le magazine des blogtrotteurs
de Sciences Po Rennes
Tousconnectes connectes Tous p 62p.62 Les combats de coqs a Bali Les combats de coqs à Balie La postalededeSpencer Spencer La carte carte postale Il La parait recetteque... du Bibimbap La recette du Bibimbap La Tate à L’envers...
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La retraite à 60 ans, et toi, et toi, et toi?
Le Brésil, vu de dos
HISTOIRES ET ACTUALITÉS
NUMÉRO 4 Automne 2O1O
déclo trés
Photo de couverture par Géraud Beaudonnet En haut du Mont Agung à 3 000m d’altitude, Bali Décloîtrés est le magazine des troisième année à l’étranger de Sciences Po Rennes, les propos sont de la responsabilité de leurs auteurs.
EDITO TURQUIE
(des)
regards neufs
Au moment des derniers au revoir et des accolades interminables, nous partions vers l’inconnu. Notre esprit manquait de repères pour imaginer ce que nous vivrions les jours suivants. Confiants, soucieux ou excités, nous avons abordé ce départ de diverses manières et nous y sommes enfin. Nous vivons un quotidien nouveau avec son lot de découvertes et de rencontres surprenantes.
Et c’est avec nos regards décalés tantôt intrigués, concernés, amusés ou engagés que nous, globereporters rennais, tentons de vous faire découvrir l’étranger. Un vrai voyage n’est possible qu’avec d’autres yeux, avec un regard neuf. Il ne s’agit pas seulement d’un changement de référentiel géographique mais aussi d’abandonner nos yeux de tous les jours, ceux avec lesquels nous voyons le monde d’habitude. Le rythme de parution du magazine est plus propice à la réflexion qu’au réflexe. Il nous laisse le temps d’observer, le temps de rencontrer des autochtones afin de faire état de la réalité avec clairvoyance et dynamisme. Le temps de travailler ensemble aussi. Dans ce numéro, les Rennais internationaux que nous sommes ont notamment préparé de concert un dossier commun sur la vie après 60 ans, en écho à la réforme des retraites française. Au fil des pages, vous allez boire des verres sur tous les zincs du monde, prendre le transsibérien, parier à un combat de coqs indonésien. Une recette coréenne, le dos du Brésil, des nouvelles de Spencer, cette balle en mousse qui roule par delà les frontières ; voilà ce qui vous attend dans nos colonnes. Autant de chroniques qui dessineront des coins dans vos sourires ou bien
dans vos sourcils. Le hors-série « Parcours » à ce numéro suscitera particulièrement l’intérêt des deuxième-année en quête d’une destination future. Des tranches de vie d’étudiants en Erasmus ou honorant de nouveaux partenariats universitaires y sont présentées. Cette nouvelle saison du magazine s’inscrit dans le dynamisme né il y a maintenant plus d’un an et entend le nourrir. Il me faut saluer ce travail d’équipe. Entre Toronto, Valparaiso, Cardiff, Edimbourg, Istanbul, Le Caire et Bali, c’est tout un groupe de correspondants qui s’est animé pour faire éclore cette revue. Nombreuses ont été les contributions pour y donner corps. Sans oublier les conseils avisés des créateurs re-cloîtrés basés à Rennes en charge de l’édition et de la mise en page. Bon voyage ! decloitres@gmail.com
pour l’équipe, Fabien Fougère
SOMMAIRE
highLIGHTS P.25 La Retraite à 60 ans, et toi, et toi, et toi? Que font les «vieux» autour de la planète, un tour du monde sociologique, économique et culturel au coeur de notre actualité !
P.10
Sur tous les zincs du Monde Avant de commencer les choses sérieuses, de quoi se rafraîchir sur tous les continents !
Les combats de coqs en Indonésie Dans la rubrique insolite, je demande le reportage passionant de ce Décloîtré qui n’a pas froid aux yeux !
P.72
EDITO
(des) regards neufs
AU COEUR DES ÉVENEMENTS
2 6
Une mosquée sur Ground Zero Une tentative de Coup d’Etat à Quito
SUR TOUS LES ZINCS DU MONDE
10
Chili, Portugal, Argentine, Népal, Ecosse...
VU D’ICI ET D’AILLEURS La retraite à 60 ans et toi, et toi, et toi? Royaume-Uni, Corée, Turquie, Egypte, Zambie, Espagne, Russie...
PORTFOLIO
25 42
Le Brésil vu de dos
A LA LOUPE
Mapuches : le complexe chilien
52
56
SUR LA ROUTE Embarqué dans le Transsibérien 3 façons de ne pas prendre le train en Inde Partir un jour de grève
65 66 72 76 78 82
VOYAGE DE MERDE TOUS CONNECTÉS La carte postale de Spencer Il paraît que... Globe cooker
INSOLITE Les combats de coqs Fransoa, un Cloclo à Jakarta
PROMENADE CULTURELLE
Le Festival de Durga Purga, à Calcutta
QUARTIER LIBRE Un après-midi musical à NYC Lettre sénégalaise
PRÉSENTATION DE L’ÉQUIPE
AU COEUR DES ÉVÉNEMENTS ETATS UNIS
Une mosquée sur Ground Zero : Andy, Mark, David... Ce qu’en pensent (vraiment) les Américains Depuis le 3 août, plus rien ne s’oppose légalement à la construction d’une mosquée à proximité de Ground Zero. Après une décision de la commission de la municipalité en charge de toute cette affaire, le bâtiment concerné ne sera pas placé sur la liste des « monuments historiques », comme l’espéraient les opposants à ce projet. Ce centre culturel, qui comporterait en plus de la mosquée une salle de conférence et des lieux de loisirs, serait appelé la « Maison Cordoue », en souvenir de la ville de l’âge d’or de l’Islam médiéval en Espagne. Cette construction est-elle une provocation? Un appel à la sécularité ? Un geste de paix des New-yorkais toujours très sensibles à l’évocation du 9/11 envers la communauté musulmane? Les avis sont tellement partagés... Un Américain que j’ai rencontré m’a donné un conseil:
"Be tactful, people are still very sensitive about 9/11" (traduction en fin d'article). Comment ne pas l’être? Il y a moins de dix ans, 3 000 Américains ont été tués par des extrémistes se revendiquant de la UN MICRO-TROTTOIRE DE communauté musulmane. On MARINE SERVENT À NEW YORK ne peut s’empêcher de penser
que cet attentat est encore trop frais dans les esprits pour pouvoir être éradiqué par l’élévation d’une mosquée au nom de la tolérance religieuse et de la communication entre les peuples. «As a christian..." En allant à l’ancienne Burlington Coat Factory, le lieu où s’élèvera le centre culturel musulman, j’ai voulu interviewer des gens habitant dans les alentours. Les quelques commerçants que j’ai interrogés étaient soit perplexes lorsque je leur disais qu’une mosquée allait être construite près de leur grocery, soit étaient réticents à répondre à mes questions.
"I got nothing to tell you about that subject." Bien sûr, je n’insistais pas, je ne voulais pas paraître impolie et indiscrète au propos de ce sujet pénible à aborder. J’ai ensuite arrêté quelques Américains dans la rue en leur demandant s’ils habitaient dans les alentours et s’ils pouvaient me donner leurs avis sur la question. Le premier, Marc, 28 ans, père de famille se baladant avec sa femme et son fils en poussette. Ils habitent près du fameux site. Ce qui me frappa, c’est qu’il a introduit son explication par un « as a chris-
visible. Il était « ridicule » pour lui de construire une mosquée à cet endroit. « Do you think muslims would let us build a church in Soudi Arabia?! We have to let them know it is not right ». Son discours ne dégageait pas d’animosité, mais de l’amertume et un sentiment d’injustice. J’interrogeais ensuite un couple de personnes plutôt âgées. Andy et Mary. Lui est un vétéran. Il affirma que quelque chose de
«legally right can easely be morally wrong" et que c’était le cas ici. « It will be built way too close from the USA tragedy, it’s innapropriate. It is a disgrace for our country that Obama accepted it». L’élévation de ce lieu lui était semblable à une
« Victory March for muslims." A ce moment là, je le vis discrètement sortir une croix de sa poche... J’aurais pu demander à bien plus de monde, mais le temps me manquait et j’avais déjà essuyé beaucoup de refus. J’allais donc dans le sens de ma collègue newyorkaise Léa, en supputant que le rejet suscité par ce débat est la réaction des New-yorkais prévisible et confirmée sur le terrain. Réaction compréhensible si l’on suit l’argument affectif qui atteste qu’il est objectivement insensible de raviver une douleur encore très présente chez les New-yorkais. Mais chez quel New-yorkais ? Eh bien, je me risquerais à faire une
généralité, chez le New-yorkais traditionnel chrétien géographiquement touché par la future mosquée. Refuser ? « Unamerican » Parce que, chose intéressante, je rencontrai ensuite des Américains qui ne comprenaient simplement pas la polémique construite autour de cette histoire. Pour Brian, 28 ans et athée, empêcher cette construction serait une erreur. Cela risquerait de déclencher des réactions très sérieuses de la part de la communauté musulmane qui prendrait cela pour un affront et un amalgame fait entre les terroristes du 9/11 et les musulmans en général. De plus, légalement parlant, il n’y a rien qui fait opposition à la construction de ce centre culturel. D’après lui, rien ne devrait faire obstacle à la Mosquée puisque ce serait enfreindre la liberté de culte qui se veut être un des principes premiers de la société américaine. (cf 1st amendement bien sûr). Damien, 36 ans, habitant au cœur de Manhattan, affirme que ce serait « unamerican » de ne pas accepter la construction de la mosquée: « ce serait hypocrite, car il est bien plus facile de l’interdire en exposant l’argument émotion
nel en considération des familles des victimes, que de dire, c’est un geste qui, dans le futur, permettra une meilleure cohabitation entre les différentes communautés de la ville ». On saisit bien alors les oppositions faites entre les habitants touchés presque physiquement par la construction de cette mosquée et dans leurs valeurs, et ceux qui sont bien loin de Ground 0, prenant un parti que l’on pourrait qualifier de plus distancié et pragmatique. Ces derniers vont voir leur opinion l’emporter puisqu’Obama, the « disgrace of the country » pour Andy, a approuvé, cet été, la construction de ce centre au nom de la liberté de culte garantie par la constitution américaine. On ne peut qu’espérer que la finalisation de la construction de ce lieu de culte ne déclenche pas l’animosité des citoyens dont le cœur est toujours meurtri par la tragédie du 11 Septembre.
AU COEUR DES ÉVÉNEMENTS TURQUIE - EQUATEUR
L’avis caustique de Hayati Yaz ministre d’etat tu
« Bien sûr qu’il faut construire une mosquée à Gro est une belle ville, mais l’architecture urbaine est à empêchent la pénétration du soleil en ville. La taill plus modeste, New York sera plus claire et b
CITATION RECUEUILLIE À ISTANBUL PAR FABIEN FO
Une tentative de coup d’Etat Chronique d’une journée presque oRdinaire à Quito
Une rébellion des forces de police et un chef d’État qui vacille. Quito, la capitale de la République d’Équateur, a été le théâtre de troubles politiques le 30 septembre dernier. En quelques heures, le Président Rafael Correa se retrouve hospitalisé et la ville désertée, livrée aux pillards. L’intervention de l’armée a cependant permis un retour rapide à la « normale ». Anne a assisté à ces troubles, et nous raconte ici sa journée inoubliable du 30 septembre.
Jeudi 30 Septem teur, un jour comm Je travaille tran partir de Guap périphérique de du matin, heure çois un mail de de France : il y a lèvement de la torienne, c’est-àpoliciers dans les tôt tous les policie train de manifester du centre. Il est re rester enfermé che pas quitter Quito j ordre. Mauvais c paremment, non maître de stage, tentative de coup cela semble irré
zıcı urc
ound Zero ! New York à revoir. Les buildings le d’une mosquée est bien plus agréable ! »
OUGERE
mbre en Équame les autres. nquillement à pulo, quartier Quito. À10h locale, je rel’ambassade aurait un soupolice équa-dire plus de s rues, ou pluers seraient en r dans les rues ecommandé de ez soi et de ne jusqu’à nouvel canular? Apn. Selon mon il s’agit d’une p d’État. D’ici, éel. Guapulo,
quartier tranquille avec vue sur la vallée environnante, ses rues pavées, ses habitants sympathiques et…ses vaches. Non, rien n’a changé ici. Cela ne dure pas. Une heure plus tard, une longue file de voitures défile dans la rue. Quito semble se vider complètement. Jamais vu ça. Par la fenêtre, un homme me fait signe de bien fermer la porte, suivi d’un autre signe qui ne laisse rien présager de bon. On l’aura compris, sans maintien de l’ordre, nous sommes apparemment retournés dans la jungle. En état de siège, on revient rapidement à des préoccupations bien terre à terre. Ce qui nous préoccupe, ce n’est
pas tellement la politique et ce qui se passe dehors mais plutôt nos réserves de nourriture, minces, et la coupure d’eau qui nous laisse à sec. Au compte goutte, des gens reviennent du centre-ville et nous racontent les événements. Un soulèvement de policiers mécontents qu’on touche à leurs avantages. Un président blessé. Des militaires qui auraient bloqué l’aéroport. Et surtout, des pillages. Les magasins ferment un à un. Des amis équatoriens m’appellent pour me dire de faire attention, que c’est vraiment dangereux. Ils ont tous leur petite histoire à ajouter : entre l’un dont la mère se serait faite agresser par des policiers dans la rue et l’autre
qui me raconte des pillages en série en face de chez lui. Décidément, on sait vous mettre en confiance ici. De toute façon, je reste assignée à résidence. Week-end annulé. Nouveau message de l’ambassade de France : état d’urgence décrété jusqu’au mardi suivant. Il faut constituer des stocks de nourriture, eau et médicaments, pour un minimum de 72h. Facile à dire quand les magasins ferment et qu’il ne faut pas sortir. Puis, plus rien. L’eau coule de nouveau. Les choses reprennent leur cours. Il faut croire que ça fait partie des aléas quand on vit à Quito, en Equateur.
ANNE DEMANGE
sur tous les
Zincs du
Monde
SUR TOUS LES ZINCS DU MONDE CHILI
La J.Cruz ou le casino social C’est au bout d’une ruelle que l’on distingue à peine depuis la rue passante. Un panneau, un seul, «Casino Social», qui clignote faiblement à la nuit tombée. Le menu à l’entrée est depuis longtemps illisible, recouvert par des affiches publicitaires. Avant même de pousser la porte de ce resto-bar, on est déjà intrigué. Comme l’impression d’entrer dans un lieu clandestin, où seuls les porteños se retrouvent. Un lieu authentique en somme.
Un premier pas dans l’entrée, et soudain vous ne savez plus où donner de la tête. Les murs sont revêtus de haut en bas par une décoration complètement hétéroclite et surprenante. Des cadres poussiéreux, des photos d’identités par milliers, des étagères remplies de vaisselle vétuste, des mots laissés par les clients sur chaque parcelle libre du mur... On se croirait dans le musée personnel d’un vieux chilien de 80 ans qui aurait passé sa vie à collectionner tout ce qu’il trouvait. C’est à peine si le plafond n’est pas décoré. Un plat unique : protéines et accordéon Quand vous viendrez à la Jota Cruz, vous irez d’abord manger une bonne chorrillana, un des plats typiques et bon marché du Chili. C’est d’ailleurs l’unique plat servi ici et se commande pour un, deux ou plus. On vous apporte une seule et énorme assiette que vous partagerez tous ensemble, en vous battant à coups de fourchette. Si vous rêviez d’une salade diététique, mieux vaut vous abstenir : vous êtes sur le point d’ingurgiter des frites mélangées à de la viande, des oignons et... des oeufs, histoire de ne pas manquer de protéines. Vous l’aurez compris, si vous décidez d’aller manger une chorillanna au Casino Social, il faut avoir faim. Mais surtout avoir envie de passer un moment convivial. De toute manière, le vin rouge chilien qui vous commanderez avec votre chorillana se chargera de délier votre langue.
Quand l’assiette commence à se désemplir, des musiciens entrent. Habitués du coin, vous vous apercevrez vite que ce sont souvent les mêmes, toujours avec le même répertoire, qui se répète inlassablement. Le chanteur, qui n’a plus toute sa jeunesse, entonne une chanson emplie de nostalgie. Son acolyte le suit à l’accordéon. Leur musique est sûrement leur gagne-pain, mais cela ne les empêche pas de chanter avec sincérité. Les yeux pétillants, sûrement en partie grâce au vin rouge, chacun profite de cet instant magique. Certains se laisseront bercer par la ballade, les yeux dans le vague tandis que d’autres remarqueront soudain, d’un air dubitatif, la présence d’un énorme chien en plastique juste au dessus de l’étagère. Assurément, au Casino Social vous trouverez toujours un nouvel élément décoratif pour vous interrompre dans votre rêverie. En partant, si vous avez le cran, vous oserez laisser votre photo d’identité, un mot sur le mur... ou encore mieux, vous placerez, bien en vue sur la porte d’entrée, un auto-collant de la Bretagne, histoire d’être chauvin jusqu’au bout. NOÉMIE ROBERT, VALPARAISO, CHILI
SUR TOUS LES ZINCS DU MONDE PORTUGAL
Galeria de Paris A Porto, la nostalgie d’une certaine Rue Saint Michel a d’abord guidé mes pas vers Piolho, cette immense place peuplée d’étudiants et de praxistas s’agglutinant autour de mauvaises bières, de caïpirinhas trop sucrées et autres vins au rabais. Une véritable avenue de la Soif, la folie et les pavés poisseux en moins. Et puis, après quelques semaines, je me suis lassée, et j’ai eu envie de m’aventurer plus loin, en quête de porto, de fado, de ginja, de vrais verres en verre et d’une soirée passée assise autour d’une table, pas sur un bout de trottoir.
Je me suis souvent demandée comment un bar aussi grand, aussi haut, aussi bondé le samedi soir, pouvait dégager autant de chaleur et de tranquillité. Peut-être parce que les serveuses, portugaises jusqu’au bout des ongles, n’ont aucun complexe à vous faire attendre votre verre plus de vingt minutes, et que je commence à m’habituer au rythme de vie ralenti portuense. Peut-être parce qu’aucun écran ne passe de match de foot, parce qu’on ne sert que du bon vin et pas de la Super Bock dans des gobelets en plastique. Parce que la lumière flotte, qu’il y a des gâteaux maison sur le comptoir. A une heure et demi, le volume monte d’un cran, les gens commencent à fredonner des airs avec la fadoiste. Pour moi, ce sera un deuxième Tawny, pour Iza ma coloc photographe, une ginja avec des cerises à la surface.
C’est au cours d’une de ces soirées que j’ai échoué à la Galeria de Paris. A 22 heures, les petits couples portugais qui se retrouvent là pour dîner partagent des minuscules tables au milieu des bougies ; dans un coin une fille chante un peu de blues, un peu de folk, et de temps en temps attrape sa guitare portugaise pour un mélancolique fado. A 23 heures, il y a des vieux bonhommes au comptoir qui ARTICLE DE MARIE MÉNARD, PORTO s’enfilent des ballons de rouge. Des PHOTOS D’IZABELLA STACHOWICZ étudiants déplacent des tables pour fêter un anniversaire. Au mur, il y a des guitares, une cuvette de toilettes, et derrière des vitrines qui grimpent jusqu’au plafond, des transistors, le téléphone de Mr Bell, des boîtes de chocolat des années cinquante, des jouets en bois et des bouteilles par centaines. A minuit, je m’assois à côté du piano, je compte les lampes qui pendent du plafond et je commande un Porto Tawny.
SUR TOUS LES ZINCS DU MONDE
SUR TOUS LES ZINCS DU MONDE A R GE N T I N E
Pangea, le bar dépourvu de limites
Bien avisé fut l’érudit qui eut l’idée d´accoler les mots grecs “pan”, exprimant le tout, et “gea”, la terre. Pangea nie l’idée de frontière. Les diverses pièces de ce bar sont ouvertes les unes sur les autres et les seules portes qui trahissent l’esprit anarchisant de ce haut-lieu de l’argentinidad sont celles des toilettes qui, en réalité, privées de loquets, ne ferment qu’à moitié Circulant entre les tables de bois foncé, la chaleur qui émane des moindres anfractuosités poussiéreuses du bar, de la moquette tachetée de bière où l’on s’assoit avec commodité, jusqu’aux tableaux surréalistes et colorés tapissant les murs de briques rouges, a de quoi pénétrer les défenses du plus rigide cartésien et libérer le bourgeois bohème qui sommeille en chacun de nous. A la tombée de la nuit, les citoyens du monde égarés dans cette contrée du nord-ouest argentin baignée par un soleil brûlant viennent s’y rafraichir et activer l’universel habitus de comptoir. Les tenanciers sont une multitude impressionnante. Celui qui prend les commandes, celui qui apporte le lait et le miel, celui qui ramasse l’oseille et celui qui rend la monnaie peuvent être quatre personnes différentes. En proie à une division du travail fantomatique et à une rotation sans queue ni tête, les visages se succèdent d’un jour à l’autre sans que l’on puisse y trouver le réconfort d’une constance mathématique. La confusion est telle qu’il n’est pas rare qu’un client demande aimablement à un autre une Quilmes bien fraîche, celui-ci n’ayant à lui offrir en retour que le sourire de la perplexité. Un lieu sans limites. Les parois, ocres, s’élèvent à plusieurs mètres de hauteur jusqu’à un beige toit de tôle ondulée, éventré en son milieu. Les siroteurs de Fernet s’abritent rapidement dès que s’y engouffrent les fruits des averses tropicales, gouttes d’eau de la taille des oranges qui ornent les rues de la ville. La plupart du temps, le ciel tucumanais, vierge de tout nuage, offre le moment idoine pour enquiller les verres tout en observant les étoiles. ADRIEN BESNARD, TUCUMAN, ARGENTINE
SUR TOUS LES ZINCS DU MONDE NÉPAL
au Tea Shop pour commencer la journée
Ecrire un article sur un bar au Népal n’est pas chose facile quand on sait que les rues sont désertes à 9h du soir et qu’il n’est pas coutume que les femmes boivent de l’alcool. Les seuls bars qu’on puisse trouver sont fréquentés plus par des touristes que par des Népalais. Et il suffit de voir la pollution publicitaire des agences touristiques qui nous attendent sur la table pour comprendre ! La nouvelle génération népalaise profite tout de même de ces bars pour sortir le soir, se retrouver entre amis et écouter leurs amis guitaristes avec leurs coupes fashion à la japonaise. Mais si vous voulez vraiment que je vous parle d’une autre partie du Népal, celle qui constitue la vie quotidienne de bien des Népalais, alors je ne vous parlerai pas de bar, mais de tea shops ! Pas besoin de chercher longtemps, il y en a partout sur le bord des petites ruelles. On les aperçoit très facilement grâce à leurs affiches « Pepsi » ou « Coca-Cola », et personne ne fait exception à la règle! La ville s’agite très tôt le matin, et avant de partir au travail à 10h, il faut
bien occuper son temps… Alors les hommes (pas de femmes !) s’attablent sur le bord de la route ou s’installent à l’intérieur dans l’obscurité du tea shop pour se couper un temps soit peu du grouillement de la ville. Les hommes viennent seuls ou se retrouvent pour discuter, lire le journal, fumer leur cigarette du matin et boire le traditionnel doud tchiya (thé au lait). Faire le thé est tout un art. L’homme allait si vite que j’avais du mal à prendre ses gestes en photo ! C’est une vraie chorégraphie. Entre mettre le lait à chauffer, ajouter la poudre magique (les épices) d’un geste ample du bras, faire bouillir le lait, faire valser les casseroles entre les différents feux, verser le thé dans les verres avec un mouvement de haut en bas, nos yeux sont bien sollicités. Puis sans que vous l’ayez vu venir, vous avez déjà votre verre brûlant de thé au lait devant vous pour 10 rupiyas (environ 10 centimes d’euro). Il n’y a plus qu’à savourer ce doux mélange sucré, épicé pour bien commencer la journée ! LUCIE RAMONIGNO, NÉPAL
SUR TOUS LES ZINCS DU MONDE ECOSSE
l’Ecosse de riches
Planqué au deuxième étage d’un pub de la nouvelle ville, the Voodoo Room est “definitely” le bar où il faut être vu à Edimbourg, et donc l’endroit à voir pour comprendre le fonctionnement de la bourgeoisie locale. On parle ici de posh people pour décrire cette upper-class britannique qui s’en donne à cœur joie sous les plafonds dorés, les jolies voûtes de style géorgien, et dans l’ancienne salle de bal reconvertie en dancefloor et salle de concert. Une clientèle d’étudiants friqués, de vieilles ladies dévergondées, d’aristocrates excentriques et de trentenaires désabusés qui au vu du prix des “conso” semble en avoir définitivement plein les posh.. . CHRISTOPHE MICHAUD, EDIMBOURG
BAPTISTE HEANTJENS
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V U D’ I C I E T D’ A I L L E U R S
la Retraite à 60 ans et toi, et toi, et toi?
V U D’ I C I E T D’ A I L L E U R S ROYAUME UNI
La complexité d’un regard Royaume Uni
La mobilisation sociale en France vue de Reading, Royaume-Uni De l’autre côté de la Manche, on aperçoit la grève française : entre intérêt et moquerie le regard des Anglais semble difficile à définir. Et à l’heure où le Royaume-Uni s’enferme dans les plans de rigueur, le flegme britannique ne risque-t-il pas de prendre du plomb dans l’aile ? Témoignage.
Alors que le projet de réforme des retraites continue d’émouvoir l’hexagone, sa voisine d’outre-manche fait face à la plus féroce contre-attaque néo-libérale depuis l’époque bénie de la « dame de fer », qui comme chacun sait, passe le plus clair du temps qui lui reste à compter ses doigts ou à rayer des casseroles avec ses cheveux. C’est donc Cameron, « l’homme sobre », qui a pris la relève, et n’a pas hésité à annoncer une réduction record des dépenses d’un montant de 82 M£ ! Baisse des pensions octroyées aux handicapés, hausse faramineuse des frais d’inscription ( de 3000 à 7500 £ à Reading par exemple), coupe de 20% dans le budget du NHS (système de santé britannique).
On pourrait dès lors imaginer les conséquences sociales : grève, manifestations, étudiants en rage... Tout faux! Rien de tout ça, si ce n’est quelques voix discordantes qui tentent de rappeler tant bien que mal, que ces coupes sont non seulement unfair, mais également inneficient. C’est dans ce contexte que je me propose de retranscrire la parole de ceux que j’ai croisés le long de mon périple en nouvelle-albion, de leur demander leur avis sur les évènements en France. Ces discussions n’ont fait l’objet d’aucun travail méthodologique particulier, et n’a aucune prétention académique ; il ne s’agit que d’un témoignage, à travers lequel le piètre écrivain que je suis tente d’endosser la redingote du journaliste. « Ça ne pourrait jamais arriver ici » Le premier fait marquant est non pas la moquerie comme on pourrait s’y attendre, sur le mode du « ah vous les Français, toujours à manifester pour un oui ou pour un non », que l’on retrouve pourtant parfois, mais plutôt une forme de nostalgie par rapport à leur propre situation. Ainsi, David Williams, étudiant en deuxième année de sciences informatiques, estime que « ce qui se passe en France ne pourrait jamais arriver ici. Les gens ne sont pas habitués à manifester, ou à exprimer un point de vue politique dans la rue ». Quant à la dernière grosse mobilisation en Grande-Bretagne, il avoue « ne pas [s’en] souvenir ». Les évènements français, même si parfois mal compris, sont utilisés par les étudiants de Reading comme rappel de ce qui ne pourrait « jamais » se passer dans leur pays, et à plus forte raison dans leur université, pourtant sujette à des coupes budgétaires majeures. Alors que le gouvernement Cameron vient d’annoncer la multiplication par deux des « tuition fees » (frais d’inscription), l’association des étudiants de Reading peine à rassembler plus d’une centaine de personnes pour la journée de mobilisation nationale du 10 novembre à Londres (quand l’université de Reading compte 20 000 étudiants). Steven Klark, étudiant en archéologie, déclare à ce propos « évidemment qu’on n’est pas d’accord avec ce qui se passe, mais même si on regarde la France, manifester va pas nous apporter grand chose... Du moins c’est ce qu’on se dit tous, alors on grogne un peu chacun dans notre coin ». C’est donc une population étudiante qui a déjà perdu nombre d’illusions que l’on rencontre ici. Le degré de politisation est tellement faible que cela en devient oppressant, la politique étant la majeure partie du temps reléguée au rang de « subject », au même titre que la physique et les mathématiques, ce qui permet à beaucoup de dire « la politique, j’y comprends rien, et ça ne m’intéresse pas ».
« Vous allez dans le bon sens, mais il faudra quand même faire des efforts » Si le fait que des étudiants anglais ne considèrent pas les français comme des fainéants décérébrés n’est pas en soi étonnant, les réponses des salariés sont plus surprenantes. Loin de mépriser la population d’outre-manche, l’étonnement vient une nouvelle fois de cette nostalgie. Ainsi Patrick Sweiss, salarié dans une entreprise de sous-traitance, admet « regarder de loin ce qui se passe en France, mais on a quand même l’impression qu’ils se battent. On ne comprend pas vraiment pourquoi, et il faut admettre que ça nous fait un peu rire ; mais quand on voit ce qui nous tombe dessus en ce moment, avec les réformes et tout ça, on rit plus beaucoup, et on se dit que vous allez peut-être dans le bon sens. » La critique majeure envers les mobilisations tient à la notion de responsabilité. Si le constat ne peut en aucun cas se limiter à la moquerie du « Français qui manifeste », l’incompréhension subsiste quand il s’agit d’expliquer les tenants et les aboutissants de la mobilisation. C’est le cas d’une salariée d’un hypermarché : « je ne comprends pas vraiment ce qui se passe en France. Je veux dire, si on ne fait pas d’efforts, qui devra les faire ? On a un peu l’impression que parfois vous êtes irresponsables et que vous refusez de voir la réalité ». Même réaction de la part de la Vice-présidente de RUSU (Reading University Student Union), qui organise localement la manifestation du 10 novembre : « Ce qu’on refuse ici, c’est les coupes budgétaires drastiques dans l’éducation. Mais nous savons très bien qu’il va quand même falloir réduire les dépenses ailleurs. Alors on a du mal à comprendre pourquoi les français refusent ce qui nous paraît être inévitable ». Bien malin celui qui pourra anticiper la situation sociale outre-manche dans un avenir proche, tant les mesures annoncées sont féroces et dévastatrices en termes sociaux. Et peut-être l’exemple français servira d’appui à une mobilisation à venir. Le regard britannique tel que je l’ai perçu ici est donc un regard empli de nuances, passant de la moquerie au respect, de l’arrogance à la nostalgie. Le regard reste donc complexe, tant pour celui qui regarde -puisqu’il sait que ses propos n’ont aucune prétention à se rapprocher de la vérité – que pour celui qui est regardé, puisque les présupposés culturels ne trouvent de fondement que dans leur acceptation. MATHIEU COCQ
V U D’ I C I E T D’ A I L L E U R S CORÉE DU SUD
La retraite tue (en Corée) PAR CAMILLE BELLEGUIC
Il ne fait pas bon être retraité au Pays du matin calme. Inactivité rime avec exclusion ou précarité quitte à pousser les personnes âgées à mettre fin à leur jour. Et ce, dans la quasi-indifférence générale. Ha, la Corée, contrée historiquement empreinte de confucianisme, où l’on respecte son père, et où l’on rend hommage à ses aïeux... Les jeunes doivent parler avec révérence aux plus âgés, qui jouissent d’un grand prestige. Rencontrer quelqu’un plus vieux implique de se courber dans un angle à quatre-vingt-dix degrés – et les plus souples iront même jusqu’à plus de cent degrés – pour lui rappeler à quel point il est grand, il est super, il est trop parfait, il a une coupe trop géniale et une barbe aussi cool que le vieux maître dans Kill Bill. Ici, il fait bon vivre quand on est retraité.
Bon, finies les âneries, il est temps de passer aux choses sérieuses. Est-il nécessaire de rappeler qu’en Corée du Sud aussi quand on vieillit, on voit son corps s’affaiblir et on a encore plus besoin de l’aide des autres qui sont en pleine forme? Faut-il souligner qu’en Corée du Sud aussi on vit au XXIe siècle et que ces impératifs de solidarité sont difficiles à remplir ? Puisqu’il faut comparer avec la situation en France, arrêtons-nous quelques instants sur la solidarité à la coréenne.
Des retraites à géométrie variable Une rencontre avec un professeur de social welfare m’a été vraiment très utile pour comprendre l’histoire de ce système.
Comme par chez nous, c’est en parallèle de l’industrialisation que les premières mesures de sécurité sociale ont été prises pour les personnes âgées. Avant, l’unité de base de la société coréenne était la famille : les parents concentrent leurs efforts dans l’éducation des enfants, pour qu’une fois adultes ils s’occupent d’eux dans leurs vieux jours. Il faut croire que la modification de la structure de la société a obligé l’État à prendre un peu plus en charge ces personnes âgées, les gens vivant de moins en moins à la campagne avec leur famille au sens large sous le même toit. Il n’y avait auparavant qu’un système d’assistance publique pour les vieux sans ressources, qui focalisait ses aides sur les plus pauvres pour leur accorder un minimum de survie. En 1988 a été mis en place un système de pensions qui est intéressant si l’on veut comparer avec la réforme française actuelle. Pour en bénéficier, il faut avoir cotisé 20 ans complets, sans compter les vacances. En 1988, peu de gens pouvaient prétendre à une pension avec cette condition. Mais, depuis, le nombre n’a fait qu’augmenter, ce qui pose des problèmes financiers évidemment. L’âge maximal de départ à la retraite varie selon la profession. Par exemple, les fonctionnaires doivent au moins travailler jusqu’à 55 ans (le plus court), tandis que le corps enseignant doit tenir jusqu’à 65 ans (le plus long). Qu’en est-il des inégalités entre hommes et femmes à cause de ce qu’on appelle les carrières à trou ? Eh bien, quand une femme arrête de travailler pour élever un enfant, on considère que ce temps de travail fait partie des 20 années nécessaires pour obtenir une pension. Ce système est donc aussi complexe : s’il semble y avoir a priori une égalité des genres, il n’y a pas égalité des professions, ni des générations.
L’inactivité, fléau de la retraite coréenne D’accord, il y a des pensions accordées pour les vieux. Et ensuite ? Que font-ils une fois retraités ? La réponse est simple : rien. Et c’est un problème ! C’est une des premières remarques que je me suis faite lors de mes débuts à Séoul : c’est étonnant tous ces vieux qui vendent de tout et à tous les coins de rue, à côté des pots d’échappement, ou bien tous ces vieux qui balayent les rues, les nettoient, ramassent les poubelles – quand ils ne fouillent pas dedans... J’ai vu très peu, voire aucun jeune dans ces conditions. Il paraît qu’il y a des vieux qui continuent de travailler une fois à la retraite, parce qu’ils s’ennuient. Je doute que ceux-ci, qui supportent de telles conditions de travail, font ça pour le plaisir. Il y a deux cas de figure quand on dépasse les 60 ans en Corée. Si on a travaillé assez longtemps – ce qui suppose ne pas avoir été touché par le chômage, phénomène qui ne concerne que les fainéants comme on
le sait tous – on a le droit de rester à la maison ou de faire des promenades dans les parcs. Car les pensions ne sont pas élevées, et ne permettent pas de partir en voyage si l’on n’a pas économisé de son côté et ne sont pas toujours suffisantes pour aller dans les maisons de retraite. Et si l’on n’a pas assez cotisé, on ne reçoit pas cette fameuse pension, et il ne reste qu’à trouver de l’argent par tous les moyens possibles, de la mendicité à la vente de produits en tous genres dans la rue.
Une histoire de famille contemporaine Mais pourquoi les vieux coréens en sont-ils arrivés là ? N’ont-ils pas travaillé lorsqu’ils étaient jeunes et fougueux ? Les transformations dans la société semblent vraiment être plus profondes que dans le fonctionnement du système des pensions. Selon ce même professeur, le comportement des gens à l’égard de leurs aînés a également changé. Lorsqu’ils étaient jeunes, ces vieux vivaient dans un environnement où le respect qui leur était accordé était central. Aujourd’hui, ils ne bénéficient pas de ce respect qui leur serait dû. Les jeunes générations n’ont pas de problème car ils vivent dans la « nouvelle société » coréenne, tandis que les vieilles générations ont subi un rapide changement, balayant les valeurs qu’ils ont reçues étant jeunes. Cela se voit dans le déclin de la famille, qui était, comme je l’ai précisé précédemment, l’unité de base de la société. De nos jours, les jeunes coréens doivent trouver du travail, ce qui implique souvent de quitter le domicile familial, même pour étudier. Quand ils reviennent, les jeunes ne comprennent pas les vieux, ils ne parlent de la même façon, n’ont pas les mêmes habitudes, et n’aiment pas vivre ensemble... Sauf peut-être lorsque les jeunes deviennent parents et demandent à leurs propres parents d’élever leurs petits-enfants, ce qui n’est pas du goût des grands-parents. Le changement ne concerne pas que les jeunes, mais aussi les vieux qui, avec l’éclatement de la vie familiale, doivent meubler leur temps libre. De nombreux facteurs peuvent expliquer cette double évolution des comportements, et c’est un sujet d’actualité très complexe qu’il m’est impossible de traiter – du moins pour l’instant. Mais s’il y a quelque chose que j’ai personnellement ressenti comme étant pertinent pour le comprendre, c’est la structure des maisons. J’ai visité quelques maisons traditionnelles, et j’ai été invité dans l’appartement d’amis coréens. La maison traditionnelle est conçue pour héberger plusieurs générations, une famille élargie : s’il y a un centre commun, il est possible à chacun de vivre relativement dans son coin. Tandis que dans les appartements, notamment dans cette grande ville qu’est Séoul, l’espace est précisément ce qui fait défaut, et je n’ose même pas imaginer ce que doit être la vie pour une famille entière entassée dans une boîte à sardines.
V U D’ I C I E T D’ A I L L E U R S CORÉE DU SUD
Le plus haut taux de suicide des plus de 65 ans Est-ce que ça vaut alors le coup d’être retraité ? A-ton hâte d’être à la retraite pour en avoir fini du boulot ? Cela dépend de la façon dont on maîtrise les sentiments de solitude, d’irrespect et surtout d’inutilité. Dans le passé, les personnes âgées n’étaient pas au chômage, elles étaient considérées comme une source de sagesse – et c’est là qu’on trouve l’héritage du confucianisme – et elles conseillaient les gens. C’était en somme une occupation comme une autre, qui n’existe plus de nos jours. Il paraît qu’en France les jeunes brûlent des voitures juste parce qu’ils n’ont pas de boulot. J’ai été curieux et j’ai tenté de regarder les infos coréennes pour savoir si la Corée connaît le même phénomène. Un réseau de vieux dealers de shit démantelé ? Une guerre de gangs de retraités dans une banlieue mal famée ? Des vieux envoyés en garde à vue pour une insulte à la police ? Mince, rien de tout ça. Mais que font-ils alors s’ils n’ont pas de boulot ? Un coup d’œil aux statistiques de l’OCDE m’a donné la réponse : ils se suicident. Avec un taux de suicide de 0.24‰ pour les plus de 65 ans, la Corée du Sud est le premier pays de l’OCDE pour le suicide des vieux. Encore, il faut voir l’évolution dans le temps : en 1990, le nombre de suicides tournait autour de 300, et il était de 3 541 en 2007. La première raison objective est économique : ils n’ont pas les moyens de faire face aux coûts médicaux dus au traitement d’une maladie. Mais cela veut-il dire qu’en 17 ans ils sont de plus en plus malades ? Je crois qu’il faut faire appel à cette deuxième raison qui est plus difficile à mesurer et que j’ai déjà évoquée : le sentiment d’inutilité, de ne rien pouvoir faire pour la société. La conséquence la plus horrible de ce phénomène de suicide des vieux, c’est qu’il n’y a pas de conséquences. En gros, à part le déplorer, la société ne se porte pas plus mal de cette purge. Les gens avec qui j’ai pu en discuter se sentent partiellement responsables, mais le sujet du suicide reste tabou en général. Les réactions sont émotionnelles, on est triste pour le suicide des vieux, mais rien n’est fait, il n’y a pas de temps, d’énergie, d’argent pour eux. Je me suis souvent entendu répondre qu’il fallait faire quelque chose pour eux, mais ce n’est pas qu’une question de manque de motivation, c’est aussi une question de manque d’idée. Que faire, concrètement ? Il y a beaucoup de
discussions à ce sujet, mais rien n’est décidé. Les principaux partis politiques n’ont rien à proposer et n’inscrivent pas ce problème dans leur programme, à part des campagnes de prévention contre le suicide depuis 2008. Personnellement, la question que je me pose quand je les entends dire ça n’est pas « oui, peuvent-ils vraiment faire quelque chose ? » mais « veulent-ils vraiment faire quelque chose ? ». En effet, ce n’est pas qu’une question d’argent, mais l’argent fait partie de la question. Et il semble que les gouvernements successifs aient établi leurs priorités pour leur budget. Dépenses militaires, soutien à l’économie et à certaines industries ont l’air de primer sur la situation des vieux. Qui plus est, créer des emplois coûte cher, et depuis la crise de 1997, la Corée du Sud connaît un chômage croissant (bien que toujours inférieur à celui de la France). Comment légitimer la création d’emplois pour les personnes âgées ? Cela signifie que toute la population devrait payer plus pour aider ses vieux. Le statu quo semble être de leur donner les emplois de nettoyage public par exemple. Cette question, à l’autre extrémité du monde, a une résonance étrangement française à mes oreilles...
« En Turquie, on continue de travailler même quand on touche une retraite » Oḡuz, 21 ans. Étudiant pour l’année à l’IEP de Rennes.
« Mon père qui est ouvrier dans une fabrique de textile touchera sa retraite en décembre. Mais il ne s’arrêtera pas de travailler. En Turquie, c’est impossible de ne vivre qu’avec le montant d’une retraite, surtout pour un ouvrier. Les gens continuent donc de travailler après 60 ans, qui est l’âge légal de départ à la retraite. Ils ne s’arrêtent que s’ils tombent malades ou si leurs enfants peuvent les aider financièrement. Les fonctionnaires, les personnes diplômées et les militaires bénéficient de meilleurs régimes, qui leur permettent d’arrêter leur activité après 60 ans.
pour toucher une retraite. Mais dans beaucoup de cas, les patrons ne déclarent pas leurs salariés pour ne pas payer de charges. Du coup, leurs salariés ne cotisent pas à la sécurité sociale et ne touchent pas de retraite. En général, les patrons négocient ce statut en leur proposant un salaire plus élevé que s’ils étaient déclarés. En France, j’ai peu suivi les débats sur la réforme des retraites. Mais je trouve déjà bien que vous puissiez manifester librement. En Turquie, on doit demander une autorisation pour manifester dans certains endroits. Et en général, elle est refusée si le lieu choisi est particulièrement symbolique. Et en cas de manifestation nonautorisée, les policiers n’hésitent pas à taper sur les manifestants. »
En plus, tous les salariés n’ont pas droit à la retraite. En effet, le régime des retraites turc fonctionne normalement sur un système de cotisation pour la sécurité sociale. Tu Propos recueillis à dois avoir travaillé Rennes par l’équivalent de 5 000 MANON RESCAN jours, soit 25 années,
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ENQUÊTE :
CE QU’EN PENSENT LES JEUNES CORÉENS On parle des vieux et de leurs retraites, mais les jeunes dans tout ça, qu’en pensent-ils ? Pour être crédible j’ai essayé d’interviewer un maximum d’étudiants dans la limite de mon temps disponible, mais cela reste évidemment largement insuffisant. Je vais juste retranscrire les opinions les plus intéressantes que j’ai pu entendre. Un premier groupe considère ce changement ni bon, ni mauvais, mais inévitable. La Corée du Sud étant désormais un acteur à part entière de la mondialisation, tous les Coréens doivent être compétitifs. Ce qui les coupe de l’état d’esprit dans lequel les vieux coréens ont travaillé. Ces jeunes ne se sentent pas prêts à prendre en charge leurs parents comme la tradition le voudrait, c’est pourquoi ils pensent que c’est au gouvernement de le faire. Comme les parents se sont sacrifiés pour les élever, et comme ils ont tout donné à cette jeune génération, ils trouvent la situation injuste parce qu’ils ont tout reçu mais ne vont rien pouvoir rendre. Bien que la croissance économique se porte bien, merci, ils ont moins d’argent et doivent passer leur vie au travail, ce qui n’a pas été le cas des générations précédentes, qui se sont contentées de produire pour vivre. Les inégalités de richesse ont aussi crû, et les vieux sont particulièrement touchés parce qu’ils ont tout donné et ne se sentent pas devoir être responsable d’eux-mêmes durant leur retraite, comptant sur leurs enfants. Un deuxième groupe n’a pas d’empathie pour les vieux, et pense que s’ils ne veulent pas travailler ils n’ont pas à travailler. Selon eux, ils mériteraient une compensation s’ils s’étaient sacrifiés pour la société, or ils ont simplement travaillé pour gagner leur vie, tout comme les jeunes travailleront simplement pour gagner leur vie. Ils veulent épargner durant leur
vie et continuer à travailler une fois retraités pour ne pas être un fardeau pour les plus jeunes. Et si les vieux sont en quelque sorte touchés par un chômage parce qu’ils n’ont pas de pension ni de travail, ou s’ils récoltent les boulots les moins ragoûtants, ils n’ont juste pas de bol. Ils sont les victimes d’un changement de société très rapide et le coupable est la mondialisation ou la croissance, mais une meilleure sécurité sociale semble impossible. Aucune justice ne peut leur être faite. Ils ne méritent pas ça, mais la société n’a rien à y faire (ceux de ce groupe affirment souvent qu’ils sont prêts à prendre en charge leurs parents quand ils seront plus âgés). Un troisième groupe rassemblerait ceux qui donnent une grande valeur au travail car cela prouve l’utilité sociale des gens, et la retraite implique un sentiment d’inutilité. Pour eux, quand les vieux étaient jeunes, ils ont travaillé dur pour développer le pays, et leur situation actuelle est intolérable. Ils en appellent au gouvernement pour trouver une solution, pour les prendre en charge à tout prix. Les gens veulent être retraités s’ils sont sûrs de vivre dans un bon environnement, mais personne ne veut être retraité s’il a peu d’argent et se sent inutile. Leur donner de meilleures pensions est une bonne solution parce qu’ils sont prêts à travailler plus longtemps, le temps que leurs enfants font des études et sont dans le besoin. Pour eux, la famille est toujours une institution importante, et aider les vieux relève de la morale. S’il faut choisir entre donner son énergie et son argent aux parents ou aux enfants, ils répondent aux parents.
Cependant, entre parents et travail, la priorité est donnée au second... Ce n’est qu’un aperçu des nombreux points de vue qui existent sur la question et qui la rendent très complexe. Je pense qu’il vaut mieux ne pas être nostalgique du temps où les personnes âgées avaient ce rôle de conseiller auprès des jeunes, mais si une transition doit être faite, qu’elle soit faite dans le respect de chacun, vieux et jeunes. Or j’ai plutôt l’impression qu’ils pren-
nent toujours position en faveur d’un groupe ou d’un autre – les futures générations, les jeunes actuels, ou les retraités... Derrière la question des retraites semble se dessiner quelque chose de plus lourd, à savoir comment une génération passe la main à une autre dans une société, comment construire le lien qui les unit dans le temps, et cela se pose aussi bien en France qu’en Corée du Sud. En somme, on ne peut rabaisser les vieux à un problème d’argent, car comme le chantait Brel, « même riches, ils sont pauvres ». Cela promet de beaux jours...
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Bawab : une retraite ordinaire en Egypte ! Métro, boulot, dodo… repos (bien mérité après une vie de dur labeur). El Hag Ali n’aura pas cette chance. Ce gardien de bâtiment de 83 ans continue de travailler pour subvenir aux besoins de sa famille. Ophélie nous emmène à sa rencontre au Caire. Assis sur sa chaise, le regard porté sur la porte de l’immeuble, El Hag Ali surveille scrupuleusement les entrées et sorties du bâtiment. Il porte le titre El Hag, ce qui signifie un croyant qui a fait le pèlerinage à la Mecque, c’est-à-dire un ancien. C’est une marque de respect pour ce vieil homme de 83 ans qui doit continuer de travailler pour faire vivre sa famille. Originaire de la Haute Egypte, précisément de la région de Sohäg, il s’est installé au Caire il y a vingt ans afin de mieux gagner sa vie. Gardien de bâtiment, Ali a fait ça toute sa vie. Malgré l’apprentissage paternel des techniques de la charpente, rapidement cette activité n’était pas assez rentable pour nourrir une famille. Il est donc parti travailler pour une compagnie étatique. Ce qui lui vaudra de toucher une «retraite » du gouvernement. Quand il a quitté la compagnie, l’Etat égyptien lui versait 30 livres égyptiennes par mois, soit 3,8 €. Vingt ans plus tard, il touche 300 livres par mois, l’équivalent de 38 €.
El Hag Ali est analphabète. Jeune il n’a pas eu l’opportunité d’aller à l’école. Toutefois il a participé à l’enseignement coranique. La religion permet d’ailleurs aujourd’hui de faire face au difficultés de la vie quotidienne. Il n’y a pas de repos, la vie est un combat permanent. Dans sa galabeyya grise, la barbe grisonnante, mal rasée, Ali veille de tôt le matin vers sept heures jusqu’à tard le soir (vers une heure). Alors parfois il s’endort sur sa chaise en pleine journée. Est-il heureux ? Il dit qu’il est satisfait, il permet à sa famille de vivre, entouré de sa femme, ses enfants et ses petits-enfants. Mais aujourd’hui, il ne peut plus marcher donc il attend, en surveillant l’immeuble. Tel est le destin de nombreux hommes âgés au Caire, un moindre mal selon El Hag Ali.
Une rencontre signée OPHÉLIE MERCIER Grâce à l’interprétation d’Osama Abdallah
En Zambie, l’employé de l’ambassade ne connaîtra pas la retraite Il a l’âge que la moyenne des habitants de son pays n’atteint pas. A 38 ans, Innoncent, Zambien, ignore de quoi ses vieux jours seront faits. Caroline Géri qui le côtoie tous les jours nous fait son portrait.
Avant de parler d’Innocent, un préalable s’impose. Situons la Zambie sur une carte : à la frontière de l’Afrique centrale et de l’Afrique australe, entre l’Angola et le Zimbabwe, la Namibie et la Tanzanie.
frais sont une véritable charge pour la famille (en moyenne 500 000 Kwacha par an dans une école du gouvernement, sans compter les frais d’examen). Ils vivent dans une maison d’environ 20 m², à l’entrée de notre terrain.
La Zambie est un pays pacifique, un des pays, sinon le seul de ce continent, à n’avoir jamais connu de coups d’Etat.
A 17 ans, il commence à travailler dans le bâtiment, puis se lance dans le « business » (faire des affaires en Zambie, c’est tout un art !). Il travaille depuis 12 ans l’ambassade de France.
C’est également un pays dont les habitants sont très pauvres (bien que le pays ne le soit pas compte tenu de ses ressources minières) et où l’espérance de vie tourne autour de 38 ans. Autant vous dire que la vision sur le long terme n’est pas ce qui les caractérise le plus au quotidien. A la fois pour relativiser notre vie quotidienne et faire le point sur la façon dont la diplomatie française en Zambie traite les contrats locaux à l’étranger, je vous présente Innocent. 17H Leopardshill Road, Kabulonga. Les stagiaires de l’ambassade, les années passant, se sont succédé dans la même villa, dans un des quartiers les plus chics et les plus sûrs de Lusaka : Kabulonga. C’est en effet dans cette partie de la ville que l’ambassade de France possède un certain nombre de très belles maisons. La « villa des stagiaires » voit donc défiler ses occupants les uns après les autres. Un seul habitant du 17H Leopardshill Road répond toujours présent depuis maintenant 8 ans : Innocent. Pour être plus précis, Innocent et sa famille, qui s’est agrandie au fil des années : il vit avec sa femme Catherine et ses 5 enfants, Violette (11 ans), Elias (9 ans), Faustine (7 ans), Veronica (2 ans), et Faith (7 mois). Les trois plus grands sont scolarisés, et les
La retraite, une récompense, pas la fin du travail Innocent est le gardien et le jardinier de ce terrain, ce qui signifie qu’il est là pour ouvrir le portail dans la journée, entretenir la pelouse et bricoler de temps en temps quand la plomberie décide de faire des siennes, du lundi au samedi, toute l’année sans vacances. Ainsi touche-t-il son salaire plus un treizième mois en fin d’année en compensation. Il est également convenu qu’en fin de contrat, pour palier l’absence d’assurance maladie et retraite, il lui soit versé des « terminal benefits » à raison de 2 mois de salaire par année travaillée. En Zambie, Innocent m’explique que l’on doit travailler 25 ans pour avoir droit à la retraite. Mais attention à ce que l’on met derrière le mot « retraite » ici : il s’agit d’une sorte de récompense par le gouvernement pour les années travaillées, une sorte de capital alloué à tous les Zambiens à partir du moment où ils peuvent justifier qu’ils ont été employés toutes ces années, mais en aucun cas une rente mensuelle permettant de vivre. lnnocent n’est donc obligé par l’Etat à travailler que jusqu’à 42 ans, mais c’est évident qu’il ne va pas s’arrêter là, aucun Zambien ne peut réellement se le permettre.
V U D’ I C I E T D’ A I L L E U R S ZAMBIE
… et pendant ce temps, au 74 Independence Avenue…
Qui a dit que les gens qui ne sont pas allés à l’école ne connaissent pas leurs droits ?
La France est en crise : on réduit les budgets, et on fait des coupes. Surtout dans les branches où ça laisse moins de traces. Vous aurez compris qu’Innocent s’est vu notifier que son salaire était revu à la baisse : de 500 000 Kwacha (environ 85euros) on passe à 300 000 Kwacha (environ 45euros) par mois, restrictions budgétaires obligent… A l’heure où les Français sont en grève pour défendre leur droit à la retraite, d’autres se demandent comment ils vont réussir à survivre, tout simplement. Il a été décidé qu’on lui laissait le choix entre la réduction de son salaire et s’en aller travailler ailleurs… L’histoire est longue, et les protagonistes nombreux, je vous épargne donc les détails. Toujours est-il que la situation d’Innocent et de sa famille est de plus en plus précaire, parce que 300 000 Kwacha ne couvrent évidemment pas tous leurs besoins… Il faut cependant rester conscient qu’Innocent fait partie de ces Zambiens qui ont la chance : lui ne paye pas de loyer, ni l’eau et l’électricité et il a quelqu’un contre qui se retourner en cas de problème : contrat de travail ou pas, il sait que les associations de défense des Droits de l’Homme sont toujours disposées à intervenir en faveur d’un Zambien contre son employeur étranger si la situation le requiert.
"I can't foresee. It is too far."
Néanmoins la situation des « employés de maison » est ambigüe. En effet, en Zambie, les gens comme Innocent n’existent pas aux yeux de la loi : « employé de maison » (qui occupent les fonctions de jardinier, de cuisinier ou de gardien) n’est pas un statut reconnu par le code du travail local. Résultat : pas de contrat, ce qui rend la justification du travail plus délicate. Si l’ambassade de France décidait de nier l’avoir employé, cela ferait un trou dans sa carrière, 12 années sans justification, ce qui alors le priverait des dernières années nécessaires pour toucher la somme versée par le gouvernement. Innocent me confie qu’il a peur parce qu’il n’est plus sûr du tout que l’ambassade remplisse sa part de l’engagement, étant donné qu’il lui a toujours été refusé des preuves écrites de son travail. Du haut de sa dignité d’homme, il veut demander un rendez-vous à l’ambassadeur.
J’ai abordé l’actualité française avec lui et il m’a répondu très sincèrement qu’il était étonné qu’on puisse faire le même métier jusqu’à 60 ans. En Zambie, on ne se pose pas la question de la pénibilité du travail : les jeunes cassent des cailloux, construisent des maisons ou fabriquent des parpaings, ou travaillent dans les champs, entre autres ; les plus vieux se reconvertissent dans ce qu’ils peuvent, ce qu’ils trouvent, en fonction de la force qu’il leur reste. Quand je lui demande où il se voit à 60 ans, il hausse les épaules et me fait comprendre que c’est trop loin pour qu’il puisse dire s’il sera même encore là. En précisant que si c’est le cas, il a l’intention de « faire du business » parce que « c’est moins fatiguant »… Voici donc le portrait d’Innocent, notre gardien. Mais venez donc rencontrer Georges, Berry, Kendrick, Charles, Albert, John, ou encore Euphrasie, contrats locaux à l’Ambassade de France en Zambie et au Malawi…
CAROLINE GÉRI
V U D’ I C I E T D’ A I L L E U R S RUSSIE
Les jours précaires Babouschka ce qu’on fait après 60 en Russie LÉA BOSQUAIN
A l’instar de la plupart des pays européens, la Russie est confrontée au défi économique et social que constitue la réforme du système des retraites. En effet, bien que V. Poutine ait entamé une réforme en 2002, la situation des personnes âgées reste encore à ce jour très précaire.
Baisse de la population = moins de cotisations
Sous le régime soviétique, le système des retraites était fondé sur un simple principe de répartition et chaque citoyen se voyait verser 75% de leur ancien salaire mensuellement. Cependant aujourd’hui le système a périclité pour deux raisons majeures, l’une découlant de la seconde. En effet, après l’effondrement de l’URSS, la Russie a été plongée dans une période de chaos économique et social : vague de privatisation, forte corruption, augmentation de l’inflation ... Les «années Elstine» sont particulièrement éprouvantes pour les Russes, qui peu a peu perdent toute confiance en l’avenir. Dès lors le pays connaît un net déclin de sa population, prise en tenaille entre une natalité qui ne cesse de chuter et un taux de mortalité qui s’accroît, la «croix russe» selon Anatoli Vichnevski. D’après l’ONU, la population accuse une diminution drastique d’environ 800 000 personnes par an, contre 200 000 en 1992, et tombera en 2050 à 101 millions d’habitants (contre 143,4 millions aujourd’hui). Par conséquent, si dans les années 70, six personnes travaillaient pour un retraité, aujourd’hui ce n’est plus qu’1,6 individu. Il est donc de plus en plus difficile pour le gouvernement de financer les retraites, et le déficit de la Caisse des Fonds de Pensions s’élève à 39 milliards de dollars.
Une réforme qui cache bien son jeu
En 2002, Poutine décide de moderniser le système des retraites des deux piliers (pensions versées par l’Etat et cumulation) sans toucher à l’âge de la retraite, actuellement de 55 ans pour les femmes et de 60 ans pour les hommes, car «ce serait peu judicieux tant la longévité
moyenne n’aura pas augmenté. L’espérance moyenne de vie en Russie est malheureuse-
ment inférieure au niveau des pays développés» ( Boris Gryzlov, président de la Douma),
soit 72 ans pour les femmes et 59 ans pour les hommes. Il privatise des fonds de pensions et augmente les pensions vieillesses de plus de 50%. Celles-ci atteignent en moyenne 8000 roubles par mois (soit 180 €) aujourd’hui. Seulement, si cette initiative est louable, elle est annihilée par l’augmentation du coût de la vie et la suppression des avantages sociaux réservés aux séniors, tel que la gratuité des transports en commun. Ainsi, Il est encore très fréquent de rencontrer des personnes âgées dans les rues, aux abords du métro.
«J’étais ingénieure dans l’industrie de la Défense, je reçois une pension 130e par mois, mais elle ne me permet pas de joindre les deux bouts. Alors chaque jour, je suis obligée de faire le voyage jusqu’à la capitale pour vendre des vêtements que je confectionne, et parfois les légumes de mon potager» Lidia K. , 71 ans « En fait le montant des pensions dépend de ce que vous avez fait toute votre vie. Si votre salaire était faible, les fonds de pension seront également faibles. Si votre salaire était élevé, la pension sera encore faible...mais elle vous permettra de survivre. En général, les pensions d’Etat sont très faibles et ne suffisent pas.» Sergieï, 57 ans
s de
Par conséquent, il est courant que les grands-mères continuent de travailler. Elles font des petits jobs parfois assez étonnants, comme «aide» de photomaton, surveillante d’escalators, surveillante des entrées dans le métro, contrôleuse de laissez-passer etc. Ainsi, on retrouve souvent dans leurs discours une pointe de nostalgie en évoquant l’URSS «Avant on pouvait
se payer quatre téléviseurs avec notre retraite, aujourd’hui on ne peut plus qu’acheter quatre allumettes» (Lidia K).
Ils ont le sentiment d’être les laissés pour compte de la société, et que notre génération n’honore pas la dette envers ceux « qui ont donné toute leur vie au pays,
qui ont travaillé pour lui et, si nécessaire l’ont défendu avec fierté et courage» (V. Poutine).
Aux antipodes des autres générations
Sentiment d’autant plus compréhensible qu’à Moscou l’étalage de la richesse est frappant, dans les grandes artères BMW et Bentley klaxonnent, les restaurants chics et les clubs exclusifs pullulent, à la fac, chacun est très heureux d’arborer son nouveau sac Chanel. Un large fossé s’est creusé entre ces deux populations. Quant à l’avenir, les étudiants que j’ai rencontré savent qu’il vont devoir se débrouiller seul.
«Je ne crains pas l’avenir, tout comme je n’en ai pas confiance. Je sais seulement qu’on ne peut compter que sur soi. Il existe des fonds privés, on dépose une certaine somme
qui augmente à mesure du temps grâce aux intérêts. Je ferai sûrement ça dans quelques années. Aujourd’hui les personnes âgées comptent essentiellement sur leurs enfants ou sur leurs économies de toute une vie pour survivre» une étudiante en marketing, 23ans. « L’augmentation des pensions par Poutine est une bonne chose, mais le problème de financement des retraites n’a pas été réglé. Le système actuel ne tiendra pas un second choc économique». Un étudiant en économie, 20ans. La question du système des retraites reste brûlante, la réforme de 2002 comporte de nombreuses zones d’ombres et laisse en suspens la question majeure du financement des retraites. Face au manque d’initiative de l’Etat, le système par capitalisation gagne du terrain, soulevant alors une autre question, ce mouvement ne risque-il pas de creuser davantage les inégalités et de fragiliser la Russie devant l’hypothèse d’une seconde secousse économique ?
V U D’ I C I E T D’ A I L L E U R S ESPAGNE
Huelga general* en Barcelona
un jour de grève espagnol par Karen Latour
Pendant qu’en France on manifeste pour savoir si l’on doit, peut, accepte ou trouve inacceptable de travailler jusqu’à 62 ans, en Espagne c’est le chiffre 67 qui a provoqué un mouvement général de protestation, chiffre avancé dans le projet de réforme du Code du Travail. Plan d’austérité Première prise
Quand le 9 septembre le gouvernement annonce son projet de réforme de la “Ley global del trabajo” (Code du Travail) - réforme dont l´objectif officiel est la réduction du déficit - c’est pour ainsi dire la goutte d’eau qui fait déborder le vase et il n’en faut pas plus pour provoquer une mobilisation à grande échelle. C’est ainsi que le 29 septembre 2010, l´Espagne a connu sa première grève générale depuis que José Luis Zapatero est au pouvoir (oui vous avez bien lu, la première en huit ans). Car depuis 2002, la crise est passée par là accompagnée du fatal trio chômage, incertitude et précarité.
La crise en arrière plan
Si c’est le projet de réforme qui a mobilisé les Espagnols, la grève est également l´occasion de manifester son mécontentement face à une situation économique et sociale qui ne cesse d’empirer (l’Espagne a tout de même atteint un taux de chômage avoisinant les 20% c´est-à-dire le double de la moyenne des pays européens) et un gouvernement jugé incompétent pour enrayer la crise. “Heureusement que j‘ai trouvé du travail en sortant de l’université” me répète souvent ma colocataire, traductrice de 26 ans. Beaucoup de jeunes, nouveaux entrants sur le marché du travail, pensent que partir à l´étranger deviendra la meilleure solution pour avoir un niveau de vie conve-
nable et un salaire qui correspond à leur valeur réelle. D’autant plus que dans cette pochette surprise appelée réforme on trouve aussi un assouplissement des règles de licenciement et un abaissement des pensions de retraites. Les dés sont jetés, il n´y a plus qu´à jouer.
Huelga General : Revendiquez, ça tourne !
Voilà sur le plan théorique. Maintenant, pour ce qui en est de la grève en elle-même, ce que l’on retient surtout à Barcelone c’est que les radicaux s’en sont emparés ce qui a créé des heurts violents entre les policiers et ces manifestants dits « anticapitalistes » d´extrême gauche. Les rues habituellement remplies de mobylettes prêtent à démarrer au feu rouge piéton étaient désertes. Comme dans un western (ou un dimanche de pluie à Rennes). On s’attendait presque à voir un Lucky Luke dégainant son pistolet dans ce décor de Far West. Sauf que dans les rues désertiques, les mottes de foin étaient remplacées par les poubelles brûlées ou éventrées et Lucky Luke par les touristes avides de sensations fortes, dégainant leurs appareils photos à chaque mouvement des « mossos d´esquadra » (équivalent de nos policiers). Pendant ce temps là, les « piquetes »* entraient dans les bureaux pour empêcher les non manifestants de travailler ou faisaient barrage dans les rues pour couper la circulation. Boutiques fermées voire barricadées, métro suspendu, trafic routier interrompu… la vie s’est arrêtée à Barcelone à partir de 17h ce jour là. Et à la place du ballet des voitures et bus touristiques en centre-ville, un cortège de pancartes plus explicites les unes que les autres. Il n´y avait donc rien de bien nouveau dans cette grève par rapport à celles que nous connaissons. Que ce soit au niveau de la situation initiale, des revendications (travailler plus, fallait y penser mais on s´en passera, merci) ou dans la manière de faire savoir son désarroi à un gouvernement qui a tendance à faire la sourde oreille. Par contre, la durée est sans comparaison. Raffineries de pétrole bloquées, manifestations étudiantes et lycéennes durant plusieurs jours, la France ne déroge pas à sa tradition
soixante-huitarde alors que la grève espagnole qui devait changer les choses n´aura duré qu´une journée. Et au niveau des conséquences ? La grève est aujourd´hui soumise à controverse, quant à son réel impact et à son utilité : la réforme devrait être maintenue… * huelga general : grève générale * piquete : groupe de personnes qui, pacifiquement ou violemment, tente d´imposer et/ou entretenir la grève. Ce sont un peu nos bloqueurs à nous.
Ipanema, Rio de Janeiro. Avec une eau à 24° minimum toute l’année, la pause du midi se transforme vite en baignade éclair avant de repartir au boulot.
DANS L’OEIL DE NOÉMIE ROBERT
Sanbodrum, avenue du défilé du carnaval, Rio de Janeiro. Pour 1€, chacun peut se pavaner tel une dan seuse de Samba, le temps d’une photo. L’argent est ensuite revers é à une association permettant aux jeunes des favelas de prendre des cours de Samba et d’en faire leu r métier.
MĂŠditations,
e, exposition de dans un labyrinth
o Paulo.
la Biennale de Sa
ariocas, roximatif des C p ap is fo ar p k o Le lo Rio de Janeiro. les habitants de
Quand les Brésiliens conceptualise nt la photo, en s’affalant sur le sol pour avoir un meilleur angle de prise de vue... ça donne un maillot de Kaka en plein milieu du passage
son lot de ent touristique a em ut ha u lie ut To clichés. aimant les photos
vacanciers
Copacab
e après-midi, ana, un dimanch
en sortant de la
messe ?
eux même les plus vi , io R e d ue q ni hawaïen. Jardin bota en mode T-shirt nt so as p u o - déambulateurs
ARTHUR SIONNEAU
ontrer son oi ne pas vous m qu ur po , ce fa de mpteur. it toujours ou le Christ rÊde , iro ne Ja Parce qu’on le vo de io R ? Corcodavo, dos pour une fois
À LA LOUPE CHILI
Mapuches : le complexe chilien Dans la famille Chili, on connaît les 33 mineurs, mais moins les 32 comuneros mapuche qui ont mis fin le 1er octobre à une grève de la faim de presque 3 mois. Ils étaient retenus en détention préventive par la police chilienne. Retour sur les pratiques d’un pays toujours en conflit avec ses peuples originels à travers trois aspects du problème.
Comuneros et traitement médiatique. Les 32 comuneros en question, autonomistes ou simplement en conflit avec des entreprises qui prennent de grandes libertés avec les contraintes d’installation ou d’exploitation, sont en détention préventive. Ils ont commencé une grève de la faim le 12 juillet pour demander l’abandon de la législation anti-terroriste actuelle et de la double juridiction (c’est-à-dire le jugement devant un tribunal pénal habituel puis un tribunal traitant spécifiquement du terrorisme, avec addition des peines). Ils furent rejoints début septembre par deux détenus d’un centre pour mineurs, et quatre députés membres de la Commission des Droits de l’Homme. Début septembre, début de l’exposition médiatique aussi. On peut imputer ça au grand tintamarre dû au « miracle » des 33 mineurs retrouvés vivants en août, à 600 mètres sous terre. Mais la presse comme le gouvernement chilien n’ont jamais réagi très rapidement aux mouvements sociaux mapuches. C’était déjà le cas durant la présidence de Michelle Bachelet, à propos de l’installation d’une centrale hydroélectrique sur le territoire d’une communauté mapuche. Le sociologue Felipe Portales voit dans le silence médiatique une collusion entre les deux principaux groupes de presse du Chili et les entreprises ayant dans la région d’Araucanie des intérêts qui seraient menacés par une acceptation des revendications des communautés mapuches. Il est vrai que si les conditions d’une liberté de la presse sont présentes au Chili -encore faut-il ne pas avoir affaire comme souvent à des policiers zélés, comme le journaliste Marcelo Garay Vergaro, arrêté dernièrement- ; les journaux indépendants dépassent rarement les 20 000 exemplaires. Le journaliste Fran-
co Ferreira réfute lui toute « censure préméditée », le conflit mapuche n’étant pour lui pas traité car « pas vraiment glamour », comparant avec la médiatisation importante du mouvement contre l’implantation d’une centrale thermoélectrique sur le site protégé de Punta de Chorros ; les pingouins étant assurément plus mignons que les terroristes mapuches, qui font peur aux enfants. Le cas des prisonniers semble toutefois s’être « glamourisé » avec les premiers risques pour leur santé, ainsi que pour le déroulement heureux des Fêtes de la Patrie, amenant peu à peu le gouvernement à la négociation. Surement la dernière solution envisagée, après l’échec de la tentative d’alimentation des grévistes par la force. Sebastian Piñera ayant le 18 septembre, jour du Bicentenaire, cette phrase mémorable dans un entretien donné au journal El Austral « Ils ne faut pas confondre nos peuples originels, les Mapuches, qui participent à ces célébrations, avec les 34 comuneros qui ont choisi la mauvaise voie ». Bien sûr, et si tant est que « Les Mapuches » ait un sens en tant que somme de revendications et de demandes, les grévistes n’en sont pas le reflet. Mais cette phrase témoigne d’une conception spéciale, faisant en gros la part entre les Bons, et les Méchants ; qui viennent nous faire chier pendant les fêtes de la Patrie, n’ont pas de dents, et émettent de vagues borborygmes pour communiquer. Comment voulez-vous négocier avec ça ? Normal dans cette situation qu’il faille parler tout d’abord de non-dialogue, le gouvernement refusant les palabres directes, et préférant des intercesseurs tels que les différentes Églises chrétiennes ou des membres d’associations mapuches modérées, comme lors de la table de négociation, le 24 septembre, ne débouchant que sur la promesse d’une nouvelle rencontre. De leur côté, les prisonniers, emmenés par Héctor Llaitul -pas du genre Bon, car ancien secrétaire d’une association politique pratiquant la récupération de terres sur les exploitations forestières-, refusaient de cesser leur action tant que la loi antiterroriste n’aurait pas été abro-
gée. Ce n’est que le 1er octobre, après 82 jours, que la grève de la faim se termine pour la majorité des comuneros, le gouvernement chilien ayant promis de mettre fin en une sorte de moratoire, à toutes les inculpations en cours relevant de la loi antiterroriste ; l’archevêque de Concepción faisant figure de médiateur. Cette décision ne met pas fin aux conflits entre communautés mapuches, entreprises et État. Elle ne rend pas les flics amateurs de collections d’ongles plus sympas, ni ne pousse les militants mapuches les plus bêtes à arrêter de tirer sur des camions. Elle ne rend pas de terres aux communautés indiennes traditionnelles, n’apporte pas de fonds aux villages côtiers détruits, qui ont surement eu il y a longtemps la mauvaise idée d’organiser une manifestation ou de protester contre les fermes à saumon. Autant de raisons pour une dizaine de comuneros de ne pas cesser la grève. Mais elle pose peut-être les bases d’une législation plus réfléchie, faisant la différence entre les actes de terrorisme -très rares- et les dégradations simples ; pour enfin mettre en place un dialogue plus apaisé ; donnant qui sait, un jour, autant de moyens aux Lofs pour se défendre contre les implantations industrielles sauvages, qu’en ont actuellement les pingouins de Humbolt.
Qui sont les Mapuches ? Lorsque les espagnols, après avoir expédié rapidement l’Empire Inca, lancent en 1540 la conquête de ce qui deviendra le Chili, ils trouvent sur leur chemin une population d’environ un million de personnes, développant un début d’agriculture et d’aristocratie, avec une certaine tradition militaire. L’arrivée des Conquistadors, principalement parce qu’ils apportent avec eux variole, peste et syphilis, va marquer une forte diminution de population, divisée par cinq environ, et tout ça sans avoir besoin de refiler des couvertures infectées. Mais après de longues années de résistance autochtone, les Espagnols finissent par ne plus tenter d’incursions vers le Sud. Avec l’émancipation du Chili du pouvoir central espagnol, en 1818, tout change. Le gouvernement chilien, désormais mieux armé, doit s’imposer sur les Terres du sud. Principalement parce qu’il leur faut un débouché sur l’Océan Atlantique, mais aussi parce que les Argentins, ces gros ritals huileux qui viennent de descendre du bateau, pourraient occuper ces territoires. ... à suivre
À LA LOUPE CHILI
... la suite Les seconds se lanceront pleinement dans la course en 1879 avec la « Conquête du Désert », quand au Chili et dès 1861, on préfère parler de Pacification de l’Araucanie. Le mouvement prend approximativement fin en 1881, lorsque des accords sont signés avec les insurgés mapuches. Techniquement, La pacification araucane, c’est une guerre coloniale : on massacre un peu, mais on installe des dispensaires, on pave les routes, on amène le télégraphe. On en fait profiter les indigènes les moins réfractaires, mais surtout des milliers de colons allemands, français, suisses, italiens . La population mapuche est réduite d’un peu plus de moitié, et ceux qui sont trop lents à l’adaptation, et surtout traités assez violemment par les colons, sont concentrés dans des réserves totalisant 5 200 km², soit la surface de la Lozère, mais en moins hospitalier, avec pour mission de fabriquer de jolis objets en bois sans causer de troubles, en mangeant autant de pignons de pin qu’ils veulent. Sous la dictature, la situation des Mapuches n’est pas plus enviable que celle des autres opposants politiques potentiels, ce grâce aux techniques novatrices d’interrogatoire rapportées de France. Mais au début de la transition démocratique, des efforts sont faits, comme avec le vote de la Loi Indigène en 1993, lorsque l’on s’est rendu compte que toutes ces cultures chatoyantes et langues imprononçables en voie de disparition, eh bien, ça rameutait du touriste. Cependant, de nombreux Mapuches vivant en communautés agricoles de type traditionnel (Lof) prennent le chemin du militantisme au cours des années 1990 face au poids local des compagnies forestières. Certains se radicalisent, avec quelques actes de réel terrorisme, qui doivent au mieux flirter avec l’ARB en termes de violence.
Un système particulier
Selon l’historien Gabriel Salazar, aux indigènes rejetant le pouvo plus enviable avant l’émancipa Premièrement parce qu’avant révoltes -du moins dans le sud étaient souvent couronnées de aussi du fait de la mise en place d de pratiques juridiques spécifiq même si les indigènes attirent le et son porte monnaie, ils ne fau remettent en cause la santé éco région, c’est-à-dire la possibilité tation pour les entreprises fores sent un peu plus financièrement de poncho.
La loi antiterroriste, entérinée en ment peu utilisée jusqu’aux gou Concertation (coalition de centr dictature) de Ricardo Lagos et Mic donne un champ étendu et assez pouvant donner lieu à des inculpa risme. L’application est de plus séle
juridique
r, le sort réservé oir central était ation chilienne. cette date, les d du territoiree succès, mais d’un appareil et ques, parce que e bobo européen udrait pas qu’ils onomique de la é de libre exploistières, qui pèt que l’acheteur
juin 2007 des salariés d’entreprises sous-traitantes de la Codelco (secteur minier) se mettent en grève pour demander de meilleurs salaires, mettant le feu en une journée à 11 bus dans le secteur de la mine de El Teniente près de Santiago, façon SUD-Rail en plus «con agité» ; cela ne débouche aucunement sur des procès pour « actes de terrorisme » mais bien évidemment à un procès pénal habituel.
1984, et finaleuvernements de re-gauche postchelle Bachelet ; vague, des faits ations pour terroective : lorsqu’en
Aspect secondaire du problème, la justice militaire, qui permet aux fonctionnaires de police (carabineros) ou soldats d’être soustraits à la juridiction commune, principalement lorsque sont reprochées des atteintes aux droits de l’Homme ou des violences inutiles ; atténuant de beaucoup les sanctions encourues.
Mais les Araucans jusqu’à récemment grévistes de la faim allaient avoir le droit à un double jugement : un premier pénal, et un second pour faits de terrorisme, plus précisément « attentat contre un véhicule de transports publics » et « menace terroriste ». Au départ, le caillassage d’un bus lors d’une manifestation. Ajoutons que la fameuse loi permet une mise en détention sans conditions de durée, c’est pas drôle sinon.
On arrive en somme à une situation assez hypocrite, où le Chili ayant donné à de nombreuses reprises des signes positifs, prenant acte des rapports de l’ONU mettant en évidence des cas de torture, de violences de la part de fonctionnaires ; ratifiant dernièrement la Convention 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes -dont l’application sera peut-être effective après une phase de débat prévue pour novembre 2010- ; mais ne faisant quasiment rien jusqu’à présent pour remettre en cause l’application faite de la loi antiterroriste, ou le comportement de certains carabineros. Un Chili ou les fonds destinés à la reconstruction après le tremblement de terre et le tsunami ne sont pas arrivés jusqu’aux communautés indiennes côtières. Un Chili, où de l’avis d’une fonctionnaire de la fac -sortons des références pipo habituelles- la vraie violence ou délinquance n’est pas sanctionnée, car ce qui est d’abord craint, c’est la pensée critique. Elle a peut-être raison, début octobre, des nonnes et des curés, faisant certainement preuve d’un comportement ultra-violent lors de leur procession vespérale en faveur des prisonniers politiques mapuches on eut le droit à quelques heures de détention.
SUR LA ROUTE
Embarqué dans le Transsibérien « Ca doit être une sacrée expérience… », « C’est un de mes rêves ! », « Ca existe vraiment ?! »… Sauf pour les rares hères n’ayant jamais entendu parler du Transsibérien, la réaction est rarement neutre quand on vient à en parler. Et c’est généralement pour souligner que ce type de voyage s’apparente à une folie désuette, à une sorte de légende avec un petit parfum rétro… comme on l’imagine souvent à propos des longs voyages en train. L’idée de s’attaquer au mythe est donc finalement apparu comme une évidence puisqu’un aller simple pour Beijing était tout ce qu’il me fallait. Mi-août, me voilà donc prêt à prendre la ligne mythique en compagnie d’une amie, après avoir profité une journée de la capitale russe…
Où l’on trouve la vraie Russie… Le premier tronçon de notre voyage nous amène en 3 jours et demi de Moscou à Irkoutsk. Le voyage en train – puisqu’il s’agit de cela – est assurément une expérience déroutante. En bons routards, nous avions décidé de nous mêler à la populace en prenant des billets platskart, soit la 3è classe (oui oui, ça existe). Et nous n’avons pas été déçus. Un wagon de 3è classe comporte 9 compartiments ouverts de 6 couchettes chacun. Par compartiments ouverts, j’entends que le couloir – sans porte, bien sûr – passe au milieu du compartiment. Nous nous sommes donc retrouvés à 2 français immergés dans la vie de 52 russes rentrant de vacances. Bien sûr, le russe lambda ne connaît pas un mot d’anglais, et mis à part un homme à la toute fin du voyage, notre communication a été exclusivement constituée de mimes et de dessins.
Ce qui n’a pas e avenants, bien s bon terme pour en voyage. Renf quand même qu avec qui vous vi sinon de l’apath
Au dia
Mais soyons hon jours dans un wa 40 minutes dépa
empêché de sympathiser avec les russes les plus sûr… bien que « avenant » ne soit absolument le désigner le caractère de la majorité des russes fermé, muet, bougon, je veux bien. Je considère ue décrocher à peine 2 phrases aux personnes ivez dans 6 m carré pendant quasi 4 jours tient, hie la plus détestable, de l’exploit.
able le confort !
nnêtes : ce bout de voyage a été formidable. 3,5 agon de train avec 2 arrêts par jour de maximum aysent au plus haut point. Par exemple : le sa-
movar (réservoir d’eau bouillante potable présent dans chaque wagon) tient lieu de cuisine ; le régime alimentaire typique est donc à base de soupe déshydratée, thé, et biscuits secs ou « snacks » chauds vendus sur certains quais - tel le délicieux pirojki, beignet salé à la pomme de terre. Pour se laver, ça se fait dans les toilettes, soit un cabinet à chaque bout du wagon avec lavabo et cuvette. Eau froide et non-potable, peu de place, propreté parfois douteuse, verrouillage pendant plus d’une heure à plusieurs reprises (30 minutes avant et après certains arrêts), attente très fréquente… oui, il faut s’accrocher ! Un décalage horaire… déroutant On pourrait penser que le manque de place devient vite dur à supporter. Il est vrai que la deuxième moitié du voyage m’a fait me sentir un peu à l’étroit, mais l’impression est en grande partie
SU UR R L LA A R RO OU UT TE E S
effacée par 1) le fait qu’on dorme et mange la plupart du temps, ça empêche de réfléchir, 2) les longues observations de la taïga (forêt essentiellement constituée de bouleaux) qui défile et 3) le décalage horaire. Je vous laisse apprécier le casse-tête : on traverse graduellement 5 fuseaux horaires, alors que le train vit toujours à l’heure de Moscou. Le rythme en prend un sacré coup. Le dernier jour, je me suis réveillé vers 3h20 du mat’ heure de Moscou (et du train), pour profiter d’un arrêt de plus de 30 minutes dans la ville de Krasnoïarsk. Il était 7h20 heure locale, soleil levé depuis plus d’une heure. Résultat, j’ai mangé mon repas du midi à 9h alors que la plupart du wagon dormait toujours - une matinée de 6h, ça creuse…
Entre lac et désert
Nous avons pausé 1 petite journée à Irkoutsk, ville sibérienne de 600 000 habitants, afin de la visiter et d’aller jeter un coup d’œil à l’immense Lac Baïkal, le plus
profond du monde. Impression de plénitude louable après ces presque 4 jours d’enfermement… prolongés cependant par un autre jour et demi de train jusqu’à Oulan-Bator, en koupe - 2è classe, beaucoup plus internationale. La capitale mongole est l’autre escale la plus prisée sur la route de Beijing ; peu de personnes résistent en effet à l’envie de découvrir ce pays méconnu. Nous n’avions que 3 jours pour goûter à la vie en Mongolie ; un jour dans la sympathique capitale et deux jours dans un parc national des environs auront réussi à me donner pour sûr envie d’y retourner… pourquoi pas à partir de Beijing, ma destination finale, qui prend encore 1,5 jours à rejoindre en traversant le désert de Gobi et les environs de la Grande Muraille ! Préparation du voyage : Le « Transsibérien » recouvre en fait 3 réalités : la ligne originale qui arrive à Vladivostok, le Transmongolien qui passe par Oulan-Bator, et la Transmandchourien qui fait un crochet par le nord de la Chine – ces deux derniers arrivant à Beijing. Il vous faut évidemment autant de visas que de
p j r d t v j e s s ( p t P P
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pays traversés. Une ligne directe dure dans les 7 jours sans grosse escale. Si vous voulez vous arrêter plus d’une heure dans un endroit, il vous faut donc prévoir votre itinéraire avec précision et acheter plusieurs billets de train différents en découpant votre voyage en tronçons. Les sites sur lesquels j’ai acheté mes billets sont : www.waytorussia.net et www.russiantrains.com. Bon à savoir : les billets sont en vente 45 jours à l’avance, ruez-vous dessus si vous voulez avoir vos dates. La 3è classe (que je conseille vivement, tant au niveau de l’expérience que du prix) n’est disponible que pour les trains russes longue distance, pas pour les autres. Par ailleurs, je conseille vivement l’achat du Lonely Planet Transsibérien.
Un jour à Moscou
Très clairement, la Place Rouge et tous les monuments qui l’entourent constituent un must de la
capitale russe et suffisent à remplir une journée. N’oubliez pas le soir, d’aller apprécier un ballet russe ; pour peu que vous n’alliez pas au Bolchoï mais restez dans le quartier des théâtres et opéras, les spectacles sont de qualité et très bon marché, comme au Russia National Theatre.
Irkoutsk et Lac Baïkal En vous promenant dans l’agréable Irkoutsk – si l’on évite les artères les plus commerçantes - ne loupez pas la plus époustouflante des églises de la ville, la Cathédrale Bogoyavlensky, cachée derrière d’immenses bâtiments administratifs près de la place Kirova, presque au bord de l’Angara. Finissez la journée par un repas au restaurant mongol Kotchevnik, parfait pour un petit-avant goût des steppes : coin tranquille mais terrasse animée, service impeccable, menu en anglais et plats exquis. L’escale à Irkoutsk n’est pourtant souvent qu’un prétexte pour pousser jusqu’à Lac Baïkal, à une heure de route environ. Le petit village de Listvianka – le plus proche – ne vaut pas la peine que l’on s’y attarde plus d’une demi-journée, à moins de vouloir partir pour une excursion de quelques heures sur les eaux du Baïkal. Le must, c’est de s’accorder plusieurs jours de repos sur l’Île d’Olkhon. A quelques heures au nord d’Irkoutsk, ce petit bout de terre est réputé pour ses paysages, ses randonnées et sa tranquillité…
Oulan-Bator Capitale de contrastes, la ville en elle-même vaut le coup pour ses musées-temples bouddhiques ; petits ou grands, ils sont mieux préservés que ce que je peux voir en Chine, et sont le théâtre des prières et offrandes quotidiennes de la part des Mongols. Le plus grand d’entre eux, le Gandantegchinlen Khiid, monastère toujours en activité, permet de voir un Bouddha géant (26 mètres). Si vous vous levez tôt, vous pourriez même assister à une cérémonie traditionnelle. La ville regorge de bars et restaurants pas trop cher, mais vous trouverez assez peu de nourriture mongole traditionnelle. Gardez ça pour les steppes, et profitez-en pour manger un snack au Millie’s Expresso, lieu de rendez-vous de tout ce qu’Oulan-Bator compte de gens importants (businessmen, parlementaires étrangers, etc), ou pour déguster un plat type « grand restaurant » au Veranda pour une bouchée de pain. L’hébergement en pension est très bon marché, mais ne réservez surtout pas de chambre à Konghor Guesthouse, la qualité des services est exécrable et les prix indiqués sur internet ne sont même pas à jour. Dans la même veine, si vous voulez prévoir une excursion avec guide (plutôt indispensable vu l’immensité du pays), ne le faites pas directement avec votre pension car la qualité peut être assez variable. Renseignez-vous impérativement auparavant pour vous rendre compte de la qualité du service, auprès d’autres clients. Si les échos sont négatifs, prenez votre excursion dans une autre pension ou dans une agence touristique.
THIBAUT ROZE
SUR LA ROUTE INDE
Trois façons de ne pas prendre le train en Inde Marie, Pauline et Louise l’ont compris : aux Indiens de nous faire préférer le train. Conseils pour se faire virer de son boogie (wagon) en trois leçons. Conseil n° 1 :
Oubliez votre billet Après une journée de visite à Bangalore, il faut rentrer sagement à l’hôtel pour être en forme afin de prendre le train (de nuit) le lendemain. Pour se rassurer, checkage des billets de train déjà réservés (2 semaines à l’avance), on est des filles organisées et prévoyantes... C’est alors que, moment de panique, le billet pour le lendemain est introuvable dans la pochette à billets (quand on vous dit qu’on est des filles organisées). L’aurait-on oublié à la maison? Impossible... Et pourtant, il faut se rendre à l’évidence, nous n’avons pas notre billet pour notre PREMIER voyage longue distance en Inde (on ne fait pas les choses à moitié).
So, what to do ? On arrive à joindre un ami indien qui nous certifie qu’on pourra prendre le train si on a le « PNR number ». Il suffit donc juste de se procurer ce fameux PNR number. Une idée lumineuse surgit du fin fond de la chambre d’hôtel de Bangalore : appelons notre proprio, qui est aussi notre voisine et qui a une clef pour qu’elle aille, en toute impunité et avec notre bénédiction, fouiller dans le tiroir du bureau pour trouver le billet manquant et nous fournir ainsi le PNR number. Mais, Ô malheur, il est déjà au moins 22h18, on risquerait de la réveiller, il vaut mieux attendre demain matin (de toutes façons on a toute notre journée pour régler le problème, pas de panique). A l’aube, le lendemain matin, il s’agit de se faire comprendre : « Hi, good morning, how are you? We would like to know our PNR number for our train which leaves this night. Yes we have forgotten the ticket à Kottayam. Yes, we are stupid. OK, we call you back in 30 minutes ». Toujours est-il qu’une heure plus tard, toutes les informations utiles inscrites sur le ticket sont entre nos mains. On vous passe la drôle de phase où en fait il s’est avéré qu’un des 3 pionniers de l’IEP ayant découvert Kottayam il y a 4 ans, se trouvait, alors, être chez nous, facilitant notre récupération d’infor-
mations [si vous comprenez pas pourquoi des gens sont chez nous alors qu’on y est pas, c’est plus ou moins normal. On y reviendra. Ce qui nous intéresse ici, vous l’avez compris, c’est le billet de train et si oui ou non, nos 3 exploratrices vont pouvoir continuer (ou du moins commencer) leur voyage. Le suspense est insoutenable. ]. Plutôt confiantes, nos 3 amies continuent leur visite en attendant de pouvoir prendre leur train du soir, sans billet mais avec le « PNR number ». L’heure fatidique approchant (22h), le stress se fait sentir. Arrivées à la gare, le train est à quai. On trouve nos couchettes et nous y installons. Enfin le train démarre, youpi on est dedans. Pour l’instant. Peu de temps après le contrôleur arrive. On tente de lui expliquer la situation dans notre anglais le plus indien possible (si on prend notre « british accent » naturel, on ne nous comprend pas). Il comprend très bien la situation : il comprend très bien qu’on n’a pas de billet MAIS
« look, we have our PNR number, amazing, isn’t it ? We can stay? ». Apparemment pas. Il nous explique gentiment mais fermement, que le fameux billet qu’on a oublié, si ça se trouve, un de nos complices est en train de l’annuler pour se faire rembourser et nous pendant ce temps là on prend quand même le train. On a beau pleurer, tempêter, expliquer qu’on n’est pas assez intelligentes pour planifier un truc comme ça (on a quand même réussi à oublier notre premier billet de train chez nous), il ne veut rien savoir, il faudra repayer si on veut rester dans le boogie. De peur de se faire jeter de nuit, dans la jungle indienne pleine de cobras à 8 têtes, de singes sans queue, de léopards verts et de tigres polaires, on repaye une deuxième fois notre billet. Le contrôleur nous assure qu’on pourra se faire rembourser l’autre billet quand on rentrera chez nous puisqu’il n’a pas été vérifié. Il se trouve qu’on s’en fera rembourser de 30% en tout et pour tout.
SUR LA ROUTE
Conseil n°2 :
Conseil n° 3 :
Pour notre deuxième train de nuit, que pouvionsnous faire pour que cela ne se passe pas comme prévu malgré notre organisation en béton ? Cette fois, notre billet est dans la pochette à billet, on a vérifié, on les a tous jusqu’à la fin de notre périple. Il ne peut plus rien nous arriver d’affreux maintenant... Et pourtant... Arrivées une heure en avance à la gare, il s’agit de se renseigner pour savoir où nous devons prendre le train. On se voit alors répondre par le contrôleur : « No train for Mumbay today ». Comment ça pas de train pour Bombay, c’est pourtant bien écrit sur le billet. « Yes your ticket is correct, but it’s for next month »... En effet le 28/09, c’est en septembre, pas en Aout. Bien, nous savons maintenant comment faire pour louper une deuxième fois son train, il suffit de se tromper de mois (et de ne pas vérifier, again).
On vous réserve le meilleur pour la fin.
Partez avec un mois d’avance
So, what to do ? (car on ne recule devant rien, vous l’aurez noté). Ce gentil contrôleur nous explique que de là où on se trouve, Bijapur en l’occurrence, on n’aura pas de train pour Bombay, il faut qu’on aille dans la ville suivante (en train) et de là on pourra en avoir un. Ok pas de problème, on fait comme ça, heureusement qu’on était en avance. C’est parti : annulation du billet du mois de septembre (tant pis on trouvera quelque chose d’autre à faire le 28/09), cette fois-ci on est presque remboursées en entier. Achat du billet pour aller à Jolapur d’où on pourra prendre un train pour Bombay. Ici petit problème (ça aurait été trop facile sinon), la classe la moins chère qu’on prend habituellement (oui parce qu’après avoir pris une fois le train de nuit on est déjà des habituées), c’est-à-dire la Sleeper Class, sans fenêtre et avec ventilo (un peu de culture quand même), est complète. Après avoir pesé le pour et le contre (ne pas aller à Bombay ou faire vivre la Railway of India avec nos dons devenus maintenant hebdomadaires), on se résigne donc à prendre la classe au- dessus, plus chère, avec des fenêtres et la clim. Une heure et quelques tergiversations plus tard, tout est en ordre. On va pouvoir se rendre à Bombay en prenant seulement 2 trains au lieu de 1, en payant plus cher mais en ayant des draps et une serviette de bain (dimension 15x15 cm) fournis. Ça ne se refuse pas. Tout roule donc comme sur des rails de la Railway of India.
N’ayez que faire de la liste d’attente Tout d’abord, point information : en Inde quand on réserve son ticket, on peut se retrouver en Waiting list, c’est-à-dire qu’on n’a pas de place dans le train à moins qu’il y ait des désistements. Vous l’avez compris : pour notre dernier billet de train Goa-Kottayam, nous avions décidé de jouer avec le feu et de prendre des tickets en WL (waiting list pour les intimes). Premièrement on s ‘était dit qu’à presque un mois d’intervalle, il y aurait bien 30 Indiens à se désister. Deuxièmement, c’était le seul train possible pour rentrer à l’heure afin d’aller en cours le lendemain. Il fallait donc absolument qu’on le prenne, au risque de louper des cours... Comme d’habitude, on arrive dans la gare plusieurs heures en avance (le train est à 23h). Avec notre fameux PNR, on check si notre « train ticket is conform ». Après quelques minutes de suspense insoutenable, l’ordinateur de la gare de Goa nous donne la réponse : nous sommes toujours en WL. Et nos fréquents aller-retour « Ladies waiting roomordinateur » n’y changeront rien.
So,what to do? De 20h à minuit (parce qu’en plus le train a du retard), on cherche à savoir comment faire pour ne pas dormir dans la gare cette nuit. Après plusieurs informations contradictoires, on en vient à la conclusion qu’il faut tenter notre chance : montons dans le train, il y aura peut-être des désistements de dernières minutes. Quand le train arrive en gare de Goa, malignes, on repère un wagon vide et on s’y installe précairement, au cas où on nous dirait de sauter du train en marche parce qu’on n’a pas de place. On s’aperçoit que nous ne sommes pas les seuls à faire cela, le boogie est plein de « waiting lister ». On nous dit qu’il faut attendre, avec de la chance, on aura de la place, Incha Allah. Le moment fatidique arrive : le contrôleur passe. On nous avait dit qu’avec une petite commission il pourrait nous trouver un siège. Malheureusement pour nous, notre contrôleur devait être surement trop intègre ou alors le train réellement complet, toujours est-il qu’il ne nous a pas trouvé de couchette miracle. Pour autant, grand seigneur, il ne nous chasse pas du train. Mais on comprend qu’on va devoir laisser la place aux arrivants qui ont réservé. Nous devons partir à la halte suivante. Nos sacs-à-dos sur
le dos, la tête haute, on s’en va parcourir les autres wagons à la recherche d’une couchette, d’un siège, d’un bout de couloir.
2H30 du matin, nous avons élu domicile sur une très jolie plateforme, tout à côté des commodités, et tout ça de notre plein gré...
(il s’avère aussi que nous sommes coincées).
Quelques minutes tout confort plus tard, nous comprenons qu’un de nos compagnons d’infortune va essayer d’aller tenter sa chance dans les boogies upper-class d’à côté. Pour cela il faut tout simplement descendre du train et courir vers les « compartiments 3 AC ». Un peu d’exercice ne peut pas nous faire de mal. 3H du matin, le train fait une mini halte dans une gare déserte. C’est alors qu’on saute du train, on court sur les quais en suivant notre camarade, on arrive aux autres compartiments, le contrôleur est à la porte, on lui montre nos billets : impossible de monter. Les pauvres c’est de l’autre côté, ici c’est la clim pour les riches. Devant nous, notre ami indien a sauté dans le boogie car il avait le billet adéquat. Pour nous, pas de boogie-boogie ce soir... On se met alors à courir dans l’autre sens pour rentrer dans notre ancien wagon. Il commence à pleu-
voir. Mais le pire arrive : le train redémarre alors que nous sommes toujours sur le quai, à courir. La panique commence à se faire sentir. Après toutes les épreuves qu’on a traversées ça serait dommage d’atterrir ici, au milieu de nulle part, sous la pluie, à proximité de la jungle indienne dont on vous a déjà décrit les sortes de créatures. Alors on se met à crier « stop, open the door please, putain, merde, bordel, faites quelque chose ». Rapidement on calcule la distance qu’il nous reste à parcourir : le wagon le plus proche est celui des riches, tant pis on revient sur nos pas, toujours en criant. Pauline pousse le contrôleur, saute dans le train en marche, Marie la suit. Et Louise reste sur le quai, alors qu’à l’orée de la jungle on aperçoit des yeux qui scintillent et au loin les loups qui hurlent. Le quota de perte de 20% que se réserve l’IEP est déjà consommé. L’aventure ne continuera plus que pour deux d’entre elles dorénavant. LES 3 D’INDE (PAULINE CALVEZ, MARIE HOUDIN ET LOUISE PAGEOTE)
SUR LA ROUTE
France-Allemagne
Quand on partait de bon matin... Un jour de grève Où partir en Allemagne un jour de grève des cheminots français n’est, peut-être, finalement pas la pire des calamités... question n’était qu’un simple wagon arrimé au quai de la gare parisienne, bien décidé à ne bouger qu’à 6h du matin, et tant pis si vous êtes encore dedans et qu’il est en direction de Toulouse. 2- de découvrir le luxe d’un wagon première classe, et même d’y passer Les employés de la SNCF sont, une nuit ; puis de se rendre compte comme chacun sait, toujours les pre- à quelle point la première classe, ce miers à commencer une grève, soit n’est pas ce qu’on croit; parce qu’ils vers 20h la veille d’une journée de ont beau construire des sièges de la mobilisation. Et bien ce soir-là, ils ont taille d’un sumo, quand il faut dormir eu la bonne idée de n’annuler que les dedans, ça reste malgré tout trop petrains en direction de l’Allemagne. tit. Résultat: 12h de retard, un change- 3- de faire des rencontres étonnantes, ment de train supplémentaire, un lé- comme par exemple un groupe de ger détour de près de 250 kilomètres, jeunes tapant la belote en s’enfilant sans compter les quelques heures quelques bières, le tout en musique, d’attente en plus. sans oublier de feindre la surdité en ignorant les plaintes des autres voyaAu moment où, harassée, je fran- geurs outrés; ou bien de passer la chissais enfin le Rhin, m’est venue journée avec une autre touriste malune idée qui a assombri le reste de chanceuse venant d’Azerbaïdjan, et mon voyage. En quittant la France de parler avec elle chiffons, politique, pour l’Allemagne, pays reconnu pour voyages... sa tradition de concertation et de compromis lors d’une prise de déci- Bref, les grèves en France offrent de sion politique, je renonce pour deux nombreuses opportunités, en ce qui ans aux doux frissons de l’aventure concerne les augmentations subites qu’offre ce genre d’événement. de pouvoir d’achat, ou de création de lien social. Qu’est-ce qu’on doit La grève, le début du bonheur s’ennuyer ailleurs, dans les pays où Résumé bref, une grève permet en le consensus est roi ! Et si la contestation était le début du bonheur ? effet: Dans la famille « Voyages de m**** », je demande celui du 22 septembre dernier, soit la veille du jour de la mobilisation générale à la SNCF. Quel bonheur de réserver son TGV à l’avance, pour finalement écoper du double de temps de trajet nécessaire !
1- de profiter gratuitement d’une nuit UNE AVENTURE FERROVIAIRE DE d’hôtel à Paris, même si l’hôtel en CHARLOTTE RESTIF
v o D m
VOYAGE DE MERDE
o Y a G e e e r D e
Aujourd’hui, jour tant attendu du départ, je me rends à l’aéroport prendre mon avion pour l’Inde. Une roue manquant à l’appareil, j’ai attendu 24H à Paris. Je suis finalement arrivée à destination deux jours plus tard… sans bagages. VDM Aujourd’hui, alors que j’attends ma famille à l’aéroport d’Istanbul, un turc tousse tout près de moi. Je laisse échapper un : - « Oh l’enfoiré! Il fait pas semblant de puer de la gueule! ». - « Eh beh l’enfoiré il t’emmerde ! ». Oups.VDM Aujourd’hui, en Indonésie, les policiers sont tellement zélés que je me suis fait arrêter pour avoir griller un feu rouge ... sur une route qui n’en comporte aucun. VDM. Aujourd’hui et pour la 1000e fois, pour ne pas perdre la face, je dis «si, si» à un autochtone… qui ensuite attend, en silence une réponse...Evidemment je n’ai toujours pas compris la question. VDM Aujourd’hui, diner à l’Ambassade...arrive vers moi M. le Conseiller culturel, à qui j’ai déjà eu l’occasion de parler. Pour avoir l’air à l’aise, je tente une blague sur son nœud-papillon, mauvaise chute… J’ai fait une croix sur toute idée de carrière diplomatique.VDM Aujourd’hui, j’ai du fuir à 8h du matin ma chambre (en pyjama) à cause des ultrasons de l’alarme à incendie. 4 gros camions de pompiers stationnés devant ma maison, trafic bloqué dans toute l’avenue, je les observe entrer chez moi en courant ...que se passe-t-il? Mon coloc a fait brûler un croissant dans le micro-ondes. VDM Aujourd’hui, je vis en colocation et il y a une commission de discipline qui m’attend dans la cuisine à propos du chocolat en poudre que je n’ai pas rangé ce matin. VDM Aujourd’hui, à une soirée indienne, j’ai à peine eu le temps d’expliquer que j’étais d’une certaine région de France appelée « Bretagne » qu’on m’a indiqué que je trouverai des bières sur le toit. VDM
TOUS CONNECTÉS
carte postale de Spencer Moi, c’est Spencer MacBowl. Je suis à Sciences Po Rennes, comme vous, mais j’ai la chance d’être le seul élève de la section Mousse, celle qui permet de voyager pendant toute sa 3e année sans contraintes.
Coucou, Pour la première étape de mon tour du monde, je ne sais plus comment j’ai fait pour atterrir à Kottayam, en Inde du Sud. Pour autant, je crois m’être vite accoutumé à la vie locale, (sauf pour ce qui est de manger avec les doigts, pas évident quand on en a pas…), j’ai pu roulé-bouler pendant 3 semaines dans les palaces de Mysore, dans les bazars bigarrés et parmi les ruines et les roches rouges d’Hampi. En arrivant à Bombay, à cause de la mousson, j’ai du planquer mon boule afin de ne pas devenir éponge. Ici à partir de 7 ans, le port de la moustache est obligatoire. J’ai du mentir sur mon âge pour éviter ça... L’Inde c’était vraiment d’la balle mais je suis déjà monté dans mon colis pour rejoindre un autre continent… Bib à tous, Spicy Spency.
TOUS CONNECTÉS
il parait que... Pour cette première rubrique « Clichés de mon pays d‘accueil », un zoom sur le Brésil…
Il parait qu’au Brésil, le bikini, on le porte très mini…De quoi vous donner la désagréable sensation de porter, en comparaison, une culotte de grandmère….il parait! Rassurez-vous, sur les plages bretonnes, on a quand même un avantage comparatif : A Rio, le top-less est passible d’arrestation par la police pour «troubles à la pudeur».
Il parait que les Brésiliens sont beaux et ont du style…il parait!
…et un passage par le Canada…
Il paraît que Toronto est le paradis du multiculturalisme canadien…Il parait! Les gens vous disent ici ouvertement qu’ils ne voteront pas pour le candidat vert aux municipales, car il est «petit et italien»…
Il parait que les canadiens sont bûcherons de père en fils…il paraiit!
TOUS CONNECTÉS GLOBE-COOKER
Corée
le Bibimbap
Si la cuisine coréenne offre souvent des saveurs et compositions difficiles à reproduire chez soi, je vous propose le classique et fameux bibimbap. Il se compose principalement de riz que l’on accomode à sa guise de légumes, épices, fruits de mer, oeuf, viandes ... Voici une des nombreuses variantes qui semble bien alléchante, je dirais même Mogeul manhaeyo («Cela vaut le coup de le manger», selon une des exclamations favorites des coréens !)
Ingrédients 250 g de bœuf (tranchés en morceaux fins) Pour sa marinade : 2 cuillères à soupe d’huile de sésame 1 cuillère à soupe de sucre 2 cuillères à soupe de sauce de soja 1 pincée de sel 2 gousses d’ail hachées 1 cuillère à café de gingembre râpé Pour la sauce : 1 cuillère à soupe de piment ou du tabasco 2 cuillères à soupe d’huile de sésame
Les légumes : 1 carotte coupée en julienne 60 g de pousses de soja 60 g d’épinards 50 g de haricots verts 1 oignon coupé en rondelles 2 cuillères à soupe d’huile d’olive 3 cuillères à soupe d’huile de sésame 2 cuillères à café de graines de sésame 2 œufs crus (ou sur le plat si vous n’aimez pas cru) 2 bols de riz cuit à la vapeur
Préparation: Faites mariner la viande dans sa marinade pendant 30 minutes au frais. Faites cuire séparément dans de l’eau bouillante salée les légumes en commençant par les épinards (1 minute, récupérez-les et égouttez-les), puis les pousses de soja (3 minutes, récupérez-les et égouttez-les) et enfin les haricots (dès qu’ils sont tendres, récupérez-les et égouttez-les). Séparément, assaisonnez ces légumes avec une cuillère à soupe d’huile de sésame, le sel et les graines de sésame, puis mettez de côté. Dans une poêle, mettez 1 cuillère à soupe d’huile d’olive et faites revenir les carottes, salez-les et retirez-les. Dans la même poêle, ajoutez 1 cuillère à soupe d’huile d’olive et faites cuire la viande avec sa marinade, quand la viande commence à dorer ajoutez l’oignon. Dans chaque bol de riz, répartissez les légumes, la viande et déposez l’œuf sur le dessus. Saupoudrez de graines de sésame et d’1 cuillère à café de sauce.
CAROLINE LE BERT
INSOLITE BALI
L e s c o m b a t s d e c o q s, b i e n p l u s q u’ u n j e u d’ a r g e n t Bêtes de foire ? Non, vraiment pas. Les combats de coqs, véritable tradition populaire à Bali, représentent plus qu'un divertissement public. Lorsque le gong sonne, c’est l’heure d’extérioriser sa violence intérieure et d’affirmer sa position sociale.
Dans les légendes racontées par les aventuriers qui ont mis les pieds à Bali, il est souvent question des combats de coq (en balinais tajeng, en indonésien adu ayam). Chacun a déjà entendu parler de ces curieux rassemblements masculins qui fascinent, car c'est de loin le seul moment où le sang coule, où les Balinais d'habitude passifs et non violents (du moins c'est l'image que l'on cherche à leur donner) se lâchent et donnent un aspect plus sauvage à la culture balinaise, loin du raffinement des cérémonies et des danses. Au début du siècle, les combats de
coq étaient fréquents et chaque village en organisait. Depuis 2005 ils ne peuvent, législation oblige, avoir lieu que lors de certaines festivités religieuses importantes, et cela de manière très contrôlée. Mais dans les montagnes, les Balinais les plus traditionnels résistent, et il arrive souvent que l’on tombe sur un combat de coq « illégal » (un gros pourboire au policier suffit généralement à rentrer dans la légalité). Un grand nombre de motos garées au bord de la route en signale généralement la tenue.
Si l’on décide d’aller y voir de plus près, on le fait timidement. J’ai eu l’occasion d’en voir un, avant le coucher du soleil, dans un endroit peu touristique. Perdus au milieu des Balinais véritablement pris dans le jeu, je vais essayer d’analyser ce que j’ai vu. Mais les apparences peuvent s'avérer trompeuses : autour
et dans l'arène de combat, dans la chaleur, la poussière et l'odeur de sang, au milieu des cris et des gesticulations, dans tout le désordre apparent se joue plus que de l'argent.
Dans une atmosphère de dissimulation, des codes ancestraux en action. Le combat se déroule dans une arène carrée d'un peu plus de six mètres de côté, la plupart du temps dans la cour d'un temple, ou derrière un buisson. Un programme se compose de neuf ou dix matchs. Entre deux matchs, une dizaine d’hommes pénètre dans l’arène. Chacun porte un coq et part à la recherche de l’adversaire idéal. Toute cette phase se déroule le plus discrètement possible, à demi voix, calmement et indirectement. Une atmosphère de dissimulation imprègne les lieux où viennent de se dérouler un combat sanglant, et où l’on prépare le suivant. Une fois les deux prochains adversaires déterminés, on attache à chaque coq son éperon d'une dizaine de centimètres. Issue d'une vaste tradition, la fabrication des éperons exige un savoir-faire unique si bien que seules quelques personnes par village sont habilitées à les fixer. Ils ne sont aiguisés que les nuits de pleine lune, ou au moment des éclipses, dérobés aux regards des femmes. Les deux coqs armés sont placés face à face au milieu de l’arène. On place alors une noix de coco percée d’un trou dans un seau d’eau. Le laps de temps nécessaire à ce qu’elle coule (environ vingt secondes) est ponctué au début et à la fin par un coup de gong. Il marque également une période où les manipulateurs (qui ne sont pas forcement les propriétaires) n’ont pas le droit de toucher aux coqs. Si les animaux ne se sont pas affrontés au cours de cette période, on les reprend en main, et on les conditionne à passer à l'attaque. A partir du moment où un coup décisif semble avoir été porté par un des coqs, son manipulateur le saisit aussitôt pour lui éviter un coup en retour. Sans quoi le match finirait dans une tuerie où les deux coqs s’étriperaient dans un corps à corps final. à suivre...
PAR GÉRAUD BEAUDONNET
INSOLITE
Après avoir laissé trois fois la noix de coco couler dans l’eau, les coqs sont remis sur pattes, avec la seule règle que tout coq qui peut marcher peut combattre. Toutes ces règles et la prodigieuse minutie qui les accompagne sont couchées sur des feuilles de palmier, manuscrits transmis de génération en génération, éléments de la tradition générale des villages, tant juridique que culturelle. Lors d’un combat, l’arbitre - l’homme à la noix de coco - est chargé de faire appliquer ces règlements, et son autorité est absolue et incontestée.
Les paris : des combats de coqs aux combats d'hommes Deux sortes de paris ont court durant le combat de coqs. Le premier, le pari singulier est un pari en grand, collectif, qui englobe des coalitions de parieurs groupés derrière le propriétaire. Il est officiel et soumis lui aussi à tout un réseau de règles. Les parieurs sont les deux propriétaires, l’arbitre y joue le rôle de surveillant et de témoin publique. Le deuxième type de pari correspond à la nuée de paris faits par les spectateurs autour de l’arène. C’est un pari en petit, individuel, qui s’engage d’homme à homme. Les excités du pourtour le crient sur un coup de tête, c’est une offre publique avec accueil public. Le donneur, qui sollicite le pari, signalera l’importance de sa mise en tenant un certain nombre de doigts écartés devant son visage, et en les agitant vigoureusement. Si le preneur, qui est sollicité, fait une réponse assortie, le pari est tenu. Sinon, les regards se quittent et reprennent la recherche. Au moment où les manipulateurs vont lâcher les coqs, la clameur prend une ampleur presque frénétique : ceux qui n’ont pas encore parié cherchent désespérément un partenaire de dernière minute, pour une mise acceptable. Puis c’est le calme soudain au moment où le combat s’engage. Une fois le combat terminé, toutes les mises sont immédiatement payées. Les Balinais tâchent de créer un combat intéressant, en choisissant à équilibrer le match, de manière à rendre aussi l'issue du match très incertaine. Voilà en ce qui concerne le déroulement d’un combat. Jusque là, ce dernier consiste toujours en un jeu d’argent basé sur un duel entre deux volailles. Pourtant c’est en apparence seulement que des coqs se battent ici. En réalité, ce sont des hommes. Il est clair que le coq est un symbole masculin très fort. Le combat de coqs est aussi une des seules activités publiques strictement masculine. L’intimité des coqs et des hommes est réelle, les Bali-
nais consacrant un temps infini à toucher, caresser, nourrir, comparer leurs protégés que l’on croise à peu près partout au bord des routes. Le combat de coq symbolise le renversement de l’humaine condition : l’animalité. Car les Balinais sont profondément écœurés devant tout comportement pouvant rappeler l’animal. Le combat de coqs représente aussi un sacrifice sanglant offert aux démons pour apaiser leur appétit. On ne peut organiser une grande fête au temple sans avoir monté un combat. Il est un drame sanglant où la haine, la cruauté, la violence et la mort témoignent de l’opposition entre l’homme et la bête, le bien et le mal, la puissance créatrice de la masculinité face à celle destructrice de l’animalité.
C’est l’estime, l’honneur, la dignité, le respect, en un mot la position sociale qui est en jeu. Certes, cet enjeu n’est que symbolique, car nul ne voit sa position réellement évoluer par l’issue du combat, mais elle est momentanément affirmée. Et c’est justement parce que l’argent est très important à Bali que plus un Balinais prend de risques, plus il risque beaucoup d’autres choses (amour-propre, sang-froid, fierté masculine). Au niveau individuel, les gens qui sont en relation d’hostilité officielle et déclarée miseront très gros l’un contre l’autre. Le combat de coqs n’a pas pour fonction d’apaiser ou d’attiser les tensions sociales. Mais il permet de les afficher à la vue de tous. C’est un des seuls moments où disparaît leur côté timide, réservé jusqu’à la hantise de tout conflit ouvert. Il est le fruit de la réflexion des Balinais sur leur propre violence, absente de la vie quotidienne, mais qui hante d’une manière ou d’une autre l’esprit humain
GÉRAUD BEAUDONNET
F R A N S O A, U N C L O C L O À J A K A R T A Quel est le lien entre l’Indonésie et Claude François ? Sans aucun doute Fransoa, un grand blond qui a décidé de se lancer dans la chanson à succès en reprenant en indonésien les tubes de notre Cloclo national. Venu donner une interview pour le journal dans lequel je fais mon stage il se confie : « Tout a commencé lors d’une soirée karaoké endiablée à Jakarta où les mélodies disco s’enchaînent avec des tubes indonésiens ». Le délire continue et de là est né le personnage Fransoa, accompagné de ses sublimes Fransoettes. Depuis quelques semaines déjà, le clip Kalau saya kaya (ah, si j’étais riche) tourne à plus de 80 000 vues sur YouTube et a fait la une du Jakarta Globe. Jolies filles, accessoires bling-bling, Hummer et villa de rêve, la chanson n’a rien à voir avec Si j’avais un marteau, l’original de Claude François, mais tourne en dérision les symboles des nouveaux riches d’Indonésie. Une mélodie disco, des phrases simples et décalées, avec un soupçon de critique sociale, Fransoa, déjà culte chez les expats francophones, risque de devenir le futur buzz de la jeunesse indonésienne. Surtout qu’après Cloclo, Fransoa compte bien s’attaquer à Joe Dassin ! Lien : http://www.youtube.com/watch?v=do7oiUbvgsY PAR GÉRAUD BEAUDONNET
PROMENADE INDE
CULTURELLE
Le festival de Durga Puja, à Calcutta Du 15 au 19 Octobre dans le BengaleOccidental, et particulièrement à Calcutta (Kolkata), se déroule l’annuelle fête hindoue Durga Puja, ce qui signifie « prière pour Durga ».
Ces représentations sont souvent très impressionnantes. La Durga Puja est organisé des semaines à l’avance, et les bengalis du monde entier le nt. Le tout reste toujours très traditionnel, les indiens venant régulièrement, et en masse, dans ces temples pour prier. Durga est une déesse qui a vaincu le mal, Mais on peut parfois admirer des représenet c’est pour cette raison que chaque année en tations de la scène de combat plus moderne octobre débutent de longues vacances pour les (comme celle dans l’œil, cf photo), et cet évéjeunes indiens, plus courtes pour les travailleurs nement est l’occasion pour les indiens, toutes et les étudiants qui chôment le week-end des religions confondues, de se rassembler dans la principales festivités, tant attendues ! rue, même la nuit, ce qui est plutôt rare. À cette occasion, les commerces mettent en La ville prend donc un aspect vraiment différent. vente des articles spéciaux, les stands de nour- Les indiens peuvent admirer les temples doritures dans la rue sont plus nombreux, mais rés, argentés, en bois, en miroirs… Profiter des surtout, de multiples pandals (pavillons provi- foires installées pour l’occasion, partager leur soires) sont érigés un peu partout dans la ville, musique, des danses, et des kolkata sweets sur des échafaudages en bambou, couverts de tissus colorés, le tout de l’extérieur ressemblant Les indiennes mettent leurs plus beaux sarees, à un temple. et les rues sont éclairées par des guirlandes À l’intérieur de ceux-ci se trouve une sculpture, hautes en couleurs. le plus généralement faite en terre cuite ou en plâtre, à l’effigie de Durga victorieuse, entourée Le dernier temps de ces festivités n’est pas le de ses enfants, Karthik, Ganesh, Saraswati et moindre : le dimanche est le jour où Durga a en effet Lakshmi, incarnant respectivement le Protec- vaincu le mal, c’est donc ce jour-là que toutes les teur, la Sagesse, le Savoir et la Fortune. statues vont commencer à être démontées pour être
qui sont d’excellentes pâtisseries très sucrées. Les indiennes mettent leurs plus beaux sarees, et les rues sont éclairées par des guirlandes hautes en couleurs. Le dernier temps de ces festivités n’est pas le moindre : le dimanche est le jour où Durga a en effet vaincu le mal, c’est donc ce jour-là que toutes les statues vont commencer à être démontées pour être successivement noyées dans l’eau sacrée du Gange (l’Hooghly river de Calcutta étant un affluant de ce fleuve), et ceci dure jusqu’à la dernière statue. Ce qui veut dire que pendant au moins quarante-huit heures, des chars portant chacun une sculpture, traversent la ville jusqu’aux rives du Gange (ici le « Babu Ghat », le Ghat étant l’équivalent d’une digue) accompagnés d’indiens qui marchent, chantent, dansent… On peut se demander pourquoi tant d’efforts
pour que tout soit détruit en si peu de temps, mais ce point culminant de Durga Puja symbolise la déesse Durga qui quitte ses parents très tristes, pour rejoindre son mari Shiva. Une version différente de cette légende raconte qu’après son combat, la déesse aurait retrouvé son père ému dans l’Hymalaya. Pour finir, il faut savoir qu’en général les cultes hindous (mise à part les crémations) sont ouverts à tous : vous n’échapperez pas aux regards curieux des indiens, mais ils seront toujours prêts à venir vers vous, vous expliquer les coutumes avec plaisir, voire vous inviter à partager un thé chai ou un repas. On a rarement connu plus grande hospitalité. Je vous invite à en découvrir davantage sur ce fascinant événement bengali sur le site : www.calcuttaweb.com/puja/index.html
AMANDINE BOURDON
QUARTIER LIBRE ETATS UNIS
Bushwick Babe Un après-midi musical à NYC LÉA CANFRÈRE, NEW YORK CITY
Dimanche, c’était jour de pluie. Mais la journée s’annonçait encore plus glauque que toutes les autres. Oui même à NY, il y a des jours comme ça. Parce que nous n’avions pas de chocolat dans le placard pour compenser. Parce que nous n’avions pas d’intimité - et donc pas de possibilité de passer l’après midi en culotte à danser sur Marvin Gay ou à se prendre pour une chanteuse de variété. Oui parce que notre propio avait décidé de venir lire ses mails chez nous. Et parce que notre proprio avait aussi décidé de venir déballer ses photos en plein milieu du salon. Relax, it is New York baby.
Mais c’est en fait vite devenu un cauchemar sous la pluie. Le barbuc s’est arrêté et l’atelier photo-shoot-souriez-j’aime-mon-quartier s’est posé en stand-by.
Mais la musique elle, a continué. Enfin la «musique»... un bien grand mot. Trop grand peut-être.
Dimanche après midi, Nous avons donc eu la chance d’être dans notre appart, avec notre proprio, sans chocolat et avec en face de chez nous, un concert de metallo-punk-de garageavec-micro-et-sono-de-malade pendant 2h. Hurlements. Absence de mélodie. Entraînant problème de communication au sein Mais le pire du pire était à venir. même de notre espace vital. Dimanche, c’est la journée des surprises à Bus- Pouvant aller jusqu’au mal de tête. hwick. Parfois, un marché s’installe en deux Entraînant une haine soudaine contre tous les temps trois mouvements. Parfois, c’est party gothiques de dehors qui applaudissaient et en demandaient encore. dans le bar d’en face à 15h pétantes. Mais là, c’était tout simplement la fête du quartier. Quand soudain. La pluie cessa. Point d’attache et de rassemblement : le garage et le jardin du bar en face de chez nous. On sait que de toute façon, ça finira sur le toit. Et ça aurait pu être super sympa. Des artistes, de la bière et un peu de musique. Des gens qui veulent apprendre le français, des gens qui détestent les Français, de la pizza, encore un peu de bière pour nous faire oublier à nous que nous sommes bien françaises.
Mais.
(Pas d’arc-en-ciel comme dans les films- mais on s’en fiche) Parce que la musique changea. Et Monsieur Talib Kweli fit son apparition. (oui oui celui qui fait le dernier Duo à la mode US avec Estelle, ou encore créateur du fameux Get by, In this world...) Fin de la session punks à chiens et nouveaux visages. Un attroupement métissé blacko-portoricain autour de lui se forma. Et Pan. Du slam US, seriously, 8Miles à côté, c’est pour les fiotes. Je n’y comprends rien mais tous connaissent ça
par coeur. Une bande son hip-hop derrière des Dimanche à Bushwick, c’était jour de pluie. On paroles qui rassemblent. J’aime. Et eux aussi. aurait pu tomber dans le blues du dimanche à la française, et puis peut être qu’on aurait même fini par faire des crêpes en se disant que les diIl n’en fallait pas plus pour sortir, et ensuite manches sont des jours pourris et sans intérêt. se mettre a danser. Peu importe où l’on se trouve. Puis se faire offrir des bières. Et enfin sortir dîner. Dimanche à Bushwick, c’était jour de pluie. Et loin de toutes mes espérances, ce fut un jour Dimanche à Bushwick, c’était jour de pluie. de surprises au milieu du chaos. Un jour de renAvec une ambiance populaire et colorée. Entou- contres, de découvertes et de nouvelles BO. rée d’artistes underground, de grands blacks à lunettes et de gangs métissés.
QUARTIER LIBRE SÉNÉGAL
Je propose à la France l’importation de la civilisation africaine. LETTRE SÉNÉGALAISE DE RENO ARTEW
C’est au rythme du muezzin, des pénuries de gaz et des rires d’enfants que je vous informe des actualités de la cité dakaroise. Cette ville dont j’ai foulé le sol depuis moins de quinze jours, se développe à pleine allure, tiraillée entre tradition africaine et modernité à l’occidentale. J’ai la chance de vivre dans un quartier populaire privé chaque soir de lumière et peuplé de familles traditionnelles, mais aussi celle de pouvoir côtoyer les habitants de zones résidentielles huppées qui n’ont rien à envier à celles de Floride. Autrement dit, ma situation me permet une analyse assez complète de cette société à deux vitesses. Ainsi, Dakar incarne autant la renaissance africaine de par son potentiel intellectuel et culturel, que la triste adaptation à un monde capitaliste qui cherche à favoriser une élite au dépend du reste de la population. En effet, comment est-ce possible de voir des enfants mendier sur le bord d’une route sur laquelle de grosses voitures foisonnent ? De rencontrer des jeunes africaines de 20 ans au bras de vieux blancs au faciès libi-
dinal ? D’observer des tas de détritus à 50 mètres d’un hôtel 4étoiles où l’on profite de jacuzzis ? La capitale sénégalaise serait bien plus belle sans cette base militaire française (qui devrait bientôt déménager), sans ces clubs VIP, ces plages privées, ces villas habitées par des Européens 15 jours par an, lorsque certains sénégalais vivent à 5 dans une pièce. Certes, beaucoup profitent du développement proposé, ou plus exactement imposé par les investissements étrangers, mais la grande majorité du peuple peine à suivre cet essor économique et doit combattre chaque jour une montée des prix provoquée par l’extérieur. De leur côté, les politiciens, au lieu de se préoccuper d’un système de traitement des eaux sales et des déchets, préfèrent soigner une clientèle étrangère massive, dont le but principal est la quête de rayons UV en des lieux paradisiaques (avec le moins possible de locaux). Malgré toutes ces inégalités faisant bondir mon cœur de révolté, je suis extrêmement heureux de me trouver ici, sur cette terre où les gens
sont aimants, sociables, et profondément respectueux. En effet, la mentalité est totalement différente de celle que nous pouvons connaître en France, le rythme de vie aussi, la philosophie des hommes radicalement opposée. Humainement, une journée à Dakar est plus prolifique qu’un mois à Paris. Après avoir colonisé de manière calamiteuse l’Afrique, l’avoir exploitée par la suite, lui avoir expliqué par le biais de Président son incapacité à se développer, je propose humblement à la France l’importation de la civilisation africaine. Ceci afin d’apprendre aux Français la valeur des choses, le sens de la vie, le respect des aînés et de la connaissance, ainsi que l’hospitalité (à l’encontre des sans-papiers ou des Roms, par exemple…).
Dieu qu’il est bon de se retrouver dans une société où l’individualisme laisse place à la solidarité, malgré les pitreries d’une élite occidentalisée. Faites que l’Afrique ne perde pas cette richesse humaine par influence étrangère, mercantilisme capitaliste, ou désir d’une pseudo-modernité plagiée. Le combat ne semble pas perdu, et toute une nouvelle génération d’étudiants et intellectuels africains surgit au moment où je vous parle. Je dis africains et non uniquement sénégalais, car la ville de Dakar accueille une multitude de communautés rythmées par un souhait de changement et d’indépendance. Enfin, plutôt que de pérorer sur le sujet, voici pour votre culture personnelle un poème de David Mandessi Diop :
Les Vautours En ce temps-là A coups de gueule de civilisation A coups d’eau bénite sur les fronts domestiqués Les vautours construisaient à l’ombre de leurs serres Le sanglant monument de l’ère tutélaire En ce temps-là Les rires agonisaient dans l’enfer métallique des routes Et le rythme monotone des Pater-Noster Couvrait les hurlements des plantations à profit O le souvenir acide des baisers arrachés Les promesses mutilées au choc des mitrailleuses Hommes étranges qui n’étiez pas des hommes Vous saviez tous les livres vous ne saviez pas l’amour Et les mains qui fécondent le ventre de la terre Les racines de nos mains profondes comme la révolte Malgré vos chants d’orgueil au milieu des charniers Les villages désolés l’Afrique écartelée L’espoir vivant en nous comme une citadelle Et des mines du Souaziland à la sueur lourde des usines d’Europe Le printemps prendra chair sous nos pas de clarté.
À méditer :
« Vous saviez tous les livres, vous ne saviez pas l’amour »
La Rédac’ La redac’ J'aime : la vie, la liberte et Larusso. j’aime : Ecrire sur tout et surlerien J'aime pas : pas vrai et quand je!me le sens!inspire pathos. je serai j’aime pas :Quand Les horaires fixesgrand : Je serai Superman. Par contre, je quand je serai grand : Je tacherai refuse d'enfiler un slip rouge de ne rien regreter par dessus mon pantalon.
J'aime : les scones, mon gaja et Marion Micquel. Je n'aime pas : la fin des hari-
cots. j’aime la Quand je :serai tarte a la grand : je serai citrouille George Clooney. j’aime pas : tournerEcosse en Edimbourg, rond Christophe Michaud maître à penser quand je serai grande : je chp.michaud@gmail.com serai un jedi
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