Afrikadaa corps medium

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AFRO DESIGN & CONTEMPORARY ARTS

MAI/JUIN/JUILLET N째7

corps medium


Couverture: Holly Bass performing “Money maker” Photo by: Sarada Conaway Merci à tous ceux qui ont contribué à ce numero: Jay One Ramier, Holly Bass, Malick Ndiaye, Deborah Willis, Wangechi Mutu, Alanna Lockward, Diane Chavelet, Gastineau Massamba, Karen McKinnon, Maria Magdalena Campos-Pons, Shireen Hassim, BOMB Magazine, Eva Barois de Caevel, Malam, Dominique Malaquais, Bill Kouélany, Les Ateliers Sahm, Job Olivier Ikama, Kemi Ilesanmi, Landromate Project, Zanele Muholi, Nandipha Mntambo, Lebohang Tlali, Stevenson Gallery, Holly Bass, Lynette Yiadom-Boakye, Martina Bacigalupo, Gustave Mambo, Aissata Pinto da Costa, Arnaud Cimetière, Sylvie Kande, Steve-Régis « Kovo » N’Sondé, Maï Lucas, Papy Maurice Mbwiti, Céline kamadaye, Virginie Echene, Melanie Spears Harper, Amina Zoubir, Eric Hahounou, Senga Nengudi, Galerie Anne de Villepoix Direction de publication Carole Diop Pascale Obolo Rédactrice en Chef Pascale Obolo Direction de projet Louisa Babari Direction Artistique antistatiq™ Graphisme antistatiq™ Comité de rédaction Frieda Ekotto Kemi Bassene Olivia Anani Camille Moulonguet Michèle Magema Caecilia Tripp Patrick de Lassagne Djenaba Kane Anne Gregory Myriam Dao Maria Bonga Photographe Alexandre Gouzou Tous droits de reproduction réservés. Contact: info@afrikadaa.com Mai/Juin/Juillet www.afrikadaa.com www.facebook.com/Afrikadaapage www.twitter.com/afrikadaa

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Ce numéro d’Afrikadaa fait le point sur plusieurs formes d’art qui révèlent toutes la dynamique du corps et ses transformations. Pour ce numéro, La revue afrikadaa va transformer son espace en un corps medium. À l’évidence, le corps est le grand terrain d’exploration de différents médiums artistiques du XXIe siècle. À force, il en est devenu un thème fédérateur. C’est l’outil de création par excellence. La revue Afrikadaa, en tant que médium de la même espèce, prend aujourd’hui le temps d’y réfléchir. Il s’agit pour nous de privilégier une analyse capable non seulement de mettre à jour l’inscription du corps dans le médium artistique, mais également de rendre compte de leurs interactions. Le corps est envisagé tout autant comme incarnation concrète que comme idéologie. Certaines pratiques artistiques appréhendent l’autre comme une présence dématérialisée. Dans ce cas d’espèce, l’incarnation ne passe plus nécessairement par le corps. Ce bouleversement entraîne une quantité This issue of Afrikadaa draws from art of many genres to reveal the dynamics of the body and its transformations. For this issue, afrikadaa magazine will transform its space into a medium body. As is known, in the 21st century the body has been a significant site for exploration in a variety of artistic media. It is the tool of creation par excellence. It is for this reason that we have taken it as an organizing theme and created a space to reflect upon it. We are concerned with privileging analysis that is not only capable of bringing to light the inscription of the body in artistic media, but also which take into consideration interactions between the body and media. The body is a concrete incarnation as much as an ideology— or, at the very least, an aid to the expression of ideas and theories. Indeed, certain artistic practices apprehend the other as a dematerialized presence. In these particular cases, the incarnation no longer passes through the body. This disruption brings about a multitude of others. In literature, for example, what might be said about the body that is made as a “signifier” for a character? What are the stakes for the body in the construction of the individual? In visual

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EDITO

d’autres. En littérature, par exemple. Que dire du corps qui se fait « signature » d’un personnage? Quels sont les enjeux du corps pour la construction de l’individu? Dans les arts visuels les questions se posent dans les mêmes termes. Comment l’art prend-il en charge la disparition des corps? Nombre d’images aujourd’hui nous montrent un corps retravaillé, manipulé, objectivé. Jouant avec les codes du genre, les arts explorent la question de l’identité. Comment le physique participe-t-il de la construction de l’identité? Y a-t-il un « excès » de corps? Quels sont les enjeux d’un corps déconstruit par l’œuvre d’art, comme dans le corps colonial de Frantz Fanon? Chez Fanon, le Noir rêve d’être blanc, mais de quoi rêve le colonisé? D’être à la place du colonisateur, comme l’explique en substance Stuart Hall : le regard du colonisateur sur le colonisé est celui du désir, de la reconnaissance. Quand on parle du corps colonial, il faut bien sûr entendre arts, these questions might be asked in the same terms. How does art take responsibility for the disappearance of the body? How does it give presence to the body’s absence? Many contemporary images show us a body that has been reworked, manipulated, objectified. Playing with codes—sex, race, religion, etc.— this art explores questions of identity. How is the physical a part of identity construction? Is there corporeal “excess”? What are the stakes of a body that has been deconstructed by a work of art? When the body is made of physical material, what might learned with the sense of touch? Why is the body the vehicle for artistic work? What might we say about the body that is the “medium” or the “screen” of the work? What might be said about the body as spectacle? Taking into account social discourse, the body is also something that receives art. Let us consider the colonial body of Frantz Fanon. In Fanon, the black man dreams of being white, but what do the colonialized dream about? To be in the place of the colonizer, as Stuart Hall explains at length: the gaze of the colonizer upon the colonized is one of desire and recognition. When we speak of the colonial

le corps du maître, la chair du maître (à la manière dont l’entend Dany Laferrière) qui, seul, à prétention à exister et, par là, cherche sans cesse à décontextualiser celui du colonisé, cette victime désirante. C’est à travers le corps colonisé que jouit le colonisateur, lequel corps met son pouvoir en valeur. Là repose l’ambiguïté de la dialectique du colonisé et du colonisateur : le corps du noir n’existe pas sans celui du blanc. Peut-on encore parler du corps noir-corps-chose après Le Code Noir de 1685? Ce corps mutilé, morcelé comme le dit Joseph Conrad dans “Au cœur des ténèbres”, devient le corps désir, le corps où s’articulent de nombreux fantasmes. L’art contemporain africain est le lieu de surgissement d’un corps éclaté, débordant et redéfini comme le corps de l’autre, objet de désir et de jouissance. Le discours de la revue est à l’aune de l’incarnation : une parfaite résonance avec le présent. PASCALE OBOLO ET FRIEDA EKOTTO body, we must, of course, also understand the body of the master, the flesh of the master (as it is understood in Dany Laferrière’s 1997 The Flesh of the Master), which, alone, has existence as its objective. In this way it seeks to decontextualize the colonialized, the desired/desirable victim ad infinitum. The colonizer receives pleasure upon the body of the colonized, and he depends upon the colonized body for power and worth. Therein rests the ambiguity of the dialectic between the colonized and the colonizer. The black body does not exist without the white. Can we even speak of the black-body-object after Le Code Noir of 1685? This mutilated body, cut into pieces as in Joseph Conrad’s Heart of Darkness (1925), becomes the body-desire, the site where manifold fantasies are articulated. The resurging body, exploded, overflowing and redefined as the body of the other, an object of desire and pleasure, is manifest in contemporary African art. In light of this incarnation, we are in perfect resonance with the present.

PASCALE OBOLO AND FRIEDA EKOTTO


AFRIKADAA CORPS MEDIUM ART TALK

FANON LE CORPS-À-CORPS COLONIAL 6 TOWARDS A PHENOMENOLOGY OF THE BODY A BOOK FROM OUR LIBRARY 9 LE CORPS DU TEXTE UN BALCON SUR L‘ALGÉROIS DE NIMROD 11 POUR QUI SE DÉVOILENT LES INDIGÈNES DE L’ART CONTEMPORAIN ? 14 NOCTURNES 21 GASTINEAU MASSAMBA: CORPS VIVANT/CORPS MORT 23 THE BODY OF RUE 11TH ARRONDISSEMENT 26 NAISSANCE ET MORT 28 MARIA MAGDALENA CAMPOS-PONS RELATIONS ET TRAVERSÉES 30 DECOLONIALITY AND THE WHITE SAVIOUR INDUSTRIAL COMPLEX 36 (SOMETIMES KNOWN AS EUROPEAN ‘POLITICAL ART’) LE CORPS ET L’OISEAU 42 GENRE, RACE ET LA RÉINVENTION DE LA DIFFÉRENCE 47 ESTHER FERRER : TEMPS, ESPACE ET PRESENCE, LA STRUCTURE DU REGARD 53 WANGECHI MUTU BY DEBORAH WILLIS 58 EXPLORATION OF THE FEMALE BODY AND IDENTITY © BOMB MAGAZINE UP ! BOXER LE REEL PAR LA DANSE 64 MUSSANGO MALAM OU LE CORPS CICATRICE 67 SENGA NENGUDI: THE MESSENGER 70

PLACES

LES ATELIERS SAHM: UN CENTRE D’ART AU COEUR DE BRAZZAVILE 76 MAKE ART, WASH CLOTHES, BUILD COMMUNITY 79

PORTFOLIO

LYNETTE YIADOM-BOAKYE IN CONVERSATION WITH HOLLY BASS 90 SORTIR DU CADRE: INTERVIEW DE MARTINA BACIGALUPO 94 AISSATA PINTO DA COSTA: LA LIBERTE DANS L’ESPACE TEMPS 100 HOLLY BASS: BODY AND MIND PERFORMANCE 104

ARCHITECTURE

ARCHITECTURE ET MEMOIRE COLONIALE 110

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DESIGN

GUSTAVE MAMBO: QUANDLE DESIGN FAIT CORPS AVEC L’ARCHITECTURE

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EXHIBITION REVIEW

CORPS ET (DES) ACCORDS 118 L’ESTHÉTIQUE VIDÉO DES ARTISTES ALGÉRIENNES (1995-2013)

NOUS NOUS SOMMES LEVÉS 122 1 : 54 125

CARNET DE BORD

LE CORPS, MÉDIUM ON FIRE À BERLIN ? 126

AFRIKADAA’S LIBRARY 132

AGENDA 134

AFRIKADAA PLAYLIST 146

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ART TALK

Fanon

le corps-à-corps colonial Seloua Luste Boulbina propos recueillis par Louisa Babari Crédit photo : Maria Magdalena Campos- Pons

Fanon a montré que la colonie

sujets ? C’est à cette occasion que Fanon

blancs. Il faut se rappeler que ce texte

d’une part, et la guerre d’autre part,

parle de « réflexe de mort », de choses

était sa thèse de psychiatrie et qu’il a

s’inscrivent dans le corps des colonisés.

qui nous préservent paradoxalement,

dû refaire un travail plus académique

Elles s’y inscrivent comme symptômes.

des défenses subjectives qui se mettent

et plus normé. Dans ce premier livre, il

Fanon utilise une expression paradoxale

en place dans certains cas et dans

accorde déjà énormément d’importance

dans Les Damnés de la terre ; il parle

certaines circonstances. Je pense qu’il y

à l’expérience. En un sens, il s’est davan-

des « réflexes de mort » quand on aurait

a, chez Fanon, des choses qui n’ont pas

tage intéressé au corps proprement

plutôt tendance à penser à des réflexes

été assez travaillées, du moins en France,

dit au sein de l’expérience algérienne,

de vie. Certains de ses patients lui disent

car les études fanoniennes sont surtout

parce qu’il était extérieur, que dans

qu’ils sont totalement raides et con-

anglophones.

l’expérience antillaise, centrée sur la

tractés, comme s’ils étaient morts. Cela renvoie à l’idée d’enveloppe corporelle, de « moi peau ». La peau ne remplit

La peau est une métaphore du corps

pas toujours la fonction d’enveloppe

peau. Cela ne veut pas dire qu’il ne s’y intéresse pas au corps car la peau est une métaphore du corps. L’expression « trouer la peau » ou « faire la peau »

psychique ; la musculature peut en faire

le signale. D’ailleurs, quand on dit de

office, et notamment la contraction

L’expérience que Fanon eu en tant que

quelqu’un qu’il est noir, on produit une

musculaire. Ce n’est pas le langage de

Martiniquais, en tant qu’homme à la

ellipse puisque qu’on désigne une per-

Fanon, mais cela fait partie des choses

peau noire, en tant que « Noir », en tant

sonne qui, physiquement, a l’épiderme

qu’il décrit et dont il parle. Il observe

que « Nègre », lui a beaucoup servi pour

qualifié de « noir » ou de « foncé», pour

avec finesse la pathologie coloniale

comprendre, de façon tacite, la situation

en dire d’autres choses, sur d’autres

en Algérie. C’est le premier je crois à

des Algériens, sans parler ni comprendre

plans, et le naturaliser ou l’essentialiser.

parler de l’effet physique de la colonie

l’arabe, notamment dans sa pratique

Dans Peau noire, masques blancs, c’est

même si d’autres, avant lui, ont décrit

psychiatrique. C’est un élément sur

le regard sur soi qui intéresse Fanon.

les névroses de guerre. Fanon décolo-

lequel on n’insiste pas suffisamment : il

Ce ne sont pas pour autant des ques-

nise donc dans Les Damnés de la terre

était complètement en porte à faux en

tions d’identité. Parler d’identité à cette

le corps du colonisé. On parle couram-

Algérie. En porte à faux parce qu’il n’en

occasion est un anachronisme. Sont

ment de domination, d’oppression, c’est

connaissait pas les langues, ni l’histoire,

abordés, à ce moment là, dans le vocab-

un langage politique. On va parler de

ni la religion, ni la culture, parce qu’il

ulaire philosophique, la perception et la

discrimination, de ségrégation, mais

venait de Martinique. Mais il avait déjà

conscience de soi, l’être pour soi et l’être

qu’est-ce que cela donne-t-il chez les

publié, en 1952, Peau noire, masques

pour autrui. C’est le cadre philosophique

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dans lequel Fanon se trouve alors.

terme « psychosomatique » pour dire,

rêve, en disant: “ De quoi rêve l’oie ? De

de façon dualiste, que l’esprit envoie au

maïs”. Chez Fanon, le Noir rêve d’être

Quand Fanon est envoyé à l’hôpital

corps un certain nombre de signes dont

blanc, de quoi rêve le colonisé ? D’être

de Blida - Joinville, en Algérie, il est

le corps serait ensuite malade, alors que

à la place du colonisateur. Il est évident

envoyé de « la périphérie vers la

c’est « tout un ». Fanon avait travaillé

que la lactification ne peut pas être,

périphérie », par rapport à ce qu’on

avec Tosquelles, qui était novateur. S’il

pour Fanon, physique (mais on sait les

appelait à l’époque « la métropole ». Il

n’était pas non plus psychanalyste, il

efforts pour se « blanchir » physique-

prend immédiatement conscience de

était à la fois très ouvert et très attentif

ment la peau). Elle ne peut être que

la colonialité de la pratique psychiat-

à « l’insignifiant ».

symbolique et imaginaire. Elle est une

rique et se rend compte par exemple que les images proposées aux patients

réhabilitation du corps par le langage, Dans Peau noire, masques blancs,

le comportement, les vêtements, la

dits « Français musulmans »

représentation de soi

églises et autres clochers,

etc. Fanon vient après

n’évoquent rien d’intime

Senghor, Damas et

pour eux. S’intéressant aux

Césaire. La Négritude

représentations, il collecte

appartient à la géné-

des dessins d’enfants qui,

ration précédente.

vivant dans un pays en

Dans le miroir de

guerre, voient des violences

la lactification, le

tous les jours. C’est désor-

Martiniquais tel

mais assez classique. Il relate

que Fanon en fait le

notamment des violences

portrait ne s’envisage

commises par deux enfants

pas comme étant de

algériens qui en viennent à

même essence, de

tuer leur jeune ami français

même nature, encore

après des exactions entre

moins, cela va de soi,

Français et Algériens. Fanon

de même culture,

parle des entamures qui

que le Sénégalais.

affectent un corps atteint de

Ce sont des figures :

façon extrêmement grave,

le Sénégalais est

profonde et troublante. Ce

l’Africain, le Marti-

n’est pas juste de l’ordre du

niquais est censé

symptôme psychique, car

être plus proche de

c’est aussi un symptôme

l’Europe que le Séné-

colonial et politique. Jusqu’alors, on dissociait

The Flag Year 13. Color Code Venice, 2013 Composition of nine 24 x 29 “ polaroids - 87 x 69” Image courtesy of the artist and Stephan Stoyanov Gallery, New York

complètement la situation

galais. Il est aisé de voir ici ce que produit la vision coloniale. Du

coloniale dans laquelle les gens se trou-

Fanon s’intéresse à la lactification.

reste, Fanon relève la dissymétrie entre

vaient et leur pathologie. Indifférence,

La lactification peut être comprise à

la Guadeloupe et la Martinique. « Je

ignorance mais aussi préjugé philos-

partir d’une des premières phrases de

suis guadeloupéen » ne se dit pas car le

ophique. L’idéalisme est en effet une

L’interprétation des rêves de Freud,

Guadeloupéen est entre le Martiniquais

tendance lourde. Certains emploient le

où il simplifie faussement ce qu’est un

et le Sénégalais. On dit : « Je suis Marti-

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niquais ». La lactification s’exprime dans

expertises psychiatriques demandées

cette affirmation. Fanon critique ainsi à

par la police. Il sait que le colonisé ne

la fois le regard européen et le regard

peut répondre au mensonge colonial

En France, il est arrivé à Frantz Fanon

des Antillais, notamment Martiniquais,

que par un mensonge et qu’il est inutile

ce qui est arrivé à Simone de Beauvoir.

sur eux-mêmes. Fanon, par la notion

de rechercher la vérité. Car le rapport

Beaucoup de gens font de Fanon ou de

de lactification, désigne les éléments

lui-même est vicié.

Beauvoir des lecteurs de Sartre, comme

qui permettraient que l’on ne soit pas

encore au premier plan.

si Sartre lui même n’avait pas été un

rejeté du côté du « Nègre » mais plutôt

Dans sa pratique clinique, dans les

lecteur de Hegel et de bien d’autres,

admis du côté du « Blanc ». C’est une

cas dont il rend compte, il a affaire

comme si, en outre, leur influence théo-

tâche infinie, si tant est qu’elle puisse en

principalement voire exclusivement à

rique et pratique avait été moindre. On

être une. En réalité, c’est mission impos-

des hommes. « Clinique » vient éty-

en fait en quelque sorte des imitateurs

sible. Fanon donne en des exemples :

mologiquement de « allongé », qui est

de talent. C’est la raison pour laquelle

on ne s’adresse pas à un « Noir » comme

de la même famille qu’incliner, inclinai-

ils sont moins étudiés en France qu’aux

l’on s’adresse à un Allemand, on sup-

son. En ce sens, le psychiatre fait d’un

Etats-Unis par exemple où ils ont joué

pose généralement qu’il comprend mal,

homme allongé un homme debout.

un rôle majeur dans les gender studies

qu’il est nécessaire de procéder à de

Mais, dans « l’Algérie se dévoile », il

ou les postcolonial studies. En réalité, le

grossières simplifications etc.

livre une très bonne critique de la

préjugé colonial, le préjugé sexiste, le

politique coloniale française contre le

préjugé raciste subsistent. La recherche

Fanon dit que lui-même, dans sa pra-

voile en Algérie, dont l’un des enjeux

académique en est un symptôme. Peu

tique médicale, sent qu’il est très facile,

est le corps des femmes. Il s’intéresse à

nombreuses sont, en France, les publica-

de soi-même, y compris en étant Marti-

la question du genre. A Blida, il y avait

tions sur Fanon. Et l’on ne parle pas de

niquais, de reproduire ces mécanismes

une campagne pour que les femmes

la guerre d’Algérie comme on parle de

avec d’autres et notamment avec des

se dévoilent. Les patrons invitaient

la guerre de 14. C’est chez les artistes

« Arabes », les « ratons », « bicots » et

leurs employés à dîner avec leur

qu’il faut se tourner pour observer tant

« melons » de l’époque. On comprend,

femme, à la condition qu’elles soient

les influences que les inspirations. Ainsi,

à lire Fanon, que dans une colonie

dévoilées. Fanon avait très bien compris

Mathieu Kleyebe Abonnenc a choisi

(comme ailleurs mais peut-être plus

la stratégie française qui consistait à

pour titre de son exposition actuelle

qu’ailleurs), les médecins peuvent être

« avoir » les hommes par leur femme.

(School of Arts Ghent) celui que Fanon

pervers. Fanon raconte comment un

Le dévoilement est ici une stratégie de

avait donné à l’une de ses œuvres de

médecin se vantait de faire une grosse

domination. Fanon comprend qu’il ne

jeunesse, une pièce de théâtre : L’œil se

partie de son chiffre les jours de mar-

vise pas l’émancipation des Algériennes,

noie.

ché, les gens venant le consulter pour

mais qu’il tend à augmenter la puis-

une piqûre à 500, 1000 ou 1500 francs.

sance de domination des colonisateurs

Les patients veulent la piqûre la plus

sur des sujets qu’ils sentent leur échap-

chère, pensant que c’est la meilleure ;

per. Il décrit le dévoilement des femmes

le médecin se vante d’utiliser de l’eau

comme un démembrement subjectif. Le

distillée. Fanon consigne ainsi les faits, il

thème de l’enveloppe revient avec des

les archive. Il montre, dans Les Damnés

femmes qui ont toujours eu l’habitude

de la terre, le rapport pervers qui peut

de sortir voilées, et qui ne se sentent

s’instituer, par le biais du corps malade,

plus physiquement dans le même état

sur le corps du colonisé. Il refuse, pour

quand elles sortent dévoilées. Le corps

des raisons politiques, de pratiquer des

et les enveloppes corporelles sont

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Seloua Luste Boulbina est directrice du programme “ La décolonisation des savoirs “ au Collège international de philosophie à Paris et chercheuse associée HDR au LCSP, université Paris Diderot, Paris VII. Elle a publié: “Grands Travaux à Paris”, La Dispute, 2007, “ Le singe de Kafka et autres propos sur la colonie “ éditions Sens public, 2008. “ Les Arabes peuvent-ils parler ? “ éditions Black Jack, sortie en mars 2014 en Livre de poche chez Payot.


Towards a phenomenology of the body A book from our library By Frieda Ekotto Professor of Afro-american and African Studies French and Comparative Literature The University of Michigan, Ann Arbor

“My final prayer: O my body, make of me always a man who questions!” Franz Fanon Black Skin, White Masks (1952) What is a colonized body capable of? This is the fundamental question woven through Franz Fanon’s text, Black Skin, White Masks (1952). The relationship to the body occurs via representations or discourse. Since the invention of the black body in le Code Noir (the Black Code, 1685), it has never ceased to expand its meaning, to deepen its questioning. Nevertheless, it is crucial that we continue to critically examine that which is written on the body, that which has been written on the black body. Fanon wishes to rid himself of this body, which defines him as a “Dirty nigger!” He wishes to rid himself of this body “one object among millions of others,”

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this body, which generates strengths

“canonical” and “apocryphal” texts.

and passions, this body so visible that

Within these systems each work is dif-

the gaze of the other fixes it in the

ferent than it would be if it were isolated

distance, in the inhuman becoming that

or inserted into another library. A library

alienates it. Fanon wishes for something

could have a closed catalogue, or it

like the body without organs, which

could attempt to become the universal

Deleuze and Guattari drew from their

library, but it would always develop

reading of Artaud: “November 28, 1947,

around a core of “canonical” books.

Artaud declared war on organs: in order

And that which differentiates libraries is

to end the judgment of God, because tie

more their centers of gravity than their

me up if you wish, but there is nothing

catalogues. The ideal library for me

more worthless than an organ.” For

would be one that gravitates towards

Fanon it’s a simple idea: a great, illumi-

the “outside,” towards “apocryphal”

nating idea, the body as thoughts, as

books, in the etymological sense of

idea, even as concept. This is the origin

the word, that is to say “hidden” books.

of his appeal, this cry rising from the

Literature is the search for the book hid-

already silent body: “My final prayer: O

den in the distance that will change the

my body, make of me always a man who

value of those that are known; it is the

questions!” This is how Fanon ends Black

tension towards the “apocryphal” book,

Skin, White Masks.

yet to be found, or even to be created.

Sometimes bodies themselves are

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We are in the future of thinking

bodies, which interrogate the arrange-

apocryphal, hidden by circumstances

ment of books in a library. Literature is

beyond the control of the person who

not made solely of individual works. It is

lives within it. They are filed away, like

made of libraries, systems within which

a book that should never be read. Tsitsi

different eras and traditions organize

Dangarembga’s novel Nervous Condi-

1 - Deleuze-Guattari, Mille plateaux, Paris, Minuit, 1980, p. 186.

2- This title from Sarte’s introduction to Franz Fanon’s The Wretched of the Earth, Les damnés de la terre. La Découverte, « Petite collection Maspero », 1961. Gallimard, « Folio », 1991.p.17-36.


tions (2004)2 is the story of a body such

for her. She can go to school. While her

they are shelved. Here I approach Woolf

as this, and when she brings this body

brother—the male, truth incarnate,

as an essayist, and her work represents

to light, she transforms the library.

power itself—was living no one paid

the height of intellection; as for the

any attention to her studies. It was

story, it takes on the territory of dreams.

died, the novel begins.

impossible. Her destiny was sacrificed.

One is a path that leads across ridge of

The simple past of this utterance moves

Or, rather, she only existed in a subter-

ideas, the other creates a space in which

us with its unusual power. The simple

ranean history, a history of servants and

our senses find “high” and “low” and

past is the verbal tense of the perfect

coolies, a history without autonomy

everywhere in between those “rooms

crime, and we shiver with its horro-

or truth that could emancipate it from

of our own,” those rooms which the

rand beauty. It begins a story in which

social domination. But the death of the

English novelist dreamed of construct-

the present is reconstructed from the

brother has changed the game. This

ing for each woman in the world. I can

past. The brother is truly dead. He’s bit

time she exists for herself; the present is

willingly give myself over to the Zimba-

the dust. Henceforth the sister has the

given to her, a present in which the past

bwean novel because Virginia Woolf, at

future to herself. At her core, she is over-

makes itself almost forgotten. She lives.

a respectful distance, gave me the con-

joyed by the destruction of their mutual

It is as Merleau-Ponty wrote, “all life is

cepts I need to understand the stakes of

past, because it was the “mutuality” that

spoken life.” Dangarembga’s incredible

Nervous Conditions.

gave her trouble. A child, even amongst

sentence resonates in this reflection.

Like Woolf, Dangarembga’s younger

brothers and sisters, she considered her-

The Zimbabwean novelist not only

sister does not want to rid herself of

self an only child. “I did not regret the

releases her character from anonymity,

her body; she wants to become herself

death of my brother” is spoken for the

she gives her the gift of language, and

within it. She wants to expand its mean-

future. She articulates within it an insane

what language! Language is creative.

ing, to be, always, within the body of a

promise. We pronounce it as if it has

Here it creates a sense of waiting just

woman who questions.

liberated us from death itself, this death,

as much as the temporal aspects of the

Frieda Ekotto

which is both a temporal term and the

story. It allows the character to be born

The University of Michigan

proof of finality.

to herself, even as the writer finds within

The true history of each woman can

the language itself resources worthy of

only be borrowed from her forays

myth: that which, since the beginning of

beyond traditional schooling. It is cre-

time, has had the function of enlarging

ated below the surface, even if Tsitsi

our lives, allowing us to see from differ-

Dangarembga finds a way to trumpet it

ent angles.

loud and clear. Because taking the place

Virginia Woolf created a scandal with

of death is the ultimate usurpation, and

the way she used language in A Room

it necessitates guts if not folly, the mod-

of One’s Own (1989). Tsitsi Dangarembga

ern folly of those who embrace it with

attains a similar truth with only a sen-

rapture, as is the case here. Modernity

tence, even if we don’t find in her work

has made of usurpation, as with incest

the ambitions of a theorist.

or obscenity, its most popular business.

The parallels between these two writers

Dangarembga’s novel is all the more

are of the richest sort. Like Franz Fanon,

jarring for the fact that the central

they interrogate the world in which they

character is a woman. At the age of 13,

maneuver, and like Fanon their books

her brother finally dead, a path opens

definitively change the libraries in which

I was not sorry when my brother

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3 - Merleau-Ponty, Le Visible et l’Invisible, Paris : Galli-

mard, coll. « Bibliothèque des Idées », 1964.

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Le corps du texte

Un balcon sur l‘Algérois de Nimrod Sylvie Kandé

La parution du dernier roman de

La Passion selon Saint-Matthieu de Bach

en une dense série de scènes et de

Nimrod, à la suite ce qu’on a appelé sa

rencontrant les axiomes d’Hampaté Bâ

conversations remémorées. Dépi-

trilogie tchadienne -- Les Jambes d’Alice

(BA 135-136).

tée par l’éloignement de son amant,

(2001), Le Départ (2005) et Le Bal des

Commun aux oeuvres proustienne et

consciente d’être sous l’empire d’un

princes (2008) -- à laquelle il faudrait

nimrodienne, ce moment de vérité poé-

corps qui se refuse impunément à elle,

bien sûr ajouter le recueil de récits intit-

tique où le passé entre en conflagration

Jeanne-Sophie imagine une venge-

ulé L’Or des rivières (2010), confirme la

avec le présent est l’objet d’une quête

ance qui relève de la volonté d’humilier,

parenté de l’oeuvre du romancier (poète

trop personnelle pour que le récit puisse

d’émasculer son bourreau -- le vol de sa

et essayiste de surcroît) avec celle de

être écrit autrement qu’à la première

bibliothèque personnelle. Avec Zouna,

Proust.

personne ; trop vive pour que le nar-

médecin en stage à Paris, commence

On notera en effet que les deux

rateur ne se laisse parfois aller à révéler

pour le narrateur --qui ne parvenait plus

écrivains, en quête de ce que Claire

l’identité de son double : ainsi le prénom

à s’aimer en l’absence de ses livres -- une

Fercak appelle “la fulgurance de la

Marcel apparaît-il à trois reprises dans

autre histoire d’amour, celle-là douce et

coincidence d’éléments hétérogènes et

À la recherche du temps perdu, et celui

sage, mais dont le terme est irrévocable

éloignés dans le temps”,1 cultivent une

de Nimrod figure-t-il en lettres majus-

: au bout de deux étés, c’est conv-

même poétique de la reminiscence filée.

cules sur la plaque que le narrateur d’Un

enu, Zouna retournera seule à Alger ;

À l’écoute de l’écriture au travail en eux,

balcon sur l’Algérois songe à poser aux

d’ailleurs, elle s’imagine déjà caresser

ils saisissent l’analogie propre à ferrer

lieux de sa passion défunte (161).

depuis son balcon le visage évanescent

les vestiges du passé, les arracher au

Dans cette autobiographie fictive,

de ce bonheur révolu. Le titre du roman

néant et les projeter avec leur intensité

c’est en effet de passions dont il s’agit,

indique que c’est à ce visage flou

de jadis dans le présent. D’ailleurs, chez

et d’abord de la passion amoureuse

“d’amoureux hanté ou de fantôme de

Nimrod, madeleines et petites phrases

asymétrique qui lie une universitaire

l’amour” (173) que le narrateur finit par

de Vinteuil abondent : elles se nomment

de renom, Jeanne-Sophie Durand, et

s’identifier.

cailcédrats de l’avenue Mobutu (OR 85),

l’un de ses étudiants d’origine tcha-

Le jeu de la narration sur des tempo-

le chien Samuel (OR 68 et sq), ou encore

dienne (son “Loulou”) -- lequel narre

ralités multiples, la relation complexe

les rebondissements de leur histoire

du narrateur au corps sont effective-

1 http://salon-litteraire.com/fr/marcel-proust/content/1821556marcel-proust-biographie

11


ment deux autres traits communs

de Pâques de [s]on enfance, ces man-

par Zouna, Sphinx au corps ensablé et

à ces esthètes que sont Proust et

gues qui nous venaient du Nigeria”(14)

au visage affectueux, “ni maternel ni

Nimrod. Comme Anne Simon le

ou encore celles du jardin de son père,

professoral” (162), le narrateur répond

souligne, chez Proust, l’opacité du

suspendues à un arbrisseau greffé. De la

sans s’embarrasser d’une résolution

corps observé frustre la curiosité de

confluence de ces images hétérogènes

tierce : “Au fond, je ne suis qu’un satyre

l’observateur, l’éloignant du moi vérita-

découlent de subtiles métaphores :

mais qui a pour Zouna une tendresse de

ble qui s’y cache ; le corps d’autrui, ce

“Jeanne-Sophie avait noué ses seins

lesbienne.”(174)

“mixte de recel et d’échappée, tantôt

comme si elle imitait le port des man-

Un balcon sur l’Algérois est en outre

texte indéchiffrable, tantôt lieu de

gues sur de frêles attaches” . Nimrod

le premier roman de Nimrod où les

l’incarnation du sens de soi” est néan-

renoue là avec l’art courtois du blason,

bibliothèques, de décor qu’elles étaient,

moins traversé de signes, ces “symboles

jadis pratiqué par Clément Marot (on

deviennent des corps, “des corps vivants

incarnés” [qui] permettent de saisir sans

songe à son “Blason du Beau Tétin”).

qui enregistrent les marques de cette

médiation [son] moi profond, et trans-

Mais l’Aimée dans Un balcon sur

fondamentale puissance de la langue”,

forment l’être humain en ‘allégorie’”.2

l’Algérois reste une allégorie clivée : car

selon la belle expression de Pascal

Cette proposition se vérifie aussi dans

Zouna la blonde aux lèvres de pêche a

Quignard6. En tant que personnage, la

Un balcon sur l’Algérois.

l’allure combinée du Sphinx et “d’une

bibliothèque tchadienne est même au

Douée d’une beauté digne de Bot-

Française de belle race” (162-163) – mais

coeur de l’action d’un roman générale-

ticelli, d’une disposition à “rapatrier un

pas de corps. Ne faut-il pas plutôt la voir

ment introspectif. Sans surprise donc,

gramme d’infini dans [son] corps” (18),

comme une orientation, un paysage

l’arrivée à Paris des livres du narrateur

Jeanne-Sophie chavire l’esprit et les

inédit pour le narrateur qui dit la tra-

coincide avec une lassitude soudaine

sens du narrateur. Intellectuelle accom-

verser de bas en haut (174), du Sud au

dans sa relation avec Jeanne-Sophie :

plie, menue et imposante à la fois, elle

Nord ? À coup sûr, le clivage de l’Aimée

“Notre liaison n’a que trois mois, mais

lui paraît être aussi la réincarnation de

est celui du narrateur qui s’éprouve

j’en ai déjà marre” (30), songe-t-il, assis

Mme du Châtelet, telle qu’une autre

dans le refus des antithèses absolues

devant son clavier de machine à écrire,

femme, Marianne Lenoir, l’a peinte, c’est

et des rôles convenus. Ainsi se déclare-

donnant le dos à sa maîtresse qui solil-

à dire dans une posture qui exclut tout

t-il prêt à additionner les bonheurs

oque. Celle-ci n’hésite pas à dérober

regard autre que celui de son amant

en un va-et vient constant entre

cette bibliothèque, sa rivale, et à la recy-

Voltaire à qui “elle faisait la plus émue

Jeanne-Sophie et son épouse Maureen,

cler, en manière de vengeance pour le

des dédicaces. Aussi le spectateur était-il

lorsque celle-ci sera revenue du Tchad

dédain d’un amant resté insensible à ses

de trop” (33). De fait, la nature du désir

: “Pourquoi contenterais-je l’une et

suppliques épistolaires. Cet attentat sin-

de Jeanne-Sophie, sa franchise et ses

attristerais-je l’autre ? Ne leur donnais-

gulier au cabinet d’études du narrateur,

excès plongent l’observateur-narrateur

je pas une liesse égale ? Ou plutôt, ne

mieux à son intimité (144), le laissera

dans une telle perplexité qu’il préfère

me donnaient-elles pas le même fris-

dans les affres causées par le retour du

élire certains fragments du corps de

son?”(91) Son intuition lui fait encore

vide au sein de ce que Jacques Roubaud

son amante pour y sonder son âme3.

pressentir la dualité de Jeanne-Sophie,

appelle son “terroir d’imprimés”: “Les

Un balcon sur l’Algérois s’ouvre ainsi sur

“femelle à souhait, débonnaire jusqu’à

murs étaient redevenus blancs, sur-

l’évocation des seins de Jeanne-Sophie

la perte” (11) et pourtant figurativement

tout le mur droit du séjour où s’étaient

qui ramènent son amant aux “mangues

apparentée à Mme du Châtelet dont

adossés les mille et un volumes de

le libertinage et l’allure androgyne ont

ma bibliothèque. J’y contemplais les

parfois été soulignés . À l’énigme posée

traces de poussière laissées par leur

2 Anne Simon “Proust ou le corps expressif malgré lui” Littérature 119 (septembre 2000), p. 52, 53, 54 3 Nimrod, Un balcon sur l’Algérois, 172: “A supposer qu’on me donne en pièces détachées une paire de seins, une femme me regarderait encore à travers pareille mutilation, son âme ferait prévaloir le désir…”

12

4

5

4 Nimrod, Un balcon sur l’Algérois, 16 5 Cf par exemple http://www.challenges.fr/monde/20121026. FAP2148/emilie-du-chatelet-une-mathematicienne-amoureusesous-le-feu-des-encheres.html

disparition…Pour la première fois j’ai 6 Pascal Quignard, Petits traités, Tome 1. Gallimard, 1997, 203.


inspecté les étagères : leur nudité m’a

(134). Un balcon sur l’Algérois offre donc

horrifié.” (129-130) À la question posée

au lecteur plusieurs mises-en-abyme

par François Bon : “Quelle bibliothèque

: si les lettres de Jeanne-Sophie, au

sommes-nous?” , l’infortuné aurait pu

milieu du texte, constituent un con-

répondre : la bibliothèque que j’étais

densé de l’oeuvre de Stendhal dont elle

n’existe plus.

est spécialiste (131), chacun des livres

Mais on le devine, Un Balcon sur

que le narrateur-personnage-auteur

l’Algérois est le roman du devenir-

revendiquera comme sien devient la

écrivain du narrateur, à l’instar d’À la

réitération de cette revanche annoncée,

recherche du temps perdu ou de La

et bien plus encore.

Nausée. Les bibliothèques du roman,

Car alors que Maryvonne, collègue et

celle de Jeanne-Sophie et celle du

amie de Jeanne-Sophie, signifie au nar-

narrateur, ne sont pas seulement des

rateur, aux lendemains de la rupture, sa

réceptacles où une certaine mémoire

reconduction à la frontière de la “civili-

du monde est inventoriée et expertisée,

sation”, des bienséances et des lettres

ainsi que des symboles de statut social

(138), nous voyons Nimrod élaborer une

et intellectuel, mais des imaginaires qui

oeuvre d’expression française remar-

entrent en conflit, des champs littéraires

quable d’élégance où se croisent des

qui refusent la réciprocité, des corpus

traditions littéraires et des imaginaires

qui ignorent l’intertextualité. Le nar-

divers, emblématique à bien des égards

rateur disqualifiera sa maîtresse comme

de ce que peut être une littérature

directrice de sa thèse afin de “sauver ne

décolonisée, transfrontalière, telle qu’il

serait-ce qu’une partie de [s]on iden-

l’a définie dans son essai, La nouvelle

tité”(29), une identité que le prisme

chose française (Actes Sud, 2008).

7

référentiel à l’interieur du roman permet de cerner : Mme de Clèves y côtoie en effet Senghor; Césaire et Max Jacob conversent avec St Thomas d’Aquin. Dans le même temps, Jeanne-Sophie doit reconnaître que sa double bibliothèque, celle dont elle a hérité de son père, historien et militaire, et la sienne propre, lui est un tombeau (42) . En subtilisant les livres du narrateur, Jeanne-Sophie lui donne sans le savoir le moyen de son triomphe -- parfaire sa vocation littéraire : “Elle me laissait le vide en partage. J’ai rêvé de le remplir de faits, d’actes et de livres encore plus beaux dans un avenir proche. JeanneSophie ignore de quel bois je suis fait” 7 “Bibliothèque (s) en littérature(s)” remue.net/spip.php?article1648

13


Pour qui se dévoilent les indigènes de l’art contemporain ? Par Eva Barois De Caevel

L’administration dominante [l’administration française en Algérie] veut défendre solennellement la femme humiliée, mise à l’écart, cloîtrée… […] Convertir la femme, la gagner aux valeurs étrangères, l’arracher à son statut, c’est à la fois conquérir un pouvoir réel sur l’homme et posséder les moyens pratiques, efficaces, de déstructurer la culture algérienne. […] Les forces occupantes, en portant sur le voile de la femme algérienne le maximum de leur action psychologique, devaient évidemment récolter quelques résultats. Çà et là il arrive donc que l’on « sauve » une femme qui, symboliquement, est dévoilée. Frantz Fanon, « L’Algérie se dévoile » in L’An V de la révolution algérienne, Paris, La Découverte, 2011, p. 21-22

Je me suis longtemps demandé ce que

indépendante ou non2 ? ». Essaydi fait

pratique artistique et, pour les plus

Lalla Essaydi écrivait sur les corps, les

cela, avec un grand succès et quelques

pugnaces, un sérieux fond de commerce

vêtements et les environnements des

variations certainement subtiles, depuis

avec ce que cela suppose de succès et

femmes voilées ou dévoilées qu’elle met

plus de dix ans. Je n’ai aucune haine

donc de visibilité. Le site BLOUIN Artinfo

en scène et photographie, avant d’en

particulière envers Lalla Essaydi, qui n’est

présentait le 6 août 2012 son « top 10

lire un jour un extrait traduit par l’artiste

pas directement à blâmer et n’est pas la

des meilleures artistes féministes arabes4

elle-même. Le contenu de ce texte

seule à avoir fait de sa supposée famili-

», les heureuses élues étant Shirin Neshat

acheva de m’inquiéter sur les implica-

arité avec le voile en tant que femme

(Iran), Ghada Amer (Égypte), Mona

tions et les enjeux de représentations

marocaine ce que d’autres font, qui avec

Hatoum (Liban), Hayv Kahraman (Irak),

banalisées de corps de femmes non

leurs voiles, qui avec leurs fesses afric-

Meriem Bouderbala (France, Tunisie),

occidentales, réalisées par des artistes

aines nécessairement charnues (ce qui

Majida Khattari (Maroc), Shadafarin

femmes elles-mêmes non occidentales,

ajoute les artistes noires américaines à

Ghadirian (Iran), Lida Abdul (Afghani-

dans l’art contemporain mondialisé, au

ce club de victimes ) : transformer des

stan), Lamia Zyadé (Liban) et Layla

sein des institutions et du marché qui

traits sociaux, physiologiques, religieux,

Muraywid (Syrie). Parmi ces femmes,

lui sont liés et enfin dans la restitution

etc. en discours sur ces traits, discours

dont la plupart vivent depuis leur

visuelle et critique qui en est offerte au

qui deviennent l’essence même d’une

adolescence dans des pays occidentaux

public. Essaydi avait donc écrit, autour d’une femme maghrébine voilée et dans une calligraphie vaguement coufique , quelque chose comme « Suis-je 1

1 - Lalla Essaydi explique : « ce sont des formes inventées qui rappellent la calligraphie coufique ». Propos extraits d’un entretien avec Samia Errazzouki, « L’orientalisme revu et corrigé de Lalla Essaydi », Courrier International, 14 juin 2012. Le coufique est le plus ancien

14

3

style de calligraphie arabe, développé au VIIe siècle dans la ville de Koufa, dans l’actuel Irak. 2 - « Am I independent or not ? » dans le texte original (e-mail personnel de Lalla Eyssadi à Barbara Thompson, 27 octobre 2006, reproduit dans le catalogue de l’exposition « Black Womanhood », édité par Barbara Thompson, Black Womanhood: Images, Icons, and Ideologies of the African Body, Hanover [NH], Hood Museum of Art, Dartmouth College, 2008, p. 5). 3 Je pense également à des œuvres de Parastou Forouhar, Zineb Sedira, Renée Cox, Tracey Rose, Berni Searle, Carla Williams, Angèle Etoundi Essamba, Ingrid Mwangi, Grace Ndiritu ou encore Amal Kenawi.

où elles ont suivi leur formation artistique et connu le succès, on retrouve certaines des grandes prescriptrices de « l’évolution des mentalités » via un discours plastique et oral sur le voile. C’est 4- Juliette Soulez, « Le top 10 des meilleures artistes féministes arabes », sur fr.blouinartinfo.com, 6 août 2012


ce discours, qui me semble non seule-

bien le droit de se dire « africaines » ou

médiatique et critique qui s’efforce avec

ment dépassé et indigent, mais encore

« arabes » mais de comprendre quelles

véhémence de nous faire adhérer à

fondamentalement dangereux.

sont les prescriptions occidentales qui

l’idée selon laquelle ces œuvres et leur

pèsent sur elles. On arguera que ces

diffusion participent d’une évolution

Une fille de médecin iranienne qui fait

artistes œuvrent pourtant depuis main-

réelle et positive des mentalités ; cela à

ses études à Los Angeles et s’installe

tenant une vingtaine d’années afin de

un niveau non pas simplement économ-

à San Francisco un an après la Révolu-

réinvestir les représentations féminines

ique ou esthétique mais aussi social,

tion iranienne éprouve peut-être le

confisquées par les politiques coloni-

historique, anthropologique et politique

besoin – sincère – de faire du voile le

ales et une histoire de l’art marquée

? Pourquoi ? De quelles mentalités

sujet central de son travail. Cependant,

par les perceptions impérialistes (Lalla

parlons-nous ? En quoi est-ce positif ?

comment omettre de se poser la ques-

Essaydi considère ainsi sans surprise se

Mais surtout, cette transformation a-t-

tion du rôle prescripteur que jouent les

dresser contre l’orientalisme ). Je crois

elle seulement lieu ?

attentes du pays d’accueil (sensibles

que c’est le contraire qui se produit. Dire

dans le cadre d’une formation académ-

que cette situation a pour seul respon-

Il faut se demander, premièrement, qui

ique) ainsi que les logiques de séduction

sable la cupidité du marché prêt à tout

sont les producteurs de ce discours : il

évidentes dans lesquelles se coulent

pour offrir du voile à des collection-

s’agit de journalistes, de critiques d’art et

ces personnes, en tant que corps, en

neurs avides de l’étiquette « art arabe

de commissaires d’exposition nés, vivant

tant que femmes, en tant qu’artistes

féministe dissident8 » n’est pas non plus

et travaillant en Europe ou en Amérique

et en tant qu’émanations acceptables

suffisant. Que cette situation corre-

du Nord. Idem pour les marchands,

des mondes non-occidentaux ? Cette

sponde banalement à un marché est vrai

galeristes9, acheteurs, etc. qui véhicu-

question ne se confond pas avec celle

dans la seule mesure où on assiste claire-

lent, relaient et parfois produisent ces

régulièrement débattue puis révoquée

ment à un phénomène d’offre et de

discours. Les mentalités censées évoluer

de la légitimité6 des artistes des aires

demande (sinon pourquoi des artistes

grâce à cet art « arabe ou africain fémin-

non occidentales à s’identifier comme

si cotées, et pourquoi une jeune créa-

iste et féminin » sont à la fois celles des

tels. Car s’affirmer comme non occiden-

tion qui perpétue inlassablement cette

habitants du monde occidental et celles

tal une fois présent sur le marché de

histoire de voile ?). Que ce marché existe

des habitants des pays où sont nées

l’art mondialisé est un choix qui relève

n’est pas le problème principal. Après

ces artistes. Cette évolution est jugée

effectivement d’une stratégie commer-

tout, que des artistes parviennent à

positive par ces mêmes acteurs dans la

ciale, qui passe par la constitution d’un

s’enrichir, que des individus ayant décidé

mesure où le Blanc de l’ère postcoloni-

vocabulaire, imposée par le marché

de dédier leur vie au gain (et à l’art)

ale serait un homme ouvert et contrit

lui-même, qui a besoin de nouveaux

s’enrichissent eux aussi et que quelques

qui ne demanderait qu’à entrer dans

produits pour prospérer. Il ne s’agit donc

collectionneurs s’enrichissent également

l’exotisme sans présupposés et à voir

pas de se demander si ces artistes ont

(et accessoirement apprécient sincère-

refonder les préjugés qui pourraient,

ment ces œuvres) n’est pas la question.

malheureusement, encore et à son insu

Le problème est le suivant : pourquoi

l’habiter. Cette innocence postulée est

le phénomène décrit précédem-

déjà en soi insupportable : la « bonne

ment s’accompagne-t-il d’un appareil

pensée » blanche, fondée sur des valeurs

5

5 - Il s’agit de Shirin Neshat. Sa situation est sur ce point comparable à celle de nombreuses artistes non occidentales travaillant sur les questions du corps : Essaydi elle aussi a vécu et étudié à Paris puis Boston à partir des années 1990, Bouderbala a fait les Beaux-Arts à Aix-en-Provence en 1985, Khattari à fait les Beaux-Arts de Paris. Abdul a fui tôt son pays pour l’Allemagne et les États-Unis. Ziadé a fait ses études (et vit toujours) à Paris, ville où Muraywid est également sortie diplômée des Arts Décoratifs. 6 - Lire sur ce point le chapitre 1 « Situating Contemporary African Art: Introduction » in Okwui Enwezor et Chika Okeke-Agulu, Contemporary African Art since 1980, Damiani, 2009. Les auteurs y évoquent de manière synthétique les débats les plus intéressants sur la question de la légitimité. Ils rappellent notamment ceci : « [...] it makes sense that some artists may feel uneasy with being identified as such [African]. But only to a point, for there is also the reverse, the tendency of over-identification, to the point of an essentialism built on a sense of authenticity, which some African artists are seen to be lacking either by race, religion or dwelling » (p. 11).

15

7

7 - « Essaydi is especially interested in those constructions of race and cultural identity that led to nineteenth-century clichés of the odalisque and the seduction of beauty epitomized by colonial representations of North African women, superimposed with romantic, Orientalist, and primitivist fantasies » (Barbara Thompson in Black Womanhood, p. 284). 8 - Juliette Soulez, « Le top 10 des meilleures artistes féministes arabes ». Trois des dix artistes sont qualifiées de « dissidente » ou d’« activiste ». On peut considérer cet article comme un exemple fidèle du traitement médiatique dominant de cette question.

de « tolérance » et d’« émancipation » indiscutables, dispense de toute pensée critique réelle de l’altérité (phénomène 9 - Pour donner deux exemples : la galerie de Shirin Neshat en France est la galerie parisienne Jérôme de Noirmont, Essaydi est représentée par la galerie Edwyn Hook à New York et Zurich.


très visible en France dans l’éducation,

personne ne juge ces représentations,

en bâtissant d’ennuyeuses et consen-

mais aussi dans un certain nombre de

soi-disant subversives, vides et atten-

suelles synthèses (le voile est toujours

pratiques militantes ou associatives).

dues ? Pourquoi semble t-il impossible

prison ou protection12 , la femme afric-

Dans le cas qui nous intéresse, celui des

de faire une critique intelligente lorsqu’il

aine souffre d’être réduite à ses attributs

artistes et de leurs commentateurs, cette

s’agit de l’œuvre d’une femme artiste

corporels, etc.) qui correspondent aux

« bonne pensée » offre trop souvent

non occidentale décidée à traiter du

attentes de l’homme blanc et à sa cul-

une immunité critique. Cela m’amène

féminisme ou des attributs corporels

pabilité vécue de manière imbécile. Ce

à poser la question de la responsabilité

(et par extension vestimentaires) qui

procédé rappelle malheureusement les

des différents acteurs de l’art contempo-

devraient la définir ?

mécanismes coloniaux décrits par Victor Segalen et sa définition d’un exotisme

rain cités précédemment : pourquoi des auteurs – dont certains sont par ailleurs

Ce que les « corps attendus » présents

à double tranchant, pouvant être aussi

admirables – s’entêtent, sur ce point pré-

dans les œuvres de ces artistes révèlent,

bien exaltant que nauséabond. Cet

cis et malgré leurs recherches, à broder

c’est la séduction qu’exercent des

exotisme nauséabond est celui des

un tissu de béates banalités10 ? Pourquoi

représentations critiques simplifiées,

« proxénètes de la sensation du divers13

10 - J’en donnerai trois exemples précis. Le premier est révélateur des amalgames qui exemptent ces artistes de tout véritable discours critique en les associant à des valeurs a priori positives (et sans les justifier), comme le féminisme ou la résistance politique. Okwui Enwezor et Chika Okeke-Agulu, à propos d’œuvres de Kenawi et Kure : « [they] bring us back to the domain of the naked female figure as the ultimate object of patriarcal sacrifice. Both […] can be classified as feminists in terms of the concerns of their work and the overt nature of their modes of address » (Contemporary African Art since 1980, p. 47). Ils précisent, très justement : « It is important to caution, however, that such a label at best provides only provisonal clues to the scope of their ideas […] » (ibid.). Reste qu’on ne sait pas, au terme de l’analyse de leurs œuvres, en quoi elles sont intéressantes ou exemplaires, audelà de l’étiquette de « féministes ». Le deuxième, où la déconstruction des représentations occidentales est postulée et jamais démontrée. Barbara Thompson à propos de Lalla Essaydi : « [she] invites viewers to resist the stereotypes and ethnographic taxinomies […] » (Black Womanhood, p. 284). Suit une simple description de l’œuvre qui voudrait tenir lieu de discours critique. Plus loin, des généralités sur une artiste noire : « Just as the Orientalist’s “harem” fed into Western fantasies about North Africa’s women during the nineteenth and early twentieth centuries, so too did primitivist ideologies about African women’s promiscuity, which becomes an especially powerful site for deconstructing stereotypes of black women as sexual objects in the self-portraiture of the American photographer Carla Williams » (ibid., p. 288). La déconstruction, comme toujours, est postulée sans qu’on sache pourquoi ni comment elle se produit ni surtout, si elle est efficace. L’ouvrage de Barbara Thompson est par ailleurs d’une précision et d’une intelligence exemplaires dans ses perspectives historiques. Le troisième qui, malgré les prétentions à défendre un féminisme inscrit chaque fois dans des situations locales spécifiques, reconduit, lorsqu’on en vient aux femmes artistes de certaines aires géographiques, les mêmes vices de pensée. Maura Reilly et Linda Nochlin dans le catalogue de l’exposition « Global Feminisms » commencent par préciser leur intention : « In Global Feminism we are trying to construct a definition of “feminist” that is as broad and flexible as possible. Openess, multiculturalism, and variety are the names of the game » (Global Feminisms: New Directions in Contemporary Art, Londres/New York, Merrell/Brooklyn Museum, 2007, p. 12). Mais leurs conclusions demeurent partielles puisqu’elles préfèrent souvent l’indigente notion de multiculturalisme à une étude approfondie de traditionalismes. C’est pourquoi, lorsqu’il s’agit d’évoquer des artistes moyen-orientales ou africaines, on retombe dans les écueils habituels. D’une part, le sensationnel politique tient lieu d’unique discours critique, comme dans l’évocation de l’artiste iranienne Parastou Forouhar, « censored by the Iranian Cultural Ministry », où la très brève description de sa série Blind Spot, encore des « tchadors critiques », est suivie d’un récit des événements survenus lors du vernissage de l’artiste à Téhéran, qui contraste avec le bon accueil reçu par la série dans les lieux où elle a été présentée ensuite en Occident, avant que l’auteur ne conclue, instrumentalisant une fois de plus une œuvre qui n’en demandait pas tant : « It is interesting to think about how this series is received in different contexts, how it translates, mistranslates, and reani-

« Mysterious Chador » et autres « Black

», touristes, écrivains coloniaux14 et leur

Venus11 » , sur l’imaginaire occidental.

lectorat. Il y a bien des similitudes, dans

Dès lors, il est difficile de percevoir,

la contemplation et l’appréciation des

même sous l’étiquette « d’art critique »,

« connaisseurs » de l’art contemporain

en quoi elles diffèrent de manifestations

d’œuvres dites critiques et féministes,

esthétiques telles que l’orientalisme

avec cette population « cultivée » de

alors même (et c’est là le danger) que

l’époque coloniale. Mais cette atti-

ces représentations n’émanent plus

tude est aujourd’hui doublée d’une

d’hommes blancs. Ce pernicieux tour

prétention nouvelle – ou différente

de force est rendu possible par, d’une

– l’assurance d’accéder à un message

part, la croyance fausse en une univer-

sibyllin dissident caché derrière des

salisation possible de la compréhension

voiles déchirés, agrémentés, peinturlu-

des images (qui conduit aux écueils

rés, etc. et donc d’assister au résultat

de l’exotisme et de la folklorisation), et

d’un processus complexe, mûrement

d’autre part, par la persistance d’un

réfléchi et délivré de façon mordante.

programme impérialiste sous des formes

D’où peut-être le déficit de jugement

renouvelées.

critique général évoqué précédem-

Le premier point consiste à nier le divers

ment. La dégradation de la différence

16

véhiculée par ce type de projet et la mates as it travels from one culture to another » (Maura Reilly, p. 41). D’autres part, des clichés injustifiés continuent d’être véhiculés sans vergogne : « Women know that their body is a perpetual object of desire, fantasy, and submission – like a parcel of land that men feel free to own and explore, sometimes without permission » (N’Goné Fall à propos des artistes africaines, p. 72). 11 - Ces deux expressions font référence aux titres de deux œuvres qui me semblent elles-mêmes critiques et ironiques. Mysterious Chador est une œuvre de l’artiste iranien Farhad Moshiri (voir illustration et légende en début d’article). The Rebirth of the Black Venus (2010) est une œuvre de l’artiste sud-africaine Billie Zangewa. Alors que tant d’artistes femmes africaines ont produit des émanations pseudo-critiques de la « Vénus Noire » ou « Vénus Hottentote » Saartje Baartman, cette femme d’origine khoïsane qui vécut au XVIIIe siècle, fut exhibée en Europe puis devint esclave scientifique, Billie Zangewa, elle, campe sur une tapisserie de soie une « Black Venus » qui n’est qu’elle-même, femme artiste belle et puissante, géante dans une ville occidentale.

fin de « l’impénétrabilité des races15 » 12 - Sur ce faux débat prison/protection : « What if the Islamic woman’s veil, stigmatized by the West, were not the emblem of submission but rather a tenuous wall protecting women’s freedom ? A protection againts the lustful stares of men, or a flowing envelope holding women’s dreams » (N’Goné Fall in Global Feminisms, p. 74) ou encore : « Derrière le voile, une femme arabe préserve un espace privé, même en public » (entretien avec Samia Errazzouki, « L’orientalisme revu et corrigé de Lalla Essaydi », Courrier International, 14 juin 2012). 13 - Victor Segalen, Essai sur l’exotisme, Paris, Librairie générale française, 1986, p. 13 14 - Comme son contemporain Pierre Loti et son Mariage, paru en 1880. 15 - J’emprunte l’expression à Victor Segalen encore, qui précise : « L’exotisme n’est donc pas une adaptation. […] C’est la perception aiguë et immédiate d’une incompréhensibilité éternelle » (Essai sur


Farhad Moshiri Untitled (Chador in Package) 2004 Matériaux divers 46x30,5 cm © Farhad Moshiri Courtesy the artist and Galerie Daneyal Mahmood Gallery, New York

propre peuple par l’Iranienne Shirin

Farhad Moshiri est iranien, il est né en 1963 à Chiraz. Il vit et travaille à Téhéran. Il est représenté en France par la galerie Emmanuel Perrotin et à New York par la galerie Daneyal M ah mood. Il a participé en 2013 à la 55e Biennale de Venise. Ses représentations, souvent ironiques, interrogent l’économie mondialisée des images.

femme. » En 2012, on peut encore lire

sonne ou d’un lieu). Cette sensation bradée du divers, celle d’un accès facilité à toutes les problématiques de l’Autre, est relayée avec application par les manifestations culturelles, les supports critiques nécessaire et salutaire qu’il impose produit des œuvres qui irritent ou laissent insensibles puisqu’elles ne sont plus que des fabrications à propos de conflits qui satisfont le monde occidental en laissant croire qu’il en possède une parfaite compréhension. « Le côté exotique de la question16 », « exotico-apparemmentcritique » devrait-on ajouter, conduit à la folklorisation telle qu’elle est définie par Glissant : un traitement de surface, un faux-semblant et non pas le drame d’une situation (drame est ici à entendre de façon non négative : il fait référence à l’histoire et à la réalité, dans toute leur complexité et leur richesse, d’une perl’exotisme, p. 44). 16 - L’expression est d’Édouard Glissant. Voir par exemple, Édouard Glissant, L’imaginaire des langues – Entretiens avec Lise Gauvin (19912009), Paris, Gallimard, 2010, p. 25.

17

et médiatiques européens et nordaméricains. En l’an 2000, alors que Shirin Neshat présentait (mon premier contact significatif avec un « mysterious chador » à l’âge de dix ans) Soliloquy17 à l’occasion de la 5e Biennale d’Art Contemporain de Lyon intitulée « Partage d’exotismes », les journaux se gargarisaient de ce que « la création artistique n’[était] pas l’apanage du seul Occident18 » et on pouvait lire : « Le regard porté sur son 17 - Soliloquy, 1999, film 16 mm projeté sous format vidéo, double projection, couleur, son stéréo, dimensions variables, 15 minutes. L’une des six copies fait partie de la collection de la Tate Modern, Londres. On y voit une femme voilée, l’artiste, voyageant dans différents paysages. La pièce est présentée comme cherchant à évoquer la double culture et l’exil. L’une des scènes, tournée à New York sur un lieu dévasté depuis par les attentats du 11 septembre 2001, a fait dire que l’œuvre était devenue le mémorial de tous les humains qui souffrent du dialogue impossible entre Orient et Occident. 18 - Annick Colonna-Césari, « Arts : le village planétaire », L’Express, 29 août 2000. Et aussi pour la citation suivante.

Neshat, qui travaille aujourd’hui à New York, n’est pas moins implacable. Ses images vidéo en noir et blanc dénoncent avec virulence la condition de la ce genre de choses : « Alors que dans le monde arabe les femmes et les artistes sont particulièrement sous surveillance, un soutien aux femmes artistes et intellectuelles arabes s’impose. En Tunisie, depuis quelques semaines, passée la révolution de Jasmin, la police chasse les femmes après minuit pour les interroger sur leur tenue vestimentaire, comme dans de nombreux pays musulmans. Les femmes sont aussi intimidées dans les quartiers populaires pour qu’elles se voilent. L’intégrisme grignote le monde arabe tandis que se forme soit en exil soit au Machrek même une résistance audacieuse et novatrice contre une société patriarcale dominée par les hommes.19 » L’écrasement généralisé des complexités serait déjà suffisamment inquiétant si ce discours unique et bien-pensant sur des pratiques sociales, religieuses, sexuelles, etc. au nom, bien évidemment, du respect de libertés individuelles indiscutables, ne correspondait pas par ailleurs à l’agenda impérialiste du moment. Il a déjà été brillamment démontré comment en France, sous couvert de féminisme, les arguments contre le voile, utilisés comme moyen de pression par la puissance coloniale avec des motivations spécifiques dans le passé, continuent à servir aujourd’hui.20 19 - Juliette Soulez, « Le top 10 des meilleures artistes féministes arabes ». 20 - Notamment par Félix Boggio Éwanjé-Épée et Stella MaglianiBelkacem dans Les féministes blanches et l’Empire, Paris, La Fabrique, 2012. « Ce type de rhétorique a notamment permis d’associer le niveau de civilisation d’une société et le degré d’émancipation


Il est clair également que, dans d’autres

de domination, qui sans être spéciale-

vestissement d’hommes et de femmes

champs tel que celui du genre et de

ment nouvelles ni réellement plus

venus de pays non-occidentaux dans la

l’identité sexuelle, ce type de proces-

troubles, ne sont pas perçues ni nom-

recherche, l’écriture mais aussi les arts

sus existent . La lutte contre le voile (y

mées comme telles.

plastiques contemporains, qui per-

compris dans ses occurrences au sein

Plutôt que de rejouer incessamment

mettrait de réellement décoloniser et la

de l’art contemporain) relève d’une

les scènes coloniales22, pourquoi ne pas

culture et le genre.

pratique missionnaire chargée de

créer les nouveaux formats dont ces

coloniser les esprits non-occidentaux

images de soi et du corps ont besoin (en

Au terme de cet article, peut-être sais-je

(et occidentaux) afin de leur inculquer

tenant compte des bouleversements

personnellement pourquoi ces œuvres,

une « bonne parole » et un « bon ordre

passés et sans tomber dans l’écueil du

si souvent croisées, ne me nourrissent

des choses » selon un point de vue

tout-métissage23 ) ? Pourquoi ne pas

pas, ne m’intéressent pas et surtout

occidentalo-centré à velléité hégémo-

s’en libérer radicalement et proposer

ne me semblent rien construire (si ce

nique. Cette pratique ne laisse aucune

un art dépouillé de ces enjeux ? Ou

n’est cette assise impérialiste) ni rien

indépendance sociale et culturelle aux

encore, pourquoi ne pas persévérer dans

déconstruire : l’hors-Occident y reste

pays qui la subissent contrairement

des pratiques de fond (c’est-à-dire qui

fantasmé, l’Occident y reste prescrip-

à ce qui est généralement prétendu.

empruntent aux méthodes de l’histoire,

teur. Je demeure aussi profondément

C’est pourquoi une grande part de l’art

de l’anthropologie, de l’ethnographie,

choquée par le déficit critique sur cette

contemporain réalisé par des femmes

de la sociologie et font appel à la notion

question dans l’art contemporain quand

de pays non occidentaux reste un art

d’archive) qui interrogeraient une con-

ce travail est mené dans les champs du

de la soumission et un art de victimes,

naissance traditionnelle , c’est-à-dire

politique ou du genre, du féminisme ou

même quand il entend le dénoncer et

relative à une culture d’avant la colo-

de l’identité sexuelle. Il m’arrive pourtant

lutter contre les visions occidentales ou

nisation (une force de production qui

de sourire lorsque je croise les œuvres

les nouveaux enfermements en vigueur

n’appartiendrait ni à l’Occident, ni aux

malicieuses de l’Iranien Farhad Moshiri,

dans les pays non-occidentaux (notam-

extrémismes religieux actuellement

celles d’artistes nées sur le continent

ment les extrémismes religieux). La

grand récupérateurs du traditionnel

africain libérées de ce type de discours

méprise concerne l’objet de la lutte car,

vernaculaire25 saccagé) ? C’est le réin-

et que cela n’empêche pas d’accéder à

malheureusement, les procédés et les

22 - Comme le fait par exemple Tracey Rose dans Venus Baartman, 2001. 23 - Je pense à ces projets qui se veulent « globaux » tout en prétendant à une ouverture au divers et à une intelligence de la complexité de la question (voir la préface, déjà citée, de Global Feminisms), ou encore aux discours indigents omniprésents dans les médias. Il s’agit au contraire de lutter dans le champ de l’art, contre les universalisations analysées par Massad (art. cit.) pour l’identité sexuelle ou par Glissant (op. cit.) pour la littérature 24 - Comme a pu le faire de façon historique et scientifique la poète, anthropologue et essayiste nigériane Ifi Amadiume. Après avoir décrit le saccage des structures socio-culturelles traditionnelles pendant la colonisation et après, elle conclut : « This anti-traditionalism demonstrates de-Africanization and re-conversion into an objectifying Eurocentric neocolonial situation, one that denies African cultural identities. This is a process, I argue, that negates arguments for African liberation from colonized cultures and minds as a condition of independance and freedom. I contend that reAfricanization and decolonization of both culture and gender are necessary » (Male daughters, female husbands: gender and sex in an African society, Londres, Zed Books, 1987). Dans l’art contemporain, certains artistes s’essayent déjà à ce travail. On peut citer les œuvres du sud-africain Peet Pienaar (voir la performance I Want to Tell You Something, 2000) ou de l’américaine Carrie Mae Weems (voir par exemple From Here I Saw What Happened and I Cried, 1995-1996). 25 - Au sens où l’entend Ivan Illich : suivant un constat selon lequel le secteur de l’informel – ce qui relève de la vie privée et des occupations non-productives (du point de vue économique) – serait sans cesse envahi par le monnayable (l’école pour l’apprentissage et l’éducation, l’hôpital pour la convalescence, les biberons pour l’allaitement, les maisons de retraite pour les parents âgés, le psychologue pour le lien social), il introduit la notion de vernaculaire : « Le mot “vernaculaire”, emprunté au latin, ne nous sert plus qu’à

la reconnaissance (comme la Marocaine

21

imaginaires coloniaux (pour lesquels un travail de déconstruction reste certes à poursuivre) sont rejoints par ces formes des femmes » (p. 19). « Il s’agissait d’attribuer aux hommes arabes la responsabilité du terrible sort des femmes indigènes, tout en prouvant que le colonisateur était incapable de défier l’homme indigène dans la sphère domestique » (p. 20). « C’est dans cette optique que l’UFSF [Union française pour le suffrage des femmes] multiplia les campagnes dénonçant la situation servile des femmes musulmanes et particulièrement le port du voile » (p. 21). Cela passe par des mises en scène décrites dans les pages qui suivent, où des femmes indigènes sont contraintes à se soumettre à des cérémonies de « dévoilement ». Ces procédés semblent assez similaires à certaines œuvres d’art contemporain, à la différence que les femmes indigènes qui en sont aujourd’hui les actrices sont pleinement consentantes. Les auteurs poursuivent : « Les analogies ne manquent pas entre ce moment colonial et la situation contemporaine, compte tenu de la mise en avant de femmes indigènes à la solde du pouvoir colonial » (p. 28). 21 - Voir « L’empire de la sexualité ou Peut-on ne pas être homosexuel (ou hétérosexuel) ? », entretien avec Joseph Massad, in La Revue des livres, n° 9, mars 2013. Massad dénonce le projet impérialiste d’universalisation des normes occidentales de la sexualité – à travers notamment l’imposition au monde non-occidental du dualisme homo/hétéro – et il critique l’action des ONG LGBT qui relaient selon lui ce projet

18

24

Latifa Echakhch26 ) ou les expérimentations passionnantes de jeunes artistes indiennes et sud-américaines, notamment le travail de l’Argentine Mika Rottenberg, entièrement dédié au corps féminin et véritablement féministe et décolonisé me semble-t-il. Les évoquer qualifier la langue que nous avons acquise sans l’intervention d’enseignants rétribués. À Rome, il fut employé de 500 av. J.-C. à 600 ap. J.-C. pour désigner toute valeur engendrée, faite dans l’espace domestique, tirée de ce que l’on possédait, et que l’on se devait de protéger et de défendre bien qu’elle ne pût être un objet de commerce, d’achat ou de vente. Je propose que nous réactivions ce terme simple, vernaculaire, par opposition aux marchandises et à leur ombre » (Le travail fantôme, Paris, Seuil, 1981). 26 - Dont l’évolution du travail est très intéressante : l’artiste est en effet passée de représentations identitaires de son propres corps (à travers des autoportraits – déjà – intelligents qui ne questionnaient pas seulement la race ou la religion mais aussi le genre, voir Pin-up (Self-Portrait), 1999-2002) à un discours sur son statut (voir illustration en fin d’article et sa légende) à un travail d’installation dépouillé des ces problématiques (voir légende illustration finale).


plus longuement et les découvrir est un travail en cours qui, je l’espère, se révèlera fructueux.

Hospitalité, 2006 Phrase gravée dans le mur 29 cm de largeur Vue de l’exposition “Collection 10”, Institut d’art conte mp orain , V illeurbanne/Rhône-Alpes © Latifa Echakhch Photo. Blaise Adilon / Institut d’art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes Courtesy the artist and kamel mennour, Paris Latifah Echakch est née en 1974 à El Khnansa au Maroc. Elle vit et travaille en Suisse. Elles est représentée en France par la galerie kamel mennour et a remporté le prix Marcel Duchamp lors de la dernière FIAC en 2013. Son œuvre, aujourd’hui dédiée à l’installation, « entre surréalisme et conceptualisme, questionne avec économie et précision l’importance des symboles et traduit la fragilité du modernisme », selon Alfred Pacquement.

Née en France en 1989, Eva Barois De Caevel est diplômée de l’Université Paris-Sorbonne Paris IV en Histoire de l’art contemporain. Ses recherches sont principalement consacrées à l’image en mouvement. Elle s’intéresse à l’évolution du cinéma dit expérimental, à l’histoire des structures de production et des entités artistiques qui la sous-tend ainsi qu’à la question de la porosité des frontières entre les genres cinématographiques. Lors de son Master, sa recherche portait, d’une part, sur les interactions entre les arts plastiques contemporains et le cinéma, d’autre part sur l’histoire et la critique des structures dédiées à la production et la promotion de films d’artistes. Elle a travaillé ensuite pour la structure de production red shoes | SOME SHOES, et participé aux tournages des films de Clément Cogitore et Neïl Beloufa. Plus récemment, elle a travaillé avec le photographe et vidéaste Mohamed Bourouissa. Elle est commissaire de l’exposition “Qui a dit que c’était simple” à Raw Material Company (Dakar, janviermars 2014)

19


20


Nocturnes Par Kemi Bassene

Ivresse, anxiété, rêve, déambula-

qu’est l’expression corporelle qu’elle soit

les valeurs culturelles telles des pièces

tion, pensées érotisantes, pratiques

esthétique ou sociale. Les mouvements

d’une collection. Tout ce qui est fait par

amoureuses sont des états du corps

du corps par la danse dépoussièrent la

le corps et autour du corps, toute la

nocturne qui n’altèrent en rien la

mémoire du corps (le Ndepp au Sénégal

pensée est un prolongement du groupe

recherche de poésie qu’un corps peut

ou l’Assiko au Cameroun). La transe qui

du corps collectif.

développer.

pouvait résulter du port d’un masque

L’âme et le corps proposent une infinité

ou d’une danse n’altéraient en rien le

de combinaisons de différentes âmes/

principe d’archive sociale du corps.

corps chez une seule et même per-

Chaque corps et même qu’il soit repère

L’âme s’échappant du sommeil reste

sonne (Les personnes de la personne

de condition sociale peut se vivre

active par le rêve pour exercer des activ-

- Hampâté Ba)

comme un musée en-soi. Il perpétue

ités politiques sociales et culturelles.

Le corps de rêve...

Dormir devient L’école du port immobile (l’assise),

plus qu’une faculté

celle de la démarche à travers les rites,

de redistribution

contes, et autres épreuves physiques

de l’énergie du

d‘autrefois sont-ils efficacement relayés

corps. La libération

de nos jours par les récits filmiques,

émotionnelle et

photographiques ou littéraires?

corporelle conséc-

Au delà de leur fonctions éducative, ils

utive au rêve est

initiaient au monde invisible et à la rela-

la catharsis que

tion du corps avec le monde nocturne

constitue le récit

visible et invisible.

onirique dans sa

Ils inspirèrent l’idée de corps nation

dimension hypno-

pour personnifier juridiquement et

tique. Le rêve est

socialement le territoire corporel dont il

une extension du

faut fédérer tout son contenu pour pré-

corps car il pos-

parer l’enveloppe affranchie de l’ancien

sède l’œil qui peut

esclave vers une parfaite liberté (W. E.

voir l’invisible.

Du Bois)

L’asymétrie des

Le corps est-il simplement une visibilité

corps dans le rêve

de l’esprit ou est-il cette enveloppe

et l’infinité des

pensante dont toute création est son

formes sont uni-

extension ? Est-elle une écoute pour un

verselles. Associer

ultime raisonnement?

plusieurs esthétiques dans un seul

Cantonner la philosophie à une unique

corps est à la por-

activité de la pensée, c’est nier un corps

tée de tout rêveur.

pensant, le concentré thérapeutique

Un «taureau ailé»

21


n’existe peut être pas dans le monde

L’unique référence offerte à l’art dit

rais tout corps noir comme un danger»

tel que nous le connaissons, mais rien

africain dans celui moderne occidental

Ce dicton n’incrimine pas la couleur du

n’empêche, de par un rêve de confon-

est la transformation de ses objets dans

corps coupable mais décrit la une tradi-

dre un taureau et un oiseau dans un

la peinture. Le corps primitif gagne son

tion entretenue dans une famille ou une

même corps. De même, le rêve collectif

entrée dans les codes artistiques occi-

société. Cette règle répond aux maux

malgache n’a t’il pas durant longtemps

dentaux par un courant s’inspirant de

par les mots pour un corps collectif.

transformé le tirailleur sénégalais ayant

ses formes (primitivisme) ; une colonisa-

L’architecture coloniale a également

sévèrement mis fin à sa rébellion en

tion artistique de formes et de styles, un

participé à offrir à l’esprit invisible un

taureau multiforme, noir agressif et

refus de célébration d’un corps sculpté

corps : Le colustrat, déformation du

sanguinaire?

que les sociétés dites «primitives»

mot claustra qui désigne une petite

avaient pensées pour réguler leurs

fenêtre d’aération d’où Mario Guistin, le

cultures.

fantôme colonial blanc pouvait regarder

L’objet africain dans l’imaginaire

Un «corps primitif» qui vivait sa naïveté

ou traverser pour venir posséder les

occidental

tel un postulat mathématique. Il partait

corps des « non blancs ».

de lui pour imaginer une suite logique «Si je fais en sorte que tu me dépasses

de coordonnées spatiales et temporelles

L’âme du corps “masqué” est restée

en horreur, je me décomplexerai de te

adaptées a son environnement. Et c’est

intacte. Les objets rituels n’ont été que

coloniser»

sa dissymétrie exprimée artistiquement

des moyens vitaux de communica-

Tel est le message qui sembla être

qui traçait ses courbes émotionnelles.

tion avec des intermédiaires (ancêtres,

secrètement adressé au corps fétiche

esprits domestiques). En le décrivant à

africain au moment de le définir. La

L’objet (africain) transformé est devenu

tort, le masque a été dépouillé de son

représentation d’un art «sauvage et

œuvre d’art avant que «l’enveloppe par-

statut de repère esthétique

meurtrier» de ses colonies en Afrique

lante» africaine ne soit définie corps.

occidentale a «ému» le peuple bri-

Célébrer une «noire solex» comme

tannique et a suffi pour justifier une

Les religions coloniales ont probable-

Lupita Nyong’o à travers un bour-

colonisation.

ment joué un rôle déterminant dans la

donnement hautement médiatique est

détérioration de la relation que le corps

une percée esthétique exogène des

Ainsi, après avoir désacralisé sa philoso-

entretenait avec l’esprit en Afrique par la

communautés dites noires, qui cohab-

phie et par la suite son art, le monde

diminution de la production des objets

ite encore avec le “mythe” de l’ancêtre

occidental a décontextualisé la sculp-

de cultes et outils esthétisés.

indien ou natif américain dans les cul-

ture africaine et écarté les corps qu’elle

Dés lors, Il devenait plus facile pour une

tures africaine américaine et caribéenne.

représentait de l’échelle des valeurs

ethnologie et un art moderne occiden-

Nul besoin d’un regard africanisant

esthétiques religieuses, sociales et cul-

tal colonial et ignorant des sociétés qui

pour comprendre qu’un corps moderne

turelles.

ont produites ces objets de «percer le

n’est pas nécessairement un corps qui

Cette décontextualisation a conduit à

secret» du rite africain sans accorder de

se soustrait à son africanité ou à son

(re)définir un rituel par le corps et par

crédit esthétique aux formes et donc

orientalité pour «s’emparer des secrets

l’objet là où une simple description

inévitablement aux corps conquis.

d’une réussite». Cette démarche a été

s’imposait, mais surtout elle a surtout étouffé l’infinité de formes esthétiques

inévitablement la meilleure pour perdre Le contexte africain

qu’offre la dissymétrique de sa sculp-

corps décolonisé.

ture pour assoir l’idée d’une esthétique

«Si un Grand Calao (noir) avait causé la

formelle.

mort de ta grande mère, tu considére-

22

ce que l’on ne souhaitait pas trouver: un


Gastineau Massamba

corps vivant/corps mort Par Camille Moulonguet

Gastineau Massamba est un artiste congolais dont le travail tranche dans le vif à la fois du sujet mais aussi de la technique. Plutôt que de peindre, il coud, plutôt que d’expliquer, il “performe”. Lorsqu’on l’interroge sur le corps comme médium, il ne se plie pas au sujet, il le plie: le corps c’est le temps et non l’espace. Votre oeuvre est marquée par des époques et des grandes ruptures, comment en êtes vous arrivés à ce que vous faites aujourd’hui avec la couture et la performance? Cela fait vingt ans maintenant que je suis artiste. j’ai commencé par le dessin, la sculpture, et il y a 10 ans j’ai décidé d’utiliser exclusivement le fil. Le choix de

23

cette technique est liée à mon ques-

de la vanité, de l’instabilité politique,

tionnement sur les problématiques

les enfants soldats, la France-Afrique, la

environnementales. Comme beaucoup

guerre, alors qu’avant, je sortais d’une

de créateurs utilisent des matières

école d’art et j’étais vraiment dans la

polluantes, moi je désire être citoyen

technique. Ce n’est qu’après que j’ai

du monde et ne pas être pollueur. J’ai

commencé à me découvrir.

commencé à travailler avec le fil car je

participe à accompagner le monde à être anti-pollution contrairement.

Pourquoi, en plus de ce travail de plasticien, développez vous un travail de performance?

L’évolution de la technique a-t-elle fait évoluer votre propos?

Simultanément à ma technique du fil

Le propos évolue d’autant plus que

Les gens me demandaient si je ne me

cette technique a entrainé le ques-

convertissais pas en danseur plutôt

tionnement des gens sur la nature de

qu’en plasticien car dans le milieu

mon art. Est-ce encore de l’art contem-

artistique congolais on était pas très

porain ? Certains disaient que la couture

familier avec la performance, donc les

était un travail de fille. Le propos a

gens assimilaient ça à la danse. Couture

changé car il est d’emblée beaucoup

et performances sont venus ensemble,

plus engagé. Je travaille avec un maté-

c’est peut-être leur caractère éphémère

riel qui est très fragile et sensible donc il

qui les a réunis dans mon travail. De la

me positionne immédiatement. Et puis

même manière que le fil est très fragile,

les thèmes que j’aborde tournent autour

je voulais que la performance soit un

j’ai commencé à faire des performances.


travail en mouvement avec un engage-

homme ou femme, je ne supporte pas

formance. On vit dans une société

ment du corps, de la parole. C’est

le discours sur le sexe. Et puis ce mas-

d’hypocrisie où tout est faux donc

vraiment deux aspects de mon tra-

culin qui domine toujours le féminin:

pour briser les tabous ambiants je fais

vail très complémentaires.

il y a 100 femmes, 1 garçon, on va

des performances. Je suis dans le métro

construire la phrase au masculin. Le

je mets de la musique avec mon port-

masculin l’emporte, je ne supporte pas

able, je m’amuse des situations de mal

cette notion de pouvoir du sexe de l’un

aise, j’ implique l’émotion de l’autre, en

sur l’autre. Je pense que le plus grand

quelque sorte je le dérange, c’est une

danger de l’être humain, c’est lui-même;

partie très importante de mon travail.

Qu’avez vous voulu créer lors de la performance que vous avez faite à la galerie KO21 cet hiver? Je commence cette performance avec une chanson et puis un récital de théâ-

Au départ la performance implique une

tre, j’ai donc associé le chant avec le

confrontation. Ce que je devais faire ici à

théâtre, la performance et l’interaction

la galerie KO21 était beaucoup plus hard

avec le public. La problématique de

mais finalement on a trouvé un compro-

cette performance c’est la fragilité,

mis avec le galériste.

la société de consommation et plus particulièrement la nourriture. Elle questionne la manière dont les gens

Qu’est-ce qui est spécifique à une création performative?

achètent la nourriture, le fait de trop

Le langage du corps te laisse dans une

acheter pour ne même pas consommer

émotion, dans une attirance et dans un

la totalité. Il y a beaucoup de gâchis.

refoulement vis à vis de l’autre. Quand j’ai fait la performance cet hiver à la

Comment liez vous dans cette performance le fait de vous livrer sur des sujets personnels comme votre timidité, votre rapport aux femmes, avec celui de traiter des sujets plus généraux comme celui de la consommation?

galerie je croquais la pomme avec un homme, et puis j’ai donné une banane à une femme. Je joue sur des situations dérangeantes pour trouver un rapport avec l’autre dans l’unité, non disloqué. L’autre est impliqué sans retenu

Je le lis parce que je suis un être humain, je suis une personne et tout ce qui est du quotidien de l’autre m’interpelle de manière intime. Il n’y a donc pas de dissociation entre mon intimité et les sujets de société. Certains n’ont pas le pouvoir de le dire haut et fort mais moi je peux le dire. En chaque être humain, il y a une dualité. Le bien, le mal, le masculin, le féminin, certains se moquent de moi en disant que je suis très féminin, que ce que je fais dans mon travail fait partie du monde de la féminité. Pour moi il n’y a pas deux mondes, les hommes et les femmes, chaque être humain est seul. L’être humain est seul, qu’il soit

24

car l’émotionnel l’emporte. c’est la raison pour laquelle j’utilise dans ma performance du ruban adhésif avec l’intitulé “fragile” pour montrer qu’on ne sait pas ce que sera demain. On est appelé chaque jour à mieux faire sa vie

Ce qui m’intéresse c’est le caractère éphémère de la chose, la force d’une performance c’est l’inattendu. J’essaie de faire une performance interactive et que l’autre rejaillisse en bien ou

en intégrant cette fragilité de l’être.

en mal par rapport à ce que je fais.

Quelle place donnez vous à la performance dans votre travail?

(il essaie de me toucher le sein- je le

Je ne me pose même pas la question,

Là tout de suite tu me mets des limites

chaque jour est une performance,

: privé, boulot, le cadre est planté. Moi

chaque jour je vis en performance,

j’aime dépasser ce cadre implicite. A ce

dans le métro, dans la rue, les autres

moment précis on aura eu un moment

impliquent que je fasse une per-

de partage vrai.

repousse)


Le langage du corps est-il plus transgressif que le langage graphique?

dans la création contemporaine des dix dernières années...

Oui car la performance est tri-dimen-

Pour moi la mort est concrète. La mort

sionnelle, les tableaux n’ont que deux

m’a toujours un peu habité, j’ai perdu

dimensions, la performance c’est plus

ma mère pendant les guerres qu’il y a eu

que la structure. Le corps humain est à

à Brazzavile, j’ai un frère porté disparu

la base de mon travail car il est un centre

et une tante qui a été décapité. Une fois

de création en interaction avec l’autre.

que tu as été habité par la mort, ça te

Cela peut-être à distance avec des

suit un peu partout.

performances en vidéo mais il faut que ce soit au même moment. Pour moi le ressenti est mieux vécu, si c’est fait dans le même instant ce sont d’autres impressions qui se développent.

chaque jour est une performance, chaque jour je vis en performance

Qu’ exprimez-vous avec le corps que vous n’exprimez pas avec les oeuvres graphiques? Toute la différence c’est le temps. Je cours derrière le temps, à une époque, je

Vous mettez en scène un corps vivant dans la performance et dans vos oeuvres graphiques c’est un corps décharné...

portais même deux montres.

On vit de la dualite, l’alternance c’est

l’oeuvre. Le volume, la matière, tout est

la plus grande loi qui peut exister, le

réuni. Il est toujours là comme les éter-

beau, le vilain, le bien, le mal, la femme,

nels marcheurs de Giacometti, il court

l’homme. On tombe toujours sur l’unité

toujours.

Le corps est là vivant et il est là mort dans le même temps. Le corps va à la rencontre de l’autre plus vite que

à la fin. La mort est une vie, on né pour mourir, c’est le début d’un nouveau cycle, c’est une rotation. On a un point de départ pour aller à la fin, la fin qui est aussi un nouveau début. Je travaille en France depuis deux ans, le fait d’habiter en France a beaucoup changé, pas le même rapport, la performance est pour moi une ligne directrice pour casser un peu plus les tabous, car en France comme dans chaque pays il y a des codes, tout est normalisé. Quand tu en sors de fait car tu n’es pas né ici la performance est presque ta seule issue, aller au bout du décalage pour que finalement le décalage n’existe plus.

Le fait de représenter des têtes de mort dans votre travail vous rapproche d’une tendance envahissante

25

GASTINEAU MASSAMBA Gastineau Massamba, artiste permanent chez GALERIE KO21, est plasticien, visualiste et poète. C’est auprès de son père céramiste reconnu dans toute l’Afrique qu’il fit ses premiers pas dans le monde de l’art. La pénurie de pinceaux et de peintures en Afrique n’a pas arrêté sa création, au contraire, elle l’a contraint à s’interroger sur la pratique de son travail et sur lui-même. Dans un souci de cohérence, il cherche à transformer son approche. C’est avec une aiguille, du fil et de la toile qu’il trouvera sa nouvelle voie. En cousant, découpant, il se positionne dorénavant dans une logique environnementale en s’intéressant aux matières non polluantes. Il peut ainsi se réclamer citoyen actif de la protection de la nature. Son travail marqué par la guerre qui lui a pris des êtres chers lui permet de se guérir de ses blessures. Ses vanités viennent transcender l’horreur contemporaine. Toute la grâce du monde et toute l’humanité sont là, vivantes face aux ténèbres et à la cruauté.


The body of rue 11th arrondissement

by American filmmaker Karen D. McKinnon

Katniss Everdeen mourns over the body

future leaving little hope for those who

the two halves of my body. My eyes

of Rue and prepares a beautiful flow-

do not live in the rich and decadent

in the image were averted and lacked

erbed for her to lie in state in the film,

capital. Katniss becomes a symbol of

the ability to look at the lower half of

The Hunger Games. Her inert young

hope and inspires the rebellion.

my body. However, the reaction of my

body is lost to the world. She becomes

While studying at the Beaux Art in Paris,

classmates again was about the oppres-

the symbol that bonds the people from

I was asked by a friend and fellow stu-

sion the African-American woman must

the Districts together to protest their

dent to take part in her performance. I

be suffering and the downtrodden state

thought nothing of it but my role was to

of ‘her.’ The very image of a non-smiling

lie still on the floor. There was not talk

Black woman evoked automatic asso-

of colour before or that my black skin

ciations of oppression and the intent

was an important element of the role. I

to speak of desire in the universal was

happily played my role but the discus-

missed.

sion that followed turned into one of

Does that mean that the Black Woman

the unexpected, the disturbing.

is not able to feel the gamut of emo-

How dare she cast me in that role, our

tions without being labelled oppressed?

American guest artist teacher asked and

Does the colour of my skin preclude my

the other students proceeded to debate

ability to engage in a range of emo-

the demise of the black body. They

tions? My body becomes imbued with a

oppression from the State. Katniss goes

found it insulting that my classmate

series of preconditioned responses.

on to fight another day but the body of

would have me lying motionless on the

Were my responses preconditioned to

Rue, the girl of colour, the black body,

floor.

the scenes of one district in the film

yet a symbol is a corpse.

In Catching Fire, I was acutely aware

Catching Fire being dominated by a sea

of District 11 and how black residents

of Black bodies where the other districts

The Hunger Games and Catching Fire

dominated it. I sat in the theatre think-

had few? The exception was the capital,

are the first two installments based on

ing was this an intentional choice. I had

where there was a wave of bodies of all

books of the same name. They follow

not read the books thus I had not prior

colours.

the film’s lead Katniss and a group of

knowledge of the underlying stories

young teenage men and women who

that formed the film.

The body of Rue, is it any good to con-

are selected from their District to fight in

In an artwork that I did while a student

tinue thinking about the black body and

barbaric games where only one winner

at Goldsmiths College, I mounted a

differences? But the impact on seeing

will live. The country was at war with

photographic installation of the top half

your image on screen and in popular

itself for many years and the Games

of my body facing across from an image

media is not to be underestimated in

serve as a way to remind the citizens of

of the lower half of my body. The work

the health of our society. The debate

the country what they have left behind

was mounted on aluminum thus creat-

straddles people on both sides of the

and at the same time satisfy their

ing a surface where the viewer was also

fence. Many feel that the very pointing

appetite for war. It sets out a dystopian

reflected in the image caught between

out of this lack of colour on screen and

Amandla Stenberg (“Rue”) stars in Lionsgate Home Entertainment’s THE HUNGER GAMES. Photo credit: Murray Close

26


started? Both discord-

to make a series of video performances

ant sentiments fell to

telling humorous stories about desire. I

the background as the

look at these video performances now

great Hollywood mar-

and am aware of so many body politics.

keting machine ground

Thank goodness I was free and not bur-

into motion.

dened in those performances by sexual

Lenny Kravitz (“Cinna,” ), Woody Harrelson (“Haymitch Abernathy,” and Josh Hutcherson (“Peeta Mellark ,”) star in Lionsgate Home Entertainment’s THE HUNGER GAMES. Photo credit: Murray Close

in popular media is more divisive than productive. Yet, if it is not discussed, how do we change and find ourselves in a more balanced society? The casting of a black young actress in the role of Rue invoked controversy among some fans. Those fans expressed outrage that Rue would be a black character. However, the books described Rue as someone with dark brown skin. This divisive dialogue shoved into the light by certain fans only confirmed that race issues in America are not silenced. There is a segment of society that would be pleased to see no representation of the black body on screen. The filmmakers stood firm and continued with their vision for The Hunger Games. Yet, this vision excluded even the possibility of the lead character, Katniss Everdeen, being cast as a person of colour. A commentator pointed out that Katniss was described in the books as someone with olive skin and dark hair. The casting of a white fair skinned actress caused discord among fans. The filmmakers only requested that Caucasian actresses audition. I did sit in the cinema and wonder why Katniss looked unnaturally orange. It was a spray tan definitely gone wrong, but couldn’t they have corrected it before filming of the movie

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politics and the body. I was just taking a video selfie and deconstructing desire.

The Hunger Games deal with class

My image in those performances did not

oppression where inhabitants of the

automatically evoke despair because

districts are forced to live in servitude to

here was a black woman talking about

the State. Is it possible that The Hunger

“jet setting” around Europe and America

Games: Catching Fire holds a message

and telling stories of romantic encoun-

on the oppression of the body and

ters while dissecting their underlying

colour? What is going on in District 11?

meanings in a humorous manner.

Is there a message here? Or is it just my

This young body of Rue lying inert sur-

leap from the oppression by the State to

rounded by the sorrow and compassion

what has been a systematic oppression

of Katniss suggests a depth of emo-

of the black image?

tion brought on by the loss of a friend. Colour does not enter that sorrow. Per-

I began to suppress my own image as

haps, it is the ultimate statement of love

an artist. If I could not have control of

and friendship to be colourless.

my image, I did not want anyone else to hijack that control. I was asked to play a

Karen D. McKinnon is an American writer and

black Virgin Mary by a fellow artist who

filmmaker based in London. Her film Making

put his spin on the Mother and Child. I

History (2008), co-directed with Caecilia Tripp, is

would be the Madonna holding a white

part of the Travelling Caribbean Film Showcase

adult Jesus. His photo turned out to

and showing at festivals around the world. She is

be exquisite but I was scarred by my

currently developing her first feature film.

experience in my friend’s performance

Credit; Stolen Dreams, still film image: Karen D. McKinnon

in Paris and by the reaction to my own photographic selfie. I decided I could not give him control over my image. I chose to keep a tight reign from then on how I would put myself in front of the camera. I began


Naissance et mort Par Frieda Ekotto

La naissance de mon corps

couchée sur un lit d’hôpital. Des tubes

sauver.

traversent son nez, et ressortent par la

Les saignements de ma mère sont de

bouche. Des transfusions accrochées sur

plus en plus fréquents et de plus en

les deux bras l’alimentent en solutions

plus abondants. Ma vie court de graves

sanguine et glucosée. L’une est sombre

dangers. Une évacuation sanitaire

et l’autre transparente. Enveloppée dans

s’impose. Ma mère est transportée en

un drap blanc que recouvrent d’autres

Suisse où elle recevra des soins plus

De tous les remords de l’homme, le plus cruel peut-être est celui de l’inaccompli.

draps blancs, ma mère ressemble à un

pointus, car ma naissance s’annonce très

objet étrange. Pour moi, c’est le pendant

problématique. Ma vie et celle de ma

photographique de l’autoportrait de

mère ne tiennent qu’à un fil. Pendant

Frida Kahlo sur son lit d’accidentée de

l’évacuation, la moindre secousse extir-

la route. Au chevet de ma mère, veillent

pent les tubes de sa bouche et de son

Marguerite Yourcenar

deux médecins chinois. Ils sont habillés

nez. Les médecins et les infirmiers qui

en blanc des pieds à la tête.

sont à bord s’affolent. Dans l’avion, le

col de l’utérus s’ouvre et libère l’enfant.

Je regarde cette photo pen-

dant des heures, car elle me trouble

L’essence du sang dans sa fragrance

profondément. En fait, elle raconte ma

envahit l’espace, mais une autre odeur

sance? Rien ou presque rien. Ce dont

naissance. Cet appareillage médical

entêtante comme celles des fleurs

je me souviens, ce sont des histoires

est destiné à répondre à la question

distille le parfum d’une vie saine. Je

et des émotions différentes à chaque

suivante : comment sauver l’enfant que

visualise cette scène : elle représente le

récit que me faisait mon père ou ma

porte ma mère? Lequel, de la mère et de

silence qui suit ou qui précède ma nais-

mère. Une image domine toutes ces

l’enfant, est au plus près de la mort? Ma

sance.

tentatives de narration : c’est la photo

mère a passé presque neuf mois dans

qui trône sur le bureau de mon père. Je

un lit, isolée de ses deux autres enfants

Si en effet, j’ai mon mot à dire sur le

m’arrête toujours devant elle lorsque je

et de son mari. Elle a saigné tous les

corps vivant, mon corps, je sais aussi que

pénètre dans sa bibliothèque. Le tirage

mois pendant que je grandissais dans

je n’aurai pas le mot de la fin sur le corps

en noir et blanc représente ma mère

sa matrice. La médecine a ses limites

mort, mon corps!

Que sais-je de ma nais-

mais mes parents sont déterminés à me

28


La mort de mon corps

retombant, les morceaux de ma peau s’accrocheront ici et là à des brindilles.

De toute évidence, la question

n’est pas là. On naît seul comme on meurt seul. Le corps, à la naissance, est

Aucun amour au monde ne peut tenir lieu de l’amour Marguerite Duras La mort nous rabaisse ; c’est un moment redoutable pour les vivants. La mort qui me hante est celle des personnes que j’aime. En imaginant la mort des autres, j’imagine la mienne. Je rêve d’une mort céleste, je veux dire, aérienne. Une mort sans traces. Peut-être suis-je déjà avec les anges en pensant de la sorte. Peutêtre que les débris de mon corps ne seront jamais retrouvés. Je ne le saurai jamais moi-même, je serai déjà loin, je ne serai déjà plus.

Parce que je suis née dans un

avion, je songe à une mort très rapide – un crash d’avion, par exemple –, où mon corps se disperserait dans les nuages. En

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tout petit et, à la mort, il est plus grand même s’il se retrouve quelque peu rétréci. Entre la naissance et la mort, il y a un lien : l’innommable, le silence. Personne ne saurait l’objectiver. Notre apparence nous entretient dans l’illusion qu’il est possible de savoir. Quand je contemple les représentations de la mort par Frida Kahlo, qui la montrent si rabougrie dans son lit minuscule où la douleur la submerge, je me vois sans façon disparaître dans le néant.

Ma consolation – ma dernière

image en quelque sorte – serait d’ex­ ploser en mille morceaux comme signe d’hommage ultime à cette destination inconnue qu’est la vie.


Maria Magdalena Campos-Pons Relations et traversées

Maria Magdalena Campos-Pons (née en 1959 à La Vega, Cuba) est une figure majeure de la scène cubaine et de la scène nordaméricaine. À travers une pratique protéiforme qui s’étend de la peinture à la sculpture, en passant par la vidéo, la performance et l’installation, elle formule depuis les années 1980 une œuvre conçue comme un dialogue avec son histoire et celle de ses ancêtres africains. Elle développe une pratique où autobiographie et mémoire collective se rejoignent au cœur d’odyssées partagées.

Par Julie Crenn

D’exils en exils

cinement culturel, la représentation du

Lors de ses études à Cuba, Maria Mag-

corps et la mémoire noire. Elle travaille

dalena Campos-Pons peint et sculpte,

essentiellement sur l’histoire du peuple

elle produit un discours engagé dans le

africain-cubain et africain-américain, en

combat féministe. Elle choisit de pour-

explorant des thématiques comme la

suivre sa formation au Canada, puis aux

créolisation, l’appartenance territoriale,

Etats-Unis où elle s’installe à partir de la

l’histoire de l’esclavage et le multicultur-

fin des années 1980. Un déplacement

alisme. Le déplacement et la diaspora

qui dynamise sa carrière et qui l’amène

noire (subie ou choisie) sont deux

à faire des rencontres décisives comme

éléments également importants pour

Lorna Simpson et Carrie Mae Weems,

l’artiste qui s’attache à l’analyse de son

deux photographes postmodernes

histoire.

et féministes dont elle va s’inspirer. À

En 1991, elle intègre le Boston Insti-

partir de 1989, elle délaisse la peinture

tute of Contemporary Art, où elle se

et la sculpture pour se tourner vers la photographie, la vidéo et l’installation. Elle mène ainsi une réflexion sur son corps, son histoire personnelle et la séparation avec Cuba. Elle réfléchit sur le déra-

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53+1=54+1=55. Letter of the Year Multimedia installation in collaboration with Neil Leonard Courtesy Maria Magdalena Campos Pons


concentre essentiellement sur une

l’océan va jouer un rôle crucial dans son

d’eau. La colonne (qui symbolise la dée-

pratique photographique basée sur

œuvre, puisqu’il est le lieu du passage,

sse de la mer, Yemaya, issue de la culture

l’autoreprésentation. En 1996, elle

du traumatisme, mais il est aussi un

yoruba) porte les mots BRAIN et HEART.

présente une série de Polaroids couleurs

espace « entre » que l’artiste va explorer.

Les deux parties du corps sont encer-

intitulée When I’m Not Here / Estoy Allà.

L’océan Atlantique sépare deux conti-

clées de fils de fer barbelé, eux-mêmes

Identity Could be a Tragedy. Six auto-

nents qui lui sont chers, les Amériques

mêlés à des fils de laine multicolores.

portraits en buste où elle apparaît nue

et l’Afrique, il recèle l’histoire de celles

L’œuvre traduit une nouvelle fois une

et où sa peau est recouverte de boue

et ceux qui l’ont traversé, soit en quête

double conscience, une blessure mais

blanche. Sur son corps sont inscrits les

d’un Nouveau Monde, soit contre leur

aussi un besoin d’être ici et là-bas, en

mots du titre. Ses yeux sont clos, elle

gré. Ses ancêtres ont connu un déracin-

Afrique et à Cuba.

est immobile. Ses cheveux

L’océan, lieu de la Relation

sont tressés de manière

Alors que Maria Magda-

anarchique. Les images subis-

lena Campos-Pons quitte

sent une altération, l’artiste

Cuba et s’installe aux

procède à un blanchissement

États-Unis, la séparation

progressif jusqu’à obtenir une

est prégnante. Les notions

peau irradiée par la lumière.

de voyage et de déplace-

Identity Could be a Tragedy

ment sont induites dans

est une traduction de la

chacune de ses œuvres. Un

double conscience culturelle :

voyage extérieur, celui de

africaine et occidentale.

son expatriation et un voy-

L’identité peut être une tra-

age intérieur, mental, entre

gédie si un individu s’enferme

le passé et le présent. Le

dans un concept fermé.

vecteur de cette réflexion

Alors, elle devient un poids,

est incarné par ses longues

une pression sociale trop

tresses, qui, telles des

importante. L’identité peut

racines, relient son corps

également être une tragédie

à l’océan qui symbolise

lorsqu’elle est vécue comme

les troubles et la violence

un deuil, celui de ses ancêtres

de la diaspora. Il sépare

ou celui d’une histoire collective douloureuse que les nouvelles générations doivent porter et transmettre. La perte d’une culture,

Elevata 2004 composition 20x24 Polaroid polacolor #7 24X30 each Courtesy Maria Magdalena Campos Pons

et unit en même temps. Il est un espace entre-deux, entre les époques, les territoires, les civilisations,

africaine-cubaine, causée par son départ

ement violent et brutal. Un arrachement

les langues et les hommes. Un territoire

aux États-Unis, est une perte que Maria

qui est à la base d’une œuvre comme

inconnu, un no man’s land entre les con-

Magdalena Campos-Pons doit sans

Everything is Separated by Water,

tinents, angoissant et captivant. L’artiste

cesse dépasser.

Including my Brain, my Heart, my Sex,

introduit son propre corps dans cet

Identity Could be a Tragedy marque une

my House (1990). Il s’agit d’une installa-

entre-deux pour reconstruire son iden-

étape importante dans sa réflexion non

tion présentant le corps d’une femme

tité et son histoire. Une œuvre comme

seulement sur l’identité, mais aussi sur

nue, divisé en deux par une colonne

Nesting IV (2000) prolonge la réflexion

l’histoire africaine-cubaine. En ce sens,

architecturale formée d’une cascade

engagée avec Everything is Separated

31


by Water (1990). Dix années après, le

devaient lui demander de ramener à

corps de l’artiste n’est plus évoqué

Cuba des objets dont elles ont besoin

de manière symbolique, il s’agit d’un

et dont elles manquent. Au cœur de ce

autoportrait photographique composé

projet collectif se trouvait un person-

de quatre images disposées horizon-

nage, FeFa, incarné par l’artiste. « FeFa

talement. Coupé en deux, le corps de

est le résultat d’une réflexion sur notre

l’artiste est prolongé par des pelotes

période de mondialisation. Elle est là

de tresses. Au centre, l’océan sépare et relie, tandis qu’une tresse traverse les quatre images. Ses yeux sont clos,

Detail of 53+1=54+1=55. Letter of the Year Multimedia installation in collaboration with Neil Leonard Courtesy Maria Magdalena Campos Pons

pour unir, pour tisser des liens. D’une certaine façon, FeFa essaye de ʺréparer les distancesʺ, de créer des ponts.

son visage manifeste un sentiment

libération et de dialogue.

J’utilise l’image de FeFa, comme une

d’apaisement et de tranquillité. La vio-

FeFa !

femme-personnage hybride qui com-

lence et le déchirement exprimés dans

Ses productions récentes soulignent un

porte tous les composants de la culture

les œuvres antérieures ont disparu. Si

sentiment de nostalgie accompagné

cubaine que je peux retrouver dans ma

dans les années 1990 son corps appara-

d’une réflexion tournée vers l’autre. Lors

propre famille d’ancêtres asiatiques,

issait de manière fragmentée, découpée,

de la Biennale de la Havane en 2012,

africains, arabes, européens. » Le projet

les œuvres produites au début des

elle a mis en œuvre un projet multidisci-

Llegooo ! FeFa est à la fois un prolonge-

années 2000 reflètent une cicatrisation.

plinaire intitulé Llegooo ! FeFa. Pendant

ment et une mutation de ses premières

En 2002, elle réalise Elevata, une œuvre

un mois, le public pouvait interagir

œuvres consacrées à l’exil. Le person-

composée de seize photographies. Le

avec une installation coproduite avec

nage de FeFa peut être compris comme

corps de l’artiste apparaît dans la partie

Neil Leonard. L’œuvre était compo-

un alter ego de l’artiste, de sa situa-

supérieure. Sa tête est tournée vers le

sée de deux tables se faisant face, sur

tion diasporique, mais aussi celles des

bas, ainsi ses longues tresses de cheveux

lesquelles étaient disposés des pains

Cubains exilés et des diasporas au sens

évoluent dans un espace bleu, marin,

fabriqués par dix boulangères cubaines

global. En se basant sur son expérience,

d’où surgissent des éléments circulaires

et dix boulangers de Boston. Les vingt

Maria Magdalena Campos-Pons a peu à

auxquels elles viennent s’amarrer. Ici, le

boulangers ont travaillé ensemble,

peu élargi son propos à l’expérience dia-

corps de l’artiste est le point de départ

d’abord à Boston, puis à la Havane, ils

sporique de manière universelle. Au fil

d’une relation de type rhizomique

ont ainsi pu mélanger leurs connais-

du temps, elle est parvenue à une déter-

avec le monde. Son corps est une île

sances et leurs compétences. Sur et sous

ritorialisation progressive de son histoire

appartenant à l’archipel de la mondial-

les tables étaient posés des bandes de

qui n’est plus aujourd’hui tiraillée entre

ité. Elle dépasse ainsi les problématiques

tissus bleus, des bobines attachées aux

deux pays, deux territoires. Elle s’inscrit

identitaires pour atteindre une nouvelle

tables, qui, sur le sol, ressemblent à des

désormais dans une célébration de la

réflexion basée sur sa relation au monde

racines évoluant dans l’espace. Entre les

diaspora noire dont elle observe chacun

et sur son statut diasporique. Constella-

deux tables était tendu un rideau formé

des mouvements. Elle produit ainsi un

tion (2004) marque cette nouvelle étape

de verres à pied. Nous retrouvons un

métissage des idées et des formes, qui

puisque dans cette composition de

élément fragile, imposant, pour délim-

se trouve au cœur non seulement de sa

seize photographies, seules les tresses

iter deux espaces. Près du rideau, un

pratique, mais aussi de la culture afric-

subsistent. Les éléments circulaires

monticule de petits paquets recèlent

aine-cubaine dans son ensemble.

sont ici formés de boules de cheveux

des messages et des objets. L’artiste

Julie Crenn

reliées entre elles par de longues tresses

a effectué des recherches auprès de

Docteure en histoire de l’art, critique

entremêlées. Ces œuvres traduisent

familles cubaines dont l’un des leurs

d’art et commissaire d’exposition.

le concept de déterritorialisation, de

s’est installé au Nord. Ces dernières

http://crennjulie.wordpress.com/

32


1-6Â : Identity Could be a Tragedy 1996 20X24 Polaroid Composition of 6 Courtesy Maria Magdalena Campos Pons

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Decoloniality and the white saviour industrial complex by Alanna Lockward

One of the myths about the invasion

the first minutes of the work “Other”

of the Americas by white Europeans in

by Australian Aboriginal artist Tracey

1492 that I find equally repulsive and

Moffat, when the native Arawak

appealing is the notion that the local

watched European greed materialize

inhabitants were unable to see what

in front of them in the form of those

was in front of them on the horizon. It

infamous three ships.

repulses me because of the implication

At this meeting, the white-hegemonic

about the alleged ‘savagery’ of the local

patriarchal, Western and hetero-

inhabitants which justifies the perennial

normative discourses on ‘good’ and

myth of the European civilizing mission

‘bad’ art were paired with parallelisms

and it attracts me because the possibil-

between “the necessity of political

ity of creating new words to describe

art to be more aware of its visual

new worlds is indeed intrinsic to my

character” and the “transcendental

work as writer and curator. The notion

beauty of the works by Caspar David

that Christopher Columbus and his

Friedrich”, the quintessential hero of

three Carabelas were an impossibility, a

Nazi Germany. When I addressed some

reality that they had no way of decipher-

salients aspects of this outrageous

ing due to their lack of words for them

approach to art traditions, narratives

is both fascinating and terrifying. They

and practices in our planet, that I will

simply “did not see it coming”.

later analyze as epistemically violent

In the context of a European meeting of

with respect to my presence as a Black

curators, artists, sociologists and phi-

scholar and curator, my arguments were

losophers around the subject of political

dismissed in a symptomatic manner.

art, I realized that a very similar situation

I will also explain later why the use of

was being performed in front me, as in

‘symptomatic’. But first, let me go back

36

Alanna Lockward by Juan Delancer, 2014

to this moment of “not seeing it coming”. In order to clarify the usage of the ‘we and ‘the other’ a quintessential Kantian construction that differentiates between the Anthropos and the ‘man’, which I pointed out at the opening day to a philosopher, I decided to start my lecture by presenting the above mentioned video-art Other. As Walter Mignolo explains : “This seven minutes video is composed of a montage of clips taken


(sometimes known as european ‘ political art’) from Hollywood and Hollywood-type

issues of migration and racialization in

of that particular meeting, and on the

movies, where the anthropos (Others,

Europe both in academia and in the arts,

other hand to state my utmost respect

non-Euro-American whites) around the

I am perfectly aware that the majority

for the so-called Eurocentric critique of

world are portrayed. [...] In the second

of white people, and let me add, white

Eurocentrism. This type of scholarship

part, the video collects scenes in which

liberals, have a symptomatic reaction to

is by all means a blessing compared to

People of Color, men and women, and

their named whiteness: they either feel

the level of discourse presented at this

white men and women fall in love with

insulted or eventually protect them-

meeting were intersectionality, one of

each other, or reached a situation in

selves with what Gayitari Spivak has

the main contributions of Black Femi-

which the embrace of friendship and/or

conceptualized as sanctioned igno-

nism that outlined the interdependence

passion dissipated the mutual fear and

rance, which translates into common

between gender, racialization and

disrespect. However, love and friend-

places such as “This is my philosophical

class, played only the role of an excuse

ship as ‘good’ as it seems are always in

tradition and this is how I learned to

for mockery and trivialization. Actu-

the white man’s imagination. People of

explain myself, etc.”

ally these sociological categories were

Color are portrayed; they do not have

For the sake of building an argument

completely absent in all of the presenta-

the opportunity to portray. The second

based on what is already considered as

tions that, I repeat, discussed the role of

part shows the generous inclusivity of

canonical text in European philosophi-

‘political art’, curating and funding it in

white filmmakers who keep for them-

cal traditions, I resonate with Jean-Paul

Europe. Go figure.

selves the privilege of being generous

Sartre´s introduction to the Négritude

Sartre, the last European intellectual

and inclusive.” (Mignolo 2012:117).

poets, in 1948, with the emblematic

to engage in a systematic way with

And it is this ‘generosity’ of the activism

essay Orphée Noir. This Eurocentric

the aftermaths of colonialism chose to

of white European ‘political art’ what

point of departure for my arguments

unlearn his privileges (to quote Spivak

permeates what I believe is sympto-

is meant, on the one hand, to position

again) and conducted himself with a

matic of the White Savior Industrial

this exercise in pedagogy as a mean to

certain degree of transparency always

Complex. Having been part as an

facilitate the understanding of the grav-

acknowledging his position as a white

activist of several spaces dealing with

ity of the issues at stake in the context

European and addressing his counter-

37


parts as constructed ‘others’. Very aware

of a conference where I participated at

‘twitter theorization’ coined the term

Sartre was of how to use the ‘we’ and

the University of Warwick, Sociology

White Savior Industrial Complex, in 2012,

the ‘them’. After him came Focault and

Department, in December 2013. My

using this social media and after that

Barthes, post-structuralism and limbo

presentation was framed in the panel

has expanded on his initial reflections.

for any discussion that linked European

entitled Diasporas, Multiculturalism and

These are the seven Tweets that gener-

modernity to its colonial enterprises.

European Identity. The group of mainly

ated his conceptualization:

I will once again recur to the moving-

sociology scholars that organized this

“1- From Sachs to Kristof to Invisible Chil-

image to help me synthesize ideas that

meeting have invited me a couple of

dren to TED, the fastest growth industry

otherwise would require a much longer

times before to similar workshops since

in the US is the White Saviour Industrial

argumentation. After keeping Roland

2011. In other words, this type of discus-

Complex.

Barthes as the only white-hetero-nor-

sions are already part of mainstream

2. The white saviour supports brutal

mative-hegemonic-Christian-Patriarchal

academia. So please bare with my

policies in the morning, founds charities

theoretician that my decolonial affilia-

authentic astonishment with the fact

in the afternoon, and receives awards in

tion could still rescue and occasionally

that I had to explain why using the ‘we’

the evening.

even quote, a documentary film about

in a public lecture without reflection is

3. The banality of evil transmutes into

his grandfather´s foundational role

a highly questionable practice by any

the banality of sentimentality. The world

in the colony of Ivory Coast made by

standards, even in the symptomatically

is nothing but a problem to be solved

Vincent Meessen, (Vita Nova, 2011),

underdeveloped European Human

by enthusiasm.

has left me now without any excuses

Sciences. The Warwick meetings and

4- This world exists simply to satisfy

to renew my fidelity to his wonderful

the events that I organize as a curator

the needs—including, importantly, the

Myths. And I shall miss them indeed.

have also done some damage to my

sentimental needs—of white people

This film was the confirmation I was

understanding of the issues at stake. I

and Oprah.

not looking for because it was way too

have obviously lost contact with reality,

5- The White Saviour Industrial Complex

painful, even for me as a Black scholar,

and this type of wake-up call is a more

is not about justice. It is about having a

to accept it. My suspicions on the

than welcomed opportunity to thank

big emotional experience that validates

deliberate concealing of colonialism in

once again the contributions of so many

privilege.

European contemporary philosophy, of

decolonial scholars, artists and activists

6- Feverish worry over that awful African

what Nigerian novelist, Chimamanda

in Europe that are working incessantly

warlord. But close to 1.5 million Iraqis

Ngozi Adichie has conceptualized as the

to create the inclusive and liberating

died from an American war of choice.

“stories that Europe tells itself about its

dialogues that are so urgently needed.

Worry about that.

colonial past”, are poetically embedded

7- I deeply respect American sentimen-

and dramatically substantiated in this

At the meeting where ‘good’ art was

tality, the way one respects a wounded

documentary. Why did Barthes never

discussed in terms of a so-called param-

hippo. You must keep an eye on it, for

discussed the role of his grandfather as a

eter of ambiguity (‘good’ art must

you know it is deadly.”

French colonial ‘hero’ in his writings and

always be ambiguous) I decided to pre-

These lapidary statements by Teju Cole

chose instead to re-invent himself as an

sent myself as a curator of really ‘bad’,

articulate a quintessential decolonial

anti-imperalist without any personal ties

‘unambiguous’ art, therefore addressing

perspective.

to this genocidal enterprise?

the salvationist rhetoric of the civilizing

Decoloniality questions the very

mission of some European ‘political art’

notion of ‘universality’ and ‘civiliza-

The Crisis of European Cosmopolitanism

which is extremely problematic by any

tion’, or rather ‘the universality of

in the Age of Austerity: Multicultural-

standards. Nigerian-American writer

civilization’. The rhetoric of ‘modernity’

ism and Colonial Legacies, is the title

Teju Cole on what we could now call

and ‘progress’, key words to justify

38


Western expansion, always carries a

our vocabulary. Artists, activists and

thinkers in Europe beyond racial divides.

secret weapon, which is articulated

scholars share their knowledge on equal

We talked about the legacies of Angela

through dispossession, exploitation

terms during rich and diverse discus-

Davis, a former student of Herbert

and ultimately, genocide: coloniality.

sions. Film and video-art were equated

Marcuse, and Richard Wright, who first

By exposing the notion of inseparabil-

in status, the industrial character of

published Black Power (1954) in London,

ity between modernity and coloniality,

the former shared the same screening

inspired by Pan-Africans such as George

decolonial thinkers state that there is no

format and set-up as the later. These

Pademore and Kwame Nkrumah.

such thing as an autonomous European

events have created a paradigm shift in

Sonderweg of modernity. The colo-

In these meetings

nial and its exploited, dispossessed,

we constantly chal-

enslaved and exterminated subjects

lenge Euro-centric

have always played a crucial role in

perspectives on

creating, defining and literally ‘feeding’

knowledge and

modernity.

beauty which are a pervasive legacy

Decolonial Aesthetics refers to ongoing

of Emmanuel Kant,

artistic practices responding and delink-

the first philosoph-

ing from coloniality, the darker side of

ical advocate of

modernity and imperial globalization.

the White Saviour

This concept emerged from the work

phenomenon.

of the collective modernity/coloniality/

Here is a self-

decoloniality1, based on the seminal

explanatory

conceptualization by Peruvian humanist

quote from

and sociologist, Aníbal Quijano.

African philosopher Emmanuel

From the decolonial perspective, we

Chukuwdi Eze in

have never abandoned “home” (coloni-

his extraordinary

ality). The process of decolonization of

essay The Color of

our minds involves a realization of this

Reason:

fact. We have always been here as the hidden side of modernity, therefore our

“....Kant Is able to

presence is self-explanatory. During

hold [these views

BE.BOP. BLACK EUROPE BODY POLITICS,

Whip it good!!, Jeannette Ehlers

of] the african

a trans-disciplinary event I have been

because, thanks

curating curate at Ballhaus Naunyn-

to transatlantic

strasse in Berlin, since 2012, we become

decolonial sensing, thinking and doing.

mercantilist slave trades [and I add: plan-

centered in our own experiences within

BE.BOP 2013, entitled “Decolonizing the

tation economy], Kant sees and knows

a pan-European context. We talk

Cold War”1, was dedicated to expos-

that, in fact, African slaves are flogged,

between ourselves, to ourselves, about

ing how the Black Body as a space of

‘trained’ in his words, as European labor.

ourselves in a banquet of identities. The

dignity, power and beauty permeated

More generally, and from a philosophi-

so-called “post-racial”, “post-identity”

the radical imagination of artists and

cal perspective, and perhaps in a more

or “post-Black” eras are oxymorons in

39

1

http://decolonizingthecoldwar.wordpress.com/

subtle way, Kant’s position manifests


an inarticulate subscription to a system

Mignolo adds: “Times have changed.

Pentacostal, Rastafari and Vodoun meet

of thought which assumes that what is

‘We are here because you were there’

at this crossroads with a decolonizing

different, especially that which is ‘black’

as the dictum goes to understand the

agenda to sanctify liberation on earth.

is bad, evil, inferior, or a moral negation

historical logic of coloniality hidden

It’s time for us to save ourselves. and

of ‘white’, light, and goodness. Kant’s

under the rhetoric of civilization, pro-

that will be a process that will impact

theoretical anthropological edifice, then,

gress and development of modernity.

upon everyone hence its universality.

in addition to its various conscious and

Europe is not only in the most spec-

That is what BE.BOP 2014 is about, re-

unconscious ideological functions and

tacular political-economic crisis, but it is

positioning the non-secular in the white

utilities, had uncritically assumed that

also being radically transformed by the

house reminding it of its hidden myths,

the particularity of European existence

rumor of the disinherited. Kant couldn’t

of its symptomatic denials and vacuums.

is the empirical as well as ideal model

have imagined at that time that his ideas

of humanity, of universal humanity, so

in Observations and The Contest will

that others are more or less less human

be contested by people, now European

or civilized (‘educable’ or ‘educated’) as

residents and citizens who he, Kant,

they approximate this European ideal.”

considered lesser human and far away.

(Eze 1997:116-117)

BE.BOP 2012, and what is to come in the future, is a signpost of the reversal of

As Walter Mignolo explains: “Indeed,

fortune: the sign that decolonial forces

“philosophical aesthetics” was and still

are liberating aiesthesis and by doing

is a conceptual apparatus to control

so liberating the sensibility that was

(include and exclude) sensing, sensibility

politically and legally enunciated in the

and to shape the population—aesthetics

‘Declaration of the Right of Man and of

was clearly linked to the national-state

Citizens.’ We know very well now what

emerging project in Europe at the end

‘Man’ meant and who the ‘Citizens’

of the Eighteenth Century. It was neces-

were.”

sary to shape the taste of the citizens, parallel to civic education. Kant was not

DIASPORA SPIRITUAL REVOLUTIONS

only influential in shaping aesthetics

is the title of BE.BOP 2014. As I have

principles. He was decisive in shaping

explained, previous BE.BOP events

epistemology and in lining up the mod-

have engaged European audiences in

ern university of the Enlightenment. The

intricate detail with the outrage gener-

Contest of the Faculties (1798) remains

ated by Black/African Diaspora peoples

as a pillar for the organization of the

when confronting a racist world order

secular field of knowledge. It was indeed

structured along the lines of colonial-

a potent move to take away the control

ity. BE.BOP 2014 wil bring re-existence

of education from the Church and the

into the hallowed grounds of healing.

Monarchy and to form the sensibility

An Afropean sensibility reaches out to

of the emerging ethno-class: the white

gather diverse Diaspora cosmologies

German (and European) bourgeoisie.

and spiritual forms of knowing in order to illuminate the experiences of the

In discussing the role played by BE.BOP

Black Body in Europe. African Baptism

within Kantian epistemic continuities

and Methodism, Ethiopianism, Orisha,

40

The so-called “post-racial”, “post-identity” or “postBlack” eras are oxymorons in our vocabulary


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41

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Le corps et l’oiseau par Diane Chavelet Crédit photo : En guise de divertissement© Mickaël Troivaux Illustrations : © Kara Walker

Un OVNI semble survoler la littérature

Jan, locataire d’un immeuble fantôme,

n’avait encore nommé, couleur de feu

et l’art d’Afrique subsaharienne et de

destinataire ulcéré des mille question-

sombre dans des reflets crépusculaires »

la diaspora. Nous en avons trouvé des

naires qu’une entité gouvernementale

dans le conte de Chamoiseau, Glan-Glan

traces significatives chez l’écrivain

ne cesse de lui envoyer afin de le

l’oiseau craché4 ou bien dans son roman,

martiniquais Patrick Chamoiseau, le

classer dans une catégorie, n’a pour

Les neuf consciences du Malfini5 « Une

dramaturge et romancier togolais Kossi

réponse qu’une inlassable chanson-

chose. (…) une tête, affublée d’une

Efoui, la plasticienne américaine Kara

nette, « silence, on vient ! ». Cet appel au

huppe insensée, qui paraissait ignorer

Walker, entre autres… L’animal voy-

tragique et à l’humain, invocation d’un

dans quel sens se tenir (…) Mais elle

age vite et partout, bouleverse des

autre qui n’arrive jamais, ne trouvera

dégageait une singularité impossible à

esthétiques totalement différentes

d’écho que lorsque des forces de police

définir (…) une alchimie aussi imprévis-

sans scrupules, passe les frontières des

viendront l’expulser, à son grand sou-

ible que les scintillements de ses plumes

genres sans passeport. Un anarchiste

lagement.

écailleuses» ou même, dans En guise de

contagieux, dangereux, polymorphe,

Volatiles2 qui traversent toute l’œuvre

divertissement, ce grand spectre blanc,

qui s’exprime dans une langue venue de

du romancier et dramaturge, jusqu’à sa

figure anthropomorphe soutenue par

l’espace. Nous le traquons, en viendrons

dernière pièce, En guise de divertisse-

quatre histrions fiers de l’avoir ressus-

à bout. Compte rendu ci-dessous.

ment3, mais qui voyagent aussi dans les

cité. Car l’oiseau, avant d’être drôle, est

romans et les contes de Chamoiseau,

rare. Inclassable, c’est par choix qu’il

comme tout droit sortis d’une composi-

semble l’être devenu, choix de se nourrir

tion de Kara Walker.

de tout ce que lui offre le monde pour

« Drôle d’oiseau » pour se rappeler cette

Drôle parce que jamais vu, l’oiseau

composer son chant hybride, modulé

minuscule pièce de Kossi Efoui, Mono-

dont ces artistes veulent nous parler

de toutes les voix : « Cela me laissa très

logue pour un drôle d’oiseau , satire

est d’abord celui « qu’aucun chasseur

vite le sentiment d’une liturgie dans

2 Volatiles, Éditions Joca Seria, Nantes, 2006. 3 En guise de divertissement, inédit, compagnie Théâtre Inutile, Amiens, 2013

4 in Au temps de l’antan, contes créoles, Hatier, Paris, 1988, p. 64 5 in Les Neuf consciences du Malfini, Gallimard, Paris, 2009, p.25, 32

Drôle d’oiseau

1

d’un fascisme politique dans laquelle 1 La Ballade des voisins anonymes, monologue pour un drôle d’oiseau, Paroles d’Aube, 1998. Réédition Lansman, 2011.

42


laquelle il parlait en chantant, et chan-

ne puisse l’ingérer sans provoquer le

tait en parlant. (…) Comme si tous les

chaos7.

oiseaux du monde avait chanté en lui. Et pas seulement les oiseaux, mais tout ce qui vivait ici ou ailleurs, capable ou pas d’harmoniser des cris. 6» Hybride de corps et de chant, l’oiseau figure le marginal, errant curieux qui s’approprie tout ce qu’il croise pour composer un patchwork qui devient

Hybride de corps et de chant, l’oiseau figure le marginal, errant curieux qui s’approprie tout ce qu’il croise pour composer un patchwork qui devient son plumage,

son plumage, qui assimile tout ce qu’il

Ainsi c’est le cou qu’elle tord d’abord, tout comme le personnage de la composition de Walker, apparemment prise d’une fringale similaire, arrache la tête du coq qu’elle poursuit et la porte à sa bouche, ôtant d’abord à la volaille la capacité de chanter. Arrêtons-nous un instant sur cette figure : ici, pas de doute, l’oiseau est identifié, identifiable, il est le coq d’un poulailler dont la

entend pour composer une mélodie qui

geôlière tient les clés de sa main libre,

devient sa voix, identité faite de tous les

Faire taire l’oiseau

la gauche. Mais c’est un coq particulier,

connaissables, et par là même irréduct-

N’est pourtant pas l’intention de ce gen-

puisqu’il continue de voler, bien que

ible. Si la marge est l’endroit qu’il habite,

til chasseur du conte de Chamoiseau,

saisi par la violence de l’arrachement,

c’est qu’en fait de voler, il prend place,

poussé hors de chez lui un vendredi

tout comme l’oiseau de Chamoiseau

celle d’une altitude en mouvement sur

Saint par sa femme vorace et tyran-

continue de chanter après s’être fait

tous les mouvements du monde. Il est

nique, qui l’oblige à aller chercher du

tordre le cou : « Tue-moi bien / ti ma fi,

perception horizontale d’un multiple

gibier pour combler son insatiable faim.

Tilititon Tilititon / Yon glan glan ! 9» Il

irrésolu dont l’expression chantée ras-

« Montrant sa belle prise à sa femme,

est difficile de savoir si Walker réfère au

semble dans sa mélodie hybride, d’une

il gémit : ‘Noupa pé valé on bèt konsa,

même conte populaire martiniquais, ici

beauté disharmonique, les différents

nous ne pouvons pas manger un tel

habillé par l’écrivain. Mais l’habileté de

visages de l’être et de l’Histoire, et

animal !’ Mais sa femme était mauvaise.

la plasticienne à s’approprier les récits

donc transcende leurs cloisonnements

Peut-être par crainte du changement,

dans leurs réécritures picturales, l’écho

et leur dichotomies. Entendons-bien

elle le demeura. S’emparant de l’oiseau,

troublant du texte confronté à la com-

« marginalité » comme position vis-à-vis

elle lui tordit le cou. » (mes italiques).

position sont autant d’éléments qui

d’un ensemble, et non d’un « centre »

La verticalité obtuse du corps social est

nous laissent suggérer que le coq de

prédéfini. Si l’oiseau est rare, il l’est

personnifiée ici par l’avide femme du

Walker fait lui aussi figure de la marge à

radicalement, ne s’assimile à aucune

chasseur, qui paraît d’abord vouloir tuer-

faire taire, celle qui devrait ne sortir de

minorité précise, ou bien à toutes

manger l’oiseau pour se protéger du

cette prison de poulailler que pour être

minorités confondues, comme position

bouleversement dont il la menace, de

tuée, ingérée, neutralisée dans le corps

dans l’espace plus que dans le monde.

cette voix « tordue » telle que la qualifie

affamé de la norme. De même, dans En

Il incarne une radicalité horizontale

Kossi Efoui dans la pièce Oublie !8 que

guise de divertissement de Kossi Efoui,

de la perception, déjouant l’ensemble

tout le monde cherche à étouffer.

les quatre histrions emblématiques d’un

de systèmes univoques ou logocentriques, verticaux si l’on peut dire, de la pensée et du discours, d’occident ou d’ailleurs. En d’autres termes, sans doute l’hétérogénéité de son chant est-elle trop bouleversante, pour qu’aucun corps politique ou social normalisé 6

ibid, p.225

43

corps social stérilisé par le désir de faire Kara Walker, The Keys to the Coop, 1997 7 Le “Fou-fou” de Chamoiseau semble en cela allégoriser la poétique de la Relation et du divers glissantiennes, : « Le Divers, qui n’est pas le chaotique ni le stérile, signifie l’effort de l’esprit humain vers une relation transversale, sans transcendance universaliste. Le Divers a besoin de la présence des peuples, non plus comme objet à sublimer, mais comme projet à mettre en relation. Le Même requiert l’Être, le Divers établit la Relation. […] Comme l’Autre est la tentation du Même, le Tout est l’exigence du Divers.” Le Discours antillais, Livre II “Poétique de la Relation”, Paris, Éditions du Seuil, 1981 8 Oublie !,Carnières, Éditions Lansman, Manage, Belgique, 2011.

et de consommer le divertissement, brandissent l’oiseau comme un trophée, cherchent son passeport, l’auscultent, l’adulent mais ne l’autorisent pas à prendre la parole. On le bat, on l’étouffe s’il fait mine d’ouvrir « la bouche » 9 Au temps de l’antan, p.65


et ce n’est qu’à la fin de la pièce que

rés d’un chant hybride, polyphonique

traversée du monde, cette errance qui

s’échappe de lui, par défaut d’attention

à la polysémie du texte. Sa femme,

accueille l’anarchie de la perception en

des histrions, ce « vos morts ne sont pas

plus convaincue par la poésie de la

mouvements, altitude pleines d’« aspira-

vraiment morts » qui laisse le spectateur

chair, c’est-à-dire du bon droit de faire

tions tourbillonnantes », qui figurent

songeur.

taire cette voix en l’absorbant dans un

un vertige de l’esprit et engendrent

discours arbitrairement légitimé par sa

la nausée du corps. Lequel, jusqu’ici

L’oiseau dans En guise de divertissement

volonté de pouvoir, s’endort « d’un de

rigidifié par « peur du changement », ne

de Kossi Efoui, à Amiens, septembre

ces sommeils qui jamais ne délassent »

peut alors que rejeter l’oiseau. L’histoire

2013.

après avoir tué, ingéré, neutralisé, nor-

pourrait s’arrêter là, si les magmas recra-

Car l’oiseau, ainsi que le suggère la

malisé le corps de l’oiseau dans l’autorité

chés du volatile ne se mettaient pas

composition de Walker et que le rac-

tranquille du ventre.

à chanter de plus belle « Recolle-moi,

11

onte Chamoiseau, n’est pas périssable.

ti ma fi (…) ». Une

D’abord car quiconque entend son

nuit de la remem-

chant en est habité, tout comme l’est le

brance s’annonce

chasseur devant le spectacle du festin

alors, intermina-

de sa femme : « le brave bougre n’eut

ble, où la mégère

pas le cœur d’y goûter. Il pensait trop

devra détruire

aux beautés de l’oiseau, à ses chants de

toute sa maison

mystères. (…) Elle mangea tout (…) Le

(déconstruire les

brave bougre, lui, demeurait comme

fondements de son

saisi, le regard submergé par des envols

discours) pour res-

d’oiseaux. Ses paupières tressaillaient

tituer l’authenticité

comme de grandes ailes. Parfois, un

d’une parole

rouge planait dans sa tête, et il som-

« de mystère »

meillait sur des rêvées de plumes. » 10

Littéralement hanté par la beauté du

L’oiseau dans En guise de divertissement de Kossi Efoui, à Amiens, septembre 2013

volatile, le chasseur perd l’appétit et

à cet increvable hybride qui ne sait pas se taire : « Ils

s’ouvre à un imaginaire tumultueux

Mais on ne digère ni la voix ni le corps

explorèrent la jointure des planches

dont les beautés débordent le cadre

de l’oiseau. Du moins, pas tant qu’il n’a

déclouées une à une, puis enlevèrent

de son intellect, le « submergent », et

su se faire entendre :

le toit, puis soulevèrent la maison pour

donc transforment sa physionomie,

« La femme sentit bouillir son ventre. En

la réduire en miettes. Ils trouvèrent

ses paupières « tressaillant comme de

rêve, elle se vit habitée par de grandes

{l’ultime} duvet sous la fente d’une

grandes ailes » dans cette comparaison

fougères, puis par des mousses téné-

solive. L’oiseau refit ses comptes, et

ailée de la paupière, devenue méton-

breuses qui s’érigeaient en villes. Le tout

s’envola comme s’envolent les rêves.13 »

ymie de l’oiseau pour l’œil, métonymie

se poursuivit par des fluidités de cas-

Ainsi l’intégration de l’oiseau à la rigidité

de l’âme. La langue du récit subit elle

cades, de gargouillements, d’aspirations

du corps social suppose de décon-

aussi une mutation, ces « rêvées de

tourbillonnantes. Elle se réveilla en

struire, d’anéantir, de reconstituer les

plumes » devenant par analogie som-

sursaut quand une voix lui monta des

fondements mêmes du récit sur lequel

meil éveillé, édredon moelleux de la

lieux de toute sa chair : Recrache moi,

il tient, récit à savoir Histoire, préjugés,

pensée sur lequel se posent les tumultes

ti ma fi (…) » L’oiseau l’habite ici de sa

endoctrinements, verticalités de l’être

d’un rêve chatoyant, oxymores effleu10 ibid

44

12

11 ibid 12 ibid, p.66

inhibé par sa volonté de domination. 13 ibid, p.67


La mégère deviendra la plus douce des

noyés l’un dans l’autre dans une con-

spective de l’horizontale plénitude du

femmes, son mari ennuyé lui préférera

templation hypnotique. Revenons donc

vivant.16 »

une autre, l’oiseau, aussi insaisissable et

à l’œil, ce reflet de l’âme et de l’autre :

L’oiseau est donc transgression

inintelligible que « les rêves », poursuivra

« Il regardait l’oiseau et l’oiseau le regar-

des déterminismes du vivant dans

dans le monde la réalisation poétique

dait et il regardait l’oiseau et l’oiseau

l’appréhension physique du vital, il est la

de son propre mouvement, sifflotera à

le regardait, un rêve tout entier retenu

manifestation esthétique d’un déséquili-

qui veut l’attraper le vendredi Saint ses

dans le mouvement perpétuel d’une

bre métaphysique, donc d’abord,

« chants de mystères ».

seule image, comme un livre dont on

hors-la-loi17. S’il ne saurait être confondu

n’aurait retenu que le titre mais dont on

avec l’artiste, ou alors dans son incarna-

Devenir l’oiseau

garde l’impression d’avoir tout compris.

tion idéelle, il serait en revanche ce qui

Les Neuf consciences du Mal Fini de

(…) Il dit que c’était comme s’il se dévis-

le traverse, et se manifeste dans l’œuvre,

Chamoiseau sont les mémoires d’un

ageait en l’absence de tout miroir. »

ou certaines d’entre elles, celles qui,

aigle royal, convaincu de régner sur les

Le dédoublement chiasmatique de la

précisément, le débordent.

eaux, forêts et êtres vivants du territoire

première partie de la phrase rend à

Manifestation déchirante d’une per-

qu’il s’est choisi, se donnant le droit de

la fois l’intensité de la contemplation,

ception physique du vital passée par

les anéantir goulûment, jusqu’à ce qu’il

dilatation d’une temporalité dans le

le corps du vivant, l’oiseau sortirait du

rencontre cette espèce inédite de Colibri

récit suspendu, « retenu » d’un échange

corps dans cette maïeutique qui à la

qu’il appelle « Fou-Fou ». Cette insignifi-

non formulé, qui tient d’une forme de

fois assure la force, la singularité, le

ance volante dont les actions ne sont

transe, entre l’oiseau et l’artiste, mais fait

débordement et la déchirure de l’œuvre

pour lui guidées par rien d’intelligible,

surgir aussi ce miroir du regard auquel

d’art. Dans la figure ci-dessus, l’être

va exercer sur lui une telle fascination,

l’homme se confond dans cette fragile

androgyne, visiblement soulevé du

répulsive d’abord, émerveillée ensuite,

création du « rêve ».

sol dans la force de cet accouchement

qu’il sera amené à force d’observation

C’est donc par le regard, dans la contem-

poitrinaire, c’est à dire à la fois tran-

à s’affranchir de ce qu’il nomme son «

plation inlassable de celui qui semble

scendé et transpercé par l’oiseau, n’est

Ayala », version ailée de ce que

échapper à tout, que l’être se défait de

plus que le « relais », selon les mots de

Schopenhauer appelait « vouloir-vivre »,

son corps, dans tout ce qu’il enferme, en

Kossi Efoui, d’un mouvement circulaire

déterminisme aveugle de l’espèce,

accédant paradoxalement à la con-

de l’ « expression tordue », appelée,

pour parvenir à épouser cette vision

science physique du monde : « Sous une

comme le suggère la rotation du vola-

vertigineuse des êtres et des possibles

clarté de lumière qui n’était plus celle du

tile, à retourner au corps après s’en être

concentrés dans le regard de Fou-Fou

soleil, le paysage, l’oiseau et lui même

échappé.

dont le corps disparaît à mesure que le

et le moindre petit mouvement que le

Insolence bouleversante de l’art contre

récit progresse. Volatiles de Kossi Efoui

vent dispersait à la pointe des herbes,

l’ordre, l’oiseau est celui qui ne cesse de

est une compilation de textes et de

tout cela s’offrait à son regard comme

renaître et ne fait que traverser les corps

carnets d’un « Il » dont l’affiliation n’est

dans ce rêve où le rêveur Tchéou ne sait

qu’il se choisit.

formulée que par sa très jeune tante,

plus s’il diffère de la chose rêvée… 15» La

Permettons-nous de conclure sur ces

celle que tout le monde appelle « la

limpidité de la langue, comme en écho à

folle » : « Petit, tu es du clan oiseau. »

la pureté de la perception, pourrait être

16 Les Neuf consciences du Malfini, p.232

Déstructuré, ce récit dont la tempo-

la manifestation de ce que le « Nocif » -

ralité s’évade aussi sûrement que les

désignant un humain ami du Fou-Fou

migrateurs quittent le continent l’hiver

- appelle dans des carnets restitués à la

venu, est marqué par trois échanges de

fin du roman de Chamoiseau « la per-

17 Ce qui se rapproche de ce Jean-Godefroy Bidima entend par « philosophie de la traversée » appliquée aux arts plastiques, dans l’Art Négro-africain, et peut ici servir notre propos : « La culture de la profanation (…) propose non pas un savoir, une doctrine, quelque chose de structuré, mais un élan, conscient de ses limites de cercles, tenu par un chant précaire s’articulant autour d’une incertitude qui n’est pas désespoir mais ouverture, pari. Celui-ci n’est pas un rapport causal, mais une relation transcendantale et pratique à un horizon. »

regards, celui de l’orateur et de l’oiseau,

45

14

14 Kossi Efoui, Volatiles, p.44 15 Ibid


vers de Charles Bukowski qui font si bien écho à la composition de Walker : (…) there’s a bluebird in my heart that wants to get out but I’m too tough for him, I say, stay down, do you want to mess me up? you want to screw up the works? you want to blow my book sales in Europe? there’s a bluebird in my heart that wants to get out but I’m too clever, I only let him out at night sometimes when everybody’s asleep. I say, I know that you’re there, so don’t be sad. then I put him back, but he’s singing a little in there, I haven’t quite let him die and we sleep together like that with our secret pact and it’s nice enough to make a man weep, but I don’t weep, do you? Charles Bukowski, Bluebird

46


Genre, Race et la réinvention de la différence Par Shireen Hassim

d’intégration : l’Afrique du Sud a en effet élut des femmes du plus haut niveau au sein de son Parlement. Etre un bon citoyen dans cette nouvelle démocratie c’est soutenir l’idée que les femmes sont libres. Cette pensée represente la victoire d’une forme de féminisme qui se concentre principalement sur l’accès des femmes à des postes importants. C’était une des demandes continuelle des movements féministes modernes, car elle représente la

Dans l’imaginaire de tout sud-africain, Johannesburg était un lieu de possibles,

pas fixé entre masculin et féminin, et où le

et d’ouverture d’esprit, une ville minière

corps exprimerait simplement des rela-

fondée sur la promesse de richesses et

tions sociales, qui

de nouveautées. Un endroit qui aurait la possibilité de faire non pas la fortune de

ne compterait pas dans pour les politiques

tous mais d’offrir à chacun la modernité.

ou la citoyenneté comme s’est inscrit dans

Et c’est encore le cas aujourd’hui pour des

la constitution.

centaines de migrants qui viennent de tous les pays du continent et même du

La démocratie en Afrique du Sud est

monde entier. Cette ville est le coeur de la

basée sur une vision moderne, dans

vie economique et politique de la nouvelle

laquelle l’apogée est la sphere formelle de

démocratie sud-africaine et dois vivre

l’Etat et la Constitution. La présence des

chaque jour avec la difficulté de faire et de

femmes dans les institutions politiques

construire une nation.

est vue aujourd’hui comme une marque

reconnaissance des femmes par la sphère publique du nouveau gouvernement démocratique Mais intégrer le Parlement n’est pas sans conséquences. Souvent il faut traiter des questions sous jacentes entre les citoyens et les structures du pouvoir ainsi qu’entre les citoyens et l’Etat. Or, généralement ces questions sont stratégiquement non résolues / non traitées. Par exemple, si des postes au gouvernement sont donnés parce que les femmes ne sont pas assez représentées, alors il devient strategique de conserver le sens du mot “Femme” comme une entité sociale homogène. Si on pose alors la question:

Dans cette ville, les certitudes sur

Est-ce que le corp est conforme au caté-

l’identité, sur l’espace, sur la hierarchie ou

gories politiques binaires du masculin /

sur la position sociale sont remises en

féminin – suis je cette entité corporelle

question sans arrêt. De nouvelles formes

que l’on nomme Femme? - ou demander

communautaires apparaissent, en dehors

quelles sont les formes de violences qui

de celles, traditionnelles, de la famille,

caractérisent les hommes et les femmes,

et en dehors des authorités tradition-

c’est poser une question à laquelle on ne

nelles. Ce sont des communautés qui se

peut répondre dans le cadre du système

retrouvent autour de nouvelles identités

politique.

et autour de nouvelles formes de sociabilités et pour qui la différence est un

Il est sans doute vrai qu’à la suite de

atout. Des rencontres informelles entre

l’intégration des femmes au Parlement,

les résidents de Johannesburg essaye de

L’Etat vu de l’extérieur (c’est à dire son

repenser l’Etre Humain dans un lieu de

personnel, ses institutions et ses politiques)

tous les possibles, dans lequel le genre ne serait

47

Zanele Muholi, Being, 2007, Triptych 1 Courtesy of the artist and Stevenson Galery

a du revoir de manière significative ses repères sur les genres.


Cependant je pense que la présence du

ne montreraient pas aussi facilement ail-

armes sont des extensions de la mascu-

corp sexué dans la sphère publique sucite

leurs.

linité and les femmes rien de plus que des

une discussion sur le genre qui perturbe

corps qui doivent être possédés ou des

le récit sur la reconnaisance des femmes

A travers ce texte je souhaite présenter

machines à faire des enfants. Au moment

dans le domaine politique.

deux moments de rencontre entre public

même où les femmes commencent à se

et privée, les deux ayant été provoqués

battre pour leurs droits et se positionnent

En dehors de la sphere publique formelle,

par des présentations de corps dans le

comme actrices politiques et morales, il

dans les interactions de tous les jours et en

monde de l’Art et qui ont défié les normes

semblerait qu’elle soient rattrapées par les

tout lieux , les frontières entre les commu-

hégémoniques. Les deux événements

revendications criantes du pouvoir mas-

nautés et les critères pour la citoyenneté

ont appelé à la redéfinition de ce que c’est

culin.

sont très régulés ,et ce sont souvent les

d’être un bon citoyen sud-africain.

corps des femmes qui font l’objet de ces

Les deux évènements qui se sont passés

régulations / contôles , cous couvert de

Dans les deux cas, l’incarnation de l’Afrique

à Johannesburg reflètent deux formes

préserver la culture du pays. Les diverses

du Sud comme démocratie des droits de

différentes de questionnement du genre

pratiques de régulation qui ont émergées

l’Homme, et comme un pays libre pour

: la première dans le cadre hétérosexuel

sont nombreuses, elles incluent:

tous, a été ébranlée. La vision du citoyen

et la deuxième dans le cadre de la société

Les cérémonies de virginité pendant

moderne post-apartheid est celle d’une

partiarcale. Je pense que pour ces deux

lesquelles les vierges sont testées pour

rencontres les artistes concernés

savoir si elles sont pures et sont récom-

ont eut un regard feministe:

pensées en dansant devant le roi Zulu.

L’étudiante indienne Nivedita

Les restrictions vestimentaires dans cer-

Menon, nous propose cette défini-

taines régions du pays, où par exemple

tion de“ voir comme une féministe”:

les femmes qui portent des pantalons

ce n’est pas de stabiliser mais de

en public peuvent être l’objet d’attaque

déstabiliser (de construire mais de

des membres de leur communautés

déconstruire)

‘le viol correctif’ qui a pour but de “soigner” les lesbiennes noires de leur

Des Femmes novatrices

sexualité “non-africaine”. La première rencontre s’est Toutes ces pratiques nous rappellent

produite en Août 2009, lors d’une

comment le corp et plus spéciale-

exposition intitulée Innovative

ment le corp des femmes , marque les frontières entre les communautés. C’est dans les espaces ou lors de moments

Nandipha Mntambo, The Rape of Europa, 2009 Courtesy of the artist and Stevenson Gallery Photographic composite: Tony Meintjes

Women. (Femmes novatrices) Cette exposition était financée par le gouvernement à l’occasion du National

crées par des hommes et des femmes

personne non définie par son ethnie,

Women’s Day (La journée de la Femme)

pour défier ces frontières que l’ont voit le

sa race ou son genre. Dans la réalité,

un jour férié en Afrique du Sud, qui com-

plus de menaces et d’actions politiques.

cependant, la différence et les droits sont

mémore la participation des femmes à la

L’Etudiante Pumla Dineo Gqola pense que

actuellement configurés autour du genre

libération du pays; L’exposition devait être

l’ont trouve la forme la plus transgressive

et de la race. L’angoisse provoquée par

ouverte par la Ministre des Femmes, de

de féminisme dans les réseaux créatifs

l’exclusion économique et la fragmenta-

la jeunesse et des personnes à handicap (

à l’intérieur desquels les femmes noires

tion sociale a trouvé une expression dans

Minister of Women, Youth and People with

montrent leur indépendance, ce qu’elles

la violence masculine, dans laquelle les

Disabilities) Lulu Xingwana. Cependant, la

48


Ministre est entrée, à regardé rapidement

Nandipha Mntambo) La notion de viol

d’affirmer la place de la famille hétéro-

les photographies et est repartie aussitôt.

sur soi même banalise ce fléau qu’est

sexuelle patriarcale, considérée comme

Elle a pu voir à ce moment là une séléc-

le viol” (Van Wyk, 2010). Elle a égale-

étant la norme dans les familles noires (

tion d’images de la photographe Zanele

ment continué en se réfugiant derrière

en dépit des recherches sociologiques qui

Muholi et de l’artiste Nandipha Mntambo.

la protection infantile contre la pornog-

prouvent le contraire). En effet, pour elle

Les images de Zanele Muholi montraient

raphie“ Ma réaction était en réponse au

l’exposition était pariculièrement nuisible

des couples de femmes nus et à moitié nus

fait que certaines des oeuvres n’était pas

car elle représentait des femmes noires en

qui s’enlacent; dans une autre exposition

visibles par tous et en famille. Je pense

dehors du cadre normatif de la commauté

elle s’est intéressée cette fois à la violence

que ce que j’ai vu n’était pas de l’art mais

noire. Elle aurait voulu faire disparaître la

chez les couples hétérosexuels - par

des représentations fausses des femmes

sexualité et le sexe et particulièrement le

exemple, la violence qui résulte / accompa-

(balnches ou noires) déguisés en oeuvres

désire sexuel déplacé, la violence et le mal,

gne les relations sexuelles.

d’art plutôt que des oeuvres qui ont pour

en réinstallant le discours normal et con-

but de questionner ou interroger...Ce

forme de la ”bonne” femme noire.(prête à

Nandipha Mntambo quant à elle pro-

genre d’oeuvres contribuent à créer des

servir sa famille à tout moment)

pose avec Rape of Europa une oeuvre

stéréotypes sur les femmes noires...et nous

hautement symbolique dans laquelle elle

avons des lois dans ce pays qui protègent

Si l’on analyse cette performance pub-

s’identifie au mythe Grec du minotaure

les enfants contre l’exposition aux images

lique de la protectrice de l’égalité entre les

et de la jeune fille. L’oeuvre de Nandipha

pornographiques” (Van Wyk, 2010).

genres (puisque c’est ce que représente

Mntambo traite de la dualité entre

la Ministre en charge des affaires

combattre et protéger, la vie publique

des femmes), on se rend compte à

et l’intimité – et représente en même

quel point son rôle est ici d’affirmer

temps la force et la vulnérabilité.

autant l’hétérosexualité que la vision idéologique de la Femme en tant

La Ministre Xingwana a été offencé par

que Mère avant tout. L’impossibilité

le caractère pornographique de ces

pour la Ministre Xingwana de

images, qu’elle a qualifié d’“‘immorales

comprendre en quoi les oeuvres de

et qui vont contre les intérets de notre

Zanele Muholi et Nandipha Mnt-

nation” (Van Wyk, 2010). L’exposition

ambo perturbent les certitudes sur

était sans doute troublante pour ceux

les identités attachées au patriarcat

pour qui la démocratie va de pair avec

hétéronormatif révèle les limites du

l’intégration des femmes au gouverne-

féminisme de l’Etat qui n’est pas en

ment. Cette démocratie n’accepte donc

lien avec la compléxité de la réalité

pas ceux qui choissisent de vivre en dehors des formes normées de genre,

Nandipha Mntambo, Narcissus, 2009, Courtesy of the artist and Stevenson Gallery Photographic composite: Tony Meintjes

qui suggèrent que les femmes puissent

de notre société. The Spear (La lance)

avoir plusieurs identités,et qui présentent

Et voici donc comment les grands discours

les femmes avec une sexualité affirmée ou

sur l’égalité sont concilliés avec les fonde-

Mais tous les corps n’évoquent pas le

qui représentent la sexualité des femmes-

ments conservateurs de la nation et la

même niveau d’intéret. En Mai 2012, une

car cela trouble la nation. Pour sa défense,

cohésion sociale. Le devoir des Femmes,

exposition de Brett Murray, intitulée Hail

la Ministre Xingwana a expliqué “ j’ai été

vues par la Ministre Xingwana, est de

to the Thief II (tempête sur les voleurs 2)

particulièrement choquée par l’image

protéger les enfants de l’immoralité, de

ouvre dans une gallerie renommée du

inttitulée “Self-Rape” ( auto-agression de

la nudité et de l’intimité, et par extension,

quartier hupé de Rosebank à Johannes-

49


burg. Après quelques jours cependant,

L’art et la politique se sont ici rencontrés

de la nation / the spear of nation). Dans son

la galerie devient soudain le centre d’une

dans un clash intense qui a personnalisé

portait de Zuma comme leader phallique,

tempête politique à propos de l’art , de

toute les tensions d’un pays, allant tant

l’oeuvre fait irrémédiablement allusion à la

la culture et du droit à la dignité. L’oeuvre

bien que mal vers une démocratie tant idé-

vie sexuelle du Président, qui a été accusé

montre le Président sud-africain Jacob

alisée. Ce qui était dit était aussi important

puis innocenté de viol en 2006, qui s’est

Zuma (membre du parti de l’ANC African

que qui l’avait dit et le débat a finalement

marié de nombreuses fois, a enfanté envi-

National Congress et parti de Mandela) de

été beaucoup plus loin que la préserva-

ron 19 enfants dont deux au moins ont été

1m85, dans une glorieuse posture révolu-

tion de la dignité du Président ou bien

conçus en dehors de ses mariages.

tionnaire, pénis à l’air.

même du mérite artistique de la peinture.

Sans ambiguité, Brett Murray montre la

Pour beaucoup de gens qui ont participés

relation continuelle que la virilité mascu-

En 10 jours, le Président à eu le temps

au débat, La démocratie elle même était

line et le pouvoir politique jouent sur la

d’appeler la galerie pour qu’elle décroche

en jeu . Plus précisément dans le débat

critique générale des politiques masculines

l’oeuvre et de les poursuivre pour avoir

public, on pouvait relever une angoisse

et plus particulièrement celle du Président

refuser de le faire. L’ANC demande alors

terrible sur deux aspect de la démocratie:

Zuma (hetero et patriarcal qui fait figure en

à ces partisans de manifester pour que

Le premier, était de savoir si la constitu-

Afrique du Sud).

la court entende la demande de Zuma,

tion très ouverte de l’Afrique du Sud serait

les propriétaires de la Galerie recoivent

remise en cause par un mouvement

L’oeuvre fait le lien entre le pouvoir sexuel

également des menaces de mort, et à

conservateur. Le deuxième, en lien avec le

et politique et en faisant cela elle fait le

un moment donné, dans la confusion

sentiment de citoyenneté: qui est sud-

lien entre intimité et performance mas-

générale, 2 hommes réussissent à passer

africain, qui a le droit de critiquer l’Afrique

culine dans l’espace public. L’oeuvre et

à travers la sécurité réputée de la galerie

du Sud et qui est un citoyen authentic.

par extension l’exposition entière paro-

pour répendre de la peinture rouge et noir sur le “Spear”.

die les prétentions du pouvoir. Dans la Pour quelques feministes, cette polémique

représentation du Président habillé c’est

a aussi soulevée une troisième question: la

son pénis qui domine; dans la parodie de

Le mardi suivant, l’ANC organise une

nature sexuée du pouvoir, les implications

l’oeuvre c’est plutôt l’égo surdimensionné

marche de protestation jusqu’à la galerie à

que peut avoir une politique masculine

du politicien qui invite le spectateur à la

laquelle beaucoup de politiciens influent

sur le sentiment de citoyenneté feminin,

moquerie. L’artiste nous apporte ici une

de l’ANC participent. La Women’s league

et plus particulièrement comment nous

vision courageuse et sort de l’hypocrisie

(la ligue pour les femmes) portent leur

devons comprendre les conséquences

politique.

uniforme et vendent à manger , les vété-

de l’association du pouvoir politique et la

rans du Umhkonto we Sizwe ( les fers de

masculinité.

lance de la nation était la branche militaire

En créant cet oeuvre, Brett Murray commente de manière explicite la

du Congrès national africain d’Afrique

L’exposition de Brett Murray présentait

personnification de Zuma en tant que

du Sud qui agissait en collaboration avec

également des oeuvres montrant l’ANC à

figure de l’effondrement de la téléologie

le parti communiste d’Afrique du Sud con-

vendre puis vendu, attirants l’attention sur

démocratique, comme le rêve qui tourne

tre le régime d’apartheid ) marchant au

la corruption et l’autoritarisme, ainsi que

au cauchemar. Et une part de cet effon-

pas . Ce carnaval politique montre bien à

sur la masculinité et le pouvoir politique.

drement est du à sa vie sexuelle qui a

quel point cette marche était orientée sur

The Spear est elle-même une référence

constamment été mise en avant dans le

la défense de la dignité du Président et

à un poster soviétique représentant

débat public.

l’omniprésence du racisme en Afrique du

Lénine en 1967 et au langage de l’ANC (en

Sud.

référence à la branche militaire appelée

Les récations face à cette oeuvre étaient

Umkhonto we Sizwe ou les fers de lance

très différentes, du commentaire sur ce

50


qui était autorisé dans l’art satirique, aux

gérées dans la sphère publique?Par exten-

séparateur entre l’identité raciale et celle

plaintes sur son supposé caractère por-

sion, la lecture des oeuvres de Nandipha

du genre. Achille Mbembe, (théoricien

nographique, la longue tradition de la

Mtanbo, Zanele Muholi and Brett Murray

camerounai qui a beaucoup travaillé

nudité masculine dans l’art et la nudité

comme humiliation du corps noir, a con-

sur l’oeuvre de Frantz Fanon), nous fait

dans la shpère publique en général, qui

tribué à développer le débat à un niveau

remarquer les liens entre race, patriarcat

pouvaient représenter les questionne-

qui va bien au delà de la politique. En cela

et privilèges. Il suggère que ce qui est en

ments d’une démocratie. D’un côté nous

je veux dire que cela a permis de mettre à

jeu dans le carnaval politique qu’a crée

pouvions trouver des explications du pour

jour la loyauté raciale et politique et a donc

l’oeuvre (The spear) c’est justement le

ou contre cette exposition basées sur des

rendu ce débat faussé. Et cela en trois

patriarcat. “Beaucoup de jeunes hommes,

tensions entre les notions traditionnelles

points:

et plus particulièrement de pauvres jeunes

et modernes de respect de l’autorité et de

Premièrement, la substitution du phallus

hommes, ne profites plus aujourd’hui des

l’ancienneté en politique. En ce qui con-

par la couleur de peau a rendu invisible le

privilèges qu’offrait autrefois la patriarcat. Il

cerne ces critiques, qui prônaient le retrait

débat sur la violence de la masculinité du

y a aujourd’hui, plus que jamais une redis-

de l’oeuvre, l’artiste était le parfait exemple

pouvoir qui est évident dans l’oeuvre de

tribution inégalitaire des dividendes de la

du racisme des blancs et du dénigrement

Brett Murray.

masculinité. Les luttes pour avoir accès aux

du corp masculin noir. Leur critique était

Deuxièmement, la réapparition de la

femmes sont accentuées par des nombres

basée sur la dignité comme valeur fonda-

blessure coloniale dans The Spear a ouvert

incroyable de viols et par diverses formes

mentale de la démocratie sud-africaine.

un argument familier de nationalisme qui

de violences sexuelles. Dans ce contexte,

associe un seul parti à l’intéret de tous. De

le Président Jacob Zuma représente, dans

De l’autre côté, de nombreux intellec-

plus, le Président représentant ici l’ANC

les yeux de beaucoup de jeunes hom-

tuels ont soulignés le droit des citoyens à

et l’ANC représentant le peuple, alors le

mes, le symbol de l’homme avec un grand

critiquer le pouvoir en place. L’irrespect,

Président incarne ici le peuple .

H impliqué dans la capitalisation et la

comme forme de critique du pouvoir ou la

Troisièmement, la représentation du corp

monopolisation des ressources nécessaires

dissidence envers les normes convention-

des femmes en dehors du cadre hété-

au partriracat pour pouvoir se reproduire.”

nelles, comme élément crucial de la sphère

ronormé et maternaliste présentée par

publique.

Mntambo et Muholi, a été perçue comme

Mbembe remarque ici parfaitement à

une insulte des conventions nationalistes

quel point la virilité et le droit sur le corp

Cependant une vision qui se contenter-

sud-africaines. Les corps nus de femmes

féminin sont des marques de pouvoir dans

ait seulement de revendiquer la liberté

noires étaient en eux-mêmes “bruts et por-

l’Afrique du Sud contemporaine. Dans

d’expression ne nous permettrait pas

nographiques” car ils violaient les codes de

cette lecture, le corp des femmes devient

de comprendre le coeur du débat ni

l’intimité.

le terrain d’une bataille patriarcale entre

pourquoi ce débat a eu autant de réper-

La réaction du gouvernement et du parti

les jeunes hommes et les vieux patriarches

cussions sur les Sud’Africains et même

au pouvoir a donc été d’exclure ces artistes

politiciens. Nous pourrions étendre cet

sur ceux qui ne font pas parti du public

de la communauté.

argument pour montrer à quel point le

habituel des galeries d’art.

En effet, lorsque l’on critique l’ANC (que la

paradigme patriarcal dépend de l’idée que

critique vienne d’un artiste blanc ou d’une

le corp des femmes sert seulement à se

Il est clair que de mettre en surface les

artiste militante noire), on se positione en

reproduire, qu’il doit donc être caché du

angoisses les plus profondes de l’ordre

dehors de la nation. La conséquence est

public et qui ne doit émettre aucun signe

social post apartheid à contribué par

clair: l’artiste ne fait alors plus parti de la

de sexualité ou d’autonomie. Comme le

extension à prouver que la division raciale

nation.

dit Anne McClintock, dans ce paradigme

reste très présente.

Lors de ces débats sur les oeuvres d’art,

la capacité d’action des femmes doit être

Mais comment ces angoisses sont -elles

la race a été utilisée comme élément

désigné, une action à laquelle on par-

51


ticipe ‘sur invitation seulement’. Et l’on

dans l’exposition ‘Innovative Women’ nous

se retrouve alors avec des mécanismes

donnent à penser sur la nature du pouvoir.

comme ceux des quotas dans la sphère

Cela lance le débat sur qui peut dire quoi

formelle publique, et non dans une partici-

et comment. Mais plus important encore,

pation comme critique déstabilisante.

le débat invite à considérer -particulièrement- quelle femme peut parler, qu’est ce

A travers ces fermetures d’esprits, qui

qu’elles sont autorisé à dire et quand.

impliquent la restauration de la distinction binaire et primaire entre noirs et blancs et entre homme et femme, “la nation -Etat restera l’entrepot des espoirs masculins, des aspirations masculines et des privilèges masculins”. Une lecture alternative des oeuvres de Muholi et Mntambo en particulier, pourrait révéler les manières par lesquelles les femmes noires ont aujourd’hui négocié les frontières du pouvoir racial et patriarcal, par la résisance ou par l’adaptation ou par l’élaboration de stratégies. Cela pourrait montrer qu’il n’y a pas une seule identité noire unifiée (qui a cependant été utile autrefois pour lutter contre le régime de l’apartheid) mais qui représenterait plutôt un engagement hétérogène réaliste. (Gqola, 2010: 34). La représentation bestiale du Président dans l’oeuvre de Brett Murray montre le pouvoir politique comme phallique et monolithique/ homogène. Les Femmes ne sont pas représentées dans cette oeuvre et n’ont également pas fait parti du débat qu’elle a sucité. Mais les artistes comme Murray, Muholi et Mntambo sont les déclencheurs d’autres débats à venir sur les subjectivités incarnées. Leurs images cassent le récit triomphaliste de la nouvelle Afrique du Sud, et troublent les solidarités bien ordonnés de races ou de classes. La race, le genre et la sexualité sont interconnectés dans la formation des subjectivités et The Spear ou les oeuvres présentes

52

Cette démocratie n’accepte donc pas ceux qui choisissent de vivre en dehors des formes normées de genre, ceux qui suggèrent que les femmes puissent avoir plusieurs identités ...


Esther Ferrer temps, espace et presence, la structure du regard Par Louisa Babari

ESTHER FERRER est née à San Sebastián, (Espagne) en 1937. Elle est connue pour son oeuvre plastique et pour ses performances, seule ou au sein du groupe espagnol ZAJ*, formé en 1964 et dissous en 1997. Son travail s’est toujours davantage orienté vers l’art/action, pratique éphémère, que vers l’art/production. Dans l’Espagne de début des années 60, elle fonde avec le peintre José Antonio Sistiaga, le premier Atelier de Libre Expression. À partir des années 70, elle consacre une partie de son activité aux arts plastiques : photographies retravaillées, installations, tableaux basés sur la série des nombres premiers, objets. En 1999, elle représente l’Espagne à la Biennale de Venise et en 2009, elle reçoit le Prix National des Arts Plastiques d’Espagne, le Prix Gure Artea du Gouvernement Basque en 2012 et le prix du 53

MAV (Association National des Mujeres en las artes visuales) en 2014. Ses performances font le tour de l’Europe, de l’Asie et des Amériques et notamment des États-Unis, où le Groupe ZAJ réalisa une tournée de deux mois en 1973. Esther Ferrer est aussi l’auteur de deux oeuvres radiophoniques pour Radio National d’España. Elle a d o n né d es séminaires sur la performance dans des universités et Ecoles des Beaux Arts en Espagne, France, Italie, Canada, en Suisse

et au Mexique. En 2014, le MAC VAL lui consacre une rétrospective intitulée Esther Ferrer: “Face B. Image / autoprortrait” (15 février -13 juillet 2014)

Métamorphose (ou L’Evolution), A partir de 2005. Série « Le livre des têtes ». Photographie couleur, montage digital.


AFRIKADAA: Une question pour aborder la génèse de votre pratique artistique avec le corps: comment le corps devient -il le médium de l’artiste? Esther Ferrer: Je suis rentrée dans le monde de l’Action, que l’on appelle aujourd’hui Performance, dans lequel la présence est quelque chose de vraiment important et où cette présence passe forcément par le corps, ton propre corps. Je suis rentrée dans ce monde un peu par hasard. Je ne connaissais pas beaucoup le monde de l’Action. Un jour, quelqu’un m’a dit: “J’ ai des amis qui font des choses très bizarres et qui ont besoin d’une femme, pourrais tu les rencontrer ?”. Il ne pouvait m’en dire plus. C’était le groupe ZAJ*. Ils sont venus à San Sébastien et nous avons fait cette première action au Musée de San Telmo puis ils m’ont demandé de continuer à travailler avec eux. Je me suis lancée à inventer mes propres actions. C’était en 1967 et mai 68 était à nos portes. A cette époque, commençait la revendication des femmes, la lutte de “ Notre corps nous appartient “, un combat qui voulait donner une image complètement différentes des stéréotypes esthétiques, sociaux et familiaux de l’époque. Comme beaucoup d’autres femmes, j’avais commencé à travailler avec mon corps, et à cette époque, mon travail était fondamentalement tourné vers l’action donc sur mon corps. Je voulais faire un travail pas uniquement de performance, mais dire que j’avais un corps qui ne correspondait pas aux stéréotypes esthétiques et commencer un travail à partir de ce postulat. J’ai commencé à travailler avec ma tête, mon sexe, ce qui me paraissaient le plus représentatif, en pen-

54

sant continuer avec les pieds, les mains. J’ai fait des photos de ma tête, de mon sexe. Ce n’est pas que je voulais le faire au départ avec mon propre corps, mais je ne pouvais pas le faire avec un modèle, ne pouvant le payer. Je voulais un corps de tous les jours, qui travaille, qui mange, qui se promène. Alors j’ai commencé avec mon propre corps, ce qui était pour diverses raisons, la bonne solution. Je courais le risque d’être critiquée pour l’aspect narcissique de la chose, alors que je n’avais aucune prétention en tête. L’idée était de travailler avec un visage, un sexe, une main, un pied dont j’avais besoin pour véhiculer l’idée. Ca aurait pu être le tien ou celui d’un autre. Le modèle le plus disponible, le plus facile et le plus adaptable, c’était moi même. C’était aussi un moment où l’on faisait une exaltation du corps. Se mettre à poil n’était pas un truc héroïque mais plutôt courant. J’ai commencé à faire des performances toujours habillée normalement mais avec une forte présence de mon corps. De ma présence. Je définis toujours le monde de l’Action comme un art qui se développe, dans le temps, dans l’espace et dans la présence. Ce sont les trois éléments fondamentaux de l’Action, la matière première de mon travail. Il y a le parallèle de l’Action en elle-même et le travail plastique sur le corps. Dans le cadre de la lutte des femmes, c’était très important de s’affirmer dans ce travail et de dire “Je ne corresponds pas à cette esthétique, j’ai le droit de montrer mon corps et de donner l’image que je veux donner et pas celle que les autres veulent que je donne “.

AFRIKADAA: A cette époque de transition sociétale en Europe, vous dîtes

qu’il était fréquent de se mettre nu dans le monde de l’Action, est - ce que le fait d’appartenir au mouvement ZAJ facilitait cette pratique, qui était en porte à faux avec les valeurs traditionnalistes de Espagne franquiste? EF: On ne se mettait pas à poil en Espagne à l’époque. On n’avait pas besoin de se mettre à poil pour provoquer un scandale. En 1967, on a fait des performances à Bilbao, dans le pays basque, en faisant une action qui s’appelait “ Hommage au Greco” et nous étions parfaitement habillés. Juan, l’un des membres du groupe, mettait à un moment donné sa main sur ma poitrine, d’un geste, d’une certaine façon, asexué, à la manière des chevaliers. On ne pouvait imaginer pire scandale et un article de la presse me traitait de prostituée. C’était intéressant, car en Espagne, il y avait une image du corps. Dans ce pays catholique qui avait vécu une guerre civile terrible, dans lequel tout le monde s’habillait en gris, en noir. Nous vivions un peu dans la grisaille. Affirmer ma présence, la présence de mon corps était suffisant pour créer aux yeux de certains une surprise et pour d’autres, une revendication politique. Nous étions considérés comme des fous furieux même par les gens qui venaient nous voir. Avec cette esthétique, les gens réalisaient que nous ne pouvions être franquistes. C’était très gratifiant, malgré le fait qu’ils riaient de nous. Sans parler de l’art officiel pour lequel heureusement, nous n’existions pas du tout.

AFRIKADAA: Vous avez cité la rencontre avec le Groupe ZAJ, en racontant qu’ils avaient eu besoin d’une femme. C’était donc un collectif d’hommes ? EF: Oui, uniquement des hommes, tous


musiciens avec un écrivain parmi eux.

quand j’ai commencé à être féministe.

J’ai été habituée à vivre dans le monde

Je suis féministe depuis toujours. Ma

artistique avec des hommes. Je ne me

façon de penser déteint sur tout ce que

rendais même pas compte que j’étais la

je fais. C’est évident que pratiquer le

seule femme. C’est juste, bien plus tard,

monde de l’Action permet d’exprimer

qu’un journaliste m’a demandé: mais

certaines analyses féministes. L’Action a

pourquoi voulaient-ils une femme? Je

pu continuer à véhiculer des contenus

ne m’étais jamais posée la question.

que l’on nomme féministes qui ne sont

En étant féministe comme je le suis,

en réalité que des désirs de liberté. Je

depuis toujours, je ne me suis jamais

suis persuadée que dans le monde

posée la question. Aujourd’hui, je pense

artistique, le monde de l’Action a permit

qu’ils pensaient offrir une ouverture

de clarifier et d’exprimer cette pensée

aux femmes, étant un groupe exclu-

féministe.

sivement masculin. A la fin des années 60, nous n’étions plus que trois: deux hommes et une femme, moi. Faire de l’Action, en Espagne à cette époque, sous entendait une marginalisation artistique. Nous ne voulions pas non plus

“ Como una cancion “. Esther Ferrer. Museo Vostel de Malpartida de Caceres (Espana ) 1983 Photo: Concha Jerez

AFRIKADAA: Pour revenir au coeur de votre pratique artistique, comment coexistent au sein de la performance l’expérience intime et personnelle et la distance que produit la conceptualisation de l’oeuvre?

nous intégrer de quelque façon que ce soit

de l’égalité entre hommes et femmes sera

au monde artistique franquiste.

réglé, nous pourrons apprécier la lutte

EF: Le monde de l’Action doit comporter

féministe des femmes dans le monde

un concept, je le dis et je le répète.

de l’art et ceci au delà de l’introduction

Je préfère parler à l’intelligence qu’à

massive des femmes dans ce monde. Il y

l’émotivité. Quand je fais une action, mon

a certes, aujourd’hui davantage d’artistes

intention est de ne jamais provoquer

femmes. Mais je parle aussi du contenu, de

une envie de pleurer ou de rire, cela ne

l’évolution et de la transformation des pra-

m’intéresse pas. Mais en effet, tout cela

tiques artistiques. Je parle non seulement

passe par mon corps qui est mon terrain

des artistes mais également des critiques,

intime et personnel. C’est pourquoi, j’ai

universitaires, commissaires d’exposition

réalisé une performance qui s’intitule “

et institutions. Et ceci malgré le fait, qu’ils

Intime et personnel” avec laquelle, l’on

n’aient pas encore acquis une approche

peut faire beaucoup de lectures. Celles que

aussi libre que l’on pourrait le désirer.

l’on veut car je dis souvent que toutes les

AFRIKADAA: Est ce que le fait de pratiquer la Performance, en tant qu’artiste - femme, a permis de changer le statut des femmes artistes? EF: Je suis absolument convaincue que le féminisme et la lutte féministe ont changé énormément de choses. Pas seulement le statut des femmes dans le monde de l’art mais le contenu de l’art lui-même. Ils ont introduit dans le monde de l’art une nouvelle problématique, renouvelé et contesté la problématique existante, et du point de vue de la pratique et de la technique pour ainsi dire. Beaucoup d’activités spécifiquement féminines, c’est à dire dans le pire des sens, réservées aux femmes et à la maison, ont été introduites par les femmes artistes comme un geste technique et artistique dans la peinture et dans toutes les autres manifestations de l’art. Quand le problème

55

AFRIKADAA: Finalement le féminisme et l’action performative sont-ils deux mouvements qui ont évolué de manière parallèle, ou peut-on dire que l’un a été antérieur à l’autre dans votre pratique artistique?

interprétations sont valables y compris la mienne! C’est là que je fais cette jonction, cette union entre le concept et la présence physique de ce corps qui peut faire dire aux gens “ Elle est belle, elle n’est pas belle, elle est idiote, qu’est ce qu’elle est entrain de faire? Comment ose t-elle porter ce

EF: Le mouvement féministe a débuté au

corps” etc. Tout cet aspect pathos, affectif

XIX avec les suffragettes. Je ne sais pas

et non affectif, émotionnel et non émo-


tionnel. Je fais donc la jonction entre un

ne pas le faire parce que ça va réveiller

qui a un livre sur la tête. Selon mon inter-

aspect revendicatif qui est de dire que je

des sentiments. Mais, je ne le fais pas pour

prétation, elle regarde le fou se faire rouler.

ne suis pas parfaite et je peux le montrer

provoquer des émotions aux autres. Je

J’ai fait un jour, une performance qui

et un autre aspect qui est de dire que c’est

le fais simplement pour libérer quelque

s’appelle “ Las cosas “. Sans me rappeler de

un corps de tous les jours, fait d’émotions,

chose en moi.

l’oeuvre Bosch, j’utilise toujours un livre, un

de joie et de tristesse. Quand je pense à une oeuvre, je ne pense pas aux émotions que cela peut réveiller mais si c’est le cas, je n’empêche rien non plus. En 1984, j’ai fait une performance à Saint Sebastien et en sortant, quelqu’un m’a dit avoir presque pleuré d’émotion. Cette oeuvre s’appelait “ Musique pendant que tu travailles “. C’était un programme de radio où l’on mettait de la musique pour les gens qui travaillaient. J’avais choisi un morceau de tango de Carlos Gardel. J’ai alors compris que ma jonction entre le travail conceptuel et cette musique avait fait un amalgame qui avait réveillé des émotions chez les gens et qui n’était pas dans mon intention. Je ne refuse pas ce processus mais après cette expérience, je n’ai plus jamais employé cette musique dans mon travail. Tout le monde était content d’avoir passé ce moment d’émotion, mais merde, je ne voulais pas de ça! Je n’ai jamais voulu “faire beau” ou réveiller des émotions. Je ne cherche pas à faire rire non plus. Dans la performance “Parler pour marcher ou marcher pour parler”, j’improvise, je

AFRIKADAA: La série qui s’intitule “ Le livre des têtes “ est une série d’autoportraits de visage, pourquoi ce titre? Esther Ferrer: Tous les autoportraits, je n’avais, d’ailleurs, aucune intention de faire des autoportraits mais c’était le plus facile à faire, s’appellent “ Livre “. Pour moi, chaque photo est comme une page. Les autoportraits avec le sexe s’intitulent “Livre du sexe”, avec la main, ils s’appellent “ Livre des mains”. Bien que cela ne soit pas un livre, puisqu’il y a un support en verre pour les mains. J’aime beaucoup Jérome Bosch et l’un de ses tableaux, “ L’extraction de la pierre de la folie” est au Musée du Prado. Je l’ai vu quand j’étais adolescente et je l’ai adoré. Dans ce tableau, il y a un fou dans une foire qui a une pierre dans la tête et quelqu’un, est en train de lui extraire. Ce type là, porte un entonoir sur la tête et à ses côtés se tient une espèce de moine qui tient des sacs d’argent. En face, il y a une petite vieille, accoudée à une petite table,

pavé (j’ai utilisé beaucoup de pavés dans mon travail, en mémoire de mai 1968) et un entonoir que je mets sur ma tête. Alors que je devais donner une conférence en relation avec cette pièce, je me suis tout d’un coup rendue compte du lien avec le tableau de Bosch. C’est pour cela, que j’ai réalisé cette photo en hommage à Jérome Bosch, en prenant la pierre, le livre et en les mettant sur ma tête. Les influences sont là, sans que tu en aies forcément conscience. J’ai vu le tableau pendant mon adolescence puis réalisé cette performance et fait la photo. En évoquant l’autoportrait, et notamment dans la série des “ Métamorphoses ou l’évolution” dans laquelle ma tête devient une trompe d’éléphant (j’aime beaucoup lire les revues scientifiques, notamment sur le thème de l’évolution), j’ai lu qu’un scientifique se posait la question de savoir si la trompe de l’éléphant était une anomalie de l’évolution et que pouvait-elle donner si elle se reproduisait chez l’homme. Cela m’amuse d’aborder des questions scientifiques, cela correspond à mes

parle de ce que je veux. Je peux faire rire

préoccupations et

les gens, mais je ne le prépare pas, je ne

c’est aussi ancré

l’élude pas dans le monde de l’art.

dans mon quoti-

En ce qui concerne la pièce “ L’artiste et la

dien. Mon travail

mort”, je pense à la mort comme tout le

photographique

monde. J’ai fait cette pièce en pensant à

implique la

ma propre mort. Cette photo peut engen-

présence physique

drer une émotion chez quelqu’un qui a

du corps. Si je

eu un malheur dans sa famille et qui peut

n’avais pas fait tant

projeter ses émotions, ses sentiments ou

de performances,

sa tristesse. Je ne veux pas me castrer et

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Intime et Personnel – Festival : Dance - Performance Nouvelles – FRAC Alsace-Pole-Sud – Strasbourg (Francia) - 2012 (Performeurs: Esther Ferrer et Androa MIndre Kolo) - Photo: Festival.

je n’aurais peut-être


pas tant développé le travail de l’autoportrait. Il y a une relation fondamentalement directe avec le corps, le corps des femmes et la façon de le traiter. * Le groupe ZAJ fût creé en 1964 à Madrid par les compositeurs Walter Marchetti, Ramon Barce et Juan Hidalgo et fit participer différents artistes de l’avant-garde. A partir de 1967, et jusqu’à sa dissolution en 1997, le groupe ne réunit plus que trois artistes parmi lesquels Walter Marchetti, Esther Ferrer (intégrée à ZAJ en 1967), et Juan Hidalgo. En 1973, John Cage organise, pour le groupe, une importante tournée aux Etats-Unis.

A droite : Portrait de Esther Ferrer par Alexandre Gouzou

57


Wangechi Mutu by Deborah Willis:

Exploration of the female body and identity © BOMB Magazine Within the framework of our issue concerning the body, we wish to highlight the work of the talented artist Wangechi Mutu. Born in Nairobi, Kenya, in 1972, she received a BFA at the Cooper Union and later received an MFA from Yale University in 2000. Her work has been featured in solo exhibitions at institutions all around the world. Wangechi Mutu expresses herself through a variety of mediums, including video, installation, and sculpture. However, she is best known for her large-scale collages on Mylar. She gives us her interpretation of the female body’s role in our society through hybrid creatures made by a combination of machine, animal, human, and monster parts. In this BOMB Oral History Project, she is interviewed by Deborah Willis, who 58

is an African-American artist, photographer, curator, and educator. Ms. Willis is currently Chair of the Department of Photography and Imaging at Tisch School of the Arts at New York University. Her writing and artwork focuses on the black female body. In this discussion, Deborah Willis hopes “to introduce new readings of how her (Wanagechi Mutu’s) work is viewed, consumed, collected, appreciated, and critiqued”. Deborah Willis Tuesday, September 24,2013 and we are here in Brooklyn at Wangechi Mutu’s studio in BedfordStuyvestant. Wangechi Mutu has been a special person in my life since 1994, and I really appreciate the opportunity to work

Déborah willis

little nerve-wracking and wonderful. It’s everything that I dreamed would happen eventually, that we’d have this conversation. I was born in Nairobi, the capital of Kenya, in Nairobi Hospital, the second born in a family of four, and I was raised

with and learn more about Wangechi.

in Kenya. I went to nursery, primary, and

So, the first question: Where were you born?

vent Msongari, and then I left when I was

Wangechi Mutu I have to say that I’ve been

Atlantic in Wales. But I feel like my brain,

a massive admirer of your work, so this is a

my consciousness, was built and formed in

secondary school in Nairobi at Loreto Con17 to go to the United World College of the


Kenya, and I’m Kenyan in heart. […]

DW ...There is a lot of texture in your works, particularly on the bodies of your subjects. WM There is nothing more insanely visually interesting and repulsive than a body infected with tropical disease; these are diseases that grow and fester and become larger than the being that they have infected, almost. It’s different from temperate diseases, which seem to happen inside of the body. Tropical diseases—elephan-

the mechanism with which I was able to

Fred Wilson, like “Mining the Museum,” or

move my mind around all of these issues

around the powerful, explosive, radical sil-

of otherness, of transplanted-ness as a

houettes of Kara Walker that I was involved

young woman, my blackness as an African-

in and witness to, was so important.

raised black woman in New York City. It

But I also am obsessed with the body. It

became crucial to me to use it as a pivot,

wasn’t given to me; it was something I

you know? But then I realized that it’s also

came with by being athletic and having a

a trap. There’s something about the body

fascination with dress/costume as a way

that confines us, that disables us, and that

to mutate. I think about the relationship

prevents us from being immaterial, being

between the femaleness of my body

invisible, being all of these things that

and society’s perception and expectation with me. I

tiasis, polio, and worms that grow in

get how the body

people—create new worlds and universes

can be dressed up

on your body. That’s what has always fas-

or masked. One

cinated me. And of course, when you have

can masquerade,

these books on tropical diseases, you don’t

and the body is a

find the most moderate example. They

structure, an infra-

give the most extreme patient, that’s who’s

structure—kind

in there, with the goiter hanging down

of like a shell that

to their knees; it’s craziness. But I used to

can move around

look at these things, and as much as I was

and create differ-

disgusted by them, I was like, “Oh, oh, turn

ent reactions, for

the page, next one, all of them!” […]

whatever reason, to empower yourself,

DW ...I notice that the body, when you talk about race and the figure, was important in your understanding the energy of this time period. Did you have ideas about looking at the body in a different way as a result of this political and cultural energy, or was it rooted in your earlier experiences in Kenya? WM I think that I was witnessing how

or, as I said, to disappear or transform […]

Family Tree

the body is politicized in art. I was always interested in the power of the body, both

maybe you want to be, because maybe

as an image and as an actual mechanism

you don’t want to stand out. I don’t stand

through which we exist and find out who

out in Kenya. I’m just another Kenyan

we are. I was interested in what goes on

woman. But here, depending on where I

inside, but also what people see you as.

am, I’m that girl, that Kenyan, black…what-

I was also looking at the history of the

ever. So I realized what this body meant,

body, questioning issues of representa-

at that moment, and that the discussion

tion and perception. The body became

around the institutional critique of work by

59

DW What type of work was people looking at? You said that you were robust, or making a lot of work.

WM Around 2002, I began making a lot of work on Mylar—collage works, always focused on these subjects that were female, somehow transforming into or from cyborgs or chimeras of animal, plant, and human mixtures. These sort of mythological creatures: in poses, in action,


in dance, caught in motion in their worlds.

know the mythologies of what sirens or

that kind of thing. This is the power they

During that period, there was a lot of use

mermaids do elsewhere, but in our part

hold and why I’m fascinated by Nguvas

of fashion magazines and fashion poses

of the world, Nguvas live in the ocean, but

and fascinated by this kind of creature. For

in my work, but they were tweaked and

also come out and pretend not to be sea

me it represents something even more

distorted just enough that you understood

creatures. They trick people. They are able

significant, which is a belief system that

where these imagined figures came from.

to find human weakness and utilize their

actually works and is intact, and is held

These creatures as I’d created them obvi-

power to drown people, to drag men into

together by the people who understand

ously were not something that would ever

the ocean. They’re frightening and power-

that language, and who live within those

be found in their publications of origin. I’ve

ful because sometimes you are unable

parameters and those worlds. And that

since moved into other ways of represent-

to distinguish them from real women.

is, for me, so key, because I think we’re

ing the body, but at that time it was a lot of

In fact, that’s where their power comes

so immersed in this world of one-way of

taking these posed, very fictional females

from, because a weak character might be

thinking, which is often based on West-

and extracting meaning out of them and

convinced by this woman, by her face, her

ern scientific rationality, which I think

squeezing a new discussion

has incredible

into them.

importance and has its place. But

DW So what kind of research do you conduct on these references, these female subjects? Do you use Vogue, or fashion magazines, or National Geographic?

I don’t think it is the be-all-endall knowledge base for everything. I don’t think it’s a way of

WM I do use Vogue a little bit,

understanding

as a place to find the mate-

everything that

rial. I absorb the information

exists around us.

in there pretty quickly; it’s

There are other

not that deep, and it’s all

things. I’m not say-

seasonal. But I do love using

ing that this thing

those magazines: the type of

is real but I am

paper, the type of photography, the scale of bits and pieces in there, the jewelry,

saying that there are other ways of

Wanguechi

understanding

the eyes, the animals are perfectly photographed and printed. When I am tackling a new project, I research things deeply. For example, let’s talk about the present project I’m working

our universe, and features. And then, before you know it,

our world, and our humanity. And we’ve

you’re walking out into the watery wilder-

discounted those things. We’ve—often for

ness and into the water with her.

modernity’s sake, as a race, as humans, as

on, a video work called Nguva. Nguvas—

DW So is it hyper-real, is it dream-like?

water women—as they’re called, in Kenya.

WM You know what, Deborah, we have

Nguvas are female, fish-like creatures.

these agricultural shows in Kenya […]

Sirens, essentially, that have both a ter-

That’s where you can see something like a

restrial and an aquatic existence. I don’t

double-headed calf or a bearded woman,

60

a colonized people, as colonizers, however you want to say it—we have disrupted those ways of thinking because it doesn’t jive with the new logic, with the Enlightenment, with scientific development. But there are ways of thinking that actually


promote another way of being conscious,

because this is an incredibly expensive

and being empathetic, and being human,

piece of equipment and the drops start

and being intellectual that I actually think

coming down, but the rain helped moisten

are worth looking at. Nguvas are actual

everything, which was perfect. I had a

animals, believe it or not […]

rope across the garden, where I’d hung all of these tapestries and curtain fabrics,

DW I wanted to know how you want us to be transformed by your work. But it’s not that you necessarily want us to be transformed. You really want us to experience different points of entry with the world. You stated in an interview with curator and professor, Isolde Brielmaier, that “the body in your work is a point of departure.” Do you still see the body as a shared “space and landscape”? WM Yes […]

even these silks that implied Orientalism, and then I had these fruits. I really wanted to push this idea of the succulent tropical fruit. The eroticism of that was interesting and important to me, but also the indulging of it, the eating, the consumption. This was a stinky fruit by the way, it was this disgusting smell of dirty drawers […] The bride who married a camel

DW Talk about how you constructed the self-portrait, Portrait of the Artist. It looks like you worked on this idea for a long time to build this ideal figure of an artist. Has it been collected by anyone? WM No. Because I didn’t ever position it that way. I was trying to make fun of people who love to exoticize and fantasize about me as this creature from another world.

DW No? I have not seen it other than as a document in a publication and I’m curious why. WM I had this distinct feeling at that time—and I still do—but then I was so, so

Family Tree

bothered and obsessed with the fact that people didn’t quite know how to read me,

with this. So I wanted to create a very, very

and place me, and kept confusing me for

exotic (and, at the same time a bit erotic,

one or two other black female artists, and

without being too stereotypical) image

when they didn’t, it was this other read-

of myself, as this thing, this person. And

ing. So I said, “You know what? I’m going

I wanted to put myself in this world. So I

to take people on a little ride here.” But I

was projecting this tropical environment

never do that in this cocky way, where I’m

that actually was in my back yard. It started

planning to lose anyone. Because I’m in

drizzling. We were using a huge, large-for-

it with them, you know? Let me have fun

mat 8x10 camera, and it was frightening,

61

DW Well, it’s successful, because I feel like I’m panning across and looking through. In the next few minutes, let’s talk about words: icon, beauty, the experience of beauty. I see a sense of empowerment. I thought about Sarah Baartman who was displayed around 19th century Europe like an exhibit. Sarah Baartman, who was also known as the “Hottentot Venus” was one of the early women to come out of Africa; in Europe her genitalia were documented and photographed [as if she were a specimen]. She is still mythologized in many ways. We can imagine imagery from your work connected to that. I’d like to hear you talk about this discussion about that wounded body, the wounded beautiful body of Sarah Baartman that you also reengage us with in the women of the sea—that mermaid, that moment of sheer existence. These two extremes—the imaginary and the real—and then your place in that, for us to imagine that becoming real and three-dimensional. WM The black female body has been violated and revered in very specific ways by the outsider (Europeans especially). The issues that pertain to race: pathologizing


yellowbirdhead-hires-unframed_family tree series

the black mind, exoticizing and fearing

Africanism and the

Grace Jones, and I’ve mentioned this in

beginning of the

other contexts, on a German TV show

worst denials of the

called Pop in Germany that we used to

black female body

watch on Saturdays in Nairobi […]

as a body of grace,

Grace Jones came on with a leopard-skin

power, and ancient

cat suit. That was the first time I’d seen

genes. Racism, deep

her and the first time I’d seen that kind

inside, is a killing of

of costume […] But this was the first time

the original mother;

I’d seen this kind of costume in active use

a murdering of the

and it blew me away. I couldn’t wrap my

people who begot

head around this woman because she was

all mankind. It’s a

certainly performing, but there was some-

perverse yet clear

thing about Grace Jones acting out this

desire to destroy

leopard, feline creature with her butt in the

that female who

air and her tail swishing around—because

you no longer

she had a tail connected to the costume—

desire or feel you

it was like they’d painted this thing on her.

require and value. In

You could see everything and she’s obvi-

the meantime, the

ously got this incredible body. But leopard

body is put to work,

skin is the one animal skin that denotes

devoured, tortured,

power, leadership, often masculine and

broken, mutilated,

male power. So people like Mobutu Sese

and then prepared

Seko wear it […]

for display as an artifact, a totem,

of the black body, objectifying the body

a specimen. Even in this state of contain-

as a specimen, or a sexual machine, or a

ment and capture, our body is valued and

work animal, or relating the black body

worshipped—yet feared and reviled.

to non-human species as a way to justify cruelty… All these are practices that are placed excessively upon the black female body. My personal belief is that deep inside all humans know that our ancestors were black Africans. The connection to Africa is obvious, even if it is an instinctual, intuitive awareness. Those who reject Africa do so out of ignorance, learned and acquired, but also because of how far away they’ve moved from the core, “original” traditions and languages of their ancient ancestors. The destruction and colonizing of pre-Christian traditions in all societies is one of the last, most frightening denials of

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DW Black models and figures are almost absent in contemporary art and even in popular fashion magazine. I’d like to hear your thoughts about this and how you are reinserting these images from pin-up girls to imaginary figures. You also insert white skin, blond hair and red lips and place these cut-out body parts and merge with black skin. I find your props essential, from stilettos to lace—provocative props to connect a myriad of experiences to explore gender-based stories. More on that process… WM I’ll tell a little anecdote. I first saw

DW I love the storytelling aspect of your work. I love what happens with us visually, when we look at it. I’ve made some photographs of your studio, which I’ll send to you. I’m just sorry that I never got a chance to photograph you pregnant. Unless you’re going to do it again? (laughter) WM Deborah. Deborah.

DW Thank you for this Fantastic Journey. We thank BOMB Magazine for allowing us to publish this excerpt from its Oral History Project. To read the entire oral history, please visit BOMB’s website: http://bombmagazine.org/article/1000052/wangechi-mutu


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UP ! boxer le reel par la danse Interview avec Bruce Blanchard et Manuel Antonio Pereira photo : alexandre gouzou / texte Pascale Obolo

UP est un spectacle d’un genre particulier qui sort des sentiers battus. Créé par le metteur en scène Manuel Antonio Pereira et le danseur chorégraphe Bruce Blanchard, cette création évoque le parcours d’un garçon à travers ses accidents et ses ruptures, venu à la danse comme on entre en combat, exprimant la lutte de beaucoup de jeunes 64

à la dérive, exclu du système qui cherche la rédemption. UP exprime La violence faite au corps, le streetfight et les combats clandestins et s’inscrit dans une création qui emprunte les formes du hip-hop, pour mieux en détourner les codes et le style. Nous les avons rencontré Lors de leur représentation au centre Wallonie de Bruxelles à Paris.

Afrikadaa : Comment est né le projet UP ? Manuel : Le projet UP allie à la fois la danse, la musique et le texte. Ce spectacle raconte une partie de la vie du danseur Bruce qui avait déjà fait une tentative de spectacle autour de sa vie, présenté au théâtre de Bozar à Bruxelles dans le cadre d’un festival de danse urbaine. A l’issue de ce spectacle il avait estimé que ce n’était pas assez abouti, car il aurait aimé faire un travail plus approfondi, moins cliché qui dure 1 heure et non 20 min. Il a fait appel à l’ association les Arts Urbains qui travaille sur des disciplines artistiques liées aux hip hop. Cette association m’a mise en relation avec Bruce, c’est ainsi que notre collaboration a commencé.


On a effectué plusieurs working pro-

racontant véritablement mon histoire.

gress dans différents lieux afin de faire

Une histoire difficile que je ne pouvais

un travail de recherche et d’exploration.

raconter seul. Manuel m’a permis de

On a constitué une équipe solide

sortir tout le coté émotionnel et profes-

de musiciens, chanteurs pour nous

sionnel dans ce projet. J’ai appris avec

accompagner .Bruce partage la scène

Manuel comment exprimer une émotion

avec la chanteuse Sabine Kabongo, le

sans la danser ?

batteur guitariste Bilou Doneux et DJ

C’était un challenge pour moi d’exprimer

Courtasock. Tous trois entrent en dialogue avec la partition chorégraphique et le spectacle prend la forme de danseconcert. La création a été montrée au théâtre de l’EDEN dans le cadre de la biennale de danse contemporaine à Charleroi. C’était un défi pour nous car c’était le seul spectacle de hip hop sélectionné dans cette biennale. On voulait montrer que le hip hop a ses lettres de noblesse et sa créativité. C’est une écriture de danse à part entière, avec son vocabulaire qu’il faut le sortir des ghettos sans pour

une émotion sans faire de mouvement.

A : comment à travers des mots arriver à exprimer une gestuelle ? Je vous avoue que c’était difficile au départ car je ne comprenais pas trop. On a fonctionné sous forme de laboratoire. Au plus profond de moi, il y avait une sorte de clash entre la danse et l’écriture. C’est à dire que mon interprétation corporelle n’arrivait pas à retranscrire l’action verbale dansée. Je devais plus faire un travail intérieur qu’extérieur. Quand on lit une poésie c’est l’intérieur qui est le plus important pour pouvoir s’exprimer. Et dans la danse ou les battles c’est l’extérieur qui est important.

A-Peut tu nous raconter ton background/ ton spectacle en fin de compte ?

autant tomber dans un cliché de danse

Bruce-Je suis originaire du Congo

contemporaine auxquels il n’appartient

Kinshasa avec un père boxeur immigré

pas. Bruce a emmené toute sa créativité

en Belgique .j’ai eu une jeunesse dif-

en danse. On a collaboré des le début

ficile. J’ai grandi dans la rue. Je faisais

d’une manière assez étroite.

du streetfight, du foot et de la danse.

A-Pourquoi avoir envie de raconter son histoire publiquement ? Bruce- Je suis quelqu’un de sincère dans mon travail artistique et je ressens le besoin de dire certaines vérités, car je suis connu sous plusieurs casquettes dans le milieu hip hop. J’ ai fait des battles , gagné 4 fois les championnats du monde , j’ ai été aussi jury de la plus grande compétition mondiale de Juste Debout à Paris ; et élaboré aussi des chorégraphies pour les clip vidéo. J’ai voulu être moi-même sur scène en

65

J’ai essayé de m’intégrer en Belgique, épousé en partie la culture belge mais le coté africain m’a beaucoup inspiré dans ma danse et m’a aidé à être moi et unique dans mon travail. La danse est venue à moi. A la maison à chaque fois qu’il y avait une fête, je dansais tout le temps pour attirer l’attention de ma famille ou des amis. J’ai toujours utilisé mon corps dès l’enfance pour attirer l’attention des gens sur moi et pour exprimer mes idées. J’avais des difficultés pour prendre la parole en public, le corps est un des seuls langages avec lequel je m’exprime avec


facilité. Je raconte des moments diffi-

corps suivait le beat différemment et

ciles de ma vie, des moments qui m’ont

j’explosais. Je jouais avec les différents

marqué. Dans ce spectacle j’avais du

niveaux d’intensité. ça m’a permis de

mal à lire mon vécu, il y avait une sorte

gagner les championnats du monde en

de blocage. Comment faire vivre les

Finlande et d’arriver après en demi finale

mots, accepter le sens de ces mots qui

à Bercy. J’ai progressé dans ma façon

relataient ma vie ? Les retranscrire par le

de jouer avec mon corps. J’ai senti que

langage corporel m’a permis aujourd’hui

je changeais, que j’en exploitais des

d’être à l’aise avec la parole.

nouvelles sensations et ressources en

A: Y a-t il eu conflit entre les mots et les mouvements corporels ? Manule : l’écriture on l’a faite à deux. Et c’était nécessaire car c’est son histoire et c’est lui qui danse. Mais il est clair que la part dramaturgique a été très importante aussi par ce qu’il fallait accoucher des choses qui sont très sensibles, très subtiles et ne pas être dans l’affect. Petit à petit, Bruce a changé de territoire, il est allé vers des choses qui le mettaient en danger. Parce qu’allez chercher en soi des choses profondes, les extérioriser, les montrer sur scène, ce n’est pas la même chose que de construire de manière plus extérieure une forme chorégraphique. On a laissé parler cette intériorité d’abord, puis on a attendu qu’elle nous fasse une proposition en geste, en mouvement, et physiquement.Ca a été une belle exploration. Ce fut une gestation longue. Mais finalement ça nous a apporté mutuellement.

Af: comment ça se passe quand tu fais des battles ? On m’a connu sous le côté de la force, c-a-d l’énergie ; grâce au spectacle UP, quand je retournais danser dans les battles, j’appréhendais les choses en douceur, c’était moins physique. Mon

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l’utilisant comme médium.Ca m’a ouvert de nouvelles portes. Manuel : Dans les battles les chorégraphies sont construites sur la musique en générale. Dans le projet UP on a travaillé à contrario, on a parfois construit les chorégraphies sans la musique ; puis on a cherché des sons qui pourrait amplifier ça, et l’emmener encore ailleurs. Ça a crée des zones de mystère dans la relation entre la danse et la musique qu’on ne trouve pas trop dans le hip hop. Ce n’est pas la musique qui contrôle le corps mais l’inverse. C’est ce qu’on a essayé de faire dans cette création.


MUSSANGO MALAM OU LE CORPS CICATRICE Par Dominique Malaquais

Pour Malam1, créer c’est bruler. Les

ne sait trop qui ils sont. Les bourreaux

gigantesques installations qu’il réalise

également sont là. Ils se dressent tels

sont des auto-da-fé au sens pur du

des sentinelles, à la fois symboles – de

terme : des actes de foi incendiaires.

juntes, d’armées, de multinationales aux

Dans « Mussango » (2008), quelque soix-

faces occultées – et individus, acteurs

ante corps faits de plâtre et enduits de

dont les traits disent l’horreur d’une

résine ont été mis à feu. Une vaste foule émerge des flammes : êtres debout,

humanité qui ne se reconnaît plus fine dentelle de points de suture cloutés

elle-même. Les corps fracassés qui les

accroupis, tombés et tombants dont la

entourent sont ceux, aussi, de l’artiste. Ils

peau apparaît grise et cloquée, radicale-

sont lui avant, en divers moments de sa

ment altérée par le feu qui les a mangés.

vie, et aujourd’hui, ici, maintenant.

Ce monde en loques agrippe, tire,

Les corps-brisures, cassés et refaits, qui

pousse devant lui des objets trouvés –

peuplent « Mussango » sont les avatars

landaus, matériel d’agriculture, roues

d’un homme, l’artiste, en proie à une

calcinés que l’artiste a transformés en

douleur extrême. Douleur psychique

armes de guerre.

et physique : douleur de ceux à qui la

« Mussango » a une double fonc-

loi interdit d’être où ils sont. A l’époque

tion. Travail de la douleur, l’œuvre est

où il crée « Mussango », Malam est sans

un face-à-face avec les ravages de la

papiers. Il habite à Paris, mais risque à

destruction, de la perte. Mais elle ne

tout moment le rapatriement forcé vers

s’arrête pas là. Tentative aussi de cica-

son pays d’origine, le Cameroun. Il n’a

trisation, elle propose un mouvement

pas de passeport, pas de domicile fixe,

au-delà de l’abjecte, vers un espoir pos-

pas d’assurance maladie.

sible. Ainsi une image qui revient encore

S’il s’était rendu, courbé, devant les

et encore, ici et ailleurs dans les instal-

comme pour les rendre à la vie.

autorités françaises, s’il s’était prosterné,

lations de Malam : des bras, des jambes

Des corps comme ça, ravivés in-

peut-être aurait-il obtenu-il le droit de

brisés, arrachés, que l’artiste s’est attardé

extrémis, les quatre tonnes et demi de

rester au lieu de galérer comme il l’a fait

avec douceur à réparer, des corps qu’on

« Mussango » en regorgent : femmes,

des années durant. Mais Malam refuse

aurait jurés perdus, qu’il a ourlés d’une

hommes, enfants, victimes anonymes

de quémander. L’art, pour lui, n’a pas

de violences perpétrées par des sol-

de patrie. Ceux qui créent – ceux qui,

dats, des flics, des malfrats dont on

comme lui, œuvrent dix-sept heures,

1 Malam est le pseudonyme de l’artiste Isaac Essoua Essoua, né en 1967 à Douala.

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vingt heures par jour à la naissance de

Malam, c’est cet enfer-là. Et pourtant…

Fig. 1 Mussango, Corps de plâtre avant

mondes nouveaux, participant ainsi à la

Pourtant, il reste des bribes d’espoir. En

le brûlage

vie culturelle et économique des villes

duala, la langue maternelle de l’artiste,

et des pays qu’ils se sont donnés – il dit

Mussango signifie « paix ». Le titre ne

Fig. 2 Mussango, Préparation des

qu’il faut leur foutre la paix. Pas plus

manque pas d’ironie ; face au déluge

corps au brûlage

eux que ces familles qui cherchent une

de violence qu’est cette installation, on

existence meilleure loin de homelands

n’est guère enclin à philosopher sur la

Fig. 3 Mussango, Corps après le

décimés par le grand capital et la course

paix. Du chaos de ces corps calcinés se

brûlage

au pouvoir des nantis ne méritent

dégage, cependant, une exquise poésie

de vivre dans la trouille, traqués par

et d’elle un rêve – celui de faire reculer

l’angoisse de se retrouver menottés au

l’enfer. Si seulement les êtres humains

fond d’un avion dont personne ne s’est

voulaient voir les choses en face, se

donné le mal de leur dire où il va.

rendre compte que ce sang qu’on fait

Aujourd’hui, Malam vit légalement en

couler en leur nom n’a d’autre raison

France. N’empêche : dans un pays dont

d’être que de satisfaire les besoins d’un

la xénophobie ne cesse de croître, il

système vampire et, en son sein, les

continue de clamer, haut et fort, le droit

intérêts de ceux qui tiennent les rênes

de ceux dont il a été. Celui de vivre et de

du pouvoir… Si seulement, alors peut-

créer – d’être – en paix.

être, nous dit Malam, il y aurait un futur

Enfer et hémoglobine : les grands

à imaginer et à bâtir ensemble.

foulent aux pieds les petits, le monde se vide de son humanité. L’œuvre de

68

Fig. 4 Mussango, Corps en feu


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Senga

NENGUDI

The Messenger Interview by Olivia Anani, with the participation of Anne Gregory and Louisa Babari All images are courtesy of the artist

Afrikadaa: Why did you choose the body as a medium? What inspired your work? Senga Nengudi: The RSVP series was initially inspired by the birth of my first child and the elasticity of the body during the process of pregnancy and after. I was also interested in the elasticity of the psyche during stressful times. I had a strong need to visually express what I was going through mentally and physically.

Afrikadaa: Is there a purpose to your artwork? Senga Nengudi: My purpose in the RSVP series is to express, in abstraction, issues

Senga Nengudi’s exhibition at la Galerie Anne de Villepoix was a great opportunity for the Parisian scene, to (re) discover an incredible personality, a spiritual guide, an artist with a unique point of vue. Already well known across the Atlantic for her work in performance and sculpture spanning several decades, Senga Nengudi never ceases to shake our conceptions of feminity, time and the psyche. Afrikadaa caught up with her to talk about her work, life and philosophy. 70

that plague the female being; which would be body, image, birth, joys of being a female, as well as abuse. The abuse is curious because there is self-abuse as well as extreme abuse that is heaped on us in a variety of ways.

Afrikadaa: Did the women’s lib movement have influence on your artwork?


Senga Nengudi: That’s a resounding

So as you hear your voice, you are offer-

to you. This gives a person who is not

-- No. The truth about the women’s lib

ing to the viewer the understanding of a

particularly thinking about these things a

movement is that it was mostly for Ameri-

particular thing. For instance in the RSVP

way in and the ability to understand them

can white women, to be blunt. With black

series I’m talking about elements that are

more deeply.

women, some of those issues weren’t

personal to me but through the personal it

issues. Black women had been working

becomes universal, because it’s something

for a long time to sustain a household.

many women experience.

ent. Obviously there were certain issues

Through my own, hopefully authentic

that remained the same – such as equality

voice, and through explorations of my

of pay. But some of the core issues for the

body and other things, someone might

women’s lib movement weren’t so much a

get a deeper understanding of the female

Afrikadaa: The idea of the psyche coming back into shape is a very optimistic view. Sometimes we talk about the irredeemable damage done to the psyche after one’s been abused, and we hear all these discussions about women having issues with their bodies, that they see “deteriorating” after a pregnancy, like a beauty lost for good, never to come back again. I like that you see it as something that comes back into shape – so it’s all good.

part of the black female experience.

experience and it’s not just related to the

Senga Nengudi: (laughs) I like to joke and

female experience, people of all sorts,

say that it “sort of” comes back into shape.

Now if you talk about feminism, that’s

men, women, children have also had a

another story.

similar experience of the psyche being

stretched to limits because of drama in

Part of the women’s lib movement was to find a way into the workforce and to be independent. Black women had been self-sufficient. Like my mother and my grandmother before her, they were all

I think that’s the role of the artist, you magnify something that’s of importance to you.

working women. They were independ-

Afrikadaa: What role does the female performance artist have in society?

your life, you have these feelings... Then

like, after pregnancy, your body gradu-

Senga Nengudi: I think the role of any

ally comes back into shape. So when you

artist is the same whether it’s a performer

come from an extreme experience, if you

or poet or musician. It is to express truth as

have things to sustain you, then the psyche

they see it and to be a conduit of connec-

goes back into shape, too.

tion from the ‘out’ to the ‘in’. In the past,

this was the role of the shaman. Today it’s

For instance, Georgia O’Keeffe chose flow-

the role of the artist. It is a cultural role that

ers as her point of interest. But through

helps reveal authentic spiritual and poetic

the way she decided to paint them, you

possibilities and also helps people gain

saw the sensuality of the flower, and other

a voice for their own experiences. Also,

elements that most people might not

to be a messenger that brings back from

notice when they look at a flower. This

the beyond instructional messages. As an

was something she loved. In bringing that

artist, you focus on something you love,

love to it, she magnified the experience for

and through the love of that thing you

other people so they could see it.

magnify a particular issue or material or

point of view for examination and under-

I think that’s the role of the artist, you

standing and hopefully, ultimately growth.

magnify something that’s of importance

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the psyche comes back into shape, just

Afrikadaa: What memorable responses have you had to your work? Senga Nengudi: Let me think… The other day, a woman saw my work and I noticed she was crying. I was shocked. She said: “this touches me so deeply”. I’ve had other clearer responses. The series is called “Répondez s’il vous plaît” and I really wanted people to respond. I didn’t want them to go into the gallery and look at a painting and go OK, and then go on to the next painting. I wanted people to respond to my work. Sometimes people say they like that it is interactive. In several of my pieces performances are done by me or other people. I almost think of them as artifacts in the pure sense. There is an additional energy infused in the pieces. They have a relationship with the piece. Another woman told me: “This is exactly


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how I feel, when I went into the work force

studio or time. I had “head space” so my

before, that shows me something in a new

and I had to deal with so many different

work was very conceptual and performa-

way. Basically, that means any art that

personalities…” like some of the sculptures

tive. I was still exhibiting during that time,

makes me grow. I lean towards perfor-

that I make.

but it had to be fairly immediate because I

mance art and conceptual art, but that is

had to come back home.

limiting and it depends on the experience.

A long time ago at UCLA, there was a show

of African sculpture that really moved me.

After that I began thinking about time. I

Once I was in a grocery store by chance at

I never had this experience before. The

was working with sand. There’s a per-

midnight. I was at the cash register pur-

curator was really amazing. You see, all of

manence in the impermanence of it. We

chasing my items and there was a guy next

the sculptures were exposed, they weren’t

as beings are impermanent, yet there is

to me who had a harmonica. The clerk

in glass cases.

the whole issue of time and sand, things

said: “Hey can you play that thing?” And

They were very close together so you had

repeat themselves. I became involved

he said “Sure!”. And he played it and it was

to almost brush up against them. You

with the idea of time. This time thing

the most magnificent thing -- it filled the

could smell the fragrance of the wood.

just keeps going no matter what we

whole store. That moment was transcend-

You felt the energy. That experience

do. There’s nothing new, slaughter after

ent. It wasn’t an orchestra, or a band, or a

stayed with me a long time and that’s why

slaughter, love after love and it just keeps

classical musician... it was the moment that

I became a sculptor -- because I’m very

going. It’s different people, but the sand

was transcendent.

much about the senses. Even though you

remains the same. It cleans itself of the

can’t really touch art work in a museum, I

blood, of the fragrances, of everything.

I love those special moments that happen

like for the viewer to become a participant

as much as I love a complete organized

and get as close as possible, when they are in the room with my work.

Afrikadaa: On your website your work is divided into five specific time periods that vary from two to seven years. Is it reflective of how you would divide the different periods in you life, and in your art? Senga Nengudi: I believe any artist’s work can be considered autobiographical because it’s your life. With the phases of RSVP I was raising my kids. Then in 1991 my mother had an extreme stroke and she became totally paralyzed. And for the next 12 years I took care of her. I did not have time for a normal practice. That’s

Afrikadaa: When did you start using sand? Senga Nengudi: I think it was around 1975 that I used sand in some of the RSVP sculptures. I had tried other fillers, but sand fit the work perfectly. It had the sensuality and the weight of the body. I started out using sand in a small way in those pieces. Sometimes I’ll take a tray that I fill up with sand, and I make sand drawings in it. Then I erase them. I try to do a sand drawing everyday, it grounds me and centers me. It’s not something to be shown to anybody, it’s just like a sort of meditation.

when I worked on a lot of performance

Afrikadaa: What kind of art do you most closely identify with?

ideas because I could do them in my head

but I didn’t have time to create pieces. I

Senga Nengudi: Art that has some form

had to do a head job and think of concepts

of truth and energy to it. Something that

that I could readily do without having a

gives me an experience I’ve never had

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performance or an art show. I’m just as excited seeing a roadside shrine as I am seeing a cathedral. They both have their places. That’s very important to me because I work with common materials. It’s important for me to know my humble materials can hold their own up against a cathedral.

Afrikadaa: What you are saying is interesting because I grew up in Africa. I was in love with art, but I had questions about how to use the materials. I didn’t know anyone who knew how to paint with oils so I had no idea how to do this. I waited a long time to learn how to use the materials. A few years ago I discovered the works of Frédéric Bruly Bouabré. He worked with colored pencils, the same kind that children use. I thought that if I had been able to see this as a child it would have


made such an impact on me, to know that

In the Native American culture, a shaman

you could use this simple medium to make

makes a sand painting and the person

significant art.

who is ill sits in the middle and there is a

ceremony. At the end there is this healing.

Senga Nengudi: That’s so true. There are

Then they take the sand and get rid of it,

no boundaries to materials. Classically

just like in modern medicine if you have

there are boundaries, they said you have

bandages or hypodermic needles that are

to do it this way, but everything can be

soiled or used you put it in the red toxic

wonderfully transformed into something

box and dispose of it. Well, it’s the same

lovely and poetic and meaningful. That’s

with the sand paintings, they are about the

the freedom we have today. Actually,

healing.

“Outsider” art always had that freedom

because they had no limitations. They

Ritual and ceremony are at the bottom of

were coming from another source, another

just about everything I do. I spent a year

point of view.

in Japan when I was younger. I was always

intrigued with the similarities and dis-

Afrikadaa: Could you talk a little about your recent work? How do you to keep going and stay motivated? Senga Nengudi: An artist is an explorer. I rarely get tired of exploring and experimenting. At the core of being an artist is also being a scientist. You’re discovering and inventing and it has its own sense of excitement and motivation. I’ve always been interested in movement. I’ve also been interested in the body and the spirit, as well. A lot of my sand work explored the way cultures around the world utilized sand painting -- Tibetan, Native American, and East Indian sand painting traditions. Most of the sand paintings had to do with healing. In India women make sand paintings in front of their homes. It’s very traditional. These paintings are sort of a prayer and a welcoming so that by the end of the day people have walked on it and cleared it away. But it has energy and a sense of ritual and ceremony.

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similarities between Japanese and African and African American cultures. There is a sense of ritual throughout the whole situation. As I expanded my exploration with other cultures, my desire was always to see commonalities and to learn how cultural rituals assist in helping people bridge certain things – either illness, or marriage, or death, or birth. These rituals are in place to assist you and your psyche going back to normal after a significant event. Some of these things can stretch your psyche quite a bit. But if you are grounded that’s very helpful.

Afrikadaa: You talk about other

cultures, Native American, East Indian. Have you been able to have people from those cultures interact or react to your work? Senga Nengudi: I really don’t know. My thought is that the relationship between the artist and the viewer is sort of like a relationship between a man and a woman -- they make love and they create a baby. The man is one thing, the woman is another thing and the baby is that third thing. So if I’m the artist and someone experiences my work my hope is that my work will inspire them to make something else, a third thing. When you see something that’s inspiring it makes you want to do something. My ultimate goal is that this exchange I have with the viewer makes that third thing happen.


Right now I’m doing a lot of listening. I’m involved with the five senses of the body. I’m in the process of simply being conscious and seeing where that will take me. In the Buddhist religion they talk about being conscious, being fully in the moment. Being fully conscious is exhausting, absolutely exhausting. But it makes each moment very rich. So I’m having that experience now and seeing where that takes me. I was teaching an installation workshop and as homework I told the students to make a journal and write about something they experienced in terms of the five senses. One student talked about going to see her sister who had a new baby and that the baby was cute and she held the baby. And I said: “What else happened?” And she said: “That was it”. I said: “Well how did the baby smell? How did the baby feel? Did you hear a refrigerator in the background? Did you hear the baby breathing? What was the pattern of the wallpaper or the color of the walls?” Most people, out of necessity, edit things because it’s so hard to take in all of what the moment holds. But right now that’s what I’m experimenting with and seeing where that takes me. I start with the listening. For me, I feel that art needs to be nourishing, transformative, and healing and most of all, it’s important to be true to your own experience.

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PLACES

Les ateliers sahm un centre d’art au coeur de Brazzavile Par Job Olivier Ikama Crédits Photos : Les Ateliers Sahm et Pascale Obolo

Le centre d’art contemporain LES ATELIERS SAHM a été crée en 2012 par la plasticienne et écrivaine congolaise Bill Kouélany. LES ATELIERS SAHM sont un centre dédié aux expressions artistiques et littéraires contemporaines. Le contexte dans lequel LES ATELIERS SAHM voit le jour est celui d’une regrettable réalité de la création artistique en général, et des arts plastiques en particulier. Parmi ces problèmes on peut citer : l’insuffisance d’espace de travail pour les artistes, l’absence de documentation sur l’art contemporain, l’absence de politique de développement des arts visuels, l’insuffisance de salle d’exposition et de galeries. Cette réalité entraîne aussi une faible participation d’artistes congolais sur la scène internationale. Ainsi, LES ATELIERS SAHM entendent offrir un cadre professionnel de pratique artistique et un environnement favorable à la recherche, à l’expérimentation et au partage des savoirs, inscrire une nouvelle génération d’artistes et de critiques d’art congolais sur la carte de la création contemporaine.

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sont engagés dans la promotion de la recherche et du partage du savoir. Ce qui justifie l’existence d’une bibliothèque au sein du centre. C’est avec ravissement et beaucoup de reconnaissance que l’équipe des ATELIERS SAHM et les jeunes qui fréquentent le centre dans le but de s’instruire sont heureux de recevoir de personnes de bonne volonté des dons de livres.

Le Club de Lecture et D’écriture : Des rencontres littéraires sont tenues régulièrement au sein des ATELIERS SAHM grâce au club de lecture et d’écriture. Ce club est animé par des jeunes étudiants et lycéens passionnés Le Centre d’Art LES ATELIERS SAHM a été

effervescence notoire.

par le charme et la puissance du mot, la

récompensé pour son travail de promo-

Résidences de création : le centre dis-

recherche et le partage des savoirs.

tion des jeunes talents Congolais et

pose de quatre chambres et reçoit des

Africains. Le 19 Décembre 2013 Il a reçu

artistes nationaux et internationaux en

Projets :

le trophée des Sandza de Mfoa dans la

résidence de création tout au long

Pour l’année 2014, le centre nourris

catégorie Management culturel.

de l’année. Cinq artistes ont ainsi résidé,

l’ambition de faire participer des jeunes

crée et exposé au sein des ATELIERS pen-

artistes Congolais de Brazzaville et de

Les activité du centre :

dant cette première année d’existence

Kinshasa au Off de la biennale d’art

La Rencontre Internationale de l’Art Con-

du centre. Van Andrea, le dernier,

contemporain de Daka’Art. Le projet est

temporain des ATELIERS SAHM (RIAC) est

expose jusqu’au 15 Février 2014 les

intitulé : Congo(s), esthétiques en part-

l'évènement phare du centre. Pendant

œuvres sous le titre de Fumée sans Feu.

age au delà des géographies.

un mois, plusieurs artistes se réunissent

Plus d’info sur www.atelierssahm.org

pour échanger et créer autour de professionnels de l’art. Le centre compte donc deux rencontres qui ont eu lieu en 2012 et 2013. Trois ateliers ont été organisés à chaque édition : peinture, vidéo et critique d’art. Les participants à l’atelier de critique d’art discutent avec les peintres et les vidéastes en vue de produire des textes qui accompagnent les œuvres des artistes. L’engouement des jeunes artistes est notable, et le travail est intense durant ce mois marqué par une

77

Ateliers : Le centre organise des workshops en marge des RIAC. Le premier portait sur le thème des Contrastes à Brazzaville et a donné lieu à une exposition en Février 2013. Nous avons aussi pris part au Festival Etonnants Voyageurs avec l’atelier sur le thème de l’Afrique qui vient, animé par le plasticien Haïtien Frantz Zéphirin.

La Bibliothèque : Art et littératures sont indissociables. C’est pourquoi LES ATELIERS SAHM

La troisième édition de la Rencontre Internationale d’Art Contemporain des ATELIERS SAHM aura lieu en Septembre 2014 et portera sur le thème : textiles du continents et dynamiques artistiques.


78


make art. wash clothes. build community. A conversation between Kemi Ilesanmi, director of the Laundromat Project New York and artist Caecilia Tripp Photos credits : Landromate Project New York and Hollis King

CT: You started at the Walker Art Center in Minneapolis as a curator, then you worked for Creative Capital and now you are director of the Laundromat Project in New York. When did you start it? KI: I started at the Laundromat Project in September 2011.

CT: But the Laundromat Project existed already before, right?

KI: Yes, actually it was incorporated

to imagine new ways of being, building

in 2005. It was founded by a woman

new communities and moving into the

named RisĂŤ Wilson, who is amazing!! I

direction to bring those visions into life.

was on the board of the organization from January 2006 until something like 2010.

CT: Can you tell us what the Laundromat Project is about?

KI: Our office is in central Harlem on 127th and Lenox Avenue, however our

KI: We bring art, art programming and

work is anchored in three particular

artists into Laundro-

communities in city: Central Harlem also

mat communities and

secondly Bed-Stuy and thirdly Hunt’s

other community bases

with a number of artists who come from

around New York City.

all over the city, so we kind of toggle

We are really interested

between the citywide perspective and

in amplifying the creativ-

then very specific perspectives anchored

ity that already exist in

in the specific neighborhoods.

the neighborhoods and places we work, recognizing and utilizing the fact that art opens up spaces of possibility for people

79

CT: Where is the Laundromat Projects based and in which neighborhoods do you act?

CT: How did you come to choose specifically these three neighborhoods?


KI: Our public artist residency program

community now, in both cases particu-

is called “Create change”. We basi-

larly in Harlem and Bed-Stuy there is a

cally resource artists, who create art

lot of change happening, so there is also

residencies in their own community

a lot of European-Americans moving

Laundromats.

there and there just is a lot going on in

In the past the criteria was that we

those neighborhoods. The challenges

work primarily with artists of color, not

and threats of gentrification are much

exclusively but primarily, we wanted

more acute in those neighborhoods

networking communities and people

than they are in Hunt’s Point.

applied to wherever they lived in the

All three neighborhoods are geographi-

city, so like Jackson Heights and Bed-

We had relationships that were built up

cally spread apart but it resonates with

Stuy and Staten Island and a variety of

or that we continued to build. So that

our work.

places.

was one of the neighborhoods. Harlem

At the beginning, one of the things I

is pretty much the same story except in

was really interested in when I took on

the sense of: we always have projects in

the job of the executive director, for

Harlem, every single year since 2006.

which I am the first fully paid executive

Our art education programs are

director that the organization has had,

anchored in Harlem, that’s where we

so anyway one of the things I was really

have been offering free workshops for

focused on is that our vision is always

about four or five years. So it’s another

to make long term sustained commit-

neighborhood where we have some

ments to neighborhoods and really see

relationships over time but again the

the change of time. And without the

predictability factor was not there, but

unpredictability of if anybody would

we'll be still here in 2015 and further on.

ever be here in anyway, it was hard to

Hunt’s Point is a completely new neigh-

get the attraction. So maybe we will be

borhood to us, so that was the kind of

in Jackson Heights, maybe we won’t be

unexpected on some level. The reason

in Jackson Heights depending on the

that Hunt’s Point emerged is that, it is

number of applicants.

really an interesting neighborhood, but

So one of the things that I decided at

also because we had recently received

the beginning of this year, was that we

an award from the Rockefeller Founda-

really needed to focus, so the three

tion and we were introduced by an artist

neighborhoods emerged, because we

activist.

had history in two of them and one of

So we were just beginning to build up

them we were just building up for now.

relationships there, it is probably the

So Bed-Stuy where it lives and contin-

most economically challenged one

ues to live and always a vision for the

of our three neighborhoods. It is 75%

Laundromat Project was born and we

Latino whereas Bed-Stuy is historical

always had projects in Bed-Stuy from

an African-American neighborhood,

the beginning. So even if we were never

same thing with Harlem, although in the

sure if we would be there, we always

details is always more complex. Harlem

ended up being there.

has an incredible African immigrant

80

CT: Is your departure point always a Laundromat? KI: It has always been in neighborhoods and community basis and the Laundromat is at the core of our organization, because it is the kind of Meeting Point where different communities come together and in a place like New York City, where there are a few thousands Laundromats, I think it is 2400, of which we worked in thirty of them. People of different classes use Laundromats, people of different races use Laundromats, people with all kind of things which make them similar or quite different, pass through this place, because you all do need to do your laundry. It is also a space that is not about luxury, so what we really were fascinated by is how to insert art as an everyday activity or an everyday philosophy and an everyday way of being? And a Laundromat is not a Museum. It’s a Laundromat. To be able to insert this idea, this space to be created in that arena is actually part of our mission. It is an everyday space which can be activated in different ways and where you have people


who have “time to kill”, waiting for their

ested in doing socially engaged art in

what they called a “Story Walk”. So they

laundry to be ready. So it’s the perfect

a deeper way, so we offer a fellowship

did a series of pop up performances,

setting. But we are also taking over the

which is a six months training program

fifteenth blocks in one direction on

sidewalks, because that’s where people

for artist to engage with their work in

Lenox and fifteenth blocks back up,

walk by and engage.

the community.

so basically a thirty block radius, as an

We are looking at various partnerships

They learn about community building,

all day event. They had artists draw

with our organization; so we worked

community partnerships, they learn

chalk murals along the side walks, they

with the Studio Museum in Harlem for

about cultural organizing, which is

partnered with local businesses, they

two or three years now and are think-

basically community organizing using

had dancers, they had poets, they had

ing to organize walking tours with them

creative tools.

filmmakers, it just had a whole bunch of

together through the neighborhood.

Then we also ask those same fellows

art activity happening in this 30 block

We started this year something called

to help us program a day what we call

circle over the course of five hours. They

“Field Day”. On one side of the coin we

“Field Day”. “Field Day” is a festival of

are actually going to do it again, so one

work with artists, so artists as underuti-

neighborhoods, focused on our three

thing they were really interested in is

neighborhoods and which is a moment

empowering people to try new things

where we showcase really what we do.

and continue them on their own after-

Our busy season is May to October and

wards.

the “Field Day” is late September, we wanted to create a day that made Laundromat Project a destination, uniting all three communities for one day, so we ask our fellowship artists to do a spe-

CT: So you encourage the people to take over their neighborhood and to become a creative part of it? Sounds great. Are you planning to do any publication about it?

cial project for that day specific to their

KI: Yes. We need to show and tell people

lized assets in their communities, they're

neighborhood. So in Hunt’s Point for

what we do.

resourceful, they have an interesting

example the food justice is really keen,

For now we have our very active blog,

perspective, they solve problems, really

food access, food justice so they did a

which not only is a newsletter,

can be incredible assets in their com-

cultural feast. They created a jeapordy

but we also do interviews with art-

munity if they are tapped in the sense

game, they had a photo both, they

ists and what is called “Creative

of being artists, allowing them to bring

worked with the Black Project, another

Conversations”, where the artists are

that to the table, pulling community

fantastic local organization. In Bed-Stuy

in conversation with each other about

folks together.

they were really interested in notions

their experience. One artist group did

We pay artists to be in residency in their

of “Home”, again because there is the

a whole conversation in RAP lyrics and

own neighborhood, usually the neigh-

issue of gentrification, it’s a neighbor-

some artists did videos, just a whole

borhood in which they live or that they

hood with a lot of renters who consider

range of very challenging exchange.

otherwise are invested in.

this historical neighborhood their home,

Over the years we have worked with

It might be their childhood neighbor-

as their place of history, so they had

about sixty artists so far.

hood or something of that nature.

a series of workshops on psychogeo-

They have done anything from Inde-

graphic scapes of home, dreamscapes

pendent Film Festivals, Drawing

of home, archiving and preserving one’s

workshops

history of home. In Harlem, they were

and a whole other range of projects.

really into storytelling, pulling out and

And we have artists who are inter-

amplifying people’s stories, they did

81

CT: It all sounds very promising, thank you Kemi for letting us know about the Laundromat Project, Afrikadaa will come over for sure and wash clothes with you.


CONCEPT

BLASONS DU CORPS par patrick de Lassagne

AFRODISIAQUE

Nuit qui porte en elle le soleil, Inaltérable splendeur nègre, Sombre nudité, -

Sculptée dans l’argile souple des lianes,

Eve noire, -

Que l’astre poudre d’or noir !,

Tu es la radieuse aurore de l’homme.

82


SAPEUR ET SANS REPROCHE Il n’habille pas sa misère Il la porte haut Comme une bannière Avec honneur Et hors d’atteinte, Loin du cliché du plus simple appareil. Et comme pour le feu la flamme pour le roi l’oriflamme ou le mot l’anagramme Il affiche en gentleman L’habit réversible de sa condition d’homme, Sans retourner sa veste, Ni se choisir une doublure.

Par refus d’être l’être réifié, invariant, ou imaginaire D’être l’Autre sans être, ou l’être sans l’Autre.

Entré dans l’histoire depuis toujours Il a l’élégance de se vouloir autre tout en restant le même Dans ce jeu de rôles où par retournement dialectique, d’esclave il est passé Maître de son destin.

83


LA FORCE NOIRE

Enchaîné Il casse des cailloux construit des routes et jette des ponts vers son avenir. Il chante pour trouver la force en scandant sa peine de travaux forcés Et puisant à coups de pioche dans la foi pour poursuivre malgré tout La construction des voies qu’il empruntera un jour Au volant de son destin.

84


AFRO FIGHT

Black power et Cause noire.

Davis vainquit Goliath.

Puis du bagne Durant 27 ans au bout d’un bras tendu un poing serré s’élevait : Mandela.

Et tant de noms Césaire, Sankara,Fanon…

Leurs voix sont racées La voie est tracée.

Et après tout ? Après la race déclassée, portrait par Manoos

après Barak Obama…

Pour affronter les 3 K il y eut les « 3M » : Marcus, Martin, Malcom. Et Angela, la pasionaria :

85

une fois la race disparue… Qu’y aura-t-il ?

Rassembler l’épars ? Unir le divers ?…


© Maï Lucas

86


Tolata/ All eyes on me

touts vos imaginaires

Regardez-moi

étonné pas c’est cela mon

Regardez-moi bien

quotidien, mon territoire,

Vêtement sur vêtement

Regardez mon corps, ce joli

ma nation, mon royaume, mon

corps, mon joli corps

empire, j’y règne en maître

Regardez mes yeux, ma peau,

absolu !

Mon habit est mon emploi sans

Je dis regardez mon être,

Mon corps pour seul nation,

Ma veste est mon pays, mon

pas mon âme

mon corps pour seul terride

toire, mon corps pour seul

toucher à mon âme

régime, mon corps démocra-

Contempler juste

tique, mon corps dictatorial,

Souffrez de votre manque de

mon corps colonial, mon corps

goût vestimentaire

néocolonial, Mon corps néolibéral, mon

Alors ! Mange mon Habit !

corps obscène, mon corps

Manges !car tu es à moi

sacré, sacrilège, mon corps

et à

moi tout seul

divin !

Cette

Mon

chemise, ma chemise

corps pour seul pré-

est Versace

sident, député, ministre et

Ce pantalon, Mon pantalon est

pape

Dolce et Gabbana

Mon corps pour seul religion,

Je tiens le monde entre mes

ma religion « Kitendi » «

mains, la haute couture ça me

l’étoffe », le bout de tissus

connait

Le bout de tout, le bout du

La hauteur c’est moi,

je

rêve, le bout de la liberté,

vis dans les lieux les plus

le bout démocratique, le bout

élevés

divin, l’étoffe, le tissu, mon

Sur mon corps

tout

devient

luxe ! Mon corps est luxueux

tissu

nation, le tissu monde,

bien, je suis

sur mon 31, pourquoi

trente

Habit sur habit

pays à moi dénudé de tout bruit des bottes, dénudé de tout capital de viols, dénudé de tout rafle et incursions militaires, ma veste cette veste est mon pays dénudé de tout pleurs de gosses enfants soldats ou shegués Oui Mon pantalon est ma patrie,

ses rayures qui brillent

sont les sourires des millions d’enfants à scolariser ! Oui regardez moi encore Regardez-moi bien, n’ayez honte, Dites le tout haut, je suis griffé et je suis riche Je m’habille pas classe, j’en ai que faire ! à chacun sa classe, vous avez choisie la vôtre

Mon corps lieu par excel-

Oui ma vie vaut très chère

lence

de tous mes rêves, mes

et un parce que c’est la clô-

envolés, mes possibles et mes

ture de tous les possibles

avoirs !

jours, oui la fin du cycle,

Oui je suis griffé de la tête

après moi c’est le retour au

aux pieds, ma forme est plus

néant !

profonde que votre fond !

Vous aussi avez remarqué que

Plus creusé, plus creusant et

j’étais sur mon 31, ne vous

plus criant que

87

Bilele na bilele

le tissus univers !

Regardez-moi Regardez moi

Forme na Forme

retraite ni fiscalité de merde

ma très belle peau

Interdiction formelle

ELamba na Elamba

l’infini de

Moi je m’habille chère pour que je la vilipende avec des fringues de merde, des fringues à deux Regardez moi

balles

bien, je suis

riche, peu importe vos balances commerciales et économiques, peu importe vos prévisions budgétaires,


peu importe vos multiples

elle a été

reformes, peu importe votre

et sur mesure par le vieux

PIB, peu importe

Tokohama qui frôle les 130

Papy Maurice Mbwiti (auteur

elle cotation en bourse, peu

ans d’âge, ceci est une pièce

comédien et Metteur en scène)

importe la dernière note des

unique made in japon, cousu

RDC/Kinshasa (Coordonnateur

de Bretton Woods

juste avec de la chaume !

du théâtre les Béjarts et

Je suis le mieux vêtu donc je

Cette paire de chaussures, oui

Directeur artistique de Mbila

suis le plus riche

celle que j’ai sur moi, son

Kréation)

Peu importe

prix vaut quatre immeubles

publie avec le collectif

sur le nouveau

Moziki littéraire sur Africul-

bilier que

votre actu-

votre boum immovous êtes seul à

faite à la main

boulevard de

PMM/Kinshasa /Août/2013

justifier

la démonstration !

tures

Je m’en fous, moi je sens Bon

Cette

texte déjà paru :

De la senteur de Paco Rabane

qui soutien mon pantalon, elle

”Et si on te disait indépen-

de mes

est faite en peau d’escargot,

dant” éd . L’harmattan/Paris;

Je sens du L’homme de Dior,

et elle

“Et si on te disait indépen-

oui je sens des tulipes de

budget de la relance et

dant“ traduit en allemand,

Channel de la survie du lelo

de la mise sur pied de la

recueil sur les cinquante-

lelo , Aujourd’hui ou jamais !

gécamines, Oui juste le prix

naires des indépendances

de ma ceinture vaut tout ça

africaines; éd. Africavenir.

chômages à perpétuité

ceinture , ma ceinture

vaut

plus que le

Regardez- moi bien, je suis

org; “Billy les Kids” tra-

beau mon corps est sublime,

Aaaaah bo mvuati te !

duction allemande; éd.

le vôtre est laid

Oui regardez vous, vous êtes

Africavenir. org

Il se nourrit de quoi ! Dites

mal vêtus !

moi, quoi de la manne miel-

Mal, mal,mal dans vôtre peau

leuse et ensanglantée de nous

Mal dans votre tête, mal dans

autres depuis de siècles main-

votre corps

tenant, passant de père en

Que vous reste t il

père, de proprio à apprivoisé

Habillez-vous svp Il était comment !c’est cela

Aaaaaah !

question

Vous avez vus que mon corps

La réponse est aussi simple

et mes vêtements sont sub-

Bien habillé, bien rasé et

limes, vous avez vite compris

bien parfumé.

que je ne suis pas de vôtre « Moto ya mbongo aza moninga na yo te ! Non non non le riche n’est pas ton ami frérot » Aaah oui je ne suis pas de votre acabit ;

je suis riche

Regardez bien Regardez moi

88

cette veste,

la photographe Maï Lucas de part ses nombreuses collaborations aux mondes de la publicité et de la mode et de la street culture, porte un regard vrai et précis sur la jeunesse américaine à travers des portraitsq intimistes et poignants où on découvre leur croyances leur vie. Des clichés qui sont comme une recherche sur la représentation du personnalité,

corps , la

l’identité.

Le travail photographique de Maï représentant le corp comme un carnet intime dialogue avec l’oeuvre poétique de Papy Maurice Mbwiti.


Le corps, La photo tirée du négatif, lorsqu’elle écrit elle ne remarque rien , Le corps, ce véhicule

pas de sensation du corps, pas de dif-

Le corps, ce vêtement

férence

Le corps cet instrument

entre le corps et l’esprit, juste une masse

Le corps cette maison

vivante.

Mon corps m’est étranger

Le monde au bout des doigts avec ou sans

Mon corps est une évidence

talent supposé,

je connais son existence

le monde est au bout des doigts.

Est-ce l’âme qui porte le corps ou le

Clichés, violence prêt a écrire, prêt à

corps qui porte l’âme ?

penser,

L’âme est-elle à côté du corps ou dans le

Le corps est le mot, la lettre, la phrase

corps ?

Ne dit on pas corps de lettre ?

Lorsque mes mains écrivent, c’est mon

Le corps n’est pas vécu, il est une évi-

corps qui se met en mouvement pour

dence, il passe par les mots, même lorsque

produire.

l’on ne parle pas de lui .

Corps et âme ! Cette masse abstraite, énergétique, concrète,reliée à des veines et des os,

Céline kamadaye

Cet ordinateur renferme le programme du monde. Miniaturisation du monde, échantillon de la création. Le corps c’est le monde L’écriture, est l’expression du corps le corps, est l’âme, et l’âme le corps. Le corps est coeur L’âme est corps L’âme est idée L’âme réconcilie le concret et l’abstrait Le corps est image de l’âme, refuge de l’âme, reflet du monde invisible

89

Céline Kamadaye, née dans la région Martinique, s’installe et va à l’école dans la région île de France et Paris, fait un détour par Londres et s’installe de nouveau à Paris, elle aime l’écriture, entre poésie et cinéma, elle écrit.


PORTFOLIO

Lynette Yiadom-Boakye In conversation With Holly Bass

HB: As a performance artist, I’m interested in the performance of artists in other mediums and disciplines. For instance, film clips of visual artists like Jackson Pollack or Basquiat come to mind. I tend to think of you as a bit shy, though, and not someone with a “typical” performer personality. Is that true? LYB: I wouldn’t describe myself as shy at all, but I wouldn’t necessarily call myself a performer either. At least not in everyday life. I did a lot of acting when I was younger, amateur stuff on stage and actually have a GCSE [General Certificate of Secondary Education] in drama. I loved being onstage and completely transformed into character when I was up there. But when I came off, I was myself again. I loved the sense of magic about that.

HB: I knew you were also a writer, but I didn’t know you had theater experience. That’s so interesting! Would you say there is an element of performance to your work in the studio—even if there is no camera or viewer to witness the process? In terms of the body, what muscles are

90

worked most after a marathon session in the studio? And after you leave the studio, do you ever have a sense of carrying these painted bodies or emotions inside your own body? LYB: I walk a lot in the studio, back and forth from the canvas, working and then standing back to look. My arms and hands get a lot of exercise too. But the muscles I use the most are those controlling my eyes. I wouldn’t say that I carry any of the emotions or painted bodies within myself when I leave the studio. But I often feel that I’ve done battle with them. I don’t mind feeling exhausted so long as I’ve been triumphant.

HB: Many of your paintings feature dancers. For example in “Interstellar” or “Clamour for a Grip” the figures are in motion or in classical ballet positions. Even a painting like “Places to Live For,” in which the figure’s back is to the viewer, signifies dancer with the elegance of the body line and the upswept hair. What draws you to painting dancers? Have you yourself ever studied dance or wanted to?

LYB: I›m drawn to dancers for the sense of movement and vigour and strength. The dancer’s body undergoes so much and is sculpted by the act of dancing. I find this utterly beguiling and beautiful. I never studied dance, I›m not particularly accurate or graceful in my movements so never felt capable in that way. But I do find dance hypnotic to watch.

HB: In your work I notice that most of the figures are painted a very rich, dark brown color with a sensual creaminess. One might even describe it as smokiness. In contrast to the reflective quality of a Barkley Hendricks or the extreme glossiness of a Kehinde Wiley figure, your figures seem to absorb and hold the light, keeping it for themselves. What decisions are you making as a painter when you choose your figures’ skin tones? LYB: I think a lot about the colors that compose black skin. The blues and yellows and reds. The differences between skins. And particularly the way that light describes these colors. The blackness has varying depths and I never use black


paint. The blackness is always made

there is an element of problem-solving

up of color. It is expansive.

in the way that I work. Certain paint-

HB: Yes, that’s a perfect description-expansive. Speaking of color, you have talked about challenging yourself by working with a specific dominant color theme. Your 2013 painting “A Complication,” for example, is as much a study of the color green as it is a representation of four young men and their relationship. LYB: The colors often act as codes and exercises for me. Colors react in different ways with each other. So often

ings relate to each other as ongoing series throughout my practice. For example «A Complication» relates to «An Education» and «Pass» in that they

the paintings contain a strong sense of truth, of realness, of soulfulness. How do you go about choosing your bodies? Has your relationship to your own body changed as a result of living your life more and more as a painter?

all use the same palette, scale and composition. I often find that revisit-

LYB: I am influenced by the things

ing themes and exercises in this way

and people that I see as well as the

helps me to think things through and

sources I collect [through magazine

make new discoveries.

clippings]. As for my own body, per-

haps that is becoming more and more

HB: You tend to paint figures from your imagination, yet the narratives (if I may use this term) suggested in

honed and efficient for my practice, much like it does for the dancers.

Lynette Yiadom-Boakye’s oil paintings focus on fictional figures

Schools. Yiadom-Boakye has had several important solo museum

that exist outside of specific times and places. In an interview

shows, most recently at Chisenhale Gallery, London (2012) and

with Nadine Rubin Nathan, Yiadom-Boakye describes her

the Studio Museum in Harlem, New York (2011). Her work has

compositions as “suggestions of people...They don’t share our

appeared in many group exhibitions, most recently including

concerns or anxieties. They are somewhere else altogether.”

the Ungovernables: 2012 New Museum Triennial, New Museum,

This lack of fixed narrative leaves her work open to the projected

New York (2012), and the 11th Lyon Biennial of Contemporary

imagination of the viewer.

Art, Lyon, France (2012). Her work is included in the Encyclopedic

Her paintings are rooted in traditional formal considerations

Palace, at the 55th International Art Exhibition, La Biennale di

such as line, color, and scale, and can be self-reflexive about the

Venezia (2013). She is included in many institutional collections

medium itself, but the subjects and the way in which the paint is

including the Tate Collection, London, the Victoria and Albert

handled is decidedly contemporary. Yiadom- Boakye’s paintings

Museum, London, the Miami Art Museum, Florida, the Studio

are typically completed in a day to best capture a single moment

Museum in Harlem, New York, the Arts Council Collection, Lon-

or stream of consciousness.

don, the Museum of Contemporary Art, Chicago, and the Nasher

Her predominantly black cast of characters often attracts

Museum of Art, North Carolina.

attention. In a recent interview with Hans Ulrich Obrist in Kalei-

Yiadom-Boakye was the 2012 recipient of the Pinchuk Founda-

doscope, she explains. “Race is something that I can completely

tion Future Generation Price and has been short-listed for the

manipulate, or reinvent, or use as I want to. Also, they’re all black

2013 Turner Prize. Her self- titled monograph published by Pres-

because...I’m not white.” However Yiadom-Boakye maintains,

tel will be available in Spring 2014.

“People are tempted to politicize the fact that I paint black figures, and the complexity of this is an essential part of the work.

Jack Shainman Gallery has represented Yiadom-Boakye since

But my starting point is always the language of painting itself

2010 when she had her first solo show entitled Essays and Docu-

and how that relates to the subject matter.”

ments. Her most recent show with the gallery was All Manner of

Yiadom-Boakye was born in 1977 in London, where she is cur-

Needs in 2012. Her next solo exhibition with the gallery will be in

rently based. She attended Central Saint Martins College of Art

2014.

and Design, Falmouth College of Arts and the Royal Academy

91


A Complication, 2013. Oil on canvas. 200 x 250 cm. Places to Live For, 2013. Oil on canvas. 59.06 x 47.24 inches. Courtesy Jack Shainman gallery.

92


Interstellar, 2012. Oil on canvas. 200 x 180 cm. Clamour for a Grip, 2011. Oil on canvas. 200 x 180 cm. Courtesy Stevenson.

93


Sortir du cadre interview de Martina Bacigalupo Par Myriam Dao

confrontais à une nouvelle expérience de l’Autre, et j’ai pu approfondir ce que j’avais initié avec les non voyants. Durant 13 mois avec les Nations Unies, j’ai

Martina Bacigalupo, née en 1978 à Gênes, est photographe freelance en Afrique de l’Est depuis 2007. Elle remporte le Prix CANON de la Femme Photojournaliste pour un reportage en Ouganda «My name is Filda Adoch», en 2010. Elle est membre de l’Agence Vu.

Pourriez-vous nous raconter brièvement votre parcours?

94

tiques, économiques et pu appréhender en direct la relation de l’Afrique avec

Après des études littéraires, je me suis

l’Occident, loin de la vision biaisée par

mise à la photographie, en commençant

les médias.

un travail intimiste, Pianissimo, avec des non voyants. Puis j’ai été contactée par le danseur Virgilio Sieni, directeur actuel de la Biennale de Danse de Venise, pour affiner ensemble la perception du corps

Gulu Real Art Studio, coédité par Steidl et la Walther Collection, a attiré notre attention. Sujet à controverse par la violence des images présentées – des portraits aux têtes découpées, il justifiait que l’on donne la parole à Martina Bacigalupo, qui a bien voulu préciser le contexte dans lequel il a été mené et raconter sa profonde implication auprès de l’humain.

découvert le pays avec ses enjeux poli-

chez les non voyants. Je venais donc de cet univers artistique, faisant mes photographies dans une espèce de «petite bulle».

Qu’est-ce qui vous a amenée au Burundi, où vous vivez aujourd’hui ? J’y suis partie comme photographe pour la Mission du maintien de la paix des Nations Unies. En ce qui concerne l’écriture, ce travail était très différent de mes expériences passées. Je me

UMUMALAYIKA

Comment avez-vous fait évoluer cette «écriture documentaire» vers une écriture plus personnelle ? J’ai quitté le cadre des Nations Unies, trop institutionnel, qui bridait un peu mes relations avec les personnes photographiées. A ce moment là, j’ai travaillé sur Umumalayika («ange» en Kirundi). Ce travail essayait de synthétiser plusieurs approches. D’une part celle de l’univers intimiste d’où je venais, d’autre part celle du reportage que je venais d’expérimenter. J’avais besoin de retrouver cette intimité avec l’Autre. La rencontre avec Francine, (une jeune


femme burundaise qui a perdu ses deux

votre travail. Un parti pris esthétique ?

pour la raconter, et la bourse Canon AFJ

bras, blessée par son ancien compag-

C’est venu naturellement en observant

gagnée en 2010 a rendu ceci réalisable.

non) m’a permis de mener ce projet

les événements autour de moi. L’histoire

J’ai séjourné un mois chez Filda. C’était

dans une belle complicité. Elle aimait les

de Francine (Umumalayika) en est

un travail en commun : je prenais les

photographies que je faisais d’elle, en

révélatrice. Je n’ai pas commencé en dis-

photographies, et elle se racontait à trav-

particulier l’idée de devenir un «ange».

ant : c’est un travail sur le corps. C’était

ers ces images, y inscrivant ses propres

L’idée était de faire de ses moignons

son corps qui parlait et qui exprimait. Je

commentaires. D ‘où le titre de ce projet

non plus le symbole d’une limite, mais

l’ai laissée faire.

raconté à la première personne «My

celui du possible. De victimisant, le regard porté sur elle changeait, laissant la place à sa dignité, ses envies et son

Pour vous le corps possède un langage particulier ?

enthousiasme.

Sur «Umumalayika» précisément, mais

Vous semblez partager une profonde empathie avec elle?

corps a son propre langage. Je pense

aussi pour le «Gulu Real Art Studio», le que nous avons tous un «schéma» précis du visage, tandis que le corps échappe à

Je me concentre sur l’humain depuis

ce schéma.

que j’ai commencé la photo, et j’essaie

Dans un projet comme celui de Gulu,

de m’y tenir. Je m’intéresse à l’histoire

les prises de vues étaient centrées sur le

des hommes, plus particulièrement celle

visage qui devait représenter la per-

de certaines personnes, qui dit plus fac-

sonne, pour l’aider à faire des démarches

ilement que les chiffres, celle de tout un

administratives ou professionnelles.

peuple. Ces histoires du quotidien que je

De ce fait, le corps dégageait une

photographie, je crois, nous permettent

spontanéité totale, malgré le cadre de

plus facilement de nous y identifier.

représentation sous-jacent.

Certaines photographies du projet «Umumalayika» semblent mises en scène. Pouvez-vous nous apporter un éclairage sur le contexte des prises de vue ?

Une espèce de lâcher prise ?

C’est pour moitié mis en scène. J’accompagnais Francine dans le cabinet d’un radiologue qu’elle consultait pour voir si on pouvait lui adapter des prothèses. Francine se tenait contre le mur sur lequel des gants de chirurgien étaient accrochés. L’image était là. J’ai juste demandé à Francine de garder la pose un peu plus longtemps avant d’aller passer la radiographie. Le corps tient une place importante dans

95

Tout à fait GULU REAL ART STUDIO

Quelle est l’origine du projet Gulu Real Studio ? J’étais dans le nord de l’Ouganda, missionnée par Human Rights Watch pour réaliser des portraits de femmes avec handicap. J’y ai rencontré Filda Adoch,

Name is Filda Adoch». Cherchant où imprimer mes prises de vue pour Filda et sa famille, je suis arrivée dans un studio photo de la ville de Gulu. Sur le comptoir traînait cet objet incroyable : le portrait d’une personne «décapitée». C’était au rebut. J’ai demandé à regarder dans la poubelle. Devant ma curiosité, un homme a proposé de me montrer la poubelle de son studio. C’était Obal Denis, devenu depuis mon ami, que j’ai suivi jusqu’au Gulu Real Art Studio. Là, parmi ses déchets, il m’a permis de récupérer des photographies froissées, des «portraits sans visage»(1). Ce fut le début de notre collaboration. (1) Obal Denis, comme tant d’autres studios photo de Gulu, préfère prendre une image argentique, pour des questions d’économie, y découper le visage avec une machine spécifique pour faire des formats photo d’identité, et jette ensuite au rebut le reste du tirage.

une jambe en marchant sur une mine,

Précisément, s’agit-il d’une véritable collaboration, ou bien considérez-vous ce travail comme étant personnel ?

ainsi que son fils et deux maris) avec

Projet personnel dans le sens ou Obal

une personnalité et une force assez

Denis ne voit pas trop l’intérêt de cette

impressionnantes. Elle m’a dit «Go and

série de portraits sans tête. Ces prises

tell my story». Je me suis sentie investie

de vues découpées, il les met au rebut.

une femme qui m’a vraiment frappée. Une victime de la guerre (Filda a perdu


Mais, collaboration aussi, car il est

J’ai noué une relation d’amitié et de

tion», pour désigner les camps pour

évident que sans lui, je n’aurais jamais

confiance avec Obal, le propriétaire du

personnes déplacées («IDP Camps»). Ces

pu collecter ces photos. Il m’a accompa-

Gulu Studio. Lui est très content que l’on

portraits sans têtes seraient là comme

gnée et soutenue depuis le début de ce

parle de son studio dans le New York

pour signifier : on a tenté de nous élim-

projet. Une partie des ventes des photos

Times, et fier d’avoir ce livre qui montre

iner, mais nous résistons. Nous sommes

va retourner au Gulu Real Art Studio.

son peuple, les Acholis (ethnie du Nord

là. Avec notre dignité et notre élégance.

J’essaie de faire extrêmement attention

Ouganda). En fait, les images, accom-

à ne pas suivre la tendance qui consiste

pagnées d’interviews que j’ai réalisées

La seconde chose que j’ai vue dans ces

à s’approprier masques, artisanat, objet,

auprès des clients du Gulu Studio, racon-

portraits sans tête concerne mon regard

sans reconnaissance ni rétribution pour

tent l’histoire des Acholis. Dans un pays

de photographe, d’artiste. Lorsque

les personnes, comme nous l’avons fait

qui ne fait entendre souvent qu’une

l’on évoque le genre «portrait», nous

très longtemps.

seule voix (celle du Gouvernement), j’ai

pensons d’emblée au visage. Ici, nous

voulu leur donner la parole. Non pas

nous retrouvons devant un portrait sans

pour me positionner de leur coté, mais

visage. C’est d’une violence inouïe. Un

simplement pour restituer la complexité

anthropologue avec qui j’ai échangé

de la situation.

ne pouvait tout simplement pas les

Comment réagissez-vous à certaines critiques, notamment celles des personnes qui évoquent le pillage de la culture africaine ? Vous a-t-on déjà reproché cela, - j’ai entendu des mots très durs, allant jusqu’à qualifier votre travail de «marchandisation du corps noir» « Marchandisation du corps noir » … non, je n’avais pas encore entendu cela. C’est très, très dur. Mais je comprends ce qui pourrait motiver ces critiques. Je répondrais «Venez passer du temps avec moi, pour comprendre les dynamiques de mon travail ; allez discuter avec Obal, le seul qui peut vraiment répondre», afin de ne pas juger mon travail sans en connaître les modalités. Ce n’est pas parce que je suis Occidentale que je ne peux mener un travail au Burundi ou en Afrique. Sinon on pourrait seulement travailler dans nos pays d’origine. Mais, faire attention, c’est ce que j’essaie de faire en tissant des liens avec les personnes avec lesquels je travaille, en leur expliquant et en leur demandant si elles veulent participer au projet, et en essayant d’être juste avec ce qu’on fait de ce travail par la suite.

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regarder. Pourtant, cela nous oblige à Enfin, Obal est aussi content qu’une par-

déplacer notre regard, du centre, qui

tie des ventes des photos va retourner

n’existe plus, vers la périphérie. Si l’on

au Gulu Real Art Studio. On pourra peut

observe celle-ci, on aperçoit les mains,

être acheter une nouvelle machine qui

des gestes, le choix des habits, détails

sait !

auxquels on serait moins attentif s’il y avait le visage, et qui nous permettent

La légitimité est un élément fondamen-

d’entrevoir une histoire, peut être une

tal et on ne peut pas s’en passer, que

autre histoire, ou plusieurs histoires.

l’on travaille au Burundi, en Italie, ou

Chacun de nous est obligé de partici-

ailleurs.

per à l’image, de remplir le vide. Cette

Revenons sur l’expression employée lorsque vous racontez votre trouvaille dans les poubelles du Gulu Real Art Studio : décapitation Face aux photographies découpées, j’ai vu clairement des images décapitées, très violentes. En même temps il y avait quelque chose de très fort dans ces portraits sans têtes. La première chose qu’ils évoquent, c’est l’histoire du peuple Acholi, racontée de leur point de vue. Eux-mêmes parlent de «tentative de génocide perpétrée envers leur peuple», ils évoquent les «camps de concentra-

expérience a contribué à affiner mon regard. Je crois que toute opération artistique devrait contribuer à enrichir notre regard, d’une certaine façon.

On a l’impression d’un regard presque anthropologique … C’est un mouvement assez naturel, pour moi qui viens de la littérature et de la philosophie. Pour le livre sur le Gulu Real Studio, j’ai collaboré avec une politologue spécialiste du nord de l’Ouganda, Sandrine Perrot. J’ai envie de tels rapprochements pour affiner ma vision et


Umumalayika_IV: Martina Bacigalupo et Magule Wango, “Umumalayika”, 2008-2010

être plus pointue dans mon travail.

Quels sont vos projets actuels et futurs ? Je travaille depuis 2 ans sur le concept de guérison dans une communauté Ju/ hoansi (les «Bushmen») dans le Nord Ouest du Kalahari. Loin d’une vision idéalisée des communautés qui vivent dans la nature, et dont la réalité est autrement plus dure, je voudrais juste approcher d’une façon objective, presque scientifique, leur conception de la maladie et du soin. En même temps c’est un travail très intime et personnel, qui s’étale sur le long terme.

je prends juste des «notes pho-

décide d’y placer. Je sens qu’il est temps

tographiques». Je suis allée plusieurs fois

pour moi de sortir de ce cadre.

dans ce village et j’ai noué des relations avec ces hommes qui dernièrement

Pour terminer, je tiens à apporter une

m’ont invité à laisser mon cahier de

précision qui a son importance dans

notes et venir danser parmi eux. Selon

tout mon travail. Au sujet des portraits

eux, je ne pourrai jamais comprendre

de Francine, on pourrait dire «vous

la façon dont ils guérissent si je ne vis

utilisez le corps de cette femme», mais

pas avec eux la mise en place de cette

ces images faites ensemble, c’est vrai-

guérison. Je ne suis pas sûre de suivre

ment une histoire à deux voix. Et puis,

cette direction, mais il me faut sûrement

ce projet, primé en Italie, a permis de

un saut, pour voir un peu plus loin, ou,

récolter de l’argent dont la moitié a servi

comme disent mes amis guérisseurs,

à acheter des prothèses à Francine, et

pour voir, tout court. Comme si nous

l’autre, versée à Handicap International

étions, finalement, les non-voyants…

à financer des prothèses pour enfants. Avec Filda Adoch, quand j’ai gagné le

Je vais travailler avec du film, laisser le

prix Canon, je lui en ai versé la moitié.

Comment cette nouvelle approche de la maladie modifie-t-elle votre rapport au corps, au monde ?

numérique de côté, et essayer de lâcher

«Sortir du cadre», c’est aussi cela : on

prise sur le cadrage. L’expérience de

raconte une histoire ensemble, on reçoit

Gulu Real Art Studio m’a enseigné cela

et on donne, on est au même niveau

Pour l’instant ce travail est en cours,

aussi : en dehors du cadre il y a des cho-

que l’Autre.

ses aussi importantes que ce que l’on

97


Gulu III: Martina Bacigalupo, “Gulu Real Art Studio”, 2011-2013

Gulu II: Martina Bacigalupo, “Gulu Real Art Studio”, 2011-2013

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Gulu I: Martina Bacigalupo “Gulu Real Art Studio”, courtesy of the artist and the Walther Collection


Pianissimo I: Martina Bacigalupo, “Pianissimo”, 2006

Umumalayika_I: Martina Bacigalupo, “Umumalayika”, 2008-2010

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Aissata Pinto Da Costa Par Maria Bonga

La liberte dans l’espace temps Aissata Pinto Da Costa est une artiste

somptueuses, sans races ni cultures

sonnages, dans la mouvance du style

expressionniste, originaire de Sao Tomé

distinctes, dont la spécificité commune

graphique de Keith Haring. Passion-

et Príncipe, un petit pays du Golfe de

est leur absolue nudité.

nés par la mixité, ces deux pop-artistes

Guinée, au large de la côte occiden-

portent une critique sur la société,

tale de l’Afrique. Elle est née à Berlin, a

Dans l’une de ses premières œuvres,

ses valeurs et convictions, en souten-

vécu à Paris, vit et travaille à New-york.

elle exalte l’élégance longiligne de ses

ant dans leurs œuvres, des pensées

Artiste-peintre « self-made-woman »,

personnages composés de musiciens,

empreintes de sagesse. Ils se rejoignent

elle accorde dans son travail une place

d’athlètes et danseurs aux formes

également dans l’idée que l’art est

prépondérante au corps humain, dans

voluptueuses et aux attitudes évoquant

indissociable de la vie et qu’il doit être

son choix de formes, tissus, motifs,

le mouvement, sautillant, rebondissant,

une expérience accessible à tous ; la

matières et imprimés. Elle puise son

virevoltant en tous sens et paraissant

commercialisation de produits dérivés

inspiration dans son amour de l’Afrique,

défier les lois de la pesanteur. Un fab-

étant une façon virtuose de donner des

de la vie, de la musique, du sport, de

uleux concentré d’énergie évoluant dans

aventures infinies à leurs personnages

la motivation et de sa fierté d’être une

des scénarios complexes sur le thème

; c’est ce qui rend l’œuvre d’un artiste

femme. A ses débuts, elle se fait con-

de l’amour, jouissant d’une atmosphère

si populaire. Tout comme Aissata Pinto

naître grâce à sa ligne de plats, de style

réactive, baignée de lumière, de grâce

Da Costa, le monde de Ketih Haring

africain, produite par la Maison de l’art

et de finesse, le tout dans une naïveté

est universel, d’une grande richesse

de Table portugaise « Vista Alegre », qui

légère et colorée qui ressemble à

d’interprétations et d’explorations où

a un grand succès. Grâce à sa forma-

l’auteur. Elle réalise ensuite un ouvrage

l’on perçoit le mouvement dansant dans

tion « autodidacte », elle développe

autour d’une histoire d’amour, qu’elle

la minutie de ses lignes mais aussi dans

petit à petit son talent, expérimentant

baptise « L’amour sur 12 mois », une nou-

l’élan de chacune de ses figures. Tous

constamment de nouvelles techniques

velle série où elle met en scène, douze

deux s’autorisent constamment des

et matériaux. Brillant par son art qu’elle

couples apparents, dans des anecdotes

couleurs pétillantes et éblouissantes,

affirme d’un style abstrait et person-

diversifiées d’affection. Elle y illustre

et ainsi de leurs chefs d’oeuvres jaillis-

nel, elle peint des pièces géométriques

avec couleurs et brio leurs sentiments

sent la joie et l’énergie, qui témoignent

rythmées par des demi-cercles, ce

et leur engagement, sur une période

de l’amour de la vie et d’un optimisme

qui donne l’illusion perpétuelle du

représentant les douze mois de l’année.

irrévocable.

peindre se lit à travers des compositions

Dans cette série, on distingue l’impact

Quel est votre parcours artistique ?

orchestrées, par des corps de créatures

des formes géométriques sur les per-

J’habitais à Paris où j’étais mannequin

mouvement dans ses toiles. Sa joie de

100


professionnelle, à la fin de ma carrière

d’amies avec lequelles j’entretenais des

De gauche à droite :

dans la mode, j’ai eu l’idée extravagante

relations amicales solides. Ces dern-

Curvy Women – 2004

d’essayer le dessin, en peignant des

ières m’ont énormément inspirée pour

motifs aux influences ethniques sur des

sublimer les femmes. Je crois fortement

Extraits d’une serie “la célébration de 12 histoires d’amour,

assiettes. Très vite avec la Maison de

à l’estime sincère et à la complicité

donc 12 mois d’amour.”

l’art de table portugaise « Vista Alegre

féminine. Ce que j’exprime dans mes

Acrylic on Canvas ( 12 paintings- eaxch- 0.92m x 0,61m) - 2010

, on lançait une gamme d’inspiration

tableaux célèbre la beauté féminine. Ma

My Big Man

africaine qui connu un grand succès. J’ai

mission est que les femmes se sentent

My Man

alors décidé de m’installer aux USA et

sûres d’elles et qu’elles affirment leur

My Heart is all yours

m’initier a Photoshop et illustrator, pour

côté Super Women.

Dont’ Leave Me

développer ma fibre artistique.

Est-il facile pour un artiste autodidacte de s’immiscer dans le monde de l’art?

Que représente la couleur dans votre travail ? La signification des couleurs dans mon ouvrage est: « la gaieté, l’ambiance, la

Non c’est très difficile. J’ai eu la chance

festivité, l’énergie », un cocktail scintil-

de faire des bonnes rencontres et d’avoir

lant qui donne la pêche !

le soutien de personnes influentes qui m’ont appris des techniques de bases du dessin et qui ont cru en mes capacités. Au début je ne prenais pas très au sérieux cette nouvelle passion, jusqu’au jour où j’ai fait deux solo show à New York, c’était une façon pour moi, de toucher véritablement de près, le

Techniquement quels sont les principaux éléments et méthodes utilisées dans la pratique de votre art ? Je travaille les personnages sur une palette graphique via Adobe Illustrator. Ce processus est très long car le but recherché est que les protagonistes

monde de l’art.

communiquent toutes leurs émotions

Quels sont les artistes qui vous influencent?

être précises. Ce processus est comme si

Keith Hearing, Klimt, Ousman Sow,

graphique. Une fois que j’ai organisé

Murakami et Kehinde Wiley sont pour

mes rôles et la scène, je trace les con-

moi, une réelle source d’inspiration

tours sur la toile et je peins avec de la

intarissable.

peinture acrylique.

Votre thème de prédilection est essentiellement la représentation féminine. Comment expliquez-vous cette démarche artistique?

Qu’aimeriez vous que les gens perçoivent en contemplant vos oeuvres?

J’étais élevée et considérée comme une

chaque spectateur qui les contemple,

femme à part entière, capable de réussir autant qu’un homme, par un père africain féministe. Lorsque je travaillais dans le mannequinat, j’avais un groupe

101

par des attitudes physiques qui doivent je sculptais les individus avec mon stylo

Je souhaiterais que l’énergie qui ressort de mes toiles inspire et fasse sourire qu’il se retrouve dans mes réalisations, en somme un hymne à l’éclat du corps.

Africa, Present and Future Acrylic on Canvas - (6ft x 4ft), (1,83m x 1,21m)- 2007


102


103


FOCUS

Holly Bass: Body and Mind Performance by Melanie Spears Harper

104

“40 Continuous Dances for Freedom,� 2013, 99 minutes, video still. Image courtesy of the artist.


P

eople of all ages, races and backgrounds gathered around the

pool deck at the Capitol Skyline Hotel in Washington, DC to participate in Holly Bass’ Revival. Sunlight glittered on the

MELANIE SPEARS HARPER: When conceptualizing a performance, what do you think of first, the actions you will perform, or the objects you will create or use for the performance?

surface of the water as 2013 (e)merge

the camera changes our perception of the body. In some ways I wish I wasn’t so aware of these things. I wonder if I’m less “authentic” in front of a camera. But at the same time, it would be inauthentic if I ignored this very powerful

Art Fair attendees assembled: crunchy

HOLLY BASS: I think first of the

mediating presence. I’m also still think-

granola hippies, aging vacationers,

emotional narrative or conceptual foun-

ing of my audience—those that will see

preening hipsters, families with young

dation that I want to get across to the

the video work when it is completed. I’m

children, artists, curators, and dealers.

viewer. Then I think about the actions.

aiming for maximum allure and seduc-

They squatted on nearby tree stumps

The objects, such as photographs, video

tion of the individual and of the camera

arranged in a camp circle, pulled up

or performance relics, come last. I think

too.

deck chairs, or gamely stretched out

of my body as the primary instrument in

on the warm concrete. Over the course

the sense that it is both the medium and

of two days of community gatherings, at the center of it all Holly Bass stood beneath an undulating azure and white cotton tent canopy. Sublimating the idea of performance as one-way delivery, she led her “congregation“ in sing-alongs, invited them to share transformative art experiences, and baptized a group of people to mark a significant change in their creative lives. For close to two decades, Holly Bass has been a fixture of the Washington, DC arts scene. A trained dancer and celebrated writer, Holly’s performances are at once keenly focused on her body, how it moves and is perceived, as well

MSH: Your Pristine performance the message, to borrow from Malcolm incorporated a live stream online Mclaren. broadcast of actions performed in a white cube gallery space and its surrounding neighborhood (a local restaurant, a nail salon). Do current attitudes toward social media, technology, and a culture of over-sharing and self-disclosure play a role in Revival, 2013. Documentation of live performance. Photo credit: Tony Hitchcock. your work?

as the layered literary allusions it evokes. Her best known body of work explores the endless allure of black women’s bodies, from Venus Hottentots to video vixens; her recent performances address

MSH: You also create video work, usually by filming an action you perform. Does the use of a camera alter your performance at all?

HB: They play a role in the sense that I’m very aware of these cultural shifts with regard to technology and social media—sometimes it’s literally inescapable. I did a performance of Pay Purview

the idea of community: its definition, temporality, and how its architecture

HB: It does. When I’m performing for

at Art Basel Miami two years ago and

and demographics change from genera-

the camera, I am also the director of the

everywhere in the audience there were

tion to generation. Holly uses her body

piece. I’m not quite as free and in the

cameras and smart phones—it was

at a totem, absorbing and reflecting

moment. I’m thinking about the fram-

almost completely mediated. There was

these ideas through compelling actions

ing, the angles of my body and face, the

no escape from the camera’s hungry

and rituals.

overall composition and even the ways

eye. It actually threw me off initially—

105


Revival, 2013. Documentation of live performance. Photo credit: Tony Hitchcock.

106


this idea that no one was really watching

a story with the simplest of gestures.

spend hours and days going over ideas

the performance. They were watching

So I study other dancers. And not just

and concepts. There is the initial impulse

mediated videos of a performance that

classical or contemporary dancers. I love

or inspiration and then I slow down and

was happening right in front of them.

watching really dedicated club dancers. I

go over the ideas, questioning them,

But then I realized I could use this sense

also keenly observe strippers and exotic

doubting them, feeling them out. Does

of violation to enhance the performance.

dancers, the kind of power they wield.

it feel right? I search for the not-quite-

It was as though the cameras collectively

I am a student of human movement, of

right places. The nagging concerns. I talk

became a hyper-intensified male gaze.

the body.

them out, write them out. On the bus

At the same time, media and technology

or metro, walking down the street, my

MSH: You trained as a dancer under Viola Farber at Sarah Lawrence College. Does the body awareness and control required for dance inform your performance work at all?

MSH: You’re also a published poet and creative writer. Such cerebral, solitary enterprises seem at odds with dance—a very athletic, physical, shared practice. During performances, are you able to “get out of your head” and operate on a physical level, or is your mind constantly racing?

HB: Absolutely. All of those years of

HB: I tend toward

dance training create strength, length,

the cerebral, oddly

agility, flexibility, coordination. But even

enough. One of

as I age (I’m now in my fourth decade)

the most difficult

and lose certain abilities, my sensitiv-

things for me is

ity and awareness doesn’t diminish, it

to learn other

increases. There’s a wonderful dancer,

people’s choreog-

Martha Wittman, who performed with

raphy because it

Liz Lerman Dance Exchange in her

requires a balance

older years after a long career in mod-

between mind

ern dance. Watching her warm up was

memory and mus-

almost painful. She really had to take

cle memory. So,

her time, releasing tightness and physi-

working solo and

cal limitations to the best of her ability.

using structured

But when she danced, it was absolutely

improvisation

marvelous! A simple lift of the chin, or

really brings out

a gesture of the hands. The sense of

my strengths as a

connectedness. She knows where the

performer. I have

tips of her fingers are, in relation to her

a very strong need

spine, in relation to her feet. I’m also

for control! Prior to

aiming for that kind of groundedness

any performance

and ability to conjure emotion and tell

or new work, I

hasn’t yet been the driving concept of my work. I’m still most interested in the relationship between the performer and viewer and the uses of the body.

mind is buzzing with thoughts, ideas and questions. I rarely listen to music on headphones because it interferes with my mental creative process. In performance, I generally occupy

Pristine, 2013. Archival pigment prints. Courtesy of the artist.

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facts, oral histories) documenting black women’s performance work. In your opinion, how does the work of black women fit into the overall history of performance art, and specifically, where does your work fit? HB: When I think about it most of my earliest performance art heroes were white women. Artists like Valie Export, Karen Finley, Marina Abramovich. And there were a few black men I was aware of like Sherman Fleming, William Pope L and David Hammons. It was only later that I learned about Adrian two roles. That of director and that

HB: Lately, I’ve been experimenting with

of performer. The director is cerebral,

putting the director in the backseat and

and Senga Nengudi. I think it’s really

multi-tasking. The director is not in the

letting the body be in charge. I created

critical to write that history of black

moment. She is reviewing and assess-

a collaborative performance at Smith-

women performance artists. I very much

ing what just happened, monitoring the

sonian African Art Museum last March

see my work as coming out of that tradi-

current action and thinking ahead to

which began with a meditation. It was

tion. I hope to add my own voice to their

what could go wrong. And not just for

really hard for me to still my thoughts

radical presence.

me, but for all of the entities present in

and focus on simply breathing and

the room—the sound technician, the

being. But I trusted that the assistants

lighting designer, the other performers,

were in place for each scene and that the

the set pieces, the audience—gaug-

other performers knew their roles. I also

ing them, clocking their locations, their

had to trust myself enough to relinquish

Melanie Spears Harper is a researcher

facial expressions, their apparent level

total control. Someone once told me

and independent curator from Balti-

of focus or interest. That’s why the

that it is possible to be imperfect and

more, MD. She coordinates projects for

physical preparation and dance training

excellent at the same time. It took a

the Education Publications department

is so key. My body needs to be able to

while for me to wrap my head around

of the National Gallery of Art, and has

function at a high-level, like auto-pilot. I

that one, but once the meaning sunk

worked with Holly Bass as studio man-

need to know that I can trust my body to

it, I found it very freeing. So during the

ager and collaborator since Spring 2012.

move the right way in performance, so

performance, I didn’t fret if the audience

that my mind can do its part.

was in the “wrong” place or the timing

MSH: You sometimes incorporate rituals into your performances: singing repeated refrains, repeated physical motions, meditation—are you attempting to transcend your cerebral tendency? Is that a goal of yours?

wasn’t exactly as we rehearsed. I really

108

tried as much as possible to be completely in the zone of the body.

MSH: This year, I plan to compile an electronic repository of digitized materials (photographs, videos, arti-

Piper, Ana Mendieta, Lorraine O’Grady


Above : Pay Purview, 2012. Photo documentation of live performance, Art Basel Miami Beach. Photo credit: Ray Llanos. On the left page : “Monument,� 2013. Photo documentation of live performance, Smithsonian National Museum of African Art. Photo credit: Rosina Photography.

109


ARCHITECTURE

architecture et memoire coloniale par Carole Diop

Les bâtiments, tout comme les corps, ont une histoire, une mémoire. Cette affirmation prend tout son sens lorsqu’on parle d’architecture coloniale. En effet les traces laissées par les puissances coloniales dans le paysage urbain de leurs colonies constituent une mémoire puissante. 110

C’est cette mémoire que la cinéaste

l’impulsion du gouverneur au début du

Pascale Obolo et l’artiste Caecilia Tripp

20ème siecle.

interrogent avec leur projet Occupy

C’est à Paris que Pascale Obolo, (

Schloss von Puttkamer / Decolonize

franco-camerounaise) et Caecilia Tripp

Architecture Now. L’expérience propo-

(allemande), se sont rencontrées et se

sée par les deux artistes a pour point

sont découvert une histoire commune.

de départ un bâtiment, symbole de la

C’est alors qu’elles décident de se lancer

présence coloniale allemande au Cam-

dans un projet artistique qui interroge

eroun, le Schloss von Puttkamer (Palais

la mémoire coloniale germano-camer-

du gouverneur Jesko von Puttkamer),

ounaise tout en invitant à l’analyse des

construit sur le Mont Cameroun sous

« politiques » et des « usages » de cette


mémoire. Comment? En développant un

tion, apprentissage collectif, réunions

Pascale Obolo est cinéaste, et « chercheuse

dialogue entre le mouvement soma-

publiques et défis juridiques, autour de

», née en Cameroun, basée à Paris. Elle a

tique comme une archive vivante et

la question de l’occupation coloniale

réalisé plusieurs long métrages comme

l’architecture coloniale.

israélienne en Palestine. Le travail de ce

Calypso at Dirty Jim’s pour laquelle elle

Avec ce projet les deux artistes posent

collectif est centré l’un des dilemmes

a reçu un Award et Calypso Rose – The

deux questions fondamentales : Com-

les plus difficiles de la pratique politique

Lionness of the Jungle. Ses films ont été

ment détourner, déconstruire, réutiliser,

: comment agir en tant que force de

présentés à plusieurs festivals interna-

recycler et décoloniser une infrastruc-

proposition et critique dans un envi-

tionaux comme le Toronto Film Festival,

ture coloniale ? Que faire des vestiges

ronnement qui voit le champ de force

Canada, Film Festival Cannes, France, Trini-

qui subsistent tels des spectres d’une

politique si dramatiquement déformé ?

dad & Tobago, London Film Festival, UK.

fantaisie coloniale ?

DAAR propose la subversion, la réuti-

Elle a enseigné le Cinéma à l’Université du

En réponse à ces questions, le projet met

lisation, le recyclage et la profanation

Michigan, Ann Harbor USA. Elle est rédac-

en relation des archives coloniales (films,

de l’infrastructure existante d’une

trice en chef d’Afrikadaa, une revue online

photographies, enregistrements audio)

occupation coloniale et rejoint en ce

sur l’Art Contemporain afro-caribeen. Elle

avec le présent et le futur, en transgres-

sens l’approche des deux initiatrices de

est fondatrice de Diasparis, un laboratoire

sant temps et espace par le mouvement

Occupy Schloss von Puttkamer.

culturel et intellectuel pour la visibilité des

de chorégraphes et de danseurs.

En tant qu’architecte j’ai une intérêt

artistes de la Diaspora Noire à Paris, qui

“L’impossible m attire car toutes les

purement esthétique pour l’architecture

engage des questions d’identité, de migra-

choses possibles on ete déjà faites et le

coloniale à laquelle je trouve un cer-

tion, d’exil et d’échange trans-culturel.

monde n a pas change” Sun Ra.

tain charme plastique, mais des projets

Son dernier film « Calypso Rose » a reçu un

Selon les conceptrices du projet, c’est

comme Occupy Schloss von Puttkamer

Award au FESPACO 2013 à Ouagadougou.

par l’anarchive somatique que l’on peut

ou encore celui de DAAR me poussent

tenter de parvenir à décoloniser cette

au questionnement et son révélateurs

Caecilia Tripp artiste, née à Frankfurt/

l’architecture.

de la violence que constitue la présence

Allemagne. Ses films, installations vidéo,

Occupy Schloss von Puttkamer est un

de ces batisses dans le passage urbain

performances et oeuvres photographiques

concept artistique qui pourrait se dével-

des anciennes colonies.

ont été présentés internationalement dans

opper sur tout le continent africain et

des galeries et musées tel que le MOMA/

notamment au Togo, un pays d’Afrique

PS1 New York, Center of Contemporary Art

de l’Ouest qui a lui aussi subi la colonisa-

Quand un étranger prend le contrôle

New Orleans, USA, Musée d Art Moderne,

tion allemande.

– comme dans le cas de la colonisation –

Paris, Gwangju Biennale 7, Corėe du Sud,

d’un pays et ses habitants –ça laisse des

Clark House Initiative Bombay et dans des

Le projet Occupy Schloss von Putt-

traces. Les traces visuelles sont souvent

Festivals de Films tel que Mostra Venice

kamer / Decolonize Architecture Now

une mémoire puissante et souvent une

61. Elle explore des formes de “freedom”,

est en certains points en résonance

évidence visuelle.

d’utopie, de désobéissance civile, les poètiques entre les différents imaginaires. Elle

avec le travail de DAAR Occupy Schloss von Puttkamer / Decolonize Architec-

Dr. Lobna Sherif ( Départment de

a réalisé avec Karen McKinnon “Making His-

ture Now. Decolonize Architecture Art

l’architecture, Ain Shams University)

tory” (2008) avec Edouard Glissant et Linton

Residency est un collectif d’artistes et

Kwesi Johnson. En ce moment elle finit sa

d’architectes associé à un programme

triologie sound performance/film “Music

de résidence basé à Beit Sahour,

for (prepared) Bicycles” (after John Cage &

Palestine et dont le travail combine

Marcel Duchamp) en trois scores Bombay/

discours, intervention spatiale, éduca-

New York / Cape Town. Elle est membre d’Afrikadaa.

111


“Untitled” Photomontage, Château (Schloss) von Puttkamer after Okhai Ojeikere, Cameroun, courtesy Pascale Obolo & Caecilia Tripp 2014

112


“Untitled� Photomontage, Splitting after Gordon Matta-Clark et Okhai Ojeikere, Cameroun, courtesy Pascale Obolo & Caecilia Tripp 2014

113


DESIGN

Gustave Mambo Quand le design fait corps avec l’architecture Par Djenaba Kane

Originaire de la Côte d’Ivoire, c’est en 1983 que Gustave Mambo pose ses valises en France. Attiré par l’architecture, il intégrera l’Ecole Supérieure d’Architecture de Strasbourg pour en sortir diplômé en 2001. Architecte depuis une vingtaine d’années, ayant exercé dans des agences d’architectures en France, Gustave Mambo amoureux d’art et de peinture, se tournera vers le design. Ainsi, depuis environ 10 ans, il conçoit du mobilier s’inspirant de ses origines ivoiriennes tout en alliant l’architecture au design. 114


Qu’est-ce qui vous a motivé à vous orienter vers le design?

On l’aime avant de s’asseoir, on la caresse aussi comme un corps doux, on la respecte et enfin on veut qu’elle

C’est la pluridisciplinarité du métier.

règne dans notre salle à manger sans

Je considère que le design devient

trop la déplacer, ni la brusquer.

une entité indissociable du concept

Oui la chaise Awalé est ma création la

architectural.

plus aboutie.

Créer des objets avec le plus de liberté

Elle crée de l’émotion, elle est très

et audace, voilà ce qui me motive.

ergonomique et s’adapte à tous les

Quelle est l’œuvre dont vous êtes le plus fier ? Pourquoi ce choix ? Je dirai franchement deux œuvres : La Chaise Guépard et La chaise Awalé. Mais le plus dominant reste la Chaise Awalé. Cette création inspiré du jeu « awalé » qui est très populaire sur tout le continent Africain, (surtout en Afrique de l’Ouest), est une chaise unique et qui cherche par sa forme à épouser le corps. Elle donne la sensation d’apaiser les maux de dos, on se sent bien assis avec le dos bien droit parfait pour la colonne vertébrale. Elle donne une grande liberté aux jambes qui peuvent se replier aisément.

corps. La chaise par sa simple fonction de s’asseoir, devient ici, une beauté visuelle, une sensation ergonomique agréable et elle génère la sérénité et le bien être. Oui j’en suis fier et elle mérite j’espère modestement tous les égards.

Pouvez-vous nous parlez de votre chaise « Femmes » et du siège « Pianiste » qui ont également un rapport étroit avec le corps ? Comment vous est venue cette idée ? Tout comme les Chaises : Awalé ou Guépard ; je crée des meubles pour le bien être du corps humain avant l’aspect fabrication en série et la finalité financière.

Les personnes qui l’ont essayé sont unanimes pour son confort du dos ; la masse corporelle toute entière s’adapte. L’autre aspect, c’est sa beauté, son apparence noble et solide.

115

Tabouret Pianiste, courtesy of the artist


Le corps est en effet un des éléments

courci par l’objet en lui-même. Sa forme

sensibles dans mes créations.

inclinée volontairement est étudiée

Pour la chaise « Femmes », l’idée m’est

pour permettre une bonne cambrure du

venue par le constat du rôle primordial

corps.

de la femme dans le développement de la famille et de la société dans sa globalité. Depuis mon enfance en Afrique, où j’ai observé que souvent les mères de familles (sans vouloir généraliser), non seulement subissent parfois les violences les plus inouïes, des injustices inqualifiables, mais en plus ce sont elles qui maintiennent la vie, l’équilibre d’une micro famille. Elle demeure, dans sa chair, son corps, son sang, son équilibre psychique, son âme, l’assurance et la protection de ses enfants. Elle est et demeure la reine de la vie. Elle est la source de notre éveil. Même les hommes les plus « machos » aujourd’hui, ne diront pas le contraire. La femme est en grande partie, l’avenir de l’humanité et quel que soit sa couleur de peau. Ces remarques personnelles, m’ont conduit à créer « la chaise Femmes » Femmes au

pluriel, parce que prov-

enant de tous les continents du globe. Cette création est là pour commémorer la journée de la femme dans le monde sans distinction de race, ni de couleur de peau, ni de religion. Quant au siège « Pianiste », inspiré de la mante religieuse par sa forme spéciale est conçu pour soulager aussi le corps. Quand on est assis plusieurs minutes à jouer un instrument de musique, en plus qui demande une posture droite et concentrée, il est primordial de repenser le bien être du corps et la concentration musicale. Un thème dense, mais ici rac-

116

Vos créations sont pour le moment au stade de prototype, comment appréhendez-vous leur commercialisation à venir ? Passer du stade prototype au stade de fabrication en série, l’aspect marketing pour la vente ou l’exposition de mes créations, n’est pas une affaire simple. Il faut beaucoup de persévérance et ne pas baisser les bras. Je suis en train de rédiger un business plan » afin de pouvoir démontrer la faisabilité de mes projets en termes de classements (valeur de l’objet), prix, objectifs…. Ce travail me permettra de solliciter des éventuels mécènes. Selon vous, comment va évoluer le métier de designer en Afrique? Je pense que c’est difficile d’en vivre et rare sont les chanceux qui atteignent

Chaise Awalé, courtesy of the artist

une certaine notoriété nationale ou internationale. Néanmoins je constate qu’il y a quelques designers africains qui se défendent bien dans cet univers très sélectif. Il y a beaucoup d’espoir pour la génération à venir, car le continent africain attire les investisseurs et les gens sensibles à l’art africain. Pour plus d’informations, vous pouvez contacter Gustave Mambo : Mambo architectures & design - Bassam - Bordeaux Port: 06 60 18 08 39 mail: gmarchitecture@hotmail.fr

Chaise Guépard, courtesy of the artist


Chaise Femme, courtesy of the artist

117


EXHIBITION REVIEW

Corps et (des) accords L’esthétique vidéo des artistes algériennes (1995-2013) Artiste - Curateur : Amina Zoubir Par Djenaba Kane

Amina Zoubir est une artiste plasticienne, vidéaste et curateur, vit et travaille entre Paris et Alger, représentant un trait d’union entre l’Algérie et le monde extérieur. Elle est diplômée d’un Master Théorie et pratique de l’art contemporain et des nouveaux médias à l’Université Paris 8 et d’un DESA Design graphique à l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts d’Alger. En 2010, elle publie sa recherche universitaire qui dévoile l’art vidéo des artistes algériens en livre intitulé Relation de l’image et du son dans la vidéo contemporaine algérienne : une expérience en temps réel aux éditions universitaires européennes, EUE Saarbruecken, Allemagne. Elle poursuit ses recherches en Doctorat au laboratoire AIAC -art des images, art contemporain- à l’Université Paris 8. Elle a assuré le commissariat de l’exposition d’art contemporain La scène algérienne à l’Hospice Saint Charles, Rosny-sur- Seine, 2013 ; programmatrice d’Illégal cinéma #113 aux Laboratoires d’Aubervilliers, film Tahya Ya Didou, Aubervilliers, 2013 ; co-curateur de l’exposition d’art vidéo Video killed the radio star à la Galerie e.Bannwarth, Paris, 2012. Elle a réalisé six actions performatives dans l’espace urbain algérois, en été 2012, intitulées ‘Prends ta place’ pour le webdocumentaire Un été à Alger produit par Narrative et Une chambre à soi. La programmation « Corps et (des) accords : L’esthétique vidéo des artistes algériennes (1995-2013) aborde la question du corps à travers les images vidéo des artistes algériennes.

Mon père est un artiste-peintre algérien

Qu’est-ce qui a déclenché cette envie de faire ce métier ?

La programmation est composée de

âge par l’œuvre artistique et la réflexion philosophique de mon père Hellal. Nos discussions et réflexions ont fait de

J’ai été influencée depuis mon jeune

118

moi ce que je suis devenue aujourd’hui.

et commissaire d’exposition depuis sa récente retraite du poste d’enseignant de Design à l’école supérieure des Beaux-Arts d’Alger. Il est le commissaire de l’exposition Design Africain pour la 2e édition du Festival Panafricain organisé à Alger en 2009, de l’exposition Design Algérien au Mobile Art de l’Institut du Monde arabe en 2012, et précédemment connu comme commissaire d’expositions pour l’année de l’Algérie en France, en 2003. Ainsi, j’ai baigné dans l’univers artistique depuis ma naissance. Ensuite, je pense que je me suis tournée vers l’art vidéo par opposition à la domination de la peinture, observée sur la scène artistique en Algérie.

Parlez-nous de votre programmation « Corps et (des) accords : L’esthétique vidéo des artistes algériennes (19952013) […] » ? Tout d’abord, qu’est-ce qui vous a inspiré ce titre ?

neufs vidéos des artistes Amina Menia, Assila Cherfi, Katia Kameli, Zineb Sedira, Sofia Hihat, Rachida Azdaou, Halida


Boughriet, Zoulikha Bouabdellah et moi-

consciemment ou inconsciemment.

Box 24… qui cherchent à en découdre,

même Amina Zoubir.

J’ai voulu réaliser ce projet dans le but

pendant que la diaspora algérienne

En m’appuyant sur mes recherches,

de valoriser notre patrimoine vid-

bénéficie d’une expérimentation appro-

l’histoire de l’art vidéo soutenue par

éographique algérien. Ce n’est pas

fondie de ces procédés d’imageries.

des artistes algériens paraît méconnu

dans une vision nationaliste, mais c’est

Dès lors, je constate que l’insertion de

du public, j’ai envisagé cette program-

un acte plutôt motivé par le fait que le

l’expression vidéographique dans le

mation en collaboration avec l’Espace

rapport à l’art vidéo est quasi inexistant

champ des pratiques esthétiques peut

Khiasma lors du cycle de films nommé

avec le public en Algérie parce qu’il n

être reconnue comme un élément prolif-

Possession. La sélection des vidéos

y a pas de festivals d’art vidéo ou de

ique pour le rafraîchissement de la scène

aborde la question de l’esthétisation de

galeries dynamiques et actifs en Algérie.

artistique en Algérie.

la corporalité avec des images vidéos. Il

Je considère qu’il est important qu’il y

Ce médium a été pas mal repris par la

me paraissait incontournable d’ouvrir ce

ait un travail d’historien à faire sur l’art

jeunesse algérienne, sur la toile, sur

champ de réflexion esthétique à travers

vidéo. La programmation s’effectue

YouTube. Grâce à la démocratisation des

un corpus d’images vidéos créées de

dans ce champ d’action qui est plutôt

outils, on commence beaucoup plus à

1995 à 2013.

un engagement historique par rapport

être dans l’immédiateté, dans la vitesse

Concernant le contexte algérien, au-delà

à une production d’art vidéo d’artistes

de l’expression artistique et ainsi on se

de la projection du corps humain dans

algériennes qui n’est ni valorisée, ni dif-

retrouve avec relativement des formes

un espace urbain ou privé, collectif et

fusée et reste ainsi méconnue.

d’art vidéo. Il est très important d’une

commun, il faut savoir que les espaces imposent une codification sociale et religieuse au corps humain, appliquée aussi bien au corps féminin que masculin. C’est aussi une manière de découvrir

certaine manière d’observer ce phé-

Comment l’art contemporain évoluet-il en Algérie ? Qu’en est-il de l’art vidéo, votre support de prédilection ? Pourquoi avoir choisi ce médium ?

ce qu’il se passe dans le corps intime, à

nomène là et de rendre compte de la production artistique d’artistes algériens professionnels, reconnus et confirmés dans le monde entier. On note cependant une nouvelle

savoir les sentiments et sensations.

Le rapport à l’art vidéo est quasi inex-

dynamique qui se crée depuis les 5

A travers cette programmation, j’ai sou-

istant avec le public en Algérie. Il règne

dernières années. Il y a eu notamment la

haité présenter une typologie du corpus

une frilosité certaine envers ce qui

résidence A.R.I.A créée par l’artiste Zineb

de ces artistes accompagnée d’un texte

bouscule les traditions, où la peinture

Sedira, conduisant à une plateforme de

que j’ai écrit. Je trouvais qu’il était inédit

orientaliste et différentes expressions

réflexion et d’échange entre les artistes

de rendre compte et de rassembler ce

cohabitent pour dominer la scène artis-

algériens et les artistes invités par la

que proposent chacune de ces artistes

tique locale dans ce pays. Donc, on se

résidence comme Younes Rahmoun qui

de manière isolée. Ce sont souvent des

retrouve avec un déficit esthétique par

présentera une conférence le 21 avril

vidéos présentées dans des installations

rapport à l’art contemporain. Pourtant,

dernier. Des échanges non négligeables

ou dans des galeries. Chaque vidéo

l’évolution de l’art contemporain en

se créent sur le terrain. Malheureuse-

apporte une réflexion plastique en plus

Algérie tend vers de nouveaux mediums

ment, ils ne sont pas accompagnés par

d’une réflexion conceptuelle. De plus,

peu expérimentés par la scène artis-

un réseau dynamique et actif de struc-

ce qui m’a motivée c’est l’aspect original

tique locale, comme la photographie,

tures artistiques locales, de critique d’art,

de rassembler toutes ces artistes, offrant

la vidéo, le graphisme et les différents

de commissaire d’exposition, de galer-

forcément des regards différents, à trav-

types d’installation et de performance.

istes, de collectionneurs et d’institutions

ers des vidéos réalisées à des périodes

Ceux-ci se déploient grâce à une poi-

qui les soutiennent. A ce jour, par exem-

différentes, sur une thématique spéci-

gnée d’artistes tels que Rachida Azdaou,

ple, il n’existe pas de guide présentant

fique à la corporalité qu’elles abordent

Amina Menia, Atef Berdjem, le collectif

un listing des galeries d’art existantes

119


permettant ainsi de pouvoir découvrir

mes recherches et des rencontres avec

je n’ai pas demandé de soutien aux insti-

le travail de ces artistes qui se débrouil-

les artistes. J’ai découvert qu’il y avait

tutions artistiques en Algérie. Il y a un

lent sur un terrain miné par le manque

eu des tentatives d’art vidéo durant

désintérêt total envers l’art vidéo tout

d’intérêt à l’art contemporain.

les années 70, mais plutôt en long

simplement.

métrage. Je mentionne l’utilisation de

L’absence de structures culturelles

concepts d’art vidéo comme le traite-

valables et indépendantes en Algérie

ment sonore et particulièrement la

constitue une sorte de frein pour les

performance du poète Momo, dont le

artistes locaux, qui pour la plus grande

cinéaste Mohammed Zinet avait révélé

majorité, préfère aller s’installer et tra-

dans son film (Tahya Ya Dido, 1973) que

vailler à l’étranger.

j’avais programmé aux Laboratoires

C’est en partant de ce constat, que

C’était un projet assez complexe à met-

d’Aubervilliers, l’année dernière en

j’ai décidé de présenter ce travail à

tre en place même si j’ai pu compter sur

avril. Il y avait à l’image un traitement

l’étranger, en l’occurrence dans l’Espace

l’aide de la structure parisienne l’Espace

pouvant s’apparenté à de l’art vidéo et

Khiasma à Paris, dans le cadre du cycle

Khiasma. Cela a été assez compliqué de

inévitablement les performances du

Possessions.

les réunir car certaines de ces artistes

poète Momo accentuent ce sentiment

Et je tiens particulièrement à remer-

voulaient éviter l’appellation stéréoty-

d’étrangeté, ses épigrammes sur la ville

cier Nicole Brenez, programmatrice de

pée « art vidéo féminin » qui réduit le

d’Alger sont à prendre en considération

la Cinémathèque Française, qui m’a

champ d’action de ces artistes. Cette

face aux mutations urbaines que con-

encouragée à présenter mon travail à

programmation tente de mieux con-

naît cette ville actuellement.

Olivier Marboeuf, fondateur de l’Espace

Le projet de réunir des artistes algériennes sur le projet du corps semble être un pari risqué. Avez-vous eu des difficultés à convaincre ces artistes autour de ce thème ?

sidérer la condition humaine, tout en

Khiasma.

Comment cette œuvre a-t-elle été perçue par le cercle artistique et le public algérien ?

Parlez-nous de votre autre projet « Un été à Alger ».

titre Corps et (des) accords : L’esthétique

Hélas, je n’ai pas eu l’occasion encore

“Un été à Alger” est un web-documen-

vidéo des artistes algériennes (1995-

de présenter cette programmation en

taire laissant voir les courts-métrages

2013).

Algérie.

de quatre jeunes cinéastes algériens,

dépassant des concepts féministes, et en allant au-delà du fait que ce sont des artistes d’origine algérienne. Le fil conducteur entre toutes ces vidéos reste le

Lamine Ammar-Khodja, Yanis Koussim,

Pourquoi avoir choisi de couvrir la période de 1995 à 2013 ? Pour constituer la sélection de ces

Avez-vous eu le soutien des institutions algériennes pour pouvoir monter ce projet et en assurer sa promotion ?

Hassan Ferhani et moi-même Amina Zoubir. Chacun d’entre nous a présenté des images teintées d’une démarche singulière qui est propre à notre expé-

vidéos durant ce laps de temps précis,

rience et notre vécu à Alger. Dire “je”

je me suis nourrie d’un corpus de vidéos

devient très compliqué dans le contexte

issues de mes recherches universitaires

Initialement, cette programmation

algérien, parce que le collectif est assez

effectuées à l’Université Paris 8 et sur le

découle de mes recherches uni-

imposant. “Un été à Alger” c’est égale-

terrain en Algérie; je n’avais pas trouvé

versitaires, il s’agit d’une initiative

ment un film de 52 minutes monté pour

de vidéos antérieures à 1995. Il y a une

indépendante qui engage librement

TV5 Monde, réalisé par les deux jour-

dispertion incontestable de ce type

une réflexion esthétique, dans le

nalistes qui nous ont initiés au projet,

de productions artistiques ; j’ai fait de

dessein de valoriser le patrimoine

Aurélie Charon et Caroline Gillet. Ce

mon mieux pour les rassembler au fil de

vidéographique des artistes algériens,

documentaire est une sorte de making-

120


of de nos aventures durant le projet “Un

lui demander un brushing pour mes

été à Alger” et propose une autre image

cheveux de femme... Au fil des vidéos,

intime d’Alger, qui n’est pas celle de la

d’autres femmes algériennes intervi-

carte postale post-coloniale.

ennent dans le cadre de ma camera,

Je réalise six actions performatives intit-

je tends dans mon travail d’artiste à

ulées «Prends ta place» ou l’on me voit

questionner le rapport homme-femme

déconstruire l’ordre établi des rapports

dans la ville d’Alger en encourageant

hommes-femmes puisque je me mets

les femmes algériennes à prendre leur

en scène avec mon propre corps de

place.

femme algérienne dans des situations «réservées aux hommes». Je joue au

Pour plus d’information sur l’artiste

hittiste (ndrl, désigne un jeune oisif en

Amina Zoubir, suivez le lien ci-dessous :

Algérie), j’investis un café maure, j’entre,

http://www.aminazoubir.com/#

chez un coiffeur pour hommes pour

© Zoulikha BOUABDELLAH. Courtesy Gallery Isabelle van den Eynde.

121


Nous nous sommes levés Par Virginie Echene

Nous nous sommes levés au Centre Pho-

autrement dit « nous sommes

vidéographiques telles des tableaux

tographique d’Île-de-France CPIF

debout » illustre par ailleurs la gestuelle

vivants.

Jusqu’au 6 avril 2014, le Centre pho-

du visiteur dans l’espace d’exposition.

Pour moitié fictions proches du docu-

tographique d’Île-de-France présente

Le visiteur est invité par l’artiste à entrer

mentaire, ces compositions sont des

l’exposition

en scène afin de prendre part à

performances participatives empreintes

Nous nous sommes levés de l’artiste

l’exposition, qui se compose de

d’un réalisme déroutant.

Medhi Meddaci.

l’installation « Les yeux tournent autour

Les acteurs représentent ce corps social,

L’artiste diplômé du Fresnoy, Studio des

du

qui est incorporé dans l’œuvre.

arts contemporains de Tourcoing et

soleil », 2013 et « Tenir les murs », 2011

Le corps de l’individu devient partie

de l’Ecole nationale supérieure de la

ainsi que de l’ensemble

intégrante d’un ensemble

photographie d’Arles, a les armes

photographique « Cycle 2005-2013 ».

chorégraphique qui fonctionne de façon

nécessaires pour exploiter les médiums

Pour les différents actes de l’installation

harmonieuse.

de la photographie et de la vidéo.

Les yeux tournent autour du soleil,

Pour La place, les portraits anonymes de

Le titre Nous nous sommes levés, ou

l’artiste orchestre ses productions

ces protagonistes amateurs,

122


nourrissent un cortège silencieux, une

fascination à travers le cadre dans lequel

perte du sensible, à laquelle est con-

ode du social qui s’appuie sur leur

elles sont produites.

fronté le spectateur. Ces fragments

passivité et des plans fixes. La référence

L’omniprésence de la mer et le cadrage

vidéographiques fonctionnent de façon

aux révolutions du Printemps Arabe

dévoilant un ciel bleu confèrent une

autonome mais sont réunis sous le

est palpable. En effet, ce rassemblement

touche onirique et renforce le pourvoir

même titre.

chorégraphié par Meddaci, en bas

métaphorique, tel un tableau de René

Dans La pastèque, Medhi Meddaci

de la Tour d’Assas, dans une cité de

Magritte. Nous pouvons y observer

reconstruit un souvenir de son père

Montpellier, produit en temps décalé,

également une mise à distance du

datant de la période de la guerre

une nouvelle temporalité ainsi que du

territoire, qui signe une appartenance à

d’Algérie. Enfant, son père désirait se

lien social en zone dite « sensible ». La

une identité, une langue, une

procurer une pastèque ayant fait office

marche est étudiée comme un geste

nation… La dé-contextualisation

de cible d’entraînement pour les

impulsif de contestation.

géographique va de pair avec le car-

soldats. Un décor criblé de balles

L’improvisation et le caractère fortuit se

actère

témoigne de cette violence latente qui

traduisent à travers les mouvements

fictif des différents actes de l’installation

règne dans cette Algérie à l’époque

humains, ceux de la mer – qui est un

Les yeux tournent autour du

coloniale, tandis que ladite pastèque

symbole très présent dans l’oeuvre de

soleil.

reste comme immuable dans les méan-

l’artiste

En tant que motifs répétitifs à travers

dres du récit autobiographique.

- ainsi que les flux sonores qui ponctuent

leurs différents gestes et positions, les

Meddaci reproduit cette scène anecdo-

les narrations-fictions de Medhi

acteurs entrent et sortent de l’écran : le

tique au moyen d’une pastèque érigée

Meddaci.

dénouement de chaque volet de

comme une sculpture, dans la re-créa-

Ces métaphores vidéographiques

l’installation est élaboré entre apparition

tion de l’espace et la reconstitution du

acquièrent un grand pouvoir de

et disparition, pour marquer une

souvenir.

123


Natures mortes du XXIe, ses photogra-

les villes de Paris, Marseille et Alger.

Pour lui toute image

phies au caractère expérimental,

La double dimension autobiographique

n’est qu’une source d’illusion, particu-

viennent renforcer les concepts mis en

est remarquable. Les plans fixes, la

lièrement à l’ère de la culture de masse.

lumière dans ses vidéos :

lenteur de certaines scènes traduisent

Il se livre donc à un jeu sur des images

cycle, mémoire et principes d’apparition

une quête personnelle, celle des

d’images.*

et de disparition. L’artiste réduit

acteurs comme celle de l’auteur lui

Abordant des thématiques actuelles

en objet un fragment du réel qu’il reval-

même, et ce dans un entre-deux phy-

telles que l’immigration et l’identité,

orise dans le champ et le temps

sique et

Medhi Meddaci est en adéquation avec

photographiques. La réflexion pho-

psychique. En intégrant la figure pater-

son époque. Il s’inscrit dans un

tographique de l’artiste s’appuie sur la

nelle, Meddaci ne se projetterait-il pas

contre mouvement d’un monde glo-

redéfinition du cadrage, l’épuration des

lui-même dans son œuvre, jonglant

balisé qui fonctionne à vive allure,

images ainsi que le traitement du

entre fiction et autobiographie ?

gommant certains faits historiques.

hors champ.

Cependant, la rupture dans la référence

Ses dispositifs artistiques questionnent

Le travail de Medhi Meddaci se situe aux

au cinéma s’opère au niveau de la

le contemporain de façon

frontières de la performance, de la

gestuelle du public. La constellation de

expérimentale, décuplant la charge

vidéo d’art et du cinéma.

chaises en plastique qui fait

émotionnelle de ses tableaux en

Tenir les murs illustre cette proximité

habilement référence au titre de

mouvement qui oscillent entre appari-

avec le cinéma, à travers certains codes

l’exposition « Nous nous sommes levés »,

tion, disparition et perte.

qui lui sont empruntés, comme la durée

désigne un dispositif éphémère qui

Entre fiction et autobiographie, son

- 56 minutes - l’introduction d’un

s’oppose aux moyens d’accueil

travail laisse entrevoir un éclairage sur

dialogue et d’acteurs référents. Tenir les

traditionnels du spectateur. En effet

l’Algérie

murs exploite les thèmes de

l’artiste refuse que les membres du

coloniale.

l’immigration et de l’identité, sillonnant

public

* L’aventure de l’art au XXème siècle, édirestent statiques comme au

tions du Chêne, 2002, Paris, p.906

cinéma, décloisonnant ainsi

EXPOSITION du 02/02/2014 au

les frontières entre

06/04/2014

installation, vidéo et cinéma.

MEHDI MEDDACI

Le visiteur est libre de

Nous nous sommes levés

déplacer les chaises afin de

http://www.cpif.net

s’asseoir où il le souhaite, d’autant plus qu’aucun parcours de l’exposition n’est prédéfini. Enfin, Medhi Meddaci ne cache pas l’influence de l’artiste allemand Gerhard Richter dans son travail. Richter est un artiste qui ne cesse d’expérimenter. Il accumule les ruptures de style pour bien montrer qu’il ne veut pas “faire de l’art”.

124


1 : 54

Par Karen D. Mc Kinnon

From the left to the right : 1- Kalamata, chief of the Luba against watercolor by Dardenne Series: Congo Far West: Retracing Charles Lemaire’s expedition, 2011 Photography, paper satin matte Hahnemühle PhotoRag 308 gr/m3, 100 x 128 cm Ed. 5 + 1AP Courtesy of the artist and Imane Farès 2 - Frank Marshall, Death, 2008 Courtesy of M.I.A Gallery 3- Pelican, Sokari Douglas Camp CBE Courtesy of ArtCo Gallery 4- Gonçalo Mabunda, Untitled (Throne), 2013, Courtesy of Jack Bell Gallery 5- Uche James-Iroha, Rolls Royce I, 2013, printed on enhanced matt paper, 120x90cm

Intimate pulsing crowds pushed gently

Dercon and Smithsonian Institute curator

Somerset House is an imposing building

through the halls of Somerset House in

of African Art, Karen Milboune, were part of

but 1-54 enveloped the halls of Somerset

London. 1-54 is the brainchild of Touria El

the sought after forum series.

House with warm and inviting spaces to

Glaoui, the daughter of famed Moroccan

view the art works. This is a tribute to the

artist, Hassan El Glaoui. She has had a life-

Hans Ulrich Obrist spoke in conversation

design of architect David Adjaye for the

long passion for African art and enlisted

with international UK-based Ghanaian

fair. A palpable sense of commercialism

curator Koyo Kouoh, cultural producer and

artist Godfried Donkar. Queues snaked

dominated the exhibition spaces. Heavy

founding artistic director of Raw Material

through the halls of Somerset House as

negotiations took place as red dots indicat-

Company in Senegal. The two entered into

art lovers and critics tried to get one of the

ing sales added an infectious buzz to the

a collaboration to bring together a power-

limited spaces for the talks. Carsten Höller

event.

ful entry onto the art fair scene. 1-54 takes

and Olafur Eliasson spoke in conversation

its title from one continent of Africa being

with the curator Koyo Kouoh about their

This was billed as the first African Con-

made up of 54 countries. 1-54 African Art

commitment to working in Africa. The fair

temporary art fair in London. It brought

Fair was running at the same time as the

was open to artists from Africa, living on

its mission off with elegance and deter-

big giant, Frieze Art Fair. It did not flinch

the Continent or outside of Africa and art-

mination. The planned expansion of this

under the glare of Frieze and delivered a

ists committed to working and making art

intimate art fair in 2014 will be an event

strong program of international artists’

in Africa despite their origin.

marked firmly in London’s art calendar.

talks. The director of the Tate Modern, Chris

125


CARNET DE BORD

le corps, médium on fire à berlin ? Par Steve-Régis « Kovo » N’Sondé

À l’image des artistes qui

plus, les représentant-e-s de

l’animent et du public qui

la seule capitale europée-

l’entretient, ce qui est ON FIRE

nne abritant un musée Gay

à Berlin dans une exubérance

(Schwules museum) sont issus

de corps, de mouvements,

des pays, des cultures et des

d’images et de formes c’est le

traditions plurielles. Est-ce

monde, en ceci qu’« …il était,

un hasard si ce sont deux

il est et il sera, feu toujours

argentines basées à Ber-

vivant qui s’allume suivant la

lin, Constanza Macras

mesure et, suivant la mesure,

(directrice de la com-

s’éteint. » (f. 30, Héraclite ou la

pagnie DORKYPARK)

séparation, éd. de Minuit, 1972)

et Tamara Saphir, qui ont co-organisé l’événement ?

ON FIRE est une constellation

Ce n’est pas un hasard

de rencontres, d’échanges, de

non plus si

shows et performances entre

elles font le

quinze artistes résidant en

choix d’Achille

Afrique du Sud ou à Berlin, sur

Mbembé (De

les questions de genre et de

la postcolo-

tradition. Cela représente six

nie, essai sur

performances de février à avril.

l’imagination

Le programme met à l’honneur

politique

des activistes LGBTI (Lesbian,

dans

Gay, Bi-and Tans- Intersex) sud-

l’Afrique

africain-e-s : ce pays a ceci de

contem-

particulier que, sur ce thème,

poraine,

sa législation est de loin la plus

éd. Karthala,

progressive de toute l’Afrique

2000) dans la

sub-saharienne, et l’une des

présentation

plus avancées au monde. Il faut

du programme. À

informer et protéger les acquis

propos de courants

violemment attaqués.

intellectuels issus des

Berlin n’est pas en reste non

marges et qui gagLucky Kele et Ronni Maciel © Zanele Muholi

126


nent peu à peu leur place au cœur des

non seulement par le politique et ses

disciplines artistiques et des sciences

rituels de pénalités, mais aussi et surtout

MANDIOCA, de et avec Lucky Kele et

sociales, il écrit :

par la personne elle-même, s’extirpant

Ronni Maciel, « arrêt sur mouvement » :

« [Ils ont] aussi développé des lexiques

de la gangue de l’infra-humanité. Nitou,

Le silence assourdissant et anonyme de

bien à eux, un arsenal théorique, des

le nom de l’anti-héros de Labou Tansi

Berlin accueille le visiteur et constitue

méthodes d’analyses et d’interprétation,

signifie en kikôngo « corps » c’est-à-dire

l’habillage sonore d’une vidéo qui

bref, des paradigmes autour des ques-

la forme de l’enveloppe charnelle et son

tourne en boucle et illustre une improb-

tions de la race et des diasporas (critical

évanescence.

able rencontre dans le dédale souterrain

race studies), de la différence sexuée

Dans l’essai, le roman, et plus encore

et aérien d’Alexanderplatz. Pour eux

(féminisme, question gay), du postco-

sur la scène du Studio 44 à Berlin Alex-

deux, qui n’ont eu que deux semaines

lonialisme et des savoirs subalternes

anderplatz où se déroulent les shows

et demie de partage pour rouir ensem-

(subaltern studies), voire de la circulation

et les performances ON FIRE, le corps

ble leurs expressions corporelles afin

contemporaine de toutes sortes de flux

est un medium, le moyen d’exprimer

de pétrir MANDIOCA, mais aussi pour

(public culture). ».

souffrance et contestation, joie et réa-

nous tous et toutes humanopolitain-e-s,

gencement des genres et des traditions.

se pose la question de la possibilité et

Il est éminemment question du corps

Ce sont les corps qui éprouvent et/ou

de la disposition à se rencontrer dans

comme médium dans l’essai d’Achille

mettent à l’épreuve les rencontres, les

les jungles d’urbanités. La main ten-

Mbémbé. Ainsi, dans son essai, il con-

échanges et leurs conditions de pos-

due, impérieuse, semblant être gifle ou

voque abondamment le plasticien du

sibilités. En live et ON FIRE ce sont huit

soufflet peut se révéler caresse. Ronni

verbe qu’est Sony Labou Tansi et Dadou

sud-africain-e-s et sept berlinois-es, en

et Lucky ont su éviter et se jouer de

Nitou, l’anti-héros du roman L’anté-peu-

résidence de quatre à huit semaines au

nombreux écueils et d’autant de préju-

ple (éd. du Seuil, 1986), afin d’évoquer

Studio 44, quartier général de la com-

gés tels noir ou blanc, rencontre ou

“l’investissement du corps du colonisé”:

pagnie DORKYPARK à Berlin, Mitte.

collision, modernité ou tradition, gay ou hétéro-identités, homo- ou hétérosexualités... Parfois l’un accompagne par ses portés les élans que l’autre laisse choir dans le fracas des chutes et l’indifférence, « je t’aime…moi non plus ». Néanmoins pour tous deux MANDIOCA, le manioc, est symboliquement et effectivement la version afro-américaine de l’allégorie de

127

Lost in translation © Thomas Aurin


l’iceberg : la partie visible en surface est

les spectres de ce qui devrait ou ne

proportionnellement infime par rapport

devrait pas advenir… Des Coming out

à l’invisible en profondeur. Le tubercule,

incessants et sempiternels, à l’image

noir, blanc et transatlantique est un

d’une politique de l’ambiguité.

parfait dénominateur commun pour signifier l’intimité de cette rencontre

LOST IN TRANSITION, de et avec Kieron

performée.

Jina, Miki Joshi et Jan Sebastian Suba

WENA MAMELA, de et avec Mamela Nyamza, « arrêt sur mouvement » : Le cliquetis métallique et les injonctions aigres-douces et pressantes d’une séance de shooting photo, quelques flashs épars déchirent l’obscurité. Bientôt ce cliquetis et leur écho émis par les claquements de bouche de Mamela, où sourire surfaits et grimaces se confondent dans un rythme effréné, jusqu’à désarticuler son corps entier... et le laisser gésir, marionnette secouée de spasmes étranglés. Derrière l’objectif de l’appareil photo, une voix tout de noire vêtue, celle de Mmakgosi Kgabi qui endosse tous rôles: celui de l’homme blanc ou non objectivant une femme, la déshumanisant ; celui de la femme aussi, lesbienne ou pas, agissant de même. En interview, Mamela confiera que l’ombre inquiétante incarnée par Mmakgosi, ce regard voyeur, cette voix inquisitrice enflée et mue par une pluie de préjugés, « ça peut être n’importe qui ». Mamela en langue xhosa signifie « écoutes ! », WENA MAMELA titre de ce solo qui n’en est pas un pourrait signifier « eh toi, écoutes ! ». Solo travesti non pas seulement par la présence de Mmagkosi, mais parce que Mamela porte avec elle comme un fardeau, son alter ego colonisé : Miranda. « C’est mon prénom chrétien, colonisé… » lance-t-elle avant d’ajouter « le masque qu’on porte parfois

128

Shades of Queen de Mmakgosi Kgabi © Thomas Aurin

comme une façon de dire à l’audience d’aller se faire foutre ». L’injonction d’écouter, vient-elle de Miranda ou Mamela ? S’adresse-t-elle à nous spectateurs, à elle-même, ou encore à l’alter ego porté au dos tel un bébé et qui la supporte. En définitive il semble qu’il y ait nécessairement complexité plurielle pour un « corps colonisé » comme Mamela nomme parfois le sien. EN ENTRETIEN avec TAMARA SAPHIR, l’une des organisatrices de ON FIRE, nous sommes revenus sur les premiers spectacles du festival. Tout d’abord, SHE IS NOT A BOY, SHE IS NOT A GIRL, de et avec Mmagkosi Kgabi et Juliana Piquero. Ce projet questionne les interstices entre l’espace public de la performance et l’intimité que l’on a dans la perception de son propre corps. En explorant le sens et/ou l’insignifiance des mots et des mouvements… SHE’S NOT A BOY est une exploration physique

est une recherche sur la performativité du sexe et l’instabilité du genre. Un voyage à travers un futur archaïque et coloré habité par des êtres post-genre, post-races… Leur humanité est tremblante, leurs identités douces, leurs contours flous. C’est un univers où des êtres indéterminés sont déterminés à se connecter, se déconnecter, s’aimer, se combattre, s’engager, se décevoir… et aimer de nouveau. Par-delà les dialectiques, en deçà des stéréotypes, telle une méditation butoh sur les pratiques sexuelles et sentimentales. Il y a eu aussi les solos LELEME (langue, en Tswana) de Lerato Shadi, et SHADES OF A QUEEN de Mmakgosi Kgabi, où elles approchaient des sujets tels que le rapport à la langue maternelle et à la langue coloniale, la négociation de l’espace dans les dynamiques du dévoilement et du recouvrement, de la restriction et de la protection. Actuellement en résidence, la célèbre photographe et activiste Zanele Muholi

et théâtrale à partir de la puissance ambivalente du verbe to come [révéler avec tout ce que cela peut avoir de sensationnel ou intime dans coming out mais aussi venir et jouir]. Une interprétation physique et littérale… avec l’impression lancinante d’un langage dans le langage, qui nous hante comme

She is not a boy de et avec Mmakgosi Kgabi et Julia Piquero © Thomas Aurin


Wena Mamela de Mamela Nyamza Š Zanele Muholi

129


prépare une installation et une perfor-

ont pris des directions thématiques et

ainsi la tradition du ballet et ces « corps

mance live avec la chanteuse Jelena

performatives très différentes.

colonisés » comme certains danseurs,

Kuljic, dans laquelle elles adressent le

Cela nous a mené à des thématiques

danseuses du Brésil ou d’Afrique du Sud

douloureux phénomène des viols cor-

politiques et sociales très concrètes :

se décrivent eux-mêmes ; ou encore

rectifs.

les communautés LGTBI en Afrique et

celle du théâtre danse, ses formes « clas-

ailleurs ; le retour de traditions long-

siques » de la performance scénique

K. : A toi le mot de la fin, de la fin de

temps ségréguées et la revendication

contemporaine et des propositions véri-

l’entretien parce qu’ON FIRE en live et

de leur place dans des pratiques urba-

tablement trans-genre (performatifs).

en tant que processus de création est

ines et artistiques, leur manipulation ou

encore loin d’être éteint.

leur refus par les pouvoirs politiques et

T.S. : Pour nous, il s’agissait d’approfondir

religieux. Mais il y a eu aussi des débats

le dialogue autour des questions sur le

sur les disciplines artistiques et perfor-

genre et la tradition. Très vite les projets

matives elles-mêmes et leur « autre » :

Leleme de Lerato Shadi © Thomas Aurin

130


131


ARIKADAA’S LIBRARY

Le corp dans l’art contemporain – Sally O’Reilly, Thames & Hudson, 2010.

MARASSA Y LA NADA (MARASSA ET NÉANT) - Alanna Lockward, Editorial Santuario, 2012 Commentaires de Ary Régis, Dir. du département de communication sociale Faculté des Sciences Humaines (FASCH) de l’UEH – Port-au-Prince, “Quand, j’ai lu Marassa y la nada, le roman d’Alanna pour la première fois, j’étais certain d’une chose : ce n’était pas de ces histoires à l’eau de rose, du type idéal happy end avec qui on vend des faux espoirs à la populace… En effet, c’est une histoire tragique, du début à la fin, mais intercalé des moments d’espoir. C’est donc une histoire réelle telle que vécue par les haïtiens et par les dominicains qui reconnaissent, qu’avec les haïtiens ils sont marassa. C’est aussi une histoire écrite comme une mosaïque de petites histoires vécues par Moira le personnage qui a le point de vue de l’auteur.” http://marassaylanada.wordpress.com/

132

AESTHETICS OF THE ANTRUM – Louisa

Dans la seconde moitié du XXe siècle, un

Babari, Cabeza de Chorlito, 2013.

repositionnement radical non seulement du corps du modèle mais aussi de l’artiste

Louisa Babari tente d’échapper aux

et du spectateur a mis fin à des siècles

définitions par une pratique artistique

de conventions. Les bouleversements

protéiforme. Sa dernière oeuvre est un

qui ont transformé la société ainsi que

travail de collages qui livre une multitude

l’évolution des arts et des sciences ont eu

de pistes autobiographiques. Construction

une profonde influence sur la manière dont

d’un langage visuel qu’elle puise aux origines

les artistes appréhendent et représentent

du cinéma et dont l’esthétique couvre un

aujourd’hui le corps humain. Le Corps dans

champ d’émotions noir et blanc, régi par le

l’art contemporain se propose d’étudier

gris.

la relation qu’entretient l’art avec le corps humain depuis le début des années

80 PAGES, 20 EUROS

1990 à travers l’analyse de nombreux

DISPONIBLE À LA GALERIE DU JOUR AGNES B

thèmes : la place de l’individu dans la

44 RUE DU JOUR 75004 PARIS ET À LA

société, la représentation du temps et de

TIENDA Y LIBRERÍA LA CENTRAL​MUSEO

l’espace, l’hybridation du corps et le corps

NACIONAL, CENTRO DE ARTE REINA SOFÍA

monstrueux, les notions d’identité et de

CALLE SANTA ISABEL, 52

différence… De la peinture à l’installation,

28012 MADRID

de la sculpture à la vidéo ou la performance, Sally O’Reilly révèle à quel point le corps est aujourd’hui au centre des préoccupations de toute une génération d’artistes. Cet ouvrage montre que le corps demeure essentiel à la manière dont nous percevons et exprimons notre place dans le monde.


ARIKADAA’S LIBRARY problématique qui implique la relation entre l’’image et le son. Ces travaux de recherches serviront de base pour la création de la programmation « Corps et (des) accords : L’esthétique vidéo des artistes algériennes (1995-2013), en collaboration avec l’Espace Khiasma, lors du cycle de films nommé Possession. La sélection des vidéos aborde la question de l’esthétisation de la corporalité avec des images vidéos (voir interview dans la rubrique Exhibition Review). Amina Zoubir est une artiste plasticienne, vidéaste et curateur, vit et travaille entre Paris et Alger, représentant un trait d’union entre l’Algérie et le monde extérieur. ALPHABET : A Selected Index of

RELATION DE L’IMAGE ET DU SON

Anecdotes and Drawings

DANS LA VIDÉO CONTEMPORAINE

Toyin Odutola (second edition), 2012.

ALGÉRIENNE: UNE EXPÉRIENCE EN TEMPS RÉEL – Amina Zoubir, Editions

Alphabet: A Selected Index of Anecdotes and

universitaires européennes, 2010.

Drawingss est une version résumée des travaux composant la thèse MFA obtenue

Cet ouvrage s’intéresse aux productions

par Toyin Odutola.

vidéos des artistes Algériens. L’intérêt est

Il s’agit d’une édition révisée regroupant des

justifié par l’absence d’études spécifiques

textes clés, choisis de façon aléatoire.

qui s’y attachent. Amina Zoubir présente

D’autre part, les œuvres qui composent cette

en premier lieu un contexte historique

publication sont une extension de ladite

et socioculturel qui rend compte des

thèse, avec l’ajout de morceaux qui avait été

situations complexes de crises en Algérie

omis auparavant.

durant les années quatre-vingt-dix; celles-ci ont contribué, de près ou de loin, aux

Toyin Odutola est une artiste contemporaine

productions vidéos que j’’analyserais en

qui met l’accent sur l’identité et le concept

second lieu. Elle expose l’’état des arts

socio-politique de la couleur de la peau

plastiques qui précède l’avènement de l’’art

grâce à ses dessins faits à l’encre et au stylo.

vidéo Algérien. Il est nécessaire de rendre

Son travail explore son parcours personnel

visible les conditions d’’utilisation de ce

de sa naissance au Nigeria à sa vie aux Etats-

médium, et d’articuler sa réappropriation

Unis, s’imprégnant de la culture américaine,

dans les préoccupations esthétiques que

dans une Alabama conservatrice.

développent les artistes Algériens. À travers les œuvres vidéos, elle discute la principale

133


AGENDA AFRIQUE « SAMUEL FOSSO »

réflexion”.

Des lignes comme des vagues

Samuel Fosso – Fondation Zinsou

se dessinent le long des murs,

A partir du 14 avril 2014

entourant cette installation-

01 BP 7053, Cotonou, Bénin

mémoire, des dizaines de

T : (+229) 21 30 99 25

tableaux nous plongent dans

information@fondationzinsou.org

le paysage urbain quotidien

http://www.fondationzinsou.org/

abidjanais. À travers des icônes

L 13h-19h / M à V 8h30-19h / S

anonymes en 4×3, prêtant leur

10h-19h / Fermé le dimanche

visage aux grandes marques, aux distributeurs, aux vendeurs de

« ESPACE À LOUER »

rêves. Virginia Ryan, vit et travaille entre Trévi (Italie) et Bassam (Côte d’Ivoire). Elle est une artiste pluridisciplinaire née en Australie et qui vit désormais entre l’Italie et la Côte d’Ivoire. Avec le Professeur Joe Nkrumah, Virginia Ryan est à l’origine de

L’‘’Espace à louer’’ est un

la Foundation for Contemporary

A travers quinze photographies

lieu disponible dont on prend

Art (FCA) basée au Ghana depuis

de l’artiste camerounais Samuel

possession, où l’on évolue et

2004 et dont elle est directrice

Fosso, la nouvelle exposition

dans lequel les récits peuvent

depuis 2007.

de la Fondation Zinsou invite

s’écrire et se lire.

le visiteur à découvrir lors

‘’Espace à louer’’ -

Virginia

d’un voyage chronologique,

En découvrant ces grands

Ryan

la démarche créative, de ce

formats flottant dans l’espace

Du 2 Mai au 21 Juin 2014

photographe hors du commun.

de la galerie, le regard se perd

GALERIE CÉCILE FAKHOURY

Rien ne prédisposait Samuel

un peu et pourtant on reconnaît

06BP6499 ABIDJAN 06

Fosso à devenir photographe.

en s’avançant des figures

Tél : + 225 22 44 66 77

Pourtant fuyant les horreurs de

célèbres, des images déjà vues,

galerie@cecilefakhoury.com

la guerre du Biafra et laissant

des icônes du cinéma, les stars

http://cecilefakhoury.com/

derrière lui sa famille, il

du grand écran. Ces œuvres

ouvrira en 1975 à Bangui, son

ne sont pas des peintures

premier studio photo : le

ordinaires, elles ont pour

“Studio Gentil” puis le “Studio

support-sujet et matière des

Nationale”.

affiches de films des années

Malick Sidibé émerveillé dira

60 à 90 d’une salle de cinéma

de lui : “Son style c’est lui-

Bassamoise qui n’existe plus

même. Il a inventé sa propre

aujourd’hui.

134


FRANCE & EUROPE « DARK MATTER »

agnès b. en 2002, Abdelkader

Plus que jamais, son sens

Benchamma a depuis participé à

de l’imaginaire fait de lui

de nombreuses expositions en

l’artiste-voyageur de tous les

France et à l’étranger.

métissages. Tel un tailleur de grand marché, hautement

« Dark Matter » - Abdelkader

expérimenté, cousant sur mesure

Benchamma

des costumes « fashion » faits

27/04 – 31/05/2014

du wax dernier cri, l’artiste

Galerie du jour Agnès B.

conçoit des divinités en tout

44, rue quincampoix, Paris 4ème

genre, au plus proche des

Tel. 01 44 54 55 90

usages actuels. La technique

Au feutre gouache, à

jour@agnesb.fr

de collage d’éléments imprimés

l’encre, d’une grande finesse

http://www.galeriedujour.com/

n’est pas sans nous rappeler

d’exécution mais réalisé sans esquisse préalable, le dessin

une lointaine sensibilité « VODOUNS & ORIXAS »

graphique surréaliste, chère

d’Abdelkader Benchamma (né

à Max Ernst. Mais les motifs

en 1975 à Mazamet, vit et

et autres figures exotiques

travaille à Montpellier et à

polychromes évoquent, quant

Paris) est pensé comme une

à eux, un joyeux bazar qui,

écriture. Un dessin qui se

cette fois, s’emploie à

situe entre plusieurs pratiques

servir une quête noble et

déjà existantes, du design

spirituelle. Suivons Legba,

au graphisme en passant par

gardien de la frontière entre

certains travaux de bandes

le monde des humains et le

dessinées. L’artiste investit

monde du surnaturel, pour nous

des pièces entières avec des

introduire en la matière…

dessins muraux, mêlés à des

Né d’une mère du Val de Loire

fragments de textes. Les deux

et d’un père du Golfe du Bénin,

modes d’écritures se mêlent, se

Pour cette deuxième exposition

William Adjété Wilson a grandi

complètent ou se contredisent.

personnelle présentée par

en France avant de découvrir,

Personnages sans repères,

la Galerie Philippe Lawson,

à l’âge de 20 ans, le Bénin

accidents impossibles, objets

William Adjété Wilson revisite

et le Togo en Afrique de

quotidiens qui se rebellent,

le panthéon vodoun à travers

l›Ouest. C’est à cette époque

morceaux de phrases qui

une série de collages de tissus

également qu’il rencontre la

témoignent des silences d’une

wax sur papier. Sa vision

peinture. Il fait une première

conversation, sont quelques

et son humour singuliers

exposition de dessins à Paris

exemples d’une poétique de

réinterprètent graphiquement

en 1976. En 1986, il obtient

l’absurde utilisée comme

les grandes divinités vodouns

le Prix Médicis Hors les Murs.

réponse possible aux limites

et agrandissent le panthéon

Artiste éclectique, il pratique

d’une réalité unique.

trans-océanique, pour créer de

le pastel, la peinture, la

Révélé par l’exposition «

toutes pièces une pléthore de

sculpture, les estampes, ainsi

Draw ! » à la galerie du jour

divinités techno-syncrétiques.

que l’illustration, les arts de

135


AGENDA la scène, l’édition jeunesse, le

monographique à la Galerie

En réaction au fil brûlant

textile etc. Depuis les années

Armel Soyer. Ifeanyi Oganwu

de l’actualité, les Alertes

1970, William Adjété Wilson a

envisage le design comme un

sont aussi des hommages aux

effectué de nombreux voyages

aspet de l’architecture. Il crée

personnalités brusquement

et expositions dans le monde

des formes structurellement

disparues. Frédéric Bruly

Atlantique, et jusqu›au Japon,

intelligentes et durables afin

Bouabré

à l’ile Maurice, en Israël, en

d’engager les utilisateurs

Ojeikere (1930-2014) sont

Italie, etc. En 2008-2009 il

dans des expériences uniques

décédés à quelques jours

réalise, à Abomey au Bénin,

avec l’espace environnant.

d’intervalle. Ces deux grands «

une série de 18 tentures en

Son esthétique futuriste

ainés » de l’Afrique ont engagé

appliqué de tissus : L’Océan

met en dialogue la fonction,

l’imaginaire de ce continent

Noir, The Black Ocean, O Oceano

l’ergonomie et les traitements

vers l’art contemporain. Le

Negro, qui peut être considérée

de surface. Très concerné

Palais de Tokyo leur rend

comme une synthèse de son

par les matériaux, il aime

hommage.

travail depuis ses premières

à explorer et revoir des

œuvres.

processus de fabrication

Frédéric Bruly Bouabré est

artisanale auxquels il adjoint

né en 1919, en Côte d’Ivoire.

« Vodouns & Orixas » - William

les opportunités présentées par

Penseur, philosophe, chercheur,

Adjété WILSON

la fabrication de pointe.

« rechercheur », pédagogue,

du 23 avril au 17 mai 2014

(1923-2014) et Okhai

prophète, poète, artiste,

Vernissage - mardi 29 avril 2014

« Look Mum, No hands » Ifeanyi

créateur, encyclopédiste…

à 18h

Oganwu

L’œuvre multiforme de Frédéric

Galerie Philippe Lawson

Du 24/04 au 12/07/2014

Bruly Bouabré trouve son

16 rue des Carmes 75005 Paris

Galerie Armel Soyer

origine dans une vision

Tél. : 01 46 33 00 90

19-21, Rue Chapon (sur cour)

«céleste » du 11 mars 1948.

mardi & jeudi, 17h30- 20h30,

75003 Paris - France

Il se sent alors investi de

Samedi 11h-19h

+33 (0)1 42 55 49 72

la mission de transmettre une

www.philippelawson.com

contact@armelsoyer.com

pensée universelle au monde

Mercredi au Samedi : 14h à 19h

et plus particulièrement à son

et sur Rendez-vous

peuple Bété. Auteur de nombreux

http://www.armelsoyer.com/

textes, il invente un alphabet

« LOOK MUM, NO HANDS »

sous forme de pictogrammes pour « HOMMAGE À FRÉDÉRIC BRULY

retranscrire sa langue natale,

BOUABRÉ ET OKHAI OJEIKERE »

le bété. Alphabet qui sera publié pour la première fois par Théodore Monod en 1958. C’est par son œuvre graphique qu’il sera révélé sur la scène artistique internationale

Ifeanyi OGANWU présente pour

lorsqu’André Magnin présente

la première fois son travail à

quelques uns de ses dessins à

Paris sous forme d’exposition

l’exposition Magiciens de la

136


Terre conçue par Jean-Hubert

anthropologique, ethnographique

Orient à Berlin. Le projet,

Martin au Centre Pompidou

et documentaire.

intitulé « In Search of Europe:

et à la Grande Halle de la

Considering the Possible in

Villette en 1989. Son travail

« HOMMAGE À FRÉDÉRIC BRULY

Africa and the Middle East »,

a depuis été présenté dans de

BOUABRÉ ET OKHAI OJEIKERE » -

a examiné les ressemblances

très nombreuses expositions en

Palais de Tokyo

partagées entre ceux de

Europe et aux États-Unis.

14/02/2014 - 07/09/2014

l’Afrique, de l’ancien Empire

13, avenue du Président Wilson,

Ottoman et du Moyen-Orient

À l’âge de dix-neuf ans, J.D.

Paris 16ième

et leur désir de se libérer

Okhai Ojeikere achète un

Tél: 01 81 97 35 88

des normes adoptées sous

modeste appareil Brownie D sur

TLJ midi-minuit sauf mardi

l’influence internationale de

les conseils d’un voisin qui

http://www.palaisdetokyo.com/fr

l’Europe.

lui apprend les rudiments de la photographie et son talent

Les 15 toiles présentent « ALIGNMENT OF VALUES »

plusieurs individus qui se

lui vaut d’être sollicité par

retrouvent face à un mur. Les

la West Africa Publicity pour

réactions à ce mur varient,

laquelle il travaillera à plein

certains tentent de l’escalader,

temps de 1963 à 1975, date à

d’autres le poussent,

laquelle il installe son studio

quelques-uns essaient de le

“ Foto Ojeikere “. Lors d’un

détruire, tandis que d’autres

festival en 1968, il prend,

réfléchissent simplement sur

toujours en noir et blanc au

son existence.

Rolleiflex 6x6, ses premières

Le mur symbolise toutes les

photographies consacrées à la

choses qui se trouvent au-delà

culture nigériane. Dès lors,

de ses frontières. Cette

et pendant quarante ans, il

prise de décision reflète le

poursuit dans tout le pays

caractère de chacun de ces

ses recherches organisées par

individus faisant face à ses

thèmes. Hair Style, riche de

propres limites, imaginées ou

près de mille clichés, est le

Tiwani Contemporary présente

plus considérable et le plus

Alignment of Values, une série à

abouti. Ojeikere photographie

15 peintures à l’huile réalisée

Gemuce (Pompilio Hilario) est

les coiffures des femmes

par le peintre Mozambicain

né en 1963 dans Quelimane, le

nigérianes chaque jour dans

Gemuce. L’exposition est la

Mozambique. La peinture est

la rue, au bureau, dans les

première exposition personnelle

utilisée comme son principal

fêtes, de façon systématique,

de l’artiste à Londres.

medium d’expression pour

de dos, parfois de profil et

Le point de départ pour

questionner et interpréter la

plus rarement de face. Son

Alignment of Values était

réalité de la vie.

œuvre, aujourd’hui, riche de

un projet de recherche basé

En 2001, il a obtenu un Master

milliers de clichés, constitue

sur des échanges entre des

en Management Culturel à

par-delà le projet esthétique,

chercheurs et des artistes,

l’Université de la Sorbonne.

un patrimoine unique à la fois

en 2010 au Zentrum Moderner

Depuis 1994, il enseigne un

137

perçues.


AGENDA cours d’Arts visuels à ENAV et

apparue au début du 14ème

60311 Frankfurt am Main

ISARC au Mozambique.

siècle relie la pensée centrale

Tel : +49 69 21230447

du christianisme aux croyances

mardi au dimanche, de 10h à

« Alignment of Values » -

de l’Antiquité et discute des

18h.

Gemuce

questions d’ordre théologique,

Mercredi, de 10h à 20h.

Tiwani Contemporary

philosophique et moraliste qui

http://www.mmk-frankfurt.de

11 April – 17 May 2014

n´ ont pas perdu leur caractère

16 Little Portland Street

explosif social et politique

London W1W 8BP

jusqu’à présent.

t. +44 (0)20 7631 3808

La Divine Comédie est l’ouvrage

« DISTANCE AND DESIRE:

e. info@tiwani.co.uk

fondateur de l’exposition

ENCOUNTERS WITH THE AFRICAN

http://www.tiwani.co.uk/

laquelle rassemble les travaux

ARCHIVE »

Tuesday to Friday 11:00-18:00

de 55 artistes contemporains

Saturday 12:00 -17:00

originaires de plus de 20 pays

Sunday to Monday closed

africains. La présentation conçue par le curateur Simon

« LA DIVINE COMEDIE »

Njami en coopération avec le MMK sera à voir dans plusieurs lieux d´exposition internationaux, après le 27

La Collection Walther est

juillet.

heureuse de présenter

Trois étages respectivement

« Distance and Desire:

consacrées au paradis, à l’enfer

Encounters with the African

et au purgatoire accueillent les

Archive », la troisième

œuvres d’art qui ont recours à

exposition consacrée à la

différents médias : peinture,

photographie africaine et de

photographie, sculpture, vidéo,

l’art vidéo. Cette exposition

installation et performance.

rassemble sur une période allant

Nombreux projets ont été

de la fin du XIXe au début du

explicitement créés pour

XXe siècle, cartes de visite,

Le paradis, l’enfer, le

l´espace du MMK.

portraits, cartes postales, des

purgatoire du point de vue

En se référant à leurs

pages d’album, et les livres

des artistes contemporains

propres origines culturelles

d’Afrique australe et de l’Est.

africains.

et religieuses les artistes

« Distance and Desire » offre

interprètent différentes scènes

de nouvelles perspectives

de la Comédie humaine.

sur l’héritage des visions

Du 21 mars au 27 juillet 2014 le MMK Museum für Moderne

anthropologiques et

Kunst Frankfurt am Main se

« La Divine Comedie »

ethnographiques d’Africains,

transforme, sur plus de 4500

Jusqu’au 27 juillet 2014

réinventant la dimension

mètres carrés, en théâtre de

Museum für Moderne Kunst

poétique et politique de

la Divine Comédie de Dante

Frankfurt

l’archive, la diversité de

Alighieri (1265-1321). L’oeuvre

Domstraße 10

ses histoires et de ses

138


significations changeantes.

la Saatchi Gallery accueille

Vincent Michéa, Oscar Murillo,

Point culminant d’une série de

l’exposition “Pangaea: New

Alejandra Prieto, Boris Nzebo,

trois parties à l’Espace Projet

Art from Africa and Latin

Christian Rosa.

Walther Collection à New York,

America”. Empruntant son titre

et le colloque international

du supercontinent préhistorique

“Pangaea: New Art from Africa

«Rencontres avec les Archives

qui était une union de l’Afrique

and Latin America” – Saatchi

d’Afrique», co-organisé par la

et de l’Amérique du Sud, cette

Gallery

Walther Collection, New York

enquête majeure réunit les deux

Duke of York’s HQ

University, et l’University

anciens continents en exposant

King’s Road

College de Londres, l’exposition

le travail de 16 de leurs

London

est accompagnée d’un catalogue

artistes contemporains.

SW3 4RY

scientifique majeur édité par

L’exposition célèbre et explore

TLJ 10h-18h

Tamar Garb. « Distance and

les parallèles entre ces

http://www.saatchigallery.com/

Desire » se développe en trois

distinctes cultures et pratiques

sections thématiques, exposée

créatives , tandis qu’ ils

à travers les trois principaux

commencent à recevoir une

bâtiments d’exposition de la

reconnaissance dans le monde de

« GRAVITY AND GRACE: MONUMENTAL

Collection Walther.

l’art de plus en plus globalisé.

WORKS BY EL ANATSUI »

USA

Les artistes de “Pangaea: New « Distance and Desire:

Art from Africa and Latin

Encounters with the African

America”, de manière différente

Archive »

et innovante, démontrent

Jusqu’au 17 mai 2015

la complexité de nos vies

The Walter Collection

d’aujourd’hui. Les années de

Reichnauer Strasse 21

domination coloniale, la rapide

Germany

expansion urbaine, la migration

+49 731 1769 143

et l’instabilité politique et

info@waltercollection.com

économique restent des sujets

http://www.walthercollection.com

de prédilection pour ces

Dans le cadre des célébrations

différents artistes, dont les

du 50ième anniversaire du musée

« PANGAEA: NEW ART FROM AFRICA

réflexions sur la richesse de

Bass, le travail d’El Anatsui

AND LATIN AMERICA »

leur environnement se traduit

est mis à l’honneur dans une

par une expérience visuelle

exposition solo intitulée

intense.

« Gravity and Grace: Monumental

Les artistes figurant dans

Works by El Anatsui ».

cette exposition sont :

L’exposition met en évidence

Aboudia, Léonce Agbodjélou,

le travail récent d’Anatsui

Fredy Alzate, Antonio Campos

présentant pas moins de

Malte, Rafael Gómezbarros,

douze sculptures métalliques

David Koloane, José Lerma, Mário

gigantesques ornant murs et

Macilau, Ibrahim Mahama, Dillon

sols. Ces œuvres sont les

Marsh, José Carlos Martinat,

pièces maîtresses de son

Depuis le 1er Avril dernier,

139


AGENDA œuvre complète, largement

Nick Cave a d’abord gagné une

nous devrions être une voix et

considérées pour représenter le

large reconnaissance pour

parler plus fort.»

point culminant de sa carrière

ses «Soundsuits »: tenues de

L›exposition présentera une

jusqu’aujourd’hui.

plein-corps fabriqués à partir

sélection de ces nouvelles

S’inspirant des traditions

d›objets de récupération

créations, ainsi que plusieurs

artistiques et esthétiques de

trouvés dans les magasins

nouvelles Soundsuits et de

son pays de naissance le Ghana,

d›antiquités et les marchés aux

grandes sculptures en bas-relief

de son deuxième pays le Nigeria

puces.

que Cave appelle «peintures».

et de diverses formes et des

Mi-sculpture, mi-costume, les

mouvements du monde occidental,

œuvres d’art complexes, sorte

Nick Cave – THE INSTITUTE OF

les travaux d’Anatsui englobent

de kaléidoscope coloré peuvent

CONTEMPORARY ART

des

être présentés sous forme

Jusqu’au 04 mai 2014

mondiale, locale et personnelle.

d›objets, et prennent souvent

The Institute of Contemporary

Les pièces les plus récentes

part à des performances solo ou

Art

de l’artiste sont inspirées par

de groupe.

100 Northern Avenue

“les piles énormes des déchets

C’est un genre d’art hybride

Boston, MA 02210

de consommation » trouvées dans

qui ne peut être créée que par

Tél: 617-478-3100

son environnement proche.

un artiste tel que Cave, qui a

info@icaboston.org

été formé en tant que danseur

http://www.icaboston.org/

préoccupations à la fois

« Gravity and Grace: Monumental

au Dance Theater Alvin Ailey

Works by El Anatsui »

American et dirige désormais le

« AUTO-GRAPHICS RECENT

Bass Museum

programme d›études supérieures

DRAWINGS »

11/04 – 10/08/2014

de la mode à l›école de l›Art

2100 Collins Avenue (between

Institute de Chicago.

21st & 22nd)

Bien que les costumes

Miami beach, Florida 33139

semblent dynamiques et

t: 305.673.7530

joyeuses, fabriqués à partir

http://www.bassmuseum.org

de matériaux tels que des boutons, des perles et de la

« NICK CAVE »

fourrure synthétique, leur origine s’inspire d’un fait

140

moins festif. Cave a créé sa

D’origine nigériane l’artiste

première Soundsuit après les

Victor Ekpuk est connu pour son

violences commises sur Rodney

utilisation de l’improvisation

King, en 1992. «J›ai construit

Nsibidi, une forme d’écriture

ce genre d›armure, car en

idéographique reliée avec aux

le portant, j›ai réalisé que

puissants Ekpe, une association

je pouvais faire du bruit de

d’hommes du sud-est du Nigeria.

l’intérieur», a déclaré Cave au

Etudiant aux beaux-arts à

Washington Post. «Il m›a fait

l’Université Obafemi Awolowo

penser à des idées autour de

à Ife, au milieu des années

la protestation, et comment

1980, Ekpuk a travaillé dans


un environnement pédagogique

Loin des clichés, d’images

inspiré de l’Onaism, une

attendus de l’Afrique du Sud,

philosophie esthétique Yorùbá

les 25 artistes contemporains

qui poussait les élèves à

et des collectifs dans

explorer les logiques de motifs

l’exposition « Intimité

et le design des formes d’art

Publique » explorent avec

africaines. Devenu un artiste

éloquence la poétique et

mature, Ekpuk a tellement

la politique de la vie

intériorisé le rythme et les

quotidienne. Cette collaboration

contours de son “script”, que

avec le San Francisco Museum of

cette forme d’écriture coule de

Modern Art présente des photos

sa main comme l’effusion d’une

de la collection de SFMOMA de

archive personnelle.

la photographie sud-africaine

Victor Ekpuk a occupé de

aux côtés d’œuvres, proposant

nombreuses résidences dans des

de manière inédite, un large

“Like the Sea” est une série

instituts d’art et universités

éventail de médias, telles

de dessins techniques mixtes

à travers les États-Unis et

que la vidéo, la peinture, la

dépeignant les deux jeunes

au Nigeria, les Pays-Bas et

sculpture, la performance, et

frères de l’artiste. Les sujets

la France. Il vit et travaille

des publications pour la plupart

sont entourés d’une variété de

actuellement à Washington.

réalisées au cours des cinq

paysages tapissés indiquant les

dernières années.

divers lieux où la fratrie a

« Auto-Graphics Recent

Coïncidant avec le 20e

vécu.

Drawings » Victor Ekpuk

anniversaire de la démocratie

Pour le titre de la série,

Jusqu’au 27 juillet 2014

en Afrique du Sud, « Intimité

Toyin Odutola, s’est inspirée

Krannert Art Museum

Publique » révèle les nuances

d’un extrait du célèbre roman

500 East Peabody Drive,

de l’intéraction humaine dans un

de Zora Neale Hurston :

Their

Champaign, IL 61820

pays encore en pleine mutation,

Eyes Were Watching God

(1937):

Tél : 217.333.1861

montrant de manière vive au

“ . “Love is lak de sea. It’s

mardi au samedi 9h-17h, 9h-21h

public une vie sous un regard

uh movin’ thing, but still and

jeu., dim. 14h-17h,

plus contrasté.

all, it takes its shape from

fermé lundi

« LIKE THE SEA »

de shore it meets, and it’s

http://kam.illinois.edu/index.

« Intimité Publique »

different with every shore.”

html

Jusqu’au 29 juin 2014

Toyin Odutola est une artiste

Yerba Buena Center for the Arts

contemporaine qui met l’accent

701 Mission Street (at 3rd

sur ​​ l’identité et le concept

Street)

socio-politique de la couleur

San Francisco, CA 94103-3138

de la peau grâce à ses dessins

415.978.2787

faits à l’encre et au stylo. Son

http://ybca.org/

travail explore son parcours

« INTIMITE PUBLIQUE »

personnel de sa naissance au Nigeria à sa vie aux EtatsUnis, s’imprégnant de la culture

141


AGENDA américaine, dans une Alabama conservatrice. “Like the Sea” – Toyin Odutola

BO ZAR EX PO

May 1 – May 31, 2014 Jack Shainman Gallery 524 West 24th Street New York, NY 10011 Horaires : M- S, 10h-18h Tél. +1 212 337 3372 http://www.jackshainman.com/ « THE SITUATIONIST EFFECT »

La galerie Taymour Grahne présent la première exposition solo à New-York de l’artiste Franco-algérienne, Katia Kameli. “The situationist effect” décrit l’apporoche personnelle de l’artiste par rapport à la ville de Marseille et ses environs à

18.06 > 31.08.2014

WHERE WE’RE AT! Other voices on gender

travers un film et une série de photos “The situationist effect” 23

avril - 24 mai

info@taymourgrahne.com

WWW.SUMMEROFPHOTOGRAPHY.BE

University of Central Lancashire

142


(c) Sean Hart AFRIKADAA STREET PUBLICATION DU 10 MAI AU 18 MAI 2014 : l’Acte éditorial live de le revue Afrikadaa Vernissage le 10 Mai à 20H / Lieux : Biscuiterie de Médina - Dakar L’exposition Afrikadaa Street Publication représente l’extension des contenus de la revue sous forme d’un acte éditorial live, concept proposé par la revue Afrikadaa pour dialoguer dans un espace d’art avec le public. Cette exposition numérique interactive est aussi une façon de familiariser le public africain aux différents réseaux sociaux; faire participer le public au contenu rédactionnel via tweeter par le projet « Afrikadaa publi-live-tweet ». Proposer un format pour une exposition itinérante, interactive et en évolution continue est une manière pour la revue Afrikadaa d’ imaginer de nouveaux supports innovants en marge des références mainstream. Lors de la prochaine Biennale de Dakar 2014, l’équipe d’Afrikadaa en collaboration avec les artistes (Sean Hart, Jay One, Joël Andrianomearisoa, Ousmane Mbaye, Alexis Peskine, Louisa Babari, ...), proposera aux professionnels de l’art et au public sénégalais d’être partie prenante de leur publication. Afrikadaa Street Publication exposera dans l’espace public des segments d’articles, des textes, des photos, sous forme de posters, PVC, différents formats d’écrans et enseignes lumineuses seront installés le temps de la biennale. Un parcours googlisé sera proposé dans le but de vous emmener vers des lieux d’expositions surprenant... Publi-twitter est l’occasion pour les visiteurs de tweeter des évènements liés a la biennale, de partager leurs coups de coeur ou faire part de leurs coup de gueules quasi instantanément. Créer le contenu rédactionnel en live via tweets. De l’ interactivité, du live, une autre façon de voir la publication... Ce projet est une première pour la biennale de Dakar.

143


144


MÉMOIRES DU FUTUR Les nouvelles pratiques editoriales Revues d’art et publications africaines, afro-américaines et caribéennes

12h00. Mario Pissarra (Afrique du Sud): Third Text Africa Third Text Africa: reflections on the context, process and challenges of publishing an online journal 12h20. Discussion 12h40-14h00. Déjeuner

Dans le cadre de la biennale de Dakar 2014, la revue d’art contemporain Afrikadaa en partenariat avec l’université du Michigan Ann Arbor et Malick Ndiaye, chercheur associé au CRAL, EHESS / CNRS propose deux journées d’étude rassemblant historiens d’art, éditeurs, directeurs de publication, rédacteurs, critiques d’art et artistes. Du 13 au 14 mai 2014, ces journées d’étude portant sur les nouvelles pratiques éditoriales aborderont les sujets qui font écho au thème de la Biennale de Dakar 2014 : « Les Métiers

Modérateur : Frieda Ekotto 14h00. Simon Njami (France): Revue noire éditions Of curating and audiences 14h20. Holly Bynoe (Martinique/Caraïbes): ARC Magazine Practicing Presence: Making Space For Interventions…

de l’art ». Programme du 13 mai 2014

14h40. Michèle Desmottes et Mostapha Romli (Maroc): Maroc Premium Politique culturelle marocaine. Comment mettre l’art au coeur du développement ?

Lieu : Village de la Biennale, Route de Rufisque. Dakar. 9h30. Introduction : Pascale Obolo/Malick Ndiaye/Frieda Ekotto

15h00. Nana Oforiatta Ayim ( Royaume-Uni/ Ghana) The Cultural Encyclopaedia

Modérateur : Vydia Tambi

15h20. Discussion

10h00. Malick Ndiaye (Sénégal): CRAL/INP Critique du modernisme de Présence africaine (1947) à NKA (1994)

15h40. Julia Grosse : (Allemagne) Contemporary And Critical writing about African art: perspecitves and challenges

10h20. Massamba Mbaye (Sénégal): Ethiopiques, Afrik’Arts Quelle approche éditoriale sur les arts au Sénégal ?

16h00. Quincy Troupe (Etats-Unis) : Black Renaissance Noire Crossfertilization in the Contemporary African Diaspora, focusing on the Choreographic, Literary, Musical and Visual Arts.

10h40. Seloua Luste Boulbina (France): Collège international de philosophie La migration des idées 11h00. Discussion

16h20. Mohamadou Sy Siré (Sénégal): African bussiness Journal 16h40. Discussion 17h00-17h30. Conclusion: Frieda Ekotto

11h20. Frieda Ekotto : Afrikadaa Mémoires du futur/ archives du futur 11h40. Paula Akugizibwe (Afrique du Sud) : Chimurenga A Complicated Ordinariness: The Chronic Business of Story Telling

145


ARIKADAA’S PLAYLIST Ce mix présente une revue personnelle afrikadaa play corps medium by SWITCH « GROOV » EXPERIENCE (BAB MUSIQUE, PARIS)

du corps hybride que constitue, dans mon esprit et par ma pratique de dj, les musiques noires. Cette grande famille musicale, recoupant un large panel d’esthétiques et de styles musicaux, n’a de cesse d’être constamment réinventée et réappropriée, à l’échelle d’un Atlantique noir, dont la géographie, par le jeu de la mondialisation, semble aujourd’hui échapper à toute tentative de cartographie.

Dj, producteur et manageur de Bab Musique, le parisien Switch «Groov» Experience est un amoureux du jaz z, en par ticulier, de la musique, en général. Sa musique se veut donc hybride, un je ne sais quoi entre l’esprit du jaz z, la profondeur de la house, la légèreté de la disco et l’écrin des musiques africaines. Il travaille actuellement sur le projet « Cotonou en musique », qui se formalisera sous la forme d’une création multimédia (http://

Pour ce mix, je me suis focalisé en priorité sur des artistes actuels et des musicalités émergentes (à l’exception des morceaux de Billie Cole et du West African Cosmos). Abstract hip hop, jazz, spoken word, deep house, disco reggae, l’arbitraire de la catégorisation s’efface ici face au brouillage des genres qui caractérisent les morceaux à l’écoute, produits par des artistes dont il m’importe peu de connaître la couleur de peau. Je souligne pour le moins la richesse des nationalités représentées : les Etats-Unis,

musiqueaupoing.tumblr.com/ )

l’Angleterre, la France, le Soudan, l’Afrique du

Network :

Sénégal, la Guinée et les Antilles françaises

https://soundcloud.com/sg- exp http://w w w.bab -musique.com/

Cliquez pour écouter le mix clic to listen to the mix

Sud, la Jamaïque, l’Allemagne ou encore le pour le seul West African Cosmos ! J’ai donc pris le parti des différences dans le semblable, pour, le temps d’une variation d’une cinquantaine de minutes, dessiner, à partir des fragments que constituent les 11 morceaux de la playlist, un corps musical

« Mixtape»

hybride, transnational et résolument tourné vers le futur. Bonne écoute !

146


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147


©2014 RENSEIGNEMENTS: www.afrikadaa.com :: info@afrikadaa.com www.facebook.com/Afrikadaapage www.twitter.com/afrikadaa ©AFRIKADAA : Tous Droits de reproduction réservés.

148


AFRO DESIGN & CONTEMPORARY ARTS

AVRIL/MAI/JUIN N째7

corps medium 149


AFRO DESIGN & CONTEMPORARY ARTS

MAI/JUIN/JUILLET N째7

corps medium 150


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