Eva NIELSEN Zones du doute
Eva NIELSEN Zones du doute
EDITO
Evelyne & Jacques DERET Fondateurs d’ Art[ ]Collector et collectionneurs
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Art[ ]Collector : des collectionneurs invitent un artiste. Avec Eva Nielsen, notre septième lauréate Art[ ]Collector , nous clôturons notre troisième année du cycle « Art[ ]Collector : les collectionneurs invitent un artiste ». L’année 2014 a été riche en évènements Art[ ]Collector : Avec une carte blanche au salon du dessin DDessin14 où nous avons exposé une sélection d’œuvres de dessin de nos deux collections. Puis le coup de cœur d’Art[ ]Collector à la jeune création et l’exposition des artistes sélectionnés au Cent Quatre en novembre 2013 qui ont été exposés en partenariat avec le patio Opéra en Mai 2014 (19 au 25 mai) : Lucie et Simon pour leurs travaux photos et vidéos et Jérémie Delhome pour ses dessins et peintures sur bois. La rentrée de septembre a été marquée par l’exposition personnelle de Claire Chesnier, lauréate 2014 d’Art[ ]Collector . Tout au long de cette année nous suivons les artistes lauréats d’Art[ ]Collector et relayons sur le site www.art-collector.fr leur actualité, leurs expositions, leurs publications et nous les rencontrons : Iris Levasseur, Jérémy Liron, Christine Barbe, Karine Rougier, Clément Bagot, Claire Chesnier et suivons leurs parcours. C’est aussi cela Art[ ]Collector : soutenir et accompagner les artistes dans leurs parcours avec tous les acteurs du marché de l’art.
EDITO
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Maintenant du 17 au 30 novembre 2014, l’évènement Art[ ]Collector est consacré à Eva Nielsen, septième candidate sélectionnée par notre comité sous le commissariat de Léa Bismuth. Eva Nielsen est née en 1983, elle vit et travaille à Paris. Après une maîtrise d’Etudes Européennes et un Deug de Lettres Modernes, elle est diplômée en 2009 des Beaux Arts de Paris. Lauréate en 2008 d’une bourse Socrate qui lui permet d’étudier à la Central Saint Martins à Londres, elle remporte en 2009 le Prix des Amis des Beaux-arts / Thaddaeus Ropac, et a participé depuis à plusieurs expositions collectives. En 2010 et 2011, la galerie Dominique Fiat lui consacre deux expositions personnelles : «Feedback» et «Walden». Une exposition vient de lui être consacrée à Londres. Ses œuvres ont été acquises par plusieurs collections publiques et privées notamment le Centre National des Arts Plastiques, le Mac Val, la collection d’art contemporain de la Société Générale, et le Fond Municipal d’Art Contemporain de la Ville de Paris (FMAC). Entre figuration et abstraction, son œuvre montre dans des lieux de désolation, de déconstruction ce qu’il en reste de beauté. Son travail peut être énigmatique, il ne se livre pas d’emblée : le recours à l’huile, à l’acrylique et à la sérigraphie sur toile impose une lecture approfondie de ses peintures. Son travail exige de dépasser, d’aller au-delà d’un premier regard pour explorer le déploiement des images, des scènes, des mondes qu’Eva Nielsen nous propose. Elle est représentée par la galerie Dominique Fiat à Paris et la galerie Selma Feriani à Londres.
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LES Collectionneurs
Pour une fois j’avais du temps libre dans la journée, je décide d’aller voir Lucian Freud à Beaubourg. Avant de monter dans le taxi, j’achète Libé et je lis, comme
LES Collectionneurs
Jacques Font
à mon habitude, en premier lieu la dernière page. Ce jour-là, le journaliste présente une très jeune artiste, Eva Nielsen. L’article éveille mon intérêt et je décide de me rendre à la galerie Dominique Fiat. Toutes les œuvres sont vendues et des deux qui y restent, l’une m’interpelle immédiatement. J’en découvre aussi deux autres que me présente la galeriste et je suis instantanément convaincu d’être en présence d’une grande artiste de demain. Je vais acquérir deux œuvres dans un premier temps puis deux autres encore, à l’exposition suivante. Comme dans le cas de Carine Brancowitz ou de Jennifer Caubet, je crois beaucoup dans le talent de cette jeune artiste. Je pense que tout collectionneur doit savoir prendre des risques dans ses choix et être un découvreur de talents. Le travail singulier d’Eva Nielsen a déjà trouvé un langage et une expression qui me touchent profondément.
Babel 200 x 220 cm, huile, acrylique, sérigraphie sur toile - 2011 Collection Jacques Font
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LES Collectionneurs
LES Collectionneurs
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Dr. Ante 200 x 150 cm, huile, acrylique et sérigraphie sur toile - 2012 Collection François et Fabienne Bard
LES Collectionneurs
Serge Sanchis Je ne connais pas personnellement Eva Nielsen, nous ne nous sommes jamais rencontrés. Je la suppose vive, curieuse, voyageuse… Je la devine bricoleuse, astucieuse… Ce dont je suis sûr par contre, c’est que nos champs d’exploration sont très proches. En 2013, Dominique Fiat m’avait demandé de prêter “ Antananarivo “ pour une exposition à laquelle Eva participait au Kunsthaus Charlottenborg de Copenhague. Nous avions alors échangé quelques mails. Je lui avais fait part de mon intérêt pour son travail. L’occasion m’est donnée aujourd’hui de développer un peu plus, d’aller au delà d’un laconique et convenu : “J’aime beaucoup ce que vous faites…“ Je suis architecte. Pour être bref, mon métier consiste à comprendre, dans une approche globale et transversale, la situation dont j’hérite et de proposer des hypothèses de transformation. Mais chaque nouvelle problématique, chaque nouveau programme s’inscrivent dans le corpus de données que sont les paysages, les architectures, les villes,… mis en perspective dans la
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compréhension d’un champ social et culturel élargi. Eva Nielsen l’a bien compris, la porosité entre l’architecture et l’art contemporain va bien au delà de la simple confrontation d’un mur et d’une toile. Les interactions entre les artistes et les architectes dépassent largement une histoire ou un domaine esthétique commun. Eva semble préoccupée par les bâtiments, les villes et les territoires, qu’elle traverse. En effet ses œuvres paraissent se construire à partir de l’observation des ambiances urbaines et périurbaines, de l’analyse de l’espace et des actions du quotidien. Nous avons donc des problématiques communes, des interrogations sur le lieu, l’échelle, le paysage, la transformation, le cadrage, la matérialité, la couleur, l’intérieur, l’extérieur… Son travail se singularise par la superposition d’idées et de techniques, par la mise en relation de références et de procédés. Les étranges passerelles qu’elle jette vers les New Topografics et l’Age d’or de la peinture néerlandaise stimulent mon imagination. À mi-chemin entre la poésie d’un inventaire pour les premiers, l’esthétique et le réalisme de la représentation pour les seconds, Eva [re] compose un univers. Elle détourne, filtre, décontextualise, remet en scène aussi bien des élément urbains, des fragments structurels que des objets familiers, anodins ou oubliés… Eva propose un nouvel éclairage, une autre dimension.
Au premier regard, une forme de solitude… La vie semble absente des toiles d’Eva. Il y règne un sentiment d’oubli, d’abandon, peut-être post apocalyptique ?
LES Collectionneurs
Elle crée un monde empreint de nostalgie, à la croisée de la réalité et de l’imaginaire.
Mais à mieux observer, j’ai le sentiment que la vie n’est pas très loin. Les stores peuvent encore s’entrouvrir et pourquoi pas se relever, les châteaux d’eau peuvent encore rafraîchir des enfants épuisés par trop de balançoires, avant de courir se réfugier dans des cabanes et refaire le monde… Leur monde. Ses cadrages font glisser mon regard vers des paysages apaisés. Verdoyants ou désertiques, Ils apparaissent comme l’aube d’un nouveau jour, l’esquisse d’une autre histoire, l’amorce d’un renouveau. Une Eva[naissante] renaissance… Eva m’amène dans son monde, son univers, elle me fait voyager dans ses “villes invisibles “, évoque ma mémoire, convoque mes souvenirs d’enfant, provoque mes doutes, questionne mon rapport à l’urbanité, interroge la trace que je laisse. Que nous réserve Eva pour demain ? Quelle évolution ? Elle abordera sans doute d’autres thématiques et certainement d’autres techniques. Sa curiosité la poussera à explorer d’autres relations et produire d’autres réflexions. Peut-être même au delà des quatre coins d’un châssis… J’espère simplement y rencontrer autant d’émotion.
Double page suivante : Antananarivo 130 x 180 cm, huile, acrylique et sérigraphie sur toile - 2011 Collection particulière
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LES Collectionneurs
LE COMMISSAIRE
Zones du doute « Il y a des pays sans lieu et des histoires sans chronologie ; des cités, des planètes, des continents, des univers, dont il serait bien impossible de relever la trace sur aucune carte ni dans aucun ciel, tout simplement parce qu’ils n’appartiennent à aucun espace » , écrit Michel Foucault en introduisant son concept d’hétérotopie, de lieu autre, lieu de l’utopie et de la poésie. Eva Nielsen invente de tels lieux sans lieux, non localisables et surtout sans limites assignables, parcellaires, seulement cernés par les bords du cadre. Comment se rendre dans ces espaces, dans ces lieux qui n’en sont pas ? Quel chemin emprunter pour naviguer dans ces contrées définies par la négative ? Il est difficile de les appréhender. On reste à distance, on se demande si on va y aller, y entrer. On essaie de comprendre les structures, les failles possibles. Par les jeux d’ombres, tenter de savoir d’où vient le soleil et s’il est d’artifice. Reconnaître de la tôle ondulée, des structures bétonnées, des poteaux électriques robustes aux piliers colossaux, des aires de jeux où plus personne ne s’aventure. Eva Nielsen crée le doute quant à l’origine même de ces lieux, et c’est même cela sa grande intention : élaborer des territoires du doute. Des terrains vagues. Des espaces sans fonction.
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Sans occupation. Peut-être, ces espaces ont-ils été occupés, investis, un jour par le passé, mais il ne reste que de la rouille, des squelettes de structures, des bribes de signaux. Le doute est à la fois du côté du spectateur et de la construction de l’image elle-même : le spectateur s’interroge, incertain, hésitant à projeter son imaginaire ; et les images elles-mêmes semblent douter, entre affirmation massive et effacement programmé. Eva Nielsen met ainsi en crise l’authenticité de la vision : « j’aime les filtres, la question du spectre en photographie, celle de la mise au point : avant tout, je m’interroge sur les conditions de possibilité de la vision et sur son éventuelle transcription», explique-t-elle. Ainsi, elle se situe en face du paysage à explorer, en face du monde qu’elle regarde. Pour cela, elle utilise différentes techniques qu’elle fait se rencontrer : photographie, sérigraphie et impression rejoignent la peinture ; le mécanique et le manuel ne font plus qu’un. De nombreux accidents sont donc possibles, et l’aléatoire fait partie de l’émergence de ces tissus critiques de visibilité. C’est une « fabrique de l’image » construite sur des zones de subtilité : entre le fond peint et la trame sérigraphiée, entre le brutalisme des architectures et le romantisme de certains paysages, entre précision photographique et obscurité picturale.
LE COMMISSAIRE
Eva Nielsen travaille les matières qui s’entrechoquent : les épaisseurs de la peinture affrontent la surface de l’impression ; de même, sa palette terreuse ou minérale, aux teintes de crépuscules ou d’algues, peut aussi révéler des zones éblouissantes, des blancs comme des éclairs. Elle parle de « mélancolie contrariée » : alors, la joie et l’énergie de vie entreraient en dialogue avec de lents processus de détérioration, en une « jubilation de la destruction ». Ainsi, elle réalise un « élevage » d’images dans le jardin de son atelier, des images de mauvaise qualité qu’elle laisse vivre au gré du vent qui emporte, de la pluie qui mouille et du soleil qui sèche. Il s’agit presque d’un processus chimique d’apparition photographique. Si bien que l’image restée trop longtemps dans le bain d’arrêt, finira par s’obscurcir et disparaître : le geste de la peinture consiste alors à sauver l’image de son dépérissement, juste à temps. C’est pourquoi, l’artiste expérimente dans cette exposition une grande impression photographique en noir et blanc, image négative pensée comme un seuil, un sas vers d’autres vies, d’autres territoires, d’autres doutes. Devenus d’ambigus passagers, nous nous aventurons dans des mondes parallèles.
La Zone de Stalker n’est pas loin, dans son évidence d’énigme. « On m’a souvent demandé ce que signifiait la Zone, ce qu’elle symbolisait, et on m’avançait les suppositions les plus invraisemblables. La Zone ne symbolise rien, pas plus d’ailleurs que quoi que ce soit dans mes films » , explique Tarkovski. Et il en va de même des toiles cinématographiques d’Eva Nielsen : les Zones qu’elle propose n’ont rien à nous dire, elles ne sont porteuses d’aucun message. Elles sont des miroirs désertés, des régions à parcourir, celles d’une civilisation déjà perdue ou non encore apparue. Les conditions sont réunies pour une archéologie de la ruine aussi bien que du futur. Zones du doute. « La Zone, c’est la Zone. La Zone, c’est la vie. Et l’homme qui passe à travers se brise ou tient bon » .
Commissariat et texte : Léa Bismuth
critique d’art (membre de l’AICA) et commissaire d’exposition
Michel Foucault, Les Hétérotopies, Nouvelles éditions Lignes, 2009, p. 23 Andreï Tarkovski, Le Temps scellé, Petite Bibliothèque des Cahiers du Cinéma, 2004, p. 232 3 Ibid. 1
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LA GALERIE
Dans une démarche incessante de recherche de jeunes talents, le dossier de présentation d’Eva Nielsen est arrivé dans mes mains lorsqu’elle était encore étudiante à l’École des Beaux-Arts de Paris. Le coup de foudre fut immédiat au point d’en surprendre mon entourage, les visuels de ces œuvres, représentant toutes des travaux sur toile me sauta aux yeux telle une œuvre que je m’appropriai immédiatement comme faisant partie intégrante de ma famille esthétique. Eva Nielsen utilise subtilement la sérigraphie et différents procédés d’impression à partir de photos prises par elle-même lors de ses déplacements, paysages qui l’habitent sans doute et aussi et surtout des architectures diverses de bâtiments, maisons, châteaux d’eau, lieux industriels en fonction ou abandonnés, tous lieux qui fréquemment se situent à une lisière précaire de la ville, de la banlieue, de la campagne. Ces espaces périurbains lui parlent particulièrement et sont devenus une sorte de matrice, véhicule de son travail et de sa pensée. Il n’en reste pas moins qu’Eva Nielsen n’hésite pas à attaquer les problématiques de la peinture dans toute leurs complexités et que les allers et retours entre surface imprimée et travail de l’huile ou de l’acrylique restent au centre de ses préoccupations. La tension toujours présente créée avec ces différentes techniques dont la notion fondamentale de «Hand made» - cf le group show «Man - made» au printemps 2012 dont l’artiste a été la commissaire à la Galerie - sert son propos sur le paysage ou l’horizon , dans une vue frontale et bi-dimensionnelle, évoquant un déjà-vu aux frontières précaires en même
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temps qu’un étrange sentiment de mutation permanente. Cette recherche incessante de techniques plurielles entraine Eva Nielsen vers un univers résolument onirique qui brouille les pistes par distorsion d’éléments non identifiables. Le motif d’une proposition deviendra soudainement “chose abstraite” et notre regard en quête de repères voile ces éléments pour mieux nous sensibiliser à cette perte de données, de transformations ou d’hybridations qui s’opère sous nos yeux. Par ses techniques mêlées, Eva Nielsen nous confronte à plusieurs manières d’appréhender son sujet comme pour mieux nous faire parler et provoquer le débat. Métisser les images pour mieux déjouer la réalité, n’est ce pas une manière de parler de nous, de notre vie , de notre société d’une manière différente afin de nous tourner vers la réflexion, vecteur permanent de la création picturale.
Dominique Fiat Galerie Dominique Fiat
LA GALERIE
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E.I 200 x 150 cm, acrylique et sérigraphie sur toile - 2011 Collection particulière
Exposition “zones du doute”
Retour aux origines Eva Nielsen a été étudiante à l’atelier de peinture de Philippe Cognée aux Beaux Arts de Paris. Flashback, non plutôt un feedback, terme qu’Eva Nielsen apprécie tout particulièrement. Prédominance de la matière et des superpositions, elle flirte avec l’essence même de diverses techniques. De son atelier en proche banlieue parisienne à l’exploration et à l’arpentage de territoires plus lointains, ces introspections et ces déplacements sont à l’origine de sa peinture. Ces récents dessins à l’aquarelle et impressions sur papier d’apparence inachevée sont des vues de son atelier, ainsi que le dessin intitulé Roskilde provenant d’une série qu’elle initia après avoir photographié des rues de Copenhague au Danemark. Lieux matriciels, lieu en reconstruction ou espaces factices, nos repères sont brouillés, troublés. En tant que peintre, elle interroge constamment le photographique. Au travers de visions multiples du paysage, elle intègre la sérigraphie et l’impression dans ses peintures afin de rassembler et de reconfigurer des fragments du réel. La peinture Ellis Island (New York), nous transporte vers d’autres territoires et d’autres manières d’expérimenter ces lieux. Les terres dites promises ne sont pas accessibles au premier abord. La toile devient le support de toutes ces projections mentales dans la dissolution ou la révélation de formes et d’éléments reconnaissables. Du format au sujet, c’est le paysage qui prédomine depuis plusieurs années dans l’ensemble de ses recherches. Mettant en fusion les éléments architecture/paysage, le fait de voiler la perception nous permet
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paradoxalement d’apprivoiser cet obstacle. C’est par ce filtre ou cette trame que le liant peut se faire entre le fait d’être inclus ou non dans la peinture. Obturation de la vue....Oui, à juste titre, on regarde toujours à travers quelque chose. Notre vision n’est jamais vierge, elle n’est jamais juste. Fusion des éléments, tout est situé au premier plan. La trame se fait architecture. Mais quelques interstices nous permettent d’entrevoir une promesse d’horizon. Donnant ainsi de l’amplitude aux paysages, la peinture Villeneuve nous inscrit dans une temporalité indéfinissable. Face à ce terrain de foot abandonné à l’obscurité lumineuse d’un paysage endormi. Le maillage est encore de l’ordre du filtre qui fragmente notre perception. Toujours à la lisière de l’image imprimée et de la peinture, Eva Nielsen camoufle les lieux qu’elle a infiltré. De nombreuses toiles d’Eva Nielsen proviennent de ces traversées, de ces déplacements quotidiens. Témoins, peinture datant de 2010, semble être à la fois le souvenir d’une enfance toujours présente et préservée de toutes les aléas du temps. Ces jeux d’enfants ou aires de jeux deviennent des structures énigmatiques se plaquant littéralement au fond naturel qui les accueille. Équilibre précaire entre accident et contrôle, cette manipulation des éléments à l’intérieur même de ses peintures souligne l’importance du montage et de l’imbrication entre les épaisseurs très travaillées de matière et les aplats inhérents à la sérigraphie. Les aires bétonnées et urbaines prennent une place importante dans son vocabulaire formel. Elle désarticule les images : images de zones urbaines et des zones délaissées, voire ambigües... C’est à la fois dans le fantasme et l’étrangeté des paysages, qu’une «effroyable beauté» est possible. C’est alors qu’un ensemble d’architectures géométriques sérigraphiées sur ces mêmes toiles apparaissent. La peinture Babel nous renvoie à la mythologie et à l’histoire des formes, entre passé et présent.
dans cette histoire des formes et de la peinture qu’Eva Nielsen explore minutieusement et sans relâche. Dans ces traversées historiques, Eva Nielsen inclut le paysage dans l’architecture. Massifs, ces blocs de béton cadrent et recadrent le paysage naturel. Constat des mutations entre la ville, sa périphérie et la campagne, les sujets de ses peintures sont toujours à lisière : entre ciel et terre, entre la ville et ses alentours, entre la peinture et l’image, entre l’expérience et la reconstitution... Magnifier des ruines de notre temps, non ? Eva Nielsen cherche à aller au-delà de cette nostalgie des formes et de cette mélancolie contemporaine. Grande connaisseuse de
Exposition “zones du doute”
C’est une Babel de nos temps faite d’une structure métallique, industrielle. Transition importante
l’histoire de l’art, c’est une peintre qui regarde bien sûr les autres peintres, les autres disciplines, et se nourrit constamment de références artistiques faisant des passerelles entre August Strindberg, Sigmar Polke et Andreï Tarkoski. De cette utilisation du quotidien comme matériau et la réinterrogation du cadre, une tension constante est à l’oeuvre entre la figuration et l’abstraction, par la propagation de touches et de surfaces picturales. Influencée par la photographie américaine comme celle de Lewis Baltz qui se concentre sur la recherche de la beauté dans la désolation et la destruction. Lewis Baltz photographie l’architecture des paysages où l’homme intervient pour montrer que ces lieux ne sont que le reflet de l’influence, du contrôle et du pouvoir exercé par et sur l’homme. Chez Eva Nielsen, la notion de découpe de l’horizon, de redéfinition de l’espace et de la composition sont également des éléments structurants de son travail. Capacité ou incapacité de les voir et de les appréhender correctement, les peintures d’Eva Nielsen exigent un travail du regard. Elle opère de manière parfois énigmatique pour que ses peintures ne révèlent pas tout d’elles même au premier regard. Par des altérations et des effets chimiques, sa peinture-image devient un jeu mental. Il y a toujours quelque chose qui s’interpose tel un écran dans notre perception. Oscillant entre le quotidien et l’imaginaire, ses peintures s’emparent des dimensions climatiques et géographiques des lieux qu’elle retranscrit. Scrutant un ensemble de détails pour une vision brute des phénomènes humains et environnementaux, les peintures d’Eva Nielsen procèdent d’une mise à plat des réalités urbaines et architecturales. Eva Nielsen se confronte de manière frontale à des héritages artistiques et historiques: du mouvement pictorialiste à l’abstraction figurative, du sfumato académique à l’usage des nouvelles technologies. Trouver cette alchimie en utilisant l’huile, l’acrylique et la sérigraphie sur toile, Eva Nielsen est constamment dans l’hybridation apportant une double lecture et appréhension de ses peintures. Encore un retour aux origines par le titre.. Field (2011) peinture dont les deux panneaux ont été accrochés sur un coin. Ce diptyque en angle vise à traduire en peinture le fait d’appréhender deux horizons distincts en un seul regard. Traversée et exploration des mondes, des images et de la peinture, Eva Nielsen propose une dramaturgie de ces lieux indéterminés qui se joue face à et avec nous. Marianne DERRIEN
Texte écrit à l’occasion de la participation de l’auteur
au prix AICA France de la critique d’art 2014
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Exposition “zones du doute�
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Roskilde 30 x 40 cm, encre de chine, aquarelle et impression sur papier - 2013
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Exposition “zones du doute”
Exposition “zones du doute”
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Lademoen Taille aléatoire , impression papier marouflée sur mur - 2014
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Exposition “zones du doute”
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Exposition “zones du doute”
Exposition “zones du doute”
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Anse 140 x 190 cm, encres, impression et acrylique sur toile - 2013
Exposition “zones du doute�
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Dondal 30 x 40 cm, encre de chine, aquarelle et impression sur papier - 2013
Exposition “zones du doute”
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Display 140 x 190 cm, encres, huile, impression et acrylique sur toile - 2014
Exposition “zones du doute”
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Numance 125 x 180 cm, huile, acrylique et sérigraphie sur toile - 2010
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Exposition “zones du doute”
Photo ©Nicolas Brasseur
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BIOGRAPHIE
BIOGRAPHIE
Née en 1983. Vit et travaille à Paris
EXPOSITIONS PERSONNELLES 2014 Kodak Grey, Green screen, avec Rebecca Digne, Dominique Fiat, Paris The Road, curator Barbara Sirieix, Selma Feriani Gallery, Londres 2013 2012 2011 2010 2009 2008
Solo Project, avec Hicham Berrada, Dominique Fiat, Bâle Jardin Clos, Galerie Saint-Sèverin – curator Daria de Beauvais, Paris The Inventory, avec Mireille Blanc, LKV, Trondheim, Norvège Walden, Dominique Fiat, Paris Elvedon, avec Marion Verboom, Maison des Arts de Grand Quevilly, Rouen Feedback, Dominique Fiat, Paris Florine Leoni/Eva Nielsen, Point de Fuite, Permis de Construire, Toulouse Let’s talk about painting I, avec Jean-Baptiste Bernadet, curator Clément Dirié, Le Stand, Lyon Poltergeist//Vaudoumania, avec Raphaël Barontini, ENSBA, Paris
EXPOSITIONS COLLECTIVES 2014 Les esthétiques d’un monde désenchanté, Abbaye Saint-André, CAC Meymac Avec et sans Peinture, Mac Val, Musée d’art contemporain du Val de Marne Saxifraga Umbrosa #2, curateur : Marianne Derrien, la Générale, Sèvres 2013 Foutre, commissariat par Mathieu Buard & Joël Riff - Düo, Paris La Belle Peinture, Pisztoryho palác, Bratislava N’habite plus à l’adresse indiquée, Centre Albert Chanot (curateurs : Barbara Carlotti et Gurwann Tran Van Gie) Let’s talk (again) about painting, Musée de Guyancourt (curateurs : Eva Nielsen et Clément Dirié) Spring exhibition, Kunsthal Charlottenborg, Copenhague 2012 La peinture française contemporaine, combinaisons de l’histoire, Musée de Perm, Perm, Russie Perceptions vives, La Couleuvre, curateur : Marion Daniel Christmas Jewels, 8 rue Saint-Bon, Paris Grands Formats, Amis des Beaux-arts de Nantes, L’Atelier, Nantes Exposició Premi de Pintura Internacional Guasch Coranty, Centre d’Art Tecla Sala de l’Hospitalet, Barcelona Figures du voile, la fabrique culturelle, université Toulouse le Mirail Athématique, Espace Brochage Express, Commissariat : Jennifer Douzenel, Vincent Dulom, Thomas Tronel-Gauthier Oui à la peinture/Yes to painting, TAJAN, Paris Babel, Palais des Beaux-arts de Lille, curateur Régis Cotentin, Lille Géométries variables, Plot, Rouen, France Man-Made, Dominique Fiat, Paris Postcards from the Edge, a benefit for Visual Aids, Cheim and Read gallery, New York
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BIOGRAPHIE
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2011 2010 2009 2008
Infiltration – le privilège des chemins, curateur : Marianne Derrien, La Plataforma Revolver, Lisbonne Länder, École des Beaux-Arts de Rennes, curatrices : Jodène Morand & Elsa De Smet Dessins Exquis, 40 rue de Richelieu, Paris, curateur : Laurent Boudier Outre-Forêt, curateur : Mathieu Buard & Joël Riff, 6b, Saint-Denis Et si l’espace n’était qu’une dimension intérieure, Abbaye Saint André, CAC Meymac Tandem, Dominique Fiat, Bruxelles Paravents, Vente aux enchères au profit de La Source, Palais de Tokyo, Paris La Photographie au scalpel, Espace Immix, Paris Nocturne(s), Nuit Blanche, 104, Paris Res Publica, Musée d’Art Moderne de Moscou (MMOMA).Commissariats : Elena Yaichnikova et Nicolas Audureau avec la collaboration de Claude Allemand-Cosneau, conservateur général, CNAP. Musée d’Art Moderne, Moscow, Russia Paysage 2 : Imminence de la catastrophe, Espace Croix-Baragnon, Toulouse Mouvements des atomes, mobilité des formes, Félicités 2009, ENSBA, curateur : Marc Desgrandchamps, Paris Prix Sciences-Po pour l’art contemporain 2010, Sciences-po, Paris Exposition des Lauréats du Prix Agnès b., Espace Lhomond, Paris Let’s talk about painting I, curateur Clément Dirié, Le Stand, Lyon SP Arte, Rhys Mendes Gallery, Belo Horizonte, Brazil Still Painting, Rhys Mendes Gallery, Belo Horizonte, Brazil Prix 2008 des Amis des Beaux-Arts de Paris, ENSBA, Paris 53e Salon d’art contemporain de Montrouge, Montrouge, Paris Exposition des finalistes du prix de Dessin David-Weill, Institut de France, Paris
Grants 2013/2014 2010 2009 2008
Lauréate du Prix Art Collector Nominée pour le Prix Sciences Po pour l’Art Contemporain Lauréate du Prix des Amis des Beaux-Arts Nominée pour le prix David Weill, Paris Bourse Socrate
COLLECTIONS Mac Val Centre National des Arts Plastiques Collection d’art contemporain de la Société Générale Fond municipal d’art contemporain de la Ville de Paris (FMAC) Fondation Colas Catalogues et textes Barbara Sirieix, The Road, texte d’exposition Marianne Derrien, Retour aux origines, prix AICA France de la critique d’art 2014 Erik Verhagen, Elvedon, Eva Nielsen/Marion Verboom, Mairie de Grand Quevilly Editions Marc Desgranchamps, Mouvements des atomes, mobilité des formes, ENSBA Editions Nicolas Audureau et Elena Yaichnikova, Res Publica, Cahiers de la création contemporaine, CNAP Elodie Stroecken, Paysage, Imminence de la catastrophe, Espace Croix Baragnon, Editions Mairie de Toulouse Clément Dirié, Let’s talk about painting, Le Stand, texte d’exposition
BIOGRAPHIE
Bibliographie Joël Riff, «Curiosité - 2013 semaine 21 - Peintures & paravents » Ann Hindry, citation dans l’article « L’artiste et le commissaire », Le Quotidien de l’Art, n°353 Benoît Blanchard, «Eva Nielsen : galerie Saint Severin», oeuvres-revue.net T.B, «Avec et sans peinture», Time Out Paris Roxana Azimi, review Man-Made,QDA Anaël Pigeat, review, Art Press Benoit Blanchard, oeuvres-revue.net Laurent Boudier, Télérama Sortir Anne-Marie Fèvre, Les Tours de Babel d’Eva Nielsen, Libération Daria de Beauvais, Critic’s choice, Saatchi Online Magazine Philippe Dagen, «Par temps de crise, les diplômés des Beaux-Arts de Paris ont la cote», Le Monde Valérie de Maulmin, « Le monde décalé d’Eva Nielsen», Connaissance des arts Sarah Ihler-Meyer, paris-art.com Anne-Marie Fèvre, «Faut pas s’y tromper», Libération Next Audi Talents Awards, Radio Nova Point de Fuite, Radio FMR Jeu de Paume, Hors les Murs Amélie Martin-Lirot, «Derniers temps Forts», Zéroquatre «Still Painting», Mapa das Artes Radio Libertaire, Entretien, show Muzar Le Figaro, Salon de Montrouge
[33] FORMATION 2009 DNSAP, École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris 2008 Bourse Socrate, Central Saint Martins School of Art, Fine Art, London, UK 2005 Maîtrise d’Études Européenne, Sorbonne Nouvelle, Paris 2003 Deug de Lettres Modernes, Sorbonne Nouvelle, Paris
Direction et conception éditoriale
Evelyne et Jacques DERET
Conception graphique
Antonin BONNET / Happyfactoryparis.com
Reproduction des œuvres
Eva Nielsen
Impression
Fabrikant - frederic@fabrikant.fr
Art[ ]Collector
www.art-collector.fr
Contacts presse
Virginie Burnet-Bogaty - Agence L’art en plus - 8, rue de Belloy - 75116 Paris
Mail : v.burnet@lartenplus.com - Web : www.lartenplus.com
galerie
16, rue des Coutures Sainte-Gervais - 75003 Paris
+33 1 40 29 98 80 - info@dominiquefiat.com - www.dominiquefiat.com
Cet ouvrage a été publié par Art[ ]Collector à l’occasion de l’exposition consacrée en novembre 2014 à Eva Nielsen. Elle s’est tenue au Studio le Patio à Paris et était organisée par Art[ ]Collector.
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Remerciements : Aux collectionneurs qui ont confié leurs œuvres pour l’exposition Aux membres du comité de parrainage qui ont accompagné la création et la mise en œuvre d’Art[ ]Collector Aux membres du comité de sélection d’Art[ ]Collector qui ont participé à la sélection des artistes retenus pour 2014 À tous les partenaires qui soutiennent la manifestation À la galerie Dominique Fiat À Valérie Saas-Lovichi, directrice du Patio-Opéra
Cet ouvrage a été imprimé en France par l’agence Fabrikant (Le Mans) pour le compte de JD&Com (45, rue Paul Déroulède - 92270 Bois-Colombes) en octobre 2014 Dépôt légal : octobre 2014 - Imprimé en France
www.art-collector.fr
ISBN : 979-10-92037-07-4 Prix net : 15,00 â‚Ź