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L’époque moderne

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Table des figures

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1.2. L’époque moderne 1.2.1. Du temps des Beys

Sous la souveraineté ottomane Tunis multipliera ses édifices publics, l’ouverture sur l’occident et la cohabitation des différentes nationalités donnèrent à l’architecture de la médina une parure riche de styles.

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Pendent le demi-siècle qui va de la conquête de l’Algérie au traité du Bardo, Tunis et ses faubourgs s’occidentaleront, la volonté du Bey à cette époque à imiter l’Europe fleurissante le pousse à instaurer des réformes importantes, en 1860 on entame la démolition des remparts et l’ouverture des portes en 1870.

Une fois défaite de sa parure, la ville s’étend de ses limites originelles et de nouveaux paramètres s’agencent, l’adduction d’eau(1860), d’éclairage au gaz(1872), de voirie, de l’enlèvement de des ordures ménagères(1873) ainsi que le chevauchement avec le nouveau mode urbain des proches banlieues acclimatent l’organisation coutumière de la médina. S’ajoutant à ces paramètres le développement des échanges avec l’Europe et l’introduction de l’industrie moderne provoque le déclin du commerce traditionnel, c’est là aussi que la médina atteste pour la première fois en face de ses portes des immeubles à étages et des fenêtres en balcon.

A la veille du protectorat français, les trois Cheikhs qui veillaient au sort de la médina et de ses deux faubourgs sont dorénavant soumis à l’autorité de la municipalité et de son conseil municipal, cette réforme a ouvert le champ aux expérimentations ultérieurement avec l’occupation française.

Figure 3 : Première carte moderne de Tunis, ech : 1/16000, réalisée par Falbe, 1831-1832, reproduite à des fins de lisibilité. Source : Archives, Service Historique de l’Armée de Terre, Paris (SHAT), Institut Supérieur d’Histoire du Mouvement National, Tunis (ISHMN), Bobine, cartes, dossier/carton, 6-C-41.

1.2.2. Sous le protectorat Français

La volonté coloniale qui avait l’intention de se positionner dans le centre politique s’est retrouvée face à une législation conservatrice et des terrains avec un statut gelé en permanence.

Figure 4 : Statue du cardinal Lavigerie, ex-Place de la Bourse Source : Collection personnelle Bertrand Bouret.

Elle entame alors une politique de reconfiguration structurée, dans un premier temps elle s’attaquait aux lois afférents la présentabilité des français au sein du conseil municipal pour occuper la moitié des sièges, puis en deuxième temps en l’abrogation de la législation des Hbous et la dissolution de la Djamiaa.

On créa des terrains constructibles par le comblement et l’assainissement de la lagune, on inaugura la ligne de tramways, l’économie capitaliste coloniale prime, le secteur artisanal, moteur de développement, autrefois, se voit désarticulé et déstructuré, les produits industriels français étalés de pair avec ceux du marché tunisois concurrencent ces derniers aux premiers rangs de la vitrine et avec des prix plus intéressants. Des arts, de la céramique, du tissage et des métaux se voient réprimés.

Figure 5 : Plan de la médina de Tunis en 1881 Source : http://fracademic.com/dic.nsf/frwiki/781288#.C3.89poque_moderne

La fabrication des Chéchias était un artisanat prospère et faisait travailler des centaines d’atelier à Tunis, Testour, Zaghouen, Ariana, Battan(...) L’artisanat des chechias employait au début du XVIIIème siècle 15000 personnes, 7000 au XIXème siècle et il ne restera au début de l’installation du protectorat que 2000 à 3000 personnes6 . En 1934 il n’en resterait que 1000 personnes. Les chechias ne se faisaient plus réellement à Tunis mais à Marseille.

Ce détournement pesait ses conséquence sur la population et son hiérarchie, ces artisans qui travaillaient et vivaient dans les faubourgs, se retrouvaient du jour au lendemain sans emploi, ils désertaient leurs demeures et leurs garages. C’est là qu’on voit la répercussion sur l’architecture et l’urbanisme. De nouveaux plans essaient de reformuler les faubourgs, à l’instar de Victor Valensi, auteur du plan d’embellissement de la ville de Tunis qui parle de ces propos : « La municipalité de Tunis, ne pouvait rester indifférente à ces mouvements de progrès et retarder

6 Le temps, Les éléments de la crise contemporaine de l’artisanat, Houcine Tlili, url: http://www.letemps.com.tn/article/95755/les-%C3%A9l%C3%A9ments-de-la-crise-contemporaine-del%E2%80%99artisanat, consulté le 10/01/2019

l’étude des plans régulateurs et directeurs en vue du développement de la ville, de son esthétique, de son hygiène et de son caractère si apprécié des touristes ».

En 1914 la population était de l’ordre de 175.000 d’habitants, 43% d’entre eux étaient Tunisiens, 42% Européens et 15% d’origines variées, ces nouveaux immigrés apportaient avec eux de nouvelles techniques industrielles, artisanales et agricoles et contribuent au renouveau culturel et artistique de la capitale.

Année Tunisiens musulmans Tunisiens israélites Français Italiens 1921 77 318 22 647 25 093 46 770 1926 80 899 28 102 32 279 48 991 1931 95 592 29 447 40 794 52 972 1936 97 347 32 306 51 207 57 262 1946 238 167 42 410 82 922 55 884 1956 338 453 38 929 107 112 47 712 1966 635 603 ~ 13 200 ~ 9900 ~ 7500 1970 848 515 ~ 6700 ~ 9500 ~ 4800

Figure 6 : Evolution de la population á Tunis Source : Sebag Paul, Tunis. Histoire d'une ville, éd. L'Harmattan, 1998

Dans ce nouveau atmosphère, l’architecture de la ville nouvelle concurrence celle de l’ancienne, avec en main une pincée de caractères exotiques, l’espace public, rues et avenues végétalisées, toutes desservies par des routes et des chemins de fer.

Figure 7 : Implantation coloniale orthogonale à Tunis, 1930 Source : Cartographie C. Giudice, 2001

Cette dualité entre ancien et nouveau, historique et moderne, s’est traduite par un désintérêt à la médina et ses faubourgs qui contrairement à sa voisine (ville européenne) ne s’élèvent pas à assurer la présence et la proximité des institutions qui font la société contemporaine.

Ce chevauchement vient frapper les faubourgs en premier lieu, qui autrefois abritaient les activités les plus lourdes, sont aujourd’hui perçues comme lentes compte tenu des techniques modernes de l’industrie française. Le dépeuplement de ces régions laisse place graduellement à un ébranlement de l’état du bâti.

1.2.3. « La théâtralisation du pouvoir »7 avec l’indépendance

Les années 30 représentaient l’apparition des faubourgs spontanés ou gourbivilles qui entourent rapidement la capitale, s’ajoutant à cela un exode rural important au niveau de la médina et de ses faubourgs, le nomadisme occupe les lieux délaissés et les terrains nus en forme de campements. Les Oukelas, les fondouks et les Palais sont devenus des résidences à plein temps.

Apres l’Independence la population inactive est de plus en plus nombreuse et exprime ses droits pour un travail, un logement et des conditions favorables. Une migration rurale s’est donc largement emparéede la capitale pour gagner l’agglomération et ses alentours, entre 1956 et 1975 l’accroissement de la population atteignait les 55.6%.

Figure 8 : Evolution de l’urbanisation de la Tunisie, 1950-1995 Source : INS, 2000

L’intérêt à l’urbanisme et au soulèvement des problèmes que vit la capitale fait alors débat, le nouvel Etat adopte la politique de la dégourbification8 des banlieues implantées à Jbal Lahmar et Borj Rais et autres, les plus fortunés ont droit à des logements type conçus par le service constructeur, les moins,Le Bourguibisme les juge comme inutiles « ils n’ont qu’à voire ailleurs ou qu’ils retournent d’où ils sont venus ».

7 Expression de Georges Ballandier, anthropologue 8 Abdelkafi Jellal (1989), La médina de Tunis, Espace historique, ed. Presses du CNRS, p.110

Si l’Etat considère la dégourbification comme succès, d’autres la voit autrement, Paul Sebag dans son livre décrit la situation et pointe qu’il faut résoudre les problèmes et non les déplacer. En effet cette opération s’est repliée sur elle-même, cette population qui voit en la capitale un essor pour leurs problèmes, un rêve ou simplement une vie honorable, se trouve marginalisée sous les coups des bâtons et ils ont finalement trouvé refuge sous les toits les moins attendus.

Ce gap social a été vécu dans les ruelles des faubourgs, les maisons désertées sont taudifiées, compartimentées et louées, les éléments architectoniques et l’embellissement esthétique qui faisait la fierté de ces lieux ont été dénudés sans estime de la valeur historique qu’elles pourraient représenter. On pillait du marbre de la céramique passant par les colonnes, les chapiteaux et les fers forgés (…)

Face à ces conséquences indésirables, la réorganisation spatiale par le chef d’Etat et de ses disciples se voulait ‘’totalitaire’’, le projet des Immeubles Menaçants Ruine (IMR) a éradiqué le culte populaire ; des hammams, mosquées et zaouïas ont été agenouillés, on entreprend les démolitions et les réaffectations inappropriés, entre autres la Zaouïa Manoubia et celle d’Abou Kacem Jelizi, classée comme monument historique en 1932.

La réorganisation véritable de la capitale a été lancée par la vision Bourguibienne avec comme thème : « un Tunis moderne », indépendant même de son histoire. Un nombre de plans d’aménagement et de restructuration viendront ensuite schématiser cette vision.

Dans un premier temps, il était impératif d’affirmer l’orientation du pays et de s’affirmer en son chef-lieu. La kasbah qui autrefois était le symbole du pouvoir militaire est devenue le centre du pouvoir politique, avec la démolition de l’ancienne caserne des zouaves et l’édification de la maison du parti socialiste destourien, il était question d’un pays à l’image d’une capitale et d’un capital qui couronne sa colline.

Figure 9 : La percée envisagée reliant l’avenue H.B. et la Casbah Source : Meddeb Nader La modernisation de Tunis : un urbanisme et une architecture d’État au miroir d’une anthologie de la percée dans la médina (1881-1987), 2015, p.247

Le plan d’aménagement 1957 de l’architecte Mikhail Kosmin hiérarchise les pauvres dans les bidonvilles et les fortunés aux cités jardins. Le plan Cacoub 1958 propose de percer la médina d’est en ouest avec une Avenue Habib Bourguiba rendant hommage à un excentrisme ‘’embelli’’ délicatement par une statue sur la place de la Kasbah (siège de la gouvernance) et une autre aux rives du Lac (berceau de la modernité).

En 1959 on reviendra sur la question de la percée cette fois discutée ouvertement avec un concours international, en dehors du désintérêt soupçonné des conservateurs mondiaux qui ont signé les chartes du vernaculaire, L’UIA9 annonça : « Pour que la Médina respire et survive, il lui reste à former un tout avec la ville moderne [...]. À l’heure actuelle se pose le problème de dégager la Médina et de l’associer à la ville moderne.»10 , le jury jugera qu’aucun des 54 projets ne

9 Union Internationale des Architectes 10 Aymone Nicolas (2007), L’apogée des concours internationaux d’architecture, L’action de l’UIA, 1948-1975, Collection architectures contemporaines, Série études, Paris, Picard, p. 98

répond aux problèmes de symbiose entre la ville ancienne et la ville nouvelle et n’aboutira à la décongestion. S’ajoutera à ces projets le Colloque11 de 1961 voulant revitaliser la médina d’une part et déqualifiant ses faubourgs vus en second lieu, Marconi annonçait : ‘’Vraiment rien de caractéristique qui vaille la peine d’être conservé’’.

Le premier plan d’aménagement est formulé en 1962 sous la houlette des urbaniste-conseils italiens et soutenu par le secrétariat d’Etat des travaux publics et de l’habitat.

Après deux années (1964) cette même commission entrepris le plan communal qui devait répondre aux problématiques :

 Créer la symbiose entre la ville ancienne et la ville nouvelle  Décongestionner le noyau  Améliorer l’hygiène  Favoriser la circulation et l’approvisionnement de la ville

Jellal Abdelkefi parle des résultats : « Conçus comme des œuvres architecturales qu’il faut accepter en bloc, le plan directeur et les plans communaux n’ont été objet d’aucune concertation ».

Ce plan propose de décomposer la ville haute pour dresser un axe routier nord-sud à capacité régionale et deux bretelles de liaison à travers les faubourgs. Sans consultation des communes ; représentants directs des citadins locaux, l’architecture et l’ingénierie ont encore une fois formulé leurs théories uniques et assujettis ses usagers.

Le dessin final de la commune de Tunis n’est autre qu’une duplication des plans originels de 1962 avec une légère modification de l’échelle graphique.

11 Organisé par le Secrétariat d’État aux Travaux Publics à l’Habitat de la République tunisienne, le colloque convoyait les lauréats du concours international, les membres de son jury et d’autres invités d’honneur.

Figure 10 : Plan de la commune de Tunis, 1964 Source : Jellal Abdelkafi, La médina de Tunis, Espace historique, éd. Presses du CNRS, 1989, p.126

L’entreprise de la percée et la démolition entre Beb alioua et Sidi-el-Bechir ont été contestés par les valorisants de l’héritage culturel ‘’On refuse la percée estouest, mais on accepte les petites percées pour irriguer la médina’’. Outre ce témoignage de Jalel Abdelkefi, cette percée a été vivement réprimée par les localités, ce qui a mené le maire à entreprendre des communications alternatives, la mise en place d’une commission municipale qui aboutira à la création de l’Association de Sauvegarde de la Medina (ASM) en 1968.

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