#13 Mathieu Dufois - Présences dessinées by art [ ] collector

Mathieu DUFOIS

Présences dessinées

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EDITO

Evelyne & Jacques Deret Fondateurs d’ Art[ ]Collector et collectionneurs

Art[ ]Collector : des collectionneurs invitent un artiste.

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Collectionneurs engagés dans la promotion d’artistes français émergents, Evelyne et Jacques Deret ont lancé Art[ ]Collector en 2011, un projet original de philanthropie privée qui associe le temps d’un événement, un artiste, ses collectionneurs et sa galerie. Les collectionneurs prêtent des œuvres emblématiques du travail de l’artiste, tandis que l’artiste présente ses travaux récents. Par cette initiative, Evelyne et Jacques Deret s’engagent pleinement aux côtés des artistes et les soutiennent activement, avec comme objectif de replacer les collectionneurs au centre du processus de diffusion et de valorisation de la création actuelle. Douze lauréats ont bénéficié depuis lors d’une exposition individuelle au Patio Art Opéra et d’un catalogue ponctué de témoignages de collectionneurs en 2012 : Iris Levasseur, Jérémy Liron et Christine Barbe, en 2013 : Karine Rougier et Clément Bagot, en 2014 : Claire Chesnier et Eva Nielse, en 2015 : Abdelkader Benchamma et Olivier Masmonteil, en 2016 : Massinissa Selmani en 2017 : Charles Fréger et Mehdi Georges Lahlou (qui sur proposition de Valérie Bach était invité à Bruxelles) et en 2018 : Marion Charlet. Réuni autour des collectionneurs Evelyne et Jacques Deret, le comité de sélection d’Art[ ]Collector : « des collectionneurs invitent un artiste » a choisi son lauréat 2019 Mathieu Dufois qui devient ainsi le treizième artiste à bénéficier du programme de soutien et de promotion d’ Art[ ]Collector.

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EDITO Une exposition personnelle lui est consacrée au Patio Art Opéra du 7 au 26 octobre 2019 et donne lieu à la publication d’un catalogue. Elle est organisée dans un lieu au cœur de Paris, Le Studio, au premier étage du Patio Art Opéra (Paris 75009) partenaire de l’évènement.

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Le projet Art[ ]Collector s’est développé au fil du temps notamment grâce au parrainage du Ministère de la Culture en 2015 et à un partenariat noué en 2016 avec la Patinoire Royale / Galerie Valérie Bach à Bruxelles, qui a accueilli en 2017 une exposition dédiée aux 5 ans du programme. Il s’élargit en encourageant des entreprises partenaires à soutenir la création et les artistes contemporains. C’est ainsi qu’en complément du prix existant depuis 2011, Art[ ]Collector lance en 2019 une deuxième récompense, le Prix Art[ ]Collector – Entreprise, qui contribuera à la production et à l’exposition d’une œuvre d’un artiste choisi par un comité de sélection dédié. La première entreprise à s’associer au projet est la Société Nouvelle Cornu Emballeurs, issue de l’entreprise familiale d’emballage d’œuvres d’art Cornu 1887 et dirigée par Benoît Béguin, chef d’entreprise et collectionneur d’art contemporain qui l’a rachetée en 2015. Elle œuvre depuis plus de 100 ans pour proposer un service complet personnalisé : de l’emballage au stockage en passant par le transport des objets d’exception de toutes tailles, dans le monde entier. Attachée à la transmission des savoir-faire et labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant mais aussi à la pointe des innovations technologiques notamment pour la confidentialité et le codage des informations de ses clients, elle s’engage à offrir la sérénité. Un nouveau comité de six collectionneurs eux-mêmes engagés dans le mécénat d’aide à la production a élu le projet de Clément Bagot qui sera exposé fin 2019.

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LES COLLECTIONNEURS

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Ni foudroyée , 2017 Dessin à la pierre noire. 53 x 75 cm Collection Françoise et Jean-Claude Quemin

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LES COLLECTIONNEURS

Parler de Mathieu Dufois relève pour nous d’un propos sur le temps. Temps passé, temps durée, temps présent, temps futur. Nous avons rencontré Mathieu Dufois en 2008 au Salon de la Jeune Création à Mulhouse, où étaient présentés de jeunes artistes choisis par les écoles d’art dont ils étaient sortis depuis peu. Mathieu n’avait que 24 ans, il était diplômé des Beaux Arts depuis un an, et il se posait alors la question de son avenir. Paradoxalement, il nous montrait en même temps des images de notre passé : des images des films que nous regardions quand nous avions son âge, quelques décennies plus tôt , et qui ont laissé des traces iconiques dans notre mémoire. Ce jour-là, son avenir se présentait bien puisqu’il a gagné le prix de la Jeune Création. Deux ans plus tard, nous retrouvions ses images des salles obscures au Musée des Beaux Arts de Mulhouse. Des dessins à la pierre noire, pleines de la douceur et du mystère du matériau favori de l’artiste.

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Un peu comme les prolongements qu’il inventait alors aux films noirs des années 70, nous avons continué à le suivre dans son parcours de l’image fixe à l’image en mouvement, de l’écran à la salle de cinéma, de la 2D à la 3D. Il nous a même emmenés loin dans la nuit des grottes et des animaux préhistoriques. Il nous entraine aussi dans les décors obscurs des maquettes où les murs portent non seulement les stigmates du temps, mais aussi la trace de son travail minutieux et patient. Temps durée. Dix années ont passé avant que nous ne proposions sa candidature au Prix Art[ ]Collector. Nous sommes heureux que ce nouveau prix vienne récompenser 10 ans de travail et de recherche. Parfois, les collectionneurs se posent la question de savoir si rencontrer l’artiste est un acte déterminant dans leur engagement. Dans le cas de Mathieu Dufois, nous répondons : OUI Françoise et Jean-Claude Quemin

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LES COLLECTIONNEURS

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Intermède, 2018 Dessin à la pierre noire. 107 x 162 cm. Collection François Gailliard

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LES COLLECTIONNEURS

Être galeriste c’est avant tout être ouvert et curieux du monde. C’est participer à la perpétuelle mouvance des idées, des concepts et des êtres. Lorsque Guillaume Foucher (co-fondateur avec Frédéric Biousse de La Galerie Particulière) m’a invitée à l’accompagner dans l’atelier de Mathieu Dufois, j’étais évidemment enthousiaste à l’idée d’aller à la rencontre d’un nouvel univers, d’une nouvelle sensibilité. Ce jour-là, j’eus également la chance de vivre une rencontre artistique des plus fortes qui rend le métier de galeriste si riche et précieux. A peine, nous étions-nous penchés sur la table de travail de Mathieu que nous étions absorbés par son oeuvre. Puissante et convaincante, elle nous maintenait sous son emprise. Nous voulions en voir davantage, comprendre mieux, rentrer plus avant dans le travail qui, de manière étonnante, par des jeux d’arrêts sur image et de superpositions, mêlait audacieusement temps, lieu et action. Mathieu adaptait au dessin à la pierre noire, la règle des trois unités du théâtre. Ce qui m’avait marquée alors, c’était non seulement une technique éblouissante et singulière, un esprit libre et exigeant mais également et surtout une convocation au présent. Face

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au travail de Mathieu Dufois, aux notions de traces et de réminiscence qu’il aborde, aux circonvolutions du temps qu’il intègre, nous sommes confrontés au présent si difficilement palpable. Mathieu l’interpelle et se confronte alors sans cesse à la problématique du statique, du suspens. Je fus très admirative de la prise de risque et de la proposition qui en découlait. Le temps était tout aussi subtilement évoqué dans la lumière qui me subjuguait. En effet, véritable réserve du papier, elle symbolise ce qui fut, la mémoire des choses et des êtres. Une lumière à la fois incroyablement franche et subtile qui dessine les formes tout autant que les atmosphères et inscrit l’impalpable dans la matière même. Une véritable prouesse née d’une dextérité sans pareille. Je ne me souviens pas si ce jour-là nous avons particulièrement disserté sur le travail et l’art. Par contre, je me rappelle parfaitement du bonheur ressenti avec Guillaume à l’idée de représenter un artiste de la qualité de Mathieu Dufois. Ce bonheur-là ajouté à la fierté ne m’ont jamais quittée. Je suis infiniment reconnaissante à Mathieu Dufois de m’avoir donné tant de plaisir à collaborer avec lui et lui souhaite le meilleur. Audrey Bazin

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LES COLLECTIONNEURS

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L’éclipse 06, 2014 Dessin à la pierre noire. 75 x 106 cm Collection Jean-Christophe Grangé

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LES COLLECTIONNEURS

Je me souviens d’avoir reçu un matin une invitation qui reproduisait « L’éclipse » de Mathieu Dufois. Tout de suite, l’image m’a fasciné. Un cliché tiré d’un film ? Une photo retouchée ? Un dessin ? Je suis allé à l’exposition pour en avoir le cœur net. En grandeur nature, ce « dessin à la pierre noire » (déjà, le nom) m’a bouleversé. J’y retrouvais l’esprit des films américains des années cinquante qui avaient forgé ma jeunesse. Des petites séries B qui avaient la violence d’éclats de quartz reçus dans les yeux. Ces films en noir et blanc - « The invasion of body snatchers », « Follow me quietly », la série des “Alfred Hitchcok presents”... - ne racontaient pas de simples histoires. Ils exprimaient un autre monde, un univers parallèle qui transformait la sueur en mercure, les nuques en chromes, les poitrines en cuirasses... Mathieu Dufois a su capter l’essence de ce monde. Nul besoin de scénarios, de dialogues, d’acteurs... Il nous fait directement pénétrer dans cette dimension singulière, noire, miroitante, où les passions ont la couleur du minerai d’argent.

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Une éclipse ? Pour moi, ces hommes et ces femmes ont la frousse. Ou la haine. Ou les deux. Leurs visages disloqués, leurs pantalons trop larges, leur posture agressive nous renvoient à une violence oubliée, celle du racisme du sud, de la chaleur visqueuse, des hantises américaines liées à une race blanche corrompue... Tout cela, Mathieu Dufois l’imprime sur notre rétine puis sur la membrane sensible de notre âme. Il est ce que doit être aujourd’hui un artiste, intelligible, intelligent, interactif, tout ce que vous voudrez, mais suscitant une véritable émotion. Grâce à lui, la solitude de ce groupe sur cette route brûlante restera dans nos mémoires comme un souvenir en forme de coup de couteau, une pellicule maudite retrouvée, 24 images seconde rendues à leur terrible éternité... Jean-Christophe Grangé

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COMMISSARIAT

Le dessein des ombres « Le soir, avant d’aller rejoindre son régiment, un jeune soldat rend une dernière fois visite à sa fiancée. La lampe projette l’ombre du garçon sur le mur et la jeune fille trace cette silhouette sur la paroi pour conserver l’image de celui qui demain sera loin d’elle ». La façon légendaire et poétique dont Pline l’Ancien, dans son Histoire Naturelle 1, retrace l’origine de la peinture et raconte ainsi l’invention du portrait, nous incite à observer le travail de Mathieu Dufois sous l’angle originel de ce que sont le trait, la trace, l’empreinte. Cette trace tel un geste archéologique sur les parois de lieux dont la survie, et notre survie, n’existent que par notre mémoire. Il est primordial de considérer attentivement ce que le geste de Mathieu nous dit sur notre mémoire. Chez Mathieu, les lieux, les personnages, leurs côtés énigmatiques et leur inscription dans un univers construit par la maîtrise du clair-obscur nous conduisent dans un continuum relevant tout à la fois du passé, de l’instant et du futur. Un futur conditionné par nos observations passées, nos oublis et par l’examen de nos mémoires collectives.

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Non pas la mémoire de la grande histoire mais la mémoire de nos expériences ressenties, rêvées, de l’impression de déjà vécu, l’apparition de nos fantômes et l’écho de nos oublis comme pourrait l’évoquer Paul Ricœur2 . Dans ce travail, l’ombre est ce qui nous est donné à voir, elle est le sujet et nous évoque ce moment furtif entre présence et disparition. C’est cet instant dissimulé que recherche Mathieu lorsqu’il prépare son travail. Il prend des photos, appréhende cette traversée du temps, le plus souvent la nuit. Il note et il observe pour reconstituer un décor, une lumière, un univers afin de nous positionner en tant que voyeur / acteur de ses univers issus du cinéma, du théâtre et de l’archéologie urbaine. Mathieu se réapproprie des séquences cinématographiques qu’il isole afin d’atteindre notre souvenir fugace et nous inscrit ainsi en ombre clandestine de l’image et de sa lecture. Le dessin à la pierre noire participe par la matière et les effets de surface à rendre cette mémoire presque sensible, palpable. Ce travail tout en contraste rend l’ombre lisible quand la lumière nous éblouie, nous renvoie face à l’incertitude du sujet que nous avons sous les yeux. Le sujet devient ainsi le moment du passage entre la réalité de ce qui est représenté et la cabale de nos récits personnels, le lien entre les origines, la mystique d’un lieu et notre présence. Ce théâtre de nos temporalités prend vie par le biais d’un processus de création unique qui ne répond à aucune théorie, aucun dogme créatif.

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COMMISSARIAT Ces lieux stigmatisés par le temps et ces scènes énigmatiques naissent également sous la forme de maquettes. Pour réaliser ces maquettes, Mathieu photographie, réalise un nombre de dessins préparatoires remarquables par leur quantité mais également remarquables du point de vue de leur élaboration, de la mise en espace du sujet. Puis il assemble, il construit, met en scène et nous fait pénétrer dans un espace où la théâtralité, l’irréel et la dramaturgie deviennent tangibles. Le spectateur passe subtilement de l’aplat à un espace en trois dimensions, il devient le visiteur d’un lieu abandonné, en friche où les gravats et la destruction témoignent de la présence d’une vie dans une unité temporelle insaisissable. Le soin que l’artiste apporte au détail, au clair-obscur, à la multiplicité des figures et des expressions allant de l’effroi à l’angoisse et la peur… lui permet d’envisager la création d’un récit fictionnel, d’une écriture photosensible en mouvement. Ainsi, Mathieu réalise des films à partir de ses dessins, de ses figurines découpées et de ses maquettes. Il invente une nouvelle forme du théâtre d’ombres où la narration et l’espace prennent corps et s’animent grâce au montage, au son et au travelling. Le déplacement de la caméra, la bande son et le traitement de la lumière sont traités de

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façon simultanée et donnent vie à des personnages retenus dans une archéologie du temps que la lumière et le mouvement effacent pour laisser place à un nouvel avatar de l’espace-temps. Le film « Sauf la lumière », réalisé en 2017, nous entraîne au fur et à mesure dans une forme de danse rituelle permettant aux personnages et à nous-mêmes de communier avec l’espace hors des limites de notre conscience, guidés, possédés et hypnotisés par la symphonie conjuguée du dessin, de la lumière, du son et du rythme. Le travail de Mathieu Dufois est un miroir introspectif du temps dont l’éclat nous aveugle pour nous laisser voir ou revoir nos intuitions et pour nous laisser face au reflet de ce que nous devenons.

Caroline Arhuero Commissaire de l’exposition

1 - Pline l’Ancien - Histoire Naturelle. Tome second. LIVRE XXXV Traduction française : É. Littré livre XXXIV - livre XXXVI 2 - Paul Ricœur, « La mémoire, l’histoire, l’oubli », Le Seuil 2003

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