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L’époque Contemporaine

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Table des figures

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1.3. L’époque Contemporaine

A partir de 1975, la croissance de la population totale tunisienne se stabilise et l’exode rural est ralenti, mais Tunis continue de croitre d’une façon endogène, par transfert des villes de taille moyenne vers la capitale12, centre politique, économique et intellectuel. Le qualificatif de «Patrimoine » s’est lié à la médina de Tunis en 1964, l’année pendant laquelle a été signée et approuvée la charte de Venise13 .

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Figure 11 : Evolution de la population tunisienne par ville de 1950-2005 Source : INS, 2005

Localement, ce n’est qu’en 1912 qu’une première législation visant le patrimoine de la médina, avec le classement de nombreux monuments hafsides, on attendra jusqu’à 1992 pour reprendre un cadre juridique protégeant les écoles et les demeures de la médina.

Le discours de modernité contre traditionalisme à plusieurs fois fait le sujet des tables rondes lors de la planification de l’image nouvelle de la capitale, il est à retenir qu’en 1950 le pays comptait 10 urbanistes paysagistes, qu’en 1970 la Tunisie n’a encore diplômé aucun Tunisien et que jusqu’à 1980 on faisait appel à des contractuels étrangers pour formuler nos aspirations occidentalisées.

12 Oliya Gerard (2006), Enjeux de l’aménagement en Tunisie, L’Urbanisation, l’aménagement du territoire et la gestion de l’environnement, Mahdia, p. 7 13 Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites.

La création de l’Association de Sauvegarde de la Médina et ensuite l’inscription de la médina de Tunis en 1979 dans la liste du patrimoine internationale de l’Unesco, ont attiré l’attention de l’opinion publique sur l’importance de la vieille ville dans l’épanouissement de la capitale et de son rôle dans notre passé et celui du futur.

L’intervention de l’Unesco comme organisation internationale a permis d’apporter un regard extérieur et une expertise, en termes de patrimoine, mais aussi et surtout des financements, dont l’importance n’est pas du tout négligeable pour l’application des éléments du rapport produit.14

Sous cette nouvelle ère réformatrice l’ASM joint ses efforts pour élaborer plusieurs projets visant l’amélioration des conditions de vie et la restructuration de plusieurs quartiers jugés insalubres.

Figure 12 : Evolution de l’espace urbain entre 1928-2004 Source : Cartes topographiques au 1/50000et 1/25000 et carte agricole nationale

14 Bohli Nouri Olfa (2015), La fabrication de l'architecture en Tunisie indépendante : une rhétorique par la référence, Volume 1, thèse publiée à l’université Grenoble Alpes, Grenoble, p.103

En l’occurrence le projet « Oukelas » qui a permis de reloger 2000 ménages entre 1992 et 2003, aussi le projet de rénovation du quartier de la Hafsia au faubourg nord (fig. 9) félicité par « l’Aga Khan Academy of Architecture », est un beau exemple de la flexibilité que peut présenter l’architecture pour réconcilier entre les différences sociales, économiques et politiques.

Figure 13 : Plan schématisant les différents équipements proposés par l’ASM Source : https://www.akdn.org/sites/akdn/files/media/documents/

L’opération Beb Souika-Halfaouine quant à elle, financée entièrement par l’Etat a été le sujet de plusieurs négociations avec les défenseurs du patrimoine pour enfin se mettre d’accord à dégager une place publique mettant en valeur la mosquée Saheb-el Tabaa et Sidi-mehrez et raccorder la circulation automobile par le biais de tunnels sous-terrain.

Avec l’achèvement de ces opérations et depuis une vingtaine d’années, la médina s’est orienté vers le tourisme comme principal partenaire pour la préservation de son patrimoine, on assiste notamment à la rénovation de plusieurs demeures à patio et palais en hôtels de charme15, les restaurants et salons de thé à caractère16 aussi les parcours qui déambulent en fierté les touristes aux façades restaurées des monuments historiques les plus prisés.

A l’autre bout de la médina, le faubourg sud ne s’est pas encore converti de son opération chirurgicale, cette large avenue ne répond en aucun cas aux problèmes soulevés, pire encore si on s’efforce à comparer cette attitude avec les expérimentations coloniales, la divergence d’idées aspirait le respect géographique de l’autre.

La volonté de moderniser à l’encontre d’un traditionalisme a donné naissance à une hétérogénéité du vocabulaire architectural et un chevauchement des courants de pensés. Les quartiers de Beb-Aleoua, Sidi-el-Bechir, Beb-el-Fellah, BebDzira(...) ont été directement bouleversés vers la fin des années 1960, ces travaux ont également touché le grand cimetière du Jallez qui a perdu son ancienne porte pour laisser la place au pont de Carthage.

15 En l’occurrence Dar el médina et Dar Ben Gacem tout au long de la rue Sidi Ben Arous. 16 Comme Dar el Jeld (place de la Kasbah) et Fondouk el Attarine (face à l’ancienne caserne et bibliothèque du même nom), el Mrabet (Souk el trok), el Ali (Rue de la mosquée zitouna).

Aujourd’hui ces conséquences pèsent sur le quotidien de ces milieux, « parfois qualifié de quartier de déroute urbaine, Beb Aleoua est en effet l’un des lieux où le Tunis de la nouvelle ruralité croise celui de la classe moyenne ». 17 Cette déroute ne se résume pas aux embouchures quotidiennes du trafic routier, elle couvre aussi les actes de délinquances qu’Omar Mansour ancien gouverneur de Tunis dénonce :

« Rue de Malte, Zarkoun, el Khirba, Sidi-el-Bechir et Beb-Khadhra à Tunis(…) plusieurs dépassements ont été commis par des marchands ambulants qui vendaient des stupéfiants et faisaient du change illégal de devise ».18

Outre ces phénomènes émergeants qui déstabilisent le cours de l’économie, les souvenirs kitsch qu’on retrouve sur les stands de la médina sont souvent usinés en Tunisie et souvent ailleurs, ne relatent en aucun cas le savoir-faire artistique, touchent à l’homogénéité de l’espace et faussent la lecture aux visiteurs curieux.19

Au-delà des infractions grotesques, le patrimoine culturel est directement visé avec « l’oukalisaition », une pratique qui a ressurgie après la révolution de 2011, nombreuses familles ont squatté les monuments et les palais délaissés en vue du la situation de laisser-aller et de l’absence de contrôle. Au-delà du risque d’effondrement que représentent ces bâtiments, les nouveaux usagers qui essaient à tout prix de domestiquer l’espace en guise de leurs commodités (réaménagement inadéquat, bricolage et construction de systèmes rudimentaires d’assainissement) entrainent la dégradation perpétuelle de l’édifice.

17 Tunis Webdo, Beb Aleoua, Hatem Bourial, url : http://www.webdo.tn/2019/01/05/entre-medina-et-faubourgs-du-cote-de-bab-aleoua-une-ville-en-perte-dereperes/?fbclid=IwAR2iwZT1IpBB1OK_M8cAZ6EiC2cWcgmzDMdv2XbNhOxTQxn-CgcNaQZnIYE, consulté le 10/01/2019 18 Tunis webdo, Tunis : De la drogue écoulée par des vendeurs ambulants, selon Omar, Mansour, url : http://www.webdo.tn/2017/07/05/tunis-de-drogue-ecoulee-vendeurs-ambulants-selon-omar-mansour/, consulté le 28/01/2019 19 Le temps, Les elements de la crise contemporaine de l’artisanat, Houcine Tlili, url: http://www.letemps.com.tn/article/95755/les-%C3%A9l%C3%A9ments-de-la-crise-contemporaine-del%E2%80%99artisanat, consulté le 10/01/2019

La réponse officielle face à ces phénomènes a été sous forme de projets comme celui de la loi IMR pour détruire les immeubles menaçant ruine, ce projet éradiquerait pas moins de 70% de l’hypercentre tunisois avec ses faubourgs et la ville européenne. 20

Figure 14 : La oukelisation de l’école israélite (rue du Tribunal) Source : Khadija Derbel, L‘oukalisation’ de l’école primaire de la rue du Tribunal, Une question d’appropriation de l’espace, al-Sabil, url : https://www.al-sabil.tn/?p=2929 consulté le 03/03/2019

20 Jeune Afrique, Tunisie : le patrimoine urbain menacé de destruction, Frida Dahmani url : https://www.jeuneafrique.com/mag/606865/politique/tunisie-le-patrimoine-urbain-menace-de-destruction/, consulté le 16/10/2018

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