AFRO DESIGN & CONTEMPORARY ARTS
OCT/ NOV/ DÉC
N°6
E —MOTIONAL 1
=Couverture: Leon Andrianomearisoa - photo Antananarivo 1977 Courtesy: Private collection Merci à tous ceux qui ont contribué à ce numero: Jay One Ramier, Malick Ndiaye, Marc Johnson , Joel Andrianomearisoa, Jean Loup Pivin, Nimrod, la Tate Modern, Le MAC/VAL, Loren Hansi Momodu,Eric Fantou, Charlotte Flossaut, Meschac Gaba, Ellen Gallagher, Lionel Zinsou, la Fondation Zinsou, la Maison Revue Noire, Alexandre Gouzou, Steve Mc Queen, Simmi Dullay, Ingrid Mwangi, Toma M. Luntumbue, John Akomfrah, Trevor Mathison, Francine Mabondo, Karen D. Mc Kinnon, Bouna Médoune Seye, Azzedine Abdelouhabi, Antonia Alampi, Beirut Art Space, Galerie Bookoo, Adonis Flores, Romarick Tisserand, Laura Salas Redondo, Bilie Zangewa, Chriss Aghana Nwobu, Ifeanyi Oganwu, Mukwae Wabei Siyolwe, Tamara Leacock, Wagner Carvalho, Annabel Guérédrat, Artincidence, Sandrine Ebène de Zorzi, Erick Hahounou, Clarck House Initiative, Zasha Colah, Sumesh Sharma Direction de publication Carole Diop Pascale Obolo Rédactrice en Chef Pascale Obolo Direction de projet Louisa Babari Direction Artistique antistatiq™ Graphisme antistatiq™ Comité de rédaction Frieda Ekotto Kemi Bassene Olivia Anani Camille Moulonguet Michèle Magema Caecilia Tripp Patrick de Lassagne Djenaba Kane Anne Gregory Communication et relations presse Virginie Echene Tous droits de reproduction réservés. Contact: info@afrikadaa.com Octobre 2013 www.afrikadaa.com www.facebook.com/Afrikadaapage www.twitter.com/afrikadaa
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EDITO : Dans un monde en crise, pris au piège de sa déshumanisation, AFRIKADAA a voulu s’ interroger sur les émotions dans l’art contemporain. Autant l’impact émotionnel de l’art fait l’objet de nombreuses études, autant la représentation des émotions dans l’art reste un terrain vierge. Tout tend aujourd’hui à utiliser l’émotivité pour faire entendre son point de vue, et je dirais même, que l’un ne va pas sans l’autre. C’est ce qui détermine une nouvelle sémantique contemporaine. L’œuvre d’art a pour vocation d’exprimer les sentiments, les émotions de leurs auteurs. Celle-ci permet d’établir un lien entre l’artiste, le plasticien, le compositeur et tout autre créateur en relation avec son public. Dans ce numéro, nous envisageons ces différentes relations. L’image est l’expression d’une émotion. Cette émotion n’est pas nécessairement intellectuelle. Elle peut être sensorielle, personnelle, intime même. Ce dernier opus d’AFRIKADAA constitue une tentative d’explorer les formes d’émotions dont l’image est le témoignage, le réceptacle et la source. Rassemblant les contributions d’une sélection d’artistes, issus de contextes chronologiques et géographiques différents, elle présente la communauté qui se fait jour, au coeur de l’art, dans le traitement de l’image. L’art ne peut exister sans le pathos. À travers les émotions, l’art nous dit sa méthode pour changer le monde. “L’émotion est nègre comme la raison héllène” (L. Senghor). Faced with a world in crisis trapped inside its own inhumanity, Afrikadaa aims to examine the role of emotions in contemporary art. Although the emotional impact of art has been the subject of numerous studies, its representation within the practice of art has remained enigmatic. Everything and everyone today tends to use emotionalism to get their point across; I would add that the two go hand-in-hand, thus defining a new semantic within contemporary art. The purpose of art is to express the feelings and emotions of the artist. It links the artist, the visual artist, the composer (and other creative forces) to their audience. We will explore these relationships in this issue. Emotions aren’t necessarily intellectual – they could be attached to the senses, personal, intimate even. This issue of AFRIKADAA magazine endeavors to explore the different manifestations of emotion of which the image is both the receptacle and the source. With a selection of contributions from chronologically and geographically diverse artists, we attempted to highlight the emerging community at the heart of art. Art cannot exist without pathos. Through emotions, art suggests to us, a new way of changing the world. “Emotion is Negro, as reason is Hellenic” (L. Senghor). PASCALE OBOLO
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AFRIKADAA E-MOTIONAL ART TALK 06 L’UNIQUE DÉPART ! - PAR FRIEDA EKOTTO 08 10 14 20 24 28 34 36 38 44 46
MICHÈLE MAGEMA : IMAGES ET CORPS INSTABLES - PAR TOMA M. LUNTUMBUE EMOTION : AN ALLEGORY FOR READING - BY FRIEDA EKOTTO LE CONCEPT DE FRONTIÈRE DANS LA DIFFUSION DE L’ ART CONTEMPORAIN - PAR MALICK NDIAYE THE ART OF JUSTICE: BLACK ICONOGRAPHY AND THE AUSARIAN RESURRECTION - BY MUKWAE WABEI SIYOLWE LOUISA BABARI : LA MÉTAPHYSIQUE DU GRIS - PAR ALEXANDRE GOUZOU BLACK MATTER : DECOLONIAL AESTHESIS SIMMI DULLAY IN CONVERSATION WITH W.MIGNOLO VOYAGE AUX QUATRE COINS - PAR PATRICK DE LASSAGNE BEIRUT IS IN CAIRO…BEIRUT IS A SHE… « ART IN THE STATE OF EMERGENCY » - BY CAECILIA TRIPP JOHN AKOMFRAH : THE NUCLEUS OF AN IDEA - PAR KAREN D. MC KINNON CORRESPONDANCES ÉMOTIONNELLES - PAR KEMI BASSENE LA DOUBLE VIE DE LIONEL ZINSOU - PAR CAMILLE MOULONGUET
PLACES 52 56
ORIENT ART EXPRESS : ART, FRONTIÈRE ET CONFLUENCE - PAR LOUISA BABARI GALERIE BOOKOO : QUAND ART RIME AVEC PARTAGE - PAR CAROLE DIOP
CONCEPT 58 62 64
DUPLICITY : « ARTISTE ENTRE OEUVRE ET EMOTION » - PAR MICHÈLE MAGEMA
- NIMROD : “L’ENRAGEMENT AMOUREUX” (EXTRAIT)
- BOUNA MÉDOUNE SEYE : “MARCHAND DE FOTES” (EXTRAIT)
NEXT STOP LOVE : BUS STOPS OF EMOTIONS EMOTIONNAL POETRY
PORTFOLIO 70 78 82 4
ADONIS FLORES / CAMOUFLAGE CRUDO - PAR ROMARICK TISSERAND ET LAURA SALAS REDONDO BILIE ZANGEWA : EMOTIONS TO THE TIP OF THE NEEDLE - PAR CAROLE DIOP EMOTIONAL INVESTMENT - BY ANNE GREGORY
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CHRISS AGHANA NWOBU: AN OPEN HEART DIALOGUE - BY DJENABA KANE
FOCUS 94
SENTIMENTAL - JOEL ANDRIANOMEARISOA - PAR JEAN LOUP PIVIN
ARCHITECTURE 102
LE MÉMORIAL DE LA HONTE ? - PAR CAROLE DIOP
DESIGN 104 108 110
IFEANYI OGANWU : SHAPING MATTER - PAR OLIVIA ANANI L’ASSISE DES SENTIMENTS - PAR LOUISA BABARI WEARING E-MOTION - BY TAMARA LEACOCK
EXHIBITION REVIEW 112 122 124 128 132
BANG ! BANG ! TO DARKNESS, CHARLOTTE AND OTHER SONGS; THE BODY AT RISK - STEVE MC QUEEN AT SCHAULAGER - BY MARC JOHNSON EL SY PEINTRE EPISTOLAIRE - PAR CAROLE DIOP ELLEN GALLAGHER : BLACK TO THE FUTURE - BY KAREN D. MC KINNON BLACK LUX – A “HEIMAT FEST”- HOME IS NOT ONLY A WORD - AFROPOLITAN BERLIN CURATED BY WAGNER CARVALHO & TUNÇAY KULAOGLU A REVIEW BY CAECILIA TRIPP DECOLONISING IMAGINARIES - AFRIKADAA AND CLARCK HOUSE INITIATIVE AT KADIST ART FOUNDATION - BY ZASHA COLAH & SUMESH SHARMA
CARNET DE BORD 138
GABA’S MUSEUM IS NOT JUST A ROOM - BY FRANCINE MABONDO
AFRIKADAA’S LIBRARY 140
AGENDA 142
AFRIKADAA PLAYLIST 148
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ART TALK
L’UNIQUE DÉPART ! Par Frieda Ekotto professeur de littérature comparée, d’études afro-américaines et africaines University of Michigan Ann Arbor.
“La mort déclare chaque fois la fin
à la perte historique voire à la perte
dans son roman Le Départ. Pour le
du monde en totalité, la fin de tout
personnelle. Le mot « départ » désigne
poète, essayiste et romancier tchadien, la
monde possible, et chaque fois la fin du
philosophiquement ce qui est inconcevable,
question du départ du continent africain
monde comme totalité unique, donc
le nihilisme de la vie, dit Jankélévitch
dit le silence de l’indicible dans « la beauté
irremplaçable et donc infinie.”
– la mort – l’inévitable, l’irrévocable,
et le malheur»3. Son ouvrage porte sur
Jacques Derrida, “Chaque fois unique, la
l’irréversible, l’instant mortel. Tout départ
l’impossible absolu, ainsi que le silence
fin du monde.”
est émotionnellement une épreuve. En lui
qui tout ensemble le précède et le suit. Le
s’inscrit un non-retour possible, une fin en
narrateur enfant, puis adulte, entreprend
“Je connais des lointains de toutes
soi.
de le relater. L’entreprise est-elle seulement
sortes.”
Cette épreuve devient un lieu commun, un
possible ?4
Nimrod, Le Départ.
topos, un habitus pour certains, comme
En ce qui concerne Nimrod, le départ se
le souligne à sa façon Nimrod dans L’Or
manifeste aussi par une extrême tristesse
Faut-il vivre dans l’oubli de la mort ? Cette
des rivières : « C’est alors que ma mère a
chez l’enfant narrateur, pour qui chaque
question me taraude depuis longtemps.
bâti sa deuxième maison, celle où je vis
Adieu est l’occasion de rêver de l’horizon –
« Parler est impossible », écrit Derrida
depuis quarante ans. C’est d’elle que j’ai
le désir, en d’autres termes, l’inatteignable
à l’occasion de la mort de Paul de Man,
initié tous les départs » . Ce désespoir
par excellence. Grâce à l’écriture, il s’évade
« mais se taire le serait aussi, ou s’absenter
devant l’incertitude. En effet c’est la quête
dans l’imaginaire. Chaque mot ressort une
ou refuser de partager sa tristesse »1. En
incessante pour un impossible ailleurs.
sensation d’impuissance, mot qui rencontre
2
lisant Derrida, des bribes de souvenirs me remontent, éclatent dans les mots et rompent le silence. Bien que je reste profondément troublée par la difficulté qu’on a, dans toutes les langues, de dire la mort : cet éternel départ. L’émotion que me provoque ce terme départ à la fois explicite et vague ordinairement associé au mouvement et, singulièrement, à la marche, à l’idée
un autre encore plus puissamment tressé
“Tout départ est émotionnellement une épreuve. En lui s’inscrit un non-retour possible, une fin en soi.” L’émotion constante ! Le départ constitue
d’égarement, à la perte de soi-même,
l’horizon inaccessible dont parle Nimrod
1
2
Jacques Derrida, Pour Paul de Man,
Paris, Galilée, 1988, p. 15.
6
Nimrod, L’Or des rivières, récits, Arles,
Actes Sud, 2010. p. 12.
dans l’intensité de la force du premier, et cela tout au long de la narration.Toutes ces associations sont envoûtantes et ralentissent la lecture et font rejaillir la souffrance du départ. Le Départ est un 3
Patrick Sultan, « La beauté et le
malheur », La Quinzaine littéraire du 1er au 15 juillet 2005.
4
Cette question est celle que Jaques
Derrida pose dans le cadre du séminaire organisé par Alexis Nouss et Gad Soussana. Montréal, L’Harmattan, 2001, p. 90.
texte bouleversant qui interpelle toute
l’on découvre après-coup. La pratique de la
personne ayant connu l’émotion du
lecture à laquelle nous convie Nimrod obéit
grand événement qu’est le départ. Texte
à cette règle du retard du sens que signale
autobiographique, qui, depuis les yeux
ici le narrateur : « Je connaîtrai nombre
d’un enfant, raconte les douleurs et les
d’autres départs. Une chose est sûre : ils ne
silences qui accompagnent de multiples
se répètent jamais »5.
mouvements d’un espace à l’autre. D’une
part il y a la sœur Royès, débordante
Une faille que je ne souhaite pas non plus
d’énergie, le père pasteur souvent absent,
colmater, mais qui en retour me hante, me
mais que le fils admire. D’autre part, il y a
ramène à mes pertes personnelles, à de
la mère présente, la force tranquille de la
nombreux départs et qui me laissent sans
famille, mais silencieuse. On se demande
mots. Je reste en marge et j’apprends à
s’il est possible de parler de l’angoisse
vivre avec mes fantômes, signe que moi,
dans l’ordre esthétique ? Comment dire
je suis au bord de la vie, dans la vie jusqu’à
l’indicible ? D’où procède ce désir de
mon départ – jusqu’à « ma mort » comme
l’inaccomplissement du désir ? L’idée que
dirait Derrida. La fin pour moi et l’émotion
l’œuvre ne jaillit pas toute seule comme un
pour ceux qu’on quitte. Dans son texte
cri, qu’au lieu d’être un symptôme elle est
Apories, Derrida parle du « passage de la
un témoignage. C’est pour un sujet qu’elle
mort : au-delà » comme limite même de
témoigne, là même où il se perd. Ce que
l’impossibilité de sa propre mort. Il écrit :
mime ce récit, c’est une sorte d’autoanalyse
« […] Ma mort est-elle possible ? Pouvons-
dans laquelle le sujet n’est en rien maître
nous entendre cette question ? M’est-il
des associations qu’un mot ou qu’une
permis de parler de ma mort ? Que veut
image provoque. Bien entendu, l’illusion
dire ce syntagme, « ma mort ? »6 Juste une
d’une écriture faite d’association libre est en
émotion !
fait calculée, déterminée par une logique du texte qui n’obéit pas à l’improvisation. De toute façon, Freud nous a appris que toute association libre est liée de manière inconsciente à un ensemble d’éléments que
7
5
Ibid., p. 33.
6
Jacques Derrida. Apories : Mourir —
s’attendre aux « limites de la vérité », Paris, Galilée, 1996, p. 1.
“On se demande s’il est possible de parler de l’angoisse dans l’ordre esthétique ? Comment dire l’indicible ? D’où procède ce désir de l’inaccomplissement du désir ?”
ART TALK
MICHÈLE MAGEMA
Images et corps instables Par Toma M. Luntumbue
Michèle Magema n’affiche ni revendique de
volontairement brouillés.
La video Anne ou la Madone inconsolable,
filiation artistique particulière. Nombre de ces
Les dispositifs imaginés par l’artiste nous
2013 est une suite de séquences présentant
œuvres sont le fruit d’un syncrétisme multi-
mettent en présence d’images de corps
trois triptyques. Chacun des triptyques est
référentiel, puisant dans l’histoire, la mémoire
organisées dans de savantes compositions.
composé de trois plans fixes, dans des tons
collective, l’histoire de l’art, dont elle interprète
Un accessoire, un plan de couleur, le rapport
légèrement sépia et aux contours légèrement
les motifs sans tomber dans un système,
figure/fond concourent à une organisation
flous.
ni un programme figé. Cette discontinuité,
de l’espace qui ne cède rien au hasard. Les
Dans le premier triptyque, on peut voir l’artiste
bien qu’elle constitue en soi une insécurité
images de Michèle Magema contiennent
entièrement nue, le corps recouvert d’un voile
permanente, semble pleinement assumée.
une théâtralité étrange, d’une séduction
translucide, les deux mains jointes au niveau
Certaines de ses vidéos ou ses images fixes
contenue, faite de gestes peu signifiants en
du pubis. Sur l’image centrale, l’artiste se
charrient des réminiscences qui renvoient à des
apparence, dont certains aspects s’affirment
tient sur un socle cubique blanc. Sur les deux
pratiques d’appropriations récurrentes dans
clairement par leur dimension performative.
panneaux latéraux, elle est debout derrière le
l’art contemporain. Mais l’appropriation chez
Actions, postures, lenteur des gestes, attitudes,
même socle. Un léger mouvement du corps
cette artiste se traduit dans la propension à
déplacements, position dans l’espace :
fait doucement bouger le voile. Le triptyque
la citation fragmentaire de motifs, de gestes
l’implication physique de l’artiste dans ses
disparaît ensuite, en fondu, pour laisser place à
qui sont associés, amalgamés les uns aux
œuvres corrobore l’hypothèse du corps, bien
la séquence suivante.
autres pour construire un sens nouveau. Ces
plus que l’image, comme argument directeur
Dans le second triptyque, l’artiste est visible de
emprunts ne sont pas toujours reconnaissables
de ses œuvres.
dos, le visage incliné vers l’avant. Sur l’image
pour les observateurs et sont parfois même,
8
centrale, elle se tient debout, immobile, tandis
que sur les deux images latérales, elle est
façons dont s’établit le dialogue de Magema
d’elle. L’auréole de l’enfant tombée au sol
agenouillée sur le socle.
avec une gestualité inspirée de l’iconographie
achève de lui donner son caractère résolument
Dans le troisième et dernier triptyque, où la
de la tradition des beaux-arts.
iconoclaste.
séquence est la plus longue, les trois plans
La vierge corrigeant l’Enfant Jésus devant
Magema détourne le tableau de Ernst, en en
sont construits identiquement mais la posture
trois témoins : André Breton, Paul Eluard et le
simplifiant le dispositif par l’isolement de la
du corps est différente. Dans le plan central,
peintre, 1926, est un tableau anticlérical du
figure de la vierge, qu’elle décontextualise
l’artiste est debout, voilée, les bras croisés sur
surréaliste Max Ernst revisité par l’artiste, avec
par la contiguïté avec deux autres images «
la poitrine, en signe d’affliction. La référence
des emprunts dans la composition du tableau,
appropriées » : le motif académique d’Adam
à une figure de madone éplorée est évidente.
au niveau de la couleur mais comportant des
et Eve, An Apple, dans l’image gauche de The
Sur l’image de gauche, l’artiste est inclinée
omissions délibérées et une ré-interprétation
Tryptic#, 2011, et de l’allégorie de la liberté,
fortement vers l’avant, les bras croisés sur
confinant au détournement.
Freedom, dans l’image droite.
ses genoux, le visage tourné vers le bas.
En effet dans la photographie inspirée
On la voit ensuite, sur le panneau de droite
par l’œuvre de Max Ernst, les trois figures
A la Renaissance, Alberti théorisa le
cherchant l’équilibre, dans une posture en
de Breton, Eluard et du peintre Ernst ont
mouvement de corps, de la chevelure, des
lotus, remettant inlassablement son voile,
disparu. Tandis que dans le tableau original,
vêtements. La mise en scène du corps, son
faisant des gestes amples, puis finissant par se
la vierge lève le bras droit frappeur bien haut,
placement, le langage des gestes, furent
recroqueviller sur elle-même en rapprochant
maintenant l’enfant jésus, couché sur le ventre,
codifiés afin de rendre la représentation des
sa tête du sol.
en pressant fortement sur le dos au niveau de
émotions la plus juste. La matérialité, la densité
Ce qui ressort, au delà de l’ordonnancement
l’omoplate de sa main gauche, dans l’image
du corps devaient être exprimées par l’appui
précis de tous les éléments et du prétexte
photographique de Magema, la paume de la
des figures sur le sol. Des peintres comme Piero
religieux que suggère le titre, c’est,
main est simplement dressée, le bras gauche
della Francesca et avant lui Giotto s’amusèrent
paradoxalement, la vulnérabilité du corps,
portant une poupée à la peau noire. Si la
à souligner ou nier le poids du corps. Alberti le
non pas parce qu’il est nu, pudique, voilé,
Vierge peinte par Max Ernst présente une
théoricien de la peinture, préconisa la position
mais parce qu’il est instable, saisi de petits
allure autoritaire, celle incarnée par Magema,
stable des pieds. Le corps étant une mécanique
mouvements parfois imperceptibles, qui
réellement enceinte au moment de la prise
pesante et productrice d’énergie, capable
trahissent un inconfort pouvant mettre
de vue, plus sculpturale (raideur du corps,
d’exprimer, l’inertie et l’effort. 1
l’observateur mal à l’aise. Celui-ci peut
geste suspendu, buste droit), arbore un visage
légitimement s’interroger sur l’intentionnalité
serein, sans affect, qui la rapproche d’une
Dans les 2 photographies Goodbye Rosa-
de ce qu’il perçoit et donc indirectement aussi
figure allégorique. Dans l’œuvre de Ernst
2005, Michèle Magema est photographiée
sur sa propre capacité d’adhésion à ce qui
(Pour peindre son sujet, Ernst s’est approprié
sous un abribus. Sur la première image, elle
ressemble au fil de la lecture de l’oeuvre à un
la Vierge au long cou du Parmigiano, 1535) la
est debout, légèrement appuyée à une des
rituel intime.
correction infligée à l’enfant Jésus dégage une
parois de l’abribus, en tailleur blanc, la coiffure
tension dramatique. Le corps de la vierge est
recouverte d’un fichu blanc. Elle regarde sur
Spanking, l’élément central de l’œuvre
penché vers l’avant, elle est presque courbée.
le côté. Sur le banc, derrière elle, il est écrit
photographique The Tryptic#, 2011, offre une
Elle semble emportée, hystérique, comme
en caractères noirs sur fond blanc le mot
vision particulièrement éloquente d’une des
possédée par la colère, plus rien n’existe autour
Déférence. Sur la seconde image, elle est assise, vêtue de vêtements sombres, la coiffure couverte également, les mains jointes sont 1
Nadeije Laneyrie-Dagen, L’invention
du corps, La représentation de l’homme du Moyen âge au début du XXe siècle, Flammarion, 2006
9 Cycles 2013, installation video. ©Michèle Magéma
posées sur les genoux. C’est le même abribus.
raciste, une anonyme couturière noire refuse
droits civiques et l’ensemble de l’histoire afro-
Un petit panneau est posé sur le banc sur
de céder sa place à un homme blanc dans un
américaine face à un présent très complexe.
lequel elle est assise. Il y est écrit, en caractères
autobus. C’est à la suite de ce geste de Rosa
noirs sur fond blanc, le mot Différence.
Parks que devait se déclencher le mouvement
Comme chez Marshall les images constituent
La posture adoptée dans chacune des deux
des droits civiques qui allait bouleverser
pour Michèle Magema un matériau utilisé
photographies est sobre sans être austère.
l’histoire des Etats-Unis.
pour composer des dispositifs particuliers.
L’image s’organise autour de la structure de
L’artiste afro-américain David Hammons est un
Qu’elles soient appropriées ou construites
l’abribus. La figure décentrée sur la droite de
des premiers à consacrer une œuvre (1993) à
par l’artiste, elles entrent dans une vaste
l’image n’affaiblit en rien la composition.
cette figure historique marginale.
entreprise de questionnement autour de la
Au delà de l’hommage à Rosa Parks, cette
Né en 1943, Hammons a expérimenté
mémoire collective, de l’identité et de l’histoire
œuvre peut être interprétée comme une
« l’apartheid » made in USA. Fin analyste de
dans laquelle toute une rhétorique gestuelle
pensée à tous les oubliés de l’histoire, les
certains faits sociaux ou politiques et soucieux
accompagne la construction de sens. Michèle
femmes, les pauvres, les peuples dominés ou
de toucher le public par des œuvres directes,
Magema s’ingénie à hybrider son discours et
vaincus. Pour Michèle Magema l’histoire est
une grande partie de son travail a consisté en
ses références. Mais les traitements de et par
une construction complexe où les systèmes de
des interventions dans la rue. Son hommage à
l’image ne sont qu’une tentative pour penser
valeur du passé et ceux du présent entrent en
Rosa Parks prenait la forme d’un gigantesque
le monde à côté d’autres. Ses dispositifs alliant
conflit.
panneau publicitaire de la ville de Springfield
images vidéos, photographies et textes qui
(Illinois), sur lequel Hammons avait fait
peuvent devenir complexes, imposent aux
inscrire, à côte d’une image photographique
spectateurs de reformuler leur position par un
représentant Rosa Parks assise dans un
jeu d’associations et une distance critique.
“Pour Michèle Magema l’histoire est une construction complexe où les systèmes de valeur du passé et ceux du présent entrent en conflit.” Lorsque Michèle Magema se pose en tant que sujet dans ses œuvres, une apparence de neutralité stricte se dégage de sa présence physique, mais au cœur de son travail se trouve une forme d’engagement critique notamment sur la question des politiques des représentations. Avant d’être célébrée comme une figure symbolique universelle, Rosa Parks aura vécu discrètement, presque marginale, mieux connue au milieu de sa communauté. Pourtant à sa mort, en 2005, les drapeaux seront mis en berne, dans tout le pays, sa dépouille restera exposée durant deux jours au Capitole pour un hommage public. En 1955, à Montgomery (Alabama), dans le sud
10
autobus, en lettres rouges, un laconique : Thank you Sister Rosa Parks. Le caractère
Biographie de l’auteur :
elliptique de ce message témoigne de la
Artiste et commissaire d’expositions, Toma
démarche distanciée de Hammons qui s’est
Muteba Luntumbue est né à Kinshasa,
toujours refusé à limiter sa pratique artistique à
RDC. Il vit et travaille à Bruxelles où il
son identité noire.
enseigne l’Histoire de l’art à l’ERG, Ecole de Recherche Graphique et à l’Ecole nationale
Un autre grand artiste afro-américain, Kerry
supérieure des arts visuels de La Cambre.
James Marshall avait quant à lui réalisé une
En tant que commissaire, il a organisé les
série d’oeuvres-requiem pour les années 60,
expositions suivantes :
une décennie synonyme du mouvement
- Ligablo, Bibliothèque royale Albert Ier,
des droits civiques. Conçue comme une
Bruxelles, 2010
installation, We mourn our loss, (Nous pleurons
- Démarcations, Centre Wallonie-Bruxelles,
notre perte), 1997 était un panthéon des
Paris, 2005
personnalités culturelles et politiques afro-
- Transferts, Palais des Beaux-Arts, Brus-
américains disparues entre 1959 et 1979.
sels, 2003
Marshall convoquait le genre de la peinture
- Table Manners, [8 African design-
d’histoire, qui fournit un large répertoire de
ers], Kapel van de Groeningenabdij,
postures, d’attitudes, pour questionner la
Courtrai,Belgique 2003
représentation (ou l’absence) de la population
- Exitcongomuseum, Musée royal d’Afrique
noire dans l’histoire de l’art et d’autre part,
centrale de Tervuren, 2000-2001.
reconsidérer l’héritage du mouvement des
Anne ou la Madonne inconsolable, 2003, Video 2min. ©Michèle Magéma
Goodbye , 2005, 2 photographies 1,70 X 1,30. ©Michèle Magéma
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ART TALK
EMOTION
AN ALLEGORY FOR READING
By Frieda Ekotto Professor of Afroamerican and African Studies - French and Comparative Literature - The University of Michigan, Ann Arbor
Emotion is Negro, just as reason is Hellenic
Drawing from Senghor’s analysis of René
both establishes equality and problematizes
Léopold Sédar Senghor
Maran, Nimrod suggests that for Senghor
his own assertion:
the “soul” of a work is manifest in its syntax “L’émotion est nègre, comme la raison
(12). In Senghor’s reading of Maran the
[The] main point appears in the statement itself.
héllène.” The great philosopher and writer
relationship between the rhythm of the
The expression just as establishes a parallel
(and the future president of Senegal)
lines and the ideas expressed create the
between black and western. This parallel
Léopold Sédar Senghor wrote this ostensibly
soul of the text—which reflects both the
presupposes a partly scientific, partly ideological
outrageous statement around 1939. It has
individual and an African mode of being
separation. […] Being Cartesian presumes
frustrated people ever since. Most have read
which is expressed. More concretely, it is in the
seeking out counterpoints. Thus just as is a term
it as exemplifying one of the problems of the
syntax—the rhythm of the language—that
that indicates both opposition and relation.
Negritude movement: In order to articulate
the writer melds Wolof or Malinke into a new
But that is not all. The as is the pivot of a
a notion of “blackness”, Negritude artists and
kind of French, thus creating in this rhythmic
perfect Alexandrian line. It neatly separates
philosophers often simultaneously reified
shifting of language concrete examples
the roles through a break that comes precisely
racist colonial notions of “blackness.” So
of the enriching possibilities of métissage.
after the sixth syllable. The die is cast. Yes, a
it is not surprising that this sentence from
Perhaps more importantly, however, is the
statement such as this formed as an aphorism
Senghor’s “What the Black Man Contributes”
fact that writers such as Maran are illustrating
is an intellectual game, one which, though the
has created an outrage, or, as novelist and poet
Senghor’s philosophical assertion about the
outcome is predictable, procures a great deal
Nimrod put it in his book Léopold Senghor:
generative and emotive possibilities of the
of pleasure for its author. A good deal of its
In Memoriam, a scandal. And yet, Senghor’s
African mode of being. Emotive nuances
success lies in the fact that it should, theoretically,
articulation of notions of blackness remains
are created by relationships that depend on
awaken our suspicions. Senghor set himself a
crucial, because they sought to establish the
rhythmic connections. This is in contrast with,
brilliant trap. (21-22, italics his)
unique modes African knowledge function in
and complementary to, Cartesian oppositional
parity with European ones. We must return to
categories.
In reading this line through its syntax, Nimrod
Senghor’s statement on emotion and reason
Returning to “L’émotion est nègre, comme la
shows how Senghor used the rhythm of
and excavate its intentions.
raison héllène.” Nimrod insists that we read as
language for its own rhetorical effect. In other
Nimrod does this particularly well in his work,
Senghor did: according to rhythms. Through
words, we should not read the statement
Tombeau de Léopold Sédar Senghor. He
a close reading of the syntax of this single
for its “rationalist” fact, but as a risky
reads the sentence in terms of its rhythm.
sentence, Nimrod demonstrates how Senghor
intellectual game that both uses and critiques
12
Negritude artists and philosophers often simultaneously reified racist colonial notions of “blackness.” Cartesian language. In other words, Nimrod is suggesting that Senghor dropped this “rhetorical bomb” (23) to bring our attention both to the fallibility of Cartesian oppositional categories and to the possibility of relationships created by rhythm. If we consider the rhythmic relationship between these two sentences that Nimrod detailed above, we find not only a (risky) critique of essentializing categories, but also a movement between two entities in an equal relationship that is both oppositional and creative. This brings us back to Senghor’s ultimate goal: the possibility of métissage, of mixing together European and African modes of knowledge. Senghor’s statement can therefore be read in the generative mode of Negritude. His goal was to show how African philosophy could be integrated into French through creative manipulation of French language, the very tool the French Empire used to “civilize” its subjects. “L’émotion est nègre, comme la raison héllène” is not an espousal of categorization, but a critique of it, even as it stresses the importance of both the intellect and the emotions.
13
ART TALK
LE CONCEPT DE FRONTIERE DANS LA DIFFUSION DE L’ART CONTEMPORAIN Par Malick Ndiaye, chercheur associé au CRAL, EHESS / CNRS et à l’INP
Parmi les modalités de la diffusion de l’art contemporain dans le contexte de la globalisation, le concept de frontière a joué un rôle ambigu et ambivalent. La légitimité de le considérer comme un agent à part entière au même titre que le commissaire d’exposition repose sur le système même qui fonde l’art contemporain international. La frontière hante la pratique artistique : géographie alternative, refus du provincialisme artistique, nomadisme, mobilité et obstacle à la mobilité. Les exemples ne manquent pas pour évoquer ce qui semble être le spectre de la création contemporaine depuis les années 1980. Dans ce contexte, la biographie des arts dits « périphériques » s’est forgée sur le terrain de la migration vers le marché occidental où elle est appréhendée dans la dynamique globale des études sur les mondialisations. Dans le domaine des arts
14
contemporains africains, l’idée de frontière comme canevas de la création se traduit par le fait qu’elle donne à ces mêmes artistes (qui œuvrent à briser ses limites) une dimension mondiale, internationale et cosmopolite. C’est grâce à l’existence de la frontière – paradoxalement – que les artistes aspirent et appartiennent à l’universel. Je tenterai d’esquisser dans ce texte une petite histoire de la frontière qui recoupe l’histoire partielle de la mondialisation et de la diffusion des arts contemporains africains.
harmonieuse des espaces culturels et historiques, la brutalité verticale de l’ordre colonial »1. Iba Ndiaye et Ernest Mancoba font partie de cette génération d’artistes exilés dans le Paris des années 1930/40. Au début des années 1960, cette génération participe aux expositions de la Biennale de Paris2 dont la stratégie d’ouverture s’oriente
L’internationalisme asymétrique
Paris, 1963). Skunder Boghossian, Ethiopie (4ème
Durant les années 1930/40, de nombreux intellectuels et artistes africains se sont retrouvés déterritorialisés dans un contexte où la frontière est « une balafre de l’histoire qui aurait substitué à l’horizontalité
Faye, Ibou Diouf, Amadou Yéro Bâ, Seydou
1
Yacouba Konaté, Croquis de
frontières, profils de passeurs. Zürich, Münster. Lit Verlag GmbH & Co. KG Wien. 2009, p. 10. 2
Iba Ndiaye, Sénégal (3ème biennale de
biennale de Paris, 1965). Les peintres Ousmane Barry, Mamadou Cheikh Niang et Papa Ibra Tall qui sera le commissaire du groupe d’artistes sénégalais, Sénégal (5ème Biennale de Paris, 1967). Les peintres Benoit Babanzanga, Severin Ngamokuba et le sculpteur Jean Ngynamau,
vers les nations dénommées à l’époque « tiers-monde », et dont plusieurs pays venaient alors d’accéder à l’indépendance. Bien que cet internationalisme semble, selon les propos de Georges Boudaille, conditionné par un malaise du jugement esthétique3, il n’en demeure pas moins que ces expositions ouvrent déjà une brèche dans le cloisonnement des frontières artistiques quand les notions de Centre et de Périphérie conservaient toute leur évidence. Dans ce contexte historique, le Centre et la Périphérie sont liés à la formation de blocs dont les limites internes coïncident aux contours des aires culturelles. Les « formations sociales du capitalisme périphérique » sont certes aussi diverses qu’inégales entre les Amériques, l’Asie, l’Orient Arabe et l’Afrique noire. Mais ceci ne change en rien le fait que la structure sociale mondiale s’organisait en des relations asymétriques en termes de développement, entre le Centre européen capitaliste et les économies de la Périphérie aussi hétérogènes qu’elles pouvaient l’être4. La présence des artistes « périphériques » dans ces rencontres internationales reste épisodique et résiste encore très mal à la Congo (5ème Biennale de Paris, 1967.)
3
« C u r ie u s e m e nt , a lo r s q u e
l’évolution de l’art dans les pays industrialisés rejetait dans une sorte de folklore ou d’art populaire toute autre forme d’expression, le
dissymétrie géopolitique des relations de pouvoir. Il faut attendre Magiciens de la terre (1989) pour que la notion de frontière ne soit plus un simple facteur de régulation des artistes à la conquête d’un public international, elle est cette fois exposée comme objet d’étude. En décloisonnant les frontières artistiques, cette exposition a aussi rendu visible pour la première fois l’internationalisme asymétrique.
“La frontière échappe à l’idée de structure et acquiert un statut de concept qui se livre facilement à la métaphore.” Dans l’histoire des pratiques curatoriales, Magiciens de la terre est à l’intersection de deux méthodologies identifiées par Okwui Enwezor5. Il y a d’une part une méthode qui œuvre entre les canons dans le champ formel de l’histoire de l’art et une autre qui opère entre les cultures et que Gerardo Mosquera traduit par le terme de « transcultural curating »6. Magiciens de la terre a initié les questions d’éthique et d’esthétique du « transcultural curating » dont Intense proximité de la Triennale (Palais de Tokyo, Paris. 2012) manifeste l’ultime stase la plus aboutie.
jury s’efforçait de se libérer de sa mauvaise
La spatialisation du langage curatorial
Dans la nouvelle géopolitique artistique qui s’annonce, Magiciens de la terre introduit une question d’ordre philosophique que l’esthétique s’était elle-même posée mais qui était doublée ici des frontières culturelles de la création.7 Au regard de cette interrogation ressortant d’un « désarroi critériologique face à la diversité des expériences esthétiques »8, la généalogie des expositions post Magiciens de la Terre prolonge l’histoire de la frontière dans une spatialisation du langage curatorial. La frontière échappe à l’idée de structure et acquiert un statut de concept qui se livre facilement à la métaphore. Loin de jouer un rôle d’intérêt mineur dans le langage, la métaphore conceptualise notre expérience et révèle nos manières de percevoir et de comprendre9. Elle s’impose dans le vocabulaire curatorial 7
Suivant la proposition de Lawrence
Weiner, les organisateurs de l’exposition avaient envoyé à tous les artistes le questionnaire « qu’est-ce que l’art ? ». 8
Yves Michaud, Critères esthétiques
et jugements de goût. Editions Jacqueline Chambon, 1999, p. 52. 9
« Parce que beaucoup des concepts
qui sont pour nous importants sont soit abstraits, soit non clairement définis dans
conscience et couronnait le plus grand
5
« A Conversation with Okwui Enwezor
notre expérience (les émotions, les idées, le
nombre possible d’artistes venus du Tiers-
Carol Becker ». Art Journal, Vol. 61, No. 2
temps etc.), nous devons les saisir au moyen
monde». Georges Boudaille, Biennale de
(Summer, 2002), p. 26.
d’autres concepts que nous comprenons en
Paris, Une anthologie : 1959-1967. Paris,
6
Gera rdo Mosquera , « Some
termes plus clairs (les orientations spatiales,
1977, non paginé.
problems in transcultural curating » in
les objets, etc.)». Georges Lakoff et Mark
Samir Amin, L’Accumulation à
Jean Fisher, Global vision, toward a new
Johnson, Les métaphores dans la vie
l’échelle mondiale. Volume 2. Paris. Union
internationalism. Londres. 1994. pp. 133-
quotidienne. Paris, Editions de Minuit. 1985
générale d’éditions, 1976, pp.-10-63.
139.
pour la traduction française, p. 125.
4
15
à côté d’autres partitions binaires spatiotemporelles : Transfert. Transmission. Fusion. Insertion : Self and Other. Inklusion / Exklusion. Authentic / Ex-Centric. Around & Around. Distant relatives / Relative Distance. Correspondances. Transatlantiques. South meets West. Fault lines. Crossing Africa. Plateforms. The Short Century. Seven stories about modern art in Africa10 etc. 10
Transfert (Palais des Beaux Arts de
Bruxelles, 2003). Transmission. (Rooseum, Malmô, Suisse, 1991). Fusion: West African Artists at the Venice Biennale : Museum for African Art, New York en 1993. In/ Sight: African Photographers (1940 to the Present): G uggenheim Museum. 1996. Insertion: Self and Other: Apexart, New York. 2000. Inklusion : Exklusion, Kunst im Zeitalter von Postkonialismus und globale Migration (Intrusion: exclusion, l’art à l’âge du postcolonialisme et de la mondialisation), Cologne (Allemagne) 1997. Authentic/Ex-Centric
La philologie des titres n’est pas suffisante pour révéler les vraies orientations des expositions. Cependant le titre a une destinée générative, puisque le langage des commissaires traduit dans une grande mesure ce qu’Ulf Hannerz appelle « le management du sens »11. Au-delà du simple fait d’exprimer un sens – qui d’ailleurs cherche à se fixer dans un univers soumis à la perturbation12 -, le lexique spatialisé traduit l’obsession angoissante de l’équation territorialisation/ déterritorialisation de l’esthétique. Le référentiel de la frontière dénote un réel besoin de médiation qui domine dans les années 1980/90 où l’internationalisme commence à s’imposer comme un des indicateurs de l’art contemporain. Au moins jusqu’à Intense proximité, la subversion des frontières artistiques et culturelles est un enjeu au cœur des ressources développées par le commissaire d’exposition superstar, agent dont
l’émergence des artistes non occidentaux accompagne l’ascension. En plaçant ces artistes au centre de sa production de sens, le commissaire d’exposition s’est imposé en tant qu’ « agent d’échange, de connexion et de transformation »13. Son rôle de médiateur - d’auteur ou de producteur auteurisé14 de l’exposition transculturelle se fortifie dans le calendrier des institutions artistiques où la mondialisation a pris une dimension importante. Le « Nouvel internationalisme »
Pendant que les bordures de la frontière se modèlent dans la « textualisation de l’espace »15, la théorie critique se penchait sur la nature de l’internationalisme dans la géo-artistique post Magiciens de la terre. C’est ainsi qu’en collaboration avec la Biennale de Venise, le programme International Art de l’Institute of International Education (IIE) de New York organise une rencontre intitulée « Expanding Internationalism »16. Quatre
: Forum For African Arts, Ithaca (NY) et
arches du Viaduc des Arts à Paris. 2005. The
exposition lors de la 49ème Biennale de Venise
Short Century: Independance and Liberation
(Italie) 2001. Around & Around : Stuttgart (1994)
Movements in Africa (1945-1994). Prestel,
13
; Douala (1995) ; Berlin (1999) ; Stuttgart (1999).
Munich et New York ; Haus der Kulturen der
Larsen, «The middleman: Beginning to
Correspondances Afriques : Iwalewa-Haus,
Welt, Berlin ; Museum of Contemporary Art,
think about mediation », in Paul O’Neil (ed.)
Bayreuth (Allemagne). 2003. Transatlàntico :
Chicago ; P.S.1 Contemporary Art Center & The
Curating Subjects. Londres. Open editions.
Centro Atlàntico de Arte Moderno, Las Palmas
Museum of Modern Art, New York 2001. Seven
2007, p. 24.
de Gran Canaria (Espagne). 1998. Transatlantic
Stories About Modern Art in Africa. New York
14
Dialogue : Contemporary Art In and Out of
et Londres (1995) Suisse (1996). Guggenheim
un cas singulier: entretien. Paris. L’Échoppe.
Africa : Ackland Art Museum, Washington D.C.
Museum, New York (1996). Documenta XI
1995, p. 9.
; Smithsonian Institution ; DuSable Museum
Plateforms (2001).
15
of African American History, Chicago. 1999.
11
Cf. Ulf Han nerz, « Cult ural
The Poststructuralist Turn in the Philosophy
Der Black Atlantic : Haus der Kulturen der
complexity: studies in the social organization
of Culture, Frankfurt, Peter Lang GmbH,
Welt, Berlin. South meets West. Berne (Suisse)
of meaning ». New York. Columbia.
1999, p.14.
9. Novembre 1999 - 25 Juin 1999. Fault Lines.
University Press, cop. 1992.
16
Contemporary African Art Shifting Landscape.
12
Georges Matoré, L’espace humain.
1990 à Venise. Ce projet a lieu l’année
Iniva. Biennale de Venise. 2003. Distant
L’expression de l’espace dans la vie, la pensée
même de l’initiative du Studio Museum in
Relatives/Relative Distance. Le Cap, Afrique
et l’art contemporain. Paris, Librairie. A. G.
Harlem de présenter – pour la première fois
du Sud. 2006. Crossing Africa : sous l’une des
Nizet, 1976, p. 16.
– une exposition représentative d’artistes
16
Sore Andreasen & Lars Bang
Nathalie Heinich, Harald Szeemann:
Ewa Rewers, Language and space:
Elle s’est tenue au mois de Mai
ans après cette rencontre de Venise, l’Institute of International Visual Arts (InIVA) consacre son premier symposium au « Nouvel Internationalisme »17. Les participants appellent à un recodage du terme international dans la pratique de l’art contemporain. Ils partent du constat que l’internationalisme tel qu’il se manifeste alors dans les rapports artistiques n’est pas un substantif invitant au dialogue, mais plutôt la connotation d’un rapport d’hégémonie qui, par conséquent, nécessite d’être démantelé. A l’occasion du symposium, Olu Oguibé reproche aux organisateurs de la rencontre de Venise (1990) de ne pas redéfinir l’internationalisme ni de questionner ses fondations et sa philosophie, mais de porter le projet d’étendre – expanding ses frontières afin d’annexer de nouveaux territoires vassaux18. En 1998, partant du constat que les œuvres expriment de manière pertinente la nature du lieu de façon dialectique, l’InIVA poursuit la réflexion par un projet qui offre aux artistes une plateforme d’expression de leur propre idée de l’internationalisme. En invitant des de l’Afrique sub-saharienne à la Biennale de Venise. Cette rencontre est destinée à analyser dans quelle mesure le modèle du festival international d’art peut refléter la diversité multiculturelle du monde. Avec le soutien de la Fondation Rockefeller, elle réunit 60 curators de 29 pays. 17
Coordonné par Ar ts Council
artistes comme Marlene Dumas, Susan Hiller ou Huang Yong Ping19, l’InIVA s’inscrit dans un canevas où sont revisités plusieurs terminologies : différence, indétermination, rhizome, interstice, marge, hybridité, nomadisme, exil, maison, nation, traduction, contemporain, etc. Sous l’angle de la création artistique, la réflexion sur les frontières est multiforme. La série de performances Transit (19961999) de Barthelemy Toguo, sans compter ses sculptures fétiches sous forme d’immenses tampons qui visent les passeports sont emblématiques des réflexions sur les zones de passage en écho à l’actualité sociopolitique. Dans Wir (2003), Aimé Ntakiyica se représente en tenues folkloriques européennes : toréador, écossais et tyrolien pour lequel il adopte de profil la posture de la statue africaine : jambes cambrées et fesses ressorties pour montrer que nous sommes les autres20. D’autres artistes déclinent la question de la frontière sous une perspective temporelle, physique, psychologique, identitaire, etc. Malgré cette diversité, ils se rangent tous dans une posture commune qu’il serait judicieux de qualifier d’esthétique du doute et de l’indétermination. Le « cosmopolitisme banal »21 De l’internationalisme asymétrique de 19
Gavin Jantjes (éd.). A fruitful
Magiciens de la Terre, l’histoire de la diffusion des arts contemporains africains aboutit au cosmopolitisme banal d’Africa remix où le national perd toute pertinence. L’exposition de 2005, contrairement à celle de 1989, prône la cosmopolitisation « analysée comme un processus multidimensionnel, au cours duquel la ‘’nature’’ historique des mondes sociaux et la fonction des Etats dans ces mondes ont été irréversiblement modifiées »22. Ce nouveau scénario dé-culturalise la notion de frontière qui glisse du modèle bipolaire de Samir Amin (Nord-Sud, Centre-Périphérie, Europe-Afrique) vers une structure hiérarchique certes, mais hétérogène. Il s’agit désormais d’un clivage entre les réseaux et non entre les aires culturelles qui sont d’ailleurs marquées par une « hétérogénéité spatiale »23. Dans ce paradigme, « la notion de frontière est ambivalente : elle sépare et unifie tout à la fois. Elle est toujours la frontière de quelque chose et appartient ainsi aux deux cultures frontalières, aux deux sémiosphères contigües. La frontière est bilingue et polyglotte»24. Aujourd’hui, chez plusieurs artistes présents dans les expositions internationales, la frontière, loin d’être un obstacle, est un espace mouvant et le lieu de la construction du sens. Les nouvelles frontières deviennent pour eux, à l’instar de ce qu’elle est pour les écrivains selon 22
Ulrich Beck, Qu’est-ce que le cos-
mopolitisme ? Flammarion. 2006, p. 24.
of England et tenu à la Tate Gallery, le
incoherence. Dialogues with artists on
23
symposium se tient du 26 au 27 avril 1994.
internationalism. London. Institute of
Bourdeau-Lepage. Economie des villes
international visual arts. 1998.
contemporaines. Editions Economica 2009,
18
Olu og u i b é, « a b r ief not e
on internationalism », in Jean Fisher,
20
(ed.,) Global Visions: Toward a new
l’artiste a eu l’idée de réaliser cette série.
internationalism in the visual arts. London.
21
Kala Press. IniVa. 1994, p. 52.
cosmopolitisme ? Flammarion. 2006.
17
Du nom du projet pour lequel Ulrich Beck, Qu’est-ce que le
Jean-Marie Huriot et Lise
p. 166 24
Youri Lotman, La sémiosphère,
Presses Universitaires de Limoges, 1999, p. 30.
Stephen Glingman : l’espace de navigation. L’espace de navigation ne signifie pas traverser ou être traversé, mais être dans l’espace de la traversée (being in the space of crossing.25) La frontière, comme zone de la traversée et intervalle composite de signes est le nouvel espace de signification de l’artiste et une des facettes de la catégorie art contemporain. Du display au marché de l’art Arrivés à ce moment historique caractérisé par une intense proximité, quelques obstacles s’élèvent néanmoins devant les créations artistiques africaines. A l’échelle du continent, la production est vaste et diversifiée, mais la mondialisation artistique n’est pas au rythme de la globalisation du marché. Et si les artistes sont insérés dans les circuits de l’art global, ils rencontrent des difficultés à se faire une place
une envolée des prix (2002-2007) puis une
conquérir. Mais l’invisibilité dans ces palmarès
chute de - 25 % (2007-2010) suivie d’une légère
est la conséquence de plusieurs facteurs que
hausse de 19,6 % depuis janvier 201027. La
l’actualité des artistes dans les expositions
dispersion de la collection Pigozzi a encouragé
internationales ne fera pas disparaitre. Les
les maisons de vente à se lancer à la conquête
indicateurs de visibilité (foires, ventes, galeries,
de ce marché « mineur ». Mais le bilan de 2010
expositions, revues etc.) sont essentiellement
qui voit beaucoup d’entre elles essuyer de forts
concentrés en Europe et en Amérique du
taux d’invendus pousse Artprice à constater
Nord et résistent à la diversification des
que « l’art contemporain africain peine à se
biennales localisées hors de ces zones
vendre »29. Il faut, en outre, considérer que
géographiques depuis les années 1990. Les
depuis 1999 l’indice des prix ne dépasse pas
études sociologiques menées au début du XXIe
un certain barème outrepassé par quelques
siècle insistaient sur la réussite très inégale des
artistes comme William Kentridge qui est un
artistes influencée par leur pays d’origine et
des rares à figurer sur les palmarès annuels
leur lieu de résidence31. Au regard des récents
de représentativité (cf. Artindex Monde 2012).
palmarès de reconnaissance et du visage du
Les classements de réputation montrent la
marché de l’art, force est de constater que la
différence, certes, entre le monde du display
nationalité continue de jouer encore un rôle
et celui des ventes. Ils autorisent à évoquer
dans la représentativité des artistes.
28
30
la mondialisation au pluriel et rappellent à nos sens qu’il reste quelques frontières à
dans le marché de l’art. Leurs œuvres sont-
ventes internationale. » http://artafricain.info/
elles encore occultées par la forte appréciation
lart-contemporain-africain/
des objets d’art africain traditionnels qui
27
bénéficient d’un capital temps leur permettant
Chiffres d’artprice. L’art contem-
porain africain peine à se vendre [nov. 10]
de surfer sur ce que Raymonde Moulin
http://web.artprice.com
nomme la rareté et le jugement de l’histoire ?
28
Dans le sillage de la dispersion de la collection Pigozzi26, l’art contemporain africain a accusé
Bonhams, le 8 avril 2009 avec
Africa Now: African Contemporary Art (64 % de lots vendus). On peut citer encore Bonhams et Africa now (10 mars 2010),
Stephen Glingman, The grammar
Phillips de Pury avec sa vente théma-
of identity. Transnational fiction and the
tique Africa (15 mai 2010 avec 38,7 %
nature of the boundary. Oxford University
d’invendus), Gaïa avec Afriques (31 mai
Press. 2009, p. 24-25.
2010 avec 82,9 % d’invendus), Artcurial
25
26
Cette vente est organisée le 24 juin
avec Africa scenes 1 (24 octobre 2010 avec
“La diffusion des artistes africains s’appuie sur un système complexe où ils sont des épiphénomènes de politiques artistiques au service de la mondialisation” La diffusion des artistes africains s’appuie sur un système complexe où ils sont des épiphénomènes de politiques artistiques au service de la mondialisation, ce qui favorise leur visibilité dans quelques expositions mais n’encourage pas leur réelle représentativité
1999 à Londres par Sotheby’s. « Encore
74,2 % d’invendus). Sources d’Artprice.
très confidentielle à l’époque, cette offre
29
n’attirait qu’un petit nombre d’amateurs et
porain africain peine à se vendre [nov. 10]
31
une enchère record ne grimpant pas au-delà
http://web.artprice.com
l’abolition des frontières dans le monde de
de 10 000 £ (moins de 16 000 $). Ce record
30
Kunstkompass puis Kunstmarkt-
l’art contemporain international : la place
était alors signé pour une technique mixte
Kompass de la revue allemande Capital,
des pays ‘’périphériques’’ à ‘’l’ère de la
de l’artiste sud-africain Willie BESTER, qui
Power 100 de la revue britannique Artreview
globalisation et du métissage’’», Sociologie
affrontait pour la première fois une salle des
et récemment Artindex du Journal des arts.
et sociétés, vol. 34, n°2, 2002, p. 15-40.
18
Chiffres d’artprice. L’art contem-
dans les collections. Les fondations privées Alain Quemin, « L’illusion de
(Cartier, Pinault, Blachère, etc.) semblent développer davantage de ressources que les institutions publiques nationales. Le fait
Malick Ndiaye.
qu’elles se déclinent plus en centres d’art
Postdoctorant Labex C.A.P (Création, Arts et Patrimoines).
accroit leurs possibilités d’accompagner la
Centre de Recherches sur les Arts et le Langage (CRAL) CNRS-
production dans ce domaine. Mais depuis
EHESS. UMR8566. Chercheur associé à l’Institut National du
quelques années, la posture de plusieurs
Patrimoine
musées nationaux a radicalement changé puisqu’ils se dotent de programmes de
Malick Ndiaye est titulaire d’un Doctorat en Histoire et Critique
recherche dans lesquels la pratique curatoriale
des arts de l’Université Rennes 2 et lauréat du concours de
s’accompagne d’une théorie critique sur les
recrutement post doctoral du LABEX « Créations, arts et patri-
mondialisations. Le nouveau programme
moines » pour le Centre de Recherches sur les Arts et le Langage
art et mondialisation du Centre Georges
(CRAL, UMR8566 CNRS/EHESS). Spécialiste de l’art contemporain
Pompidou en est un exemple. Le Mela-
et des études postcoloniales, il a été chercheur dans le pro-
project32 qui regroupe musées, universités,
gramme « Art et Mondialisation » de l’Institut National d’Histoire
instituts de recherche et entreprises présente,
de l’Art et ancien conservateur stagiaire (spécialités : musée,
quant à lui, une carte de la mondialisation
art contemporain) de l’Institut National du Patrimoine (Pro-
encore très inégale au point de vue de ses
motion Germaine Tillion-2011-2012). Il collabore avec diverses
connexions (voir carte). On pourrait estimer
revues (Afrikaada, Africultures, Critique d’art, Cahiers d’études
que ces programmes de recherche sur les
africaines, Ethiopiques…) et participe à plusieurs rencontres
mondialisations sont apparus trop tard dans
internationales sur l’art contemporain, les musées ou les sociétés
le monde trop vieux du processus historique
postcoloniales.
de décloisonnement des frontières artistiques. Mais ils sont nécessaires pour exercer une influence sur les politiques d’acquisition et peut être pourront-ils influer sur le marché à court terme. Il est cependant de plus en plus certain que le changement viendra des politiques culturelles africaines susceptibles de faire naitre de véritables structures et préparer le terreau sur lequel devra se développer un marché de l’art dynamique. 32
19
http://www.mela-project.eu/
ART TALK
THE ART OF JUSTICE By Mukwae Wabei Siyolwe
Black Iconography and the Ausarian Resurrection
It has been a long week and today is a
America who decided to respond to the
early dinner and will finally bring the day
special day. It is August 28, 2013. This
oppression encountered by people of color
to a dramatic close at an exhibit of fine art
day marks the 50th anniversary of the
globally. They were motivated to take
by this collective titled, “The Art of Justice”
famous “I have a dream speech”. The most
action through their art during the week of
at the Mount Rainier Artists Loft Gallery.
performative of all post-modern speeches
the verdict of the Trayvon Martin case and
The serendipity of all three sites and these
ever given by Rev. Dr. Martin Luther King, Jr.,
the simultaneous ailing health of Nelson
artists dawns on me as having metaphysical
and the culminating moment of the March
Mandela in South Africa. They wanted
meaning and directs me to a conundrum
on Washington in 1963. A mass spectacle
to index this moment with a movement
of the problem of identity over time, the
and social march advocating for jobs and
towards higher ground.
problem of change, the problem of, “the
an end to Jim Crow apartheid laws of racial segregation and discrimination, which would be the decisive action for the passing of the Civil Rights Act of 1964. An Act, that outlawed overt discrimination against racial, ethnic, national and religious minorities, and women. Today this act is being eroded and there is collective emotional outrage by many but particularly by a group of artists in
20
more things change the more they stay the
“As artists we are able to transcend crimes against our collective through the faculty of the imagination” We are marching from the new Martin Luther King, Jr. Monument all the way to the front of the White House, then onto Senbeb restaurant of the Ausar Auset Society for an
same”. As we march and chant ourselves into a trance we see a repeated image on every t-shirt, on every person, on every corner being sold by a black vendor, our agents for marketing the social ideology, symbolism and fixed representations of whom we are. A new icon, a signifier of the psychological response to a recent event of the black
struggle is born. Trayvon Martin a young
possible in the land of the free and home of
behind the big house to console or reassure
black boy looking out into the world, full
the brave?
us that change is coming, exhausted we
of oblivious optimism and unaware of the
Today marks fifty years of social action and
move on, move forward and hungry to
legacy slavery has imposed on his young
as we march on this last of summer days of
a place of refuge Senbeb where we will
black body. His beautiful face like a Christ,
2013, I briefly have my moment to lead the
find nourishment for the body and spirit.
Ausar, Osiris dismembered and resurrected
marchers chanting in a vocal register one
Refreshed and revived we find ourselves
yet again, holy and framed with a halo, an
can only say comes from an a noumenal
at the fine art exhibit that showcases
infamous gray hoodie, and like Ausar or
plane spurred on by this new injustice, this
art exploring justice, equality and social
Christ he will remain permanently benign
new icon, who like that of Emmett Till, will
consciousness and in the words of the
and youthful. The myth of Ausar renamed
motivate yet another generation to March
curators, “honor the contributions of those
Osiris by the Greeks needs to be briefly recounted. Ausar is a Kametic deity who is dismembered by his own brother Set who wants his throne. Most mysteriously his wife Isis finds the pieces of the scattered body but the only body part that is missing is the phallus. Am I reading too much into the myth but is this not the story behind this new black icon? Or is the work of scholar John Henrik Clarke or psychiatrist Dr, Francis Cress Welsing resurfacing in my “brain computer”? If we study the ancient myths and icons more deeply we see that black manhood, the phallus, has been criminalized for some time now. Obscured in Obama’s so-called post racial America, Jim Crow is alive and well and black male racial profiling in particular lives on, highlighted most vividly by the dramatic car chase and beating of Rodney King in Los Angeles in 1991. Proof that stalking, stopping and frisking, beating and charging without warrant, still
People In the Hood, Susan Walen Fiber Art
remains part of the American way of life since slavery. In the case of Trayvon and
on Washington.
who came before us to protect and honor
countless others it is now well documented
“What do we want? Justice for Trayvon!
their legacy”. We have reached higher
to be called a psychopathology. The
When do we want it ? Now!” We are
ground.
spectacle of a dead young black male,
outside the White House now standing
In the gallery I stand and look for all the
never witness to his own lynching, has now
with a small band of the most sincere, die-
Rasa, emotions in Sanskrit, that one would
been legitimized, sanitized and televised
hard of peace movement demonstrators
expect from a bad situation. Being an actor
for public consumption complete with a
and it feels all too familiar, like we have all
I know what emotions look and feel like and
trial by a jury not of his peers. How is this
been here before. With no response from
where in the body they come from when
21
Profiled - Larry Poncho Brown Mixed Media Collage on Canvas
exploring any artistic expression. However
against our collective through the faculty
a long hard look within and process what
at the gallery what I see is not collective
of the imagination and visualize not only
it means to be flawed and human yet still
disgust (bibastam), or outrage (raudram),
what happened five hundred years prior
dare to be a god woman and god man,
or fear (bayanakam), but grief, pity and
to this moment but we are able to put all
like Ausar and Auset, visualizing a better
compassion (karunam), courage (viram),
those negative emotions we face daily,
world devoid of discrimination, ignorance
even a little laughter (hasyam) and wonder
recycle, remix them back into symbols,
and bigotry according to Ran Un Nefer
(adbutam), but most of all peace (santam)
icons that transcend the profane by
Amen. Let us gather our members, no pun
and love (sringaram). You see as twisted
interpreting and translating what people
intended and move to higher ground.
as this sounds the story of Ausur points
need to know about the world and our
us to the fact that without injustice we
place in it. The art and action inspired by
Mukwae Wabei Siyolwe
would not know justice or even recognize
the death of Trayvon Martin and others
To my son H.W.M. H and all our sons.
the importance of peace to transcend our
proves to us that we are all unified and it is
human condition. The meanings at the
most apparent when marching with over
exhibit are multivalent – social, political
two hundred and fifty thousand people and
The Art of Justice Fine Art Exhibition
and spiritual and all are expressive of ideas,
the spirit of the late, great Rev. Dr. Martin
Art Exploring Justice, Equality and
values and power whose custodianship is
Luther King, Jr., whose visceral immediate
Social Consciousness
given exclusively for centuries to the “artist�
energy today moves all but only the cold-
3311 Rhode Island Avenue, Mt,
in Africa.
blooded, die-hard racist.
Rainier, MD 20712
As artists we are able to transcend crimes
For us it is a day to take a deep breath and
www.theartofjustice.org
22
Involuntary Kinder “HOOD”, Kwame Shaka Opare
23
ART TALK
LOUISA BABARI
La métaphysique du gris Par Alexandre Gouzou All images courtesy of Louisa Babari
Louisa Babari tente d’échapper aux définitions par une pratique artistique protéiforme. Sa dernière oeuvre est un travail de collages qui livre une multitude de pistes autobiographiques. Construction d’un langage visuel qu’elle puise aux origines du cinéma et dont l’esthétique couvre un champ d’émotions noir et blanc, régi par le gris. AFRIKADAA : Tout d’abord, peux-tu parler
l’expérimentation cinématographique. Peu
Suite à cela, qu’est-ce qui a dirigé ton
un peu de ton parcours artistique ?
à peu, je me suis mise à travailler la vidéo et
attention vers le collage ?
je me suis intéressée au son. Au son en tant Louisa Babari : Je viens du cinéma, et plus
que narration à part entière. Le son n’est pas
L.B. : Cet album de collages se situe lui
particulièrement d’un cinéma qui se voulait de
pour moi le parent pauvre de l’image, mais
aussi dans un champ de questionnement
recherche. Ce qui m’a intéressé et m’intéresse
un moyen d’expression aussi essentiel que
du cinéma. Car finalement, malgré toutes
toujours, c’est de travailler la narration d’une
l’image. Le son ne doit pas être illustratif, mais
mes dissidences conceptuelles vis-à-vis du
manière expérimentale. Notamment des
à égalité avec l’image. Et plus mon travail
cinéma, je me rends compte que j’interroge
formats d’écriture qui impliquent une absence
avance, et plus je vais vers une disparition de
toujours ce médium. Pour moi, ce travail a
de dialogues, ceci afin de produire un cinéma
l’image.
été l’occasion de faire un film de papier… Ce livre est une façon d’appréhender la narration.
« visionnaire ». Quand je dis visionnaire, je
“Ce travail a été l’occasion de faire un film de papier…”
Une narration plan par plan. Ce n’est pas un
pas de scénario à proprement parler. J’ai
A : C’était un projet qui tenait à cœur
transposer l’univers du plan dans un livre
axé mon expression cinématographique
à Marguerite Duras : réaliser un film
essentiellement sur la notion de plan. Ce qui
uniquement constitué d’une image noire
m’a posé un certain nombre de problèmes,
et d’une bande son. Combien de films as-tu
notamment en France dans un cinéma qui
réalisés ?
me réfère à ce que disait Tarkovski, quant il parlait d’un cinéma de « vision ». Il ne s’agit pas de visionnaire au sens d’anticipation. C’est dans ce cadre que j’ai inscrit ma démarche. Tout devait passer par l’image, et je n’écrivais
faisait la promotion du dialogue, voire du bavardage, et qui donnait peu de place pour
24
L.B. : Cinq films.
story-board, loin de là. Il ne s’agit pas non plus d’une continuité au sens strict. Chaque plan est une histoire à part entière, qui se raccorde à une ligne narrative ouverte. Il s’agissait de d’images fixes. A : Ce que je trouve intéressant dans ta démarche, c’est que d’une certaine façon, tu reviens aux origines du cinéma. Tu reviens au travail manuel du montage, où le négatif était palpable, où il fallait le couper, coller
ensemble les deux morceaux de celluloïd
L.B. : Oui, exactement.
pour relier un plan à un autre. Monter un film, c’était aussi faire du collage.
six premières années de ma vie en Union Soviétique, avec de nombreux allers et retours
A : C’est donc la main qui t’emmène, un
en Algérie, car mon père était algérien.
peu comme les peintres, un peu comme
Il y a toujours eu chez moi cette double
L.B. : Oui, c’est peut-être un retour aux
l’écriture… Beckett à qui l’on demandait
appartenance à l’Union Soviétique et à
origines… D’ailleurs je peux ajouter une
d’expliquer ses intentions, disait : « ça
l’Afrique du Nord. Et la question des frontières
chose : au départ, je ne suis nullement
s’organise entre le stylo et la page ». D’où ce
et de la migration s’est toujours posée dans
intéressée par le collage en tant que tel. Je
que tu disais sur le processus inconscient…
mon travail. Que ce soit l’identité culturelle,
n’ai pas d’intérêt particulier pour l’art du
l’origine, la langue, mon bilinguisme, mon
collage… Ou pour les artistes qui ont utilisé
L.B. : Justement, je me suis rendue compte
arrivée en France, etc. Quant on vient de
ce moyen d’expression. Il y a des artistes du
aussi qu’à travers ce processus inconscient, il
la Russie soviétique, et quand on a un père
collage que j’estime, bien entendu. Des artistes
y a eu un phénomène autobiographique très
Algérien, on est forcément immergé dans
russes comme Guenadi Berezkine. Mais je ne
fort. Mais pour moi totalement relié à l’univers
l’histoire et l’idéologie. Emigrer, c’était pouvoir
m’inscris pas dans une tradition. Et, à ce titre, je ne pourrais pas dire que j’ai subi des influences marquées. A : Revenons à la question des origines, mais cette fois, de celles qui t’ont décidée à entreprendre ce travail… L.B. : Tout s’est fait d’une manière, je dirais presque, inconsciente… Par exemple, il m’a été impossible de faire entrer de la couleur. Cela devait rester noir et blanc. Ce que tu disais sur ce retour aux origines du cinéma s’applique encore ici. Des images découpées, mises les unes à la suite des autres, en noir et blanc, et surtout, sans sons, comme dans le cinéma muet. " Sans titre ", Louisa Babari
A : Y a-t-il eu un déclencheur, pour démarrer ce travail ? L.B. : Pas particulièrement… Je me souviens juste d’un jour, j’étais à mon bureau, j’ai vu une feuille de papier noir, et d’une façon presque hypnotique, j’ai commencé à découper des images et à les assembler. AFRIKADAA : Ça s’est fait avec le geste de découper…
25
fictif… Au bout d’un moment, je ne savais plus
sortir de ces blocs. Voilà pourquoi la dimension
ce qui était du domaine de la biographie et
historique, et tout ce qui est de l’ordre de la
de la fiction, dans la mesure où un troisième
coercition idéologique et politique a un rôle
acteur s’est réveillé, l’histoire avec un grand
dominant dans ce travail. Cela a été la grande
h. J’ai sciemment favorisé la dimension
hantise de mon enfance. Parce qu’il y a eu
historique…
beaucoup d’allers et retours entre l’URSS où la famille était restée, et les terres d’émigration,
A : Pourquoi cela ?
les terres d’accueil. On s’est toujours senti menacé, il y a toujours la menace du
L.B. : Je suis née à Moscou, et j’ai vécu les
politique… Encore maintenant.
AFRIKADAA : Du point de vue de l’esthétique de ton livre, je remarque une certaine gamme de tons et de papiers… L.B. : J’ai essentiellement travaillé avec des revues des années soixante-dix. Avec ce noir et blanc et ce gris particulier… Ce qui m’intéressait était la matière, la texture de ce papier. Bien entendu aussi, et là encore c’est le travail de l’inconscient, il se trouve que ce papier date du temps de mon enfance… Et je dois dire que le gris est ma couleur préférée. A : Le gris, cela appartient sans doute à l’antre, il y a quelque chose d’indistinct dans le gris, qui réfère à la fois à « la
" Sans titre ", Louisa Babari
grisaille » soviétique, mais aussi la difficulté A : Perec parlait de l’histoire avec une
c’est une binarité entre aller et retours, sans
de distinguer le bien du mal, le bon du
grande hache…
ouverture… C’est une perspective fermée qui
mauvais… On échappe du coup à un
ne mène à aucun point. Une ligne de fuite. Le
univers manichéen.
L.B. : C’est bien de cela qu’il s’agit.
A : Autre chose m’a frappé, dans la composition de tes planches, c’est la dimension de l’éclat, du bris. Comme si les bris de la composition référaient aussi aux brisures qu’occasionne l’Histoire (les destins brisés) ou aux bris de miroir (miroir du passé) ou bris de glaces – terme qui renvoie à toutes sortes de connotations : glace comme glaciation du passé ou du souvenir, mais aussi comme synonyme de la Russie soviétique… Mais parlons plus précisément de quelques planches… Prenons cette planche qui montre une autoroute, et cette autre qui donne à voir un bateau encadré par les doigts d’une main, et percé d’un triangle… L.B. : Pour moi, ce ne sont pas tant des images relatives au voyage, ou au déplacement géographique ou à la fuite, ce sont plutôt des images de mondes clos… L’autoroute
26
bateau, c’est pour moi rallier une rive, rallier un ailleurs… Mais le bateau tient également
L.B. : Oui. Et là, il y a un élément important
du domaine de l’antre… Quant au triangle,
pour moi, qui est mon origine africaine qui m’a
c’est une forme géométrique qui m’a toujours
permis d’échapper à un certain manichéisme,
fascinée. Le triangle représente pour moi
à une certaine appartenance idéologiquement
la trinité, laquelle permet d’échapper à la
très clivée et territorialisée. Ce qui m’a sauvée,
binarité, et d’entrer dans la complexité… Le
c’est que j’avais un ailleurs possible, et cet
triangle c’est la puissance de l’imaginaire.
ailleurs a été mon ascendance africaine (même si cela n’a pas été toujours assumé, parce
A : J’avais aussi pensé que ce triangle
que c’était très compliqué d’avoir un père
pouvait référer au triangle des Bermudes,
étranger en Union Soviétique). Alors, même
cette zone ou interzone, qui a nourri
si mon appartenance à l’Afrique arrive par le
l’imaginaire, puisqu’on a dit que des
socialisme, elle représente un ailleurs, une
navires, et même des avions y avaient
autre culture.
disparu… L.B. : Oui, je te rejoins là, le triangle est une zone indéfinie qui est propre à l’imagination. Ce qui nous ramène à Tarkovski, avec Solaris et son océan intelligent, où les disparus reviennent hanter les vivants…
A : Revenons aux planches… Tu peux dire un mot sur celle où figurent deux hommes aux yeux cachés par des rectangles noirs, entourant une jeune femme ? L.B. : Pour moi cette image évoque un
transmettre qu’à travers la construction d’une démarche plastique. En ce sens, le terme esthétique était celui qui convenait le mieux. A : Quels sont tes prochains projets ? L.B. : Depuis quelques années j’ai investi le champ sonore. Comme le collage, le son me permet de continuer à questionner le cinéma. Travailler le son pour construire des narrations. Ainsi je peux réaliser des films sans images… La chose qui m’importe, c’est d’en faire un usage poétique, ce qui me ramène à la dimension de l’inconscient, de la mémoire, et de l’imaginaire.
Née à Moscou, Louisa Babari vit et travaille à Paris. Après ses études contemporaines " Sans titre ", Louisa Babari
processus sexuel entre les personnages.
livre de plusieurs façons. De la page une à
Cacher leurs yeux, c’était donner à la sexualité
la dernière, ou d’une façon aléatoire… La
une zone d’ombre mais aussi et surtout de
deuxième phase en effet, c’est de faire une
préservation et d’intimité. Et soit dit entre
exposition, où les planches, imprimées sur une
nous, je ne crois pas du tout que les yeux
plus grande échelle, organisent un récit dans
soient le miroir de l’âme. C’est un cliché qui me
l’espace en trois dimensions.
paraît faux (il y a des clichés vrais). On peut très bien dissimuler son âme à travers son regard.
A : Peut-on avoir quelques éclaircissements sur le titre Esthétique de l’antre ?
A : Comptes-tu exposer ces planches ou resteront-elles à jamais fixées à leur support
L.B. : D’abord, parce que l’antre me ramenait
de livre ?
directement à la caverne, et en l’occurrence à la caverne de Platon. Ces ombres dansant sur
L.B. : C’est un projet en deux phases. La
les parois de la caverne, c’était pour moi une
première phase est de travailler ces plans
évocation du cinéma, peut-être la première
au sein d’un livre. Ces plans ne font pas
évocation du cinéma, qui chose curieuse
partie d’une narration linéaire, mais sont
provient des origines même de la philosophie,
disposés dans un certain ordre. Il n’y a
et non de l’histoire des arts. Et j’étais et
pas de chronologie, c’est une suite non
reste très attachée à l’idée de concevoir une
chronologique, qui contient ces 43 séquences
esthétique. Cette autobiographie fictionnelle
formées de plans. On peut donc « lire » le
ou fiction autobiographique ne pouvait se
27
« Russe et cinéma » à l’Institut des Langues et Civilisations Orientales, elle investit les champs du cinéma expérimental et de l’installation sonore. En août 2013, elle collabore avec l’artiste Jay Ramier sur « Roaming for » œuvre sonore destinée au Festival d’Art contemporain à Oujda au Maroc, sur le thème de la frontière. Son projet éditorial « Esthétique de l’antre » sortira en 2014, en tirage limité à 50 exemplaires. Il sera édité par les photographe et artiste, Alberto Garcia Alix et Frédérique Bangerter, pour la maison d‘édition Cabeza de Chorlito, à Madrid. Alexandre Gouzou est écrivain et photographe. Il fut l’un des fondateurs de la revue littéraire Episodes et son premier recueil de nouvelles « J’aurais voulu que tout soit autrement » est publié aux Editions Liana Levi en 2003. Sa pratique photographique sonde les architectures et questionne la contemporanéité des œuvres et du portrait.
ART TALK
BLACK MATTER
DECOLONIAL AESTHESIS SIMMI DULLAY IN CONVERSATION WITH WALTER MIGNOLO Walter Mignolo and Simmi Dullay, South Africa 2013
The role of the artist is to break
Mignolo is advisor. The event is situated
plantations of modernity”. Her curatorial
boundaries and borders that separate
around decolonial video/performance
practice has been able to conjoin the
-Ngugi wa Thiongo
art, body politics, and race. Be.Bop and
conceptual and the practical, thus giving voice
its consequent collaborations have been
and opening spaces for decolonial aesthesis.
significant in the conceptualisation of
Through her curatorial vision Alanna
decolonial aesthesis. Walter theorizes
Lockward has been successful in connecting
I met Walter Mignolo and Alanna Lockward
Alanna’s vision in the Decolonial Dossier
the histories of Africa, the Caribean and
at a Decolonising Feminism conference
of Social Text Journal. http://www.
Europe in order to nourish the struggle
in Bremen in 2011. I was subsequently
socialtextjournal.org/periscope/2013/07/
against the silencing and the injustice that the
invited by Alanna Lockward who founded
the-decolonial-aesthesis-dossier.php
Afropean communities are enduring.
and curated a roundtable of Black artists
The artistic practices grouped around
By grounding her work on the notion of
and scholars from the Diaspora in her
‘Afropean decolonial aesthetics’ are open
diaspora, Alanna Lockward enables us to
conceptualisation, organisation, and
possibilities of sensing and doing that
see aesthesic practices that disobey the
curatorship of Black Europe Body Politics
overcome the conditions of oppression
normative framework of modern aesthetics.
(Be.Bop) and Afropean of which Walter
reproduced by what Alanna calls the “art
They disobey not through a meta-critique,
Durban 2013 Aug/Sep.
28
rather they disobey by enacting a sensibility
statement that nothing exists outside of
sarcophagi while I type furiously in the
that is inseparable from the embodied
language, Nothing, not even the mundane
glare of the computer screen trying to race
experience and the embodied knowledge
exasperation of getting stuck in traffic can
against the dying battery. But it seems
of those who have been discriminated and
be understood outside of apartheid; as
I have to rely on memory. My thoughts
displaced by modern/colonial violence.
the road systems were meant to cater for a
wander again and I glance at Mignolo’s
‘Afropean decolonial aesthetics’ names the
white minority. The same is applicable to
impressive biography which begins with a
coming together of aesthetic practices that
national electricity, and water distribution,
doctorate in Semiotics from the École des
are born out of the embodied experience of
causing sever outages and general chaos
Hautes Études, Paris. Walter spoke about his
the colonial wound. In the same way that
in a time where most people are highly
coming to Paris, and his initial excitement of
we speak of border thinking, these aesthesic
dependent on electricity.
finding himself in the capital of culture and
practices make us speak of ‘border aesthesis’
A few years back the violent and tragic
its intellectual centre as a defining moment
and ‘embodied aesthesis’. The embodiment of
incident of a parent trampled to death
of coming to consciousness. It was in Paris
these practices becomes the locus where the
at a stampede during registration at the
that Mignolo had a similar wakening as
open wounds of the modern/colonial forms
University of Johannesburg is another
Frantz Fanon, leading him to question
of oppression are not just expressed in the
modality of apartheid planning and
eurocentricity and the limitations of its
abstraction of concepts but appear in voice
architecture since higher education was
knowledge.
and flesh. -Mignolo
meant for whites only. Not much has been
The entire neighbourhood has been
done to remedy these logistics, or to offer
plunged into darkness, I contemplate
a dignified and worthwhile education to all
the exchanges, talks and strategies of
South African citizens.
decolonial aesthesis with Walter during his recent visit to Pretoria. It is Friday night and despite the area being uncannily still, the general electric buzz is absent, the sound of cicadas amplified, and the dogs bark leaving hollow echoes in the darkness. Despite the darkness, the house is buzzing with activity in preparation for my mother’s sixtieth birthday celebration. The power cables were stolen around
Pretoria 2013 August We find ourselves in Pretoria, the capital that founded the apartheid regime. We
“Despite the positive changes, South Africa Post-Apartheid still thrives on the conditions of apartheid segregation which remain based on the intersectionalties of race, gender, patriarchy, etc.”
two o’clock -- a reminder of apartheid
are not far from one of the main massive apartheid prisons; Pretoria Prison Central, known for its one of a kind gallows; a hanging device that would hang 7 people at a time. It is also the prison in which Biko was brought to die from sever torture and neglect during interrogation. Today the prison stands as a Memorial Monument, a grotesque reminder of the thousands of blacks South Africans that were hung in
and coloniality; which exists in the white
I am getting increasingly frustrated, the
these gallows; among them the youngest
glare of a country whose infrastructure
darkness grows denser. I keep getting
and (wrongly accused) first Umkhonto
was catered solely for 9.2% of the white
distracted by the noise in the kitchen. The
Wesizwe trained freedom fighter to be
population, excluding the rest of South
court yard is covered with gazebo tents
executed, Solomon Mahlangu.
Africa.
outside in the garden and gas cookers have
Today, as I write, knowing that I have far
Despite the positive changes, South
been pulled out to cook for forty guests in
exceeded the deadline for this article,
Africa Post-Apartheid still thrives on the
candlelight. The menu is Indian curries and
I glance at the calendar and it is the 6
conditions of apartheid segregation which
specialities ranging from Paneer, dhalroti,
September 2013, I don’t believe this is a
remain based on the intersectionalties
entrails, tripe, brain and tongue, trotters
coincidence since it precisely marks 36 years
of race, gender, patriarchy, etc. The
and other traditional foods. My thoughts
ago that Steve Biko was last conscious. On
exhisting conditions supporting Derrida’s
wander to Mignolo’s Anthropos and the
the 7 Sep 1977, a police physician’s report
29
states that Biko “sustained a head injury during interrogation”, the prison physician did not tend to him despite Biko showing signs of neurological damage (revealed from later investigations). The prison guards left him naked, lying on the cell floor, shackled to a metal griddle Black Bullets 2012, 4:33min, sound, Jeannette Ehlers, Courtesy of the artist and Art Labour Archives
for days. Eventually Biko slipped into a perpetual state of semi consciousness. On the 11 September a prison physician
criminals due to the irrational greed of
after posting a blog claiming that raping
recommended that Biko needed medical
Apartheid which makes black people illegal
babies is a black cultural phenomenon;
treatment. Instead of driving to the nearest
in their own country. Pretoria might seem
three white university students urinated
hospital, Biko was thrown naked and
changed, but continues to be a bastion
in food and forced elderly black cleaning
unconscious into the back of a van and
of apartheid coloniality… Solomon’s last
staff to consume the urine soaked meat
driven 12 hours to Pretoria. On the 12th
words on the short walk to his execution
with garlic, on all fours like dogs. East of
of September Biko died of brain damage,
still rings with an urgency of justice to be
Pretoria has an all-white settlement known
alone and naked on the cold floor in a
done:
as Kleinfontein, which claims to uphold
prison cell. http://africanhistory.about.com/
My blood will nourish the tree that will bear
conservative Afrikaans Calvinist apartheid
od/stevebiko/a/bio-Biko.htm
the fruits of freedom. Tell my people that I
values, to “protect” Afrikaans culture
This is one of the narratives that my father,
love them. They must continue the fight. –
which is perceived to be under threat by
Pritz Dullay (who worked with Steve Biko),
Mahlangu 1977
the new South Africa. Our universities
would tell us in exile, to explain solitude
His voice echoes louder today as South
have somehow been allowed to continue
and the reasons we had to leave our home
Africa maintains a logic cemented
with an apartheid ideology of archaic
and family to flee to Denmark.
in apartheid architecture and a near
racist pseudo-knowledge, exacerbated
These larger political narratives are
unchanged geography that reflects the
by the corporatization of education in
part of events that directly shaped my
dominantly white economy which retains
which knowledge, critical thinking, and
consciousness. In 1978 due to the Apartheid
ownership of South Africa’s wealth by
consciousness has no merit, and quality
regime and the police clamping down, the
the same families as during apartheid --
is measured by outcome and deadlines.
escalated violence, assassination attacks,
through institutionalization, socialization,
Despite recent findings that more blacks
arrests and harassment, and the finality and
and punishment.
are accepted at university, I know from
violence of Biko’s murder, forced us to leave
Despite existing in post-apartheid
experience that many departments at
the country and go into exile in Denmark.
South Africa, the remnants of apartheid
university attract a large number of black
We returned in 1992 to Durban and I have
bureaucracy are not merely latent, but
students in first year who somehow gets
only recently found myself in Pretoria due
remain part of our day to day lives.
filtered out and fail and eventually end with
to the difficulties of employment which
Following are a few examples of racist
nearly only white students who manage
cannot be separated from the colonial
encounters that I can mention off the tip
to attain postgraduates degrees. The
apartheid legacy.
of my tongue in Gauting: 1992 a young
interectionalities of racism that students
As I write this article today, I am in
white man went on a mass murder
face are entrenched in the structural
conversation with Biko, with Mahlangu, and
shooting in the center of Pretoria,
burocracy and administration of the
all the political prisoners; those murdered
killing 8 blacks and wounding 25; a
systemic institution of apartheid. Also, the
in cold blood, as well as the thousands of
professor in politics from the University
necessity of being conscious of the physical
blacks who were, and continue to be, made
of Johannesburg resigned last week,
harm of black students who are in danger
30
of their lives which some of the following
a Latin American Scholar to standing on
could be conceptually applied to the
accounts will prove:
African soil and specifically what it meant
praxis found in which many of the black
A young white male was mercilessly
to him to be in South Africa. As Walter
diaspora artists are working, like Jeannette
beaten at the University of Johannesburg
was invited by CISA, Indian Studies in
Ehlers whose work reveals the repressed,
by other white males for standing
South Africa, he began speaking of the
unspoken, and the unseen. I rearticulate
with a black girl. In February, the same
entry point he had into the country -- the
Occult Instability as pertinent due to the
university had an incident of a black male
Indian Ocean. The Indian Ocean, is my own
massive machinery produced by the white
forced into a cold shower for some four
point of entry because my ancestors were
imagination and its violence upon blacks...
hours http://www.thoughtleader.co.za/
brought to South Africa to replace slavery
an inversion of black magic.
lazolandamase/2008/05/05/university-
as indentured servants working on the
The abject images of empire, colonialism,
students-racist-don%E2%80%99t-blame-
sugarcane plantations since slavery had
and fetishism named by Max Webber as
the-kids-ask-the-parents/
recently been made illegal. Reading Agnes
Phantasmagoria produces a space in which
Many white liberals point out that we have
Sam’s introduction to ‘Jesus is Indian’ (1989),
Occult Instability would have possibility to
black management in positions of power
I came across information about Apartheid
disrupt.
and hence “racism” cannot be a central or
legislation prior to the “official” history of
Positioned within Tricontinental aesthetics/
valid issue.
Apartheid.
political decolonial aesthesis, in South
White racism today, (more than ever) exists through a master/slave dialectic. Blacks must internalize their enslavement to survive and look to the white master for verification of their negated humanity. It is this dialectic that keeps South Africa locked in an economy of Apartheid, reproducing a whitewash of history......a
Africa, many powerful examples of art have
“As I write this article today, I am in conversation with Biko, with Mahlangu, and all the political prisoners; those murdered in cold blood”
violent silence of erasure, a whiteout...in
arisen from the void of apartheid/colonial dehumanisation and its impoverishment. One example is the gumboot dance....... born from deep inside the cold stone walls of our diamond, coal, and gold mines. Black men (the very men that white people try to strip of their identity, other than as an object of labour benefiting whiteness),
which meaning is lost in fragmentation......
Indian Indentured labourers in South
recreate their humanity through cultural
and in which semiotic rules render “black”
Africa were the first ones to carry passes,
production in the form of dance and music,
as synonymous with “slave”, locked and
as early as 1898, when a law restricted
from nothing but their gumboots, and
paralyzed in white noise.
their movement and also prohibited their
their bodies....producing the sharp sound
This example of paralysis can be likened
ownership of property, land or citizenship
of men making the walls reverberate from
to the distinction by Malcom X on the
as the only racialized segment of the
their steps and their voices which resonate
differences between the “field Negro” and
population in South Africa at the time.”
through the tunnels that cut open, and
the “House Negro”.
In Pretoria, Indian South Africans were
shaped the veins of our land........ Their
Over the few days spent talking with Walter,
barred from entering up until as late as the
voices amplified, not just carried by the
conversations continued that would stop,
1960’s and it is quite visible that very few
acoustics of the mines, but accentuated
pause, and pick up quite seamlessly as
Indian South Africans live here.
by the humanity of decolonial aesthesis
we spoke of the different trajectories of
Considering race and representation in
through their performance of sensing the
decolonisation, aesthesis, resistance and
globalization’s image saturated society
environment and channelling the loss,
solidarity. I find this significant as spoke
beckons us to re-examine the relationship
longing, and energy needed to exist in the
within the context of what Walter calls the
between capitalism, visual culture, and
dark chambers inside the earth.
“genealogy of border thinking”.
empire, making me revisit black decolonial
Cultural production, interpreted as
I asked Walter about his relationship as
theory in Fanon’s occult instability, which
decolonial aesthesis, enters into a
31
decolonial healing beginning with the right
Tricontinental/Latin American scholars,
bringing different diciplines together under
and expression of self-determination. The
activist artists, decolonial revolutionaries,
the paradigm of social justice.
significance of abstract thought, is, to a
and anti-imperialist struggles.
We are not multi-disciplinary,
large extent, what distinguishes us from
Our collaboration (in Be.Bop.) and with
interdisciplinary but undiciplinary.-Mignolo
animals and makes us human. The necessity
each other as part of the dislocation, or
I consider Walter Mignolo’s first visit
of creation and recreation in the face of
what Walter conceptualizes as “delinking
to South Africa and our South/South
nihilism, and colonial negation, is inherent
of colonialism”, and in extension: Black
collaborations as an extension of the
in Max Webber’s term “Phantasmagoria”
Consciousness, Black Diaspora, Black
cultural and revolutionary work in the
with its exhibitionism of ownership
exile and other anti-colonial resistance,
solidarities forged in the 1959 Bandung
and objectification. Equally inherent is
is a collaboration of great significance
Conference -- the second largest scale Afro-
its linguistic meaning that defines the
that takes and makes space, in which the
Asian conference. Followed by the 1959
Aesthetic of the ghosting, a haunting, of
possibility of radical and epistemic shifts
Paris Conference (The Congress of leading
something that is not alive but neither
occur; breaking away from dominant
Black Writers, Artists and intellectuals)
dead. On a socio-political level a term
colonial knowledge production to a
culminating in the 1966 Tricontinental
defining the colonial world exhibitions:
collective corporeal phenomenology
Havana Conference between South
World exhibitions have been regarded
making contemporary decolonial praxis
America, Africa and Asia. Our collaboration
as the most meaningful invention of
possible. Our collaborations are a decolonial
and engagement in other projects, such
“modernity”, famously de?ned by Walter
praxis centred in Anibal Quijano’s historicity
as Black Europe Body Politics curated by
Benjamin as “the world dominated by its
of indigenous/black ontologies of
Alanna Lockward, is an extension of this
phantasmagorias” (Hermansen & Hvattum,
knowledge production.
tradition of bringing Blacks from across
2004: xi), since the nineteenth century.
Walter speaks of inscribed bodies and
the diaspora, and exiled, together to
These present not only the exhibition of
the inherent awareness of decolonial
address our own concerns and discover
commodities, but also the expansion of
body-politic embedded by geopolitics,
our commonalities, through meeting and
products and capital markets. Moreover,
as another central point of decolonial
through the various expressions of cultural
from world exhibitions emerges the
knowledge and aesthesis; simply summed
production: from writing, art making,
meaning of celebrating national events,
up as “COLONIALITY OF KNOWLEDGE IS
performance and in producing education,
as well as reflecting the turning point in
COLONIALITY OF BEING. DECOLONIAL
industrialization. However, camouflaged
KNOWLEDGE MEANS TO DECOLONIZE
by the cover of modernization, world
BEING”.
exhibitions can represent the ideologies of
CONNECTION WITH LATIN AMERICA:
nationalism, imperialism and colonialism.
The Tricontinental connection with South America, Caribbean, Asia and Africa, had
Johannesburg/Egoli; City of Gold August
already been established. My personal
2013
interest in coming here was due to the connections made in the seventies, when
Listening to Walter Mignolo talk in
there was a lot of contact, especially
Johannesburg at Wits -- in an enormous
between African and South American
colonial building with larger than life
philosophy; with questions such as “Is
columns, in what is known as Egoli; the city
there a Latin American philosophy? Is
of gold, created and sustained by mining
there an African philosophy?”’ were being
in South Africa -- reminded me of my
addressed. Now this is a new phase, where
strong affinity and solidarity with the Black
we are making new connections and are
32
Rhetoric That Preaches Revolution 2008, 24min, sound, Adler Guerrier, Courtesy of the artist and David Castillo Gallery
which is part of what Mignolo calls
Mafeje Institute, the African Decolonial
Walter Mignolo received his BA in
epistemic disobedience, (and even a way of
Research Network here in Pretoria, the
Philosophy from the Universidad Nacional
healing Colonial wounds). This decolonial
WISER institute who are also promoting
de Córdoba, Argentina in 1969. In 1974
experience is something Mignolo identifies
many events despite it being in the
he obtained his Ph.D. from the École des
as inherent in the decolonial imagination;
postcolonial arena. All Africa and South
Hautes Études, Paris. He subsequently
thinking, and beingwhich he contextualises
America, but especially because of South
taught at the Universities of Toulouse,
as decolonial aesthesis.
Africa’s recent history with Apartheid; is the
Indiana, and Michigan.
Mignolo speaks about the historic
birth place where the violence of coloniality
Since January 1993, Walter D. Mignolo has
significance of being on African soil, as
and its particular brand of Apartheid is
been the William H. Wannamaker Professor
it was contact, during the seveneties,
exacerbated and hence its decolonial
of Literature and Romance Studies at Duke
between South American and African
struggles (including anti-apartheid) are
University, USA, and has joint appointments
writers, philosophers, and revolutionaries
fresh and have powerful possibilities.
in Cultural Anthropology and Romance
which informed the current Latin American
Those of us who teach with social justice,
Studies.
discourse of decolonisation. He speaks not
as the focal point within the corporate
W. Mignolo co-edits the web dossier,
only about the intellectual discourses but of
education, encounter suspicion, rejection,
Worlds and Knowledges Otherwise. He
the realization of many Latin Americans and
and silencing when presenting knowledge
is the academic director of “Duke in the
Black Brazilians discovering and claiming
production beyond the Eurocentric canon
Andes”, an interdisciplinary program
their African descent.
in academia. My questions are how do we
in Latin American and Andean Studies
Walter speaks about the hope that South
escape this deafening “white noise” and
in Quito, Ecuador, at the Universidad
Africa held from 1994’s first free election
the resounding blinding “enlightenment”
Politécnica Salesiana. Since 2000, he has
signifying the end of apartheid:
of the renaissance? Would Biko call for an
directed the Center for Global Studies and
South Africa is a place where the world
“endarkenment” of the matter? Is Mignolo’s
the Humanities, a research unit within the
anticipated that decoloniality would
“epistemic disobedience” and undiscipline
John Hope Franklin Center for International
develop organically, like in Bolivia after
born of the dark matter of the black subject
and Interdisciplinary Studies. He has also
Herbe Moralis. Which is unfortunately
or would it be a subject matter of darkness?
been named Permanent Researcher at
not the case, for various reasons, but
What does it mean when we speak of
Large at the Universidad Adina Simón
mainly because of conservative forces that
consciousness as emerging from darkness
Bolívar in Quito, Ecuador.
emphasize development and progress
in relation to Mignolo’s hypothesis on
which maintains its position, as well as the
Decolonial Thinking and what meaning,
Simmi Dullay lectures in Art History at
Kantien/Humboldtian university which
in terms of knowledge, can we derive
the University of South Africa (Unisa). She
is now merging within the corporate
from this in relationship to Biko’s Black
obtained her MFA Cum Laude at Durban
university; training people to be useful
Consciousness? If elementary philosophy
University of Technology, in 2010. She
to society and teaching that the more we
is contemplating fundamental problems
investigates exile using interdisciplinary
have the happier we will be. Despite this,
of existence, then contemplating the black
methods based on visual methodologies,
since I have been in South Africa over the
condition is inherently philosophical.
Black Consciousness, decolonization praxis,
last few weeks, I gave four talks, and those
Reference list:
auto-ethnography & memory work. Her
talks were packed, and a lot of people
South African History Online http://www.
research draws productively on art, cultural
present at the first two talks returned. This
sahistory.org.za/
and gender studies, critical philosophy &
gives me reason to believe that there is a
Tronkal, L. Interview with Walter Mignolo,
sociology. Dullay taught at the University
strong interest in coloniality/decoloniality.
07/01/10 part 2, Art & Theory
of Kwa Zulu Natal on Education, Social
One the one hand it is a minority, but it is
Wu-P,S. Journal of Asian Architecture and
Justice & Diversity as well on Philosophy &
a strong minority. You also have the Archie
Building Engineering, JAAB vol. 5. No. 2.
Sociology in Education.
33
ART TALK
VOYAGE AUX QUATRE COINS
Par Patrick de Lassagne
LA PORTE « Au commencement était l’émotion.» Céline LA PORTE
aube grise. Il avait longuement observé ce
fixer, jusqu’à le perdre de vue, tandis qu’il
ciel noir- son propre néant- dans la peinture
disparaissait au détour d’un immeuble.
lézardée de la porte, dans la mousse vert-de-
***
gris qui avait envahi ses rebords métalliques,
La porte oui… Cette porte se referma sur moi,
« Un pur esprit s’accroît sous l’écorce des
dans les points de rouille qui avaient attaqué
puis s’ouvrit et se referma dans mon dos pour
pierres » G. de Nerval
ses rivets.
toujours. Je n’ai jamais récidivé. L’émotion
Durant ses nuits d’insomnie, lorsqu’il fixait
première d’un détenu incarcéré c’est bien sûr
depuis sa fenêtre cet indépassable horizon,
la fulgurante sensation de l’enfermement due
il s’était souvent égaré dans les improbables
à la privation de liberté. Puis la durée : celle de
reliefs de la porte. La semi pénombre et les
l’attente de la décision de justice et celle de la
lueurs incertaines de l’éclairage au sodium
peine à purger. Mais une fois ce prix payé, il y
ajoutaient leur fantasmagorie à l’improbable
aussi la plus belle des émotions, ce privilège
topographie de ces limbes verticaux. Un
unique : la liberté. Si l’un des plus beaux mots
bestiaire fantastique, d’étranges figures du
au monde, toutes langues confondues, est
zodiaque s’y entremêlaient. Projeté dans
féminin, ce n’est sûrement pas un hasard.
ces lieux d’horreur et de vastes solitudes, il
Comme une épouse, comme une mère,
s’était un jour surpris à crier silencieusement :
la liberté vous étreint, vous serre dans ses
« Pourquoi m’as-tu abandonné ? » Mais son
bras avec tendresse et amour. Le jour de ma
inaudible lamento s’épuisa de lui-même et le
libération j’ai donc pris la liberté par la taille
silence retomba.
et sa main dans la mienne et m’en suis allé au
Dans la rue, franchissant le mur des sons,
devant de mon destin. C’était par un frais et
Patrick s’éloigna. La porte continua de le
beau matin de Février 1980. J’ignorai encore
L’enfer est-il l’envers du ciel ? Pour Patrick, le jeune homme souriant, mince et frêle, qui s’apprêtait à quitter l’un pour l’autre, l’enfer achevait de se matérialiser dans cette immense porte qu’il franchissait. Dans un bruit de basse, elle roula sur ses gonds, puis se referma lourdement. C’est alors que les bruits de la rue assaillirent le jeune homme. Durant de longs mois, derrière la porte, il n’en avait perçu que la rumeur lointaine. Cette soudaine déflagration le paniqua. Debout sur le trottoir, il resta immobile à la subir. Dans son dos, austère, sombre, massive, il le savait, la porte le fixait. D’un côté elle était un ciel noir. De l’autre une
34
pourtant que la prison ne me lâcherait jamais.
par mon instituteur de la maison d’arrêt où je
tu te dis que plus aucune porte séparant l’uni ne
Qu’elle me poursuivrait malgré moi, peut-être
suivais mes cours dont le niveau s’arrêtait en
te retiendra plus prisonnier puisqu’aussi bien tu
justement à proportion que je tenterais de
classe de 3ème) la filmographie des plus grands
en as la clef. Mais tu songes avec une certaine
l’oublier.
cinéastes et acteurs ou actrices. J’avais eu trois
tristesse que ta mère n’est plus à tes côtés pour
J’ai connu la prison durant ma dix-huitième
fois quinze jours pour faire cela. Les livres étant
voir tout cela. Qu’au seuil de l’adolescence tu l’as
année, y ai fêté mes dix neuf ans et y ai passé
prêtés par l’administration pénitentiaire quinze
perdue et que tu as sombré dans la délinquance.
Noël. Elle ne m’a plus lâché jusqu’à ZONZON,
jours maximum à chaque détenu, il fallait
Et qu’à la faible lueur de cette étoile morte qui te
onze ans plus tard. Pièce écrite en 1991durant
donc les rendre impérativement après cette
parvenait encore, tu as cherché ton chemin dans
ma trentième année. Un an d’écriture. Durant
durée. J’avais par chance obtenu l’accord de
le ciel noir de la délinquance. Que tu t’es enfoncé
ce dur labeur Marc Andréoni, mon co-auteur,
mes deux co-détenus pour qu’ils « cantinent »
dans une nuit épaisse et t’y es perdu. Tu te
s’était amusé à me dessiner assis sur une chaise
le dictionnaire à leur tour. Et j’avais recopié de
demandes enfin comment malgré la lâcheté de
devant une porte de prison posée au centre
mon écriture la plus serrée possible ce qui me
sa famille qui a envoyé ta mère accoucher seule
d’une page, au milieu de nulle part, sans mur,
semblait l’essentiel de l’histoire du cinéma. A
à l’Assistance Publique, l’a abandonnée à l’Armée
ni paroi ni d’un côté ni de l’autre, et derrière
ma sortie de prison, je décidai donc d’aller voir
du Salut sur la péniche Louise Catherine (qui
laquelle s’étendait un horizon infini. Il avait
les meilleurs des films selon ce dictionnaire.
vient justement d’être classée unique monument
bien sûr voulu me faire passer un message…
J’en vis 210 durant la première année.
historique flottant de la ville de Paris), puis au
Pour autant si cette détention fut une épreuve,
Cinémas d’art et essai, clubs de cinéphiles,
Palais de la Femme, ce foyer de filles-mères
elle fut salvatrice. Elle me mènerait loin… A
cinémathèques des facultés de Censier et
parisien, tu te demandes donc comment cette
Hollywood vingt-ans après cette incarcération.
Jussieu, j’en prenais plein la vue pour pas cher.
femme a pu être si forte pour tenir la main d’un
En effet en1998, après la sortie du film Zonzon
« Du sang pour dracula » de Andy Wharol
futur orphelin jusqu’à l’orée de ses quinze ans. Tu
que j’adaptai de la pièce, quelle ne fut pas
à « Mean streets » de Scorcese en passant
te dis que cette histoire de couleur de peau vous a
mon émotion lorsque j’appris de la bouche
par tant d’autres si célèbres et marquants de
coûté bien cher à elle et toi, et qu’à sa mémoire et
de Noëlle Deschamps (meneuse hors pair de
Murnau à Kubrick.
en son honneur et pour tes enfants, tu raconteras
l’association Equinoxe) que Jeanne Moreau avait sélectionné Zonzon et trois autres films des ateliers Equinoxe. José Giovanni et Jacques Audiard s’étaient penchés sur le scénario de Zonzon comme intervenants au cours de cet atelier. Jeanne Moreau emmenait donc ces films pour les montrer à l’occasion de la remise de son Oscar d’honneur à Hollywood. Le couronnement de son écrasante carrière semblait très sincèrement moins lui importer que montrer cette sélection de films de l’association Equinoxe qu’elle présidait. Nous voyageâmes en première classe pour rejoindre ce lieu de légende du cinéma mondial. C’était déjà pour moi quelque chose de surréaliste. Dans l’avion je repensais à ce qui m’avait mené là : le dictionnaire du cinéma que j’avais recopié vingt-ans plus tôt en détention. J’avais noté dans un cahier d’écolier (fourni
35
tout cela dans un livre qui s’intitule « Sang bleu,
“la plus belle des émotions, ce privilège unique : la liberté.” *** « Il y a toujours quelque chose d’absent qui me tourmente ». Camille Claudel. Allongé sur ton lit dans cette suite de cinquante mètres carrés tu te demandes comment il est possible que ton séjour dans neuf mètres carrés ait pu te mener là. Ou du moins que c’est justement ce voyage aux quatre coins des neuf mètres carrés d’une cellule qui t’a précisément mené dans cette suite de cinquante mètres carrés du Sunset Marquis, un hôtel d’Hollywood célèbre pour recevoir les Rolling Stones. Tu souris en pensant que Zonzon figure dans le dictionnaire du cinéma de Jean Tulard. Cadeau inespéré. Et
sang noir ». Qu’il traitera de l’abandonnisme, de la délinquance, de la prison, de la négritude, de la recherche d’un père inconnu, abordera le métissage et la noblesse, parlera de la traversée des classes, de l’échec scolaire, de l’autodidactisme, ces thèmes si étrangement contemporains… Et tandis que tu es sur ton petit nuage et que tu te rends dans une Cadillac avec chauffeur à la remise de l’Oscar d’honneur de Jeanne Moreau par Sharon Stone, tu te dis soudain que de là haut ta mère doit veiller sur toi, et que d’une manière ou d’une autre elle te protège, à l’image de la jolie phrase de Rousseau dans L’Emile ou de l’éducation: « (…) C’est à toi que je m’adresse tendre et prévoyante mère, qui sus t’écarter de la grande route, et garantir l’arbrisseau naissant du choc des opinions humaines»
ART TALK
BEIRUT IS IN CAIRO... BEIRUT IS A SHE...
Art in the state of emergency By Caecilia Tripp
A conversation between Antonia Alampi, curator at ‘Beirut’ and artist Caecilia Tripp Beirut is a new art initiative and exhibition space that reflects upon institution building as a curatorial act. Sarah Rifky and Jens Maier-Rothe founded it on May 1, 2012, joined by Antonia Alampi as Associate Curator.
C.T : How did Beirut art space come into
C.T : In your presentation, you speak of the
(your) life and what are the ideas behind its
curatorial act. What does that mean to you ?
name ?
A.L : We like to perform roles in place,
A.L : It happened one night on a Cairo
plays and institutions. We care, concern
balcony during a conversation between
and are responsible for them.
Sarah Rifky and Jens Maier-Rothe. I
joined the team as an associate blind
C.T : How do you see your curatorial practice
date later on. Visions started manifesting
in a state of emergency ?
in October 2012 and are in due course. Questions about the name occur all
A.L : Si è continuamente in ascolto. You
the time. Beirut art space is a she. she
are anxious, you feel a necessity, you are
is ambiguous, impulsive and emotional
in the search for a relevance in what you
but reflexive, social and affectionate,
do and you try to formulate a narrative
precarious but fertile. She has strong
out of the chaos. You speak questions
beliefs, but she questions them. She has
to the present, and wish they might
objectives and likes to transform in a
influence the future. You hope to find
different form and language when she
and offer reasons to stay.
feels it is necessary. C.T : Beirut also hosts CIRCA (Cairo
36
International Resource Center for Art) can
inspire political imagination. It will do
intuitive, at times purely poetic, at times
you tell us more about its aims?
so through artworks by Luis Camnitzer,
conflictual, but rational. It is always
Dina Danish, Redmond Entwistle, Malak
unpredictable, but usually takes affinity or
A.L : It is an entity existing in linguistic
Helmy, Adelita Husni-Bey, Parallel Lines,
contrast as its point of departure.
formulations. It is thoughts and ideals in
Mladen Stilinović and Katarina Zdjelar. C.T : Thank you Antonia for this deep insight
search for a form. She too likes to mutate.
C.T : Beirut works both, on a local and on an
into ‘Beirut’ and her vision,
C.T : You work with a lot of different
international level; can you describe how
hoping she will trigger a lot of movement,
partnerships, always trying to redefine
they relate to each other? I was inspired by
emotion and new imaginaries.
the way in which you think of yourself as
“How we see” last years’ screening and talks
an institution, questioning recently in a
program around Harun Farocki’s work, and
seminar “What is an (art) institution ?”
your mentioning of “History as a process of
permanent revision” ?
Page 36 On the left : Labour in a Single Shot, Cairo 2012, Harun Farocki at factory visit in Alexandria, image courtesy of Beirut On the right : Goldin+Senneby, The Decapitation of Money, 2010. Installation, 28 mins. Courtesy of the artist and Beirut
A.L : Time is fluctuating and
in context and in comparison, create a
“Beirut is ambiguous, impulsive and emotional but reflexive, social and affectionate, precarious but fertile.”
temporary co-dependence with the aim
of realizing something you cannot on
A.L : It always varies, has different
your own.
extents scopes and intentions, defines
itself depending on people, places and
C.T : What is your program this coming fall ?
questions. At times mindful, at times
unpredictable, we recognize the need to think outside of fixed positions and challenge assumptions. It’s a matter of survival. We believe in partnerships and exchange as being fecund and generative, in many ways. They impose auto-reflection and challenge, thoughts
A.L : “An Institution’s Sense Organs”, a talk by Ashok Sukumaran on 11th of September, will be marking the opening of Beirut Season 4. It will discuss the difficult formation of collectivity and the uncomplicated expression of individuality. ‘Writing with the other hand is imagining’ will be the opening exhibition. It is composed of three acts, with a choreographed rotation of works. It will muse over language and speech, art and alphabetization, art in conflict with homogenization, art that aims to
37
On this page: Beirut, outside view, 2012
ART TALK
JOHN AKOMFRAH By Karen D. McKinnon All images courtesy of Smoking Dog Films
The nucleus of an idea
American Filmmaker Karen D. McKinnon speaks to visionary British Filmmaker John Akomfrah. John has been breaking the moulds and shaping British and International film landscapes through his hauntingly beautiful films on Black British Identity and migration. John, one of the Founders of the famed Black Audio Film Collective in the 1980s, talks about his unrelenting commitment to ‘recycling’ of archival material and dwells into his upcoming exhibitions, After Year Zero and The Unfinished Conversation. KM: Could you tell us about the Black Audio Film Collective ? JA: The most important reason why the whole thing came together was friendship and the desire to form alliances with people who were of the same kind of cultural, political temperament. I think that’s more than anything than what I can discern it
38
down to. Because we met, most of us met
JA: Smoking Dogs was a sort of moving
at Portsmouth (Polytechnic) in the early 80s
image nucleus inside Black Audio Film, so
and to this day, it’s still a mystery to me how
we just carried on working it in that sense,
and why we came together, we needn’t
it’s a continuation of what we’d do in a
have to, there were all kinds of things.
collective but not inside the ethos of that culture. I think we see some of the things
KM: How did Smoking Dog Films come out
we are doing as a continuation of some of
the collective ?
the aims and ambitions of Black Audio but also an adapted form, new times… Those
JA: Formally, we ended the collective in
times certainly changed. When we were in
‘97. I mean I think all collectives kind of
the early 80s, proximity and access to the
have a lifespan, especially when people get
technology was a huge question, how to
together at a certain age in their early 20s,
acquire the equipment, how to make it was
things begin to change in your life as you
a big, big job, so a lot of our time was taken
enter your early 30s, priorities change as
up with trying to get 16mm cameras. Digital
well, and to hold 7, 8 people to the same
technology has transformed our practice
project for 16 or 17 years is quite a number.
beyond recognition, and so that series or
I think inevitably we sort of felt that the key
plank of the old Black Audio Film Collective,
reasons for coming together, were ones
gone. And we just had to move on and try
we had sort of achieved in a way. By ‘97
to find other ways of working. And, I think
the question of black representation was
we have. Black Audio was by then, by the
on the agenda and there were artists of
time we ended also working principally
colour working in a moving image culture, painting, sculpture and mix media who had taken on the questions we wanted to raise. There was stuff happening in cinema and television, so there wasn’t a feeling of being some kind of lone flower in a desert. KM: Exactly.
Still from The Stuart Hall Project
in television. We weren’t doing the
artist. I don’t wake thinking, am I this...
on the March on Washington. And that’s
mixed economies of work we were doing
it’s not a schizophrenic relationship to the
what television should be about. It should
before, working with the gallery system,
platform. Since I don’t have that, I don’t see
be about those moments when someone
cinema and TV. We were almost working
the need to keep banging on about it. We
says there’s something important that
exclusively within television. One of the
try at any one time to have a multiplicity of
happened and we have to commemorate
things we felt we wanted to do was return
address forms, and it’s necessary because
it. So a lot of it is based on cultural, political
to that mixed economy.
there are so many different interests even
and affective psychic ambitions because
now within Smoking Dogs. Trevor Mathison
one looks around to see the most effective
KM: It seems very important to you that you
is not the same as me because he’s still very
platforms for those ambitions.
work in a mixture of places such as galleries,
passionate about sound and he wants to
cinema ?
do first and foremost sound related stuff.
KM: Do you find that sometimes funders
Television doesn’t do sound related stuff
insist on you defining yourself ?
JM: It’s critical. I think the moment of
except as something subservient to the
naming oneself through a platform is sort
image. So in order to keep that relationship
JA: The question doesn’t go away. And it’s
of over for me, anyway. People don’t say
going, that practice going, of course, we are
one of the motifs that’s over-determined
what do you do ? But, where do you work?
then therefore drawn into sonic spaces that
our lives from the very first… discussion
I work here. The platforms are not anymore
are legitimate and not just back doors into
with other members of the avant-garde
that important to me and to my colleagues
cinema. We work in that space because
about whether or not people of colour
because once you’re conversant with the
someone in the group is still passionate and
could be a part of the avant-garde. That
norms and the rules by which they operate,
interested. I like what happens in cinema
still hasn’t stopped. There is a sense, I think
you can decide which of those rules and
still despite the fact that less and less of
it has been shaken but I am not sure that
norms you can abide by and which you can
it is happening. I like the platform, the
it has entirely disappeared and that sense
ignore. That is, providing you’re sufficiently
collective work, the forms of spectatorship
is that there are prescriptions and forms of
fluent with the language, and even the
and I think there is still something to be said
activity that are only appropriate for people
multiple languages involved and after 30
for the cinematic experience so we continue
of colour. I’m not sure we completely
years, we are. I don’t see the need to say
to try and work in that space and television.
destroyed that stereotype and even
whether I’m a TV director, filmmaker or
Last week, we did something for the BBC
though I’m not consciously still fighting
Stills fromThe Unfinished Conversation
39
against that, clearly part of the project is to
issue. So Robert Frost would say, “I have
end there. Sometimes we go as far as
dismantle it, because it’s a fiction. It has no
still miles to go before I sleep,” but you can
shooting something and then thinking, well
basis in reality, and there’s no evidence to
see the end of the day. {} I think, as you get
okay this isn’t quite working either because
support this but it continues to flourish.
a bit older that you’re aware that this is a
it’s not ready and so just park it until it is.
gift and that it shouldn’t be squandered.
I don’t think there’s anything I have gone
KM: Do you think it’s tied to money, tied to class ?
to the level of shooting, for instance, that I KM: Do you stop before you get to the
haven’t used. There are things that I might
realization of the idea ?
shoot and then park for sometimes 15
JA: All of those things, but I think it is also
years. But at some point, I’ll get back to it.
tied to a certain kind of racial economy, in
JA: They go several distances, shall we say.
I remember in the 90s, I did this 10-minute
which certain identities are deemed to be
Some things you just chew over, and for a
film for an arts strand on television and
of certain values, have certain propensities
month, I’m just going to try and work on in
shot quite a bit of it, which was suppose to
and contributions to make. And yes, if you
my own mind whether it is possible to do
include scenes of my mother. That didn’t
are Steve McQueen, occasionally, you get to
them or not. Sometimes things never quite
make it into that film but it never left my
break them. You get to say well I don’t have
migrate from that space to anywhere else.
head. I thought at some point I’m going to
to, you can say that I am Julian Schnabel, I
They get killed. And sometimes they get
make something else with that stuff. And 15
make art and I make films, you don’t need
moved onto the next level where you either
years after her death, I realized I don’t need
to tell you which of two is more important.
write them down or speak to a colleague,
to make something else, I’ll just redo the
saying I’ve got this idea, I’ve written it
old one, put finance into it.
KM: You’re involved in quite a few projects.
down, what do you think ? Sometimes things make it beyond that and we might
So there is a traffic between ideas, either
JA: I think, as you get older, the question of
try to raise some money to realize a portion
the thoughts you have that you don’t get
time and temporality starts to become an
of it or develop it, and they could also just
to realize there and then but then have legs
Still from Handsworth songs and the nine muses
40
to run long enough to catch up with them
40s but who are not around to see things
that it’s value was deconstructing things
later on or gestating projects, be they shot
through their eyes and see what it was they
or offering new alternatives, etc. I think
material or written material sitting in a vault
were trying to do and decide to say, okay
for us and for me it was necessary to get
for a while. But, they always come back into
I can see the limit here. I can see how far
rid of this idea that there was a sort of
circulation. I like the idea of recycling a lot.
you took it. And I can also see what you
wholesomeness to the image. That you
It’s one of the informing ethics for what I do
silenced in order to get to this point, so how
can get to a point where images are wholly
and why I do it.
about we help each other here? I‘m not
good or unimpeachable. I don’t believe
going to insult you by pretending I know
that and because of that I don’t believe the
better than you, but I think I can help.
dichotomy between positive images and
KM: I know using archival material and recycling is an important part of your practice.
negative images is a good thing to have. KM: Do you ever find yourself in an
Now, once you commit yourself to that, it
antagonistic relationship, especially when
does mean rising to the challenge of finding
JA: Absolutely. Yes, I mean there are all sorts
a certain view of things is presented or
ways of working with things however horrid
of theoretical, cultural political reasons why
constructed to influence perception ?
one may find those images. So it’s not like a
we’ve gone to the archive and why we used material on the African Diaspora from the archives. Loads of running alongside that is also an ethical and aesthetic choice which says we have to find ways of conferring value to the past, because without that most of what we are, especially as people of colour, don’t really make much sense. Unless you can find ways to rescue the so called damage of mythologies, insults of the yesteryear by reconfiguring or rethinking them in the light of what we know now, I don’t know whether there’s
Still from The Stuart Hall Project
any point to do quite a lot. Those are deeply held beliefs, acts of faith almost if
JA: No, I think, no, the reasons are actually
vacating of responsibility. In fact for me it’s
you will, about how one coexists with one’s
quite …. You see one of the conversations
the precondition for taking responsibility,
path and the use of archival material is part
that we had quite a lot when I started,
for locking into dialogue. We spent the first
of that; it’s in that realm.
when the first Black Art conference in
few years of the existence of the collective
Wolverhampton in ‘82 when most of the
between ‘83-‘85 working on a tape slide
In other words, the reasons why we turn to
people I know in the art world, especially
series called expeditions, to try and answer
the archive are not merely for aesthetic or
Black in the art world first met the Keith
for us this question of where you move
theoretical or even political reasons, there
Pipers, Eddie and the Sonias (Boyce). You
to once you’ve said, I’m not looking for
are deeply held faiths, articles of faith that
know that the argument then was: How
positive or negative images. What is the
go with that and there’s nothing better
is the form and function relevant to what
next place one goes to as a practice, as an
than that communion of dialogue with
we do? We were broken up into different
arts practice, where do you go from there ?
someone who sometimes is not around.
factions and they were clearly people who
And we made, I can’t remember how many
To see material that is shot by or edited by
believed that we do should be there for
now, in those 5 years a range of stuff, most
a group of people who were alive in the
elevating the race quote. People believed
of which were never shown. The only two
41
that made it outside of it were shown and
narcoleptic entity. I don’t quite understand
functions. UN, oh there’s Ghana! Oh there’s
are owned by the Tate are the two-part
how else to describe that and Transfigured
the President! There he comes with the flag!
expedition series, called Signs of Empire,
night is important for me because it’s piece
And when the citizens say, oh can I have
Images of Nationality. And then, there
of music that seemed to have launched
some food, some water, education, how
you could see us explicitly trying to work
New Music in our world. It’s a Sean Burke
about some healthcare? He (the State) just
through this business of the colonial past
piece based on a Richard Dehmel poem,
goes fast asleep. Most people talking about
and its legacy in architecture, images and
where two lovers are walking through a
Post-Colonial Africa always talk about the
photographs, trying to find this language,
forest and the woman turns to the guy,
violence and the Egyptian Tahrir square
trying to find a way of addressing this. And,
and she says oh you know, I know where
scenario, but actually for the vast majority
I think we did okay. We weren’t wholly
New Love is but I have to tell you that I’m
of people in the so called third world,
successful. I don’t think you’re wholly
carrying another man’s child. He says, oh
the relationship to their State is one of
successful when you’re in your 20s.
well don’t worry because our love and the
supreme indifference. It very rarely knows
night will transfigure this scene and turn
that they’re there, and if it does it doesn’t
it into something good. He will be or she
do anything for them. And it doesn’t
will be our child. And it’s something in
even get to the point where it kills them
JA: There’s an exhibition in Berlin called
that poem that seems to me to mirror the
or anything. It just doesn’t do anything
Year Zero in September. The Otolith Group,
promise the Post-colonial State made with
for them. It doesn’t touch their lives in
myself, Kader Attia, Jihan El-Tahri are all
its citizens.
any way or provide water, food, clothing,
KM: What you are working on now ?
trying to find a way to arrive at how to talk about that explosion in the Post-war period that led to all these incredible developments around the world. Bandung in Indonesia, and the All African People’s conference in Ghana in ’58 and of course the Civil Rights movement. There was a set of triggers in the Post-war period that led to all sorts of things, and I think the idea of
health, nothing. So it’s almost like a kind of
“There was stuff happening in cinema and television, so there wasn’t a feeling of being some kind of lone flower in a desert.”
Year Zero is to say if you can find a moment
narcoleptic relation to real. I can’t think of another way of describing it, so I’m trying to do something that describes that at the moment. KM: How did the Stuart Hall film come about? JA: Yes, the Stuart Hall film was the most
for you where some of these start off what
Its citizens said or rather the State said to
demanding. It’s taken 3 years of watching,
would it be ? And I’m doing something
the citizens, you know, I’m not that good
listening, writing and talking to him.
not on the beginning of things but the
at this. I’ve just left the British thing or the
end. It’s call Transfigured Night and it will
French thing. I’m really not completely
KM: Did you feel a bigger pressure because
be a two screen piece about the transition
formed. Then, the citizens said well fine, no
he has been part of your professional life for
from Independence and the Joie de vivre
problem, we’ll go along with this. But, it
so long?
of Independence to the despair of the 70s.
wasn’t really a great result for most people
Something happened in the 70s in Africa,
or the vast majority of people in Africa. I’m
JA: I just felt this compulsion to return to
in particular, and that’s what I’m grappling
talking about the ordinary person in Africa
the debt, to honour the debt, considerable
with. It’s a project about narcolepsy really,
who got abused by the State, these Post-
debt we owe him in all sorts of ways. I think
particularly, the Post-colonial state in Africa.
Colonial entities. And the interesting thing
when one talks about formations, whether
It seems to me when you look at how it
is when their relationship with that State
it is Post-war England or Black Britishness,
behaved in that period one of the few
took on these kind of narcoleptic form, the
it’s just difficult to think of anything that
metaphors that sums it up is that is was a
State would wake up and attend all these
I’m connected to that has given me life
42
that he hasn’t had something to do with. I
I have arrived, I knew I was black so that’s
that stature, things have a way of coming
can’t think of anything. Now, he may not
the project. But you still had all sorts of
to you. I mean the trouble with doing
be in that position with everybody but he
stuff between ‘68 and 2000 when he was
something on somebody like Stuart Hall is
certainly is with me. So it was important to
active. What do you do with that? You put
knowing what not to do. It’s tough because
do something on him at least while he was
it aside… but once again, as you know I
there’s so much of it around.
around and let him know that people think
really do believe in this idea of recycling.
he’s important in these ways.
And in this case it’s more than recycling, it’s actually looking for clues in the past,
KM: I know you talk a lot about free jazz.
for how and why we came to be what we became. So I’m not doing the past a favour
JA: I love, love, love free jazz. It’s my
here. I’m asking it to help us out, to give
favourite...I learned most things I know
us a clue and when you have something of
from free jazz, and the main thing is just
Stills fromThe Unfinished Conversation
to be comfortable with moments and go with moments, try and explore them to see where possibilities are and don’t get panicked by things that don’t appear to be working. And sometimes it takes longer as this clearly did, and sometimes I think Lina (Gopaul) and I felt we were in for the long haul and whatever it was, we’d see it through. The initial brief was with some arts council funds to do a gallery-based piece. In the course of doing that, we said there’s something else here. They’re always going to talk to each other but they’re not the same thing because we had unearthed so much and clearly some of it, even now, didn’t fit the timeframe and duration frame of either project (John refers to the 3-screen and the single screen Stuart Hall project). But we finished it and I think by halfway through, I just thought something else needs to be done with this material and the 3-screen is only going to get us this far. I had already decided by then, to concentrate, having used the notion of identity as an unfinished conversation. The question then was when to end the unfinished conversation, and clearly at the point where he felt he had arrived, that was the end of the project and by ‘68 he said,
43
John Akomfrah’s work can be next
at Haus der Kulturen der Welt, Berlin, in
seen at:
the exhibition “After Year Zero” until 24th november 2013.
THE UNFINISHED CONVERSATION The three-screen installation, The
AFTER YEAR ZERO
Unfinished Conversation investigates
from 19 September 2013 to 25 November
identity, ethnicity and the nature of
2013
memory. After premiering at the Liverpool
Haus der Kulturen der Welt
Biennial 2012, the video installation has
John-Forster-Dulles-Allee 10
been edited into a single screen and was
10557 Berlin TIERGARTEN
nominated for the Grand Jury Prize at
Germany
Sundance 2013. from 21 September 2013 – 23 March 2014
Karen D. McKinnon is an American writer
Tate Britain
and filmmaker based in London. She is
Millbank
currently writing her feature film project
London SW1P 4RG
and developing films for both cinema and
United Kingdom
galleries.
“The Unfinshed Conversationh is on view
ART TALK
CORRESPONDANCES ÉMOTIONNELLES
Par : Kemi Bassene Photo : Kemi Bassene
La lettre d’un danseur et chorégraphe togolais à son amie musicienne, professeure de cinéma et citoyenne américaine, Eugenia à propos du sens du cri et des territoires de l’émotion... Lomé, le 28 avril 2013
post coloniale, éternelle « masque blanc »
sons, d’autres par leur habileté à répondre à
agréé pour l’exportation, défunte de sa
une forte demande d’harmonie sociale ?
Chère Eugenia,
justesse linguistique à transcrire une oralité
Si je crie, l’exercice de théorie et de création
«…Au début, seul mon corps devait danser.
complexe. Mais crier son art, est-ce bien
émotionnelles que constitue la danse
Mais j’ai subitement eu envie de crier..
raisonnable? J’en interroge mon langage
pour une pratique de vie sociale verra son
Ce fut un cri silencieux, une demi-pause,
émotionnel artistique, je raisonne mon cri,
champ d’application s’élargir mais sa liberté
sous l’effet de cette musique handicapée
le son du trop plein..
réduire, car je vais devoir définir les codes de
de toute intuition, parce qu’entièrement
…Tous les arts sont-ils toujours destinés à
l’émotion fictive sonore d’un récit corporel.
écrite. Elle est comme notre littérature
émouvoir ? Certains par des combinaisons de
Mais je suis en train de gommer toute
44
expression intuitive en attachant mon visage
quand ils veulent ou une syllabe multipliée
Regarde-moi. Regarde comme je superpose
et en refusant cette exclamation de ma voix.
par ma voix, car mon corps est aussi plus
les intelligences émotionnelles du passé, au
Je ne peux plus verser dans l’absurdité de
rapide que mon souffle et mon verbe et c’est
point d’être parfois effrontément noire. Ce
m’observer dans mes émotions comme
pour cela que je crie ce « oh ! » qui à lui seul
sont mes fonctions de survie. J’utilise même
personne introspective, comme le dit Auguste
est toute une phrase. Oui, je ritualise mon cri.
les voyages secrets de mon esprit (mes rêves)
Comte. Je sais que quand je danse, c’est mon
Nous conspirons avec nos émotions, comme
comme annonciateurs d’évènements et
corps qui commande à mon esprit l’émotion,
nous le faisons dans l’atelier de l’imaginaire
compléments émotionnels.
il est même à l’origine de ma conduite. Mais
que constituent nos rêves. Est-ce la puissance
Et toi tu veux dompter ton cri ! Pour mieux
je peine tant à transférer toute une émotion
syllabique héritée des rituels et cultes religieux
manipuler son écho ?
dans mes oeuvres, à manipuler un limbique.
de mes ancêtres..
Ne raisonne pas ton cri. Raisonne ton corps,
Je doute des territoires de l’émotion. Je
De la puissance de la raison?
c’est lui qui crie.
cherche la différence dans la relation entre
De la subjectivité d’une justesse émotionnelle?
Tu n’as nul besoin de leçon d’émotion pour
un son perçu et le corps, et celle entre un son
Il y’a une part de rationalité, une quête de
définir le son de l’émotion. Ne verse pas dans
produit et la pensée. Je suis par définition
raisonnement dans mon imaginaire, même
la danse de l’assimilé ! Et le corps n’est pas que
l’esclave d’un savoir académique et d’une
quand le postulat de départ est faux..
refuge de ton esprit. Il fabrique l’émotion…
culture d’initiation.
...Les textes sacrés ont souvent voulu dans leurs interprétations bannir la chaleur
En attendant de te lire…
expressive des bishops pour des collèges de prêtres mutilés de leurs émotions,
“Tu n’as nul besoin de leçon d’émotion pour définir le son de l’émotion.” La réponse d’Eugenia Atlanta, le 5 juillet 2013 Cher… Comment comprendre, lire chez l’autre une émotion que l’on n’a jamais ressentie ? Le corps est le centre de l’expression de l’émotion (Merleau-Ponty). Comment la lire si elle n’est pas jouée par le corps, qu’elle soit fictive comme au cinéma, ou qu’elle soit colère et bien réelle ? Est-ce parce que la voix ou le corps sont insuffisants que les deux dialoguent si souvent dans nos communions spirituelles ? Ou est-ce la mémoire qui se trouve quelque part dans le corps, qui le rend plus rapide que mon esprit. Mes cris ? Ils sont une improvisation musicale
45
Attentionnément,
Ils ont gommé presque toute expression intuitive corporelle dans la dernière mise à jour religieuse révélée pour promouvoir une esthétique d’idéologie politique et culturelle. Regarde ton continent. L’émotion religieuse l’a toujours emporté sur l’émotion politique. Même ton premier député noir (Blaise Diagne) qui siégea au Palais Bourbon n’a pas échappé à cette hiérarchie d’intelligence émotionnelle. Il fut apostasié et enterré hors du cimetière, lui qui fut le premier à incarner une participation politique noire africaine coloniale, bien avant Senghor. Regarde ta littérature, écoute son cri. Il est encore moins vraisemblable que l’émotion fictive d’un récit cinématographique. Le vers est dans sa sémantique, tant elle peine à trouver la grammaire descriptive d’une oralité complexe. Ce «masque blanc » comme tu dis émotionnel post colonial symbolise votre dilemme actuel entre indépendance politique et indépendance culturelle.
Eugenia
ART TALK
LA DOUBLE VIE DE LIONEL ZINSOU Lionel Zinsou et sa fille MarieCécile ont posé une pierre singulière dans l’édifice de la création contemporaine africaine en créant au Bénin une fondation faite de rêves et de terrain.
Auteur : Camille Moulonguet
classiques, en histoire ou en économie
avec elle j’ai découvert une scène artistique
? Et je suis arrivé à la conviction que
africaine incroyablement vivante. C’est
plus je me rapprochais de l’économie
vraiment l’expérience de ma fille qui est le
plus je pourrai exercer en Afrique. J’ai
point de départ : elle est allée enseigner
fini par me persuader que c’était plus
l’histoire de l’art au Bénin et elle voulait
souple, que l’on pouvait exercer le
rapprocher ses élèves des artistes béninois.
métier d’économiste dans le domaine
L’engouement des élèves était très grand
public et dans l’entreprise, en Afrique
et l’intérêt des artistes à se raconter aux
Afrkadaa : Votre parcours, de
et en Europe, cela restait utile dans
enfants était aussi très grand et moi je me
l’enseignement à la grande entreprise,
tous les endroits. Au Bénin j’ai créé une
suis retrouvé pris comme un enfant de 12
qu’est-ce qui a mené cette transition ?
fondation et une entreprise, donc il y
ans, élève de ma fille, dans la familiarité
a quand même quelque chose que j’ai
des artistes béninois. C’était au tout début
LZ : C’est un choix finalement que j’avais
fait sur le terrain, en revanche en France
des années 2000. Maintenant ces mêmes
fait assez tôt. J’ai passé ma licence de
et en Europe, je me suis partagé entre
artistes sont primés et reconnus sur la scène
Lettres Classiques à l’École Normale
le monde académique et au bout de
artistique mondiale. C’était une initiation
Supérieure de la rue d’Ulm, et j’ai
dix ans, le monde de l’entreprise. Je
un peu fortuite, pas très structurée. Ça
dérivé vers l’économie et l’histoire, si
suis passé de l’entreprise industrielle
c’était ma rencontre avec l’art, maintenant
bien que j’avais le choix de passer une
(Danone) à l’entreprise bancaire
mon approche est je vous le disais, plus
agrégation d’histoire ou d’économie et
(Rotschild & Cie) à quelque chose qui
intellectuelle qu’esthétique car je me suis dit
j’ai choisi l’économie. L’évolution s’est
réunit un peu les deux, l’entreprise
qu’il fallait quelque chose qui encourage la
donc produite pendant mes études
d’investissement industriel (Pai). J’ai mis
rencontre de ces artistes avec un public. A
avec l’idée que je passerais assez
en pratique la liberté à laquelle j’aspirais
défaut de commandes publiques, d’intérêt
facilement avec cette matière dans
durant mes études.
du politique pour le culturel, je me suis demandé s’il ne fallait pas aller un petit
le monde de l’entreprise ou dans le monde de la politique publique. Une
A : D’où vous vient ce désir pour l’art
peu plus loin, institutionnaliser un peu et
des attractions de cette discipline était
contemporain ?
que ces rencontres éphémères deviennent quelque chose qui ait un espace et qui soit
de ne pas rester hors de l’action. C’est donc de façon assez consciente que j’ai
LZ : Mon désir pour l’art contemporain est
un lieu où l’on puisse créer et pas seulement
choisi l’économie pour avoir plus de
peut être plus intellectuel que purement
conserver. Et c’est ainsi qu’est né une idée
liberté. D’autre part, je me demandais
esthétique. Tout d’abord j’ai trouvé, parce
de ce projet un peu muséal. Il y a aussi
ce qui serait le plus utile au Bénin :
que ma fille s’y intéressait, qu’il y avait
quelqu’un qui nous a aidé à penser ça, il se
était-ce d’avoir une formation en lettres
quelque chose que j’ignorais totalement et
situe à la frontière des arts contemporains
46
une exposition de Basquiat en 2007. Il nous a prêté ses œuvres. Il était encouragé à le faire puisqu’on avait monté en 2006 la première exposition hors les murs d’œuvres du Musée Branly. Branly avait prêté au Bénin les regalia3 du royaume d’Abomey. Le fait que ces collections françaises aient pu arriver à Cotonou sans encombres, que la sécurité, l’hydrométrie, l’éclairage aient été approuvés, que les œuvres et les objets n’aient pas souffert et aient repris l’avion le jour dit sans le moindre problème, sont autant de choses qui et des arts premiers, c’est Germain Viatte1.
est probable que nous sommes l’une
Il est le premier à avoir dit à ma fille
des seules capitales sans musée. Il nous
« institutionnalise ce que tu fais et fais en
manque des transports publics et des
un musée ». Il y a donc notre réflexion en
musées. On a décidé d’exclure ce qui
famille et l’écoute de Germain Viatte qui
était marchand tout en reconnaissant
sont à l’origine de cette Fondation.
que les artistes ont besoin d’un
A : Pourquoi avoir choisi de créer une Fondation plutôt qu’une galerie ? LZ / On s’est effectivement demandé si l’on voulait quelque chose de marchand ou quelque chose de muséal, sachant que ni l’un ni l’autre n’existait vraiment. Il n’y avait pas de galerie avec un vrai
professionnalisme marchand mais en se disant qu’on allait pas pouvoir avec une connotation marchande coopérer avec des institutions muséales alors que l’idée était quand même de produire notre public, l’intéresser en faisant venir des œuvres de l’Afrique entière ou du monde entier.
ont encouragé ce collectionneur à prêter 64 Basquiats à la Fondation. Une exposition un peu en continuité avec le projet de Basquiat interrompu par sa mort, de venir s’installer en Côte d’Ivoire… Il était partiellement haïtien même s’il était plutôt New yorkais, bref il y avait 50 raisons de penser que Basquiat c’était l’Afrique au sens le plus large. On fait ce que l’on veut, on a une liberté complète mais c’est vrai qu’il y a quand même un biais africain. Il y a aussi un biais « intérêt général » qui exclut tout intérêt marchand. Cela ne veut pas dire que l’on n’essaie pas de faciliter quand on le peut le lien entre les gens
professionnalisme du marché de l’art,
A : Quel est le fil conducteur de cette
c’est à dire défendre les artistes, les
Fondation ?
qui veulent collectionner et découvrir
et il n’existait pas non plus de structure
LZ : On s’est donné un biais un peu
François Pinault est venu un jour visiter
muséale. Il y avait une page blanche. Il
africain. Quitte à exister ici au Bénin,
assister, les accompagner et les financer
1
Directeur du Musée d’art Moderne
de 1992 à 1997, il rejoint l’équipe du Quai Branly et prend en 1999 la direction du Musée des arts d’Afrique et d’Océanie. En 2005 il est nommé conseiller auprès
autant essayer de rapprocher les artistes béninois des autres artistes africains ou
la Fondation, et quelques artistes l’ont intéressé. Il a commencé à collectionner en l’occurrence une sculptrice du
d’ailleurs, ou avec quiconque ayant un lien même imaginaire avec l’Afrique. C’est un lien large. Par exemple on a,
du Président du musée du Quai Branly et
avec un collectionneur ami2, organisé
responsable de la muséographie.
2
Le galeriste Enrico Navarra, grand
collectionneur des œuvres de Basquiat
47
chez nous des artistes. Par exemple
et dont la galerie se trouve au 16, avenue Matignon à Paris. 3
Ensemble d’objets symboliques liés
à la royauté.
des artistes directement, soit de commandes pour des expositions que l’on organise et pour lesquelles il finit par y avoir une accumulation. La Fondation n’a pas beaucoup d’espace, on a été un peu surpris par le succès. On a trouvé qu’il était dommage de ne pas présenter ces œuvres au public alors on a rénové un bâtiment que nous allons inaugurer le 11 novembre. C’est un bâtiment du patrimoine de l’architecture afro-brésilienne du début du XXème siècle, et qui est à 30km de la capitale à Ouidah6, une ville de Sénégal, Seyni Awa Camara4 et un
vitalité. Peut-être, au Bénin, sommes-
spécialiste des arts de récupération du
nous 168èmes au classement du
Bénin qui s’appelle Aston5. Notre rôle fût
développement humain de la Banque
simplement de les mettre en relation.
Mondiale, mais il n’est pas du tout sûr
C’est notre devoir de faciliter ces liens là.
que nous soyons 168èmes en sculpture,
Le projet en lui même a quelque chose
168èmes en peinture ou en art vidéo...
d’un tout petit peu plus économique
En fait il y a des motivations un peu
que marchand en mettant en place une
intellectuelles, un peu politiques, un
plus grande visibilité des artistes. Il s’agit
peu économiques derrière ce projet.
que le public du Bénin soutienne ses
Cela étant, ce projet ce n’est pas moi
artistes, les connaisse et en fasse une
qui l’est mis en place, c’est ma fille
fierté et un ferment d’identité. On avait
et c’est elle qui est en charge de la
développé l’idée politique, reprise de
programmation, du travail avec les
Vàclav Havel, selon laquelle qu’il y a des
artistes au jour le jour. Elle vit à Cotonou
moments dans l’Histoire où la création
et le projet l’occupe à plein temps, ainsi
peut être une métaphore de la liberté.
qu’une remarquable équipe.
Au fond dans la recherche d’identité, de dignité et de liberté très forte dans
A : Où en est actuellement votre collection ?
l’Afrique d’aujourd’hui, la culture est
mémoire. Dans ce nouvel espace nous allons par rotation montrer la collection permanente, pas autrement que comme une collection un peu arbitraire avec des œuvres constituées selon le gout du collectionneur. Notre collection n’est pas une collection raisonnée cherchant à couvrir de façon exhaustive tout l’art contemporain. Ce n’est pas non plus une collection déjà consacrée d’une richesse extrême. On n’a pas de Marlène Dumas, de William Kentridge et autres artistes très confirmés et très couteux : ni d’ailleurs d’œuvres de l’artiste éthiopienne Julie Merehtu. On aurait dû en acheter lorsque nous avons fait sa connaissance mais depuis qu’elle est entrée au MOMA, il y a une inflation sur ses œuvres… Légitime bien sur !
LZ : Au fil du temps on a constitué un
6
embryon de collection permanente
points d’embarquement des esclaves vers
dans laquelle il y a 300-400 œuvres
les Amériques. Sur les onze millions
une sculptrice et potière autodidacte, elle
de peinture, sculpture, objets divers,
d’Africains exilés par la traite occidentale
crée des personnages en terre cuite.
des installations et quelques centaines
près de deux millions sont partis de la baie
de photographies. Beaucoup de ces
du Bénin, dont 60 % à partir des deux
pratiqué la peinture et la musique avant de
œuvres sont dans les réserves et
principaux ports à centraliser le trafic,
se consacrer à la sculpture.
résultent soit d’acquisitions qu’on
Ouidah et Lagos
un espace de développement, de 4
5
Née vers 1945 en Casamance est
Né en 1964 au Bénin, Aston a
fait sur le marché de l’art ou auprès
48
Ouidah a été l’un des principaux
A : Mais ce collectionneur, qui est-il ? LZ : C’est un collectionneur collectif, il est composé de plusieurs influences. Nous allons dans les ventes avec des instructions assez précises de notre fille
chercher les élèves. C’est pour cela
Là en ce moment on a une exposition
et on s’en écarte allégrement. J’ai par
qu’il y a un chiffre de fréquentation
autour de l’artiste Hector Sonon sur la
exemple acheté un grand fou du village
aussi impressionnant, c’est très rare
bande-dessinée africaine qui est mal
en papier mâché de l’artiste éthiopien
que l’on fasse une exposition où il y
connue. Les cycles de conférence que
Mickaël Bethe Sélassié7, au grand
ait moins de 100 000 visiteurs. Il y a
nous donnons sont à guichet fermé.
dam de toute la famille qui trouvait
eu une exposition qui a eu un succès
Personne ne pouvait imaginer qu’il y
que cet espèce de personnage était
absolument prodigieux et qui a été
avait des centaines de gens à Cotonou
vraiment embarrassant. Et puis au bout
facile à projeter vers les gens parce qu’il
passionnés par la bande-dessinée.
du compte, c’est devenu la mascotte
s’agissait de photos. On a reproduit des
La partie mécénat c’est de mettre
absolue du public, des enfants. Donc
photographies sur des grandes bâches
tout ça à la disposition du public. Et à
vous le voyez, chacun y met du sien et la
que l’on pouvait exposer sur les places
côté de ce qui à trait à l’art on a aussi
collection résulte de cet élan collectif.
de la ville. On a eu plus d’un million
entrepris avec l’aide de financements
de visiteurs pour cette exposition de
Fondation/entreprises ou Fondation/
A : Plus collectionneur que mécène ou
Malick Sidibe ! C’est aussi parce qu’on l’a
Union Européenne, de donner des
l’inverse ?
déclinée partout, on est allé au devant
bibliothèques aux établissements
des gens. Le fait de rentrer dans un LZ : La partie collectionneur c’est la
scolaires publics qui n’en ont pas. On
espace d’exposition, ce n’est pas un
partie liberté des choix d’acquisition
en a fait 5 pour le moment mais pour
geste forcément familier pour la plupart
et la partie mécène c’est d’ouvrir au
couvrir le pays il faudrait en faire, vous
des gens. Au début il y avait écrit sur la
public avec une gratuité intégrale.
l’imaginez, beaucoup plus et pendant
porte de la Fondation « entrée libre »
Dans la Fondation, il y a une partie de
cinquante ans. La partie collection et la
et les gens n’osaient pas rentrer ils
présentation d’exposition, une partie
partie mécène sont un peu dissociées.
demandaient systématiquement « c’est
pédagogique. La Fondation est un
On fait une collection par goût mais on
gratuit ? », du coup on a mis « entrée
musée sans guardiens, il n’y a que
est conduit à accélérer un tout petit peu
gratuite », c’est plus clair et les gens
des conférenciers, que des gens qui
parce qu’il y a le mécénat et que l’on
demandaient « mais la sortie est-elle
sont prêts à vous expliquer et à vous
veut intéresser notre public.
aussi gratuite ? » … Nous faisons de la
aider à aimer ce que vous observez.
formation, des ateliers pédagogiques
J’ai toujours trouvé que la fonction de
pour les visiteurs selon leur âge, on
gardien de musée était une fonction
travaille avec les enseignants. Il y a une
triste donc il n’y a pas de gardiens, il n’
formation artistique pour les enfants
y a que des conférenciers. On travaille
qui s’appelle « les petits pinceaux ».
également avec les enseignants, on
Nous donnons accès en parallèle avec
a une équipe pédagogique, on va
nos expositions, nos évènements, à des
7
Né à Diwé-Dawa (Éthiopie) en
1951, il est connu pour ses créations de personnages et d’animaux en papier mâché, hauts en couleurs et de grand format.
49
ateliers, des master class, notamment pour « Le Mois de la Danse » que nous organisons tous les ans avec des compagnies africaines contemporaines.
A : Quelle analyse faites vous du marché de l’art africain ? LZ : A la différence de la Chine, du Monde Arabe, de l’Inde, de l’Amérique Latine, les artistes locaux ne sont pas soutenus par un marché intérieur très dynamique. C’est assez facile à expliquer car par rapport à tous ces pays qui sont en émergence, on est en retard de développement, en retard de
revenus. Il y a donc une dimension qui est économique mais j’ai l’impression que cela va un peu plus loin. En effet peu d’Etats sont dans la commande publique. A défaut d’un marché privé de l’art qui peut être suppose un état de maturité des fortunes plus grand, les commandes publiques pourraient en être le substitut. Il y a eu des Etats mécènes, il y a eu des hommes politiques qui attachaient beaucoup d’importance à la culture. Dans le domaine francophone Leopold Senghor, Felix Houphouet Boigny, obligeaient les structures d’Etat à passer commande d’œuvres nationales. Cela est allé de paire avec la création des Beaux Arts d’Abidjan, les moyens donnés au musée de l’Ifan à Dakar. Il y a eu à Bamako une politique qui a abouti à faire un beau musée national qui abrite aujourd’hui la biennale de photographie de Bamako avec le succès qui lui est associé. Il y a une politique sud-africaine du patrimoine, il y a des exemples… Mais globalement on est sûrement le continent où la commande publique est la plus rare et où les fortunes privées sont relativement peu tournées vers la création contemporaine. Je constate quand même que cela change et par ailleurs la demande internationale apparaît. Les artistes sont de plus en plus reconnus et vivent de leur travail, un éco-système est en train de se créer. Il commence à y avoir également des grands commissaires d’exposition spécialistes de la création contemporaine africaine.
50
Mon désir pour l’art contemporain est peut être plus intellectuel que purement esthétique. A la biennale de Cotonou l’an dernier il y avait un commissaire international, Abdellah Karroum. Donc le système commence à se mettre en place, à s’internationaliser, les artistes sont de plus en plus projetés dans les biennales mondiales. Cela dit, là où la demande interne est la plus vivante comme au Maghreb, en Afrique du Sud ou au Nigeria, il y a un milieu, des galeries et des collectionneurs nationaux. Et puis il y a les artistes qui créent leur Fondation comme Barthélémy Toguo ou Zinkpè 8
au Bénin9 qui a reçu des subventions d’un peu partout dans le monde pour réeliser une Fondation à Abomey. C’est une bonne chose que la société civile s’empare de l’art mais d’habitude ce sont les grands marchands, les grandes fortunes ou les grands princes qui s’en chargent et il nous manque les trois. C’est aussi pour donner mauvaise conscience aux princes que je dis ça, lesquels sont souvent indifférents à l’art contemporain. La grande bourgeoisie africaine est incroyablement indifférente 8
Crée en 1999 à Bandjoun au
Cameroun, c’est un espace dédié à l’art sous toutes ses formes : théâtre, performance, musique, expositions permanentes et
à la création contemporaine. Au fond, pour l’art contemporain c’est plutôt bon signe que les bourgeois n’aiment pas ça, mais pour l’art moderne ou pour l’art ancien c’est plus rare parce qu’au fond les valeurs consacrées normalement font partie du patrimoine. Même cet intérêt là n’existe pas. On va avoir des classes supérieures riches un tout petit peu différentes dans le futur. A : Y-a-t-il un rêve que vous aimeriez réaliser concernant cette Fondation ? LZ : On a un projet fou et il faut qu’on arrive à le réaliser un jour. C’est un projet que nous avons conçu avec Henri Loyrette et qui consiste à organiser une espèce de rencontre sous la forme d’un dialogue entre des oeuvres du fond universel du Louvre et des œuvres de l’art contemporain africain. Des œuvres seront choisies par des artistes au Louvre pour leur résonnance avec des œuvres de l’art contemporain africain. L’idée c’est de faire des rapprochements inattendus. Henri Loyrette étant parti10, il faut s’assurer que l’on va réussir à finaliser le projet. On aimerait s’exposer à la réaction de quelques centaines de milliers d’enfants africains et savoir comment ils voient des antiquités, des primitifs ou du cubisme en face de Romuald Hazoumé. Comment fait-on se rencontrer des univers ? Comment organiser notre petit choc
temporaires avec des œuvres d’artistes
10
africains et internationaux.
il est nommé conseiller d’État le 3 avril
9
Unik est un lieu de création
Après douze ans passés au Louvre,
2013 et élu président d’Admical, association
contemporaine qui réunit neuf résidences
pour le développement du mécénat
d’artistes dans la ville d’Abomey.
industriel et commercial en juin.
des civilisations ? Ce serait « le Louvre à Cotonou », Provoquer la collision entre les deux mondes. Mais en réalité, j’ai souvent l’impression que le rêve est déjà réalisé. Cela fait la neuvième année que l’on arrive à développer cette Fondation et on ira jusqu’où on peut aller. On aura peut être des relais, ça s’amplifiera… on verra bien. C’est une fondation de flux, elle ne repose pas sur une espèce d’immense dotation comme la Fondation Maeght par exemple. C’est déjà incroyablement émouvant. En novembre dernier j’ai vu les milliers d’enfants dans les rues, dans les déambulations, sur les places, ou dans l’enceinte d’un théâtre pour le premier spectacle du Mois de la Danse. Il y avait en même temps les visiteurs du peintre sud-africain Bruce Clarke dans la Fondation et puis le premier accrochage que l’on avait fait dans la maison ancienne de Ouidah. C’était pour moi bouleversant de voir le dévouement des gens qui s’en occupent, et puis ce public qui répondait présent. On voulait ça au départ mais on ne savait pas du tout où on allait. J’avais dit à ma fille si tu as 10 000 personnes, je vais me débrouiller pour que Koffi Annan, le secrétaire général de l’ONU de l’époque, vienne te voir. Si tu en as 20 000 ce serait un miracle et je ferai en sorte qu’une équipe de CNN vienne filmer ça. Et cette année là on avait 500 000 visiteurs et d’ailleurs Koffi Annan est venu de lui même et il a laissé un mot formidable dans le livre d’or. Cela veut dire qu’il y a un potentiel énorme et que nous en sommes seulement à la promesse de l’aube.
51
Page 47 : Bruce Clarke ©Jean-Dominique BURTON Page 48 : FZ©Sebastien Cailleux Page 49, à gauche : Le « fou du village » de Michael Bete Selassiéin situ ©Sebastien Cailleux Page 49, à droite : George Lilanga©Jean-Dominique BURTON Page 51, haut : Romuald Hazoumé©Jean-Dominique BURTON Page 51, bas : Lionel Zinsou et sa fille Marie-Cécile ©BAHI
PLACES
ORIENT ART EXPRESS ART, FRONTIERE ET CONFLUENCE Propos recueillis par Louisa Babari Photos courtesy Ammar Bouras
Comment contester les limites géographiques imposées par l’histoire moderne du Grand Maghreb ? C’est à cette question que répondent artistes, critiques et historiens d’art de la 4ème édition du Festival d’art contemporain Orient’Art Express qui se tient à Oujda, capitale de la région de l’Oriental marocain, du 21 août au 21 septembre 2013. L’exposition intitulée « Espace ouvert / Espace fermé » réunit des plasticiens originaires du Maroc, d’Algérie, de Tunisie, de Libye et de Mauritanie qui produisent à cette occasion des œuvres sur le thème de la frontière. Azzedine Abdelouhabi, curateur, interroge la notion de périphérie et de centre dans la création contemporaine. Le développement des pôles et des ensembles géopolitiques à travers le monde incite dit-il à penser radicalement différent.
52
AFRIKADAA : Pourquoi avoir choisi la ville
l’exposition « Les magiciens de la terre »,
d’Oujda pour réaliser un festival d’art
j’étais étudiant et une réflexion de Baudrillard
contemporain ?
m’avait interpellé sur le rapport entre « centre et périphérie ». Nous discutions souvent
Azzedine Abdelouhabi : A l’époque de
avec des amis marocains et algériens sur
l’idée d’un lieu complètement périphérique
de la Préfecture, de la Mairie et de quelques
festival, qui reste le temps fort. Cette année,
par rapport à nos deux pays, sans parler de
associations d’Oujda. Je crois qu’il y a une
deux expositions ont été montées avec le
l’Europe et des Etats-unis. La ville d’Oujda
véritable volonté politique de mettre l’Art
travail de deux artistes locaux. Nous n’arrivons,
est complètement périphérique au Maroc et
et la culture au cœur du développement de
cependant, pas encore, à mettre en place une
dès 2010, nous avons mis en place ce festival
la région. On parle beaucoup au Maroc de
programmation plus étendue sur l’année. Le
dédié à l’art contemporain. L’environnement était particulier : il y avait tout un travail de restructuration dans la ville, et des galeries et des musées ont depuis été construits. Le contexte historique était favorable et nous avons saisi cette opportunité pour créer cet événement. A : Pouvez vous nous parler de l’espace en lui-même ? A.A: Il y a plusieurs lieux. Deux galeries d’art ont été inaugurées en 2008. Une grande galerie qui se présente sous la forme d’un carré, d’un cube sur deux niveaux. L’espace est volumineux et la conception architecturale est contemporaine. Il y a un espace d’exposition
Artiste Amar Bouras et Azzedine Abdelouhabi
plus petit, qui se trouve à la lisière de la vieille ville d’Oujda. Et il y a l’espace public que j’aime
la « régionalisation élargie », d’une volonté
rapport triangulaire entre la société civile avec
particulièrement investir. Je travaille beaucoup
de développer chaque région. La région de
les associations, le ministère de la culture et la
dans les jardins et places publics. J’essaie de
l’Oriental se donne les moyens de développer
préfecture est encore en construction. La mise
faire le lien avec un public qui n’est pas initié à
ses infrastructures touristiques et industrielles.
en place d’une programmation annuelle se
l’art contemporain.
Le rôle primordial de l’art et de la culture a été
réalisera dans un avenir proche.
pris en considération. On ne peut envisager A : Avez vous un soutien des autorités locales
un développement économique territorial en
A : Pensez vous que le festival répond aux
en terme de développement et de politique
faisant abstraction de leurs rôles. Nous avons,
attentes culturelles de la société locale ?
culturels ?
par chance, des décideurs qui ont cette lucidité et cette vision globale des choses.
A.A : Oui, nous avons heureusement un
A.A : La ville d’Oujda, qui se trouve dans la région de l’Oriental et, qui historiquement est
vrai soutien de la part du Conseil régional
A : Est - ce que vos espaces d’exposition
un territoire qui fait le lien entre le Maroc et
et de l’Agence de développement de
bénéficient d’une activité artistique en
l’Algérie, a besoin de ce type de manifestation.
l’Oriental, qui a cru en notre projet et qui
dehors du festival ?
Nous avons besoin de mettre en en place,
nous a beaucoup soutenu. Nous travaillons
que cela soit au niveau des arts plastiques, du
régulièrement avec l’Université Mohamed
A. A : Le festival est monté par une association
théâtre ou de la musique, des évènements de
I d’Oujda. Ces institutions représentent le
« Réseau d’art A-48 » dont je suis le
cette envergure, qui traitent de thématiques
soutien financier, le nerf de la guerre. Et
Président. Depuis 2010, nous développons
en rapport avec les attentes des populations
nous avons, bien évidemment, le soutien
une programmation annuelle en dehors du
de la région. Lorsque nous travaillons sur la
53
question de la frontière, je crois que nous
par exemple, parlent aux spectateurs. L’art
part. Ensuite, rien n’empêche l’ouverture
sommes au cœur d’une réflexion populaire,
contemporain permet ainsi de créer un débat,
vers l’autre. Ce rapport à un lieu me semble
tant du côté marocain que du côté algérien.
un échange.
fondamental. « La culture de l’envahissement »
Car cette frontière, qui a été fermée depuis
nous assomme. L’expression locale est une
1994, près de vingt ans maintenant, est vécue
A : Avez vous un jeune public qui vient au
comme une aberration. Nous sommes touchés
festival ?
car nous sommes « des gens de la frontière »
réponse qui doit être soutenue. A : Vous avez parlé du conditionnement
avec des familles de part et d’autre. Je suis,
A.A : Lors de la première édition, nous avons
identitaire conflictuel auquel sont soumis les
personnellement, né à cinq cents mètres
eu la chance de travailler avec un préfet
artistes issus du Maghreb. Un rapport Nord -
de la frontière. Je pense que nous sommes,
qui était très ouvert sur l’art. L’événement
Sud qui catégorise les artistes du sud et qui les
avec ces thématiques, en symbiose avec les
coïncidant avec la saison estivale, nous avons
rend dépendants de certaines thématiques
préoccupations locales.
eu le public des vacanciers qui venait en
imposées par le marché de l’Art. Comment
autobus, mandatés par les ministères. Trois
faire pour sortir de cette logique ?
A : Quand la revue Afrikadaa a pris
cents jeunes qui venaient chaque jour assister
connaissance de votre festival, votre
à la présentation des œuvres. Il faut toujours à
A.A : C’est une vraie question et le cœur de
initiative était vantée dans le sens où elle
cela une volonté politique.
ma problématique. Je n’ai pas de réponse
permettait d’établir un lien entre l’art
définitive. Je cherche des pistes de réflexion. Il
contemporain et le public local. « Quelle
A: Avez - vous eu besoin de mettre en place
faut multiplier les rencontres entre les artistes
politique culturelle contemporaine pour
une médiation culturelle ?
d’origine maghrébine, africaine. Développer
quel public ? » est le sujet qui anime les
un marché au Maghreb et en Afrique.
débats aujourd’hui. Avez-vous une politique
A.A: Nous sommes une jeune association et
Travailler sur la formation des artistes, replacer
spécifique dans l’accueil des publics ?
nous n’avons pas beaucoup de moyens. Nous
l’art au cœur du développement social. Lui
Comment gérez vous la relation entre
tentons de mettre en place un partenariat avec
donner une place au sein de l’école. Ce qui
l’Institution et les publics ?
l’Université et l’Académie de la ville d’Oujda.
est incontestable, c’est que l’artiste d’origine
Je souhaite travailler en ce sens et mettre en
maghrébine, en France et en Europe est lié
A.A : Nous avons une exposition qui se
place une véritable médiation. C’est important.
conceptuellement à des attentes qui ne sont
déroule dans une galerie d’art et nous
Aujourd’hui, l’événement dure deux ou trois
pas forcément celles du public maghrébin.
travaillons également sur la place qui avoisine
mois et le rapport avec le public est pour le
La production de l’artiste maghrébin en
la galerie. Nous travaillons aussi dans le parc du
moment « spontané ».
France (Adel Abdessemed, Mounir Fatémi) est
Musée Lala Meriem d’Oujda. Ce sont des lieux
préconditionnée par les institutions, le marché.
fréquentés par le public. Nous avons toujours
A : Oujda est une ville frontalière, comment
Pour être visible en France, il faut traiter de la
eu cette volonté d’aller vers le public et de
peut-on y concevoir un événement
problématique de la femme ou du rapport à la
sortir de l’espace fermé. Vers un public qui
transfrontalier ? Comment pallier la volonté
religion. Pour être visible, l’artiste maghrébin
n’a pas de code pour lire l’art contemporain.
de travailler avec des artistes locaux et de
n’a pas le droit, comme l’affirme Rachida Triki,
Lorsqu’il y a des installations, des sculptures,
favoriser une dynamique transnationale ?
de faire de la gravure ou de la sérigraphie. L’art
les gens de tout âge viennent, s’interrogent
et la culture viennent finalement, appuyer en
et posent des questions. Ces médiums sont
A.A : Dans le cadre de cette globalisation
beaucoup plus accessibles pour un Marocain
envahissante, je pense que le « local » peut
de classe moyenne qui n’a pas de culture
apporter des réponses. Nous sommes dans
A : Avez vous, dans cette idée, le désir
artistique que la peinture ou les tableaux.
un questionnement « centre et périphérie ».
de créer des passerelles avec l’Afrique
Les artistes utilisent des matériaux que le
Je considère que l’art doit être l’expression
subsaharienne ? Il y a encore une frontière
public voit tous les jours. Le henné, le bois,
subjective de quelqu’un et ancrée quelque
très forte à la fois dans les mentalités et sur
54
dernier lieu une position politique.
“Dans le cadre de cette globalisation envahissante, je pense que le « local » peut apporter des réponses.”
le terrain entre « les Afriques ». Des flux se
Amy Sow (Mauritanie), Fatima Zahra Zahraoui
question du statut de l’artiste se pose
mettent cependant en place, favorisés par
(Maroc) et des critiques et historiennes
davantage. La frontière entre l’expression
des initiatives politiques ou culturelles.
de l’art pour les journées d’études Nadira
féminine et l’expression masculine se trouve
Laggoune pour l’Algérie, Rachida Triki pour la
plus généralement ici, en France. Je n’ai pas
A.A : Je souhaite nouer des liens avec l’Afrique
Tunisie et Ghita Triki, Hakima Lebbar pour le
senti, lors de mes échanges avec les femmes
subsaharienne car c’est de mon point de vue,
Maroc. La femme au Maghreb s’est emparée
artistes maghrébines de posture spécifique.
le même espace géographique. L’histoire
de l’art et de l’expression contemporaine.
Encore une fois le discours artistique se doit
a malheureusement laissé des lignes de
Des artistes de qualité s’imposent. Nous
d’appuyer un discours politique. Peut-on
coupures mais il est aujourd’hui urgent
vivons la problématique de l’artiste plus que
laisser aux artistes le pouvoir d’y échapper ?
d’établir des axes sud-sud. Dakar et Bamako
la problématique de la femme artiste. La
ont été de ce fait des bases importantes et nous sommes au début de quelque chose. Les artistes, les commissaires africains commencent à se connaître et j’espère que nous allons développer des actions communes. A : Vous avez dans votre sélection d’artistes, trois artistes femmes. Il y a en Europe, un débat sur la place qu’occupent ou n’occupent pas les artistes femmes dans le monde de l’art contemporain. Qu’en est-il au Maroc et plus particulièrement à Oujda ? A.A : Pour la quatrième édition du festival, nous comptons plusieurs artistes femmes dont
55
Festival Orient’Art Express 2013
PLACES
GALERIE BOOKOO QUAND ART RIME AVEC PARTAGE
Par Carole Diop Images courtasy Galerie Bookoo
Le 14 juin dernier le public dakarois découvrait un nouvel espace dédié à l’art contemporain, la galerie Bookoo. « Bookoo » terme wolof qui renvoie à la notion de partage et de solidarité. Le partage d’une passion commune, c’est justement ce qui a conduit les propriétaires, Mohamed Bamba Mbengue et Augusta Lopez, à monter ensemble cette galerie. Lui est un banquier reconverti dans le BTP, elle, une ex enseignante. Ils se rencontrent début 2013 et très vite leur projet prend corps. Pour en apprendre d’avantage sur cette galerie, nous nous sommes entretenus avec Monsieur Mbengue. AFRIKADAA : Pourquoi avoir ouvert cette
émergé le projet d’ouvrir une galerie d’art,
une vraie démarche de galeriste. Nous
galerie d’art ?
avec pour ambition d’exposer nos artistes
suivons de près le travail de nos artistes et
à l’international, tout particulièrement en
nous les accompagnons dans les différentes
Asie.
étapes de la production de leurs oeuvres.
Mohamed Bamba Mbengue : L’idée est née d’un constat que j’ai fait suite à
Nous assurons leur promotion localement
mes nombreux voyages en Asie. Lors de
A: La scène artistique contemporaine séné-
et à l’étranger, nous avons d’ailleurs des
ses voyages j’ai pu visiter un certain nom-
galaise est très dynamique, de nombreux
projets d’exposition en cours à l’étranger
bre de musées et de galeries, avec l’envie
espaces d’art existent, qu’est qui fait votre
avec des galeries partenaires et projetons de
d’y voir exposés des artistes africains. En
particularité ?
participer à de nombreux « Art Fairs ». Sur
m’installant à Dakar il y a quelques années
le plan local nous proposerons 3 à 4 exposi-
j’ai rencontré Augusta Lopez qui est dev-
M.B.M: Nous nous distinguons de ces
tions par an et participerons à la Biennale de
enue mon associée. De nos discussions a
espaces par le fait que nous sommes dans
l’art africain contemporain (Dak’Art) dans la
56
catégorie « Off ». Faire exister la galerie à l’étranger, nous tenir au courant des dernières tendances et évolutions du marché mondial de l’art contemporain est très important pour nous comme pour nos artistes. A: Vous êtes banquier à l’origine comment êtes vous arrivé à l’art contemporain ? M.B.M: Ouvrir une galerie ne relève pas de la vocation pour moi. Je me suis découvert au fil des années une passion pour l’art et ce sont mes rencontres, avec des artistes, des acteurs du milieu et d’autres passionnés qui m’ont décidé à explorer cette voie.
De la gauche vers la droite : Augusta Lopez, Mohamed Bamba Mbengue, Maoro Petroni
A: Combien d’artistes sont actuellement
A: Y a t’il beaucoup de collectionneurs à
en tant qu’artistes mais surtout en tant
représentés par la galerie Bookoo ?
Dakar ?
qu’individus.
M.B.M: Nous représentons une dizaine
M.B.M: Oui, et de plus en plus, seulement
A: Quelles sont vos ambitions pour la galerie
d’artistes, essentiellement des peintres,
ces collectionneurs passent très peu par
Bookoo dans un futur proche ?
parmi lesquels El Sy, Solly Cissé, Barkinado
l’intermédiaire de galeries pour constituer
Bocoum, … Nous sommes en train d’élargir
leur collection, il achètent directement à
M.B.M: Nous espérons devenir une
notre collection à d’autres médiums comme
l’artiste. Ce qui a un effet plutôt négatif sur
galerie de référence et nous développer à
la sculpture et bientôt la vidéo et la photog-
le marché local et la côte des artistes. Les
l’international, particulièrement en Asie.
raphie.
institutions et les entreprises sont également d’importants acheteurs et c’est cette
A: La galerie se trouve en plein cœur d’un
clientèle que notre galerie privilégie. Il nous
centre commercial, n’est-ce pas un peu
parait essentiel que les entreprises locales
incongru comme emplacement ?
contribuent à promouvoir les artistes sénégalais et plus largement les artistes
M.B.M: Pas du tout cet emplacement s’est
africains.
imposé à nous pour plusieurs raisons : Le centre commercial est ouvert 7/7
A: Ce numéro d’Afrikadaa a pour thème
Il est facile d’accès
les émotions, quels rapports humains
On bénéficie de l’affluence du centre com-
entretenez vous avec vos artistes ?
mercial On offre la possibilité à un public pas force-
M.B.M: Dans nos rapports avec les artistes
ment averti de découvrir des artistes et de
que nous représentons, nous sommes dans
s’initier à l’art contemporain
une dynamique d’échange et de partage. Nous apprenons à les connaître
57
CONCEPT
DUPLICITY
« Duplicity » est un espace d’expression ou Michèle Magéma propose à un artiste, un échange autour de la thématique du numéro en cours. Michèle donne son point de vue et l’artiste invité s’exprime par trois propositions visuelles. Pour “E-MOTIONAL”, Michèle a invité l’ ’artiste Ingrid Mwangi. Par : Michèle Magema
Artiste entre Oeuvre et Emotion L’émotion est sans conteste la matière première de l’art. Située au cœur de la relation d’altérité entre l’artiste et le destinataire, l’émotion esthétique peut se définir comme une expérience complexe de l’état d’esprit d’un individu lorsqu’il réagit à des influences externes incarnées par une oeuvre. Par conséquent, l’émotion face à une œuvre d’art, traduit d’une limite qui est négative ou positive. A première vue, il s’agit d’aimer ou ne pas aimer une œuvre, mais surtout d’avoir une réflexion sur sa conception. En effet, une œuvre est nourrie de sentiments intimes et contient une intention, prête à raconter ou à partager. De ce fait, je peux réagir émotionnellement aux contenus des œuvres (qu’ils soient représentationnels ou même abstraits), mais aussi, dans certains cas, de saisir les intentions ayant présidé l’exécution de l’œuvre. Ainsi, il semble possible de partager les sentiments et les intentions laissées par un artiste dans son œuvre. Pour ce numéro, j’ai invité l’artiste « Germano-Kéniane » Ingrid Mwangi à nous faire part de ses émotions. Elle a spécialement rédigé un poème, puis soigneusement choisi les images.
58
« …Un jour, un artiste fait grand étalage des moyens qu’il employait pour purifier et perfectionner ses couleurs. Jean Siméon Chardin, peintre du 18ème siècle, impatient de ce bavardage de la part d’un homme à qui il ne reconnaissait d’autre talent que celui d’une exécution froide et soignée, lui dit : “Mais qui vous a dit qu’on peignît avec les couleurs ? — Avec quoy donc ? répliqua l’autre, fort étonné. — On se sert des couleurs, reprit M. Chardin, mais on peint avec le sentiment.” » ( Encyclopédie Larousse en ligne)
Une artiste, une œuvre, des émotions
avec son public, par de petits piaillements
en exergue une douce violence qui y est
aiguës, presque cristallins. Crescendo elle
parfois centrale.
Depuis quelques années, il est impératif
haletait devant nous comme pour éveiller
Je reste marquée par la grande sensibilité
d’écrire Mwangi Hutter lorsqu’il s’agit
nos consciences éteintes. Décrescendo,
d’Ingrid et la vision à « quatre yeux »
de parler de l’artiste. En effet, il semble
elle reprenait son souffle. Puis, elle s’arrêta
qu’elle nous offre dans chacune de ses
que la fusion des patronymes Mwangi et
lentement. Elle se retira avec silence et
oeuvres. Telle cette interpellation face à la
Hutter syncrétise la maturation d’un travail
grâce, nous laissant à nos émotions et à la
pollution africaine dans « Dandora’s Box,
collaboratif intense entre les deux artistes.
réflexion.
2012 », qui montre la fragilité de l’homme
L’utilisation intempestive du corps comme
Dans “If you cut off my hand, 2006,
et de la nature, face à l’amoncellement des
support et objet permet ainsi à Mwangi
elle propose une succession de six
déchets qui sclérosent de nombreuses villes
Hutter dans ses performances, vidéos et
photographies (42cm x 200 cm), sur
africaines. Dans Single Entities, installation
photographies, d’interroger librement le
lesquelles il est possible de lire la phrase
vidéo, 2013, l’artiste se recouvre totalement
mythe de la pureté de la race.
suivante : « If you cut my hand I cannot
d’une tenue bicolore comme le mur du
En 2010, j’ai eu le privilège d’assister à une
reach to touch you ». Il s’agit d’une image
fond, devant lequel elle pose. Elle semble
performance de l’artiste au musée d’art
composite où sur six fragments de
faire corps avec la ville. En devenant
contemporain de Herzlia à Tel Aviv. Ingrid
corps, s’alternent deux entités masculine
une nouvelle entité statique mi- animée
y était apparue savamment vêtue d’ocre
et féminine. L’image est d’autant plus
mi-inanimée, elle se fond dans un décor où
et de pourpre, telle une reine. Rapidement
singulière que sur chaque morceau de corps
le paysage urbain africain est en perpétuelle
entourée d’un cercle de spectateurs, elle
est tatoué sans encre un morceau de phrase
reconstruction.
déambulait, les yeux fermés et masqués de
qui laisse à vif une cicatrice. Trace indélébille
feuilles d’or. Il s’agissait d’une mise en scène
sur la peau de Mwangi Hutter, cette phrase
Merci à Mwangi Hutter de pérenniser
où la question de l’altérité était centrale.
s’installe dans la peau du spectateur, le
une œuvre d’envergure, où l’aisance et
Comment rencontrer l’autre non pas par
laissant dans une confusion émotionnelle.
la justesse d’intervention sur le corps
le mot, mais par le chant ? Etait-ce même
Ce travail réinterroge sans fausse pudeur
permettent de faire parvenir au spectateur
un chant ? En effet, elle entrait en lien
la relation homme-femme en mettant
une émotion sublimée.
59
“Wrong Mind” Something has gone terribly wrong! Pain, destruction, torture! Terribly wrong! What is it? How did it go wrong! How can it go so wrong! My friend, listen. It is our own actions that are the cause, our very own actions. It’s our destructive emotions that drive these actions. Our very own minds that think of them. Think carefully. It is our very own misconception of reality that splits things apart, that names them mine and yours, that labels friends and enemy. It is this attitude that causes the wish to protect and defend. Realize. It’s our very own minds that create the reasons, and then the weapons and situations. It’s the conditioning to hold onto, to hit and hit back. At a certain point there is no space and time to question. The whole monster machinery is in place, grinding away. My friend, be calm and see clearly. It is our own mind, our own emotionality played out in actions that is the cause. These are the terrors of our own deluded minds. Mwangi Hutter
60
Assemble, video installation, 2012 ŠMwangi Hutter
61
CONCEPT
NEXT STOP LOVE BUS STOPS OF EMOTIONS All images courtesy of Francine Mabondo
Four fake dolly bus stops, placed in different street locations of Wandsworth, indicating human sentiments instead of geographical locations: Love, Dignity, Fear, Solitude. There is no bus coming but if there was one where would you like it take you? Next Stop Love is an exciting art project that happened during the Wandsworth Art Festival, in May 2011. In the street, the artist interact with people taking pictures and offering them to send a special postcard. This project was funded by Wandsworth Art council and the artwork was produced by Transport for London. Francine Mabondo is an MA student in Contemporary Art theory at Goldsmiths University. Next Stop Love is her first curatorial project. ‘”My ambition is to inject some ‘life’ into our daily life and routine in order to create some spaces of unlimited freedom. I am trying to find artistic ways to express and engage with a new public, perhaps one that is less predictable and less trained to the arts. I am fascinated with the collective space and in particular the bus stop where people do not have to perform and can rest from their life. By replacing geographical locations with human sentiments I hope that people can reflect on where their life is taking them. While working on the project, I researched whether any fakes bus stops had been created before. I found out that a German nursery home had created fake bus stops to prevent Alzheimer patients from wandering off. In reality, the patients escaped the nursery home and always gathered around the local bus stop where they could get back home. The nursery home came up with the idea of the fake bus stop to allow the patients to escape and to be found. This example shows very well how unconsciously we appropriate affectively certain objects of the community. This is the relationship I would like to explore.” Francine Mabondo For more informations : nextstoploveproject.blogspot.com
62
Francine Mabondo was born in 1972 in Paris from a French mother and a Congolese father. She was brought up in Paris and completed an MA in Mathematics and Economics in France. She moved to London in 1999 and started to experience different roles in the art world. She was a press officer at the 198 Gallery in Brixton. While studying History of Art at Birbeck College, she worked in the public relations Department Christies. She has helped the implementation of the Cartier Award project for Frieze Art Fair in 2009. In 2011, she started her first curatorial project Next Stop Love followed by a group exhibition in May 2012 in London. She has completed an MA in Contemporary Art Theory at Goldsmiths University in 2012 and produced a thesis on the work of Georges Adeagbo exploring the idea of ‘African time’. Francine Mabondo is a conceptual artist developing her practise through installations, paintings and writings. She is particularly interested in tracking the collective unconscious in various spaces. She is currently working on her next exhibition which will held in May 2014 during Dakar next Biennial
63
CONCEPT
EMOTIONAL POETRY NIMROD L’ENRAGEMENT AMOUREUX (Extrait) « L’enragement amoureux est un poème que j’ai redécouvert ce printemps, mais je l’avais ébauché il y a bientôt 30 ans de cela. Son titre tout comme son intention soulignent assez les tourments de leur époque.Il dit tout ensemble les émotions et les sentiments, l’homme et la femme, l’amour et la mécompréhension.» - Nimrod 64
LITTÉRATURE
Très fort ta défiance mal affinée Même aux idiots on est courtois
C’est une affaire presque politique
Oui, je vaux moins qu’un putois
De se voir berné par des amours égoïstes
Je pleure pour ne pas te rendre ta bêtise
À coups de raison, elles qui en manquent
Je pleure pour que tu aies l’heur de penser
Si souvent. Je suis cet holiste
Je pleure des larmes qui sont ma franchise Je pleure pour que tu voies la beauté
Qui plie l’idée au poème car les muses Sont ma raison d’être, mon opium
Or te violer j’aurais dû m’enquérir
Mon enfer… Je plains ce tripalium
Je plaisante car je hais les violents
Que les superbes évitent ou refusent
J’aurais dû te culbuter sans rire Mais c’est l’arme des brigands
Eux qui n’ont ni corps ni âme, et qui Me rappellent ton habile évitement
Que des filles nourries au pain sec
Qui est triste, même si je ne puis
(Le cœur aussi) attendent des mecs
Lui trouver de cœur plus véhément
Aux muscles obscènes. Rien ne pallie Jamais l’esprit ni ne le dispense
Toi qui pleures par-delà une sécheresse Plus effroyable que le nid des oueds
D’amour et de tact. Je sais ce monde
Toi dont le sang régresse
Mal fait, et la délicatesse est insultée
À proportion des casses du vent
Mais satyre, je ne peux, c’est immonde Je n’offense ni les muses ni les fées
Au poète tu te devais de proclamer
Tu préfères au poète l’infâme bonde
DÉSESPOIR
Discrète plutôt quelconque N’eût été la passion
Il y a le vide il y a l’espoir
Sans rime ni raison
Qui me redisent ton Évangile
Qui me plie sous ta conque
Qui toujours agile T’y laisse choir
Me voilà servile et bête Tel un imbécile
Il est en moi, m’assènes-tu
Un amoureux, un vil
Tu t’enfuis quand tu le vois
Rebouteux des sentiments
C’est injuste car j’ai tu Le mien, et le tien aboie
Je ne t’en veux de t’aimer Quel ait été ton génie
Je me méprise, dis-tu
Je mesure son désaveu
De m’être éprise du noir
Sur mon cœur amoureux
Ces mots, tu les aurais tus Si en moi tu voulais croire Tu aimes le désespoir Tu en fais commerce Je plains ce boutoir Où tu l’exerces L’élu de tes ébats Je le plains On ne cache pas la haine Dans un gant de crin Tu travailles comme cent N’ayant foi ni amour En toi ni en personne Pour masquer un crime Qui en toi ne descend Jamais fatigue tu ne ressens La fatigue la vraie toujours Sera dans le foutre et le sang Tu les refuses car un rien Te frustre, un rien Comme tu es obtuse L’air de rien
65
Nimrod est né en 1959, au Tchad et vit aujourd’hui en France. il a fait une résidence d’écriture à l’université du Michigan, Ann Arbor, aux États- Unis, en 20 08. Ses trois recueils de poésie, Pierre, poussière (1989), Passage à l’inf ini (1999) et La traversée des jardins (20 01), ont respec tivement reçu le prix de la Vocation, le prix Louise Labé et le prix Aliénor. Ses romans Les jambes d’Alice (20 01, Bourse Thyde Monnier de la Société des Gens des Let tres), Le dépar t (20 05) et Le bal des princes (20 08) évoquent, dans une fresque historique et poétique, l’exil et la guerre civile au Tchad. En 20 08, il s’est distingué, avec Rosa Parks : “Non à la discrimination raciale” (un roman pour la jeunesse), Le bal des princes (roman) et l’essai, La nouvelle chose française, par les prix Benjamin Fondane, Édouard Glissant et Ahmadou Kourouma. En avril 2013 il publie son dernier roman Un balcon sur l ’Algérois puis en juin 2013 un livre compre nant deux essais Visite à Aimé Césaire .
Nimrod©Marc Melki (photographe d’Actes Sud)
Nimrod©Marc Melki (photographe d'Actes Sud)
« L’e n ra g e m e nt a m o u re u x » e s t à p a ra î tre d a ns Sur les berges du Chari, distric t nord de la beauté.
PLACES
EMOTIONAL POETRY BOUNA MEDOUNE SEYE MARCHAND DE FOTES (Extrait) rire n´est pas bien pour l´être le rire s ´e n t pas bien juste pour le a cerve u et le rire sort tout ce qui est mal dans nos âmes alors le rire est très bien pour l´esprit jour 04 yen pas de
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«Maître» Photo : Nampémanla
Bouna Medoune Seye est un cinéaste sénégalais né en 1956 à Dakar. Il est également photographe, peintre, poète réalisateur, directeur artistique, scénariste et producteur.
Qui Quia photographié dans Bouna a pendant cinq ans, ce bas qui les fous et les laissés-pour-compte monde habitent les trottoirs de Dakar. Fascination peux nous du décalé qu’est Bouna,dire pour ce qu’il estime comment être une part de lui-même. les créatifs font pour sortir tout cela dans leurs têtes
h q t q ê t p q t p t p p a l´ r ju h
t
humain quand tu es moins qu´un être humain tu n´es pas humain quand tu es plus que humain tu n´es pas non plus humain alors l´humain reste juste humain toubab pas de jour 05
67
Il fut un temps dans les méandres de la ville salope ils étaient ensemble r Mais de pa les alléats du temps ,l´un est devenu un impitoyable ffaires m hom e d´a l´ t E autre l´artiste ra e st re urs qu´il a toujo été
Illustration une SEYE Bouna Medo artiste II» «l! détail de cahiers extrait des de fotes an rch du ma
68
L´un court Derriére l´argent de tel sorte qu´il oublie l´artiste Non il ne l´a pas oublié l´artiste rs reste toujou te tê sa s n da la Mais c´est u d r peu lendemain, le confort, , la servitude t l´argen la sécurité temporelle ussé Qui l´ont po mur n à mettre u e tr n e le invisib te is rt a l´ t e lui BMS 04
Si l´artiste ne peux pas être au plus haut dans son art Est ce cela veux dire qu´il doit retourner à l´école? Oui Toubab pas de jour 04
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Illustration une SEYE Bouna Medo artiste II» détail de «l! cahiers extrait des de fotes du marchan
Quand l´artiste veux se faire mal pourquoi ne pas le laisser se faire mal N´est pas Que ce mal ne regarde que lui l´artiste Toubab pas de jour 04
PORTFOLIO
ADONIS FLORES / CAMOUFLAGE CRUDO (Texte de Laura Salas Redondo & Romaric Tisserand) Photos : courtes Adonis Flores
Les émotions se nichent au cœur bouillonnant de l’œuvre d’Adonis Flores. L’artiste cubain a vu naître son travail artistique au travers de ses expériences de jeune soldat internationaliste cubain en Angola, de la chute du mur de Berlin en 1989 et l’attentat des tours jumelles à New York le 11 septembre 2001. Chacune de ces expériences intimes et vitales ont été les détonateurs communs de notre histoire qui ont catalysé cette sensibilité visuelle exacerbée en souffle créateur. De retour d’Angola, c’est d’abord l’architecture
aphone du champ de bataille. Le camouflage
souterraine que le jeune soldat des tranchées
développe son propre langage universel.
se tourne avant que l’art ne vienne transcender
Grâce à lui, l’artiste devient ce Monsieur-
sa condition. La série des camouflages (2003-
tout-le-monde mutique qui, une fois
2006), des photos en performances qu’il
affublé d’un treillis militaire, représente à
réalisera à La Havane et durant ses résidences
la fois la force dévastatrice comme la main
jusqu’à son installation “Fe” à la Biennale de
protectrice. Comme s’il venait rappeler aux
la Havane en février 2012, ne sont que là que
vivants en temps de paix le funeste présage
pour acter la posture de l’artiste : l’extraire
de Platon : “Seuls les morts ont vu la fin de la
du traumatisme. Son exutoire, la pratique
guerre”.
de l’esprit du judoka, où il utilise la force de l’adversaire.
« La première fois que j’ai entendu le bruit d´un canon, ce fut en Angola. Cela a été le moment
Ce court texte parcourt une longue
où je me suis réveillé. (…). La guerre est un
conversation réalisée à Paris en juillet
affrontement de l’homme contre l’homme,
2013 lors de son séjour en résidence d’art
de l’homme pour l’homme. La question de
contemporain à la Fondation Brownstone dont
l’idéal, à ce moment précis, n’est pas aussi forte
le texte intégral fera l’objet d’une publication
que celle de survivre. D’une certaine manière,
collective.
il s’agit d’être le vainqueur de l’histoire. C’est une question immédiate. Peut-être que ton
Les émotions intenses, les obsessions
ennemi est juste là pour une boîte de sardines.
intimes de l’artiste ont trouvé place dans le
(…) »
personnage de ce soldat inconnu, revenu
70
Adonis Flores s’engage dans la pratique artistique d’une manière absolument autodidacte, sensitive, en dehors du circuit académique de l’Instituto Superior De Arte de la Havane. Ce qui lui donne une liberté intuitive sans le poids de l’histoire. « J’ai eu une enfance très imaginative. Je vivais avec ma Grand-mère. Très jeune, j’ai été dans plusieurs cercles de discussion qu’organisait ma mère, pour m’avoir près d’elle. Elle me donnait ainsi, d’une certaine façon, une chaleur esthétique alors que ma grand-mère me donnait un amour maternel. (…) J’ai bénéficié d’une formation à l’époque dorée des années 80, où rien ne manquait à Cuba. Les tankers venaient d’URSS et nous n´avions aucun problème. Les gens allaient au marché d’état avec leur livret de rationnement pour la nourriture comme pour les habits. Tout le monde avait un niveau de vie assez identique, stable. Il n’y avait pas de classe sociale basse ou haute. Tout le monde était, pour ainsi dire, au même niveau, ce qui maintenait une certaine normalité. Ainsi fut l’époque de ma formation et de mon éducation. (…) » Il sera marqué par un ouvrage singulier. Le livre “Del pop al post” de Gerardo Mosquera, initiation personnelle à l’art contemporain qu’il dévorera comme une bible. Dans un pays à l’information extérieure est réduite, cet ouvrage fut une boite à outils inespérée. « L’art a été une pratique d’évolution
personnelle, où j’ai commencé à faire ressortir
pour moi à partir des années 1989-1990,
représente à la fois le symbole chimique du
des choses que je ressentais: mes peurs,
quand j’ai découvert ce qu’était la crise, la
fer (Fe) qui compose la pièce ainsi que « Fe »
les choses que je ne comprenais pas. Ce
guerre. J’ai commencé à utiliser des armes en
signifiant « Foi », tournée vers les Etats-Unis,
de façon très intuitive, parce que je n’avais
plastique, peindre une bicyclette en couleur
appuyant sur la forte charge sémantique du
pas de formation académique ni même de
de camouflage,… Jusqu’à arriver aux rouleaux
lieu, point de rencontre pour les citadins ainsi
connaissances de ce que pouvait être une
de papier toilettes où commença l’histoire
que symbole de rêves et de départs.
performance, même si j’avais déjà lu le livre de
de la surveillance (Visionario, Performance,
Adonis nous laisse expérimenter auprès de lui
Gerardo Mosquera. Il n’y avait pas d’images,
2003, La Havane). Cette idée du camouflage
ses cauchemars, ses illusions et ses désirs qui
seulement des mots. A ce moment là il n’y
et l’ironie qui l’accompagnait a commencé
transgressent les frontières d’un monde visible,
avait pas encore Internet, j’étais aveugle et je
à se solidifier et prendre sa forme définitive
éclairé par les désirs usés d’une révolution qui
cherchais des livres avec des images. »
(Oratoria (photographie, 2007), Oidor
éclaire un monde contemporain en marche
(L’Ecouteur) (Performance, 2006, Nottingham,
forcée.
Adonis Flores se nourrit du chaos du monde et
Angleterre), Honras fúnebres (Derniers
de ses résonances. Cette initiation didactique
honneurs) (Performance, 2004). »
lui donne une entière liberté pour s’exprimer.
BIOGRAPHIE Adonis Flores (Sancti Spiritus, Cuba, 1971).
Reformé de l’armée, architecte et autodidacte,
Son travail et ses performances vont lui
Travaille et vit actuellement à la Havane. Il
il va faire évoluer une pratique personnelle
permettre d’atteindre l’universalisme, de
a exposé ses œuvres dans de nombreuses
vers ses inquiétudes personnelles profondes.
placer l’homme originel au centre de son
institutions sur la scène nationale et
œuvre et de développer un corpus artistique
internationale, que ce soit dans le cadre
« Le déclic se produisit lorsque je vis les tours
extrêmement cohérent et vital pour lui-même
d’expositions de groupe ou solo. A pris
jumelles s’écrouler en 2001, ce fut un moment
en étant l’acteur central de ses performances,
part à des foires internationales telles
très fort pour moi. Cela m’impressionna
artiste-clone sous un camouflage anonyme.
que Show off (Paris-2007), Arco (Madrid), Art
tellement, j´avais du mal à y croire. A cette
El Arte de la primavera (L’art du printemps,
Forum (Allemagne). Ses œuvres ont été
époque, j´avais commence à travailler sur
2004, La Havane), performance où l’artiste
acquises par diverses collections publiques
quelques œuvres en lien indirect avec
reprend sa tenue camouflage de combat,
et privées incluant celles de Howard Farber
l’Angola. Mais à partir de ce moment précis, le
souvenir de son temps en Angola, et sur
des États-Unis, Laurent Farcy-Briant de
camouflage militaire est devenu évident et j’ai
laquelle il peint des marguerites avant
Londres, Anette Bollag-Rothschild de Zurich,
commencé à l’utiliser dans des performances
de déambuler dans la ville. Les gens lui
la Fondation Gilbert Brownstone à Paris, Arte
et à les documenter. »
demanderont tour à tour, s’il s’agit d’un
de Nuestra América, Casa de Las Américas à La
uniforme de jardinier ou un uniforme de soldat
Havane et aussi la FRAC île de France.
Commence alors la série Camouflage inspirée
gay, pendant que lui marche dans la ville,
de son expérience comme soldat en Angola
mélangeant le son de la vie au son de la nature
durant son service militaire avec différentes
africaine qui sonne dans ses pas... Personne
performances et séries photographiques
n’est demeuré indifférent à la tenue militaire
qui placent le travail d’Adonis Flores dans
ainsi augmentée, dans ce pays où l’uniforme
une perspective plus globale de la Guerre,
reste un référent quotidien de l’iconographie
de la Paix, de l’idéal et de la survie. A travers
révolutionnaire cubaine.
ses propres peurs et émotions, au centre d’un monde figé en train de muter en une
Fe (Biennale de La Havane 2012), œuvre
multitude d’enjeux. La cacophonie du monde.
installée sur le Malecón havanais, faisant face à cet horizon qui cache dans son infime dessin
« Les nécessités extrêmes ont commencé
71
des premiers keys de Floride. La pièce de Flores
OĂdor / Auditeur, 2006 Performance, Sidexhow, Nottingham , Angleterre
72
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74
This page : Oratoria / Oratoire, 2007 photographie 67,5 X 90 Opposite page : Lenguaje / Langage, 2005 photographie 90 X 67,5
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This page : Honras fúnebres / Honneurs funèbres, 2007 3’’/photographie, 52 X 80 cm Opposite page : El arte de la primavera / L’art du printemps, 2004, photo performance, Cuba video, dvd ntsc, 1:03 minutes Havane 2006
77
PORTFOLIO
BILLIE ZANGEWA
EMOTIONS TO THE TIP OF NEEDLE
By Carole Diop All images courtesy of Billie Zangewa
We met Billie Zangewa at the end of May 2013, while she was in Dakar for a talk she gave at Raw Material Company, in relation with « HOLLANDAISE: A Journey into an Iconic Fabric », a group show in witch she was featured. More than a visual artist, we discovered a strong but also extremely sensitive person. Her speech was very engaging emotionally, sheZangewa shared with us her All images courtes as of Billie own experience. It made us want to learn more about the artist and the woman...
Auteur : Carole Diop
AFRIKADAA - Can you please introduce
choose this medium?
the final silk cut-outs.
yourself shortly ?
B.Z - Evolution. I didn’t deliberately set out
A - Has your practice changed over time ?
Billie Zangewa - I am a visual artist working
to do what I’m doing. Certain interests and
B.Z - I have definitely become much more
primarily with silk. I was born in Malawi and
circumstances came together and over a few
skilled with the scissors and the needle. Also,
am half Malawian half South African. I live and
years led me to textiles. Silk in particular.
I am more obsessed with detail than I used to
work in Johannesburg.
A- How do you start a piece ? What is your
be.
A- When did you realise that you’d be an
work method ?
A - In your work you portray yourself in
artist ?
B.Z - I start with a feeling and this develops into
different situations and places …
B.Z - I was about 10 years old when I saw a
something visual representing or narrating that
B.Z - In the last few years it has become that
drawing by a friend, and it moved me so much
feeling. I then do some photographic research
way because I have been introspective, looking
I knew this what what I had to do with my life.
and do the working drawing from these
profoundly at myself. Also as women’s issues, in
A - You work with textiles, why did you
photos. The drawing acts as my template for
a socio-political context, become pertinent to
78
Born in 1973 in Blantyre, Malawi, brought up in
engage in discourse around femininity.
A - Would you describe yourself as a feminist ?
A - Which of your artwork pieces is your
B.Z - Not especially. I have certain views on
very young age. She studied drawing and printmaking
favourite?
femininity and being a woman today, but I
at Rhodes University, Grahamstown, South Africa, then
B.Z - That’s like asking which of my children
don’t consider myself a feminist. I believe that
returned to Botswana where she ventured in painting. Oil
I prefer. Each piece is a different experience.
there is still work to be done for the rights of
Each piece is special.
women and my wish for every one of us is to
A - You where part of the « Love and Africa »
truly love ourselves and act from that place.
me, I am using the self as a real-life symbol to
Botswana, Billie Zangewa took interest in fashion from a
pastels then gave form to the glamorous feminine figures haunting the young artist’s mind. When she settled in Johannesburg in 1997, a brief foray in the fashion world did not distract her passion for visual arts. Encouraged
group show that took place in Houston in
A - Did you ever feel like giving up ?
by a friend to explore textile rather than pigment, Billie
2012. How important are love and emotions
B.Z – Don’t we all dream of having nothing
created a small series of embroidered silk handbags. She
in your work?
to do every once in a while? Yes, I’ve thought
gained recognition from the art world when she won
B.Z - Extremely important. There was a time
about giving up, and then I have this GREAT
the Gerard Sekoto Award in 2004. It is while preparing
time when my work was all about romantic
idea and have to act on it!
love gone wrong. Now it’s about a different kind of love; love of self, for what I do, my surroundings etc.
A - According to Paul Ekman ther are six basics emotions: anger, disgust, fear, happiness, sadness and surprise. Can you
the exhibition linked to this prize that Billie felt the need to transpose her silk work on a two-dimensional surface. Today Billie Zangewa has gained international renown for her tapestries, although she favours the term “appliqués”. Her pieces are generally preceded with
tell us …
preparatory work consisting in a pre-arrangement of
had to your work ?
What makes you angry ?
forms with pencil drawings and watercolours. The fabric
B.Z - I have had countless, because each
B.Z - Injustice and violation of human rights.
is then cut, assembled and sewn in a manner that leaves
positive response stays with me and gives
What disgusts you ?
appearing threads and stitches as if to highlight the
me courage. Positive words build love in the
Irresponsible wealth. I believe that when you
person that is speaking them and the person
reach a certain status, you should participate in
to whom they are directed. …However, I
the upliftment of society as a whole.
A - What memorable responses have you
handmade aspect of her work and translate its relative immediacy. At a time where contemporary African art practices have adopted digital culture, with its lot of multiple images broadcasted at an ever faster pace, the
must say that when artists William Kentridge
What are you afraid of ?
work of Billie Zangewa is a necessary reminder of the
and Sam Nhlengethwa came to one of my
The unknown. I have some control issues.
slow maturing of forms, and the skillfulness of a hand
openings and bought some work, it was
What makes you happy ?
applying, one by one, at human speed, patches of silky
thrilling.
My son. He’s just beautiful.
fabrics selected from across the world.
A - Could you tell us about your life as a
What makes you sad ?
woman and an artist in South-Africa where
Wars and other types of violence.
you live and work ?
When have you been surprised for the last
B.Z – It’s not easy being a woman in South
time ?
Africa. You feel vulnerable because the threat
When I gave birth to my son last year and
hangs in the air and is apparent in how men
held him for the first time. It was so profound.
relate to you. They have a lot to learn about
I never thought that my heart could expand
how to treat a woman. Of course there are
with so much love.
exceptions, not all men display misogynist
A - If you were an emotion you’d be …
behaviour. I am optimistic that this can change
B.Z - Caprice. I am very emotional and sensitive
with focused awareness and by guiding young
to what’s going on around me, so can have
boys so they grow up to be informed men. As
many emotions at once.
for being an artist, it’s great. There so many opportunities and support for us in our own country.
79 The rebirth of the black venus, silk tapestry, 127x103cm, 2010
My family circle, silk tapestry, 104x104cm, 2007
Christmas at the ritz, silk tapestry, 120x111cm, 2006
80
The sun worshipper, silk tapestry, 137x102cm, 2009
81
PORTFOLIO
EMOTIONAL INVESTMENT
By Anne Gregory All images courtesy of Beverly McIver
Beverly McIver, widely acknowledged as an outstanding American painter, is even more remarkable for her singular path as an African American woman artist. Her expressionist portraits take a hard look at race, gender, socioeconomic disparity, and mental disabilities within the context of her own life. Most of her paintings are self-portraits, others portray family or friends – all are painted with a ferocious emotional honesty delivered with frenetic brushwork loaded with color. Born in 1962, McIver grew up in the south
was her ticket out of the constraints of her
of overwhelming vulnerability.”1 The
during the civil rights era. The youngest
life’s circumstances.
series evolved and the white faces were replaced with black. McIver confronts
of three girls, she was raised by a single mother, who was a domestic worker. McIver
This seminal experience became the
racial stereotypes by becoming them
was bussed to a predominately white high
subject of her first self-portraits. These early
in the paintings Barbershop and Singing
school. She was painfully aware of her social
works show her in white face paint, a blond
Off Key. “In these paintings, we see an
status – poor, black, from the projects. Then
wig, and blue eye shadow. They would be
she joined the clown club and performed in
humorous if they weren’t so heartbreaking.
white face and white gloves. Ironically, this
Painting them was McIver’s
guise gave her a new identity. Clowning
“way of expressing strength in the face
82
Curry-Evans, Kim. (2011). To Move Toward Love, Reflections: Portraits of Beverly McIver, North Carolina Museum of Art catalog. 1
Beverly’s life has filled her canvases as she sorted through conflicting identities and emotional states African American woman tackle the
potholders galore and is an avid facebook
made over a period of six years, chronicles
images of race and slavery in order
user). Their mother took care of Renee until
the family’s transition from McIver’s artistic
to claim the pain of her past while
her death in 2004. At that time, McIver
success, through the death of their mother,
rejecting them as controlling her.”
became her sister’s keeper. Her paintings
to the challenge of taking care of Renee.
about this difficult period deal with the
The film is nominated for a Emmy Award.
2
At a painting demonstration in her
grief she felt over losing her mother as well
Durham, NC gallery, Craven Allen, someone
as being overwhelmed by the challenges
An exhibit of McIver’s recent work, New
asked McIver why she uses oil. “Because
of caring for her sister. The resulting
York Stories, runs October 12 - December
it’s superior”, she chuckled. She mixes her
Depression Series is a group of large scale
28 at Craven Allen Gallery in Durham, NC.
colors from a primary palette – two reds,
self-portraits weighed down by a sense of
two yellows, two blues and white. First
defeat and utter despair.
she paints an outline of the image with cadmium red light, her favorite color. Then
In Truly Grateful, with head bowed
her brush dances inside the lines, touching
and eyes closed, McIver acknowledges the
down all over the palette, and mixing colors
journey that brought her to a good place --
directly on the canvas. The result is earthy
the present. Her life has filled her canvases
tones frosted here and there with splashes
as she sorted through conflicting identities
of contrasting color.
and emotional states. The white face/black face days are history, so, too, the depression
McIver’s oldest sister Renee is an integral
(fingers crossed). The content of her work
part of her life and work. Renee, who is
has been one cathartic tide of candid
mentally disabled, is a gentle soul with
introspection after another. Now her focus
the mentality of a third grader (she makes
is outward, and if she applies the same intense scrutiny to others, she is sure to
2 Henrich, Sarah S. (2011). Race and Slavery in the Visual Arts, Word & World Vol.31.
83
paint emotionally lush portraits that reveal an inner sanctum. A documentary called “Raising Renee”,
Credits: Page 82 : Beverly McIver © Beverly McIver Page 83 : Feeling Sharon’s Pain 1,2,3,4 2013 Oil on Canvas 30 x 140 inches 76.2 x 355.6.6 cm Courtesy of the artist and Betty Cuningham Gallery, New York © Beverly McIver. Page 85 : Bill T. Jones, 2013 Oil on Canvas 48 x 48 inches 121.92 x 121.92 cm Courtesy of the artist and Betty Cuningham Gallery, New York © Beverly McIver. Page 84 : Embrace, oil on canvas. Courtesy Betty Cunhingham Gallery, New York © Beverly McIver Page 86 Depression Series #3, 2010 Oil on canvas 30 x 40 inches 76.2 x 101.6 cm Courtesy of the artist and Betty Cuningham Gallery, New York © Beverly McIver. Page 87 : Depression Series #1, 2010 Oil on canvas 30 x 40 inches 76.2 x 101.6 cm Courtesy of the artist and Betty Cuningham Gallery, New York © Beverly McIver.
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PORTFOLIO
CHRISS AGHANA NWOBU By djanaba Kane All images courtesy of Chriss Aghana Nwobu
An open heart dialogue
Chriss Aghana Nwobu is a Nigerian documentary, art and conceptual photographer born on February 18th 1971. He is a founding member of the Invisible Borders Trans-African Photography Project and was exhibited in museums and galleries accross Europe, United States and Africa. We discover his work through a series of photographs named “MASKED BURDEN” showing expressive women’s faces as the former actors of Commedia dell’arte. AFRIKADAA - Please give us a brief bio:
of the things happening around me from
gave me a better representation of modern
where are you from and how did you start in
my point of view, without doubt I knew the
history than any other art medium. The
photography ?
best way to realize that was through still
strong impact of visuals especially in a form
photography or film. So I decided to teach
that is as realistic to life as photography
I was born in 1971 in the Igbo tribe. My
myself photography.
made it a natural choice of expression for
parents are from Eastern Nigeria but I work
Professionally, I have been making photos
me. If the old saying that one photographic
and live in Lagos, Nigeria.
for six years.
image equals a thousand words is correct,
My journey into photography started
Exposure to works of other photographers
why do I need to waste my time writing
thirteen years ago when I decided to bridge
and chatting with them further helped me
a thousand words when I can make a
the gap between photographers and their
in developing a basic understanding of the
thousand photos that will equal a million
consumers.
medium and how it can be deployed.
words? Though as time evolves, everything
I felt the need to start something that
else including my art evolves also. Today I
would serve as an interface and take
Why did you choose this medium ? Before
work more as an experimental artist using
the burden off photographers by trying
photography, did you try others forms of art
the camera as one of my mediums of
to market their works to consumers
?
expression.
themselves. That was how the agency
No, I did not try any other art medium, I
IKOLLO was born and gradually it grew
Coming from Africa, the traditional
started with photography and it began
into a media content production company.
form of photography commonly seen is
to evolve. Though, I love other art forms
In the course of all these developments,
documentary, until the advent of what
especially traditional African sculptural
there was this hunger in me to tell stories
today we call “conceptual”. Photography
pieces, music, dance and painting.
88
parts to it, mirroring life in different ways Where do you get your inspiration ?
- beauty of childhood and wisdom of
I am inspired by the things around me,
the aged, the carefreeness of youth and
changes in my immediate environment
concerns of the old, it goes on and on.
and the larger world. I am driven by the suffering of my people in the midst of plenty, the internal and external exploitation and misrepresentations of
Could you tell us more about the “masked burden” series ? What was your inspiration ? What was the public’s reaction ? The idea of Masked Burden as a project
full of injustice at all levels regardless of
came from researching for another project
race, cultures or beliefs. But I find peace and
on sexual abuses against women. As I spoke
hope in those beautiful voiceless faces that
to different women, I realized many carried
seek justice through my art.
this burden masked behind beautiful faces, wealth or exalted positions. It provoked repeated questions in me and in trying to
I love and respect every work of art; there is
find answers to these questions I realized
always a message there for someone.
I also live with a masked burden. This
If they are not good enough the creators
prompted my making a self- portrait as part
would not have created them. Putting that
of the series showing that I am also bearing
into context, I will say that all dishes would
a burden that is masked just like everyone
never taste right in the mouth of everyone. I
else. No matter who we are, we all bear one
have been pointed in the direction of some
burden or the other and no society if free of
great artists, I am sometimes told I work
burdens.
like them or that there are similarities in my art and theirs. Some of these artists I never heard about. My art is driven by my mood, the understanding of the things around me, my interactions with the people I meet, issues of my environment that need to be addressed. Which of your artwork pieces is your favorite? Why ? This is a tough question … my art is a part of me so talking about a favorite is like asking a mother which of her children she likes the most. Rather, there are some images that are so strong they are always present in your visual subconscious. One of such image is the one I call “Sides of the Coin”. This single photo image has different
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and by art in general ? Art is life and life is art, so generally
Africa. I am driven by the pains of a world
Is there an artist you relate to ?
Are Nigerian people interested by your work
Nigerians appreciate art but I think that the imported religions like Christianity and Islam do not help African art. Especially the new Pentecostal movement which has established a strong presence in Nigeria has dealt a great blow to traditional African art, mainly the sculptural pieces that documented our history as a people. The Pentecostal church racketeers have in so many ways demonized anything and everything in this form of art by instilling fears in their members and making them believe that these pieces are mediums for idol worshiping and as such should not be touched since they are evil. Talking about Nigerians appreciating my art, those who are open minded and do not run away from the truth of who they are appreciate my works, while others say my works are strong
“Emotions and art are like the body and the soul, neither can live without the other.”
and very edgy.
What memorable responses have you had
photos won the “Best Storytelling” category
during your career ?
at the Intimate Lens Film Festival in Italy
Have your artwork ever been awarded in Nigeria? I have never won any award in Nigeria as an artist but I have internationally. In 2012 my
and just recently, I have been nominated I must say that I have been very lucky,
for the prestigious Prix Pitect Award 2013 in
firstly with sincere commentary from
Switzerland.
some friends who are also in the business of art and above all lots of heart warming appreciation from people of diverse
To promote art, you are involved into 2 projects: Ikollo gallery and Invisible borders. Have you reached your objectives ?
cultural backgrounds. These critiques and comments have greatly challenged
Like I mentioned from the beginning,
and helped in shaping the way my art is
IKOLLO as an agency gave birth to the
delivered.
gallery and to every other thing we do
today. It is the platform that started it all and so far it has been progressive with is initial objectives. Invisible Borders started out as an idea to travel around Africa by ten Nigerian artists, mainly photographers, to document and tell the African story from an African perspective. Like every new idea it encountered its own challenges but those challenges have built it into an enviable art platform from the African continent. Today what started out as a journey by ten Nigerian artists now has participations from different artists around the African continent and has been celebrated by world media and different art and cultural institutions around the globe. I will simply say I am very glad and honored to be one of the pioneers of this project that has no doubt added its voice to telling the Africa story. What is the major purpose of your work ? My art is me and I am my art. As a person, I hate injustice of any kind and at any level. So I see my art as a weapon to help fight social inequalities, injustice and oppressions of any kind, gender or racial discriminations. I consider my art as one of the voice of these silent majority around the world and to celebrate the beauties of humanity. What do you think about the link between emotions and art ? Emotions and art are like the body and the soul, neither can live without the other. So I like to say “a beautiful piece of art is that which consumes you as you try to consume it”. While creating, do you think first to the
90
aesthetic or emotional aspect ?
on these projects as time permits.
As humans we are emotional beings, so I
Lastly, any words of advice for aspiring artists ?
cannot divorce myself from it. My emotions are the first signature my art bears of me, so the emotional aspect is that life that is breathed into the work by the artist. As fixer for international TV and newspaper networks, do you take advantage of this
The first question I often ask every young artist I meet is “who or where do you want to be? Do you want to be among the billions that will pass through life and soon
position to promote your work ?
be forgotten or do you want to be among
No, because my contracts with my clients
the few men and women whose names
are different arrangements from my art.
are permanently engraved in history? The
Though there have been cases especially
answer to this question is the beginning
with the television, where they use my
of the discovery and realization of oneself.
photos for the publicity of a project in
When married with determination, this self
newspapers, but not to promote my art but
realization helps you make the decision
because they have a need for images with a
never to give up on anything and seeing
strong visual narrative.
everything as a challenge that should be
What are your upcoming projects ? Right now I have a number of projects that are ongoing like what I call “Style Remake”, “The Lost Virgin”, “No Hurry in Life” and “Our Blood”. Some of my projects are long term projects while others are not, so I work
overcomed. For more information about his work, please visit these websites: http://invisible-borders.com/fr/2012/03/ chriss-aghana-nwobu/ www.ikollo.com
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FOCUS
SENTIMENTAL
JOËL ANDRIANOMEARISOA
C’est bien le crépuscule qui n’en finit pas dans
Les feuilles blanches de papier froissé, en
En cultivant
ces pays d’hiver et qui s’écroule comme un
foisonnement de tissus noir assemblés par des
cette ambiguïté,
rideau de scène à l’été d’autres horizons.
mains habiles s’appliquent à saisir le temps, le
Andrianomearisoa nous donne
temps du temps, la nature du temps.
à voir la construction collective
Celui de l’amour.
d’une architecture sentimentale
Ou c’est l’aurore pour lui, celui qui fabrique les
obsessionnelle, sensuelle et parfois
images de corps sans diablerie autre que celle du désir de vivre. Joël. Avec le souci du précipice,
Jean Loup Pivin
du danger de ne pas sombrer. Le noir, la nuit, le sombre, le désespoir ne sont là que pour
SENTIMENTAL, est une exploration
affirmer plus encore la nécessité vitale.
sensorielle, en interaction avec chacun, une expérimentation. Un laboratoire en
Pourquoi la nature est si présente dans ces
constante évolution avec des éléments
pages noires d’une ville sans pays, qui disputent
en mouvance et des rendez-vous.
leur raison d’être à celles bariolées d’un désir
Un monde, propre à l’artiste, emprunt
champêtre? La nature est ainsi, les saisons,
d’une dualité où douceur et caresse
les pluies, les fleurs, les corps, les amitiés, les
se confrontent parfois avec froideur et
amours, la redoutée solitude qui ressemble
fragilité.
tant à … je ne sais plus quand les larmes se
Il est question de sentiment, de désir et
trompent d’objet.
de corps même ! ‘ L’amour n’est rien sans sentiment. Et
Ces arbres géants multipliés aux cieux, que
le sentiment est encore moins sans
l’on croyait issus directement de la mythologie
amour. ’
ancestrale, millénaire, s’écroulent net, en
Laurence Sterne ( 1768 -1769 ) / Un
gisants entiers englués dans la terre.
voyage sentimental.
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sombre. Sur cette page : Leon Andrianomearisoa photographie Antananarivo 1977 Courtesy : Collection privée Page de droite : MEMORY BOX Mix média – textile, bois 2007 Courtesy : Revue Noire credit photo : JA
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Sur cette page : En l’attente de l’aube qui nous surprendra aux rives du sommeil Installation mix media – papier, clous Dimensions variables 2011 Courtesy : collection privée Credit photo : JA Page de droite : Négociations sentimentales Installation mix media – bois, miroirs de poche Dimensions : environ 5mX2,5m 2012 Courtesy : Revue Noire Credit photo : Patrice Sour
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I L OV E YO U N O I R L OV E LETTER FOR YOU Mix média – collage papier sur canvas 2012 Courtesy : Collection privée Credit photo : Patrice Sour
BAISER NOIR Mix média – collage papier sur canvas 2012 Courtesy : Collection privée Credit photo : Patrice Sour
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Timur & Mustafa Photographie Istanbul 2012 Courtesy : Revue Noire Credit photo : JA
Ngwama Photographie Kinshasa 2012 Courtesy : Revue Noire
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Le labyrinthe des passions Installation mix media – papier Dimensions variables 2013 Courtesy : Revue Noire Credit photo : JA Le labyrinthe des passions ( détail ) Installation mix media – papier Dimensions variables 2013 Courtesy : Revue Noire Credit photo : JA
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SENTIMENTAL JOEL ANDRIANOMEARISOA Maison Revue Noire 28 septembre – 31 décembre 2013 mercredi au samedi 13h – 19h redaction@revuenoire.com www.revuenoire.com L’exposition s’inscrit en parallèle à la sortie du livre monographique SENTIMENTAL (éditions Revue Noire ) déjà disponible dans les librairies d’art.
101
ARCHITECTURE
LE MEMORIAL DE LA HONTE ? Par Carole Diop
« Ce n’est pas par leur architecture mais
d’offre n’eût été lancé) du projet dont
qu’en 2013, le Président du Sénégal puisse
plutôt par la puissance de leur pensée
l’inauguration est prévue en 2014, en marge
encore, « donner son feu vert à un projet
abstraite que les nations devraient essayer
du 15e Sommet de la Francophonie devant
que lui seul avait vu ».
de se perpétuer dans la mémoire des
se tenir à Dakar.
hommes. »
Dans son article le journaliste Ibrahima
Le commissaire général du projet, Amadou
Henry David Thoreau (écrivain et philosophe
Diallo évoque le tollé soulevé par le choix de
Lamine Sall (nommé par le président Abdou
américain, il fût un abolitionniste forcené)
la jeune architecte tchèque.
Diouf à l’époque), déclarait en janvier dans une interview : « Le Mémorial de Gorée
Le 23 avril 2013, le journal sénégalais « Sud
En découvrant la genèse de « l’affaire » et
n’est pas un projet politique. C’est, au
Quotidien » publiait un article circonstancié
ses derniers rebondissements, je ne peux
contraire, un projet culturel rêvé et voulu
sur le projet du mémorial Gorée-Almadie,
m’empêcher d’éprouver honte, indignation
par les intellectuels du monde noir ». Eh
un équipement culturel d’envergure visant
et frustration, sentiments partagés par la
bien oublions la politique et penchons
à transmettre aux générations futures
majorité des architectes sénégalais. L’un
nous sur la conception de ce «joyau». Pensé
une mémoire, celle de l’esclavage. Un
d’entre eux, Jean-Charles Tall, s’est d’ailleurs
sous la forme d’un bateau dont la proue
mois après la publication d’un article très
fendu d’une lettre ouverte au président
est tournée vers l’atlantique, en référence
flatteur dans les colonnes du quotidien « Le
Macky Sall sur la question. Dans son courrier
aux négriers, l’édifice s’apparente plus à
Soleil », décrivant la rencontre à Prague
il dénonce la pratique de « la diplomatie de
une sculpture qu’à un projet d’architecture.
avec Alena Mocová, architecte de l’agence
la maquette sous le bras » qui était monnaie
L’architecte a exploité la symbolique liée à
Helika, « lauréate » (bien qu’aucun appel
courante sous l’ancien régime et s’étonne
l’esclavage mais sans la moindre subtilité,
102
comme en témoignent les murs décorés par
l’UNESCO.
des reliefs de têtes et de pieds en souvenir
15 ans après, coup de théâtre, le projet de
de la disposition des esclaves dans les
Alena Mocovà est présenté au détriment
soutes des bateaux, le summum du mauvais
du celui de Di Blasi, avec le soutien de
goût. Elle aurait pu par exemple, s’inspirer
monsieur Sall et financé par El Hadji Omar
du mémorial de l’abolition de l’esclavage
Bach, président de ‘Suisse invest - Private
de Nantes qui même si il a lui aussi fait
Capital Group’, se dit prêt à financer l’édifice
l’objet de vives critiques, a le mérite d’être
à hauteur de 13 millions d’euros - soit
parfaitement adapté à son environnement.
près de 9 milliards de Frs Cfa. Une somme faramineuse, presque le double de ce qu’a
L’idée de construire un mémorial de Gorée
couté le mémorial de Nantes.
ne date pas d’hier, le projet naît dans les années 80, sous la présidence de Abdou
Aujourd’hui, le site de 2,5 hectares devant
Diouf. Il est relancé en 98 avec l’appui de
accueillir le projet, situé sur la corniche
l’UNESCO qui organise cette année là un
Ouest et offrant un panorama exceptionnel
concours international d’architecture en
sur l’océan atlantique, est toujours vierge et
collaboration avec l’union internationale des
plusieurs questions restent en suspend :
architectes (UIA). A l’issu du concours (dont
Comment justifier que la réalisation d’un
l’organisation avait fait l’objet de critiques
projet aussi important soit susceptible d’être
de la part de certains architectes sénégalais)
confiée à un investisseur privé, sans respect
c’est le projet de l’architecte italien Ottavio
pour les lois en vigueur et l’éthique ?
Di Blasi (supposé être livré en 2006) qui
Quid du projet de Di Blasi ?
a été primé parmi les 290 sélectionnés.
La construction d’un mémorial à Dakar
Seul trace de ce projet, sa réplique de 16
est elle justifiée quand les équipements
mètres de haut (on est loin des 135 mètres
culturels qui existent (aussi bien à Dakar
du projet d’origine) construite à Gorée sur
qu’à Gorée) rencontrent des difficultés
les hauteurs de Castel . L’édifice dédié à
faute de moyens ?
l’Afrique et à sa Diaspora est parrainé par
A quoi ont servi les fonds alloués chaque
1
1
Surplombant l’île sur sa pointe
sud, le Castel constituait une position stratégique et offre aujourd’hui un large panorama sur le continent. Face à l’ouest le Fort Saint-Michel y fut construit par les Français en 1892. En 1907 on y installa un télémètre permettant de mesurer l’éloignement des navires afin de régler les canons. De l’autre côté un canon d’une portée de 14 km permit à la France de Vichy de couler un bateau anglais le 23 septembre 1940. Saboté par les Français au moment de l’indépendance, il n’avait jamais resservi.
103
année à la coordination du projet qui dépend aujourd’hui du ministère de la culture ? Ce projet phare qui suscitait l’engouement de la communauté internationale et dont la symbolique et les enjeux dépassent les frontières du continent africain est en train de devenir le symbole de l’absence d’éthique et du mépris des règles de bonne gouvernance. Doit-on le rebaptiser Mémorial de la HONTE ?
A gauche : Photo prise sur le site du futur mémorial, ©Erick hahounou De haut en bas : - Vue en perspective du projet de Alena Mocová - Vue en perspective du projet de Otavio Di Blasi
« Le Mémorial de Gorée n’est pas un projet politique. C’est, au contraire, un projet culturel rêvé et voulu par les intellectuels du monde noir. »
DESIGN
IFEANYI OGANWU SHAPING MATTER By Olivia Anan Photos : Gilles Pernet
Born in Nigeria, Ifeanyi Oganwu was trained as an architect at top schools in Chicago, London and New York. His unique approach to experimenting with materials has garnered attention at renowned international design shows such as Design Miami and Milan Design Week. For this issue, the young designer who once caught the eye of John Ronan and Zaha Hadid sat with us to talk a bit about his ongoing and future projects. 104
How did you come to architecture and
Paris, London or Miami?
then to design?
the work speaks for itself with the utmost conceptual clarity.
I grew up in my father’s architecture and
I’m yet to exhibit in London but that’s about
urban planning practice, so you could
to change with the forthcoming PAD London
How important for you is the commercial
say I came into architecture from a very
art and design fair taking place in October
part of design? Right now, your work is only
young age. My interest for design came
at Berkeley Square. My Dutch gallery Privee-
available in very limited editions, so will you
from my training in architecture, which
kollektie, who already introduced the Bulgy
consider mass production in the future?
placed a huge emphasis on interdisciplinary
mirror/console at Design Miami/Basel, will
approaches to viewing, discussing and con-
I’m very open to creating work for mass
ceiving the facets of our built environment.
production and look forward to the opporbe able to present it with a new audience;
Tell us a little more about your recent
the work will also travel again to Miami in
projects. When I met you in Paris for the
December.
tunity to do so with the right partners. Africa and Design : Do you think the con-
Designer’s Days, several of your designs,
tinent is ready for design as an industry?
among which the Contoured Crater desk
How do you think we could adapt the
and side table, the Ren table and the Tootsie
international design model to fit African
rug were exhibited at the Galerie Armel
populations’ consumption behavior, and to
Soyer. What’s the story behind each of these
give the continent’s designers an opportu-
pieces?
nity to reach the local market?
My first solo show entitled, “Look Mum,
Design has a role to play at many levels of
No Hands” held at Galerie Armel Soyer was a
the continent’s development; I believe that
great opportunity to present the ideas and
South Africa is making the push in the right
concepts driving my practice. The works
direction with Indaba and other initiatives.
selected for the show investigated the relationship between materiality and topol-
Do you follow the work of fellow designers
ogy; craft and engineering; architecture
from Africa and the diaspora? Who / whose
and design. With the works in marble – Ren
work inspires you?
table and Tootsie rug, I explored adaptability, lightness and transformability, themes
While showing work with Perimeter over the
not usually associated with the heaviness
last year plus, I had the privilege and delight
of marble. Ren is a dynamic form extracted from a single block of marble, whereas Tootsie consists of a constellation of marble
to be shown with David Adjaye and Cheick Bulgy © Ifeanyi Oganwu Priveekollektie Miami Basel 2013 Photo: Ian Scigliuzzi
tiles that are combined into a rug. Lastly,
Diallo. In April I did a show with AAF gallery Lagos entitled Designing Africa: Appropriating Culture, Mediums and Meanings, the
with the Contoured Crater desk, fifty plates
What is your personal approach to design?
exhibition brought together an exciting
of birch plywood were stacked in a gravity
And if you should name 3 rules when work-
range of young practitioners from both art
defying manner, as if stretched between
ing on a project, what would they be ?
and design, further probing their blurred
the brushed steel writing surface and the
boundaries.
mirror-polished base of steel which anchors
I don’t really have a formula but I tend to
the work and reflects the ascent.
approach most projects by reducing the
And without considerations of national-
design challenge to its essence, that way
ity, period or background, which designer
105
/architect would you say has had a major
think are doing great? Any advice for aspir-
influence on your work? Would you identify
ing young architects and designers?
yourself as part of a specific architectural/ design movement?
As an architect, what would your own dream home be like?
For the design of outdoor displays for LagosPhoto Festival 2013 taking place in
A dream home would be a large and simple
My past experience working with John
late October, I served as a facilitator at a
space with great views, lots of wonderful
Ronan Architects, Zaha Hadid Architects,
summer workshop organized by the African
furnishings and beautiful art on the walls. I
AKT II Structural Engineers, and collaborat-
Artists’ Foundation, where I acted as a crea-
love the thought of being surrounded with
ing with fashion designer Hussein Chalayan,
tive mentor for architecture students from
inspiring works that can both challenge and
have been influential to my development.
the University of Lagos and design students
enlighten.
I wouldn’t say that I’m part of a specific
from Yaba College of Technology. Together
movement but my work is aligned with
with the Lagos State Government, the AAF
digital design and fabrication.
have initiated a special program – Capac-
Tell us a little about your future projects…
ity Development Integration, with the aim
Currently working on an expansive col-
Let’s be a bit critical about Africa : What are
of offering students a way to work experi-
lection entitled Dirty Dozen, where I’m
the continent’s biggest architectural woes
mentally outside both institutional and
exploring relationships between affective
and wins, in your opinion? Which project
commercial settings. The program is at early
qualities of cinematic space and design.
would you give a prize to and which one
stages so I look forward to its maturity.
Varying in complexity and materiality, the
deserves a shame award?
collection will be a conclusion of sorts on You like experimenting with materials:
the areas of research that have run through
Coming from Nigeria I can only speak of
wood, marble, industrial materials… What
most of the projects thus far.
my firsthand experience because I haven’t
materials inspire you for African design
travelled extensively on the continent. The
today and tomorrow? For the world?
Your dream ?
planning and the implementation of zoning
For the workshop we looked at wood,
It would be great to work on a tower or
laws. I find many state and federal levels of
bamboo, rope and other sustainable materi-
bridge, perhaps a hybrid tower/bridge...
government to be ill-equipped in address-
als readily accessible in Lagos, I’m usually
I find the challenge of combining every
ing the planning issues that need to be
inspired by the performative aspects of
aspect of these typologies towards a techni-
addressed before we initiate the conversa-
a material ranging from structure to its
cally sound end result stimulating.
tion about what’s happening at the building
appearance or texture.
main issue I find has to do with poor urban
scale. On a different note, the Aga Khan Award for Architecture highlights architectural gems in the continent, raising their public interest from the international community. What are your thoughts on architecture/ design and education in Africa? How do you think we could improve the training young students in the field receive, beyond better equipment and facilities? Any schools you
106
From Left to Right: Tootsie Full Circle/Splice Splice © Ifeanyi Oganwu Opposite Page: CCD © Ifeanyi
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DESIGN
L’ASSISE DES SENTIMENTS
Par Louisa Babari Photos : Thibault Montamat
Kiti Makasi aurait pu être le nom d’une
Code noir. Le nom est resté dans la famille.
mobilier à la jonction de deux cultures, du
héroïne congolaise, née dans un village de
Sandrine Ebène de Zorzi est née en 1977 à
design et du savoir faire.
la forêt de Mayombé et devenue guerrière,
Kinshasa. Sa famille émigre à Bruxelles puis
« Le projet Paris-Kinshasa affirme Sandrine
puis espionne au service de mouvements
déménage en France, à Paris. L’obtention
Ebène de Zorzi, n’est pas un projet
indépendantistes marxistes du Congo
de son baccalauréat lui fait poursuivre
d’import de mobilier africain. C’est surtout
Belge. Mais c’est le nom d’une chaise.
des études chaotiques, architecture puis
la recherche d’un éclectisme métissé, où
Une chaise, oui. Une simple chaise, oui et
histoire de l’art, qu’elle ne poursuit pas. Elle
la finesse des matériaux naturels mis en
non. Simple dans sa ligne, sobre dans sa
rentre dans un service hospitalier comme
oeuvre, le travail unique du bois brut,
relecture de l’œuvre DSW de Charles Eames,
aide-soignante mais elle a le courage de
la simplicité formelle des assemblages,
dessin qu’elle honore dans sa rondeur
monter un dossier pour entrer à l’école
triangulaire, dont elle repense les pieds,
Boulle, École Nationale Supérieure des
industriels et hollandais dont la tôle d’acier,
Arts Appliqués. Elle sera admise et sortira
peinte en noir date de 1953. La simplicité
diplômée en 2012. Charles Henri Boulle
se marie à la sobriété de sa facture, de sa
était l’ébéniste de Louis XVI. Il s’occupait
composition. Le bois est brut, massif, bois
du mobilier du Roi dont la valeur comptait
de Kambala, rouge-brun, parfois Iroko,
avec les incrustations en bois d’ébène.
grain fin, lamellé – collé. Huit kilos pour
Naissait l’ébénisterie. Sandrine Ebène de
en supporter quarante, quatre-vingts ou
Zorzi débute sa carrière auprès de maîtres
davantage. Tout dépend des émotions, de
ébénistes spécialisés dans la restauration
ce qu’elles pèsent. Chaque pièce est unique
de mobilier ancien, notamment chez
et numérotée. Elle est conçue dans un
Christophe Chauvet et aux Ateliers de
projet d’édition de mobilier entre Paris et
Restauration et Travaux Muséographiques
Kinshasa, à la frontière du Design, de l’Art
du Musée du Louvre. Elle décide de monter
et de l’Artisanat. Cette frontière se dilue,
son propre atelier d’ébénisterie et crée sa
dans la forêt tropicale de la République
marque, EbèneSand. Celle-ci met en oeuvre
Démocratique du Congo, l’une des plus
une édition de mobilier collaboratif entre
vastes du monde, et dont les elfes se
Paris et Kinshasa. La chaise Kiti Makasi est
permettent de revisiter les canons du
nomment Afromisia, Wenge, Sapelli, Sipo,
sa première réalisation. Elle est le fruit d’une
design ».
Iroko, Kambala et Ebène.
rencontre avec l’ébéniste congolais Michel
Sandrine Ebène de Zorzi aime le bois et
Ebène. C’est aussi le nom de famille de
Vamba Tiwete. Rencontres professionnelles
l’esthétique du design américain et suédois
la créatrice. Le nom du père, issu de
équitables qui permettent le travail de
des années cinquante et soixante. La chute
lointains ancêtres hollandais, souvenir
menuisiers, ébénistes et ferronniers
de Mobutu a permis une politique de
d’un bateau négrier qui s’appelait Ebène.
congolais et de développer une ligne de
reforestation massive au Congo, à la fin
108
des années 1990. Les artisans congolais essaient dorénavant de travailler avec du bois « autorisé ». Le Kambala et le Tola sont deux arbres qui poussent rapidement et qui sont résistants à l’eau et aux insectes. Le Wenge est un bois plus rare et plus cher. La petite entreprise travaille avec des familles de forestiers et achète « juste ». La chaise de Sandrine Ebène de Zorzi est bien l’héroïne de la forêt congolaise. Kiti Makasi signifie « chaise forte » en lingala. Son assise est forte, solide. A l’image de la robustesse du Kambala, elle pose et en impose dans le temps, dans un esprit d’amarrage, de permanence. Le dossier est haut, l’assise droite. « Il faut se tenir droit. Le cou bien droit » disait la famille qui estimait le port du cou des femmes. Le port qui donne bonne allure est resté. Etre assis droit pour suivre une même idée, être présentable aux yeux et aux oreilles des autres pour pouvoir échanger. Palabrer en communauté dans la tradition philosophique africaine et celle des salons humanistes du XVIIIe en Europe. La chaise Kiti Makasi est conçue dans cet esprit de salons et son âme évoque la puissance de l’Esprit. Elle est contemporaine à ce titre. « Innovez en dernier recours » avait dit Charles Eames. La chaise Kiti Mikasi a été présentée par la galerie Mille Design aux Puces du design, à Paris Bercy, en mai 2013. Elle sera exposée lors de l’évènement AFROPOLIS du 3 au 8 octobre 2013 au 7 rue des Filles du Calvaire, Paris 3ème (Paris fashion week) ainsi qu’au Comptoir Général en novembre 2013.
109
Kiti Makasi © Ebènesand
DESIGN
Wearing E-Motion By Tamara Leacock, Fashion designer and artist based in Brooklyn, New York
110
This summer was quite the e-motion,
distress, psychic imprisonment, cultural
plaza at the center of the city where such
keeping in mind the word’s etymology,
anxiety, social anxiety, emotions propelled
actions often take place, and sought to
“Out of motion.”
by the potential of challenging body on an
settle this Humanity vs. Monsanto debate
This summer I traveled from New York
issue that has affected bodies back home
in the most fair way as possible: a dodge
to Paris for the first time. Then from the
and around the world.
ball game. Each side enlisted help from
backstage of couture fashion week, I
the crowd, with only the side of Humanity
continued my “e-motion” from the fashion
So, led by world renown artist and activist
achieving, and in the end...fairly and
world to San Cristóbal de las Casas, where
Jesusa Rodriquez, and digital activist/
squarely, Humanity/The People of the Corn
revolution and couture are woven into the
prankster Jacques Servin of the Yes Men,
won, and most importantly, the very person
very cultural fabric of the city.
and alongside the actors/activists of
who won the game was a young woman
While in Mexico, I continued my e-motion
Fortaleza de la Mujer Maya and world
from the area who just happened to join
from merely passing through the worlds
renown activist group Yuyachkani, we
in. In this act, we brought hypervisibility to
of fashion and the wearable as passive
explored how to use our bodies, and
an all too pressing issue, but most critically
participant, to activated protestor.
the refashioning of our bodies, to raise
we succeeded in dialoguing with quite a
awareness in San Cristóbal, and Mexico
number of children who may not know the
I alongside 40 other activists, artivists,
worldwide, of the spread of genetic
politics of GM, but knew that “Monsanto
scholars from around the world, and
modification and its continued impact on
is bad because they are trying to take the
particularly across the American
humanity.
corn.”
Hemisphere, participated in a wearable art
We took to the streets, in naturally dyed
/ body art protest against the genetically
pigments, fabric, food scraps, as two
This visual / aesthetic /refashioned action
modified agriculture where we debated,
theatrical sides: HUMANITY/ People of the
was accompanied by a digital one, where
protested, and marched in the name of
Corn and a re-fashioned interpretation of
members of the collective, Sin Maíz
social visibility, land rights, and the right to
the corporate beast, Monsanto.
No Hay Vida, created a false website
live without GM.
We succeeded in drawing a great crowd
impersonating Monsanto and declaring
in the Plaza de la paz y la resistencia, a
pre-emptively their expansion plans. And
When we arrived to San Cristóbal de las Casas, Chiapas, Mexico, we were presented with a problem. Monsanto, the creators of Agent Orange and the company responsible for the bulk of genetically modified foods in the U.S. food supply chain, was looking at Mexico as its next market, and in particular, Mexican corn. And we were faced with the task of, through the act of a protest, through the motion of moving through the streets, donned in hypervisual garb and thus embodied sartorial protest, calling local, national and GLOBAL attention to an issue that lead to the destruction of a people. The emotions we felt? Confusion, anger,
111
Above : SinMaiz5 – Diana Taylor Opposite page : ReciclaGEM – Spring2014 – SinMaizNoHayVida2 - Tamara Leacock
the company responded accordingly, bringing this dialogue from the symbolic but nonetheless real life embodied battle on the dodgeball field of Plaza de la Resistencia to the symbolic digital embodied battle over the internet ethers. Motioning through real and digital worlds, the new e-motions that we felt? Inspiration, adrenaline, joyful confusion, solidarity, vitality, affirmation. In this overly chemicalized world, what can we do? Where do we stand? Continuing the conversation from a transnational to a hemispheric to a GLOBAL level so that Humanity DOES win in the end? How? By electing organic, staying active in our food and FABRIC consumption, making our governments and the multinational corporations listen while making sure that everyone in our lives is informed, conscious, and equipped to make the best nourishment and consumer decisions they
ReciclaGEM – Spring2014 – SinMaizNoHayVida - Mellie Yap
can through various platforms, whether it be blogs or fashion collection presentations
ethical lifestyle site, Magnifeco.com, the
sartorial traditions, and bold red, magenta,
to spread the awareness.
New York Fair Trade Coalition with amazing
black, and naturally dyed hemp, jersey, and
hosted by free NYC co-working space, the
sheet fabrics reclaimed and re-energized
And thus this week, I had the opportunity,
Wix Lounge and with amazing makeup
with the new purpose of social art.
alongside two of the art activists from the
sponsored by the Body Shop.
Mexican protest, to feature a collection of
The collection featured 7 pieces, each
The emotions felt from this action?
7 pieces, inspired by the act, inspired by
representing different aspects of vitality,
Inspiration, peace, and creative exhilaration
the necessity to continue this conversation
and in total, the ancient environmental
that we can as humanity, as individuals,
of Sin Maiz No Hay Vida on the catwalks
philosophy of maintaining the planet not
artists, activists, scholars, AND ethical
of New York Fashion Week, and inspired
simply for this generation to enjoy, but the
companies, move through our planet
by the needs to build upon the e-motions
subsequent seven.
as a space of beauty, wonder, and joy, maintained for us and the subsequent
generated through our moving sartorial protest. The collection was showcased at a
The pieces were highly embroidered with
phenomenal New York Fashion Week event,
hand-sewn smocking, reminiscent of the
Fair Fashion Runway, the best event of the
textural beauty of the corn crop, gold and
season featuring designers and companies
graphic fabric quilted into huipiles inspired
committed to ethics and humanity. The
silhouettes, hair and makeup recalling
show reflects a collaboration between
highly textured and e-motive global
112
seven generations to follow. Tamara Leacock ReciclaGEM, Creator Site: www.atelierreciclagem.com Blog: www.reciclagem-themovement.com Facebook: www.facebook.com/reciclagemny
SinMaiz13 – La Jornada – 15 August 2013
« This summer was quite the e-motion, keeping in mind the word’s etymology, “Out of motion.”» “We took to the streets, in naturally dyed pigments, fabric, food scraps, as two theatrical sides” 113
EXHIBITION REVIEW
BANG! BANG!
To Darkness, Charlotte And Other Songs; The Body At Risk
Auteur Marc Johnson Photos: © Tom Bisig, Basel
STEVE MCQUEEN AT SCHAULAGER
114
Steve McQueen (16 March - 1 September 2013) at Schaulager This Page : Charlotte, 2004, installation view, Emanuel Hoffmann Foundation, Courtesy the Artist © Steve McQueen Up opposite page : 7th november, Emanuel Hoffmann Foundation, Photo at Marian Goodman Gallery, New York, 2005, Courtesy the Artist / Marian Goodman Gallery, New York / Paris, and Thomas Dane Gallery, London, Photo: John Berens
Abstract : « BANG ! BANG ! to Darkness, Charlotte and other songs; the body at risk » is a subjective attempt to comprehend what happened in recent years in Contemporary Art especially in the form of video-art and performances. As a “textbook case”, the text’s origin describe fragments of the Steve McQueen retrospective at Schaulager, James Coleman exhibit at the Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Tino Seghal’s “This Variation” constructed installation at Documenta (13) and Anri Sala’s work at Serpentine gallery and Centre Pompidou.
A
situation
things past strike the memory of a Marian
Schaulager: a new building type?
Goodman show, seen in 2011. That was « Static ».
What is the point of a Schaulager, of a building in which art is stored but still accessible for the public to view? What ideas
1 STATIC (2009)
about art and the strategy of collecting are
35 mm colour film, transferred to HD
involved, and what is the best architectural
digital format, sound, 7 minutes 3 seconds,
and urban development concept for it?
continuous projection
HERZOG & DE MEURON
The first work we encounter in the
When we first encounter « Schaulager »
earthly material as the warehouse, the
exhibition is « Static ». The room is large,
there is this inevitable joy of fulfillment. A
distance between you and the building’s
dark yet the right side of the space opens
warm smell of mud. The kind of golem full
monumentality is broken. You access a large
to the corridor of the Schaulager. One/
of thoughts that has been anchored there to
and heavy glass door that you pull. You
transform your soul. The geometry’s façade
made it into the Schaulager.
draws a cavity that is calling you from afar. Two gigantic screens have been added
The lighting reveals itself and strengthens
to the polygon to reflect the presence of
as we go along. A surprising perspective
what’s inside. The scratched earthly material
effect accelerates our perception of this
used for the “skin” of the construction
sort of atrium rising through the full height
seems to protect this house of marvels.
of the building’s interior. As we pursue
It appears as if a projection made out of
our way to the ticket office a charming
earth from the immediate surrounding had
small yet furnished library teases from
been directly applied onto the wall. It gives
the top of its wooden furniture. A hostess
a natural quality to the building that only
is giving you a sticker, a booklet and a
Herzog & De Meuron would know how to
card with three entrances to the Steve
achieve.
McQueen’s exhibit. A café is also there on
As soon as you pass the somehow
the left, empty. Suddenly, my excitement
guarded entrance made out of the same
encounters a thud : a remembrance of
115
Cover Exhibition Booklet Steve McQueen
third into the exhibition space, images
is a rare focus. As far as 1944, Merce
are projected on a large screen of approx
Cunningham’s piece untitled Root of an
2,5 meters in width. The work is a restless
Unfocus* was concerned with fear many
movement turned around like a question :
works presented at Schaulager were
the sound, the motion, the State ? We hear
pointing at the finitude of the human being
the deafening racket of an invisible helicopter
and recorded actions to struggle against it.
circling the Statue of Liberty on Liberty Island in New York harbour. (p. 11. of the exhibition
*The dance was concerned with fear. It began
booklet)
in conscious awareness of something outside
At first it seems related to « Drumroll » : an
the individual, and after its passage in time
experiment with the camera on the act of
ended in the person crawling out of light. The
recording. This three-channel colour video
time structure allowed for this in a way that I
projection and sound describes the artist
felt more conventional structures, i.e. theme
through the streets of Midtown Manhattan.
& variation, ABA would not. It was in 3 large
A machine tinkered rolls. An oil barrel,
sections, each section according to its tempo
three cameras filming through openings
structured in lenghts of 8 – 10 – 6 beats.
left, right and front is witnessing at a lower
The time structure was a square root one so
level, the street and the artist walking.
Section I was 8 x 8 in length, Section, II 10 x 10,
The experience of watching this work is
Section III 6 x 6. The dance was 5’ long (1,1/2’
disorienting as the projection documents
– 2,1/2’ – 1’).
the unstoppable rotation of this new type
*Merce Cunningham, Changes: notes on
of camera.
choreography, Something Else Press, New
As many of his pieces that appear detached
York, 1968.
at first glance, naive, easy even, there
The red numbers before work titles are refering to the exhibition booklet as it was ordered in Schaulager : 1 Static (2009), 2 Bear (1993), 3 Five easy pieces (1995), 4 Just above my head (1996), 5 Pursuit (2005), 6 Deadpan (1997), 7 Current (1999), 8 Giardini (2009), 9 Mees, after evening dip, new year’s day, 2002 (2005), 10 Charlotte (2004), 11 Exodus (1992/1997), 12 Once upon a time (2002), 13 Prey (1999), 14 Drumroll (1998), 15 Barrage (1998), 16 Running thunder (2007), 17 Illuminer (2001), 18 7th Nov. (2001), 19 Queen and country (2007-2009), 20 Unexploded (2007), 21 Gravesend (2007), 22 Girls, Tricky (2001), 23 Western deep (2002), Carib’s leap (2002), 24 End credits (2012), 25 More (2001). 2 BEAR (1993) 16 mm black-and-white film, transferred to video, no sound, 10 minutes 35 secondes, continous projection Bear, 16 mm black-and-white film from 1993 bears no sound. A specific projection room has been designed by the artist for his early films at Schaulager. It is seven meters long, four meters wide and three meters high. (p.20 of the exhibition catalogue). We see two nude men engaged into an ambivalent brotherhood fight oscillating between attack and reconciliation. A strange smile lights up my face while watching this work. The viewer remains standing by or passing by this architecturally constructed free standing projection. The viewer evolves
Steve McQueen, Charlotte, 2004, film stills, Emanuel Hoffmann Foundation, Courtesy the Artist © Steve McQueen
116
on a free plan. Close-ups explore the faces
and body of the artist and his opponent. Smiles, laughters, scoffs, provocations, gestures, hugs, the body, enlightenments, breath mist, sweat are the primary elements of that 10 minutes 35 seconds, continuous projection. Side Note: For the sake of the exhibition as well as out of respect for the artist’s work, the article will skip some of the works mentioned above. To keep some of the mystery intact, or perhaps to create a gargantuesque envy to discover his work, rediscover it or experience his future shows. For whom frustrated by that trashy cut you will be able to see his new feature film « Twelve Years A Slave » starring : Chiwetel Ejiofor, Michael Fassbender, Benedict Cumberbatch, Paul Dano, Garret Dillahunt, Paul Giamatti, Scoot McNairy, Lupita Nyong’o, Adepero Oduye, Sarah Paulson, Brad Pitt, Michael Kenneth Williams, Alfre Woodard soon on the big screen ! From september 5th – 15th 2013 at tiff. The Toronto International Film Festival. 18 7TH NOV. (2001) Single 35 mm slide, sound, 23 minutes 7th NOV. was the most emotionally engaging piece presented at Schaulager. A single 35 mm slide projection, sound and a bench. For about 23 minutes we hear a monologue from Marcus, the artist’s cousin, who has changed his life forever. On the date that gives the film its name, he was attempting to put the safety on a gun and inadvertently loaded a bullet which went off and fataly injured his brother. (p.23 of the exhinbition booklet). Marcus speaks rapidly and vividly as in a transe. The tone of his voice is somehow weak and he seems to be sobbing. The presence and permanence of the slide projection makes
117
End Credits, 2012, installation view, Courtesy the Artist / Marian Goodman Gallery, New York / Paris and Thomas Dane Gallery, London © Steve McQueen
you focus on the voice as your vision starts
life?
to merge with the image. I was personally seating at the back of the space, behind the
21 GRAVESEND (2007)
bench, alone. It was my second day of visit
35 mm colour film, transferred to HD digital
at Schaulager. Around 8 hours had passed
format, sound, 17 minutes 58 seconds
since I first engaged with Steve McQueen’s
Gravesend, 35 mm colour film begins
work. This piece was somehow biographical
in a highly sophisticated, robotically
and personally engaging, as I realize that
manufactured laboratory. Exchanges of
anyone, including me, could have been in
materials from one recipient to the other,
Marcus’s position.
then blindness arises. The screen : yellow-
Siegfried Kracauer in his classical « Theory of
flakes-melting. A melting liquified material
film : the redemption of physical reality » is
has been transformed and transported
refering to NANOOK, PAISAN and POTEMKIN
to a shallow plate, then the rocks. The
[...] which are deeply steeped in camera-life.
sound of hitting rocks takes you out of that
But in defining them as art, it must always
mechanically cold choreographed scene.
be kept in mind that even the most creative
An anonymous black squatting character
film maker is much less independent of
hits the rocks, somehow, gem. Close-ups
nature in the raw than the painter or poet;
are examining the hands of the worker and
that his creativity manifest itself in letting
the way he extracts the goods-gem from
nature in and penetrating it.*
the rocky-mud. Then a factory and a scene
*Siegfried Kracauer, « Theory of film : the
where the harvested material is transformed
redemption of physical reality », Princeton
into powder through mechanical process.
university press, 1997, p.46.
The sound is very present and bleak as if
That is perhaps why I felt that all the work
you were crushing glass from your own
presented seemed so profundly anchored
mouth.
in Steve McQueen’s belief, that it became
The booklet reports : The film Gravesend uses
crucial for me. Crucial to understand what
a documentary approach to focus on
was happening there on July 10th 2013 in
the mining of coltan*, employed in the
Basel. How did it relate to me? or anyone
manufacture of cell phones, laptops and other
else? How come each one of these pieces
high-tech apparatus. The film cuts between
had the power to be sealed into someone’s
two sites : a technological, highly automated
industrial plant in the West where the precious
conflict of the militia in the Democratic
24 END CREDITS (2012)
metal is processed for the final production of
Republic of the Congo, where decades of civil
Sequence of digitally scanned files, sound,
microelectronic parts, and the central Congo,
war have cost several million human lives.
continuous projection
where miners use simple shovels or their bare
*Coltan (short for columbite–tantalite
One of the most recent installations in
hands to extract, wash and collect the ore
and known industrially as tantalite) is a
the exhibition is dedicated to the African-
on leaves. In the Congo, the dirt and clumps
dull black metallic ore from which the
American singer, actor and activist Paul
of ore are barely distinguishable, while in
elements niobium (formerly “columbium”)
Rabeson (1898-1976). The thousands and
Static, 2009, installation view, Emanuel Hoffmann Foundation, Courtesy the Artist © Steve McQueen
the industralized West, the metal is weighed
and tantalum are extracted. The niobium-
thousands of pages in the file dutifully
in minute milligrams and cast in antispectic
dominant mineral in coltan is columbite,
compiled by the FBI during years of
surroundings. The realism of the film images
and the tantalum-dominant mineral is
surveillance in the McCarthy era pass by in
is intercut with a black-and-white animation
tantalite.
a screening that takes almost six hours. The
of the Congo River. Its sinuous shape conjures
Tantalum from coltan is used to
once heavily censored, now publicly accessible
associations with networking and the flow of
manufacture tantalum capacitors, used in
documents are read by male and female
communications, underscored by murmuring
electronic products. Coltan mining has been
voices. The visual and acoustic material
resembling thousands of voices in the cell
cited as a key source of financing serious
soon shifts out of kilter, essentially revealing
phone network. In the meanwhile, coltan,
conflicts such as the Ituri conflict in the
the extent of this disembodied surveillance
traded at an extremely high price, represents
Democratic Republic of Congo.
system. Instead of making a feature film,
one of the key financial factors in the armed
118
McQueen chose to pay tribute to the civil
rights activist in the form of end credits, An act of necromancy
The light realm full of whispers
discrimination, marginalization and
« I will never find the way to say how I
Darkness. A totem that some artists
persecution. A successful movie star in
love American close-ups. Point blank.
from the Marian Goodman gallery seem
the 1930s, Robeson became increasingly
A head suddenly appears on screen
to challenge since the 2000s: James
committed to political and social issues.
and drama, now face to face, seems to
Coleman, Steve McQueen, Anri Sala and
His championship of the rights of workers
address me personally and swells with an
Tino Sehgal.
and blacks, a trip to the soviet Union
extraordinary intensity. I am hypnotized.
James Coleman, who participated to
and public appearances both at home
Now the tragedy is anatomical. »
every Documenta since 1987 (except
and abroad not only made Robeson
Jean Epstein, Magnification and other
Documenta 13) made a remarquable and
one of the most celebrated figures in the
Writings, The MIT Press, October, Vol. 3,
refined exhibition at the Museo Nacional
African-American movement; he was
1977, trad, Stuart Liebman, p.9.
Centro de Arte Reina Sofía, (25 april –
also perceived as a serious threat to the
« Jamais je ne pourrais dire combien
27 august, 2012). Curated by Manuel
paranoid anti-communist, conservative
j’aime les gros plans américains. Nets.
Borja-Villel, director of the museum since
politics of the Cold War.(p.30 of the
Brusquement l’écran étale un visage et le
2008, this tremendous show divided
exhibition booklet)
drame, en tête à tête, me tutoie et s’enfle
into four different spaces of the museum
Steve McQueen was the commissioned
à des intensités imprévues. Hypnose.
was a landmark in the history of art
official UK war artist (Iraq) by the
Maintenant la tragédie est anatomique. »
and motion images of the recent years.
Imperial War Museum’s Art Commissions
Jean Epstein, Bonjour Cinéma, 1921 &
Playback of a Daydream, 1974, Clara and
Committee in 2003. End Credits (2012)
Écrits sur le cinéma, éd Pierre Leprohon,
Dario, 1975, Box (ahhareturnabout), 1977,
is a good start to fully appreciate
Paris, Seghers, 1974, t.I, p.93.
Seeing for Oneself, 1987-88, Retake with
the political engaging mind of Steve
Since every casual glance is an act of
Evidence, 2007 were shown among other
McQueen. Illuminer (2001), Queen
necromancy, each face that we love
historical works. A great catalogue, «
and Country (2007-2009) are directly
a mirror of the past*, how does Steve
James Coleman » was published as well.
referring to war. Queen and Country in
McQueen, by recording physical reality
[...] Two and half billion seconds. Hard to
a form of a commemorative Oak cabinet
and constructing his own lands, achieve
believe so few. From funeral to funeral.
and the latter as a daily life document
such wonders?
Funerals of … he all but said of loved ones.
recording war oriented TV news.
* Proust, The Guermantes Way.
Thirty thousand nights. Hard to believe so
The Steve McQueen retrospective
On what earths lies its vitality ?
few. Born dead out of night. [...] Nothing
at Schaulager reveals the
What eras could have been erecting such
to be heard anywhere. Room once full of
uncompromisingly line of engagement
consciousness ?
sounds. Faints sounds.[...] Night after night
of the artist. He is continously
On what grounds does his work
the same. Birth. Then slow fade up of a
experimenting on the camera at work,
produces the body at risk® ?
faint form. Out of dark. A window. Looking
the political, form of Governance (Static,
« Body » is to be heard both as the entire
west [...] Ditch. Bubbling black mud. Coffin
Hunger, End Credits), darkness, the
physical structure of an organism (the
out of frame. Whose? Fade. Gone. [...]
body at risk, pace and time travelling.
artist’s body and the camera), a group
Alone gone.
As you set off to encounter his work,
of individuals regarded as an entity
be prepared to be transformed in the
(the viewers) and the sound box of an
process. Not only transformed as a
instrument (the dark room) that Steve
citizen but most likely as a father, a
McQueen is taking as primary elements
Samuel Beckett, A piece of monologue, The Complete Dramatic Works, ed Faber and Faber, 2006, p 426-429.
brother, a mother, a sister or a cousin.
for the metamorphosis of our being.
Few steps (7-9) into a corridor, voices
literally bringing to light the devastating nature of this politically motivated
119
and darkness. Some sixth sense is telling
windows were covered. The largest facade
you to stop. You hear voices. Recorded ?
of the « Galerie sud » was left open only for
Perhaps! You eventually move a few steps
the viewers inside of the gallery space. A
further then you realize that you have been
thin layer of darkness (visible light filtering
encapsulated into a performance: “This
through window films) was applied.
variations” by Tino Sehgal at dOCUMENTA
In conclusion, it seems that those artists are
(13). Your eyes are becoming accustomed to
fundamentally reconfiguring time based
the Dark. You passed. You are into it. We’ve
art by using darkness, storytelling, live
all been swallowed up by the darkness.
performance, voice, and the body as their
Joy ? Serendipity ? Womb ? Let go ? Mojo
primary material. Moreover, the position of
? “The income derived from producing
the viewer is reset and leads him to engage
things of slight consequence is of great
more with the work as he moves on free
consequence,” someone is speaking. “No”
plans.
from elsewhere in the room. “The income
Richard Schechner was defining
derived from things of little consequence
performance in 1973 in the Drama Review
is of great consequence”, again. Suddenly
as a ritualized behavior conditioned/
they all move, urban, youth. After an hour
permeated by play. Drama, script, theatre,
I sort of cultivate a friendship with one of
and performance were redefined and those
the performers. She looks at me ? One of
artists are pushing the boundaries to a new
the performers is high, is threatening me,
level.
challenging my body. Are we inside a cave ?
Even more astonishing as we remember that Steve McQueen, Anri Sala and Tino
Anri Sala has also made his statement
Sehgal are so called “artists in their mid-
regarding motion images and the
career” in between 44 years old and 37
playfulness of the darkroom. In his
years old. They have at least 3-4 decades of
Serpentine gallery show (1 October – 20
full institutional support as well as galleries
November 2011) curated by Hans Ulrich
worlwide. The icing on the cake will be the
Obrist, most of the works presented were
opening of the Kramlich Residence and
playing in echo with a live performance as
Media Collection in Oakville, California,
their starting point. A perforated pattern
USA. One of the most important private
was carved through walls covering the
collections of media art featuring Steve
windows, and creating openings to the
McQueen, Jeff Wall, Matthew Barney,
outside that allowed the sounds of the park
Reinhard Mucha, Charles Atlas, Dara
and the gallery into the dialogue.
Birnbaum, Joseph Beuys, Andy Warhol,
In the Centre Pompidou, Paris, for his
Keith Tyson, Jeff Koons, Ryan Trecartin,
monographic exhibition, curated by
Nam June Paik, Doug Aitken, Bill Viola, Joan
Christine Macel, (3 mai 2012 – 6 août 2012)
Jonas, Yves Klein and much more.
Anri Sala created a specific disposal for his work. Most of the exhibition at the « Galerie sud » is available to the passers-by as it is in the ground floor. However for this show, the Steve McQueen’s biography
120
“The Steve McQueen retrospective at Schaulager reveals the uncompromisingly line of engagement of the artist.”
Bear, 1993, installation view, Courtesy the Artist / Marian Goodman Gallery, New York / Paris and Thomas Dane Gallery, London © Steve McQueen
Steve McQueen was born in London in 1969; he lives and works in Amsterdam and London. From 1989 to 1990, Steve McQueen studied at the Chelsea College of Art and Design, London, and from 1990 to 1993 at Goldsmiths College, London. He continued his studies from 1993 to 1994 at Tisch School of the Arts, New York University. In 1999, he was guest artist of the DAAD Artists-in-Residence programme in Berlin. Steve McQueen has received many grants and awards for his work as an artist, including the ICA Futures Award (1996) and the Turner Prize (1999). In 2009 he represented Great Britain at the Venice Biennale. In parallel with his artistic work, Steve McQueen has been making feature films, for which he has won numerous awards. In 2008 he was awarded the Camera d’Or at the Cannes Film Festival for his film Hunger, and in 2011 his film Shame was granted the FIPRESCI Prize for Best Film at the Venice International Film Festival. In 2003 Steve McQueen was commissioned official UK war artist (Iraq) by the Imperial War Museum’s Art Commissions Committee. Already an Officer of the Order of the British Empire (OBE, 2002), Steve McQueen was appointed Commander of the Order of the British Empire (CBE) in the 2011 New Year Honours for services to the visual arts. Exhibition Catalogue Steve McQueen. Works – Catalogue raisonné Accompanying the exhibition at Schaulager, Basel, the richly illustrated catalogue presents a comprehensive survey of work created by Steve McQueen between 1992 and 2012 and attests to the scope and intensity of his career to date. The catalogue comprises essays by Cameron Bailey, artistic director of Toronto International Film Festival (TIFF), Okwui Enwezor, director of the Haus der Kunst in Munich, James Rondeau, curator of contemporary art at The Art Institute of Chicago, art theorists Georges DidiHuberman, from the École des Hautes Études en Sciences Sociales in Paris, and Jean Fisher, and a conversation between Steve McQueen and Adrian Searle, art critic for the British newspaper The Guardian. Furthermore the publication includes a comprehensive exhibition history and bibliography.
121
EXHIBITION REVIEW
El SY PEINTRE EPISTOLAIRE Par Carole Diop Images : Courtesy de l’artiste et la galerie Bookoo
En juin dernier, El Hadj Sy (El Sy), figure majeure
Bien que l’artiste ait eu des a priori sur cette
la situation politique et sociale du Sénégal
de l’art contemporain sénégalais, était exposé
technique, très répandu au Sénégal, en
aujourd’hui. Peindre sous verre était pour lui
à la galerie Bookoo. L’occasion pour le public
raison de son caractère « populaire », il fini
un défi, qui l’obligeait à concevoir ses œuvres à
sénégalais de découvrir ses « Lettres de verre » .
par se laisser séduire par la fragilité du verre
l’envers.
A travers cette série composée d’une trentaine
et par ses reflets. Il voit dans la transparence
de pièces, El Sy redonne ses lettres de noblesse
de ce matériau une allégorie « inversée » de
Sy choisi de déroger à la technique
à la peinture sous verre et la réinvente.
avec un «effet miroir» puisque celle-ci sera
traditionnelle du « fixé sous verre » où l’oeuvre
1
ensuite retournée, tout en gardant en tête
est réalisée d’après maquette. Il crée ses
sur verre inversé) est une technique unique
que la couche peinture en premier, sera la
images sans préparation préalable, presque
qui impose que le tableau soit réalisé à
première couche visible. Le verre sert à la
instantanément, en utilisant différentes
l’envers. L’artiste doit composer son œuvre
fois de support et de vernis protecteur.
techniques (coulure, gravure, gestes délicats au
1
122
La peinture sous verre (ou peinture
pinceau, mosaïque…). Avec « Lettres de verre » El Sy s’adresse à des figures iconiques connues telles que les présidents Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf, et Macky Sall, Pierre Lods2 ou encore la créatrice Oumou Sy, mais aussi à des inconnues (le rappeur, le talibé, le militaire). Ces « lettres » n’obéissent à aucune règle épistolaire, chacune d’elles étant unique. Le peintre crée à partir d’images et de couleurs, son propre langage, sa propre syntaxe, une « syntaxe visuelle ». A travers ses « lettres de verre » le peintre s’interroge sur la capacité des artistes, par le biais de leurs œuvres, à créer des liens entre les individus et assume une fois de plus son côté engagé.
2
Pierre Lods est le fondateur de
l’École des Peintres de Poto-Poto, qui vit éclore de nombreux talents picturaux congolais. Cette structure naît en 1951 dans le quartier Poto-Poto à Brazzaville
123
El Hadji Sy est né en 1954 au Sénégal. Diplômé des Beaux-Arts de Dakar en 1977, il s’est longtemps impliqué dans la défense et la promotion des artistes sénégalais. Les cartons, les toiles, les sacs de riz défilent. Des silhouettes peintes à grands gestes. Cette virtuosité masque parfois la vraie quête d’El Sy. Il ne veut s’enfermer dans aucun style, refuse d’être prisonnier d’une image stéréotypée de son travail. Il est aussi photographe, homme de théâtre et écrivain.
EXHIBITION REVIEW
ELLEN GALLAGHER Black to the future By American Filmmaker, Karen D. McKinnonv All Photos © Ellen Gallagher
For a young African-American woman in
major UK retrospective, AxME, at the Tate
straight hair. Part of a series referred to as
the 60s, any trip to the hair salon involved
Modern in London uses the Black and Race
the yellow paintings, Pomp-Bang, 2003,
magazines of Black life such as Ebony and
Magazines as they were called in the 1930s
and Double Natural, 2004, dominate one
later, Essence. Same is still true in present
as building material for paintings to subvert
room of the gallery. The large canvasses are
day. The salon was the hub of social and
and illuminate this call for assimilation to
called paintings but when viewed from the
cultural discussion, the place to update on
side reveal just how far they expand into
local gossip and the place where a young
3D space. The images from Ebony and Our
woman’s image was shaped. The induction
World are built into layers of plasticine and
into the salon was a rite-of-passage of its
lacquer to form sculptural figures that are in
own where young women would have their
dialog with each other and with us.
hair seared straight with hot combs lifted out of burning fires or lye applied to their
In her 2011 talk at the Tate Modern,
hair to convert them into one of the many
Gallagher speaks about coming to New
ads shouting at them from the magazines.
York City and discovering these magazines
That was unless they rebelled, of course,
(Ebony and Our World) for the first time. (1)
or their parents subscribed to a different
Gallagher who grew up in Rhode Island was
philosophy than the magazines of Black life
born to an Irish American mother and an
displayed as aspirational.
African American father. Her grandfather
American artist Ellen Gallagher in her
came to America from Cape Verde, West
124
Left IGBT Gesso, gold leaf, ink, varnish and cut paper on paper -2008 Private Collection © Ellen Gallagher This page Wiglette from DeLuxe Photogravure and plasticine -2004 © Ellen Gallagher
125
Africa, creating a direct history to her
their way around the rooftop. Bacon stops
is about us and something sinister is
African heritage. Rhode Island rejected the
abruptly as they come to the edge of the
taking place. The layers of An Experiment
segregation laws of 1892 making it one of
roof. The man widens his eyes to bulge
of Unusual Opportunity, 2008, draw us
the US States to set itself apart early on in
at the interruption of movement. I am
into the uncontrollable darkness of its
the Jim Crow era. (2)
disturbed but annoyed at myself for being
puzzle like surface. This series of paintings
disturbed at the image portrayed. I ponder
is a direct reference to a long-term US
The interventions that Gallagher makes on
if the director of this ad specifically cast this
government experiment that sunk to the
the yellow paintings pushes them into the
actor to mimic and reinforce the stereotype
lowest depths of human nature. Black men
alien, rejecting the magazine advertisers’
of the minstrel that plagued African-
from the state of Alabama with syphilis
calls to a generation to forego self for the
Americans for decades. I have asked myself
were used as unknowing subjects of this
constructed self. Gallagher reconstructs
whether I was reading too much into this
experiment to document syphilis without
that history to challenge and allow us to
ad and why I’d want to question or deny the
being told and lived under the impression
construct and reconstruct in our chosen
actor from his rightful screen time and paid
that they were receiving good healthcare.
image.
work. This is a theme that resurfaces in
Jim Crow’s name was derived from a
Image is history. History is constructed.
Gallagher’s work but here it is direct and
minstrel show performer from the 1830s.
Gallagher forces us to engage and construct
soul wrenching and confronting, facing the
Thomas D. Rice painted his face with black
our own position to history. There is no
history of slow genocide of a group of black
paint and distorted features attributed to
escape from the gaze. Gallagher obscures
men. The history comes but the darkness
Black people. (3) This went on to become a
the eyes in the yellow painting series with
shafts us and denies us comfort.
name that defined an era of segregation in
blank spaces and in other work, pink and
the South and morphed into different forms
gold is dripping from the eyes.
in the series Watery Ecstatic. This is an
in the North. Gallagher uses repetition of the minstrel lips and googly lips portrayed
Bird in Hand, 2006. In an almost mystical
by minstrels in her paintings. They are a
experience, we sink into the world of
repetitive element that can be found in a
Drexcyia. Drexcyia refers to the watery
majority of her work. They are a foundation
utopian world created from the embryos
element that ties her vast body of work
of slaves thrown overboard in the middle
together. The entrance to the show
passage. (4) This is a hard history to
reveals the early works of abstraction and
stomach but the magical beauty of this
minimalism using the repetitive minstrel
expansive pirate figure on canvas draws
lips and googly eyes. They are elements
us in before the vile examination of
that will haunt us, elude us and track us
slave history confronts us. The painting
down in their unrelenting stare at us.
combines Captain Ahab from Moby Dick with Peg Leg Bates a one-legged
I had been occupied with a television ad
acrobatic tap dancer from the minstrel
prior to seeing Gallagher’s show. Kevin
circuit.
Bacon dances the conga for an innocuous
Bone-Brite, 2009, glares at us with a
UK mobile phone company advert. As the
skeleton lying across a medical table.
conga line snakes around gathering people,
The darkness is palpable not just from
a man of African descent and stocky build
the blue ink-dipped paper that makes
holds onto Bacon’s shoulders as they wind
up the layers, but we know darkness
126
We get a closer examination of Drexcyia
Left : So Fun from Deluxe 2004 © Ellen Gallagher This Page: Bird in Hand 2006 Tate. © Ellen Gallagher
extensive series of works that Gallagher
References:
began in the early 2000s. She grew up
1-Travelling Lines Conference, Ellen Gal-
surrounded by water in her Rhode Island
lagher in conversation with Tanya Barson.
home, and she spent a semester studying
September 2011.
Oceanography on a research vessel. We are fully immersed into the underwater Black Atlantis that Gallagher presents to us. In Watery Ecstatic, 2003, we get close-ups of the residents of this world and mythical, mystical world. The harsh reality of their creation story is always present but the beauty of the inhabitants of this world is mesmerizing. We are witnesses to their survival • Ellen Gallagher’s AxME exhibition continues on tour: SARAH HILDEN ART MUSEUM, Tampere 27 September 2013 – 26 January 2014 HAUS DER KUNST 27 February 2014 – 1 June 2014
127
“Image is history. History is constructed. Gallagher forces us to engage and construct our own position to history.”
2- Lawson, Steven F. “Segregation.” Freedom’s Story, TeacherServe©. National Humanities Center. August 2013 3- Lawson, Steven F. “Segregation.” Freedom’s Story, TeacherServe©. National Humanities Center. August 2013 4-Armstrong, Carol. “Ellen Gallagher: Mythopoetics and Materials.” AxME. Tate 2013.
EXHIBITION REVIEW
BLACK LUX
A “Heimat Fest” Home is not only a word Afropolitan Berlin curated by Wagner Carvalho & Tunçay Kulaoglu by Caecilia Tripp Photos credits: Courtesy Wagner Carvalho & Artincidence, Black Lux 2013
“You and I are history. We carry our history. We
take place in Berlin known as the “Congo
word poetry and film installations from the
act our history.” (James Baldwin)
Conference” in 1884-85, but Berlin was also
Black Diaspora living in Berlin and beyond, at
Home to African-American key figures such as
the crossroads of different geographies.
“Let no thought pass incognito, and keep your
W.E.B. Du Bois one of the fathers of the Black
notebook as strictly as the authorities keep their
Civil Rights Movement, who studied in 1892-
The opening night was crowned by the
register of aliens.”
1894 and taught at the Humboldt University
premiere of
Walter Benjamin
in Berlin.
Not only did the “Scramble for Africa”
Black Lux unites as an in-house production
“WOMEN, PART TWO: you might think i’m
for the first time dance performances, spoken
crazy but i’m serious” “You and I are close, we intertwine; you may stand on the other side of the hill once in awhile, but you may also be me while remaining what you are and what I am not.” (Trinh T. Minh-ha) Annabel Guérédrat the choreographer, is one of the global players on this homely world stage. She was born and now lives and works in Martinique, this small island of an island, which gave birth to some of the most outstanding decolonizing thinkers of our times : Aimé Césaire, Frantz Fanon and Edouard Glissant. First of all she wanted to do a piece on “Black Feminism” inspired by the philosopher Elsa Dorlin, as a critical reflection
128
on gender and race. But in course of the project, she felt that she needed to bring in her own personal experience in all its complexity, more ambiguous, more intangible, more slippery or “queery”. As a shared experience with that of many other black women such as Audre Lorde, Toni Morrison and Angela Davis, she dwells on the borderline of the political body. The result is a powerful performance Act and dance piece exploding the myth of identity in the multilingual trio with two other mesmerizing dancers, Ana Gi et Ghislaine Gau, blasting between chaos and transgression in a permanent process of becoming. Sometimes spoken softly, sometimes spoken out loud, sometimes danced wildly to Brazilian rhythms and sometimes performed by disappearance, reappearance and silence, taking away all spectatorship and making us part of a collective hybrid experience of displacement, disorder, flowing lines of flight, encounters and empowerment: “What’s your name… ? What’s your name…? What’s your name…? But what’s your name…?”
Annabel Guérédrat, conceptor of the projet & performer, Ana Pi, performer, Ghyslaine Gau, performer, Séverine Riem, light designer Production Co. Artincidence - production with the CMAC and assistance in creating the D.A.C. Martinique. With the support of the General Delegation of French alliances in Brazil and Panorama Danza Festival in Rio de Janeiro. With the provision of studios Choreographic Centres & Caen Montpellier www.artincidence.org Black Lux – Home Festival from Black Perspectives at Ballhaus Naunynstrasse, Berlin, Germany until 30th september For more information visit www.ballhausnaunynstrasse.de
129
“Black Lux unites, as an in-house production, for the first time dance performances, spoken word poetry and film installations from the Black Diaspora living in Berlin”
130
131
EXHIBITION REVIEW
DECOLONISING IMAGINARIES AFRIKADAA AND CLARCK HOUSE INITIATIVE AT KADIST ART FOUNDATION
By Zasha Colah & Sumesh Sharma, Clark House Initiative. On this page : Kemi Bassene, photograph, 2013, within the exhibition ‘Decolonising Imaginaries’, Kadist Art Foundation Paris.
‘Decolonising Imaginaries’ was the second in a series of one-day exhibitions curated by by Clark House Initiative in which theoretical propositions took the form of film, image, sound and performative conversations that inhabited an on-going exhibition ‘L’exigence de la saudade’ at the Kadist Art Foundation Paris, briefly, for one day. 132
It was preceded by ‘Untitled Exhibition #1’, which proposed a dance as a day-long exhibition. In this intense solo work by the choreographer and dancer Padmini Chettur, dance and conversation were inter-spaced over the course of one day, in a disused warehouse in Bombay’s old Mill area. Within contemporary culture in India, Padmini Chettur is the strongest component of what might be called a movement art, overstepping the boundaries of art and dance. In her practice, she pushes dance over into visual and philosophical propositions about the nature of sculpture, and toward a phenomenological understanding of space, of occupying volume, of movement as displacement. In the work, she built a relationship with the rotating machines of the last working mill that one passed just before entering the warehouse, repeating the industrial sounds and the revolutions within her performance. In Bombay, the towering chimneys of the cotton mills still represent an unaccommodated emotion, for the number of people who overnight were displaced from their livelihoods and homes after the Great Bombay Textile strike in 1982. The emotion of those displacements transferred to a unique intensity in that starkly abandoned warehouse, seated on old trunks, coming to visualise displacement anew, as a way of visualising the fourth-dimension as the movement of volumes of revolving shapes Chettur first carved out of space with the slow rotation of her body around invisible axis and plumblines within the body’s structure. This work was performed again in Paris, in a stable that had lasted from the 17th century, that had been converted into a factory, till it was bought by a choreographer, its stone walls, still intact. In Paris, at the Kadist Art Foundation, a second one-day exhibition included the constituents
133
Justin Ponmany, ‘ATTENTION! Disappearing Residences’, a street intervention as part of the exhibition ‘L’exigence de la saudade’ at Kadist Art Foundation Paris, 2013.
of the Afrikadaa collective. Two films were
distinctions. Obolo’s film has an impressionist
brought together and were layered within the
aesthetic that captures the movement of the
artist Prajakta Potnis's sculptural immersive
carnival dancers but blurs to create a mass
installation, a 'room full of rooms', a room with
of colour, recreating the emotional state of
multiple slide-projections that recalled the
being within the carnival. This film, screened
homes and windows of diverse populations
within the ‘room full of rooms’ installation,
of Paris. In Paris, where there is a gaping lack
similarly had already built into its structure, the
of curators of West-African descent within
accommodation of other artists layered onto it.
institutions, even among those directly
Each time Pascale Obolo plays ‘Deambulation
reflecting a former colonial relationship, like
Carnivalesque’, she invites a different artist
the new Musee de Quai Branly, the work of
to collaborate with her to produce a new
the collective Afrikadaa is significant. This
interpretive sound for the work. Jay One
insertion within a coherent work of an artist,
Ramier and Louisa Babari, other members of
was a gesture equally of political necessity, as
Afrikadaa, collaborated to make ‘DC1’ a sound
of artistic generosity.
score for this screening. They created what they believed would be the sound memory
Having worked for years in cinema, Pascale
of slavery - of exiles, grief, deep melancholy,
Obolo, a member of Afrikadaa, visited the
but also of passing joy, and hope. It offers a
carnival in Trinidad each year. In 2008 she
contemporary reinterpretation of the legacy
created a silent film that caught the
of slavery, that persists within words and
masquerade, the painted faces, and the
language, a linguistic memory.
rhythm of the dance. Michail Bakhtin’s writing on the mediaeval carnivalesque of
The writing of Arjun Appadurai evokes the
Rabelais, was about the upturning of all social
role of the imagination as a social practice,
and of art as a powerful tool for social
collective afrikadaa, based across Paris and
her research in the busy lanes of the city
commentary, which may spur political and
Dakar, working on fragments of African
constructing her cycle in the market of a
cultural changes. This concept challenges us
cultures that intersect outside the African
central Bombay district called Dadar. Here she
to negotiate our place within this imagined
continent.
engaged a four-generation-old family that
community in consideration of our own
repaired classical music instruments. They
personal experiences as members of actual
Clark House invited art historian and author
further sought help from a local cycle dealer
families and neighborhoods, with real ethnic
of 'Black is a Colour', Elvan Zabunyan, into
and were able to create a cycle that made
and cultural histories, placing into context the
conversation with the artist Caecilia Tripp in
music when pedalled. Back at Clark House she
idea of an ‘artistic imagination’ and the ‘social
whose works there has been a consistent
persuaded Nikhil Raunak to be the performer
imagination’. In his book, ‘Decolonizing the
reference to the spirit of John Cage and
in her film, with help from a cinematographer
Mind’, Ngũgĩ wa Thiong’o writes, ‘Since culture
Edouard Glissant. To begin the conversation,
friend Ram Devineni, she shot the first edition
does not just reflect the world in
Caecilia Tripp screened the magnetic
of her film ‘Music for (prepared) bicycle’. In
images but actually, through those very
conversation she captured on film, when
exchange, she taught members of the young
images, conditions the colonial child to see
two brilliant minds, the writer Glissant and the
collective at Clark House, called Shunya,
that world in a certain way, the colonial child
poet Linton Kwesi Johnson meet and talk. This
inspiring Yogesh Barve and Amol Patil for their
was made to see the world and where he
small precise and humorous masterpiece is
own films.
stands in it as seen and defined by or reflected
titled 'Making History' (in co-direction with
in the culture of the language of imposition.’
Karen McKinnon, 2008), and unfolds gently
At the event at Kadist two other films were
Frantz Fanon resisted the definition of ‘Negro’,
through a filmed conversation and many
inserted: Amol Patil’s video ‘Molt’, in which the
he refused to be described as such because
strolls, slowly finds a shared understanding of
artist covers himself in adhesive, and then
he believed it was the atrocity of slavery and
the shades of meaning of words like identity,
crawls out of it as if he were a snake shedding
colonialism to confer a permanent existence
and a discovery of a position.
his skin. In another video ‘Impression’, Amol,
of inferiority to a group of people. To this
has an artist friend cover him up in Henna
comes the revolutionary stance of the editorial
Within the exhibiiton at Kadist a documentary
resembling traditional Indian wedding
collective Afrikadaa, committed to making
about the choreographer Chandralekha
decoration. This he then covers with adhesive
visible African and especially francophone
(courtesy Sadanand Menon, the pad.ma
and lets the Henna dry over 24 hours. The
African art. They bring to this discussion, the
archive and CAMP) was on view. An avant-
Henna dries into the resin of the Adhesive
philosophy of the jazz musician Sun Ra, and
garde anarchism is present in the dance of
leaving a decorative impression, he then
a philosophy of moving beyond identity
Chandralekha, which she shared with John
carefully removes, to form a second skin, a
through Afro Futurism, looking at identity
Cage when they met. This crossroads of
shirt. Patil comments on India’s relationship to
from the point of view of outer-space. For the
thought was explored in the discussion as a
colour and its distaste for dark skin. The
first time, Kemi Bassene introduced a fictive
means to open out other narratives within
brand, Garnier, sells skin-lightening creams in
element to his photography.
the exhibition, and the way modernism
India. These works may be read as Fanonian
unfolded in parallel geographies. Cage saw an
masks, dealing with caste and colour
Taking off from the direction of Sun Ra, and his
ally in Chandralekha as they scripted ideas of
prejudices within India, as much as they are
own interest in Afro-Futurism, Kemi Bassene
modernism in dance and music.
satires on the customs and rituals of using
made his first fictional photographs for this
henna during weddings.
one-day exhibition. Born in Dakar, and a
A second work by Tripp was inserted here,
musicologist, he had been taking photographs
about taking the music of John Cage to the
We began to feel that Kemi Bassene’s work
since the age of seven in his grandfather’s
streets of Bombay, and later to Brooklyn. In
inspired by Sun-Ra’s ‘Afro Futurism’ was
photo-studio Mama Casset in Dakar. He is a
2012,
equally relevant to the social context of
founding member of the artistic and editorial
Caecilia Tripp had visited India she began
Bombay, where suppression on the basis of
134
Come, Africa !
caste-based identities is thinly veiled.
France may display interest in India’s economy,
Kemi Bassene presented ‘Nine’ an exhibition
(though it has begun to stagger), but in
at Clark House in Bombay in 2013. Kemi had
France, descendants of immigrants from
written, ‘Nine is the link between a starting
the subcontinent will face a similar future if
point and a destination according to Songhai
their nations are celebrated for their material
thoughts’. His was one of the city’s first
successes alone, and not also given a chance
This poem ‘Aa Jaao Africa’ (Come Africa) by Faiz Ahmad Faiz, was written in Urdu in March 1955, while he was imprisoned for ‘seditious
exhibitions on Africa. Life for a someone
to express themselves in France’s intellectual,
activities’. The words that seem the most
from Africa is a difficult existence in the city
cultural and spiritual discourse. This can only
potent in the poem are perhaps these: ‘I am
of Bombay, a Cameroonian businessman
be brought about if there exists a sense of
Africa, for I have taken on your form/ I am you,
who lives in a hotel since the last 4 years
camaraderie between the people of Asia and
and my gait is your lion-walk’. The binding
without being able to rent a home, says
Africa.
of identities, of privileges and poverties of freedom, across national borders, of
people refuse to rent to a black man. Though in Islam all men are seen as brothers when
This solidarity once existed, placing
claiming - beyond allegiances and solidarities -
he went to the mosque-men jeered at him.
local politics within a broader context of
another’s identity as one’s own, is the powerful
Bassene’s exhibition reflected on imaginary
international struggles. This was the primary
strategy of the poem. 1955, the year of the
of nine contemporary Black existences in
impetus for a section of the Paris exhibition,
poem, was coincidentally also the year of the
metropolitan geographies.
‘L’exigence de la saudade’, which dwelt on
Non-Aligned Movement. At Clark House there
a shelf-system of objects, books and works
is a commissioned permanent installation of
Bassene is from Senegal a culture which also
by Indian artists from the 60s. Even though
chequered windows by Yogesh Barve. The
has a caste system akin to the Indian one. As
racial tropes had not really been employed in
work is part of a larger series called, 'equality/
curators in the city of Paris we saw the city’s
India’s freedom struggle in the 30s and 40s, a
inequality', to do with the paradoxes of
immigrants create their own segregation of
new alignment with race emerged in the 60s
attaining balance and equal arrangements
colour, how the Sri Lankan Tamils, Pakistanis
in India, with the understanding of a colonial
of rectangular shapes. Clark House was once
and Indians kept away from the Africans.
imaginary.
a shipping office. Old, dusty model ships
How those from North Africa called their land ‘Afrique Blanche’. South Asians - the world’s largest migrating population - come to witness in Bassene’s contemporary nine travellers, their own future as immigrants who replace people from Africa each day in Paris.
Come, Africa
House looked like a big ship out at sea, with an
Scraped away the grief from my eyes
exhibition is a docking at a new port, along
Broken away from the grip of pain Torn away from the web of helplessness
when men like Leopold Serdar Senghor
Come, Africa!
economic space through Francafrique, where
The earth’s heart beats with mine, Africa
exhibitions of African art and wealthy Africans
The river dances while the moon keeps time
were seen on the boulevards of Paris, and seminars with Aime Cesaire, these cultural sways did not result in the creation of a real social space within French society for French Africans, a fact of struggle even today.
135
When he saw it, Kemi Bassene thought Clark
Come, for I have raised my forehead from the dust
Despite the 1950s ‘Negritude’ movement, and Felix Houphouet-Boigny gave Africa an
and navigation maps remain in the archives.
I am Africa, for I have taken on your form I am you, and my gait is your lion-walk Come, Africa Come with a lion-walk
upper and lower deck, and where every new the cultural cross-routes of slave, colonial, immigrant or space ships. Thus playing with the idea of a deck of cards, and the windows of a ship deck, changed around the glass windows of Clark House to create a permanent installation that arose from a conversation with one of the members of Afrikada, and reminds us of a commitment to solidarity.
Caecilia Tripp, image during the making of ‘Music for (prepared) bicycle’, Clark House, Bombay, 2012
Amol Patil, ‘Molt’, 2011
136
Stills from Pascale Obolo, ‘Deambulation Carnivalesque’, 2008 (silent video, 8 minutes).
137
CARNET DE BORD
GABA’S MUSEUM IS NOT JUST A ROOM By Francine Mabondo
I
met Meschac Gaba at Tate Modern,
in time as he explored his practice. It is
room which shows images of the artist
this summer, in front of the lift. His
also the result of a working collaboration
getting married in the Stedelijk Museum in
eyes were red of exhaustion as he
with other artists and art institutions
Amsterdam. In this case, emotions are on
had just finished a talk in English for the
across the world as the project spreads
display in an almost provocative manner,
opening of the Museum of Contemporary
accross different spaces and locations.
and break s up in continuity with the rest
African Art 1997-2002. We spoke in French
The twelve rooms of the project have
of the rooms of the museum. In front of
for a few minutes and I mentioned Georges
been installed at Tate modern in a quite
photographs of Meschac Gaba’s wedding, I
Adeagbo’s work in relation to his. Later
democratic manner allowing the viewer
am unsettled and cannot escape to reflect
on that week, I thought it could be quite
to navigate and engage with the work on
on my own narrative of love and intimacy.
interesting to interview him on the subject
different levels. Playful interaction is crucial
This is emotional for me but is it the case
of the emotions especially in relation to
in Gaba’s Museum and really challenges
for the artist? When I met with the curator
his museum project. The project was not
our traditional perception of works of art
of the exhibition Kerryn Greenberg, I
evidently emotional and I wanted to dig
so often incarnated by the ‘do not touch’
questioned the presence of this room in
further on the personal intentions of the
sign. On a different level, the artist creates
the museum and she explained that for
artist, if any. Meschac Gaba’s response to
a conceptual reflection of the Museum
my offer was spot on: ‘’Chère Francine, do
inviting the viewer to rethink questions of
you know this phrase from Senghor, the
visibilities of works of art investigating in
emotion is negre?”. I knew straight away
particular the format (the museum) in which
what he meant. He was right in questioning
works are being captured. The acquisition
the perspective I was coming from. Did I
by Tate Modern of Gaba’s museum
want to interview the artist or did I want to
ingeniously creates a museum within a
scrutinize the emotional African?
museum not only allowing an unexpected
Meschac Gaba’s project Museum of
conversation between the different levels
Contemporary African Art 1997-2002 is one
of representation but also questioning
of the latest acquisitions of Tate modern’s
the relevance of the format of visibility in
International collection. The Museum of
relation to the work itself.
Contemporary African Art is a project that
The Museum of Contemporary African
has grown organically developing and
Art 1997-2002 is not evidently emotional
answering the artist’s doubts and questions
at the exception perhaps of the marriage
138
Meschac Gaba the marriage celebration is a public act that should be enjoyed collectively. This room is not particularly intimate or emotional for the artist, it is only my personal projection that is. As I am travelling inside the museum, I am under the impression of following the introspective reflections of the artist, creating as I am following, my own introspective reflections. With the marriage room, Meschac Gaba has put himself at the centre of his museum, giving birth to a prophecy by fixing his love on the wall to make it visible and real in the museum of his fantasy, transcending at the same time its meaning. But Gaba’s museum is not just a room, it is a composition of many and as I embrace the work, I feels like a fable repeating the cycle of its own narrative, at Tate but also in time and conceptually. The ‘twelve rooms of the museum’ is a format that is reminiscent of a religious and conservative narrative. The museum provides a rigid frame that retains the attention and provides credibility, acting as a secure allegorical excuse to deliver a more complex message in relation to the question of visibility. The number twelve plays also an active part as it symbolizes complete creation. By associating with it Gaba’s work echoes the aura of the genesis, the announcement of something new and significant. While the format of the work is grand and eloquent, the content is on the contrary humble and honest. This interesting combination creates a space of investigation between the title of the project and its content and if the museum is complete with its twelve rooms, the question persists recurrently. The museum of Contemporary African Art 19972002 is not evidently emotional because
139
it is distracting us with its abundance of
us. While playing and participating, the
objects and installations but the canvas, the
audience is invited to explore collectively
decommissioned bank notes, the sculptures
its own sacredness. Gaba’s museum of
and games, the books and all other objects
Contemporary African Art is not evidently
are really just traces of a more important
emotional, it is sacred.
movement, one that talks about time and the recollection of that time. So the emotion diffuses throughout the work on a collective level as opposed to a personal one. The playfully and joyous interaction of the different rooms brings out the sacred aspect of the game but also the sacred in
Left : Museum of Contemporary African Art 1997 – 2002 Centro Atlantiko de Arte Moderno © Meschac Gaba Kunsthalle Fridericianum. Photo: Nils Klinger This page : Museum of Contemporary African Art 1997 - 2002 (Marriage Room) Tate © Meschac Gaba
ARIKADAA’S LIBRARY
SENTIMENTAL - Joel Andrianomearisoa, Revue Noire Editions, 2012. Sentimental. Une violence ou une caresse. Un hommage aux garçons qui rythment la vie et l’œuvre de l’artiste.
LA REVANCHE DES EMOTIONS –
Et dont les mots de papier froissés donnent
Catherine Grenier, Editions Fichier & Cie,
une forme à l’écrit.
2008.
Joel Andrianomearisoa est non seulement l’auteur de l’ouvrage mais aussi son
L’art du XXIe siècle est né sous le signe
architecte, son metteur en scène.
de l’émotion : le pathos et le rire, les
Le sentiment, qui se dévoile à travers ces
stimulations sensorielles et l’empathie sont
pages, est le fil d’Ariane qu’il nous fait
aujourd’hui les modes d’adresse privilégiés
partager, l’espace d’un instant, ces moments
par les artistes.
secrets qui sont à l’origine de toute œuvre
Au travers d’une analyse très documentée
vraie.
de la scène artistique contemporaine, Catherine Grenier met en lumière le passage
Le travail de Joël Andrianomearisoa a été
“du concept à l’affect” dont témoignent des
présenté dans de nombreuses expositions
œuvres qui réaniment les forces vives de la
dont The Progress of Love à la Mesnil
tragédie, du drame ou de la comédie.
Collection à Houston (2012), Collective Diary
Enfants terribles de la modernité, héritiers
au Hersliya Museum à Tel Aviv (2010), Flow
de Goya et de Shakespeare, les artistes
au Studio Museum à New York (2008), Africa
convoqués par l’auteur répondent aux
Remix au Centre Pompidou à Paris (2005) et
pulsions dépressives de notre temps par
au Mori Museum à Tokyo (2006).
une interpellation directe du spectateur. Le trauma, la Vanité, le grotesque, l’animalité, l’immaturité sont les zones d’exploration dans lesquelles l’art nous invite à renouer avec une forme de connaissance sensible : la connaissance pathétique.
140
TOMBEAU DE LEOPOLD SEDAR SENGHOR, Nimrod, Editions Le temps qu’il fait, 2013. Un poète et romancier rend hommage au pionnier de la littérature africaine que fut Léoplod Sédar Senghor. Dans une vision des plus personnelles, il dévoile son Senghor à lui. Le lecteur appréciera la cohérence de ce bref essai ; il goûtera à sa langue, inattendue, polémique, décapante. « Sa démarche d’homme et sa politique s’abreuvaient aux connaissances les plus sûres. L’école en est la trame. Senghor aimait plus que tout l’apprentissage (celui qui lie le maître et le disciple, le livre et le lecteur). Né en 1959 au Tchad, Nimrod a publié Passage à l’infini (poèmes, Obsidiane, 1999, Prix Louise Labé) et Les jambes d’Alice (roman, Actes Sud, 2001, Bourse Thyde Monnier de la Société des Gens de Lettres).
monde et les mots.
American to The New Yorker. Emotional
Il interroge notamment les œuvres de
Design articulates the profound influence
Reverdy, Supervielle, Michaux, Ponge,
of the feelings that objects evoke, from our
Senghor, Dupin, Gaspar et Bernard Noël, à la
willingness to spend thousands of dollars
lumière de la poétique, de la thématique, de
on Gucci bags and Rolex watches, to the
la psychanalyse et de la génétique. L’étude
impact of emotion on the everyday objects
des manuscrits complète celle des textes :
of tomorrow.
elle permet de surprendre l’inscription de
Norman draws on a wealth of examples and
l’émotion dans la matière même de l’encre et
the latest scientific insights to present a bold
du papier, et dans le geste de l’écriture.
exploration of the objects in our everyday world. Emotional Design will appeal not only to designers and manufacturers but also to managers, psychologists, and general readers who love to think about their stuff.
LA MATIERE –EMOTION, Michel Collot, Editions Ecriture, 1997. L’émotion n’est pas un état purement intérieur, mais un mouvement de l’âme et
And I laid
du corps qui fait sortir de soi le sujet qui
Traps for the Troubadours
l’éprouve. Elle pousse à écrire, car elle ne
who get killed before they reached
peut s’exprimer qu’en s’incarnant dans la
Bombay
chair du monde et des mots : un aphorisme de René Char fait du poème une “ matièreémotion “. En traçant un trait d’union fulgurant entre le plus “ objectif “ et le plus “ subjectif “, cette formule nous invite à nous affranchir d’une pensée dualiste et à dépasser les clivages qui figent encore trop souvent le débat contemporain sur la poésie, opposant les tenants d’un “ nouveau lyrisme “ à ceux de l’ “objectivisme “, du “ littéralisme “ ou du “ matérialisme “. Michel Collot tente ici d’échapper à cette fausse alternative, en montrant comment dans l’alchimie du verbe entrent en fusion et en interaction le moi, le
141
Conceived as the catalogue of the exhibition Emotional Design: Why We Love (or Hate)
“L’exigence de la saudade”, by Zasha Colah
Everyday Things, Don Norman, 2005.
and Sumesh Sharma This publication gathers:
Did you ever wonder why cheap wine
Essays, Interview, Artists’s notes ( in English)
tastes better in fancy glasses? Why sales of
48 pages, illustrations, b&w
Macintosh computers soared when Apple
Cover: Shunya collective, Bombay
introduced the colorful iMac? New research
Texts: P. Chettur, Z.Colah, V.Grataloup,
on emotion and cognition has shown that
L. Monnier, Justin Ponmany, P. Potnis,
attractive things really do work better, as
S.Sharma, E.Villez.
Donald Norman amply demonstrates in
Editor Kadist Art Foundation. 2013.
this fascinating book, which has garnered
www.kadist.org
acclaim everywhere from Scientific
Printed in 500 copies
AGENDA AFRIQUE « JE NE PENSE QU’À ÇA »
emporte avec justesse à voir
qui célèbre l’exil au Gabon du
son interprétation sensible du
fondateur le Cheikh Ahmadou
monde.
Bamba, et qui donne lieu à une immense prière collective sur
« Je ne pense qu’à ça »
la plage de Touba, ou encore
Vincent Michéa
le Gamou : célébration de la
Jusqu’au 16 Novembre 2013
naissance du prophète.
Galerie Cécile Fakhoury -
Ces photographies permettent
Abidjan, Côte d’Ivoire -
une découverte des grands
www.cecilefakhoury.com
principes régissent la vie de la communauté : le devoir
FRANCE & EUROPE
d’offrande lié à la pratique du «madial» et surtout le
La Galerie Cécile Fakhoury
« LA VOIE DU BAYE FALL»
«jebellou» : soumission totale
est heureuse de présenter la
au marabout.
première exposition du peintre
L’exposition se compose de
Vincent Michéa en Côte d’Ivoire.
trois temps forts : au rez-
Cette exposition nous offre un
de-chaussée, le hall d’entrée
panorama de son travail, des
accueille un diaporama qui
séries réalisées par l’artiste
retrace le voyage initiatique
à différentes périodes. On y
du photographe au sein de la
retrouve des scènes de baiser
communauté, puis un espace
de cinéma, des pochettes de
consacré aux scènes collectives.
disque de musique populaire
A l’occasion du tandem Dakar-
Le parcours de l’exposition
africaine, des vues de Dakar,
Paris, c’est l’islam subsaharien
se poursuit à l’étage par
sa ville depuis près de 30 ans
que l’Institut des Cultures
une galerie de portraits à
et on y découvre ses derniers
d’Islam met à l’honneur, et
l’esthétique en clair-obscur
travaux de photomontage.
notamment les Baye Fall,
proche de la tradition picturale
Peintures, sérigraphies,
émanation du mouridisme.
classique.
affiches : les toiles de Vincent
Montrées en exclusivité pour
Michéa nous déroutent et nous
l’Institut des cultures d’Islam,
« La voie du baye fall»
transportent.
les images de Fabrice Monteiro
Fabrice Monteiro
sont le fruit d’une immersion
jusqu’au
Glissant volontiers dans son
dans cette communauté dont
Institut des Cultures d’Islam
monde en technicolor, on est
le photographe a partagé le
Entrée libre
appelé par ses images qui
quotidien pendant deux ans.
du mardi au vendredi
sonnent, rythmées par des
Il a été ainsi le témoin
de 15h00 à 20h00 –
pointillés, des lettrages,
privilégié des moments forts
le samedi de 10h00 à 20h00
des visages, des plans, des
qui rythment la vie de ces
23 rue Léon, 75018 Paris -
vues d’une ville magnifiée.
hommes et de ces femmes (les
Tel : 01 53 09 99 84
Tout est vivant, vibrant,
Yaye Fall) comme le grand
www.institut-cultures-islam.org
aussi simplement. Michéa nous
Magal de Touba : pèlerinage
142
21 décembre 2013
« PRESENT TENSE »
en général. A travers des
inédits ou peu vus en Europe
choix de thèmes et de mises
et provenant des grandes zones
en scène savamment réfléchis
géographiques représentées au
et parfois insolites, où la
sein des collections du musée
question sociale, d’identité et
du quai Branly : Amérique du
l’espace public sont souvent au
Sud et centrale, Asie, Océanie,
centre de l’œuvre, ces tensions
Afrique, Proche et Moyen-Orient,
deviennent productives et
Russie.
participent à la richesse des
La sélection 2013, rassemblée
propositions de ces artistes.
sous le slogan «Regarde-
Photographies de Délio Jasse,
moi», a un dénominateur
Dillon Marsh, Guy Tillim,
commun : toutes les séries
Jo Ractliffe, Kiluanji Kia
photographiques ont à voir avec
Henda, Mack Magagane, Malala
la figure humaine. Paysages,
La Délégation en France de la
Andrialavidrazana, Paul Samuels,
objets, mode ou architecture
Fondation Calouste Gulbenkian
Pieter Hugo, Sabelo Mlangeni,
y apparaissent comme des
célèbre, en collaboration avec
Tsvangirayi Mukwazhi, Filipe
éléments d’accompagnement de
le programme Gulbenkian Next
Branquinho, Mauro Pinto et
la personne. Dans toutes les
Future, les photographes du sud
Sammy Baloji.
séries, c’est le corps qui est
de l’Afrique. S’intéresser à
l’unité de mesure de notre
l’Afrique revient à s’intéresser
« Present tense »
univers.
à un continent où l’histoire
jusqu’au 14 décembre 2013
La sélection rend compte de
de la photographie est
Fondation Calouste Gulbenkian -
la diversité des manières de
particulièrement importante.
Délégation en France
percevoir le monde non-européen
Peu visibles en Europe bien
39 bd de la Tour-Maubourg,
aujourd’hui, de l’intérieur, par
que porteurs d’autant de
75007 Paris, France
les artistes qui y vivent, loin
talents que d’un regard
Tel : 01 53 85 93 93
des clichés que véhicule souvent
aiguisé sur leurs sociétés,
une certaine photographie
deux importantes générations
« PHOTOQUAI 2013 »
touristique. Il ne s’agit
de photographes sont ici
PHOTOQUAI présente les œuvres
pas d’avoir une illustration
présentées. Ces derniers
systématique de la photographie
développent deux tendances :
d’un large panel de pays,
alors que certains prouvent
mais de mettre en valeur des
qu’ils n’oublient pas leur passé
artistes et des œuvres sans
et leur histoire, d’autres
exhaustivité géographique.
se tournent désormais vers
40 photographes de 29
l’avenir.
pays exposent près de 400
L’exposition, qui réunit les
photographies. L’Afrique
travaux de 14 photographes,
sera représentée par Filipe
met en valeur les tensions
Branquinho (Mozambique), Thabiso
contemporaines qui existent
de photographes contemporains
Sekgala (Afrique du Sud),
dans leurs pays et les sociétés
du monde entier, talents
Adolphus Opara (Nigeria) et
143
AGENDA Nyaba Ouedraogo (Burkina Faso).
nouvelle façon de photographier
dans le même lieu.
cette ville dont on a pu
Si Andrew Tshabangu a connu
dire que «l’absence totale de
les troubles liés à l’apartheid
Jusqu’au 17 novembre 2013
personnalité est devenu sa
– qui prenait en partie la
Musée du quai Branly
personnalité.» Le photographe
religion comme prétexte pour
37 quai Branly, 75007
approche ce paysage urbain
justifier ses lois –, René Paul
Paris, France
comme il approche la nature
Savignan a, quant à lui, été
www.quaibranly.fr
polynésienne : «Je montre une
marqué par la pluralité des
sorte de zone indéterminée. Les
rites à La Réunion. Tous les
choses que nous ne remarquons
deux se sont donc immergés
pas, parce qu’elles sont
dans les rites du pays inconnu,
communes, contribuent autant au
essayant d’adopter une position
paysage que les autres».
neutre pour rendre compte des
« Photoquai 2013 »
« SECOND NATURE »
différentes pratiques telles « Second nature »
que les perçoivent les croyants
Guy Tillim
eux-mêmes, que ce soit le culte
Jusqu’au
Seconde exposition
22 décembre 2013
Centre photographique d’île de
catholique ou malgache à La
Farnce
Réunion, ou l’Église zioniste en
107 avenue de la république,
Afrique du Sud.
77340 Pontault-Combault, France.
Le projet Bridges nous livre le
monographique d’envergure en France de Guy Tillim,
malbar d’origine indienne,
prolongement de ces expériences “BRIDGES”
vécues et partagées, par
figure incontournable de la
lesquelles Andrew Tshabangu
photographie contemporaine sud-
et René Paul Savignan ont
africaine.
revisité les pratiques de leur
Cet ensemble explore la
propre pays et découvert celles
capacité de la photographie à
de l’autre. Ils dévoilent en
restituer le paysage, naturel
quatre-vingt photographies
ou urbain, en convoquant une
la ferveur des pratiquants
problématique inhérente à la
religieux des deux pays et
représentation du paysage :
toute la vivacité de ces
«Dans quelle mesure fabrique-
Pendant quinze ans, les
croyances qui se renouvellent
t-on une scène et dans quelle
photographes Andrew Tshabangu,
encore et toujours à l’aube du
mesure la laisse-t-on s’exprimer
Sud-Africain, et René Paul
XXIe siècle.
pour ce qu’elle est ?»
Savignan, Réunionnais, ont
Comme un contrepoint moderniste
réalisé des centaines d’images
BRIDGES
à ses photographies de
lors de séjours communs à La
Jusqu’au 27 octobre 2013
Polynésie, Guy Tillim a voyagé à
Réunion ou en Afrique du Sud,
du mardi au samedi 14h > 20h
São Paulo - une ville largement
documentant les pratiques
le dimanche > 14h > 19h
filmée, photographiée, décrite.
cultuelles des différentes
entrée libre
Ici aussi, il a cherché une
communautés en même temps et
La Maison des Metallos
144
94 rue Jean-Pierre Timbaud,
Particulièrement attentif à la
résiduel, sur lequel appliquer
Paris 11
recherche sur les matériaux,
désormais le filtre de la
reservation@maisondesmetallos.
aux politiques de développement
mémoire privée et publique.
org
urbain, et à la question
01 47 00 25 20
du rebut, il fait appel à
“ASIM WAQIF”
info@maisondesmetallos.org
différents media – vidéo,
Du 9 novembre au 21 décembre
01 48 05 88 27
installation, photographie,
Galerie Daniel Templon
www.maisondesmetallos.org/
sculpture.
Impasse Beaubourg 75003 Paris
prehome
Avec Venu, l’artiste met
www.danieltemplon.com
e
l’accent sur les concepts « ASIM WAQIF »
de durabilité et sur la
«CARTOGRAPHIE DE LA HOULE»
complémentarité entre les traditions architecturales vernaculaires et les nouvelles technologies. Il cherche à proposer une structure pertinente à la fois d’un point de vue écologique et culturel. L’artiste signe une fois de plus un commentaire sur le Un an après avoir créé
consumérisme contemporain. « La
L’exposition Cartographie de la
l’événement au Palais de Tokyo
détérioration et la destruction
houle réunit un ensemble de
avec son intervention Bordel
ont un rôle important à jouer
pièces qui procèdent de
Monstre, le jeune artiste
pour l’adaptation du dynamisme
projections, d’assemblages, de
indien Asim Waqif présente pour
de la société » affirme-t-il.
dispersions. Elles établissent
la première fois son travail
la cartographie d’un paysage
en galerie, en France, avec une
A mi-chemin entre photographie
fragmenté, dont certains motifs
spectaculaire installation in
et sculpture, l’œuvre
émergent sous plusieurs angles,
situ interactive.
Exploration rend hommage au
à des échelles différentes.
projet du Mausolée, la résidence
Que ce soient les dessins au
L’immense structure de bambous
artistique sauvage organisée
graphite disparaissant dans le
Venu est chargée de capteurs
en 2010 dans un supermarché
pli d’un papier suspendu, les
qui répondent au toucher,
abandonné de la Porte de la
courbes d’un relief montagneux,
aux sons, à la lumière et
Villette, au nord de Paris,
les pierres trouvées, les
aux vibrations. Le visiteur
par les graffeurs français Lek
silhouettes de rocher en
est invité non seulement à
et Sowat, devenu temple de la
matériaux de construction,
expérimenter l’œuvre mais
culture underground pendant un
un échafaudage irrégulier,
aussi à en être l’acteur, le
an. Un graffiti coloré zèbre
les collages, la composition
déclencheur.
et re-dimensionne la vision
électro- acoustique à partir
Architecte de formation, Asim
romantique en noir et blanc
des sons de pierres lithophones
Waqif puise son inspiration dans
des mythiques 40 000 m2 du
gravées sur un vinyl, toutes
notre environnement construit.
Mausolée. Un espace de liberté,
ces propositions établissent un
145
AGENDA vocabulaire spatial commun à
artistes, des curateurs, des
chiffres, sigles, perspectives,
plusieurs domaines et amorcent
centres d’art et musées de
täches et/ou coulures comme
une cartographie sémantique et
toute l’Afrique et des acteurs
autant d’éléments assemblés
visuelle.
internationaux dont les projets
par combinaisons variées de
Le travail d’Alexandra Sà
sont liés à l’Afrique. Ce
manière à évoquer les pensées,
est présenté dans plusieurs
rendez-vous vise à promouvoir
les sentiments, les fantasmes,
expositions collectives et
l’art par des talents établis
les souvenirs, des chansons et
personnelles. En 2011, elle a
et émergents parmi un public
beaucoup d’autres choses encore
reçu une bourse de recherche du
international.
qui me viennent à l’esprit en
CNAP pour les USA et a publié
Tirant son nom des 54 pays
cours de création.
un catalogue sur son travail
sur un continent immense et
Mon vocabulaire graphique se
aux Editions Analogues.
diverse créative, 1:54 réunira
construit de cette façon et
des expositions de 15 galeries
je le décline en variations
sélectionnées avec soin.
qui vont de portraits
«Cartographie de la houle» Alexandra Sà
caricaturaux et minimalistes à
Du 20/09/2013 au 01/11/2013
“1:54, the first contemporary
des labyrinthes graphiques qui
L’ESPACE D’EN BAS
African Art Fair”
illustrent le cerveau, la pensée
2, rue bleue 75009 Paris
Du 16 au 20 octobre 2013
et les rêves. »
www.alexandrasa.fr
Somerset House Trust
Après de nombreuses années
Strand London WC2R 1LA
de recherche, Flavien Mambo
“1:54, THE FIRST CONTEMPORARY
Tel: +44 (0)20 7845 4600
Demarigny a posé les bases de
AFRICAN ART FAIR”
info@somersethouse.org.uk
son langage: sa peinture se
http://1-54.com/
construit par un jeu de lignes et de motifs spontanés, créant
« EMOTIF »
un monde graphique expressif, rempli de sens sous-jacents, alliant observation, humour, ambiguité et dont le centre d’intérêt est l’être humain. « EMOTIF » Flavien Mambo Demarigny
Le premier Salon de l’art
Jusqu’au 31 octobre 2013
africain contemporain du monde
7 Rue Bonaparte
aura lieu à Londres du 16 au 20
L’artiste Flavien Mambo
75006 Paris
octobre.
Demarigny nous confie ceci :
Tél: 01 43 29 88 94
Fondé par Touria El Glaoui
“Émotif, en une phrase, c’est
Du Lundi au Samedi
(fille du célèbre artiste
l’émotion par les motifs.
10h30 à 13h00 et 14h00 à 19h00
marocain Hassan El Glaoui)
Plus concrètement il s’agit
www.seven-gallery.com/
et conçu par David Adjaye,
de l’utilisation des lignes,
l’événement sera la plateforme
grilles, épaisseurs, applats,
pour des galeries, des
trames, visages, mains, lettres,
146
ROMUALD HAZOUMÈ - BENINESE SOLIDARITY WITH ENDANGERED WESTERNERS
Les conditions de migration complexes exigent, de la part des sociétés multiculturelles en Europe,
une compréhension
complexe du post-colonialisme. L’impact durable sur la situation mondiale des différents cycles allant de la colonisation au néo-colonialisme en passant par la décolonisation rappelle, par diverses manières, une sorte de « Liaison Dangereuse ». À l’heure actuelle, il est observé l›émergence d’un art qui prétend à la contemporanéité mondiale sans frontières ni histoire. Romuald Hazoumè - Beninese Solidarity with Endangered Westerners Jusqu’au
12 janvier 2014
Kunsthaus Graz Universalmuseum Joanneum Lendkai 1, 8020 Graz Austria kunsthausgraz@museum-joanneum. at www.museum-joanneum.at
147
Pour la première fois, Paris accueille une exposition en hommage aux photographes maliens toutes générations confondues. C’est au pavillon Carré de Baudouin dans le 20e arrondissement que les photographies de tous ces artistes de talent seront exposées, L’exposition Bamako photo in Paris est organisée par la Mairie du 20e et Françoise Huguier en partenariat avec la Mairie de Paris et avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication et Photo Off.=
ARIKADAA’S PLAYLIST
AFRIKADAA PLAY E-MOTIONAL
Artist , musician , composer , sound designer and
BY TREVOR MATHISON
sound recordist , Trevor Mathison has worked for the last twenty years in a myriad of fields .
The sound pieces proposed by
His principal tools throughout though have been
Trevor are explorator y sketches
primarily audio and digital media.
using voice and rhy thm;
A founder member of the famed cine-cultural
clic on the song title to listen to track
« James Baldwin» « Ed»
1982-1995 ), Mathison was also a founder member of the dub techno outfit , Hallucinator ( 1993-2000 ) , the artist collective, Flow Motion (1993- 2000) and, currently, Smoking Dogs Films . In 2003, he teamed up with fellow media artist, Gar y Stewart to form research, production and per formance group, dubmorphology.
photo: courtesy Trevor Mathison
«Dub@Bass»
artist collective , The Black Audio Film Collective (
148
WEEK-END AUTOUR DE MARY SIBANDE ET MIKHAEL SUBOTZKY AU MAC/VAL SAMEDI 26 ET DIMANCHE 27 OCTOBRE 2013
Le MAC/VAL présente à partir du 26 octobre les travaux de Mary Sibande et Mikhael Subotzky. Deux artistes sud-africains, invités dans le cadre des saisons croisées France / Afrique du Sud, Les oeuvres réalisées par ces jeunes artistes (lauréats consécutifs du prix pour les arts visuels de la Standard Bank) durant leur résidence, permet de découvrir deux aspects de la scène artistique sud-africaine. Le public poura découvrir “The purple shall govern” une installation de Mary Sibande. L’artiste aborde les notions d’identité et de progrès social à travers le personnage de Sophie, son « alter ego » sculpté et habillé en employée de maison, les yeux fermés, rêvant à un autre possible. Mary Sibande, A Terrible Beauty Is Born, 2013. 110 x 321,5 cm. Courtesy Gallery Momo, Johannesburg
Mikhael Subotsky quant à lui poursuit sa réflexion sur le processus de la vision, et présente “Stuff Barta”une installation vidéo A l’occasion de ce week-end consacré aux deux artistes, la revue AFRIKADAA proposera dimanche 27, un programme vidéo imaginé en collaboration avec Mary Sibande, Mikhael Subotzky. Séance présentée par l’équipe de la revue, Pascale Obolo et Louisa Babari. Au programme, des films et vidéos de William Kentridge, Pascale Obolo, Jay Ramier et des extraits du documentaire Have you heard from Johannesburg ?
Mikhael Subotzky, David 2, Houtbay Beach, 2005. Courtesy Goodman Gallery
Vendredi 25 octobre : Vernissage à parir de 18H30 Samedi 26 octobre : Le dimanche 27 octobre : de 17H 00 à 18HOO « La scène artistique et l’art vidéo sud-africain » Programme vidéo en partenariat avec la revue AFRIKADAA Pour plus d’informations : http://www.macval.fr/.
Cover Afrikadaa N° 6 , E-MOTIONAL
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