SEPTEMBRE 2007 = N°148
Hospitaliser ?
REVUE DE RECHERCHE ET D’ÉCHANGES
AFPEP 141, rue de Charenton - 75012 Paris Tel. 01 43 46 25 55 - Fax. 01 43 46 25 56 ISSN : 0301-0287
28 €
Hospitaliser ?
SEPTEMBRE 2007 = N°148
Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé
REVUE DE RECHERCHE ET D’ÉCHANGES
Hospitaliser ?
Septembre 2007 = N°148
Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé
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PSYCHIATRIES N°148 SEPTEMBRE 2007
AFPEP-SNPP
L'Association Française des Psychiatres d'Exercice Privé (A.F.P.E.P.), fondée en juillet 1970, a promu une recherche théorico-pratique pluridisciplinaire sur la psychiatrie, son objet, son exercice, ses limites, en s'appuyant de façon plus particulière sur l'expérience de la pratique privée. Société scientifique de l'Association mondiale de psychiatrie (W.P.A.), affiliée à l'UNAFORMEC en tant qu'organisme de formation continue, l'A.F.P.E.P. anime de multiples cadres de travail nationaux ou décentralisés, prioritairement à l'intention et avec le concours des psychiatres privés, mais enrichis d'une très large participation nationale et internationale de cliniciens, chercheurs et théoriciens concernés par la psyché, dans toute la diversité de leurs orientations. Scandés par la tenue annuelle des “Journées nationales de la psychiatrie privée”, les travaux de l'A.F.P.E.P. s'articulent autour de sessions d'étude et de séminaires thématiques, régionaux ou nationaux. Productrice de modules de formation, elle accrédite et coordonne par ailleurs les activités de formation d'associations locales ou régionales de psychiatres privés. L'A.F.P.E.P. a élaboré en 1980 la “Charte de la psychiatrie” autour des références éthiques garantes de l'indépendance des praticiens ainsi que du respect des patients. L'A.F.P.E.P., association scientifique, à travers sa réflexion et ses recherches, donne socle à l'action du Syndicat National des Psychiatres Privés (S.N.P.P.) fondé en 1974. L'A.F.P.E.P.-S.N.P.P. a publié en 1995 le “Manifeste de la Psychiatrie”, synthèse des principes d'efficience d'une pratique confrontée aux risques contemporains de réduction bureaucratique et comptable de l'activité soignante des psychiatres privés.
AFPEP-SNPP 141, rue de Charenton - 75012 Paris - France Tél. : (33)1 43 46 25 55 - Fax : (33)1 43 46 25 56 E-mail : info@afpep-snpp.org - Site Internet : http://www.afpep-snpp.org
PUBLICATION DE L’AFPEP SEPTEMBRE 2007 - N°148 Secrétariat de la Rédaction 141, rue de Charenton 75012 Paris tél. : 01 43 46 25 55 fax : 01 43 46 25 56 psychiatries@afpep-snpp.org
Fondateur Gérard BLES Directeur de la Publication Olivier SCHMITT Directeur de la Rédaction Jean-Jacques LABOUTIÈRE Rédactrices en Chef Dominique JEANPIERRE Anne ROSENBERG Comité de Rédaction Jacques BARBIER, Antoine BESSE Hervé BOKOBZA, Pascal BOURJAC Martine BURDET-DUBUC, Patrice CHARBIT Pierre COËRCHON, Anne DESVIGNES Claude GERNEZ, Marie-Lise LACAS Jacques LOUYS, Marc MAXIMIN Patrick STOESSEL, Jean-Jacques XAMBO Traduction en anglais Steven JARON Conception Graphique Marie CARETTE / Gréta Réseau Graphique Impression Imprimerie Nouvelle Sté Angevin - Niort ISSN 0301-0287 Dépôt légal : 3ème trimestre 2007 28 €
SOMMAIRE SOMMAIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 4 ÉDITORIAL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 7 INTRODUCTION Jean-Louis Place : Ouverture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 11 Jacques Gayral : Politique de l’hospitalisation psychiatrique privée . . . . .p. 15 André Ochmann : L’hospitalisation en région Centre . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 19 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 21
RÉSISTER Jack Ralite : Souvenirs de l’avenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 33 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 54
COMMENT LA SOCIÉTÉ TRAITE SES FOUS Patrick Coupechoux : Comment notre société maltraite ses malades mentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 65 Jean-Jacques Lottin : Comment rester hospitalier au temps violent de “l’hôpitalentreprise“ rendu iatrogène par sa gestion même : on gère les maladies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 75 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 85
LE RELAIS HÔPITAL POUR LE PSYCHIATRE « DE VILLE » Chantal Jacquié : Présentation d’un rapport collectif de L’AFPEP sur les relations des psychiatres privés avec l’hôpital . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 93 Marc Maximin : Le mythe de l’adolescence : enjeux institutionnels . . . . .p. 103 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 117 Jacques Louys : Évolution des relations au cabinet de psychiatrie libéral. L’hospitalisation comme rupture du transfert . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 127 Étienne Roueff : L'intermittente de l'hôpital . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 133
SOMMAIRE
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HÔPITAL ET HOSPITALITÉ Marc Hayat : L’engagement dans les soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 141 Jean-Jacques Martin : Les ambivalences de l’hospitalité . . . . . . . . . . . . . . .p. 157 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 172 Manuella De Luca, Gilles Fouache et Aurore Jeanne : Hospitalisation séquentielle de jeunes adultes psychotiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 175 PRATIQUES SPÉCIFIQUES - Claude Savinaud : « Che va sano va piano… » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 189 - Jean-Marc de Logivière : Le psychodrame en thérapies bi et trifocales . . . . . . . . .p. 197 Frédéric Aumjaud : Lecture de la clinique psychiatrique du sujet vieillissant âgé lors d’un exercice de libre pratique . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 205 COMMISSIONS Patrick Stoessel : L’expérience d’un psychiatre libéral dans une commission départementale des hospitalisations psychiatriques . . .p. 219 François Echard et Nathalie Gisbert : La commission d’admission à la clinique de Saumery . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 231 TABLE RONDE Jean-Paul Descombey : La crise de l’hospitalisation psychiatrique et les vicissitudes des idées concernant l’hospitalisation . . . . . . . . . . . . .p. 241 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 250 Jean-Jacques Laboutière (Président de l’AFPEP-SNPP) : Conclusions . . . . . . . . .p. 253 DÉSIR DE LIVRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 259 ANCIENS NUMÉROS Liste de tous les numéros de PSYCHIATRIES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 267 BULLETIN D’ADHÉSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 271
En vue d’échanger entre nous et de transmettre aux jeunes générations une clinique vivante et inventive, la revue « Psychiatries » ouvre ses pages aux collègues d’autres pays qui souhaiteraient témoigner de leur pratique. Nous demandons aux lecteurs qui en ont la possibilité de faire connaître cette initiative à l’étranger et de demander d’adresser les textes à la rédaction : info@afpep-snpp.org
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ÉDITORIAL Remercions tout d’abord Jean-Louis Place et les habitants de la clinique de la Chesnaie pour leur chaleureuse hospitalité lors de ces Journées Nationales de L’AFPEP 2006. La direction de l’histoire et la destinée individuelle se croisent avec une netteté particulière dans le champ de la psychiatrie (Jack Ralite). « On juge du degré de civilisation d’une société à la manière dont elle traite ses fous » disait Lucien Bonnafé. La crise que vit la psychiatrie est le reflet, l’expression de la crise du politique dans le monde moderne. La Santé Mentale remplace aujourd’hui la Psychiatrie et le malade mental devient un citoyen défaillant qui se doit d’être obéissant et qu’il faut intégrer à son niveau de compétence évalué à sa juste valeur (Marc Hayat). Dans la vision néolibérale, la société est une somme d’individus en concurrence les uns avec les autres. Privés des solidarités anciennes, ils sont seuls et nus (Patrick Coupechoux). L’idéologie actuelle considérant qu’il faut aider les « meilleurs » et exclure les autres, nous assistons à l’augmentation exponentielle de la souffrance psychique. D’où la répression, l’incarcération ou les soins « industriels » (Jean-Jacques Laboutière) pour ces naufragés de la société, « ces fous qui n’ont pas lieu d’être », qui se rangent en « fichiers de personnes inutiles ou dangereuses ». Repartons donc sur les mots : l’étymologie d’« hôpital » hésite entre hospes et hospitis, hostile et hospitalier (Jean-Jacques Martin). Comme le souligne Jean-Jacques Lottin, “remettre de l’humain, de l’humanité, du sensible et du sens dans l’hôpital, lui rendre sa fonction antique d’asile sont les seuls moyens
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urgents pour qu’il demeure hospitalier c’est-à-dire démocratique, culturel et soignant et résiste à l’idéologie du modèle comptable”. Cependant autrefois, au nom de la politique de secteur, des idées généreuses mais insuffisamment théorisées et réfléchies ont combattu l’hospitalisation et ont été par la suite dévoyées par les technocrates (Jean-Paul Descombey). Jean-Jacques Martin rappelle que l’hospitalisation telle que nous la souhaitons ouvre le champ de l’autre et de l’étranger et que ses lois sont complexes. Pour lui, la question cruciale de la psychiatrie est celle du langage par lequel nous trouvons une habitation : « la parole est la terre promise où l’exil s’accomplit en séjour ». (Maurice Blanchot). Loin des protocoles et des prescriptions standardisées visant à protéger la société en neutralisant les crises, l’hospitalisation en psychiatrie nécessite une clinique fine et théorisée (Chantal Jacquié) dont la référence majeure reste la psychanalyse. Elle s’adresse à l’homme dans le malade et non l’inverse. Il y a donc lieu de penser que notre détermination à défendre la clinique et ses ressorts thérapeutiques relève d’une résistance créative (Hervé Bokobza), que l’hospitalité pour ceux qui sont « en peine majeure d’habiter » est une attitude qui concerne non seulement nos patients mais toute la société. Et pour conclure avec Jack Ralite, cette phrase de Scott Fitzgerald : « La marque d’une intelligence de premier plan est qu’elle est capable de se fixer sur deux idées contradictoires sans pour autant perdre la possibilité de fonctionner. On devrait par exemple pouvoir comprendre que les choses sont sans espoir et cependant être décidé à les changer. » Dominique Jeanpierre et Anne Rosenberg
INTRODUCTION
INTRODUCTION
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OUVERTURE Jean-Louis Place*
e reçois la décision de l’AFPEP de me proposer d’organiser ces journées à la clinique, à Chailles et non dans la ville de Blois dans un Palais des congrès, comme une reconnaissance de notre institution, un soutien par les professionnels que vous êtes.
J
L’organisation de cet événement a mobilisé beaucoup de monde à la clinique. Nous sommes partis du postulat qu’il fallait penser le pire. Vous seriez 200, il pleuvrait, il ferait froid, et vous viendriez tous en train. Dans la première réunion préparatoire, ce scénario nous a un peu plombés, à tel point que certains qui pouvaient nous observer étaient à même de se demander si nous n’étions pas dans une lecture préparatoire de la deuxième version de l’accréditation. Mais tout a une solution surtout quand il nous est autorisé le droit d’inventer, de se sentir capable d’accueillir sans protocole, quand nous subodorons que ceux que nous recevrons ne savent pas d’avance ce qu’ils auront à évaluer. Nous sommes 140, le temps est de saison, il reste quelques compartiments au Train Vert et nous devrions avoir récupéré tous les courageux qui partaient de la gare de Blois à pied. La Chesnaie a mobilisé ses associations pour vous recevoir : le Club assure l’accueil et les pauses, le Train Vert le repas du midi et l’École Psychothérapique Institutionnelle de La Chesnaie, avec son stand et la présence d’un moniteur par atelier, sera à votre disposition pour vous expliquer l’organisation et la structure de l’institution. Je remercierai à la fin de ces journées plus particulièrement certaines personnes qui m’ont entièrement secondé pour la préparation de ces journées. *Psychiatre, Directeur de la clinique de La Chesnaie, Chailles.
INTRODUCTION
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POLITIQUE DE L’HOSPITALISATION PSYCHIATRIQUE PRIVÉE Jacques Gayral*
acques Ralite nous a confié hier une expérience du bonheur. Malgré ma Jdisposition. sensibilité en peau de rhinocéros, je me trouve ici un peu dans la même Je me réjouis tout d’abord d’être avec vous ici d’autant plus que j’ai le plaisir d’y retrouver le Dr Claude Jeangirard qui a défendu activement les cliniques psychiatriques. Je me souviens de ce temps, son efficace pertinence, mais aussi son élégance morale autant que vestimentaire… sa coquetterie aussi, d’arriver toujours un peu en retard à nos réunions de sorte que l’on disait : « Jeangirard n’est pas là, comment cela se fait ? » Sans doute, en pénétrant dans la salle de réunion en ressentait-il quelque satisfaction en appréciant le soupir de soulagement de ceux qui l’attendaient. Je me réjouis aussi que Jean-Louis Place, en digne successeur de Claude Jeangirard, m’ait invité pour vous expliquer les grands axes de la politique de l’hospitalisation privée. J’apprécie l’assiduité de Jean-Louis Place à nos réunions techniques, mais également sa pertinence et son sens de l’humour qu’il ne montre pas tout le temps. Il est très malicieux et on ne travaille bien, c’est vrai, que si l’on rit un peu ! Le titre de vos journées, « Hospitaliser ? » suivi d’un point d’interrogation, interroge l’utilité ou la nécessité mais aussi l’opportunité d’hospitaliser un patient. S’agit-il d’une remise en question de la validité même du service que nous rendons ? Est-ce de l’humilité ? Est-ce de l’humour ? Est-ce plus simplement une provocation pour nous pousser à une réflexion plus approfondie et bousculer nos éventuelles certitudes ? En tant que responsable syndical et Président d’une clinique psychiatrique, je laisse les médecins répondre à cette question d’un point de vue médical car, c’est mon handicap, je ne suis hélas pas médecin. *Président de l’Union Nationale des Cliniques Psychiatriques Privées.
INTRODUCTION
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L’HOSPITALISATION EN RÉGION CENTRE André Ochmann*
ette brillante production ne va pas me faciliter la suite, mais, tout d'abord, permettez-moi de vous présenter les excuses de Monsieur Patrice Legrand, directeur de l'ARH du Centre, qui n'a pu être présent, et vous dire que je suis heureux d'être parmi vous et de vous accueillir tous aujourd'hui dans la région.
C
Pour moi, médecin qui n’exerce plus depuis quelques années déjà, c'est avec grand plaisir que je vous retrouve. La région Centre est une région quelque part encore témoin de la diversité de l’exercice de la psychiatrie. C’est une région, dans le Loir et Cher plus précisément, avec des établissements de santé qui reçoivent de façon institutionnelle les patients ; des patients qui, ne l’oublions pas, viennent de France entière. Même si nous essayons aussi de dimensionner cette notion de région à ses propres besoins. J’avais préparé un petit mot exposé sous le titre interrogatif : « hospitaliser ? ». La thématique « hospitaliser ? » est pour nous le départ de la réflexion sur les outils car on ne doit pas concevoir des outils d’abord et dire après : faites ce que vous voulez avec ça et faites en fonction de ce qui existe. Quand on dit "hospitaliser", on pense au secteur public ou privé. Hospitaliser dans une clinique de type institutionnel, hospitaliser complètement, pas complètement ; à chaque fois il faut encadrer le patient ; avec vous, les professionnels, et avec d’autres représentants aussi, nous devons concevoir cet outil. Un beau plan de travail pour les 5 ans. *Directeur adjoint de l'Agence régionale de l'hospitalisation du Centre.
RÉSISTER
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SOUVENIRS DE L’AVENIR Jack Ralite*
Chacune, chacun d’entre vous, Je voudrais remercier le docteur Jean-Louis Place de son invitation qui m’a touché, ému et fait ressurgir en moi tant de souvenirs de l’avenir comme dit Aragon. Je me sens en complicité, en entente presque spontanée avec vous, avec l’équipe de La Chesnaie et vos invités. J’ai connu jusqu’ici, et cela remonte à mon enfance, comme une alliance mystérieuse avec le sujet, les sujets de vos pratiques et réflexions. D’être aux côtés de Claude Jeangirard, qui fut le fondateur de La Chesnaie, et qui était membre de la Commission Demay en 1982 « Pour une psychiatrie différente » enclenche en moi comme le déroulé d’un petit film dont je me suis aperçu en le visionnant attentivement, que le fil rouge de ma vie c’était le fameux poème de Rimbaud « Je est un autre. A chaque être plusieurs vies me semblaient dues ». Cela m’oblige à éplucher devant vous l’alphabet des pratiques et pensées de mon chemin de vie. Je prendrai quatre lettres. Une de mon enfance, une de ma vie sociale, une de ma mêlée avec l’art et celle liée à la chance d’avoir connu le ministère de la santé. L’enfance, donc. MON PREMIER TRICOTAGE INTIME Un seul épisode mais décisif. Novembre 42, j’ai 13 ans, je suis élève au lycée de Chalons en Champagne. Un matin le surveillant général entre dans la classe et appelle trois noms dont le mien et nous invite à nous rendre dans le bureau du Principal. Dans le couloir un quatrième élève d’une autre classe. La porte du *Ancien ministre de la Santé, sénateur de Seine-Saint-Denis.
COMMENT LA SOCIÉTÉ TRAITE SES FOUS
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COMMENT NOTRE SOCIÉTÉ MALTRAITE SES MALADES MENTAUX Patrick Coupechoux*
orsque j’ai décidé de réaliser cette enquête sur la folie aujourd’hui, j’étais à la recherche, plus ou moins consciente, d’un sujet « de société » - dit-on - qui allait me permettre d’aborder notre fonctionnement social dans ses profondeurs, au-delà du discours public et en particulier de celui des médias. Ce qui m’intéressait, au fond, c’était le rapport entre la folie et le fonctionnement social, ayant lu quelque part la phrase fameuse de Lucien Bonnafé : « on juge du degré de civilisation d’une société à la manière dont elle traite ses fous ». C’est de là que tout est parti. Ce livre est donc le résultat d’une enquête journalistique, c’est-à-dire réalisée par quelqu’un de totalement extérieur au monde de la psychiatrie et n’ayant aucun a priori sur les débats qui agitent celui-ci. Cela a probablement été une source de difficulté : par où commencer ? Et surtout, comment donner de la cohérence à la multitude de discours, parfois contradictoires, qui m’était servie au fil de l’enquête ? Mais cela a été également un avantage : le regard extérieur peut parfois constituer un regard neuf.
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Très vite, je me suis aperçu que, pour tenter de comprendre la situation actuelle, il fallait faire un détour par l’histoire. Non pour faire œuvre d’historien – je ne le suis pas – mais pour me donner, et donner ensuite au lecteur, un éclairage permettant de mieux appréhender ce qui se passe aujourd’hui. Par exemple, il m’est vite apparu que l’on ne pouvait guère comprendre la situation présente si l’on n’avait pas une idée de ce qu’a été le formidable mouvement de « désaliénisme » d’après-guerre, et auparavant celui de l’aliénisme et du renfermement décrit par Foucault. Il m’est donc apparu essentiel – il m’a fallu du temps pour en prendre conscience – de traiter du regard qu’une période *Journaliste, collaborateur au Monde diplomatique, écrivain.
COMMENT LA SOCIÉTÉ TRAITE SES FOUS
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COMMENT RESTER HOSPITALIER AU TEMPS VIOLENT DE L’HÔPITALENTREPRISE RENDU IATROGÈNE PAR SA GESTION MÊME : ON GÈRE DES MALADIES Jean-Jacques Lottin* À Jack Ralite Vive la nécessaire réforme de l’hôpital Vive la double tarification Vive le programme Hôpital 2007 Vive la nouvelle gouvernance C’est en référence au livre de Claude Jeangirard, fondateur de ces lieux en 1956, (« Soigner les schizophrènes, un devoir d’hospitalité ») que j’ai bâti mon plan : pour lui, les lois de l’hospitalité sont une donnée scientifique et sociopolitique qui s’oppose à la banalisation de la santé mentale qui efface la réalité spécifique de la psychose en tant que paradigme de la maladie mentale. En lui rendant hommage, je fais de cette pensée, la didascalie de mon intervention : l’hospitalité est thérapeutique. A fortiori en psychiatrie. Après l’entreprise et avec l’école, l’hôpital est aujourd’hui en France le lieu où s’expriment avec le plus de violence l’idéologie néolibérale et son outil : la gestion. Cela se manifeste par une énorme couche de bureaucratie supplémentaire et un recul de tout ce qui est humain. Lundi 1er mai, à trois heures du matin, une quinzaine d’énergumènes jeunes et éméchés saccage le service des urgences de l’hôpital de Cavaillon, et provoque de graves dégâts. Il y aura cinq blessés, un chien policier euthanasié, plusieurs véhicules détruits et un gros traumatisme moral et psychique pour le personnel de nuit du dimanche. *Directeur d’Études de Santé Publique, L’Isle-sur-la-Sorgue.
LE RELAIS HÔPITAL POUR LE PSYCHIATRE « DE VILLE »
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RAPPORT COLLECTIF DE L’AFPEP SUR LES RELATIONS DES PSYCHIATRES PRIVÉS AVEC L’HÔPITAL Chantal Jacquié* n préambule, je voudrais préciser qu’il s’agit ici moins d’un rapport, avec statistiques à l’appui comme dans le style de l’INSERM ou autres, que d’une tentative de relier la façon dont nous percevons l’hospitalisation dans une sorte de conversation écrite à quatre voix de quelques-uns d’entre nous : Antoine Besse de Mantes-la-Jolie , Olivier Schmitt de Niort , Jean-Jacques Laboutière de Mâcon et moi-même de St-Brieuc. Il faut également ajouter qu’il est plus souvent question de l’hôpital que des cliniques. L’hôpital étant ce qui subit en premier lieu, et de plein fouet, la tempête qui s’annonce sur la psychiatrie. L’hôpital parce que la spécialisation des services fait que certains patients sont d’abord dirigés là. Qu’on ne s’y trompe pas, certaines cliniques-entreprises sont entraînées dans des logiques comparables et ce d’autant plus que les groupes financiers qui les « managent » sont preneurs des concepts sur la qualité qui circulent actuellement comme conditions de certification. Cependant il arrive plus souvent que les cliniques ne soient pas encore standardisées et que leur petite dimension, la stabilité de leur personnel médical et leurs relations avec les psychiatres libéraux garantissent encore, pour un temps, un peu de diversité d’approche. Ce qui explique qu’une synthèse est actuellement plus difficile à concevoir dans nos expériences particulières.
E
Nous sommes au deuxième jour de ce congrès et bon nombre de remarques ont déjà été faites sur les rapports que nous entretenons, en tant que psychiatres libéraux, à la question de l’hospitalisation. Certains d’entre nous ont rassemblé leurs témoignages, à travers des vignettes cliniques ou des tentatives de *Psychiatre, Saint-Brieuc.
LE RELAIS HÔPITAL POUR LE PSYCHIATRE « DE VILLE »
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LE MYTHE DE L’ADOLESCENCE : ENJEUX INSTITUTIONNELS ! Marc Maximin*
e titre, je l’ai proposé dans un premier temps et au fur et à mesure de ma réflexion il m’a laissé perplexe, c’est le moins qu’on puisse dire… En essayant de m’en « désempéguer », comme on dit à Marseille, je me suis rendu compte que cet exposé est pour moi une tentative de dire que la pratique, la clinique en psychiatrie infanto-juvénile n’est pas que ce que l’on nous montre, ce qui est médiatisé et stigmatisé comme étant représentant de tout notre exercice.
C
C’est en m’appuyant sur les écrits de deux auteurs qui ont été importants pour moi dans mon itinéraire, Franck Wedekind et Jean-Pierre Vernant, que j’ai pu aborder cette question. L’ouvrage fondateur de Franck Wedekind (1), « L’éveil du printemps » qui a pour objet l’éveil de la sexualité des adolescents et leur difficulté à entrer dans le monde des adultes, est venu nous sortir d’une douce torpeur, au prix d’être traité à l’époque (1891) « d’insensée cochonnerie ». Le récit au style fragmenté, heurté, à l’image des mouvements pulsionnels qui animent ces adolescents, décrit les questions qui se posent à eux, qui les tourmentent et comment ce qui se présente à eux comme hors sens ne peut s’élaborer comme une évidence naturelle et doit s’appréhender comme une énigme. Jean-Pierre Vernant, dans ses nombreux écrits, nous rappelle que face aux questions qui les dépassaient et auxquels ils n’avaient pas de réponses, les Grecs avaient eu l’intuition que les mythes leur offraient une explication du monde et surtout de leur propre façon d’exister dans le monde. Pour eux, face à *Psychiatre, Marseille.
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ÉVOLUTION DES RELATIONS AU CABINET DE PSYCHIATRIE LIBÉRAL L’HOSPITALISATION COMME RUPTURE DU TRANSFERT Jacques Louys* ans mes consultations au cabinet, il m’arrive d’hospitaliser un patient. Cela rompt la relation prévalente en tête-à-tête. Le “pathos” ou la “passion” qu’évoque le mot “patient” est alors reçu dans un champ relationnel plus socialisé. Ce n’est pas le seul type d’accentuation de socialisation qui peut freiner ou interrompre une relation entre quatre yeux. Il est intéressant de replacer ces ruptures au sein des modifications plus générales de la relation psychiatre-patient.
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La relation transférentielle. Au cœur de ce tête-à-tête, se trouve l’axe du transfert. C’est un axe d’oscillation entre les deux types de liens suivants : - La relation dyadique d’une part : Relation fondée sur la maîtrise réciproque (au sens de mise en commun d’une image du corps phantasmatiquement élargie à l’autre) dont le paradigme est la relation dyadique mère-bébé. En terme éthologique ce lien de type préœdipien évoque l’attachement qui apparaît par le simple côtoiement et qui peut, lorsque ce lien est extrême, rappeler la notion de relation fusionnelle. - La relation sexuée d’autre part, qui est fondée sur le jeu du désir, dont le désir du désir de l’autre n’est pas la moindre des manifestations, et qui justifie l’expression lacanienne de “relation au manque de l’autre”. L’apparition de ce type de liens est contemporaine de la période œdipienne. La préférence pour des relations de type transférentiel, caractéristique de la Psychanalyse, a sans doute des raisons historiques. Elle a été recherchée *Psychiatre, Haguenau.
LE RELAIS HÔPITAL POUR LE PSYCHIATRE « DE VILLE »
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L'INTERMITTENTE DE L'HÔPITAL Etienne Roueff *
J’ai connu Jade en 2001. Cette jolie femme de 40 ans enseignait les lettres ; son discours était plaisant, distillant ses humeurs, ses symptômes, sa souffrance dans mes oreilles attentives : énigme, séduction… une fêlure profonde pourtant, qui irisait la surface comme l’eau proche de l’ébullition. Après quelques semaines de rencontres régulières - round d’observation j’avais appris son parcours familial et psychiatrique : un sentier semé de maints obstacles. Le père était dépressif et suicidaire durant l’enfance et la première adolescence de Jade ; la mère plutôt passive et “collante” avec sa fille unique. À l’époque où Jade a autour de treize ans, son père change, de suicidaire devient agressif, autoritaire et intrusif ; le couple se défait cinq ans après. Divorce donc mais ce n’est qu’apparence ; les parents, 25 ans plus tard, se voient beaucoup et entourent de près leur fille et ses enfants ; le père décide, la mère suit. Jade commence à déprimer au début de ses études littéraires ; le choix des lettres s’était fait dans le sillage d’une prof enthousiasmante. Elle s’effondre, anorexie et dépression se conjuguent : elle doit être hospitalisée dans une clinique pour étudiants, est suivie en thérapie (ce n’est pas la première) et continue ses études jusqu’au Capes qu’elle rate après qu’une amie très proche se soit suicidée : pour Jade, c’est la chute en abyme. Car ce suicide réussi fait écho à ceux du père dans son enfance, et à un souvenir très précis raconté à son mari, puis en séance après deux années de thérapie : Elle a 5 ans, son père l’emmène avec lui dans son bureau ; il lui « propose » de *Psychiatre, Annecy.
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L’ENGAGEMENT DANS LES SOINS Marc Hayat*
A – Processus psychotique, processus thérapeutique Bref rappel historique Jusqu’à ces trente dernières années, l’organisation des soins en psychiatrie se fondait sur une représentation linéaire du développement et de l’évolution de la maladie mentale. La crise d’entrée dans la maladie était traitée par une hospitalisation à temps complet par un traitement intense sinon intensif en hôpital psychiatrique, sur une durée plutôt longue. La stabilisation du tableau clinique ouvrait vers une sortie en hôpital de jour avec comme objectif la réadaptation à la vie sociale. À terme, dans le meilleur des cas, c’était la réinsertion dans le monde du travail de façon adaptée et assistée qui était visée. Toute la stratégie de soins reposait sur ce modèle, qui au fond était calqué sur le modèle médical. La durée de séjour en hôpital de jour était relativement importante ; elle était de plusieurs années - entre 5 et 10 ans dans de nombreux cas - entrecoupée parfois de séjour d’hospitalisation à temps complet variant de quelques semaines à quelques mois. Ces longues années de fréquentation du patient dans le cadre de l’hôpital de jour permettaient aux soignants d’avoir une vision diachronique de l’évolution de sa maladie. La mise en perspective temporelle de l’ensemble des soins prodigués leur permettait d’apprécier à sa juste valeur la dimension processuelle de l’évolution de la maladie psychotique. *Psychiatre, psychanalyste, Paris.
HÔPITAL ET HOSPITALITÉ
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LES AMBIVALENCES DE L’HOSPITALITÉ Jean-Jacques Martin*
« J’entends ici par antagonisme l’insociable sociabilité des hommes, c’est-à-dire leur tendance à entrer en société, alliée à une répugnance générale à le faire, laquelle menace constamment la société de désintégration. » E. Kant our toutes sortes d’établissements, la « qualité », la véritable qualité – non pas celle qui s’est peu à peu instrumentalisée et dévaluée à la fin du siècle dernier dans les notions de « qualité de la vie », et de « démarche qualité » – la vraie qualité donc, comme substance et cause finale, ne doit-elle pas trouver sa toute première référence dans le nom qu’ils se sont donné ou qu’ils ont reçu ? Ainsi les établissements qui s’appellent « maison » – Maison de retraite, Maison d’accueil spécialisé, par exemple - se posent-ils toujours la question « Qu’est-ce qu’une maison ? » et ont-ils le souci de s’en rendre digne ? De même, les « foyers » de toutes sortes… Et que dire des établissements qui se nomment « hôpital » ou qui se donnent pour tâche d’hospitaliser ? La référence ici n’est-elle pas l’endroit d’une exigence si grande et si chargée d’un sens immémorial qu’elle donne le vertige et confine à l’impossible ? Cette exigence ne prend-elle pas un tour bien particulier dès lors qu’il s’agit de psychiatrie ?
P
Je vais tenter, d’évoquer quelques aspects de ces questions en trop peu de temps, à partir d’une approche phénoménologique : d’abord l’hospitalité en général, puis le sens qu’elle prend en psychiatrie, et enfin quelques questions qui nous sont posées singulièrement aujourd’hui. *Ancien soignant à La Chesnaie, enseignant de philisophie auprès de psychologues et de travailleurs sociaux.
HÔPITAL ET HOSPITALITÉ
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HOSPITALISATION SÉQUENTIELLE DE JEUNES ADULTES PSYCHOTIQUES Manuella De Luca* - Gilles Fouache** Aurore Jeanne*** Introduction epuis sa création par P. Sivadon, il y a plus de quarante ans, l’Institut Marcel Rivière s’inscrit dans une dimension institutionnelle des soins. Nous accueillons dans le service de jeunes adultes présentant soit des troubles graves de la personnalité soit des troubles schizophréniques déjà constitués.
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Les soins que nous proposons commencent avec la gestion de la crise, qu’il s’agisse d’une décompensation délirante, comportementale ou dépressive, mais ne s’y arrêtent pas. Ainsi, nous sommes à la première étape d’un parcours individualisé que nous construisons avec ce jeune adulte autour de la réalisation d’un projet de vie dans sa globalité. Ce projet va s’articuler autour de deux dimensions : l’une externe qui concerne le projet scolaire ou professionnel, les conditions d’hébergement et de ressources et l’autre interne centrée sur l’accès à l’autonomie, sur un travail de séparation et d’individuation, débouchant sur un début de sécurité interne suffisante qui limite le risque de nouveau débordement pulsionnel avec ses conséquences symptomatologiques délétères. L’enjeu majeur des soins chez ces jeunes adultes est de limiter le risque de rechute. En effet, les études épidémiologiques montrent qu’au bout de deux ans plus de 70 % d’entre eux ont arrêté toute prise de traitement d’où une grande fréquence de réhospitalisation et donc de rupture avec l’entourage et d’arrêt du projet scolaire ou professionnel. L’ensemble du dispositif de soins est centré sur ce risque de rechute. L’utilisation de groupes de paroles thérapeutiques permettant le partage et la *psychiatre médecin chef de service - **psychologue clinicien - ***psychologue clinicienne - Institut Marcel Rivière, La Verrière.
PRATIQUES SPÉCIFIQUES
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« CHE VA SANO VA PIANO… » D’un décalage minimal entre scène institutionnelle et scène du psychodrame, déjouer l’effet de la pulsion de mort. Claude Savinaud*
otre interrogation porte sur les effets mobilisateurs d’un dispositif de traitement proposé en alternative à la prise en charge hospitalière, lorsque celle-ci bute sur des processus iatrogènes résultant d’une trop grande coïncidence entre l’organisation symptomatique du sujet et l’organisation institutionnelle des soins hospitaliers. Le Psychodrame individuel, technique coûteuse en temps et surtout en énergie psychique, tend à n’être indiqué dans un cadre médical qu’en dernier recours. S’il est effectivement propice à déjouer, par ses caractéristiques « actives », l’installation de processus d’invalidation, il nous semble être mésestimé comme pratique curative en première intention. Il rencontre de sourdes résistances à occuper de plein droit une place parmi les outils à la disposition des praticiens en santé mentale. Il est possible qu’une méconnaissance des moyens et des objectifs du psychodrame soit à l’origine de cet oubli. Mais il subit probablement les mêmes défiances que la psychothérapie institutionnelle, en tant que technique s’appuyant sur un collectif de thérapeutes impliqués dans une pratique de l’inconscient. Mises en doute au regard de critères communément admis (exigence du colloque singulier, refus d’une pédagogisation du traitement, d’une orthopédie des défaillances du patient, opérationnalité mesurable du traitement pour rompre avec l’entretien du symptôme), ces deux pratiques ont en commun d’être toujours plus ou moins suspectées d’entretenir une aliénation supplémentaire du patient au dispositif proposé.
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*Professeur de Psychologie clinique et psychopathologie - I.P.S.A. Université Catholique de l’Ouest, Angers.
PRATIQUES SPÉCIFIQUES
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LE PSYCHODRAME EN THÉRAPIES BI ET TRIFOCALES Jean-Marc de Logivière*
Je suis parti du charpentier, je suis passé par le tonnelier, je suis retourné au charpentier. Pierre Soulage 1 vant de poursuivre avec Sébastien - dont le psychodrame s’est déroulé pendant cinq ans, sur un rythme hebdomadaire, associé au départ, à des entretiens individuels à sa demande, puis à un psychodrame en groupe quelques mots sur le cadre et l’orientation de notre travail.
A
Orienter le psychodrame Le psychodrame individuel inauguré avec Sébastien a été possible, comme chacun des psychodrames individuels que nous animons, grâce à la rencontre avec des stagiaires, aujourd’hui psychologues2, du centre de psychologie clinique de l’Institut de Psychologie et de Sociologie Appliquées d’Angers, l’IPSA. Ceux-ci occupent la place de cothérapeutes ; ils peuvent être choisis par le patient pour représenter le compagnon, la compagne, l’ami, le frère, la sœur ou tout autre rôle choisi par le patient. C’est lui qui distribue les rôles, met en espace et en scène avec notre aide, avant de jouer. Au-delà de leur place de représentants de différentes figures de l’entourage, les cothérapeutes deviennent des condensateurs de mémoire, suscitant par leur simple présence des rappels de mémoire ou des appels à une mémoire avenir. La rencontre avec Claude Savinaud, professeur à l’IPSA, avec lequel nous *Psychiatre, psychanalyste, Angers.
PRATIQUES SPÉCIFIQUES
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LECTURE DE LA CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DU SUJET VIEILLISSANT ÂGÉ LORS D’UN EXERCICE DE LIBRE PRATIQUE Frédéric Aumjaud* Introduction I - Qui vient voir qui ? 1.1 Qui est le Sujet Vieillissant âgé ? (1) Nous avons pris le parti de considérer l’âgé comme un Sujet Vieillissant Âgé (S.V.A.). C’est-à-dire un Sujet différent du fait d’une biographie plus avancée, mais structurellement identique au sujet adulte plus jeune, vieillissant également. Ainsi proposer le concept de SVA, c’est souligner l’importance du Sujet présent, eu égard à ce qu’il fut, et ce qu’il peut être encore dans le futur. Le point central étant la reconnaissance structurelle au sens où l’entend la clinique psychodynamique mais reprise dans une dimension écologique et processuelle. Cette dénomination du vieillissant introduit les notions de diachronie et de synchronie qui sont apparues indispensables pour une lecture clinique et une prise en soins prenant en compte l’inconscient au-delà du symptôme. Cette mise à distance des mots vieux, vieillards, 3e âge, personne âgée, sujet âgé, voire sujet vieillissant (2,3) s’est imposée pour ne pas avoir une notion trop sociologique et favoriser l’approche psychodynamique. Cette histoire, qu’un Sujet dément est doué d’inconscient, a commencé vraiment fin 1979 et reste toujours à l’esprit pour une praxie de psychiatrie libérale essentiellement consacrée aux Sujets non déments. 1.2 Qui est celui qui reçoit ? La clinique lors de l’avancée en âge a été encore très récemment descriptive et consensuelle. De magnifiques descriptions cliniques ont été écrites à la fin *Gérontopsychiatre de libre pratique, Angers.
COMMISSIONS
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L’EXPÉRIENCE D’UN PSYCHIATRE LIBÉRAL DANS UNE COMMISSION DÉPARTEMENTALE DES HOSPITALISATIONS PSYCHIATRIQUES Patrick Stoessel* orsque j’ai eu connaissance du thème de ces journées sur l’hospitalisation, s’est imposée à moi l’idée, l’envie, de faire le point sur mes six années d’activités achevées fin 2005, exercées comme psychiatre libéral au sein de la Commission Départementale des Hospitalisations Psychiatriques (CDHP) de mon département, à savoir les Yvelines. Bien que cette Commission concerne le secteur hospitalier public, il m’a semblé intéressant d’évoquer, dans le cadre du thème de ces journées, la spécificité du regard, du point de vue de la Commission, porté sur un pan de l’activité thérapeutique en psychiatrie ; et non des moindres puisqu’il s’agit des hospitalisations dites « sans consentement ». Enfin, j’ai l’ambition que cette intervention en atelier puisse susciter chez les collègues libéraux des vocations à participer à ces commissions.
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Définition : Pour présenter la définition et l’historique des CDHP, il est important – au risque d’être fastidieux - de se référer au texte de loi qui, dans la pratique, s’avère un outil de travail indispensable. Les CDHP ont été instituées en France par la loi n° 90-527 du 27 juin 1990, qui remplaçait et modernisait la loi du 30 juin 1838 sur les hospitalisations sans consentement en psychiatrie. Leurs compositions et missions ont été élargies dans la Loi N° 2002-303 du 4 mars 2002 dite « Démocratie Sanitaire ». Le Nouveau Code de la Santé Publique (1) définit dans ses articles L.3222-5, L.3223-1 et suivants la CDHP : *Psychiatre, La Celle-St-Cloud.
COMMISSIONS
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LA COMMISSION D’ADMISSION À LA CLINIQUE DE SAUMERY François Echard et Nathalie Gisbert*
Histoire Dans les années 80, la clinique renaît difficilement de ses cendres après un incendie meurtrier, et embauche du nouveau personnel après avoir failli être fermée. À son bord, un médecin qu’on aurait pu dire chef, redresse la barre. Grâce à son importante clientèle il repeuple la clinique en admettant directement de sa consultation. La population se fait plus hétérogène : auparavant il s’agissait surtout de personnes âgées. Il n’en référait à personne, si bien que parfois pour 50 lits officiels, on hébergeait jusqu’à 65 patients… La loi Barrot a mis un terme à ces pratiques. Les soignants ont changé aussi. Certains venant de La Borde apportaient avec eux des idées nouvelles issues de la psychothérapie institutionnelle. Ils ont demandé à être entendus, à donner leur avis. Mais jusqu’en 1993, seuls les deux autres médecins qui avaient rejoint la clinique entre-temps, dont le Dr Echard, régulaient les entrées, ou en parlaient un quart d’heure pendant la réunion médicale. De nombreux lits étaient alors occupés par des « chroniques », le mouvement était réduit, on ne parlait pas encore de turn over ! La mort de ces personnes, le départ de certaines vers des maisons de retraite, la formation plus poussée des soignants, enfin l’augmentation de la demande, ont obligé à restructurer le mode de travail et à fonder cette commission d’admission, dans un esprit toujours plus proche de la thérapie institutionnelle pour laquelle, je vous le rappelle, tous les intervenants sont intéressés au soin. Une première secrétaire y est donc admise en 93, puis un moniteur, enfin les deux secrétaires médicales, devant la croissance des obligations administratives, l’ouverture de dossiers, la correspondance avec les partenaires… *Psychiatres, clinique de Saumery, Blois.
TABLE RONDE
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LA CRISE DE L’HOSPITALISATION PSYCHIATRIQUE ET LES VICISSITUDES DES IDÉES CONCERNANT L’HOSPITALISATION Jean-Paul Descombey* i l’état de senior a quelques inconvénients, il a aussi l’avantage de garder en mémoire les événements passés sur une assez longue période ; c’est utile, car les états totalitaires ou technocratiques, qui prônent le « jeunisme », spéculent sur le fait que les jeunes générations n’ont pas connu le passé et peuvent ainsi être abusées, par exemple sous le couvert d’une soit disant modernité qui n’est, le plus souvent, que la façade des pires régressions.
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L’hospitalisation en général, psychiatrique en particulier, connaît de nos jours les plus graves dangers, et ceci pour diverses raisons : 1. Le rebond de l’exclusion de la folie ou de sa méconnaissance systématique : dans la presse dite « sérieuse » (Le Monde), la catastrophe de la démographie médicale semble affecter la pédiatrie, la chirurgie, l’anesthésie-réanimation, mais la psychiatrie, à ce sujet, n’est jamais citée. 2. La prise en main de l’hospitalisation par des technocrates sans états d’âme, sortis de cette école de Rennes dont un collègue disait qu’elle devrait être déclarée de « nocivité publique ». 3. L’aveuglement ou la prise de conscience à retardement de ces faits par une partie non négligeable de nos collègues ; il en a été ainsi lors de la suppression de l’internat psychiatrique et du diplôme d’infirmier de secteur, et, également, quant à la menace démographique, pourtant prévisible aussi. 4. Au pire, l’engagement bien imprudent de collègues dans l’aventure pourtant prévisible encore des PMSI, évaluations, DMS et autres farces meurtrières. *Psychiatre honoraire des hôpitaux, Psychanalyste, Ancien chef de service du centre Henri Rousselle, Paris.
CONCLUSIONS
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CONCLUSIONS Jean-Jacques Laboutière*
es 35e Journées Nationales de la Psychiatries Privées sur le thème « Hospitalier ? » ont été très contrastées. La journée d’hier a dressé un état des lieux par moments presque terrifiant des politiques actuellement menées par nos tutelles et des exigences administratives des procédures d’accréditation. En revanche, les communications qui ont été proposées aujourd’hui ont permis aux psychiatres d’exprimer leurs attentes en matière d’hospitalisation et d’exposer les ressorts thérapeutiques de l’hospitalisation.
C
Ce sont donc des Journées globalement bien équilibrées et dont le rythme même reflète la dynamique dans laquelle nous sommes tous pris : l’abattement qui peut nous saisir devant l’absurdité de certaines attitudes des tutelles cède le pas à l’enthousiasme de réélaborer constamment les soins et les théories qui les sous-tendent. Cet écart entre la commande administrative et les conceptions qui émergent des professionnels eux-mêmes doit cependant nous interroger plus avant. Sans prétendre y apporter de réponse définitive, deux pistes peuvent être explorées pour tenter d’en éclairer les raisons. La première, maintes fois soulignée déjà dans nos Journées, est qu’il se confirme que nous sommes bien dans un processus d’industrialisation des soins, c’est-àdire de production à grande échelle de soins supposés homogènes, équivalents en efficacité, quel que soit le lieu dans lequel ils seront proposés. Les procédures de protocolarisation, d’évaluation et d’accréditation ne prennent sens que dans ce contexte. *Psychiatre, Mâcon - Président de l’AFPEP-SNPP.
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ANCIENS NUMÉROS
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Libre choix. Temps partiel (en voie d’épuisement). Pédo-psychiatrie. Où, quand, comment ? (en voie d’épuisement). La psychiatrie autonome et l’institution. Le secret. La demande. Etc. Hospitalisation. Secteur. Demande de soins, demande de psychanalyse. Le secret. L’avenir de la psychiatrie libérale (en voie d’épuisement). Le retour du/au corps (II) (en voie d’épuisement). Exercice de groupe, exercice d’équipe (I) - Pédopsychiatrie. Exercice de groupe, exercice d’équipe (II). Rééducation psycho-motrice. Le psychiatre et la société (II) (en voie d’épuisement). Vivre en professionnel - Pédopsychiatrie (salariés). Limites et fonction de la psychiatrie. L’argent. L’installation.
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PSYCHIATRIES N°148 SEPTEMBRE 2007
Expériences - Psychopathologie. L’hospitalisation psychiatrique (I) - Problèmes généraux. Les Journées Nationales de la Psychiatrie Privée (C.R. intégraux) : “La psychiatrie… à qui ? Le psychiatre… pour quoi faire ?” La psychose en pratique privée : textes introductifs. Psychose et institution. Loi d’orientation en faveur des personnes handicapées. Textes officiels et documents critiques. Loi d’orientation en faveur des personnes handicapées. Les débats parlementaires (en voie d’épuisement). La psychose en pratique privée : compte rendu des Ves Journées Nationales de la Psychiatrie Privée. Du côté de l’organique - La psychiatrie ailleurs. Expériences de la clinique. Symptômes et structures. Honolulu ou le combat pour la liberté (en voie d’épuisement). Pratiques en question (en voie d’épuisement). La psychiatrie et la santé. Thérapies familiales. Trentenaire de l’Élan. Psychiatrie et cultures. Numéro spécial SZONDI. Horizons thérapeutiques. L’écoute.... musicale. La psychiatrie et les contrôles. L’efficacité thérapeutique en psychiatrie. Le chemin parcouru. Sélection de textes publiés entre 1972 et 1975. L’intégration scolaire. La paranoïa aujourd’hui. Première partie. La paranoïa aujourd’hui. Deuxième partie. Médecine et psychanalyse. Clinique de la souffrance. Psychothérapie et/ou psychanalyse institutionnelles. Transsexualisme - Totalitarisme. La solitude. Psychiatries en institutions d’enfants. Médecine et psychanalyse. La difficulté de guérir. Éthologie de la sexualité.
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À d’autres.... Jeu, psychodrame et psychose. Du rêve. Du rêve : Deuxième partie. Chronobiologie. Autour de l’hystérie. Psychiatres en institutions d’enfants. Coûts en psychiatrie. Psychiatre, psychanalyse et feuilles de soins. Psychiatres, charlatans et magiciens. Le supposé clivage inconscient/biologique (I, II et III). Urgence et patience. Julien Bigras. Hospitalisation privée. Autour de Henry Ey - De quelques “réalités”. Le délire, espoir ou désespoir (I). Le délire, espoir ou désespoir (II). Autour des psychothérapies. Du père. Épidémiologie psychiatrique. La dépression dans tous ses états. Psychosomatique. Le psychiatre, le malade, l’état. Rencontres. Peurs. Psychothérapies. Corps et thérapies. Le Temps. Les états de Dépendance L’impossible à vivre. Souffrance psychique.... La limite des névroses. L’enfant et la consultation. Le psychiatre et la loi. L’enfant et la consultation. Les psychoses. Adolescence, des liens en souffrance. XXVe Anniversaire de la Psychiatrie Privée. Les Psychoses. L’Enfance. Psychiatrie et prévention, liaison dangereuse ? (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P. 1996) Souffrir de la peau. Peau et psyché, approche.
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Le psychiatre, la médecine et la psychanalyse. Le Secret. Psycho-somatique 97. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P. 1997) Suicide : d’une violence, l’autre. La consultation. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P. 1998) La responsabilité maltraitée (Séminaire A.F.P.E.P. 1999) Filiations - Dimension clinique (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) La psychiatrie est-elle une science ? Filiation et société (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) Nouvelles Filiations (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) Filiations culturelles, Filiations spirituelles (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) Traversée culturelle francophone à la découverte des pratiques ambulatoires de la psychiatrie. (Premières rencontres FRANCOPSIES). L’intime et l’argent. Le métier de psychiatre Le psychiatre et la psychothérapie Les cachets de la folie Les mots de la Psychiatrie Psychiatre et citoyen Penser l’évaluation Universel et singulier
BULLETIN D’ADHÉSION
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ASSOCIATION FRANÇAISE DES PSYCHIATRES D’EXERCICE PRIVÉ SYNDICAT NATIONAL DES PSYCHIATRES PRIVÉS Cotisation 2007
Le Docteur : Adresse :
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Règle sa cotisation A.F.P.E.P. - S.N.P.P. pour 2008 » Etudiants, internes, 1ère, 2ème et 3ème année d'exercice : 140 € » 4e année d’exercice et au-delà : 290 € » conjoints d’adhérents, membres honoraires et retraités : 180 €
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SEPTEMBRE 2007 = N°148
Hospitaliser ?
REVUE DE RECHERCHE ET D’ÉCHANGES
AFPEP 141, rue de Charenton - 75012 Paris Tel. 01 43 46 25 55 - Fax. 01 43 46 25 56 ISSN : 0301-0287
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Hospitaliser ?
SEPTEMBRE 2007 = N°148
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