LA CHINE à Versailles. Art et diplomatie au XVIIIe siècle - Album de l'exposition

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LA CHINE

À VERSAILLES

AR T E T D I P L O M ATI E AU X VIII e S I ÈCL E


Cet album a été réalisé dans le cadre de l’exposition « La Chine à Versailles. Art et diplomatie au XVIIIe siècle » présentée du 27 mai au 26 octobre 2014 dans l’appartement de madame de Maintenon et la salle des Gardes du Roi au château de Versailles.

SCÉNOGR APHIE

CATHERINE PÉGARD

Présidente de l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles

Jérôme Dumoux ÉCL AIR AGE

BÉATRIX SAULE

Directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

Éric Gall

THIERRY GAUSSERON

MISE EN ŒUVRE

Administrateur général de l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles

Direction du développement culturel Denis Verdier-Magneau, directeur Silvia Roman, chef du service des expositions Claire Bonnotte, Cesar Scalassara, Jeanne Bossard, Émilie Neau, Laura Dubosc et Pauline Aronica

COMMISSARIAT

MARIE-LAURE DE ROCHEBRUNE

Conservateur au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon Assistée d’Anne-Cécile Sourisseau et de Vincent Bastien, historiens de l’art

Avec la collaboration des services de l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles

Les textes de cet album sont tirés du catalogue de l’exposition. La liste des auteurs ainsi que leurs initiales sont en fin d’ouvrage.

L’exposition est organisée par l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles grâce au mécénat d’AXA et de la Fondation GDF SUEZ.

Elle bénéficie du soutien de l’Institut français.


S’il fallait un exemple de l’extraordinaire traversée des siècles que le château de Versailles peut nous offrir, nous citerions la visite d’État du président Xi Jinping, le 24 mars 2014. Non pas parce que le président de la République, François Hollande, rendit ce soir-là au château de Versailles son rôle de palais national. Non pas même parce que cette visite permit de célébrer le cinquantième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine, précisément en ce Grand Trianon dont, il y a également cinquante ans, le général de Gaulle faisait une résidence officielle pour accueillir ses hôtes étrangers. Mais bien parce que l’actualité vint soudain mettre en lumière une histoire bien plus longue qu’on ne le croit, souvent ignorée, celle de la « Chine à Versailles », cette histoire qu’à travers un rassemblement de chefs-d’œuvre inédits nous raconte Marie-Laure de Rochebrune, conservateur au château de Versailles et commissaire de l’exposition. Cette fascination pour la Chine se nourrit, dans le lointain, des récits de voyage merveilleux de Marco Polo, mais elle s’équilibre sous le règne de Louis XIV avec les découvertes mutuelles des deux pays, qui vont parcourir tout l’Ancien Régime. Louis XIV inaugure, avant la lettre, par le truchement des pères jésuites, cette « diplomatie culturelle » qui mêle intérêts politiques ou économiques et échanges culturels ou scientifiques. L’ exotisme alimente une curiosité qui va à la fois développer une vraie connaissance de la Chine à la cour de France, mais aussi irriguer une relation diplomatique singulière que nos voisins européens jalouseront. Sous le règne de Louis XV, et encore sous celui de Louis XVI, les correspondances avec la Chine s’intensifient. Peu à peu, le commerce de « lachine » s’amplifie. Les ambassadeurs du Siam avaient couvert Louis XIV de présents qui façonnèrent le goût royal pour de nouvelles couleurs, des matières et des formes inconnues. L’ engouement de ses successeurs pour les objets d’art chinois influence la création française : on les transforme, on les adapte, on les embellit, on s’en inspire. Protecteurs des arts, les souverains défendent, dans leurs appartements d’apparat, le génie français, mais, quand ils laissent libre cours à leur inclination personnelle dans l’intimité de leurs appartements privés, les décors « à la chinoise » sont partout. C’est peut-être pour cette raison que, longtemps, on les négligea. Nous devons aujourd’hui à la ténacité et à la méticulosité de Marie-Laure de Rochebrune de les retrouver dans cette visite exceptionnelle de la « Chine à Versailles ». Je tiens à remercier les conservateurs du château de Versailles qui, avec Béatrix Saule, directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, l’ont accompagnée. Je veux saluer les auteurs de ce catalogue qui, par la richesse de leurs contributions, rendent si bien compte de l’imbrication de l’art et de la diplomatie au xviiie siècle. Ma gratitude va à nos généreux prêteurs qui permettent de ressusciter aujourd’hui les rêves d’Orient de la cour de Versailles. Je souhaite enfin que nos visiteurs chinois découvrent, comme nous, dans cette exposition, une part de notre histoire commune. Catherine Pégard Présidente de l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles



« Nous n’avons aucune maison en Europe dont l’antiquité soit aussi bien prouvée que celle de l’empire de la Chine. » Voltaire, Dictionnaire philosophique. Cette phrase de Voltaire (1694-1778) constitue l’un des plus beaux hommages rendus à l’empire du Milieu par l’auteur de L’Orphelin de la Chine1. Cette admiration pour l’ancienneté de la civilisation chinoise était partagée par nombre de ses contemporains, en premier lieu par les jésuites français missionnaires en Chine, qui constituaient ses principaux informateurs. Cette sinophilie était également affichée dans la seconde moitié du xviiie siècle par Henri-Léonard Bertin, ministre de Louis XV puis de Louis XVI, dont la figure est remise à l’honneur dans l’exposition. La fascination pour la Chine et ses productions artistiques n’était pas nouvelle en France au xviiie siècle. Elle s’était manifestée en Europe dès l’époque romaine et n’avait cessé d’y régner avec des fortunes diverses. Elle était même devenue un véritable mythe à la fin du Moyen Âge, soutenu par les récits des rares voyageurs qui s’y étaient aventurés, comme celui du Vénitien Marco Polo (1254-1324), parvenu en Chine au xiiie siècle, à la cour de Qubilaï Khan (1215-1294). Son ouvrage, Le Devisement du monde, écrit quelques années après son retour en Europe, devait avoir un immense retentissement jusqu’à l’époque moderne. Qubilaï Khan, petit-fils de Genghis Khan, le fondateur de la dynastie mongole des Yuan, avait remarqué l’intelligence du jeune homme et l’avait pris à son service. Marco Polo séjourna dix-sept ans en Chine et la visita jusque dans ses provinces les plus reculées. Chargé de missions d’inspection, il joua le rôle d’un fonctionnaire au service de la dynastie mongole. Il fut émerveillé par Khanbalik (Pékin), devenue la nouvelle capitale de la Chine à l’époque des Yuan, et par les œuvres d’art présentes au palais impérial. Il admira la production de la soie et s’intéressa à la fabrication de la porcelaine. Il perçut le pays de Cathay2 comme l’un des plus pacifiques au monde. Son manuscrit, traduit en français en 1310, eut un réel succès en France où de nombreuses copies enluminées furent exécutées. Le roi Charles V (1338-1380) en avait cinq exemplaires dans sa bibliothèque et son frère Jean de Berry (1340-1416) en possédait trois. Le récit de Marco Polo, imprimé pour la première fois en 1477, donnait de la Chine l’image d’un pays regorgeant de trésors et de phénomènes exotiques, particulièrement enchanteurs. Il devait avoir une postérité considérable jusqu’au xviie siècle. Christophe Colomb (1451-1506) partit pour l’Amérique avec l’ouvrage de Marco Polo entre les mains. D’autres récits de voyageurs contribuèrent à répandre l’idée que le pays de Cathay ne ressemblait à nul autre et qu’il était gouverné par des empereurs pacifiques et courtois. À la fin du Moyen Âge, le mythe crût encore à la faveur de la fermeture de l’empire aux étrangers par la dynastie des Ming. La Chine, devenue inaccessible aux Occidentaux, n’en était que plus attirante. Cette aura était encore très vive en Occident, à l’époque moderne, grâce aux échos des aventures des jésuites européens, en particulier celles du célèbre père Matteo Ricci (1552-1610), qui avait su s’introduire avec adresse, dès le tout début du xviie siècle, à la cour de Pékin, par le truchement de ses connaissances mathématiques et astronomiques.

DU TRIANON DE PORCELAINE AU CABINET DORÉ

DE MARIE-ANTOINETTE :

LA CHINE

À VERSAILLES MARIE-LAURE DE ROCHEBRUNE

Fig.1 L’audience donné [sic] aux ambassadeurs du Roy de Siam le 1 septembre 1686 dans le château de Versailles Eau-forte sur cuivre en noir et burin Chez Pie. Landry rue St. Jacques à St François de Sales Almanach pour l’année 1687 Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie, collection Hennin, 5549 Rés. Fol. QB-201 (63-fol)

UN SIÈCLE DE REL ATIONS DIPLOMATIQUES PARTICULIÈRES ENTRE L A CHINE ET L A FR ANCE

La perception de la Chine par la France et par ses souverains commença à changer sous le règne de Louis XIV (1638-1715). À l’image idyllique, véhiculée par le livre de Marco Polo, 5


L A C H I N E À V E R S A I L L E S . A R T E T D I P L O M AT I E AU X V I I I e S I È C L E

Fig. 2 Anonyme, Portrait de l’empereur Kangxi en costume de cour, rouleau de soie peinte, époque Kangxi (1662-1722), Pékin, musée de la Cité interdite.

1. Voltaire écrivit et fit jouer L’Orphelin de la Chine à Paris, en 1755. La pièce s’inspirait de la traduction effectuée vingt ans plus tôt par le père de Prémare, un jésuite présent en Chine, d’une œuvre chinoise du xiii e siècle. 2. C’est ainsi que Marco Polo désigne la Chine de l’époque des Yuan dans Le Devisement du monde. 3. Le sixième, le père Tachard, demeura au Siam et n’alla jamais en Chine.

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se substituèrent des informations de première main, envoyées en France par des observateurs avisés, qui avaient pris, parfois au péril de leur vie, leur mission avec le plus grand sérieux. Le règne personnel de Louis XIV (1661-1715) fut une période de découvertes mutuelles, particulièrement enrichissantes, inaugurant plus de cent ans de relations privilégiées entre les deux pays, souvent méconnues aujourd’hui (fig. 1). Les premières tentatives d’établissement d’un commerce avec la Chine, amorcées par Mazarin à la fin des années 1650, ayant échoué, ce fut par d’autres biais que le Roi-Soleil entra en contact avec l’empire du Milieu, ceux de la religion, de la culture et des sciences. Le souverain, notamment par ses acquisitions de livres chinois, fut l’initiateur d’un intérêt profond porté par la France à la culture chinoise. Soutenu par ses principaux ministres, Colbert puis Louvois, et par l’Académie des sciences, créée en 1666, Louis XIV mit en œuvre une politique diplomatique et scientifique, très volontariste, en direction de l’empire du Milieu et de son quasi-contemporain, l’empereur Kangxi (1654-1722), politique qui devait porter des fruits tout au long du xviiie siècle (fig. 2). L’empereur accueillit favorablement les émissaires du souverain français et leurs précieuses connaissances scientifiques. Le 15 septembre 1684, Louis XIV reçut fastueusement à Versailles un jésuite flamand, le père Philippe Couplet (1623-1693), qui avait passé de nombreuses années en Chine, à la cour de Pékin. Ce dernier souhaitait renforcer le nombre des pères jésuites français en Chine, à la fois pour présider le Bureau impérial d’astronomie auprès de l’empereur Kangxi, mais aussi pour étoffer les effectifs des missionnaires, chargés de l’évangélisation de l’Empire. Le père Couplet était accompagné d’un jeune Chinois converti au christianisme, nommé Shen Fuzong, témoin vivant du succès des missions dans l’empire du Milieu, qui piqua la curiosité de toute la cour. Lors de sa visite, le père Couplet offrit plusieurs livres chinois à Louis XIV et parvint à le persuader des intérêts politiques, diplomatiques, scientifiques, voire commerciaux, que la France pourrait retirer de cet important investissement humain et financier : poursuivre les efforts de conversion du peuple chinois au christianisme, accroître les connaissances françaises sur la Chine dans les domaines de la médecine, de la géographie et de l’astronomie, lutter contre la prééminence portugaise en matière de missions, enfin, établir des liaisons commerciales durables avec l’Empire céleste pour contrer les toutes-puissantes Provinces-Unies, qui bénéficiaient, depuis la création en 1602 de la Vereenische Oost-Indische Compagnie, la célèbre VOC, du monopole du commerce avec l’empire du Milieu. Convaincu par ces arguments, Louis XIV finança, sur sa cassette personnelle, l’expédition en Chine de six jésuites français, en tant que mathématiciens du roi et préalablement adoubés par l’Académie des sciences. Partis de Brest en 1685, munis, pour mener à bien leurs travaux scientifiques, d’instruments de mathématiques et d’astronomie dont l’un avait été offert par le duc du Maine (1670-1736), l’un des fils légitimés de Louis XIV, cinq d’entre eux parvinrent à Pékin le 7 février 16883 – les pères de Fontaney, Bouvet, Gerbillon, Le Comte et de Visdelou – à l’issue de près de trois années de voyage qui les conduisirent d’abord au Siam (actuelle Thaïlande), considéré alors comme le « vestibule » de la Chine. Admis à la cour de l’empereur, ils réussirent, grâce à leurs connaissances mathématiques, médicales et astronomiques, à gagner la confiance de Kangxi et à mener des travaux scientifiques de haut niveau qui perdurèrent au siècle suivant. L’empereur, que Voltaire encensa plus tard comme un modèle de vertu, se montra particulièrement bienveillant à leur égard. Le père Bouvet (1656-1730) fut l’un des premiers Européens à célébrer ce trait de caractère quand il revint en France en 1697, sur ordre de Kangxi, afin de recruter de nouveaux missionnaires. À cette occasion, ce dernier lui avait confié des ouvrages chinois à l’intention de Louis XIV. Le père Bouvet fut aussi l’un des premiers auteurs jésuites à comparer Kangxi à Louis XIV, dans son célèbre Portrait historique de l’empereur de la Chine, imprimé à Paris en 1697. Pendant leur séjour à la cour de Pékin, les pères Bouvet et Gerbillon avaient côtoyé l’empereur journellement et lui avaient prodigué des leçons de mathématiques et d’astronomie. De leur côté, les autres pères avaient quitté la capitale de la Chine pour diverses provinces afin de mener à bien leur mission d’évangélisation. En 1692, reconnaissant leurs éminentes qualités humaines et scientifiques, Kangxi fit promulguer un édit de tolérance à l’égard du christianisme qui fut admis comme religion officielle, au même titre que le bouddhisme et le taoïsme.


Fig. 3 Portraits des pères Ricci, Schall et Verbiest, planche gravée illustrant l’ouvrage de Jean-Baptiste Du Halde, Description géographique, historique, chronologique, politique et physique de l’empire de la Chine et de la Tartarie chinoise, enrichie des cartes générales et particulières de ces pays… & ornée d’un grand nombre de figures & de vignettes gravées en taille douce, Paris, Nicolas-Léger Moutard, 1770, 3e volume, Versailles, bibliothèque municipale de Versailles, Rés. in-fol I 3-6 f, p. 78-79.

Certains jésuites remplirent des missions plus inattendues à la cour de Pékin. Le père Gerbillon (1654-1707), doté de talents de diplomate, joua un rôle décisif en résolvant l’épineuse question des frontières russo-chinoises, provoquée par le conflit qui opposait depuis plusieurs années la nouvelle dynastie mandchoue à Pierre le Grand. Grâce à lui fut signé en 1689 le traité de Nertchinsk, qui régla le contentieux entre les deux puissances. Quatre ans plus tard, le père de Fontaney (1643-1710) guérit Kangxi de la malaria, en lui administrant de la quinine, ce dont l’empereur lui fut toujours reconnaissant. La conjugaison de ces événements et de la bienveillance de l’empereur à l’égard des missionnaires français permit la création, en 1700, d’une mission jésuite de France, indépendante de la mission portugaise et du Saint-Siège. Celle-ci devait contribuer pour des décennies à enrichir les connaissances chinoises en matière de mathématiques et d’astronomie, mais aussi à amplifier les connaissances européennes sur la Chine et à nourrir la réflexion des intellectuels des Lumières, au-delà des frontières du royaume de France. Les missionnaires français concoururent ainsi, de manière décisive, à la diffusion en Europe des connaissances sur la Chine. En revanche, si la mission jésuite de France produisit des fruits jusqu’à la fin du xviiie siècle, elle agaça beaucoup les jésuites portugais et les autres congrégations religieuses présentes en Chine. Ces jalousies furent pour une grande part à l’origine de la querelle des Rites qui devait mettre un terme définitif aux espoirs de christianisation de la Chine, indisposer les autorités chinoises, diviser l’Europe tout au long du xviiie siècle et se conclure par la suppression définitive par le pape Clément XIV, en 1773, de la Compagnie de Jésus. Les récits de voyage des pères jésuites se multiplièrent au xviiie siècle, notamment avec la publication, de 1702 à 1776, des célèbres Lettres édifiantes et curieuses envoyées pendant près de trois quarts de siècle par les missionnaires à leurs supérieurs mais aussi aux bienfaiteurs de l’ordre, demeurés en Europe. Celles-ci devaient éclairer d’un jour nouveau les connaissances occidentales sur la Chine. Une partie d’entre elles fut insérée dans l’ouvrage célèbre du père Jean-Baptiste Du Halde (1674-1743), Description géographique, historique, chronologique, politique et physique de l’empire de la Chine et de la Tartarie chinoise, enrichie des cartes générales et particulières de ces pays…, paru une première fois, à Paris, en 1735 et réédité en 1770 (fig. 3). Dans cet ouvrage, qui figurait dans toutes les bonnes bibliothèques du xviiie siècle, Du Halde avait réuni les 7


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Fig. 4 Saint François-Xavier qui débarque à la Chine Joseph-Marie Vien (1716-1809) Huile sur toile 1753 H. : 0,964 m ; L. : 0,791 m Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, dépôt du musée Louis-Senlecq, L’Isle-Adam Inv. MV 9044

4. Dangeau (Philippe de Courcillon, marquis de), Journal du marquis de Dangeau, publié par E. Soulier, L. Dussieux, P. de Chennevières, P. Mantz, A. de Montaiglon, Paris, Firmin Didot, t. VII, p. 226-227 : « Après souper il y eut une fort jolie mascarade de roi de la Chine avec des entrées de ballet et de la musique, et ensuite il y eut bal jusqu’à minuit. Les danseurs du bal étaient monseigneur le duc de Bourgogne et messeigneurs ses frères, M. de Chartres, M. le Duc […].

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observations des mathématiciens du roi, les journaux de voyage du père Bouvet, mais aussi une abondante cartographie et une description très précise des différentes provinces de Chine et de leurs villes principales. L’ensemble, très riche d’enseignements de toutes sortes, devait passionner les intellectuels français et nourrir l’enthousiasme des sinophiles. Plusieurs membres de la famille royale, notamment Louis XVI, Marie-Antoinette, la comtesse de Provence ou Mesdames, possédèrent des exemplaires de l’ouvrage. Sous les règnes de Louis XV (1710-1774) et de Louis XVI (1754-1793), la mission jésuite de France en Chine demeura vivante et active, malgré la querelle des Rites et la dissolution de la Compagnie de Jésus, en particulier grâce au concours du contrôleur général des Finances, puis secrétaire d’État, Henri-Léonard Bertin (1720-1792), un sinologue averti, ami des physiocrates, vivement intéressé par les sciences mais aussi par les productions chinoises, en perpétuelle correspondance avec les pères jésuites présents en Chine. Bertin soutint avec ténacité les missions jésuites françaises en Chine ainsi que leurs publications, notamment avec la grande aventure éditoriale que constitua, à partir de 1776, la parution des Mémoires concernant l’histoire, les sciences, les arts, les mœurs, les usages, etc. des Chinois, par les missionnaires de Pékin, chez Nyon l’aîné, à Paris. Non content de développer les connaissances françaises sur la Chine, il eut à cœur d’enrichir la Bibliothèque royale d’ouvrages chinois, mais aussi de faire connaître la France en Chine, profitant de la situation privilégiée des jésuites auprès de l’empereur. Dès 1764, Bertin mit en œuvre une correspondance suivie avec des jésuites français et chinois présents à la cour de Pékin, conservée aujourd’hui à la bibliothèque de l’Institut de France. Parmi ses principaux correspondants figuraient les pères Ko et Yang, deux jeunes jésuites chinois, mais aussi les pères Cibot et Amiot et le frère Panzi… Bertin assura financièrement la publication de cette correspondance à travers les quinze premiers volumes des Mémoires concernant les Chinois…, cités plus haut. Cette correspondance constitue un précieux témoignage de l’importance que Bertin attachait aux relations diplomatiques entre la France et l’empire du Milieu dans la seconde moitié du xviiie siècle. Elle atteste également de son souhait de mieux connaître les ressources et les savoir-faire chinois dans de nombreux domaines, comme ceux de l’agriculture, du commerce, de la production du thé, de la soie ou de la porcelaine, afin de participer aux progrès de l’économie et des sciences françaises. Elle a contribué de manière significative à la naissance, dans la seconde moitié du xviiie siècle, de la sinologie moderne. Cette correspondance eut bien sûr de nombreux échos à la cour de Versailles, mais aussi dans les milieux intellectuels du temps, en particulier chez les philosophes et les économistes. Certains membres de la famille royale n’étaient pas insensibles au sort des jésuites missionnaires en Chine. La reine Marie Leszczynska (1703-1768), très pieuse, s’intéressait personnellement à l’histoire des premiers membres de la Compagnie de Jésus parvenus en ExtrêmeOrient, comme le montre une toile peinte pour un cabinet de son appartement intérieur à Versailles par Joseph-Marie Vien (1716-1809), Saint François-Xavier qui débarque à la Chine (fig. 4). Cette œuvre, qui illustre un événement irréalisé puisque François-Xavier n’accomplit jamais son rêve et mourut le 3 décembre 1552, sur l’îlot de Sancian, en face de Canton, sans pouvoir y débarquer, était un tableau de dévotion, comme son pendant, aujourd’hui disparu, Saint Thomas apôtre prêchant les Indiens. Mais il n’est pas indifférent que les deux tableaux aient figuré au cœur même de l’appartement intérieur de la Reine. Au xviiie siècle, les jésuites français gardèrent leur influence à la cour de Chine grâce à leurs connaissances scientifiques, mais également grâce à leurs talents de peintres, de musiciens, d’architectes, de fontainiers ou d’hydrographes. Le frère Jean-Denis Attiret (1702-1768) devint peintre de l’empereur et devait participer, avec le jésuite italien Giuseppe Castiglione (16881766), à l’exécution des dessins célébrant les victoires remportées par l’empereur Qianlong, au cours des années 1750, dans le nord de la Chine. Ces dessins furent à l’origine de l’une des plus fameuses commandes de gravures, adressée à la France en 1765 et devenue une véritable affaire d’État. Un autre jésuite, le frère Michel Benoît (1715-1774), astronome de formation, fut aussi remarqué pour ses talents d’architecte et de fontainier, et contribua à l’élévation de certains palais et jeux d’eau du Yuanming Yuan, au cœur même de la Cité interdite, à Pékin.


L A FASCINATION POUR LES PRODUCTIONS ARTISTIQUES DE L A CHINE

Fig. 5 Fontaine en porcelaine de Chine et bronze doré Porcelaine, Chine, Jingdezhen, époque Kangxi (1662-1722) ; bronze doré, Paris, vers 1785 H. : 0,374 m ; L. : 0,308 m ; Pr. : 0,250 m Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art Inv. OA 7

À cette admiration pour l’antique civilisation chinoise s’ajoutait, au début du xviiie siècle, à la cour de France, comme chez les grands amateurs contemporains, une véritable fascination pour les productions artistiques de la Chine. Celle-ci était déjà apparue au milieu du xviie siècle, comme le montrent les collections du cardinal Mazarin, le parrain du roi Louis XIV. Au début du règne de Louis XIV, c’est ce goût pour une Chine merveilleuse et rêvée qui transparaît dans l’élévation, à Versailles en 1670, par Louis Le Vau, du Trianon de porcelaine, qui n’avait qu’un lointain rapport avec son modèle présumé, la pagode de porcelaine de Nankin. L’image de cette dernière avait été largement diffusée par les illustrations de l’ouvrage de Jean Nieuhoff, L’Ambassade de la Compagnie orientale des Provinces-Unies vers l’empereur de Chine ou grand cam de Tartarie…, paru à Leyde en 1665. Seize ans après la construction du Trianon de porcelaine, la visite des ambassadeurs du Siam, munis de nombreux cadeaux destinés à la famille royale, devait aviver l’attirance de la cour pour les objets d’art venus de Chine. En effet, parmi les présents de la famille royale de Siam figuraient beaucoup d’œuvres chinoises, des pièces d’orfèvrerie, un grand paravent « à douze feuilles, ouvrage de Péquin », des papiers peints à décor de fleurs et d’oiseaux, des tapis, des pierres dures, des meubles en laque de Chine et du Japon, des porcelaines des « Indes », provenant en réalité de Chine. Si le roi recevait le plus grand nombre d’objets, « quinze cents ou quinze cent cinquante pièces de pourcelaine », le dauphin, la dauphine, le duc de Bourgogne et le duc d’Anjou n’avaient pas été oubliés par le roi du Siam, Phra Naraï (1633-1688). Depuis l’ouverture de la route maritime de la Chine par le cap de Bonne-Espérance par Vasco de Gama, les compagnies portugaise puis anglaise et néerlandaise des Indes orientales s’étaient chargées de diffuser sur le marché français de très nombreux objets d’art chinois. À partir de 1700, le relais fut pris par la Compagnie française des Indes orientales, contrôlée par l’État, qui était son principal actionnaire. Celle-ci avait été créée par Colbert en 1664, mais ne devint réellement active qu’au début du xviiie siècle. Il s’agissait dans l’esprit de son fondateur de procurer au royaume une partie du commerce avec l’Asie et d’empêcher que les Hollandais n’en profitent seuls. À cette date, l’accroissement très rapide des importations d’objets chinois effectuées par la Compagnie donna au goût pour la Chine une place encore jamais atteinte et contribua durablement au développement de l’influence de l’art chinois sur l’art français. Tous ces événements trouvèrent de véritables échos à la cour de France, à Versailles mais aussi dans ses satellites, situés en Île-de-France, Marly, le Val, la Muette, Meudon, Choisy, Bellevue ou encore Saint-Cloud, à la fin du xviiie siècle. Le 7 janvier 1700, à Marly, la résidence favorite de Louis XIV, les festivités du carnaval du nouveau siècle s’ouvrirent sous le signe de la Chine. André Danican Philidor (1652-1730) avait été chargé de composer pour l’occasion une Mascarade du roi de la Chine qui fut jouée de nouveau le lendemain, selon le témoignage du marquis de Dangeau 4. Si à Versailles, dans leur appartement d’apparat, Louis XIV et ses successeurs, protecteurs attitrés des artistes, des artisans français et des manufactures royales, ne pouvaient afficher ostensiblement leur goût personnel pour la Chine, en revanche, ils n’y manquèrent pas dans la sphère privée des appartements intérieurs et dans leurs retraites favorites. L’un des vecteurs les plus puissants de l’introduction de l’art chinois à la cour de France fut la porcelaine. Ce matériau, considéré comme un véritable or blanc jusqu’au milieu du xviiie siècle, en raison de sa rareté et du mystère qui entourait sa fabrication, commença à entrer dans les collections royales françaises, en très petit nombre au xvie siècle, à l’époque de François Ier. Sous le règne de Louis XIV, les porcelaines de Chine présentes dans les résidences royales étaient beaucoup plus nombreuses. Le roi en possédait lui-même à Versailles, en grande partie offertes par les ambassadeurs du Siam, mais également au château du Val, près de Saint-Germain-en-Laye, ou encore dans son cher Marly. Son fils aîné, le Grand Dauphin, se révéla être, avec le duc d’Orléans et le prince de Condé, l’un des plus grands collectionneurs de porcelaines de Chine de son temps. Ce goût pour les porcelaines de Chine, au temps de Louis XIV et sous la Régence, trouva un reflet dans la peinture contemporaine, en particulier dans les œuvres d’Alexandre-François Desportes, qui représente fréquemment des porcelaines de Chine dans ses natures mortes ou dans ses buffets d’orfèvrerie, parfois eux-mêmes destinés à des résidences royales, comme Marly ou, plus tard, Choisy. 9


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Fig. 6 François Boucher (1703-1770), La Toilette, huile sur toile, 1742, Madrid, musée Thyssen-Bornemisza, inv. Nr. 58 (1967.4).

5. Louis Courajod (Louis), Livre-Journal de Lazare Duvaux, marchand bijoutier ordinaire du roy, 1748-1758, Paris, Société des bibliophiles français, t. II, p. 241, no 2137. 6. Du nom d’une célèbre famille de vernisseurs parisiens au xviii e siècle. 7. Inv. 1973.315.1.

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Si les premières porcelaines de Chine mentionnées à Versailles et dans ses satellites étaient le plus souvent ornées de décor en bleu et blanc, à partir des années 1730-1740, on leur préféra les céladons ou les couvertes monochromes et on leur adjoignit systématiquement des montures en bronze doré qui amplifiaient leur préciosité, les acclimataient au goût français et témoignaient du savoir-faire des fondeurs parisiens. Ce goût des membres de la famille royale pour les porcelaines de Chine montées est illustré à l’exposition par la présence de la célèbre fontaine à parfum, livrée pour la garde-robe de Louis XV, à Versailles, en 1743 par le marchand mercier parisien Thomas-Joachim Hébert. Louis XV se fournissait également chez le marchand Lazare Duvaux, chez qui il acquit, notamment pour le Grand Trianon, plusieurs porcelaines de Chine, en particulier, le 22 avril 1755 : « Un gros vase bleu de porcelaine ancienne, monté en bronze doré d’or moulu […] Deux bouteilles de porcelaine vert céladon, cannelées, montées en bronze doré d’or moulu […] 5. » Ce goût de Louis XV était partagé par sa maîtresse, madame de Pompadour (1721-1764), qui emplit l’ensemble de ses résidences versaillaises et parisiennes, notamment l’hôtel d’Évreux (actuel palais de l’Élysée), de porcelaines de Chine montées d’un luxe inouï. Ce goût de la famille royale pour les porcelaines de Chine montées perdura sous le règne suivant, chez Mesdames à Bellevue, chez le comte de Provence, mais avant tout chez la reine Marie-Antoinette, qui acquit pour le Cabinet doré et le cabinet de la Méridienne, à Versailles, des pièces rares, aux montures d’une grande somptuosité (fig. 5). D’autres produits de Chine étaient particulièrement appréciés à la cour de France dès la fin du xviie siècle, comme les laques, les pierres dures, les cloisonnés, les éventails, les étoffes et les papiers peints. Ces derniers, exportés dès la fin du xvie siècle vers l’Europe par la Compagnie anglaise des Indes, semblent avoir spécialement attiré l’ensemble de la famille royale au milieu du xviiie siècle. Leurs usages étaient multiples. Ils servaient à garnir des murs, mais aussi des écrans de cheminée, des paravents ou des écrans à main, comme en témoigne l’admirable Toilette de François Boucher (fig. 6). On en trouve mentionnés chez Louis XV à Choisy, chez madame de Pompadour dans son appartement et son ermitage de Versailles, ainsi qu’au château de Bellevue, mais aussi chez la dauphine Marie-Josèphe de Saxe… La reine Marie Leszczynska, en 1747, avait fait tendre de papiers peints chinois l’un des cabinets de son appartement intérieur, devenu ultérieurement, en 1761, le cabinet des Chinois. Le goût pour l’art chinois qui se diffusait en France, grâce aux marchandises transportées sur les navires de la Compagnie française des Indes orientales, eut aussi une influence considérable sur l’art français, qui se manifesta par trois phénomènes distincts : la transformation des œuvres d’importation, leur imitation et leur utilisation par les artistes et les artisans français comme sources d’inspiration. Aussi étrange que cela puisse paraître à nos contemporains, on n’hésita pas, très tôt, à transformer les objets chinois d’importation pour les magnifier, mais aussi pour les adapter au goût français. La manifestation la plus ancienne et la plus connue de ce phénomène fut l’adjonction, dès la fin du Moyen Âge, de montures en métal précieux aux pièces de porcelaine de Chine. Cette habitude ancestrale connut un âge d’or au xviiie siècle avec le développement du bronze doré, une spécialité des fondeurs-ciseleurs parisiens, comme le montrent plusieurs porcelaines de Chine montées, de provenance royale, présentées à l’exposition. Les laques de Chine, qui transitaient sous la forme de paravents ou de cabinets par les côtes de Coromandel, n’échappèrent pas non plus aux transformations les plus radicales, exécutées par les ébénistes français, à l’instigation des marchands merciers. On n’hésita pas ainsi à dépecer ces objets de leurs panneaux de laque pour les plaquer sur des meubles d’ébénisterie, souvent enrichis de bronzes dorés. Une autre facette de ce goût chinois réside dans le désir d’imiter les produits de Chine, dont la fabrication demeurait parfois un véritable mystère pour les Européens. En France, il revêtit deux aspects essentiels, dont le plus visible fut la recherche frénétique des secrets de fabrication de la porcelaine de Chine. Celle-ci fut vivement encouragée par les autorités françaises dès le règne de Louis XIV, notamment à la manufacture de Rouen dans les années 1670, et finit par se concrétiser, cent ans plus tard, à la manufacture de Sèvres, après la découverte de gisements de kaolin à Saint-Yrieix-la-Perche, en Limousin. Jusque-là, on fabriquait en France une porcelaine


artificielle, dite « tendre », dépourvue totalement de kaolin. Le second aspect fut l’invention, dès les années 1670, de vernis français à l’imitation des laques de Chine, susceptibles de compléter, voire de suppléer les laques d’Extrême-Orient, jugés trop coûteux. À Versailles, au milieu du xviiie siècle, l’un des plus beaux exemples de meuble recouvert de vernis français « façon de la Chine » était constitué par le somptueux bureau plat en laque rouge et or, à décor de pagodes et de paysages chinois, fourni à Louis XV par Gilles Joubert pour le cabinet d’angle, en décembre 1759 (fig. 7). Ce meuble, conservé aujourd’hui au Metropolitan Museum of Art, laqué de vernis Martin 6, témoigne du goût chinois du roi au cœur même de l’appartement intérieur 7. La troisième conséquence de ce goût pour les productions artistiques de la Chine se manifesta dans la création d’œuvres d’art françaises à sujets chinois ou inspirées par des descriptions illustrées de la Chine, dans de nombreux domaines, peinture, estampe, tapisserie, céramique, textile, bronze d’ameublement, architecture, art des jardins, etc. Versailles et ses satellites furent touchés à de nombreux titres par ce mouvement au xviiie siècle. Ainsi, une Chasse chinoise, peinte par Jean-Baptiste Pater, fut-elle incluse en 1736 dans le cycle des Chasses exotiques, commandé par le roi pour la Petite Galerie, à Versailles. En 1761, un cabinet des Chinois, composé par des peintres français, fut aménagé à l’emplacement du cabinet de Marie Leszczynska, cité plus haut, qui avait été tendu, en 1747, de papiers peints chinois. La Chine, illustrée par les peintres choisis par la reine, n’était pas totalement imaginaire puisque ceux-ci avaient puisé leur inspiration dans des ouvrages écrits et illustrés par des personnages qui étaient allés en Chine, comme Jean Nieuhoff ou, plus récemment, William Chambers. De nombreux textiles français tissés, parfois brodés ou peints « à la chinoise » se répandirent à Versailles et dans d’autres résidences royales, comme Compiègne sous le règne de Louis XVI. Dans la bibliothèque aménagée pour le roi en 1774, dans l’appartement intérieur de Versailles, les sièges étaient garnis de « pékin » peint. Les étoffes du cabinet de la Méridienne, créé par Richard Mique en 1781, entièrement tissées à Lyon, étaient enrichies de broderies « à la chinoise ». Dans les années 1770-1780, les sujets chinois prirent une importance considérable dans la nouvelle production de pâte dure, mise en œuvre à la manufacture royale de porcelaine de Sèvres. Ils furent très appréciés par la famille royale qui acquit de nombreuses pièces ornées de ce type de décor. Certaines d’entre elles, conservées aujourd’hui dans les collections royales anglaises ou au musée de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg, sont présentées à l’exposition. Enfin, cette influence de la Chine sur l’art français devait trouver à Versailles une sorte d’apothéose au Petit Trianon, avec la plantation, à partir de 1776, sous la direction de Richard Mique, d’un jardin anglo-chinois. Ce dernier constituait, à l’image de la folie de Chartres (actuel parc Monceau), une sorte de monde en miniature où la Chine, avec le célèbre mais éphémère jeu de bague chinois, trouvait sa place au même titre que la Grèce antique, à travers le temple de l’Amour, élevé deux ans plus tard.

Fig. 7 Gilles Joubert (1689-1775), Bureau plat en laque rouge et or de Louis XV, 1759, New York, The Metropolitan Museum of Art, don de monsieur et madame Charles Wrightsman en 1973, inv. 1973.315.1.

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PORTRAIT DE LOUIS XIV PARMI LES ATTRIBUTS DES ARTS ET DES SCIENCES

Cette effigie de Louis XIV constitue un hommage au mécène idéal, protecteur des Jean Garnier (1632-1705) arts et des sciences, sources de richesses pour son royaume. Huile sur toile Vers 1672 Le roi est représenté ici en H. : 1,63 m ; L. : 2,04 m homme de guerre portant une Historique : morceau de réception de l’artiste à l’Académie cuirasse fleurdelisée, dans un royale de peinture et de sculpture en janvier 1672 ; portrait souligné d’un cadre anc. coll. de l’Académie ; saisie révolutionnaire. Transféré à Versailles en 1798 feint, exécuté d’après un tableau Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon peint par Claude Lefèvre entre Inv. MV 2184 1665 et 1670. L’ effigie est savamment entourée par les arts, illustrés ici par divers instruments de musique (basse de viole, violon, guitare, musette de cour, etc.), et par le plan de la Maison carrée de Nîmes. Le protecteur des sciences, enfin, est évoqué par le globe celeste où l’on distingue les constellations du zodiaque, par les livres savants et par les différents instruments scientifiques. Rappelons qu’en 1666 et en 1667, avec le soutien appuyé de Colbert, Louis XIV avait créé respectivement l’Académie royale des sciences et l’Observatoire de Paris. C’est par les sciences que Louis XIV parvint à entrer en contact avec l’empereur Kangxi (16541722). Les cinq émissaires jésuites qu’il envoya à la cour de Pékin le furent en tant que mathématiciens et gagnèrent ainsi la confiance de l’empereur. L’ exemple avait été donné bien des années plus tôt par deux célèbres pères jésuites, Adam Schall et Ferdinand Verbiest, qui avaient présidé, à la demande du père de Kangxi, l’empereur Shunzhi, le Bureau impérial d’astronomie, chargé d’établir le calendrier. Les espérances de Louis XIV furent comblées par le succès avec lequel les jésuites remplirent leur mission et informèrent les Européens de tout ce qu’ils découvraient en Chine. Dès 1696, le père Le Comte, l’un des cinq mathématiciens de Louis XIV et l’un des correspondants, avec le père Bouvet, de l’abbé Bignon à l’Académie des sciences, publiait en France les Nouveaux Mémoires sur l’état présent de la Chine, qui apportèrent des connaissances nouvelles sur l’empire du Milieu. La mission des jésuites envoyés en Chine par Louis XIV devait trouver des suites fructueuses tout au long du siècle suivant, notamment avec la publication des Lettres édifiantes et curieuses, adressées à partir de 1702 par les jésuites français et étrangers à des correspondants européens, ou encore avec la Description géographique, historique, chronologique, politique et physique de l’empire de la Chine et de la Tartarie chinoise…, composée en 1735 par le père Du Halde. M.-L. R. 12



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COUPE

Cette précieuse coupe, aux anses en forme de dragons affrontés, est sans doute l’un des premiers objets chinois à avoir figuré dans les collections de Louis XIV. Elle appartenait précédemment à Mazarin, qui l’acquit entre 1653 et 1661. Elle est ainsi décrite dans son inventaire après décès : « Une petite tasse de jade blanc ayant deux ances darpies à jour. » Selon Patrick Michel, le cardinal possédait huit pièces en jade parmi ses gemmes. En 1665, le roi acquit la plupart de ces dernières, auprès de ses héri-

Jade blanc Chine Époque Ming (1368-1644) H. : 0,055 m ; L. : 0,129 m ; D. : 0,073 m Historique : anc. coll. du cardinal Mazarin. Acquise en 1665 par Louis XIV Paris, musée national des Arts asiatiques Guimet Inv. MR 204

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tiers, soit près de deux cents pièces, dont la célèbre nef de Rodolphe II. Les gemmes furent d’abord présentées à Versailles puis aux Tuileries. Elles revinrent à Versailles en 1682. On les installa dans le cabinet des Raretés ou des Curiosités, alors situé à l’emplacement du salon des Jeux de Louis XVI. On y pénétrait par le salon de l’Abondance, dont le plafond peint par Houasse rendait un vibrant hommage aux collections royales de pierres dures. Le jade est une gemme extrêmement dure et difficile à travailler, vénérée en Chine et considérée comme une pierre précieuse. Le jade blanc est jugé comme le plus pur de tous. M.-L. R.


LE TRIANON DE PORCELAINE CÔTÉ COUR

Cette gravure, éditée par Delespine, montre le précieux château de Willem Swidde le Jeune (1661-1697) style chinois, construit en 1670 par Le Vau, aux confins du Eau-forte Vers 1670-1680 domaine de Versailles, pour H. : 0,385 m ; L. : 0,490 m abriter les amours de Louis XIV Versailles, musée national des châteaux et de madame de Montespan. de Versailles et de Trianon Édifié entre cour et jardin à Inv. GRAV 70 l’emplacement d’un village connu depuis le Moyen Âge (Triasnum), il possédait une avant-cour circulaire et deux ailes en retour, formées chacune de deux petits pavillons abritant les services de la bouche, ce qui autorisa SaintSimon à qualifier l’ensemble de « maison de porcelaine pour aller faire des collations ». En effet, jamais le roi ne dormit dans ce château de campagne, qui pourtant disposait de deux chambres que suivait un cabinet « où est joint une volière en saillie et une garde-robe ». Ces appartements encadraient un vestibule et un salon donnant sur les jardins. À droite se trouvait la chambre de Diane, à gauche celle des Amours, toutes deux avec

de grands lits jugés « extraordinaires ». Orné de panneaux de stuc peint en bleu et blanc dus à Pierre Mazeline, de meubles de vernis et « masticq », d’ivoire, livrés par Pierre Gole, de soieries semées de fleurs chinoises à compartiments or et bleu, du tapissier Le Roux, l’intérieur ne le cédait en rien à l’extérieur, entièrement couvert de faïences bleu et blanc, particulièrement le haut comble brisé, orné de vases, d’enfants et d’animaux, qui évoquait l’architecture chinoise, bien française cependant dans sa conception. Des bustes scandaient la façade. Toutes les manufactures, de Delft, de Saint-Cloud, de Nevers, de Rouen, de Lisieux, avaient fourni ces décors de « pourceleine » bleu et blanc « en façon de Chine », qui couvraient jusqu’aux vases des jardins. Aussi le château fut-il très vite appelé « Trianon de pourceleine ». Outre qu’il était très fragile et subissait les rigueurs des rudes hivers du xviie siècle, il ne survécut pas au désamour du roi pour la marquise de Montespan. Il fut détruit et remplacé en 1687 par le Trianon de marbre, œuvre de Jules Hardouin-Mansart. J. B. 15


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LES ASTRONOMES

La tenture de l’Histoire du roy de la D’après Jean-Baptiste Monnoyer (1636-1699), Chine, dont fait partie cette pièce, Jean-Baptiste Belin de Fontenay (1653-1715) fut tissée à la manufacture de et Guy-Louis Vernansal (1648-1729) Beauvais à partir de 1690, sous Pièce de la Première Tenture chinoise de Beauvais la direction de Philippe Béhagle Tapisserie de basse lisse, laine et soie, (1641-1705). Elle comporte neuf tissée sous la direction de Philippe Béhagle pièces racontant les voyages de Manufacture de Beauvais l’empereur de Chine et évoque Premier tiers du XVIII e siècle H. 3,20 m ; L. : 4,10 m le séjour de pères jésuites astroHistorique : anc. coll. Paul Leblanc-Duvernoy (1840-1926), œuvre nomes à la cour de Pékin. classée au titre des Monuments historiques le 19 juin 1951 La pièce Les Astronomes montre Auxerre, musées d’art et d’histoire d’Auxerre l’empereur de Chine, dont Inv. 26.1.1 Charissa Bremer-David a supposé qu’il s’agissait de Shunzhi (règne : 16441661), entouré de plusieurs personnages s’activant autour d’un globe céleste, d’une sphère armillaire et de télescopes. L’ empereur, vêtu de rouge, porte sur la poitrine l’emblème impérial du dragon. Assis en face de lui, un compas à la main, le père Adam Schall (1592-1666), responsable du Bureau impérial d’astronomie, porte un habit de mandarin orné d’un plastron avec un oiseau aux ailes écartées. Sur la droite, le père Ferdinand Verbiest (1623-1688) se tient debout, au pied de la sphère armillaire. Il se penche vers un enfant tenant un livre et un compas, dont on peut imaginer qu’il s’agit du fils de Shunzhi, le jeune Kangxi (1654-1722). Cette scène pourrait se situer peu de temps après l’arrivée du père Verbiest, appelé par le père Schall à Pékin en 1660 pour travailler à la réforme du calendrier, et avant la mort prématurée de l’empereur Shunzhi en 1661. Dans le fond sont représentés le mur d’enceinte d’une ville ainsi qu’une pagode à plusieurs étages qui rappelle celle de Nankin, capitale de la Chine à l’époque des Ming. Ce décor architectural, qui figure également sur d’autres pièces de la tenture, s’inspire sans doute des nombreuses gravures de l’ouvrage de Jean Nieuhoff. Il existe un tissage en plus grande largeur des Astronomes, qui montre sur la gauche un père 16

jésuite, probablement de nouveau Adam Schall, au pied d’un escalier surmonté d’un temple. Le passage à Versailles en 1684 du père jésuite français Philippe Couplet (1623-1693), venant de Chine avec un jeune jésuite chinois, Shen Fuzong (1658-1691), marqua beaucoup la cour et particulièrement le jeune duc du Maine (16701736), fils légitimé de Louis XIV et de madame de Montespan. Edith Standen et Madeleine Jarry ont émis l’hypothèse que cette rencontre aurait inspiré le thème de la tenture. Les deux premiers tissages furent commandés par le duc du Maine et le comte de Toulouse (1678-1737), son cadet. Le duc du Maine paya sa tenture, tissée de laine, de soie et de fils d’or, la somme importante de 20 000 livres. Celle du comte de Toulouse, sans fils d’or et composée de dix pièces à son monogramme, coûta 10 565 livres. Sa présence est attestée dans son château de Rambouillet en 1718. Alors que la tenture du duc du Maine n’est pas identifiée, celle du comte de Toulouse a survécu. Deux pièces furent achetées par l’impératrice Eugénie et installées dans le salon de musique du château de Compiègne, où elles sont toujours conservées. On retrouve les huit autres pièces dans la vente des collections de Louis-Philippe, descendant du comte de Toulouse par sa mère, où elles furent dispersées en deux lots. Les six pièces du premier lot, dont Les Astronomes, figurent actuellement dans les collections du J. Paul Getty Museum, à Los Angeles. Cette tenture connut un grand succès et fut tissée à plusieurs reprises à la manufacture de Beauvais, jusqu’à l’épuisement des cartons en 1732. Des esquisses pour une nouvelle tenture furent alors commandées au peintre François Boucher (17031770) et une Seconde Tenture chinoise prit le relais à Beauvais à partir de 1743. La pièce exposée est, en raison de sa simple bordure à enroulements, généralement considérée comme un tissage du premier tiers du xviiie siècle. A.-C. S.



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PORTRAIT DE LOUIS XV Atelier de Louis Michel Van Loo (1707-1771) Huile sur toile Vers 1761-1765 H. : 0,72 m ; L. : 0,56 m Historique : anc. coll. royales Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon Inv. MV 190

Comme son arrière-grand-père, Louis XV avait à cœur de protéger les manufactures et les artistes français. Aussi son goût pour les productions de la Chine et pour les œuvres françaises influencées par l’art chinois se manifesta-t-il surtout dans les espaces privés qu’il occupait à Versailles et dans ses résidences favorites d’Île-de-France, notamment la Muette et Choisy. Le château de la Muette de Paris, où Watteau avait exécuté les premiers décors à la chinoise du xviiie siècle, fut acheté par Louis XV au Régent en 1719. Il fut totalement réaménagé entre 1741 et 1745 par Jacques V Gabriel et son fils, AngeJacques. Louis XV y séjourna très régulièrement dans les années 1750. À la Muette, le roi laissa libre cours à son goût pour la porcelaine de Chine. Le 9 avril 1754, Duvaux livra à « M. le Premier pour le Roy [à] la Muette deux pots-pourris de terre des Indes [de Chine] à relief, garnis en bronze doré d’or moulu, 288 l. […] Un plateau de lacq à rebord, 72 l. ». Le 26 janvier 1755, le marchand vendait de nouveau à « M. le Premier : Pour la Muette, les pieds en bronze doré d’or moulu faits pour deux pots-pourris bleus, 18 l. ». Le château de Choisy, acquis par Louis XV en 1739, abrita quelques années les amours du roi et de madame de Mailly, pour laquelle fut aménagée en 1742 la célèbre Chambre bleue, avec son mobilier peint en vernis français, à la façon des laques de Chine. Le goût chinois régnait aussi à Choisy dans l’appartement du Roi, comme nous le verrons plus loin. Le goût du roi pour l’Extrême-Orient se manifesta également dans les nombreux cadeaux qu’il effectua, notamment chez le marchand Duvaux, à l’intention de membres de sa famille ou de madame de Pompadour. Ceux-ci étaient souvent constitués d’objets en laque d’Extrême-Orient. Ainsi, le 14 mai 1751, Duvaux livrait-il de la part du roi à Madame Adélaïde : « Une boëte à parfiler en lacq aventurine & or, garnie d’entrées & charnières d’or […] 365 l. » Le 19 mai suivant, Madame Victoire recevait un présent similaire. Louis XV soutint avec constance l’action de son ministre Bertin, un sinologue averti, qui entretenait une correspondance assidue avec les jésuites fran18

çais de Chine. Bertin obtint pour la France la fabuleuse commande des gravures des Conquêtes de l’empereur de la Chine. Afin d’entretenir les bonnes relations diplomatiques tissées avec la Chine depuis le règne de Louis XIV, ce dernier adressa au nom du roi des présents à l’empereur Qianlong, constitués entre autres d’instruments scientifiques, de pièces de porcelaine de Sèvres et d’une série complète de la Seconde Tenture chinoise, tissée à Beauvais d’après les esquisses de Boucher. M.-L. R.


PORTRAIT DE L’EMPEREUR QIANLONG (1711-1799) Attribué au frère Giuseppe Castiglione (1688-1766) Peinture à la colle sur papier Vers 1736 H. : 0,562 m ; L. : 0,423 m Paris, musée national des Arts asiatiques Guimet Inv. MG 26586

L’ empereur Qianlong, représenté ici très jeune et en buste, régna sur la Chine de 1736 à 1795, date à laquelle il abdiqua. Il stabilisa les frontières septentrionales de la Chine par des campagnes militaires, menées avec succès de 1755 à 1759. Qianlong porte ici le bonnet de fourrure, surmonté d’une perle, qu’on lui voit aussi sur la plaque en porcelaine de Sèvres, peinte par Asselin en 1776. Giuseppe Castiglione commença à peindre dès la période de son noviciat dans la Compagnie de Jésus, à Gênes, en 1707. Il acheva sa formation à Coimbra, au Portugal, avant de s’embarquer pour la Chine en 1714. Il parvint à Pékin en 1715 et fut rapidement présenté à l’empereur Kangxi. Il commença aussitôt à travailler pour l’atelier de peinture impérial en compagnie du Napolitain Matteo Ripa (1682-1745). Son nom chinois était Lang Shining. Il demeura à Pékin jusqu’à sa mort en 1766. Sur un rouleau peint sur soie par Castiglione et conservé au musée de la Cité interdite, à Pékin, Qianlong a écrit de lui : « Shining excelle dans l’art du portrait, il m’a peint dans mes jeunes années […]. » Castiglione, comme ses collègues européens, Panzi et Attiret notamment, apprit à maîtriser les techniques de peinture chinoises. Castiglione était également réputé pour ses représentations de chevaux. Il participa à l’exécution des Batailles de l’empereur de Chine, ainsi qu’à celle des dessins, destinés à être gravés à Paris sous la direction de Charles-Nicolas Cochin. Il contribua aussi, en collaboration avec le jésuite français le père Benoist, au décor des édifices et des jardins créés par Qianlong dans l’enceinte du palais d’Été du Yuanming Yuan. M.-L. R. 19


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LA CHASSE CHINOISE

Le cycle des neuf Chasses exotiques, dit « des Chasses en pays étrangers », Huile sur toile fut exécuté de 1735 à 1739 pour 1736 Louis XV par quelques-uns de Signée et datée en bas à gauche ses meilleurs peintres, François H. : 1,72 m ; L. : 1,27 m Boucher, Jean-François de Troy, Historique : anc. coll. de Louis XV ; mise en place en 1737 ; envoyée à la surintendance des Bâtiments en 1739 ; transférée Charles Parrocel, Nicolas Lancret, au Muséum central des arts en 1794 ; déposée de 1832 à 1922 Jean-Baptiste Pater et Carle Van au château de Fontainebleau. Dépôt du musée du Louvre Loo. Il était destiné à orner les au musée d’Amiens en 1923 Petits Cabinets du Roi, à Versailles. Amiens, musée de Picardie, dépôt du musée du Louvre, département des Peintures La première commande, datée Inv. musée d’Amiens 2088. Inv. musée du Louvre 7144 de 1735, comprenait six tableaux, dont La Chasse chinoise. Elle fut ordonnée à l’époque où le duc d’Antin était surintendant des Bâtiments. L’ ensemble fut exécuté pour décorer la Petite Galerie, aménagée à Versailles dans le Petit Appartement du Roi, situé au deuxième étage, au nord de la cour de Marbre. La galerie était précédée à l’est d’une salle à manger d’hiver. Cette dernière fut diminuée en 1738 au profit de la Petite Galerie. Ces travaux d’agrandissement conduisirent à la commande de trois tableaux supplémentaires. Xavier Salmon a souligné en 1995 que les neuf peintures qui constituaient l’ensemble avaient été exécutées par des peintres d’histoire et non des peintres animaliers, et rappelé à juste titre le préJean-Baptiste Pater (1695-1736)

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cédent rubénien, la célébrissime Chasse aux lions, de la Alte Pinakothek, à Munich. Tous les tableaux furent dotés d’une très riche bordure en bois doré d’esprit rocaille. La Chasse chinoise n’eut pas, semble-t-il, le succès escompté car, dès 1739, elle fut envoyée à la surintendance des Bâtiments et remplacée par La Chasse à l’autruche de Carle Van Loo. Pater, disciple avec Lancret de Watteau, peintre de fêtes galantes, n’était sans doute guère habitué à peindre de grands tableaux d’histoire. Le Petit Appartement du Roi fut occupé quelque temps, à partir de novembre 1766, par la dauphine Marie-Josèphe de Saxe (1731-1767), après la mort de son époux, le dauphin Louis (1729-1765). La Petite Galerie fut transformée en grand cabinet pour la princesse. Les tableaux des Chasses furent déposés après son décès, survenu le 13 mars 1767. Les lieux furent ensuite réaménagés avant d’être occupés, à partir de décembre 1770, par la nouvelle maîtresse royale, la comtesse Du Barry. L’ensemble des Chasses exotiques, transféré au Louvre à l’époque révolutionnaire, fut démantelé en 1801 lorsque quatre d’entre elles furent envoyées à Amiens pour le congrès de la Paix. Les neuf Chasses sont réunies au musée d’Amiens depuis 1923. M.-L. R.



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Ce vase en porcelaine « truittée » repose sur une somptueuse Porcelaine à glaçure céladon craquelé et céramique brune, Chine, Jingdezhen, début de l’époque Qianlong (1736-1795) ; terrasse en bronze doré d’un goût monture en bronze doré, rocaille affirmé. Des roseaux et Paris, vers 1743 rinceaux de feuillage qui forH. : 0,58 m ; D. du vase : 0,34 m ment la terrasse surgit un cygne Historique : livrée le 18 mai 1743 par le marchand Hébert pour la garde-robe de Louis XV à Versailles ; aux ailes éployées dont le bec attribuée après la mort du roi au duc d’Aumont ; vente, sert de robinet. Le couvercle, Paris, Aumont, 12 décembre 1782, no 193 ; acquise cerclé de feuillages en bronze par le marchand Julliot ; vente, Paris, galerie Charpentier, o doré, est sommé d’une écrevisse 17 mars 1956, n 51, pl. XVII. Donation Patiño en 1985 Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon de même métal. La monture Inv. V 5251 transforme ce vase balustre en une fontaine à parfum. Les bronzes évoquent la thématique de l’eau : coquilles, roseaux, cygne, écrevisse… L’ ensemble était accompagné à l’origine de deux chiens et d’une jatte en porcelaine de Chine, aujourd’hui disparus. Le fondeur auquel s’est adressé Hébert pour l’exécution des bronzes s’est sans doute inspiré d’un dessin des frères Slodtz, identifié en 1961 par Pierre Verlet. L’objet fut attribué selon l’usage, après la mort de Louis XV, au premier gentilhomme de la Chambre, le duc d’Aumont (17091782). Ce dernier était un très grand collectionneur de porcelaines de Chine et du Japon, comme le montre le catalogue de sa vente après décès qui se

FONTAINE À PARFUM

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tint à Paris en décembre 1782. Quatre cents pièces de porcelaines extrême-orientales figuraient dans le catalogue, distribuées en cent quatre-vingt-dix lots. Beaucoup furent achetées par Louis XVI et Marie-Antoinette par l’intermédiaire de Julliot. La fontaine fut acquise par ce dernier, mais on ignore pour qui. En 1782, elle était encore accompagnée de ses chiens de porcelaine. Elle réapparut près de deux siècles plus tard à Paris, malheureusement démunie des deux chiens. Cette fontaine à parfum est à ce jour la seule pièce de porcelaine de Chine ayant appartenu à Louis XV bien identifiée. Le roi acheta pourtant d’autres porcelaines de Chine par l’intermédiaire d’Hébert, mais aussi de Duvaux, pour ses diverses résidences. Ainsi, le 17 décembre 1750, acquit-il chez ce dernier « Deux buires de porcelaine bleu-céleste garnies en bronze doré d’or moulu, 600 l. », probablement pour Versailles. Au milieu du xviii e siècle, il était habituel d’associer aux porcelaines d’Extrême-Orient les montures en bronze doré les plus luxueuses. Celles-ci permettaient aux fondeurs parisiens de montrer leur savoir-faire et rendaient ces porcelaines plus conformes au goût français le M.-L. R. plus raffiné.



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Le ministre de Louis XV est représenté assis à son bureau, Alexandre Roslin (1718-1793) tenant son chapeau à la main et l’épée au côté, comme s’il s’apHuile sur toile prêtait à se lever. Il porte le ruban 1768 Signé et daté à droite : Roslin S/1768 et la plaque de l’ordre du SaintH. : 1,47 m ; L. : 1,13 m Esprit dont il fut grand trésorier Historique : anc. coll. d’Henri-Léonard Bertin ; puis, par descendance de 1762 à 1781. Le portrait est de sa sœur, coll. de monsieur et madame de Montferrand entouré d’un somptueux cadre Château de Montréal (Dordogne) à la grecque dont les différents éléments sculptés évoquent les charges du modèle : agriculture, haras, canaux… Une réplique de ce portrait est conservée à l’école vétérinaire de Maisons-Alfort. Henri-Léonard Bertin (1720-1792) était l’ami de Louis XV et de madame de Pompadour. Selon Michel Antoine, c’était un homme ouvert, intelligent et désintéressé. Né à Périgueux en 1720, il fut d’abord avocat à Bordeaux, intendant du Roussillon en 1750, intendant de Lyon de 1754 à 1757, puis lieutenant général de police à Paris jusqu’en 1759. Il fut alors nommé par Louis XV contrôleur général des Finances, en remplacement de monsieur de Silhouette, sinophile comme lui. Il conserva cette charge jusqu’en 1763, date à laquelle il dut démissionner. Il avait tenté d’assainir les finances du royaume pour solder les dépenses créées par la guerre de Sept Ans, provoquant la colère des parlements. Le 14 décembre 1763, il fut nommé secrétaire d’État, fonction qu’il conserva jusqu’en mai 1780. Le département, constitué spécialement pour lui comme un cinquième secrétariat d’État, n’avait encore jamais existé sous cette forme sous l’Ancien Régime. Il comprenait de nombreux domaines : les manufactures de porcelaine, les haras, les écoles vétérinaires, l’agriculture, les mines, les carrosses, les fiacres et les messageries, les canaux, la navigation, les manufactures de toiles peintes, la Compagnie des Indes, la correspondance avec la Chine… Bertin appartenait au milieu des physiocrates, passionnés comme lui par l’agronomie, mais aussi par tout ce qui venait de Chine. Toutefois, il rencontra dans l’accomplissement de ses missions de multiples difficultés avec le contrôle général des Finances, ce qui le conduisit à démissionner le 30 mai 1780. Il prit très à cœur son rôle de tuteur de la manufacture royale de porcelaine de Sèvres. Passionné par la porcelaine de Chine, il multiplia les efforts pour que l’on développât à Sèvres une production de porcelaine dure à la manière chinoise, à base de kaolin, matériau identifié dès les années 1730 par le chimiste Réaumur (1683-1757). Il encouragea pour cette raison les recherches de gisements de kaolin en Limousin. Il fut aussi longtemps en correspondance avec le comte de Vergennes, alors ambassadeur en Suède, pour faire venir à Sèvres du cobalt de Suède, présumé être d’une qualité supérieure. En tant que représentant

PORTRAIT D’HENRI-LÉONARDJEAN-BAPTISTE BERTIN

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du roi à Sèvres, il bénéficia presque annuellement à partir de 1763 de présents de la part de l’établissement. Ces cadeaux sont mentionnés une dernière fois en 1782. Le montant des présents durant toutes ces années était invariablement de l’ordre de 1 200 livres. Parallèlement, Bertin se révéla être un client régulier de l’établissement. Ses premiers achats semblent remonter au mois d’août 1762. En décembre 1764, il acquit « pour envoyer en Chine » sept vases, dix pièces de sculpture et deux pièces de toilette pour la somme de 4 560 livres. Il s’agissait là des pièces de Sèvres que Bertin voulait confier aux deux missionnaires chinois, Ko et Yang, qu’il avait pris sous sa protection, pour les offrir à l’empereur Qianlong. Ceux-ci s’embarquèrent pour la Chine le 1er février 1765 et parvinrent à la cour de Pékin le 2 février 1767. En 1779, Bertin fit acheter de nouveau à Sèvres, pour envoyer en Chine, cinq figures en biscuit, représentant saint Antoine, sainte Claire, sainte Thérèse, sainte Clotilde et saint Louis, pour la somme totale de 432 livres. À partir de 1765, Bertin mit en œuvre une correspondance suivie avec des jésuites français présents à Pékin, qui est conservée aujourd’hui à la bibliothèque de l’Institut de France. Parmi les correspondants de Bertin, on trouvait les pères Ko et Yang, cités plus haut, mais aussi les pères Cibot et Amiot et le frère Panzi. Bertin assura la publication de cette correspondance à travers les Mémoires concernant l’histoire, les sciences, les arts, les mœurs, les usages, etc. des Chinois, par les missionnaires de Pékin, dont le premier volume parut en 1776. Cette correspondance témoigne de l’importance que Bertin attachait aux relations avec la Chine dans la seconde moitié du xviiie siècle. Elle montre son désir de mieux connaître les ressources et les savoir-faire chinois dans de nombreux domaines afin de contribuer au progrès de l’économie et des connaissances scientifiques françaises. Aux jésuites français, il demandait en particulier de multiples renseignements sur l’agriculture, le commerce, la fabrication des porcelaines et des soieries chinoises. Bertin réunit des collections extrême-orientales importantes dans son hôtel parisien, situé à l’angle des Boulevards et de la rue Neuve-des-Capucines, et dans sa propriété de Chatou. On y trouvait une très importante bibliothèque qui comportait de nombreux ouvrages chinois dont beaucoup lui avaient été envoyés par le père Amiot, des naturalia et des objets d’art chinois qu’il avait rassemblés dans son cabinet, ouvert aux visiteurs. Il émigra en 1791 pour Aixla-Chapelle et mourut à Spa en 1792. Son cabinet et sa correspondance furent confisqués et vendus en 1792. Sa bibliothèque est conservée aujourd’hui à la Bibliothèque nationale de France. M.-L. R.



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MAQUETTE D’UN NAVIRE DE LA COMPAGNIE DES INDES, LE COMTE DE PROVENCE

Cette maquette au 1/48 du Comte de Provence, vaisseau de 1 490 tonneaux, a été réalisée d’après les plans de construction. Celui-ci Bois, toile et corde 1977 mesurait 168 pieds de longueur H. : 1,35 m ; L. : 1,60 m ; l. : 0,60 m (54,60 mètres) et 43 de largeur Échelle : 1/48 ; volum. : 1,296 (14 mètres). Il navigua entre Lorient, musée de la Compagnie des Indes, 1756 et 1764. musée d’art et d’histoire de la ville de Lorient Inv. ML 132 Au xviiie siècle, les vaisseaux de la Compagnie des Indes, généralement construits à Lorient après 1735, jaugeaient 600 tonneaux pour ceux destinés au Bengale, 700 à 900 tonneaux pour ceux naviguant vers la côte de Coromandel et Canton, soit les plus nombreux, et 1 000 à 1 200 tonneaux pour ceux chargés de ravitailler les îles de France et Bourbon (actuelles îles Maurice et de la Réunion). La flotte de la Compagnie comptait quarante-cinq vaisseaux entre 1725 et 1741, puis trente-cinq entre 1742 et 1752 et quarante après 1753, pour se stabiliser à vingt-cinq après 1763. Un navire avait une durée de vie de dix à quinze ans. Priorité étant donnée aux marchandises, la coque devait être solide afin d’éviter toute infiltration d’eau de mer ou de pluie susceptible d’endommager la cargaison. Les trente-deux ou quarante-huit canons, disposés sur deux ponts, dissuadaient les éventuels pirates mais restaient insuffisants contre la batterie d’un navire de guerre. Entre quatre-vingt-quatorze et cent trente-six hommes, d’origine essentiellement bretonne, composaient l’équipage d’un vaisseau de 600 tonneaux, soit une moyenne de vingt hommes pour 100 tonneaux. Pour profiter des meilleures conditions de navigation, les départs s’effectuaient pour la Chine

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entre novembre et février et pour les Indes entre décembre et mars, afin de profiter de la mousson dans l’océan Indien. Les vaisseaux faisaient ensuite voile vers Madère et les Canaries, les îles du CapVert, puis longeaient les côtes du Brésil afin d’éviter le dangereux golfe de Guinée, ses vents variables et ses calmes. Après une éventuelle relâche à Rio de Janeiro ou à l’île Sainte-Catherine, les vaisseaux prenaient la direction du cap de Bonne-Espérance, où une escale était également possible. Dans l’océan Indien, la mousson du sud-ouest, qui souffle d’avril à octobre, poussait les navires vers les Indes, avec parfois une halte aux îles de France et Bourbon, en mai. Ensuite, les navires longeaient les Seychelles, contournaient Ceylan par le sud, puis atteignaient Pondichéry ou Chandernagor. Vers la Chine, le passage du détroit de la Sonde ou de celui de Malacca constituait un danger potentiel en raison de leur peu de fond. La navigation était ensuite directe vers Canton, où l’abordage était risqué en raison des bancs de sable et surtout des typhons, dont la saison, de juillet à octobre, correspondait à celle de l’arrivée des vaisseaux. Après quatre mois en rade, tant à Chandernagor qu’à Canton, le retour avait lieu entre décembre et janvier pour profiter de la mousson du nord, afin de passer le cap de Bonne-Espérance avant début juin. Ensuite, les vaisseaux, portés par l’alizé du sud-est, remontaient le long des côtes d’Afrique, relâchaient dans l’île de Sainte-Hélène ou celle de l’Ascension, contournaient les Açores par l’ouest. Ils parvenaient à Lorient entre avril et septembre, après un voyage de seize à vingt-deux mois, dont deux tiers en mer, et une mortalité moyenne de 8,4 %. S. C.


Cet éventail, importé de Chine à la fin du xviiie siècle, est en ivoire repercé. Les vingt-quatre brins sont liés au sommet par un ruban de soie de couleur ivoire. Ce modèle, dit « au cartel d’attente », pouvait être peint sur son cartel central, ici en forme de blason, selon les souhaits de son acheteur. L’invention des éventails en Chine remonterait à l’empereur Wu Wang, fondateur de la dynastie des Zhou au xie siècle av. J.-C. Les premiers éventails étaient constitués de plumes ou de feuilles et servaient à protéger du soleil ou de la poussière. On reconnaît également aux Chinois l’invention des éventails brisés, composés de fines lames mobiles en

ÉVENTAIL BRISÉ

Ivoire repercé et soie Chine Vers 1780-1790 H. : 0,18 m ; L. : 0,32 m Lorient, musée de la Compagnie des Indes, musée d’art et d’histoire de la ville de Lorient Inv. 2011.4.2

ivoire, retenues par un fil ou un ruban. Les éventails en ivoire, utilisés comme éventails de palais, étaient considérés comme des symboles de haut rang. Au xviiie siècle, les éventails figuraient parmi les marchandises importées par les différentes compagnies européennes depuis les comptoirs de Canton. Ils étaient en papier, en écaille, en bambou et, pour les plus luxueux, en ivoire. On pouvait les acquérir auprès des marchands merciers parisiens. Le 9 décembre 1752, le célèbre Lazare Duvaux vendit à la marquise de Pompadour une boîte de douze éventails de Nankin. Peut-être ont-ils servi pour une fête donnée en l’honneur de Louis XV au château de Bellevue. Cette résidence de la maîtresse royale était agrémentée d’un petit théâtre décoré à la chinoise inauguré en janvier 1751. A.-C. S. 27


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PANNEAU DE SATIN DE SOIE GOUACHÉ, DIT « PÉKIN » Chine, Canton XVIII e siècle H. : 1,09 m ; L. : 0,70 m Lorient, musée de la Compagnie des Indes, musée d’art et d’histoire de la ville de Lorient Inv. 2011.17.1.6

Le Livre des odes de Confucius raconte comment, vers 2700 av. J.-C., la princesse chinoise Si Ling Chi découvrit le secret de la soie en buvant du thé au pied d’un mûrier. Un cocon tomba dans sa tasse. De cette petite boule grise, elle tira un fil d’une extraordinaire douceur. Les Chinois surent les premiers comment élever le Bombyx mori, chenille se nourrissant exclusivement des feuilles du mûrier, et transformer son cocon en un fil continu de plusieurs centaines de mètres. Ils gardèrent ce secret pendant trois millénaires et en firent un commerce fructueux. Ce panneau de satin de soie, rehaussé de couleurs sur un fond crème, présente une alternance de guirlandes de fleurs et d’œillets entrelacés, de semis de boutons de roses et de bouquets noués. Il fut fabriqué et peint en Chine au xviiie siècle. Son décor montre qu’il était destiné au marché européen. Le goût pour les soieries précieuses importées de Chine dura tout au long du xviiie siècle. Celles-ci étaient particulièrement appréciées dans les résidences royales. À Choisy, où Louis XV aimait venir se reposer des contraintes de la cour, un mobilier de « satin blanc de la Chine, à figures, fleurs et animaux de broderie de soye » fut livré en 1741 pour la chambre de Mademoiselle, LouiseAnne de Bourbon-Condé (1695-1758). Quarante ans plus tard, à Saint-Cloud, Marie-Antoinette fit orner les murs de sa chambre d’un pékin à fond blanc, peint de figures chinoises, sans doute exécuté en France à la manière chinoise. Ce goût chinois persistait à la fin du règne de Louis XVI quand fut choisi pour le mobilier du salon des Jeux à Compiègne, livré en 1790, « un pékin fond blanc, dessin à arbres, fleurs, fruits, oiseaux des Indes et terrasse […] ». A.-C. S. 28


TROIS LÉS DE PAPIER PEINT Papier collé sur toile et gouache Chine, région de Canton Fin du XVIII e siècle Inv. OAR 494 A : H. : 3,272 m ; L. : 0,931 m Inv. OAR 494 B : H. : 3,270 m ; L. : 0,935 m Inv. OAR 494 E : H. : 3,270 m ; L. : 1,870 m Historique : versement de l’Office des biens privés Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art Inv. OAR 494 A, B et E

Ces trois panneaux de papier peint, d’un ensemble de six, évoquent différents aspects relatifs à la fabrication, au transport et à la vente de pièces de porcelaine. Chaque panneau présente plusieurs scènes juxtaposées, qui se détachent sans souci de perspective devant un fond de paysage montagneux. Le panneau le plus important nous montre des détails précis, en particulier un marchand recevant un client dans son échoppe et calculant le prix d’une porcelaine sur son boulier, ou bien le transport de porcelaines dans une jonque. Le décor très narratif de ces lés de papier peint témoigne de leur évolution dans la seconde moitié du xviii e siècle et, en particulier, de l’abandon vers 1750 des décors de fleurs, de vases et d’oiseaux, au profit de scènes de la vie quotidienne, situées dans la campagne chinoise, décrivant la fabrication de la porcelaine et de la soie, la culture du riz ou la cueillette du thé… L’engouement du marché parisien pour les papiers peints chinois conduisit au développement d’une production française, à l’imitation des fabrications chinoises, encouragée par le nouvel intendant du Garde-Meuble de la Couronne, Thierry de Ville d’Avray, à partir de 1784. M.-L. R.

Lé de papier peint représentant le négoce de la porcelaine (inv. OAR 494 E). 29


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LA CHASSE CHINOISE ET LA PÊCHE CHINOISE

En 1742, François Boucher fut chargé de fournir à la manufacFrançois Boucher (1703-1770) ture de Beauvais huit esquisses Deux esquisses destinées à la manufacture de Beauvais pour exécuter les cartons d’une Huiles sur toile nouvelle tenture chinoise, desti1742 nés à se substituer aux cartons La Chasse chinoise : H. : 0,405 m ; L. : 0,470 m de la Première Tenture chinoise de La Pêche chinoise : H. : 0,415 m ; L. : 0,560 m Historique : acquises par Pierre-Jacques-Onézime Bergeret Beauvais, qui avaient beaucoup de Grancourt ; acquises en 1786 par Pierre-Adrien Pâris ; servi et étaient usés. Les huit léguées en 1819 à la bibliothèque de Besançon. esquisses furent présentées par Transférées au musée de Besançon en 1842 l’artiste au Salon de 1742. Seuls Besançon, musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, dépôt de la bibliothèque municipale, Inv. D.843.1.4 et D.843.1.5 six sujets furent finalement retenus par les dirigeants de la manufacture de Beauvais pour être traduits en tapisserie : Le Repas chinois, La Danse chinoise, La Foire chinoise, La Pêche 30

chinoise, La Chasse chinoise et Le Jardin chinois. Les cartons, mis à l’échelle, furent exécutés par JeanJoseph Dumons (1687-1779). À cette date, JeanBaptiste Oudry et Nicolas Besnier étaient conjointement directeurs de la manufacture de Beauvais depuis 1734. Ils le demeurèrent jusqu’en 1753, date à laquelle leur succéda André-Charlemagne Charron. Dix suites de six pièces furent tissées entre 1743 et 1775 et près de cinquante pièces sont aujourd’hui identifiées. En 1770, les cartons de Dumons commençaient à être très usés et on lui demanda d’en faire des copies. Ces esquisses témoignent de l’écho prodigieux de la Chine dans la carrière de François Boucher, écho que l’on retrouve dans ses dessins gravés par


ses disciples qui devaient avoir un très grand retentissement dans le domaine des arts décoratifs, en particulier à la manufacture royale de porcelaine de Vincennes-Sèvres, où une grande part des sujets chinois peints entre 1750 et 1770 s’inspire de son œuvre. Boucher s’intéressa aux décors chinois dès le début de sa carrière lorsqu’il fut chargé, vers 1730, de graver les décors peints, vingt ans plus tôt, par Watteau au château de la Muette. En 1740, il dessina la carte publicitaire de la boutique du marchand Gersaint, située sur le pont Notre-Dame, À la Pagode. Dans ce dessin, gravé par le comte de Caylus, Boucher mêlait allègrement magots et mobilier chinois, coquillages, laques et porcelaines de Chine dont il était lui-même collectionneur.

Il semble que la Chine décrite par Boucher dans les esquisses conservées à Besançon ne soit pas aussi fantaisiste qu’on l’a longtemps cru. Certains auteurs ont pu reconnaître des emprunts à deux récits de voyageurs en Extrême-Orient, illustrés de gravures, l’ouvrage de Jean Nieuhoff, L’Ambassade de la Compagnie orientale des Provinces-Unies vers l’empereur de Chine ou grand cam de Tartarie…, publié à Leyde en 1665, et l’ouvrage d’Arnoldus Montanus, paru à Amsterdam en 1680, Les Ambassades… vers les empereurs du Japon. M.-L. R.

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LE CABINET DES CHINOIS

Le premier cabinet chinois de Marie Leszczynska à Versailles, tendu de « papier des Indes » et installé en 1747, fut remplacé par un second, beaucoup plus spectaculaire, en 1761. Comme le rappelle madame Campan, Marie Leszczynska Historique : placés dans le cabinet de la Reine en 1761. « aimait la peinture, et croyait Légués par testament en 1768 à Anne-Claude-Louise d’Arpajon savoir dessiner et peindre […]. (1729-1794), comtesse de Noailles ; placés à l’hôtel de NoaillesElle entreprit de peindre quatre Mouchy à Paris, rue Saint-Dominique, dans un pavillon construit dans le jardin. Installés au château de Mouchy-le-Châtel dans le cadre grands tableaux chinois, dont elle de la restauration menée de 1856 à 1861, retirés du château en 1961 voulait orner un salon intérieur, Mouchy-le-Châtel, coll. du château de Mouchy enrichi de porcelaines rares et de très beaux marbres [meubles] de laque ». Les comptes révèlent que la reine fut assistée de peintres du Cabinet du roi, probablement sous la direction d’Étienne Jeaurat, garde des tableaux du roi, et dont madame Campan assure qu’ils jouèrent un rôle prééminent. Effectivement, le 9 novembre 1762, La Roche, Frédou, Prévost et Coqueret, peintres du Cabinet du roi, recevaient paiement de « 2 000 livres pour huit tableaux représentant différents sujets chinois […] placés dans le cabinet de la Reine au château de Versailles au mois de juin 1761 ». Un second mémoire, publié par Xavier Salmon, a permis d’en connaître les sujets avec précision et d’identifier les cinq qui subsistent. Léguées en 1768 à sa dame d’honneur, la comtesse de Noailles, les peintures furent installées dans un pavillon spécialement construit à Paris, où furent également remontées la boiserie et les glaces du cabinet. C’est probablement à l’occasion de leur transfert au xixe siècle au château de Mouchy que les toiles furent mises au rectangle et que disparurent deux dessus-de-porte, Une chasse d’animaux sauvages et Des gens occupés à la culture du Thé, ainsi que le devant de cheminée, un Paysage avec des hommes cultivant la terre. La connaissance des huit titres des peintures permet aujourd’hui d’en préciser le sens. Comme souvent dans le cadre d’ensembles décoratifs, il ne s’agit pas de compositions de pure création, mais de la combinaison de plusieurs sources, à la collation desquelles, à n’en pas douter, la reine dut prendre une large part. Le dessus-de-porte identifié, dénommé Foire de la ville de Nankin dans le mémoire, reproduit sans modification une vignette, gravée par Jacob de Meurs, illustrant l’ouvrage de Jean Nieuhoff, L’Ambassade de la Compagnie orientale des Provinces-Unies vers l’empereur de Chine ou grand cam de Tartarie…, publié en 1665 ; la reine avait dû trouver son inspiration dans cette édition originale de Leyde de 1665, publiée en français, et dans la transcription intégrée par l’abbé Prévost dans l’Histoire générale des voyages…, parue à Paris en 1748. Et c’est vraisemblablement dans ce Marie Leszczynska (1703-1768), avec la collaboration d’Henri-Philippe-Bon Coqueret, actif à Versailles entre 1761 et 1776, de Jean-Martial Frédou (1710-1795), de Jean-Philippe de La Roche, actif à Versailles dans les années 1750, et de Prévost, actif à Versailles entre les années 1740 et 1760, sous la direction d’Étienne Jeaurat (1699-1789)

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même ouvrage qu’elle fut séduite par le pittoresque de célèbres Rochers déchiquetés qui apparaissent sur une autre vignette, rochers artificiels de « Pekkinsa », « que l’on pourrait ranger entre les Merveilles du monde » et qu’elle introduisit habilement à l’arrièreplan de la scène des Marchands faisant des ballots, un jésuite et un mandarin conversant ensemble. Cette iconographie, quoique ancienne, n’avait rien perdu de sa pertinence. La combinaison de sources iconographiques différentes est évidente lorsque l’on considère le traitement des bâtiments, qui mêle vision frontale propre aux traités d’architecture européens et perspectives à vue d’oiseau chinoises. Ainsi, les élégants pavillons des deux grandes compositions ont été empruntés à William Chambers ; l’architecte britannique venait de publier à Londres en 1757, à l’issue d’un voyage à Canton, ses Desseins des édifices, meubles, habits, machines, et ustenciles des Chinois… . Marie Leszczynska dut disposer dans sa bibliothèque d’une édition de ce recueil capital pour la compréhension de l’architecture chinoise par la précision de ses relevés et la vivacité de ses commentaires. Le pavillon accueillant une partie de majong est une citation presque littérale du « bâtiment […] placé au milieu d’un petit lac, dans un jardin de Canton ». Le pavillon de l’autre panneau principal semble être la mise au carré simplifiée, et quelque peu maladroite, d’un pavillon octogonal également publié par Chambers. Deux personnages, la femme au panier et l’homme portant un fléau avec deux balles, qui se côtoient dans la première composition, furent encore inspirés par une planche de l’architecte britannique, Une servante et Un païsan. Mais leur présence ne saurait expliciter le sens des scènes dont le décor est ainsi brossé. Il est une autre source, au moins, qui lie entre elles les différentes scènes et qui doit être chinoise car l’activité qui se déploie sur les quatre panneaux a trait à la culture du thé : débarquement des balles de feuilles sous le regard de « plusieurs Chinois fumant et prenant le thé », flétrissage des feuilles à la main, résumé en « manière de préparer le thé » et scellement des caisses pour l’exportation avec, à l’arrière-plan, des joueurs de majong ; la quatrième scène, décrite comme « un Chinois s’inclinant devant un grand seigneur », montre en fait deux hauts fonctionnaires se rendant visite, révélant un aspect plus administratif de cette culture ; enfin un dessus-de-porte, aujourd’hui disparu, ne représentait-il pas « des gens du pays occupés à la culture du Thé » ? La reine et ses peintres se sont inspirés d’un recueil chinois d’aquarelles rehaussées de gouache, décrivant les étapes de la culture, de la récolte et de l’exportation du thé au milieu du xviiie siècle, dont un bel exemplaire est conservé à la Bibliothèque nationale de France. B. R.


Marchands faisant des ballots, un jésuite et un mandarin conversant ensemble Huile sur toile (anciennement de format chantourné) 1761 H. : 2,791 m ; L. : 1,675 m

La Manière de préparer le Thé Huile sur toile (anciennement de format chantourné, réduite probablement à droite et à gauche) 1761 H. : 2,791 m ; L. : 0,975 m 33


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DESCRIPTION GÉOGRAPHIQUE, HISTORIQUE, CHRONOLOGIQUE, POLITIQUE ET PHYSIQUE DE L’EMPIRE DE LA CHINE ET DE LA TARTARIE CHINOISE… Jean-Baptiste Du Halde (1674-1743) Paris, Nicolas-Léger Moutard, 1770, 4 volumes Reliure en maroquin rouge aux armes de Marie-Joséphine-Louise de Savoie, comtesse de Provence (1753-1810), triple filet d’encadrement, t. I, III et IV Historique : anc. coll. de la comtesse de Provence ; confiscation révolutionnaire ; anc. coll. de la bibliothèque de l’École centrale de Seine-et-Oise. Bibliothèque municipale de Versailles depuis 1801 Versailles, bibliothèque municipale de Versailles, Rés. in-fol I 3-6 f

La première édition de cet ouvrage essentiel, rassemblant toutes les connaissances disponibles sur la Chine, dont Voltaire disait qu’elle était « la plus ample et la meilleure description de l’empire de la Chine qu’on ait dans le monde », date de 1735. Traduite en anglais, en allemand et en russe, elle fut à nouveau publiée en 1770. Lorsque la bibliothèque de la comtesse de Provence fut constituée, l’édition la plus récente y figura, à côté de plusieurs ouvrages sur la Chine, mais aussi sur la géographie et l’histoire de l’Europe ou de contrées éloignées, témoignant de la curiosité des membres de la famille royale. É. M. 35


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ALBUM SUR LA FABRICATION ET LE COMMERCE DE LA PORCELAINE

Cette peinture représente la boutique d’un marchand de porcelaine chinois, assis derrière son compPeinture sur soie Chine toir, face à des acheteurs chinois. XVIII e siècle Elle appartient à un très bel album H. : 0,40 m ; L. : 0,37 m de cinquante peintures sur soie, Historique : acquisition Merlin, 1805 (floréal an XIII) exécuté en Chine et montrant la Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie, Oe 104 pet. fol. réserve. Inv. 4644 fabrication puis la commercialisation de la porcelaine chinoise. Les peintures sont actuellement montées individuellement sur onglet, alors qu’elles devaient se succéder contrecollées dos à dos, comme dans les albums chinois du xviiie siècle. L’actuelle couverture extérieure, refaite en Europe, est un brocart de soie multicolore à motifs de dragons, papillons, pivoines et branches florales sur fond jaune, et les pages de garde sont garnies d’une soie qui rappelle également celle des livres impériaux. Ces soieries ont probablement été récupérées de ces mêmes volumes qui, dans leur état d’origine, devaient être, à la manière chinoise, protégés par une couverture de soie doublée de papier et une enveloppe rigide extérieure. L’album, entré à la Bibliothèque en 1805, fut acheté au libraire Merlin, ainsi que trois autres dont un ouvrage sur le thé, au montage identique, dans lequel on trouve le filigrane de la Société de Jésus. Cet ouvrage n’est pas issu du circuit des commerçants européens qui faisaient leurs achats à Canton et importaient de nombreux albums, plus souvent peints sur papier, représentant les métiers et occu-

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pations des Chinois, mais semble plutôt provenir des jésuites. La réussite picturale de l’œuvre et la qualité des pigments utilisés sur une fine soie montrent la technique parfaitement maîtrisée d’un peintre aguerri qui a vraisemblablement recopié des modèles contemporains, peut-être même des rouleaux conservés à la cour impériale, ou s’en est inspiré. L’œuvre, sur le modèle d’un célèbre album commandé par l’empereur Kangxi en 1696 et consacré aux travaux de riziculture et de sériciculture, présente, comme ce dernier, toutes les étapes de fabrication d’un produit, ici celle de la porcelaine. Une autre planche donne à voir un atelier au-dessus duquel flotte une oriflamme au nom de l’organe de la Maison impériale, le Neiwufu, qui contrôlait notamment la célèbre manufacture de Jingdezhen. Cette série d’images offre aussi une inestimable représentation de la manière dont les Européens s’approvisionnaient auprès des comptoirs de Canton. Faute d’indices, il n’a pas été possible de déterminer à qui cet album était destiné. Il a toute chance d’avoir été envoyé en France pour son intérêt scientifique. En effet, des lettres à l’encre disséminées dans les images indiquent l’existence de légendes qui manquent aujourd’hui. Le ministre Bertin, dont on sait qu’il était intéressé à la fois par la porcelaine et le commerce avec la Chine, possédait un album du même type que lui avait envoyé le père jésuite Amiot. N. M. et A.-C. S.



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PORTRAIT DE LOUIS XVI EN BUSTE Joseph-Siffred Duplessis (1725-1803) Huile sur toile Vers 1775 H. : 0,80 m ; L. : 0,62 m Historique : anc. coll. royales ; mentionné dans l’inventaire du Louvre en 1852. Déposé à Versailles en 1965 Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, dépôt du musée du Louvre Inv. MV 3966

Ce portrait en buste fut exécuté en même temps que le grand portrait en pied du jeune souverain en costume de sacre. Louis XVI porte ici le ruban et la plaque de l’ordre du Saint-Esprit, ainsi que l’insigne de l’ordre de la Toison d’or. Louis XVI, qui possédait dans sa bibliothèque un exemplaire du très célèbre ouvrage de JeanBaptiste Du Halde, Description géographique, historique, chronologique, politique et physique de l’empire de la Chine et de la Tartarie chinoise…, publié à Paris en 1735, garda à son service le ministre sinophile HenriLéonard Bertin, pour lequel Louis XV avait formé un ministère sur mesure. Bertin sut intéresser Louis XVI à la Chine, le convainquant d’acquérir la plaque représentant l’empereur Qianlong, peinte en 1776 à Sèvres par Asselin. Celle-ci fut placée dans un des lieux les plus emblématiques de l’appartement intérieur du Roi à Versailles, le cabinet d’Angle. Bertin sut aussi intéresser Louis XVI à la tâche gigantesque à laquelle il s’était attelé depuis 1776, la publication des Mémoires concernant l’histoire, les sciences, les arts, les mœurs, les usages, etc. des Chinois, par les missionnaires de Pékin, rassemblés par des jésuites français, présents en Chine, comme le père Amiot, l’un des principaux correspondants du ministre. Comme chez ses prédécesseurs, le goût du roi pour les productions de la Chine se manifesta surtout dans son appartement intérieur. Il fit garnir de pékin peint les sièges de la bibliothèque qu’il fit aménager dès 1774 par Gabriel, à l’emplacement du salon des Jeux de Louis XV. Dès 1774 également, il acquit auprès de la manufacture royale de Sèvres un cabaret à décor chinois, peint par Lécot, présenté à l’exposition. L’année suivante, il acheta un autre cabaret particulièrement somptueux, également peint par Lécot, conservé aujourd’hui à Saint-Pétersbourg. En 1780, Louis XVI donna une place encore plus considérable aux décors chinois peints à Sèvres, en acquérant la paire de vases « jardin », ornée par Chappuis et 38

Vincent de paysages et d’oiseaux chinois, et en la faisant installer dans la chambre de Louis XIV. Le roi fit accrocher dans son appartement intérieur certaines planches des Batailles de l’empereur de Chine, dont la gravure sous la direction de Cochin avait constitué une véritable affaire d’État en son temps. Christian Baulez a montré que six gravures de la série étaient mentionnées dans l’inventaire dressé en 1791 dans l’appartement intérieur du Roi, notamment dans le salon des Jeux. M.-L. R.


PLAQUE REPRÉSENTANT L’EMPEREUR DE CHINE Charles-Éloi Asselin (1743-1804) Porcelaine dure et bois doré Manufacture royale de porcelaine de Sèvres Vers 1776 Marque de la manufacture aux deux L entrelacées ; pas de lettre-date ; marque du peintre, actif à la manufacture de 1765 à 1800 : A H. : 0,237 m ; L. : 0,174 m Historique : anc. coll. de Louis XVI Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon Inv. RF 35760

Ce tableau de porcelaine représente l’empereur Qianlong (1711-1799) en buste, coiffé d’un bonnet de fourrure, surmonté d’une grosse perle ronde. Le portrait lui-même est entouré d’une bande peinte à l’or, rehaussée de motifs chinoisants et, dans la partie basse, d’un oiseau oriental de fantaisie. Ce portrait a été exécuté par Asselin d’après un dessin aquarellé du frère Giuseppe Panzi, un jésuite présent à la cour de Pékin, montrant l’empereur Qianlong, dessin qui appartenait au ministre de Louis XVI, HenriLéonard Bertin. Le frère Panzi, né en 1734 en Italie, était parvenu en Chine en 1771 et à Pékin en 1773. Au palais impérial, il remplissait la charge de peintre de l’empereur, à la suite de Giuseppe Castiglione. Le dessin de Panzi, aujourd’hui perdu, fut mis à la disposition des artistes de la manufacture royale de Sèvres par le ministre Bertin. Il demeure connu grâce à la gravure de Martinet, destinée à illustrer le frontispice du premier volume des Mémoires concernant l’histoire, les sciences, les arts, les mœurs, les usages, etc. des Chinois…, publiés à partir de 1776, sous le patronage du ministre. Asselin, qui était doreur à ses heures, est certainement l’auteur de la dorure particulièrement raffinée qui entoure le portrait de Qianlong. Cette plaque, qui figure parmi les vingt-deux tableaux de porcelaine décrits dans l’inventaire dressé dans l’appartement intérieur de Louis XVI à Versailles en 1791, fut acquise par ce dernier en 1776 : « Vente faite au roy en 1776 : 1 tableau empereur de la Chine 480 [livres]. » On la retrouve en 1791 mentionnée dans le cabinet d’Angle : « Un tableau en porcelaine représentant un turc, empereur de la Chine dans sa bordure de bois sculpté et doré de 14 po [pouces] de haut sur 12 po de large 600 [livres]. » Une deuxième plaque fut achetée pour le même prix par le roi en 1779 pour être envoyée à l’empereur Qianlong.

Elle apparaît ainsi dans les registres de vente de la manufacture : « 1 tableau de l’empereur de la Chine porté sur le compte du roi par ordre de M. Bertin. » Elle n’est plus connue aujourd’hui. Le 17 octobre 1785, l’ancien ministre acquit personnellement une troisième plaque montrant l’empereur de Chine pour la somme beaucoup moins élevée de 192 livres : « 1 tableau, l’empereur de la Chine. » Cette plaque, également disparue aujourd’hui, était peut-être de plus petites dimensions ou de moindre qualité. M.-L. R. 39


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VASE

Ce tabouret de jardin, muni d’une somptueuse monture en bronze doré d’un goût grec affirmé, fut acquis à la vente posthume du duc d’Aumont par le marchand Paillet à l’intention du roi pour la somme de 1 699 livres 19 sols. On le reconnaît dans le numéro 161 du catalogue rédigé par le marchand Julliot : « Un grand vase forme de baril, fond violet à bouquets bleu-céleste sur les deux extrémités de la panse, dont le milieu présente un large bandeau aussi bleu-céleste à dessin de roses et branchages légèrement nuancés de violet ; garni de gorge, anse en console à rinceau, avec forte tête de lion à anneau de chaque côté, cul de lampe et piédouche ouvragé ; avec plinthe de bronze doré ; posé sur socle plaqué de prime verte ; hauteur y compris la garniture, 21 pouces. Ce morceau est singulier par ses différentes couleurs, et on n’a encore vu que celui-là en ce genre et en cette forme. » Les anses feuillagées en bronze doré, qui prennent naissance à la partie supérieure de la panse, sont terminées par des mufles de lions tenant un anneau dans leur gueule. À l’occasion du nettoyage des vases en vue de l’exposition, nous avons découvert sous les mufles de lions en bronze

Porcelaine, Chine, époque Kangxi (1662-1722) ; monture en bronze doré, Paris, vers 1770 H. : 0,55 m ; L. : 0,42 m Historique : anc. coll. du duc d’Aumont. Acquis par Paillet pour Louis XVI à la vente Aumont en 1782, pour le Muséum ; mentionné dans l’inventaire du Grand Trianon en 1834 dans le premier salon de Trianon-sous-Bois (inv. GT 683) ; Grand Trianon en 1839 dans le troisième salon de l’appartement du Roi (inv. GT 1835) ; Grand Trianon en 1894 dans le salon de l’appartement de la Reine des Belges (inv. T 423C) Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon Inv. T 423C

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doré des têtes de lions en porcelaine en demi-relief. Le tabouret repose sur un piédouche circulaire en bronze doré, placé sur une plinthe de même métal. Louis-Marie-Augustin d’Aumont (1709-1782), devenu cinquième duc d’Aumont et pair de France à la mort de son père en 1723, remplit la charge de premier gentilhomme ordinaire de la Chambre jusqu’à sa mort en avril 1782. Il fut l’un des plus grands amateurs d’art de son temps. L’ essentiel de ses collections se trouvait réuni dans son hôtel de la place Louis-XV. Il était grand amateur de pierres dures et de marbres antiques, de laques d’Extrême-Orient, mais aussi de porcelaines de Chine et du Japon. La vente posthume de ses collections, qui eut lieu en décembre 1782, fut un grand événement parisien. L’exposition des œuvres avait commencé le 12 novembre et avait attiré les amateurs les plus avertis du temps. La vente fut menée à partir du 12 décembre par Julliot fils et Paillet. Louis XVI et Marie-Antoinette acquirent à cette occasion de très nombreuses pièces de porcelaine de Chine et du Japon par l’intermédiaire des marchands Julliot, Paillet et Légère. La plupart d’entre elles étaient destinées au musée que le souverain souhaitait créer dans le palais du Louvre, qui n’était plus habité par les rois de France depuis plusieurs décennies. M.-L. R.



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DÉJEUNER AVEC PLATEAU « PARIS » À DÉCOR CHINOIS

Magnifiquement composé par Lécot, le grand plateau oblong Louis-François Lécot, de ce déjeuner doit son nom au actif de 1763 à 1765 et de 1772 à 1802 repareur Jacques-François Paris Porcelaine dure (1735-1797). Au xviiie siècle, Manufacture royale de porcelaine de Sèvres ce modèle était fréquemment 1775 associé, comme ici, à une théière Marque de la manufacture en rouge et en violet aux deux L entrelacées sous une couronne ; lettre-date X pour 1775 ; « Calabre », un pot à lait tripode, L pour L.-F. Lécot sous toutes les pièces ; plateau signé Lécot un pot à sucre « Bouret », et Plateau : L. : 0,472 m quatre gobelets litrons et souThéière : H. : 0,105 m coupes. Aujourd’hui, l’Ermitage Pot à lait : H. : 0,101 m Pot à sucre : H. : 0,088 m détient seulement deux tasses Tasses et soucoupes : H. : 0,058 m ; D. : 0,123 m avec leurs soucoupes. Un gobelet Historique : anc. coll. de Louis XVI à Versailles, et sa soucoupe sont conservés au aliéné à la Révolution ; anc. coll. des comtes Chouvaloff. Nationalmuseum de Stockholm. Entré dans les collections de l’Ermitage en 1925 Saint-Pétersbourg, musée national de l’Ermitage Les dernières publications proInv. ZF 14985-14990 posent de reconnaître cet ensemble comme l’un des deux déjeuners acquis par Louis XVI pour 720 livres, pendant l’année 1775, ensuite inventoriés dans la salle à manger intérieure de l’appartement du Roi au château de Versailles pendant la Révolution.

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La dorure appliquée de manière très fluide, rehaussée d’une palette colorée, sert de support au précieux décor chinois bordé, sur le plateau et les soucoupes, d’une frise à cartouches lilas. L’iconographie extrêmement savante de ce service, figurant la culture du riz, reprend exactement des illustrations commandées par l’empereur de Chine. En effet, Qianlong (1711-1799) avait missionné des lettrés pour collecter dans un seul ouvrage divers aspects fondamentaux qu’il destinait à ses fonctionnaires régionaux. Parmi tous les principes proposés, certains devaient améliorer les techniques des cultures agricoles, donc les récoltes. C’est assurément HenriLéonard Bertin (1720-1792) qui transmit ces remarquables images à la manufacture royale de Sèvres. Vers 1786, le père Amiot lui fit parvenir un nouvel exemplaire plus complet dénommé Qinding shoushi tongkao. Dès 1776, plusieurs déjeuners de ce type furent délivrés aux membres de la famille royale, leurs prix semblent alors se situer autour de 1 200 livres, mais aucun autre ne possède une iconographie aussi fidèlement copiée. V. B.


PAIRE D’AIGUIÈRES À COUVERTE AUBERGINE EN PORCELAINE DE CHINE ET BRONZE DORÉ

La qualité et l’originalité du décor en bronze doré saisissent immédiatement lorsqu’on admire cette Monture attribuée à Pierre Gouthière importante paire de pots à eau en (1732-1813) porcelaine de Chine aubergine Porcelaine à couverte aubergine, Chine, Jingdezhen, époque d’époque Kangxi (1662-1722), Kangxi (1662-1722) ; montures en bronze doré, Paris, vers 1785 dites « duomu ». Numéros frappés ou incisés sous la monture : SC 413, 53, SC 677 Marie-Antoinette avait choisi de H. : 0,485 m ; L. : 0,280 m présenter ces rares aiguières dans Historique : anc. coll. de Marie-Antoinette à Versailles jusqu’en 1789 ; confiées d’octobre 1789 à 1793 au marchand Daguerre ; le confinement de son boudoir palais de Saint-Cloud en 1801 ; sorties le 28 juin 1855 ; au château de Versailles, appelé offertes par Napoléon III au duc de Morny (1811-1865) ; « cabinet de la Méridienne », anc. coll. de la duchesse de Sesto (1838-1896), vente, maîtres où elle rassemblait des objets Bailly et Duchesne, Paris, hôtel Drouot, salles 9-10, 9-10 mai 1898, lot 10 ; anc. coll. de sir Julius Wernher (1850-1912) à Bath House, de grand luxe. C’est là qu’elle par descendance au manoir de Luton Hoo. Cédées conservait des porcelaines kakiepar les héritiers chez Christie’s à Londres, 9 juin 1994, lot 35 mon, dont deux jattes octogones Coll. part. montées sur trépied, accompagnées d’une paire de mortiers à dix pans posés sur des plateaux assortis garnis d’anses de serpents entrelacés et chaînettes en bronze, reposant sur des pieds à griffes de lion et plinthes de marbre griotte, mais aussi la superbe coupe en jaspe fleuri montée et ciselée par Gouthière, aujourd’hui à la Wallace Collection. Toutes les pièces disposées dans la Méridienne étaient d’une grande rareté sur le marché. Une description précise de ces aiguières fut rédigée en 1793 : « Deux vases oblongs d’égale grosseur, avec un bec forme d’aiguière, d’ancienne porcelaine du Japon couleur violette, coupés dans le milieu par des cerceaux ornés en bronze doré mat,

avec des consoles à enroulement sur un des côtés où sont assis de petits satyres : lesdites consoles appuyées sur des têtes de béliers tenant dans leurs gueules des branches de vigne. Les becs ornés de têtes de singe [sic, singe pour cygne] ; au devant, une tête de bacchante et ornements analogues ; la plinthe aussi garnie de bronzes, avec quatre pieds en griffes de lion et ornements en arabesques. Le tout très bien exécuté. Hauteur totale, 21 pouces ½ [58,20 centimètres]. » Très peu d’exemplaires de ces duomu en porcelaine de Chine apparaissent chez les amateurs du Siècle des lumières. Deux aiguières comparables, mais ornées d’anses à dragons, composèrent successivement les cabinets de Gaignat et du duc d’Aumont. Si l’on supposa un temps que les aiguières acquises pour le Muséum sur ordre du roi à la vente du duc d’Aumont se retrouvèrent chez Marie-Antoinette, cette hypothèse doit désormais être écartée, car elles apparaissent intactes lorsqu’elles furent versées au ministère des Finances en l’an V, date à laquelle on perd leur trace. Le fond coloré si intense de ces porcelaines est rehaussé par la monture raffinée, probablement exécutée par Pierre Gouthière, constituée d’arabesques, de fleurs, de perles, de trophées, de têtes de bacchantes et de protomés de béliers soutenant des consoles à enroulements qui servaient autrefois de supports à de petits satyres. Tous ces éléments chers à MarieAntoinette apparaissent dans l’ornement décoratif de Versailles, Saint-Cloud et Trianon. V. B. 43


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GARNITURE DE TROIS VASES « ŒUF » À DÉCOR CHINOIS

Les registres des ventes de la manufacture royale notent comme Louis-François Lécot, actif de 1763 à 1765 dernier élément d’une liste repreet de 1772 à 1802 nant « les ventes faites à la reine Monture attribuée à Jean-Claude-Thomas pendant le courant des années Chambellan Duplessis (1730-1783) 1774, 1775, 1776 », une « garniPorcelaine dure, manufacture royale de porcelaine de Sèvres, ture de trois vases chinois » à 1775-1776 ; bronze ciselé et doré, Paris, vers 1775-1776 3 000 livres. Marie-Antoinette Marque de la manufacture aux deux L entrelacées sous une acquit très probablement ces vases couronne ; lettres-dates X et Y pour 1775 et 1776 sur les vases latéraux, X pour 1775 sur l’urne centrale ; signés en or Lécot et L à la fin décembre 1776. Ils appaUrne centrale : H. : 0,470 m ; L. : 0,270 m raissent dans le procès-verbal des Vases latéraux : H. : 0,375 m ; L. : 0,225 m meubles du château de SaintHistorique : anc. coll. de Marie-Antoinette à Versailles, puis à SaintCloud dressé au printemps 1794, Cloud. Aliénés à la Révolution, ils seraient restés dans la même famille jusqu’à leur acquisition en 1983 par le château de Versailles dans une armoire de l’apparteVersailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon m e n t Inv. V 52251-3 de la femme Capet : « 2041 – Une garniture de trois vases de porcelaine de Sèvres fond blanc à dessins chinois, à gorges à jour ornées d’anneaux, cordes, glands et anses en cuivre ciselé et doré d’or moulu, sur des socles de forme carrée en cuivre doré prisée 700 livres. » C’est seulement en février 1785, pour MarieAntoinette, que Louis XVI entra en possession de Saint-Cloud. Ainsi, antérieurement, cette garniture ornait certainement les cabinets intérieurs de la Reine au château de Versailles. Le travail des bronzes caractérise parfaitement l’art de Duplessis, et les décors chinois, admirablement composés par Lécot, reprennent pour l’une des faces du grand vase une estampe publiée par Jean-Pierre Houël (1735-1813), vers 1745, en frontispice de la Suite de figures chinoises d’après François Boucher. L’ œuvre de Jean Pillement inspira deux autres cartels peints sur ces vases, où l’on reconnaît des personnages issus des Études de différentes figures chinoises ou du Recueil de plusieurs jeux d’enfants chinois gravé par Pierre-Charles Canot (1710-1777). Lécot signa en toutes lettres l’un des vases, ce qui est exceptionnel à la manufacture de Sèvres. L’ artiste a accentué les traits asiatiques des personnages, de leurs costumes, ceux du paysage et des fleurs en soulignant d’un filet d’or tous les contours, comme s’il avait tenté d’imiter des motifs de soieries chinoises. Toutes les surfaces dorées, travaillées avec une grande minutie, se détachent harmonieusement du fond uni de la pâte dure. Le comte de Provence possédait une garniture rigoureusement identique, acquise le 24 décembre 1775. 44

V. B.



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VUE DU JEU DE BAGUE CHINOIS

En 1774, quelques jours après la mort de Louis XV, son petitDessin à la pierre noire, aquarelle et gouache fils Louis XVI offrit à sa jeune Extrait du Recueil des vues et plans du Petit Trianon à Versailles, épouse le domaine de Trianon sous la direction de Richard Mique (1728-1794), 1786 dont l’ornement principal était Reliure en maroquin rouge constitué par le château, édiHistorique : recueil offert en 1786 par la reine Marie-Antoinette à son frère l’archiduc Ferdinand d’Autriche, gouverneur de Lombardie fié par Ange-Jacques Gabriel Modène, Biblioteca Estense Universitaria, Est. 119 pour madame de Pompadour, et terminé après sa mort en 1768. Très vite, la reine exprima le désir de voir planter au nord-est du château un jardin anglochinois dont la mode avait commencé à régner en France au début des années 1770 et s’était intensifiée à la suite de la publication, à partir de 1775, des gravures des Jardins anglo-chinois de Le Rouge et des écrits de William Chambers. La décision de transformer le parc de Trianon fut prise en 1776. Gabriel ayant quitté ses fonctions, on fit appel à un Lorrain, Richard Mique, qui avait déjà œuvré pour la reine Marie Leszczynska. Ce dernier soumit en 1777 un plan « avec une alternance de prairies et de bois, et des allées serpentant vers des fabriques, qui seront réalisées progressivement ». Dès 1776 fut prise la décision de construire un jeu de bague chinois, à l’imitation de celui de la folie de Chartres, élevée à Paris par Carmontelle à l’emplacement de l’actuel parc Monceau. Le jeu de bague de Trianon, décrit ici par Châtelet, se présentait comme un manège dont les sièges étaient constitués de paons et de dragons et dont le mât principal était orné de figures chinoises. Étrangement, le jeu de bague fut bâti à proximité immédiate du château, sans beaucoup de respect pour ce chefd’œuvre de l’architecture à la grecque. Les autres fabriques du parc furent édifiées dans les années suivantes. Mique renoua avec l’inspiration antique quand il construisit, en 1778, le temple de l’Amour qui devait abriter la statue de Bouchardon, L’Amour taillant son arc dans la massue d’Hercule. Entre 1779 et 1782, Mique éleva encore le Rocher et sa cascade, la Grotte, le Belvédère, la salle de Comédie et, enfin, à partir de 1783, les maisons du Hameau. Plusieurs recueils de vues et de plans du domaine de Trianon furent exécutés à la demande de la reine à partir de 1779, notamment à l’intention de Gustave III de Suède, de l’empereur Joseph II, du comte du Nord, de la princesse des Asturies et de l’archiduc Ferdinand d’Autriche. Ce recueil, offert au frère de la reine à l’occasion de sa visite à Versailles, en mai 1786, est, semble-t-il, le plus précieux et le plus complet de tous. Il donne une image du domaine de Trianon très précise, peu avant l’achèvement des travaux. Il est constitué de vingt-six feuillets, compreClaude-Louis Châtelet (1753-1795)

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nant vingt-cinq relevés d’architectures, du dessinateur Péchon, et sept vues aquarellées, dues à Châtelet qui est également l’auteur des vues de l’album offert à la princesse des Asturies . M.-L. R.



AUTEURS

CRÉDITS PHOTOGR APHIQUES

Les textes de cet album sont tirés du catalogue de l’exposition auquel ont participé

BESANÇON

VINCENT BASTIEN (V. B.)

LORIENT

Docteur en histoire de l’art JÉRÉMIE BENOÎT (J. B.)

Conservateur en chef, chargé des Trianon, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon CONSTANCE BIENAIMÉ (C. B.)

Historienne de l’art STÉPHANE CASTELLUCCIO (S. C.)

Chargé de recherche au Centre national de la recherche scientifique, HDR, Centre André-Chastel, Paris HÉLÈNE DELALEX (H. D.)

Attachée de conservation, chargée du musée des Carrosses, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon ANNICK HEITZMANN (A. H.)

Chargée de recherche en archéologie, Centre de recherche du château de Versailles JÉRÔME DE LA GORCE (J. L.)

© musée des Beaux-Arts et d’Archéologie/Pierre Guénat : p. 30, 31 © musée de la Compagnie des Indes, musée d’art et d’histoire de la ville de Lorient/Y. Boëlle et G. Broudic : p. 26, 27, 28 PARIS

© Art Go, tél. 01 44 79 08 89 : p. 33 (gauche et droite) Coll. Bibliothèque nationale de France : p. 4, 37 © Bridgeman Art : p. 10, 17 © Christian Milet – © château de Versailles (dist. RMN-Grand Palais) / Jean-Marc Manaï – © RMN Grand-Palais (château de Versailles) / Thierry Ollivier – Conception graphique : des signes, le studio MuchirDesclouds : couverture © Photo12 - Dagli Orti : p. 46-47 © RMN-Grand Palais/Martine Beck-Coppola : p. 9 © RMN-Grand Palais/Hervé Lewandowski : p. 21 © RMN-Grand Palais/Thierry Ollivier : p. 14, 19 © RMN-Grand Palais/Tony Querrec : p. 29 © RMN-Grand Palais/The Metropolitan Museum of Art : p. 11 PÉKIN

© musée de la Cité interdite : p. 6

Directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique, Centre André-Chastel, Paris. Membre du conseil scientifique du Centre de recherche du château de Versailles

SAINT-PÉTERSBOURG

ISABELLE LANDRY-DERON (I. L.-D.)

© château de Versailles (dist. RMN-Grand Palais)/Christophe Fouin : p. 12-13, 23, 38, 41 © château de Versailles (dist. RMN-Grand Palais)/Jean-Marc Manaï :

Ingénieur d’études, Centre d’études sur la Chine moderne et contemporaine, École des hautes études en sciences sociales, Paris GÉRARD MABILLE (G. M.)

Conservateur général, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon ÉLISABETH MAISONNIER (É. M.)

Conservateur, chargée du cabinet des Arts graphiques, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon PATRICK MICHEL (P. M.)

Professeur d’histoire de l’art moderne, université Lille III – Charles-de-Gaulle NATHALIE MONNET (N. M.)

Conservateur en chef, chargée des manuscrits de Dunhuang et des fonds chinois, département des Manuscrits, Bibliothèque nationale de France, Paris MARIE-LAURE DE ROCHEBRUNE (M.-L. R.)

Conservateur, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon BERTRAND RONDOT (B. R.)

Conservateur en chef, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon ANNE-CÉCILE SOURISSEAU (A.-C. S.)

Historienne de l’art PASCAL TORRES (P. T.)

Conservateur, chargé de la collection du baron Edmond de Rothschild et de la chalcographie, musée du Louvre, Paris

© musée national de l’Ermitage : p. 42 VERSAILLES, CHÂTEAU DE VERSAILLES

p. 39 © RMN-Grand Palais (château de Versailles)/Gérard Blot : p. 8, 18 © RMN-Grand Palais (château de Versailles)/droits réservés : p. 15, 44-45 © Christophe Fouin : p. 7, 34-35, 35 (droite) © mairie de Bordeaux/Lysiane Gauthier : p. 25 © droits réservés : p. 43 © Somogy éditions d’art, Paris, 2014 © Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles, 2014 OU VR AG E RÉ ALI SÉ SOU S L A D I RE CTI O N D E :

Somogy éditions d’art Coordination et suivi éditorial : Sarah Houssin-Dreyfuss assistée d’Astrid Bargeton, Céline Guichard et Marie-Astrid Pourchet Conception graphique : Nelly Riedel Traduction du français vers l’anglais : ??? et ??? Contribution éditoriale : Marion Lacroix Iconographie : Marthe Pilven Fabrication : Michel Brousset, Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles Service des éditions : Jean-Vincent Bacquart, Marie Leimbacher et Gaëlle Taxil Photothèque : Julie Benvenuti avec le concours de Christophe Fouin ISBN 978-2-7572-0813-7 Dépôt légal : mai 2014 Imprimé en Italie (Union européenne) La photogravure a été réalisée par Quat’Coul, Toulouse. Cet ouvrage a été achevé d’imprimer sur les presses de ??? (Italie) en mai 2014.



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