, Hervé BOKOBZA, Robert BOULLOCHE, Pascal BOURJAC, Patrice CHARBIT, Claude GERNEZ, Michel JURUS, Françoise LABES, Jean-Jacques LABOUTIÈRE, Marie-Lise LACAS, Jacqueline LEGAUT, Anne ROSENBERG, Patrick STOESSEL, Dominique TEXIER Traduction en anglais et en espagnol Pascale DUMONT-ROSE Conception Graphique Marie Carette / Gréta Réseau Graphique Impression Imprimerie Nouvelle Sté Angevin - Niort ISSN 0301-0287 Dépôt légal : 4ème trimestre 2012 28 €



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HOMMAGE À NOTRE AMI ANTOINE BESSE A l’heure où nous mettons la dernière main à ce numéro de la revue Psychiatries consacré à notre pratique de psychiatre aujourd’hui, notre collègue et ami Antoine BESSE vient de nous quitter, foudroyé en plein élan alors qu’il sortait d’une réunion professionnelle. Travailleur infatigable dans son cabinet comme au CMPP qu’il dirigeait, homme d’une grande sensibilité, toujours ouvert et respectueux de l’autre, pétri de cette empathie dont il aimait tant parler, exigeant quant aux valeurs de notre métier, Antoine était sur tous les fronts. Militant depuis trente-deux années à l’AFPEP – SNPP dont il était président d’honneur, acteur majeur à la Fédération Française de Psychiatrie, combattant à la WPA (Association Mondiale de la Psychiatrie) pour une conception humaniste de la psychiatrie face à une visée généralement réductrice de notre discipline, président depuis quelques mois d’ALFAPSY (Alternative Fédérative des Associations de Psychiatrie) pour laquelle il fourmillait de projets, Antoine incarnait la noblesse de notre métier. Au regard de ses qualités d’homme et du caractère exemplaire de son engagement, il nous est apparu comme une évidence de dédier ce numéro spécial à Antoine BESSE. Un grand merci à toi, Antoine, et un grand coup de chapeau pour tout le travail accompli sans jamais ménager ta peine, pour ton investissement sans relâche au service de la psychiatrie et des patients.


SOMMAIRE HOMMAGE DU PRÉSIDENT À ANTOINE BESSE ÉDITORIAL Thierry Delcourt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.

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INTRODUCTION PAR LE PRÉSIDENT DE L’AFPEP-SNPP Michel Marchand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.

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ARGUMENT : Commande sociale et nécessités du soin. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.

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Première partie – Les enquêtes de l’AFPEP-SNPP L’ÉTUDE CLINIQUE ET LE JEU DES NORMES Patrice Charbit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 21

ENQUÊTE SUR LES PRATIQUES DES PSYCHIATRES EN CABINET LIBÉRAL Victor Royer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.

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URGENCE ET PERMANENCE DES SOINS POSITION DES PSYCHIATRE PRIVÉS Thierry Delcourt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.

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Deuxième partie – Pratiques de psychiatres CADRE, PROTOCOLE ET LIBERTÉ Olivier Schmitt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 69

PRATIQUES DE PSYCHIATRES : ENTRE ADÉQUATION, CLIVAGE ET DIALECTIQUE Élie Winter . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 75

POUR UNE PSYCHIATRIE DE L’INTERROGATION Michel Jurus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 83

FORMATION ET PRATIQUE D’UN JEUNE PSYCHIATRE HOSPITALIER Olivier Andlauer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 91

INTERDICTION DE PARLER DU PACKING Alain Gillis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 99


SOMMAIRE

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Troisième partie – Synthèse et Propositions DE LA POSSIBILITÉ D’UN RÉFÉRENTIEL MÉTIER ? Jean-Jacques Laboutière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 103

CHARTE ET MANIFESTE DE LA PSYCHIATRIE Conseil d’Administration de l’AFPEP-SNPP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 125

LES INCOMPATIBLES Patrice Charbit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 129

ÊTRE PSYCHIATRE AUJOURD’HUI : DES FONDAMENTAUX AUX PROPOSITIONS CONCRÈTES

Jacqueline Légaut, Michel Marchand, Patrice Charbit, Thierry Delcourt, Élie Winter, Olivier Schmitt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 133

ANCIENS NUMÉROS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 137 BULLETIN D’ADHÉSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 141



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ÉDITORIAL

1982 – 2012 TRENTE ANS D’EXERCICE DE LA PSYCHIATRIE PRIVÉE ! Certains diraient : « Vivement la retraite ». Je ne cesse de penser : « Trente ans déjà ! Comme c’est passé vite ». Pas l’ombre d’une envie de quitter ce métier de psychiatre privé, et pourtant, que de changements inquiétants dans son exercice. À entendre les contraintes qui pèsent sur les confrères médecins généralistes, sur les psychiatres d’exercice public ou médico-social, sur les psychiatres exerçant en clinique privée, comme à constater l’acharnement des pouvoirs publics à stériliser leurs capacités soignantes en les mitraillant de protocoles, de contraintes administratives et d’injonctions à justifier leurs soins, on pourrait se réjouir de pouvoir encore préserver un îlot de liberté dans la pratique de cabinet d’exercice privé. Mais, comme la montée des eaux menace les îlots précaires en ces temps de dérèglement climatique, la montée des contraintes attaquant l’éthique, l’indépendance et la liberté d’exercice de la psychiatrie privée met insensiblement en péril ce qu’il reste de liberté dans notre pratique : secret professionnel, libre choix du patient et du psychiatre, choix des options et des techniques de soins, colloque singulier, confiance dans la probité et l’efficacité professionnelle du


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psychiatre… À la différence de l’implacable montée des eaux, qu’une digue ne suffit pas à contenir, nous gardons une prise sur l’évolution politique du soin, ne serait-ce que par notre bulletin de vote. Une arme bien légère, me direz-vous ! Oui, si on en restait là. Mais ça n’est pas, et ça n’a jamais été l’intention du SNPP (Syndicat National des Psychiatres Privés) et de l’AFPEP (Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé) depuis leur création en 1970 par le Dr Gérard Bles et quelques autres. Les combats ont été rudes. Les victoires que nous devons à nos aînés qui ont réussi à préserver les fondamentaux de notre pratique jusqu’à présent, et ce envers et contre toutes les attaques du cadre de notre exercice, nous imposent de poursuivre les acquis, malgré un déchaînement des mesures visant intentionnellement ou non à altérer la qualité du soin en psychiatrie. A nous de transmettre la tâche entreprise aux jeunes psychiatres et de leur donner envie, autant qu’à nous encore, d’exercer ce métier passionnant. C’est avec cette volonté d’une lutte efficace que nous avons mené ces deux dernières années plusieurs actions afin de rester au plus près des préoccupations de tous les psychiatres privés sans exception ni ostracisme. Deux enquêtes approfondies s’ajoutant à celle effectuée il y a quelques années « Persiste et signe », ont été réalisées auprès des praticiens, membres ou non de l’AFPEP – SNPP. L’ensemble de ces trois enquêtes nous a apporté un matériel riche d’enseignement pour comprendre le souci des psychiatres et les fondamentaux sur lesquels ils ne lâcheront jamais. Des échanges avec les jeunes psychiatres privés et les psychiatres en formation nous ont également permis de prendre la mesure d’une évolution des pratiques et des techniques de soin. Enfin, un dialogue autour du référentiel métier de psychiatre privé nous a permis d’affiner les préalables à tout questionnement et à toute évaluation de nos pratiques. Le Séminaire d’Été de l’AFPEP, tenu cet été 2012 à Montpellier, a été l’occasion de confronter tous les éléments recueillis avec les propos des intervenants sur leurs pratiques singulières, et surtout d’engager un débat avec les nombreux psychiatres présents, y compris ceux, francophones du pourtour méditerranéen ainsi que les praticiens européens réunis dans le cadre des Rencontres Francopsies 2012. Faisant suite à ce Séminaire passionnant et pour rendre compte précisément des enquêtes réalisées, il a été décidé de publier ce Numéro Spécial de Psychiatries au plus tôt, c’est-à-dire 4 mois après le Séminaire : une belle performance que nous devons à l’efficacité du bureau de l’AFPEP – SNPP et du comité de rédaction de la Revue Psychiatries que je tiens à remercier. Enfin, riche de ces enquêtes, de ces interventions et de ces débats, un bureau d’été de l’AFPEP – SNPP a réalisé une synthèse des fondamentaux réactualisés de notre profession. Et force est de constater qu’ils ne diffèrent pas de ceux figurant dans la Charte de la psychiatrie établie en 1980 et le Manifeste de la


ÉDITO

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psychiatrie libérale établi en 1995. Il nous a fallu confronter ces fondamentaux à leurs empêchements actuels dans le contexte d’une normalisation et d’une contrainte toujours plus forte de la profession, pour ensuite étayer nos propositions concrètes. Celles-ci pourront donc être présentées officiellement comme incontournables lors de chacune de nos discussions avec les instances administratives et politiques, car légitimées par le débat public au sein de la profession de psychiatre privé. Combien de fois ai-je entendu ces derniers mois : « Qu’on nous laisse travailler tranquille et les patients seront bien soignés… Et ça coûtera moins cher… Et ce sera moins dangereux… Et on n’aura pas besoin de prendre des mesures d’urgence ou sécuritaires à l’emporte-pièce sans tenir compte des réalités du terrain et du respect de la personne ». Jamais nous ne céderons sur ces fondamentaux qui constituent le cœur et le sens même de notre pratique de psychiatre privé.

Thierry Delcourt


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www.psychiatries.fr En septembre 2009, le Bureau de l’AFPEP a décidé de doter la revue Psychiatries d’un site internet spécifique. Les sommaires de tous les numéros y seront intégrés au cours des mois prochains mettant en évidence la diversité des travaux de réflexion et de recherche de l’association depuis sa création. Un site est d’autant plus repéré et consulté qu’il est référencé dans d’autres sites. Chacun des adhérents de l’association et lecteurs de la revue peut, au cours de ses navigations sur le net, signaler l’existence de psychiatries.fr aux sites de références pertinents consultés, aidant ainsi à faire connaître ou mieux connaître la psychiatrie privée.


TEXTE INTRODUCTIF

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TEXTE INTRODUCTIF DE LA DIVERSITÉ : PRENONS-EN DE LA GRAINE ! Michel Marchand*

I

l était une fois… des petits producteurs individuels de fruits et légumes qui échangeaient chaque année leurs semences paysannes pour diversifier les espèces, renforcer leur résistance, développer la saveur de leurs productions, entretenant par là même un commerce intelligent et équilibré entre les hommes. Puis vint l’ère de l’agro-alimentaire à grande échelle et l’éclosion de grainetiers développant à l’échelle mondiale un marché captif de semences normées et uniformes, soumettant à leur loi mercantile les cultivateurs de tout poil : un marché unique de graines caduques, obligeant ces derniers à renouveler chaque année l’achat de nouvelles semences, pour aboutir à des produits standardisés. Le puissant lobbying des grainetiers réussissant à faire voter par les États, tant en Europe qu’aux États-Unis – et malheureusement la France n’échappe pas à la règle en s’apprêtant à poursuivre dans cette voie – des lois protégeant leur monopole et interdisant tout échange de semences y compris entre voisins, allant jusqu’à désigner comme « potentiellement nuisibles » les cultures diversifiées du fait qu’elles ne satisferaient pas un niveau de production suffisant pour nourrir la population. Que viennent faire de telles considérations pour introduire la question « être psychiatre aujourd’hui » ? Cet exemple qui se développe sous nos yeux n’est-il pas transposable à la sphère de la santé où s’imposent les principes d’homogénéisation des pratiques, le *Président de l’AFPEP - SNPP


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poids de l’industrie pharmaceutique, l’application des normes, l’obligation de protocoles supposés infaillibles, la codification des réponses thérapeutiques et même des relations entre les praticiens ? L’éloge de l’uniformité au nom de la performance et de la bonne gouvernance conduit à une impasse au nom des objectifs de santé publique : tant que la politique de santé est déterminée sur des bases bureaucratiques et comptables en écartant de la réflexion les acteurs du soin, le risque est grand de dévoyer la notion même de soin. Notre clinique nous enseigne au contraire l’importance de nous affranchir des stéréotypes, des diagnostics et pronostics définitifs, de réinventer sans cesse le soin au cas par cas, d’inscrire la relation thérapeutique dans la singularité du sujet et dans son histoire. Les enquêtes que nous avons menées auprès de nos collègues et les articles qui suivent dans ce numéro de Psychiatries témoignent ô combien de la nécessité de nous mettre à l’écart des normes instituées, de considérer le contexte particulier de chaque prise en charge, d’apposer notre propre signature dans un acte qui vaut engagement du psychiatre. Face à cet investissement personnel du psychiatre, guidé par une éthique du soin dont les maîtres mots sont indépendance professionnelle, respect scrupuleux du secret médical, libre choix du praticien et du patient, se dévoile la HAS : nous ne pouvons que nous inquiéter de cette dernière recommandation écrite de la HAS, à la recherche de praticiens collaborateurs : parmi les qualités requises est notamment citée « la capacité à se mettre à distance des valeurs professionnelles » ! Et ceci quelques mois après que la même instance ait récusé et dénoncé les apports de la psychanalyse et de la psychothérapie institutionnelle dans la prise en charge de l’autisme… Nier la singularité de chacun, forcer la standardisation des traitements et des modalités de la relation thérapeutique, c’est à coup sûr garantir l’apparence de soins « propres en ordre » comme disent nos amis suisses et nourrir de belles statistiques, mais c’est aussi assurer l’inadéquation du soin. Préserver la diversité des prises en charge et la complémentarité des différents modes d’exercice, tenir notre place d’artisans de la clinique de la singularité, c’est au contraire donner la chance à chaque patient, pour peu qu’il puisse encore accéder aux soins, de bénéficier d’une prise en charge adaptée. Ne pas assécher notre pratique par des réglementations stérilisantes et des références ignorantes de toute singularité, garder la saveur de notre métier et le fruit de notre engagement auprès des patients, c’est tout ce que nous pouvons souhaiter transmettre aux générations futures de psychiatres.


ARGUMENT

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ARGUMENT Commande sociale et nécessités du soin Entre adéquation, clivage et dialectique

D

e l’Étude clinique sur les pratiques des psychiatres privés (voir le numéro spécial, avril 2009, de la revue Psychiatries : Persiste et signe : une étude clinique) à l’Enquête sur l’urgence et la permanence des soins (enquête en cours : voir formulaire à remplir et à renvoyer, dans ce BIPP) et à l’Enquête auprès des psychiatres (conduite en partenariat avec Samuel Lézé et Victor Royer, anthropologues), l’AFPEP – SNPP continue d’interroger les pratiques de la psychiatrie privée, les conditions d’exercice ainsi que les questions qui se posent autour d’une adéquation de la commande sociale avec les nécessités du soin. Tant que le statut du psychiatre reposait sur un consensus lui accordant une place de soignant, la trajectoire de l’adéquation était lisible. Aujourd’hui, l’État tente d’assigner peu à peu le psychiatre à une position d’évaluation et d’expertise, arguant de l’urgence, de la dangerosité et de la responsabilité pour faire valoir de nouvelles priorités. De la volonté politique à l’exercice privé de la psychiatrie, comme de « la coupe aux lèvres », il peut se passer des choses pour le moins préoccupantes ! Infléchissements et dérives ne cessent de se produire. Nous sommes en droit et en devoir de nous interroger sur l’incidence de toutes ces mesures et mutations sur les pratiques de soin et sur l’évolution réelle de notre métier. Les usagers et les consommateurs, ne restent pas les bras croisés. Le service public subit une involution. De nouveaux réseaux sociaux se dessinent.


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Alors, quelles nouvelles adéquations pour la psychiatrie privée ? Nos enquêtes insistent sur la spécificité de notre pratique au sein de la médecine ainsi que sur la nécessaire « signature de notre acte » : des fondamentaux existent. Les nouvelles adéquations, si elles tendent à un équilibre, ne doiventelles pas en tenir compte ? Nous comptons sur votre présence pour participer à ce débat et continuer à enrichir la réflexion au sein de l’AFPEP – SNPP. Nos fondamentaux et l’éthique issue de la pratique du soin sont-ils en danger ? Les psychiatres devront-ils se cantonner, dans un avenir proche, à une fonction d’évaluation et d’expertise ?


Première partie

LES ENQUÊTES DE L’AFPEP - SNPP



LES ENQUÊTES DE L’AFPEP - SNPP

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L’ÉTUDE CLINIQUE ET LE JEU DES NORMES Patrice Charbit*

A

dopter une stratégie face à des normes en cours d’établissement n’est pas chose facile. De la coupe aux lèvres, il y a une distance certaine, je veux dire par là que si la volonté des tutelles est souvent lisible et ne nous favorise pas, sa mise en acte s’avère difficile, déterminée certes, mais bien souvent ralentie. Face à cela, l’AFPEP – SNPP poursuit depuis plusieurs années un travail d’analyse qui cherche à identifier quelques clefs et à défendre ainsi plus précisément une psychiatrie notamment privée qui n’aurait pas à rougir d’elle-même. D’où les différentes études pratiquées depuis quelques années. « L’étude clinique » que nous avons mené avec Anne Rosenberg et Claude Gernez au nom de l’AFPEP – SNPP voici quelque temps nous a permis, à travers une méthodologie inédite, basée sur le transfert, de mettre à jour différents éléments qu’il convient de confronter à la réalité d’aujourd’hui. L’examen de ce qui s’est récemment passé pour l’autisme me paraît paradigmatique de ce qui nous attend à l’échelle de toute la psychiatrie et va nous permettre d’envisager les choses sous un angle qui consiste à démarrer à partir de l’existant, car sans sagesse pratique, comme le pointe Jean Oury, on crève. Nous pouvons résumer cette histoire récente concernant l’autisme en remarquant qu’un groupe très minoritaire de parents d’enfants autistes, très bruyant au niveau médiatique, aux intérêts croisés avec les lobbies universitaires,

*Psychiatre, Montpellier


LES ENQUÊTES DE L’AFPEP - SNPP

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ENQUÊTE SUR LES PRATIQUES DES PSYCHIATRES EN CABINET LIBÉRAL Victor Royer*

Cadre de la recherche L’enquête, que nous évoquons ici, prend pour objet la pratique de la psychiatrie libérale. Elle a été imaginée, au moment du congrès d’Annecy, en 2008, dans des discussions entre des membres de l’AFPEP et l’anthropologue Samuel Lézé. L’objectif premier du travail, qui fut décidé, était de dépeindre l’activité libérale des psychiatres en portant une attention particulière à la spécificité de la pratique en psychiatrie libérale, en France, de nos jours. L’approche des sciences sociales, basée sur une méthode qualitative d’analyse d’entretiens sur laquelle nous reviendrons, offre ici un regard intéressant pour ce domaine ciblé de la psychiatrie. Cette recherche donnera la possibilité d’une lecture, que l’on pourrait qualifier d’« extérieure » à leur activité, en ce qu’elle offre une prise de distance vis-à-vis des enjeux immédiats du soin psychique, dans lesquels sont plongés de façon permanente les psychiatres pratiquant l’exercice libéral. Principes de la méthode La méthode entreprise est fortement marquée par le choix d’appréhender la réalité depuis le point de vue des psychiatres sur le quotidien de leur activité : quels sens donnent-ils à leur pratique ? C’est-à-dire comment organisent-ils leurs journées de travail ? Comment prennent-ils des rendez vous ? Quelles *Doctorant IRIS - EHESS


LES ENQUÊTES DE L’AFPEP - SNPP

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URGENCE ET PERMANENCE DES SOINS – POSITION DES PSYCHIATRES PRIVÉS Thierry Delcourt*

C

es trois dernières années, les psychiatres ont subi des pressions importantes dans leur exercice, tant privé que public et médico-social. Les injonctions à soigner dans des conditions de plus en plus dictées par le gouvernement et les caisses d’Assurance - Maladie ont généré un profond malaise chez nombre de praticiens. Il n’est que de voir l’ampleur, l’intensité et parfois la violence des débats portés sur la place publique, il n’est que de voir aussi la volonté qu’ont eue les professionnels de psychiatrie de se rassembler au sein de coordinations et de groupes d’actions, pour comprendre à quel point la solitude du praticien dans son cabinet, son secteur ou son service hospitalier n’était plus vivable et acceptable. L’activité scientifique et syndicale de l’AFPEP - SNPP, en prise directe sur la vie quotidienne du psychiatre privé, nous a conduits à recueillir les appels, doléances, inquiétudes et prises de position défensives de nos confrères. Qu’il s’agisse de la loi de juillet 2011 avec son volet sur les soins sous contrainte ambulatoire ou de la nouvelle convention avec son paiement à la performance, qu’il s’agisse de la réduction drastique des budgets ou de la perspective d’un plan psychiatrie santé mentale imposé sans véritable concertation, les attaques des principes fondamentaux de la profession de psychiatre privé fondée sur un accès libre aux soins pour tous, une indépendance professionnelle et un strict *Psychiatre, Reims


PRATIQUES DE PSYCHIATRES

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CADRE, PROTOCOLE ET LIBERTÉ Olivier Schmitt*

A

utant la standardisation des objets (comme les prises électriques par exemple) nous simplifie la vie et ne touche que marginalement à notre identité (sauf peut-être les Britanniques), autant la standardisation des conduites comme dans les actes protocolisés peut être une atteinte au libre arbitre et peut désubjectiver l’individu qui y est soumis. L’homogénéisation des conduites et des processus qui concerne de plus en plus souvent des registres aussi divers que le soin, l’éducation ou le travail et les modes de vie, provoque de la souffrance tant chez les professionnels que chez les « usagés », comme on pourrait l’écrire, tant leur relégation ou leur remplacement par des individus « conformes » serait une « réussite » de la nouvelle gouvernance. Cette homogénéisation des conduites et des processus se signale par la prolifération des protocoles, des arbres décisionnels, des recommandations(1) qui fleurissent, alimentés dans le domaine de la médecine par cette étrange structure qu’on nomme la Haute Autorité de Santé (HAS). Elle est étrange parce qu’elle a été présentée (sinon conçue) comme au-dessus des influences politiques et privées. Or, il s’agit d’une agence d’État et les conflits d’intérêts de ses membres ne cessent d’être découverts. Mais ceci est un autre débat, concentrons-nous sur sa fonction et la méthodologie qui la caractérise. La croyance sur laquelle se fonde cette méthodologie est qu’il existerait une conduite idéale définie selon les critères de coût, d’efficacité et de délais, comme

*Psychiatre, Niort


PRATIQUES DE PSYCHIATRES

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PRATIQUES DE PSYCHIATRES : ENTRE ADÉQUATION, CLIVAGE ET DIALECTIQUE Élie Winter*

J

eune interne, on comprend vite ce qu’est la « double contrainte » quand il faut à la fois être accueillant, humaniste, psychopathologue (pour reprendre le mot cher à Jean-Jacques Laboutière), tout en étant biologiste, neurobiologiste, médecin généraliste parfois, assistant social et protecteur de la société face au risque « psychiatrique » voire « criminologique ». Les patients nous montrent cela, montrent leur attente de pouvoir parler enfin, à quelqu’un qui est là pour les comprendre, tout en pouvant interroger nos limites « cadrantes » (ou pas !), histoire de tester le terrain. Ils n’en attendent pas moins des réponses, une aide concrète. Pour cette table ronde sur les pratiques de psychiatres, je voudrais vous parler aujourd’hui de ce qui a changé dans ma pratique entre mon internat (débuté en 2001) et maintenant. Sous influence de mon engagement à l’AFPEP, au collectif des 39, et dans le service public hospitalier, comme dans ma pratique libérale. Témoigner de ce qui était impossible à penser, ou en tout cas à agir. Clivage entre idées de ce que je ferais « si c’était possible », et ce que j’ai pu croire être « obligé » de faire, pour toutes sortes de prétextes théoriques, pratiques ou

*Psychiatre, Paris


PRATIQUES DE PSYCHIATRES

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POUR UNE PSYCHIATRIE DE L’INTERROGATION Michel Jurus*

Confucius : “Je ne peux rien pour qui ne se pose pas de questions” Qu’est ce qui fonde aujourd’hui ma pratique de psychiatre libéral ? Pour évoquer ce présent, spontanément il me vient à l’esprit un flot de souvenirs sur mes premières années dans le monde psychiatrique. Étonnamment, ce que je pensais oublié, dépassé, se livre comme une force très présente. Remontant mon fleuve Alphée, je me dirige vers sa source. Je vois jaillir mes premières initiations. Et voici que ressurgit l’enseignement de Jacques Hochmann qui savait éveiller en nous, étudiant de deuxième cycle de médecine, un intérêt pour une matière “pas comme les autres” faite par un enseignant “pas comme les autres”. La singularité d’un enseignement, marqué par une élégance du récit, attirait le plus grand nombre d’étudiants, même les plus obtus au psychisme, alors que le certificat était connu pour être acquis d’avance. En effet, la totalité des candidats réussissait quelque soit l’apprentissage et souvent les étudiants, qui avaient appris le cours, avaient juste la moyenne alors que ceux, qui n’avaient fait aucun effort, se retrouvaient dans les premiers. Comme vous pouvez vous en douter, ce cours, passionnant, original, m’a fait m’orienter vers la psychiatrie alors que mes premiers rêves, en médecine, étaient d’être généraliste sur le plateau ardéchois, chirurgien ou réanimateur. *Psychiatre, Lyon


PRATIQUES DE PSYCHIATRES

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TÉMOIGNAGE : FORMATION ET PRATIQUE D’UN JEUNE PSYCHIATRE Olivier Andlauer*

J

e souhaite tout d’abord remercier les organisateurs, et particulièrement le Dr Élie Winter, de m’avoir invité à participer à cette table ronde, dont l’un des objectifs est d’illustrer les parcours et pratiques de différents psychiatres. Je vais, dans un premier temps, vous présenter mon parcours de formation, puis la façon dont je travaille actuellement. Je ne parle qu’en mon nom, et n’ai pour but que de vous faire partager ma jeune expérience (je suis diplômé depuis 2008). Il me semble cependant que mon approche de la psychiatrie est partagée par un grand nombre de mes jeunes collègues. J’essaierai de vous expliquer pourquoi ma formation et ma pratique s’organisent autour d’une tentative d’éclectisme, et surtout de dépasser les querelles (pour ne pas dire les guerres) entre les différents courants de la psychiatrie française.

Parcours de formation Mon premier contact, avec la psychiatrie, fut lors d’un stage d’externe au CHU de Strasbourg, ville de tradition psychanalytique forte, et dans laquelle mes *Praticien hospitalier contractuel, CHU de Besançon


PRATIQUES DE PSYCHIATRES

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INTERDICTION DE PARLER DU PACKING Alain Gillis*

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’avais été invité à intervenir le 6 Octobre, à Toulouse, dans le cadre des Séminaires Maldiney, ouverts au public et organisés par l’Université Toulouse – Le Mirail. Je devais y exposer certaines réflexions d’ordre philosophique et psychologique concernant ma pratique du Holding et du Packing avec les enfants présentant des troubles autistiques. Quatre jours avant la date prévue (le 6 octobre), j’apprends par téléphone qu’il y a un problème : le séminaire est supprimé à la suite de menaces précises émanant d’une association de veille sur le droit des autistes. L’antenne française de cette association américaine, une certaine ARW, a été « alertée » par l’annonce de cette conférence. Une lettre a été adressée au président de l’Université, avec copie au Professeur (équipe de recherche sur les rationalités philosophiques et les savoirs) responsable du département organisateur, où il est dit que, compte tenu de l’interdiction du packing par la HAS, si la conférence est maintenue, le ministère sera averti du non respect des dispositions légales concernant une pratique interdite par les autorités tant françaises qu’européennes. Par ailleurs une « manif » est appelée, via Facebook…

*Psychiatre, Luzarches


SYNTHÈSE ET PROPOSITIONS

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DE LA POSSIBILITÉ D’UN RÉFÉRENTIEL MÉTIER ? Jean-Jacques Laboutière*

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orsque la FFP – CNPP a décidé de mettre en œuvre l’élaboration du référentiel du métier de psychiatre, il a été décidé d’emblée que ce travail devait être réalisé en deux phases. La première de ces phases devait consister en une réflexion préalable sur l’opportunité de réaliser ce référentiel métier, sa définition et ses limites et enfin la méthodologie permettant d’y parvenir. L’élaboration et la rédaction du référentiel métier proprement dit ne devaient être réalisées que dans une seconde phase. Quatre questions supposaient en effet de trouver des réponses avant de commencer l’élaboration même du référentiel métier : – Qu’est-ce qu’un référentiel métier ? – Est-il opportun de le faire pour le métier de psychiatre ? – Est-ce à la FFP de le faire ? – Comment s’y prendre ? C’est cette première phase du travail, qui s’est déroulée au cours du premier semestre de l’année 2012, qui va être présentée ici. La seconde phase du travail va commencer en novembre prochain et devrait se terminer au cours du printemps 2013.

*Psychiatre, Mâcon


SYNTHÈSE ET PROPOSITIONS

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CHARTE DE LA PSYCHIATRIE AFPEP – SNPP

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harte élaborée le 26 octobre 1980 lors des Xèmes Journées Nationales de la Psychiatrie Privée.

Branche antique et particulière de la médecine, la psychiatrie, discipline des professionnels qui opèrent dans le champ spécifique qui est le sien, se fonde tant sur la science médicale que sur l’art qui lui est propre. Engagée dans la réalité sociale, la psychiatrie se doit éthiquement de préserver à tout prix l’individualité et l’originalité des personnes qui se confient ou lui sont confiées. Indépendants des idéologies, l’art et les techniques psychiatriques prennent en compte la personne dans sa totalité, avec ses aspects biologiques, psychologiques, relationnels et institutionnels. La psychiatrie vise ainsi à rétablir le malade dans son être et dans la vie. A cet effet, un contrat se noue, tacite ou explicite, dont l’objet ne peut et ne doit être que l’intérêt du malade, en dehors de toute contrainte étrangère, publique ou privée.


SYNTHÈSE ET PROPOSITIONS

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LES INCOMPATIBLES Patrice Charbit*

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n dépit d’un l’affichage trompeur de bonnes intentions, la réforme issue de l’articulation de la loi HPST, de la loi du 5 juillet 2011 et du plan « santé mentale », sous la houlette de la HAS, se résume à une volonté de gouvernance tyrannique des soins. L’objectif est de soumettre au niveau régional tant la psychiatrie publique que privée aux objectifs décidés et validés par la HAS. Une telle réforme est incompatible avec l’exercice de la psychiatrie à différents niveaux. Tout d’abord, la HAS s’est décrédibilisée aux yeux des psychiatres et ses directives, en l’état actuel des choses, ne peuvent qu’engendrer une opposition massive : Sa récente prise de position concernant l’autisme est inacceptable. En effet, la HAS s’est posée en arbitre entre différentes institutions voire lobbies et non dans une recherche d’un soin juste tant au niveau scientifique que d’expérience praticienne.

*Psychiatre, Montpellier


SYNTHÈSE ET PROPOSITIONS

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ÊTRE PSYCHIATRE AUJOURD’HUI : DES FONDAMENTAUX AUX PROPOSITIONS CONCRÈTES Jacqueline Légaut – Michel Marchand – Patrice Charbit – Thierry Delcourt – Élie Winter – Olivier Schmitt

Les fondamentaux de l’AFPEP – SNPP – Une politique de santé en permanence centrée sur le soin et sur la solidarité (l’assurance maladie doit garantir la protection sociale et permettre l’exercice des psychiatres privés en respectant les règles déontologiques inhérentes à notre pratique du soin). – Les conditions intangibles d’un soin conforme à notre éthique et notre déontologie sont et resteront : L’indépendance professionnelle consubstantielle à une réelle responsabilité, La confidentialité et le strict respect du secret professionnel, Le respect du libre choix du psychiatre par le patient. – La formation du psychiatre est permanente ; elle repose sur : La formation initiale qui fait toute sa place à la psychopathologie, avec une ouverture sur les sciences humaines autant que les neurosciences, la relation soignante, les différents modes d’exercice et en particulier l’exercice privé. La formation continue qui se doit de rester strictement à l’initiative et sous la responsabilité des praticiens au fait de leur exercice spécifique.


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PSYCHIATRIES N°158 OCTOBRE 2012 -

N° SPÉCIAL

– Les modes d’exercice des psychiatres privés constituent une richesse clinique et thérapeutique à condition de préserver leur diversité et leur adaptabilité aux situations et aux patients. L’AFPEP – SNPP affirme plus que jamais la nécessité de cette diversité et de la complémentarité des modes d’exercice dans l’organisation des soins en psychiatrie, sans avoir à jouer sous quelque forme que ce soit les supplétifs du service public. – Le cadre du soin doit prendre en compte et respecter le temps nécessaire à la consultation, l’indispensable relation de confiance avec le patient, la disponibilité pour assurer la continuité de la prise en charge dans sa complexité ; ce qui nécessite un acte unique incompressible, indivisible et donc, substantiellement revalorisé pour ne pas altérer sa qualité, garante d’un soin efficace. Cette qualité garantit une réelle économie du coût de la santé. – La fonction soignante constitue le cœur de notre exercice, et donc, il nous faut réaffirmer notre fonction première : le traitement de la souffrance psychique et des patients atteints de troubles psychiatriques, sans restriction du champ d’exercice. Nous affirmons notre refus de la réduction à une fonction expertale. Nous soulignons la prise en charge de files actives équivalentes de patients et de pathologies graves dans la pratique privée et dans le service public. – La spécificité de notre pratique centrée sur la personne et sa souffrance psychique induit un acte où le diagnostic et le pronostic ne sont pas figés ni définitifs. Notre souci reste avant tout la prise en compte de la dimension évolutive du patient, de la complexité de sa problématique. – Le libre choix des techniques, tant psychothérapiques que biologiques ou sociales. Le psychiatre ne peut se contenter des seules « données acquises de la science » ou de l’Evidence Based Medicine, qui représentent des données beaucoup trop partielles dans son champ d’intervention. Il prend en charge l’intégrité de la personne souffrante, alors que les neurosciences actuelles et les études sur les médicaments et les comportements ne peuvent qu’apporter une vision partielle et réductrice. Les recommandations de la HAS, comme les travaux à vocation de publication dans les revues internationales à impact factor, ne sont qu’un outil et le praticien doit impérativement garder une totale indépendance dans sa pratique et décider en conscience des modalités de son intervention thérapeutique. Nous défendons une polyvalence des pratiques face à une demande de soins hétérogène. Les empêchements – La prévalence des normes et des objectifs fondés sur des critères comptables, prétendument scientifiques ou sécuritaires, tels qu’ils figurent dans les


SYNTHÈSE ET PROPOSITIONS

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textes législatifs ou/et administratifs sur la santé et plus particulièrement sur la psychiatrie (loi HPST, loi du 05/07/11, Plan psychiatrie santé mentale, dispositions conventionnelles avec l’Assurance Maladie). – Le démantèlement progressif de la protection sociale des patients qui freine ou entrave l’accès aux soins. – L’insuffisance des moyens dévolus à la psychiatrie. – Les modalités du parcours de soins qui pénalisent arbitrairement l’accès direct au-delà de l’âge de 26 ans. – L’insuffisance démographique et sa mauvaise répartition sur le territoire limitant la disponibilité des psychiatres et faisant obstacle à l’accès aux soins. – La formation initiale qui tend à réduire la part des sciences humaines et la dimension de la relation intersubjective, ajoutée à la méconnaissance du mode d’exercice privé chez les psychiatres au décours des études ou lors de stages d’internat. – Le découragement à exercer en libéral du fait des contraintes et tracasseries administratives et réglementaires portant atteinte au cadre du soin (cf. la télétransmission et les sanctions, les normes imposées pour les cabinets de consultation…). – La non-reconnaissance financière de l’acte de consultation (la valeur du CNPsy a été considérablement dépréciée au fil des années). – L’orientation du Plan psychiatrie santé mentale visant à restreindre le champ d’action des psychiatres en fonction des pathologies à traiter. – L’aberration de la mise en place des soins ambulatoires sans consentement par la loi du 05/07/11 et l’atteinte au secret professionnel et à la relation de confiance avec le patient, sa dérive sécuritaire incompatible avec toute déontologie médicale et psychiatrique. – L’exigence d’une illusoire prédictivité et ses redoutables effets. – Les recommandations partiales et inconséquentes de la HAS. – La dégradation des relations entre l’assurance maladie et les praticiens : menaces de sanctions, aveuglement par rapport aux nécessités du soin, incitation aux conflits d’intérêt, non respect de l’indépendance professionnelle…

Les propositions de l’AFPEP – SNPP – Le retour à une démographie suffisante et un aménagement du territoire favorisant une meilleure répartition des praticiens. – Un accès direct aux soins pour tous les patients, sans pénalisation. – Une formation complète des internes et psychiatres en formation comprenant une approche de l’exercice privé par les praticiens concernés (cours et stages chez le praticien). – Une revalorisation substantielle de l’acte de consultation.


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N° SPÉCIAL

– Un réel partenariat avec l’assurance maladie qui soit respectueux des praticiens: refus de principe des sanctions et des conflits d’intérêt, refus des protocoles figés et de l’homogénéisation des pratiques, refus du paiement à la performance. – Une récusation des soins ambulatoires sans consentement et du glissement vers une fonction sécuritaire. – Un assouplissement des normes « handicapés » qui ne doivent pas être utilisées pour fermer les cabinets de consultation déjà existants. – La garantie d’un cadre de soin qui préserve de façon absolue l’indépendance professionnelle ainsi que la stricte confidentialité.

Pour conclure Si nous réaffirmons encore et toujours ces fondamentaux dans les conditions de notre exercice de psychiatre privé, c’est autant pour préserver un soin de qualité à nos patients que pour aider nos tutelles à penser et à réfléchir avec nous plutôt que contre, dans un retour vers un respect mutuel plutôt que dans l’accentuation d’une défiance. Nous sommes à même d’assurer un soin de qualité dans une économie de moyens à condition que cet exercice ne soit pas entravé. L’AFPEP – SNPP poursuit indéfectiblement ce but d’une qualité de soin dans le respect de la personne, en n’omettant aucun des points édictés dans la charte de la psychiatrie et dans le manifeste de la psychiatrie libérale. Cela doit nous permettre de continuer à être psychiatres, aujourd’hui comme hier et demain.


ANCIENS NUMÉROS

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LISTE DES ANCIENS NUMÉROS

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Le secteur. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Monaco, 1971) épuisé Libre choix. Temps partiel en voie d’épuisement. Pédopsychiatrie. Où, quand, comment ? en voie d’épuisement. La psychiatrie autonome et l’institution. Le secret. La demande. Etc. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1972) Hospitalisation. Secteur. Demande de soins, demande de psychanalyse. Le secret. Les pratiques. épuisé L’avenir de la psychiatrie libérale en voie d’épuisement. Le retour du/au corps. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1973) épuisé

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Le retour du/au corps (II) en voie d’épuisement. Exercice de groupe, exercice d’équipe (I) Pédopsychiatrie. Exercice de groupe, exercice d’équipe (II). Rééducation psycho-motrice. Le psychiatre et la société (II) en voie d’épuisement. Vivre en professionnel Pédopsychiatrie (salariés). Limites et fonction de la psychiatrie. L’argent. L’installation. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Cannes, 1974) La psychiatrie… à qui ? Le psychiatre… pour quoi faire ? (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1975) épuisé Expériences - Psychopathologie. L’hospitalisation psychiatrique (I) Problèmes généraux.


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L’hospitalisation psychiatrique. épuisé Les Journées Nationales de la Psychiatrie Privée (C.R. intégraux) : “La psychiatrie… à qui ? Le psychiatre… pour quoi faire ?” La psychose en pratique privée : textes introductifs. L’hystérique et l’institution. épuisé Psychose et institution. Loi d’orientation en faveur des personnes handicapées. Textes officiels et documents critiques. Loi d’orientation en faveur des personnes handicapées. Les débats parlementaires en voie d’épuisement. La psychose en pratique privée. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Biarritz, 1976) Du côté de l’organique - La psychiatrie ailleurs. Expériences de la clinique. Symptômes et structures. La dépression ? (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1977) épuisé Honolulu ou le combat pour la liberté en voie d’épuisement. Pratiques en question en voie d’épuisement. La psychiatrie et la santé. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Evian, 1978) Thérapies familiales. Trentenaire de l’Élan. Psychiatrie et cultures. Numéro spécial SZONDI. Horizons thérapeutiques. L’efficacité thérapeutique en psychiatrie. épuisé L’écoute.... musicale. La psychiatrie et les contrôles. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Nantes, 1980)

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Médecine et psychanalyse. épuisé L’efficacité thérapeutique en psychiatrie. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1981) Le chemin parcouru. Sélection de textes publiés entre 1972 et 1975. L’intégration scolaire. La paranoïa aujourd’hui. Première partie. La paranoïa aujourd’hui. Deuxième partie. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Perpignan, 1982) Médecine et psychanalyse. Clinique de la souffrance. Psychothérapie et/ou psychanalyse institutionnelles. Transsexualisme - Totalitarisme. La solitude. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Versailles, 1983) Psychiatries en institutions d’enfants. Médecine et psychanalyse. La difficulté de guérir. Éthologie de la sexualité. À d’autres.... Jeu, psychodrame et psychose. Du rêve. Du rêve : Deuxième partie. Chronobiologie. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Reims, 1984) Autour de l’hystérie. Psychiatres en institutions d’enfants. Coûts en psychiatrie. Psychiatre, psychanalyse et feuilles de soins. Psychiatres, charlatans et magiciens. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1985) Le supposé clivage inconscient/biologique (I, II et III). (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Lyon, 1986) Urgence et patience. Julien Bigras. Hospitalisation privée. Autour de Henry Ey - De quelques “réalités”.


ANCIENS NUMÉROS

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Le délire, espoir ou désespoir (I). Le délire, espoir ou désespoir (II). (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1987) Autour des psychothérapies. Du père. Épidémiologie psychiatrique. La dépression dans tous ses états. Psychosomatique. Le psychiatre, le malade, l’état. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Hyères, 1988) Rencontres. Peurs. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1989) Psychothérapies. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Poitiers, 1990) Corps et thérapies. Le Temps. Les états de Dépendance. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Vanves, 1991) L’impossible à vivre. Souffrance psychique.... (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Annecy, 1993) La limite des névroses. L’enfant et la consultation. Le psychiatre et la loi. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Le Mans, 1994) L’enfant et la consultation. Les psychoses. Adolescence, des liens en souffrance. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Vichy, 1995) XXVe Anniversaire de la Psychiatrie Privée. Les Psychoses. L’Enfance. Psychiatrie et prévention, liaison dangereuse ? (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Ile de Ré, 1996) Souffrir de la peau. Peau et psyché, approche. Le psychiatre, la médecine et la psychanalyse. Le Secret. Psychosomatique 97. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1997)

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126-127 Suicide : d’une violence, l’autre. 128-129 La consultation. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Beaune, 1998) 130-131 La responsabilité maltraitée (Séminaire A.F.P.E.P., Paris, 1999) 132-133 Filiations - Dimension clinique (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) 134 La psychiatrie est-elle une science ? 135-136 Filiation et société (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) 137 Nouvelles Filiations (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) 138-139 Filiations culturelles, Filiations spirituelles (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) 140 Traversée culturelle francophone à la découverte des pratiques ambulatoires de la psychiatrie. (Premières rencontres FRANCOPSIES, 2000). 141 L’intime et l’argent. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Avignon, 2002) 142 Le métier de psychiatre ? (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Lorient, 2001) 143 Le psychiatre et la psychothérapie 144 Les cachets de la folie (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Toulouse, 2003) 145 Les mots de la Psychiatrie (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris Bercy, 2004) 146 Psychiatre et citoyen (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Belfort, 2005) 147 Penser l’évaluation. Universel et singulier 148 Hospitaliser ? (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., La Chesnaie, 2006) 149 La Psychiatrie Médico-Sociale 150 L’écoute (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Le Havre, 2007) 151 La responsabilité en question pour la justice et la psychiatrie (Séminaire A.F.P.E.P. 2008) N° spécial Persiste et signe. Une étude clinique (2009)


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L’engagement du psychiatre (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Annecy, 2008) Médico-social et psychiatrie, Du soin à l’accompagnement : quelle clinique ? (Séminaire A.F.P.E.P. 2009) Virtuel (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Nice, 2009) Le principe de précaution : Diktat prédictif ou prévention ? L’actualité d’une action syndicale Gérard Bles, Fondateur (Séminaire A.F.P.E.P. 2010) Transmettre : hasard et nécessité (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Dinan, 2010) Violence(s) (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Amiens, 2011)

N° SPÉCIAL


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BULLETIN D’ADHÉSION

SYNDICAT NATIONAL DES PSYCHIATRES PRIVÉS ASSOCIATION FRANCAISE DES PSYCHIATRES D’EXERCICE PRIVÉ

COTISATION 2012 Le Docteur, Madame, Monsieur :

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Adresse : Tél. :

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Portable :

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E-mail (impératif pour recevoir la newsletter) :

Fax :

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..............................................................................................................

Année d’installation : Exercice libéral

Hospitalisation privée

Exercice médico-social Merci de cocher tous vos modes d’exercice

Hospitalisation publique

Le cas échéant, association à laquelle vous participez localement : ........................................................................................................................................................................................................................................................................

Règle sa cotisation A.F.P.E.P. - S.N.P.P. pour 2012, par chèque bancaire ou postal à l’ordre du S.N.P.P. : 1re, 2e et 3e année d’exercice

........................................................................

4ème année d’exercice et au-delà :

...........................................................

Membres associés, membres de soutien à l’AFPEP : Membres honoraires et retraités :

170 €

340 € 115 €

......................

..........................................................

210 €

Règle l’abonnement exclusif – non-adhérent(e) à “PSYCHIATRIES” : 55 € Chèque à libeller à l’ordre de l’A.F.P.E.P. *** Bulletin à compléter et à retourner, accompagné de votre règlement, par chèque bancaire ou postal, au siège de l’A.F.P.E.P. - S.N.P.P., 141, rue de Charenton - 75012 Paris Prix de vente d’un numéro : 28 €





AFPEP 141, rue de Charenton - 75012 Paris Tel. 01 43 46 25 55 - Fax. 01 43 46 25 56 www.psychiatries.fr ISSN : 0301-0287

NUMÉRO SPÉCIAL 2012 = N°158

Être psychiatre aujourd’hui

REVUE DE RECHERCHE ET D’ÉCHANGES

Être psychiatre aujourd’hui

NUMÉRO SPÉCIAL 2012 = N°158

Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé


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