Le Journal des Rencontres AKAA 2019

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ESSAI

JOURNAL DES RENCONTRES - AKAA PARIS 2019

No Martins Public Enemy III, 2019 Acrylic on Canvas 138 x 91.5 cm Courtesy Ela Espaço Luanda Arte

PAR / BY HELIO MENEZES

No Martins Des rues brésiliennes à la toile NO MARTINS EST NÉ À SÃO PAULO, BRÉSIL, OÙ IL VIT ET TRAVAILLE. SON TRAVAIL EN PEINTURE, AUTOUR DE LA PERFORMANCE ET DE LA MANIPULATION D’OBJETS ÉMANE DE SES EXPÉRIENCES PERSONNELLES DU QUOTIDIEN ET TRAITE DE LA CONVIVIALITÉ ET DES PROBLÈMES RENCONTRÉS PAR LES NOIRS, EN PARTICULIER DANS LE CADRE URBAIN BRÉSILIEN. IL S’ATTAQUE AU RACISME, À LA VIOLENCE ET AU GÉNOCIDE DE LA POPULATION NOIRE AU BRÉSIL.

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Né en 1987, No Martins a grandi dans la Zona Leste (Zone Est) de São Paulo, un quartier pauvre marqué par les inégalités socio-économiques, en contraste avec les gratteciel et les cartes postales qui caractérisent habituellement la ville. C’est de ce point de vue social, dans un Brésil hanté par de nombreux drames et histoires conflictuelles, et dévêtu de ses paysages idylliques ou de ses festivités carnavalesques fantasmées, que No Martins travaille et regarde le monde. Dans ses œuvres, Martins transforme la vie dans les périphéries urbaines et les tragédies quotidiennes d’un État hostile, aux inégalités chroniques et au racisme structurel, en champs primaires d’intérêt et d’expérimentation. Beaucoup de ses œuvres cherchent à disséquer les couches de l’expérience noire dans les contextes urbains brésiliens, les stéréotypes imposés à cette partie de la population, les différences marquées fondées sur la race, le sexe et la classe sociale dans l’accès et l’exercice des droits fondamentaux tels que les allées et venues, l’intégrité physique ou les perspectives futures par la culture, l’éducation, la santé, le logement et le travail. En explorant des médiums allant de la peinture à l’objet, en passant par la vidéo et l’installation, No Martins traduit et réinterprète des thèmes urgents tels que l’incarcération de masse, la sélectivité pénale flagrante, le racisme structurel, la violence étatique abusive et la croissance du discours militaire dans la société brésilienne contemporaine. Il utilise l’art comme une forme d’expression et de résistance sur les plans tant politique qu’esthétique. Sa pièce Uma gravata extra (Une cravate supplémentaire, 2019) est un exemple de la volonté de Martins d’intervenir dans le débat public avec l’art, à la fois comme moyen et soutien des causes qu’il défend. Cette œuvre est une dénonciation incisive d’un épisode récent et extrêmement violent à Rio de Janeiro, deuxième plus grande ville et destination touristique au Brésil. Dans cette pièce, Martins parle du meurtre de Pedro Henrique Gonzaga par le garde de sécurité du supermarché Extra, étranglé par une cale (en argot brésilien “gravata” ou “cravate”). La victime était un jeune homme noir exécuté sans aucune forme de procès (ou même avertissement) et sans possibilités de se défendre. Le travail de No Martins est, en ce sens, une protestation constante sur l’importance de la vie des Noirs et un rappel que leurs identités ne doivent pas être oubliées.


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