AFRO DESIGN & CONTEMPORARY ARTS
MAI/JUIN/JUILLET N째7
corps medium
Couverture: Holly Bass performing “Money maker” Photo by: Sarada Conaway Merci à tous ceux qui ont contribué à ce numero: Jay One Ramier, Holly Bass, Malick Ndiaye, Deborah Willis, Wangechi Mutu, Alanna Lockward, Diane Chavelet, Gastineau Massamba, Karen McKinnon, Maria Magdalena Campos-Pons, Shireen Hassim, BOMB Magazine, Eva Barois de Caevel, Malam, Dominique Malaquais, Bill Kouélany, Les Ateliers Sahm, Job Olivier Ikama, Kemi Ilesanmi, Landromate Project, Zanele Muholi, Nandipha Mntambo, Lebohang Tlali, Stevenson Gallery, Holly Bass, Lynette Yiadom-Boakye, Martina Bacigalupo, Gustave Mambo, Aissata Pinto da Costa, Arnaud Cimetière, Sylvie Kande, Steve-Régis « Kovo » N’Sondé, Maï Lucas, Papy Maurice Mbwiti, Céline kamadaye, Virginie Echene, Melanie Spears Harper, Amina Zoubir, Eric Hahounou, Senga Nengudi, Galerie Anne de Villepoix Direction de publication Carole Diop Pascale Obolo Rédactrice en Chef Pascale Obolo Direction de projet Louisa Babari Direction Artistique antistatiq™ Graphisme antistatiq™ Comité de rédaction Frieda Ekotto Kemi Bassene Olivia Anani Camille Moulonguet Michèle Magema Caecilia Tripp Patrick de Lassagne Djenaba Kane Anne Gregory Myriam Dao Maria Bonga Photographe Alexandre Gouzou Tous droits de reproduction réservés. Contact: info@afrikadaa.com Mai/Juin/Juillet www.afrikadaa.com www.facebook.com/Afrikadaapage www.twitter.com/afrikadaa
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Ce numéro d’Afrikadaa fait le point sur plusieurs formes d’art qui révèlent toutes la dynamique du corps et ses transformations. Pour ce numéro, La revue afrikadaa va transformer son espace en un corps medium. À l’évidence, le corps est le grand terrain d’exploration de différents médiums artistiques du XXIe siècle. À force, il en est devenu un thème fédérateur. C’est l’outil de création par excellence. La revue Afrikadaa, en tant que médium de la même espèce, prend aujourd’hui le temps d’y réfléchir. Il s’agit pour nous de privilégier une analyse capable non seulement de mettre à jour l’inscription du corps dans le médium artistique, mais également de rendre compte de leurs interactions. Le corps est envisagé tout autant comme incarnation concrète que comme idéologie. Certaines pratiques artistiques appréhendent l’autre comme une présence dématérialisée. Dans ce cas d’espèce, l’incarnation ne passe plus nécessairement par le corps. Ce bouleversement entraîne une quantité This issue of Afrikadaa draws from art of many genres to reveal the dynamics of the body and its transformations. For this issue, afrikadaa magazine will transform its space into a medium body. As is known, in the 21st century the body has been a significant site for exploration in a variety of artistic media. It is the tool of creation par excellence. It is for this reason that we have taken it as an organizing theme and created a space to reflect upon it. We are concerned with privileging analysis that is not only capable of bringing to light the inscription of the body in artistic media, but also which take into consideration interactions between the body and media. The body is a concrete incarnation as much as an ideology— or, at the very least, an aid to the expression of ideas and theories. Indeed, certain artistic practices apprehend the other as a dematerialized presence. In these particular cases, the incarnation no longer passes through the body. This disruption brings about a multitude of others. In literature, for example, what might be said about the body that is made as a “signifier” for a character? What are the stakes for the body in the construction of the individual? In visual
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EDITO
d’autres. En littérature, par exemple. Que dire du corps qui se fait « signature » d’un personnage? Quels sont les enjeux du corps pour la construction de l’individu? Dans les arts visuels les questions se posent dans les mêmes termes. Comment l’art prend-il en charge la disparition des corps? Nombre d’images aujourd’hui nous montrent un corps retravaillé, manipulé, objectivé. Jouant avec les codes du genre, les arts explorent la question de l’identité. Comment le physique participe-t-il de la construction de l’identité? Y a-t-il un « excès » de corps? Quels sont les enjeux d’un corps déconstruit par l’œuvre d’art, comme dans le corps colonial de Frantz Fanon? Chez Fanon, le Noir rêve d’être blanc, mais de quoi rêve le colonisé? D’être à la place du colonisateur, comme l’explique en substance Stuart Hall : le regard du colonisateur sur le colonisé est celui du désir, de la reconnaissance. Quand on parle du corps colonial, il faut bien sûr entendre arts, these questions might be asked in the same terms. How does art take responsibility for the disappearance of the body? How does it give presence to the body’s absence? Many contemporary images show us a body that has been reworked, manipulated, objectified. Playing with codes—sex, race, religion, etc.— this art explores questions of identity. How is the physical a part of identity construction? Is there corporeal “excess”? What are the stakes of a body that has been deconstructed by a work of art? When the body is made of physical material, what might learned with the sense of touch? Why is the body the vehicle for artistic work? What might we say about the body that is the “medium” or the “screen” of the work? What might be said about the body as spectacle? Taking into account social discourse, the body is also something that receives art. Let us consider the colonial body of Frantz Fanon. In Fanon, the black man dreams of being white, but what do the colonialized dream about? To be in the place of the colonizer, as Stuart Hall explains at length: the gaze of the colonizer upon the colonized is one of desire and recognition. When we speak of the colonial
le corps du maître, la chair du maître (à la manière dont l’entend Dany Laferrière) qui, seul, à prétention à exister et, par là, cherche sans cesse à décontextualiser celui du colonisé, cette victime désirante. C’est à travers le corps colonisé que jouit le colonisateur, lequel corps met son pouvoir en valeur. Là repose l’ambiguïté de la dialectique du colonisé et du colonisateur : le corps du noir n’existe pas sans celui du blanc. Peut-on encore parler du corps noir-corps-chose après Le Code Noir de 1685? Ce corps mutilé, morcelé comme le dit Joseph Conrad dans “Au cœur des ténèbres”, devient le corps désir, le corps où s’articulent de nombreux fantasmes. L’art contemporain africain est le lieu de surgissement d’un corps éclaté, débordant et redéfini comme le corps de l’autre, objet de désir et de jouissance. Le discours de la revue est à l’aune de l’incarnation : une parfaite résonance avec le présent. PASCALE OBOLO ET FRIEDA EKOTTO body, we must, of course, also understand the body of the master, the flesh of the master (as it is understood in Dany Laferrière’s 1997 The Flesh of the Master), which, alone, has existence as its objective. In this way it seeks to decontextualize the colonialized, the desired/desirable victim ad infinitum. The colonizer receives pleasure upon the body of the colonized, and he depends upon the colonized body for power and worth. Therein rests the ambiguity of the dialectic between the colonized and the colonizer. The black body does not exist without the white. Can we even speak of the black-body-object after Le Code Noir of 1685? This mutilated body, cut into pieces as in Joseph Conrad’s Heart of Darkness (1925), becomes the body-desire, the site where manifold fantasies are articulated. The resurging body, exploded, overflowing and redefined as the body of the other, an object of desire and pleasure, is manifest in contemporary African art. In light of this incarnation, we are in perfect resonance with the present.
PASCALE OBOLO AND FRIEDA EKOTTO
AFRIKADAA CORPS MEDIUM ART TALK
FANON LE CORPS-À-CORPS COLONIAL 6 TOWARDS A PHENOMENOLOGY OF THE BODY A BOOK FROM OUR LIBRARY 9 LE CORPS DU TEXTE UN BALCON SUR L‘ALGÉROIS DE NIMROD 11 POUR QUI SE DÉVOILENT LES INDIGÈNES DE L’ART CONTEMPORAIN ? 14 NOCTURNES 21 GASTINEAU MASSAMBA: CORPS VIVANT/CORPS MORT 23 THE BODY OF RUE 11TH ARRONDISSEMENT 26 NAISSANCE ET MORT 28 MARIA MAGDALENA CAMPOS-PONS RELATIONS ET TRAVERSÉES 30 DECOLONIALITY AND THE WHITE SAVIOUR INDUSTRIAL COMPLEX 36 (SOMETIMES KNOWN AS EUROPEAN ‘POLITICAL ART’) LE CORPS ET L’OISEAU 42 GENRE, RACE ET LA RÉINVENTION DE LA DIFFÉRENCE 47 ESTHER FERRER : TEMPS, ESPACE ET PRESENCE, LA STRUCTURE DU REGARD 53 WANGECHI MUTU BY DEBORAH WILLIS 58 EXPLORATION OF THE FEMALE BODY AND IDENTITY © BOMB MAGAZINE UP ! BOXER LE REEL PAR LA DANSE 64 MUSSANGO MALAM OU LE CORPS CICATRICE 67 SENGA NENGUDI: THE MESSENGER 70
PLACES
LES ATELIERS SAHM: UN CENTRE D’ART AU COEUR DE BRAZZAVILE 76 MAKE ART, WASH CLOTHES, BUILD COMMUNITY 79
PORTFOLIO
LYNETTE YIADOM-BOAKYE IN CONVERSATION WITH HOLLY BASS 90 SORTIR DU CADRE: INTERVIEW DE MARTINA BACIGALUPO 94 AISSATA PINTO DA COSTA: LA LIBERTE DANS L’ESPACE TEMPS 100 HOLLY BASS: BODY AND MIND PERFORMANCE 104
ARCHITECTURE
ARCHITECTURE ET MEMOIRE COLONIALE 110
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DESIGN
GUSTAVE MAMBO: QUANDLE DESIGN FAIT CORPS AVEC L’ARCHITECTURE
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EXHIBITION REVIEW
CORPS ET (DES) ACCORDS 118 L’ESTHÉTIQUE VIDÉO DES ARTISTES ALGÉRIENNES (1995-2013)
NOUS NOUS SOMMES LEVÉS 122 1 : 54 125
CARNET DE BORD
LE CORPS, MÉDIUM ON FIRE À BERLIN ? 126
AFRIKADAA’S LIBRARY 132
AGENDA 134
AFRIKADAA PLAYLIST 146
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ART TALK
Fanon
le corps-à-corps colonial Seloua Luste Boulbina propos recueillis par Louisa Babari Crédit photo : Maria Magdalena Campos- Pons
Fanon a montré que la colonie
sujets ? C’est à cette occasion que Fanon
blancs. Il faut se rappeler que ce texte
d’une part, et la guerre d’autre part,
parle de « réflexe de mort », de choses
était sa thèse de psychiatrie et qu’il a
s’inscrivent dans le corps des colonisés.
qui nous préservent paradoxalement,
dû refaire un travail plus académique
Elles s’y inscrivent comme symptômes.
des défenses subjectives qui se mettent
et plus normé. Dans ce premier livre, il
Fanon utilise une expression paradoxale
en place dans certains cas et dans
accorde déjà énormément d’importance
dans Les Damnés de la terre ; il parle
certaines circonstances. Je pense qu’il y
à l’expérience. En un sens, il s’est davan-
des « réflexes de mort » quand on aurait
a, chez Fanon, des choses qui n’ont pas
tage intéressé au corps proprement
plutôt tendance à penser à des réflexes
été assez travaillées, du moins en France,
dit au sein de l’expérience algérienne,
de vie. Certains de ses patients lui disent
car les études fanoniennes sont surtout
parce qu’il était extérieur, que dans
qu’ils sont totalement raides et con-
anglophones.
l’expérience antillaise, centrée sur la
tractés, comme s’ils étaient morts. Cela renvoie à l’idée d’enveloppe corporelle, de « moi peau ». La peau ne remplit
La peau est une métaphore du corps
pas toujours la fonction d’enveloppe
peau. Cela ne veut pas dire qu’il ne s’y intéresse pas au corps car la peau est une métaphore du corps. L’expression « trouer la peau » ou « faire la peau »
psychique ; la musculature peut en faire
le signale. D’ailleurs, quand on dit de
office, et notamment la contraction
L’expérience que Fanon eu en tant que
quelqu’un qu’il est noir, on produit une
musculaire. Ce n’est pas le langage de
Martiniquais, en tant qu’homme à la
ellipse puisque qu’on désigne une per-
Fanon, mais cela fait partie des choses
peau noire, en tant que « Noir », en tant
sonne qui, physiquement, a l’épiderme
qu’il décrit et dont il parle. Il observe
que « Nègre », lui a beaucoup servi pour
qualifié de « noir » ou de « foncé», pour
avec finesse la pathologie coloniale
comprendre, de façon tacite, la situation
en dire d’autres choses, sur d’autres
en Algérie. C’est le premier je crois à
des Algériens, sans parler ni comprendre
plans, et le naturaliser ou l’essentialiser.
parler de l’effet physique de la colonie
l’arabe, notamment dans sa pratique
Dans Peau noire, masques blancs, c’est
même si d’autres, avant lui, ont décrit
psychiatrique. C’est un élément sur
le regard sur soi qui intéresse Fanon.
les névroses de guerre. Fanon décolo-
lequel on n’insiste pas suffisamment : il
Ce ne sont pas pour autant des ques-
nise donc dans Les Damnés de la terre
était complètement en porte à faux en
tions d’identité. Parler d’identité à cette
le corps du colonisé. On parle couram-
Algérie. En porte à faux parce qu’il n’en
occasion est un anachronisme. Sont
ment de domination, d’oppression, c’est
connaissait pas les langues, ni l’histoire,
abordés, à ce moment là, dans le vocab-
un langage politique. On va parler de
ni la religion, ni la culture, parce qu’il
ulaire philosophique, la perception et la
discrimination, de ségrégation, mais
venait de Martinique. Mais il avait déjà
conscience de soi, l’être pour soi et l’être
qu’est-ce que cela donne-t-il chez les
publié, en 1952, Peau noire, masques
pour autrui. C’est le cadre philosophique
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dans lequel Fanon se trouve alors.
terme « psychosomatique » pour dire,
rêve, en disant: “ De quoi rêve l’oie ? De
de façon dualiste, que l’esprit envoie au
maïs”. Chez Fanon, le Noir rêve d’être
Quand Fanon est envoyé à l’hôpital
corps un certain nombre de signes dont
blanc, de quoi rêve le colonisé ? D’être
de Blida - Joinville, en Algérie, il est
le corps serait ensuite malade, alors que
à la place du colonisateur. Il est évident
envoyé de « la périphérie vers la
c’est « tout un ». Fanon avait travaillé
que la lactification ne peut pas être,
périphérie », par rapport à ce qu’on
avec Tosquelles, qui était novateur. S’il
pour Fanon, physique (mais on sait les
appelait à l’époque « la métropole ». Il
n’était pas non plus psychanalyste, il
efforts pour se « blanchir » physique-
prend immédiatement conscience de
était à la fois très ouvert et très attentif
ment la peau). Elle ne peut être que
la colonialité de la pratique psychiat-
à « l’insignifiant ».
symbolique et imaginaire. Elle est une
rique et se rend compte par exemple que les images proposées aux patients
réhabilitation du corps par le langage, Dans Peau noire, masques blancs,
le comportement, les vêtements, la
dits « Français musulmans »
représentation de soi
églises et autres clochers,
etc. Fanon vient après
n’évoquent rien d’intime
Senghor, Damas et
pour eux. S’intéressant aux
Césaire. La Négritude
représentations, il collecte
appartient à la géné-
des dessins d’enfants qui,
ration précédente.
vivant dans un pays en
Dans le miroir de
guerre, voient des violences
la lactification, le
tous les jours. C’est désor-
Martiniquais tel
mais assez classique. Il relate
que Fanon en fait le
notamment des violences
portrait ne s’envisage
commises par deux enfants
pas comme étant de
algériens qui en viennent à
même essence, de
tuer leur jeune ami français
même nature, encore
après des exactions entre
moins, cela va de soi,
Français et Algériens. Fanon
de même culture,
parle des entamures qui
que le Sénégalais.
affectent un corps atteint de
Ce sont des figures :
façon extrêmement grave,
le Sénégalais est
profonde et troublante. Ce
l’Africain, le Marti-
n’est pas juste de l’ordre du
niquais est censé
symptôme psychique, car
être plus proche de
c’est aussi un symptôme
l’Europe que le Séné-
colonial et politique. Jusqu’alors, on dissociait
The Flag Year 13. Color Code Venice, 2013 Composition of nine 24 x 29 “ polaroids - 87 x 69” Image courtesy of the artist and Stephan Stoyanov Gallery, New York
complètement la situation
galais. Il est aisé de voir ici ce que produit la vision coloniale. Du
coloniale dans laquelle les gens se trou-
Fanon s’intéresse à la lactification.
reste, Fanon relève la dissymétrie entre
vaient et leur pathologie. Indifférence,
La lactification peut être comprise à
la Guadeloupe et la Martinique. « Je
ignorance mais aussi préjugé philos-
partir d’une des premières phrases de
suis guadeloupéen » ne se dit pas car le
ophique. L’idéalisme est en effet une
L’interprétation des rêves de Freud,
Guadeloupéen est entre le Martiniquais
tendance lourde. Certains emploient le
où il simplifie faussement ce qu’est un
et le Sénégalais. On dit : « Je suis Marti-
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niquais ». La lactification s’exprime dans
expertises psychiatriques demandées
cette affirmation. Fanon critique ainsi à
par la police. Il sait que le colonisé ne
la fois le regard européen et le regard
peut répondre au mensonge colonial
En France, il est arrivé à Frantz Fanon
des Antillais, notamment Martiniquais,
que par un mensonge et qu’il est inutile
ce qui est arrivé à Simone de Beauvoir.
sur eux-mêmes. Fanon, par la notion
de rechercher la vérité. Car le rapport
Beaucoup de gens font de Fanon ou de
de lactification, désigne les éléments
lui-même est vicié.
Beauvoir des lecteurs de Sartre, comme
qui permettraient que l’on ne soit pas
encore au premier plan.
si Sartre lui même n’avait pas été un
rejeté du côté du « Nègre » mais plutôt
Dans sa pratique clinique, dans les
lecteur de Hegel et de bien d’autres,
admis du côté du « Blanc ». C’est une
cas dont il rend compte, il a affaire
comme si, en outre, leur influence théo-
tâche infinie, si tant est qu’elle puisse en
principalement voire exclusivement à
rique et pratique avait été moindre. On
être une. En réalité, c’est mission impos-
des hommes. « Clinique » vient éty-
en fait en quelque sorte des imitateurs
sible. Fanon donne en des exemples :
mologiquement de « allongé », qui est
de talent. C’est la raison pour laquelle
on ne s’adresse pas à un « Noir » comme
de la même famille qu’incliner, inclinai-
ils sont moins étudiés en France qu’aux
l’on s’adresse à un Allemand, on sup-
son. En ce sens, le psychiatre fait d’un
Etats-Unis par exemple où ils ont joué
pose généralement qu’il comprend mal,
homme allongé un homme debout.
un rôle majeur dans les gender studies
qu’il est nécessaire de procéder à de
Mais, dans « l’Algérie se dévoile », il
ou les postcolonial studies. En réalité, le
grossières simplifications etc.
livre une très bonne critique de la
préjugé colonial, le préjugé sexiste, le
politique coloniale française contre le
préjugé raciste subsistent. La recherche
Fanon dit que lui-même, dans sa pra-
voile en Algérie, dont l’un des enjeux
académique en est un symptôme. Peu
tique médicale, sent qu’il est très facile,
est le corps des femmes. Il s’intéresse à
nombreuses sont, en France, les publica-
de soi-même, y compris en étant Marti-
la question du genre. A Blida, il y avait
tions sur Fanon. Et l’on ne parle pas de
niquais, de reproduire ces mécanismes
une campagne pour que les femmes
la guerre d’Algérie comme on parle de
avec d’autres et notamment avec des
se dévoilent. Les patrons invitaient
la guerre de 14. C’est chez les artistes
« Arabes », les « ratons », « bicots » et
leurs employés à dîner avec leur
qu’il faut se tourner pour observer tant
« melons » de l’époque. On comprend,
femme, à la condition qu’elles soient
les influences que les inspirations. Ainsi,
à lire Fanon, que dans une colonie
dévoilées. Fanon avait très bien compris
Mathieu Kleyebe Abonnenc a choisi
(comme ailleurs mais peut-être plus
la stratégie française qui consistait à
pour titre de son exposition actuelle
qu’ailleurs), les médecins peuvent être
« avoir » les hommes par leur femme.
(School of Arts Ghent) celui que Fanon
pervers. Fanon raconte comment un
Le dévoilement est ici une stratégie de
avait donné à l’une de ses œuvres de
médecin se vantait de faire une grosse
domination. Fanon comprend qu’il ne
jeunesse, une pièce de théâtre : L’œil se
partie de son chiffre les jours de mar-
vise pas l’émancipation des Algériennes,
noie.
ché, les gens venant le consulter pour
mais qu’il tend à augmenter la puis-
une piqûre à 500, 1000 ou 1500 francs.
sance de domination des colonisateurs
Les patients veulent la piqûre la plus
sur des sujets qu’ils sentent leur échap-
chère, pensant que c’est la meilleure ;
per. Il décrit le dévoilement des femmes
le médecin se vante d’utiliser de l’eau
comme un démembrement subjectif. Le
distillée. Fanon consigne ainsi les faits, il
thème de l’enveloppe revient avec des
les archive. Il montre, dans Les Damnés
femmes qui ont toujours eu l’habitude
de la terre, le rapport pervers qui peut
de sortir voilées, et qui ne se sentent
s’instituer, par le biais du corps malade,
plus physiquement dans le même état
sur le corps du colonisé. Il refuse, pour
quand elles sortent dévoilées. Le corps
des raisons politiques, de pratiquer des
et les enveloppes corporelles sont
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Seloua Luste Boulbina est directrice du programme “ La décolonisation des savoirs “ au Collège international de philosophie à Paris et chercheuse associée HDR au LCSP, université Paris Diderot, Paris VII. Elle a publié: “Grands Travaux à Paris”, La Dispute, 2007, “ Le singe de Kafka et autres propos sur la colonie “ éditions Sens public, 2008. “ Les Arabes peuvent-ils parler ? “ éditions Black Jack, sortie en mars 2014 en Livre de poche chez Payot.
Towards a phenomenology of the body A book from our library By Frieda Ekotto Professor of Afro-american and African Studies French and Comparative Literature The University of Michigan, Ann Arbor
“My final prayer: O my body, make of me always a man who questions!” Franz Fanon Black Skin, White Masks (1952) What is a colonized body capable of? This is the fundamental question woven through Franz Fanon’s text, Black Skin, White Masks (1952). The relationship to the body occurs via representations or discourse. Since the invention of the black body in le Code Noir (the Black Code, 1685), it has never ceased to expand its meaning, to deepen its questioning. Nevertheless, it is crucial that we continue to critically examine that which is written on the body, that which has been written on the black body. Fanon wishes to rid himself of this body, which defines him as a “Dirty nigger!” He wishes to rid himself of this body “one object among millions of others,”
9
this body, which generates strengths
“canonical” and “apocryphal” texts.
and passions, this body so visible that
Within these systems each work is dif-
the gaze of the other fixes it in the
ferent than it would be if it were isolated
distance, in the inhuman becoming that
or inserted into another library. A library
alienates it. Fanon wishes for something
could have a closed catalogue, or it
like the body without organs, which
could attempt to become the universal
Deleuze and Guattari drew from their
library, but it would always develop
reading of Artaud: “November 28, 1947,
around a core of “canonical” books.
Artaud declared war on organs: in order
And that which differentiates libraries is
to end the judgment of God, because tie
more their centers of gravity than their
me up if you wish, but there is nothing
catalogues. The ideal library for me
more worthless than an organ.” For
would be one that gravitates towards
Fanon it’s a simple idea: a great, illumi-
the “outside,” towards “apocryphal”
nating idea, the body as thoughts, as
books, in the etymological sense of
idea, even as concept. This is the origin
the word, that is to say “hidden” books.
of his appeal, this cry rising from the
Literature is the search for the book hid-
already silent body: “My final prayer: O
den in the distance that will change the
my body, make of me always a man who
value of those that are known; it is the
questions!” This is how Fanon ends Black
tension towards the “apocryphal” book,
Skin, White Masks.
yet to be found, or even to be created.
Sometimes bodies themselves are
1
We are in the future of thinking
bodies, which interrogate the arrange-
apocryphal, hidden by circumstances
ment of books in a library. Literature is
beyond the control of the person who
not made solely of individual works. It is
lives within it. They are filed away, like
made of libraries, systems within which
a book that should never be read. Tsitsi
different eras and traditions organize
Dangarembga’s novel Nervous Condi-
1 - Deleuze-Guattari, Mille plateaux, Paris, Minuit, 1980, p. 186.
2- This title from Sarte’s introduction to Franz Fanon’s The Wretched of the Earth, Les damnés de la terre. La Découverte, « Petite collection Maspero », 1961. Gallimard, « Folio », 1991.p.17-36.
tions (2004)2 is the story of a body such
for her. She can go to school. While her
they are shelved. Here I approach Woolf
as this, and when she brings this body
brother—the male, truth incarnate,
as an essayist, and her work represents
to light, she transforms the library.
power itself—was living no one paid
the height of intellection; as for the
any attention to her studies. It was
story, it takes on the territory of dreams.
died, the novel begins.
impossible. Her destiny was sacrificed.
One is a path that leads across ridge of
The simple past of this utterance moves
Or, rather, she only existed in a subter-
ideas, the other creates a space in which
us with its unusual power. The simple
ranean history, a history of servants and
our senses find “high” and “low” and
past is the verbal tense of the perfect
coolies, a history without autonomy
everywhere in between those “rooms
crime, and we shiver with its horro-
or truth that could emancipate it from
of our own,” those rooms which the
rand beauty. It begins a story in which
social domination. But the death of the
English novelist dreamed of construct-
the present is reconstructed from the
brother has changed the game. This
ing for each woman in the world. I can
past. The brother is truly dead. He’s bit
time she exists for herself; the present is
willingly give myself over to the Zimba-
the dust. Henceforth the sister has the
given to her, a present in which the past
bwean novel because Virginia Woolf, at
future to herself. At her core, she is over-
makes itself almost forgotten. She lives.
a respectful distance, gave me the con-
joyed by the destruction of their mutual
It is as Merleau-Ponty wrote, “all life is
cepts I need to understand the stakes of
past, because it was the “mutuality” that
spoken life.” Dangarembga’s incredible
Nervous Conditions.
gave her trouble. A child, even amongst
sentence resonates in this reflection.
Like Woolf, Dangarembga’s younger
brothers and sisters, she considered her-
The Zimbabwean novelist not only
sister does not want to rid herself of
self an only child. “I did not regret the
releases her character from anonymity,
her body; she wants to become herself
death of my brother” is spoken for the
she gives her the gift of language, and
within it. She wants to expand its mean-
future. She articulates within it an insane
what language! Language is creative.
ing, to be, always, within the body of a
promise. We pronounce it as if it has
Here it creates a sense of waiting just
woman who questions.
liberated us from death itself, this death,
as much as the temporal aspects of the
Frieda Ekotto
which is both a temporal term and the
story. It allows the character to be born
The University of Michigan
proof of finality.
to herself, even as the writer finds within
The true history of each woman can
the language itself resources worthy of
only be borrowed from her forays
myth: that which, since the beginning of
beyond traditional schooling. It is cre-
time, has had the function of enlarging
ated below the surface, even if Tsitsi
our lives, allowing us to see from differ-
Dangarembga finds a way to trumpet it
ent angles.
loud and clear. Because taking the place
Virginia Woolf created a scandal with
of death is the ultimate usurpation, and
the way she used language in A Room
it necessitates guts if not folly, the mod-
of One’s Own (1989). Tsitsi Dangarembga
ern folly of those who embrace it with
attains a similar truth with only a sen-
rapture, as is the case here. Modernity
tence, even if we don’t find in her work
has made of usurpation, as with incest
the ambitions of a theorist.
or obscenity, its most popular business.
The parallels between these two writers
Dangarembga’s novel is all the more
are of the richest sort. Like Franz Fanon,
jarring for the fact that the central
they interrogate the world in which they
character is a woman. At the age of 13,
maneuver, and like Fanon their books
her brother finally dead, a path opens
definitively change the libraries in which
I was not sorry when my brother
3
3 - Merleau-Ponty, Le Visible et l’Invisible, Paris : Galli-
mard, coll. « Bibliothèque des Idées », 1964.
10
Le corps du texte
Un balcon sur l‘Algérois de Nimrod Sylvie Kandé
La parution du dernier roman de
La Passion selon Saint-Matthieu de Bach
en une dense série de scènes et de
Nimrod, à la suite ce qu’on a appelé sa
rencontrant les axiomes d’Hampaté Bâ
conversations remémorées. Dépi-
trilogie tchadienne -- Les Jambes d’Alice
(BA 135-136).
tée par l’éloignement de son amant,
(2001), Le Départ (2005) et Le Bal des
Commun aux oeuvres proustienne et
consciente d’être sous l’empire d’un
princes (2008) -- à laquelle il faudrait
nimrodienne, ce moment de vérité poé-
corps qui se refuse impunément à elle,
bien sûr ajouter le recueil de récits intit-
tique où le passé entre en conflagration
Jeanne-Sophie imagine une venge-
ulé L’Or des rivières (2010), confirme la
avec le présent est l’objet d’une quête
ance qui relève de la volonté d’humilier,
parenté de l’oeuvre du romancier (poète
trop personnelle pour que le récit puisse
d’émasculer son bourreau -- le vol de sa
et essayiste de surcroît) avec celle de
être écrit autrement qu’à la première
bibliothèque personnelle. Avec Zouna,
Proust.
personne ; trop vive pour que le nar-
médecin en stage à Paris, commence
On notera en effet que les deux
rateur ne se laisse parfois aller à révéler
pour le narrateur --qui ne parvenait plus
écrivains, en quête de ce que Claire
l’identité de son double : ainsi le prénom
à s’aimer en l’absence de ses livres -- une
Fercak appelle “la fulgurance de la
Marcel apparaît-il à trois reprises dans
autre histoire d’amour, celle-là douce et
coincidence d’éléments hétérogènes et
À la recherche du temps perdu, et celui
sage, mais dont le terme est irrévocable
éloignés dans le temps”,1 cultivent une
de Nimrod figure-t-il en lettres majus-
: au bout de deux étés, c’est conv-
même poétique de la reminiscence filée.
cules sur la plaque que le narrateur d’Un
enu, Zouna retournera seule à Alger ;
À l’écoute de l’écriture au travail en eux,
balcon sur l’Algérois songe à poser aux
d’ailleurs, elle s’imagine déjà caresser
ils saisissent l’analogie propre à ferrer
lieux de sa passion défunte (161).
depuis son balcon le visage évanescent
les vestiges du passé, les arracher au
Dans cette autobiographie fictive,
de ce bonheur révolu. Le titre du roman
néant et les projeter avec leur intensité
c’est en effet de passions dont il s’agit,
indique que c’est à ce visage flou
de jadis dans le présent. D’ailleurs, chez
et d’abord de la passion amoureuse
“d’amoureux hanté ou de fantôme de
Nimrod, madeleines et petites phrases
asymétrique qui lie une universitaire
l’amour” (173) que le narrateur finit par
de Vinteuil abondent : elles se nomment
de renom, Jeanne-Sophie Durand, et
s’identifier.
cailcédrats de l’avenue Mobutu (OR 85),
l’un de ses étudiants d’origine tcha-
Le jeu de la narration sur des tempo-
le chien Samuel (OR 68 et sq), ou encore
dienne (son “Loulou”) -- lequel narre
ralités multiples, la relation complexe
les rebondissements de leur histoire
du narrateur au corps sont effective-
1 http://salon-litteraire.com/fr/marcel-proust/content/1821556marcel-proust-biographie
11
ment deux autres traits communs
de Pâques de [s]on enfance, ces man-
par Zouna, Sphinx au corps ensablé et
à ces esthètes que sont Proust et
gues qui nous venaient du Nigeria”(14)
au visage affectueux, “ni maternel ni
Nimrod. Comme Anne Simon le
ou encore celles du jardin de son père,
professoral” (162), le narrateur répond
souligne, chez Proust, l’opacité du
suspendues à un arbrisseau greffé. De la
sans s’embarrasser d’une résolution
corps observé frustre la curiosité de
confluence de ces images hétérogènes
tierce : “Au fond, je ne suis qu’un satyre
l’observateur, l’éloignant du moi vérita-
découlent de subtiles métaphores :
mais qui a pour Zouna une tendresse de
ble qui s’y cache ; le corps d’autrui, ce
“Jeanne-Sophie avait noué ses seins
lesbienne.”(174)
“mixte de recel et d’échappée, tantôt
comme si elle imitait le port des man-
Un balcon sur l’Algérois est en outre
texte indéchiffrable, tantôt lieu de
gues sur de frêles attaches” . Nimrod
le premier roman de Nimrod où les
l’incarnation du sens de soi” est néan-
renoue là avec l’art courtois du blason,
bibliothèques, de décor qu’elles étaient,
moins traversé de signes, ces “symboles
jadis pratiqué par Clément Marot (on
deviennent des corps, “des corps vivants
incarnés” [qui] permettent de saisir sans
songe à son “Blason du Beau Tétin”).
qui enregistrent les marques de cette
médiation [son] moi profond, et trans-
Mais l’Aimée dans Un balcon sur
fondamentale puissance de la langue”,
forment l’être humain en ‘allégorie’”.2
l’Algérois reste une allégorie clivée : car
selon la belle expression de Pascal
Cette proposition se vérifie aussi dans
Zouna la blonde aux lèvres de pêche a
Quignard6. En tant que personnage, la
Un balcon sur l’Algérois.
l’allure combinée du Sphinx et “d’une
bibliothèque tchadienne est même au
Douée d’une beauté digne de Bot-
Française de belle race” (162-163) – mais
coeur de l’action d’un roman générale-
ticelli, d’une disposition à “rapatrier un
pas de corps. Ne faut-il pas plutôt la voir
ment introspectif. Sans surprise donc,
gramme d’infini dans [son] corps” (18),
comme une orientation, un paysage
l’arrivée à Paris des livres du narrateur
Jeanne-Sophie chavire l’esprit et les
inédit pour le narrateur qui dit la tra-
coincide avec une lassitude soudaine
sens du narrateur. Intellectuelle accom-
verser de bas en haut (174), du Sud au
dans sa relation avec Jeanne-Sophie :
plie, menue et imposante à la fois, elle
Nord ? À coup sûr, le clivage de l’Aimée
“Notre liaison n’a que trois mois, mais
lui paraît être aussi la réincarnation de
est celui du narrateur qui s’éprouve
j’en ai déjà marre” (30), songe-t-il, assis
Mme du Châtelet, telle qu’une autre
dans le refus des antithèses absolues
devant son clavier de machine à écrire,
femme, Marianne Lenoir, l’a peinte, c’est
et des rôles convenus. Ainsi se déclare-
donnant le dos à sa maîtresse qui solil-
à dire dans une posture qui exclut tout
t-il prêt à additionner les bonheurs
oque. Celle-ci n’hésite pas à dérober
regard autre que celui de son amant
en un va-et vient constant entre
cette bibliothèque, sa rivale, et à la recy-
Voltaire à qui “elle faisait la plus émue
Jeanne-Sophie et son épouse Maureen,
cler, en manière de vengeance pour le
des dédicaces. Aussi le spectateur était-il
lorsque celle-ci sera revenue du Tchad
dédain d’un amant resté insensible à ses
de trop” (33). De fait, la nature du désir
: “Pourquoi contenterais-je l’une et
suppliques épistolaires. Cet attentat sin-
de Jeanne-Sophie, sa franchise et ses
attristerais-je l’autre ? Ne leur donnais-
gulier au cabinet d’études du narrateur,
excès plongent l’observateur-narrateur
je pas une liesse égale ? Ou plutôt, ne
mieux à son intimité (144), le laissera
dans une telle perplexité qu’il préfère
me donnaient-elles pas le même fris-
dans les affres causées par le retour du
élire certains fragments du corps de
son?”(91) Son intuition lui fait encore
vide au sein de ce que Jacques Roubaud
son amante pour y sonder son âme3.
pressentir la dualité de Jeanne-Sophie,
appelle son “terroir d’imprimés”: “Les
Un balcon sur l’Algérois s’ouvre ainsi sur
“femelle à souhait, débonnaire jusqu’à
murs étaient redevenus blancs, sur-
l’évocation des seins de Jeanne-Sophie
la perte” (11) et pourtant figurativement
tout le mur droit du séjour où s’étaient
qui ramènent son amant aux “mangues
apparentée à Mme du Châtelet dont
adossés les mille et un volumes de
le libertinage et l’allure androgyne ont
ma bibliothèque. J’y contemplais les
parfois été soulignés . À l’énigme posée
traces de poussière laissées par leur
2 Anne Simon “Proust ou le corps expressif malgré lui” Littérature 119 (septembre 2000), p. 52, 53, 54 3 Nimrod, Un balcon sur l’Algérois, 172: “A supposer qu’on me donne en pièces détachées une paire de seins, une femme me regarderait encore à travers pareille mutilation, son âme ferait prévaloir le désir…”
12
4
5
4 Nimrod, Un balcon sur l’Algérois, 16 5 Cf par exemple http://www.challenges.fr/monde/20121026. FAP2148/emilie-du-chatelet-une-mathematicienne-amoureusesous-le-feu-des-encheres.html
disparition…Pour la première fois j’ai 6 Pascal Quignard, Petits traités, Tome 1. Gallimard, 1997, 203.
inspecté les étagères : leur nudité m’a
(134). Un balcon sur l’Algérois offre donc
horrifié.” (129-130) À la question posée
au lecteur plusieurs mises-en-abyme
par François Bon : “Quelle bibliothèque
: si les lettres de Jeanne-Sophie, au
sommes-nous?” , l’infortuné aurait pu
milieu du texte, constituent un con-
répondre : la bibliothèque que j’étais
densé de l’oeuvre de Stendhal dont elle
n’existe plus.
est spécialiste (131), chacun des livres
Mais on le devine, Un Balcon sur
que le narrateur-personnage-auteur
l’Algérois est le roman du devenir-
revendiquera comme sien devient la
écrivain du narrateur, à l’instar d’À la
réitération de cette revanche annoncée,
recherche du temps perdu ou de La
et bien plus encore.
Nausée. Les bibliothèques du roman,
Car alors que Maryvonne, collègue et
celle de Jeanne-Sophie et celle du
amie de Jeanne-Sophie, signifie au nar-
narrateur, ne sont pas seulement des
rateur, aux lendemains de la rupture, sa
réceptacles où une certaine mémoire
reconduction à la frontière de la “civili-
du monde est inventoriée et expertisée,
sation”, des bienséances et des lettres
ainsi que des symboles de statut social
(138), nous voyons Nimrod élaborer une
et intellectuel, mais des imaginaires qui
oeuvre d’expression française remar-
entrent en conflit, des champs littéraires
quable d’élégance où se croisent des
qui refusent la réciprocité, des corpus
traditions littéraires et des imaginaires
qui ignorent l’intertextualité. Le nar-
divers, emblématique à bien des égards
rateur disqualifiera sa maîtresse comme
de ce que peut être une littérature
directrice de sa thèse afin de “sauver ne
décolonisée, transfrontalière, telle qu’il
serait-ce qu’une partie de [s]on iden-
l’a définie dans son essai, La nouvelle
tité”(29), une identité que le prisme
chose française (Actes Sud, 2008).
7
référentiel à l’interieur du roman permet de cerner : Mme de Clèves y côtoie en effet Senghor; Césaire et Max Jacob conversent avec St Thomas d’Aquin. Dans le même temps, Jeanne-Sophie doit reconnaître que sa double bibliothèque, celle dont elle a hérité de son père, historien et militaire, et la sienne propre, lui est un tombeau (42) . En subtilisant les livres du narrateur, Jeanne-Sophie lui donne sans le savoir le moyen de son triomphe -- parfaire sa vocation littéraire : “Elle me laissait le vide en partage. J’ai rêvé de le remplir de faits, d’actes et de livres encore plus beaux dans un avenir proche. JeanneSophie ignore de quel bois je suis fait” 7 “Bibliothèque (s) en littérature(s)” remue.net/spip.php?article1648
13
Pour qui se dévoilent les indigènes de l’art contemporain ? Par Eva Barois De Caevel
L’administration dominante [l’administration française en Algérie] veut défendre solennellement la femme humiliée, mise à l’écart, cloîtrée… […] Convertir la femme, la gagner aux valeurs étrangères, l’arracher à son statut, c’est à la fois conquérir un pouvoir réel sur l’homme et posséder les moyens pratiques, efficaces, de déstructurer la culture algérienne. […] Les forces occupantes, en portant sur le voile de la femme algérienne le maximum de leur action psychologique, devaient évidemment récolter quelques résultats. Çà et là il arrive donc que l’on « sauve » une femme qui, symboliquement, est dévoilée. Frantz Fanon, « L’Algérie se dévoile » in L’An V de la révolution algérienne, Paris, La Découverte, 2011, p. 21-22
Je me suis longtemps demandé ce que
indépendante ou non2 ? ». Essaydi fait
pratique artistique et, pour les plus
Lalla Essaydi écrivait sur les corps, les
cela, avec un grand succès et quelques
pugnaces, un sérieux fond de commerce
vêtements et les environnements des
variations certainement subtiles, depuis
avec ce que cela suppose de succès et
femmes voilées ou dévoilées qu’elle met
plus de dix ans. Je n’ai aucune haine
donc de visibilité. Le site BLOUIN Artinfo
en scène et photographie, avant d’en
particulière envers Lalla Essaydi, qui n’est
présentait le 6 août 2012 son « top 10
lire un jour un extrait traduit par l’artiste
pas directement à blâmer et n’est pas la
des meilleures artistes féministes arabes4
elle-même. Le contenu de ce texte
seule à avoir fait de sa supposée famili-
», les heureuses élues étant Shirin Neshat
acheva de m’inquiéter sur les implica-
arité avec le voile en tant que femme
(Iran), Ghada Amer (Égypte), Mona
tions et les enjeux de représentations
marocaine ce que d’autres font, qui avec
Hatoum (Liban), Hayv Kahraman (Irak),
banalisées de corps de femmes non
leurs voiles, qui avec leurs fesses afric-
Meriem Bouderbala (France, Tunisie),
occidentales, réalisées par des artistes
aines nécessairement charnues (ce qui
Majida Khattari (Maroc), Shadafarin
femmes elles-mêmes non occidentales,
ajoute les artistes noires américaines à
Ghadirian (Iran), Lida Abdul (Afghani-
dans l’art contemporain mondialisé, au
ce club de victimes ) : transformer des
stan), Lamia Zyadé (Liban) et Layla
sein des institutions et du marché qui
traits sociaux, physiologiques, religieux,
Muraywid (Syrie). Parmi ces femmes,
lui sont liés et enfin dans la restitution
etc. en discours sur ces traits, discours
dont la plupart vivent depuis leur
visuelle et critique qui en est offerte au
qui deviennent l’essence même d’une
adolescence dans des pays occidentaux
public. Essaydi avait donc écrit, autour d’une femme maghrébine voilée et dans une calligraphie vaguement coufique , quelque chose comme « Suis-je 1
1 - Lalla Essaydi explique : « ce sont des formes inventées qui rappellent la calligraphie coufique ». Propos extraits d’un entretien avec Samia Errazzouki, « L’orientalisme revu et corrigé de Lalla Essaydi », Courrier International, 14 juin 2012. Le coufique est le plus ancien
14
3
style de calligraphie arabe, développé au VIIe siècle dans la ville de Koufa, dans l’actuel Irak. 2 - « Am I independent or not ? » dans le texte original (e-mail personnel de Lalla Eyssadi à Barbara Thompson, 27 octobre 2006, reproduit dans le catalogue de l’exposition « Black Womanhood », édité par Barbara Thompson, Black Womanhood: Images, Icons, and Ideologies of the African Body, Hanover [NH], Hood Museum of Art, Dartmouth College, 2008, p. 5). 3 Je pense également à des œuvres de Parastou Forouhar, Zineb Sedira, Renée Cox, Tracey Rose, Berni Searle, Carla Williams, Angèle Etoundi Essamba, Ingrid Mwangi, Grace Ndiritu ou encore Amal Kenawi.
où elles ont suivi leur formation artistique et connu le succès, on retrouve certaines des grandes prescriptrices de « l’évolution des mentalités » via un discours plastique et oral sur le voile. C’est 4- Juliette Soulez, « Le top 10 des meilleures artistes féministes arabes », sur fr.blouinartinfo.com, 6 août 2012
ce discours, qui me semble non seule-
bien le droit de se dire « africaines » ou
médiatique et critique qui s’efforce avec
ment dépassé et indigent, mais encore
« arabes » mais de comprendre quelles
véhémence de nous faire adhérer à
fondamentalement dangereux.
sont les prescriptions occidentales qui
l’idée selon laquelle ces œuvres et leur
pèsent sur elles. On arguera que ces
diffusion participent d’une évolution
Une fille de médecin iranienne qui fait
artistes œuvrent pourtant depuis main-
réelle et positive des mentalités ; cela à
ses études à Los Angeles et s’installe
tenant une vingtaine d’années afin de
un niveau non pas simplement économ-
à San Francisco un an après la Révolu-
réinvestir les représentations féminines
ique ou esthétique mais aussi social,
tion iranienne éprouve peut-être le
confisquées par les politiques coloni-
historique, anthropologique et politique
besoin – sincère – de faire du voile le
ales et une histoire de l’art marquée
? Pourquoi ? De quelles mentalités
sujet central de son travail. Cependant,
par les perceptions impérialistes (Lalla
parlons-nous ? En quoi est-ce positif ?
comment omettre de se poser la ques-
Essaydi considère ainsi sans surprise se
Mais surtout, cette transformation a-t-
tion du rôle prescripteur que jouent les
dresser contre l’orientalisme ). Je crois
elle seulement lieu ?
attentes du pays d’accueil (sensibles
que c’est le contraire qui se produit. Dire
dans le cadre d’une formation académ-
que cette situation a pour seul respon-
Il faut se demander, premièrement, qui
ique) ainsi que les logiques de séduction
sable la cupidité du marché prêt à tout
sont les producteurs de ce discours : il
évidentes dans lesquelles se coulent
pour offrir du voile à des collection-
s’agit de journalistes, de critiques d’art et
ces personnes, en tant que corps, en
neurs avides de l’étiquette « art arabe
de commissaires d’exposition nés, vivant
tant que femmes, en tant qu’artistes
féministe dissident8 » n’est pas non plus
et travaillant en Europe ou en Amérique
et en tant qu’émanations acceptables
suffisant. Que cette situation corre-
du Nord. Idem pour les marchands,
des mondes non-occidentaux ? Cette
sponde banalement à un marché est vrai
galeristes9, acheteurs, etc. qui véhicu-
question ne se confond pas avec celle
dans la seule mesure où on assiste claire-
lent, relaient et parfois produisent ces
régulièrement débattue puis révoquée
ment à un phénomène d’offre et de
discours. Les mentalités censées évoluer
de la légitimité6 des artistes des aires
demande (sinon pourquoi des artistes
grâce à cet art « arabe ou africain fémin-
non occidentales à s’identifier comme
si cotées, et pourquoi une jeune créa-
iste et féminin » sont à la fois celles des
tels. Car s’affirmer comme non occiden-
tion qui perpétue inlassablement cette
habitants du monde occidental et celles
tal une fois présent sur le marché de
histoire de voile ?). Que ce marché existe
des habitants des pays où sont nées
l’art mondialisé est un choix qui relève
n’est pas le problème principal. Après
ces artistes. Cette évolution est jugée
effectivement d’une stratégie commer-
tout, que des artistes parviennent à
positive par ces mêmes acteurs dans la
ciale, qui passe par la constitution d’un
s’enrichir, que des individus ayant décidé
mesure où le Blanc de l’ère postcoloni-
vocabulaire, imposée par le marché
de dédier leur vie au gain (et à l’art)
ale serait un homme ouvert et contrit
lui-même, qui a besoin de nouveaux
s’enrichissent eux aussi et que quelques
qui ne demanderait qu’à entrer dans
produits pour prospérer. Il ne s’agit donc
collectionneurs s’enrichissent également
l’exotisme sans présupposés et à voir
pas de se demander si ces artistes ont
(et accessoirement apprécient sincère-
refonder les préjugés qui pourraient,
ment ces œuvres) n’est pas la question.
malheureusement, encore et à son insu
Le problème est le suivant : pourquoi
l’habiter. Cette innocence postulée est
le phénomène décrit précédem-
déjà en soi insupportable : la « bonne
ment s’accompagne-t-il d’un appareil
pensée » blanche, fondée sur des valeurs
5
5 - Il s’agit de Shirin Neshat. Sa situation est sur ce point comparable à celle de nombreuses artistes non occidentales travaillant sur les questions du corps : Essaydi elle aussi a vécu et étudié à Paris puis Boston à partir des années 1990, Bouderbala a fait les Beaux-Arts à Aix-en-Provence en 1985, Khattari à fait les Beaux-Arts de Paris. Abdul a fui tôt son pays pour l’Allemagne et les États-Unis. Ziadé a fait ses études (et vit toujours) à Paris, ville où Muraywid est également sortie diplômée des Arts Décoratifs. 6 - Lire sur ce point le chapitre 1 « Situating Contemporary African Art: Introduction » in Okwui Enwezor et Chika Okeke-Agulu, Contemporary African Art since 1980, Damiani, 2009. Les auteurs y évoquent de manière synthétique les débats les plus intéressants sur la question de la légitimité. Ils rappellent notamment ceci : « [...] it makes sense that some artists may feel uneasy with being identified as such [African]. But only to a point, for there is also the reverse, the tendency of over-identification, to the point of an essentialism built on a sense of authenticity, which some African artists are seen to be lacking either by race, religion or dwelling » (p. 11).
15
7
7 - « Essaydi is especially interested in those constructions of race and cultural identity that led to nineteenth-century clichés of the odalisque and the seduction of beauty epitomized by colonial representations of North African women, superimposed with romantic, Orientalist, and primitivist fantasies » (Barbara Thompson in Black Womanhood, p. 284). 8 - Juliette Soulez, « Le top 10 des meilleures artistes féministes arabes ». Trois des dix artistes sont qualifiées de « dissidente » ou d’« activiste ». On peut considérer cet article comme un exemple fidèle du traitement médiatique dominant de cette question.
de « tolérance » et d’« émancipation » indiscutables, dispense de toute pensée critique réelle de l’altérité (phénomène 9 - Pour donner deux exemples : la galerie de Shirin Neshat en France est la galerie parisienne Jérôme de Noirmont, Essaydi est représentée par la galerie Edwyn Hook à New York et Zurich.
très visible en France dans l’éducation,
personne ne juge ces représentations,
en bâtissant d’ennuyeuses et consen-
mais aussi dans un certain nombre de
soi-disant subversives, vides et atten-
suelles synthèses (le voile est toujours
pratiques militantes ou associatives).
dues ? Pourquoi semble t-il impossible
prison ou protection12 , la femme afric-
Dans le cas qui nous intéresse, celui des
de faire une critique intelligente lorsqu’il
aine souffre d’être réduite à ses attributs
artistes et de leurs commentateurs, cette
s’agit de l’œuvre d’une femme artiste
corporels, etc.) qui correspondent aux
« bonne pensée » offre trop souvent
non occidentale décidée à traiter du
attentes de l’homme blanc et à sa cul-
une immunité critique. Cela m’amène
féminisme ou des attributs corporels
pabilité vécue de manière imbécile. Ce
à poser la question de la responsabilité
(et par extension vestimentaires) qui
procédé rappelle malheureusement les
des différents acteurs de l’art contempo-
devraient la définir ?
mécanismes coloniaux décrits par Victor Segalen et sa définition d’un exotisme
rain cités précédemment : pourquoi des auteurs – dont certains sont par ailleurs
Ce que les « corps attendus » présents
à double tranchant, pouvant être aussi
admirables – s’entêtent, sur ce point pré-
dans les œuvres de ces artistes révèlent,
bien exaltant que nauséabond. Cet
cis et malgré leurs recherches, à broder
c’est la séduction qu’exercent des
exotisme nauséabond est celui des
un tissu de béates banalités10 ? Pourquoi
représentations critiques simplifiées,
« proxénètes de la sensation du divers13
10 - J’en donnerai trois exemples précis. Le premier est révélateur des amalgames qui exemptent ces artistes de tout véritable discours critique en les associant à des valeurs a priori positives (et sans les justifier), comme le féminisme ou la résistance politique. Okwui Enwezor et Chika Okeke-Agulu, à propos d’œuvres de Kenawi et Kure : « [they] bring us back to the domain of the naked female figure as the ultimate object of patriarcal sacrifice. Both […] can be classified as feminists in terms of the concerns of their work and the overt nature of their modes of address » (Contemporary African Art since 1980, p. 47). Ils précisent, très justement : « It is important to caution, however, that such a label at best provides only provisonal clues to the scope of their ideas […] » (ibid.). Reste qu’on ne sait pas, au terme de l’analyse de leurs œuvres, en quoi elles sont intéressantes ou exemplaires, audelà de l’étiquette de « féministes ». Le deuxième, où la déconstruction des représentations occidentales est postulée et jamais démontrée. Barbara Thompson à propos de Lalla Essaydi : « [she] invites viewers to resist the stereotypes and ethnographic taxinomies […] » (Black Womanhood, p. 284). Suit une simple description de l’œuvre qui voudrait tenir lieu de discours critique. Plus loin, des généralités sur une artiste noire : « Just as the Orientalist’s “harem” fed into Western fantasies about North Africa’s women during the nineteenth and early twentieth centuries, so too did primitivist ideologies about African women’s promiscuity, which becomes an especially powerful site for deconstructing stereotypes of black women as sexual objects in the self-portraiture of the American photographer Carla Williams » (ibid., p. 288). La déconstruction, comme toujours, est postulée sans qu’on sache pourquoi ni comment elle se produit ni surtout, si elle est efficace. L’ouvrage de Barbara Thompson est par ailleurs d’une précision et d’une intelligence exemplaires dans ses perspectives historiques. Le troisième qui, malgré les prétentions à défendre un féminisme inscrit chaque fois dans des situations locales spécifiques, reconduit, lorsqu’on en vient aux femmes artistes de certaines aires géographiques, les mêmes vices de pensée. Maura Reilly et Linda Nochlin dans le catalogue de l’exposition « Global Feminisms » commencent par préciser leur intention : « In Global Feminism we are trying to construct a definition of “feminist” that is as broad and flexible as possible. Openess, multiculturalism, and variety are the names of the game » (Global Feminisms: New Directions in Contemporary Art, Londres/New York, Merrell/Brooklyn Museum, 2007, p. 12). Mais leurs conclusions demeurent partielles puisqu’elles préfèrent souvent l’indigente notion de multiculturalisme à une étude approfondie de traditionalismes. C’est pourquoi, lorsqu’il s’agit d’évoquer des artistes moyen-orientales ou africaines, on retombe dans les écueils habituels. D’une part, le sensationnel politique tient lieu d’unique discours critique, comme dans l’évocation de l’artiste iranienne Parastou Forouhar, « censored by the Iranian Cultural Ministry », où la très brève description de sa série Blind Spot, encore des « tchadors critiques », est suivie d’un récit des événements survenus lors du vernissage de l’artiste à Téhéran, qui contraste avec le bon accueil reçu par la série dans les lieux où elle a été présentée ensuite en Occident, avant que l’auteur ne conclue, instrumentalisant une fois de plus une œuvre qui n’en demandait pas tant : « It is interesting to think about how this series is received in different contexts, how it translates, mistranslates, and reani-
« Mysterious Chador » et autres « Black
», touristes, écrivains coloniaux14 et leur
Venus11 » , sur l’imaginaire occidental.
lectorat. Il y a bien des similitudes, dans
Dès lors, il est difficile de percevoir,
la contemplation et l’appréciation des
même sous l’étiquette « d’art critique »,
« connaisseurs » de l’art contemporain
en quoi elles diffèrent de manifestations
d’œuvres dites critiques et féministes,
esthétiques telles que l’orientalisme
avec cette population « cultivée » de
alors même (et c’est là le danger) que
l’époque coloniale. Mais cette atti-
ces représentations n’émanent plus
tude est aujourd’hui doublée d’une
d’hommes blancs. Ce pernicieux tour
prétention nouvelle – ou différente
de force est rendu possible par, d’une
– l’assurance d’accéder à un message
part, la croyance fausse en une univer-
sibyllin dissident caché derrière des
salisation possible de la compréhension
voiles déchirés, agrémentés, peinturlu-
des images (qui conduit aux écueils
rés, etc. et donc d’assister au résultat
de l’exotisme et de la folklorisation), et
d’un processus complexe, mûrement
d’autre part, par la persistance d’un
réfléchi et délivré de façon mordante.
programme impérialiste sous des formes
D’où peut-être le déficit de jugement
renouvelées.
critique général évoqué précédem-
Le premier point consiste à nier le divers
ment. La dégradation de la différence
16
véhiculée par ce type de projet et la mates as it travels from one culture to another » (Maura Reilly, p. 41). D’autres part, des clichés injustifiés continuent d’être véhiculés sans vergogne : « Women know that their body is a perpetual object of desire, fantasy, and submission – like a parcel of land that men feel free to own and explore, sometimes without permission » (N’Goné Fall à propos des artistes africaines, p. 72). 11 - Ces deux expressions font référence aux titres de deux œuvres qui me semblent elles-mêmes critiques et ironiques. Mysterious Chador est une œuvre de l’artiste iranien Farhad Moshiri (voir illustration et légende en début d’article). The Rebirth of the Black Venus (2010) est une œuvre de l’artiste sud-africaine Billie Zangewa. Alors que tant d’artistes femmes africaines ont produit des émanations pseudo-critiques de la « Vénus Noire » ou « Vénus Hottentote » Saartje Baartman, cette femme d’origine khoïsane qui vécut au XVIIIe siècle, fut exhibée en Europe puis devint esclave scientifique, Billie Zangewa, elle, campe sur une tapisserie de soie une « Black Venus » qui n’est qu’elle-même, femme artiste belle et puissante, géante dans une ville occidentale.
fin de « l’impénétrabilité des races15 » 12 - Sur ce faux débat prison/protection : « What if the Islamic woman’s veil, stigmatized by the West, were not the emblem of submission but rather a tenuous wall protecting women’s freedom ? A protection againts the lustful stares of men, or a flowing envelope holding women’s dreams » (N’Goné Fall in Global Feminisms, p. 74) ou encore : « Derrière le voile, une femme arabe préserve un espace privé, même en public » (entretien avec Samia Errazzouki, « L’orientalisme revu et corrigé de Lalla Essaydi », Courrier International, 14 juin 2012). 13 - Victor Segalen, Essai sur l’exotisme, Paris, Librairie générale française, 1986, p. 13 14 - Comme son contemporain Pierre Loti et son Mariage, paru en 1880. 15 - J’emprunte l’expression à Victor Segalen encore, qui précise : « L’exotisme n’est donc pas une adaptation. […] C’est la perception aiguë et immédiate d’une incompréhensibilité éternelle » (Essai sur
Farhad Moshiri Untitled (Chador in Package) 2004 Matériaux divers 46x30,5 cm © Farhad Moshiri Courtesy the artist and Galerie Daneyal Mahmood Gallery, New York
propre peuple par l’Iranienne Shirin
Farhad Moshiri est iranien, il est né en 1963 à Chiraz. Il vit et travaille à Téhéran. Il est représenté en France par la galerie Emmanuel Perrotin et à New York par la galerie Daneyal M ah mood. Il a participé en 2013 à la 55e Biennale de Venise. Ses représentations, souvent ironiques, interrogent l’économie mondialisée des images.
femme. » En 2012, on peut encore lire
sonne ou d’un lieu). Cette sensation bradée du divers, celle d’un accès facilité à toutes les problématiques de l’Autre, est relayée avec application par les manifestations culturelles, les supports critiques nécessaire et salutaire qu’il impose produit des œuvres qui irritent ou laissent insensibles puisqu’elles ne sont plus que des fabrications à propos de conflits qui satisfont le monde occidental en laissant croire qu’il en possède une parfaite compréhension. « Le côté exotique de la question16 », « exotico-apparemmentcritique » devrait-on ajouter, conduit à la folklorisation telle qu’elle est définie par Glissant : un traitement de surface, un faux-semblant et non pas le drame d’une situation (drame est ici à entendre de façon non négative : il fait référence à l’histoire et à la réalité, dans toute leur complexité et leur richesse, d’une perl’exotisme, p. 44). 16 - L’expression est d’Édouard Glissant. Voir par exemple, Édouard Glissant, L’imaginaire des langues – Entretiens avec Lise Gauvin (19912009), Paris, Gallimard, 2010, p. 25.
17
et médiatiques européens et nordaméricains. En l’an 2000, alors que Shirin Neshat présentait (mon premier contact significatif avec un « mysterious chador » à l’âge de dix ans) Soliloquy17 à l’occasion de la 5e Biennale d’Art Contemporain de Lyon intitulée « Partage d’exotismes », les journaux se gargarisaient de ce que « la création artistique n’[était] pas l’apanage du seul Occident18 » et on pouvait lire : « Le regard porté sur son 17 - Soliloquy, 1999, film 16 mm projeté sous format vidéo, double projection, couleur, son stéréo, dimensions variables, 15 minutes. L’une des six copies fait partie de la collection de la Tate Modern, Londres. On y voit une femme voilée, l’artiste, voyageant dans différents paysages. La pièce est présentée comme cherchant à évoquer la double culture et l’exil. L’une des scènes, tournée à New York sur un lieu dévasté depuis par les attentats du 11 septembre 2001, a fait dire que l’œuvre était devenue le mémorial de tous les humains qui souffrent du dialogue impossible entre Orient et Occident. 18 - Annick Colonna-Césari, « Arts : le village planétaire », L’Express, 29 août 2000. Et aussi pour la citation suivante.
Neshat, qui travaille aujourd’hui à New York, n’est pas moins implacable. Ses images vidéo en noir et blanc dénoncent avec virulence la condition de la ce genre de choses : « Alors que dans le monde arabe les femmes et les artistes sont particulièrement sous surveillance, un soutien aux femmes artistes et intellectuelles arabes s’impose. En Tunisie, depuis quelques semaines, passée la révolution de Jasmin, la police chasse les femmes après minuit pour les interroger sur leur tenue vestimentaire, comme dans de nombreux pays musulmans. Les femmes sont aussi intimidées dans les quartiers populaires pour qu’elles se voilent. L’intégrisme grignote le monde arabe tandis que se forme soit en exil soit au Machrek même une résistance audacieuse et novatrice contre une société patriarcale dominée par les hommes.19 » L’écrasement généralisé des complexités serait déjà suffisamment inquiétant si ce discours unique et bien-pensant sur des pratiques sociales, religieuses, sexuelles, etc. au nom, bien évidemment, du respect de libertés individuelles indiscutables, ne correspondait pas par ailleurs à l’agenda impérialiste du moment. Il a déjà été brillamment démontré comment en France, sous couvert de féminisme, les arguments contre le voile, utilisés comme moyen de pression par la puissance coloniale avec des motivations spécifiques dans le passé, continuent à servir aujourd’hui.20 19 - Juliette Soulez, « Le top 10 des meilleures artistes féministes arabes ». 20 - Notamment par Félix Boggio Éwanjé-Épée et Stella MaglianiBelkacem dans Les féministes blanches et l’Empire, Paris, La Fabrique, 2012. « Ce type de rhétorique a notamment permis d’associer le niveau de civilisation d’une société et le degré d’émancipation
Il est clair également que, dans d’autres
de domination, qui sans être spéciale-
vestissement d’hommes et de femmes
champs tel que celui du genre et de
ment nouvelles ni réellement plus
venus de pays non-occidentaux dans la
l’identité sexuelle, ce type de proces-
troubles, ne sont pas perçues ni nom-
recherche, l’écriture mais aussi les arts
sus existent . La lutte contre le voile (y
mées comme telles.
plastiques contemporains, qui per-
compris dans ses occurrences au sein
Plutôt que de rejouer incessamment
mettrait de réellement décoloniser et la
de l’art contemporain) relève d’une
les scènes coloniales22, pourquoi ne pas
culture et le genre.
pratique missionnaire chargée de
créer les nouveaux formats dont ces
coloniser les esprits non-occidentaux
images de soi et du corps ont besoin (en
Au terme de cet article, peut-être sais-je
(et occidentaux) afin de leur inculquer
tenant compte des bouleversements
personnellement pourquoi ces œuvres,
une « bonne parole » et un « bon ordre
passés et sans tomber dans l’écueil du
si souvent croisées, ne me nourrissent
des choses » selon un point de vue
tout-métissage23 ) ? Pourquoi ne pas
pas, ne m’intéressent pas et surtout
occidentalo-centré à velléité hégémo-
s’en libérer radicalement et proposer
ne me semblent rien construire (si ce
nique. Cette pratique ne laisse aucune
un art dépouillé de ces enjeux ? Ou
n’est cette assise impérialiste) ni rien
indépendance sociale et culturelle aux
encore, pourquoi ne pas persévérer dans
déconstruire : l’hors-Occident y reste
pays qui la subissent contrairement
des pratiques de fond (c’est-à-dire qui
fantasmé, l’Occident y reste prescrip-
à ce qui est généralement prétendu.
empruntent aux méthodes de l’histoire,
teur. Je demeure aussi profondément
C’est pourquoi une grande part de l’art
de l’anthropologie, de l’ethnographie,
choquée par le déficit critique sur cette
contemporain réalisé par des femmes
de la sociologie et font appel à la notion
question dans l’art contemporain quand
de pays non occidentaux reste un art
d’archive) qui interrogeraient une con-
ce travail est mené dans les champs du
de la soumission et un art de victimes,
naissance traditionnelle , c’est-à-dire
politique ou du genre, du féminisme ou
même quand il entend le dénoncer et
relative à une culture d’avant la colo-
de l’identité sexuelle. Il m’arrive pourtant
lutter contre les visions occidentales ou
nisation (une force de production qui
de sourire lorsque je croise les œuvres
les nouveaux enfermements en vigueur
n’appartiendrait ni à l’Occident, ni aux
malicieuses de l’Iranien Farhad Moshiri,
dans les pays non-occidentaux (notam-
extrémismes religieux actuellement
celles d’artistes nées sur le continent
ment les extrémismes religieux). La
grand récupérateurs du traditionnel
africain libérées de ce type de discours
méprise concerne l’objet de la lutte car,
vernaculaire25 saccagé) ? C’est le réin-
et que cela n’empêche pas d’accéder à
malheureusement, les procédés et les
22 - Comme le fait par exemple Tracey Rose dans Venus Baartman, 2001. 23 - Je pense à ces projets qui se veulent « globaux » tout en prétendant à une ouverture au divers et à une intelligence de la complexité de la question (voir la préface, déjà citée, de Global Feminisms), ou encore aux discours indigents omniprésents dans les médias. Il s’agit au contraire de lutter dans le champ de l’art, contre les universalisations analysées par Massad (art. cit.) pour l’identité sexuelle ou par Glissant (op. cit.) pour la littérature 24 - Comme a pu le faire de façon historique et scientifique la poète, anthropologue et essayiste nigériane Ifi Amadiume. Après avoir décrit le saccage des structures socio-culturelles traditionnelles pendant la colonisation et après, elle conclut : « This anti-traditionalism demonstrates de-Africanization and re-conversion into an objectifying Eurocentric neocolonial situation, one that denies African cultural identities. This is a process, I argue, that negates arguments for African liberation from colonized cultures and minds as a condition of independance and freedom. I contend that reAfricanization and decolonization of both culture and gender are necessary » (Male daughters, female husbands: gender and sex in an African society, Londres, Zed Books, 1987). Dans l’art contemporain, certains artistes s’essayent déjà à ce travail. On peut citer les œuvres du sud-africain Peet Pienaar (voir la performance I Want to Tell You Something, 2000) ou de l’américaine Carrie Mae Weems (voir par exemple From Here I Saw What Happened and I Cried, 1995-1996). 25 - Au sens où l’entend Ivan Illich : suivant un constat selon lequel le secteur de l’informel – ce qui relève de la vie privée et des occupations non-productives (du point de vue économique) – serait sans cesse envahi par le monnayable (l’école pour l’apprentissage et l’éducation, l’hôpital pour la convalescence, les biberons pour l’allaitement, les maisons de retraite pour les parents âgés, le psychologue pour le lien social), il introduit la notion de vernaculaire : « Le mot “vernaculaire”, emprunté au latin, ne nous sert plus qu’à
la reconnaissance (comme la Marocaine
21
imaginaires coloniaux (pour lesquels un travail de déconstruction reste certes à poursuivre) sont rejoints par ces formes des femmes » (p. 19). « Il s’agissait d’attribuer aux hommes arabes la responsabilité du terrible sort des femmes indigènes, tout en prouvant que le colonisateur était incapable de défier l’homme indigène dans la sphère domestique » (p. 20). « C’est dans cette optique que l’UFSF [Union française pour le suffrage des femmes] multiplia les campagnes dénonçant la situation servile des femmes musulmanes et particulièrement le port du voile » (p. 21). Cela passe par des mises en scène décrites dans les pages qui suivent, où des femmes indigènes sont contraintes à se soumettre à des cérémonies de « dévoilement ». Ces procédés semblent assez similaires à certaines œuvres d’art contemporain, à la différence que les femmes indigènes qui en sont aujourd’hui les actrices sont pleinement consentantes. Les auteurs poursuivent : « Les analogies ne manquent pas entre ce moment colonial et la situation contemporaine, compte tenu de la mise en avant de femmes indigènes à la solde du pouvoir colonial » (p. 28). 21 - Voir « L’empire de la sexualité ou Peut-on ne pas être homosexuel (ou hétérosexuel) ? », entretien avec Joseph Massad, in La Revue des livres, n° 9, mars 2013. Massad dénonce le projet impérialiste d’universalisation des normes occidentales de la sexualité – à travers notamment l’imposition au monde non-occidental du dualisme homo/hétéro – et il critique l’action des ONG LGBT qui relaient selon lui ce projet
18
24
Latifa Echakhch26 ) ou les expérimentations passionnantes de jeunes artistes indiennes et sud-américaines, notamment le travail de l’Argentine Mika Rottenberg, entièrement dédié au corps féminin et véritablement féministe et décolonisé me semble-t-il. Les évoquer qualifier la langue que nous avons acquise sans l’intervention d’enseignants rétribués. À Rome, il fut employé de 500 av. J.-C. à 600 ap. J.-C. pour désigner toute valeur engendrée, faite dans l’espace domestique, tirée de ce que l’on possédait, et que l’on se devait de protéger et de défendre bien qu’elle ne pût être un objet de commerce, d’achat ou de vente. Je propose que nous réactivions ce terme simple, vernaculaire, par opposition aux marchandises et à leur ombre » (Le travail fantôme, Paris, Seuil, 1981). 26 - Dont l’évolution du travail est très intéressante : l’artiste est en effet passée de représentations identitaires de son propres corps (à travers des autoportraits – déjà – intelligents qui ne questionnaient pas seulement la race ou la religion mais aussi le genre, voir Pin-up (Self-Portrait), 1999-2002) à un discours sur son statut (voir illustration en fin d’article et sa légende) à un travail d’installation dépouillé des ces problématiques (voir légende illustration finale).
plus longuement et les découvrir est un travail en cours qui, je l’espère, se révèlera fructueux.
Hospitalité, 2006 Phrase gravée dans le mur 29 cm de largeur Vue de l’exposition “Collection 10”, Institut d’art conte mp orain , V illeurbanne/Rhône-Alpes © Latifa Echakhch Photo. Blaise Adilon / Institut d’art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes Courtesy the artist and kamel mennour, Paris Latifah Echakch est née en 1974 à El Khnansa au Maroc. Elle vit et travaille en Suisse. Elles est représentée en France par la galerie kamel mennour et a remporté le prix Marcel Duchamp lors de la dernière FIAC en 2013. Son œuvre, aujourd’hui dédiée à l’installation, « entre surréalisme et conceptualisme, questionne avec économie et précision l’importance des symboles et traduit la fragilité du modernisme », selon Alfred Pacquement.
Née en France en 1989, Eva Barois De Caevel est diplômée de l’Université Paris-Sorbonne Paris IV en Histoire de l’art contemporain. Ses recherches sont principalement consacrées à l’image en mouvement. Elle s’intéresse à l’évolution du cinéma dit expérimental, à l’histoire des structures de production et des entités artistiques qui la sous-tend ainsi qu’à la question de la porosité des frontières entre les genres cinématographiques. Lors de son Master, sa recherche portait, d’une part, sur les interactions entre les arts plastiques contemporains et le cinéma, d’autre part sur l’histoire et la critique des structures dédiées à la production et la promotion de films d’artistes. Elle a travaillé ensuite pour la structure de production red shoes | SOME SHOES, et participé aux tournages des films de Clément Cogitore et Neïl Beloufa. Plus récemment, elle a travaillé avec le photographe et vidéaste Mohamed Bourouissa. Elle est commissaire de l’exposition “Qui a dit que c’était simple” à Raw Material Company (Dakar, janviermars 2014)
19
20
Nocturnes Par Kemi Bassene
Ivresse, anxiété, rêve, déambula-
qu’est l’expression corporelle qu’elle soit
les valeurs culturelles telles des pièces
tion, pensées érotisantes, pratiques
esthétique ou sociale. Les mouvements
d’une collection. Tout ce qui est fait par
amoureuses sont des états du corps
du corps par la danse dépoussièrent la
le corps et autour du corps, toute la
nocturne qui n’altèrent en rien la
mémoire du corps (le Ndepp au Sénégal
pensée est un prolongement du groupe
recherche de poésie qu’un corps peut
ou l’Assiko au Cameroun). La transe qui
du corps collectif.
développer.
pouvait résulter du port d’un masque
L’âme et le corps proposent une infinité
ou d’une danse n’altéraient en rien le
de combinaisons de différentes âmes/
principe d’archive sociale du corps.
corps chez une seule et même per-
Chaque corps et même qu’il soit repère
L’âme s’échappant du sommeil reste
sonne (Les personnes de la personne
de condition sociale peut se vivre
active par le rêve pour exercer des activ-
- Hampâté Ba)
comme un musée en-soi. Il perpétue
ités politiques sociales et culturelles.
Le corps de rêve...
Dormir devient L’école du port immobile (l’assise),
plus qu’une faculté
celle de la démarche à travers les rites,
de redistribution
contes, et autres épreuves physiques
de l’énergie du
d‘autrefois sont-ils efficacement relayés
corps. La libération
de nos jours par les récits filmiques,
émotionnelle et
photographiques ou littéraires?
corporelle conséc-
Au delà de leur fonctions éducative, ils
utive au rêve est
initiaient au monde invisible et à la rela-
la catharsis que
tion du corps avec le monde nocturne
constitue le récit
visible et invisible.
onirique dans sa
Ils inspirèrent l’idée de corps nation
dimension hypno-
pour personnifier juridiquement et
tique. Le rêve est
socialement le territoire corporel dont il
une extension du
faut fédérer tout son contenu pour pré-
corps car il pos-
parer l’enveloppe affranchie de l’ancien
sède l’œil qui peut
esclave vers une parfaite liberté (W. E.
voir l’invisible.
Du Bois)
L’asymétrie des
Le corps est-il simplement une visibilité
corps dans le rêve
de l’esprit ou est-il cette enveloppe
et l’infinité des
pensante dont toute création est son
formes sont uni-
extension ? Est-elle une écoute pour un
verselles. Associer
ultime raisonnement?
plusieurs esthétiques dans un seul
Cantonner la philosophie à une unique
corps est à la por-
activité de la pensée, c’est nier un corps
tée de tout rêveur.
pensant, le concentré thérapeutique
Un «taureau ailé»
21
n’existe peut être pas dans le monde
L’unique référence offerte à l’art dit
rais tout corps noir comme un danger»
tel que nous le connaissons, mais rien
africain dans celui moderne occidental
Ce dicton n’incrimine pas la couleur du
n’empêche, de par un rêve de confon-
est la transformation de ses objets dans
corps coupable mais décrit la une tradi-
dre un taureau et un oiseau dans un
la peinture. Le corps primitif gagne son
tion entretenue dans une famille ou une
même corps. De même, le rêve collectif
entrée dans les codes artistiques occi-
société. Cette règle répond aux maux
malgache n’a t’il pas durant longtemps
dentaux par un courant s’inspirant de
par les mots pour un corps collectif.
transformé le tirailleur sénégalais ayant
ses formes (primitivisme) ; une colonisa-
L’architecture coloniale a également
sévèrement mis fin à sa rébellion en
tion artistique de formes et de styles, un
participé à offrir à l’esprit invisible un
taureau multiforme, noir agressif et
refus de célébration d’un corps sculpté
corps : Le colustrat, déformation du
sanguinaire?
que les sociétés dites «primitives»
mot claustra qui désigne une petite
avaient pensées pour réguler leurs
fenêtre d’aération d’où Mario Guistin, le
cultures.
fantôme colonial blanc pouvait regarder
L’objet africain dans l’imaginaire
Un «corps primitif» qui vivait sa naïveté
ou traverser pour venir posséder les
occidental
tel un postulat mathématique. Il partait
corps des « non blancs ».
de lui pour imaginer une suite logique «Si je fais en sorte que tu me dépasses
de coordonnées spatiales et temporelles
L’âme du corps “masqué” est restée
en horreur, je me décomplexerai de te
adaptées a son environnement. Et c’est
intacte. Les objets rituels n’ont été que
coloniser»
sa dissymétrie exprimée artistiquement
des moyens vitaux de communica-
Tel est le message qui sembla être
qui traçait ses courbes émotionnelles.
tion avec des intermédiaires (ancêtres,
secrètement adressé au corps fétiche
esprits domestiques). En le décrivant à
africain au moment de le définir. La
L’objet (africain) transformé est devenu
tort, le masque a été dépouillé de son
représentation d’un art «sauvage et
œuvre d’art avant que «l’enveloppe par-
statut de repère esthétique
meurtrier» de ses colonies en Afrique
lante» africaine ne soit définie corps.
occidentale a «ému» le peuple bri-
Célébrer une «noire solex» comme
tannique et a suffi pour justifier une
Les religions coloniales ont probable-
Lupita Nyong’o à travers un bour-
colonisation.
ment joué un rôle déterminant dans la
donnement hautement médiatique est
détérioration de la relation que le corps
une percée esthétique exogène des
Ainsi, après avoir désacralisé sa philoso-
entretenait avec l’esprit en Afrique par la
communautés dites noires, qui cohab-
phie et par la suite son art, le monde
diminution de la production des objets
ite encore avec le “mythe” de l’ancêtre
occidental a décontextualisé la sculp-
de cultes et outils esthétisés.
indien ou natif américain dans les cul-
ture africaine et écarté les corps qu’elle
Dés lors, Il devenait plus facile pour une
tures africaine américaine et caribéenne.
représentait de l’échelle des valeurs
ethnologie et un art moderne occiden-
Nul besoin d’un regard africanisant
esthétiques religieuses, sociales et cul-
tal colonial et ignorant des sociétés qui
pour comprendre qu’un corps moderne
turelles.
ont produites ces objets de «percer le
n’est pas nécessairement un corps qui
Cette décontextualisation a conduit à
secret» du rite africain sans accorder de
se soustrait à son africanité ou à son
(re)définir un rituel par le corps et par
crédit esthétique aux formes et donc
orientalité pour «s’emparer des secrets
l’objet là où une simple description
inévitablement aux corps conquis.
d’une réussite». Cette démarche a été
s’imposait, mais surtout elle a surtout étouffé l’infinité de formes esthétiques
inévitablement la meilleure pour perdre Le contexte africain
qu’offre la dissymétrique de sa sculp-
corps décolonisé.
ture pour assoir l’idée d’une esthétique
«Si un Grand Calao (noir) avait causé la
formelle.
mort de ta grande mère, tu considére-
22
ce que l’on ne souhaitait pas trouver: un
Gastineau Massamba
corps vivant/corps mort Par Camille Moulonguet
Gastineau Massamba est un artiste congolais dont le travail tranche dans le vif à la fois du sujet mais aussi de la technique. Plutôt que de peindre, il coud, plutôt que d’expliquer, il “performe”. Lorsqu’on l’interroge sur le corps comme médium, il ne se plie pas au sujet, il le plie: le corps c’est le temps et non l’espace. Votre oeuvre est marquée par des époques et des grandes ruptures, comment en êtes vous arrivés à ce que vous faites aujourd’hui avec la couture et la performance? Cela fait vingt ans maintenant que je suis artiste. j’ai commencé par le dessin, la sculpture, et il y a 10 ans j’ai décidé d’utiliser exclusivement le fil. Le choix de
23
cette technique est liée à mon ques-
de la vanité, de l’instabilité politique,
tionnement sur les problématiques
les enfants soldats, la France-Afrique, la
environnementales. Comme beaucoup
guerre, alors qu’avant, je sortais d’une
de créateurs utilisent des matières
école d’art et j’étais vraiment dans la
polluantes, moi je désire être citoyen
technique. Ce n’est qu’après que j’ai
du monde et ne pas être pollueur. J’ai
commencé à me découvrir.
commencé à travailler avec le fil car je
participe à accompagner le monde à être anti-pollution contrairement.
Pourquoi, en plus de ce travail de plasticien, développez vous un travail de performance?
L’évolution de la technique a-t-elle fait évoluer votre propos?
Simultanément à ma technique du fil
Le propos évolue d’autant plus que
Les gens me demandaient si je ne me
cette technique a entrainé le ques-
convertissais pas en danseur plutôt
tionnement des gens sur la nature de
qu’en plasticien car dans le milieu
mon art. Est-ce encore de l’art contem-
artistique congolais on était pas très
porain ? Certains disaient que la couture
familier avec la performance, donc les
était un travail de fille. Le propos a
gens assimilaient ça à la danse. Couture
changé car il est d’emblée beaucoup
et performances sont venus ensemble,
plus engagé. Je travaille avec un maté-
c’est peut-être leur caractère éphémère
riel qui est très fragile et sensible donc il
qui les a réunis dans mon travail. De la
me positionne immédiatement. Et puis
même manière que le fil est très fragile,
les thèmes que j’aborde tournent autour
je voulais que la performance soit un
j’ai commencé à faire des performances.
travail en mouvement avec un engage-
homme ou femme, je ne supporte pas
formance. On vit dans une société
ment du corps, de la parole. C’est
le discours sur le sexe. Et puis ce mas-
d’hypocrisie où tout est faux donc
vraiment deux aspects de mon tra-
culin qui domine toujours le féminin:
pour briser les tabous ambiants je fais
vail très complémentaires.
il y a 100 femmes, 1 garçon, on va
des performances. Je suis dans le métro
construire la phrase au masculin. Le
je mets de la musique avec mon port-
masculin l’emporte, je ne supporte pas
able, je m’amuse des situations de mal
cette notion de pouvoir du sexe de l’un
aise, j’ implique l’émotion de l’autre, en
sur l’autre. Je pense que le plus grand
quelque sorte je le dérange, c’est une
danger de l’être humain, c’est lui-même;
partie très importante de mon travail.
Qu’avez vous voulu créer lors de la performance que vous avez faite à la galerie KO21 cet hiver? Je commence cette performance avec une chanson et puis un récital de théâ-
Au départ la performance implique une
tre, j’ai donc associé le chant avec le
confrontation. Ce que je devais faire ici à
théâtre, la performance et l’interaction
la galerie KO21 était beaucoup plus hard
avec le public. La problématique de
mais finalement on a trouvé un compro-
cette performance c’est la fragilité,
mis avec le galériste.
la société de consommation et plus particulièrement la nourriture. Elle questionne la manière dont les gens
Qu’est-ce qui est spécifique à une création performative?
achètent la nourriture, le fait de trop
Le langage du corps te laisse dans une
acheter pour ne même pas consommer
émotion, dans une attirance et dans un
la totalité. Il y a beaucoup de gâchis.
refoulement vis à vis de l’autre. Quand j’ai fait la performance cet hiver à la
Comment liez vous dans cette performance le fait de vous livrer sur des sujets personnels comme votre timidité, votre rapport aux femmes, avec celui de traiter des sujets plus généraux comme celui de la consommation?
galerie je croquais la pomme avec un homme, et puis j’ai donné une banane à une femme. Je joue sur des situations dérangeantes pour trouver un rapport avec l’autre dans l’unité, non disloqué. L’autre est impliqué sans retenu
Je le lis parce que je suis un être humain, je suis une personne et tout ce qui est du quotidien de l’autre m’interpelle de manière intime. Il n’y a donc pas de dissociation entre mon intimité et les sujets de société. Certains n’ont pas le pouvoir de le dire haut et fort mais moi je peux le dire. En chaque être humain, il y a une dualité. Le bien, le mal, le masculin, le féminin, certains se moquent de moi en disant que je suis très féminin, que ce que je fais dans mon travail fait partie du monde de la féminité. Pour moi il n’y a pas deux mondes, les hommes et les femmes, chaque être humain est seul. L’être humain est seul, qu’il soit
24
car l’émotionnel l’emporte. c’est la raison pour laquelle j’utilise dans ma performance du ruban adhésif avec l’intitulé “fragile” pour montrer qu’on ne sait pas ce que sera demain. On est appelé chaque jour à mieux faire sa vie
Ce qui m’intéresse c’est le caractère éphémère de la chose, la force d’une performance c’est l’inattendu. J’essaie de faire une performance interactive et que l’autre rejaillisse en bien ou
en intégrant cette fragilité de l’être.
en mal par rapport à ce que je fais.
Quelle place donnez vous à la performance dans votre travail?
(il essaie de me toucher le sein- je le
Je ne me pose même pas la question,
Là tout de suite tu me mets des limites
chaque jour est une performance,
: privé, boulot, le cadre est planté. Moi
chaque jour je vis en performance,
j’aime dépasser ce cadre implicite. A ce
dans le métro, dans la rue, les autres
moment précis on aura eu un moment
impliquent que je fasse une per-
de partage vrai.
repousse)
Le langage du corps est-il plus transgressif que le langage graphique?
dans la création contemporaine des dix dernières années...
Oui car la performance est tri-dimen-
Pour moi la mort est concrète. La mort
sionnelle, les tableaux n’ont que deux
m’a toujours un peu habité, j’ai perdu
dimensions, la performance c’est plus
ma mère pendant les guerres qu’il y a eu
que la structure. Le corps humain est à
à Brazzavile, j’ai un frère porté disparu
la base de mon travail car il est un centre
et une tante qui a été décapité. Une fois
de création en interaction avec l’autre.
que tu as été habité par la mort, ça te
Cela peut-être à distance avec des
suit un peu partout.
performances en vidéo mais il faut que ce soit au même moment. Pour moi le ressenti est mieux vécu, si c’est fait dans le même instant ce sont d’autres impressions qui se développent.
chaque jour est une performance, chaque jour je vis en performance
Qu’ exprimez-vous avec le corps que vous n’exprimez pas avec les oeuvres graphiques? Toute la différence c’est le temps. Je cours derrière le temps, à une époque, je
Vous mettez en scène un corps vivant dans la performance et dans vos oeuvres graphiques c’est un corps décharné...
portais même deux montres.
On vit de la dualite, l’alternance c’est
l’oeuvre. Le volume, la matière, tout est
la plus grande loi qui peut exister, le
réuni. Il est toujours là comme les éter-
beau, le vilain, le bien, le mal, la femme,
nels marcheurs de Giacometti, il court
l’homme. On tombe toujours sur l’unité
toujours.
Le corps est là vivant et il est là mort dans le même temps. Le corps va à la rencontre de l’autre plus vite que
à la fin. La mort est une vie, on né pour mourir, c’est le début d’un nouveau cycle, c’est une rotation. On a un point de départ pour aller à la fin, la fin qui est aussi un nouveau début. Je travaille en France depuis deux ans, le fait d’habiter en France a beaucoup changé, pas le même rapport, la performance est pour moi une ligne directrice pour casser un peu plus les tabous, car en France comme dans chaque pays il y a des codes, tout est normalisé. Quand tu en sors de fait car tu n’es pas né ici la performance est presque ta seule issue, aller au bout du décalage pour que finalement le décalage n’existe plus.
Le fait de représenter des têtes de mort dans votre travail vous rapproche d’une tendance envahissante
25
GASTINEAU MASSAMBA Gastineau Massamba, artiste permanent chez GALERIE KO21, est plasticien, visualiste et poète. C’est auprès de son père céramiste reconnu dans toute l’Afrique qu’il fit ses premiers pas dans le monde de l’art. La pénurie de pinceaux et de peintures en Afrique n’a pas arrêté sa création, au contraire, elle l’a contraint à s’interroger sur la pratique de son travail et sur lui-même. Dans un souci de cohérence, il cherche à transformer son approche. C’est avec une aiguille, du fil et de la toile qu’il trouvera sa nouvelle voie. En cousant, découpant, il se positionne dorénavant dans une logique environnementale en s’intéressant aux matières non polluantes. Il peut ainsi se réclamer citoyen actif de la protection de la nature. Son travail marqué par la guerre qui lui a pris des êtres chers lui permet de se guérir de ses blessures. Ses vanités viennent transcender l’horreur contemporaine. Toute la grâce du monde et toute l’humanité sont là, vivantes face aux ténèbres et à la cruauté.
The body of rue 11th arrondissement
by American filmmaker Karen D. McKinnon
Katniss Everdeen mourns over the body
future leaving little hope for those who
the two halves of my body. My eyes
of Rue and prepares a beautiful flow-
do not live in the rich and decadent
in the image were averted and lacked
erbed for her to lie in state in the film,
capital. Katniss becomes a symbol of
the ability to look at the lower half of
The Hunger Games. Her inert young
hope and inspires the rebellion.
my body. However, the reaction of my
body is lost to the world. She becomes
While studying at the Beaux Art in Paris,
classmates again was about the oppres-
the symbol that bonds the people from
I was asked by a friend and fellow stu-
sion the African-American woman must
the Districts together to protest their
dent to take part in her performance. I
be suffering and the downtrodden state
thought nothing of it but my role was to
of ‘her.’ The very image of a non-smiling
lie still on the floor. There was not talk
Black woman evoked automatic asso-
of colour before or that my black skin
ciations of oppression and the intent
was an important element of the role. I
to speak of desire in the universal was
happily played my role but the discus-
missed.
sion that followed turned into one of
Does that mean that the Black Woman
the unexpected, the disturbing.
is not able to feel the gamut of emo-
How dare she cast me in that role, our
tions without being labelled oppressed?
American guest artist teacher asked and
Does the colour of my skin preclude my
the other students proceeded to debate
ability to engage in a range of emo-
the demise of the black body. They
tions? My body becomes imbued with a
oppression from the State. Katniss goes
found it insulting that my classmate
series of preconditioned responses.
on to fight another day but the body of
would have me lying motionless on the
Were my responses preconditioned to
Rue, the girl of colour, the black body,
floor.
the scenes of one district in the film
yet a symbol is a corpse.
In Catching Fire, I was acutely aware
Catching Fire being dominated by a sea
of District 11 and how black residents
of Black bodies where the other districts
The Hunger Games and Catching Fire
dominated it. I sat in the theatre think-
had few? The exception was the capital,
are the first two installments based on
ing was this an intentional choice. I had
where there was a wave of bodies of all
books of the same name. They follow
not read the books thus I had not prior
colours.
the film’s lead Katniss and a group of
knowledge of the underlying stories
young teenage men and women who
that formed the film.
The body of Rue, is it any good to con-
are selected from their District to fight in
In an artwork that I did while a student
tinue thinking about the black body and
barbaric games where only one winner
at Goldsmiths College, I mounted a
differences? But the impact on seeing
will live. The country was at war with
photographic installation of the top half
your image on screen and in popular
itself for many years and the Games
of my body facing across from an image
media is not to be underestimated in
serve as a way to remind the citizens of
of the lower half of my body. The work
the health of our society. The debate
the country what they have left behind
was mounted on aluminum thus creat-
straddles people on both sides of the
and at the same time satisfy their
ing a surface where the viewer was also
fence. Many feel that the very pointing
appetite for war. It sets out a dystopian
reflected in the image caught between
out of this lack of colour on screen and
Amandla Stenberg (“Rue”) stars in Lionsgate Home Entertainment’s THE HUNGER GAMES. Photo credit: Murray Close
26
started? Both discord-
to make a series of video performances
ant sentiments fell to
telling humorous stories about desire. I
the background as the
look at these video performances now
great Hollywood mar-
and am aware of so many body politics.
keting machine ground
Thank goodness I was free and not bur-
into motion.
dened in those performances by sexual
Lenny Kravitz (“Cinna,” ), Woody Harrelson (“Haymitch Abernathy,” and Josh Hutcherson (“Peeta Mellark ,”) star in Lionsgate Home Entertainment’s THE HUNGER GAMES. Photo credit: Murray Close
in popular media is more divisive than productive. Yet, if it is not discussed, how do we change and find ourselves in a more balanced society? The casting of a black young actress in the role of Rue invoked controversy among some fans. Those fans expressed outrage that Rue would be a black character. However, the books described Rue as someone with dark brown skin. This divisive dialogue shoved into the light by certain fans only confirmed that race issues in America are not silenced. There is a segment of society that would be pleased to see no representation of the black body on screen. The filmmakers stood firm and continued with their vision for The Hunger Games. Yet, this vision excluded even the possibility of the lead character, Katniss Everdeen, being cast as a person of colour. A commentator pointed out that Katniss was described in the books as someone with olive skin and dark hair. The casting of a white fair skinned actress caused discord among fans. The filmmakers only requested that Caucasian actresses audition. I did sit in the cinema and wonder why Katniss looked unnaturally orange. It was a spray tan definitely gone wrong, but couldn’t they have corrected it before filming of the movie
27
politics and the body. I was just taking a video selfie and deconstructing desire.
The Hunger Games deal with class
My image in those performances did not
oppression where inhabitants of the
automatically evoke despair because
districts are forced to live in servitude to
here was a black woman talking about
the State. Is it possible that The Hunger
“jet setting” around Europe and America
Games: Catching Fire holds a message
and telling stories of romantic encoun-
on the oppression of the body and
ters while dissecting their underlying
colour? What is going on in District 11?
meanings in a humorous manner.
Is there a message here? Or is it just my
This young body of Rue lying inert sur-
leap from the oppression by the State to
rounded by the sorrow and compassion
what has been a systematic oppression
of Katniss suggests a depth of emo-
of the black image?
tion brought on by the loss of a friend. Colour does not enter that sorrow. Per-
I began to suppress my own image as
haps, it is the ultimate statement of love
an artist. If I could not have control of
and friendship to be colourless.
my image, I did not want anyone else to hijack that control. I was asked to play a
Karen D. McKinnon is an American writer and
black Virgin Mary by a fellow artist who
filmmaker based in London. Her film Making
put his spin on the Mother and Child. I
History (2008), co-directed with Caecilia Tripp, is
would be the Madonna holding a white
part of the Travelling Caribbean Film Showcase
adult Jesus. His photo turned out to
and showing at festivals around the world. She is
be exquisite but I was scarred by my
currently developing her first feature film.
experience in my friend’s performance
Credit; Stolen Dreams, still film image: Karen D. McKinnon
in Paris and by the reaction to my own photographic selfie. I decided I could not give him control over my image. I chose to keep a tight reign from then on how I would put myself in front of the camera. I began
Naissance et mort Par Frieda Ekotto
La naissance de mon corps
couchée sur un lit d’hôpital. Des tubes
sauver.
traversent son nez, et ressortent par la
Les saignements de ma mère sont de
bouche. Des transfusions accrochées sur
plus en plus fréquents et de plus en
les deux bras l’alimentent en solutions
plus abondants. Ma vie court de graves
sanguine et glucosée. L’une est sombre
dangers. Une évacuation sanitaire
et l’autre transparente. Enveloppée dans
s’impose. Ma mère est transportée en
un drap blanc que recouvrent d’autres
Suisse où elle recevra des soins plus
De tous les remords de l’homme, le plus cruel peut-être est celui de l’inaccompli.
draps blancs, ma mère ressemble à un
pointus, car ma naissance s’annonce très
objet étrange. Pour moi, c’est le pendant
problématique. Ma vie et celle de ma
photographique de l’autoportrait de
mère ne tiennent qu’à un fil. Pendant
Frida Kahlo sur son lit d’accidentée de
l’évacuation, la moindre secousse extir-
la route. Au chevet de ma mère, veillent
pent les tubes de sa bouche et de son
Marguerite Yourcenar
deux médecins chinois. Ils sont habillés
nez. Les médecins et les infirmiers qui
en blanc des pieds à la tête.
sont à bord s’affolent. Dans l’avion, le
col de l’utérus s’ouvre et libère l’enfant.
Je regarde cette photo pen-
dant des heures, car elle me trouble
L’essence du sang dans sa fragrance
profondément. En fait, elle raconte ma
envahit l’espace, mais une autre odeur
sance? Rien ou presque rien. Ce dont
naissance. Cet appareillage médical
entêtante comme celles des fleurs
je me souviens, ce sont des histoires
est destiné à répondre à la question
distille le parfum d’une vie saine. Je
et des émotions différentes à chaque
suivante : comment sauver l’enfant que
visualise cette scène : elle représente le
récit que me faisait mon père ou ma
porte ma mère? Lequel, de la mère et de
silence qui suit ou qui précède ma nais-
mère. Une image domine toutes ces
l’enfant, est au plus près de la mort? Ma
sance.
tentatives de narration : c’est la photo
mère a passé presque neuf mois dans
qui trône sur le bureau de mon père. Je
un lit, isolée de ses deux autres enfants
Si en effet, j’ai mon mot à dire sur le
m’arrête toujours devant elle lorsque je
et de son mari. Elle a saigné tous les
corps vivant, mon corps, je sais aussi que
pénètre dans sa bibliothèque. Le tirage
mois pendant que je grandissais dans
je n’aurai pas le mot de la fin sur le corps
en noir et blanc représente ma mère
sa matrice. La médecine a ses limites
mort, mon corps!
Que sais-je de ma nais-
mais mes parents sont déterminés à me
28
La mort de mon corps
retombant, les morceaux de ma peau s’accrocheront ici et là à des brindilles.
De toute évidence, la question
n’est pas là. On naît seul comme on meurt seul. Le corps, à la naissance, est
Aucun amour au monde ne peut tenir lieu de l’amour Marguerite Duras La mort nous rabaisse ; c’est un moment redoutable pour les vivants. La mort qui me hante est celle des personnes que j’aime. En imaginant la mort des autres, j’imagine la mienne. Je rêve d’une mort céleste, je veux dire, aérienne. Une mort sans traces. Peut-être suis-je déjà avec les anges en pensant de la sorte. Peutêtre que les débris de mon corps ne seront jamais retrouvés. Je ne le saurai jamais moi-même, je serai déjà loin, je ne serai déjà plus.
Parce que je suis née dans un
avion, je songe à une mort très rapide – un crash d’avion, par exemple –, où mon corps se disperserait dans les nuages. En
29
tout petit et, à la mort, il est plus grand même s’il se retrouve quelque peu rétréci. Entre la naissance et la mort, il y a un lien : l’innommable, le silence. Personne ne saurait l’objectiver. Notre apparence nous entretient dans l’illusion qu’il est possible de savoir. Quand je contemple les représentations de la mort par Frida Kahlo, qui la montrent si rabougrie dans son lit minuscule où la douleur la submerge, je me vois sans façon disparaître dans le néant.
Ma consolation – ma dernière
image en quelque sorte – serait d’ex ploser en mille morceaux comme signe d’hommage ultime à cette destination inconnue qu’est la vie.
Maria Magdalena Campos-Pons Relations et traversées
Maria Magdalena Campos-Pons (née en 1959 à La Vega, Cuba) est une figure majeure de la scène cubaine et de la scène nordaméricaine. À travers une pratique protéiforme qui s’étend de la peinture à la sculpture, en passant par la vidéo, la performance et l’installation, elle formule depuis les années 1980 une œuvre conçue comme un dialogue avec son histoire et celle de ses ancêtres africains. Elle développe une pratique où autobiographie et mémoire collective se rejoignent au cœur d’odyssées partagées.
Par Julie Crenn
D’exils en exils
cinement culturel, la représentation du
Lors de ses études à Cuba, Maria Mag-
corps et la mémoire noire. Elle travaille
dalena Campos-Pons peint et sculpte,
essentiellement sur l’histoire du peuple
elle produit un discours engagé dans le
africain-cubain et africain-américain, en
combat féministe. Elle choisit de pour-
explorant des thématiques comme la
suivre sa formation au Canada, puis aux
créolisation, l’appartenance territoriale,
Etats-Unis où elle s’installe à partir de la
l’histoire de l’esclavage et le multicultur-
fin des années 1980. Un déplacement
alisme. Le déplacement et la diaspora
qui dynamise sa carrière et qui l’amène
noire (subie ou choisie) sont deux
à faire des rencontres décisives comme
éléments également importants pour
Lorna Simpson et Carrie Mae Weems,
l’artiste qui s’attache à l’analyse de son
deux photographes postmodernes
histoire.
et féministes dont elle va s’inspirer. À
En 1991, elle intègre le Boston Insti-
partir de 1989, elle délaisse la peinture
tute of Contemporary Art, où elle se
et la sculpture pour se tourner vers la photographie, la vidéo et l’installation. Elle mène ainsi une réflexion sur son corps, son histoire personnelle et la séparation avec Cuba. Elle réfléchit sur le déra-
30
53+1=54+1=55. Letter of the Year Multimedia installation in collaboration with Neil Leonard Courtesy Maria Magdalena Campos Pons
concentre essentiellement sur une
l’océan va jouer un rôle crucial dans son
d’eau. La colonne (qui symbolise la dée-
pratique photographique basée sur
œuvre, puisqu’il est le lieu du passage,
sse de la mer, Yemaya, issue de la culture
l’autoreprésentation. En 1996, elle
du traumatisme, mais il est aussi un
yoruba) porte les mots BRAIN et HEART.
présente une série de Polaroids couleurs
espace « entre » que l’artiste va explorer.
Les deux parties du corps sont encer-
intitulée When I’m Not Here / Estoy Allà.
L’océan Atlantique sépare deux conti-
clées de fils de fer barbelé, eux-mêmes
Identity Could be a Tragedy. Six auto-
nents qui lui sont chers, les Amériques
mêlés à des fils de laine multicolores.
portraits en buste où elle apparaît nue
et l’Afrique, il recèle l’histoire de celles
L’œuvre traduit une nouvelle fois une
et où sa peau est recouverte de boue
et ceux qui l’ont traversé, soit en quête
double conscience, une blessure mais
blanche. Sur son corps sont inscrits les
d’un Nouveau Monde, soit contre leur
aussi un besoin d’être ici et là-bas, en
mots du titre. Ses yeux sont clos, elle
gré. Ses ancêtres ont connu un déracin-
Afrique et à Cuba.
est immobile. Ses cheveux
L’océan, lieu de la Relation
sont tressés de manière
Alors que Maria Magda-
anarchique. Les images subis-
lena Campos-Pons quitte
sent une altération, l’artiste
Cuba et s’installe aux
procède à un blanchissement
États-Unis, la séparation
progressif jusqu’à obtenir une
est prégnante. Les notions
peau irradiée par la lumière.
de voyage et de déplace-
Identity Could be a Tragedy
ment sont induites dans
est une traduction de la
chacune de ses œuvres. Un
double conscience culturelle :
voyage extérieur, celui de
africaine et occidentale.
son expatriation et un voy-
L’identité peut être une tra-
age intérieur, mental, entre
gédie si un individu s’enferme
le passé et le présent. Le
dans un concept fermé.
vecteur de cette réflexion
Alors, elle devient un poids,
est incarné par ses longues
une pression sociale trop
tresses, qui, telles des
importante. L’identité peut
racines, relient son corps
également être une tragédie
à l’océan qui symbolise
lorsqu’elle est vécue comme
les troubles et la violence
un deuil, celui de ses ancêtres
de la diaspora. Il sépare
ou celui d’une histoire collective douloureuse que les nouvelles générations doivent porter et transmettre. La perte d’une culture,
Elevata 2004 composition 20x24 Polaroid polacolor #7 24X30 each Courtesy Maria Magdalena Campos Pons
et unit en même temps. Il est un espace entre-deux, entre les époques, les territoires, les civilisations,
africaine-cubaine, causée par son départ
ement violent et brutal. Un arrachement
les langues et les hommes. Un territoire
aux États-Unis, est une perte que Maria
qui est à la base d’une œuvre comme
inconnu, un no man’s land entre les con-
Magdalena Campos-Pons doit sans
Everything is Separated by Water,
tinents, angoissant et captivant. L’artiste
cesse dépasser.
Including my Brain, my Heart, my Sex,
introduit son propre corps dans cet
Identity Could be a Tragedy marque une
my House (1990). Il s’agit d’une installa-
entre-deux pour reconstruire son iden-
étape importante dans sa réflexion non
tion présentant le corps d’une femme
tité et son histoire. Une œuvre comme
seulement sur l’identité, mais aussi sur
nue, divisé en deux par une colonne
Nesting IV (2000) prolonge la réflexion
l’histoire africaine-cubaine. En ce sens,
architecturale formée d’une cascade
engagée avec Everything is Separated
31
by Water (1990). Dix années après, le
devaient lui demander de ramener à
corps de l’artiste n’est plus évoqué
Cuba des objets dont elles ont besoin
de manière symbolique, il s’agit d’un
et dont elles manquent. Au cœur de ce
autoportrait photographique composé
projet collectif se trouvait un person-
de quatre images disposées horizon-
nage, FeFa, incarné par l’artiste. « FeFa
talement. Coupé en deux, le corps de
est le résultat d’une réflexion sur notre
l’artiste est prolongé par des pelotes
période de mondialisation. Elle est là
de tresses. Au centre, l’océan sépare et relie, tandis qu’une tresse traverse les quatre images. Ses yeux sont clos,
Detail of 53+1=54+1=55. Letter of the Year Multimedia installation in collaboration with Neil Leonard Courtesy Maria Magdalena Campos Pons
pour unir, pour tisser des liens. D’une certaine façon, FeFa essaye de ʺréparer les distancesʺ, de créer des ponts.
son visage manifeste un sentiment
libération et de dialogue.
J’utilise l’image de FeFa, comme une
d’apaisement et de tranquillité. La vio-
FeFa !
femme-personnage hybride qui com-
lence et le déchirement exprimés dans
Ses productions récentes soulignent un
porte tous les composants de la culture
les œuvres antérieures ont disparu. Si
sentiment de nostalgie accompagné
cubaine que je peux retrouver dans ma
dans les années 1990 son corps appara-
d’une réflexion tournée vers l’autre. Lors
propre famille d’ancêtres asiatiques,
issait de manière fragmentée, découpée,
de la Biennale de la Havane en 2012,
africains, arabes, européens. » Le projet
les œuvres produites au début des
elle a mis en œuvre un projet multidisci-
Llegooo ! FeFa est à la fois un prolonge-
années 2000 reflètent une cicatrisation.
plinaire intitulé Llegooo ! FeFa. Pendant
ment et une mutation de ses premières
En 2002, elle réalise Elevata, une œuvre
un mois, le public pouvait interagir
œuvres consacrées à l’exil. Le person-
composée de seize photographies. Le
avec une installation coproduite avec
nage de FeFa peut être compris comme
corps de l’artiste apparaît dans la partie
Neil Leonard. L’œuvre était compo-
un alter ego de l’artiste, de sa situa-
supérieure. Sa tête est tournée vers le
sée de deux tables se faisant face, sur
tion diasporique, mais aussi celles des
bas, ainsi ses longues tresses de cheveux
lesquelles étaient disposés des pains
Cubains exilés et des diasporas au sens
évoluent dans un espace bleu, marin,
fabriqués par dix boulangères cubaines
global. En se basant sur son expérience,
d’où surgissent des éléments circulaires
et dix boulangers de Boston. Les vingt
Maria Magdalena Campos-Pons a peu à
auxquels elles viennent s’amarrer. Ici, le
boulangers ont travaillé ensemble,
peu élargi son propos à l’expérience dia-
corps de l’artiste est le point de départ
d’abord à Boston, puis à la Havane, ils
sporique de manière universelle. Au fil
d’une relation de type rhizomique
ont ainsi pu mélanger leurs connais-
du temps, elle est parvenue à une déter-
avec le monde. Son corps est une île
sances et leurs compétences. Sur et sous
ritorialisation progressive de son histoire
appartenant à l’archipel de la mondial-
les tables étaient posés des bandes de
qui n’est plus aujourd’hui tiraillée entre
ité. Elle dépasse ainsi les problématiques
tissus bleus, des bobines attachées aux
deux pays, deux territoires. Elle s’inscrit
identitaires pour atteindre une nouvelle
tables, qui, sur le sol, ressemblent à des
désormais dans une célébration de la
réflexion basée sur sa relation au monde
racines évoluant dans l’espace. Entre les
diaspora noire dont elle observe chacun
et sur son statut diasporique. Constella-
deux tables était tendu un rideau formé
des mouvements. Elle produit ainsi un
tion (2004) marque cette nouvelle étape
de verres à pied. Nous retrouvons un
métissage des idées et des formes, qui
puisque dans cette composition de
élément fragile, imposant, pour délim-
se trouve au cœur non seulement de sa
seize photographies, seules les tresses
iter deux espaces. Près du rideau, un
pratique, mais aussi de la culture afric-
subsistent. Les éléments circulaires
monticule de petits paquets recèlent
aine-cubaine dans son ensemble.
sont ici formés de boules de cheveux
des messages et des objets. L’artiste
Julie Crenn
reliées entre elles par de longues tresses
a effectué des recherches auprès de
Docteure en histoire de l’art, critique
entremêlées. Ces œuvres traduisent
familles cubaines dont l’un des leurs
d’art et commissaire d’exposition.
le concept de déterritorialisation, de
s’est installé au Nord. Ces dernières
http://crennjulie.wordpress.com/
32
1-6Â : Identity Could be a Tragedy 1996 20X24 Polaroid Composition of 6 Courtesy Maria Magdalena Campos Pons
33
34
35
Decoloniality and the white saviour industrial complex by Alanna Lockward
One of the myths about the invasion
the first minutes of the work “Other”
of the Americas by white Europeans in
by Australian Aboriginal artist Tracey
1492 that I find equally repulsive and
Moffat, when the native Arawak
appealing is the notion that the local
watched European greed materialize
inhabitants were unable to see what
in front of them in the form of those
was in front of them on the horizon. It
infamous three ships.
repulses me because of the implication
At this meeting, the white-hegemonic
about the alleged ‘savagery’ of the local
patriarchal, Western and hetero-
inhabitants which justifies the perennial
normative discourses on ‘good’ and
myth of the European civilizing mission
‘bad’ art were paired with parallelisms
and it attracts me because the possibil-
between “the necessity of political
ity of creating new words to describe
art to be more aware of its visual
new worlds is indeed intrinsic to my
character” and the “transcendental
work as writer and curator. The notion
beauty of the works by Caspar David
that Christopher Columbus and his
Friedrich”, the quintessential hero of
three Carabelas were an impossibility, a
Nazi Germany. When I addressed some
reality that they had no way of decipher-
salients aspects of this outrageous
ing due to their lack of words for them
approach to art traditions, narratives
is both fascinating and terrifying. They
and practices in our planet, that I will
simply “did not see it coming”.
later analyze as epistemically violent
In the context of a European meeting of
with respect to my presence as a Black
curators, artists, sociologists and phi-
scholar and curator, my arguments were
losophers around the subject of political
dismissed in a symptomatic manner.
art, I realized that a very similar situation
I will also explain later why the use of
was being performed in front me, as in
‘symptomatic’. But first, let me go back
36
Alanna Lockward by Juan Delancer, 2014
to this moment of “not seeing it coming”. In order to clarify the usage of the ‘we and ‘the other’ a quintessential Kantian construction that differentiates between the Anthropos and the ‘man’, which I pointed out at the opening day to a philosopher, I decided to start my lecture by presenting the above mentioned video-art Other. As Walter Mignolo explains : “This seven minutes video is composed of a montage of clips taken
(sometimes known as european ‘ political art’) from Hollywood and Hollywood-type
issues of migration and racialization in
of that particular meeting, and on the
movies, where the anthropos (Others,
Europe both in academia and in the arts,
other hand to state my utmost respect
non-Euro-American whites) around the
I am perfectly aware that the majority
for the so-called Eurocentric critique of
world are portrayed. [...] In the second
of white people, and let me add, white
Eurocentrism. This type of scholarship
part, the video collects scenes in which
liberals, have a symptomatic reaction to
is by all means a blessing compared to
People of Color, men and women, and
their named whiteness: they either feel
the level of discourse presented at this
white men and women fall in love with
insulted or eventually protect them-
meeting were intersectionality, one of
each other, or reached a situation in
selves with what Gayitari Spivak has
the main contributions of Black Femi-
which the embrace of friendship and/or
conceptualized as sanctioned igno-
nism that outlined the interdependence
passion dissipated the mutual fear and
rance, which translates into common
between gender, racialization and
disrespect. However, love and friend-
places such as “This is my philosophical
class, played only the role of an excuse
ship as ‘good’ as it seems are always in
tradition and this is how I learned to
for mockery and trivialization. Actu-
the white man’s imagination. People of
explain myself, etc.”
ally these sociological categories were
Color are portrayed; they do not have
For the sake of building an argument
completely absent in all of the presenta-
the opportunity to portray. The second
based on what is already considered as
tions that, I repeat, discussed the role of
part shows the generous inclusivity of
canonical text in European philosophi-
‘political art’, curating and funding it in
white filmmakers who keep for them-
cal traditions, I resonate with Jean-Paul
Europe. Go figure.
selves the privilege of being generous
Sartre´s introduction to the Négritude
Sartre, the last European intellectual
and inclusive.” (Mignolo 2012:117).
poets, in 1948, with the emblematic
to engage in a systematic way with
And it is this ‘generosity’ of the activism
essay Orphée Noir. This Eurocentric
the aftermaths of colonialism chose to
of white European ‘political art’ what
point of departure for my arguments
unlearn his privileges (to quote Spivak
permeates what I believe is sympto-
is meant, on the one hand, to position
again) and conducted himself with a
matic of the White Savior Industrial
this exercise in pedagogy as a mean to
certain degree of transparency always
Complex. Having been part as an
facilitate the understanding of the grav-
acknowledging his position as a white
activist of several spaces dealing with
ity of the issues at stake in the context
European and addressing his counter-
37
parts as constructed ‘others’. Very aware
of a conference where I participated at
‘twitter theorization’ coined the term
Sartre was of how to use the ‘we’ and
the University of Warwick, Sociology
White Savior Industrial Complex, in 2012,
the ‘them’. After him came Focault and
Department, in December 2013. My
using this social media and after that
Barthes, post-structuralism and limbo
presentation was framed in the panel
has expanded on his initial reflections.
for any discussion that linked European
entitled Diasporas, Multiculturalism and
These are the seven Tweets that gener-
modernity to its colonial enterprises.
European Identity. The group of mainly
ated his conceptualization:
I will once again recur to the moving-
sociology scholars that organized this
“1- From Sachs to Kristof to Invisible Chil-
image to help me synthesize ideas that
meeting have invited me a couple of
dren to TED, the fastest growth industry
otherwise would require a much longer
times before to similar workshops since
in the US is the White Saviour Industrial
argumentation. After keeping Roland
2011. In other words, this type of discus-
Complex.
Barthes as the only white-hetero-nor-
sions are already part of mainstream
2. The white saviour supports brutal
mative-hegemonic-Christian-Patriarchal
academia. So please bare with my
policies in the morning, founds charities
theoretician that my decolonial affilia-
authentic astonishment with the fact
in the afternoon, and receives awards in
tion could still rescue and occasionally
that I had to explain why using the ‘we’
the evening.
even quote, a documentary film about
in a public lecture without reflection is
3. The banality of evil transmutes into
his grandfather´s foundational role
a highly questionable practice by any
the banality of sentimentality. The world
in the colony of Ivory Coast made by
standards, even in the symptomatically
is nothing but a problem to be solved
Vincent Meessen, (Vita Nova, 2011),
underdeveloped European Human
by enthusiasm.
has left me now without any excuses
Sciences. The Warwick meetings and
4- This world exists simply to satisfy
to renew my fidelity to his wonderful
the events that I organize as a curator
the needs—including, importantly, the
Myths. And I shall miss them indeed.
have also done some damage to my
sentimental needs—of white people
This film was the confirmation I was
understanding of the issues at stake. I
and Oprah.
not looking for because it was way too
have obviously lost contact with reality,
5- The White Saviour Industrial Complex
painful, even for me as a Black scholar,
and this type of wake-up call is a more
is not about justice. It is about having a
to accept it. My suspicions on the
than welcomed opportunity to thank
big emotional experience that validates
deliberate concealing of colonialism in
once again the contributions of so many
privilege.
European contemporary philosophy, of
decolonial scholars, artists and activists
6- Feverish worry over that awful African
what Nigerian novelist, Chimamanda
in Europe that are working incessantly
warlord. But close to 1.5 million Iraqis
Ngozi Adichie has conceptualized as the
to create the inclusive and liberating
died from an American war of choice.
“stories that Europe tells itself about its
dialogues that are so urgently needed.
Worry about that.
colonial past”, are poetically embedded
7- I deeply respect American sentimen-
and dramatically substantiated in this
At the meeting where ‘good’ art was
tality, the way one respects a wounded
documentary. Why did Barthes never
discussed in terms of a so-called param-
hippo. You must keep an eye on it, for
discussed the role of his grandfather as a
eter of ambiguity (‘good’ art must
you know it is deadly.”
French colonial ‘hero’ in his writings and
always be ambiguous) I decided to pre-
These lapidary statements by Teju Cole
chose instead to re-invent himself as an
sent myself as a curator of really ‘bad’,
articulate a quintessential decolonial
anti-imperalist without any personal ties
‘unambiguous’ art, therefore addressing
perspective.
to this genocidal enterprise?
the salvationist rhetoric of the civilizing
Decoloniality questions the very
mission of some European ‘political art’
notion of ‘universality’ and ‘civiliza-
The Crisis of European Cosmopolitanism
which is extremely problematic by any
tion’, or rather ‘the universality of
in the Age of Austerity: Multicultural-
standards. Nigerian-American writer
civilization’. The rhetoric of ‘modernity’
ism and Colonial Legacies, is the title
Teju Cole on what we could now call
and ‘progress’, key words to justify
38
Western expansion, always carries a
our vocabulary. Artists, activists and
thinkers in Europe beyond racial divides.
secret weapon, which is articulated
scholars share their knowledge on equal
We talked about the legacies of Angela
through dispossession, exploitation
terms during rich and diverse discus-
Davis, a former student of Herbert
and ultimately, genocide: coloniality.
sions. Film and video-art were equated
Marcuse, and Richard Wright, who first
By exposing the notion of inseparabil-
in status, the industrial character of
published Black Power (1954) in London,
ity between modernity and coloniality,
the former shared the same screening
inspired by Pan-Africans such as George
decolonial thinkers state that there is no
format and set-up as the later. These
Pademore and Kwame Nkrumah.
such thing as an autonomous European
events have created a paradigm shift in
Sonderweg of modernity. The colo-
In these meetings
nial and its exploited, dispossessed,
we constantly chal-
enslaved and exterminated subjects
lenge Euro-centric
have always played a crucial role in
perspectives on
creating, defining and literally ‘feeding’
knowledge and
modernity.
beauty which are a pervasive legacy
Decolonial Aesthetics refers to ongoing
of Emmanuel Kant,
artistic practices responding and delink-
the first philosoph-
ing from coloniality, the darker side of
ical advocate of
modernity and imperial globalization.
the White Saviour
This concept emerged from the work
phenomenon.
of the collective modernity/coloniality/
Here is a self-
decoloniality1, based on the seminal
explanatory
conceptualization by Peruvian humanist
quote from
and sociologist, Aníbal Quijano.
African philosopher Emmanuel
From the decolonial perspective, we
Chukuwdi Eze in
have never abandoned “home” (coloni-
his extraordinary
ality). The process of decolonization of
essay The Color of
our minds involves a realization of this
Reason:
fact. We have always been here as the hidden side of modernity, therefore our
“....Kant Is able to
presence is self-explanatory. During
hold [these views
BE.BOP. BLACK EUROPE BODY POLITICS,
Whip it good!!, Jeannette Ehlers
of] the african
a trans-disciplinary event I have been
because, thanks
curating curate at Ballhaus Naunyn-
to transatlantic
strasse in Berlin, since 2012, we become
decolonial sensing, thinking and doing.
mercantilist slave trades [and I add: plan-
centered in our own experiences within
BE.BOP 2013, entitled “Decolonizing the
tation economy], Kant sees and knows
a pan-European context. We talk
Cold War”1, was dedicated to expos-
that, in fact, African slaves are flogged,
between ourselves, to ourselves, about
ing how the Black Body as a space of
‘trained’ in his words, as European labor.
ourselves in a banquet of identities. The
dignity, power and beauty permeated
More generally, and from a philosophi-
so-called “post-racial”, “post-identity”
the radical imagination of artists and
cal perspective, and perhaps in a more
or “post-Black” eras are oxymorons in
39
1
http://decolonizingthecoldwar.wordpress.com/
subtle way, Kant’s position manifests
an inarticulate subscription to a system
Mignolo adds: “Times have changed.
Pentacostal, Rastafari and Vodoun meet
of thought which assumes that what is
‘We are here because you were there’
at this crossroads with a decolonizing
different, especially that which is ‘black’
as the dictum goes to understand the
agenda to sanctify liberation on earth.
is bad, evil, inferior, or a moral negation
historical logic of coloniality hidden
It’s time for us to save ourselves. and
of ‘white’, light, and goodness. Kant’s
under the rhetoric of civilization, pro-
that will be a process that will impact
theoretical anthropological edifice, then,
gress and development of modernity.
upon everyone hence its universality.
in addition to its various conscious and
Europe is not only in the most spec-
That is what BE.BOP 2014 is about, re-
unconscious ideological functions and
tacular political-economic crisis, but it is
positioning the non-secular in the white
utilities, had uncritically assumed that
also being radically transformed by the
house reminding it of its hidden myths,
the particularity of European existence
rumor of the disinherited. Kant couldn’t
of its symptomatic denials and vacuums.
is the empirical as well as ideal model
have imagined at that time that his ideas
of humanity, of universal humanity, so
in Observations and The Contest will
that others are more or less less human
be contested by people, now European
or civilized (‘educable’ or ‘educated’) as
residents and citizens who he, Kant,
they approximate this European ideal.”
considered lesser human and far away.
(Eze 1997:116-117)
BE.BOP 2012, and what is to come in the future, is a signpost of the reversal of
As Walter Mignolo explains: “Indeed,
fortune: the sign that decolonial forces
“philosophical aesthetics” was and still
are liberating aiesthesis and by doing
is a conceptual apparatus to control
so liberating the sensibility that was
(include and exclude) sensing, sensibility
politically and legally enunciated in the
and to shape the population—aesthetics
‘Declaration of the Right of Man and of
was clearly linked to the national-state
Citizens.’ We know very well now what
emerging project in Europe at the end
‘Man’ meant and who the ‘Citizens’
of the Eighteenth Century. It was neces-
were.”
sary to shape the taste of the citizens, parallel to civic education. Kant was not
DIASPORA SPIRITUAL REVOLUTIONS
only influential in shaping aesthetics
is the title of BE.BOP 2014. As I have
principles. He was decisive in shaping
explained, previous BE.BOP events
epistemology and in lining up the mod-
have engaged European audiences in
ern university of the Enlightenment. The
intricate detail with the outrage gener-
Contest of the Faculties (1798) remains
ated by Black/African Diaspora peoples
as a pillar for the organization of the
when confronting a racist world order
secular field of knowledge. It was indeed
structured along the lines of colonial-
a potent move to take away the control
ity. BE.BOP 2014 wil bring re-existence
of education from the Church and the
into the hallowed grounds of healing.
Monarchy and to form the sensibility
An Afropean sensibility reaches out to
of the emerging ethno-class: the white
gather diverse Diaspora cosmologies
German (and European) bourgeoisie.
and spiritual forms of knowing in order to illuminate the experiences of the
In discussing the role played by BE.BOP
Black Body in Europe. African Baptism
within Kantian epistemic continuities
and Methodism, Ethiopianism, Orisha,
40
The so-called “post-racial”, “post-identity” or “postBlack” eras are oxymorons in our vocabulary
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Le corps et l’oiseau par Diane Chavelet Crédit photo : En guise de divertissement© Mickaël Troivaux Illustrations : © Kara Walker
Un OVNI semble survoler la littérature
Jan, locataire d’un immeuble fantôme,
n’avait encore nommé, couleur de feu
et l’art d’Afrique subsaharienne et de
destinataire ulcéré des mille question-
sombre dans des reflets crépusculaires »
la diaspora. Nous en avons trouvé des
naires qu’une entité gouvernementale
dans le conte de Chamoiseau, Glan-Glan
traces significatives chez l’écrivain
ne cesse de lui envoyer afin de le
l’oiseau craché4 ou bien dans son roman,
martiniquais Patrick Chamoiseau, le
classer dans une catégorie, n’a pour
Les neuf consciences du Malfini5 « Une
dramaturge et romancier togolais Kossi
réponse qu’une inlassable chanson-
chose. (…) une tête, affublée d’une
Efoui, la plasticienne américaine Kara
nette, « silence, on vient ! ». Cet appel au
huppe insensée, qui paraissait ignorer
Walker, entre autres… L’animal voy-
tragique et à l’humain, invocation d’un
dans quel sens se tenir (…) Mais elle
age vite et partout, bouleverse des
autre qui n’arrive jamais, ne trouvera
dégageait une singularité impossible à
esthétiques totalement différentes
d’écho que lorsque des forces de police
définir (…) une alchimie aussi imprévis-
sans scrupules, passe les frontières des
viendront l’expulser, à son grand sou-
ible que les scintillements de ses plumes
genres sans passeport. Un anarchiste
lagement.
écailleuses» ou même, dans En guise de
contagieux, dangereux, polymorphe,
Volatiles2 qui traversent toute l’œuvre
divertissement, ce grand spectre blanc,
qui s’exprime dans une langue venue de
du romancier et dramaturge, jusqu’à sa
figure anthropomorphe soutenue par
l’espace. Nous le traquons, en viendrons
dernière pièce, En guise de divertisse-
quatre histrions fiers de l’avoir ressus-
à bout. Compte rendu ci-dessous.
ment3, mais qui voyagent aussi dans les
cité. Car l’oiseau, avant d’être drôle, est
romans et les contes de Chamoiseau,
rare. Inclassable, c’est par choix qu’il
comme tout droit sortis d’une composi-
semble l’être devenu, choix de se nourrir
tion de Kara Walker.
de tout ce que lui offre le monde pour
« Drôle d’oiseau » pour se rappeler cette
Drôle parce que jamais vu, l’oiseau
composer son chant hybride, modulé
minuscule pièce de Kossi Efoui, Mono-
dont ces artistes veulent nous parler
de toutes les voix : « Cela me laissa très
logue pour un drôle d’oiseau , satire
est d’abord celui « qu’aucun chasseur
vite le sentiment d’une liturgie dans
2 Volatiles, Éditions Joca Seria, Nantes, 2006. 3 En guise de divertissement, inédit, compagnie Théâtre Inutile, Amiens, 2013
4 in Au temps de l’antan, contes créoles, Hatier, Paris, 1988, p. 64 5 in Les Neuf consciences du Malfini, Gallimard, Paris, 2009, p.25, 32
Drôle d’oiseau
1
d’un fascisme politique dans laquelle 1 La Ballade des voisins anonymes, monologue pour un drôle d’oiseau, Paroles d’Aube, 1998. Réédition Lansman, 2011.
42
laquelle il parlait en chantant, et chan-
ne puisse l’ingérer sans provoquer le
tait en parlant. (…) Comme si tous les
chaos7.
oiseaux du monde avait chanté en lui. Et pas seulement les oiseaux, mais tout ce qui vivait ici ou ailleurs, capable ou pas d’harmoniser des cris. 6» Hybride de corps et de chant, l’oiseau figure le marginal, errant curieux qui s’approprie tout ce qu’il croise pour composer un patchwork qui devient
Hybride de corps et de chant, l’oiseau figure le marginal, errant curieux qui s’approprie tout ce qu’il croise pour composer un patchwork qui devient son plumage,
son plumage, qui assimile tout ce qu’il
Ainsi c’est le cou qu’elle tord d’abord, tout comme le personnage de la composition de Walker, apparemment prise d’une fringale similaire, arrache la tête du coq qu’elle poursuit et la porte à sa bouche, ôtant d’abord à la volaille la capacité de chanter. Arrêtons-nous un instant sur cette figure : ici, pas de doute, l’oiseau est identifié, identifiable, il est le coq d’un poulailler dont la
entend pour composer une mélodie qui
geôlière tient les clés de sa main libre,
devient sa voix, identité faite de tous les
Faire taire l’oiseau
la gauche. Mais c’est un coq particulier,
connaissables, et par là même irréduct-
N’est pourtant pas l’intention de ce gen-
puisqu’il continue de voler, bien que
ible. Si la marge est l’endroit qu’il habite,
til chasseur du conte de Chamoiseau,
saisi par la violence de l’arrachement,
c’est qu’en fait de voler, il prend place,
poussé hors de chez lui un vendredi
tout comme l’oiseau de Chamoiseau
celle d’une altitude en mouvement sur
Saint par sa femme vorace et tyran-
continue de chanter après s’être fait
tous les mouvements du monde. Il est
nique, qui l’oblige à aller chercher du
tordre le cou : « Tue-moi bien / ti ma fi,
perception horizontale d’un multiple
gibier pour combler son insatiable faim.
Tilititon Tilititon / Yon glan glan ! 9» Il
irrésolu dont l’expression chantée ras-
« Montrant sa belle prise à sa femme,
est difficile de savoir si Walker réfère au
semble dans sa mélodie hybride, d’une
il gémit : ‘Noupa pé valé on bèt konsa,
même conte populaire martiniquais, ici
beauté disharmonique, les différents
nous ne pouvons pas manger un tel
habillé par l’écrivain. Mais l’habileté de
visages de l’être et de l’Histoire, et
animal !’ Mais sa femme était mauvaise.
la plasticienne à s’approprier les récits
donc transcende leurs cloisonnements
Peut-être par crainte du changement,
dans leurs réécritures picturales, l’écho
et leur dichotomies. Entendons-bien
elle le demeura. S’emparant de l’oiseau,
troublant du texte confronté à la com-
« marginalité » comme position vis-à-vis
elle lui tordit le cou. » (mes italiques).
position sont autant d’éléments qui
d’un ensemble, et non d’un « centre »
La verticalité obtuse du corps social est
nous laissent suggérer que le coq de
prédéfini. Si l’oiseau est rare, il l’est
personnifiée ici par l’avide femme du
Walker fait lui aussi figure de la marge à
radicalement, ne s’assimile à aucune
chasseur, qui paraît d’abord vouloir tuer-
faire taire, celle qui devrait ne sortir de
minorité précise, ou bien à toutes
manger l’oiseau pour se protéger du
cette prison de poulailler que pour être
minorités confondues, comme position
bouleversement dont il la menace, de
tuée, ingérée, neutralisée dans le corps
dans l’espace plus que dans le monde.
cette voix « tordue » telle que la qualifie
affamé de la norme. De même, dans En
Il incarne une radicalité horizontale
Kossi Efoui dans la pièce Oublie !8 que
guise de divertissement de Kossi Efoui,
de la perception, déjouant l’ensemble
tout le monde cherche à étouffer.
les quatre histrions emblématiques d’un
de systèmes univoques ou logocentriques, verticaux si l’on peut dire, de la pensée et du discours, d’occident ou d’ailleurs. En d’autres termes, sans doute l’hétérogénéité de son chant est-elle trop bouleversante, pour qu’aucun corps politique ou social normalisé 6
ibid, p.225
43
corps social stérilisé par le désir de faire Kara Walker, The Keys to the Coop, 1997 7 Le “Fou-fou” de Chamoiseau semble en cela allégoriser la poétique de la Relation et du divers glissantiennes, : « Le Divers, qui n’est pas le chaotique ni le stérile, signifie l’effort de l’esprit humain vers une relation transversale, sans transcendance universaliste. Le Divers a besoin de la présence des peuples, non plus comme objet à sublimer, mais comme projet à mettre en relation. Le Même requiert l’Être, le Divers établit la Relation. […] Comme l’Autre est la tentation du Même, le Tout est l’exigence du Divers.” Le Discours antillais, Livre II “Poétique de la Relation”, Paris, Éditions du Seuil, 1981 8 Oublie !,Carnières, Éditions Lansman, Manage, Belgique, 2011.
et de consommer le divertissement, brandissent l’oiseau comme un trophée, cherchent son passeport, l’auscultent, l’adulent mais ne l’autorisent pas à prendre la parole. On le bat, on l’étouffe s’il fait mine d’ouvrir « la bouche » 9 Au temps de l’antan, p.65
et ce n’est qu’à la fin de la pièce que
rés d’un chant hybride, polyphonique
traversée du monde, cette errance qui
s’échappe de lui, par défaut d’attention
à la polysémie du texte. Sa femme,
accueille l’anarchie de la perception en
des histrions, ce « vos morts ne sont pas
plus convaincue par la poésie de la
mouvements, altitude pleines d’« aspira-
vraiment morts » qui laisse le spectateur
chair, c’est-à-dire du bon droit de faire
tions tourbillonnantes », qui figurent
songeur.
taire cette voix en l’absorbant dans un
un vertige de l’esprit et engendrent
discours arbitrairement légitimé par sa
la nausée du corps. Lequel, jusqu’ici
L’oiseau dans En guise de divertissement
volonté de pouvoir, s’endort « d’un de
rigidifié par « peur du changement », ne
de Kossi Efoui, à Amiens, septembre
ces sommeils qui jamais ne délassent »
peut alors que rejeter l’oiseau. L’histoire
2013.
après avoir tué, ingéré, neutralisé, nor-
pourrait s’arrêter là, si les magmas recra-
Car l’oiseau, ainsi que le suggère la
malisé le corps de l’oiseau dans l’autorité
chés du volatile ne se mettaient pas
composition de Walker et que le rac-
tranquille du ventre.
à chanter de plus belle « Recolle-moi,
11
onte Chamoiseau, n’est pas périssable.
ti ma fi (…) ». Une
D’abord car quiconque entend son
nuit de la remem-
chant en est habité, tout comme l’est le
brance s’annonce
chasseur devant le spectacle du festin
alors, intermina-
de sa femme : « le brave bougre n’eut
ble, où la mégère
pas le cœur d’y goûter. Il pensait trop
devra détruire
aux beautés de l’oiseau, à ses chants de
toute sa maison
mystères. (…) Elle mangea tout (…) Le
(déconstruire les
brave bougre, lui, demeurait comme
fondements de son
saisi, le regard submergé par des envols
discours) pour res-
d’oiseaux. Ses paupières tressaillaient
tituer l’authenticité
comme de grandes ailes. Parfois, un
d’une parole
rouge planait dans sa tête, et il som-
« de mystère »
meillait sur des rêvées de plumes. » 10
Littéralement hanté par la beauté du
L’oiseau dans En guise de divertissement de Kossi Efoui, à Amiens, septembre 2013
volatile, le chasseur perd l’appétit et
à cet increvable hybride qui ne sait pas se taire : « Ils
s’ouvre à un imaginaire tumultueux
Mais on ne digère ni la voix ni le corps
explorèrent la jointure des planches
dont les beautés débordent le cadre
de l’oiseau. Du moins, pas tant qu’il n’a
déclouées une à une, puis enlevèrent
de son intellect, le « submergent », et
su se faire entendre :
le toit, puis soulevèrent la maison pour
donc transforment sa physionomie,
« La femme sentit bouillir son ventre. En
la réduire en miettes. Ils trouvèrent
ses paupières « tressaillant comme de
rêve, elle se vit habitée par de grandes
{l’ultime} duvet sous la fente d’une
grandes ailes » dans cette comparaison
fougères, puis par des mousses téné-
solive. L’oiseau refit ses comptes, et
ailée de la paupière, devenue méton-
breuses qui s’érigeaient en villes. Le tout
s’envola comme s’envolent les rêves.13 »
ymie de l’oiseau pour l’œil, métonymie
se poursuivit par des fluidités de cas-
Ainsi l’intégration de l’oiseau à la rigidité
de l’âme. La langue du récit subit elle
cades, de gargouillements, d’aspirations
du corps social suppose de décon-
aussi une mutation, ces « rêvées de
tourbillonnantes. Elle se réveilla en
struire, d’anéantir, de reconstituer les
plumes » devenant par analogie som-
sursaut quand une voix lui monta des
fondements mêmes du récit sur lequel
meil éveillé, édredon moelleux de la
lieux de toute sa chair : Recrache moi,
il tient, récit à savoir Histoire, préjugés,
pensée sur lequel se posent les tumultes
ti ma fi (…) » L’oiseau l’habite ici de sa
endoctrinements, verticalités de l’être
d’un rêve chatoyant, oxymores effleu10 ibid
44
12
11 ibid 12 ibid, p.66
inhibé par sa volonté de domination. 13 ibid, p.67
La mégère deviendra la plus douce des
noyés l’un dans l’autre dans une con-
spective de l’horizontale plénitude du
femmes, son mari ennuyé lui préférera
templation hypnotique. Revenons donc
vivant.16 »
une autre, l’oiseau, aussi insaisissable et
à l’œil, ce reflet de l’âme et de l’autre :
L’oiseau est donc transgression
inintelligible que « les rêves », poursuivra
« Il regardait l’oiseau et l’oiseau le regar-
des déterminismes du vivant dans
dans le monde la réalisation poétique
dait et il regardait l’oiseau et l’oiseau
l’appréhension physique du vital, il est la
de son propre mouvement, sifflotera à
le regardait, un rêve tout entier retenu
manifestation esthétique d’un déséquili-
qui veut l’attraper le vendredi Saint ses
dans le mouvement perpétuel d’une
bre métaphysique, donc d’abord,
« chants de mystères ».
seule image, comme un livre dont on
hors-la-loi17. S’il ne saurait être confondu
n’aurait retenu que le titre mais dont on
avec l’artiste, ou alors dans son incarna-
Devenir l’oiseau
garde l’impression d’avoir tout compris.
tion idéelle, il serait en revanche ce qui
Les Neuf consciences du Mal Fini de
(…) Il dit que c’était comme s’il se dévis-
le traverse, et se manifeste dans l’œuvre,
Chamoiseau sont les mémoires d’un
ageait en l’absence de tout miroir. »
ou certaines d’entre elles, celles qui,
aigle royal, convaincu de régner sur les
Le dédoublement chiasmatique de la
précisément, le débordent.
eaux, forêts et êtres vivants du territoire
première partie de la phrase rend à
Manifestation déchirante d’une per-
qu’il s’est choisi, se donnant le droit de
la fois l’intensité de la contemplation,
ception physique du vital passée par
les anéantir goulûment, jusqu’à ce qu’il
dilatation d’une temporalité dans le
le corps du vivant, l’oiseau sortirait du
rencontre cette espèce inédite de Colibri
récit suspendu, « retenu » d’un échange
corps dans cette maïeutique qui à la
qu’il appelle « Fou-Fou ». Cette insignifi-
non formulé, qui tient d’une forme de
fois assure la force, la singularité, le
ance volante dont les actions ne sont
transe, entre l’oiseau et l’artiste, mais fait
débordement et la déchirure de l’œuvre
pour lui guidées par rien d’intelligible,
surgir aussi ce miroir du regard auquel
d’art. Dans la figure ci-dessus, l’être
va exercer sur lui une telle fascination,
l’homme se confond dans cette fragile
androgyne, visiblement soulevé du
répulsive d’abord, émerveillée ensuite,
création du « rêve ».
sol dans la force de cet accouchement
qu’il sera amené à force d’observation
C’est donc par le regard, dans la contem-
poitrinaire, c’est à dire à la fois tran-
à s’affranchir de ce qu’il nomme son «
plation inlassable de celui qui semble
scendé et transpercé par l’oiseau, n’est
Ayala », version ailée de ce que
échapper à tout, que l’être se défait de
plus que le « relais », selon les mots de
Schopenhauer appelait « vouloir-vivre »,
son corps, dans tout ce qu’il enferme, en
Kossi Efoui, d’un mouvement circulaire
déterminisme aveugle de l’espèce,
accédant paradoxalement à la con-
de l’ « expression tordue », appelée,
pour parvenir à épouser cette vision
science physique du monde : « Sous une
comme le suggère la rotation du vola-
vertigineuse des êtres et des possibles
clarté de lumière qui n’était plus celle du
tile, à retourner au corps après s’en être
concentrés dans le regard de Fou-Fou
soleil, le paysage, l’oiseau et lui même
échappé.
dont le corps disparaît à mesure que le
et le moindre petit mouvement que le
Insolence bouleversante de l’art contre
récit progresse. Volatiles de Kossi Efoui
vent dispersait à la pointe des herbes,
l’ordre, l’oiseau est celui qui ne cesse de
est une compilation de textes et de
tout cela s’offrait à son regard comme
renaître et ne fait que traverser les corps
carnets d’un « Il » dont l’affiliation n’est
dans ce rêve où le rêveur Tchéou ne sait
qu’il se choisit.
formulée que par sa très jeune tante,
plus s’il diffère de la chose rêvée… 15» La
Permettons-nous de conclure sur ces
celle que tout le monde appelle « la
limpidité de la langue, comme en écho à
folle » : « Petit, tu es du clan oiseau. »
la pureté de la perception, pourrait être
16 Les Neuf consciences du Malfini, p.232
Déstructuré, ce récit dont la tempo-
la manifestation de ce que le « Nocif » -
ralité s’évade aussi sûrement que les
désignant un humain ami du Fou-Fou
migrateurs quittent le continent l’hiver
- appelle dans des carnets restitués à la
venu, est marqué par trois échanges de
fin du roman de Chamoiseau « la per-
17 Ce qui se rapproche de ce Jean-Godefroy Bidima entend par « philosophie de la traversée » appliquée aux arts plastiques, dans l’Art Négro-africain, et peut ici servir notre propos : « La culture de la profanation (…) propose non pas un savoir, une doctrine, quelque chose de structuré, mais un élan, conscient de ses limites de cercles, tenu par un chant précaire s’articulant autour d’une incertitude qui n’est pas désespoir mais ouverture, pari. Celui-ci n’est pas un rapport causal, mais une relation transcendantale et pratique à un horizon. »
regards, celui de l’orateur et de l’oiseau,
45
14
14 Kossi Efoui, Volatiles, p.44 15 Ibid
vers de Charles Bukowski qui font si bien écho à la composition de Walker : (…) there’s a bluebird in my heart that wants to get out but I’m too tough for him, I say, stay down, do you want to mess me up? you want to screw up the works? you want to blow my book sales in Europe? there’s a bluebird in my heart that wants to get out but I’m too clever, I only let him out at night sometimes when everybody’s asleep. I say, I know that you’re there, so don’t be sad. then I put him back, but he’s singing a little in there, I haven’t quite let him die and we sleep together like that with our secret pact and it’s nice enough to make a man weep, but I don’t weep, do you? Charles Bukowski, Bluebird
46
Genre, Race et la réinvention de la différence Par Shireen Hassim
d’intégration : l’Afrique du Sud a en effet élut des femmes du plus haut niveau au sein de son Parlement. Etre un bon citoyen dans cette nouvelle démocratie c’est soutenir l’idée que les femmes sont libres. Cette pensée represente la victoire d’une forme de féminisme qui se concentre principalement sur l’accès des femmes à des postes importants. C’était une des demandes continuelle des movements féministes modernes, car elle représente la
Dans l’imaginaire de tout sud-africain, Johannesburg était un lieu de possibles,
pas fixé entre masculin et féminin, et où le
et d’ouverture d’esprit, une ville minière
corps exprimerait simplement des rela-
fondée sur la promesse de richesses et
tions sociales, qui
de nouveautées. Un endroit qui aurait la possibilité de faire non pas la fortune de
ne compterait pas dans pour les politiques
tous mais d’offrir à chacun la modernité.
ou la citoyenneté comme s’est inscrit dans
Et c’est encore le cas aujourd’hui pour des
la constitution.
centaines de migrants qui viennent de tous les pays du continent et même du
La démocratie en Afrique du Sud est
monde entier. Cette ville est le coeur de la
basée sur une vision moderne, dans
vie economique et politique de la nouvelle
laquelle l’apogée est la sphere formelle de
démocratie sud-africaine et dois vivre
l’Etat et la Constitution. La présence des
chaque jour avec la difficulté de faire et de
femmes dans les institutions politiques
construire une nation.
est vue aujourd’hui comme une marque
reconnaissance des femmes par la sphère publique du nouveau gouvernement démocratique Mais intégrer le Parlement n’est pas sans conséquences. Souvent il faut traiter des questions sous jacentes entre les citoyens et les structures du pouvoir ainsi qu’entre les citoyens et l’Etat. Or, généralement ces questions sont stratégiquement non résolues / non traitées. Par exemple, si des postes au gouvernement sont donnés parce que les femmes ne sont pas assez représentées, alors il devient strategique de conserver le sens du mot “Femme” comme une entité sociale homogène. Si on pose alors la question:
Dans cette ville, les certitudes sur
Est-ce que le corp est conforme au caté-
l’identité, sur l’espace, sur la hierarchie ou
gories politiques binaires du masculin /
sur la position sociale sont remises en
féminin – suis je cette entité corporelle
question sans arrêt. De nouvelles formes
que l’on nomme Femme? - ou demander
communautaires apparaissent, en dehors
quelles sont les formes de violences qui
de celles, traditionnelles, de la famille,
caractérisent les hommes et les femmes,
et en dehors des authorités tradition-
c’est poser une question à laquelle on ne
nelles. Ce sont des communautés qui se
peut répondre dans le cadre du système
retrouvent autour de nouvelles identités
politique.
et autour de nouvelles formes de sociabilités et pour qui la différence est un
Il est sans doute vrai qu’à la suite de
atout. Des rencontres informelles entre
l’intégration des femmes au Parlement,
les résidents de Johannesburg essaye de
L’Etat vu de l’extérieur (c’est à dire son
repenser l’Etre Humain dans un lieu de
personnel, ses institutions et ses politiques)
tous les possibles, dans lequel le genre ne serait
47
Zanele Muholi, Being, 2007, Triptych 1 Courtesy of the artist and Stevenson Galery
a du revoir de manière significative ses repères sur les genres.
Cependant je pense que la présence du
ne montreraient pas aussi facilement ail-
armes sont des extensions de la mascu-
corp sexué dans la sphère publique sucite
leurs.
linité and les femmes rien de plus que des
une discussion sur le genre qui perturbe
corps qui doivent être possédés ou des
le récit sur la reconnaisance des femmes
A travers ce texte je souhaite présenter
machines à faire des enfants. Au moment
dans le domaine politique.
deux moments de rencontre entre public
même où les femmes commencent à se
et privée, les deux ayant été provoqués
battre pour leurs droits et se positionnent
En dehors de la sphere publique formelle,
par des présentations de corps dans le
comme actrices politiques et morales, il
dans les interactions de tous les jours et en
monde de l’Art et qui ont défié les normes
semblerait qu’elle soient rattrapées par les
tout lieux , les frontières entre les commu-
hégémoniques. Les deux événements
revendications criantes du pouvoir mas-
nautés et les critères pour la citoyenneté
ont appelé à la redéfinition de ce que c’est
culin.
sont très régulés ,et ce sont souvent les
d’être un bon citoyen sud-africain.
corps des femmes qui font l’objet de ces
Les deux évènements qui se sont passés
régulations / contôles , cous couvert de
Dans les deux cas, l’incarnation de l’Afrique
à Johannesburg reflètent deux formes
préserver la culture du pays. Les diverses
du Sud comme démocratie des droits de
différentes de questionnement du genre
pratiques de régulation qui ont émergées
l’Homme, et comme un pays libre pour
: la première dans le cadre hétérosexuel
sont nombreuses, elles incluent:
tous, a été ébranlée. La vision du citoyen
et la deuxième dans le cadre de la société
Les cérémonies de virginité pendant
moderne post-apartheid est celle d’une
partiarcale. Je pense que pour ces deux
lesquelles les vierges sont testées pour
rencontres les artistes concernés
savoir si elles sont pures et sont récom-
ont eut un regard feministe:
pensées en dansant devant le roi Zulu.
L’étudiante indienne Nivedita
Les restrictions vestimentaires dans cer-
Menon, nous propose cette défini-
taines régions du pays, où par exemple
tion de“ voir comme une féministe”:
les femmes qui portent des pantalons
ce n’est pas de stabiliser mais de
en public peuvent être l’objet d’attaque
déstabiliser (de construire mais de
des membres de leur communautés
déconstruire)
‘le viol correctif’ qui a pour but de “soigner” les lesbiennes noires de leur
Des Femmes novatrices
sexualité “non-africaine”. La première rencontre s’est Toutes ces pratiques nous rappellent
produite en Août 2009, lors d’une
comment le corp et plus spéciale-
exposition intitulée Innovative
ment le corp des femmes , marque les frontières entre les communautés. C’est dans les espaces ou lors de moments
Nandipha Mntambo, The Rape of Europa, 2009 Courtesy of the artist and Stevenson Gallery Photographic composite: Tony Meintjes
Women. (Femmes novatrices) Cette exposition était financée par le gouvernement à l’occasion du National
crées par des hommes et des femmes
personne non définie par son ethnie,
Women’s Day (La journée de la Femme)
pour défier ces frontières que l’ont voit le
sa race ou son genre. Dans la réalité,
un jour férié en Afrique du Sud, qui com-
plus de menaces et d’actions politiques.
cependant, la différence et les droits sont
mémore la participation des femmes à la
L’Etudiante Pumla Dineo Gqola pense que
actuellement configurés autour du genre
libération du pays; L’exposition devait être
l’ont trouve la forme la plus transgressive
et de la race. L’angoisse provoquée par
ouverte par la Ministre des Femmes, de
de féminisme dans les réseaux créatifs
l’exclusion économique et la fragmenta-
la jeunesse et des personnes à handicap (
à l’intérieur desquels les femmes noires
tion sociale a trouvé une expression dans
Minister of Women, Youth and People with
montrent leur indépendance, ce qu’elles
la violence masculine, dans laquelle les
Disabilities) Lulu Xingwana. Cependant, la
48
Ministre est entrée, à regardé rapidement
Nandipha Mntambo) La notion de viol
d’affirmer la place de la famille hétéro-
les photographies et est repartie aussitôt.
sur soi même banalise ce fléau qu’est
sexuelle patriarcale, considérée comme
Elle a pu voir à ce moment là une séléc-
le viol” (Van Wyk, 2010). Elle a égale-
étant la norme dans les familles noires (
tion d’images de la photographe Zanele
ment continué en se réfugiant derrière
en dépit des recherches sociologiques qui
Muholi et de l’artiste Nandipha Mntambo.
la protection infantile contre la pornog-
prouvent le contraire). En effet, pour elle
Les images de Zanele Muholi montraient
raphie“ Ma réaction était en réponse au
l’exposition était pariculièrement nuisible
des couples de femmes nus et à moitié nus
fait que certaines des oeuvres n’était pas
car elle représentait des femmes noires en
qui s’enlacent; dans une autre exposition
visibles par tous et en famille. Je pense
dehors du cadre normatif de la commauté
elle s’est intéressée cette fois à la violence
que ce que j’ai vu n’était pas de l’art mais
noire. Elle aurait voulu faire disparaître la
chez les couples hétérosexuels - par
des représentations fausses des femmes
sexualité et le sexe et particulièrement le
exemple, la violence qui résulte / accompa-
(balnches ou noires) déguisés en oeuvres
désire sexuel déplacé, la violence et le mal,
gne les relations sexuelles.
d’art plutôt que des oeuvres qui ont pour
en réinstallant le discours normal et con-
but de questionner ou interroger...Ce
forme de la ”bonne” femme noire.(prête à
Nandipha Mntambo quant à elle pro-
genre d’oeuvres contribuent à créer des
servir sa famille à tout moment)
pose avec Rape of Europa une oeuvre
stéréotypes sur les femmes noires...et nous
hautement symbolique dans laquelle elle
avons des lois dans ce pays qui protègent
Si l’on analyse cette performance pub-
s’identifie au mythe Grec du minotaure
les enfants contre l’exposition aux images
lique de la protectrice de l’égalité entre les
et de la jeune fille. L’oeuvre de Nandipha
pornographiques” (Van Wyk, 2010).
genres (puisque c’est ce que représente
Mntambo traite de la dualité entre
la Ministre en charge des affaires
combattre et protéger, la vie publique
des femmes), on se rend compte à
et l’intimité – et représente en même
quel point son rôle est ici d’affirmer
temps la force et la vulnérabilité.
autant l’hétérosexualité que la vision idéologique de la Femme en tant
La Ministre Xingwana a été offencé par
que Mère avant tout. L’impossibilité
le caractère pornographique de ces
pour la Ministre Xingwana de
images, qu’elle a qualifié d’“‘immorales
comprendre en quoi les oeuvres de
et qui vont contre les intérets de notre
Zanele Muholi et Nandipha Mnt-
nation” (Van Wyk, 2010). L’exposition
ambo perturbent les certitudes sur
était sans doute troublante pour ceux
les identités attachées au patriarcat
pour qui la démocratie va de pair avec
hétéronormatif révèle les limites du
l’intégration des femmes au gouverne-
féminisme de l’Etat qui n’est pas en
ment. Cette démocratie n’accepte donc
lien avec la compléxité de la réalité
pas ceux qui choissisent de vivre en dehors des formes normées de genre,
Nandipha Mntambo, Narcissus, 2009, Courtesy of the artist and Stevenson Gallery Photographic composite: Tony Meintjes
qui suggèrent que les femmes puissent
de notre société. The Spear (La lance)
avoir plusieurs identités,et qui présentent
Et voici donc comment les grands discours
les femmes avec une sexualité affirmée ou
sur l’égalité sont concilliés avec les fonde-
Mais tous les corps n’évoquent pas le
qui représentent la sexualité des femmes-
ments conservateurs de la nation et la
même niveau d’intéret. En Mai 2012, une
car cela trouble la nation. Pour sa défense,
cohésion sociale. Le devoir des Femmes,
exposition de Brett Murray, intitulée Hail
la Ministre Xingwana a expliqué “ j’ai été
vues par la Ministre Xingwana, est de
to the Thief II (tempête sur les voleurs 2)
particulièrement choquée par l’image
protéger les enfants de l’immoralité, de
ouvre dans une gallerie renommée du
inttitulée “Self-Rape” ( auto-agression de
la nudité et de l’intimité, et par extension,
quartier hupé de Rosebank à Johannes-
49
burg. Après quelques jours cependant,
L’art et la politique se sont ici rencontrés
de la nation / the spear of nation). Dans son
la galerie devient soudain le centre d’une
dans un clash intense qui a personnalisé
portait de Zuma comme leader phallique,
tempête politique à propos de l’art , de
toute les tensions d’un pays, allant tant
l’oeuvre fait irrémédiablement allusion à la
la culture et du droit à la dignité. L’oeuvre
bien que mal vers une démocratie tant idé-
vie sexuelle du Président, qui a été accusé
montre le Président sud-africain Jacob
alisée. Ce qui était dit était aussi important
puis innocenté de viol en 2006, qui s’est
Zuma (membre du parti de l’ANC African
que qui l’avait dit et le débat a finalement
marié de nombreuses fois, a enfanté envi-
National Congress et parti de Mandela) de
été beaucoup plus loin que la préserva-
ron 19 enfants dont deux au moins ont été
1m85, dans une glorieuse posture révolu-
tion de la dignité du Président ou bien
conçus en dehors de ses mariages.
tionnaire, pénis à l’air.
même du mérite artistique de la peinture.
Sans ambiguité, Brett Murray montre la
Pour beaucoup de gens qui ont participés
relation continuelle que la virilité mascu-
En 10 jours, le Président à eu le temps
au débat, La démocratie elle même était
line et le pouvoir politique jouent sur la
d’appeler la galerie pour qu’elle décroche
en jeu . Plus précisément dans le débat
critique générale des politiques masculines
l’oeuvre et de les poursuivre pour avoir
public, on pouvait relever une angoisse
et plus particulièrement celle du Président
refuser de le faire. L’ANC demande alors
terrible sur deux aspect de la démocratie:
Zuma (hetero et patriarcal qui fait figure en
à ces partisans de manifester pour que
Le premier, était de savoir si la constitu-
Afrique du Sud).
la court entende la demande de Zuma,
tion très ouverte de l’Afrique du Sud serait
les propriétaires de la Galerie recoivent
remise en cause par un mouvement
L’oeuvre fait le lien entre le pouvoir sexuel
également des menaces de mort, et à
conservateur. Le deuxième, en lien avec le
et politique et en faisant cela elle fait le
un moment donné, dans la confusion
sentiment de citoyenneté: qui est sud-
lien entre intimité et performance mas-
générale, 2 hommes réussissent à passer
africain, qui a le droit de critiquer l’Afrique
culine dans l’espace public. L’oeuvre et
à travers la sécurité réputée de la galerie
du Sud et qui est un citoyen authentic.
par extension l’exposition entière paro-
pour répendre de la peinture rouge et noir sur le “Spear”.
die les prétentions du pouvoir. Dans la Pour quelques feministes, cette polémique
représentation du Président habillé c’est
a aussi soulevée une troisième question: la
son pénis qui domine; dans la parodie de
Le mardi suivant, l’ANC organise une
nature sexuée du pouvoir, les implications
l’oeuvre c’est plutôt l’égo surdimensionné
marche de protestation jusqu’à la galerie à
que peut avoir une politique masculine
du politicien qui invite le spectateur à la
laquelle beaucoup de politiciens influent
sur le sentiment de citoyenneté feminin,
moquerie. L’artiste nous apporte ici une
de l’ANC participent. La Women’s league
et plus particulièrement comment nous
vision courageuse et sort de l’hypocrisie
(la ligue pour les femmes) portent leur
devons comprendre les conséquences
politique.
uniforme et vendent à manger , les vété-
de l’association du pouvoir politique et la
rans du Umhkonto we Sizwe ( les fers de
masculinité.
lance de la nation était la branche militaire
En créant cet oeuvre, Brett Murray commente de manière explicite la
du Congrès national africain d’Afrique
L’exposition de Brett Murray présentait
personnification de Zuma en tant que
du Sud qui agissait en collaboration avec
également des oeuvres montrant l’ANC à
figure de l’effondrement de la téléologie
le parti communiste d’Afrique du Sud con-
vendre puis vendu, attirants l’attention sur
démocratique, comme le rêve qui tourne
tre le régime d’apartheid ) marchant au
la corruption et l’autoritarisme, ainsi que
au cauchemar. Et une part de cet effon-
pas . Ce carnaval politique montre bien à
sur la masculinité et le pouvoir politique.
drement est du à sa vie sexuelle qui a
quel point cette marche était orientée sur
The Spear est elle-même une référence
constamment été mise en avant dans le
la défense de la dignité du Président et
à un poster soviétique représentant
débat public.
l’omniprésence du racisme en Afrique du
Lénine en 1967 et au langage de l’ANC (en
Sud.
référence à la branche militaire appelée
Les récations face à cette oeuvre étaient
Umkhonto we Sizwe ou les fers de lance
très différentes, du commentaire sur ce
50
qui était autorisé dans l’art satirique, aux
gérées dans la sphère publique?Par exten-
séparateur entre l’identité raciale et celle
plaintes sur son supposé caractère por-
sion, la lecture des oeuvres de Nandipha
du genre. Achille Mbembe, (théoricien
nographique, la longue tradition de la
Mtanbo, Zanele Muholi and Brett Murray
camerounai qui a beaucoup travaillé
nudité masculine dans l’art et la nudité
comme humiliation du corps noir, a con-
sur l’oeuvre de Frantz Fanon), nous fait
dans la shpère publique en général, qui
tribué à développer le débat à un niveau
remarquer les liens entre race, patriarcat
pouvaient représenter les questionne-
qui va bien au delà de la politique. En cela
et privilèges. Il suggère que ce qui est en
ments d’une démocratie. D’un côté nous
je veux dire que cela a permis de mettre à
jeu dans le carnaval politique qu’a crée
pouvions trouver des explications du pour
jour la loyauté raciale et politique et a donc
l’oeuvre (The spear) c’est justement le
ou contre cette exposition basées sur des
rendu ce débat faussé. Et cela en trois
patriarcat. “Beaucoup de jeunes hommes,
tensions entre les notions traditionnelles
points:
et plus particulièrement de pauvres jeunes
et modernes de respect de l’autorité et de
Premièrement, la substitution du phallus
hommes, ne profites plus aujourd’hui des
l’ancienneté en politique. En ce qui con-
par la couleur de peau a rendu invisible le
privilèges qu’offrait autrefois la patriarcat. Il
cerne ces critiques, qui prônaient le retrait
débat sur la violence de la masculinité du
y a aujourd’hui, plus que jamais une redis-
de l’oeuvre, l’artiste était le parfait exemple
pouvoir qui est évident dans l’oeuvre de
tribution inégalitaire des dividendes de la
du racisme des blancs et du dénigrement
Brett Murray.
masculinité. Les luttes pour avoir accès aux
du corp masculin noir. Leur critique était
Deuxièmement, la réapparition de la
femmes sont accentuées par des nombres
basée sur la dignité comme valeur fonda-
blessure coloniale dans The Spear a ouvert
incroyable de viols et par diverses formes
mentale de la démocratie sud-africaine.
un argument familier de nationalisme qui
de violences sexuelles. Dans ce contexte,
associe un seul parti à l’intéret de tous. De
le Président Jacob Zuma représente, dans
De l’autre côté, de nombreux intellec-
plus, le Président représentant ici l’ANC
les yeux de beaucoup de jeunes hom-
tuels ont soulignés le droit des citoyens à
et l’ANC représentant le peuple, alors le
mes, le symbol de l’homme avec un grand
critiquer le pouvoir en place. L’irrespect,
Président incarne ici le peuple .
H impliqué dans la capitalisation et la
comme forme de critique du pouvoir ou la
Troisièmement, la représentation du corp
monopolisation des ressources nécessaires
dissidence envers les normes convention-
des femmes en dehors du cadre hété-
au partriracat pour pouvoir se reproduire.”
nelles, comme élément crucial de la sphère
ronormé et maternaliste présentée par
publique.
Mntambo et Muholi, a été perçue comme
Mbembe remarque ici parfaitement à
une insulte des conventions nationalistes
quel point la virilité et le droit sur le corp
Cependant une vision qui se contenter-
sud-africaines. Les corps nus de femmes
féminin sont des marques de pouvoir dans
ait seulement de revendiquer la liberté
noires étaient en eux-mêmes “bruts et por-
l’Afrique du Sud contemporaine. Dans
d’expression ne nous permettrait pas
nographiques” car ils violaient les codes de
cette lecture, le corp des femmes devient
de comprendre le coeur du débat ni
l’intimité.
le terrain d’une bataille patriarcale entre
pourquoi ce débat a eu autant de réper-
La réaction du gouvernement et du parti
les jeunes hommes et les vieux patriarches
cussions sur les Sud’Africains et même
au pouvoir a donc été d’exclure ces artistes
politiciens. Nous pourrions étendre cet
sur ceux qui ne font pas parti du public
de la communauté.
argument pour montrer à quel point le
habituel des galeries d’art.
En effet, lorsque l’on critique l’ANC (que la
paradigme patriarcal dépend de l’idée que
critique vienne d’un artiste blanc ou d’une
le corp des femmes sert seulement à se
Il est clair que de mettre en surface les
artiste militante noire), on se positione en
reproduire, qu’il doit donc être caché du
angoisses les plus profondes de l’ordre
dehors de la nation. La conséquence est
public et qui ne doit émettre aucun signe
social post apartheid à contribué par
clair: l’artiste ne fait alors plus parti de la
de sexualité ou d’autonomie. Comme le
extension à prouver que la division raciale
nation.
dit Anne McClintock, dans ce paradigme
reste très présente.
Lors de ces débats sur les oeuvres d’art,
la capacité d’action des femmes doit être
Mais comment ces angoisses sont -elles
la race a été utilisée comme élément
désigné, une action à laquelle on par-
51
ticipe ‘sur invitation seulement’. Et l’on
dans l’exposition ‘Innovative Women’ nous
se retrouve alors avec des mécanismes
donnent à penser sur la nature du pouvoir.
comme ceux des quotas dans la sphère
Cela lance le débat sur qui peut dire quoi
formelle publique, et non dans une partici-
et comment. Mais plus important encore,
pation comme critique déstabilisante.
le débat invite à considérer -particulièrement- quelle femme peut parler, qu’est ce
A travers ces fermetures d’esprits, qui
qu’elles sont autorisé à dire et quand.
impliquent la restauration de la distinction binaire et primaire entre noirs et blancs et entre homme et femme, “la nation -Etat restera l’entrepot des espoirs masculins, des aspirations masculines et des privilèges masculins”. Une lecture alternative des oeuvres de Muholi et Mntambo en particulier, pourrait révéler les manières par lesquelles les femmes noires ont aujourd’hui négocié les frontières du pouvoir racial et patriarcal, par la résisance ou par l’adaptation ou par l’élaboration de stratégies. Cela pourrait montrer qu’il n’y a pas une seule identité noire unifiée (qui a cependant été utile autrefois pour lutter contre le régime de l’apartheid) mais qui représenterait plutôt un engagement hétérogène réaliste. (Gqola, 2010: 34). La représentation bestiale du Président dans l’oeuvre de Brett Murray montre le pouvoir politique comme phallique et monolithique/ homogène. Les Femmes ne sont pas représentées dans cette oeuvre et n’ont également pas fait parti du débat qu’elle a sucité. Mais les artistes comme Murray, Muholi et Mntambo sont les déclencheurs d’autres débats à venir sur les subjectivités incarnées. Leurs images cassent le récit triomphaliste de la nouvelle Afrique du Sud, et troublent les solidarités bien ordonnés de races ou de classes. La race, le genre et la sexualité sont interconnectés dans la formation des subjectivités et The Spear ou les oeuvres présentes
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Cette démocratie n’accepte donc pas ceux qui choisissent de vivre en dehors des formes normées de genre, ceux qui suggèrent que les femmes puissent avoir plusieurs identités ...
Esther Ferrer temps, espace et presence, la structure du regard Par Louisa Babari
ESTHER FERRER est née à San Sebastián, (Espagne) en 1937. Elle est connue pour son oeuvre plastique et pour ses performances, seule ou au sein du groupe espagnol ZAJ*, formé en 1964 et dissous en 1997. Son travail s’est toujours davantage orienté vers l’art/action, pratique éphémère, que vers l’art/production. Dans l’Espagne de début des années 60, elle fonde avec le peintre José Antonio Sistiaga, le premier Atelier de Libre Expression. À partir des années 70, elle consacre une partie de son activité aux arts plastiques : photographies retravaillées, installations, tableaux basés sur la série des nombres premiers, objets. En 1999, elle représente l’Espagne à la Biennale de Venise et en 2009, elle reçoit le Prix National des Arts Plastiques d’Espagne, le Prix Gure Artea du Gouvernement Basque en 2012 et le prix du 53
MAV (Association National des Mujeres en las artes visuales) en 2014. Ses performances font le tour de l’Europe, de l’Asie et des Amériques et notamment des États-Unis, où le Groupe ZAJ réalisa une tournée de deux mois en 1973. Esther Ferrer est aussi l’auteur de deux oeuvres radiophoniques pour Radio National d’España. Elle a d o n né d es séminaires sur la performance dans des universités et Ecoles des Beaux Arts en Espagne, France, Italie, Canada, en Suisse
et au Mexique. En 2014, le MAC VAL lui consacre une rétrospective intitulée Esther Ferrer: “Face B. Image / autoprortrait” (15 février -13 juillet 2014)
Métamorphose (ou L’Evolution), A partir de 2005. Série « Le livre des têtes ». Photographie couleur, montage digital.
AFRIKADAA: Une question pour aborder la génèse de votre pratique artistique avec le corps: comment le corps devient -il le médium de l’artiste? Esther Ferrer: Je suis rentrée dans le monde de l’Action, que l’on appelle aujourd’hui Performance, dans lequel la présence est quelque chose de vraiment important et où cette présence passe forcément par le corps, ton propre corps. Je suis rentrée dans ce monde un peu par hasard. Je ne connaissais pas beaucoup le monde de l’Action. Un jour, quelqu’un m’a dit: “J’ ai des amis qui font des choses très bizarres et qui ont besoin d’une femme, pourrais tu les rencontrer ?”. Il ne pouvait m’en dire plus. C’était le groupe ZAJ*. Ils sont venus à San Sébastien et nous avons fait cette première action au Musée de San Telmo puis ils m’ont demandé de continuer à travailler avec eux. Je me suis lancée à inventer mes propres actions. C’était en 1967 et mai 68 était à nos portes. A cette époque, commençait la revendication des femmes, la lutte de “ Notre corps nous appartient “, un combat qui voulait donner une image complètement différentes des stéréotypes esthétiques, sociaux et familiaux de l’époque. Comme beaucoup d’autres femmes, j’avais commencé à travailler avec mon corps, et à cette époque, mon travail était fondamentalement tourné vers l’action donc sur mon corps. Je voulais faire un travail pas uniquement de performance, mais dire que j’avais un corps qui ne correspondait pas aux stéréotypes esthétiques et commencer un travail à partir de ce postulat. J’ai commencé à travailler avec ma tête, mon sexe, ce qui me paraissaient le plus représentatif, en pen-
54
sant continuer avec les pieds, les mains. J’ai fait des photos de ma tête, de mon sexe. Ce n’est pas que je voulais le faire au départ avec mon propre corps, mais je ne pouvais pas le faire avec un modèle, ne pouvant le payer. Je voulais un corps de tous les jours, qui travaille, qui mange, qui se promène. Alors j’ai commencé avec mon propre corps, ce qui était pour diverses raisons, la bonne solution. Je courais le risque d’être critiquée pour l’aspect narcissique de la chose, alors que je n’avais aucune prétention en tête. L’idée était de travailler avec un visage, un sexe, une main, un pied dont j’avais besoin pour véhiculer l’idée. Ca aurait pu être le tien ou celui d’un autre. Le modèle le plus disponible, le plus facile et le plus adaptable, c’était moi même. C’était aussi un moment où l’on faisait une exaltation du corps. Se mettre à poil n’était pas un truc héroïque mais plutôt courant. J’ai commencé à faire des performances toujours habillée normalement mais avec une forte présence de mon corps. De ma présence. Je définis toujours le monde de l’Action comme un art qui se développe, dans le temps, dans l’espace et dans la présence. Ce sont les trois éléments fondamentaux de l’Action, la matière première de mon travail. Il y a le parallèle de l’Action en elle-même et le travail plastique sur le corps. Dans le cadre de la lutte des femmes, c’était très important de s’affirmer dans ce travail et de dire “Je ne corresponds pas à cette esthétique, j’ai le droit de montrer mon corps et de donner l’image que je veux donner et pas celle que les autres veulent que je donne “.
AFRIKADAA: A cette époque de transition sociétale en Europe, vous dîtes
qu’il était fréquent de se mettre nu dans le monde de l’Action, est - ce que le fait d’appartenir au mouvement ZAJ facilitait cette pratique, qui était en porte à faux avec les valeurs traditionnalistes de Espagne franquiste? EF: On ne se mettait pas à poil en Espagne à l’époque. On n’avait pas besoin de se mettre à poil pour provoquer un scandale. En 1967, on a fait des performances à Bilbao, dans le pays basque, en faisant une action qui s’appelait “ Hommage au Greco” et nous étions parfaitement habillés. Juan, l’un des membres du groupe, mettait à un moment donné sa main sur ma poitrine, d’un geste, d’une certaine façon, asexué, à la manière des chevaliers. On ne pouvait imaginer pire scandale et un article de la presse me traitait de prostituée. C’était intéressant, car en Espagne, il y avait une image du corps. Dans ce pays catholique qui avait vécu une guerre civile terrible, dans lequel tout le monde s’habillait en gris, en noir. Nous vivions un peu dans la grisaille. Affirmer ma présence, la présence de mon corps était suffisant pour créer aux yeux de certains une surprise et pour d’autres, une revendication politique. Nous étions considérés comme des fous furieux même par les gens qui venaient nous voir. Avec cette esthétique, les gens réalisaient que nous ne pouvions être franquistes. C’était très gratifiant, malgré le fait qu’ils riaient de nous. Sans parler de l’art officiel pour lequel heureusement, nous n’existions pas du tout.
AFRIKADAA: Vous avez cité la rencontre avec le Groupe ZAJ, en racontant qu’ils avaient eu besoin d’une femme. C’était donc un collectif d’hommes ? EF: Oui, uniquement des hommes, tous
musiciens avec un écrivain parmi eux.
quand j’ai commencé à être féministe.
J’ai été habituée à vivre dans le monde
Je suis féministe depuis toujours. Ma
artistique avec des hommes. Je ne me
façon de penser déteint sur tout ce que
rendais même pas compte que j’étais la
je fais. C’est évident que pratiquer le
seule femme. C’est juste, bien plus tard,
monde de l’Action permet d’exprimer
qu’un journaliste m’a demandé: mais
certaines analyses féministes. L’Action a
pourquoi voulaient-ils une femme? Je
pu continuer à véhiculer des contenus
ne m’étais jamais posée la question.
que l’on nomme féministes qui ne sont
En étant féministe comme je le suis,
en réalité que des désirs de liberté. Je
depuis toujours, je ne me suis jamais
suis persuadée que dans le monde
posée la question. Aujourd’hui, je pense
artistique, le monde de l’Action a permit
qu’ils pensaient offrir une ouverture
de clarifier et d’exprimer cette pensée
aux femmes, étant un groupe exclu-
féministe.
sivement masculin. A la fin des années 60, nous n’étions plus que trois: deux hommes et une femme, moi. Faire de l’Action, en Espagne à cette époque, sous entendait une marginalisation artistique. Nous ne voulions pas non plus
“ Como una cancion “. Esther Ferrer. Museo Vostel de Malpartida de Caceres (Espana ) 1983 Photo: Concha Jerez
AFRIKADAA: Pour revenir au coeur de votre pratique artistique, comment coexistent au sein de la performance l’expérience intime et personnelle et la distance que produit la conceptualisation de l’oeuvre?
nous intégrer de quelque façon que ce soit
de l’égalité entre hommes et femmes sera
au monde artistique franquiste.
réglé, nous pourrons apprécier la lutte
EF: Le monde de l’Action doit comporter
féministe des femmes dans le monde
un concept, je le dis et je le répète.
de l’art et ceci au delà de l’introduction
Je préfère parler à l’intelligence qu’à
massive des femmes dans ce monde. Il y
l’émotivité. Quand je fais une action, mon
a certes, aujourd’hui davantage d’artistes
intention est de ne jamais provoquer
femmes. Mais je parle aussi du contenu, de
une envie de pleurer ou de rire, cela ne
l’évolution et de la transformation des pra-
m’intéresse pas. Mais en effet, tout cela
tiques artistiques. Je parle non seulement
passe par mon corps qui est mon terrain
des artistes mais également des critiques,
intime et personnel. C’est pourquoi, j’ai
universitaires, commissaires d’exposition
réalisé une performance qui s’intitule “
et institutions. Et ceci malgré le fait, qu’ils
Intime et personnel” avec laquelle, l’on
n’aient pas encore acquis une approche
peut faire beaucoup de lectures. Celles que
aussi libre que l’on pourrait le désirer.
l’on veut car je dis souvent que toutes les
AFRIKADAA: Est ce que le fait de pratiquer la Performance, en tant qu’artiste - femme, a permis de changer le statut des femmes artistes? EF: Je suis absolument convaincue que le féminisme et la lutte féministe ont changé énormément de choses. Pas seulement le statut des femmes dans le monde de l’art mais le contenu de l’art lui-même. Ils ont introduit dans le monde de l’art une nouvelle problématique, renouvelé et contesté la problématique existante, et du point de vue de la pratique et de la technique pour ainsi dire. Beaucoup d’activités spécifiquement féminines, c’est à dire dans le pire des sens, réservées aux femmes et à la maison, ont été introduites par les femmes artistes comme un geste technique et artistique dans la peinture et dans toutes les autres manifestations de l’art. Quand le problème
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AFRIKADAA: Finalement le féminisme et l’action performative sont-ils deux mouvements qui ont évolué de manière parallèle, ou peut-on dire que l’un a été antérieur à l’autre dans votre pratique artistique?
interprétations sont valables y compris la mienne! C’est là que je fais cette jonction, cette union entre le concept et la présence physique de ce corps qui peut faire dire aux gens “ Elle est belle, elle n’est pas belle, elle est idiote, qu’est ce qu’elle est entrain de faire? Comment ose t-elle porter ce
EF: Le mouvement féministe a débuté au
corps” etc. Tout cet aspect pathos, affectif
XIX avec les suffragettes. Je ne sais pas
et non affectif, émotionnel et non émo-
tionnel. Je fais donc la jonction entre un
ne pas le faire parce que ça va réveiller
qui a un livre sur la tête. Selon mon inter-
aspect revendicatif qui est de dire que je
des sentiments. Mais, je ne le fais pas pour
prétation, elle regarde le fou se faire rouler.
ne suis pas parfaite et je peux le montrer
provoquer des émotions aux autres. Je
J’ai fait un jour, une performance qui
et un autre aspect qui est de dire que c’est
le fais simplement pour libérer quelque
s’appelle “ Las cosas “. Sans me rappeler de
un corps de tous les jours, fait d’émotions,
chose en moi.
l’oeuvre Bosch, j’utilise toujours un livre, un
de joie et de tristesse. Quand je pense à une oeuvre, je ne pense pas aux émotions que cela peut réveiller mais si c’est le cas, je n’empêche rien non plus. En 1984, j’ai fait une performance à Saint Sebastien et en sortant, quelqu’un m’a dit avoir presque pleuré d’émotion. Cette oeuvre s’appelait “ Musique pendant que tu travailles “. C’était un programme de radio où l’on mettait de la musique pour les gens qui travaillaient. J’avais choisi un morceau de tango de Carlos Gardel. J’ai alors compris que ma jonction entre le travail conceptuel et cette musique avait fait un amalgame qui avait réveillé des émotions chez les gens et qui n’était pas dans mon intention. Je ne refuse pas ce processus mais après cette expérience, je n’ai plus jamais employé cette musique dans mon travail. Tout le monde était content d’avoir passé ce moment d’émotion, mais merde, je ne voulais pas de ça! Je n’ai jamais voulu “faire beau” ou réveiller des émotions. Je ne cherche pas à faire rire non plus. Dans la performance “Parler pour marcher ou marcher pour parler”, j’improvise, je
AFRIKADAA: La série qui s’intitule “ Le livre des têtes “ est une série d’autoportraits de visage, pourquoi ce titre? Esther Ferrer: Tous les autoportraits, je n’avais, d’ailleurs, aucune intention de faire des autoportraits mais c’était le plus facile à faire, s’appellent “ Livre “. Pour moi, chaque photo est comme une page. Les autoportraits avec le sexe s’intitulent “Livre du sexe”, avec la main, ils s’appellent “ Livre des mains”. Bien que cela ne soit pas un livre, puisqu’il y a un support en verre pour les mains. J’aime beaucoup Jérome Bosch et l’un de ses tableaux, “ L’extraction de la pierre de la folie” est au Musée du Prado. Je l’ai vu quand j’étais adolescente et je l’ai adoré. Dans ce tableau, il y a un fou dans une foire qui a une pierre dans la tête et quelqu’un, est en train de lui extraire. Ce type là, porte un entonoir sur la tête et à ses côtés se tient une espèce de moine qui tient des sacs d’argent. En face, il y a une petite vieille, accoudée à une petite table,
pavé (j’ai utilisé beaucoup de pavés dans mon travail, en mémoire de mai 1968) et un entonoir que je mets sur ma tête. Alors que je devais donner une conférence en relation avec cette pièce, je me suis tout d’un coup rendue compte du lien avec le tableau de Bosch. C’est pour cela, que j’ai réalisé cette photo en hommage à Jérome Bosch, en prenant la pierre, le livre et en les mettant sur ma tête. Les influences sont là, sans que tu en aies forcément conscience. J’ai vu le tableau pendant mon adolescence puis réalisé cette performance et fait la photo. En évoquant l’autoportrait, et notamment dans la série des “ Métamorphoses ou l’évolution” dans laquelle ma tête devient une trompe d’éléphant (j’aime beaucoup lire les revues scientifiques, notamment sur le thème de l’évolution), j’ai lu qu’un scientifique se posait la question de savoir si la trompe de l’éléphant était une anomalie de l’évolution et que pouvait-elle donner si elle se reproduisait chez l’homme. Cela m’amuse d’aborder des questions scientifiques, cela correspond à mes
parle de ce que je veux. Je peux faire rire
préoccupations et
les gens, mais je ne le prépare pas, je ne
c’est aussi ancré
l’élude pas dans le monde de l’art.
dans mon quoti-
En ce qui concerne la pièce “ L’artiste et la
dien. Mon travail
mort”, je pense à la mort comme tout le
photographique
monde. J’ai fait cette pièce en pensant à
implique la
ma propre mort. Cette photo peut engen-
présence physique
drer une émotion chez quelqu’un qui a
du corps. Si je
eu un malheur dans sa famille et qui peut
n’avais pas fait tant
projeter ses émotions, ses sentiments ou
de performances,
sa tristesse. Je ne veux pas me castrer et
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Intime et Personnel – Festival : Dance - Performance Nouvelles – FRAC Alsace-Pole-Sud – Strasbourg (Francia) - 2012 (Performeurs: Esther Ferrer et Androa MIndre Kolo) - Photo: Festival.
je n’aurais peut-être
pas tant développé le travail de l’autoportrait. Il y a une relation fondamentalement directe avec le corps, le corps des femmes et la façon de le traiter. * Le groupe ZAJ fût creé en 1964 à Madrid par les compositeurs Walter Marchetti, Ramon Barce et Juan Hidalgo et fit participer différents artistes de l’avant-garde. A partir de 1967, et jusqu’à sa dissolution en 1997, le groupe ne réunit plus que trois artistes parmi lesquels Walter Marchetti, Esther Ferrer (intégrée à ZAJ en 1967), et Juan Hidalgo. En 1973, John Cage organise, pour le groupe, une importante tournée aux Etats-Unis.
A droite : Portrait de Esther Ferrer par Alexandre Gouzou
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Wangechi Mutu by Deborah Willis:
Exploration of the female body and identity © BOMB Magazine Within the framework of our issue concerning the body, we wish to highlight the work of the talented artist Wangechi Mutu. Born in Nairobi, Kenya, in 1972, she received a BFA at the Cooper Union and later received an MFA from Yale University in 2000. Her work has been featured in solo exhibitions at institutions all around the world. Wangechi Mutu expresses herself through a variety of mediums, including video, installation, and sculpture. However, she is best known for her large-scale collages on Mylar. She gives us her interpretation of the female body’s role in our society through hybrid creatures made by a combination of machine, animal, human, and monster parts. In this BOMB Oral History Project, she is interviewed by Deborah Willis, who 58
is an African-American artist, photographer, curator, and educator. Ms. Willis is currently Chair of the Department of Photography and Imaging at Tisch School of the Arts at New York University. Her writing and artwork focuses on the black female body. In this discussion, Deborah Willis hopes “to introduce new readings of how her (Wanagechi Mutu’s) work is viewed, consumed, collected, appreciated, and critiqued”. Deborah Willis Tuesday, September 24,2013 and we are here in Brooklyn at Wangechi Mutu’s studio in BedfordStuyvestant. Wangechi Mutu has been a special person in my life since 1994, and I really appreciate the opportunity to work
Déborah willis
little nerve-wracking and wonderful. It’s everything that I dreamed would happen eventually, that we’d have this conversation. I was born in Nairobi, the capital of Kenya, in Nairobi Hospital, the second born in a family of four, and I was raised
with and learn more about Wangechi.
in Kenya. I went to nursery, primary, and
So, the first question: Where were you born?
vent Msongari, and then I left when I was
Wangechi Mutu I have to say that I’ve been
Atlantic in Wales. But I feel like my brain,
a massive admirer of your work, so this is a
my consciousness, was built and formed in
secondary school in Nairobi at Loreto Con17 to go to the United World College of the
Kenya, and I’m Kenyan in heart. […]
DW ...There is a lot of texture in your works, particularly on the bodies of your subjects. WM There is nothing more insanely visually interesting and repulsive than a body infected with tropical disease; these are diseases that grow and fester and become larger than the being that they have infected, almost. It’s different from temperate diseases, which seem to happen inside of the body. Tropical diseases—elephan-
the mechanism with which I was able to
Fred Wilson, like “Mining the Museum,” or
move my mind around all of these issues
around the powerful, explosive, radical sil-
of otherness, of transplanted-ness as a
houettes of Kara Walker that I was involved
young woman, my blackness as an African-
in and witness to, was so important.
raised black woman in New York City. It
But I also am obsessed with the body. It
became crucial to me to use it as a pivot,
wasn’t given to me; it was something I
you know? But then I realized that it’s also
came with by being athletic and having a
a trap. There’s something about the body
fascination with dress/costume as a way
that confines us, that disables us, and that
to mutate. I think about the relationship
prevents us from being immaterial, being
between the femaleness of my body
invisible, being all of these things that
and society’s perception and expectation with me. I
tiasis, polio, and worms that grow in
get how the body
people—create new worlds and universes
can be dressed up
on your body. That’s what has always fas-
or masked. One
cinated me. And of course, when you have
can masquerade,
these books on tropical diseases, you don’t
and the body is a
find the most moderate example. They
structure, an infra-
give the most extreme patient, that’s who’s
structure—kind
in there, with the goiter hanging down
of like a shell that
to their knees; it’s craziness. But I used to
can move around
look at these things, and as much as I was
and create differ-
disgusted by them, I was like, “Oh, oh, turn
ent reactions, for
the page, next one, all of them!” […]
whatever reason, to empower yourself,
DW ...I notice that the body, when you talk about race and the figure, was important in your understanding the energy of this time period. Did you have ideas about looking at the body in a different way as a result of this political and cultural energy, or was it rooted in your earlier experiences in Kenya? WM I think that I was witnessing how
or, as I said, to disappear or transform […]
Family Tree
the body is politicized in art. I was always interested in the power of the body, both
maybe you want to be, because maybe
as an image and as an actual mechanism
you don’t want to stand out. I don’t stand
through which we exist and find out who
out in Kenya. I’m just another Kenyan
we are. I was interested in what goes on
woman. But here, depending on where I
inside, but also what people see you as.
am, I’m that girl, that Kenyan, black…what-
I was also looking at the history of the
ever. So I realized what this body meant,
body, questioning issues of representa-
at that moment, and that the discussion
tion and perception. The body became
around the institutional critique of work by
59
DW What type of work was people looking at? You said that you were robust, or making a lot of work.
WM Around 2002, I began making a lot of work on Mylar—collage works, always focused on these subjects that were female, somehow transforming into or from cyborgs or chimeras of animal, plant, and human mixtures. These sort of mythological creatures: in poses, in action,
in dance, caught in motion in their worlds.
know the mythologies of what sirens or
that kind of thing. This is the power they
During that period, there was a lot of use
mermaids do elsewhere, but in our part
hold and why I’m fascinated by Nguvas
of fashion magazines and fashion poses
of the world, Nguvas live in the ocean, but
and fascinated by this kind of creature. For
in my work, but they were tweaked and
also come out and pretend not to be sea
me it represents something even more
distorted just enough that you understood
creatures. They trick people. They are able
significant, which is a belief system that
where these imagined figures came from.
to find human weakness and utilize their
actually works and is intact, and is held
These creatures as I’d created them obvi-
power to drown people, to drag men into
together by the people who understand
ously were not something that would ever
the ocean. They’re frightening and power-
that language, and who live within those
be found in their publications of origin. I’ve
ful because sometimes you are unable
parameters and those worlds. And that
since moved into other ways of represent-
to distinguish them from real women.
is, for me, so key, because I think we’re
ing the body, but at that time it was a lot of
In fact, that’s where their power comes
so immersed in this world of one-way of
taking these posed, very fictional females
from, because a weak character might be
thinking, which is often based on West-
and extracting meaning out of them and
convinced by this woman, by her face, her
ern scientific rationality, which I think
squeezing a new discussion
has incredible
into them.
importance and has its place. But
DW So what kind of research do you conduct on these references, these female subjects? Do you use Vogue, or fashion magazines, or National Geographic?
I don’t think it is the be-all-endall knowledge base for everything. I don’t think it’s a way of
WM I do use Vogue a little bit,
understanding
as a place to find the mate-
everything that
rial. I absorb the information
exists around us.
in there pretty quickly; it’s
There are other
not that deep, and it’s all
things. I’m not say-
seasonal. But I do love using
ing that this thing
those magazines: the type of
is real but I am
paper, the type of photography, the scale of bits and pieces in there, the jewelry,
saying that there are other ways of
Wanguechi
understanding
the eyes, the animals are perfectly photographed and printed. When I am tackling a new project, I research things deeply. For example, let’s talk about the present project I’m working
our universe, and features. And then, before you know it,
our world, and our humanity. And we’ve
you’re walking out into the watery wilder-
discounted those things. We’ve—often for
ness and into the water with her.
modernity’s sake, as a race, as humans, as
on, a video work called Nguva. Nguvas—
DW So is it hyper-real, is it dream-like?
water women—as they’re called, in Kenya.
WM You know what, Deborah, we have
Nguvas are female, fish-like creatures.
these agricultural shows in Kenya […]
Sirens, essentially, that have both a ter-
That’s where you can see something like a
restrial and an aquatic existence. I don’t
double-headed calf or a bearded woman,
60
a colonized people, as colonizers, however you want to say it—we have disrupted those ways of thinking because it doesn’t jive with the new logic, with the Enlightenment, with scientific development. But there are ways of thinking that actually
promote another way of being conscious,
because this is an incredibly expensive
and being empathetic, and being human,
piece of equipment and the drops start
and being intellectual that I actually think
coming down, but the rain helped moisten
are worth looking at. Nguvas are actual
everything, which was perfect. I had a
animals, believe it or not […]
rope across the garden, where I’d hung all of these tapestries and curtain fabrics,
DW I wanted to know how you want us to be transformed by your work. But it’s not that you necessarily want us to be transformed. You really want us to experience different points of entry with the world. You stated in an interview with curator and professor, Isolde Brielmaier, that “the body in your work is a point of departure.” Do you still see the body as a shared “space and landscape”? WM Yes […]
even these silks that implied Orientalism, and then I had these fruits. I really wanted to push this idea of the succulent tropical fruit. The eroticism of that was interesting and important to me, but also the indulging of it, the eating, the consumption. This was a stinky fruit by the way, it was this disgusting smell of dirty drawers […] The bride who married a camel
DW Talk about how you constructed the self-portrait, Portrait of the Artist. It looks like you worked on this idea for a long time to build this ideal figure of an artist. Has it been collected by anyone? WM No. Because I didn’t ever position it that way. I was trying to make fun of people who love to exoticize and fantasize about me as this creature from another world.
DW No? I have not seen it other than as a document in a publication and I’m curious why. WM I had this distinct feeling at that time—and I still do—but then I was so, so
Family Tree
bothered and obsessed with the fact that people didn’t quite know how to read me,
with this. So I wanted to create a very, very
and place me, and kept confusing me for
exotic (and, at the same time a bit erotic,
one or two other black female artists, and
without being too stereotypical) image
when they didn’t, it was this other read-
of myself, as this thing, this person. And
ing. So I said, “You know what? I’m going
I wanted to put myself in this world. So I
to take people on a little ride here.” But I
was projecting this tropical environment
never do that in this cocky way, where I’m
that actually was in my back yard. It started
planning to lose anyone. Because I’m in
drizzling. We were using a huge, large-for-
it with them, you know? Let me have fun
mat 8x10 camera, and it was frightening,
61
DW Well, it’s successful, because I feel like I’m panning across and looking through. In the next few minutes, let’s talk about words: icon, beauty, the experience of beauty. I see a sense of empowerment. I thought about Sarah Baartman who was displayed around 19th century Europe like an exhibit. Sarah Baartman, who was also known as the “Hottentot Venus” was one of the early women to come out of Africa; in Europe her genitalia were documented and photographed [as if she were a specimen]. She is still mythologized in many ways. We can imagine imagery from your work connected to that. I’d like to hear you talk about this discussion about that wounded body, the wounded beautiful body of Sarah Baartman that you also reengage us with in the women of the sea—that mermaid, that moment of sheer existence. These two extremes—the imaginary and the real—and then your place in that, for us to imagine that becoming real and three-dimensional. WM The black female body has been violated and revered in very specific ways by the outsider (Europeans especially). The issues that pertain to race: pathologizing
yellowbirdhead-hires-unframed_family tree series
the black mind, exoticizing and fearing
Africanism and the
Grace Jones, and I’ve mentioned this in
beginning of the
other contexts, on a German TV show
worst denials of the
called Pop in Germany that we used to
black female body
watch on Saturdays in Nairobi […]
as a body of grace,
Grace Jones came on with a leopard-skin
power, and ancient
cat suit. That was the first time I’d seen
genes. Racism, deep
her and the first time I’d seen that kind
inside, is a killing of
of costume […] But this was the first time
the original mother;
I’d seen this kind of costume in active use
a murdering of the
and it blew me away. I couldn’t wrap my
people who begot
head around this woman because she was
all mankind. It’s a
certainly performing, but there was some-
perverse yet clear
thing about Grace Jones acting out this
desire to destroy
leopard, feline creature with her butt in the
that female who
air and her tail swishing around—because
you no longer
she had a tail connected to the costume—
desire or feel you
it was like they’d painted this thing on her.
require and value. In
You could see everything and she’s obvi-
the meantime, the
ously got this incredible body. But leopard
body is put to work,
skin is the one animal skin that denotes
devoured, tortured,
power, leadership, often masculine and
broken, mutilated,
male power. So people like Mobutu Sese
and then prepared
Seko wear it […]
for display as an artifact, a totem,
of the black body, objectifying the body
a specimen. Even in this state of contain-
as a specimen, or a sexual machine, or a
ment and capture, our body is valued and
work animal, or relating the black body
worshipped—yet feared and reviled.
to non-human species as a way to justify cruelty… All these are practices that are placed excessively upon the black female body. My personal belief is that deep inside all humans know that our ancestors were black Africans. The connection to Africa is obvious, even if it is an instinctual, intuitive awareness. Those who reject Africa do so out of ignorance, learned and acquired, but also because of how far away they’ve moved from the core, “original” traditions and languages of their ancient ancestors. The destruction and colonizing of pre-Christian traditions in all societies is one of the last, most frightening denials of
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DW Black models and figures are almost absent in contemporary art and even in popular fashion magazine. I’d like to hear your thoughts about this and how you are reinserting these images from pin-up girls to imaginary figures. You also insert white skin, blond hair and red lips and place these cut-out body parts and merge with black skin. I find your props essential, from stilettos to lace—provocative props to connect a myriad of experiences to explore gender-based stories. More on that process… WM I’ll tell a little anecdote. I first saw
DW I love the storytelling aspect of your work. I love what happens with us visually, when we look at it. I’ve made some photographs of your studio, which I’ll send to you. I’m just sorry that I never got a chance to photograph you pregnant. Unless you’re going to do it again? (laughter) WM Deborah. Deborah.
DW Thank you for this Fantastic Journey. We thank BOMB Magazine for allowing us to publish this excerpt from its Oral History Project. To read the entire oral history, please visit BOMB’s website: http://bombmagazine.org/article/1000052/wangechi-mutu
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UP ! boxer le reel par la danse Interview avec Bruce Blanchard et Manuel Antonio Pereira photo : alexandre gouzou / texte Pascale Obolo
UP est un spectacle d’un genre particulier qui sort des sentiers battus. Créé par le metteur en scène Manuel Antonio Pereira et le danseur chorégraphe Bruce Blanchard, cette création évoque le parcours d’un garçon à travers ses accidents et ses ruptures, venu à la danse comme on entre en combat, exprimant la lutte de beaucoup de jeunes 64
à la dérive, exclu du système qui cherche la rédemption. UP exprime La violence faite au corps, le streetfight et les combats clandestins et s’inscrit dans une création qui emprunte les formes du hip-hop, pour mieux en détourner les codes et le style. Nous les avons rencontré Lors de leur représentation au centre Wallonie de Bruxelles à Paris.
Afrikadaa : Comment est né le projet UP ? Manuel : Le projet UP allie à la fois la danse, la musique et le texte. Ce spectacle raconte une partie de la vie du danseur Bruce qui avait déjà fait une tentative de spectacle autour de sa vie, présenté au théâtre de Bozar à Bruxelles dans le cadre d’un festival de danse urbaine. A l’issue de ce spectacle il avait estimé que ce n’était pas assez abouti, car il aurait aimé faire un travail plus approfondi, moins cliché qui dure 1 heure et non 20 min. Il a fait appel à l’ association les Arts Urbains qui travaille sur des disciplines artistiques liées aux hip hop. Cette association m’a mise en relation avec Bruce, c’est ainsi que notre collaboration a commencé.
On a effectué plusieurs working pro-
racontant véritablement mon histoire.
gress dans différents lieux afin de faire
Une histoire difficile que je ne pouvais
un travail de recherche et d’exploration.
raconter seul. Manuel m’a permis de
On a constitué une équipe solide
sortir tout le coté émotionnel et profes-
de musiciens, chanteurs pour nous
sionnel dans ce projet. J’ai appris avec
accompagner .Bruce partage la scène
Manuel comment exprimer une émotion
avec la chanteuse Sabine Kabongo, le
sans la danser ?
batteur guitariste Bilou Doneux et DJ
C’était un challenge pour moi d’exprimer
Courtasock. Tous trois entrent en dialogue avec la partition chorégraphique et le spectacle prend la forme de danseconcert. La création a été montrée au théâtre de l’EDEN dans le cadre de la biennale de danse contemporaine à Charleroi. C’était un défi pour nous car c’était le seul spectacle de hip hop sélectionné dans cette biennale. On voulait montrer que le hip hop a ses lettres de noblesse et sa créativité. C’est une écriture de danse à part entière, avec son vocabulaire qu’il faut le sortir des ghettos sans pour
une émotion sans faire de mouvement.
A : comment à travers des mots arriver à exprimer une gestuelle ? Je vous avoue que c’était difficile au départ car je ne comprenais pas trop. On a fonctionné sous forme de laboratoire. Au plus profond de moi, il y avait une sorte de clash entre la danse et l’écriture. C’est à dire que mon interprétation corporelle n’arrivait pas à retranscrire l’action verbale dansée. Je devais plus faire un travail intérieur qu’extérieur. Quand on lit une poésie c’est l’intérieur qui est le plus important pour pouvoir s’exprimer. Et dans la danse ou les battles c’est l’extérieur qui est important.
A-Peut tu nous raconter ton background/ ton spectacle en fin de compte ?
autant tomber dans un cliché de danse
Bruce-Je suis originaire du Congo
contemporaine auxquels il n’appartient
Kinshasa avec un père boxeur immigré
pas. Bruce a emmené toute sa créativité
en Belgique .j’ai eu une jeunesse dif-
en danse. On a collaboré des le début
ficile. J’ai grandi dans la rue. Je faisais
d’une manière assez étroite.
du streetfight, du foot et de la danse.
A-Pourquoi avoir envie de raconter son histoire publiquement ? Bruce- Je suis quelqu’un de sincère dans mon travail artistique et je ressens le besoin de dire certaines vérités, car je suis connu sous plusieurs casquettes dans le milieu hip hop. J’ ai fait des battles , gagné 4 fois les championnats du monde , j’ ai été aussi jury de la plus grande compétition mondiale de Juste Debout à Paris ; et élaboré aussi des chorégraphies pour les clip vidéo. J’ai voulu être moi-même sur scène en
65
J’ai essayé de m’intégrer en Belgique, épousé en partie la culture belge mais le coté africain m’a beaucoup inspiré dans ma danse et m’a aidé à être moi et unique dans mon travail. La danse est venue à moi. A la maison à chaque fois qu’il y avait une fête, je dansais tout le temps pour attirer l’attention de ma famille ou des amis. J’ai toujours utilisé mon corps dès l’enfance pour attirer l’attention des gens sur moi et pour exprimer mes idées. J’avais des difficultés pour prendre la parole en public, le corps est un des seuls langages avec lequel je m’exprime avec
facilité. Je raconte des moments diffi-
corps suivait le beat différemment et
ciles de ma vie, des moments qui m’ont
j’explosais. Je jouais avec les différents
marqué. Dans ce spectacle j’avais du
niveaux d’intensité. ça m’a permis de
mal à lire mon vécu, il y avait une sorte
gagner les championnats du monde en
de blocage. Comment faire vivre les
Finlande et d’arriver après en demi finale
mots, accepter le sens de ces mots qui
à Bercy. J’ai progressé dans ma façon
relataient ma vie ? Les retranscrire par le
de jouer avec mon corps. J’ai senti que
langage corporel m’a permis aujourd’hui
je changeais, que j’en exploitais des
d’être à l’aise avec la parole.
nouvelles sensations et ressources en
A: Y a-t il eu conflit entre les mots et les mouvements corporels ? Manule : l’écriture on l’a faite à deux. Et c’était nécessaire car c’est son histoire et c’est lui qui danse. Mais il est clair que la part dramaturgique a été très importante aussi par ce qu’il fallait accoucher des choses qui sont très sensibles, très subtiles et ne pas être dans l’affect. Petit à petit, Bruce a changé de territoire, il est allé vers des choses qui le mettaient en danger. Parce qu’allez chercher en soi des choses profondes, les extérioriser, les montrer sur scène, ce n’est pas la même chose que de construire de manière plus extérieure une forme chorégraphique. On a laissé parler cette intériorité d’abord, puis on a attendu qu’elle nous fasse une proposition en geste, en mouvement, et physiquement.Ca a été une belle exploration. Ce fut une gestation longue. Mais finalement ça nous a apporté mutuellement.
Af: comment ça se passe quand tu fais des battles ? On m’a connu sous le côté de la force, c-a-d l’énergie ; grâce au spectacle UP, quand je retournais danser dans les battles, j’appréhendais les choses en douceur, c’était moins physique. Mon
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l’utilisant comme médium.Ca m’a ouvert de nouvelles portes. Manuel : Dans les battles les chorégraphies sont construites sur la musique en générale. Dans le projet UP on a travaillé à contrario, on a parfois construit les chorégraphies sans la musique ; puis on a cherché des sons qui pourrait amplifier ça, et l’emmener encore ailleurs. Ça a crée des zones de mystère dans la relation entre la danse et la musique qu’on ne trouve pas trop dans le hip hop. Ce n’est pas la musique qui contrôle le corps mais l’inverse. C’est ce qu’on a essayé de faire dans cette création.
MUSSANGO MALAM OU LE CORPS CICATRICE Par Dominique Malaquais
Pour Malam1, créer c’est bruler. Les
ne sait trop qui ils sont. Les bourreaux
gigantesques installations qu’il réalise
également sont là. Ils se dressent tels
sont des auto-da-fé au sens pur du
des sentinelles, à la fois symboles – de
terme : des actes de foi incendiaires.
juntes, d’armées, de multinationales aux
Dans « Mussango » (2008), quelque soix-
faces occultées – et individus, acteurs
ante corps faits de plâtre et enduits de
dont les traits disent l’horreur d’une
résine ont été mis à feu. Une vaste foule émerge des flammes : êtres debout,
humanité qui ne se reconnaît plus fine dentelle de points de suture cloutés
elle-même. Les corps fracassés qui les
accroupis, tombés et tombants dont la
entourent sont ceux, aussi, de l’artiste. Ils
peau apparaît grise et cloquée, radicale-
sont lui avant, en divers moments de sa
ment altérée par le feu qui les a mangés.
vie, et aujourd’hui, ici, maintenant.
Ce monde en loques agrippe, tire,
Les corps-brisures, cassés et refaits, qui
pousse devant lui des objets trouvés –
peuplent « Mussango » sont les avatars
landaus, matériel d’agriculture, roues
d’un homme, l’artiste, en proie à une
calcinés que l’artiste a transformés en
douleur extrême. Douleur psychique
armes de guerre.
et physique : douleur de ceux à qui la
« Mussango » a une double fonc-
loi interdit d’être où ils sont. A l’époque
tion. Travail de la douleur, l’œuvre est
où il crée « Mussango », Malam est sans
un face-à-face avec les ravages de la
papiers. Il habite à Paris, mais risque à
destruction, de la perte. Mais elle ne
tout moment le rapatriement forcé vers
s’arrête pas là. Tentative aussi de cica-
son pays d’origine, le Cameroun. Il n’a
trisation, elle propose un mouvement
pas de passeport, pas de domicile fixe,
au-delà de l’abjecte, vers un espoir pos-
pas d’assurance maladie.
sible. Ainsi une image qui revient encore
S’il s’était rendu, courbé, devant les
et encore, ici et ailleurs dans les instal-
comme pour les rendre à la vie.
autorités françaises, s’il s’était prosterné,
lations de Malam : des bras, des jambes
Des corps comme ça, ravivés in-
peut-être aurait-il obtenu-il le droit de
brisés, arrachés, que l’artiste s’est attardé
extrémis, les quatre tonnes et demi de
rester au lieu de galérer comme il l’a fait
avec douceur à réparer, des corps qu’on
« Mussango » en regorgent : femmes,
des années durant. Mais Malam refuse
aurait jurés perdus, qu’il a ourlés d’une
hommes, enfants, victimes anonymes
de quémander. L’art, pour lui, n’a pas
de violences perpétrées par des sol-
de patrie. Ceux qui créent – ceux qui,
dats, des flics, des malfrats dont on
comme lui, œuvrent dix-sept heures,
1 Malam est le pseudonyme de l’artiste Isaac Essoua Essoua, né en 1967 à Douala.
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vingt heures par jour à la naissance de
Malam, c’est cet enfer-là. Et pourtant…
Fig. 1 Mussango, Corps de plâtre avant
mondes nouveaux, participant ainsi à la
Pourtant, il reste des bribes d’espoir. En
le brûlage
vie culturelle et économique des villes
duala, la langue maternelle de l’artiste,
et des pays qu’ils se sont donnés – il dit
Mussango signifie « paix ». Le titre ne
Fig. 2 Mussango, Préparation des
qu’il faut leur foutre la paix. Pas plus
manque pas d’ironie ; face au déluge
corps au brûlage
eux que ces familles qui cherchent une
de violence qu’est cette installation, on
existence meilleure loin de homelands
n’est guère enclin à philosopher sur la
Fig. 3 Mussango, Corps après le
décimés par le grand capital et la course
paix. Du chaos de ces corps calcinés se
brûlage
au pouvoir des nantis ne méritent
dégage, cependant, une exquise poésie
de vivre dans la trouille, traqués par
et d’elle un rêve – celui de faire reculer
l’angoisse de se retrouver menottés au
l’enfer. Si seulement les êtres humains
fond d’un avion dont personne ne s’est
voulaient voir les choses en face, se
donné le mal de leur dire où il va.
rendre compte que ce sang qu’on fait
Aujourd’hui, Malam vit légalement en
couler en leur nom n’a d’autre raison
France. N’empêche : dans un pays dont
d’être que de satisfaire les besoins d’un
la xénophobie ne cesse de croître, il
système vampire et, en son sein, les
continue de clamer, haut et fort, le droit
intérêts de ceux qui tiennent les rênes
de ceux dont il a été. Celui de vivre et de
du pouvoir… Si seulement, alors peut-
créer – d’être – en paix.
être, nous dit Malam, il y aurait un futur
Enfer et hémoglobine : les grands
à imaginer et à bâtir ensemble.
foulent aux pieds les petits, le monde se vide de son humanité. L’œuvre de
68
Fig. 4 Mussango, Corps en feu
69
Senga
NENGUDI
The Messenger Interview by Olivia Anani, with the participation of Anne Gregory and Louisa Babari All images are courtesy of the artist
Afrikadaa: Why did you choose the body as a medium? What inspired your work? Senga Nengudi: The RSVP series was initially inspired by the birth of my first child and the elasticity of the body during the process of pregnancy and after. I was also interested in the elasticity of the psyche during stressful times. I had a strong need to visually express what I was going through mentally and physically.
Afrikadaa: Is there a purpose to your artwork? Senga Nengudi: My purpose in the RSVP series is to express, in abstraction, issues
Senga Nengudi’s exhibition at la Galerie Anne de Villepoix was a great opportunity for the Parisian scene, to (re) discover an incredible personality, a spiritual guide, an artist with a unique point of vue. Already well known across the Atlantic for her work in performance and sculpture spanning several decades, Senga Nengudi never ceases to shake our conceptions of feminity, time and the psyche. Afrikadaa caught up with her to talk about her work, life and philosophy. 70
that plague the female being; which would be body, image, birth, joys of being a female, as well as abuse. The abuse is curious because there is self-abuse as well as extreme abuse that is heaped on us in a variety of ways.
Afrikadaa: Did the women’s lib movement have influence on your artwork?
Senga Nengudi: That’s a resounding
So as you hear your voice, you are offer-
to you. This gives a person who is not
-- No. The truth about the women’s lib
ing to the viewer the understanding of a
particularly thinking about these things a
movement is that it was mostly for Ameri-
particular thing. For instance in the RSVP
way in and the ability to understand them
can white women, to be blunt. With black
series I’m talking about elements that are
more deeply.
women, some of those issues weren’t
personal to me but through the personal it
issues. Black women had been working
becomes universal, because it’s something
for a long time to sustain a household.
many women experience.
ent. Obviously there were certain issues
Through my own, hopefully authentic
that remained the same – such as equality
voice, and through explorations of my
of pay. But some of the core issues for the
body and other things, someone might
women’s lib movement weren’t so much a
get a deeper understanding of the female
Afrikadaa: The idea of the psyche coming back into shape is a very optimistic view. Sometimes we talk about the irredeemable damage done to the psyche after one’s been abused, and we hear all these discussions about women having issues with their bodies, that they see “deteriorating” after a pregnancy, like a beauty lost for good, never to come back again. I like that you see it as something that comes back into shape – so it’s all good.
part of the black female experience.
experience and it’s not just related to the
Senga Nengudi: (laughs) I like to joke and
female experience, people of all sorts,
say that it “sort of” comes back into shape.
Now if you talk about feminism, that’s
men, women, children have also had a
another story.
similar experience of the psyche being
stretched to limits because of drama in
Part of the women’s lib movement was to find a way into the workforce and to be independent. Black women had been self-sufficient. Like my mother and my grandmother before her, they were all
I think that’s the role of the artist, you magnify something that’s of importance to you.
working women. They were independ-
Afrikadaa: What role does the female performance artist have in society?
your life, you have these feelings... Then
like, after pregnancy, your body gradu-
Senga Nengudi: I think the role of any
ally comes back into shape. So when you
artist is the same whether it’s a performer
come from an extreme experience, if you
or poet or musician. It is to express truth as
have things to sustain you, then the psyche
they see it and to be a conduit of connec-
goes back into shape, too.
tion from the ‘out’ to the ‘in’. In the past,
this was the role of the shaman. Today it’s
For instance, Georgia O’Keeffe chose flow-
the role of the artist. It is a cultural role that
ers as her point of interest. But through
helps reveal authentic spiritual and poetic
the way she decided to paint them, you
possibilities and also helps people gain
saw the sensuality of the flower, and other
a voice for their own experiences. Also,
elements that most people might not
to be a messenger that brings back from
notice when they look at a flower. This
the beyond instructional messages. As an
was something she loved. In bringing that
artist, you focus on something you love,
love to it, she magnified the experience for
and through the love of that thing you
other people so they could see it.
magnify a particular issue or material or
point of view for examination and under-
I think that’s the role of the artist, you
standing and hopefully, ultimately growth.
magnify something that’s of importance
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the psyche comes back into shape, just
Afrikadaa: What memorable responses have you had to your work? Senga Nengudi: Let me think… The other day, a woman saw my work and I noticed she was crying. I was shocked. She said: “this touches me so deeply”. I’ve had other clearer responses. The series is called “Répondez s’il vous plaît” and I really wanted people to respond. I didn’t want them to go into the gallery and look at a painting and go OK, and then go on to the next painting. I wanted people to respond to my work. Sometimes people say they like that it is interactive. In several of my pieces performances are done by me or other people. I almost think of them as artifacts in the pure sense. There is an additional energy infused in the pieces. They have a relationship with the piece. Another woman told me: “This is exactly
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how I feel, when I went into the work force
studio or time. I had “head space” so my
before, that shows me something in a new
and I had to deal with so many different
work was very conceptual and performa-
way. Basically, that means any art that
personalities…” like some of the sculptures
tive. I was still exhibiting during that time,
makes me grow. I lean towards perfor-
that I make.
but it had to be fairly immediate because I
mance art and conceptual art, but that is
had to come back home.
limiting and it depends on the experience.
A long time ago at UCLA, there was a show
of African sculpture that really moved me.
After that I began thinking about time. I
Once I was in a grocery store by chance at
I never had this experience before. The
was working with sand. There’s a per-
midnight. I was at the cash register pur-
curator was really amazing. You see, all of
manence in the impermanence of it. We
chasing my items and there was a guy next
the sculptures were exposed, they weren’t
as beings are impermanent, yet there is
to me who had a harmonica. The clerk
in glass cases.
the whole issue of time and sand, things
said: “Hey can you play that thing?” And
They were very close together so you had
repeat themselves. I became involved
he said “Sure!”. And he played it and it was
to almost brush up against them. You
with the idea of time. This time thing
the most magnificent thing -- it filled the
could smell the fragrance of the wood.
just keeps going no matter what we
whole store. That moment was transcend-
You felt the energy. That experience
do. There’s nothing new, slaughter after
ent. It wasn’t an orchestra, or a band, or a
stayed with me a long time and that’s why
slaughter, love after love and it just keeps
classical musician... it was the moment that
I became a sculptor -- because I’m very
going. It’s different people, but the sand
was transcendent.
much about the senses. Even though you
remains the same. It cleans itself of the
can’t really touch art work in a museum, I
blood, of the fragrances, of everything.
I love those special moments that happen
like for the viewer to become a participant
as much as I love a complete organized
and get as close as possible, when they are in the room with my work.
Afrikadaa: On your website your work is divided into five specific time periods that vary from two to seven years. Is it reflective of how you would divide the different periods in you life, and in your art? Senga Nengudi: I believe any artist’s work can be considered autobiographical because it’s your life. With the phases of RSVP I was raising my kids. Then in 1991 my mother had an extreme stroke and she became totally paralyzed. And for the next 12 years I took care of her. I did not have time for a normal practice. That’s
Afrikadaa: When did you start using sand? Senga Nengudi: I think it was around 1975 that I used sand in some of the RSVP sculptures. I had tried other fillers, but sand fit the work perfectly. It had the sensuality and the weight of the body. I started out using sand in a small way in those pieces. Sometimes I’ll take a tray that I fill up with sand, and I make sand drawings in it. Then I erase them. I try to do a sand drawing everyday, it grounds me and centers me. It’s not something to be shown to anybody, it’s just like a sort of meditation.
when I worked on a lot of performance
Afrikadaa: What kind of art do you most closely identify with?
ideas because I could do them in my head
but I didn’t have time to create pieces. I
Senga Nengudi: Art that has some form
had to do a head job and think of concepts
of truth and energy to it. Something that
that I could readily do without having a
gives me an experience I’ve never had
73
performance or an art show. I’m just as excited seeing a roadside shrine as I am seeing a cathedral. They both have their places. That’s very important to me because I work with common materials. It’s important for me to know my humble materials can hold their own up against a cathedral.
Afrikadaa: What you are saying is interesting because I grew up in Africa. I was in love with art, but I had questions about how to use the materials. I didn’t know anyone who knew how to paint with oils so I had no idea how to do this. I waited a long time to learn how to use the materials. A few years ago I discovered the works of Frédéric Bruly Bouabré. He worked with colored pencils, the same kind that children use. I thought that if I had been able to see this as a child it would have
made such an impact on me, to know that
In the Native American culture, a shaman
you could use this simple medium to make
makes a sand painting and the person
significant art.
who is ill sits in the middle and there is a
ceremony. At the end there is this healing.
Senga Nengudi: That’s so true. There are
Then they take the sand and get rid of it,
no boundaries to materials. Classically
just like in modern medicine if you have
there are boundaries, they said you have
bandages or hypodermic needles that are
to do it this way, but everything can be
soiled or used you put it in the red toxic
wonderfully transformed into something
box and dispose of it. Well, it’s the same
lovely and poetic and meaningful. That’s
with the sand paintings, they are about the
the freedom we have today. Actually,
healing.
“Outsider” art always had that freedom
because they had no limitations. They
Ritual and ceremony are at the bottom of
were coming from another source, another
just about everything I do. I spent a year
point of view.
in Japan when I was younger. I was always
intrigued with the similarities and dis-
Afrikadaa: Could you talk a little about your recent work? How do you to keep going and stay motivated? Senga Nengudi: An artist is an explorer. I rarely get tired of exploring and experimenting. At the core of being an artist is also being a scientist. You’re discovering and inventing and it has its own sense of excitement and motivation. I’ve always been interested in movement. I’ve also been interested in the body and the spirit, as well. A lot of my sand work explored the way cultures around the world utilized sand painting -- Tibetan, Native American, and East Indian sand painting traditions. Most of the sand paintings had to do with healing. In India women make sand paintings in front of their homes. It’s very traditional. These paintings are sort of a prayer and a welcoming so that by the end of the day people have walked on it and cleared it away. But it has energy and a sense of ritual and ceremony.
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similarities between Japanese and African and African American cultures. There is a sense of ritual throughout the whole situation. As I expanded my exploration with other cultures, my desire was always to see commonalities and to learn how cultural rituals assist in helping people bridge certain things – either illness, or marriage, or death, or birth. These rituals are in place to assist you and your psyche going back to normal after a significant event. Some of these things can stretch your psyche quite a bit. But if you are grounded that’s very helpful.
Afrikadaa: You talk about other
cultures, Native American, East Indian. Have you been able to have people from those cultures interact or react to your work? Senga Nengudi: I really don’t know. My thought is that the relationship between the artist and the viewer is sort of like a relationship between a man and a woman -- they make love and they create a baby. The man is one thing, the woman is another thing and the baby is that third thing. So if I’m the artist and someone experiences my work my hope is that my work will inspire them to make something else, a third thing. When you see something that’s inspiring it makes you want to do something. My ultimate goal is that this exchange I have with the viewer makes that third thing happen.
Right now I’m doing a lot of listening. I’m involved with the five senses of the body. I’m in the process of simply being conscious and seeing where that will take me. In the Buddhist religion they talk about being conscious, being fully in the moment. Being fully conscious is exhausting, absolutely exhausting. But it makes each moment very rich. So I’m having that experience now and seeing where that takes me. I was teaching an installation workshop and as homework I told the students to make a journal and write about something they experienced in terms of the five senses. One student talked about going to see her sister who had a new baby and that the baby was cute and she held the baby. And I said: “What else happened?” And she said: “That was it”. I said: “Well how did the baby smell? How did the baby feel? Did you hear a refrigerator in the background? Did you hear the baby breathing? What was the pattern of the wallpaper or the color of the walls?” Most people, out of necessity, edit things because it’s so hard to take in all of what the moment holds. But right now that’s what I’m experimenting with and seeing where that takes me. I start with the listening. For me, I feel that art needs to be nourishing, transformative, and healing and most of all, it’s important to be true to your own experience.
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PLACES
Les ateliers sahm un centre d’art au coeur de Brazzavile Par Job Olivier Ikama Crédits Photos : Les Ateliers Sahm et Pascale Obolo
Le centre d’art contemporain LES ATELIERS SAHM a été crée en 2012 par la plasticienne et écrivaine congolaise Bill Kouélany. LES ATELIERS SAHM sont un centre dédié aux expressions artistiques et littéraires contemporaines. Le contexte dans lequel LES ATELIERS SAHM voit le jour est celui d’une regrettable réalité de la création artistique en général, et des arts plastiques en particulier. Parmi ces problèmes on peut citer : l’insuffisance d’espace de travail pour les artistes, l’absence de documentation sur l’art contemporain, l’absence de politique de développement des arts visuels, l’insuffisance de salle d’exposition et de galeries. Cette réalité entraîne aussi une faible participation d’artistes congolais sur la scène internationale. Ainsi, LES ATELIERS SAHM entendent offrir un cadre professionnel de pratique artistique et un environnement favorable à la recherche, à l’expérimentation et au partage des savoirs, inscrire une nouvelle génération d’artistes et de critiques d’art congolais sur la carte de la création contemporaine.
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sont engagés dans la promotion de la recherche et du partage du savoir. Ce qui justifie l’existence d’une bibliothèque au sein du centre. C’est avec ravissement et beaucoup de reconnaissance que l’équipe des ATELIERS SAHM et les jeunes qui fréquentent le centre dans le but de s’instruire sont heureux de recevoir de personnes de bonne volonté des dons de livres.
Le Club de Lecture et D’écriture : Des rencontres littéraires sont tenues régulièrement au sein des ATELIERS SAHM grâce au club de lecture et d’écriture. Ce club est animé par des jeunes étudiants et lycéens passionnés Le Centre d’Art LES ATELIERS SAHM a été
effervescence notoire.
par le charme et la puissance du mot, la
récompensé pour son travail de promo-
Résidences de création : le centre dis-
recherche et le partage des savoirs.
tion des jeunes talents Congolais et
pose de quatre chambres et reçoit des
Africains. Le 19 Décembre 2013 Il a reçu
artistes nationaux et internationaux en
Projets :
le trophée des Sandza de Mfoa dans la
résidence de création tout au long
Pour l’année 2014, le centre nourris
catégorie Management culturel.
de l’année. Cinq artistes ont ainsi résidé,
l’ambition de faire participer des jeunes
crée et exposé au sein des ATELIERS pen-
artistes Congolais de Brazzaville et de
Les activité du centre :
dant cette première année d’existence
Kinshasa au Off de la biennale d’art
La Rencontre Internationale de l’Art Con-
du centre. Van Andrea, le dernier,
contemporain de Daka’Art. Le projet est
temporain des ATELIERS SAHM (RIAC) est
expose jusqu’au 15 Février 2014 les
intitulé : Congo(s), esthétiques en part-
l'évènement phare du centre. Pendant
œuvres sous le titre de Fumée sans Feu.
age au delà des géographies.
un mois, plusieurs artistes se réunissent
Plus d’info sur www.atelierssahm.org
pour échanger et créer autour de professionnels de l’art. Le centre compte donc deux rencontres qui ont eu lieu en 2012 et 2013. Trois ateliers ont été organisés à chaque édition : peinture, vidéo et critique d’art. Les participants à l’atelier de critique d’art discutent avec les peintres et les vidéastes en vue de produire des textes qui accompagnent les œuvres des artistes. L’engouement des jeunes artistes est notable, et le travail est intense durant ce mois marqué par une
77
Ateliers : Le centre organise des workshops en marge des RIAC. Le premier portait sur le thème des Contrastes à Brazzaville et a donné lieu à une exposition en Février 2013. Nous avons aussi pris part au Festival Etonnants Voyageurs avec l’atelier sur le thème de l’Afrique qui vient, animé par le plasticien Haïtien Frantz Zéphirin.
La Bibliothèque : Art et littératures sont indissociables. C’est pourquoi LES ATELIERS SAHM
La troisième édition de la Rencontre Internationale d’Art Contemporain des ATELIERS SAHM aura lieu en Septembre 2014 et portera sur le thème : textiles du continents et dynamiques artistiques.
78
make art. wash clothes. build community. A conversation between Kemi Ilesanmi, director of the Laundromat Project New York and artist Caecilia Tripp Photos credits : Landromate Project New York and Hollis King
CT: You started at the Walker Art Center in Minneapolis as a curator, then you worked for Creative Capital and now you are director of the Laundromat Project in New York. When did you start it? KI: I started at the Laundromat Project in September 2011.
CT: But the Laundromat Project existed already before, right?
KI: Yes, actually it was incorporated
to imagine new ways of being, building
in 2005. It was founded by a woman
new communities and moving into the
named RisĂŤ Wilson, who is amazing!! I
direction to bring those visions into life.
was on the board of the organization from January 2006 until something like 2010.
CT: Can you tell us what the Laundromat Project is about?
KI: Our office is in central Harlem on 127th and Lenox Avenue, however our
KI: We bring art, art programming and
work is anchored in three particular
artists into Laundro-
communities in city: Central Harlem also
mat communities and
secondly Bed-Stuy and thirdly Hunt’s
other community bases
with a number of artists who come from
around New York City.
all over the city, so we kind of toggle
We are really interested
between the citywide perspective and
in amplifying the creativ-
then very specific perspectives anchored
ity that already exist in
in the specific neighborhoods.
the neighborhoods and places we work, recognizing and utilizing the fact that art opens up spaces of possibility for people
79
CT: Where is the Laundromat Projects based and in which neighborhoods do you act?
CT: How did you come to choose specifically these three neighborhoods?
KI: Our public artist residency program
community now, in both cases particu-
is called “Create change”. We basi-
larly in Harlem and Bed-Stuy there is a
cally resource artists, who create art
lot of change happening, so there is also
residencies in their own community
a lot of European-Americans moving
Laundromats.
there and there just is a lot going on in
In the past the criteria was that we
those neighborhoods. The challenges
work primarily with artists of color, not
and threats of gentrification are much
exclusively but primarily, we wanted
more acute in those neighborhoods
networking communities and people
than they are in Hunt’s Point.
applied to wherever they lived in the
All three neighborhoods are geographi-
city, so like Jackson Heights and Bed-
We had relationships that were built up
cally spread apart but it resonates with
Stuy and Staten Island and a variety of
or that we continued to build. So that
our work.
places.
was one of the neighborhoods. Harlem
At the beginning, one of the things I
is pretty much the same story except in
was really interested in when I took on
the sense of: we always have projects in
the job of the executive director, for
Harlem, every single year since 2006.
which I am the first fully paid executive
Our art education programs are
director that the organization has had,
anchored in Harlem, that’s where we
so anyway one of the things I was really
have been offering free workshops for
focused on is that our vision is always
about four or five years. So it’s another
to make long term sustained commit-
neighborhood where we have some
ments to neighborhoods and really see
relationships over time but again the
the change of time. And without the
predictability factor was not there, but
unpredictability of if anybody would
we'll be still here in 2015 and further on.
ever be here in anyway, it was hard to
Hunt’s Point is a completely new neigh-
get the attraction. So maybe we will be
borhood to us, so that was the kind of
in Jackson Heights, maybe we won’t be
unexpected on some level. The reason
in Jackson Heights depending on the
that Hunt’s Point emerged is that, it is
number of applicants.
really an interesting neighborhood, but
So one of the things that I decided at
also because we had recently received
the beginning of this year, was that we
an award from the Rockefeller Founda-
really needed to focus, so the three
tion and we were introduced by an artist
neighborhoods emerged, because we
activist.
had history in two of them and one of
So we were just beginning to build up
them we were just building up for now.
relationships there, it is probably the
So Bed-Stuy where it lives and contin-
most economically challenged one
ues to live and always a vision for the
of our three neighborhoods. It is 75%
Laundromat Project was born and we
Latino whereas Bed-Stuy is historical
always had projects in Bed-Stuy from
an African-American neighborhood,
the beginning. So even if we were never
same thing with Harlem, although in the
sure if we would be there, we always
details is always more complex. Harlem
ended up being there.
has an incredible African immigrant
80
CT: Is your departure point always a Laundromat? KI: It has always been in neighborhoods and community basis and the Laundromat is at the core of our organization, because it is the kind of Meeting Point where different communities come together and in a place like New York City, where there are a few thousands Laundromats, I think it is 2400, of which we worked in thirty of them. People of different classes use Laundromats, people of different races use Laundromats, people with all kind of things which make them similar or quite different, pass through this place, because you all do need to do your laundry. It is also a space that is not about luxury, so what we really were fascinated by is how to insert art as an everyday activity or an everyday philosophy and an everyday way of being? And a Laundromat is not a Museum. It’s a Laundromat. To be able to insert this idea, this space to be created in that arena is actually part of our mission. It is an everyday space which can be activated in different ways and where you have people
who have “time to kill”, waiting for their
ested in doing socially engaged art in
what they called a “Story Walk”. So they
laundry to be ready. So it’s the perfect
a deeper way, so we offer a fellowship
did a series of pop up performances,
setting. But we are also taking over the
which is a six months training program
fifteenth blocks in one direction on
sidewalks, because that’s where people
for artist to engage with their work in
Lenox and fifteenth blocks back up,
walk by and engage.
the community.
so basically a thirty block radius, as an
We are looking at various partnerships
They learn about community building,
all day event. They had artists draw
with our organization; so we worked
community partnerships, they learn
chalk murals along the side walks, they
with the Studio Museum in Harlem for
about cultural organizing, which is
partnered with local businesses, they
two or three years now and are think-
basically community organizing using
had dancers, they had poets, they had
ing to organize walking tours with them
creative tools.
filmmakers, it just had a whole bunch of
together through the neighborhood.
Then we also ask those same fellows
art activity happening in this 30 block
We started this year something called
to help us program a day what we call
circle over the course of five hours. They
“Field Day”. On one side of the coin we
“Field Day”. “Field Day” is a festival of
are actually going to do it again, so one
work with artists, so artists as underuti-
neighborhoods, focused on our three
thing they were really interested in is
neighborhoods and which is a moment
empowering people to try new things
where we showcase really what we do.
and continue them on their own after-
Our busy season is May to October and
wards.
the “Field Day” is late September, we wanted to create a day that made Laundromat Project a destination, uniting all three communities for one day, so we ask our fellowship artists to do a spe-
CT: So you encourage the people to take over their neighborhood and to become a creative part of it? Sounds great. Are you planning to do any publication about it?
cial project for that day specific to their
KI: Yes. We need to show and tell people
lized assets in their communities, they're
neighborhood. So in Hunt’s Point for
what we do.
resourceful, they have an interesting
example the food justice is really keen,
For now we have our very active blog,
perspective, they solve problems, really
food access, food justice so they did a
which not only is a newsletter,
can be incredible assets in their com-
cultural feast. They created a jeapordy
but we also do interviews with art-
munity if they are tapped in the sense
game, they had a photo both, they
ists and what is called “Creative
of being artists, allowing them to bring
worked with the Black Project, another
Conversations”, where the artists are
that to the table, pulling community
fantastic local organization. In Bed-Stuy
in conversation with each other about
folks together.
they were really interested in notions
their experience. One artist group did
We pay artists to be in residency in their
of “Home”, again because there is the
a whole conversation in RAP lyrics and
own neighborhood, usually the neigh-
issue of gentrification, it’s a neighbor-
some artists did videos, just a whole
borhood in which they live or that they
hood with a lot of renters who consider
range of very challenging exchange.
otherwise are invested in.
this historical neighborhood their home,
Over the years we have worked with
It might be their childhood neighbor-
as their place of history, so they had
about sixty artists so far.
hood or something of that nature.
a series of workshops on psychogeo-
They have done anything from Inde-
graphic scapes of home, dreamscapes
pendent Film Festivals, Drawing
of home, archiving and preserving one’s
workshops
history of home. In Harlem, they were
and a whole other range of projects.
really into storytelling, pulling out and
And we have artists who are inter-
amplifying people’s stories, they did
81
CT: It all sounds very promising, thank you Kemi for letting us know about the Laundromat Project, Afrikadaa will come over for sure and wash clothes with you.
CONCEPT
BLASONS DU CORPS par patrick de Lassagne
AFRODISIAQUE
Nuit qui porte en elle le soleil, Inaltérable splendeur nègre, Sombre nudité, -
Sculptée dans l’argile souple des lianes,
Eve noire, -
Que l’astre poudre d’or noir !,
Tu es la radieuse aurore de l’homme.
82
SAPEUR ET SANS REPROCHE Il n’habille pas sa misère Il la porte haut Comme une bannière Avec honneur Et hors d’atteinte, Loin du cliché du plus simple appareil. Et comme pour le feu la flamme pour le roi l’oriflamme ou le mot l’anagramme Il affiche en gentleman L’habit réversible de sa condition d’homme, Sans retourner sa veste, Ni se choisir une doublure.
Par refus d’être l’être réifié, invariant, ou imaginaire D’être l’Autre sans être, ou l’être sans l’Autre.
Entré dans l’histoire depuis toujours Il a l’élégance de se vouloir autre tout en restant le même Dans ce jeu de rôles où par retournement dialectique, d’esclave il est passé Maître de son destin.
83
LA FORCE NOIRE
Enchaîné Il casse des cailloux construit des routes et jette des ponts vers son avenir. Il chante pour trouver la force en scandant sa peine de travaux forcés Et puisant à coups de pioche dans la foi pour poursuivre malgré tout La construction des voies qu’il empruntera un jour Au volant de son destin.
84
AFRO FIGHT
Black power et Cause noire.
Davis vainquit Goliath.
Puis du bagne Durant 27 ans au bout d’un bras tendu un poing serré s’élevait : Mandela.
Et tant de noms Césaire, Sankara,Fanon…
Leurs voix sont racées La voie est tracée.
Et après tout ? Après la race déclassée, portrait par Manoos
après Barak Obama…
Pour affronter les 3 K il y eut les « 3M » : Marcus, Martin, Malcom. Et Angela, la pasionaria :
85
une fois la race disparue… Qu’y aura-t-il ?
Rassembler l’épars ? Unir le divers ?…
© Maï Lucas
86
Tolata/ All eyes on me
touts vos imaginaires
Regardez-moi
étonné pas c’est cela mon
Regardez-moi bien
quotidien, mon territoire,
Vêtement sur vêtement
Regardez mon corps, ce joli
ma nation, mon royaume, mon
corps, mon joli corps
empire, j’y règne en maître
Regardez mes yeux, ma peau,
absolu !
Mon habit est mon emploi sans
Je dis regardez mon être,
Mon corps pour seul nation,
Ma veste est mon pays, mon
pas mon âme
mon corps pour seul terride
toire, mon corps pour seul
toucher à mon âme
régime, mon corps démocra-
Contempler juste
tique, mon corps dictatorial,
Souffrez de votre manque de
mon corps colonial, mon corps
goût vestimentaire
néocolonial, Mon corps néolibéral, mon
Alors ! Mange mon Habit !
corps obscène, mon corps
Manges !car tu es à moi
sacré, sacrilège, mon corps
et à
moi tout seul
divin !
Cette
Mon
chemise, ma chemise
corps pour seul pré-
est Versace
sident, député, ministre et
Ce pantalon, Mon pantalon est
pape
Dolce et Gabbana
Mon corps pour seul religion,
Je tiens le monde entre mes
ma religion « Kitendi » «
mains, la haute couture ça me
l’étoffe », le bout de tissus
connait
Le bout de tout, le bout du
La hauteur c’est moi,
je
rêve, le bout de la liberté,
vis dans les lieux les plus
le bout démocratique, le bout
élevés
divin, l’étoffe, le tissu, mon
Sur mon corps
tout
devient
luxe ! Mon corps est luxueux
tissu
nation, le tissu monde,
bien, je suis
sur mon 31, pourquoi
trente
Habit sur habit
pays à moi dénudé de tout bruit des bottes, dénudé de tout capital de viols, dénudé de tout rafle et incursions militaires, ma veste cette veste est mon pays dénudé de tout pleurs de gosses enfants soldats ou shegués Oui Mon pantalon est ma patrie,
ses rayures qui brillent
sont les sourires des millions d’enfants à scolariser ! Oui regardez moi encore Regardez-moi bien, n’ayez honte, Dites le tout haut, je suis griffé et je suis riche Je m’habille pas classe, j’en ai que faire ! à chacun sa classe, vous avez choisie la vôtre
Mon corps lieu par excel-
Oui ma vie vaut très chère
lence
de tous mes rêves, mes
et un parce que c’est la clô-
envolés, mes possibles et mes
ture de tous les possibles
avoirs !
jours, oui la fin du cycle,
Oui je suis griffé de la tête
après moi c’est le retour au
aux pieds, ma forme est plus
néant !
profonde que votre fond !
Vous aussi avez remarqué que
Plus creusé, plus creusant et
j’étais sur mon 31, ne vous
plus criant que
87
Bilele na bilele
le tissus univers !
Regardez-moi Regardez moi
Forme na Forme
retraite ni fiscalité de merde
ma très belle peau
Interdiction formelle
ELamba na Elamba
l’infini de
Moi je m’habille chère pour que je la vilipende avec des fringues de merde, des fringues à deux Regardez moi
balles
bien, je suis
riche, peu importe vos balances commerciales et économiques, peu importe vos prévisions budgétaires,
peu importe vos multiples
elle a été
reformes, peu importe votre
et sur mesure par le vieux
PIB, peu importe
Tokohama qui frôle les 130
Papy Maurice Mbwiti (auteur
elle cotation en bourse, peu
ans d’âge, ceci est une pièce
comédien et Metteur en scène)
importe la dernière note des
unique made in japon, cousu
RDC/Kinshasa (Coordonnateur
de Bretton Woods
juste avec de la chaume !
du théâtre les Béjarts et
Je suis le mieux vêtu donc je
Cette paire de chaussures, oui
Directeur artistique de Mbila
suis le plus riche
celle que j’ai sur moi, son
Kréation)
Peu importe
prix vaut quatre immeubles
publie avec le collectif
sur le nouveau
Moziki littéraire sur Africul-
bilier que
votre actu-
votre boum immovous êtes seul à
faite à la main
boulevard de
PMM/Kinshasa /Août/2013
justifier
la démonstration !
tures
Je m’en fous, moi je sens Bon
Cette
texte déjà paru :
De la senteur de Paco Rabane
qui soutien mon pantalon, elle
”Et si on te disait indépen-
de mes
est faite en peau d’escargot,
dant” éd . L’harmattan/Paris;
Je sens du L’homme de Dior,
et elle
“Et si on te disait indépen-
oui je sens des tulipes de
budget de la relance et
dant“ traduit en allemand,
Channel de la survie du lelo
de la mise sur pied de la
recueil sur les cinquante-
lelo , Aujourd’hui ou jamais !
gécamines, Oui juste le prix
naires des indépendances
de ma ceinture vaut tout ça
africaines; éd. Africavenir.
chômages à perpétuité
ceinture , ma ceinture
vaut
plus que le
Regardez- moi bien, je suis
org; “Billy les Kids” tra-
beau mon corps est sublime,
Aaaaah bo mvuati te !
duction allemande; éd.
le vôtre est laid
Oui regardez vous, vous êtes
Africavenir. org
Il se nourrit de quoi ! Dites
mal vêtus !
moi, quoi de la manne miel-
Mal, mal,mal dans vôtre peau
leuse et ensanglantée de nous
Mal dans votre tête, mal dans
autres depuis de siècles main-
votre corps
tenant, passant de père en
Que vous reste t il
père, de proprio à apprivoisé
Habillez-vous svp Il était comment !c’est cela
Aaaaaah !
question
Vous avez vus que mon corps
La réponse est aussi simple
et mes vêtements sont sub-
Bien habillé, bien rasé et
limes, vous avez vite compris
bien parfumé.
que je ne suis pas de vôtre « Moto ya mbongo aza moninga na yo te ! Non non non le riche n’est pas ton ami frérot » Aaah oui je ne suis pas de votre acabit ;
je suis riche
Regardez bien Regardez moi
88
cette veste,
la photographe Maï Lucas de part ses nombreuses collaborations aux mondes de la publicité et de la mode et de la street culture, porte un regard vrai et précis sur la jeunesse américaine à travers des portraitsq intimistes et poignants où on découvre leur croyances leur vie. Des clichés qui sont comme une recherche sur la représentation du personnalité,
corps , la
l’identité.
Le travail photographique de Maï représentant le corp comme un carnet intime dialogue avec l’oeuvre poétique de Papy Maurice Mbwiti.
Le corps, La photo tirée du négatif, lorsqu’elle écrit elle ne remarque rien , Le corps, ce véhicule
pas de sensation du corps, pas de dif-
Le corps, ce vêtement
férence
Le corps cet instrument
entre le corps et l’esprit, juste une masse
Le corps cette maison
vivante.
Mon corps m’est étranger
Le monde au bout des doigts avec ou sans
Mon corps est une évidence
talent supposé,
je connais son existence
le monde est au bout des doigts.
Est-ce l’âme qui porte le corps ou le
Clichés, violence prêt a écrire, prêt à
corps qui porte l’âme ?
penser,
L’âme est-elle à côté du corps ou dans le
Le corps est le mot, la lettre, la phrase
corps ?
Ne dit on pas corps de lettre ?
Lorsque mes mains écrivent, c’est mon
Le corps n’est pas vécu, il est une évi-
corps qui se met en mouvement pour
dence, il passe par les mots, même lorsque
produire.
l’on ne parle pas de lui .
Corps et âme ! Cette masse abstraite, énergétique, concrète,reliée à des veines et des os,
Céline kamadaye
Cet ordinateur renferme le programme du monde. Miniaturisation du monde, échantillon de la création. Le corps c’est le monde L’écriture, est l’expression du corps le corps, est l’âme, et l’âme le corps. Le corps est coeur L’âme est corps L’âme est idée L’âme réconcilie le concret et l’abstrait Le corps est image de l’âme, refuge de l’âme, reflet du monde invisible
89
Céline Kamadaye, née dans la région Martinique, s’installe et va à l’école dans la région île de France et Paris, fait un détour par Londres et s’installe de nouveau à Paris, elle aime l’écriture, entre poésie et cinéma, elle écrit.
PORTFOLIO
Lynette Yiadom-Boakye In conversation With Holly Bass
HB: As a performance artist, I’m interested in the performance of artists in other mediums and disciplines. For instance, film clips of visual artists like Jackson Pollack or Basquiat come to mind. I tend to think of you as a bit shy, though, and not someone with a “typical” performer personality. Is that true? LYB: I wouldn’t describe myself as shy at all, but I wouldn’t necessarily call myself a performer either. At least not in everyday life. I did a lot of acting when I was younger, amateur stuff on stage and actually have a GCSE [General Certificate of Secondary Education] in drama. I loved being onstage and completely transformed into character when I was up there. But when I came off, I was myself again. I loved the sense of magic about that.
HB: I knew you were also a writer, but I didn’t know you had theater experience. That’s so interesting! Would you say there is an element of performance to your work in the studio—even if there is no camera or viewer to witness the process? In terms of the body, what muscles are
90
worked most after a marathon session in the studio? And after you leave the studio, do you ever have a sense of carrying these painted bodies or emotions inside your own body? LYB: I walk a lot in the studio, back and forth from the canvas, working and then standing back to look. My arms and hands get a lot of exercise too. But the muscles I use the most are those controlling my eyes. I wouldn’t say that I carry any of the emotions or painted bodies within myself when I leave the studio. But I often feel that I’ve done battle with them. I don’t mind feeling exhausted so long as I’ve been triumphant.
HB: Many of your paintings feature dancers. For example in “Interstellar” or “Clamour for a Grip” the figures are in motion or in classical ballet positions. Even a painting like “Places to Live For,” in which the figure’s back is to the viewer, signifies dancer with the elegance of the body line and the upswept hair. What draws you to painting dancers? Have you yourself ever studied dance or wanted to?
LYB: I›m drawn to dancers for the sense of movement and vigour and strength. The dancer’s body undergoes so much and is sculpted by the act of dancing. I find this utterly beguiling and beautiful. I never studied dance, I›m not particularly accurate or graceful in my movements so never felt capable in that way. But I do find dance hypnotic to watch.
HB: In your work I notice that most of the figures are painted a very rich, dark brown color with a sensual creaminess. One might even describe it as smokiness. In contrast to the reflective quality of a Barkley Hendricks or the extreme glossiness of a Kehinde Wiley figure, your figures seem to absorb and hold the light, keeping it for themselves. What decisions are you making as a painter when you choose your figures’ skin tones? LYB: I think a lot about the colors that compose black skin. The blues and yellows and reds. The differences between skins. And particularly the way that light describes these colors. The blackness has varying depths and I never use black
paint. The blackness is always made
there is an element of problem-solving
up of color. It is expansive.
in the way that I work. Certain paint-
HB: Yes, that’s a perfect description-expansive. Speaking of color, you have talked about challenging yourself by working with a specific dominant color theme. Your 2013 painting “A Complication,” for example, is as much a study of the color green as it is a representation of four young men and their relationship. LYB: The colors often act as codes and exercises for me. Colors react in different ways with each other. So often
ings relate to each other as ongoing series throughout my practice. For example «A Complication» relates to «An Education» and «Pass» in that they
the paintings contain a strong sense of truth, of realness, of soulfulness. How do you go about choosing your bodies? Has your relationship to your own body changed as a result of living your life more and more as a painter?
all use the same palette, scale and composition. I often find that revisit-
LYB: I am influenced by the things
ing themes and exercises in this way
and people that I see as well as the
helps me to think things through and
sources I collect [through magazine
make new discoveries.
clippings]. As for my own body, per-
haps that is becoming more and more
HB: You tend to paint figures from your imagination, yet the narratives (if I may use this term) suggested in
honed and efficient for my practice, much like it does for the dancers.
Lynette Yiadom-Boakye’s oil paintings focus on fictional figures
Schools. Yiadom-Boakye has had several important solo museum
that exist outside of specific times and places. In an interview
shows, most recently at Chisenhale Gallery, London (2012) and
with Nadine Rubin Nathan, Yiadom-Boakye describes her
the Studio Museum in Harlem, New York (2011). Her work has
compositions as “suggestions of people...They don’t share our
appeared in many group exhibitions, most recently including
concerns or anxieties. They are somewhere else altogether.”
the Ungovernables: 2012 New Museum Triennial, New Museum,
This lack of fixed narrative leaves her work open to the projected
New York (2012), and the 11th Lyon Biennial of Contemporary
imagination of the viewer.
Art, Lyon, France (2012). Her work is included in the Encyclopedic
Her paintings are rooted in traditional formal considerations
Palace, at the 55th International Art Exhibition, La Biennale di
such as line, color, and scale, and can be self-reflexive about the
Venezia (2013). She is included in many institutional collections
medium itself, but the subjects and the way in which the paint is
including the Tate Collection, London, the Victoria and Albert
handled is decidedly contemporary. Yiadom- Boakye’s paintings
Museum, London, the Miami Art Museum, Florida, the Studio
are typically completed in a day to best capture a single moment
Museum in Harlem, New York, the Arts Council Collection, Lon-
or stream of consciousness.
don, the Museum of Contemporary Art, Chicago, and the Nasher
Her predominantly black cast of characters often attracts
Museum of Art, North Carolina.
attention. In a recent interview with Hans Ulrich Obrist in Kalei-
Yiadom-Boakye was the 2012 recipient of the Pinchuk Founda-
doscope, she explains. “Race is something that I can completely
tion Future Generation Price and has been short-listed for the
manipulate, or reinvent, or use as I want to. Also, they’re all black
2013 Turner Prize. Her self- titled monograph published by Pres-
because...I’m not white.” However Yiadom-Boakye maintains,
tel will be available in Spring 2014.
“People are tempted to politicize the fact that I paint black figures, and the complexity of this is an essential part of the work.
Jack Shainman Gallery has represented Yiadom-Boakye since
But my starting point is always the language of painting itself
2010 when she had her first solo show entitled Essays and Docu-
and how that relates to the subject matter.”
ments. Her most recent show with the gallery was All Manner of
Yiadom-Boakye was born in 1977 in London, where she is cur-
Needs in 2012. Her next solo exhibition with the gallery will be in
rently based. She attended Central Saint Martins College of Art
2014.
and Design, Falmouth College of Arts and the Royal Academy
91
A Complication, 2013. Oil on canvas. 200 x 250 cm. Places to Live For, 2013. Oil on canvas. 59.06 x 47.24 inches. Courtesy Jack Shainman gallery.
92
Interstellar, 2012. Oil on canvas. 200 x 180 cm. Clamour for a Grip, 2011. Oil on canvas. 200 x 180 cm. Courtesy Stevenson.
93
Sortir du cadre interview de Martina Bacigalupo Par Myriam Dao
confrontais à une nouvelle expérience de l’Autre, et j’ai pu approfondir ce que j’avais initié avec les non voyants. Durant 13 mois avec les Nations Unies, j’ai
Martina Bacigalupo, née en 1978 à Gênes, est photographe freelance en Afrique de l’Est depuis 2007. Elle remporte le Prix CANON de la Femme Photojournaliste pour un reportage en Ouganda «My name is Filda Adoch», en 2010. Elle est membre de l’Agence Vu.
Pourriez-vous nous raconter brièvement votre parcours?
94
tiques, économiques et pu appréhender en direct la relation de l’Afrique avec
Après des études littéraires, je me suis
l’Occident, loin de la vision biaisée par
mise à la photographie, en commençant
les médias.
un travail intimiste, Pianissimo, avec des non voyants. Puis j’ai été contactée par le danseur Virgilio Sieni, directeur actuel de la Biennale de Danse de Venise, pour affiner ensemble la perception du corps
Gulu Real Art Studio, coédité par Steidl et la Walther Collection, a attiré notre attention. Sujet à controverse par la violence des images présentées – des portraits aux têtes découpées, il justifiait que l’on donne la parole à Martina Bacigalupo, qui a bien voulu préciser le contexte dans lequel il a été mené et raconter sa profonde implication auprès de l’humain.
découvert le pays avec ses enjeux poli-
chez les non voyants. Je venais donc de cet univers artistique, faisant mes photographies dans une espèce de «petite bulle».
Qu’est-ce qui vous a amenée au Burundi, où vous vivez aujourd’hui ? J’y suis partie comme photographe pour la Mission du maintien de la paix des Nations Unies. En ce qui concerne l’écriture, ce travail était très différent de mes expériences passées. Je me
UMUMALAYIKA
Comment avez-vous fait évoluer cette «écriture documentaire» vers une écriture plus personnelle ? J’ai quitté le cadre des Nations Unies, trop institutionnel, qui bridait un peu mes relations avec les personnes photographiées. A ce moment là, j’ai travaillé sur Umumalayika («ange» en Kirundi). Ce travail essayait de synthétiser plusieurs approches. D’une part celle de l’univers intimiste d’où je venais, d’autre part celle du reportage que je venais d’expérimenter. J’avais besoin de retrouver cette intimité avec l’Autre. La rencontre avec Francine, (une jeune
femme burundaise qui a perdu ses deux
votre travail. Un parti pris esthétique ?
pour la raconter, et la bourse Canon AFJ
bras, blessée par son ancien compag-
C’est venu naturellement en observant
gagnée en 2010 a rendu ceci réalisable.
non) m’a permis de mener ce projet
les événements autour de moi. L’histoire
J’ai séjourné un mois chez Filda. C’était
dans une belle complicité. Elle aimait les
de Francine (Umumalayika) en est
un travail en commun : je prenais les
photographies que je faisais d’elle, en
révélatrice. Je n’ai pas commencé en dis-
photographies, et elle se racontait à trav-
particulier l’idée de devenir un «ange».
ant : c’est un travail sur le corps. C’était
ers ces images, y inscrivant ses propres
L’idée était de faire de ses moignons
son corps qui parlait et qui exprimait. Je
commentaires. D ‘où le titre de ce projet
non plus le symbole d’une limite, mais
l’ai laissée faire.
raconté à la première personne «My
celui du possible. De victimisant, le regard porté sur elle changeait, laissant la place à sa dignité, ses envies et son
Pour vous le corps possède un langage particulier ?
enthousiasme.
Sur «Umumalayika» précisément, mais
Vous semblez partager une profonde empathie avec elle?
corps a son propre langage. Je pense
aussi pour le «Gulu Real Art Studio», le que nous avons tous un «schéma» précis du visage, tandis que le corps échappe à
Je me concentre sur l’humain depuis
ce schéma.
que j’ai commencé la photo, et j’essaie
Dans un projet comme celui de Gulu,
de m’y tenir. Je m’intéresse à l’histoire
les prises de vues étaient centrées sur le
des hommes, plus particulièrement celle
visage qui devait représenter la per-
de certaines personnes, qui dit plus fac-
sonne, pour l’aider à faire des démarches
ilement que les chiffres, celle de tout un
administratives ou professionnelles.
peuple. Ces histoires du quotidien que je
De ce fait, le corps dégageait une
photographie, je crois, nous permettent
spontanéité totale, malgré le cadre de
plus facilement de nous y identifier.
représentation sous-jacent.
Certaines photographies du projet «Umumalayika» semblent mises en scène. Pouvez-vous nous apporter un éclairage sur le contexte des prises de vue ?
Une espèce de lâcher prise ?
C’est pour moitié mis en scène. J’accompagnais Francine dans le cabinet d’un radiologue qu’elle consultait pour voir si on pouvait lui adapter des prothèses. Francine se tenait contre le mur sur lequel des gants de chirurgien étaient accrochés. L’image était là. J’ai juste demandé à Francine de garder la pose un peu plus longtemps avant d’aller passer la radiographie. Le corps tient une place importante dans
95
Tout à fait GULU REAL ART STUDIO
Quelle est l’origine du projet Gulu Real Studio ? J’étais dans le nord de l’Ouganda, missionnée par Human Rights Watch pour réaliser des portraits de femmes avec handicap. J’y ai rencontré Filda Adoch,
Name is Filda Adoch». Cherchant où imprimer mes prises de vue pour Filda et sa famille, je suis arrivée dans un studio photo de la ville de Gulu. Sur le comptoir traînait cet objet incroyable : le portrait d’une personne «décapitée». C’était au rebut. J’ai demandé à regarder dans la poubelle. Devant ma curiosité, un homme a proposé de me montrer la poubelle de son studio. C’était Obal Denis, devenu depuis mon ami, que j’ai suivi jusqu’au Gulu Real Art Studio. Là, parmi ses déchets, il m’a permis de récupérer des photographies froissées, des «portraits sans visage»(1). Ce fut le début de notre collaboration. (1) Obal Denis, comme tant d’autres studios photo de Gulu, préfère prendre une image argentique, pour des questions d’économie, y découper le visage avec une machine spécifique pour faire des formats photo d’identité, et jette ensuite au rebut le reste du tirage.
une jambe en marchant sur une mine,
Précisément, s’agit-il d’une véritable collaboration, ou bien considérez-vous ce travail comme étant personnel ?
ainsi que son fils et deux maris) avec
Projet personnel dans le sens ou Obal
une personnalité et une force assez
Denis ne voit pas trop l’intérêt de cette
impressionnantes. Elle m’a dit «Go and
série de portraits sans tête. Ces prises
tell my story». Je me suis sentie investie
de vues découpées, il les met au rebut.
une femme qui m’a vraiment frappée. Une victime de la guerre (Filda a perdu
Mais, collaboration aussi, car il est
J’ai noué une relation d’amitié et de
tion», pour désigner les camps pour
évident que sans lui, je n’aurais jamais
confiance avec Obal, le propriétaire du
personnes déplacées («IDP Camps»). Ces
pu collecter ces photos. Il m’a accompa-
Gulu Studio. Lui est très content que l’on
portraits sans têtes seraient là comme
gnée et soutenue depuis le début de ce
parle de son studio dans le New York
pour signifier : on a tenté de nous élim-
projet. Une partie des ventes des photos
Times, et fier d’avoir ce livre qui montre
iner, mais nous résistons. Nous sommes
va retourner au Gulu Real Art Studio.
son peuple, les Acholis (ethnie du Nord
là. Avec notre dignité et notre élégance.
J’essaie de faire extrêmement attention
Ouganda). En fait, les images, accom-
à ne pas suivre la tendance qui consiste
pagnées d’interviews que j’ai réalisées
La seconde chose que j’ai vue dans ces
à s’approprier masques, artisanat, objet,
auprès des clients du Gulu Studio, racon-
portraits sans tête concerne mon regard
sans reconnaissance ni rétribution pour
tent l’histoire des Acholis. Dans un pays
de photographe, d’artiste. Lorsque
les personnes, comme nous l’avons fait
qui ne fait entendre souvent qu’une
l’on évoque le genre «portrait», nous
très longtemps.
seule voix (celle du Gouvernement), j’ai
pensons d’emblée au visage. Ici, nous
voulu leur donner la parole. Non pas
nous retrouvons devant un portrait sans
pour me positionner de leur coté, mais
visage. C’est d’une violence inouïe. Un
simplement pour restituer la complexité
anthropologue avec qui j’ai échangé
de la situation.
ne pouvait tout simplement pas les
Comment réagissez-vous à certaines critiques, notamment celles des personnes qui évoquent le pillage de la culture africaine ? Vous a-t-on déjà reproché cela, - j’ai entendu des mots très durs, allant jusqu’à qualifier votre travail de «marchandisation du corps noir» « Marchandisation du corps noir » … non, je n’avais pas encore entendu cela. C’est très, très dur. Mais je comprends ce qui pourrait motiver ces critiques. Je répondrais «Venez passer du temps avec moi, pour comprendre les dynamiques de mon travail ; allez discuter avec Obal, le seul qui peut vraiment répondre», afin de ne pas juger mon travail sans en connaître les modalités. Ce n’est pas parce que je suis Occidentale que je ne peux mener un travail au Burundi ou en Afrique. Sinon on pourrait seulement travailler dans nos pays d’origine. Mais, faire attention, c’est ce que j’essaie de faire en tissant des liens avec les personnes avec lesquels je travaille, en leur expliquant et en leur demandant si elles veulent participer au projet, et en essayant d’être juste avec ce qu’on fait de ce travail par la suite.
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regarder. Pourtant, cela nous oblige à Enfin, Obal est aussi content qu’une par-
déplacer notre regard, du centre, qui
tie des ventes des photos va retourner
n’existe plus, vers la périphérie. Si l’on
au Gulu Real Art Studio. On pourra peut
observe celle-ci, on aperçoit les mains,
être acheter une nouvelle machine qui
des gestes, le choix des habits, détails
sait !
auxquels on serait moins attentif s’il y avait le visage, et qui nous permettent
La légitimité est un élément fondamen-
d’entrevoir une histoire, peut être une
tal et on ne peut pas s’en passer, que
autre histoire, ou plusieurs histoires.
l’on travaille au Burundi, en Italie, ou
Chacun de nous est obligé de partici-
ailleurs.
per à l’image, de remplir le vide. Cette
Revenons sur l’expression employée lorsque vous racontez votre trouvaille dans les poubelles du Gulu Real Art Studio : décapitation Face aux photographies découpées, j’ai vu clairement des images décapitées, très violentes. En même temps il y avait quelque chose de très fort dans ces portraits sans têtes. La première chose qu’ils évoquent, c’est l’histoire du peuple Acholi, racontée de leur point de vue. Eux-mêmes parlent de «tentative de génocide perpétrée envers leur peuple», ils évoquent les «camps de concentra-
expérience a contribué à affiner mon regard. Je crois que toute opération artistique devrait contribuer à enrichir notre regard, d’une certaine façon.
On a l’impression d’un regard presque anthropologique … C’est un mouvement assez naturel, pour moi qui viens de la littérature et de la philosophie. Pour le livre sur le Gulu Real Studio, j’ai collaboré avec une politologue spécialiste du nord de l’Ouganda, Sandrine Perrot. J’ai envie de tels rapprochements pour affiner ma vision et
Umumalayika_IV: Martina Bacigalupo et Magule Wango, “Umumalayika”, 2008-2010
être plus pointue dans mon travail.
Quels sont vos projets actuels et futurs ? Je travaille depuis 2 ans sur le concept de guérison dans une communauté Ju/ hoansi (les «Bushmen») dans le Nord Ouest du Kalahari. Loin d’une vision idéalisée des communautés qui vivent dans la nature, et dont la réalité est autrement plus dure, je voudrais juste approcher d’une façon objective, presque scientifique, leur conception de la maladie et du soin. En même temps c’est un travail très intime et personnel, qui s’étale sur le long terme.
je prends juste des «notes pho-
décide d’y placer. Je sens qu’il est temps
tographiques». Je suis allée plusieurs fois
pour moi de sortir de ce cadre.
dans ce village et j’ai noué des relations avec ces hommes qui dernièrement
Pour terminer, je tiens à apporter une
m’ont invité à laisser mon cahier de
précision qui a son importance dans
notes et venir danser parmi eux. Selon
tout mon travail. Au sujet des portraits
eux, je ne pourrai jamais comprendre
de Francine, on pourrait dire «vous
la façon dont ils guérissent si je ne vis
utilisez le corps de cette femme», mais
pas avec eux la mise en place de cette
ces images faites ensemble, c’est vrai-
guérison. Je ne suis pas sûre de suivre
ment une histoire à deux voix. Et puis,
cette direction, mais il me faut sûrement
ce projet, primé en Italie, a permis de
un saut, pour voir un peu plus loin, ou,
récolter de l’argent dont la moitié a servi
comme disent mes amis guérisseurs,
à acheter des prothèses à Francine, et
pour voir, tout court. Comme si nous
l’autre, versée à Handicap International
étions, finalement, les non-voyants…
à financer des prothèses pour enfants. Avec Filda Adoch, quand j’ai gagné le
Je vais travailler avec du film, laisser le
prix Canon, je lui en ai versé la moitié.
Comment cette nouvelle approche de la maladie modifie-t-elle votre rapport au corps, au monde ?
numérique de côté, et essayer de lâcher
«Sortir du cadre», c’est aussi cela : on
prise sur le cadrage. L’expérience de
raconte une histoire ensemble, on reçoit
Gulu Real Art Studio m’a enseigné cela
et on donne, on est au même niveau
Pour l’instant ce travail est en cours,
aussi : en dehors du cadre il y a des cho-
que l’Autre.
ses aussi importantes que ce que l’on
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Gulu III: Martina Bacigalupo, “Gulu Real Art Studio”, 2011-2013
Gulu II: Martina Bacigalupo, “Gulu Real Art Studio”, 2011-2013
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Gulu I: Martina Bacigalupo “Gulu Real Art Studio”, courtesy of the artist and the Walther Collection
Pianissimo I: Martina Bacigalupo, “Pianissimo”, 2006
Umumalayika_I: Martina Bacigalupo, “Umumalayika”, 2008-2010
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Aissata Pinto Da Costa Par Maria Bonga
La liberte dans l’espace temps Aissata Pinto Da Costa est une artiste
somptueuses, sans races ni cultures
sonnages, dans la mouvance du style
expressionniste, originaire de Sao Tomé
distinctes, dont la spécificité commune
graphique de Keith Haring. Passion-
et Príncipe, un petit pays du Golfe de
est leur absolue nudité.
nés par la mixité, ces deux pop-artistes
Guinée, au large de la côte occiden-
portent une critique sur la société,
tale de l’Afrique. Elle est née à Berlin, a
Dans l’une de ses premières œuvres,
ses valeurs et convictions, en souten-
vécu à Paris, vit et travaille à New-york.
elle exalte l’élégance longiligne de ses
ant dans leurs œuvres, des pensées
Artiste-peintre « self-made-woman »,
personnages composés de musiciens,
empreintes de sagesse. Ils se rejoignent
elle accorde dans son travail une place
d’athlètes et danseurs aux formes
également dans l’idée que l’art est
prépondérante au corps humain, dans
voluptueuses et aux attitudes évoquant
indissociable de la vie et qu’il doit être
son choix de formes, tissus, motifs,
le mouvement, sautillant, rebondissant,
une expérience accessible à tous ; la
matières et imprimés. Elle puise son
virevoltant en tous sens et paraissant
commercialisation de produits dérivés
inspiration dans son amour de l’Afrique,
défier les lois de la pesanteur. Un fab-
étant une façon virtuose de donner des
de la vie, de la musique, du sport, de
uleux concentré d’énergie évoluant dans
aventures infinies à leurs personnages
la motivation et de sa fierté d’être une
des scénarios complexes sur le thème
; c’est ce qui rend l’œuvre d’un artiste
femme. A ses débuts, elle se fait con-
de l’amour, jouissant d’une atmosphère
si populaire. Tout comme Aissata Pinto
naître grâce à sa ligne de plats, de style
réactive, baignée de lumière, de grâce
Da Costa, le monde de Ketih Haring
africain, produite par la Maison de l’art
et de finesse, le tout dans une naïveté
est universel, d’une grande richesse
de Table portugaise « Vista Alegre », qui
légère et colorée qui ressemble à
d’interprétations et d’explorations où
a un grand succès. Grâce à sa forma-
l’auteur. Elle réalise ensuite un ouvrage
l’on perçoit le mouvement dansant dans
tion « autodidacte », elle développe
autour d’une histoire d’amour, qu’elle
la minutie de ses lignes mais aussi dans
petit à petit son talent, expérimentant
baptise « L’amour sur 12 mois », une nou-
l’élan de chacune de ses figures. Tous
constamment de nouvelles techniques
velle série où elle met en scène, douze
deux s’autorisent constamment des
et matériaux. Brillant par son art qu’elle
couples apparents, dans des anecdotes
couleurs pétillantes et éblouissantes,
affirme d’un style abstrait et person-
diversifiées d’affection. Elle y illustre
et ainsi de leurs chefs d’oeuvres jaillis-
nel, elle peint des pièces géométriques
avec couleurs et brio leurs sentiments
sent la joie et l’énergie, qui témoignent
rythmées par des demi-cercles, ce
et leur engagement, sur une période
de l’amour de la vie et d’un optimisme
qui donne l’illusion perpétuelle du
représentant les douze mois de l’année.
irrévocable.
peindre se lit à travers des compositions
Dans cette série, on distingue l’impact
Quel est votre parcours artistique ?
orchestrées, par des corps de créatures
des formes géométriques sur les per-
J’habitais à Paris où j’étais mannequin
mouvement dans ses toiles. Sa joie de
100
professionnelle, à la fin de ma carrière
d’amies avec lequelles j’entretenais des
De gauche à droite :
dans la mode, j’ai eu l’idée extravagante
relations amicales solides. Ces dern-
Curvy Women – 2004
d’essayer le dessin, en peignant des
ières m’ont énormément inspirée pour
motifs aux influences ethniques sur des
sublimer les femmes. Je crois fortement
Extraits d’une serie “la célébration de 12 histoires d’amour,
assiettes. Très vite avec la Maison de
à l’estime sincère et à la complicité
donc 12 mois d’amour.”
l’art de table portugaise « Vista Alegre
féminine. Ce que j’exprime dans mes
Acrylic on Canvas ( 12 paintings- eaxch- 0.92m x 0,61m) - 2010
, on lançait une gamme d’inspiration
tableaux célèbre la beauté féminine. Ma
My Big Man
africaine qui connu un grand succès. J’ai
mission est que les femmes se sentent
My Man
alors décidé de m’installer aux USA et
sûres d’elles et qu’elles affirment leur
My Heart is all yours
m’initier a Photoshop et illustrator, pour
côté Super Women.
Dont’ Leave Me
développer ma fibre artistique.
Est-il facile pour un artiste autodidacte de s’immiscer dans le monde de l’art?
Que représente la couleur dans votre travail ? La signification des couleurs dans mon ouvrage est: « la gaieté, l’ambiance, la
Non c’est très difficile. J’ai eu la chance
festivité, l’énergie », un cocktail scintil-
de faire des bonnes rencontres et d’avoir
lant qui donne la pêche !
le soutien de personnes influentes qui m’ont appris des techniques de bases du dessin et qui ont cru en mes capacités. Au début je ne prenais pas très au sérieux cette nouvelle passion, jusqu’au jour où j’ai fait deux solo show à New York, c’était une façon pour moi, de toucher véritablement de près, le
Techniquement quels sont les principaux éléments et méthodes utilisées dans la pratique de votre art ? Je travaille les personnages sur une palette graphique via Adobe Illustrator. Ce processus est très long car le but recherché est que les protagonistes
monde de l’art.
communiquent toutes leurs émotions
Quels sont les artistes qui vous influencent?
être précises. Ce processus est comme si
Keith Hearing, Klimt, Ousman Sow,
graphique. Une fois que j’ai organisé
Murakami et Kehinde Wiley sont pour
mes rôles et la scène, je trace les con-
moi, une réelle source d’inspiration
tours sur la toile et je peins avec de la
intarissable.
peinture acrylique.
Votre thème de prédilection est essentiellement la représentation féminine. Comment expliquez-vous cette démarche artistique?
Qu’aimeriez vous que les gens perçoivent en contemplant vos oeuvres?
J’étais élevée et considérée comme une
chaque spectateur qui les contemple,
femme à part entière, capable de réussir autant qu’un homme, par un père africain féministe. Lorsque je travaillais dans le mannequinat, j’avais un groupe
101
par des attitudes physiques qui doivent je sculptais les individus avec mon stylo
Je souhaiterais que l’énergie qui ressort de mes toiles inspire et fasse sourire qu’il se retrouve dans mes réalisations, en somme un hymne à l’éclat du corps.
Africa, Present and Future Acrylic on Canvas - (6ft x 4ft), (1,83m x 1,21m)- 2007
102
103
FOCUS
Holly Bass: Body and Mind Performance by Melanie Spears Harper
104
“40 Continuous Dances for Freedom,� 2013, 99 minutes, video still. Image courtesy of the artist.
P
eople of all ages, races and backgrounds gathered around the
pool deck at the Capitol Skyline Hotel in Washington, DC to participate in Holly Bass’ Revival. Sunlight glittered on the
MELANIE SPEARS HARPER: When conceptualizing a performance, what do you think of first, the actions you will perform, or the objects you will create or use for the performance?
surface of the water as 2013 (e)merge
the camera changes our perception of the body. In some ways I wish I wasn’t so aware of these things. I wonder if I’m less “authentic” in front of a camera. But at the same time, it would be inauthentic if I ignored this very powerful
Art Fair attendees assembled: crunchy
HOLLY BASS: I think first of the
mediating presence. I’m also still think-
granola hippies, aging vacationers,
emotional narrative or conceptual foun-
ing of my audience—those that will see
preening hipsters, families with young
dation that I want to get across to the
the video work when it is completed. I’m
children, artists, curators, and dealers.
viewer. Then I think about the actions.
aiming for maximum allure and seduc-
They squatted on nearby tree stumps
The objects, such as photographs, video
tion of the individual and of the camera
arranged in a camp circle, pulled up
or performance relics, come last. I think
too.
deck chairs, or gamely stretched out
of my body as the primary instrument in
on the warm concrete. Over the course
the sense that it is both the medium and
of two days of community gatherings, at the center of it all Holly Bass stood beneath an undulating azure and white cotton tent canopy. Sublimating the idea of performance as one-way delivery, she led her “congregation“ in sing-alongs, invited them to share transformative art experiences, and baptized a group of people to mark a significant change in their creative lives. For close to two decades, Holly Bass has been a fixture of the Washington, DC arts scene. A trained dancer and celebrated writer, Holly’s performances are at once keenly focused on her body, how it moves and is perceived, as well
MSH: Your Pristine performance the message, to borrow from Malcolm incorporated a live stream online Mclaren. broadcast of actions performed in a white cube gallery space and its surrounding neighborhood (a local restaurant, a nail salon). Do current attitudes toward social media, technology, and a culture of over-sharing and self-disclosure play a role in Revival, 2013. Documentation of live performance. Photo credit: Tony Hitchcock. your work?
as the layered literary allusions it evokes. Her best known body of work explores the endless allure of black women’s bodies, from Venus Hottentots to video vixens; her recent performances address
MSH: You also create video work, usually by filming an action you perform. Does the use of a camera alter your performance at all?
HB: They play a role in the sense that I’m very aware of these cultural shifts with regard to technology and social media—sometimes it’s literally inescapable. I did a performance of Pay Purview
the idea of community: its definition, temporality, and how its architecture
HB: It does. When I’m performing for
at Art Basel Miami two years ago and
and demographics change from genera-
the camera, I am also the director of the
everywhere in the audience there were
tion to generation. Holly uses her body
piece. I’m not quite as free and in the
cameras and smart phones—it was
at a totem, absorbing and reflecting
moment. I’m thinking about the fram-
almost completely mediated. There was
these ideas through compelling actions
ing, the angles of my body and face, the
no escape from the camera’s hungry
and rituals.
overall composition and even the ways
eye. It actually threw me off initially—
105
Revival, 2013. Documentation of live performance. Photo credit: Tony Hitchcock.
106
this idea that no one was really watching
a story with the simplest of gestures.
spend hours and days going over ideas
the performance. They were watching
So I study other dancers. And not just
and concepts. There is the initial impulse
mediated videos of a performance that
classical or contemporary dancers. I love
or inspiration and then I slow down and
was happening right in front of them.
watching really dedicated club dancers. I
go over the ideas, questioning them,
But then I realized I could use this sense
also keenly observe strippers and exotic
doubting them, feeling them out. Does
of violation to enhance the performance.
dancers, the kind of power they wield.
it feel right? I search for the not-quite-
It was as though the cameras collectively
I am a student of human movement, of
right places. The nagging concerns. I talk
became a hyper-intensified male gaze.
the body.
them out, write them out. On the bus
At the same time, media and technology
or metro, walking down the street, my
MSH: You trained as a dancer under Viola Farber at Sarah Lawrence College. Does the body awareness and control required for dance inform your performance work at all?
MSH: You’re also a published poet and creative writer. Such cerebral, solitary enterprises seem at odds with dance—a very athletic, physical, shared practice. During performances, are you able to “get out of your head” and operate on a physical level, or is your mind constantly racing?
HB: Absolutely. All of those years of
HB: I tend toward
dance training create strength, length,
the cerebral, oddly
agility, flexibility, coordination. But even
enough. One of
as I age (I’m now in my fourth decade)
the most difficult
and lose certain abilities, my sensitiv-
things for me is
ity and awareness doesn’t diminish, it
to learn other
increases. There’s a wonderful dancer,
people’s choreog-
Martha Wittman, who performed with
raphy because it
Liz Lerman Dance Exchange in her
requires a balance
older years after a long career in mod-
between mind
ern dance. Watching her warm up was
memory and mus-
almost painful. She really had to take
cle memory. So,
her time, releasing tightness and physi-
working solo and
cal limitations to the best of her ability.
using structured
But when she danced, it was absolutely
improvisation
marvelous! A simple lift of the chin, or
really brings out
a gesture of the hands. The sense of
my strengths as a
connectedness. She knows where the
performer. I have
tips of her fingers are, in relation to her
a very strong need
spine, in relation to her feet. I’m also
for control! Prior to
aiming for that kind of groundedness
any performance
and ability to conjure emotion and tell
or new work, I
hasn’t yet been the driving concept of my work. I’m still most interested in the relationship between the performer and viewer and the uses of the body.
mind is buzzing with thoughts, ideas and questions. I rarely listen to music on headphones because it interferes with my mental creative process. In performance, I generally occupy
Pristine, 2013. Archival pigment prints. Courtesy of the artist.
107
facts, oral histories) documenting black women’s performance work. In your opinion, how does the work of black women fit into the overall history of performance art, and specifically, where does your work fit? HB: When I think about it most of my earliest performance art heroes were white women. Artists like Valie Export, Karen Finley, Marina Abramovich. And there were a few black men I was aware of like Sherman Fleming, William Pope L and David Hammons. It was only later that I learned about Adrian two roles. That of director and that
HB: Lately, I’ve been experimenting with
of performer. The director is cerebral,
putting the director in the backseat and
and Senga Nengudi. I think it’s really
multi-tasking. The director is not in the
letting the body be in charge. I created
critical to write that history of black
moment. She is reviewing and assess-
a collaborative performance at Smith-
women performance artists. I very much
ing what just happened, monitoring the
sonian African Art Museum last March
see my work as coming out of that tradi-
current action and thinking ahead to
which began with a meditation. It was
tion. I hope to add my own voice to their
what could go wrong. And not just for
really hard for me to still my thoughts
radical presence.
me, but for all of the entities present in
and focus on simply breathing and
the room—the sound technician, the
being. But I trusted that the assistants
lighting designer, the other performers,
were in place for each scene and that the
the set pieces, the audience—gaug-
other performers knew their roles. I also
ing them, clocking their locations, their
had to trust myself enough to relinquish
Melanie Spears Harper is a researcher
facial expressions, their apparent level
total control. Someone once told me
and independent curator from Balti-
of focus or interest. That’s why the
that it is possible to be imperfect and
more, MD. She coordinates projects for
physical preparation and dance training
excellent at the same time. It took a
the Education Publications department
is so key. My body needs to be able to
while for me to wrap my head around
of the National Gallery of Art, and has
function at a high-level, like auto-pilot. I
that one, but once the meaning sunk
worked with Holly Bass as studio man-
need to know that I can trust my body to
it, I found it very freeing. So during the
ager and collaborator since Spring 2012.
move the right way in performance, so
performance, I didn’t fret if the audience
that my mind can do its part.
was in the “wrong” place or the timing
MSH: You sometimes incorporate rituals into your performances: singing repeated refrains, repeated physical motions, meditation—are you attempting to transcend your cerebral tendency? Is that a goal of yours?
wasn’t exactly as we rehearsed. I really
108
tried as much as possible to be completely in the zone of the body.
MSH: This year, I plan to compile an electronic repository of digitized materials (photographs, videos, arti-
Piper, Ana Mendieta, Lorraine O’Grady
Above : Pay Purview, 2012. Photo documentation of live performance, Art Basel Miami Beach. Photo credit: Ray Llanos. On the left page : “Monument,� 2013. Photo documentation of live performance, Smithsonian National Museum of African Art. Photo credit: Rosina Photography.
109
ARCHITECTURE
architecture et memoire coloniale par Carole Diop
Les bâtiments, tout comme les corps, ont une histoire, une mémoire. Cette affirmation prend tout son sens lorsqu’on parle d’architecture coloniale. En effet les traces laissées par les puissances coloniales dans le paysage urbain de leurs colonies constituent une mémoire puissante. 110
C’est cette mémoire que la cinéaste
l’impulsion du gouverneur au début du
Pascale Obolo et l’artiste Caecilia Tripp
20ème siecle.
interrogent avec leur projet Occupy
C’est à Paris que Pascale Obolo, (
Schloss von Puttkamer / Decolonize
franco-camerounaise) et Caecilia Tripp
Architecture Now. L’expérience propo-
(allemande), se sont rencontrées et se
sée par les deux artistes a pour point
sont découvert une histoire commune.
de départ un bâtiment, symbole de la
C’est alors qu’elles décident de se lancer
présence coloniale allemande au Cam-
dans un projet artistique qui interroge
eroun, le Schloss von Puttkamer (Palais
la mémoire coloniale germano-camer-
du gouverneur Jesko von Puttkamer),
ounaise tout en invitant à l’analyse des
construit sur le Mont Cameroun sous
« politiques » et des « usages » de cette
mémoire. Comment? En développant un
tion, apprentissage collectif, réunions
Pascale Obolo est cinéaste, et « chercheuse
dialogue entre le mouvement soma-
publiques et défis juridiques, autour de
», née en Cameroun, basée à Paris. Elle a
tique comme une archive vivante et
la question de l’occupation coloniale
réalisé plusieurs long métrages comme
l’architecture coloniale.
israélienne en Palestine. Le travail de ce
Calypso at Dirty Jim’s pour laquelle elle
Avec ce projet les deux artistes posent
collectif est centré l’un des dilemmes
a reçu un Award et Calypso Rose – The
deux questions fondamentales : Com-
les plus difficiles de la pratique politique
Lionness of the Jungle. Ses films ont été
ment détourner, déconstruire, réutiliser,
: comment agir en tant que force de
présentés à plusieurs festivals interna-
recycler et décoloniser une infrastruc-
proposition et critique dans un envi-
tionaux comme le Toronto Film Festival,
ture coloniale ? Que faire des vestiges
ronnement qui voit le champ de force
Canada, Film Festival Cannes, France, Trini-
qui subsistent tels des spectres d’une
politique si dramatiquement déformé ?
dad & Tobago, London Film Festival, UK.
fantaisie coloniale ?
DAAR propose la subversion, la réuti-
Elle a enseigné le Cinéma à l’Université du
En réponse à ces questions, le projet met
lisation, le recyclage et la profanation
Michigan, Ann Harbor USA. Elle est rédac-
en relation des archives coloniales (films,
de l’infrastructure existante d’une
trice en chef d’Afrikadaa, une revue online
photographies, enregistrements audio)
occupation coloniale et rejoint en ce
sur l’Art Contemporain afro-caribeen. Elle
avec le présent et le futur, en transgres-
sens l’approche des deux initiatrices de
est fondatrice de Diasparis, un laboratoire
sant temps et espace par le mouvement
Occupy Schloss von Puttkamer.
culturel et intellectuel pour la visibilité des
de chorégraphes et de danseurs.
En tant qu’architecte j’ai une intérêt
artistes de la Diaspora Noire à Paris, qui
“L’impossible m attire car toutes les
purement esthétique pour l’architecture
engage des questions d’identité, de migra-
choses possibles on ete déjà faites et le
coloniale à laquelle je trouve un cer-
tion, d’exil et d’échange trans-culturel.
monde n a pas change” Sun Ra.
tain charme plastique, mais des projets
Son dernier film « Calypso Rose » a reçu un
Selon les conceptrices du projet, c’est
comme Occupy Schloss von Puttkamer
Award au FESPACO 2013 à Ouagadougou.
par l’anarchive somatique que l’on peut
ou encore celui de DAAR me poussent
tenter de parvenir à décoloniser cette
au questionnement et son révélateurs
Caecilia Tripp artiste, née à Frankfurt/
l’architecture.
de la violence que constitue la présence
Allemagne. Ses films, installations vidéo,
Occupy Schloss von Puttkamer est un
de ces batisses dans le passage urbain
performances et oeuvres photographiques
concept artistique qui pourrait se dével-
des anciennes colonies.
ont été présentés internationalement dans
opper sur tout le continent africain et
des galeries et musées tel que le MOMA/
notamment au Togo, un pays d’Afrique
PS1 New York, Center of Contemporary Art
de l’Ouest qui a lui aussi subi la colonisa-
Quand un étranger prend le contrôle
New Orleans, USA, Musée d Art Moderne,
tion allemande.
– comme dans le cas de la colonisation –
Paris, Gwangju Biennale 7, Corėe du Sud,
d’un pays et ses habitants –ça laisse des
Clark House Initiative Bombay et dans des
Le projet Occupy Schloss von Putt-
traces. Les traces visuelles sont souvent
Festivals de Films tel que Mostra Venice
kamer / Decolonize Architecture Now
une mémoire puissante et souvent une
61. Elle explore des formes de “freedom”,
est en certains points en résonance
évidence visuelle.
d’utopie, de désobéissance civile, les poètiques entre les différents imaginaires. Elle
avec le travail de DAAR Occupy Schloss von Puttkamer / Decolonize Architec-
Dr. Lobna Sherif ( Départment de
a réalisé avec Karen McKinnon “Making His-
ture Now. Decolonize Architecture Art
l’architecture, Ain Shams University)
tory” (2008) avec Edouard Glissant et Linton
Residency est un collectif d’artistes et
Kwesi Johnson. En ce moment elle finit sa
d’architectes associé à un programme
triologie sound performance/film “Music
de résidence basé à Beit Sahour,
for (prepared) Bicycles” (after John Cage &
Palestine et dont le travail combine
Marcel Duchamp) en trois scores Bombay/
discours, intervention spatiale, éduca-
New York / Cape Town. Elle est membre d’Afrikadaa.
111
“Untitled” Photomontage, Château (Schloss) von Puttkamer after Okhai Ojeikere, Cameroun, courtesy Pascale Obolo & Caecilia Tripp 2014
112
“Untitled� Photomontage, Splitting after Gordon Matta-Clark et Okhai Ojeikere, Cameroun, courtesy Pascale Obolo & Caecilia Tripp 2014
113
DESIGN
Gustave Mambo Quand le design fait corps avec l’architecture Par Djenaba Kane
Originaire de la Côte d’Ivoire, c’est en 1983 que Gustave Mambo pose ses valises en France. Attiré par l’architecture, il intégrera l’Ecole Supérieure d’Architecture de Strasbourg pour en sortir diplômé en 2001. Architecte depuis une vingtaine d’années, ayant exercé dans des agences d’architectures en France, Gustave Mambo amoureux d’art et de peinture, se tournera vers le design. Ainsi, depuis environ 10 ans, il conçoit du mobilier s’inspirant de ses origines ivoiriennes tout en alliant l’architecture au design. 114
Qu’est-ce qui vous a motivé à vous orienter vers le design?
On l’aime avant de s’asseoir, on la caresse aussi comme un corps doux, on la respecte et enfin on veut qu’elle
C’est la pluridisciplinarité du métier.
règne dans notre salle à manger sans
Je considère que le design devient
trop la déplacer, ni la brusquer.
une entité indissociable du concept
Oui la chaise Awalé est ma création la
architectural.
plus aboutie.
Créer des objets avec le plus de liberté
Elle crée de l’émotion, elle est très
et audace, voilà ce qui me motive.
ergonomique et s’adapte à tous les
Quelle est l’œuvre dont vous êtes le plus fier ? Pourquoi ce choix ? Je dirai franchement deux œuvres : La Chaise Guépard et La chaise Awalé. Mais le plus dominant reste la Chaise Awalé. Cette création inspiré du jeu « awalé » qui est très populaire sur tout le continent Africain, (surtout en Afrique de l’Ouest), est une chaise unique et qui cherche par sa forme à épouser le corps. Elle donne la sensation d’apaiser les maux de dos, on se sent bien assis avec le dos bien droit parfait pour la colonne vertébrale. Elle donne une grande liberté aux jambes qui peuvent se replier aisément.
corps. La chaise par sa simple fonction de s’asseoir, devient ici, une beauté visuelle, une sensation ergonomique agréable et elle génère la sérénité et le bien être. Oui j’en suis fier et elle mérite j’espère modestement tous les égards.
Pouvez-vous nous parlez de votre chaise « Femmes » et du siège « Pianiste » qui ont également un rapport étroit avec le corps ? Comment vous est venue cette idée ? Tout comme les Chaises : Awalé ou Guépard ; je crée des meubles pour le bien être du corps humain avant l’aspect fabrication en série et la finalité financière.
Les personnes qui l’ont essayé sont unanimes pour son confort du dos ; la masse corporelle toute entière s’adapte. L’autre aspect, c’est sa beauté, son apparence noble et solide.
115
Tabouret Pianiste, courtesy of the artist
Le corps est en effet un des éléments
courci par l’objet en lui-même. Sa forme
sensibles dans mes créations.
inclinée volontairement est étudiée
Pour la chaise « Femmes », l’idée m’est
pour permettre une bonne cambrure du
venue par le constat du rôle primordial
corps.
de la femme dans le développement de la famille et de la société dans sa globalité. Depuis mon enfance en Afrique, où j’ai observé que souvent les mères de familles (sans vouloir généraliser), non seulement subissent parfois les violences les plus inouïes, des injustices inqualifiables, mais en plus ce sont elles qui maintiennent la vie, l’équilibre d’une micro famille. Elle demeure, dans sa chair, son corps, son sang, son équilibre psychique, son âme, l’assurance et la protection de ses enfants. Elle est et demeure la reine de la vie. Elle est la source de notre éveil. Même les hommes les plus « machos » aujourd’hui, ne diront pas le contraire. La femme est en grande partie, l’avenir de l’humanité et quel que soit sa couleur de peau. Ces remarques personnelles, m’ont conduit à créer « la chaise Femmes » Femmes au
pluriel, parce que prov-
enant de tous les continents du globe. Cette création est là pour commémorer la journée de la femme dans le monde sans distinction de race, ni de couleur de peau, ni de religion. Quant au siège « Pianiste », inspiré de la mante religieuse par sa forme spéciale est conçu pour soulager aussi le corps. Quand on est assis plusieurs minutes à jouer un instrument de musique, en plus qui demande une posture droite et concentrée, il est primordial de repenser le bien être du corps et la concentration musicale. Un thème dense, mais ici rac-
116
Vos créations sont pour le moment au stade de prototype, comment appréhendez-vous leur commercialisation à venir ? Passer du stade prototype au stade de fabrication en série, l’aspect marketing pour la vente ou l’exposition de mes créations, n’est pas une affaire simple. Il faut beaucoup de persévérance et ne pas baisser les bras. Je suis en train de rédiger un business plan » afin de pouvoir démontrer la faisabilité de mes projets en termes de classements (valeur de l’objet), prix, objectifs…. Ce travail me permettra de solliciter des éventuels mécènes. Selon vous, comment va évoluer le métier de designer en Afrique? Je pense que c’est difficile d’en vivre et rare sont les chanceux qui atteignent
Chaise Awalé, courtesy of the artist
une certaine notoriété nationale ou internationale. Néanmoins je constate qu’il y a quelques designers africains qui se défendent bien dans cet univers très sélectif. Il y a beaucoup d’espoir pour la génération à venir, car le continent africain attire les investisseurs et les gens sensibles à l’art africain. Pour plus d’informations, vous pouvez contacter Gustave Mambo : Mambo architectures & design - Bassam - Bordeaux Port: 06 60 18 08 39 mail: gmarchitecture@hotmail.fr
Chaise Guépard, courtesy of the artist
Chaise Femme, courtesy of the artist
117
EXHIBITION REVIEW
Corps et (des) accords L’esthétique vidéo des artistes algériennes (1995-2013) Artiste - Curateur : Amina Zoubir Par Djenaba Kane
Amina Zoubir est une artiste plasticienne, vidéaste et curateur, vit et travaille entre Paris et Alger, représentant un trait d’union entre l’Algérie et le monde extérieur. Elle est diplômée d’un Master Théorie et pratique de l’art contemporain et des nouveaux médias à l’Université Paris 8 et d’un DESA Design graphique à l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts d’Alger. En 2010, elle publie sa recherche universitaire qui dévoile l’art vidéo des artistes algériens en livre intitulé Relation de l’image et du son dans la vidéo contemporaine algérienne : une expérience en temps réel aux éditions universitaires européennes, EUE Saarbruecken, Allemagne. Elle poursuit ses recherches en Doctorat au laboratoire AIAC -art des images, art contemporain- à l’Université Paris 8. Elle a assuré le commissariat de l’exposition d’art contemporain La scène algérienne à l’Hospice Saint Charles, Rosny-sur- Seine, 2013 ; programmatrice d’Illégal cinéma #113 aux Laboratoires d’Aubervilliers, film Tahya Ya Didou, Aubervilliers, 2013 ; co-curateur de l’exposition d’art vidéo Video killed the radio star à la Galerie e.Bannwarth, Paris, 2012. Elle a réalisé six actions performatives dans l’espace urbain algérois, en été 2012, intitulées ‘Prends ta place’ pour le webdocumentaire Un été à Alger produit par Narrative et Une chambre à soi. La programmation « Corps et (des) accords : L’esthétique vidéo des artistes algériennes (1995-2013) aborde la question du corps à travers les images vidéo des artistes algériennes.
Mon père est un artiste-peintre algérien
Qu’est-ce qui a déclenché cette envie de faire ce métier ?
La programmation est composée de
âge par l’œuvre artistique et la réflexion philosophique de mon père Hellal. Nos discussions et réflexions ont fait de
J’ai été influencée depuis mon jeune
118
moi ce que je suis devenue aujourd’hui.
et commissaire d’exposition depuis sa récente retraite du poste d’enseignant de Design à l’école supérieure des Beaux-Arts d’Alger. Il est le commissaire de l’exposition Design Africain pour la 2e édition du Festival Panafricain organisé à Alger en 2009, de l’exposition Design Algérien au Mobile Art de l’Institut du Monde arabe en 2012, et précédemment connu comme commissaire d’expositions pour l’année de l’Algérie en France, en 2003. Ainsi, j’ai baigné dans l’univers artistique depuis ma naissance. Ensuite, je pense que je me suis tournée vers l’art vidéo par opposition à la domination de la peinture, observée sur la scène artistique en Algérie.
Parlez-nous de votre programmation « Corps et (des) accords : L’esthétique vidéo des artistes algériennes (19952013) […] » ? Tout d’abord, qu’est-ce qui vous a inspiré ce titre ?
neufs vidéos des artistes Amina Menia, Assila Cherfi, Katia Kameli, Zineb Sedira, Sofia Hihat, Rachida Azdaou, Halida
Boughriet, Zoulikha Bouabdellah et moi-
consciemment ou inconsciemment.
Box 24… qui cherchent à en découdre,
même Amina Zoubir.
J’ai voulu réaliser ce projet dans le but
pendant que la diaspora algérienne
En m’appuyant sur mes recherches,
de valoriser notre patrimoine vid-
bénéficie d’une expérimentation appro-
l’histoire de l’art vidéo soutenue par
éographique algérien. Ce n’est pas
fondie de ces procédés d’imageries.
des artistes algériens paraît méconnu
dans une vision nationaliste, mais c’est
Dès lors, je constate que l’insertion de
du public, j’ai envisagé cette program-
un acte plutôt motivé par le fait que le
l’expression vidéographique dans le
mation en collaboration avec l’Espace
rapport à l’art vidéo est quasi inexistant
champ des pratiques esthétiques peut
Khiasma lors du cycle de films nommé
avec le public en Algérie parce qu’il n
être reconnue comme un élément prolif-
Possession. La sélection des vidéos
y a pas de festivals d’art vidéo ou de
ique pour le rafraîchissement de la scène
aborde la question de l’esthétisation de
galeries dynamiques et actifs en Algérie.
artistique en Algérie.
la corporalité avec des images vidéos. Il
Je considère qu’il est important qu’il y
Ce médium a été pas mal repris par la
me paraissait incontournable d’ouvrir ce
ait un travail d’historien à faire sur l’art
jeunesse algérienne, sur la toile, sur
champ de réflexion esthétique à travers
vidéo. La programmation s’effectue
YouTube. Grâce à la démocratisation des
un corpus d’images vidéos créées de
dans ce champ d’action qui est plutôt
outils, on commence beaucoup plus à
1995 à 2013.
un engagement historique par rapport
être dans l’immédiateté, dans la vitesse
Concernant le contexte algérien, au-delà
à une production d’art vidéo d’artistes
de l’expression artistique et ainsi on se
de la projection du corps humain dans
algériennes qui n’est ni valorisée, ni dif-
retrouve avec relativement des formes
un espace urbain ou privé, collectif et
fusée et reste ainsi méconnue.
d’art vidéo. Il est très important d’une
commun, il faut savoir que les espaces imposent une codification sociale et religieuse au corps humain, appliquée aussi bien au corps féminin que masculin. C’est aussi une manière de découvrir
certaine manière d’observer ce phé-
Comment l’art contemporain évoluet-il en Algérie ? Qu’en est-il de l’art vidéo, votre support de prédilection ? Pourquoi avoir choisi ce médium ?
ce qu’il se passe dans le corps intime, à
nomène là et de rendre compte de la production artistique d’artistes algériens professionnels, reconnus et confirmés dans le monde entier. On note cependant une nouvelle
savoir les sentiments et sensations.
Le rapport à l’art vidéo est quasi inex-
dynamique qui se crée depuis les 5
A travers cette programmation, j’ai sou-
istant avec le public en Algérie. Il règne
dernières années. Il y a eu notamment la
haité présenter une typologie du corpus
une frilosité certaine envers ce qui
résidence A.R.I.A créée par l’artiste Zineb
de ces artistes accompagnée d’un texte
bouscule les traditions, où la peinture
Sedira, conduisant à une plateforme de
que j’ai écrit. Je trouvais qu’il était inédit
orientaliste et différentes expressions
réflexion et d’échange entre les artistes
de rendre compte et de rassembler ce
cohabitent pour dominer la scène artis-
algériens et les artistes invités par la
que proposent chacune de ces artistes
tique locale dans ce pays. Donc, on se
résidence comme Younes Rahmoun qui
de manière isolée. Ce sont souvent des
retrouve avec un déficit esthétique par
présentera une conférence le 21 avril
vidéos présentées dans des installations
rapport à l’art contemporain. Pourtant,
dernier. Des échanges non négligeables
ou dans des galeries. Chaque vidéo
l’évolution de l’art contemporain en
se créent sur le terrain. Malheureuse-
apporte une réflexion plastique en plus
Algérie tend vers de nouveaux mediums
ment, ils ne sont pas accompagnés par
d’une réflexion conceptuelle. De plus,
peu expérimentés par la scène artis-
un réseau dynamique et actif de struc-
ce qui m’a motivée c’est l’aspect original
tique locale, comme la photographie,
tures artistiques locales, de critique d’art,
de rassembler toutes ces artistes, offrant
la vidéo, le graphisme et les différents
de commissaire d’exposition, de galer-
forcément des regards différents, à trav-
types d’installation et de performance.
istes, de collectionneurs et d’institutions
ers des vidéos réalisées à des périodes
Ceux-ci se déploient grâce à une poi-
qui les soutiennent. A ce jour, par exem-
différentes, sur une thématique spéci-
gnée d’artistes tels que Rachida Azdaou,
ple, il n’existe pas de guide présentant
fique à la corporalité qu’elles abordent
Amina Menia, Atef Berdjem, le collectif
un listing des galeries d’art existantes
119
permettant ainsi de pouvoir découvrir
mes recherches et des rencontres avec
je n’ai pas demandé de soutien aux insti-
le travail de ces artistes qui se débrouil-
les artistes. J’ai découvert qu’il y avait
tutions artistiques en Algérie. Il y a un
lent sur un terrain miné par le manque
eu des tentatives d’art vidéo durant
désintérêt total envers l’art vidéo tout
d’intérêt à l’art contemporain.
les années 70, mais plutôt en long
simplement.
métrage. Je mentionne l’utilisation de
L’absence de structures culturelles
concepts d’art vidéo comme le traite-
valables et indépendantes en Algérie
ment sonore et particulièrement la
constitue une sorte de frein pour les
performance du poète Momo, dont le
artistes locaux, qui pour la plus grande
cinéaste Mohammed Zinet avait révélé
majorité, préfère aller s’installer et tra-
dans son film (Tahya Ya Dido, 1973) que
vailler à l’étranger.
j’avais programmé aux Laboratoires
C’est en partant de ce constat, que
C’était un projet assez complexe à met-
d’Aubervilliers, l’année dernière en
j’ai décidé de présenter ce travail à
tre en place même si j’ai pu compter sur
avril. Il y avait à l’image un traitement
l’étranger, en l’occurrence dans l’Espace
l’aide de la structure parisienne l’Espace
pouvant s’apparenté à de l’art vidéo et
Khiasma à Paris, dans le cadre du cycle
Khiasma. Cela a été assez compliqué de
inévitablement les performances du
Possessions.
les réunir car certaines de ces artistes
poète Momo accentuent ce sentiment
Et je tiens particulièrement à remer-
voulaient éviter l’appellation stéréoty-
d’étrangeté, ses épigrammes sur la ville
cier Nicole Brenez, programmatrice de
pée « art vidéo féminin » qui réduit le
d’Alger sont à prendre en considération
la Cinémathèque Française, qui m’a
champ d’action de ces artistes. Cette
face aux mutations urbaines que con-
encouragée à présenter mon travail à
programmation tente de mieux con-
naît cette ville actuellement.
Olivier Marboeuf, fondateur de l’Espace
Le projet de réunir des artistes algériennes sur le projet du corps semble être un pari risqué. Avez-vous eu des difficultés à convaincre ces artistes autour de ce thème ?
sidérer la condition humaine, tout en
Khiasma.
Comment cette œuvre a-t-elle été perçue par le cercle artistique et le public algérien ?
Parlez-nous de votre autre projet « Un été à Alger ».
titre Corps et (des) accords : L’esthétique
Hélas, je n’ai pas eu l’occasion encore
“Un été à Alger” est un web-documen-
vidéo des artistes algériennes (1995-
de présenter cette programmation en
taire laissant voir les courts-métrages
2013).
Algérie.
de quatre jeunes cinéastes algériens,
dépassant des concepts féministes, et en allant au-delà du fait que ce sont des artistes d’origine algérienne. Le fil conducteur entre toutes ces vidéos reste le
Lamine Ammar-Khodja, Yanis Koussim,
Pourquoi avoir choisi de couvrir la période de 1995 à 2013 ? Pour constituer la sélection de ces
Avez-vous eu le soutien des institutions algériennes pour pouvoir monter ce projet et en assurer sa promotion ?
Hassan Ferhani et moi-même Amina Zoubir. Chacun d’entre nous a présenté des images teintées d’une démarche singulière qui est propre à notre expé-
vidéos durant ce laps de temps précis,
rience et notre vécu à Alger. Dire “je”
je me suis nourrie d’un corpus de vidéos
devient très compliqué dans le contexte
issues de mes recherches universitaires
Initialement, cette programmation
algérien, parce que le collectif est assez
effectuées à l’Université Paris 8 et sur le
découle de mes recherches uni-
imposant. “Un été à Alger” c’est égale-
terrain en Algérie; je n’avais pas trouvé
versitaires, il s’agit d’une initiative
ment un film de 52 minutes monté pour
de vidéos antérieures à 1995. Il y a une
indépendante qui engage librement
TV5 Monde, réalisé par les deux jour-
dispertion incontestable de ce type
une réflexion esthétique, dans le
nalistes qui nous ont initiés au projet,
de productions artistiques ; j’ai fait de
dessein de valoriser le patrimoine
Aurélie Charon et Caroline Gillet. Ce
mon mieux pour les rassembler au fil de
vidéographique des artistes algériens,
documentaire est une sorte de making-
120
of de nos aventures durant le projet “Un
lui demander un brushing pour mes
été à Alger” et propose une autre image
cheveux de femme... Au fil des vidéos,
intime d’Alger, qui n’est pas celle de la
d’autres femmes algériennes intervi-
carte postale post-coloniale.
ennent dans le cadre de ma camera,
Je réalise six actions performatives intit-
je tends dans mon travail d’artiste à
ulées «Prends ta place» ou l’on me voit
questionner le rapport homme-femme
déconstruire l’ordre établi des rapports
dans la ville d’Alger en encourageant
hommes-femmes puisque je me mets
les femmes algériennes à prendre leur
en scène avec mon propre corps de
place.
femme algérienne dans des situations «réservées aux hommes». Je joue au
Pour plus d’information sur l’artiste
hittiste (ndrl, désigne un jeune oisif en
Amina Zoubir, suivez le lien ci-dessous :
Algérie), j’investis un café maure, j’entre,
http://www.aminazoubir.com/#
chez un coiffeur pour hommes pour
© Zoulikha BOUABDELLAH. Courtesy Gallery Isabelle van den Eynde.
121
Nous nous sommes levés Par Virginie Echene
Nous nous sommes levés au Centre Pho-
autrement dit « nous sommes
vidéographiques telles des tableaux
tographique d’Île-de-France CPIF
debout » illustre par ailleurs la gestuelle
vivants.
Jusqu’au 6 avril 2014, le Centre pho-
du visiteur dans l’espace d’exposition.
Pour moitié fictions proches du docu-
tographique d’Île-de-France présente
Le visiteur est invité par l’artiste à entrer
mentaire, ces compositions sont des
l’exposition
en scène afin de prendre part à
performances participatives empreintes
Nous nous sommes levés de l’artiste
l’exposition, qui se compose de
d’un réalisme déroutant.
Medhi Meddaci.
l’installation « Les yeux tournent autour
Les acteurs représentent ce corps social,
L’artiste diplômé du Fresnoy, Studio des
du
qui est incorporé dans l’œuvre.
arts contemporains de Tourcoing et
soleil », 2013 et « Tenir les murs », 2011
Le corps de l’individu devient partie
de l’Ecole nationale supérieure de la
ainsi que de l’ensemble
intégrante d’un ensemble
photographie d’Arles, a les armes
photographique « Cycle 2005-2013 ».
chorégraphique qui fonctionne de façon
nécessaires pour exploiter les médiums
Pour les différents actes de l’installation
harmonieuse.
de la photographie et de la vidéo.
Les yeux tournent autour du soleil,
Pour La place, les portraits anonymes de
Le titre Nous nous sommes levés, ou
l’artiste orchestre ses productions
ces protagonistes amateurs,
122
nourrissent un cortège silencieux, une
fascination à travers le cadre dans lequel
perte du sensible, à laquelle est con-
ode du social qui s’appuie sur leur
elles sont produites.
fronté le spectateur. Ces fragments
passivité et des plans fixes. La référence
L’omniprésence de la mer et le cadrage
vidéographiques fonctionnent de façon
aux révolutions du Printemps Arabe
dévoilant un ciel bleu confèrent une
autonome mais sont réunis sous le
est palpable. En effet, ce rassemblement
touche onirique et renforce le pourvoir
même titre.
chorégraphié par Meddaci, en bas
métaphorique, tel un tableau de René
Dans La pastèque, Medhi Meddaci
de la Tour d’Assas, dans une cité de
Magritte. Nous pouvons y observer
reconstruit un souvenir de son père
Montpellier, produit en temps décalé,
également une mise à distance du
datant de la période de la guerre
une nouvelle temporalité ainsi que du
territoire, qui signe une appartenance à
d’Algérie. Enfant, son père désirait se
lien social en zone dite « sensible ». La
une identité, une langue, une
procurer une pastèque ayant fait office
marche est étudiée comme un geste
nation… La dé-contextualisation
de cible d’entraînement pour les
impulsif de contestation.
géographique va de pair avec le car-
soldats. Un décor criblé de balles
L’improvisation et le caractère fortuit se
actère
témoigne de cette violence latente qui
traduisent à travers les mouvements
fictif des différents actes de l’installation
règne dans cette Algérie à l’époque
humains, ceux de la mer – qui est un
Les yeux tournent autour du
coloniale, tandis que ladite pastèque
symbole très présent dans l’oeuvre de
soleil.
reste comme immuable dans les méan-
l’artiste
En tant que motifs répétitifs à travers
dres du récit autobiographique.
- ainsi que les flux sonores qui ponctuent
leurs différents gestes et positions, les
Meddaci reproduit cette scène anecdo-
les narrations-fictions de Medhi
acteurs entrent et sortent de l’écran : le
tique au moyen d’une pastèque érigée
Meddaci.
dénouement de chaque volet de
comme une sculpture, dans la re-créa-
Ces métaphores vidéographiques
l’installation est élaboré entre apparition
tion de l’espace et la reconstitution du
acquièrent un grand pouvoir de
et disparition, pour marquer une
souvenir.
123
Natures mortes du XXIe, ses photogra-
les villes de Paris, Marseille et Alger.
Pour lui toute image
phies au caractère expérimental,
La double dimension autobiographique
n’est qu’une source d’illusion, particu-
viennent renforcer les concepts mis en
est remarquable. Les plans fixes, la
lièrement à l’ère de la culture de masse.
lumière dans ses vidéos :
lenteur de certaines scènes traduisent
Il se livre donc à un jeu sur des images
cycle, mémoire et principes d’apparition
une quête personnelle, celle des
d’images.*
et de disparition. L’artiste réduit
acteurs comme celle de l’auteur lui
Abordant des thématiques actuelles
en objet un fragment du réel qu’il reval-
même, et ce dans un entre-deux phy-
telles que l’immigration et l’identité,
orise dans le champ et le temps
sique et
Medhi Meddaci est en adéquation avec
photographiques. La réflexion pho-
psychique. En intégrant la figure pater-
son époque. Il s’inscrit dans un
tographique de l’artiste s’appuie sur la
nelle, Meddaci ne se projetterait-il pas
contre mouvement d’un monde glo-
redéfinition du cadrage, l’épuration des
lui-même dans son œuvre, jonglant
balisé qui fonctionne à vive allure,
images ainsi que le traitement du
entre fiction et autobiographie ?
gommant certains faits historiques.
hors champ.
Cependant, la rupture dans la référence
Ses dispositifs artistiques questionnent
Le travail de Medhi Meddaci se situe aux
au cinéma s’opère au niveau de la
le contemporain de façon
frontières de la performance, de la
gestuelle du public. La constellation de
expérimentale, décuplant la charge
vidéo d’art et du cinéma.
chaises en plastique qui fait
émotionnelle de ses tableaux en
Tenir les murs illustre cette proximité
habilement référence au titre de
mouvement qui oscillent entre appari-
avec le cinéma, à travers certains codes
l’exposition « Nous nous sommes levés »,
tion, disparition et perte.
qui lui sont empruntés, comme la durée
désigne un dispositif éphémère qui
Entre fiction et autobiographie, son
- 56 minutes - l’introduction d’un
s’oppose aux moyens d’accueil
travail laisse entrevoir un éclairage sur
dialogue et d’acteurs référents. Tenir les
traditionnels du spectateur. En effet
l’Algérie
murs exploite les thèmes de
l’artiste refuse que les membres du
coloniale.
l’immigration et de l’identité, sillonnant
public
* L’aventure de l’art au XXème siècle, édirestent statiques comme au
tions du Chêne, 2002, Paris, p.906
cinéma, décloisonnant ainsi
EXPOSITION du 02/02/2014 au
les frontières entre
06/04/2014
installation, vidéo et cinéma.
MEHDI MEDDACI
Le visiteur est libre de
Nous nous sommes levés
déplacer les chaises afin de
http://www.cpif.net
s’asseoir où il le souhaite, d’autant plus qu’aucun parcours de l’exposition n’est prédéfini. Enfin, Medhi Meddaci ne cache pas l’influence de l’artiste allemand Gerhard Richter dans son travail. Richter est un artiste qui ne cesse d’expérimenter. Il accumule les ruptures de style pour bien montrer qu’il ne veut pas “faire de l’art”.
124
1 : 54
Par Karen D. Mc Kinnon
From the left to the right : 1- Kalamata, chief of the Luba against watercolor by Dardenne Series: Congo Far West: Retracing Charles Lemaire’s expedition, 2011 Photography, paper satin matte Hahnemühle PhotoRag 308 gr/m3, 100 x 128 cm Ed. 5 + 1AP Courtesy of the artist and Imane Farès 2 - Frank Marshall, Death, 2008 Courtesy of M.I.A Gallery 3- Pelican, Sokari Douglas Camp CBE Courtesy of ArtCo Gallery 4- Gonçalo Mabunda, Untitled (Throne), 2013, Courtesy of Jack Bell Gallery 5- Uche James-Iroha, Rolls Royce I, 2013, printed on enhanced matt paper, 120x90cm
Intimate pulsing crowds pushed gently
Dercon and Smithsonian Institute curator
Somerset House is an imposing building
through the halls of Somerset House in
of African Art, Karen Milboune, were part of
but 1-54 enveloped the halls of Somerset
London. 1-54 is the brainchild of Touria El
the sought after forum series.
House with warm and inviting spaces to
Glaoui, the daughter of famed Moroccan
view the art works. This is a tribute to the
artist, Hassan El Glaoui. She has had a life-
Hans Ulrich Obrist spoke in conversation
design of architect David Adjaye for the
long passion for African art and enlisted
with international UK-based Ghanaian
fair. A palpable sense of commercialism
curator Koyo Kouoh, cultural producer and
artist Godfried Donkar. Queues snaked
dominated the exhibition spaces. Heavy
founding artistic director of Raw Material
through the halls of Somerset House as
negotiations took place as red dots indicat-
Company in Senegal. The two entered into
art lovers and critics tried to get one of the
ing sales added an infectious buzz to the
a collaboration to bring together a power-
limited spaces for the talks. Carsten Höller
event.
ful entry onto the art fair scene. 1-54 takes
and Olafur Eliasson spoke in conversation
its title from one continent of Africa being
with the curator Koyo Kouoh about their
This was billed as the first African Con-
made up of 54 countries. 1-54 African Art
commitment to working in Africa. The fair
temporary art fair in London. It brought
Fair was running at the same time as the
was open to artists from Africa, living on
its mission off with elegance and deter-
big giant, Frieze Art Fair. It did not flinch
the Continent or outside of Africa and art-
mination. The planned expansion of this
under the glare of Frieze and delivered a
ists committed to working and making art
intimate art fair in 2014 will be an event
strong program of international artists’
in Africa despite their origin.
marked firmly in London’s art calendar.
talks. The director of the Tate Modern, Chris
125
CARNET DE BORD
le corps, médium on fire à berlin ? Par Steve-Régis « Kovo » N’Sondé
À l’image des artistes qui
plus, les représentant-e-s de
l’animent et du public qui
la seule capitale europée-
l’entretient, ce qui est ON FIRE
nne abritant un musée Gay
à Berlin dans une exubérance
(Schwules museum) sont issus
de corps, de mouvements,
des pays, des cultures et des
d’images et de formes c’est le
traditions plurielles. Est-ce
monde, en ceci qu’« …il était,
un hasard si ce sont deux
il est et il sera, feu toujours
argentines basées à Ber-
vivant qui s’allume suivant la
lin, Constanza Macras
mesure et, suivant la mesure,
(directrice de la com-
s’éteint. » (f. 30, Héraclite ou la
pagnie DORKYPARK)
séparation, éd. de Minuit, 1972)
et Tamara Saphir, qui ont co-organisé l’événement ?
ON FIRE est une constellation
Ce n’est pas un hasard
de rencontres, d’échanges, de
non plus si
shows et performances entre
elles font le
quinze artistes résidant en
choix d’Achille
Afrique du Sud ou à Berlin, sur
Mbembé (De
les questions de genre et de
la postcolo-
tradition. Cela représente six
nie, essai sur
performances de février à avril.
l’imagination
Le programme met à l’honneur
politique
des activistes LGBTI (Lesbian,
dans
Gay, Bi-and Tans- Intersex) sud-
l’Afrique
africain-e-s : ce pays a ceci de
contem-
particulier que, sur ce thème,
poraine,
sa législation est de loin la plus
éd. Karthala,
progressive de toute l’Afrique
2000) dans la
sub-saharienne, et l’une des
présentation
plus avancées au monde. Il faut
du programme. À
informer et protéger les acquis
propos de courants
violemment attaqués.
intellectuels issus des
Berlin n’est pas en reste non
marges et qui gagLucky Kele et Ronni Maciel © Zanele Muholi
126
nent peu à peu leur place au cœur des
non seulement par le politique et ses
disciplines artistiques et des sciences
rituels de pénalités, mais aussi et surtout
MANDIOCA, de et avec Lucky Kele et
sociales, il écrit :
par la personne elle-même, s’extirpant
Ronni Maciel, « arrêt sur mouvement » :
« [Ils ont] aussi développé des lexiques
de la gangue de l’infra-humanité. Nitou,
Le silence assourdissant et anonyme de
bien à eux, un arsenal théorique, des
le nom de l’anti-héros de Labou Tansi
Berlin accueille le visiteur et constitue
méthodes d’analyses et d’interprétation,
signifie en kikôngo « corps » c’est-à-dire
l’habillage sonore d’une vidéo qui
bref, des paradigmes autour des ques-
la forme de l’enveloppe charnelle et son
tourne en boucle et illustre une improb-
tions de la race et des diasporas (critical
évanescence.
able rencontre dans le dédale souterrain
race studies), de la différence sexuée
Dans l’essai, le roman, et plus encore
et aérien d’Alexanderplatz. Pour eux
(féminisme, question gay), du postco-
sur la scène du Studio 44 à Berlin Alex-
deux, qui n’ont eu que deux semaines
lonialisme et des savoirs subalternes
anderplatz où se déroulent les shows
et demie de partage pour rouir ensem-
(subaltern studies), voire de la circulation
et les performances ON FIRE, le corps
ble leurs expressions corporelles afin
contemporaine de toutes sortes de flux
est un medium, le moyen d’exprimer
de pétrir MANDIOCA, mais aussi pour
(public culture). ».
souffrance et contestation, joie et réa-
nous tous et toutes humanopolitain-e-s,
gencement des genres et des traditions.
se pose la question de la possibilité et
Il est éminemment question du corps
Ce sont les corps qui éprouvent et/ou
de la disposition à se rencontrer dans
comme médium dans l’essai d’Achille
mettent à l’épreuve les rencontres, les
les jungles d’urbanités. La main ten-
Mbémbé. Ainsi, dans son essai, il con-
échanges et leurs conditions de pos-
due, impérieuse, semblant être gifle ou
voque abondamment le plasticien du
sibilités. En live et ON FIRE ce sont huit
soufflet peut se révéler caresse. Ronni
verbe qu’est Sony Labou Tansi et Dadou
sud-africain-e-s et sept berlinois-es, en
et Lucky ont su éviter et se jouer de
Nitou, l’anti-héros du roman L’anté-peu-
résidence de quatre à huit semaines au
nombreux écueils et d’autant de préju-
ple (éd. du Seuil, 1986), afin d’évoquer
Studio 44, quartier général de la com-
gés tels noir ou blanc, rencontre ou
“l’investissement du corps du colonisé”:
pagnie DORKYPARK à Berlin, Mitte.
collision, modernité ou tradition, gay ou hétéro-identités, homo- ou hétérosexualités... Parfois l’un accompagne par ses portés les élans que l’autre laisse choir dans le fracas des chutes et l’indifférence, « je t’aime…moi non plus ». Néanmoins pour tous deux MANDIOCA, le manioc, est symboliquement et effectivement la version afro-américaine de l’allégorie de
127
Lost in translation © Thomas Aurin
l’iceberg : la partie visible en surface est
les spectres de ce qui devrait ou ne
proportionnellement infime par rapport
devrait pas advenir… Des Coming out
à l’invisible en profondeur. Le tubercule,
incessants et sempiternels, à l’image
noir, blanc et transatlantique est un
d’une politique de l’ambiguité.
parfait dénominateur commun pour signifier l’intimité de cette rencontre
LOST IN TRANSITION, de et avec Kieron
performée.
Jina, Miki Joshi et Jan Sebastian Suba
WENA MAMELA, de et avec Mamela Nyamza, « arrêt sur mouvement » : Le cliquetis métallique et les injonctions aigres-douces et pressantes d’une séance de shooting photo, quelques flashs épars déchirent l’obscurité. Bientôt ce cliquetis et leur écho émis par les claquements de bouche de Mamela, où sourire surfaits et grimaces se confondent dans un rythme effréné, jusqu’à désarticuler son corps entier... et le laisser gésir, marionnette secouée de spasmes étranglés. Derrière l’objectif de l’appareil photo, une voix tout de noire vêtue, celle de Mmakgosi Kgabi qui endosse tous rôles: celui de l’homme blanc ou non objectivant une femme, la déshumanisant ; celui de la femme aussi, lesbienne ou pas, agissant de même. En interview, Mamela confiera que l’ombre inquiétante incarnée par Mmakgosi, ce regard voyeur, cette voix inquisitrice enflée et mue par une pluie de préjugés, « ça peut être n’importe qui ». Mamela en langue xhosa signifie « écoutes ! », WENA MAMELA titre de ce solo qui n’en est pas un pourrait signifier « eh toi, écoutes ! ». Solo travesti non pas seulement par la présence de Mmagkosi, mais parce que Mamela porte avec elle comme un fardeau, son alter ego colonisé : Miranda. « C’est mon prénom chrétien, colonisé… » lance-t-elle avant d’ajouter « le masque qu’on porte parfois
128
Shades of Queen de Mmakgosi Kgabi © Thomas Aurin
comme une façon de dire à l’audience d’aller se faire foutre ». L’injonction d’écouter, vient-elle de Miranda ou Mamela ? S’adresse-t-elle à nous spectateurs, à elle-même, ou encore à l’alter ego porté au dos tel un bébé et qui la supporte. En définitive il semble qu’il y ait nécessairement complexité plurielle pour un « corps colonisé » comme Mamela nomme parfois le sien. EN ENTRETIEN avec TAMARA SAPHIR, l’une des organisatrices de ON FIRE, nous sommes revenus sur les premiers spectacles du festival. Tout d’abord, SHE IS NOT A BOY, SHE IS NOT A GIRL, de et avec Mmagkosi Kgabi et Juliana Piquero. Ce projet questionne les interstices entre l’espace public de la performance et l’intimité que l’on a dans la perception de son propre corps. En explorant le sens et/ou l’insignifiance des mots et des mouvements… SHE’S NOT A BOY est une exploration physique
est une recherche sur la performativité du sexe et l’instabilité du genre. Un voyage à travers un futur archaïque et coloré habité par des êtres post-genre, post-races… Leur humanité est tremblante, leurs identités douces, leurs contours flous. C’est un univers où des êtres indéterminés sont déterminés à se connecter, se déconnecter, s’aimer, se combattre, s’engager, se décevoir… et aimer de nouveau. Par-delà les dialectiques, en deçà des stéréotypes, telle une méditation butoh sur les pratiques sexuelles et sentimentales. Il y a eu aussi les solos LELEME (langue, en Tswana) de Lerato Shadi, et SHADES OF A QUEEN de Mmakgosi Kgabi, où elles approchaient des sujets tels que le rapport à la langue maternelle et à la langue coloniale, la négociation de l’espace dans les dynamiques du dévoilement et du recouvrement, de la restriction et de la protection. Actuellement en résidence, la célèbre photographe et activiste Zanele Muholi
et théâtrale à partir de la puissance ambivalente du verbe to come [révéler avec tout ce que cela peut avoir de sensationnel ou intime dans coming out mais aussi venir et jouir]. Une interprétation physique et littérale… avec l’impression lancinante d’un langage dans le langage, qui nous hante comme
She is not a boy de et avec Mmakgosi Kgabi et Julia Piquero © Thomas Aurin
Wena Mamela de Mamela Nyamza Š Zanele Muholi
129
prépare une installation et une perfor-
ont pris des directions thématiques et
ainsi la tradition du ballet et ces « corps
mance live avec la chanteuse Jelena
performatives très différentes.
colonisés » comme certains danseurs,
Kuljic, dans laquelle elles adressent le
Cela nous a mené à des thématiques
danseuses du Brésil ou d’Afrique du Sud
douloureux phénomène des viols cor-
politiques et sociales très concrètes :
se décrivent eux-mêmes ; ou encore
rectifs.
les communautés LGTBI en Afrique et
celle du théâtre danse, ses formes « clas-
ailleurs ; le retour de traditions long-
siques » de la performance scénique
K. : A toi le mot de la fin, de la fin de
temps ségréguées et la revendication
contemporaine et des propositions véri-
l’entretien parce qu’ON FIRE en live et
de leur place dans des pratiques urba-
tablement trans-genre (performatifs).
en tant que processus de création est
ines et artistiques, leur manipulation ou
encore loin d’être éteint.
leur refus par les pouvoirs politiques et
T.S. : Pour nous, il s’agissait d’approfondir
religieux. Mais il y a eu aussi des débats
le dialogue autour des questions sur le
sur les disciplines artistiques et perfor-
genre et la tradition. Très vite les projets
matives elles-mêmes et leur « autre » :
Leleme de Lerato Shadi © Thomas Aurin
130
131
ARIKADAA’S LIBRARY
Le corp dans l’art contemporain – Sally O’Reilly, Thames & Hudson, 2010.
MARASSA Y LA NADA (MARASSA ET NÉANT) - Alanna Lockward, Editorial Santuario, 2012 Commentaires de Ary Régis, Dir. du département de communication sociale Faculté des Sciences Humaines (FASCH) de l’UEH – Port-au-Prince, “Quand, j’ai lu Marassa y la nada, le roman d’Alanna pour la première fois, j’étais certain d’une chose : ce n’était pas de ces histoires à l’eau de rose, du type idéal happy end avec qui on vend des faux espoirs à la populace… En effet, c’est une histoire tragique, du début à la fin, mais intercalé des moments d’espoir. C’est donc une histoire réelle telle que vécue par les haïtiens et par les dominicains qui reconnaissent, qu’avec les haïtiens ils sont marassa. C’est aussi une histoire écrite comme une mosaïque de petites histoires vécues par Moira le personnage qui a le point de vue de l’auteur.” http://marassaylanada.wordpress.com/
132
AESTHETICS OF THE ANTRUM – Louisa
Dans la seconde moitié du XXe siècle, un
Babari, Cabeza de Chorlito, 2013.
repositionnement radical non seulement du corps du modèle mais aussi de l’artiste
Louisa Babari tente d’échapper aux
et du spectateur a mis fin à des siècles
définitions par une pratique artistique
de conventions. Les bouleversements
protéiforme. Sa dernière oeuvre est un
qui ont transformé la société ainsi que
travail de collages qui livre une multitude
l’évolution des arts et des sciences ont eu
de pistes autobiographiques. Construction
une profonde influence sur la manière dont
d’un langage visuel qu’elle puise aux origines
les artistes appréhendent et représentent
du cinéma et dont l’esthétique couvre un
aujourd’hui le corps humain. Le Corps dans
champ d’émotions noir et blanc, régi par le
l’art contemporain se propose d’étudier
gris.
la relation qu’entretient l’art avec le corps humain depuis le début des années
80 PAGES, 20 EUROS
1990 à travers l’analyse de nombreux
DISPONIBLE À LA GALERIE DU JOUR AGNES B
thèmes : la place de l’individu dans la
44 RUE DU JOUR 75004 PARIS ET À LA
société, la représentation du temps et de
TIENDA Y LIBRERÍA LA CENTRALMUSEO
l’espace, l’hybridation du corps et le corps
NACIONAL, CENTRO DE ARTE REINA SOFÍA
monstrueux, les notions d’identité et de
CALLE SANTA ISABEL, 52
différence… De la peinture à l’installation,
28012 MADRID
de la sculpture à la vidéo ou la performance, Sally O’Reilly révèle à quel point le corps est aujourd’hui au centre des préoccupations de toute une génération d’artistes. Cet ouvrage montre que le corps demeure essentiel à la manière dont nous percevons et exprimons notre place dans le monde.
ARIKADAA’S LIBRARY problématique qui implique la relation entre l’’image et le son. Ces travaux de recherches serviront de base pour la création de la programmation « Corps et (des) accords : L’esthétique vidéo des artistes algériennes (1995-2013), en collaboration avec l’Espace Khiasma, lors du cycle de films nommé Possession. La sélection des vidéos aborde la question de l’esthétisation de la corporalité avec des images vidéos (voir interview dans la rubrique Exhibition Review). Amina Zoubir est une artiste plasticienne, vidéaste et curateur, vit et travaille entre Paris et Alger, représentant un trait d’union entre l’Algérie et le monde extérieur. ALPHABET : A Selected Index of
RELATION DE L’IMAGE ET DU SON
Anecdotes and Drawings
DANS LA VIDÉO CONTEMPORAINE
Toyin Odutola (second edition), 2012.
ALGÉRIENNE: UNE EXPÉRIENCE EN TEMPS RÉEL – Amina Zoubir, Editions
Alphabet: A Selected Index of Anecdotes and
universitaires européennes, 2010.
Drawingss est une version résumée des travaux composant la thèse MFA obtenue
Cet ouvrage s’intéresse aux productions
par Toyin Odutola.
vidéos des artistes Algériens. L’intérêt est
Il s’agit d’une édition révisée regroupant des
justifié par l’absence d’études spécifiques
textes clés, choisis de façon aléatoire.
qui s’y attachent. Amina Zoubir présente
D’autre part, les œuvres qui composent cette
en premier lieu un contexte historique
publication sont une extension de ladite
et socioculturel qui rend compte des
thèse, avec l’ajout de morceaux qui avait été
situations complexes de crises en Algérie
omis auparavant.
durant les années quatre-vingt-dix; celles-ci ont contribué, de près ou de loin, aux
Toyin Odutola est une artiste contemporaine
productions vidéos que j’’analyserais en
qui met l’accent sur l’identité et le concept
second lieu. Elle expose l’’état des arts
socio-politique de la couleur de la peau
plastiques qui précède l’avènement de l’’art
grâce à ses dessins faits à l’encre et au stylo.
vidéo Algérien. Il est nécessaire de rendre
Son travail explore son parcours personnel
visible les conditions d’’utilisation de ce
de sa naissance au Nigeria à sa vie aux Etats-
médium, et d’articuler sa réappropriation
Unis, s’imprégnant de la culture américaine,
dans les préoccupations esthétiques que
dans une Alabama conservatrice.
développent les artistes Algériens. À travers les œuvres vidéos, elle discute la principale
133
AGENDA AFRIQUE « SAMUEL FOSSO »
réflexion”.
Des lignes comme des vagues
Samuel Fosso – Fondation Zinsou
se dessinent le long des murs,
A partir du 14 avril 2014
entourant cette installation-
01 BP 7053, Cotonou, Bénin
mémoire, des dizaines de
T : (+229) 21 30 99 25
tableaux nous plongent dans
information@fondationzinsou.org
le paysage urbain quotidien
http://www.fondationzinsou.org/
abidjanais. À travers des icônes
L 13h-19h / M à V 8h30-19h / S
anonymes en 4×3, prêtant leur
10h-19h / Fermé le dimanche
visage aux grandes marques, aux distributeurs, aux vendeurs de
« ESPACE À LOUER »
rêves. Virginia Ryan, vit et travaille entre Trévi (Italie) et Bassam (Côte d’Ivoire). Elle est une artiste pluridisciplinaire née en Australie et qui vit désormais entre l’Italie et la Côte d’Ivoire. Avec le Professeur Joe Nkrumah, Virginia Ryan est à l’origine de
L’‘’Espace à louer’’ est un
la Foundation for Contemporary
A travers quinze photographies
lieu disponible dont on prend
Art (FCA) basée au Ghana depuis
de l’artiste camerounais Samuel
possession, où l’on évolue et
2004 et dont elle est directrice
Fosso, la nouvelle exposition
dans lequel les récits peuvent
depuis 2007.
de la Fondation Zinsou invite
s’écrire et se lire.
le visiteur à découvrir lors
‘’Espace à louer’’ -
Virginia
d’un voyage chronologique,
En découvrant ces grands
Ryan
la démarche créative, de ce
formats flottant dans l’espace
Du 2 Mai au 21 Juin 2014
photographe hors du commun.
de la galerie, le regard se perd
GALERIE CÉCILE FAKHOURY
Rien ne prédisposait Samuel
un peu et pourtant on reconnaît
06BP6499 ABIDJAN 06
Fosso à devenir photographe.
en s’avançant des figures
Tél : + 225 22 44 66 77
Pourtant fuyant les horreurs de
célèbres, des images déjà vues,
galerie@cecilefakhoury.com
la guerre du Biafra et laissant
des icônes du cinéma, les stars
http://cecilefakhoury.com/
derrière lui sa famille, il
du grand écran. Ces œuvres
ouvrira en 1975 à Bangui, son
ne sont pas des peintures
premier studio photo : le
ordinaires, elles ont pour
“Studio Gentil” puis le “Studio
support-sujet et matière des
Nationale”.
affiches de films des années
Malick Sidibé émerveillé dira
60 à 90 d’une salle de cinéma
de lui : “Son style c’est lui-
Bassamoise qui n’existe plus
même. Il a inventé sa propre
aujourd’hui.
134
FRANCE & EUROPE « DARK MATTER »
agnès b. en 2002, Abdelkader
Plus que jamais, son sens
Benchamma a depuis participé à
de l’imaginaire fait de lui
de nombreuses expositions en
l’artiste-voyageur de tous les
France et à l’étranger.
métissages. Tel un tailleur de grand marché, hautement
« Dark Matter » - Abdelkader
expérimenté, cousant sur mesure
Benchamma
des costumes « fashion » faits
27/04 – 31/05/2014
du wax dernier cri, l’artiste
Galerie du jour Agnès B.
conçoit des divinités en tout
44, rue quincampoix, Paris 4ème
genre, au plus proche des
Tel. 01 44 54 55 90
usages actuels. La technique
Au feutre gouache, à
jour@agnesb.fr
de collage d’éléments imprimés
l’encre, d’une grande finesse
http://www.galeriedujour.com/
n’est pas sans nous rappeler
d’exécution mais réalisé sans esquisse préalable, le dessin
une lointaine sensibilité « VODOUNS & ORIXAS »
graphique surréaliste, chère
d’Abdelkader Benchamma (né
à Max Ernst. Mais les motifs
en 1975 à Mazamet, vit et
et autres figures exotiques
travaille à Montpellier et à
polychromes évoquent, quant
Paris) est pensé comme une
à eux, un joyeux bazar qui,
écriture. Un dessin qui se
cette fois, s’emploie à
situe entre plusieurs pratiques
servir une quête noble et
déjà existantes, du design
spirituelle. Suivons Legba,
au graphisme en passant par
gardien de la frontière entre
certains travaux de bandes
le monde des humains et le
dessinées. L’artiste investit
monde du surnaturel, pour nous
des pièces entières avec des
introduire en la matière…
dessins muraux, mêlés à des
Né d’une mère du Val de Loire
fragments de textes. Les deux
et d’un père du Golfe du Bénin,
modes d’écritures se mêlent, se
Pour cette deuxième exposition
William Adjété Wilson a grandi
complètent ou se contredisent.
personnelle présentée par
en France avant de découvrir,
Personnages sans repères,
la Galerie Philippe Lawson,
à l’âge de 20 ans, le Bénin
accidents impossibles, objets
William Adjété Wilson revisite
et le Togo en Afrique de
quotidiens qui se rebellent,
le panthéon vodoun à travers
l›Ouest. C’est à cette époque
morceaux de phrases qui
une série de collages de tissus
également qu’il rencontre la
témoignent des silences d’une
wax sur papier. Sa vision
peinture. Il fait une première
conversation, sont quelques
et son humour singuliers
exposition de dessins à Paris
exemples d’une poétique de
réinterprètent graphiquement
en 1976. En 1986, il obtient
l’absurde utilisée comme
les grandes divinités vodouns
le Prix Médicis Hors les Murs.
réponse possible aux limites
et agrandissent le panthéon
Artiste éclectique, il pratique
d’une réalité unique.
trans-océanique, pour créer de
le pastel, la peinture, la
Révélé par l’exposition «
toutes pièces une pléthore de
sculpture, les estampes, ainsi
Draw ! » à la galerie du jour
divinités techno-syncrétiques.
que l’illustration, les arts de
135
AGENDA la scène, l’édition jeunesse, le
monographique à la Galerie
En réaction au fil brûlant
textile etc. Depuis les années
Armel Soyer. Ifeanyi Oganwu
de l’actualité, les Alertes
1970, William Adjété Wilson a
envisage le design comme un
sont aussi des hommages aux
effectué de nombreux voyages
aspet de l’architecture. Il crée
personnalités brusquement
et expositions dans le monde
des formes structurellement
disparues. Frédéric Bruly
Atlantique, et jusqu›au Japon,
intelligentes et durables afin
Bouabré
à l’ile Maurice, en Israël, en
d’engager les utilisateurs
Ojeikere (1930-2014) sont
Italie, etc. En 2008-2009 il
dans des expériences uniques
décédés à quelques jours
réalise, à Abomey au Bénin,
avec l’espace environnant.
d’intervalle. Ces deux grands «
une série de 18 tentures en
Son esthétique futuriste
ainés » de l’Afrique ont engagé
appliqué de tissus : L’Océan
met en dialogue la fonction,
l’imaginaire de ce continent
Noir, The Black Ocean, O Oceano
l’ergonomie et les traitements
vers l’art contemporain. Le
Negro, qui peut être considérée
de surface. Très concerné
Palais de Tokyo leur rend
comme une synthèse de son
par les matériaux, il aime
hommage.
travail depuis ses premières
à explorer et revoir des
œuvres.
processus de fabrication
Frédéric Bruly Bouabré est
artisanale auxquels il adjoint
né en 1919, en Côte d’Ivoire.
« Vodouns & Orixas » - William
les opportunités présentées par
Penseur, philosophe, chercheur,
Adjété WILSON
la fabrication de pointe.
« rechercheur », pédagogue,
du 23 avril au 17 mai 2014
(1923-2014) et Okhai
prophète, poète, artiste,
Vernissage - mardi 29 avril 2014
« Look Mum, No hands » Ifeanyi
créateur, encyclopédiste…
à 18h
Oganwu
L’œuvre multiforme de Frédéric
Galerie Philippe Lawson
Du 24/04 au 12/07/2014
Bruly Bouabré trouve son
16 rue des Carmes 75005 Paris
Galerie Armel Soyer
origine dans une vision
Tél. : 01 46 33 00 90
19-21, Rue Chapon (sur cour)
«céleste » du 11 mars 1948.
mardi & jeudi, 17h30- 20h30,
75003 Paris - France
Il se sent alors investi de
Samedi 11h-19h
+33 (0)1 42 55 49 72
la mission de transmettre une
www.philippelawson.com
contact@armelsoyer.com
pensée universelle au monde
Mercredi au Samedi : 14h à 19h
et plus particulièrement à son
et sur Rendez-vous
peuple Bété. Auteur de nombreux
http://www.armelsoyer.com/
textes, il invente un alphabet
« LOOK MUM, NO HANDS »
sous forme de pictogrammes pour « HOMMAGE À FRÉDÉRIC BRULY
retranscrire sa langue natale,
BOUABRÉ ET OKHAI OJEIKERE »
le bété. Alphabet qui sera publié pour la première fois par Théodore Monod en 1958. C’est par son œuvre graphique qu’il sera révélé sur la scène artistique internationale
Ifeanyi OGANWU présente pour
lorsqu’André Magnin présente
la première fois son travail à
quelques uns de ses dessins à
Paris sous forme d’exposition
l’exposition Magiciens de la
136
Terre conçue par Jean-Hubert
anthropologique, ethnographique
Orient à Berlin. Le projet,
Martin au Centre Pompidou
et documentaire.
intitulé « In Search of Europe:
et à la Grande Halle de la
Considering the Possible in
Villette en 1989. Son travail
« HOMMAGE À FRÉDÉRIC BRULY
Africa and the Middle East »,
a depuis été présenté dans de
BOUABRÉ ET OKHAI OJEIKERE » -
a examiné les ressemblances
très nombreuses expositions en
Palais de Tokyo
partagées entre ceux de
Europe et aux États-Unis.
14/02/2014 - 07/09/2014
l’Afrique, de l’ancien Empire
13, avenue du Président Wilson,
Ottoman et du Moyen-Orient
À l’âge de dix-neuf ans, J.D.
Paris 16ième
et leur désir de se libérer
Okhai Ojeikere achète un
Tél: 01 81 97 35 88
des normes adoptées sous
modeste appareil Brownie D sur
TLJ midi-minuit sauf mardi
l’influence internationale de
les conseils d’un voisin qui
http://www.palaisdetokyo.com/fr
l’Europe.
lui apprend les rudiments de la photographie et son talent
Les 15 toiles présentent « ALIGNMENT OF VALUES »
plusieurs individus qui se
lui vaut d’être sollicité par
retrouvent face à un mur. Les
la West Africa Publicity pour
réactions à ce mur varient,
laquelle il travaillera à plein
certains tentent de l’escalader,
temps de 1963 à 1975, date à
d’autres le poussent,
laquelle il installe son studio
quelques-uns essaient de le
“ Foto Ojeikere “. Lors d’un
détruire, tandis que d’autres
festival en 1968, il prend,
réfléchissent simplement sur
toujours en noir et blanc au
son existence.
Rolleiflex 6x6, ses premières
Le mur symbolise toutes les
photographies consacrées à la
choses qui se trouvent au-delà
culture nigériane. Dès lors,
de ses frontières. Cette
et pendant quarante ans, il
prise de décision reflète le
poursuit dans tout le pays
caractère de chacun de ces
ses recherches organisées par
individus faisant face à ses
thèmes. Hair Style, riche de
propres limites, imaginées ou
près de mille clichés, est le
Tiwani Contemporary présente
plus considérable et le plus
Alignment of Values, une série à
abouti. Ojeikere photographie
15 peintures à l’huile réalisée
Gemuce (Pompilio Hilario) est
les coiffures des femmes
par le peintre Mozambicain
né en 1963 dans Quelimane, le
nigérianes chaque jour dans
Gemuce. L’exposition est la
Mozambique. La peinture est
la rue, au bureau, dans les
première exposition personnelle
utilisée comme son principal
fêtes, de façon systématique,
de l’artiste à Londres.
medium d’expression pour
de dos, parfois de profil et
Le point de départ pour
questionner et interpréter la
plus rarement de face. Son
Alignment of Values était
réalité de la vie.
œuvre, aujourd’hui, riche de
un projet de recherche basé
En 2001, il a obtenu un Master
milliers de clichés, constitue
sur des échanges entre des
en Management Culturel à
par-delà le projet esthétique,
chercheurs et des artistes,
l’Université de la Sorbonne.
un patrimoine unique à la fois
en 2010 au Zentrum Moderner
Depuis 1994, il enseigne un
137
perçues.
AGENDA cours d’Arts visuels à ENAV et
apparue au début du 14ème
60311 Frankfurt am Main
ISARC au Mozambique.
siècle relie la pensée centrale
Tel : +49 69 21230447
du christianisme aux croyances
mardi au dimanche, de 10h à
« Alignment of Values » -
de l’Antiquité et discute des
18h.
Gemuce
questions d’ordre théologique,
Mercredi, de 10h à 20h.
Tiwani Contemporary
philosophique et moraliste qui
http://www.mmk-frankfurt.de
11 April – 17 May 2014
n´ ont pas perdu leur caractère
16 Little Portland Street
explosif social et politique
London W1W 8BP
jusqu’à présent.
t. +44 (0)20 7631 3808
La Divine Comédie est l’ouvrage
« DISTANCE AND DESIRE:
e. info@tiwani.co.uk
fondateur de l’exposition
ENCOUNTERS WITH THE AFRICAN
http://www.tiwani.co.uk/
laquelle rassemble les travaux
ARCHIVE »
Tuesday to Friday 11:00-18:00
de 55 artistes contemporains
Saturday 12:00 -17:00
originaires de plus de 20 pays
Sunday to Monday closed
africains. La présentation conçue par le curateur Simon
« LA DIVINE COMEDIE »
Njami en coopération avec le MMK sera à voir dans plusieurs lieux d´exposition internationaux, après le 27
La Collection Walther est
juillet.
heureuse de présenter
Trois étages respectivement
« Distance and Desire:
consacrées au paradis, à l’enfer
Encounters with the African
et au purgatoire accueillent les
Archive », la troisième
œuvres d’art qui ont recours à
exposition consacrée à la
différents médias : peinture,
photographie africaine et de
photographie, sculpture, vidéo,
l’art vidéo. Cette exposition
installation et performance.
rassemble sur une période allant
Nombreux projets ont été
de la fin du XIXe au début du
explicitement créés pour
XXe siècle, cartes de visite,
Le paradis, l’enfer, le
l´espace du MMK.
portraits, cartes postales, des
purgatoire du point de vue
En se référant à leurs
pages d’album, et les livres
des artistes contemporains
propres origines culturelles
d’Afrique australe et de l’Est.
africains.
et religieuses les artistes
« Distance and Desire » offre
interprètent différentes scènes
de nouvelles perspectives
de la Comédie humaine.
sur l’héritage des visions
Du 21 mars au 27 juillet 2014 le MMK Museum für Moderne
anthropologiques et
Kunst Frankfurt am Main se
« La Divine Comedie »
ethnographiques d’Africains,
transforme, sur plus de 4500
Jusqu’au 27 juillet 2014
réinventant la dimension
mètres carrés, en théâtre de
Museum für Moderne Kunst
poétique et politique de
la Divine Comédie de Dante
Frankfurt
l’archive, la diversité de
Alighieri (1265-1321). L’oeuvre
Domstraße 10
ses histoires et de ses
138
significations changeantes.
la Saatchi Gallery accueille
Vincent Michéa, Oscar Murillo,
Point culminant d’une série de
l’exposition “Pangaea: New
Alejandra Prieto, Boris Nzebo,
trois parties à l’Espace Projet
Art from Africa and Latin
Christian Rosa.
Walther Collection à New York,
America”. Empruntant son titre
et le colloque international
du supercontinent préhistorique
“Pangaea: New Art from Africa
«Rencontres avec les Archives
qui était une union de l’Afrique
and Latin America” – Saatchi
d’Afrique», co-organisé par la
et de l’Amérique du Sud, cette
Gallery
Walther Collection, New York
enquête majeure réunit les deux
Duke of York’s HQ
University, et l’University
anciens continents en exposant
King’s Road
College de Londres, l’exposition
le travail de 16 de leurs
London
est accompagnée d’un catalogue
artistes contemporains.
SW3 4RY
scientifique majeur édité par
L’exposition célèbre et explore
TLJ 10h-18h
Tamar Garb. « Distance and
les parallèles entre ces
http://www.saatchigallery.com/
Desire » se développe en trois
distinctes cultures et pratiques
sections thématiques, exposée
créatives , tandis qu’ ils
à travers les trois principaux
commencent à recevoir une
bâtiments d’exposition de la
reconnaissance dans le monde de
« GRAVITY AND GRACE: MONUMENTAL
Collection Walther.
l’art de plus en plus globalisé.
WORKS BY EL ANATSUI »
USA
Les artistes de “Pangaea: New « Distance and Desire:
Art from Africa and Latin
Encounters with the African
America”, de manière différente
Archive »
et innovante, démontrent
Jusqu’au 17 mai 2015
la complexité de nos vies
The Walter Collection
d’aujourd’hui. Les années de
Reichnauer Strasse 21
domination coloniale, la rapide
Germany
expansion urbaine, la migration
+49 731 1769 143
et l’instabilité politique et
info@waltercollection.com
économique restent des sujets
http://www.walthercollection.com
de prédilection pour ces
Dans le cadre des célébrations
différents artistes, dont les
du 50ième anniversaire du musée
« PANGAEA: NEW ART FROM AFRICA
réflexions sur la richesse de
Bass, le travail d’El Anatsui
AND LATIN AMERICA »
leur environnement se traduit
est mis à l’honneur dans une
par une expérience visuelle
exposition solo intitulée
intense.
« Gravity and Grace: Monumental
Les artistes figurant dans
Works by El Anatsui ».
cette exposition sont :
L’exposition met en évidence
Aboudia, Léonce Agbodjélou,
le travail récent d’Anatsui
Fredy Alzate, Antonio Campos
présentant pas moins de
Malte, Rafael Gómezbarros,
douze sculptures métalliques
David Koloane, José Lerma, Mário
gigantesques ornant murs et
Macilau, Ibrahim Mahama, Dillon
sols. Ces œuvres sont les
Marsh, José Carlos Martinat,
pièces maîtresses de son
Depuis le 1er Avril dernier,
139
AGENDA œuvre complète, largement
Nick Cave a d’abord gagné une
nous devrions être une voix et
considérées pour représenter le
large reconnaissance pour
parler plus fort.»
point culminant de sa carrière
ses «Soundsuits »: tenues de
L›exposition présentera une
jusqu’aujourd’hui.
plein-corps fabriqués à partir
sélection de ces nouvelles
S’inspirant des traditions
d›objets de récupération
créations, ainsi que plusieurs
artistiques et esthétiques de
trouvés dans les magasins
nouvelles Soundsuits et de
son pays de naissance le Ghana,
d›antiquités et les marchés aux
grandes sculptures en bas-relief
de son deuxième pays le Nigeria
puces.
que Cave appelle «peintures».
et de diverses formes et des
Mi-sculpture, mi-costume, les
mouvements du monde occidental,
œuvres d’art complexes, sorte
Nick Cave – THE INSTITUTE OF
les travaux d’Anatsui englobent
de kaléidoscope coloré peuvent
CONTEMPORARY ART
des
être présentés sous forme
Jusqu’au 04 mai 2014
mondiale, locale et personnelle.
d›objets, et prennent souvent
The Institute of Contemporary
Les pièces les plus récentes
part à des performances solo ou
Art
de l’artiste sont inspirées par
de groupe.
100 Northern Avenue
“les piles énormes des déchets
C’est un genre d’art hybride
Boston, MA 02210
de consommation » trouvées dans
qui ne peut être créée que par
Tél: 617-478-3100
son environnement proche.
un artiste tel que Cave, qui a
info@icaboston.org
été formé en tant que danseur
http://www.icaboston.org/
préoccupations à la fois
« Gravity and Grace: Monumental
au Dance Theater Alvin Ailey
Works by El Anatsui »
American et dirige désormais le
« AUTO-GRAPHICS RECENT
Bass Museum
programme d›études supérieures
DRAWINGS »
11/04 – 10/08/2014
de la mode à l›école de l›Art
2100 Collins Avenue (between
Institute de Chicago.
21st & 22nd)
Bien que les costumes
Miami beach, Florida 33139
semblent dynamiques et
t: 305.673.7530
joyeuses, fabriqués à partir
http://www.bassmuseum.org
de matériaux tels que des boutons, des perles et de la
« NICK CAVE »
fourrure synthétique, leur origine s’inspire d’un fait
140
moins festif. Cave a créé sa
D’origine nigériane l’artiste
première Soundsuit après les
Victor Ekpuk est connu pour son
violences commises sur Rodney
utilisation de l’improvisation
King, en 1992. «J›ai construit
Nsibidi, une forme d’écriture
ce genre d›armure, car en
idéographique reliée avec aux
le portant, j›ai réalisé que
puissants Ekpe, une association
je pouvais faire du bruit de
d’hommes du sud-est du Nigeria.
l’intérieur», a déclaré Cave au
Etudiant aux beaux-arts à
Washington Post. «Il m›a fait
l’Université Obafemi Awolowo
penser à des idées autour de
à Ife, au milieu des années
la protestation, et comment
1980, Ekpuk a travaillé dans
un environnement pédagogique
Loin des clichés, d’images
inspiré de l’Onaism, une
attendus de l’Afrique du Sud,
philosophie esthétique Yorùbá
les 25 artistes contemporains
qui poussait les élèves à
et des collectifs dans
explorer les logiques de motifs
l’exposition « Intimité
et le design des formes d’art
Publique » explorent avec
africaines. Devenu un artiste
éloquence la poétique et
mature, Ekpuk a tellement
la politique de la vie
intériorisé le rythme et les
quotidienne. Cette collaboration
contours de son “script”, que
avec le San Francisco Museum of
cette forme d’écriture coule de
Modern Art présente des photos
sa main comme l’effusion d’une
de la collection de SFMOMA de
archive personnelle.
la photographie sud-africaine
Victor Ekpuk a occupé de
aux côtés d’œuvres, proposant
nombreuses résidences dans des
de manière inédite, un large
“Like the Sea” est une série
instituts d’art et universités
éventail de médias, telles
de dessins techniques mixtes
à travers les États-Unis et
que la vidéo, la peinture, la
dépeignant les deux jeunes
au Nigeria, les Pays-Bas et
sculpture, la performance, et
frères de l’artiste. Les sujets
la France. Il vit et travaille
des publications pour la plupart
sont entourés d’une variété de
actuellement à Washington.
réalisées au cours des cinq
paysages tapissés indiquant les
dernières années.
divers lieux où la fratrie a
« Auto-Graphics Recent
Coïncidant avec le 20e
vécu.
Drawings » Victor Ekpuk
anniversaire de la démocratie
Pour le titre de la série,
Jusqu’au 27 juillet 2014
en Afrique du Sud, « Intimité
Toyin Odutola, s’est inspirée
Krannert Art Museum
Publique » révèle les nuances
d’un extrait du célèbre roman
500 East Peabody Drive,
de l’intéraction humaine dans un
de Zora Neale Hurston :
Their
Champaign, IL 61820
pays encore en pleine mutation,
Eyes Were Watching God
(1937):
Tél : 217.333.1861
montrant de manière vive au
“ . “Love is lak de sea. It’s
mardi au samedi 9h-17h, 9h-21h
public une vie sous un regard
uh movin’ thing, but still and
jeu., dim. 14h-17h,
plus contrasté.
all, it takes its shape from
fermé lundi
« LIKE THE SEA »
de shore it meets, and it’s
http://kam.illinois.edu/index.
« Intimité Publique »
different with every shore.”
html
Jusqu’au 29 juin 2014
Toyin Odutola est une artiste
Yerba Buena Center for the Arts
contemporaine qui met l’accent
701 Mission Street (at 3rd
sur l’identité et le concept
Street)
socio-politique de la couleur
San Francisco, CA 94103-3138
de la peau grâce à ses dessins
415.978.2787
faits à l’encre et au stylo. Son
http://ybca.org/
travail explore son parcours
« INTIMITE PUBLIQUE »
personnel de sa naissance au Nigeria à sa vie aux EtatsUnis, s’imprégnant de la culture
141
AGENDA américaine, dans une Alabama conservatrice. “Like the Sea” – Toyin Odutola
BO ZAR EX PO
May 1 – May 31, 2014 Jack Shainman Gallery 524 West 24th Street New York, NY 10011 Horaires : M- S, 10h-18h Tél. +1 212 337 3372 http://www.jackshainman.com/ « THE SITUATIONIST EFFECT »
La galerie Taymour Grahne présent la première exposition solo à New-York de l’artiste Franco-algérienne, Katia Kameli. “The situationist effect” décrit l’apporoche personnelle de l’artiste par rapport à la ville de Marseille et ses environs à
18.06 > 31.08.2014
WHERE WE’RE AT! Other voices on gender
travers un film et une série de photos “The situationist effect” 23
avril - 24 mai
info@taymourgrahne.com
WWW.SUMMEROFPHOTOGRAPHY.BE
University of Central Lancashire
142
(c) Sean Hart AFRIKADAA STREET PUBLICATION DU 10 MAI AU 18 MAI 2014 : l’Acte éditorial live de le revue Afrikadaa Vernissage le 10 Mai à 20H / Lieux : Biscuiterie de Médina - Dakar L’exposition Afrikadaa Street Publication représente l’extension des contenus de la revue sous forme d’un acte éditorial live, concept proposé par la revue Afrikadaa pour dialoguer dans un espace d’art avec le public. Cette exposition numérique interactive est aussi une façon de familiariser le public africain aux différents réseaux sociaux; faire participer le public au contenu rédactionnel via tweeter par le projet « Afrikadaa publi-live-tweet ». Proposer un format pour une exposition itinérante, interactive et en évolution continue est une manière pour la revue Afrikadaa d’ imaginer de nouveaux supports innovants en marge des références mainstream. Lors de la prochaine Biennale de Dakar 2014, l’équipe d’Afrikadaa en collaboration avec les artistes (Sean Hart, Jay One, Joël Andrianomearisoa, Ousmane Mbaye, Alexis Peskine, Louisa Babari, ...), proposera aux professionnels de l’art et au public sénégalais d’être partie prenante de leur publication. Afrikadaa Street Publication exposera dans l’espace public des segments d’articles, des textes, des photos, sous forme de posters, PVC, différents formats d’écrans et enseignes lumineuses seront installés le temps de la biennale. Un parcours googlisé sera proposé dans le but de vous emmener vers des lieux d’expositions surprenant... Publi-twitter est l’occasion pour les visiteurs de tweeter des évènements liés a la biennale, de partager leurs coups de coeur ou faire part de leurs coup de gueules quasi instantanément. Créer le contenu rédactionnel en live via tweets. De l’ interactivité, du live, une autre façon de voir la publication... Ce projet est une première pour la biennale de Dakar.
143
144
MÉMOIRES DU FUTUR Les nouvelles pratiques editoriales Revues d’art et publications africaines, afro-américaines et caribéennes
12h00. Mario Pissarra (Afrique du Sud): Third Text Africa Third Text Africa: reflections on the context, process and challenges of publishing an online journal 12h20. Discussion 12h40-14h00. Déjeuner
Dans le cadre de la biennale de Dakar 2014, la revue d’art contemporain Afrikadaa en partenariat avec l’université du Michigan Ann Arbor et Malick Ndiaye, chercheur associé au CRAL, EHESS / CNRS propose deux journées d’étude rassemblant historiens d’art, éditeurs, directeurs de publication, rédacteurs, critiques d’art et artistes. Du 13 au 14 mai 2014, ces journées d’étude portant sur les nouvelles pratiques éditoriales aborderont les sujets qui font écho au thème de la Biennale de Dakar 2014 : « Les Métiers
Modérateur : Frieda Ekotto 14h00. Simon Njami (France): Revue noire éditions Of curating and audiences 14h20. Holly Bynoe (Martinique/Caraïbes): ARC Magazine Practicing Presence: Making Space For Interventions…
de l’art ». Programme du 13 mai 2014
14h40. Michèle Desmottes et Mostapha Romli (Maroc): Maroc Premium Politique culturelle marocaine. Comment mettre l’art au coeur du développement ?
Lieu : Village de la Biennale, Route de Rufisque. Dakar. 9h30. Introduction : Pascale Obolo/Malick Ndiaye/Frieda Ekotto
15h00. Nana Oforiatta Ayim ( Royaume-Uni/ Ghana) The Cultural Encyclopaedia
Modérateur : Vydia Tambi
15h20. Discussion
10h00. Malick Ndiaye (Sénégal): CRAL/INP Critique du modernisme de Présence africaine (1947) à NKA (1994)
15h40. Julia Grosse : (Allemagne) Contemporary And Critical writing about African art: perspecitves and challenges
10h20. Massamba Mbaye (Sénégal): Ethiopiques, Afrik’Arts Quelle approche éditoriale sur les arts au Sénégal ?
16h00. Quincy Troupe (Etats-Unis) : Black Renaissance Noire Crossfertilization in the Contemporary African Diaspora, focusing on the Choreographic, Literary, Musical and Visual Arts.
10h40. Seloua Luste Boulbina (France): Collège international de philosophie La migration des idées 11h00. Discussion
16h20. Mohamadou Sy Siré (Sénégal): African bussiness Journal 16h40. Discussion 17h00-17h30. Conclusion: Frieda Ekotto
11h20. Frieda Ekotto : Afrikadaa Mémoires du futur/ archives du futur 11h40. Paula Akugizibwe (Afrique du Sud) : Chimurenga A Complicated Ordinariness: The Chronic Business of Story Telling
145
ARIKADAA’S PLAYLIST Ce mix présente une revue personnelle afrikadaa play corps medium by SWITCH « GROOV » EXPERIENCE (BAB MUSIQUE, PARIS)
du corps hybride que constitue, dans mon esprit et par ma pratique de dj, les musiques noires. Cette grande famille musicale, recoupant un large panel d’esthétiques et de styles musicaux, n’a de cesse d’être constamment réinventée et réappropriée, à l’échelle d’un Atlantique noir, dont la géographie, par le jeu de la mondialisation, semble aujourd’hui échapper à toute tentative de cartographie.
Dj, producteur et manageur de Bab Musique, le parisien Switch «Groov» Experience est un amoureux du jaz z, en par ticulier, de la musique, en général. Sa musique se veut donc hybride, un je ne sais quoi entre l’esprit du jaz z, la profondeur de la house, la légèreté de la disco et l’écrin des musiques africaines. Il travaille actuellement sur le projet « Cotonou en musique », qui se formalisera sous la forme d’une création multimédia (http://
Pour ce mix, je me suis focalisé en priorité sur des artistes actuels et des musicalités émergentes (à l’exception des morceaux de Billie Cole et du West African Cosmos). Abstract hip hop, jazz, spoken word, deep house, disco reggae, l’arbitraire de la catégorisation s’efface ici face au brouillage des genres qui caractérisent les morceaux à l’écoute, produits par des artistes dont il m’importe peu de connaître la couleur de peau. Je souligne pour le moins la richesse des nationalités représentées : les Etats-Unis,
musiqueaupoing.tumblr.com/ )
l’Angleterre, la France, le Soudan, l’Afrique du
Network :
Sénégal, la Guinée et les Antilles françaises
https://soundcloud.com/sg- exp http://w w w.bab -musique.com/
Cliquez pour écouter le mix clic to listen to the mix
Sud, la Jamaïque, l’Allemagne ou encore le pour le seul West African Cosmos ! J’ai donc pris le parti des différences dans le semblable, pour, le temps d’une variation d’une cinquantaine de minutes, dessiner, à partir des fragments que constituent les 11 morceaux de la playlist, un corps musical
« Mixtape»
hybride, transnational et résolument tourné vers le futur. Bonne écoute !
146
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147
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148
AFRO DESIGN & CONTEMPORARY ARTS
AVRIL/MAI/JUIN N째7
corps medium 149
AFRO DESIGN & CONTEMPORARY ARTS
MAI/JUIN/JUILLET N째7
corps medium 150