AFPEP 141, rue de Charenton - 75012 Paris Tel. 01 43 46 25 55 - Fax. 01 43 46 25 56 www.psychiatries.fr ISSN : 0301-0287
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Virtuel
REVUE DE RECHERCHE ET D’ÉCHANGES
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NOVEMBRE 2010 = N°154
Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé
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PSYCHIATRIES N°154 NOVEMBRE 2010
AFPEP-SNPP
L'Association Française des Psychiatres d'Exercice Privé (A.F.P.E.P.), fondée en juillet 1970, a promu une recherche théorico-pratique pluridisciplinaire sur la psychiatrie, son objet, son exercice, ses limites, en s'appuyant de façon plus particulière sur l'expérience de la pratique privée. Société scientifique de l'Association mondiale de psychiatrie (W.P.A.), affiliée à l'UNAFORMEC en tant qu'organisme de formation continue, l'A.F.P.E.P. anime de multiples cadres de travail nationaux ou décentralisés, prioritairement à l'intention et avec le concours des psychiatres privés, mais enrichis d'une très large participation nationale et internationale de cliniciens, chercheurs et théoriciens concernés par la psyché, dans toute la diversité de leurs orientations. Scandés par la tenue annuelle des “Journées nationales de la psychiatrie privée”, les travaux de l'A.F.P.E.P. s'articulent autour de sessions d'étude et de séminaires thématiques, régionaux ou nationaux. Productrice de modules de formation, elle accrédite et coordonne par ailleurs les activités de formation d'associations locales ou régionales de psychiatres privés. L'A.F.P.E.P. a élaboré en 1980 la “Charte de la psychiatrie” autour des références éthiques garantes de l'indépendance des praticiens ainsi que du respect des patients. L'A.F.P.E.P., association scientifique, à travers sa réflexion et ses recherches, donne socle à l'action du Syndicat National des Psychiatres Privés (S.N.P.P.) fondé en 1974. L'A.F.P.E.P.-S.N.P.P. a publié en 1995 le “Manifeste de la Psychiatrie”, synthèse des principes d'efficience d'une pratique confrontée aux risques contemporains de réduction bureaucratique et comptable de l'activité soignante des psychiatres privés.
AFPEP-SNPP 141, rue de Charenton - 75012 Paris - France Tél. : (33)1 43 46 25 55 - Fax : (33)1 43 46 25 56 E-mail : info@afpep-snpp.org - Site Internet : http://www.afpep-snpp.org
PUBLICATION DE L’AFPEP NOVEMBRE 2010 - N°154 Secrétariat de la Rédaction 141, rue de Charenton 75012 Paris tél : 01 43 46 25 55 fax : 01 43 46 25 56 Site internet : www.psychiatries.fr Courriel : info@afpep-snpp.org
Fondateur Gérard BLES Directeur de la Publication Olivier SCHMITT Directeur de la Rédaction Claude GERNEZ Rédactrice en Chef Anne DESVIGNES Comité de Rédaction Jacques BARBIER, Antoine BESSE Hervé BOKOBZA, Pascal BOURJAC Patrice CHARBIT, Thierry DELCOURT Martine DUBUC, Chantal JACQUIÉ Dominique JEANPIERRE, Christian JULIEN Jean-Jacques LABOUTIÈRE, Marie-Lise LACAS Anne ROSENBERG, Patrick STŒSSEL Dominique TEXIER, Jean-Jacques XAMBO Traduction en anglais et en espagnol Pascale DUMONT-ROSE Conception Graphique Marie CARETTE / Gréta Réseau Graphique Impression Imprimerie Nouvelle Sté Angevin - Niort ISSN 0301-0287 Dépôt légal : 4ème trimestre 2010 28 €
SOMMAIRE ÉDITORIAL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 7 Benoit Kullmann : L’image entre virtuel et réel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 9
INTRODUCTION Hélène Baudoin : Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 31
1 - QUEL MONDE POUR NOUS ACCUEILLIR ? Raymond Bénévent : Venir au monde sans limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 35 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 53 Claude Allard : Comment comprendre la relation entre le sujet et le virtuel avec une théorie de l’image du corps ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 61 Sylvain-Marc Pellas : L’empathie mondialisée - Le virtuel et l’invisible, l’image de contrainte. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 71
2 - LA CLINIQUE À L’ÉPREUVE DU VIRTUEL Claude Gernez : Leurre des virtuels, leurres du virtuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 93 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 111 Gilbert Fabre : Mondes virtuels, réalités cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 119 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 129 Michel Jurus : Le virtuel de nous-mêmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 133 Adrien Charpentier : Jeu vidéo : implication, usage et défis pour la prise en charge des adolescents. . . . . . . . . . . . . . .p. 141 Michel Fruitet : Le virtuel au service du thérapeute . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 161
3 - LE VIRTUEL, UN NOUVEL ESPACE POUR LES ADOLESCENTS ? Roger Moukalou : L’espace-temps des adolescents : virtuel ou miroir des parents ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 173 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 183
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Vannina Micheli-Rechtman : Cyberaddictions : réel ou virtuel ? . . . . . . . . . . . . .p. 187 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 195 Claude Allard : L’enfant, l’adolescent et les univers numériques, les conditions de l’indépendance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 207 Dominique Texier : L’avatar adolescent Avatar ou l’être éternellement mort . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 219 Stammler Annie : Quand le virtuel est affaire de famille . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 231
4 - LE VIRTUEL, LIEU HABITABLE OU NON-LIEU ? Jean-Jacques Lignier : Entrer dans le débat par la porte du rêve . . . . . . . . . . . .p. 241 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 257 Lionel Naccache : Le virtuel, une aubaine pour redécouvrir la « représentation » ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 261 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 275 Catherine Carré-Orengo : Généalogie du Virtuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 283 Michèle Chahbazian : Corps et virtuel Une vision psychosomatique du virtuel . . . . . . . . . . . . .p. 293 Sandrine Calmette-Jean : Corps adolescent dans le miroir et le virtuel . . . . . .p. 299
TABLE RONDE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 315 CONCLUSION Olivier Schmitt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 327
DÉSIR DE LIVRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 333 ANCIENS NUMÉROS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 337 BULLETIN D’ADHÉSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 341
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ÉDITORIAL Nous vivons une période de transition où l’apparition de l’informatique et d’internet modifie les relations sociales. L’irruption dans la clinique de symptômes liés à l’utilisation des systèmes numériques pose la question de ces espaces dits virtuels. Que vont y chercher et qu’y trouvent ces personnes, enfants ou adultes, attirées de manière compulsive, parfois jusqu’à la cyberaddiction ? L’AFPEP a questionné la notion de virtuel au cours des Journées Nationales 2009 à Nice. La clinique est éclairée par des approches pluridisciplinaires, philosophique, historique, psychanalytique et neuroscientifique, qui se croisent et se complètent. La lecture de ces textes permet une vision assez large de cette partie intégrante de la construction mentale de l’humain qui n’a pas attendu l’apparition des systèmes informatiques pour être étudiée et conceptualisée. Ce numéro de Psychiatries forme un tout passionnant qui éclaire un sujet qui n’a pas fini de questionner. Anne Desvignes
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www.psychiatries.fr En septembre 2009, le Bureau de l’AFPEP a décidé de doter la revue Psychiatries d’un site internet spécifique. Les sommaires de tous les numéros y seront intégrés au cours des mois prochains mettant en évidence la diversité des travaux de réflexion et de recherche de l’association depuis sa création. Un site est d’autant plus repéré et consulté qu’il est référencé dans d’autres sites. Chacun des adhérents de l’association et lecteurs de la revue peut, au cours de ses navigations sur le net, signaler l’existence de psychiatries.fr aux sites de références pertinents consultés, aidant ainsi à faire connaître ou mieux connaître la psychiatrie privée.
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L’IMAGE ENTRE VIRTUEL ET RÉEL Benoît Kullmann*
Les diapositives correspondantes à ce texte sont visibles sur le site Neuroland-Art, colonne de gauche, rubrique conférences, en fin de rubrique (note de l’auteur) http://www.bkneuroland.fr/articles.php?lng=fr&pg=990 (N.D.L.R.)
l est symptomatique qu’un neurologue soit convié à prononcer votre conférence inaugurale, qu’un second intervienne au terme de votre réunion. Depuis trois ans, à Nice, neurologues et psychiatres se réunissent régulièrement trois ou quatre fois l’an afin d’échanger sur des thèmes communs, mus par une curiosité réciproque. Le sujet que vous développerez au long de ces journées est très vaste. Je me suis demandé par quel bout le prendre : sortant d’un long travail sur l’image mentale, j’ai songé d’abord à développer ce thème. Puis m’est apparu qu’en cette réunion inaugurale, la diversité des usages du virtuel devait être abordée de front. Parce que la définition du virtuel, je parle de la définition construite de ce concept à géométrie variable, pas de celle que l’on tire d’un dictionnaire étymologique, s’enrichit au fil de ses occurrences. Et afin de mieux distinguer le paisible du polémique, sans parler du normal et du pathologique, raison d’être de ce congrès. Dans un deuxième temps, je vous proposerai une réflexion sur les enjeux du virtuel.
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*Neurologue, médecin-chercheur affilié au CRIUGM, Université de Montréal
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I - Le champ du virtuel Traiter du virtuel est largement dépendant du statut de l’image. Comme beaucoup, dès que je rencontre une difficulté dans le développement d’une idée, je me réfugie dans les images. Ce soir ne fait pas exception. En voici une. Mais c’est une image pieuse ! S’écrient certains. Oui, mais de Pierre-Paul Rubens. Le triomphe de l’Eucharistie, exposé au Musée des Beaux-Arts de Valenciennes. Rassurez-vous, je ne vais ni vous accabler de bondieuseries, ni vous infliger une heure d’anticléricalisme. Rubens, dans la généreuse multiplicité de son génie, fut le peintre baroque par excellence, des passions et du désordre, de la sensualité et du mouvement ; l’opposer au classicisme ordonné et raisonnant de Poussin est presque trop facile ; mais simultanément, Rubens, grand ami des jésuites, fut un formidable propagandiste de la contre-réforme. Cette toile en est une illustration : sur un char, l’Eucharistie brandissant le calice jette un regard dominateur sur un homme de science, peut-être Averrœs, tenant une sphère armillaire, un vieillard qui rappelle Socrate, le poète Dante, et Diane d’Éphèse, posant pour la nature. La théologie, les sciences, la philosophie, les arts, et la nature - laquelle je vous demande pour les besoins de la démonstration d’admettre ici comme la prémisse des sciences de la vie. Le champ du virtuel est l’ensemble des champs générés par les oppositions paradigmatiques impliquant ce concept, et je vous invite à en parcourir l’étendue, à en repérer les limites, et à en entrevoir un peu du fonctionnement. La première occurrence du virtuel appartiendra au champ théologique, où il sera opposé au formel et au réel : on passera du premier au second par l’effet de l’incarnation. De même, au sein de la philosophie on transitera du virtuel à l’actuel par l’actualisation ; dans les sciences, du virtuel au réel par la réalisation ; et dans les arts, de l’imaginaire au virtuel par la création d’une image réelle. Je précise qu’il faut entendre actuel non pas comme présent, mais comme ce qui a été virtuel et qui ne l’est plus, par l’effet de l’une des opérations susdites. Théologie L’opposition complexe virtuel/réel, virtuel/formel de la théologie est d’abord illustrée par l’eucharistie : le pain et le vin sont-ils au terme du sacrifice de l’eucharistie la présence réelle ou formelle du corps et du sang du Christ ? Pour les catholiques, la transformation est réelle, et se nomme transsubstantiation. Dans les rangs des réformés, certains contesteront cette thèse et préféreront parler de transformation formelle. Un autre exemple est la querelle des images : théoriquement le monothéisme est hostile aux images : aussi bien Mahomet que Moïse renversent les idoles, le deuxième commandement de la Bible est sans ambiguïté. Mais si Dieu s’est incarné dans le Christ, et si le corps et le sang du Christ s’incarnent à chaque fois qu’on célèbre l’Eucharistie, pourquoi ne le représenteraiton pas ? Ainsi, l’on a fabriqué des icônes du côté de Byzance non sans susciter
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les querelles du même nom. Fallait-il adorer les icônes comme l’original, ou comme des images de l’original, auquel cas le culte n’a pas la même intensité ? Fallait-il accorder la même adoration au Christ, à la Vierge, aux Saints ? Ces discussions sont à l’origine des mouvements iconoclastes du VIIIe et du IXe siècle. La détestation des images lors de la Réforme qu’elle émane de Calvin ou des compagnons radicaux de Luther, Zwingli ou Melanchton, aboutit de même à des destructions ou à des mutilations d’œuvres d’art : par exemple, les Sept œuvres de miséricordes du Maître d’Alkmaar exposées à la Gemäldegalerie de Berlin, où les prêtres et les moines célébrant le service des morts moyennant finance ont été défigurés par les iconoclastes, outrés par ces pratiques vénales. Philosophie En philosophie, le virtuel se distingue de l’actuel, dans ce sens qu’il contient toutes les conditions essentielles à son actualisation. Nous avons pris quatre exemples : le virtuel et l’actuel selon Platon et Aristote, aux sources de la philosophie occidentale, et plus proches de nous, selon Bergson et MerleauPonty. Choix délibéré, décidé en fonction de la suite de mon exposé, mais certainement contestable et ô combien incomplet. Voici le seul tableau existant au monde qui représente le mythe de la caverne de Platon. On peut le voir au Musée de la Chartreuse de Douai. Pour Platon, les choses sont vite vues si je puis dire : l’actuel n’est qu’une dégradation du virtuel, un avatar imparfait du monde des idées intelligible seulement par les dieux et quelques très rares mortels. En s’actualisant, en se matérialisant, le virtuel se dénature. Et non seulement nous n’avons accès qu’à des incarnations imparfaites des idées, mais pire ce sont leurs ombres que nous percevons. Le virtuel d’Aristote est radicalement différent de celui de son maître. Soit un tableau de Hopper : la lumière solaire pénètre partiellement dans une pièce. Si, pieds nus, je passe de la zone d’ombre à la zone éclairée, je ressentirai la chaleur du sol. Aristote exemplifie ainsi la différence du virtuel et de l’actuel : la lumière contient la chaleur virtuelle qui est sentie actualisée sur la pierre laissée un temps à la lumière. L’opérateur du passage du virtuel à l’actuel est la Nature, qui permet l’actualisation des virtualités - l’arbre présent virtuellement dans la graine, la chaleur présente virtuellement dans la lumière. Passons, un peu rapidement je le concède, plus de deux millénaires d’histoire de la philosophie pour nous arrêter à deux conceptions récentes, celle de Bergson et celle de Merleau-Ponty. Bergson aborde la question du Virtuel et de l’Actuel dans Matière et mémoire1, dès 1896, et traite du Possible et du Réel dans un article paru en 1930 et figurant dans le recueil la Pensée et le mouvant2. Première précision : surtout ne pas assimiler Possible et Virtuel, pas plus que Réel et Actuel : Virtuel et Actuel sont
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deux modes du Réel ; Passé et Souvenirs appartiennent au Virtuel, Présent et Perception à l’Actuel, et le possible fondé de manière explicite par le réel occupe la place du futur selon l’axe du temps, l’un des principes organisateurs de la pensée de Bergson ; l’autre étant la dualité de la Matière (le réel, le présent) et de l’Esprit (le virtuel, le passé, le souvenir). Je cite Bergson, dans un texte sur le déjà vu : « Notre existence actuelle, au fur et à mesure qu’elle se déroule dans le temps, se double ainsi d’une existence virtuelle, d’une image en miroir. Tout moment de notre vie offre donc deux aspects : il est actuel et virtuel, perception d’un côté et souvenir de l’autre. Il se scinde en même temps qu’il se pose. Ou plutôt il consiste dans cette scission même ». La perception est l’actualisation de souvenirs, virtuels, et l’ensemble constitue le réel : percevoir n’est possible qu’en réinjectant, actualisant des souvenirs. Un demi-siècle plus tard, chez Merleau Ponty, l’actuel disparaît au profit du couple Virtuel-Réel, mis en avant dans l’œil et l’esprit3 et dans le visible4 et l’invisible, ses deux dernières œuvres dont la seconde est inachevée. Le Virtuel précède le moment qui hante Merleau-Ponty, le passage de l’invisible au visible, lorsque le corps et le monde sont encore liés, avant toute connaissance, toute loi, toute instauration du réel par le travail de la pensée. Arts Le projet de Kandinsky, rendre visible l’invisible, est bien loin des préoccupations de Merleau-Ponty et doit se comprendre dans l’univers mystique du peintre. Je fais une allusion pour ne pas laisser croire que je n’ai pas pensé à la sciencefiction, aux musées virtuels installés par l’informatique, avant de m’attarder sur deux exemples, l’un dans le domaine de la peinture, l’autre dans celui de la poésie : le peintre Magritte et le poète Rilke. Soit un tableau de Magritte : devant une fenêtre, une veduta urbaine, réaliste ; un chevalet découpe une partie de la veduta de telle sorte que l’arrière-plan acquiert la consistance du réel par contraste avec le tableau - dont trois des côtés sont virtuels - qui en est la représentation ; l’art par définition trompe l’œil et trompe l’esprit. D’autre part, on remarque l’isomorphisme du toit conique de la tour, et de la rue qui s’étire jusqu’à l’horizon. Comme par hasard, le nom de la toile, trouvé par Magritte ou l’un de ses amis, est Les promenades d’Euclide : dans l’univers euclidien, deux parallèles ne se rejoignent jamais. Le postulat d’Euclide, par un point
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extérieur à une droite passe une parallèle à cette droite et une seule, est remis en question au XIXe siècle en particulier par Riemann lequel postule qu’aucune parallèle ne passe par ce point, et Lobachevsky lequel soutient qu’une infinité de parallèles passent par ce point, générant des espaces non euclidiens. Dans le tableau de Magritte, comme dans tous les tableaux, les parallèles convergent sur le point de fuite, et démontrent avec un clin d’œil que l’espace des tableaux n’est pas plus euclidien que ceux, virtuels, de Riemann ou de Lobachevsky. Je m’en vais vous dire un poème, ce qui n’a jamais nui à personne. La traduction en est approximative, mais c’est ainsi que je le ressens. Et voici la bête qui n’a pas d’existence Ils l’ignoraient, et en ont aimé l’allure, la pose, l’encolure jusqu’à l’éclat de son regard tranquille Il est vrai qu’elle n’existait pas. Mais par cet amour Elle devint un animal pur. On lui fit de l’espace Et dans cet espace, clair et vacant Sans besoin d’être, elle relevait la tête avec légèreté Ils ne la nourrirent d’aucun fourrage, Mais toujours et seulement de la possibilité d’être, Et cela donnait une telle force à la bête Qu’une corne poussa sur son front nu. Une corne unique. Elle s’approcha, blanche, d’une jeune fille Elle était dans le miroir argenté et en elle. L’un des Sonnets à Orphée de Rilke5 pose la question du niveau d’existence d’une bête imaginaire, nourrie de la seule possibilité d’être, et de l’espace dans lequel elle évolue. Espace d’un texte, d’un poème, espace d’une illustration, d’une tapisserie. Il s’agit d’une Licorne, animal dont chacun sait qu’il appartient au monde des fables. Maintenant, considérez ce texte composite (en lettres normales le texte d’Aristote, en italiques celui de Pline l’ancien, l’auteur de l’Histoire naturelle) qui parle d’un animal dont la forme générale semblable au lézard, sauf les pattes ; et aux poissons, de la taille d’un porc, pourvu d’yeux très grands qu’il ne ferme jamais ; qui doit tourner son corps pour regarder alentours, dont la queue est spiralée comme celle d’une vipère, les doigts crochus, la peau rugueuse et écailleuse comme celle du crocodile, qui est sujet à des changements de couleur en fonction de ce qu’il touche sauf le rouge et le blanc, dont la lenteur des mouvements rappelle la tortue ; sa chair est quasi absente, son sang est quasi
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absent, il n’a pas de rate, se nourrit seulement d’air (ne boit ni ne mange) ; habitant de l’Afrique, des Indes, il hiberne comme les lézards, a des antipathies avec l’éléphant, l’épervier, est dangereux sur un figuier. Avez-vous identifié cet animal, que personne n’a jamais vu, dont l’existence se réduit à une série d’énoncés ? Dans les bestiaires et les sommes médiévaux, les enlumineurs ont voulu le représenter. Imaginez-vous moine, dans la pénombre du scriptorium médiéval d’un monastère, en charge d’illustrer les sommes d’Albert le Grand, de Thomas de Cantimpré, de Jean de Beauvais. Comment présenter ce que l’on n’a jamais observé, à partir d’une série d’énoncés ? Paolo Uccello, lorqu’il lui fallut peindre les quatre éléments, parvenu au caméléon, symbole de l’air, n’en ayant jamais vu fit un être mi-lion, mi chameau. Le caméléon contrairement à la Licorne est bien réel, cependant il est demeuré un être virtuel pendant près de vingt siècles, jusqu’à ce que les premiers naturalistes le dessinent sur le vif. Vous aurez reconnu le caméléon, dont la première présentation naturaliste, datée d’environ 1550, est de Pierre Belon du Mans6. Sciences Cet exemple tiré de l’Histoire naturelle permet une transition avec le champ de la Science : en physique, en mathématique, en biologie ; dans les branches de la thermodynamique, de l’optique, de la mécanique, de l’informatique, le virtuel trouve toujours sa place : feu virtuel, objet et image virtuelle, travail virtuel, espace virtuel, mémoire virtuelle… Les sciences humaines ne sont pas en reste : nous dirons un mot au passage de la conception saussurienne de la langue virtuelle, nous citerons avant de le développer plus loin, le virtuel comme simulacre, selon le sociologue Jean Baudrillard7. Et comment ne pas mentionner l’économie virtuelle, dans l’ombre de la tyrannie des marchés. Linguistique En linguistique, l’opposition Virtuel/Actuel est relativement claire : les faits de parole sont l’actualisation d’une langue virtuelle dont les lois sont dégagées des premiers. Ceci à l’échelle d’un groupe. Chez un individu, la performance est une actualisation de sa compétence, comme le réel se distingue du potentiel. Dans la langue informatique, la création d’une copie exécutable d’un modèle, autrement dit un programme, est appelée instanciation. Je développe brièvement l’observation de Whorf à propos de la langue des Indiens hopis. Intrigué à la suite d’une rencontre avec un membre de cette tribu dont il réalisa qu’il exprimait la catégorie du temps avec des termes empruntés à celle de l’espace, il proposa, après réflexion, que le couple d’opposition paradigmatique qui structurait leur langue était l’objectif et le subjectif, objectif couvrant ce qui existe ou a existé, le passé et le présent, le réel ; subjectif couvrant ce qui n’a pas existé, le futur, l’imaginé, le rêvé, soit le virtuel.
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Thermodynamique Pour chacun la nature du feu ne pose pas question. D’autant plus qu’en dehors des boy-scouts, des amateurs de barbecue et des incendiaires, plus grand monde ne s’y intéresse ; les feux dans la cheminée sont artificiels et l’ère de l’électricité est bien installée. Il en allait autrement autrefois et le feu virtuel, la substance ignée, fut l’occasion de théories8 dont la plus célèbre est celle du Phlogiston ou Phlogistique de Georg Ernest Stahl (1660 – 1734) : une substance fixée dans certains objets, en quantité variable, beaucoup dans le bois, très peu dans les métaux, qui s’actualisait en feu lors de la combustion. Survint Lavoisier, qui décomposa l’air et le Phlogiston fit long feu. Optique La science reine de l’époque classique, l’Optique, développant ses outils d’approche tant de l’infiniment grand que de l’infiniment petit à l’aide de la technologie des lentilles, le gagne-pain de Spinoza, établit les concepts d’objet réel et virtuel, d’images réelles et virtuelles. Quelques exemples d’objet réel et d’image réelle : la projection de la lanterne magique ; d’objet réel et d’image virtuelle : Vénus et son reflet dans le miroir ; d’objet virtuel et d’image réelle : le reflet du transparent dans le miroir du rétroprojecteur et l’image projetée sur l’écran. Pour cette raison même, il est impossible d’illustrer un objet virtuel assorti d’une image virtuelle. Restons dans le domaine des effets d’optique. La tentation est grande, pour un neurologue prenant la parole devant une assemblée de psychiatres, de ne pas manquer l’occasion d’une allusion à trois figures marquantes de votre discipline, qui ont, chacune à leur manière, entretenu un rapport particulier à l’image, avec le pouvoir que nous attribuons à l’image. Charcot : une leçon de clinique à la Salpétrière 9 Vous connaissez le tableau d’André Brouillet : Charcot devant la fine fleur de la neurologie parisienne présente Blanche Wittmann soutenue par Babinski. Blanche Wittmann, pensionnaire de la Salpétrière, se pliait de bonne grâce à toutes les démonstrations nécessaires à la progression de la science. On venait l’examiner en cabinet privé, Bourneville ou Gilles de la Tourrette se chargeant de la démonstration. Vous savez tous comment fonctionne ce formidable portrait de groupe : au mur, une planche réalisée par Paul Richer, collaborateur de Charcot
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et professeur d’anatomie à l’École des Beaux-Arts. On le voit ici dessinant, aussi proche de Charcot sur le tableau qu’il le fut dans la vie. Cette planche est un agrandissement de cette gravure, elle-même composée d’après une photographie prise par Albert Londes. Charcot avait organisé un département autour de l’image, photographie et gravure, lui-même avait un joli coup de crayon. L’Iconographie de la Salpétrière regroupe des clichés de la période 18751879, et sera suivie de la Nouvelle Iconographie de la Salpétrière. Appliquons une rotation d’un quart de tour à la gravure, et agrandissons le bras de Blanche : au-delà de l’art de Brouillet, vous voyez bien qu’il y a là tout le nécessaire pour que Babinski, son émoi dépassé, invente la notion de pathomimie. Le modèle accroché au mur dicte à Blanche ce qu’elle doit réellement faire, actualiser dans son malaise : prescription du symptôme, diriez-vous ? Freud : un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci Le rapport de Freud à l’art, pour qui a visité à Vienne son cabinet de consultation, autant que pour les érudits qui connaissent par cœur Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci, a fait couler beaucoup d’encre, et je mentionnerai l’ouvrage de Janine Burke10 paru en 2006. Vous voyez sur cette gravure de Max Pollack datée de 1914 les figurines égyptiennes dont s’entourait Freud. Que je cite, à propos de Léonard, alors qu’il est sans doute sous l’influence des statuettes : « Voici, dit-il, que surgit une idée, si éloignée qu’on serait tenté d’y renoncer. Dans les pictogrammes sacrés des anciens Égyptiens, « mère » s’écrit en effet par l’image du vautour. Ces Égyptiens vénéraient aussi une divinité maternelle qui fut représentée avec une tête de vautour ou avec plusieurs têtes dont l’une au moins était celle d’un vautour. Le nom de cette déesse se prononçait Mout ; la similitude de son avec notre mot « Mutter » ne serait-elle que fortuite ? Le vautour se trouve ainsi réellement en rapport avec la mère, mais à quoi cela peut-il nous servir ? Avons-nous le droit de supposer chez Léonard cette connaissance, alors que le premier à avoir pu déchiffrer les hiéroglyphes fut François Champollion (1790-1832) ? » Alors que l’on est en droit de s’interroger sur l’inconscient de Freud autant que sur celui de Leonard, l’obstiné inventeur de la psychanalyse sort une carte de sa manche : Horapollon, auteur des Hyeroglyphica, texte extrêmement populaire dans l’intelligentsia renaissante à la fin du XVe siècle, interprétation de 189 hiéroglyphes, écrivit que les Égyptiens utilisent l’image du vautour pour désigner une mère11. Quelques années après la parution du texte de Freud, l’un
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de ses fidèles correspondants, un pasteur zurichois, Oscar Pfister, observant un tableau de Leonard de Vinci exposé au Louvre, La Vierge, l’Enfant Jésus et sainte Anne, réalisé vers 1510/1513, pense identifier dans la robe de la vierge la forme d’un vautour. Une image-devinette. S’installe une gêne lorsque l’on sait que le texte utilisé par Freud traduit l’italien milan (faucon, épervier) par vautour. Qu’importe, désormais vous verrez tous la silhouette d’un vautour dans le tableau de Léonard. On me pardonnera de citer une phrase glanée je ne sais plus où, sans doute un peu simpliste : « pour Freud, l’art est un royaume intermédiaire entre la réalité qui interdit la réalisation du désir et le monde de l’imaginaire qui l’autorise sans l’incarner. La création artistique réconcilie dans le domaine du virtuel le principe de plaisir et le principe de réalité ». Lacan : le stade du miroir chez Mary Cassatt Après le plus simple, le plus hermétique. Sans doute de nombreuses thèses traitent des rapports de Lacan et du schéma. En voici un, et pas des plus simples : la schématisation du stade du miroir. Même si vous avez suivi mon petit développement sur l’optique, ce diagramme tel quel me paraît difficilement intelligible. Un grand merci à Didier Couturier, qui a eu la patience de me le décortiquer afin que je puisse tenter de le décrypter - entreprise absurde puisque pour chacun d’entre vous ce schéma est familier. Mais j’aurais voulu vous le décrire en termes d’optique. Je me rabats avec facilité sur ce tableau de Mary Cassatt, The mirror (1905), cliché de l’iconographie psychanalytique, mais illustrant à merveille dans sa simplicité ce fait important que l’enfant est porté devant le miroir et que l’autre, sa maman, lui dit : c’est toi en désignant son reflet. On imagine que l’enfant s’est déjà tourné vers sa mère, interrogatif, c’est qui ? Et qu’elle lui a déjà affirmé : c’est toi, qu’il a entendu comme : c’est moi. Merleau-Ponty est l’auteur d’un texte sur le stade du miroir de Lacan qui me semble particulièrement bienvenu pour le béotien que je suis, car il met l’accent sur la dimension potentiellement dramatique de ce qui se joue lors de l’expérience qu’est l’acquisition de l’image spéculaire : ne m’en veuillez pas trop de cacher mon ignorance derrière Merleau Ponty : « L’image propre en même temps qu’elle rend possible la connaissance de soi, rend possible une sorte d’aliénation : je ne suis plus ce que je me sentais être immédiatement, je suis cette image de moi que m’offre le miroir. Il se produit, pour employer les termes du docteur Lacan, une « captation » de moi par mon image spatiale. Du coup je quitte la réalité de mon moi vécu pour me
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référer constamment à ce moi idéal, fictif ou imaginaire, dont l’image spéculaire est la première ébauche. En ce sens, je suis arraché à moi-même, et l’image du miroir me prépare à une autre aliénation encore plus grave, qui sera l’aliénation par autrui. Car de moi-même justement les autres n’ont que cette image extérieure analogue à celle qu’on voit dans le miroir, et par conséquent autrui m’arrachera à l’intimité immédiate bien plus sûrement que le miroir. »12 Ces quelques lignes me semblent prophétiques de toute la pathologie susceptible de s’engouffrer dans cette crise si elle ne se déroule pas sereinement. J’ai choisi d’illustrer ce texte de Merleau Ponty par quelques œuvres du plus neurologique des peintres, René Magritte ; et de finir sur ce personnage qui perçoit dans le miroir un reflet impossible, la vision qu’ont les autres de luimême : la Reproduction interdite, certes clin d’œil à l’actualité, mais surtout posant sur le rebord de la cheminée un ouvrage d’Edgar Allan Pœ, Les aventures d’Arthur Gordon Pym13, variations sur le jeu des miroirs s’il en fut. Edgar Pœ, obsédé par les doubles, est un exemple de stade du miroir mal franchi. Charles Baudelaire traduit dans la philosophie de l’ameublement à propos des miroirs : « Considered as a reflector, it is potent in producing a monstrous and odious uniformity ». « Or, la plus légère réflexion suffirait pour convaincre quiconque a un œil du détestable effet produit par de nombreux miroirs, spécialement par les plus grands. En faisant abstraction de sa puissance réflective, le miroir présente une surface continue, plane, incolore, monotone – une chose toujours et évidemment déplaisante. Considéré comme réflecteur, il contribue fortement à produire une monstrueuse et odieuse uniformité, et le mal est ici aggravé, non pas seulement en proportion directe du moyen, mais dans une raison constamment croissante. De fait, une chambre avec quatre ou cinq glaces, distribuées à tort et à travers, est, au point de vue artistique, une chambre sans aucune forme »14. Je reprends pour terminer cette première partie le vaste tableau des occurrences du virtuel, en insistant sur l’abus de langage que nous devons à la fois signaler et accepter, sans quoi plus de débats : le simulacre est-il virtuel ? D’autre part, les extensions que j’ai mentionnées dans la rubrique informatique, jeu virtuel, second life, reposent en fait non pas sur des images virtuelles au sens de l’optique, mais sur des images de synthèse ; lesquelles permettent la construction de mondes dits virtuels, rejetons à la fois de la science-fiction et du simulacre. Nous convenons
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cependant de les désigner ici comme mondes virtuels. La plupart des interventions prévues pendant ces deux journées concernent cette région singulière du champ du virtuel qui relève, à mon avis, plus du simulacre mis en scène avec des images de synthèse que le phlogiston ou l’image dans le miroir. II - Les enjeux du virtuel Ainsi se déploie le champ du virtuel : maintenant que nous avons épaissi la soupe conceptuelle, nous sentons bien qu’il n’est pas question de traiter toutes les occurrences du terme, et qu’en particulier il ne sera pas ici question du virtuel, concept des neurosciences, objet de l’intervention de Lionel Naccache. Ni du virtuel mathématique, ou physique, ou linguistique, qui ne font guère problème. Revenant à des considérations contemporaines, je m’attarderai sur le virtuel-simulacre de la sociologie. En dépit d’invariants, les religions évoluent ou, mieux, certaines activités se révèlent à l’examen évoluer comme des religions. On peut lire l’excellent homo sportivus de Philippe Simonnot15 écrit il y a déjà plus de vingt ans. Regardez ce stade : tout est dit. Vingt-deux milliardaires en shorts qui courent après un ballon. Des dizaines de milliers de spectateurs dont on se demande ce qu’ils peuvent voir. Heureusement, un écran géant permet de suivre les phases de jeu captées par les caméras. Cette curieuse ligne, hommes assis dans une posture brechtienne le dos au terrain, vêtus de chemises jaunes, fait face à la foule des gradins. Quel est le statut mental de ce que regardent ces différentes catégories d’individus ? Ce ring maintenant : très semblable, deux personnes se rouent de coups, autour, des photographes munis de téléobjectifs longs comme le bras, des spectateurs dont l’un a ouvert un ordinateur portable… Il y a une logique, la télévision au stade, l’ordinateur au bord du ring… Enfin, ce jeune homme, celui par qui le scandale arrive, a fait l’acquisition d’une machine moderne, une Wii qui lui permet de s’impliquer physiquement dans un combat fictif contre un personnage virtuel dont l’image réelle est projetée sur un écran. On peut tirer une jouissance de la manipulation de cet instrument dans différents domaines : le tennis, la conduite automobile, le golf, et forcément certains ont eu des idées d’extensions ludiques plus ou moins sportives. Simulacres Le grand contempteur du virtuel est Jean Baudrillard, disparu récemment. Simulacres et simulations, œuvre virulente, écrite en 1981, débute par la citation d’une nouvelle de Borgès sur une cartographie si parfaite qu’elle recouvre le territoire réel16. On abandonne cette carte qui recouvre le territoire et l’on peut imaginer avec Borgès l’aspect apocalyptique d’un paysage où pourrissent les
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lambeaux de la carte mêlés avec le réel. Pour Baudrillard, le réel est recouvert à ce point de simulacres qu’il ne demeure plus du premier que des bribes. Et l’auteur de se lamenter. Comme si menaçait une sorte de régression, combinant déréalisation et excès de virtualisation. Comme si le réel, i.e. l’authentique, le vrai, devait se gagner, alors que le simulacre s’obtenait dans la facilité. Nous ne sommes pas loin de l’idée d’addiction comme court-circuit du plaisir. Admettons que Baudrillard ait raison de fustiger comme il le fait dans cet article de Libération de 1995 l’impuissance du virtuel. Les expressions dramatiques pleuvent : « les machines ne produisent que des machines », « internet ne fait que simuler un espace mental libre », « féodalité technologique ». Prenons l’exemple de Lascaut. Les grottes ont été fermées après que l’on eût démontré le risque de pollution et d’altération définitive des fresques si les visites touristiques se poursuivaient. Fut par conséquent construit un Lascaut II, une réplique, que j’irai certainement visiter avec mes petits-enfants, car je suis incapable de distinguer en l’occurrence l’original de la copie. Ceci me rappelle un film de Fellini, Roma, dont je vous projette l’extrait bien connu de la découverte des fresques ; protégées jusqu’alors de l’air, elles ne résistent pas à son contact et disparaissent en quelques instants : c’est le mythe de Lamia chanté par Keats17, la divinité disparaissant au moment même où son mystère est percé par le chevalier qui en est tombé amoureux. Le sociologique chez Baudrillard n’est pas bien loin de l’économique. Je n’oublie pas que nous parcourons l’univers des images, et à ce propos, il m’est revenu un film d’Orson Welles, F for Fake, Vérités et Mensonges en français, qui traite de quelques faussaires dont Elmyr de Hory. Il paraît que les musées et les collections privées nord-américaines regorgent de ses œuvres, dont les acheteurs sont convaincus qu’ils sont les heureux propriétaires de Modigliani, de Matisse, de Miro ou que sais-je. En réalité, comme le dit très bien Elmyr de Hory en brûlant devant vous un Matisse, un faux Matisse qu’il vient de réaliser, qu’importe tant que le propriétaire du tableau croit qu’il possède un vrai Picasso… Et lorsqu’Elmyr de Hory fait le même geste que Serge Gainsbourg, il renvoie bien entendu à ce qui constitue la virtualité dans cette histoire de faux, c’est à dire, la valeur spéculative, la valeur boursière des bulles qui explosent de temps à autre et font partir en fumée des milliards de dollars. Curieusement, Baudrillard, pas plus que Guy Debord, qui a les mots les plus durs pour les doubles du réel, ne s’en prend jamais au cinéma, ce rituel de la fin de semaine pour des générations - parmi les virtuels industriels celui qui est devenu le plus réel. Le virtuel, c’est la valeur marchande du tableau, de l’objet. Je m’explique : depuis tout à l’heure vous êtes devenus des spécialistes du caméléon. Un enfant malgache cueille un spécimen dans un buisson qui lui rapporte dix cents, un dixième de dollar. Une bobo herpétophile l’achètera en Californie mille dollars : soit un rapport de un à dix mille. Après cet exemple d’erreur économique, l’horreur économique, la vraie : le premier producteur mondial de mines antipersonnel est une firme bien connue,
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d’un pays voisin de la France. Le premier actionnaire français est une firme bien connue… je m’arrête là, fuyant les procès en diffamation. La production d’une mine, dans une usine délocalisée, revient à 5 dollars ; la valeur d’une prothèse est de 30 euros selon Handicap International ; la destruction par une équipe de démineurs revient à 1000 dollars. Calculez, à partir de ces données, la valeur d’un bras et/ou d’une jambe amputée chez un enfant de six ans : bonus, imaginez que ce soit le votre. L’obligation de marquer sur tout produit leur composition calorique est bien gentille - à la mesure de notre tolérance vis-à-vis de l’obésité. D’une autre trempe serait l’obligation d’inscrire le nom des actionnaires majoritaires des sociétés de production sur les mêmes produits. Le virtuel là-dedans ? Si vous ignorez que votre tableau est faux, si vous ignorez l’utilisation de l’argent que vous investissez (en postulant : l’argent, c’est du travail) vous êtes dans l’économie virtuelle, vous jouez dans la bulle, vous vous sentez riche et innocent. La connaissance ramène le virtuel au réel : rappelez vous le caméléon, dont la taille que l’on croyait celle d’un cochon s’est réduite à celle d’un lézard. Restons dans l’ambiance pessimiste engendrée par la rencontre de Baudrillard. Qu’ai-je cru comprendre, au fil de mes lectures récentes justifiées par cette intervention ? Les menaces consécutives à l’excès de simulacres sont multiples : inconsistance croissante d’autrui, développement des plaisirs solitaires ; pour les sergents recruteurs de militants des bonnes causes, un drame : ces jeunes gens veulent changer de monde, et non changer le monde. Le risque est la désocialisation, voire la schizophrénisation, et l’on cite ces adolescents japonais isolés croit-on dans des univers de fiction, et surtout les mirages de second-life. Je rappelle le fait divers survenu au mois de février dernier : un enfant de cinq ans aurait poignardé sa sœur parce qu’elle refusait de lui prêter sa console de jeux. Réaction immédiate : les enfants sont devenus dingues (sic). L’enquête ne tardera pas à découvrir que la mère est l’auteur du crime et a vendu sans difficulté cette fable moderne aux médias. Confusion de l’authentique et de la copie, confusion du vrai et du faux, menacent les refuges fiscaux des bobos bien pensants et les revenus des vendeurs de disques. Le risque ultime est le développement, devant des images dont la valeur est devenue floue, d’un nouvel iconoclasme : j’imagine une destruction furieuse de copies n’épargnant pas l’original. Bien entendu, l’invention d’attirails destinés à permettre à nos enfants ou petits enfants de faire semblant de jouer de la guitare, voire de l’accordéon, est insupportable, et j’ai récemment vu d’un œil un film lamentable doté de deux T sur Télérama, dont la narration est située entre Faulkner et les romans de Barbara Cartland, les points de vue de cinq membres d’une famille débile dont le moment de gloire d’un des fils est la participation à un concours de Guitar Hero. Puis je réalisai qu’il s’agissait peut-être d’un essai sociologique, que je n’avais pas saisi la finesse du propos ?
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On fera remarquer, autour de quelques illustrations anciennes et modernes de joueurs de cartes, d’échec, d’un ring de boxe et de la corbeille de la bourse de Tokyo, que de l’enfance à la sénescence, du berceau au tombeau, le jeu est l’activité masculine principale depuis la nuit des temps - non comptés les esclaves anciens et modernes employés à construire des pyramides ou à constituer des stocks d’objets qui font système pour citer à nouveau Baudrillard. Et l’on dénombrera quelques bienfaits du simulacre, lequel évite de s’entre-tuer pour de bon, limite les frustrations en accordant aux pauvres les miettes du festin des riches et d’accrocher un poster de Picasso dans son salon (l’alternative serait d’oublier Picasso et d’acheter un authentique artiste bon marché, car inconnu), permet l’apprentissage des pilotes, des astronautes, des chirurgiens ; les essais de quantité d’expériences ; les répétitions du jeu des musiciens, des acteurs et autres saltimbanques, ou des épreuves des sportifs. La thérapie des membres fantômes, des syndromes de négligence, la rééducation des troubles de l’équilibre. Certaines situations de crise - un incendie, une attaque terroriste, un accident de la voie publique, une noyade. Aux militaires traumatisés lors de la guerre du Golfe ou du conflit irakien sont proposés des programmes les replongeant dans un univers virtuel proche de ce qu’ils ont vécus sur le terrain. Le simulacre invente un nouveau statut, entre spectateur et acteur, que n’avait pas prévu Guy Debord. J’aurais aimé connaître son opinion sur la dangerosité de ces jeunes filles émoustillées s’époumonant devant un écran de télévision. Il l’a peutêtre exprimé - le dépôt de la marque karaoké date de… 1 962. Le statu quo aboutit inéluctablement à la sacralisation de tout spectacle : cérémonie des César, des Oscar, du tirage au sort des équipes de football, sans parler des Jeux Olympiques… La réduction de la distance de l’acteur et du spectateur contrebalance le star-system extravagant. L’iconoclasme menace, variété de celui que j’évoquais plus haut : le joueur de foot-ball colombien qui a manqué le penalty est abattu, un inconnu exige sa part de lumière en assassinant un artiste populaire. Conclusion D’une manière cynique, on se réjouira que le virtuel fasse disparaître le visible insupportable, rende invisible le visible pour notre plus grande ataraxie ; substitue une virtualité acceptable à une réalité odieuse ; atténue la frustration consécutive à la fréquentation d’un monde fait de tentations d’intensité croissante, dont la plupart sont inaccessibles au plus grand nombre sans choir dans la criminalité ; plus cyniquement encore, réclamer encore plus de Virtuel, qui noie dans l’ambiguïté l’authentique, et déclare obsolète les discussions sur le vrai et le faux, se réclamant d’un par delà le vrai et le faux pour paraphraser Nietzsche. Et ce n’est sans doute pas un hasard, si l’on trouve dans l’Œil et l’Esprit de Merleau Ponty dont décidément nous ne pouvons nous passer, la résonance suivante : « puisque l’homme devient vraiment le manipulandum
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qu’il pense être, on entre dans un régime de culture où il n’y a plus ni vrai ni faux touchant l’homme et l’histoire, dans un sommeil ou un cauchemar dont rien ne saurait le réveiller ». Enfin, et sans doute le plus important, pour reprendre la pensée de Bergson, et de quelques autres, sans virtuel, c’est à dire sans passé, sans mémoire, pas de réel, de même que sans réel, pas de possible. Si l’on admet que le réel, pour aller vite, est ce que j’en fais, alors sans répétition, sans essai, sans apprentissage, il n’y a pas de réel viable. Le virtuel, comme l’avait pressenti Merleau-Ponty, qui tenta de saisir ce passage, précède nécessairement le réel. En allant encore un peu plus loin, à moins d’être considéré comme achevé, le réel comporte toujours une part de virtuel, comme la garantie de son devenir. L’examen du rapport entre le virtuel et le réel, autorise l’utilisation d’une apparence d’oxymoron, dans le titre de l’ouvrage collectif intitulé le Traité de la réalité virtuelle 18. Je ne peux me résoudre à y voir la menace d’un meilleur des mondes où l’accès au plaisir se ferait sans effort, ni celle d’un enfer où nous deviendrions esclaves de machines à fabriquer du virtuel, tout en appliquant le principe de Sapir Whorf à l’aide d’une langue façonnant les pensées, la Novlangue. À propos de machines, je n’allais pas oublier de vous parler d’une invention qui a changé la vie de nos patients, et la notre : l’IRM. Si le virtuel me donnait des angoisses, celles-ci s’évanouiraient bien vite devant ces images de synthèse, élaborées à partir de signaux électromagnétiques émis en particulier par les protons, en fait, une fraction minuscule d’entre eux, environ 0,001%. Ces signaux recueillis permettent de construire ces images réelles du cerveau. Voici un exemple d’une technique d’avant-garde, la tractographie qui dessine les faisceaux de fibres unissant différentes régions du cerveau. La tractographie appartient à la science plus vaste au nom magnifique, la science des chemins, l’hodologie. Mon intention était non pas d’inventorier l’intégralité des connotations du virtuel mais d’indiquer les variétés de ses usages, un peu de son histoire, et son rapport privilégié à l’image. Une sorte de tour d’horizon, avant l’exploration que vous entreprendrez demain, des aspects pathologiques du virtuel. Le neurologue que je suis, obtiendra-t-il au terme de ces journées qui s’annoncent passionnantes, des réponses aux questions que j’égrène comme elles me sont venues, teintées d’un peu de malice ? Je vous quitte sur cet arc-en-ciel, objet virtuel s’il en fut, à la représentation duquel j’ai consacré tant d’années19, et dont Saunderson, l’élève surdoué et aveugle de Newton, abondamment cité dans la Lettre sur les aveugles20, était un spécialiste. Une dernière réflexion si je puis dire : essayez de transposer tout ce que je viens de dire dans le domaine mental d’un non-voyant. Je vous remercie de votre attention.
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Iconographie Pierre-Paul Rubens Le triomphe de l’Eucharistie, Musée des Beaux-Arts de Valenciennes 1625 ? Maître d’Alkmaar Les Sept œuvres de miséricordes Gemäldegalerie Berlin Anonyme du XVIe siècle la caverne de Platon Musée de la Chartreuse de Douai. Edward Hopper, Rooms By The Sea (1951) Magritte Les promenades d’Euclide 1955 La dame à la Licorne, musée de Cluny Giuseppe Arcimboldo, allégorie du feu 1572 Kunsthistorisches Museum, Vienne André Brouillet une leçon clinique à la Salpetrière 1887 musée d’histoire de la médecine, rue de l’École de médecine, Paris Max Pollack Freud à Vienne, écrivant 1914 Mary Cassatt, The mirror 1905 Magritte La reproduction interdite 1937 Leonard de Vinci La Vierge, l’Enfant Jésus et sainte Anne, vers 1510/1513 Paris, musée du Louvre
Filmographie Frederico Fellini, Roma Orson Welles, la dame de Shangaï Orson Welles, F for Fake, Vérités et Mensonges
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Notes ibliographiques Bergson, Henri .- Matière et mémoire .- 1896 Bergson, Henri .- Le Possible et le réel .- 1930 Merleau-Ponty, Maurice .- l’Œil et l’Esprit .- 1960 Merleau-Ponty, Maurice .- Le visible et l’invisible .- 1961 Rilke, Rainer Maria .- Die Sonette an Orpheus .- parte II sonetto IV Belon du Mans, Pierre .- de Aquatilibus .- 1553 Baudrillard, Jean .- Simulacres et simulation .- Editions Galilée, 1981 Bernier, François .- Abrégé de la philosophie de l’abbé Pierre Gassendi (1592-1655) .1678, p.143 9 - Kullmann, Benoit .- l’Esprit faux tome III : l’esprit de l’escalier .- Éditions BKNeuroland, 2009 10 - Burke, Janine .- The Sphinx on the table : Sigmund Freud’s Art Collection and the development of psychoanalysis .- Walker & Company, 2006 11 - Horapollon .- De la signification des notes hiéroglyphiques des Égyptiens .- édition grecque imprimée pour la première fois à Venise en 1505 ; traduction française anonyme en 1543 12 - Merleau-Ponty, Maurice .- Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je telle qu’elle nous est révélée dans l’expérience psychanalytique .- Zurich, 17 juillet 1949 13 - Pœ, Edgar Allan .- Les aventures d’Arthur Gordon Pym .- 1838 14 - Pœ, Edgar Allan .- traduit par Charles Baudelaire .- Histoires grotesques et sérieuses, la philosophie de l’ameublement .- Nouvelle édition Flammarion, 2008 15 - Simonnot, Philippe .- Homo sportivus .- Paris : Gallimard, 1988 16 - Borgès, Jorge Luis .- Histoire de l’infamie, histoire de l’éternité .- Paris : Le Rocher, 1951, Union générale d’éditions, p. 129-130. 17 - Keats, John .- Lamia .- 1819 18 - Sous la direction de Philippe Fuchs et la coordination de Guillaume Moreau .- Le Traité de la réalité virtuelle en quatre volumes Volume 1, L’homme et l’environnement virtuel .- Presses de l’Ecole des Mines 2006 19 - Kullmann, Benoit .- Chroniques de l’arc-en-ciel, I à X .- BKNeuroland éditions, 2010 20 - Diderot, Denis .- Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient .- 1749
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Résumé Dans l’intention de parcourir, en cette conférence inaugurale, le champ du virtuel, nous avons exposé quelques unes de ses occurrences dans les domaines de la théologie, de la philosophie, des arts et des sciences. Nombre de ces usages appartiennent à l’histoire des idées et ne font pas polémique. Nous insistons sur le pouvoir de l’image, en développant en particulier trois exemples, la leçon de clinique à la Salpétrière d’André Brouillet, le souvenir de Léonar de Vinci de Freud, et le stade du miroir de Lacan. En revanche, en marge du virtuel, la notion de simulacre, les mondes dits virtuels construits grâce aux images de synthèse, la réalité virtuelle utilisée à des fins ludique ou médicale, sont au centre des débats qui occuperont les trente-huitième journées de la psychiatrie privée. Ces techniques que l’on convient de ranger sous la rubrique du virtuel suscitent une défiance, certains dénonçant une menace de confusion entre l’original et le fac-simile, l’authentique et la copie. Nous rappelons en conclusion, outre la nécessité de repenser le paradigme du vrai et du faux, la conception de Bergson, selon laquelle à moins d’être considéré comme achevé, le réel comporte toujours une part de virtuel, comme la garantie de son devenir.
Mots clés Image - Virtuel - Réel - Potentiel - Actuel - Formel - Incarnation - Transsubstantiation Réalisation - Actualisation - Création - Iconoclasme - Pouvoir de l’image - Réalité virtuelle - Simulacre - Simulation - Original - Copie.
Resumen La imagen entre lo virtual y lo real Con intención de recorrer el ámbito de lo virtual, hemos presentado algunos de sus manifestaciones en los campos de la teología, de la filosofía, de los artes y de las ciencias. Muchos de estos usos corresponden a la historia de las ideas y no plantean ninguna polémica. Insistemos en el poder de la imagen, y por eso utilizamos tres ejemplos en particular, la clase de clínica en la Salpétrière por André Brouillet, el recuerdo de Leonardo da Vinci por Freud, y el estadio del espejo por Lacan. En cambio, al margen de lo virtual, la noción de simulacro, los mundos llamados virtuales elaborados gracias a las imagenes de síntesis, la realidad virtual utilizada con fines lúdicas o médicas, están al centro de los debates que tendrán lugar durante los trenta y octavos días nacionales de la psiquiatría privada. Estas técnicas que se conviene en situar en la rúbrica de lo virtual provocan una desconfianza, algunos revelando que se corre el riesgo de una confusión entre el original y el facsímil, lo auténtico y la copia. En conclusión, además de la necesidad de replantearse el paradigma de lo verdadero
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y de lo falso, recordamos la concepción de Bergson, que dice que lo real, a no ser que sea considerado como terminado, siempre incluye una parte de lo virtual, como la garantía de su devenir.
Palabras claves Imagen - Virtual - Real - Potencial - Actual - Formal - Encarnación - Transubstanciación Realización - Actualización - Creación - Iconoclasia - Poder de la imagen - Realidad virtual - Simulacro - Simulación - Original - Copia.
Abstract The image between the virtual and the real With a view to examining the scope of the virtual, we presented some of its occurrences in the fields of theology, philosophy, arts and sciences. Many of these uses belong to the history of ideas and are not controversial. We insist on the power of the image, by developing three examples more particularly, the lesson of clinic at the Salpétrière by André Brouillet, Leonardo da Vinci, a Memory of his childhood, by Freud, and the Mirror stage by Lacan. On the other hand, on the sidelines of the virtual, the notion of make-believe, the worlds called virtual and built by synthetic images, virtual reality used for recreational or medical purposes, all these subjects will be the focus of our debates at the thirty-eighth convention of private psychiatry. These techniques which we agree to classify under the heading of virtual, arouse mistrust, some people denounce the risk of a confusion between the original and the facsimile, the genuine and the copy. As a conclusion, besides the necessity to rethink the paradigm of what is true and what is false, we would like to remind Bergson’s conception saying that, unless considered as completed, the real always keeps a part which is virtual, as a guarantee for its evolving.
Keywords Image - Virtual - Real - Potential - Present - Formal - Incarnation - Transubstantiation Achievement - Actualization - Creation - Iconoclasm - Power of the image - Virtual reality Make-believe - Simulation - Original - Copy.
INTRODUCTION
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INTRODUCTION Hélène Baudoin*
Je vous souhaite la bienvenue à ces XXXVIII es Journées Nationales. La mission de coordinatrice de ces Journées de Nice que l’AFPEP m’a confiée, m’a permis de rencontrer depuis un an de nombreux partenaires au sein de la ville, dont certains sont sans doute ici. Je voulais les remercier d’avoir donné de leur temps, de leurs idées, de leurs initiatives pour que cette manifestation puisse être finalisée. Je remercie également tout particulièrement les membres du comité d’organisation et du comité scientifique qui m’ont beaucoup soutenue tout au long de cette belle aventure et qui ont porté avec moi ce projet qui, je l’espère, sera à la hauteur de notre attente. C’est-à-dire des moments de partage passionnants, vivants, instructifs mais aussi de vrais moments de convivialité. Cela est loin d’être négligeable, la convivialité. J’acquiers au fil des ans la conviction que cet art d’être ensemble fait partie de l’essentiel. Des journées comme celles-là sont une occasion de travailler notre capacité à être ensemble, à écouter l’autre, à se livrer en se dégageant des mondanités et tenter d’approcher un peu de vrai. Je m’étends un peu sur cette question de la convivialité parce qu’il y a des absents aujourd’hui aussi et ils vont nous manquer. Nous étions réunis, hier soir, pour la conférence inaugurale et mes derniers remerciements ce matin iront au Dr Benoît Kullmann. Sa promenade entre virtuel et réel nous a introduits dans l’immensité du champ du virtuel et a fourni une matière à penser d’une très grande richesse. *Psychiatre, coordinatrice des Journées, Nice
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PSYCHIATRIES N°154 NOVEMBRE 2010
Pour ceux d’entre vous qui n’étaient pas là encore, hier soir, je vais tâcher d’extraire de cette conférence ce qui peut nous permettre de reprendre aujourd’hui le fil de la réflexion entamée. Benoît Kullmann, en questionnant ce que peut être le virtuel, a plongé dans le champ de notre culture tout entière. Il nous a montré comment ce concept à la fois remonte à la nuit des temps et relie entre eux théologie, philosophie, sciences parmi lesquelles se situe notre discipline et art. Je lui suis très reconnaissante de cela, il a créé un recul qui nous permet de ne pas tomber dans l’erreur qui aurait été de faire du virtuel un phénomène d’actualité et de faire le procès de la modernité. Le virtuel semble indissociable de notre fonctionnement psychique lui-même indissociable de notre fonctionnement neurologique. Benoît Kullmann est neurologue. Si la psychiatrie et la neurologie se sont séparées il y a 40 ans, ici en France, un tout petit phénomène au regard de l’espace et du temps, cela ne tient qu’à la nécessité de séparer les entités pour penser. Mais il ne faut pas perdre de vue qu’en chacun de nous existe une unité profonde, une unité à atteindre, à déchiffrer, à vivre. C’est cette unité qui s’exprime depuis la nuit des temps à travers des cultures que l’homme a créées et continue de créer, unité du corps et de l’esprit. C’est sous ce signe que je vais aujourd’hui ouvrir ces XXXVIIIes Journées de la Psychiatrie Privée ; nous sommes des cliniciens, la clinique nous plonge dans la complexité de l’être humain et nous avons besoin de ces temps de réflexion pour séparer et puis relier les concepts. Nous avons appelé la première séance plénière : « Quel monde pour nous accueillir ? ». C’est sans doute une tentative de saisir les éléments de cette culture qui est sans arrêt en marche.
QUEL MONDE POUR NOUS ACCUEILLIR ?
QUEL MONDE POUR NOUS ACCUEILLIR ?
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VENIR AU MONDE SANS LIMITES Raymond Bénévent*
Préliminaires Depuis maintenant quelques années, sous la pression d’un métier dans lequel les contacts avec les enfants et les adolescents sont permanents, mes recherches, nourries par une double formation de philosophe et de psychanalyste, m’ont amené à m’intéresser aux effets de grandes mutations culturelles et sociales sur la probable structuration psychique des enfants à venir, et à prêter une attention particulière à la dimension éventuellement pathogène de certaines de ces mutations, en mettant en jeu l’hypothèse suivante : dès que des modifications de comportement, perceptibles par exemple dans l’espace scolaire, sont suffisamment massives pour devenir le fait de groupes entiers, elles ne peuvent plus être déterminées seulement par des problématiques individuelles ou familiales simplement singulières, mais par des bouleversements culturels généraux affectant des populations entières et leur rapport au monde. Ainsi ont été étudiés d’une part la modification du rapport au temps chez les adultes en Occident1, d’autre part, caché derrière le cas de la monoparentalité choisie, le développement d’une parentalité de type essentiellement ou exclusivement narcissique qui semble de plus en plus faire norme2. Dans les deux cas, il m’apparaissait que la fragilisation de la constitution psychique frappait au même point : la question du réel et des limites qu’il m’impose : *Professeur agrégé, docteur en philosophie, Université de Strasbourg
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COMMENT COMPRENDRE LA RELATION ENTRE LE SUJET ET LE VIRTUEL AVEC UNE THÉORIE DE L’IMAGE DU CORPS ? Claude Allard*
Les images du Virtuel Les univers virtuels que consomment les enfants et les adolescents sont essentiellement faits d’images qu’ils regardent ou avec lesquelles ils interagissent. Le mot image est polysémique en français. C’est d’abord la représentation ou la reproduction formelle d’un objet, d’une personne, d’une situation présente dans la réalité. Dans ce sens, elle correspond au mot anglais picture et, lorsqu’il s’agit d’une représentation psychique interne, on dit image aussi. L’image objet produit une communication entre ceux qui la projettent et ceux qui la perçoivent puis l’introjectent. L’image met en scène des simulacres qui se déroulent suivant une narration dans le cas d’un film, d’un reportage ou d’un dessin animé ou selon une arborescence dans le cas d’un jeu vidéo ou d’une recherche internet. Comme création elle implique donc une interprétation propre à son créateur. Ses effets produisent chez le sujet spectateur une illusion. L’image animée met en scène dans le virtuel des corps en action, des représentations du corps, des modèles identificatoires, des pratiques ou des simulations d’actions etc. Pour le philosophe Hiroki Azuma, l’évolution des productions audiovisuelles postmodernes se caractérise par l’absence de récit. Le message est comme remplacé par un grand déploiement de techniques visant à augmenter la force d’attraction sensuelle du personnage1. Pour stimuler la fascination du *Pédopsychiatre, psychanalyste, Directeur Médical du CMPP, Bastia
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L’EMPATHIE MONDIALISÉE Le virtuel et l’invisible, l’image de contrainte. Sylvain-Marc Pellas*
e virtuel peut-il prétendre servir une perspective thérapeutique dans le champ psychologique, à l’échelle de la personne ? Aussi, quels sont les repères collectifs ou sociaux propres au virtuel, qui nous permettraient d’envisager une évaluation de ses effets sur l’individu ? L’empathie telle que nous la connaissons, laisse-t-elle la place à une autre forme d’empathie promue par la virtualité ? Le virtuel laisse-t-il entrevoir le début d’une empathie mondialisée, ou bien seulement la continuité d’un modèle nouveau d’identification du désir à l’angoisse (que nous connaissons déjà sous d’autres formes), plutôt qu’à celui de l’identification du désir au désir de l’autre. Il ne serait alors pas si difficile pour nous de repérer cela plutôt comme une transgression ou bien une régression du sentiment empathique. Ce sentiment guide en effet notre attention vigilante envers l’humain plutôt qu’envers la machine ou les fonctionnalités de celle-ci. Traversons-nous une involution sociologique plutôt qu’une révolution technique qui démembrerait les fondamentaux de notre profession sous le couvert d’un déplacement de l’empathie. Ce déplacement prendrait de risque d’un glissement épistémologique accompagné d’une inversion du rapport du sujet à l’objet dans l’inconscient. La virtualité n’est-elle qu’un nouvel instrument d’aliénation de la personne et des masses, ou bien l’histoire et la psychopathologie nous ont-elles déjà fourni quelques expériences de ce dont il s’agit encore qui se repérerait et se répéterait là ?
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*Psychiatre-psychothérapeute, Paris Centre Médico Psychologique pour adultes, Villeneuve La Garenne
LA CLINIQUE À L’ÉPREUVE DU VIRTUEL
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LEURRE DES VIRTUELS LEURRES DU VIRTUEL Claude Gernez*
a proposition d’Hélène Baudoin concernant le thème de ce congrès a, dès son énoncé, entraîné l’approbation de tous ; vint ensuite le moment de mesurer l’ampleur du sujet choisi ; pour le délimiter, il m’a semblé juste de le référer à ma pratique clinique. Je vous invite donc à suivre le cheminement qui m’a mené vers cette liaison de l’excès d’utilisation des objets virtuels à la haine. Je spécifie cette dernière d’« ordinaire » en relation à : « Un homme ordinaire » titre du roman de Robert Musil. Il se pose là une double question, d’une part celle de la liaison entre l’abus et le sentiment de haine, et, d’autre part, celle de ce sentiment en ses œuvres. Il s’agit bien ici d’une réflexion autour d’une pratique déterminée, ce qui exclue de prétendre à une valeur généralisable et systématisée de ses conclusions.
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I - Définition et illustration du virtuel créatif. Pour définition, j’ai choisi celle d’Alexandre Kojéve dans son ouvrage : “Histoire raisonnée de la philosophie païenne” où le virtuel caractérise ce qui reste en devenir, en puissance, comme un possible en attente dont la réalisation n’est, cependant, pas assurée. L’exemple travaillé dans le livre cité porte sur l’inconscient. En effet, celui-ci se trouve toujours présent mais demeure inconnu, virtuel, avant l’interprétation qui le fait advenir au champ de la conscience d’un sujet. *psychiatre, psychanalyste, Enghien-les-Bains
LA CLINIQUE À L’ÉPREUVE DU VIRTUEL
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MONDES VIRTUELS, RÉALITÉS CLINIQUES Gilbert Fabre*
’intervention de Claude Gernez alimente ma réflexion parce que je suis dans la praxis. C’est de la pratique dont je vais vous parler maintenant. Je pense que cela va apporter de l’eau pratique au moulin que l’on vient d’écouter.
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À l’hôpital de jour « Le relais », il y a 5 lits d’hospitalisation qui nous permettent d’accueillir des adolescents en crise. Il s’est doté depuis un certain nombre d’années de dispositifs annexes qui sont une équipe mobile et un foyer un peu particulier destiné à recevoir des adolescents particulièrement en difficulté et qui sont le plus souvent sous main de l’Aide Sociale à l’Enfance. La question qui se pose est : quels sont les changements depuis que les mondes numériques, le virtuel numérique, s’invitent dans le débat clinique ? Ce qui a été largement abordé ce matin. Appuyons-nous sur quelques coupures de presse. Le Figaro, il y a quelques semaines, faisait un article sur « des centres spécialisés pour les drogués d’Internet ». La terminologie n’est quand même pas tout à fait neutre. Le Nice Matin de dimanche dernier titrait dans le supplément santé : « Drogué aux jeux vidéos ». Nous pouvons constater deux choses à la lecture de ces articles : d’une part il s’ouvre dans la région une consultation spécialisée pour les drogués aux jeux *Pédopsychiatre, dispositif adolescents Serena, Marseille
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LE VIRTUEL DE NOUS-MÊMES Michel Jurus*
'est une belle idée que nous inviter à s'interroger sur le virtuel et ce qui est le plus surprenant c'est de ressentir d'emblée, sans connaissance particulière, intuitivement, une dimension interne à l'être, puissante, qui ne correspond pas à l'image actuelle. Le virtuel a existé de tout temps mais il s’est sans doute encore plus "personnifié" par l’utilisation d’Internet avec ses jeux, ses amitiés, ses amours… Le virtuel éveille en nous, révèle une partie de nous-mêmes qui nous semble en même temps familière et lointaine. Le virtuel fait partie de nous. Le virtuel nous accompagne toute notre existence jusqu'à notre mort quand nous aurons épuisé toutes nos vies comme dans un jeu virtuel.
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La deuxième surprise est de découvrir que le virtuel est connu depuis quelques millénaires. Dans l'antiquité, Aristote allie le virtuel à ce qui est déterminé en suivant sa nature. Ainsi, il est dans la nature du germe du gland de devenir un chêne et non pas un peuplier. Le germe contient dans sa structure le potentiel de l’arbre. La définition du mot provient de la scolastique qui qualifie de virtuel un être ou une chose n'ayant pas d'existence actuelle dans les faits tangibles, mais seulement un état potentiel. L'utilisation de cet adjectif s'est modifiée avec l'apparition de l'image pour finalement désigner ce qui se passe dans un ordinateur ou sur Internet, par opposition au monde réel. *Psychiatre, Lyon.
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Jeu vidéo : Implication, usage et défis pour la prise en charge des adolescents. Adrien Charpentier*
Introduction Désormais omniprésents dans la culture, les jeux vidéo proposent de nouveaux défis dans la compréhension de leurs usages. Cette nouvelle réalité semble suffisamment incomprise pour être régulièrement décriée. De fait, il existe un hiatus entre la rapidité d’évolution de l’univers des jeux vidéo et les processus d’observation, d’étude et de discussion de la production scientifique et intellectuelle. Depuis 30 ans, ce thème est mis en avant par la recherche psychosocio-éducative avec un souci de protection du public de ces jeux. La moyenne d’âge des utilisateurs de jeux vidéo est de 33 ans avec environ 13 ans de jeu derrière eux, mais 28,2 % ont moins de 18 ans. L’impact de ce média est majeur : 67 % des foyers américains ont déjà utilisé le jeu vidéo (Entertainment Software Association, 2008), et 86 % des Américains de 8 à 16 ans ont accès au jeu vidéo à leur domicile (Walsh, 2002). Dans la littérature, le terme jeu vidéo rassemble des pratiques très variées : jeux sur ordinateur personnel, consoles dédiées à la pratique, jeux d’arcade, console portable ou jeux en multijoueurs via internet. Le contenu du jeu (identification à l’avatar, thème du jeu, scénario), sa jouabilité (ergonomie, l’architecture compétitive du jeu, progression des compétences et des possibilités d’action) et paradoxalement son rapport avec la réalité externe non virtuelle (interaction entre les partenaires de jeux, communauté de joueurs) semblent primordiaux pour structurer l’expérience du sujet (Antonietti, 2003 ; Hsu, 2007 ; Wang, 2008). *Psychiatre, service de psychiatrie des cliniques du Sud Luxembourg, Belgique.
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LE VIRTUEL AU SERVICE DU THÉRAPEUTE Michel Fruitet*
ans mon expérience de pédopsychiatre, les mondes virtuels, loin d’être des obstacles à la rencontre, peuvent devenir des alliés et être un appui précieux dans le travail thérapeutique. Paradoxalement ils vont, grâce au transfert, permettre à certains de tisser autrement leur relation au monde. Du virtuel à l’incarnation tel est le défi qu’il nous convient de relever. Pour donner corps à mon propos, je vais tenter de rendre compte de ma façon de faire et d’être dans ma relation thérapeutique avec : - Luc qui se repasse en boucle « La guerre des étoiles », film culte des années 80. - Eliot qui passe une partie de sa vie sur Dofus, un des jeux vidéos en ligne le plus utilisé.
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Luc et la guerre des étoiles Luc est âgé de 5ans, quand je le vois pour la première fois, il se sépare facilement de sa mère pour venir dans mon bureau. Il s’installe sur sa chaise et me parle d’emblée de son père. Je transcris littéralement ses propos : il est mort, il y a très longtemps, j’avais quatre ans. Il est mort quand j’étais dans le ventre de maman. Je ne l’ai pas vu, j’ai pas vu ses yeux… Il est au ciel… Papa il était dans le ventre de maman. Mon frère il n’est pas mort, jamais mort, il est très fort, plus fort que moi… mon frère était dans le ventre de maman quand papa est mort. *Pédopsychiatre, psychanalyste, Montpellier
LE VIRTUEL, UN NOUVEL ESPACE POUR LES ADOLESCENT ?
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L’ESPACE-TEMPS DES ADOLESCENTS : « VIRTUEL OU MIROIR DES PARENTS » ? Roger Moukalou*
« On a la force de la vérité que l’on peut supporter » En voulant définir le virtuel, m’est venue à l’esprit la notion de « naturel » et de « pathologique ». D’abord qu’est-ce que le virtuel pour nous autres psychiatres psychanalystes ? Et y a-t-il du naturel comme du pathologique ? À mon sens, en effet, le virtuel n’est pas un problème en soi. Il existe. Donc d’une certaine manière, il est naturel. C’est-à-dire faisant partie de notre être au monde. Par contre, quels liens entretenons-nous, tissons-nous avec lui ? Comment commerçons-nous avec lui ? L’homme étant en ce sens en rapport avec son milieu biologique et social, il subit de façon continuelle les effets des autres composantes de la nature : chaque individu est donc soumis à un déterminisme, qu’il soit naturel, comme on dit, ou culturel (la culture, c’est-à-dire l’ensemble des pratiques proprement humaines, étant en fait elle aussi un produit dérivé de la nature). En effet, depuis quelque temps le mot en lui-même peut être « diabolisé », alors qu’il ne fait que signifier un état particulier d’un certain nombre de choses et d’une certaine forme de relation. Au fur et à mesure que j’essayais d’imaginer, de définir ce terme, voire ce concept, je buttais sur « une réalité ». Je me suis senti dans l’obligation de rendre concrète cette entité, la rendre palpable, consistante, en bref, lui donner du corps. Je crois *Psychiatre, Psychanalyste, Poitiers
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CYBERADDICTIONS : RÉEL OU VIRTUEL ? Vannina Micheli-Rechtman*
es « cyberaddictions » ou « cyberdépendances » sont des symptômes contemporains qui ne peuvent qu’interroger la clinique et la théorie psychiatrique et psychanalytique. En effet, il ne s’agit pas de postuler qu’il existe des symptômes inédits, mais plutôt de comprendre comment la clinique psychiatrique et psychanalytique peut appréhender les nouveaux objets que sont ici les nouvelles images dites d’écran ou images numériques. En effet, on ne peut pas nier l’évidence, c’est-à-dire que nous sommes dans une société où les images sont en inflation, omniprésentes. C’est aussi un effet de la société de consommation qui multiplie et duplique les objets à l’infini, alors elle multiplie aussi les images. Il est frappant de constater que ce qui ne se voit pas, ce qui est invisible n’existe pas, comme si, n’importe quel objet doit, pour exister, être tout entier dans son image.
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L’origine des cyberaddictions nous questionne car elles sont liées à la place accordée aux images (internet, jeux vidéos, etc…) mais pas seulement, car nous retrouvons les catégories psychopathologiques habituelles, la névrose (souvent la névrose obsessionnelle ou la névrose phobique), ou la psychose. Ainsi nous nous interrogeons sur les conséquences de ces nouveaux usages sur les sujets, sur la construction de leurs repères et de leurs identifications. Car nous constatons que certains sujets font un usage habituel de ces nouvelles images, les considérant comme un outil de plus, tandis que d’autres s’y précipitent. *Psychiatre, psychanalyste, docteur en philosophie Université Paris 7-Denis Diderot
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Discussion
Patrick Stœssel Je trouve que la question des parents est importante mais, encore une fois, on se perd dans la manière d’y répondre. J’ai donné des critères tout à l’heure : temporalité, affect, corps et rêverie ; cela répond à une question qui a été lancée hier qui disait que ce ne sont pas les enfants qui font la demande. Encore une boutade car, par définition, comme ce sont des enfants, théoriquement, ils sont sous la coupe des parents. Alors, si les parents aiment leurs enfants, peut-être qu’ils sentent que dans la temporalité, les affects, la rêverie et le corps, il y a quelque chose qui ne va pas. Et peut-être que là, ils peuvent nous amener leurs enfants. Un enfant qui lui-même est coincé dans son jeu et qui irait voir un psy ? Donc, la réponse est presque logique ; hier Claude Gernez nous a relaté une vignette clinique intéressante : ce père qui paye un ordinateur à son enfant, le gamin change d’école tous les jours et le père va demander à Claude de seulement lui permettre de mieux changer d’école, vous voyez bien que la réponse est là, d’entrée. Thierry Delcourt Je vous ai entendu dire tout à l’heure : moi je ne joue pas aux jeux vidéos. Moi non plus, et je suis sûr qu’un certain nombre d’entre nous préfère avoir un
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L’ENFANT, L’ADOLESCENT ET LES UNIVERS NUMÉRIQUES, LES CONDITIONS DE L’INDÉPENDANCE. Claude Allard*
Introduction À partir de la clinique de l’enfant et de l’adolescent, j’évoque quatre thèmes qui me semblent essentiels : les nouveaux médias, quel qu’en soit le support, qui constituent pour l’enfant des institutions de socialisation au même titre que la famille ou l’école ; les images animées qui s’incarnent par l’intermédiaire de l’organisation sensori-motrice de l’enfant, à un niveau donc très primaire ; elles utilisent un langage infraverbal, iconique qui mobilise les émotions ; elles sont pour lui une autre sorte de réalité, la réalité virtuelle. La découverte et l’appropriation Alex, est un petit enfant de 3 ans. Il vient consulter pour une agitation incœrcible. Ses parents avaient eu une relation houleuse et conflictuelle, émaillée de crises alimentées par un père violent qui se manifestait aussi bien verbalement que physiquement. L’enfant en avait été lui-même l’instrument et la victime. Depuis leur séparation, la thérapie a permis d’expliciter verbalement la nature de ces conflits, de prendre des mesures de protection de la mère et de l’enfant. Alex est beaucoup plus calme. Pendant une de ses séances, en jouant au téléphone, il dit avec anxiété : « c’est Scream ! C’est Scream ! Il arrive avec son couteau, il va me tuer, il va tuer maman. » Tout d’abord, j’associe cette crise anxieuse aux événements anciens. *Pédopsychiatre, Psychanalyste, directeur Médical CMPP, Bastia,
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L’AVATAR ADOLESCENT Avatar ou l’être éternellement mort Dominique Texier*
« Je me sens menacé depuis que j’ai suicidé mon avatar. En fait je ne sais pas si c’est un meurtre ou un suicide. Je me sens mort, vidé et j’ai peur. Je ne me reconnais plus. » A. Un avatar est une des dix réincarnations humaines de Vishnou, qui, deuxième Dieu de la triade hindoue a pour mission d’assurer la conservation de l’univers créé. Un avatar est aussi une transformation par évolution, ou métamorphose. Mais ironie de la langue, c’est aussi une mésaventure, un accident, un impondérable ! En langage web, c’est l’image qui identifie l’internaute, image ou trace de lui-même. Le monde numérique via le réseau Internet propose de nouvelles modalités de rencontre avec les autres mais aussi avec soi-même. Appartenant à la culture adolescente et ayant déjà participé pour les adolescents d’aujourd’hui à la construction de leur vie psychique depuis l’enfance, le monde virtuel offre un champ d’expériences qui n’est pas sans effet sur les modalités d’approche de cette période de transition et sur les modes de structuration qui s’en déduisent. C’est essentiellement la question de l’image qui est en jeu, ou plus exactement de l’espace de représentation. Un adolescent fragilisé par la crise pubertaire et par un contexte social en crise, sans repères symboliques stables, peut se confondre avec ces personnages *Psychiatre, pédopsychiatre, Paris et Thonon
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QUAND LE VIRTUEL EST AFFAIRE DE FAMILLE Annie Stammler*
e me propose de parler d’une adolescente qui n’est pas véritablement une patiente. Lisbeth, âgée de 14 ans, est la fille aînée d’une fratrie de 3 et vit en Angleterre. Il s’agit d’une famille franco-anglaise qui appartient à un ensemble d’amis proches que je rencontre une à deux fois par an et, ce, depuis des années. La mère est française mais n’a jamais parlé dans sa langue à ses trois enfants, même lorsqu’ils étaient tout petits, elle n’a jamais chanté de berceuses, par exemple. Je parle français avec elle ; je parle anglais avec ses enfants qui ne disent pas un mot de français. Le père est anglais. Les parents sont divorcés ; Lisbeth l’aînée avait sept ans au moment du divorce. Les enfants vont chaque semaine chez leur père.
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Périodiquement, depuis plusieurs années, je me trouve avec eux, plongée dans un univers d’écrans. Celui de la télévision, bien évidemment, mais surtout, écrans d’ordinateurs et de jeux vidéos. J’étais, et je reste, peu entraînée à ce type de distractions. J’avais cependant été initiée au « game boy » par un jeune patient âgé d’une dizaine d’années, souffrant de dyslexie. Il ne pouvait se défaire de son écran et créait des combats, véritables pugilats, sans fin, entre divers personnages. Si on l’en avait privé, « il aurait eu la haine », disait-il. Lisbeth se présente comme une grande adolescente au visage volontiers boudeur, au corps massif. Elle est comme encombrée de sa volumineuse *Psychiatre, Psychanalyste, Paris.
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ENTRER DANS LE DÉBAT PAR LA PORTE DU RÊVE Jean-Jacques Lignier*
« Contemporain est celui qui reçoit en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient de son temps. Il s’agit de ne pas se laisser aveugler par les lumières du siècle et de parvenir à saisir en elles la part de l’ombre, leur sombre intimité. » Georgio Agamben
Le banal par perfusion d’imaginaire L’historien Jacques le Goff situe en 314, concile d’Ancyre, l’interdiction des religieux de s’intéresser aux rêves et de les interpréter. Selon lui, cette prise de position contribue à faire de l’occident une société aux rêves bloqués, désorientée dans le domaine onirique. Enrichi des points de vue anthropologique, philosophique et thérapeutique, Sami Ali invite à renouer avec la part onirique de soi, à entrer en relation avec l’être selon les modulations des affects. Quel est le statut de l’activité onirique dans une société de type technologique ? Sami Ali forge le concept de banal. Il s’agit des forces organisées et organisatrices qui, dans une société donnée, poussent à l’uniformité. Cette forme est tenue d’abord par une forme de sensibilité. Le réel, qui est à la fois le rationnel et le technique, tend de plus en plus à prendre la place de l’imaginaire. Il s’opère une pathologie du conformisme social qui s’accompagne d’une remarquable perte d’intérêt pour tout ce qui n’est pas réel. Les normes *Psychologue, psychothérapeute, membre du Centre International de psychosomatique, Périgueux
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Discussion
Thierry Delcourt Vous avez, à mon avis, dit quelque chose de très important : on est en train de taper à bras raccourcis sur le virtuel et le diaboliser, je vous remercie d’avoir quand même tempéré cette diabolisation. Surtout en rappelant que la vraie vie est finalement autrement plus diabolique, que l’on soit en Albanie, sous le régime nazi, au Rwanda. Et que peut être cette dimension de refuge, cette fonction de refuge, qu’un virtuel apporte comme cela, même s’il rejoue des éléments de la vraie vie ou le « comme si » de la vraie vie ? Il y a quand même une part d’explication : c’est la cruauté de cette vraie vie. On revient au rêve et vous dites des choses très intéressantes sur l’œuvre du rêve. Peut-être que l’on pourrait ajouter par rapport à cette défiguration, déconstruction, reconfiguration, une autre distinction entre le surgissement des impressions du rêve que l’on retrouve dans le cauchemar ou dans d’autres sortes de rêves, des sortes de schèmes baladeurs qui sont du registre du son, de l’odeur, de quelque chose de tout à fait parcellaire, fragmentaire et qui d’ailleurs, au passage, sont une source très importante du recours de l’artiste dans sa création artistique. Et puis, cette œuvre du rêve, c’est-à-dire tout ce récit et pas seulement le récit qui nous en est fait, l’obligation de chacun de nous de passer de cette espèce de matrice du rêve entre mot, forme et chose, de passer à une construction imaginaire qui se fait dans l’immédiat du réveil, finalement.
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LE VIRTUEL, UNE AUBAINE POUR REDÉCOUVRIR LA « REPRÉSENTATION » ? Lionel Naccache*
e remercie Thierry Delcourt de m’avoir invité, il y a longtemps déjà, à participer à ce congrès autour du virtuel. Je tiens à signaler que les propos de JeanJacques Lignier m’ont beaucoup intéressé et, ainsi que vous allez pouvoir vous en rendre compte, nous convergeons me semble-t-il sur plusieurs idées communes, bien que nos approches soient très distinctes.
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Je vais donc vous parler du « virtuel ». La question posée par Thierry dans ce séminaire est : « le virtuel, un lieu habitable ou un non lieu ? ». La position que je vais défendre est plutôt optimiste par rapport à ce que l’on va appeler le virtuel, ainsi que l’annonce le titre de mon intervention : « Le virtuel, une aubaine pour redécouvrir la “représentation” ? » Je pourrais ainsi la résumer : le virtuel ne pourrait-il pas être effectivement considéré comme une aubaine pour redécouvrir la notion de représentation du réel qui est évidemment l’une des propriétés fondamentales de la vie mentale en général, propriété essentielle donc, mais dont la prise de conscience est loin d’être évidente, loin de s’offrir à l’intuition commune. Commençons tout d’abord par cerner ce terme, de « virtuel », polysémique par excellence. Livrons-nous à un jeu d’associations libres autour du mot-clé de cette question : - « Virtuel » - Virtuel qui s’oppose donc au « réel ». *Neurologue, chercheur en neurosciences cognitives, Pitié-Slapêtrière et INSERM, Paris
LE VIRTUEL, LIEU HABITABLE OU NON-LIEU ?
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GÉNÉALOGIE DU VIRTUEL Catherine Carré-Orengo*
ul n’hésite de nos jours à rapprocher le domaine informatique et celui du virtuel, ce qui nous a fait oublier les origines de ce dernier. Il m’a paru intéressant de questionner ici la notion de virtualité, son évolution et les liens qu’elle entretient avec la photographie, le cinéma et le numérique. Il serait cependant tout à fait présomptueux de prétendre faire en aussi peu de temps le tour d’une question aussi vaste qui mériterait un développement beaucoup plus long.
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I - Histoire du virtuel De nombreux auteurs ont débattu des rapports entre le virtuel, le réel et l’actuel. Il est impossible de tous les citer ici. Le mot virtuel vient de la philosophie. C’est au départ un adjectif, emprunté vers 1503, au latin scolastique « virtualis » signifiant « qui n’est qu’en puissance »1. Est alors qualifié de virtuel un être ou une chose n'ayant pas d'existence actuelle (c'est-à-dire dans les faits tangibles), mais seulement un état potentiel susceptible d'actualisation, qui n’est qu’en… devenir : l’usage du mot, ici, s’applique non pas à des images mais à tout ce qui renferme en soi de quoi se réaliser plus tard. Virtualis trouve son origine au moyen-âge dans le latin classique « virtus », définissant la force et la puissance. La virtus est littéralement la qualité (tus) *Psychiatre et Pédopsychiatre, Paris
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CORPS ET VIRTUEL Une vision psychosomatique du virtuel Michèle Chahbazian*
e virtuel prend une place de plus en plus grande, et cela se situe dans une dynamique socio culturelle assez large. L'ascension semble avoir commencé avec le développement technologique démarré dès la fin du XIXe siècle, puis avec l'accentuation progressive du secteur tertiaire. Il s'agissait d'un grand pas vers un éloignement du corps et de la nature pour aller vers l'abstraction, la théorie, la technique. Le mouvement scientifique initié alors nous a apporté un progrès massif et a encouragé une grande volonté d'objectivation. Paradoxalement, la psychanalyse, à la même époque, a découvert le sujet, accentuant un clivage entre les deux.
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Le sujet est devenu roi cependant que l'objectivation scientifique devenait reine. Beaucoup d'analyses intéressantes ont été faites à propos de la légitimité de l'objectivité, et je conseille à ce sujet la lecture de Pierre Legendre. Cette mise à distance du corps par la théorisation, l'essor des sciences, l'objectivation, ont conduit vers des transformations de la pensée elle-même. Le déconstructionisme, par exemple, qui s'est parallèlement développé est allé dans le même sens. La démarche de comprendre et d'analyser a conduit à morceler, découper, disséquer, pour aller chercher la substantifique mœlle. Cette attitude est commune à beaucoup de démarches de recherche, pourtant elle se heurte à une limite incontournable qui est celle de l'intégrité du corps et de l'humain. Cette limite renvoie à des questions éthiques complexes. *Psychiatre, Aix-en-Provence.
LE VIRTUEL, LIEU HABITABLE OU NON-LIEU ?
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CORPS ADOLESCENT DANS LE MIROIR ET LE VIRTUEL Sandrine Calmette-Jean*
e ne parlerai ni d’ordinateur, ni des technologies dites virtuelles, mais des bienfaits de l’accession à la dimension du virtuel chez l’enfant… Le virtuel sera considéré dans sa définition : « qui est en puissance et non en acte ; qui n’a pas d’effet actuel », en le distinguant d’emblée de la fiction : création de l’imaginaire, invention fabuleuse. La définition du virtuel laisse ainsi apparaître une dimension symbolique, en tant que le virtuel devient alors créateur d’une vectorisation temporelle, d’une tension vers un futur possible, permettant un écart optimiste entre le présent et l’avenir. En quelque sorte, le virtuel permet de faire cette hypothèse, par nature symbolique : « Si je suis incapable aujourd’hui, peut-être demain pourrai-je témoigner de mes potentialités, de mes virtualités ».
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On peut penser que ce virtuel, et non pas le fictif, est une donnée que nous intégrons dans le travail thérapeutique avec les enfants et les adolescents, puisque, après tout, l’avenir et le champ des possibles doivent rester raisonnablement ouverts pour eux ! Le « crédit anticipateur » fait aux enfants en difficulté constitue un ressort thérapeutique, en faisant jouer le virtuel, le possible, comme un miroir à la mesure de ces enfants, miroir où il faut qu’ils puissent s’y voir un peu, s’y reconnaître, y croire un tant soit peu. Il ne s’agit pas de leur proposer une création imaginaire démesurée née de notre désir de guérir où « tout » leur serait possible ! Ce futur possible ainsi proposé *Pédopsychiatre, psychanalyste, Paris
TABLE RONDE
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Table ronde
Claude Gernez J’ai essayé d’écouter les critiques et de dire les reproches qui ont été faits. C’est ponctuel, arbitraire, parce que je n’ai pu discuter qu’avec un certain nombre d’entre vous. Il me semble en ressortir, certains diront que non, je l’espère bien : vous n’êtes pas rentrés assez vite dans le sujet et vous n’avez pas été suffisamment clinique. Concernant la clinique, il est clair que pour plusieurs raisons, nous rencontrons des limites. La première limite, c’est la déontologie. Personnellement dès lundi à mon cabinet, il est bien possible que j’aie à rendre compte de ce que j’ai dit aujourd’hui. N’oublions pas que nous nous adressons aussi à des gens qui vont sur Internet. Donc, à un moment ou un autre, ils sont susceptibles d’y trouver ce que nous avons dit. Cela justifie une prudence avec ce qui se dira ici. Je le dis avec un peu d’humour, mais la première fois où j’ai compris que ça existait, c’est quand un de mes patients m’a dit du divan : « je vous félicite de votre résultat sportif de la semaine dernière ». Je suis surpris, comment sait-il ça ? Internet, évidemment ! Depuis, je suis prudent. Mais revenons à la phrase qu’avait dite mon patient : « je ne sortirai pas avant que vous m’ayez dit comment vous avez compris ça ! » Mais je ne vous ai pas dit mon intervention, je n’ai pas dit la phrase que j’ai prononcée. Et je n’ai pas du tout l’intention de la dire, ni de l’écrire, je resterai parfaitement elliptique et allusif.
CONCLUSION
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CONCLUSION Olivier Schmitt*
irtuel, fictif, simulation, imaginaire, représentation, métaphore, symbolique, paradigme, artifice, jeu… Ou bien, a contrario, actuel, effectif, formel, réel, factuel, etc.
V
Par leurs liens d’analogie ou d’opposition, cette constellation de mots, dans laquelle nous nous sommes promenés tout au long de ces Journées, forme un réseau de signifiants. Il s’intègre au grand réseau de signifiants caractéristique et spécifique de chacun d’entre nous à un moment donné. Les échanges que nous avons eus lors des plénières ainsi qu’en ateliers ont enrichi notre propre réseau de signifiants aussi bien en quantité lexicale qu’en qualité des liens métaphoriques qui les relient ou les opposent. Nous ne sommes pas tout à fait les mêmes aujourd’hui qu’en arrivant ici hier ou avant-hier. Nous pouvons reconnaître ici sans doute une part importante de ce que nous appelons à l’AFPEP l’interformation. Par curiosité, j’ai regardé la définition de « virtuel » dans le Dictionnaire francophone basé sur le Trésor de la langue française informatisé (CNTRL, altif, CNRS). J’y ai trouvé la définition linguistique de « virtuel » dont l’antonyme est « actuel ». Je cite : « Par référence à l’opposition saussurienne entre langue et parole, [est virtuel ce] qui n’est pas actualisé, qui relève de la langue. La linguistique post-saussurienne se donnera pour tâche d’induire, à partir d’un corpus (actuel) de faits de parole, la *Psychiatre, psychanalyste, président de l’AFPEP-SNPP, Niort
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LA PSYCHIATRIE EST-ELLE ENCORE UN HUMANISME ? Robert Michel Palem L’Harmattan, Paris, 2010, 201 p. Voici un débat d’actualité en ces temps de grande agitation politico-sociale ! Et qui donc oserait affirmer des positions contre l’humanisme ? Personne, bien sûr : nous sommes tous des humanistes convaincus, comme nous sommes tous des schizophrènes, (pour la division dissociative hypocrite des opinions), ou des juifs allemands, (pour la persécution d’une politique imbécile de rentabilité comptable). Et pour ce qui est de l’humain, ce ne sont pas les avis qui manquent : philosophes et scientifiques, psychiatres et psychanalystes, sociologues ou anthropologues, et j’en passe, ont pratiquement tous, depuis l’Antiquité, débattu du sujet. Tout un chacun peut invoquer à loisir leur autorité pour étayer… des positions plutôt éclectiques promues au rang de Vérité. L’ami Palem se lance, avec son ouvrage, dans une saine opération de ménage parmi ce foisonnement de doctes énoncés. Du nettoyage « au Karcher » - selon une formule devenue célèbre - dont le style vif et alerte est parfois virulent. Tout cela s’ordonne selon un plan rigoureux visant d’abord à situer la place de la psychiatrie (et de la psychanalyse) dans le courant général des considérations philosophiques et éthico-morales, puis à examiner le discours « psy » pour y débusquer les crypto-nazis. Le lecteur est convié à un grand procès où Freud est acquitté, mais dont les grandes vedettes restent, sans surprise pour qui connaît l’auteur, Jacques Lacan et Henri Ey. Leur confrontation prend des allures de tragédie grecque, quasi mythologique. Jacques Lacan y endosse le rôle de « Maître de la Mort », (désigné comme tel par un graffiti à son domicile…), assisté de Heidegger, Althusser, Foucault, entre autres. Henri Ey est entouré de Ricœur, LantériLaura, Amado Levy-Valensi… et bien d’autres. Les citations (à comparaître) sont nombreuses : plus de quatre cents références bibliographiques. L’érudition de R.M.Palem est impressionnante ! Et c’est très instructif de le suivre dans l’argumentation serrée de sa défense d’une psychiatrie qui respecte la nature humaine en tenant compte de tous ses aspects, sans sombrer dans un matérialisme abject ni s’évaporer dans un nihilisme sectaire. Henri Ey apparaît bien là comme un modèle, un guide, un défenseur des libertés. Ce qui ressort de la lecture de cet ouvrage, c’est aussi une vigoureuse mise en garde contre les séductions mystificatrices de discours dont la brillance médiatisée instille insidieusement des courants de pensée totalitaire. Cela ne peut qu’engendrer une dégénérescence des pratiques, avec la psychiatrie en première ligne.
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Le rapprochement avec les deux derniers livres de notre « Grand Albert », notre collègue Albert Le Dorze, est inévitable. Et, d’ailleurs, R.M.Palem le cite de façon élogieuse. J’en rappelle les titres : - La politisation de l’ordre sexuel, L’Harmattan, Paris 2009, 230 p. - Humanisme et Psy : la rupture ? L’Harmattan, Paris 2010, 201 p. Même si le style en est fort différent, plus touffu, plus pamphlétaire, on retrouve la même richesse documentaire, (près de cinq cents références pour le premier ouvrage, et de trois cents pour l’autre…), le même goût des citations, et surtout le même combat polémique contre les dictatures abusives et les perversions de la pensée qui menacent notre monde occidental. La démarche de Le Dorze a des accents plus politiques et explore le champ sociologique davantage que Palem. Le lecteur peut avoir parfois l’impression de se perdre dans le foisonnement des commentaires et des thèmes abordés. Mais faut-il faire reproche à un auteur d’être « trop riche » d’idées ? La paresse, dans le champ de la pensée et de la réflexion, peut être un danger mortel. Ces trois ouvrages, finalement, se complètent bien. La quasi-simultanéité de leur parution est symptomatique. Ils resteront sans doute une référence incontournable quant aux problèmes aiguisés par notre époque. Marie-Lise Lacas ***
QUELLE POLITIQUE POUR LA FOLIE ? Le suspense de Freud Guy Dana L'Autre pensée, Stock, 290 p. Guy Dana, psychiatre et psychanalyste nous offre dans cet ouvrage une théorisation de sa pratique à la fois comme chef d'un service de psychiatrie confronté à la psychose et comme psychanalyste en cabinet privé. La psychanalyse y occupe une place centrale avec ses trois piliers fondamentaux : l'association libre, le conflit psychique et le transfert. L'enjeu étant de lever l'interdit de penser afin d'ouvrir un espace de liberté entre parole et langage et de conquérir un nouvel espace psychique. S'appuyant principalement sur Freud, Lacan et Winnicot, ce manifeste pour la psychanalyse propose un tressage entre théorie, pratique et politique. Né à Alexandrie en 1948, Guy Dana nous entraîne à y faire un détour, à une époque passée, pour y découvrir un lieu d'hospitalité où cosmopolitisme et pluralité des langues et des cultures faisaient œuvre de civilisation.
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Son projet serait d'installer une politique au cœur du langage comme au cœur de la ville, préalable à un traitement possible des psychoses dans la cité. Cet exemple lointain, en écho à un fonctionnement de secteur (métonymie d'espace) où une multiplicité de lieux de soins, lieux d'hospitalité avant lieux d'hospitalisation, permettrait d'entamer la compacité de la psychose. La psychanalyse pourrait-elle orienter une politique pour la folie, libérant une place vide, là où la modernité avec son exigence de performance, de normes, de sécuritaire, aurait tendance à tout combler ? Les impasses rencontrées dans le traitement des psychoses pourraient-elles être des balises pour introduire un nouvel horizon ? Voilà des espaces ouverts par l'auteur. Si j'avais à retenir quelques mots-clés, ils seraient : traversée du langage, espace, existence psychotique, recommencer plutôt que répéter, sécurité psychique/sécuritaire/représailles, hospitalité, espace et langage, place vide contre modernité, contenant à plusieurs lieux, stabitat, civilisation, Kulturarbeit, écart origine/originaire, tiercité, geste, inattendu, inadéquation, transfert, suspense. Je vous laisse donc découvrir le suspense ce livre. Anne Rosenberg ***
ANCIENS NUMÉROS
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LISTE DES ANCIENS NUMÉROS
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Le secteur. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Monaco, 1971) épuisé Libre choix. Temps partiel en voie d’épuisement. Pédopsychiatrie. Où, quand, comment ? en voie d’épuisement. La psychiatrie autonome et l’institution. Le secret. La demande. Etc. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1972) Hospitalisation. Secteur. Demande de soins, demande de psychanalyse. Le secret. Les pratiques. épuisé L’avenir de la psychiatrie libérale en voie d’épuisement. Le retour du/au corps. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1973) épuisé
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Le retour du/au corps (II) en voie d’épuisement. Exercice de groupe, exercice d’équipe (I) - Pédopsychiatrie. Exercice de groupe, exercice d’équipe (II). Rééducation psycho-motrice. Le psychiatre et la société (II) en voie d’épuisement. Vivre en professionnel Pédopsychiatrie (salariés). Limites et fonction de la psychiatrie. L’argent. L’installation. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Cannes, 1974) La psychiatrie… à qui ? Le psychiatre… pour quoi faire ? (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1975) épuisé Expériences - Psychopathologie. L’hospitalisation psychiatrique (I) Problèmes généraux.
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L’hospitalisation psychiatrique. épuisé Les Journées Nationales de la Psychiatrie Privée (C.R. intégraux) : “La psychiatrie… à qui ? Le psychiatre… pour quoi faire ?” La psychose en pratique privée : textes introductifs. L’hystérique et l’institution. épuisé Psychose et institution. Loi d’orientation en faveur des personnes handicapées. Textes officiels et documents critiques. Loi d’orientation en faveur des personnes handicapées. Les débats parlementaires en voie d’épuisement. La psychose en pratique privée. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Biarritz, 1976) Du côté de l’organique - La psychiatrie ailleurs. Expériences de la clinique. Symptômes et structures. La dépression ? (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1977) épuisé Honolulu ou le combat pour la liberté en voie d’épuisement. Pratiques en question en voie d’épuisement. La psychiatrie et la santé. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Evian, 1978) Thérapies familiales. Trentenaire de l’Élan. Psychiatrie et cultures. Numéro spécial SZONDI. Horizons thérapeutiques. L’efficacité thérapeutique en psychiatrie. épuisé L’écoute.... musicale. La psychiatrie et les contrôles. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Nantes, 1980)
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Médecine et psychanalyse. épuisé L’efficacité thérapeutique en psychiatrie. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1981) Le chemin parcouru. Sélection de textes publiés entre 1972 et 1975. L’intégration scolaire. La paranoïa aujourd’hui. Première partie. La paranoïa aujourd’hui. Deuxième partie. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Perpignan, 1982) Médecine et psychanalyse. Clinique de la souffrance. Psychothérapie et/ou psychanalyse institutionnelles. Transsexualisme - Totalitarisme. La solitude. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Versailles, 1983) Psychiatries en institutions d’enfants. Médecine et psychanalyse. La difficulté de guérir. Éthologie de la sexualité. À d’autres.... Jeu, psychodrame et psychose. Du rêve. Du rêve : Deuxième partie. Chronobiologie. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Reims, 1984) Autour de l’hystérie. Psychiatres en institutions d’enfants. Coûts en psychiatrie. Psychiatre, psychanalyse et feuilles de soins. Psychiatres, charlatans et magiciens. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1985) Le supposé clivage inconscient/biologique (I, II et III). (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Lyon, 1986) Urgence et patience. Julien Bigras. Hospitalisation privée. Autour de Henry Ey - De quelques “réalités”.
ANCIENS NUMÉROS
80-81 82
83 84-85 86 87-88 89
90 91-92 93-94 95-97 99-100 101-102 103-105
106 107 108-109 110 111 112-113
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Le délire, espoir ou désespoir (I). Le délire, espoir ou désespoir (II). (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1987) Autour des psychothérapies. Du père. Épidémiologie psychiatrique. La dépression dans tous ses états. Psychosomatique. Le psychiatre, le malade, l’état. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Hyères, 1988) Rencontres. Peurs. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1989) Psychothérapies. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Poitiers, 1990) Corps et thérapies. Le Temps. Les états de Dépendance. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Vanves, 1991) L’impossible à vivre. Souffrance psychique.... (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Annecy, 1993) La limite des névroses. L’enfant et la consultation. Le psychiatre et la loi. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Le Mans, 1994) L’enfant et la consultation. Les psychoses. Adolescence, des liens en souffrance. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Vichy, 1995) XXVe Anniversaire de la Psychiatrie Privée. Les Psychoses. L’Enfance. Psychiatrie et prévention, liaison dangereuse ? (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Ile de Ré, 1996) Souffrir de la peau. Peau et psyché, approche. Le psychiatre, la médecine et la psychanalyse. Le Secret. Psychosomatique 97. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1997)
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126-127 Suicide : d’une violence, l’autre. 128-129 La consultation. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Beaune, 1998) 130-131 La responsabilité maltraitée (Séminaire A.F.P.E.P., Paris, 1999) 132-133 Filiations - Dimension clinique (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) 134 La psychiatrie est-elle une science ? 135-136 Filiation et société (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) 137 Nouvelles Filiations (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) 138-139 Filiations culturelles, Filiations spirituelles (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) 140 Traversée culturelle francophone à la découverte des pratiques ambulatoires de la psychiatrie. (Premières rencontres FRANCOPSIES, 2000). 141 L’intime et l’argent. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Avignon, 2002) 142 Le métier de psychiatre ? (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Lorient, 2001) 143 Le psychiatre et la psychothérapie 144 Les cachets de la folie (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Toulouse, 2003) 145 Les mots de la Psychiatrie (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris Bercy, 2004) 146 Psychiatre et citoyen (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Belfort, 2005) 147 Penser l’évaluation. Universel et singulier 148 Hospitaliser ? (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., La Chesnaie, 2006) 149 La Psychiatrie Médico-Sociale 150 L’écoute (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Le Havre, 2007) 151 La responsabilité en question pour le justice et la psychiatrie (Séminaire A.F.P.E.P. 2008) N° spécial Persiste et signe. Une étude clinique (2009) 152 L’engagement du psychiatre
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PSYCHIATRIES N°154 NOVEMBRE 2010
Médico-social et psychiatrie, Du soin à l’accompagnement : quelle clinique ?
BULLETIN D’ADHÉSION
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SYNDICAT NATIONAL DES PSYCHIATRES PRIVÉS ASSOCIATION FRANCAISE DES PSYCHIATRES D’EXERCICE PRIVÉ
COTISATION 2011 Le Docteur, Madame, Monsieur : Adresse : Tél. :
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Portable :
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E-mail (impératif pour recevoir la newsletter) :
Fax :
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Année d’installation : Exercice libéral
Hospitalisation privée
Exercice médico-social Merci de cocher tous vos modes d’exercice
Hospitalisation publique
Le cas échéant, association à laquelle vous participez localement : .........................................................................................................................................................................
Règle sa cotisation A.F.P.E.P. - S.N.P.P. pour 2011, par chèque bancaire ou postal à l’ordre du S.N.P.P. : Etudiants, internes 1re, 2e et 3e année d’exercice . . . . . . . . . . . . . . . . . 170 € 4ème année d’exercice et au-delà : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 340 € Membres associés, membres de soutien à l’AFPEP : . . . . . . . . . . . . 115 € Membres honoraires et retraités : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 210 € Règle l’abonnement exclusif – non-adhérent(e) à “PSYCHIATRIES” : 55 € Chèque à libeller à l’ordre de l’A.F.P.E.P. *** Bulletin à compléter et à retourner, accompagné de votre règlement, par chèque banca ire ou postal, au siège de l’A.F.P.E.P. - S.N.P.P., 141, rue de Charenton - 75012 Paris Prix de vente d’un numéro : 28 €
AFPEP 141, rue de Charenton - 75012 Paris Tel. 01 43 46 25 55 - Fax. 01 43 46 25 56 www.psychiatries.fr ISSN : 0301-0287
NOVEMBRE 2010 = N°154
Virtuel
REVUE DE RECHERCHE ET D’ÉCHANGES
Virtuel
NOVEMBRE 2010 = N°154
Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé