AFPEP 141, rue de Charenton - 75012 Paris Tel. 01 43 46 25 55 - Fax. 01 43 46 25 56 www.psychiatries.fr ISSN : 0301-0287
Gérard Bles, Fondateur
Diktat prédictif ou prévention ?
L’actualité d’une action syndicale
SEPTEMBRE 2011 = N°155
Le principe de précaution :
REVUE DE RECHERCHE ET D’ÉCHANGES
Le principe de précaution : Diktat prédictif ou prévention ?
L’actualité d’une action syndicale Gérard Bles, Fondateur
SEPTEMBRE 2011 = N°155
Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé
REVUE DE RECHERCHE ET D’ÉCHANGES
Le principe de précaution : Diktat prédictif ou prévention ?
L’actualité d’une action syndicale Gérard Bles, Fondateur
SEPTEMBRE 2011 = N°155
Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé
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PSYCHIATRIES N°155 SEPTEMBRE 2011
AFPEP-SNPP
L'Association Française des Psychiatres d'Exercice Privé (A.F.P.E.P.), fondée en juillet 1970, a promu une recherche théorico-pratique pluridisciplinaire sur la psychiatrie, son objet, son exercice, ses limites, en s'appuyant de façon plus particulière sur l'expérience de la pratique privée. Société scientifique de l'Association mondiale de psychiatrie (W.P.A.), affiliée à l'UNAFORMEC en tant qu'organisme de formation continue, l'A.F.P.E.P. anime de multiples cadres de travail nationaux ou décentralisés, prioritairement à l'intention et avec le concours des psychiatres privés, mais enrichis d'une très large participation nationale et internationale de cliniciens, chercheurs et théoriciens concernés par la psyché, dans toute la diversité de leurs orientations. Scandés par la tenue annuelle des “Journées nationales de la psychiatrie privée”, les travaux de l'A.F.P.E.P. s'articulent autour de sessions d'étude et de séminaires thématiques, régionaux ou nationaux. Productrice de modules de formation, elle accrédite et coordonne par ailleurs les activités de formation d'associations locales ou régionales de psychiatres privés. L'A.F.P.E.P. a élaboré en 1980 la “Charte de la psychiatrie” autour des références éthiques garantes de l'indépendance des praticiens ainsi que du respect des patients. L'A.F.P.E.P., association scientifique, à travers sa réflexion et ses recherches, donne socle à l'action du Syndicat National des Psychiatres Privés (S.N.P.P.) fondé en 1974. L'A.F.P.E.P.-S.N.P.P. a publié en 1995 le “Manifeste de la Psychiatrie”, synthèse des principes d'efficience d'une pratique confrontée aux risques contemporains de réduction bureaucratique et comptable de l'activité soignante des psychiatres privés.
AFPEP-SNPP 141, rue de Charenton - 75012 Paris - France Tél. : (33)1 43 46 25 55 - Fax : (33)1 43 46 25 56 E-mail : info@afpep-snpp.org - Site Internet : http://www.afpep-snpp.org
PUBLICATION DE L’AFPEP SEPTEMBRE 2011 - N°155 Secrétariat de la Rédaction 141, rue de Charenton 75012 Paris tél : 01 43 46 25 55 fax : 01 43 46 25 56 Site internet : www.psychiatries.fr Courriel : info@afpep-snpp.org
Fondateur Gérard BLES Directeur de la Publication Michel MARCHAND Directeur de la Rédaction Olivier SCHMITT Rédacteur en Chef Thierry DELCOURT Comité de Rédaction Jacques BARBIER, Antoine BESSE Hervé BOKOBZA, Pascal BOURJAC Patrice CHARBIT, Martine DUBUC Claude GERNEZ, Chantal JACQUIÉ Dominique JEANPIERRE, Christian JULIEN Michel JURUS, Françoise LABES Jean-Jacques LABOUTIÈRE, Marie-Lise LACAS Jacqueline LEGAUT, Anne ROSENBERG Patrick STOESSEL, Dominique TEXIER Jean-Jacques XAMBO Traduction en anglais et en espagnol Pascale DUMONT-ROSE Conception Graphique Marie CARETTE / Gréta Réseau Graphique Impression Imprimerie Nouvelle Sté Angevin - Niort ISSN 0301-0287 Dépôt légal : 3ème trimestre 2011 28 €
SOMMAIRE ÉDITORIAL Thierry Delcourt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 7
1 - LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION : DIKTAT PRÉDICTIF OU PRÉVENTION ? Yannick Cann : Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 15 Florence G’Sell : Pincipe de précaution et risque suicidaire . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 19 Thierry Jean : Pincipe de précaution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 39 Alain Blanc : L’article 122-1 du code pénal et le principe de précaution . . . . . . .p. 45 Jean-Louis Place : Déclinaison du principe de précaution à la clinique psychiatrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 51 Dominique Deprins : La fermeture au probable de l’homme de la précaution . .p. 61 Jean-Jacques Laboutière : Le principe de précaution a-t-il des limites ? . . . . . . .p. 89 Claude-Olivier Doron : L’au-delà du risque : précaution et attention . . . . . . . . .p. 103 Yves Froger : Clôture du séminaire de printemps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 119
SOMMAIRE
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2 - L’ACTUALITÉ D’UNE ACTION SYNDICALE – GÉRARD BLES, FONDATEUR Marie-Lise Lacas : Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 125 Gérard Bles : Les chroniques du BIPP - Extraits, de 1995 à 2000 . . . . . . . . . . . .p. 131 Paul Lacaze : Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 173 PSYCHIATRIES Numéro 1 : Le secteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 177 PSYCHIATRIES Numéro 19 : L’argent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 181 PSYCHIATRIES Numéro 37 : Honolulu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 185 PSYCHIATRIES Numéro 74 : Psychiatre, Charlatans et magiciens . . . . . . . . . . . .p. 191 PSYCHIATRIES Numéro 100 : Le Temps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 203
DÉSIR DE LIVRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 209
ANCIENS NUMÉROS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 215
BULLETIN D’ADHÉSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 219
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ÉDITORIAL Une fois n’est pas coutume, ce numéro 155 de Psychiatries est double et probablement doublement intéressant. En effet, il met en perspective les Actes du Séminaire de Printemps sur le principe de précaution et un certain nombre de Chroniques du BIPP et d’éditoriaux de Psychiatries rédigés par Gérard Bles. Pourquoi ce choix ? Il se veut être au-delà de faire événement d’un juste hommage à Gérard Bles, psychiatre humaniste fondateur de l’AFPEP-SNPP qui a marqué notre histoire : celle des grandes luttes dans lesquelles notre syndicat SNPP s’est engagé autant que celle du parcours scientifique de l’AFPEP, humain, dense, passionnant et indissociable de l’activité syndicale. Les temps sont d’une âpre lutte face à ce qui met immédiatement en danger l’âme et le cœur de notre profession et face à la destruction des acquis d’une psychiatrie respectueuse de l’humain et du sujet. La lutte nous éprouve comme elle a éprouvé nos ainés depuis J. Etienne Esquirol, Sigmund Freud, Henry Ey, Lucien Bonnafé et Gérard Bles. C’est donc le moment de rappeler qu’à la différence d’autres syndicats corporatistes, L’AFPEP-SNPP, au-delà d’une défense néanmoins nécessaire des
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conditions matérielles de notre exercice, a, depuis sa fondation, combattu pour le respect des patients, pour leur liberté et la qualité des soins qui leur sont prodigués. Il est rassurant de constater qu’entre les prises de position de Gérard Bles et celles que nous offrent les interventions et les textes actuels sur le principe de précaution, la même détermination, la même combattivité sont à l’œuvre dans la dénonciation d’une déshumanisation et d’une aliénation politique et sociale des patients en souffrance psychique autant que des individus rabattus à une pathologie dès lors qu’ils sont considérés comme déviants d’une norme de plus en plus évaluée et standardisée. Notre syndicat n’échappe pas à la tourmente, radicalisant une conflictualité nécessaire par l’effet des luttes et la fâcheuse tendance humaine à rassembler sa lutte autour d’un objet stigmatisé, surtout quand celui-ci insiste à s’y complaire. La radicalisation est aussi la source d’un obscurantisme, d’une impasse dialectique, d’une intolérance à la différence, d’une violence, parfois d’une terreur. Comment ne pas se laisser figer dans cet empêchement à penser ? C’est un débat crucial dans notre syndicat autant que dans la vie politique, afin de ne pas laisser libre cours à la violence de la pulsion de mort et de ses cycles morbides. La lame de fond est aussi globale, mondiale, au-delà d’une spécificité sarkofrançaise. La mise aux normes et la déshumanisation sont d’autant plus écrasantes que se sont rejoints les totalitarismes de tous poils et que les murs ont poussé un peu partout, depuis la chute de celui du grand manichéisme estouest. Machine à produire, cerveau disponible pour une réaction pavlovienne de consommation, programme géré de développement personnel, l’humain est en passe de perdre les beaux combats de sa libération. Faisons-nous encore le poids face à cette vague dévastatrice ? C’est le pari de notre lutte au sein de L’AFPEP-SNPP comme ce fut le pari de Gérard Bles lors du VIème Congrès mondial d’Honolulu en 1977 dans sa défense des êtres humains face à une utilisation de la psychiatrie à des fins de terreur dans les pays de l’est. Thierry Delcourt Rédacteur en chef de la revue Psychiatries
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www.psychiatries.fr En septembre 2009, le Bureau de l’AFPEP a décidé de doter la revue Psychiatries d’un site internet spécifique. Les sommaires de tous les numéros y seront intégrés au cours des mois prochains mettant en évidence la diversité des travaux de réflexion et de recherche de l’association depuis sa création. Un site est d’autant plus repéré et consulté qu’il est référencé dans d’autres sites. Chacun des adhérents de l’association et lecteurs de la revue peut, au cours de ses navigations sur le net, signaler l’existence de psychiatries.fr aux sites de références pertinents consultés, aidant ainsi à faire connaître ou mieux connaître la psychiatrie privée.
ARGUMENT
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ARGUMENT Séminaire de printemps – Paris – 2010
Le principe de précaution : Diktat prédictif ou prévention ? Après trois siècles passés dans la jubilation d'un progrès basé presque exclusivement sur des avancées technologiques entretenant le mythe d’un tout possible, d’un savoir et d’une jouissance sans limite, notre « modernité » bascule dans une méfiance de principe face à la nouveauté. Parallèlement, la complexité et l'incertitude deviennent suspectes : tout problème doit avoir une solution, une explication objectivant une causalité simple et linéaire. Ce nouvel état d'esprit vise à l'éradication du doute, à l'impératif de tout prévoir. La prudence se transforme en principe : le principe de précaution, c'està-dire l'exigence d'anticiper le risque qui ne peut être connu mais serait susceptible de se révéler dans l'avenir. Il présente un aspect divinatoire, puisqu'il impose d'aller au devant du risque avant qu'il ne se réalise. Il instaure par ailleurs une tension permanente entre notre présent et notre avenir : tout en soulignant la précarité du présent, il substitue à notre responsabilité envers l'avenir un sentiment d'accablement sous le poids de menaces dont la liste s'allonge sans cesse. Ce principe tend à organiser la société autour d'une logique fondée sur l'illusion d'un risque zéro, avec comme corollaire une conception du lien social étroitement encadrée par des nécessités assurantielles et sécuritaires. Il devient
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PSYCHIATRIES N°155 SEPTEMBRE 2011
donc l'outil indispensable d'une politique visant à assurer que tout est mis en place pour notre bien-être et notre sécurité : le « meilleur des mondes » … Personne ne remet en cause l’importance et la nécessité de la prévention. Cette dernière doit toutefois éviter les approximations, appliquer des méthodes reconnues et validées et respecter des valeurs. C'est pourquoi, tant sur le plan sociétal que sur celui de la pratique psychiatrique, un débat de fond s'avère nécessaire. • Qu’est-ce qui a permis ce glissement de la prévention au principe de précaution qui tendent actuellement à se confondre ? • Peut-on vivre sans risque ? A force de prudence ne risque t’on pas de se garder de toute initiative, pensées ou désirs ? • Quels peuvent être les effets psychiques de cette tension permanente d'un avenir construit comme toujours menaçant ? • Ne confisque-t-on pas la responsabilité collective ou individuelle, fondatrice de la liberté, en la confondant avec l'impératif de précaution ? • Quelles sont les conséquences du « tout sécuritaire » sur l'organisation de la société, sur la place du "fou" et donc sur notre pratique de la psychiatrie ? • Rien n’est pourtant figé. Il nous appartient d’élaborer des réflexions, des stratégies qui se libèrent de la nostalgie du passé et de l’opposition à toutes nouvelles approches pour parvenir à mieux nous repérer, dans le respect de nos valeurs, face à l'évolution de la prévention dans nos pratiques.
LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION : DIKTAT PRÉDICTIF OU PRÉVENTION ?
LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION : DIKTAT PRÉDICTIF OU PRÉVENTION ?
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INTRODUCTION Yannick Cann*
ourquoi avons-nous décidé de consacrer ce séminaire de printemps au thème P du principe de précaution ? (le choix de ce thème s’est fait bien avant l’application de ce principe pour la grippe A). Ce choix repose sur deux réflexions : * On assiste depuis quelques années à la faveur de la promotion de « l’homme économique », pris dans les lois du marché et de l’échange des biens, à une véritable dénégation de la folie, de la valeur humaine de la folie. A ce processus est venu s’adjoindre au nom de considérations strictement sécuritaires une criminalisation du fou qui représenterait vis-à-vis de la population un problème de sécurité, de dangerosité. Dans ce contexte, il nous a paru judicieux d’appréhender la question de ce que ce principe de précaution induira dans la conception, le fonctionnement et la pratique de la psychiatrie. * D’autre part lorsqu’une mesure se présente comme marquée par de bonnes intentions, dans l’intérêt général et pour le bien de tous, comme réparation à un bien être sans faille qui serait dû, nous sommes habitués à observer ses modalités d’application, son évolution, les dérives possibles et son instrumentalisation éventuelle. « Souvent on pleure d’ennui devant la bienpensance généralisée et on se demande avec inquiétude si l’injonction au respect affectueux de toutes les *Psychiatre Psychanalyste Brest
LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION : DIKTAT PRÉDICTIF OU PRÉVENTION ?
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PRINCIPE DE PRÉCAUTION ET RISQUE SUICIDAIRE Florence G’Sell*
urant ces derniers mois, les médias ont rendu du compte d’une augmentation préoccupante de suicides manifestement liés aux conditions de travail auxquelles sont soumis certains salariés. Cette augmentation semble remonter à deux ou trois ans et concerner diverses grandes entreprises françaises, telles, par exemple, Renault, Peugeot, EDF, La Poste, France-Telecom/Orange… Pour prendre l’exemple de France Telecom, le nombre de suicides de salariés s'est révélé tel qu’une enquête pénale a été ouverte en réponse à la transmission au parquet de Paris du rapport de l'inspection du travail relatif à cette série de suicides. Ce rapport a, en effet, dénoncé la « mise en danger de la vie d'autrui » (non retenue dans le champ de l'information judiciaire), et le « harcèlement moral » dont seraient victimes des salariés de l’entreprise en raison des méthodes de gestion du personnel. L'Inspection du Travail a pointé, en particulier, le « harcèlement managérial » dont « sont victimes les fonctionnaires, mis sur la touche, incités à changer de métier ou à quitter l'entreprise ». Elle a analysé quatorze cas de « suicides, tentatives de suicides et de dépressions pathologiques » directement liés, selon elle, à la politique globale de gestion du personnel mise en œuvre dans le cadre des restructurations menées depuis 2004. Elle a, enfin, souligné que la direction de France Telecom avait été « alertée à de nombreuses reprises », entre 2005 et 2009, de l'existence de « risques psychosociaux pouvant être graves » au sein de l'entreprise.
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*Maître de conférences à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne
LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION : DIKTAT PRÉDICTIF OU PRÉVENTION ?
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PRINCIPE DE PRÉCAUTION Dr Thierry Jean*
« Qu’est ce que ce sourire malin du scientifique qui prétend seulement se contenter de servir la vérité et le progrès » dit Musil. Il est intéressant de lire sous la plume de François Ewald que le principe de précaution naît d’une rupture de la contractualisation de nos rapports sociaux du fait des inégalités et asymétries que génèrent les progrès scientifiques et techniques. Ils bouleversent, dit-il, notre tradition de philosophie politique dont la référence est toujours l’égalité des contractants et cette situation est exemplairement celle du rapport médical, de nature profondément asymétrique. L’arrêt Mercier de 1936 dit qu’il s’agit entre le médecin et son malade d’un véritable contrat. Mais se demande François Ewald s’agit-il d’un contrat véritable ? Quelle est la responsabilité du médecin ? Se limite-t-elle à la mise en œuvre d’une technique ou dépend– elle de la promesse que le médecin adresse au patient du simple fait qu’il offre à répondre à sa demande ? Le médecin représenterait ainsi une figure éminente de la responsabilité, d’une responsabilité qui ne semble pas, en tous cas du point de vue éthique, pouvoir s’arrêter à la simple mise en œuvre d’une technique. Elle est liée, dit-il, à la promesse qui lui est faite. En résumé, le principe de précaution est le déplacement d’une problématique de la sécurité technique vers une problématique de la sécurité éthique, c'est-à-dire de l’usage qu’on en fait. Confère ici ni Diderot ni D’Alembert ni l’histoire des préoccupations sanitaires ni les défis de santé publique ni plus près de nous Edouard Toulouse, Alexis Carrel et leur Parti social de la Santé publique, mais le *Psychiatre Paris
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L’ARTICLE 122-1 DU CODE PÉNAL ET LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION Magistrat Alain Blanc*
e nouvel état d'esprit vise à l'éradication du doute, à l'impératif de tout prévoir. La prudence se transforme en principe : le principe de précaution, c'est à dire l'exigence d'anticiper le risque qui ne peut être connu mais serait susceptible de se révéler dans l'avenir. - Il présente un aspect devinatoire, puisqu'il impose d'aller au devant du risque avant qu'il ne se réalise. - Il instaure par ailleurs une tension permanente entre notre présent et notre avenir : tout en soulignant la précarité du présent. - Il substitue à notre responsabilité envers l'avenir un sentiment d'accablement sous le poids de menaces dont la liste s'allonge sans cesse.
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Ce principe tend à organiser la société autour d'une logique fondée sur l'illusion d'un risque zéro, avec comme corollaire une conception du lien social étroitement encadrée par des nécessités assurantielles et sécuritaires. Il devient donc l'outil indispensable d'une politique visant à assurer que tout est mis en place pour notre bien-être et notre sécurité : le « meilleur des mondes » … • Qu’est-ce qui a permis ce glissement de la prévention au principe de précaution qui tendent actuellement à se confondre ? question à l’historien ou au philosophe, au sociologue *Direction AP : loi du 17 juin 1998 et loi du 18 janvier 1994 : appui sur la psychiatrie publique dans une logique complémentaire d’accès au droit et aux soins et de sécurité publique. Président de cour d’assises à Paris 8 ans - Président d’une chambre correctionnelle à la cour d’appel de Douai. - Président depuis deux ans de l’AFC associant psychiatres et juristes.
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DÉCLINAISON DU PRINCIPE DE PRÉCAUTION À LA CLINIQUE PSYCHIATRIQUE Jean Louis Place*
vec quelques-uns d’entre nous, j’ai quelque responsabilité dans le choix du thème de ces journées et ce ne sera pas la première fois que je vais aborder l’étude d’un objet pour lequel mon ignorance est largement compensée par des positions péremptoires et plutôt hostiles. Cette façon paresseuse de ne pas penser l’objet est assez banale et je peux régulièrement en faire les frais quand je lis ou entends des positions définitives sur la pratique de la psychothérapie institutionnelle. Du principe de précaution, j’avais en mémoire la polémique dans le milieu des intellectuels et des scientifiques sur la pertinence ou le risque d’inscrire ce principe dans un article de la constitution française, lors de la refonte de celle-ci en 2005. Ce principe n’allait pas de soi et devait certainement être mauvais.
A
Entre l’enthousiasme mesuré de Philipe Kourilsky, qui soutient que « le principe de précaution, bien compris et bien manié, constitue un instrument utile »1 et qu’« en l’absence de certitude, la précaution consiste à privilégier la rigueur des procédures »2, le rejet aux limites de l’insulte de Jean de Kervasdoué : qui n’hésite pas à considérer que « les limites pratiques du principe de précaution sont l’autre face de sa bêtise philosophique »3, et l’approche dite catastrophiste selon les thèses d’Hans Jonas, de Jean Christophe Mathias, militant prônant la république mondiale des responsabilités4 qui affirme que le principe de *Psychiatre, Médecin Directeur de la Clinique de la Chesnaie
LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION : DIKTAT PRÉDICTIF OU PRÉVENTION ?
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LA FERMETURE AU PROBABLE DE L’HOMME DE LA PRÉCAUTION Dominique Deprins*
Mise en perspective Le principe de précaution se voulait un principe d’expérimentation collective (Bruno Latour) inscrit dans un processus délibératif, allant à l’amble avec un principe général d’action en contexte d’incertitude qui mettait désormais la science au service des « sociétés du savoir »1 ; ce principe ne pouvait que convoquer la probabilité en tant que rationalité du hasard. La probabilité est au cœur des débats contemporains sur l’évaluation des risques ciblés par le principe de précaution ; des risques non finis, extrêmes et irréversibles, jumelés avec une incertitude scientifique. Impartie à la maîtrise de l’incertain, la stratégie de précaution vise précisément ces risques d’un danger qui hypothèquerait un développement durable au sens où serait rompue une continuité entre le passé et le futur ; on pense de suite aux risques environnementaux, sanitaires et industriels dans leur dimension de menaces globales et dont le principe de précaution est l’héritier2. De tels risques sont par nature difficilement mesurables et quantifiables, parfois même impossibles à identifier ; ainsi la logique de précaution promeut-elle parfois l’anticipation de risques avant même qu’ils ne soient connus. Leur objectivation par la science et à partir de ses certitudes est forcément problématique. Sous la menace permanente de l’imminence d’une catastrophe, cette défaite d’une conduite rationnelle face un danger, révélant une science en défaillance, met alors à nu une incertitude plus fondamentale, dimension essentielle de la condition humaine. *Professeure de Probabilité et de Statistique aux Facultés Universitaires Saint-Louis (Bruxelles) et à l’Université Catholique de Louvain (Belgique)
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LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION A-T-IL DES LIMITES ? Jean-Jacques Laboutière*
’avais formulé le titre de mon intervention à ce colloque sous forme de question car, au cours des quelques lectures que j'avais alors pu faire sur ce sujet, je ne savais pas trop où ma réflexion allait me conduire. Aujourd'hui, des lectures plus approfondies m’ont permis de mesurer la vertigineuse complexité de ce sujet et j'énoncerais plutôt mon titre dans une forme exclamative : « Il faut que le principe de précaution ait des limites ! » En effet, plus on lit sur le principe de précaution et plus il échappe tant on a de mal à en cerner le contour de manière satisfaisante, à préciser son champ d'application et à l'articuler avec les notions plus classiques de prudence et de prévention.
J
La caractéristique du principe de précaution sans doute la plus déroutante est l'impératif de prise en compte du risque potentiel, sur laquelle je reviendrai plus loin, ce qui donne l'impression qu'il pourrait s'appliquer à l'intégralité des activités humaines. Quelle activité, en effet, quel que soit le domaine considéré, n'est pas potentiellement porteuse de risques ? De surcroît, la suspension d'une activité ne peut même pas constituer une attitude satisfaisante puisque ne rien faire peut aussi être source de risque dans nombre de cas. Ce principe présente donc fondamentalement un aspect paradoxal : que l'on fasse ou que l'on ne fasse pas, on peut se voir rétrospectivement jugé responsable de la *Psychiatre, Mâcon
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L’AU-DELÀ DU RISQUE : PRÉCAUTION ET ATTENTION Claude-Olivier Doron*
e voudrais, dans cet article, essayer d’examiner ce qui distingue la précaution, telle que l’incarne notamment le principe de précaution, du risque et de la prévention des risques. On a l’habitude sinon de les confondre, du moins de les inscrire sur une ligne continue : la précaution, ce serait le prolongement de la prévention des risques, ce serait cette prévention poussée au plus loin, voire à l’extrême, vers le « risque zéro ». Mais je crois qu’en raisonnant ainsi on ne saisit pas bien que la précaution porte en vérité sur autre chose que le risque. Elle repose sur un système de valeurs et une expérience de l’incertitude assez différents ; elle définit comme objet de politique possible et même obligatoire, comme objet de savoir sinon possible, du moins impératif, une incertitude qui se trouve au-delà du risque. On peut même soutenir que la condition d’un savoir sérieux sur le risque fut souvent de rejeter cette incertitude dans l’au-delà, de la repousser comme négligeable, indifférente, non pertinente. Le « risque zéro », ce n’est absolument pas un prolongement à l’extrême de la prévention des risques : c’est la négation du principe même de la connaissance des risques puisque celle-ci repose nécessairement sur une probabilité qui suppose, à un niveau, une certaine normalité du risque. Je me propose donc d’examiner ici brièvement trois points : 1. ce qu’est le « risque », si on s’efforce de lui donner un sens relativement cohérent, justifié d’ailleurs par sa généalogie ;
J
*Historien et philosophe des sciences, Université Paris VII/ REHSEIS/ Centre G. Canguilhem
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CLÔTURE DU SÉMINAIRE DE PRINTEMPS Yves Froger*
e pencher sur le principe de précaution est une tâche qui s’impose à l’AFPEP. Elle n’est pas la plus aisée. Les psychiatres sont convoqués à figurer au rang des acteurs de ce principe. Souvenons-nous de 2005 : un rapport de l’INSERM sur les facteurs prédictifs chez le jeune enfant d’une évaluation possible vers la délinquance à l’adolescence et les propositions du Ministre de l’Intérieur de l’époque, Monsieur Sarkozy pour prendre toutes les mesures de repérage et de précaution nécessaires. Beaucoup plus récemment, en décembre 2008, le discours d’Antony du même Monsieur Sarkozy, devenu Président de la République, invitant à des dispositions nouvelles en matière de soins aux malades mentaux pour protéger la société de la survenue de tragédie identique à celle de Grenoble. Le principe de précaution est à la base d'une criminalisation du fou à exclure par souci sécuritaire et si l’on n'y prend garde, il aboutit à une organisation quasiment totalitaire pour satisfaire l'illusion assurantielle du risque zéro. Il s’agit de prendre toutes les précautions nécessaires au nom de l’intérêt général. Combattre cette politique qui en appelle à l’approbation de la population menacée par un danger sur-stigmatisé nous impose une réflexion au plus près des fondamentaux de notre humanité. Il serait irresponsable de balayer la question d’un revers de la main en la déclarant inopportune. Souvenons-nous aussi des scandales de l’amiante ou du sang contaminé qui ont considérablement participé à l’introduction du principe de précaution dans le champ sanitaire. Un ami anesthésiste m’exposait récemment que
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*Psychiatre libéral, 56100 Lorient
L’ACTUALITÉ D’UNE ACTION SYNDICALE – GÉRARD BLES, FONDATEUR
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INTRODUCTION Marie-Lise LACAS*
voquer Gérard Bles à propos de la présentation de ses chroniques dans le BIPP n’est pas chose facile, mais pourtant fascinante. J’ai connu Gérard au sein du premier syndicat de psychiatres – le SPF, fondé à l’initiative de Brisset – et je l’ai suivi lors de la création de l’AFPEP/SNPP. La rigueur et l’honnêteté de sa pensée étaient extraordinaires et me séduisaient. Je n’ai jamais été déçue. À l’époque, je travaillais à la CPAMRP en tant que psychiatre consultante au Contrôle des Spécialistes, service supprimé depuis. Cela me mettait au contact de certains responsables de la Sécurité sociale : de son côté, Gérard était intéressé. Nos relations étaient chaleureuses et amicales. De son intelligence prémonitoire, je retiendrai déjà ces lignes comme message d’un passé qui ne cesse de se faire entendre au présent : « Il est dans nos ambitions de mettre à la disposition de tous et notamment des plus jeunes d’entre nous l’ensemble des principaux textes qui ont maillé le travail de l’AFPEP depuis 28 ans en réalisant la saisie des numéros de Psychiatries (dont beaucoup sont introuvables) depuis les origines et en les éditant sur CD-Rom avec des index thématique et nominatif : rude mais indispensable projet, ne serait-ce que pour découvrir l’acuité des anticipations (c’est moi qui souligne) qui furent les nôtres au regard des évolutions de la psychiatrie d’aujourd’hui (libérale ou non…) » Ces lignes ont été écrites en septembre 1998, dans le numéro 18 du jeune BIPP. Le projet de CD-Rom n’a pas abouti, et peut-être faudrait-il le reprendre, mais le message est là dans toute son actualité et sa pertinence. Les textes proposés
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*Psychiatre, Paris
L’ACTUALITÉ D’UNE ACTION SYNDICALE – GÉRARD BLES, FONDATEUR
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LES CHRONIQUES DU BIPP Gérard Bles
Jusqu'où ? BIPP n° 5 - Juin 1995 Jusqu’où l’entreprise de réduction de nos libertés essentielles sera-t-elle poursuivie ? Hier, l’adoption des premières références médicales opposables est venue concrétiser la limitation de nos libertés thérapeutiques, préludant sans doute à l’édiction de véritables normes contraignantes de soins. Aujourd’hui, c’est le codage des actes et des pathologies qu’on entend nous imposer, au mépris de la règle du secret et du respect de la vie privée de nos patients, comme le soulignent bien la très officielle Commission Nationale Informatique et Liberté ainsi que l’Ordre. Demain, ce sera le carnet de santé, défi à la confidentialité, ou la suppression de l’accès direct au spécialiste à travers un remboursement discriminatif. Plus encore que toute autre discipline médicale, la psychiatrie, et plus particulièrement son exercice libéral, se fonde sur la stricte observance de la liberté de la demande, de l’accès et du choix, la liberté contractuelle de la démarche thérapeutique, le respect rigoureux de sa confidentialité. C’est ce que les psychiatres de l’A.F.P.E.P. - S.N.P.P. viennent de réaffirmer solennellement dans le Manifeste de la psychiatrie libérale adopté le 10 avril dernier et proposé à l’engagement de tous. Jusqu’où certaines de nos organisations représentatives céderont-elles aux pressions bureaucratiques ? Jusqu’où accepteront-elles l’abandon de cette
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GÉRARD BLES, PSYCHIATRE ET FORGERON Paul Lacaze*
n ce 11 mai 2011, jour du onzième anniversaire de la mort de Gérard Bles, le souvenir reste encore vif tant la peine fut grande. Songez donc, une aussi courte retraite ! Le 31 décembre 1999, en fin de vie active, de son Cabinet de Petit-Clamart, il dit adieu à ses patients – que dis-je ! à ses « amis » que pour bon nombre, les psychotiques, il tutoyait dans la proximité transférentielle –, non sans avoir préalablement veillé à leur trouver une suite thérapeutique adaptée pour chacun d'eux, et ce ne fut pas chose facile en la circonstance. Le lendemain, Jour de l'An 2000, à l'aube de notre 3e Millénaire, assez logiquement malade après un réveillon rehaussé des saveurs de sa toute nouvelle retraite, il est hospitalisé... et puis voilà, le crabe qui depuis longtemps avait rongé jusqu'à son immense carcasse eût finalement raison de lui, jusqu'à son dernier souffle ! Dans l’imminence de son départ à la retraite, nous en étions encore à le réinstaller sur son fidèle destrier éditorial, lui faire tenir la plume, son arme favorite, dans nos colonnes de l'AFPEP-SNPP dont il venait d’être nommé Rédacteur en Chef. Nous envisagions avec bonheur au sein de l'AFPEP, le moment enfin arrivé de la réalisation de son vieux rêve : la rédaction de l'histoire de l'AFPEP-SNPP, sorte de « Livre blanc de la psychiatrie d'exercice privé » qu'il avait contribué, durant les trente précédentes années, à façonner et à promouvoir ; cette psychiatrie dont nous avons hérité et qu'aujourd'hui encore, nous lui devons dans ses grandes lignes.
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*Montpellier
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PSYCHIATRIES NUMÉRO 19 - L’ARGENT COMPLICITÉ ? PSYCHIATRIE ? JUSTICE ET SOCIÉTÉ… Gérard Bles
Ce bref texte a été rédigé sous le coup d'une certaine révolte et doit être entendu sur un tel registre. Il ne prétend pas apporter réponse ou solution au problème de l'expertise psychiatrique en matière pénale mais en pointe une fois de plus une des contradictions qui peut atteindre, comme ici, à l'intolérable. Il a été publié dans le Quotidien du médecin du 11 mars 1975. Le lendemain, le Docteur J.-J. Rondepierre nous communiquait un "Plaidoyer pour la psychiatrie médicolégale qu'il avait présenté en d'autres temps. Depuis, d'autres collègues m'ont fait part de leur intérêt pour la question, et de leurs réactions à ma philippique (pour ou contre). Nous pensons qu'un débat est là réouvert, qui trouvera sa place dans un prochain numéro. L'actualité vient de nous fournir brutalement, avec l'affaire Portal, une illustration nouvelle et saisissante d'un dilemme qui émeut de nombreux psychiatres, tant parmi ces « publics » qui refusent que l'on confonde trop facilement service social et service de la société, que parmi ces « privés » que leur choix d'exercice a amené à renoncer à priori à toute démarche de contrainte, à toute intervention qui ne repose d'abord et primordialement sur la libre demande du sujet qui se confie à eux... Ce doute, ce dilemme ? Le psychiatre est-il ou non objectivement « complice » des défenseurs de « l'ordre social » ?
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PSYCHIATRIES NUMÉRO 37 - HONOLULU HONOLULU… ET APRÈS ? Gérard Bles
rès de deux ans se sont déjà écoulés depuis le VIe Congrès Mondial de Psychiatrie. Honolulu a représenté pour un certain nombre d'entre nous, soutenus en cela par de très nombreux collègues français, un double objectif de première grandeur. Un objectif concret, pragmatique : sauver des hommes car, comme l'expérience l'a maintes fois prouvé, les prises de position internationales claires, précises et documentées, ne manquent jamais d'influer sur le sort de ceux qui sont victimes du totalitarisme sous quelque forme que ce soit - ici, en l'espèce, victimes d'une utilisation pervertie de la psychiatrie à des fins politiques -. Mais aussi un objectif de principe et d'autant plus de principe qu'il consistait justement à déloger, « désabriter » des psychiatres - disons, si l'on veut, des hommes de science - de leur principe de neutralité, de ce principe si confortable parfois, même s'il se soutient malaisément par ailleurs.
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Fondé sur cette règle que le psychiatre n'a à prendre partie en aucun cas dans les configurations où il est impliqué, qu'il lui appartient seulement d'entendre quelque chose du désir de l'autre, et non pas de proposer ou de rechercher la satisfaction de son désir propre, ce principe de neutralité est en la conjoncture caractéristiquement détourné de sa finalité technique, ne serait-ce que parce que le psychiatre n'a que trop tendance à ramener la réalité, économique, sociologique, politique, à la scène clinique sur laquelle il doit faire œuvre
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PSYCHIATRIES NUMÉRO 74 PSYCHIATRES, CHARLATANS ET MAGICIENS ENTRE ART ET SCIENCE : UN POUVOIR QUI VIENT D’AILLEURS ? Gérard Bles
'engager à tirer les conclusions d'échanges aussi riches que viennent d'être les nôtres tient de la gageure, partagé que l'on s'est trouvé entre le besoin S d'une écoute la plus attentive possible des interventions aux fins de nourrir de leurs énoncés lesdites conclusions, et le cheminement capricieux d'une réflexion sans cesse relancée par ces mêmes exposés au point d'induire à leur égard et dans le même temps des moments de « distraction » aussi critiquables que justifiables . On voudra donc bien tenir les propos qui vont suivre beaucoup plus comme des propositions que des conclusions, avec l'indulgence que réclame de surcroît leur caractère nécessairement improvisé. Il est en tout premier lieu nécessaire de rappeler les remarques qui servirent d'introduction à ces Journées dont le thème, derrière sa formulation provocatrice qui suscita l'irritation de plus d'un parmi nous, il nous paraît se situer dans le droit fil des interrogations que nous soutenons depuis quinze ans sur la pratique qui est la nôtre. En effet, l'objet de nos Journées ne se veut ni d'ordre apologétique (contrairement à ce que certains pourraient croire ou désirer, nous ne
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PSYCHIATRIES NUMÉRO 100 - LE TEMPS Ô TEMPS ! SUSPENDS… Gérard Bles
otre vénérée rédactrice en chef - Que Dieu l'ait en sa sainte garde ! - m'a, au dernier moment, demandé de concevoir un éditorial pour un numéro 100 consacré au Temps - à inventer en un temps record alors même que, virtuellement, je n'en ai pas le temps - en tout cas pas le temps de prendre connaissance de ce à quoi je suis censé préluder. Heureusement que le temps, ça me dit quelque chose, comme à tout un chacun, de temps en temps ça me tracasse ... Allons donc vagabonder dans ce lieu commun.
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Le temps qu'il fait, le temps qui fuit... Il est vrai que de tout temps, les hommes, les philosophes, les poètes ont médité sur le temps, cette réalité fugace et insaisissable qui n'a de densité que dans le vécu que nous en avons. Le temps n'existe pas pour les animaux, qui n'ont le sens ni de la durée – ils éprouvent l'absence, le manque, pas l'attente - ni du vieillissement - seuls opèrent, ou n'opèrent plus, la force vitale, la puissance pulsionnelle, instinctuelle. Le temps est un fait de conscience. Il y a, certes, un temps objectif, qui fait trace dans les strates géologiques, les couches d'aubier, les bois cervidés : ce temps-là, pourtant, si son intuition peut nous émouvoir, ne nous affole pas dès lors qu'il s'inscrit dans notre présent perceptif, voire nous rassure lorsqu'il nous offre une certaine représentation de
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Le secteur. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Monaco, 1971) épuisé Libre choix. Temps partiel en voie d’épuisement. Pédopsychiatrie. Où, quand, comment ? en voie d’épuisement. La psychiatrie autonome et l’institution. Le secret. La demande. Etc. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1972) Hospitalisation. Secteur. Demande de soins, demande de psychanalyse. Le secret. Les pratiques. épuisé L’avenir de la psychiatrie libérale en voie d’épuisement. Le retour du/au corps. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1973) épuisé
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Le retour du/au corps (II) en voie d’épuisement. Exercice de groupe, exercice d’équipe (I) - Pédopsychiatrie. Exercice de groupe, exercice d’équipe (II). Rééducation psycho-motrice. Le psychiatre et la société (II) en voie d’épuisement. Vivre en professionnel Pédopsychiatrie (salariés). Limites et fonction de la psychiatrie. L’argent. L’installation. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Cannes, 1974) La psychiatrie… à qui ? Le psychiatre… pour quoi faire ? (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1975) épuisé Expériences - Psychopathologie. L’hospitalisation psychiatrique (I) Problèmes généraux.
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PSYCHIATRIES N°155 SEPTEMBRE 2011
L’hospitalisation psychiatrique. épuisé Les Journées Nationales de la Psychiatrie Privée (C.R. intégraux) : “La psychiatrie… à qui ? Le psychiatre… pour quoi faire ?” La psychose en pratique privée : textes introductifs. L’hystérique et l’institution. épuisé Psychose et institution. Loi d’orientation en faveur des personnes handicapées. Textes officiels et documents critiques. Loi d’orientation en faveur des personnes handicapées. Les débats parlementaires en voie d’épuisement. La psychose en pratique privée. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Biarritz, 1976) Du côté de l’organique - La psychiatrie ailleurs. Expériences de la clinique. Symptômes et structures. La dépression ? (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1977) épuisé Honolulu ou le combat pour la liberté en voie d’épuisement. Pratiques en question en voie d’épuisement. La psychiatrie et la santé. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Evian, 1978) Thérapies familiales. Trentenaire de l’Élan. Psychiatrie et cultures. Numéro spécial SZONDI. Horizons thérapeutiques. L’efficacité thérapeutique en psychiatrie. épuisé L’écoute.... musicale. La psychiatrie et les contrôles. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Nantes, 1980)
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Médecine et psychanalyse. épuisé L’efficacité thérapeutique en psychiatrie. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1981) Le chemin parcouru. Sélection de textes publiés entre 1972 et 1975. L’intégration scolaire. La paranoïa aujourd’hui. Première partie. La paranoïa aujourd’hui. Deuxième partie. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Perpignan, 1982) Médecine et psychanalyse. Clinique de la souffrance. Psychothérapie et/ou psychanalyse institutionnelles. Transsexualisme - Totalitarisme. La solitude. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Versailles, 1983) Psychiatries en institutions d’enfants. Médecine et psychanalyse. La difficulté de guérir. Éthologie de la sexualité. À d’autres.... Jeu, psychodrame et psychose. Du rêve. Du rêve : Deuxième partie. Chronobiologie. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Reims, 1984) Autour de l’hystérie. Psychiatres en institutions d’enfants. Coûts en psychiatrie. Psychiatre, psychanalyse et feuilles de soins. Psychiatres, charlatans et magiciens. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1985) Le supposé clivage inconscient/biologique (I, II et III). (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Lyon, 1986) Urgence et patience. Julien Bigras. Hospitalisation privée. Autour de Henry Ey - De quelques “réalités”.
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Le délire, espoir ou désespoir (I). Le délire, espoir ou désespoir (II). (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1987) Autour des psychothérapies. Du père. Épidémiologie psychiatrique. La dépression dans tous ses états. Psychosomatique. Le psychiatre, le malade, l’état. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Hyères, 1988) Rencontres. Peurs. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1989) Psychothérapies. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Poitiers, 1990) Corps et thérapies. Le Temps. Les états de Dépendance. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Vanves, 1991) L’impossible à vivre. Souffrance psychique.... (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Annecy, 1993) La limite des névroses. L’enfant et la consultation. Le psychiatre et la loi. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Le Mans, 1994) L’enfant et la consultation. Les psychoses. Adolescence, des liens en souffrance. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Vichy, 1995) XXVe Anniversaire de la Psychiatrie Privée. Les Psychoses. L’Enfance. Psychiatrie et prévention, liaison dangereuse ? (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Ile de Ré, 1996) Souffrir de la peau. Peau et psyché, approche. Le psychiatre, la médecine et la psychanalyse. Le Secret. Psychosomatique 97. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris, 1997)
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126-127 Suicide : d’une violence, l’autre. 128-129 La consultation. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Beaune, 1998) 130-131 La responsabilité maltraitée (Séminaire A.F.P.E.P., Paris, 1999) 132-133 Filiations - Dimension clinique (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) 134 La psychiatrie est-elle une science ? 135-136 Filiation et société (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) 137 Nouvelles Filiations (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) 138-139 Filiations culturelles, Filiations spirituelles (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Marseille, 1999) 140 Traversée culturelle francophone à la découverte des pratiques ambulatoires de la psychiatrie. (Premières rencontres FRANCOPSIES, 2000). 141 L’intime et l’argent. (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Avignon, 2002) 142 Le métier de psychiatre ? (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Lorient, 2001) 143 Le psychiatre et la psychothérapie 144 Les cachets de la folie (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Toulouse, 2003) 145 Les mots de la Psychiatrie (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Paris Bercy, 2004) 146 Psychiatre et citoyen (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Belfort, 2005) 147 Penser l’évaluation. Universel et singulier 148 Hospitaliser ? (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., La Chesnaie, 2006) 149 La Psychiatrie Médico-Sociale 150 L’écoute (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Le Havre, 2007) 151 La responsabilité en question pour la justice et la psychiatrie (Séminaire A.F.P.E.P. 2008) N° spécial Persiste et signe. Une étude clinique (2009)
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PSYCHIATRIES N°155 SEPTEMBRE 2011
L’engagement du psychiatre (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Annecy, 2008) Médico-social et psychiatrie, Du soin à l’accompagnement : quelle clinique ? (Séminaire A.F.P.E.P. 2009) Virtuel (Journées Nationales de l’A.F.P.E.P., Nice, 2009)
BULLETIN D’ADHÉSION
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SYNDICAT NATIONAL DES PSYCHIATRES PRIVÉS ASSOCIATION FRANCAISE DES PSYCHIATRES D’EXERCICE PRIVÉ
COTISATION 2011 Le Docteur, Madame, Monsieur : Adresse : Tél. :
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Portable :
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E-mail (impératif pour recevoir la newsletter) :
Fax :
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Année d’installation : Exercice libéral
Hospitalisation privée
Exercice médico-social Merci de cocher tous vos modes d’exercice
Hospitalisation publique
Le cas échéant, association à laquelle vous participez localement : .........................................................................................................................................................................
Règle sa cotisation A.F.P.E.P. - S.N.P.P. pour 2011, par chèque bancaire ou postal à l’ordre du S.N.P.P. : Etudiants, internes 1re, 2e et 3e année d’exercice . . . . . . . . . . . . . . . . . 170 € 4ème année d’exercice et au-delà : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 340 € Membres associés, membres de soutien à l’AFPEP : . . . . . . . . . . . . 115 € Membres honoraires et retraités : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 210 € Règle l’abonnement exclusif – non-adhérent(e) à “PSYCHIATRIES” : 55 € Chèque à libeller à l’ordre de l’A.F.P.E.P. *** Bulletin à compléter et à retourner, accompagné de votre règlement, par chèque banca ire ou postal, au siège de l’A.F.P.E.P. - S.N.P.P., 141, rue de Charenton - 75012 Paris Prix de vente d’un numéro : 28 €
AFPEP 141, rue de Charenton - 75012 Paris Tel. 01 43 46 25 55 - Fax. 01 43 46 25 56 www.psychiatries.fr ISSN : 0301-0287
Gérard Bles, Fondateur
Diktat prédictif ou prévention ?
L’actualité d’une action syndicale
SEPTEMBRE 2011 = N°155
Le principe de précaution :
REVUE DE RECHERCHE ET D’ÉCHANGES
Le principe de précaution : Diktat prédictif ou prévention ?
L’actualité d’une action syndicale Gérard Bles, Fondateur
SEPTEMBRE 2011 = N°155
Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé