#14 Caroline Le Méhauté - Activité des obliques

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Caroline LE MÉHAUTÉ Activité des obliques


EDITO

EDITO

La première entreprise à s’associer au projet est la Société Cornu 1887, issue de l’entreprise familiale d’emballage d’œuvres d’art Cornu emballeurs et dirigée par Benoît Béguin, chef d’entreprise et collectionneur d’art contemporain qui l’a rachetée en 2015. Elle œuvre depuis plus de 100 ans pour proposer un service complet personnalisé : de l’emballage au stockage en passant par le transport des objets d’exception de toutes tailles, dans le monde entier. Attachée à la transmission des savoirs faire et labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant mais aussi à la pointe des innovations technologiques notamment pour la confidentialité et le codage des informations de ses clients, elle s’engage à offrir la sérénité. Un comité de six collectionneurs eux même engagés dans le mécénat d’aide à la production a Evelyne & Jacques Deret

élu en 2019 le projet de Clément Bagot et fera de même pour 2020.

Fondateurs d’ Art[ ]Collector et collectionneurs

Art[ ]Collector Art[ ]Collector : « Des collectionneurs invitent une artiste ». Les lauréats Art[ ]Collector :

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Collectionneurs engagés dans la promotion d’artistes français émergents, Evelyne et Jacques

2012 : Iris Levasseur, Jérémy Liron et Christine Barbe

Deret ont lancé Art[ ]Collector en 2011, un projet original de philanthropie privée qui associe le

2013 : Karine Rougier et Clément Bagot

temps d’un événement, un artiste, ses collectionneurs et sa galerie. Les collectionneurs prêtent

2014 : Claire Chesnier et Eva Nielsen

des œuvres emblématiques du travail de l’artiste, tandis que l’artiste présente ses travaux récents.

2015 : Abdelkader Benchamma et Olivier Masmonteil

Par cette initiative, Evelyne et Jacques Deret s’engagent pleinement aux côtés des artistes et

2016 : Massinissa Selmani

les soutiennent activement, avec comme objectif de replacer les collectionneurs au centre du

2017 : Charles Fréger et Mehdi Georges Lahlou (qui sur proposition de Valérie Bach était invité

processus de diffusion et de valorisation de la création actuelle.

à Bruxelles)

Treize lauréats ont bénéficié depuis lors d’une exposition individuelle et d’un catalogue ponctué

2018 : Marion Charlet

de témoignages de collectionneurs : Mathieu Dufois, Marion Charlet, Charles Fréger, Massinissa

2019 : Mathieu Dufois

Selmani, Abdelkader Benchamma, Olivier Masmonteil, Claire Chesnier, Eva Nielsen, Clément Bagot, Karine Rougier, Christine Barbe, Iris Levasseur et Jéméry Liron.

Art [ ]Collector a développé des actions de mécénat dans le cadre d’Art contemporain en

Réuni autour des collectionneurs Evelyne et Jacques Deret, le comité de sélection

pays de Saint Céré (Lot) avec les expositions en 2014 de Myriam El Haik et Damien Marchal,

d’Art[ ]Collector : « des collectionneurs invitent un artiste » a choisi son lauréat 2020 Caroline

en 2015 de Marie Boralevi, Jennifer Caubet, Olivier Moriette, et en 2016:de Laura Bonnefous,

Le Méhauté qui devient ainsi la quatorzième artiste à bénéficier du programme de soutien et

Charlotte Charbonnel, Anne Touquet,.

de promotion d’Art[ ]Collector. Une exposition personnelle lui est consacrée au 24BEAUBOURG partenaire de l’évènement du

Depuis 2017 Art[ ]Collector participe aux expositions qui ont lieu à Souillac dans le cadre

16 au 28 novembre 2020 et donne lieu à la publication d’un catalogue.

du programme annuel Résurgence piloté par le service culture de la communauté de

Le projet Art[ ]Collector s’est développé au fil du temps notamment grâce au parrainage du

communes Cauvaldor :

Ministère de la Culture en 2015 et à un partenariat noué en 2016 avec la Patinoire Royale / Galerie

2017 et 2018 : expositions « Partition Graphique » et « Ballet Mécanique » en prêtant des œuvres

Valérie Bach à Bruxelles, qui a accueilli en 2017 une exposition dédiée aux 5 ans du programme.

à côté d’œuvres des collections des Abattoirs – Frac Occitanie Toulouse.

En 2019, Il s’est élargi en encourageant des entreprises partenaires à soutenir la création et les

2019 : exposition « Dimension supplémentaire » du 4/10/19 au 17/11/19 à Souillac (Lot) présentait

artistes contemporains. C’est ainsi qu’en complément du prix existant depuis 2011, Art[ ]Collector a lancé en 2019 une deuxième récompense, le Prix Art[ ]Collector – Entreprise, qui contribue à

les estampes produites par Art[ ]Collector par chacun des 10 premiers lauréats d’Art[ ]Collector qui étaient mises en regard d’une œuvre de chacun des artistes (prêtées par Evelyne et Jacques

la production et à l’exposition d’une œuvre d’un artiste choisi par un comité de sélection dédié.

DERET) et des éditions de leurs catalogues.

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LES COLLECTIONNEURS

LES COLLECTIONNEURS

Le travail artistique de Caroline Le Méhauté implique de passer sans cesse du Fond à la Forme, ou inversement : les concepts, leur organisation et leurs constructions, qu’elle pense, invente et crée vont dominer soit dans la forme ou dans le fond mais dans tous les cas restent subtilement uniques, repérables et pertinents. Le travail de Caroline, est pour moi intelligent et brillant. C’est plutôt par la forme que j’ai découvert la démarche de Caroline : formes et structures dans l’espace comme de nouvelles architectures : par exemple : Négociation 70 - 2014 tourbe d’Irlande et technique mixte (voir photo) ou installations comme posées ou atterries dans un territoire : par exemple : Négociation 82 - META 2016 bois, fibres optiques et modulateurs (voir photo). C’est cette grande architecture semi-pyramidale que j’ai visitée dans le cadre de l’exposition Exoplanète LOT à la Maison des Arts Claude et Georges Pompidou de Cajarc. Déjà impressionné par ses constructions de formes, mon intérêt pour les œuvres de Caroline Le Méhauté et leur intelligence s’est accru à mesure que j’approfondissais les compréhensions du fond, du sens Topologie du vide XV, 2016

et des matériaux mis en œuvre. On est là dans un questionnement

Pierre noire et acrylique sur papier, 35 x 35 cm - Collection Jacques DERET

sur la façon d’être au monde, ses environnements et la subtilité de

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leurs rapports. Le ciel, les astres, la terre, l’être et le vivant, le jour et la nuit, le temps long et l’instant, la science et l’histoire vont se mettre en œuvre pour produire une représentation de l’artiste et les « négociations » de l’homme d’aujourd’hui face aux éléments et évènements.

Négociation 70 – Suspensio, 2014 Tourbe et technique mixte, 550 x 560 x 190 cm Crédit photo : Sophie Bellot

À partir de là tout le processus créatif se met en route et en action pour représenter intelligemment et subtilement des processus et des résultats des interactions au monde. Alors, sable, tourbe, tourbe de coco et autres matières naturelles se mettent en scène, presque magiquement avec sons, images, dessins, peintures, sculptures, installations et prennent vie pour montrer ou démontrer les interactions complexes du monde et de l’homme. Trois autres éléments restent pour moi à approfondir pour apprécier plus encore l’œuvre plastique et multimodale de Caroline : - La simplicité derrière les complexités mises en œuvre et en action. - L’importance de l’intelligence de la nature. - La « négociation » du titre de ses œuvres comme des revendications

Négociation 82 – Meta, 2016

politiques ou mieux des engagements de l’art, de son art.

Bois, fibres optiques, générateurs,

J’ai le grand plaisir d’avoir trois œuvres de Caroline qui suscitent une Tout sujet déplace avec lui son horizon XVI , 2017 Pigments et liant sur papier contrecollé sur Dibond, 64 x 86 cm - Collection Jacques DERET Crédit photo : Giles Ribero pour la Galerie Archiraar

grande curiosité pour le développement de son travail artistique à venir. Jacques DERET

250 x 500 x 800 cm


« poète de la terre » Christine Blanchet Docteur en histoire de l’art

LES COLLECTIONNEURS

LES COLLECTIONNEURS

Caroline Le Méhauté

Sensible aux êtres, à la vie et à la nature, Caroline fait partie des artistes qui animent mon quotidien. Plusieurs de ses dessins des séries de La Descendance et des Lands, sont accrochés aux murs de mon appartement, et je possède également une sculpture en cire, de la série des Cousins, sorte de tête étrange ou de météorite venue de son imaginaire riche dans l’utilisation des matières « vivantes ». Aussi, ses œuvres chez moi, ponctuent mon espace parmi celles de Jean-Marc Cerino, Marc Couturier, Skall, Carole Challeau, Nicolas Daubanes, Jörg Gessner, Éric Manigaud ou encore les boules de Jean-Luc Parant et autres objets « exotiques ». Toutes partagent un sens profond à la vie et un esprit d’engagement. « Nous sommes embarqués » disait Pascal. Pour moi, rien ne peut être gratuit, et la beauté d’une œuvre tient au message que l’artiste veut nous transmettre. Le travail de Caroline m’intéresse pour ces raisons. Même si je pense que notre relation se plaît à être autre qu’un simple lien d’historienne de l’art (ou collectionneuse) à artiste.

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Je connais Caroline depuis 2011. J’ai d’abord rencontré son travail dans une galerie du Marais, et à travers son book. J’étais cette année-là commissaire associée d’un festival d’art contemporain dans les Alpilles, et en charge de réunir de jeunes artistes. J’ai tout de suite été fascinée par son grand sens de l’espace et surtout sa capacité à produire des sculptures « monumentales ». Nous n’avons pas collaboré cette fois-ci, j’ai eu la chance de présenter Négociation 66 – Extended Fields dans mon exposition Sous l’ombre des vagues. La vie de Debussy. Du centre de la terre aux bruits de l’univers, j’ai osé imaginer que ses captations sonores auraient captivé le grand compositeur, réceptif aux sonorités de la Nature. Land LXIII, 2015 Pierre noire et aquarelle sur papier, 30 x 40 cm

« La poésie de la terre ne meurt jamais », c’est ainsi que la célèbre phrase du poète romantique,

Collection Christine Blanchet

John Keats résonne dans l’œuvre de Caroline Le Méhauté.

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LES COLLECTIONNEURS

LES COLLECTIONNEURS

Negociation 66 – Extended fields, 2013-2015 Tourbe d’Irlande et système audio, 12,5 x 12,5 x 12,5 cm Collection Olivier Gevart

C’est en 2014 que j’ai rencontré pour la première fois, chez Archiraar, une galerie bruxelloise, le travail de Caroline Le Méhauté. Deux œuvres de Caroline se trouvent m a i n ten a n t d a n s n otre collecti on , « Négociation 66 – Extended fields » et

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« Négociation 84 – Le sens de la croissance ».

Négociation 84 – Le sens de la croissance, 2016

« Négociation 66 – Extended fields »

Terres agricoles, liant et métal, 87 x 200 x 50 cm

est composée d’un cube de tourbe que

Collection Olivier Gevart

l’on peut (doit ?) prendre en main, d’un casque diffusant un son continu. Le poids et les dimensions du cube, parfaits, l’impression de vibrer, de recevoir et de donner de l’énergie et

Du sens aussi par rapport à des activité professionnelles puisque, au travers de projets

une bande son qui vous emmène littéralement du centre de la terre aux confins de l’univers

d’agriculture dite « de régénération », je suis notamment impliqué dans divers projets traitant

confèrent à cette œuvre l’étrange pouvoir de vous isoler du monde tout en vous ancrant

de l’épuisement des sols, de l’agriculture du futur plus en phase avec la nature.

profondément à lui. L’œuvre convoque le toucher, la vue, l’ouïe, le rêve, la pensée, le temps,

« Négociation 84 » est installée en permanence chez nous. Selon les circonstances et le

l’humain, la nature morte et bien vivante à la fois. Elle provoque la prise de conscience que

moment, elle me questionne sur notre présence locale dans un univers, sur le temps qui

nous sommes au monde, que nous sommes grands et petits à la fois, que nous échangeons

s’écoule, sur le microscopique dans un système macroscopique, sur la conséquence de nos

avec ce qui nous entoure, depuis toujours.

actes. Elle me fait rêver aussi, mêlant nature et sculpture. Des formes simples qui génèrent

L’œuvre est à la fois d’une formidable simplicité et d’une étonnante complexité physique et spirituelle.

des pensées complexes, et l’envie primaire de plonger ses mains dans la terre pour toucher

« Négociation 84 – Le sens de la croissance » se compose d’une table rectangulaire en métal,

sereinement à la vie. Comme nos jeunes enfants qui ont si souvent envie de prendre ces

de cinq boules de terre plus ou moins rondes (en fait de moins en moins rondes, de moins

boules ou ce cube en mains, d’échanger avec eux une énergie commune. Nous vivons avec

en moins façonnées) et d’un titre limpide et énigmatique à la fois, « le sens de la croissance ».

les œuvres et elles vivent avec nous.

Il n’est pas si fréquent de rencontrer une œuvre qui réponde à vos questionnements

PS : je termine ce texte lors du confinement dû au coronavirus. Des questions et analyses

personnels du moment, touchant à des réflexions philosophiques, esthétiques, politiques et

relatives à nos modes de vie apparaissent un peu partout. Les élevages intensifs, la

économiques. Comme si une œuvre avait le pouvoir de concentrer en elle tout ce à quoi

déforestation, l’épuisement des sols et l’agriculture intensive pourraient faciliter l’apparition et

vous attachez de l’importance en tant qu’être humain agissant dans le monde.

la propagation de virus et provoquer plus facilement des pandémies.

Une esthétique « pauvre », simple, chaude de par la terre et froide de par la table. Une pièce

Nous sommes intimement reliés à la nature.

que l’on pourrait manipuler, partager. Une pièce où l’on peut se tenir, à plusieurs, autour de

Par manque de concrétude, nous ne percevons pas les risques liés à nos choix de société,

la table-socle et discuter de différents sujets, entrer en relation avec les autres, avec l’œuvre.

politiques, économiques. Les artistes peuvent nous aider à (re) percevoir le réel, les

Une sculpture façonnée par la main d’une artiste en collaboration avec ce que la terre a

conséquences de nos actes, ce que nous ne voyons pas ou plus.

fabriqué pendant des milliers d’années.

Olivier GEVART

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COMMISSARIAT

LES COLLECTIONNEURS

Graphein 3, 2019 Cyanotype sur papier Arches, 80x60cm Collection François Fauchon

Je

m’appelle

François

Fauchon,

je suis cancérologue à Nice et un collectionneur averti, en dehors des mouvements erratiques du marché de l’art. Mécène, je suis également le Président des Amis du MAMAC, trésorier de la Biennale de St paul de Vence, amis du musée Matisse et de la fondation Maeght. J’ai découvert le travail de Caroline Le Méhauté

à

DDessin

2019,

sur le stand d’H Gallery, grâce à mon amie Hélianthe BourdeauxMaurin, frappé

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la par

directrice. ses

dessins

J’ai

été

intitulés

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«Descendance» et «Land». J’aime ce qui pique, ce qui bouleverse, ce qui interroge, ce qui met mal à l’aise, ce qui fait réfléchir, ce qui me pousse hors de ma zone de confort et me fait aller plus loin. Et justement, ces dessins m’ont frappé par leur étrangeté,

Négociation 43 – Activité des obliques, 2011 Tourbe de coco, métal et techniques mixtes, 32 x 65 x 39 cm - Edition 3 sur 4

par les questions qu’ils posaient autant sur l’avenir de la planète que sur l’avenir des hommes. Le côté hybride, à la fois humain et animal des «Descendance» et l’aspect à la fois réaliste et abstrait des «Land» m’ont touché. J’ai immédiatement décidé d’acheter ces œuvres. Je suis un impulsif. J’aime, je crois, je soutiens.

La négociation à l’œuvre

J’ai ensuite visité l’exposition de Caroline Le Méhauté à H Gallery en septembre 2019. J’essaie de suivre fidèlement les artistes que je collectionne et de les soutenir sur le long terme. Le titre

C’était en Irlande, au sommet d’un tertre qui commande les rapides du Shannon, ses îlots

«Sauvages» ne pouvait pas me laisser indifférent. C’est un titre qui me correspond. Je ne savais

tremblant sous la pression des eaux et le noir défilé d’arbres dans lequel le fleuve s’engouffre

pas encore que Caroline allait gagner le prestigieux Prix Art Collector 2020 ! Je suis un esthète

et disparaît après un brusque détour. Étendu sur l’herbe à côté d’un débris de muraille qui fut

qui aime le beau et l’au-delà du beau et l’originalité de ses «Cyanotypes» m’a séduit. Ce bleu

autrefois un château fort et que les humbles plantes ont démoli pierre à pierre, je jouissais

était hypnotisant. Ils étaient à la fois dessins, peintures et photographies, à la fois naturels et faits

doucement de cette immense vie des choses qui se manifestait par le jeu de la lumière et des

par l’homme, comme des mégalithes modernes. Une fois de plus, ce mélange des genres, leur

ombres, par le frémissement des arbres et le murmure de l’eau brisée contre les rocs. C’est là,

mystère, leur complexité m’ont intrigué.

dans ce site gracieux, que naquit en moi l’idée de raconter les phénomènes de la Terre, et, sans

J’aime les gens passionnés et le discours de Caroline Le Méhauté sur les traces que l’homme

tarder, je crayonnai le plan de mon ouvrage. Les rayons obliques d’un soleil d’automne doraient

laisse dans la nature, produit ainsi une œuvre au riche métissage, tant sur le plan plastique que

les premières pages et faisaient trembloter sur elles l’ombre bleuâtre d’un arbuste agité.

dans l’entremêlement des cultures auxquelles elle emprunte son langage et dans l’apparent

Élisée RECLUS

chaos de son monde. Une sorte de cinétique hétérodoxe. L’art engagé et sensible de Caroline Le Méhauté ne pouvait qu’attirer un engagement de ma part... François FAUCHON


COMMISSARIAT

COMMISSARIAT

Une œuvre énigmatique, un cube d’une substance épaisse et sombre : serait-ce un

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Un titre d’œuvre attire l’attention — car nous savons désormais que les titres, par leur

volume cubique contenant en lui le cosmos tout entier ? Commençons par évoquer

pouvoir linguistique, font partie intégrante de l’œuvre : Négociation 43 - Activité des

Négociation 66 - Extended Fields, réalisée en 2013, avec de la tourbe d’Irlande, vieille de

obliques (2011). C’est une sorte de planète, recouverte de tourbe de coco, traversée par

près de 15 000 ans. En prenant ce cube entre nos mains, nous entrons en contact avec

une tube de métal oblique. Faisons l’hypothèse que cette sphère ne serait autre qu’un

un temps immémorial, nous propulsant vers les plus lointaines contrées, géographiques

globe, l’oblique le traversant en deviendrait une sorte de gouvernail, rendant possible

comme historiques. Nous pouvons aussi, à l’aide d’un casque, écouter les tréfonds de

une prise en main de la planète, pour une potentielle activation. Caroline Le Méhauté

la matière, le développement d’ondes sonores issues du centre de la Terre. Le temps et

précise alors : « ce n’est jamais par l’horizontalité ou la verticalité que l’on peut faire

l’espace se fondent en une exploration physique complexe. C’est ici qu’il faut tenter de

évoluer une situation : c’est toujours à l’oblique, par les chemins de traverse, que l’on peut

saisir la méthode de l’artiste dont les œuvres sont des précipités temporels et spatiaux,

rendre un élément véritablement actif ». Le biais deviendrait donc une sorte de remède,

des concrétions constituées d’une matière et d’une mémoire, d’une durée et d’un instant,

un style de négociation avec l’horizon, et avec les lignes toujours trop droites qui nous

d’un principe de gravité tout comme de suspension. Rester à l’écoute. Jouer avec les

conditionnent. Il suffit d’étudier Le sens de la croissance pour prendre la mesure de cela :

exigences et les paramètres offerts par la nature. L’environnement devient avant tout

sur une table, cinq portions de terre, dont les couleurs et les textures témoignent de

un espace à habiter par et pour les œuvres. Cette habitation est faite de sensations,

prélèvements divers dans des sols agricoles cultivés selon des méthodes naturelles d’un

d’observation, d’attention, de soin, et de mise en tension. C’est en tout cas de cette

côté et intensives de l’autre. La terre chargée de nutriments est la plus foncée, la plus riche

manière qu’il est possible d’interpréter une autre œuvre réalisée avec de la tourbe

de possibles, encore vivante ; alors qu’à l’opposé la terre la plus claire, celle provenant

(normande cette fois-ci), Ancrer le réel V (2016) : un monochrome de terre réalisé avec

d’un sol surexploité, est vidée d’elle-même, ne pouvant plus rien nourrir, amoindrie et

des couches successives de tourbe tamisée, de 2 mètres de hauteur, face auquel nous ne

asphyxiée. Quel « sens » cela peut-il avoir ? Quelle « croissance » faudrait-il questionner ?

pouvons que nous mesurer, le corps et le regard appelés à prendre en considération, voir

Pouvons-nous changer de direction et comment nous orienter ?

en charge, le réel auquel ils sont confrontés. Une manière aussi sans doute de mettre le spectateur en face de ses responsabilités, sans injonction néanmoins.

La réponse à ces questions ne sera jamais unilatérale, mais les œuvres ici présentes font

Tout est une question de négociation, et c’est ici le maître mot, le « nom de famille »

le pari de défaire l’horizon, pour une action négociée et évolutive, une mise en acte dont

générique de ce travail. Pour Caroline Le Méhauté, la négociation est une puissance

nous avons plus que besoin aujourd’hui.

de dialogue et de rencontre qualifiant sa relation au processus artistique en tant que tel, et l’échange complexe qu’elle établit avec son environnement. Négocier avec des forces non maîtrisables. Négocier, au sens métaphysique, avec l’inconnu qui nous conditionne. Négocier avec nos propres (in)capacités. La négociation est une manière

Léa Bismuth

de ne rien prendre pour acquis, de mettre en crise, voire en doute, pour faire émerger

Commissaire de l’exposition

de l’inédit, un nouveau rapport, des possibles inattendus et imprévisibles. La négociation

Léa Bismuth est critique d’art, auteure, commissaire d’exposition. Son travail consiste à explorer, par l’écriture,

est également une façon de traiter certains matériaux, de les re-qualifier, de leur donner

les zones d’actions potentielles entre récit littéraire et espace d’exposition. Elle est notamment spécialiste

une autre dignité, comme la terre ou la cire , le métal ou l’huile de vidange . C’est enfin

de la pensée de Georges Bataille, à qui elle a consacré le cycle d’expositions La Traversée des Inquiétudes

l’enveloppe structurante par laquelle l’artiste s’autorise à établir une relation avec l’espace,

(Labanque, Béthune, de 2016 à 2019) et un livre, La Besogne des Images (Éditions Filigranes, 2019).

la matière et le temps, qui requièrent d’établir tout à la fois et conjointement « un rapport de connivence et un rapport de force» . Entrer en complicité et lutter deviennent l’alpha et l’omega énergétique de l’élaboration processuelle du travail, lui-même constamment en perpétuel mouvement et en constante transformation.

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EXPOSITION “ACTIVITÉ DES OBLIQUES”

EXPOSITION “ACTIVITÉ DES OBLIQUES”

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Négociation 34 - Porter surface, 2011 Bois, métal, tourbe de coco, 100 x 170 x 130 cm

Négociation 94 - L’expression de notre respectueuse et sincère considération, 2018 Filtres à eau industriels et structure métallique, 300 x 15 x 15 cm


EXPOSITION “ACTIVITÉ DES OBLIQUES”

EXPOSITION “ACTIVITÉ DES OBLIQUES”

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Graphein 1, 2019

Graphein 4, 2019

Cyanotype sur papier Arches, 80 x 60cm

Cyanotype sur papier Arches, 80 x 60 cm


EXPOSITION “ACTIVITÉ DES OBLIQUES”

EXPOSITION “ACTIVITÉ DES OBLIQUES”

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Négociation 29 - Sub-haltères , 2010 Cire d’abeille et métal, 20 x 165 x 25 cm


EXPOSITION “ACTIVITÉ DES OBLIQUES”

EXPOSITION “ACTIVITÉ DES OBLIQUES”

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Mécaniques des roches VII, 2020

Mécaniques des roches X, 2020

Aquarelle et pierre noire sur papier, 40 x 30 cm

Aquarelle et pierre noire sur papier, 40 x 30 cm


EXPOSITION “ACTIVITÉ DES OBLIQUES”

EXPOSITION “ACTIVITÉ DES OBLIQUES”

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Mécaniques des roches XXVII, 2020

Négociation 102, 103 et 104 - Consensus , 2019

Aquarelle et pierre noire sur papier, 40 x 30 cm

Métal et cire d’abeille, 206 x 3,5 x 3,5 cm


EXPOSITION “ACTIVITÉ DES OBLIQUES”

EXPOSITION “ACTIVITÉ DES OBLIQUES”

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Négociation 60 - Échappée verticale, 2013 Ecran vidéo, lecteur DVD et bois, 20 x 80 x 50 cm

Négociation 78 – Civilisations , 2015 Terre, béton, peinture, silicone, paraffine, sable noir, 77 x 106 x 33 cm Crédit photo : Giles Ribero pour la Galerie Archiraar


EXPOSITION “ACTIVITÉ DES OBLIQUES”

EXPOSITION “ACTIVITÉ DES OBLIQUES”

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Ancrer le réel V, 2016

Négociation 95 – Décoloniser les imaginaires, 2018

Tourbe de Normandie et liant sur bois, 200 x 122cm

Terre, huile de vidange et technique mixte, 78 x 76 x 175 cm


BIOGRAPHIE

BIOGRAPHIE

FORMATION 2007 - DNSEP, École Supérieure des Beaux-arts de Marseille 2004 - Maîtrise en Arts Plastiques, Université de Toulouse Jean-Jaurès EXPOSITIONS PERSONNELLES 2019 - Sauvages, H Gallery, Paris, France 2018 - La croissance des ruines, 2Angles, Basse Normandie, France 2017 - Beyond, Allenheads Contemporary Arts, Angleterre - Metanoïa, Galerie Archiraar, Bruxelles, Belgique 2016 - Habiter le temps, Usine Utopik, Basse Normandie, France 2015 - Meta, Galerie Archiraar, Bruxelles, Belgique 2014 - Cose Invisibili, C2 Contemporanea 2, Florence, Italie - Le Calcul des moments, La Médiatine, Bruxelles, Belgique - Suspensio, Fondation d’entreprise Vacances Bleues, Mécènes du Sud, Marseille, France 2013 - Silent, Galerie Spazio Testoni, Bologne, Italie - Vertical instincts, Block T, Dublin, Irlande 2012 - Ecotone, Esox Lucius, La Clayette, France - Géographies des marges, Galerie Martagon, Malaucène, France 2011 - Cocotrope, Galerie Château de Servières, Marseille, France

Photo : Guy Kokken

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Caroline Le Méhauté est née en 1982 à Toulouse. Elle vit et travaille à Bruxelles et Toulouse.

EXPOSITIONS COLLECTIVES (SÉLECTION) 2019 - 10 ans d’UTOPIE, Usine Utopik, Abbaye-aux-Dames, Caen, France - Paysages de formes, commissariat par Yolande de Bontrider, Pont-Scorff, France - NOIR, Musée d’art et d’histoire le Cinquentenaire, Bruxelles, Belgique 2018 - Hearing Gravity, duo avec Antoine Bertin, Kikk Festival, Namur, Belgique - Wormholes #2 / temps et espaces, La Ruche, Paris, France - Sous l’ombre des vagues, la vie de Debussy, commissariat par Christine Blanchet, Maison natale de Claude Debussy, Saint-Germain-en-Laye, France 2017 - YAM WEKRE, Musée National, Ouagadougou, Burkina Faso - Art in the time of the crisis, 2nd Internation Artists Gathering, Fez, Maroc 2016 - Exoplanète Lot, Maison des arts Claude et Georges Pompidou, Cajarc, France - Heterotopia, commissariat Marie Du Chastel, Bruxelles, Belgique 2015 - Indent, La Société, commissariat par Société et Pleonasm, Bruxelles, Belgique - Patterns of an other order, Postfuhramt Ouest, Berlin, Allemagne - 51.226823 ; 6.806317, Onomato, Düsseldorf, Allemagne - Macrocosmi, Galerie Spazio Testoni et Werkstattgalerie, Teatri di Vita, Bologne, Italie

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- C’était pas gai mais pas non plus triste, c’était beau, Fondation Vincent Van Gogh, Arles, France 2010 - Paysages chavirés, Voyons voir… Art et territoire, Château Grand Boise, Trets, France 2009 - Archist, Galerie des Grands Bains Douches de la Plaine, Art-cade, Marseille, France 2008 - Biennale des Jeunes Créateurs d’Europe et de Méditerranée, Bari, Italie - Interstices, Centre d’art le BBB, Toulouse, France 2007 - Corpus mobile, Friche de La Belle de Mai, Marseille, France - Luxe, Calme et V…, La Panacée, Montpellier, France RESIDENCES (sélection) 2019 - Expérience du paysage, résidence de territoire, Tarbes, France 2018 - 2Angles, Relais culturel régional Basse Normandie, France 2017 - Musée National, Ouagadougou, Burkina Faso 2016 - Usine Utopik, Normandie, France - Maisons Daura, avec la Maison des arts Claude et Georges Pompidou, Cajarc, France 2015 - Tissardmine, désert du Maroc 2014 - Fondation d’entreprise Vacances Bleues, Réseau des mécènes du sud, Marseille, France 2013 - Le Loft, Collection Famille Servais, Bruxelles, Belgique

CATALOGUE MONOGRAPHIQUE 2020 - Activité des obliques, éditions Art[ ]Collector 2013 - Créer en creux, éditions Muntaner CATALOGUES COLLECTIFS (SÉLECTION) 2015 - Macrocosmi, édité par CUBO - Phophene, édité par Pleonasm 2014 - Installations, Itzhak Goldberg, éditions CNRS - Partager les murs, Artothèque Antonin Artaud 2013 - Semaine Hors-Série, Ulysses Volume 2, éditions Analogues - Egarements, catalogue de l’exposition, Domaine départemental du Château d’Avignon, édité par le Conseil général des Bouches-du-Rhône

REVUES ET PERIODIQUES (SÉLECTION) 2020 - IDEAT, n°143, La sculpture en pleine forme, Avril - Mai 2020, p 81

- Point Contemporain # 16, Entretien, p 4 à 6 2019 - Le Monde Diplomatique, n° 787, Octobre 2019, p 10 - The Art Newspaper, Lauréate Art[ ]Collector 2020, Jorge Sanchez, 29 oct 2019 - Le Quotidien de l’Art, Lauréate Art[ ]Collector, Edition N° 1821, Rafael Pic, 28 oct 2019

- Connaissance des Arts, n° 785, Octobre 201, p 124 2018 - L’ART MEME, n°78, p 10 à 12, Art et écologie, actions et relations, Focus par Raya Lindeberg 2017 - MU City – Visual arts Magazine, Muriel de Crayencour 2016 - COLLECT Art Antiques Auctions n°466, p18 et 19, Portrait par Elien Hanetjens - L’ART MEME, n°70, p 31, Exoplanète Lot par Christine Jamart

BIOGRAPHIE

BIOGRAPHIE

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2014 - Phosphène, maison de Odile Report et François Huet, Bruxelles, Belgique - Partager les murs, Artothèque Antonin Artaud, Marseille, France 2013 - Les 9 vies d’un chat, Collection famille Servais, Bruxelles, Belgique - Egarements, Domaine départemental du Château d’Avignon, Conseil général des Bouches-du-Rhône, collectif Ulysse organisé par FRAC PACA - Marseille- Provence 2013 Capitale Européenne de la Culture, France - Festival des Arts Ephémères, Parc de Maison Blanche - Marseille-Provence 2013, France 2012 - Linked, Bloc B, Dublin, Irlande

INTERVIEWS (SÉLECTION) 2019 - MUSEUM TV, diffusion sur Canal, 09/04/2020, interview réalisée par Alice Blanquin

- France Culture, Les carnets de la création, Aude Lavigne, 22/01/2020 2016 - THE WORD MAGAGAZINE, interview et portfolio par Dorien Schelfout - Le Lisible dans l’illisible, Audio conversation par Françoise Stark Mornington - Tenten Magazine, interview par Coco Von Gollum 2015 - ARTE Belgique, Quai des belges, mécènes d’hier et d’aujourd’hui, focus sur le collectionneur Alain Servais, interview par Hadja Lahbib 2014 - RTBF, Musiqu3 dans le Grand Charivari, Françoise Baré, interview par Pascal Goffaux - Le Journal du Wolubilis, interview par Sandra Amboldi

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Direction et conception éditoriale

Evelyne et Jacques DERET

Conception graphique

Antonin BONNET / www.happyfactoryparis.com

Reproduction des œuvres

Caroline Le Méhauté

Impression

Graph 2000 - Argentan

Art[ ]Collector

www.art-collector.fr

Contacts presse

Virginie Burnet-Bogaty - Agence L’art en plus - 5, rue Tronchet - 75008 Paris

Mail : v.burnet@lartenplus.com - Web : www.lartenplus.com

H Gallery Paris

90 rue de la Folie-Méricourt, 75011 Paris

+33 (0)1 48 06 67 38

www.h-gallery.fr

galerie@h-gallery.fr

Cet ouvrage a été publié par Art[ ]Collector à l’occasion de l’exposition consacrée en novembre 2020 à Caroline Le Méhauté.

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Elle s’est tenue au24Beaubourg à Paris et était organisée par Art[ ]Collector. Imprimé en France à 600 exemplaires par l’imprimerie Graph 2000 pour le compte de JD&Com (45, rue Paul Déroulède - 92270 Bois-Colombes) en juillet 2020- Dépôt légal : septembre 2020. - Imprimé en France

Remerciements : Aux collectionneurs qui ont confié leurs œuvres pour l’exposition Aux membres du comité de sélection d’Art[ ]Collector qui ont participé à la sélection de l’artiste retenu pour 2020 À Mijo Roussel, 24Beaubourg

Avec le parrainage du ministère de la Culture


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