Armoiries des Villes (extrait)

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Couleurs et symbolique

ARMOIRIES DES VILLES sous le Premier Empire et la Restauration


Avant-propos Isabelle Neuschwander conservateur général du patrimoine directrice des Archives nationales

près le bel exemple de la publication, en 2004, de l’Armorial Le Breton, les Archives nationales ont décidé de publier, à nouveau, une étude collective consacrée à l’héraldique. L’ouvrage proposé aujourd’hui est extrait d’un ensemble constitué de 72 registres de lettres patentes concédant des armoiries et des planches qui les accompagnent. Ces registres couvrent l’espace géographique du Grand Empire français. Produits par le Conseil du sceau des titres, puis par le bureau du même nom au sein du ministère de la Justice, ces registres ont été versés aux Archives nationales en 2003. La partie consacrée aux villes fait l’objet de cette publication ; celle consacrée aux personnes sera publiée en ligne prochainement. L’héraldique est souvent considérée comme la survivance des pratiques de l’Ancien Régime. Bien qu’elle soit apparue au Moyen Âge pour simplement différencier les individus et les communautés par l’emploi de couleurs et de figures qui leur étaient propres, la Révolution y a vu l’exemple même de ce qu’elle voulait abolir. Pourtant l’héraldique urbaine était bien le symbole des libertés des communautés, arrachées souvent de haute lutte aux souverains et seigneurs médiévaux. En rétablissant le système héraldique en France, Napoléon Ier le conçoit comme une marque d’honneur, codifiée à l’image de la nouvelle société qu’il veut mettre en place. La Restauration, qui ne souhaite pas rouvrir les conflits du passé, suit son chemin. Cet ouvrage est le fruit du travail d’une équipe scientifique. Ségolène de Dainville-Barbiche et Catherine Mérot se sont donc penchées sur les circonstances du rétablissement des armoiries, le fonctionnement de l’administration du Sceau et sur les procédures parfois complexes qui président à la concession, sous l’Empire, ou à la reprise des anciennes armoiries, sous la Restauration. Clément BlancRiehl poursuit leur étude jusqu’à l’époque contemporaine. Michel Pastoureau nous fait découvrir cette lente maturation des symboles dont les villes se dotèrent à l’époque médiévale et résume toute l’histoire de cette adoption symbolique jusqu’à nos jours. Isabelle Rouge-Ducos, quant à elle, s’est intéressée aux aspects artistiques de la production des planches de cet armorial et nous livre des découvertes passionnantes et inattendues. Emmanuel Rousseau a constitué le catalogue de l’armorial, respectant le plus possible la graphie et les blasonnements donnés par les commissaires du Sceau. Catherine Mérot et Claire Béchu se sont chargées des annexes de cette publication, la coordination générale de la publication revenant à Claire Béchu. Je tiens à tous les remercier. Destiné non seulement aux amateurs d’héraldique, mais aussi aux amateurs d’histoire locale, et plus largement à tous les curieux, cet ouvrage est au service d’une mission essentielle des Archives : la diffusion du patrimoine écrit. Puisse cet armorial des villes donner envie à chacun de découvrir plus avant l’histoire de quelques-unes des quelques 37 000 communes qui marquent notre paysage et notre histoire.

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Arch. nat., BB29 981.

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Liste des abréviations anc. auj. dép. prov.

ancien aujourd'hui département province


Les armoiries des villes et des communes depuis la Révolution : législation, institutions Ségolène de Dainville-Barbiche conservateur général aux Archives nationales

ans l’exaltation de la nuit du 4 août 1789, l’Assemblée nationale constituante avait proclamé la fin de la féodalité, des distinctions et des symboles découlant du système féodal, ainsi que l’abandon de tous les privilèges1. Vingt ans plus tard, les couleurs héraldiques teintaient les livrées, autrement dit les vêtements de service, des domestiques de la nouvelle aristocratie impériale, tandis que des écus crénelés, chargés de pièces dans leur champ, réapparaissaient au fronton et dans le décor d’hôtels de ville. Dans les lignes qui vont suivre, nous nous proposons d’évoquer la suppression, le rétablissement et la survivance des armoiries urbaines, de la Révolution à nos jours, sur le plan de la législation et des institutions.

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La suppression des armoiries Les conséquences des principes d’égalité affirmés le 4 août 1789 furent tirées par le décret de l’Assemblée constituante du 19 juin 1790. Il abolissait, en effet, la noblesse, les titres et interdisait aux particuliers d’avoir des armoiries. Au cours des débats précédant le vote de ces mesures, l’un des députés, Mathieu de Montmorency, avait demandé à l’Assemblée de ne pas épargner « une des marques qui rappellent le plus le système féodal et l’esprit chevaleresque » en supprimant les armoiries. Son enthousiasme juvénile pour les idées libérales lui faisait oublier qu’il portait lui-même l’un des noms les plus illustres de grands féodaux. Toutefois, ni au cours de la discussion, ni dans le texte du décret, il ne fut question des armoiries de villes2. Remontant pour certaines au Moyen Âge, elles représentaient d’ailleurs, non une marque de féodalité, mais au contraire un symbole de l’émancipation du pouvoir municipal et de la communauté des habitants visà-vis du pouvoir seigneurial. Elles figuraient sur le sceau dont la ville se servait pour authentiquer ses actes. Le 1er août 1793, la Convention nationale décréta que « dans huitaine […], tous les parcs, jardins, enclos, maisons, édifices qui porteraient des armoiries seront confisqués au profit de la nation ». Ce décret avait été motivé par des poursuites injustifiées enga1. Archives parlementaires. Recueil complet des débats législatifs et politiques des Chambres françaises, 1re série, 1787-1799, 1867 - en cours, t. 8, séance du 4 août 1789, p. 347-350. 2. Archives parlementaires, op. cit., t. 16, séance du 19 juin 1790, p. 376-378. Mathieu de Montmorency (1767-1826) avait combattu en Amérique avec La Fayette. Il émigra après le 10 août 1792, devint dévot et ultraroyaliste, complota contre Napoléon. Il fut ministre des Affaires étrangères de 1821 à 1822.

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gées à l’encontre de patriotes de Tonnerre qui avaient abattu les armoiries restées sur la porte du château d’un ci-devant seigneur. Il ne visait pas les armoiries des bâtiments communaux3. Les municipalités s’étaient depuis longtemps débarrassées de leurs emblèmes compromettants. Ainsi en avait-il été à Paris ; la barque ancienne des nautes (bateliers) parisiens, devenue au fil des siècles un vaisseau de guerre, et le semis de fleur de lis des armoiries de la ville avaient disparu dès avant la fin de 1792, remplacés au début de 1793 par une femme vêtue à l’antique, portant une pique et un bonnet phrygien4. Mais c’est par le biais des distinctions individuelles, maintenues ou recréées dans un contexte de guerres perpétuelles, que réapparurent les distinctions de naissance, dont le préambule de la Constitution de 1791 avait pourtant proclamé l’abolition irrévocable.

Le rétablissement des armoiries Les idées de Napoléon sur les distinctions sont rapportées dans Le Mémorial de SainteHélène. Son père Charles était fort entiché de noblesse. Si Napoléon avait suivi avec ardeur le parti de la Révolution, c’est parce qu’il y voyait l’opportunité de faire l’ambitieuse carrière que l’obscurité et la pauvreté de sa famille ne lui auraient pas permis d’espérer sous l’Ancien Régime. Mais le jeune général, qui avait canonné les insurgés royalistes sous le porche de l’église Saint-Roch à Paris le 13 vendémiaire an IV [5 octobre 1795], comprit assez vite que, pour affermir son pouvoir personnel, il lui fallait se constituer une clientèle et se l’attacher en flattant les vanités. « Aussi bien il m’en fallait une [aristocratie] ; c’est le vrai, le seul soutien d’une monarchie, son modérateur, son levier, son point résistant […]. Or, le bon de l’aristocratie, sa magie, est dans son ancienneté, dans le temps5. » Mais la Révolution avait fixé des limites qu’il ne fallait pas franchir : « Ce n’était pas une petite affaire que de rétablir les dignités, les titres, les décorations, au milieu d’un peuple qui combattait et triomphait, depuis quinze ans, pour les proscrire6. » Déterminant fut sans doute aussi son mariage avec Joséphine de Beauharnais, qui le mit en contact avec des membres des milieux aristocratiques de l’ancienne France. Il procéda par étapes7. Sous le Directoire et au début du Consulat, des armes d’honneur étaient décernées aux militaires pour actions d’éclat. Environ deux mille armes d’honneur furent ainsi distribuées, chiffre assez faible d’ailleurs par comparaison avec les effectifs des armées. Par décret du 29 floréal an X [19 mai 1802] fut créée la Légion d’honneur. Elle avait pour chef le Premier consul, assisté d’un conseil d’administration, et était divisée en cohortes comprenant des grands officiers, des commandants, des officiers et des légionnaires. Tout en se rapprochant des ordres de chevalerie supprimés le 30 juillet 17918, la Légion d’honneur avait pour originalité d’être destinée à récompenser non seulement les mérites militaires, mais également les mérites civils. Toutefois, les premières nominations dans la Légion d’honneur comprirent les militaires qui avaient reçu des armes d’honneur. L’avènement de l’Empire au profit de Napoléon Bonaparte par sénatus-consulte organique du 28 floréal an XII [18 mai 1804] représente la deuxième étape. L’hérédité est introduite dans la transmission de la dignité impériale ; le titre de prince français est 3. Archives parlementaires, op. cit., t. 70, séance du 1er août 1793, p. 81-82. 4. COËTLOGON (Anatole de) et TISSERAND (Lazare-Maurice), Les Armoiries de la ville de Paris : sceaux, emblèmes, couleurs, devises, livrées et cérémonies publiques, Paris, Imprimerie nationale, 1874-1875, (Histoire générale de Paris), t. 1, p. 99-101. Les matériaux de cet ouvrage remarquable, somptueusement illustré, avaient été réunis avant les incendies de 1871, qui anéantirent les archives de la ville. 5. LAS CASES (comte de), Le Mémorial de Sainte-Hélène, Paris, Garnier frères, s. d. [1924-1926], t. 3, p. 45. 6. Ibidem, t. 2, p. 3-4. 7. Ces étapes ont été magistralement retracées dans TULARD (Jean), Napoléon et la noblesse d’Empire, Paris, Tallandier, 1979 (1re édition). 8. Archives parlementaires, op. cit., t. 29, séance du 30 juillet 1791, p. 36.

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conféré aux membres de la famille Bonaparte, tandis que se constituent une Cour et une Maison de l’Empereur imitant celles de l’Ancien Régime. En 1806, sont créés des grands fiefs héréditaires dans les pays conquis, que Napoléon distribue à ses frères et sœurs et à ses fidèles. Les deux statuts du 1er mars 1808 marquent l’étape finale du rétablissement des titres et des armoiries sous l’Empire et posent les fondements de la législation en la matière au XIXe siècle. Le premier statut9 recrée les titres de duc, comte, baron et chevalier en les attachant à l’exercice de certaines fonctions. Ces titres sont transmissibles à la descendance mâle du bénéficiaire par ordre de primogéniture, à condition que celui-ci ait obtenu des lettres patentes de collation du titre et qu’il ait constitué un majorat, c’est-àdire un ensemble de biens fonciers ou de rentes, affecté à la dotation du titre et destiné à passer avec celui-ci au successeur. L’article 14 du même statut rétablit les armoiries en faveur des nouveaux titrés : « Ceux de nos sujets à qui nous aurons conféré des titres, ne pourront porter d’autres armoiries ni avoir d’autres livrées que celles qui seront énoncées dans les lettres patentes de création. » C’était une réintroduction prudente d’un symbole du système féodal, adaptée à l’évolution des mentalités depuis la Révolution. Mais il n’était pas encore question des villes. Le second statut10 crée un conseil, le Conseil du sceau des titres, présidé par l’archichancelier de l’Empire, Cambacérès, composé de sénateurs et de membres du Conseil d’État. Il était chargé de l’examen de toutes les affaires relatives aux titres et aux majorats, de sceller et d’expédier les lettres patentes de collation de titres. C’est au sein de ce conseil, qui se tenait en moyenne deux fois par semaine, que s’établirent les règles de l’héraldique impériale, qui certes reprenaient celles de l’héraldique élaborée au fil des siècles précédents, mais avec ses caractéristiques propres. Un décret du 24 juin 1808 confia aux avocats au Conseil d’État le soin d’instruire toutes les affaires soumises au Conseil du sceau des titres11. Le rétablissement des armoiries des villes fut dû à une initiative de Lyon. La ville martyre de la Convention, qui se relevait de ses ruines, adressa une demande d’armoiries à Cambacérès par l’intermédiaire du ministre de l’Intérieur. Saisi sur ordre de Napoléon, le Conseil du sceau des titres fut d’avis, dans sa séance du 11 mars 1809, que les villes, les communes et les corporations (sic) devaient aussi pouvoir jouir de ce droit honorifique puisqu’elles formaient des corps constitués12. Il prépara en ce sens un projet de décret qui aboutit au fameux décret du 17 mai 1809 qui reconnaissait « aux villes, communes, corporations ou associations civiles, ecclésiastiques ou littéraires » le droit de posséder des armoiries, à condition d’en avoir reçu la concession par lettres patentes (au sens de lettres non fermées) de Napoléon. Ces lettres donnaient lieu à la perception de frais d’expédition substantiels calculés en fonction de l’importance de la ville : 600 francs pour les « bonnes villes » dont les maires assistaient au couronnement, 400 francs ou 200 francs suivant leurs revenus pour les villes dont les maires étaient nommés par l’Empereur, 60 francs pour les autres villes ou communes, 200 francs pour les associations13. Ce tarif dégressif correspondait à celui des lettres patentes accordant des titres aux particuliers. En même temps, le Conseil du sceau des titres élabora la procédure de demande et établit les règles de l’héraldique urbaine impériale. Il fixa que les bonnes villes auraient leurs armes surmontées d’un chef de gueules aux trois abeilles d’or et que leur écu serait couronné d’une tour crénelée ; celles des villes dont les maires étaient à la nomination 9. Bulletin des lois, premier semestre de 1808, n° 186, p. 177-180. 10. Bulletin des lois, premier semestre de 1808, n° 186, p. 180-197. 11. Bulletin des lois, premier semestre de 1808, n° 196, p. 371-374. 12. Arch. nat., 149 Mi 30 (BB29 1015), procès-verbaux des séances du Conseil du sceau des titres, séance du 11 mars 1809, p. 33-34. 13. Arch. nat., AF IV 379, plaquette n° 182, pièce 91, original du décret du 17 mai 1809. On en trouvera une édition dans COËTLOGON (Anatole de) et TISSERAND (Lazare-Maurice), Les Armoiries de la ville de Paris…, op. cit., t. 2, p. 177-178, appendice 36.

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de l’Empereur auraient « à dextre un franc-quartier d’azur à l’N d’or surmonté d’une étoile rayonnante, aussi d’or » et celles des villes dont les maires étaient à la nomination des préfets « à senestre un franc-quartier de gueules chargé des mêmes pièces d’argent ». En français vulgaire, les armoiries des villes de première classe devaient comporter à la partie supérieure une bande rouge avec une rangée de trois abeilles d’or, celles de la seconde classe un carré bleu en haut à droite avec la lettre N et une étoile d’or, celles de la troisième classe un carré rouge en haut à gauche avec la lettre N et une étoile d’argent14. Pour le reste, les municipalités eurent le choix de leurs armes, à l’exception des lys, strictement interdits. Les municipalités ne se privèrent pas de rivaliser d’imagination pour symboliser leur ville, tantôt dans un sens artistique comme Versailles ou Paris, parfois aux limites de la décence comme Metz. Il fallut un certain temps pour que cette procédure se mît en place. Ce n’est que le 6 mars 1810 que Napoléon approuva les armoiries demandées par Lyon, à l’origine du rétablissement des armoiries urbaines15. À Paris, dont l’administration municipale dérogeait au droit commun, le préfet de la Seine, Frochot, représenta le 12 avril 1810 au conseil général du département que la ville de Paris devait demander des armoiries. Une commission fut alors établie pour délibérer sur leur composition. Elle proposa un bateau antique non ponté avec une figure de la déesse Isis à la proue, rappel de la barque des nautes parisiens et clin d’œil à l’égyptomanie à la mode. Le 9 juin 1810, Frochot saisit le ministre de l’Intérieur de cette proposition en demandant que le chef de l’écu de Paris soit celui des bonnes villes. Le projet de la commission fut approuvé par Napoléon le 14 janvier 1811. Les lettres patentes, datées du 29 janvier, rendant des armoiries à Paris, avec le chef des bonnes villes, furent scellées le 7 février 181116. Le décret du 17 mai 1809 concernait le grand Empire, c’est-à-dire également les villes des départements réunis de Belgique, d’Italie et d’Allemagne. Elles furent un petit nombre à entreprendre les démarches nécessaires. Après la chute de l’Empire en 1814, la Charte constitutionnelle du 4 juin 1814 posa comme principe « La noblesse ancienne reprend ses titres. La nouvelle conserve les siens ». Par ordonnance du 15 juillet 1814, le Conseil du sceau des titres fut remplacé par une Commission du sceau présidée par le chancelier de France et composée de membres du Conseil d’État, tandis que l’instruction des affaires soumises à la commission était confiée à des référendaires au lieu et place des avocats au Conseil d’État17. Cette même ordonnance fixait que les particuliers qui avaient eu des armoiries pouvaient obtenir une nouvelle concession d’armoiries. En matière d’armoiries urbaines, la législation de la première Restauration fut plus précise et plus directive. L’ordonnance du 26 septembre 1814 prescrivait aux villes et communes de reprendre les armoiries qui leur avaient été attribuées sous l’Ancien Régime, à charge de les faire vérifier par la Commission du sceau. Le roi se réservait d’en accorder aux villes, communes ou corporations qui n’en avaient pas eu18. Elle fut suivie par l’ordonnance du 26 décembre 1814 qui fixait le tarif des droits à payer par les villes pour la délivrance des lettres patentes de confirmation ou de concession d’armoiries. Soulignons qu’à cette époque, ces lettres patentes, sur parchemin et 14. Arch. nat., 149 Mi 30 (BB29 1015), procès-verbaux des séances du Conseil du sceau des titres, séance du 11 mars 1809, p. 33-34. 15. Arch. nat., AF IV 1312, dossier 1, pièces 127 à 130. 16. COËTLOGON (Anatole de) et TISSERAND (Lazare-Maurice), Les Armoiries de la ville de Paris…, op. cit., t. 1, p. 150-152. Arch. nat., BB29 987, p. 19, lettres patentes du 29 janvier 1811. Paris n’avait pas de maire ; c’était le conseil général du département de la Seine qui faisait fonction de conseil municipal de Paris. 17. Bulletin des lois, 2e semestre 1814, n° 17, p. 197-207, Charte constitutionnelle du 4 juin 1814 ; n° 25, p. 295-297, ordonnance du 15 juillet 1814. Le titre de chancelier de France, rétabli le 13 mai 1814 en faveur de Charles Henri Dambray (1760-1829), fut supprimé définitivement en 1817. 18. Bulletin des lois, 2e semestre 1814, n° 46, p. 297-298, ordonnance du 26 septembre 1814.

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scellées, constituaient le seul acte authentique de la concession ainsi accordée à une ville, comme pour les titres conférés à des particuliers. Les villes étaient réparties en trois classes. La première classe comprenait les villes chefs-lieux de département ou sièges de cours royales d’appel ; la deuxième classe, les villes chefs-lieux d’arrondissement ou sièges d’un tribunal civil ou de commerce ; la troisième classe les autres villes et communes. Les associations suivaient le tarif de la localité où se trouvait leur siège. L’ordonnance distinguait le renouvellement d’armoiries anciennes et la concession d’armoiries nouvelles. Les droits dus pour la concession d’armoiries nouvelles étaient de 600 francs pour la première classe, 400 francs pour la deuxième classe et 200 francs pour la troisième classe, soit assez sensiblement ceux du décret du 17 mai 1809. Les droits dus pour le renouvellement d’armoiries anciennes se montaient au quart des précédents, en fonction des classes. S’y ajoutaient les droits des référendaires, chargés d’instruire les demandes auprès de la Commission du sceau19. La loi de finances du 28 avril 1816 y ajouta des droits d’enregistrement variables suivant la classe de la ville perçus par le Trésor royal20. Entre-temps, l’intermède des Cent-Jours avait annulé, par décret du 15 avril 1815, les ordonnances des 26 septembre et 26 décembre 1814 pour remettre en vigueur le décret du 17 mai 180921. Elles furent rétablies en août 1815. Quoi qu’il en soit, on comprend que peu de municipalités se soient engagées dans les frais et les démarches d’une demande ou d’une confirmation d’armoiries. Dans la France centralisée du XIXe siècle, aux maires nommés par le gouvernement, les armoiries urbaines n’étaient plus le symbole des libertés communales. Tout au plus gardaient-elles un intérêt historique et ornemental. Le décret du 17 mai 1809 et l’ordonnance du 26 septembre 1814 représentent les deux textes refondateurs des armoiries urbaines au XIXe siècle. C’est en conformité de l’un puis de l’autre que fut exécuté l’armorial des villes par les soins du Conseil du sceau des titres, puis de la Commission du sceau, enfin du ministère de la Justice, qui eurent successivement les titres et les armoiries dans leurs attributions. Ils expliquent la composition de cet armorial, tel qu’il est parvenu jusqu’à nous. Une même ville peut avoir un ou deux écus, selon les démarches entreprises par les autorités municipales. Ainsi pour Paris, l’écu de l’Empire et celui de la Restauration remplissent la première page de l’armorial. À une circulaire du ministre de l’Intérieur du 10 janvier 1815 précisant les formalités à remplir pour la reprise de leurs armoiries par les villes, le préfet de la Seine, le comte de Chabrol, répondit qu’il s’occupait personnellement de celles de la capitale. Mais, dans un contexte politique riche en péripéties, ce n’est que le 18 juin 1817 qu’il invita le conseil général faisant fonction de conseil municipal à délibérer sur la reprise par Paris de ses armoiries fixées en 1699. Le projet transmis le 24 juillet 1817 par le préfet au ministre de l’Intérieur modernisait le navire en bateau de guerre contemporain, au lieu du vaisseau du XVIIe siècle ; il comportait aussi en ajout une couronne murale, ainsi que deux branches de lis pour support de part et d’autre de l’écu. Les lettres patentes redéfinissant les armoiries de Paris selon le projet furent scellées le 20 décembre 1817 après décision royale du 10 décembre précédent22. La législation sur les titres et la noblesse, et donc subsidiairement sur les armoiries des particuliers, varia au gré des régimes politiques qui se succédèrent au XIXe siècle. La Charte constitutionnelle du 14 août 1830, consécutive à la révolution de juillet 1830, reprit pour les titres le même texte que celle de 1814. La révolution de février 1848 s’empressa d’abolir tous les « titres de noblesse » (sic) par décret du 29 février 1848. Mais, peu après sa prise du pouvoir, Napoléon III abrogea le décret du 29 février 1848 par 19. Bulletin des lois, 2e semestre 1814, n° 67, p. 628-630, ordonnance du 26 décembre 1814. 20. Bulletin des lois, 1er semestre 1816, n° 81, p. 504-505, loi du 28 avril 1816, article 55. 21. Bulletin des lois, 2e trimestre 1815, n° 16, p. 121-122, décret du 15 avril 1815. 22. COËTLOGON (Anatole de) et TISSERAND (Lazare-Maurice), Les Armoiries de la ville de Paris…, op. cit., t. 1, p. 152-154 ; t. 2, p. 215, appendice 53 et p. 237, appendice 63. – Arch. nat., BB29 988, p. 93, lettres patentes du 20 décembre 1817.

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décret du 24 janvier 185223. Ce dernier ne fut pas supprimé après la chute du Second Empire. Le Président de Mac-Mahon se contenta de constater le 10 mai 1875 en conseil des ministres que le régime constitutionnel de la France ne permettait plus de créer de nouveaux titres24. Toutefois, les titres héréditaires existants continuaient à être reconnus et leur transmission assurée au successeur appelé selon les règles de dévolution fixées lors de leur création sous l’Ancien Régime ou postérieurement à la Révolution. Cette interprétation de la décision de Mac-Mahon est toujours en vigueur actuellement25. Aucun des actes que nous venons de citer ne concernait les armoiries des villes. Le décret du 17 mai 1809 n’avait pas été formellement abrogé par l’ordonnance du 26 septembre 1814. De même, cette dernière, supprimée en avril 1815, rétablie en août suivant, n’a pas été révoquée depuis lors. En l’absence de textes ultérieurs, de portée générale, on peut donc toujours s’y référer en les adaptant aux institutions actuelles.

Le service du sceau Le service compétent en matière de titres et d’armoiries évolua également au cours du XIXe siècle, tout en gardant le mot « sceau » dans son appellation, rappel du scellage des lettres patentes effectué originairement par ce service. Le Conseil du sceau des titres fut rétabli pendant les Cent-Jours par décret du 24 mars 1815, puis remplacé à nouveau par la Commission du sceau en août 1815 avec d’ailleurs à peu près la même compétence. Elle était désormais présidée par le garde des Sceaux, ministre de la Justice, tout en restant indépendante de son ministère. Une réorganisation très importante du service fut engagée dès les débuts de la monarchie de Juillet. La Commission du sceau fut supprimée par l’ordonnance du 31 octobre 1830 et ses fonctions rattachées au ministère de la Justice. L’arrêté du ministre de la Justice du 17 août 1832 donna au service du sceau l’organisation qu’il conserve encore en partie actuellement. Il constituait désormais un bureau de la division des affaires civiles du ministère de la Justice qui prit alors le nom de division (puis, un peu plus tard, celui de direction) des affaires civiles et du sceau. Le rôle consultatif que jouait la Commission du sceau fut dévolu au conseil d’administration du ministère de la Justice qui réunissait depuis 1822 au moins les directeurs de l’administration centrale du ministère26. Des modifications intervinrent par la suite au gré des changements de régime et de la nécessaire adaptation à l’évolution des institutions, sans que l’organisation du service du sceau soit fondamentalement remise en cause. Les lettres patentes disparurent en 1848. Napoléon III les rétablit en 1862. La chute du Second Empire les supprima définitivement. Désormais, ce fut l’ampliation du décret accordant la demande qui constituait l’acte authentique délivré au bénéficiaire. De même, le conseil d’administration du ministère de la Justice fut remplacé, dans ses fonctions consultatives pour les affaires dépendant du bureau du sceau, par le Conseil du sceau des titres recréé par décret du 8 janvier 1859. Il les recouvra le 10 janvier 1872. Les référendaires au sceau furent supprimés par extinction à partir de 1892. Désormais, les dossiers des demandes adressées au bureau du sceau sont préparés et présentés par les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cas23. Bulletin des lois, 1er semestre 1848 (2e partie), n° 3, p. 28, décret du 29 février 1848 ; ibidem, 1er semestre 1852, n° 481, p. 106, décret du 24 janvier 1852. 24. Arch. nat., BB11 133918, dossier des demandes de succession au titre et au majorat de Savary (1869-1896) où est rappelée cette décision. 25. GUILLAUME (Marc), « Le Sceau de France. Titre nobiliaire et changement de nom », dans Bulletin de l’Association d’entraide de la noblesse française, janvier 2007, n° 268, p. 35. 26. Voir DAINVILLE-BARBICHE (Ségolène de), « Les archives du sceau : naturalisations, mariages, changements de nom, titres », dans La Gazette des Archives, n° 160-161, 1993, p. 130 ; du même auteur, De la justice de la Nation à la justice de la République, 1789-1940. Guide des fonds judiciaires conservés au Centre historique des Archives nationales, Paris, 2004, p. 80, 184-186.

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sation comme sous le Premier Empire27. Les dernières modifications intervenues en ce début du troisième millénaire sont la suppression des droits de sceau et de l’intervention, devenue purement formelle, du conseil d’administration du ministère de la Justice dans l’examen des demandes28. Les demandes de règlement ou de modification d’armoiries urbaines présentées au service du sceau ne furent jamais très nombreuses. Dès le début de la monarchie de Juillet, elles se raréfièrent considérablement, par méconnaissance de la législation restée en vigueur ou bien par crainte des frais et des difficultés d’une telle démarche qui, vraisemblablement, ne fut pas encouragée par le gouvernement de l’époque 29. Cependant, à partir de 1877, l’attribution de décorations à des villes comme la Légion d’honneur, puis la croix de guerre, enfin la croix de la Libération, suscita des demandes de modification ou de règlement d’armoiries. Il s’agissait ainsi de perpétuer le souvenir de la conduite héroïque d’une communauté d’habitants au cours de la guerre de 1870, puis des deux conflits mondiaux30. Pour reprendre l’exemple de Paris, un décret du 9 octobre 1900 autorisa la capitale à faire figurer dans ses armoiries la croix de la Légion d’honneur. La croix de guerre y fut ajoutée par décret du 14 février 1924. À cette occasion, Paris a retrouvé alors la barque médiévale de la puissante corporation des « marchands de l’eau », exploitant la Seine pour le transport des marchandises. Le dernier règlement des armoiries de Paris est intervenu par décret du 20 août 1949 avec l’ajout de la croix de la Libération. Ces décrets se réfèrent, dans leur préambule, au décret du 17 mai 1809. La capitale a gardé ses fleurs de lis d’or, souvenir des entrées des rois de France dans leur bonne ville. Son écu est surmonté de la couronne murale, rappel des murailles qui l’ont ceinturée jusqu’en 1919 ; il porte, pendues à sa pointe, l’étoile de la Légion d’honneur, la croix de la Libération et la croix de guerre31. Dans la France décentralisée du XXIe siècle, jalouse de ses libertés communales, les armoiries restent le symbole identitaire d’une communauté d’habitants qui s’enracine non seulement dans un terroir, mais aussi dans l’histoire.

27. DAINVILLE-BARBICHE (Ségolène de), « Les archives du sceau… », op. cit., p. 131. Les avocats au Conseil d’État ont fusionné avec les avocats à la Cour de cassation en 1817. 28. GUILLAUME (Marc), « Le Sceau de France… », op. cit., p. 36 et 45. 29. Elles disparurent pratiquement après 1831, puis reprirent un peu sous le Second Empire. 30. Arch. nat., BB29 1034, transcription des décrets relatifs au sceau. Le registre comporte 27 décrets de règlement ou de modification d’armoiries de villes pour la période 1877-1949. 31. Arch. nat., BB29 1034, p. 52, 56, 74, 77-78.

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La classification des villes

ous l’Empire comme sous la Restauration, certains meubles entrant dans la composition des armoiries et les tarifs de concession d’armoiries ont varié selon l’importance de la ville qui en faisait la demande. Le décret du 17 mai 1809, reprenant les termes de celui du 17 mars 1808, fixe, dans son article IV, les tarifs des frais d’expédition des lettres patentes portant concession d’armoiries à des villes, communes et corporations. Les « bonnes villes », dont les maires assistent au couronnement de l’Empereur, acquittent la même somme que celle qui est demandée aux ducs : 600 francs. Appartinrent à cette catégorie Abbeville, Aix-la-Chapelle, Alexandrie, Amiens, Amsterdam, Angers, Anvers, Besançon, Bordeaux, Bourges, Brême, Bruxelles, Caen, Clermont-Ferrand, Cologne, Dijon, Florence, Gand, Gênes, Genève, Grenoble, Hambourg, La Haye, La Rochelle, Liège, Lille, Livourne, Lübeck, Lyon, Marseille, Mayence, Metz, Montauban, Montpellier, Nancy, Nantes, Nice, Orléans, Paris, Parme, Plaisance, Rennes, Reims, Rome, Rotterdam, Rouen, Strasbourg, Toulouse, Tours, Troyes, Turin et Versailles. En matière d’armoiries, il est prévu que les bonnes villes « auront leurs armes surmontées d’un chef de gueules aux trois abeilles d’or », avec « pour couronnement une tour crénelée au naturel, d’où s’échappent en façon de lambrequins deux cornes d’abondance d’azur, fleuries et fruitées d’or ». Les villes de deuxième classe, dont les maires sont nommés par l’Empereur, sont alignées sur les comtes et paient 400 francs, si elles ont plus de 20 000 francs de revenu, mais s’il est inférieur à cette somme, elles payent comme les barons, soit 200 francs. Elles voient leurs armoiries porter « à dextre un franc-quartier d’azur à l’N d’or surmonté d’une étoile rayonnante, aussi d’or », le tout couronné « de deux cornes d’abondance d’azur, fleuries et fruitées d’or, posées en sautoir, un feston de chêne et d’olivier étant supporté par elles et se nouant au point où elles se croiseront ». Ainsi en fut-il d’Acqui, Agen, Aix, Arles, Armentières, Asti, Avranches, Bayonne, Beauvais, Bois-le-Duc, BorgoTaro, Castel-Sarrasin, Châlons, Chartres, Chaumont, Cherbourg, Chiavari, Coutances, Delft, Dole, Granville, Grasse, Haguenau, Hières, Le Havre, Leyde, Lierre, Lons-leSaunier, Loudun, Louvain, Malines, Moissac, Niort, Pau, Rochefort, Saint-Lô, Savone, Thionville, Tirlemont, Toulon, Troyes, Valognes, Verceil et Vesoul. Enfin les villes de la troisième classe étaient alignées sur les chevaliers et devaient s’acquitter de la somme de 60 francs. Leurs armoiries arboraient « à sénestre un francquartier de gueules chargé des mêmes pièces d’argent », et étaient « surmontées d’une corbeille d’argent garnie d’épis au naturel, laissant échapper en façon de lambrequins deux rameaux de pampres ». Firent partie de cette catégorie Bruyères, Carentan, Épernay, Lamballe, Mirecourt, Neufchâteau, Paimbeuf et Pons. Si l’ordonnance royale du 26 septembre 1814 se contente d’inciter les villes à reprendre les « armoiries qui leur ont été attribuées par les rois nos prédécesseurs », celle du 26 décembre 1814 précise qu’il « paraît convenable de proportionner les droits à l’importance des villes et communes, et de les diviser en trois classes. La première comprendra les villes chefs-lieux de département ou celles qui, n’ayant pas de préfecture, sont cependant

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le siège d’une cour royale. La deuxième, les villes chefs-lieux d’arrondissement ou celles qui, n’ayant pas de sous-préfecture, sont le siège d’un tribunal de commerce. La troisième, toutes les villes et communes qui ne peuvent être rangées dans aucune des deux premières classes ». Pour une concession d’armoiries, les villes de la première classe paieront 600 francs pour les droits du sceau et 100 francs pour ceux des référendaires, celles de la deuxième classe respectivement 400 et 50 francs, et celles de la troisième 200 et 25 francs. Pour obtenir des titres de reconnaissance ou de confirmation, elles débourseront dans l’ordre, 150 et 40 francs, 100 et 30 francs et 50 et 20 francs. Claire Béchu conservateur général aux Archives nationales

Double page suivante : Page 14 : Transcription des lettres patentes du 21 novembre 1810 autorisant la bonne ville d'Orléans à porter des armoiries (Arch. nat., BB29 987). Page 15 : Transcription des lettres patentes du 4 novembre 1815 autorisant la ville d'Orléans à reprendre ses anciennes armoiries (Arch. nat., BB29 988).

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L’héraldique des communes depuis 1870 Clément Blanc-Riehl chargé d’études documentaires aux Archives nationales

usqu’à l’extrême fin du XVIIe siècle, l’adoption d’armoiries par les villes n’était régie par aucun texte spécifique ni soumise à un quelconque enregistrement, l’autorité royale n’intervenant en rien dans une pratique à la mise en place très progressive. Si l’héraldique urbaine ne jouait alors aucun rôle objectif dans la définition juridique de la ville – entendons par ville une communauté d’habitants exprimant le pouvoir politique et juridico-économique de la personne morale qu’elle constitue 1 –, progressivement, notamment par le biais des sceaux, elle se chargea d’un rôle symbolique de premier plan comme signe de reconnaissance d’une communauté, en tant qu’élément fondamental de ce que l’on pourrait définir rapidement comme une conscience urbaine. C’est qu’elle marque visiblement le caractère spécifique d’une communauté inscrite sur un territoire particulier ; elle en symbolise une historicité qui s’enracine bien au-delà des lois modernes qui les instituent ; elle illustre un pouvoir local plus ou moins autonome, du moins dans la représentation qu’il a de luimême. Ce faisant, les armoiries ne s’opposent-elles pas à la conception d’un État unitaire et centralisé imposant tardivement l’uniformisation des marques de l’autorité publique ? Par l’assimilation abusive de l’héraldique à des « signes de féodalité », par la destruction – moins systématique qu’on a pu le dire – de l’ancien système symbolique, la Révolution française, qui ne put détruire un appareil réglementaire qui n’existait pas, conduisit paradoxalement, par retour de balancier, à la définition, sous le Premier Empire, du premier cadre légal en la matière ; décrite plus haut par Ségolène Barbiche, cette réglementation restrictive opérait un contrôle pointilleux d’une pratique soumise à l’approbation des pouvoirs publics. Jusqu’en 1884, ce sont bien les textes de 1809, amendés en 1814, qui servirent de fondement à une pratique dont on peut observer par ailleurs la lente désaffection. Ces quelques lignes tentent de décrire quelle a été et est encore de nos jours la manière dont le régime républicain procéda, à partir de 1870 et malgré la césure de la période de l’Occupation, à un retour au principe libéral qui prévalait sous l’Ancien Régime, même si, à de rares occasions, la République intervint directement dans un phénomène qui connaissait de manière épisodique de véritables retours d’intérêt.

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1. Cette définition est de Brigitte Bedos dans Corpus des sceaux français du Moyen Âge, t. 1 : Les Sceaux des villes, Paris, Archives nationales, 1980, p. 13.

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Les années 1870-1884 Alors que, depuis le décret du gouvernement de la Défense nationale du 25 septembre 1870, le sceau de l’État ne porte plus d’armoiries, la République maintint la possibilité offerte à une ville de s’en doter en reprenant à son compte, jusqu’en 1884, la procédure fixée par le décret de 1809 et les ordonnances de 1814. La concession et le règlement d’armoiries ne pouvaient être accordés à une ville que par un acte du pouvoir exécutif, donc, à partir de 1870, du président de la République. Conformément aux prescriptions de l’article 3 du décret du 17 mai 1809, de l’article 8 du décret du 8 janvier 1859 et de l’article 6 du décret du 10 janvier 1872 – par lequel le conseil d’administration du ministère de la Justice retrouvait ses attributions en matière de sceau – les demandes devaient être introduites par le truchement d’un référendaire au sceau de France auprès du garde des Sceaux, qui procédait alors à leur examen, assisté de son conseil d’administration. Rédigée sur papier timbré, accompagnée d’un dessin, du budget de la commune et de la copie certifiée des lettres patentes ou du décret portant concession primitive, la demande devait être transmise par l’autorité préfectorale au ministère de l’Intérieur qui la faisait alors parvenir, avec avis, au ministère de la Justice. Là, le bureau du sceau préparait un rapport qu’il adressait, sur l’avis du commissaire au sceau de France, au conseil d’administration du ministère qui émettait un avis soumis à l’approbation du ministre. Si cet avis était favorable, il était sanctionné par un décret présidentiel ; la commune devait alors verser des droits de sceau dont le montant variait en fonction de la classe à laquelle elle appartenait2.

La loi relative à l’organisation municipale du 5 avril 1884 Dans un contexte de désaffection assez profond – entre 1852 et 1884, le nombre des demandes atteint à peine la dizaine – où la réglementation surannée de 1814 apparaissait bien comme une coquille procédurale vide, la République, en adoptant la loi municipale de 1884, ne prit pas le soin d’aborder la question des signes symboliques dont les villes pouvaient se parer. Même si certains auteurs ont pu considérer – et considèrent parfois encore – qu’en droit, par la non-abrogation des textes de 1814, les communes devaient toujours s’y conformer pour obtenir la concession d’armoiries, dans la réalité une entière liberté leur est laissée, et cela dans le respect des règles de la démocratie locale. Depuis cette date, la délibération du conseil municipal est le seul acte officiel par lequel les armoiries acquièrent leur existence légale. Cependant cette disposition n’est qu’implicite, la loi de 1884 n’y faisant pas objectivement référence. Il s’agit en fait d’une interprétation de l’article 68 qui dresse la liste des délibérations des conseils municipaux exécutoires seulement après approbation de l’autorité préfectorale, liste où ne figure pas l’adoption d’armoiries 3. En tout état de cause, la loi municipale de 1884, de portée générale, abroge de facto les dispositions particulières antérieures à son vote. 2. Pour une concession d’armoiries, les villes de la première classe doivent s’acquitter de la somme de 850 francs, décomposée en 600 de droit de sceau, 100 de droit de référendaires, 120 de droit d’enregistrement, auquel il faut ajouter 30 décimes, soit deux décimes et demi par franc ; pour les villes de la seconde classe, la somme totale est de 550 francs (décomposée comme précédemment en 400, 50, 80 et 20) ; pour celles de la troisième classe, ils sont de 275 francs (soit 200, 25, 40 et 10 francs). Pour le renouvellement de ses armoiries, la première classe paye 227,50 francs (soit 150, 40, 30, 7,50 francs) ; la seconde, 155 francs (soit 100, 30, 20 et 5 francs), et enfin la troisième, 82,50 francs (soit 50, 20, 10, 2,50 francs). Il convient d’ajouter pour chaque classe le règlement des frais de timbre qui s’élève à 0,25 francs. 3. Confirmé par le décret-loi du 5 novembre 1926.

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Ainsi, après 1884, les ordonnances royales étant tenues pour implicitement abrogées, toute latitude fut laissée aux communes ; le droit aux armoiries ne pouvait pas leur être refusé dès lors qu’elles étaient considérées comme des signes distinctifs pris à titre strictement privé et sous réserve du droit des tiers.

L’octroi de décorations portant modification des armoiries Malgré ce cadre législatif, il est vrai fort peu contraignant, les pouvoirs publics se réservèrent la possibilité d’intervenir en ce domaine. Ils le firent par le biais de l’octroi de distinctions honorifiques. Le principe selon lequel l’autorité publique peut marquer sa reconnaissance à l’égard d’une communauté en la distinguant par une marque habituellement réservée aux personnes physiques est un phénomène tardif qui ne concerne à l’origine qu’un petit nombre de villes. À la faveur des guerres, il sera amené à prendre une ampleur considérable. L’origine de cette pratique remonte à un décret de 1815 par lequel Napoléon I er « voulant donner la preuve particulière de [sa] satisfaction aux communes de Chalon-sur-Saône, Tournus et Saint-Jeande-Losne pour la conduite qu’elles ont tenue pendant la campagne de 1814 » leur concéda le droit de faire figurer sur leurs armes « l’aigle de la Légion d’honneur ». Quelques semaines plus tard, cette marque d’attention d’un monarque déchu ne fut guère suivie d’effet, il fallut attendre les premières années du règne de Louis-Philippe pour que la commune de Chalon-sur-Saône revendiquât enfin le droit de porter sur ses armes la décoration. Bon politique, le roi des Français accepta, prenant, à la date anniversaire du décret impérial, une ordonnance par laquelle il entendait témoigner « à cette ville le souvenir […] du courage déployé par les habitants pendant la campagne de 1814 ». Ainsi, parallèlement à la procédure d’octroi décrite ailleurs dans cet ouvrage, l’intervention de l’exécutif pouvait prendre aussi, et cela même après la loi de 1884, la forme d’une simple modification par adjonction d’un élément par ailleurs non héraldique. En 1858, la ville de Roanne se prévalut des mêmes faits d’armes que les trois villes citées plus haut. Napoléon III accéda à sa requête en 1864. La pratique prit un tout autre tour après la guerre franco-prussienne. Il ne s’agissait plus d’entériner une décision impériale pour des faits remontant à 1814, mais de distinguer, selon une procédure comparable, l’attitude courageuse de certaines villes pendant le conflit. Alors que la ville de Châteaudun fut décorée en 1877, Belfort, Rambervillers, Saint-Quentin, Dijon, Paris et Bazeilles le furent après la loi communale de 18844. Ces modifications aiguisèrent visiblement l’appétit de reconnaissance de Valenciennes, Lille et Landrecies qui, en 1900, obtinrent la croix en référence à un décret du 19 vendémiaire an IV [11 octobre 1795] par lequel la Convention avait décrété que les citoyens de ces villes avaient bien mérité de la Patrie5. En septembre 1905, ce fut le tour de Saint-Dizier et en 1913 celui de Péronne. 4. Belfort et Rambervillers en 1896, Saint-Quentin en 1897, Dijon en 1899, Paris et Bazeilles en 1900. 5. En référence directe au décret impérial de 1815, l’ajout de l’étoile dans le champ de l’écu conduisait l’exécutif à intervenir directement dans un débat qui parfois tourna à l’aigre, en réglant en langage héraldique la forme du nouveau blason. Le cas de Lille est, à cet égard, emblématique. Le décret de 1900 qui autorisa l’ajout de la distinction n’ayant pas indiqué l’emplacement de celle-ci, un second décret présidentiel, deux ans plus tard, précisa : « Les armoiries de la ville de Lille sont réglées ainsi qu’il suit : de gueules à fleur d’iris d’argent, l’étoile de la Légion d’honneur en chef à dextre ». Voir TAUSIN (Henri), Les Villes décorées de la Légion d’honneur, Paris, 1898 ; DAGUIN (Arthur), Armoiries des villes décorées de la Légion d’honneur. Forme et place régulières de l’insigne dans ces sortes d’armoiries. Étude historique, héraldique et juridique, Paris, 1906 ; MEURGEY DE TUPIGNY (Jacques), « La place des décorations dans les armoiries des villes de France », dans Mémoires de la Société historique, archéologique et artistique « Le Vieux papier », t. XVII, fasc. 109, juillet 1924, p. 327.

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La procédure de demande était alors relativement simple, mais très rarement suivie d’effet ; cet honneur n’était par principe conféré qu’avec parcimonie, sans compter que l’octroi à une personne morale d’une décoration destinée aux personnes physiques faisait immanquablement baisser le stock des croix attribuables dont le nombre était limité par la loi. Il suffisait qu’après délibération du conseil municipal, la commune adressât une demande au ministre de l’Intérieur qui la transmettait à son collègue de la Guerre ; ce dernier rendait un avis qu’il soumettait au président de la République qui, le cas échéant, prenait un décret. Dans certains cas, un second décret présidentiel venait régler – en langage héraldique – les nouvelles armoiries en précisant l’emplacement de la décoration. Ce point fit souvent débat. Dans le cas d’une demande de Légion d’honneur, la Grande Chancellerie intervenait : son Conseil rendait un avis avant que cette demande ne fût soumise à l’agrément du président de la République. En outre, la présence du chef de l’État ou d’un ministre lors de la notification officielle du décret de concession tenait lieu de réception et dispensait de toute autre formalité. La seule prérogative accordée aux communes décorées, qui par ailleurs n’avaient à acquitter ni droits ni frais, consistait à faire figurer la croix de la Légion d’honneur sur l’écu. La Grande Guerre sera l’occasion d’une nouvelle vague d’attributions de décoration : entre 1914 et 1920, vingt et une nouvelles villes, dont une ville étrangère, reçurent la Légion d’honneur6, tandis que deux mille sept cents croix de guerre furent attribuées7. Certaines communes – le cas de Verdun est à cet égard exceptionnel – furent littéralement couvertes de décorations8. Durant cette période, la remise prit des allures dignes d’une nation victorieuse. On mit au point tout un cérémonial, avec ostension en public par le président de la République du coussin armorié porteur des insignes. Ce décorum parfois grandiloquent nous plonge en plein cœur d’une liturgie républicaine faisant la part belle au blason communal ; celui-ci se trouvait alors réinvesti d’une valeur symbolique qu’il avait perdue depuis fort longtemps et qui dépassait largement le cadre local. À travers lui on récompensait la communauté nationale tout entière, combattants et civils confondus9. Contrairement à l’ajout de l’aigle impériale puis de la croix de la Légion d’honneur dans le champ même de l’écu qu’une bonne interprétation du décret laconique de 1815 permettait, l’abondance des décorations dans certains cas, mais surtout le respect des règles de l’héraldique, les rejetèrent à sa périphérie. Depuis lors, les croix des ordres sont suspendues sous l’écu ; il ne s’agit donc ni d’une modification ni d’une augmentation héraldique, mais bien d’un ajout dans un espace circum-héraldique – espace qui n’a jamais été assujetti à des règles aussi strictes que celles régissant l’intérieur du champ – d’un élément qui n’est d’ailleurs pas étranger à l’héraldique. Il s’agit d’un écho des colliers d’ordre qui entourent depuis fort longtemps certains écus. 6. Liège obtint la croix en août 1914 et Verdun en septembre 1916, mais c’est en 1919 que furent décorées Dunkerque, Strasbourg, Phalsbourg, Bitche, Cambrai, Douai, Longwy, Nancy, Lens, Arras, Bapaume, Reims, Metz et Béthune ; en 1920 ce fut le tour de Soissons, Thionville, Château-Thierry et Noyon. 7. En 1945, cinq villes furent citées à l’ordre de la Libération : Nantes, Grenoble, Vassieux, Paris et l’île de Sein. Dans le cas de Paris, dont le statut est demeuré particulier jusqu’en 1977, un arrêté présidentiel du 20 août 1949, se référant de manière surprenante à l’avis du Conseil du sceau de 1809, au décret de mai de la même année, ainsi qu’aux décrets de janvier 1859 et janvier 1872, régla en langage héraldique les armoiries et l’emplacement des trois décorations (voir Journal officiel du 2 septembre 1949, p. 8802). 8. Dès septembre 1916, la cité meusienne se vit décerner par le gouvernement français, Légion d’honneur et croix de guerre, mais aussi la croix de Saint-Georges britannique, la Military Cross irlandaise, la Médaille d’or de la valeur militaire italienne, la croix de Léopold Ier de Belgique, la Médaille d’or de la bravoure militaire serbe, la médaille d’or d’Obilitch du Monténégro, puis, en 1917, l’ordre de la Tour et de l’Épée du Portugal et le Sabre d’honneur du Japon. 9. La presse se fit alors l’écho de débats assez vifs, notamment au sujet de la croix de guerre attribuée à Paris.

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La République n’imposa donc pas l’ajout d’un symbole républicain sur les armes des communes, mais n’abrogea pas non plus les textes réglementaires qui contrôlaient l’obtention et l’usage depuis le début du XIXe siècle. À partir de 1884, elle laissa en principe toute latitude aux communes de se doter des signes symboliques, fussent-ils puisés à des sources étrangères à la conception qu’elle se fait d’elle-même – comme le maintien dans certains cas des fleurs de lis –, mais lorsqu’elle attribua une marque d’honneur au nom de la communauté nationale tout entière, elle « nationalisa », si l’on peut dire, des signes dont elle se voyait contrainte de contrôler la forme grâce à l’arsenal réglementaire qu’elle avait malgré tout toujours à sa disposition.

L’intermède « ancienne France » : la Commission des sceaux et armoiries de l’État Mises à part ces interventions qui ne touchèrent qu’un peu plus d’une trentaine de communes, le régime libéral instauré par la loi de 1884 demeura en vigueur jusqu’en 1943. En mars de cette année, le garde des Sceaux, ministre secrétaire d’État à la Justice, Joseph Barthélemy, réunit une Commission des sceaux et armoiries de l’État10, chargée, selon les termes mêmes de la circulaire du 20 mai suivant, émanant du secrétariat général de l’administration du ministère de l’Intérieur, d’étudier, de vérifier, de mettre au point et de soumettre à l’approbation du chef de l’État les projets d’armoiries communales11. La mise en place de cet organe avait été précédée d’une initiative du préfet de la Seine qui, par un arrêté du 18 février 1942, avait formé une commission héraldique départementale chargée de réviser les armoiries des communes de son département, travaux achevés le 20 juin suivant et qui donnèrent lieu à une luxueuse publication12. Ignorant volontairement la pratique instaurée depuis la loi de 1884, cette éphémère commission, dont l’ultime séance se tint en mai 1944, se référa d’emblée au décret de mai 1809. Son rôle officiel, lâchement défini dans la circulaire de 1943, se précise cependant à la lecture des dossiers qui nous sont parvenus13. La majorité d’entre eux – une trentaine – concerne des demandes de régularisation après adoption d’armoiries le plus souvent par des communes qui n’en possédaient pas14. De fait, la commission n’eut qu’un rôle de contrôle des règles héraldiques, sans que jamais, du moins pour les dossiers conservés, elle ne recommandât l’utilisation des quelques symboles choisis par l’État français. Le second cas de figure concerne des créations dont la commission s’était en quelque sorte emparée, mais qui dépassent quelque peu cette étude puisqu’elles concernaient les armoiries des provinces15. 10. Hervé Pinoteau consacre quelques lignes à cette commission dans Le Chaos français et ses signes : étude sur la symbolique de l’État français depuis la Révolution de 1789, Paris, 1998, p. 428429 (notamment note 59), ainsi que dans « Les armoiries des personnes physiques et morales devant la loi », dans Les Armoiries non nobles en Europe : XIIIe-XVIIIe siècles, actes du IIIe Colloque international d’héraldique (Montmorency, 19-23 septembre 1893), 1986, p. 109 (notamment note 1). 11. Adressée aux préfets, cette circulaire (n° 148) précise que les demandes « d’autorisation d’armoiries » doivent être adressées à la commission, qui a son siège à l’hôtel du Parc à Vichy et une permanence « chez M. Meurgey, conservateur du service d’héraldique et de sigillographie aux Archives nationales à Paris ». Dans les faits, les membres de cette commission sont ceux réunis à la mi-mai 1942 par Joseph Barthélemy pour étudier et proposer à Philippe Pétain de nouvelles armoiries nationales, projet par ailleurs assez vite enterré. 12. Les textes de l’Armorial des communes de la Seine sont de Jacques Meurgey et les dessins de Robert Louis, qui entame là une longue carrière de peintre héraldiste des « services officiels ». 13. Par la suite distribués dans la documentation héraldique du service des sceaux des Archives nationales, ces documents sont en cours de classement. 14. Après délibération du conseil municipal, c’est-à-dire en respectant à la lettre l’usage établi par la loi de 1884. 15. Ces dernières furent étudiées lors de la séance des 15 et 16 mai 1944.

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Jacques Meurgey16, alors conservateur du service des sceaux des Archives nationales – rebaptisé, de manière un peu abusive, « service sigillographique, héraldique et généalogique » –, apparaît comme le personnage central de cette commission dont les réunions se déroulaient à l’hôtel du Parc, mais dont le travail scientifique était préparé rue des Francs-Bourgeois, grâce à la riche documentation héraldique qu’il avait rassemblée17. À partir des années d’occupation, le conservateur forma, avec l’artiste héraldiste Robert Louis, un duo qui influença l’art héraldique français durant des décennies. Pour l’heure, ce travail de révision auquel s’attachait la commission partait du présupposé d’une décadence de l’art héraldique ou, du moins, d’un relâchement du suivi de ses règles, et cela depuis la Révolution française, tout le travail de la commission se résumant à une recherche des formes originelles, principalement d’ailleurs, dans le riche corpus sigillographique. Dans la pratique, les armes de telle ou telle ville étaient en quelque sorte comparées à leurs plus anciennes représentations, puis redessinées par Robert Louis, souvent, semble-t-il, à partir d’un croquis de Jacques Meurgey.

Depuis la Seconde Guerre mondiale : vers un contrôle non contraignant des règles formelles Si la Commission des sceaux et armoiries de l’État fut dissoute de facto à la Libération, de nombreuses communes continuèrent cependant à adresser leurs demandes aux services officiels. Le plus souvent, celles-ci remontaient par l’intermédiaire du préfet au ministère de l’Éducation nationale, qui les transmettait à la direction des Archives nationales. Là, jusque dans les années 1960, Jacques Meurgey continua le travail commencé en 1943, mais en se bornant désormais à un rôle strict de conseil. En 1961, André Chamson, directeur général des Archives de France, institua une Commission d’héraldique urbaine, qui se réunit de 1961 à 1975 ; puis en 1979, Jean Favier, avec l’accord du ministère de la Culture, refondit une commission sous l’appellation de Commission nationale d’héraldique, organe dont l’existence administrative fut sanctionnée par une circulaire du ministère de la Culture du 14 décembre 199918. Rattachée à la direction des Archives de France – devenue en 2010 Service interministériel des Archives de France –, la commission est un organisme de conseil et non un lieu officiel d’enregistrement, son rôle se bornant à apporter une aide aux communes dans la création de leurs armoiries, et cela dans le respect des règles formelles de l’héraldique19.

La capacité héraldique des communes Depuis 1884, et malgré la césure des années 1943-1944, l’héraldique des communes est toujours régie par l’interprétation libérale de la loi de 1884. À l’heure où l’on constate un intérêt renouvelé à l’égard de cette question20 et où les formes traditionnelles du langage 16. Pour la biographie de Jacques Meurgey, voir PASTOUREAU (Michel), « Jacques Meurgey de Tupigny (1891-1973 », dans Bibliothèque de l’École des chartes, t. XXXIII, 1975, p. 434-438. 17. En 1917 il acquit, par l’intermédiaire des éditions Honoré Champion, la documentation héraldique constituée par le baron Hallez d’Arros, afin de reprendre le projet de publication d’un armorial des communes de France. Cette documentation est de nos jours éparpillée dans les dossiers héraldiques du service des sceaux. 18. Circulaire n° 19242. 19. La circulaire du ministère de la Culture du 12 juillet 2001, adressée aux présidents des conseils régionaux, aux présidents des conseils généraux et aux maires, pose les grands principes formels devant présider à l’élaboration des armoiries. 20. En témoigne notamment l’augmentation, depuis les années 1980, du nombre des dossiers adressés à la Commission nationale d’héraldique.

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du blason se heurtent parfois à la diffusion du logotype21, qu’en est-il des droits des communes sur leurs armoiries ? Ont-elles le monopole de leur usage et, le cas échéant, peuvent-elles en réglementer la diffusion ? Sous le régime de la concession, nul particulier n’aurait pu porter des armoiries communales dont l’usage était réservé à une utilisation publique (en-tête de papier officiel, cachets ou bannières communales) et une commune aurait eu le droit d’exercer leur défense. Sous le régime actuel, les communes ne disposent d’aucune garantie spéciale pour la protection de leurs armoiries. Elles ne sont pas fondées à en réglementer l’usage par voie de concession ou par autorisation. Les armoiries appartiennent au patrimoine incorporel et moral de la cité et elles n’ont pas de valeur juridique. Même si, par un arrêt du 10 mars 1999, la première chambre civile de la Cour de cassation a affirmé que le droit de propriété comprenait le droit à l’image et que, par conséquent, une action peut être intentée par tout propriétaire lors de l’utilisation par un tiers à des fins commerciales de l’image de son immeuble, les armoiries et les autres emblèmes des villes peuvent être utilisés librement à des fins commerciales sans qu’il soit possible de percevoir une quelconque rémunération en raison de leur usage. Ainsi, les armes des villes peuvent figurer dans une marque, sans devenir la propriété exclusive d’un commerçant ou de l’utilisateur22. Le code électoral23 permet en outre à un candidat ou à une liste de candidats de faire figurer un emblème sur ses bulletins de vote ; ce faisant, dans le cas d’une élection municipale, ces derniers ont le droit de faire figurer les armoiries ou le logotype de la ville, du département ou de la région. Par ailleurs, les timbres et cachets permettant d’authentifier les actes émanant des communes ne sont soumis, depuis le décret du 25 septembre 1870, à aucune forme particulière ; c’est leur usage qui en est protégé par les dispositions de la loi du 18 mars 1918 réglementant leur fabrication et leur vente. La loi n’impose en l’espèce aucun formalisme particulier. Comme l’indique l’adaptation épisodique du texte fondateur de 1809 à la faveur des changements institutionnels fréquents que connut la France du XIXe siècle, l’héraldique communale est un phénomène qui suscita des réactions contrastées sous le couvert de tentatives parfois dérisoires pour en contrôler la forme. Les textes dissimulent mal par ailleurs le désintérêt progressif mais réel que connut une pratique séculaire perturbée, d’une part, par l’intervention radicale de la Révolution, rejetant sans nuance le système héraldique traditionnel d’un Ancien Régime dont on connaît la très faible intervention dans le domaine, et, d’autre part, par la législation impériale liant peu ou prou le régime des titres à celui des armoiries. Cette législation, au-delà d’un contrôle formel d’une héraldique dont les villes pouvaient se passer et qui ne donnait lieu à l’octroi d’aucun droit particulier, sinon au prestige de porter un signe de la reconnaissance impériale puis royale, reprenait à son compte le caractère fiscal de l’édit de 1696 par la mise au point d’une tarification relativement lourde. Le Premier Empire procéda à la synthèse de deux conceptions antithétiques, reconnaissant les armoiries dans leur caractère différencié, symbolisant les particularismes locaux, tout en imposant la marque visible de l’appartenance des communes à un système politique unitaire. Par ailleurs, le lien entre le régime des titres et celui des armoiries, établi juridique21. La question a suscité, dans le milieu savant, des débats dont la Société française d’héraldique et de sigillographie, notamment en la personne de son président M. Édouard Secretan, s’est fait l’écho. (Voir « L’Emblématique municipale. Table ronde tenue au siège de la Société française d’héraldique et de sigillographie le 21 juin 1990 », dans Revue française d’héraldique et de sigillographie, 19901991, n° 60-61, Paris, 1992, p. 167-172). 22. Ces précisions ont été apportées par le ministère de l’Économie à une question écrite (n° 30332) de M. Alain Hethener, sénateur de la Moselle, publiée au Journal officiel du Sénat du 19 juillet 2001 (p. 2387). 23. Article 52-3.

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ment pour la première fois sous l’Empire et maintenu sous la Restauration, ne concernait finalement que de très loin l’héraldique des personnes morales, dont l’intégration en 1809 au dispositif réglementaire de 1808, ressemblait plus à du bricolage qu’à un projet bien pensé. C’est sans doute pour cette raison qu’après 1870, la suppression des titres n’entraîna pas celle de l’héraldique communale. Dans les faits – l’armorial présenté ici en apporte la preuve paradoxale –, eu égard au grand nombre des communes, au XIXe siècle, le phénomène est demeuré marginal. Après l’épisode de la Restauration, durant lequel le « retour » à des formes héraldiques pré-révolutionnaires revêtait une importance politique fondamentale et où le nouveau pouvoir disposait d’un appareil législatif efficace qui lui permit de mener à bien la suppression des symboles impériaux, le phénomène s’essouffla progressivement devant l’alourdissement de la tarification allié à l’absence de véritable moyen de sanction à l’égard des villes qui se paraient spontanément d’armoiries. Sous la monarchie de Juillet – l’exemple de la Légion d’honneur accordée à Châlon en est un indice – l’héraldique communale n’a plus, loin s’en faut, le caractère politique qu’elle pouvait avoir en 1815. Paradoxalement, la Troisième République, par la loi de 1884, revint à la situation libérale de l’Ancien Régime, laissant aux communes toute latitude dans le choix des signes symboliques dont elles souhaitaient se doter. Cependant, l’octroi de décorations, dont un arrêté présidentiel réglait l’emplacement sur l’écu, apparaît bien comme une marque de reconnaissance objective d’un système symbolique vidé peu ou prou de toute signification politique et idéologique. Sûre d’elle, au début des années 1880, la République se plaça dans un retrait bienveillant, ne prenant pas le soin d’abroger les textes jusque-là en vigueur. À partir de 1916, les armoiries devinrent, de manière tout à fait pratique, l’espace symbolique sur lequel étaient disposées, le temps d’une cérémonie, les distinctions qui figuraient ensuite en bonne place sur les armes officielles, les armoiries symbolisant dans un système désincarné, la communauté nationale tout entière. L’État français tenta un retour à des formes héraldiques « ancienne France », mais l’éphémère commission dont se dota le régime, malgré quelques maladroites tentatives, se borna dans les faits à un contrôle de règles héraldiques, dont on a du mal par ailleurs à cerner les contours. Au demeurant, c’est bien la même volonté qui anime encore, dans un contexte politique tout différent, la Commission nationale d’héraldique.

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Double page suivante : Décret impérial du 17 mai 1809 accordant aux villes et corporations l’autorisation d’obtenir des armoiries (Arch. nat., F3 I 12).




L’héraldique urbaine Michel Pastoureau professeur à l’École pratique des hautes études

pparues vers le milieu du XIIe siècle, les armoiries sont d’abord utilisées par les seigneurs et les chevaliers afin de se reconnaître dans la mêlée des combats. Mais leur usage s’étend rapidement au-delà des champs de bataille et de tournoi. Devenues signes d’identité, marques de propriété et même ornements décoratifs, elles sont progressivement adoptées par l’ensemble de la société médiévale. Tout au long du XIIIe siècle, leur emploi se diffuse parmi les non-combattants, les roturiers, les personnes morales : tour à tour, les femmes, les prélats et les clercs, les patriciens et les bourgeois, les artisans et les corps de métiers, plus tard les communautés monastiques et religieuses prennent des armoiries. Dans certaines régions, même les paysans en font quelquefois usage. C’est essentiellement grâce aux sceaux que l’adoption d’armoiries s’est étendue à la société dans son ensemble. Très tôt, en effet, seigneurs et chevaliers ne se contentèrent pas de faire peindre sur leur bouclier les armoiries qu’ils venaient d’adopter. Ils les firent également représenter sur leur bannière et sur leurs vêtements, puis sur différents biens et objets leur appartenant, principalement leur sceau, symbole de leur personnalité juridique. Peu à peu, toutes les personnes, physiques et morales, qui possédaient un sceau prirent l’habitude d’en remplir le champ au moyen d’armoiries. À cet égard un chiffre est significatif : nous connaissons pour l’Europe occidentale environ un million d’armoiries médiévales ; or, sur ce million, les trois quarts nous sont connues par des sceaux1. En ce domaine, les villes se sont montrées précoces : dès les premières décennies du XIIIe siècle, plusieurs d’entre elles font déjà usage de véritables armoiries. Pour ce faire, elles choisissent en général la figure qui prenait déjà place sur le sceau de la ville au siècle précédent, et l’enferment dans le périmètre d’un écu. Lille, par exemple, possède un sceau orné d’une grande fleur de lis dès la fin du XIIe siècle, puis inscrit celle-ci dans le champ d’un écu quelques décennies plus tard2. Cette fleur de lis, qui figure aujourd’hui encore dans les armes de la ville (plaques des rues, maillots et emblèmes sportifs, documents officiels, etc.), est une figure « parlante » : un jeu de mots en langue vernaculaire existe entre le nom de la ville et celui de la fleur (Lisle/lis). En Europe, les plus anciennes armoiries urbaines ne sont cependant pas celles de Lille mais celles de Hereford, en Angleterre : on peut les voir, enfermées dans un écu, sur un sceau appendu à un

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1. Sur l’apparition et la diffusion des armoiries, voir PASTOUREAU (Michel), Traité d’héraldique, 2e éd., Paris, Picard, 1993, p. 20-58. 2. BEDOS (Brigitte), Corpus des sceaux français du Moyen Âge, t. 1 : Les Sceaux des villes, Paris, Archives nationales, 1980, p. 282-286.

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document daté des années 11903. Une génération plus tard, d’autres villes d’Angleterre, d’Allemagne et des Pays-Bas sont, elles aussi, dotées d’armoiries ; après le milieu du XIIIe siècle, le phénomène se généralise, et toutes les grandes villes d’Europe occidentale adoptent progressivement des armoiries. En France, c’est le règne de Philippe le Bel qui voit se développer à grande échelle cette héraldique urbaine, spécialement dans les régions méridionales du royaume. Pour constituer leurs armoiries, les villes puisent dans un répertoire très varié. Certaines reprennent purement et simplement les armes de leur seigneur ou de leur fondateur. D’autres, comme Lille, choisissent une figure parlante : un ours (Bär) pour Berne et Berlin, une fleur de lis pour Florence (flos/Florentia), un lion pour Lyon, une roue de moulin (Mühle) pour Mulhouse, un pont (bridge) pour Cambridge. D’autres encore ont adopté pour figure héraldique principale l’attribut ou l’image de leur saint patron : le lion de saint Marc pour Venise, la croix de saint Georges pour Gênes, saint Michel terrassant le dragon pour Bruxelles. Beaucoup de villes ont toutefois repris une figure qui se trouvait déjà sur leur sceau ou sur leurs monnaies, voire sur d’autres objets liés à leur indépendance ou à leur personnalité juridique (bornes, mesures de poids). Pour la transformer en armoiries, elles l’ont associée aux couleurs de leur bannière. Mais certaines villes ont eu des visées plus simples et se sont contentées de représenter leurs murailles ou bien l’image stéréotypée d’un bourg fortifié, voire celle d’un monument ou de l’une des portes de la ville, parfois réduite à une clef. Quelquesunes ont choisi d’évoquer leur activité principale, notamment les villes portuaires qui ont souvent adopté un bateau. Paris, par exemple, a d’abord placé une nef sur son sceau (dès 1210), puis l’a introduite dans un écu au XIVe siècle ; cette nef souligne le rôle de port fluvial joué par Paris tout au long du Moyen Âge et met en valeur la place importante des « marchands de l’eau » dans l’administration de la cité4. De même, Rouen met en scène dans son écu un agneau symbolisant à la fois ses activités textiles et le rôle joué par la puissante guilde des tisserands. Dans quelques cas, nous sommes aujourd’hui incapables d’expliquer pourquoi telle ou telle ville porte telle figure ou telles couleurs dans ses armes. Les légendes et les fragiles explications a posteriori suppléent alors aux silences des sources. Nancy, par exemple, place depuis une date indéterminée un chardon dans le champ de son écu. Les raisons en sont inconnues, mais une explication ingénieuse, née vers la fin du XVIe siècle, affirme qu’il s’agit d’une allusion au siège vainement conduit par le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, un siècle plus tôt, en 1477 : comme le chardon, Nancy est imprenable. De même, une explication moderne, et parfaitement anachronique, voit dans la croix et les fleurs de lis qui ornent l’écu de Clermont-Ferrand, une allusion à la première croisade, prêchée dans cette ville, en 1095, par le pape Urbain II. Dans d’autres cas, au contraire, il est aisé de retrouver les motifs ou l’événement ayant justifié le choix de telles figures ou de telles couleurs. Le Havre, par exemple, porte une salamandre dans ses armoiries parce que la ville a été fondée par François Ier dont cet animal était l’emblème personnel. Les armoiries des villes et des communautés ne diffèrent en rien de celles des personnes physiques. Comme ces dernières, elles sont soumises aux différentes règles du blason et puisent dans le même répertoire de couleurs et de figures. Pendant des siècles, en France comme partout en Europe, rien, absolument rien ne distingue les armoiries des villes de celles des individus ou des familles. Seuls quelques ornements prenant place autour de l’écu leur sont inconnus : insignes de fonction ou de dignité, colliers d’ordre de chevalerie, badges et emblèmes personnels. Mais certaines villes allemandes et italiennes font usage d’un casque surmonté 3. GRAY BIRCH (Walter de), Catalogue of Seals in the Department of Manuscripts in the British Museum, Londres, 1894, t. II, n° 4933. 4. COËTLOGON (Anatole de) et TISSERAND (Lazare-Maurice), Les Armoiries de la ville de Paris : sceaux, emblèmes, couleurs, devises, livrées et cérémonies publiques, Paris, Imprimerie nationale, 1874-1875.

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d’un cimier, comme les chevaliers partant au tournoi, et d’autres placent de part et d’autre de leur écu des supports. L’usage d’une couronne murale timbrant l’écu – emblème spécifiquement urbain – apparaît au XVI e siècle, mais reste rare avant la fin du XVIII e siècle.

Charles d’Hozier et l’Armorial général En France, l’héraldique urbaine connut un essor important, plus ou moins artificiel, vers la fin du règne de Louis XIV. Des petites villes et de simples bourgs, qui n’avaient jamais usé d’armoiries, en adoptèrent ou s’en virent octroyer d’office. Au mois de novembre 1696, en effet, fut promulgué un édit royal qui ordonnait le recensement de toutes les armoiries portées dans le royaume afin qu’elles fussent enregistrées dans un immense recueil : l’Armorial général5. Cet édit ne visait nullement à limiter le port d’armoiries à telles ou telles classes ou catégories sociales. Bien au contraire, il se proposait de recenser toutes les armoiries, tant celles des personnes physiques que celles des communautés. Le souhait de ceux qui avaient eu l’idée de ce recensement était que ces armoiries fussent les plus nombreuses. Car le véritable but de l’édit était fiscal : c’était un moyen, parmi d’autres, de faire entrer de l’argent dans les caisses de l’État, vidées par les guerres de la ligue d’Augsbourg. Sous peine d’une amende et d’une confiscation de leurs biens meubles armoriés, tous ceux qui portaient des armoiries, nobles ou non nobles, individus ou collectivités, devaient les faire enregistrer et payer à cette occasion un droit d’enregistrement. Ce dernier variait selon la qualité du possesseur : il était de 20 livres – une somme élevée – pour les particuliers ; de 60 livres pour les bourgs et paroisses ; de 200 livres et plus pour les villes. Tous ceux qui, par la suite, souhaitaient modifier leurs armes, devaient à nouveau les faire enregistrer et payer ce droit. Malgré les menaces d’amendes et de confiscations répétées tout au long de l’année 1697, les enregistrements furent peu nombreux. C’est pourquoi un arrêt du Conseil du roi du 3 décembre 1697 décida, dans chaque intendance et généralité, l’établissement de « rôles » sur lesquels seraient inscrits les noms de tous les particuliers et de toutes les « villes, bourgs, paroisses, compagnies, corps et communautés » censés porter des armoiries. Après la publication des rôles, ils auraient huit jours pour les faire enregistrer (et payer le droit d’enregistrement), faute de quoi ils s’en verraient attribuer d’office. Nombreux furent ainsi les individus (magistrats, médecins, marchands, artisans, clercs), les villes et les communautés qui n’avaient jamais porté d’armoiries et qui ne songeaient nullement à le faire, qui furent obligés d’en adopter ou, plus fréquemment, qui en reçurent d’office. Ce fut pour eux que Charles d’Hozier, responsable de l’Armorial, et ses commis fabriquèrent des séries d’écus semblables, construits sur la simple déclinaison des mêmes couleurs ou des mêmes figures dans une généralité donnée. Ce fut également à cette occasion que furent créées quantité d’armoiries parlantes ou allusives ridicules, soigneusement consignées dans les registres mais dont leurs propriétaires ne firent évidemment jamais usage6. Pour les villes, les responsables de l’Armorial général se montrèrent encore moins imaginatifs que pour les particuliers : la figure héraldique attribuée d’office aux communes ayant négligé de faire enregistrer leurs armes se limita souvent à la seule initiale du nom de la ville. Belfort reçut ainsi un B majuscule ; Mézières, un M ; Péronne, un P ; 5. Les registres manuscrits sont conservés à la Bibliothèque nationale de France. Voir les sources complémentaires en fin de volume. 6. Sur l’Armorial général de 1696, voir MEURGEY DE TUPIGNY (Jacques), Armorial de la généralité de Paris dressé en exécution de l’édit de novembre 1696…, Mâcon, 1965-1967, 4 vol. (excellente introduction dans le t. I, p. VII-XLI) ; MATHIEU (Rémy), Le Système héraldique français, Paris, J.-B. Janin, 1946, p. 75-87.

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Saumur, un S ; Toul, un T. Bayeux, en revanche, eut l’immense privilège de se voir octroyer deux lettres : B et X7. Cette irruption des lettres de l’alphabet dans le répertoire du blason constituait alors une grande nouveauté et transgressait de manière détestable les traditions héraldiques. Mais le mal était fait et, par la suite, l’héraldique urbaine française, plus que ses voisines, usa et abusa des lettres de l’alphabet comme figures de blason. Des villes qui, sous l’Ancien Régime, n’avaient pratiquement jamais utilisé les armoiries que leur avait attribuées d’office l’Armorial général, les reprirent parfois à leur compte à la fin du XIXe siècle ou tout au long du XXe siècle, causant ainsi un grand tort à l’art héraldique et aux traditions du blason.

De la « terreur héraldique » aux armoiries impériales L’erreur, malheureusement très répandue en France, qui assimile armoiries et noblesse date pour l’essentiel de la Révolution. Dans sa célèbre séance du 19 juin 1790, l’Assemblée constituante décréta la suppression des armoiries en même temps qu’elle décidait celle de la noblesse, des titres, des livrées, des bannières, des pigeonniers, des ordres de chevalerie, des décorations et de tous les « signes de féodalité ». L’usage des armoiries fut donc aboli. Si les Constituants avaient pris la peine de regarder autour d’eux, ils auraient pu constater que ces dernières n’étaient nullement des marques de noblesse et, encore moins, des signes de féodalité : de nombreux bourgeois et artisans en portaient, de même que la plupart des villes, des institutions, des administrations et des collectivités. En 1790, plus des deux tiers des armoiries en usage dans le royaume de France étaient des armoiries non nobles, et un bon tiers appartenait à des personnes morales. Parmi celles-ci, de nombreuses villes, grandes et petites. Le décret de l’Assemblée constituante fut sanctionné par des lettres patentes de Louis XVI le 22 juin suivant. Dès lors, commença une véritable chasse aux armoiries. En 1791 et 1792, plusieurs décrets successifs ordonnèrent d’en faire disparaître les représentations qui se trouvaient sur les biens meubles et immeubles, tant publics que privés, et fixèrent les peines – toujours très lourdes – applicables contre les détenteurs qui continueraient d’en faire usage. Une seule exception fut faite pour les objets « intéressant les arts », qui ne furent pas mutilés, mais transportés au musée ou au dépôt le plus proche. Les particuliers durent canceller ou brûler leurs titres, gratter leur vaisselle et leur argenterie, lacérer leurs reliures, retourner leurs plaques de cheminée, marteler leurs linteaux de porte. Les villes durent renoncer à leurs symboles traditionnels, changer leurs sceaux et leurs documents officiels, certaines durent même changer de nom. Des nouveaux emblèmes, de nouveaux attributs – cocarde tricolore, faisceaux de licteur, bonnet de la Liberté, coq gaulois, tables de la Loi – remplacèrent les anciennes figures héraldiques, et la science du blason disparut dans la tourmente révolutionnaire8. La « terreur héraldique » ne cessa véritablement qu’en 1796-1797. Une décennie plus tard, en 1808, Napoléon décida le rétablissement des armoiries, peu après avoir créé une noblesse impériale à qui il souhaitait d’abord en réserver l’usage. Pour ce faire, les héraldistes du Premier Empire – au premier rang desquels l’étonnant Cambacérès – imaginèrent un ingénieux système de blason qui devait dire avec précision le rang, le titre, le statut ou la fonction de chaque porteur d’armoiries. Bientôt, cette héraldique nouvelle 7. MEURGEY DE TUPIGNY (Jacques), Armoiries des provinces et villes de France. Collection de trois cent soixante-douze bois gravés pour le roi Louis XIV conservés au Musée Condé à Chantilly, Paris, Ch. Bosse, 1929. Du même auteur, on consultera encore avec profit Bibliographie des travaux relatifs aux armoiries des provinces et villes de France et de quelques pays étrangers, Paris, Ch. Bosse, 1929. 8. Sur la suppression des armoiries en 1790 et la « terreur héraldique » qui s’ensuivit, il n’existe pas d’étude de synthèse, seulement des monographies locales. Voir, en attendant un travail complet, les quelques pages bienvenues de Rémy MATHIEU, op. cit., p. 243-246.

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fut étendue à certaines « villes, communautés, sociétés et corps constitués ». Les villes furent ainsi réparties en trois classes. La première comprenait les trente-six « bonnes villes » dont le maire avait le droit d’assister au couronnement de l’Empereur ; elles avaient rang de « duchesses » et devaient introduire dans leurs armes – souvent celles dont elles faisaient usage sous l’Ancien Régime, à condition que n’y figurent ni couronne ni fleur de lis – un chef de gueules chargé de trois abeilles d’or. Les villes de deuxième classe, dont l’Empereur nommait lui-même le maire, avaient rang de « comtesses » ; elles devaient placer à dextre dans leur écu un franc-quartier d’azur chargé d’un N majuscule d’or surmonté d’une étoile du même. Les villes de troisième classe, dont le maire était nommé par le préfet, n’étaient que « baronnes » ; elles devaient placer à senestre – position moins honorable – un franc-quartier de gueules chargé d’un N majuscule d’argent surmonté d’une étoile du même. Cette héraldique urbaine, très hiérarchisée, donnait à la combinaison d’émaux or/azur (ceux de l’ancienne monarchie !) une nette supériorité sur la combinaison argent/gueules. Mais mise à part l’introduction dans le champ des armoiries du signe distinctif des villes, elle ne se montrait guère originale, reprenant généralement pour la plupart d’entre elles les emblèmes héraldiques déjà en usage avant 1789, y ajoutant parfois une ou deux figures nouvelles, faites de lettres ou de meubles parlants, parfois de symboles maçonniques9. Aucune ville, cependant, ne pouvait faire usage d’armoiries si elle ne les avait pas reçues par des lettres patentes officielles. Celles-ci étaient délivrées par le Conseil du sceau des titres, institution créée le 1er mars 1808. Sous la présidence de l’archichancelier Cambacérès, personnage clef dans l’institution de la nouvelle noblesse et de la nouvelle héraldique, le Conseil composait et blasonnait les armoiries concédées aux nouveaux anoblis et aux personnes morales. Il avait pleins pouvoirs de règlement et de juridiction sur tous les problèmes les concernant. Les villes pouvaient faire des propositions ou des suggestions – le plus souvent elles plaidaient pour la reprise pure et simple de leurs anciennes armes – mais une fois les nouvelles armoiries octroyées, elles ne pouvaient rien y changer. Le système héraldique du Premier Empire, plus théorique qu’esthétique, était difficilement applicable : les écus étaient très chargés, peu lisibles et parfois imblasonnables. En outre, ce système n’eut pas le temps de fonctionner : dès 1815, la Restauration mit fin de facto à ses projets et à ses créations qui transformaient par trop les usages du blason, historiquement très souples, en une grammaire sèche et rigide (ce que le blason n’a jamais été). Comme au Moyen Âge, comme sous l’Ancien Régime, chacun, noble ou roturier, communauté instituée ou simple association, fut de nouveau libre d’adopter et d’utiliser les armoiries de son choix, d’en faire l’usage qui lui plaisait, d’en changer au gré de sa fantaisie, à la seule condition – encore et toujours – de ne pas usurper les armoiries d’autrui. Ces sages principes, qui valaient pour les individus et les familles, s’appliquaient également aux villes et aux collectivités. Le Conseil du sceau des titres survécut toutefois à la chute de l’Empire et, par routine plus que par décision officielle, continua pendant quelque temps d’enregistrer les armoiries : longtemps conservés au ministère de la Justice, ses registres armoriés sont aujourd’hui conservés aux Archives nationales.

Le renouveau des armoiries urbaines Assoupie pendant quelques décennies, l’héraldique urbaine française connut un certain essor sous la IIIe République. À la fin du XIXe siècle, la vogue des médailles, des concours, des comices agricoles et des cérémonies officielles favorisa la mise en scène de la symbolique républicaine et de l’emblématique municipale. Des villes moyennes et petites, qui avaient perdu le souvenir de leurs propres armoiries, se plurent à les rechercher, à les 9. Sur le système héraldique du Premier Empire, voir PASTOUREAU (Michel), Traité d’héraldique, op. cit., p. 78-84 ; LAMARQUE (Philippe), L’Héraldique napoléonienne, Saint-Jorioz, éd. du Gui, 1999, 2 vol.

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étudier, à les blasonner. Pour ce faire, elles sollicitèrent le concours des archivistes départementaux et des différents services des Archives nationales ou de la Bibliothèque nationale. Cet élan cessa malheureusement avec la Première Guerre mondiale. Il fallut attendre les années 1940-1950 pour que se produise un renouveau, en grande partie dû aux créations (gravure, philatélie, numismatique) de l’artiste Robert Louis (1902-1965) et aux études de Jacques Meurgey de Tupigny (1891-1973), conservateur en chef de la section ancienne aux Archives nationales et président de la Société française d’héraldique et de sigillographie10. Les décennies suivantes virent la création de commissions départementales d’héraldique, à l’œuvre dans un bon tiers des départements français. Placées sous l’autorité du préfet et vivifiées par la science du directeur des services d’archives et des historiens locaux, elles se proposaient de dresser l’armorial des communes du département, en recensant les armoiries existantes, en recherchant les armoiries oubliées ou en attribuant pour la première fois des armes à celles des communes – simples villages ou chefs-lieux de canton de petite taille – qui n’en avaient jamais possédé11. Une Commission nationale d’héraldique fut instituée auprès des Archives nationales pour aider les départements privés de commission départementale. Toutes ces mesures contribuèrent à un vrai développement de l’héraldique urbaine, et la France réussit à combler partiellement le retard qu’elle avait pris en ce domaine par rapport à ses voisins12. En Allemagne, par exemple, la renaissance de l’héraldique urbaine avait commencé beaucoup plus tôt, dès les années 1880. L’initiative en revenait à la fois à l’État (l’Allemagne était enfin unie), aux Länder, aux héraldistes et à certaines firmes commerciales : plusieurs marques de café, de chocolat ou de cigarettes joignirent à chaque paquet vendu une vignette aux armes d’une ville, vignette que l’acheteur pouvait coller dans un album ; l’ensemble des albums une fois remplis formait un véritable armorial de toutes les communes allemandes. Dans les années 1900-1930, de telles entreprises obtinrent un succès considérable auprès du grand public et contribuèrent à mieux faire connaître et apprécier l’héraldique13. Ailleurs – en Scandinavie, aux Pays-Bas, en Italie – le renouveau des armoiries urbaines fut plus récent, postérieur à la Seconde Guerre mondiale, et davantage lié aux initiatives des designers et des graphistes, contribuant par là même à la création d’un art héraldique original, résolument sobre et moderne (ce qui ne fut pas toujours le cas en France). Ailleurs encore – en Angleterre, en Écosse, en Suisse –, il n’y eut jamais de véritable coupure entre le Moyen Âge et l’époque contemporaine : au fil des siècles, l’héraldique était restée une pratique bien vivante, et les villes n’avaient jamais cessé de mettre en scène leurs armoiries. Partout en Europe, cependant, les armoiries des villes doivent subir, depuis deux ou trois décennies, la concurrence d’emblèmes nouveaux, notamment celle des logos, jugés plus actuels, plus souples, davantage en prise avec un monde élargi et en perpétuelle 10. LOUIS (Robert) et MEURGEY DE TUPIGNY (Jacques), L’Art héraldique : ses applications modernes, Nancy, 1949. Voir aussi PASTOUREAU (Michel), « Jacques Meurgey de Tupigny (1891-1973) », dans Bibliothèque de l’École des chartes, CXXXIII, 1975, p. 434-438. 11. Plusieurs départements français sont ainsi dotés d’excellents armoriaux de leurs communes. Citons pour exemples l’Aube, l’Aude, le Finistère, le Gard, le Gers, la Loire-Atlantique, la Lozère, la Moselle, le Nord, le Pas-de-Calais, le Bas-Rhin, le Haut-Rhin, la Somme, le Tarn. 12. Le répertoire commode de Jean-Jacques LARTIGUE, Armorial général des communes de France, Paris, Christian, 1995, recense ainsi 11 300 armoiries de villes d’après des sources anciennes, modernes et contemporaines (de qualité malheureusement très inégales). Il laisse entendre qu’un tiers des communes françaises actuelles a, à un moment ou à un autre de leur histoire, porté des armoiries. 13. Il faut rappeler ici le rôle essentiel joué en Allemagne par l’artiste Otto Hupp (1859-1949) dans le renouveau de l’héraldique urbaine et de l’art héraldique. Voir l’exposition qui lui a été consacrée : « Otto Hupp, Meister der Wappenkunst, 1859-1949 », Munich, Bayerisches Hauptstaatsarchiv, 1984. Voir aussi le petit livre de Hans-Enno KORN, Otto Hupp…, Marbourg, 1976.

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mutation. Mais ce n’est pas la première fois, au cours de sa longue histoire, que l’héraldique urbaine doit faire face à la concurrence. Elle en est toujours sortie victorieuse. Nul doute qu’il en sera de même cette fois-ci. Beaucoup de villes françaises (Paris, Grenoble, Orléans) et étrangères ont, du reste, choisi pour logo une des figures héraldiques prenant place dans leurs armes. En la sortant du périmètre de l’écu, en la traitant selon les codes du graphisme le plus contemporain, elles en ont fait un logo. Mais entre l’armoirie historique, remontant parfois au XIIIe siècle, et cet emblème nouveau, pleinement de notre temps, le lien n’est pas rompu. Partout, l’héraldique reste bien vivante et continue, sous une forme ou sous une autre, d’exercer son influence. Il faut s’en réjouir.

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La procédure d’obtention d’armoiries par une ville au XIXe siècle près avoir autorisé les particuliers bénéficiaires de titres à porter des armoiries (premier statut du 1er mars 1808), Napoléon Ier rétablit les armoiries en faveur des villes, communes et corporations (décret du 17 mai 1809). Le décret précise que les villes, communes et corporations qui désirent obtenir des lettres patentes portant concession d’armoiries pourront, après s’être fait préalablement autoriser par les autorités administratives compétentes, s’adresser à cet effet au Prince archichancelier de l’Empire, président du Conseil du sceau des titres, à cet effet. La procédure complète en cours sous l’Empire s’appuie sur la circulaire aux préfets du 4 juillet 18091. La ville prend une délibération tendant à ce que lui soient accordées des armoiries. À la délibération est annexé un dessin présentant le projet d’armoiries décrites dans le texte de la délibération, ainsi que le budget de la commune si elle n’a pas 20 000 francs ou plus de revenus. Le sous-préfet est ensuite sollicité par la ville pour donner son avis. La ville peut alors transmettre sa demande au préfet pour que ce dernier la confirme en rendant un arrêté autorisant la ville à effectuer les démarches nécessaires auprès du Prince archichancelier. Le préfet saisit alors le conseiller d’État, directeur général de la comptabilité des communes et des hospices au ministère de l’Intérieur, qui donne un avis et permet à la ville de poursuivre la demande au Conseil du sceau des titres. Lors d’une de ses séances, le Conseil du sceau des titres examine la demande qui lui est soumise et formule, par la voix de son procureur général, des conclusions qui, si elles sont favorables, accordent à la ville les armoiries demandées, après qu’il aura été justifié du paiement des frais d’expédition des lettres patentes, au taux fixé pour les villes en fonction de leur classe. Le préfet rend ensuite un arrêté pour approuver la délibération municipale et autoriser la ville à solliciter des lettres patentes par l’entremise d’un avocat au Conseil d’État auprès du Prince archichancelier. Une requête est alors présentée au Prince archichancelier, Cambacérès, par l’avocat au Conseil d’État au nom de la ville pour demander la délivrance de lettres patentes portant concession d’armoiries. Cambacérès transmet la demande à Napoléon avec l’avis du Conseil du sceau des titres et le dessin des armoiries projetées. Une fois que celles-ci ont été approuvées par l’Empereur, le Conseil du sceau des titres peut alors expédier les lettres patentes, signées par Napoléon et scellées du grand sceau impérial. Après la chute de l’Empire, Louis XVIII décide, par l’ordonnance du 26 septembre 1814, que les villes du royaume reprendront les armoiries qui leur avaient été attribuées par les rois de France, le roi se réservant d’en accorder aux villes qui n’en auraient pas encore. L’article premier de l’ordonnance précise que les villes appliqueront le sceau de ces armoiries sur les actes de leur administration, après les avoir préalablement fait vérifier par la Commission du sceau et avoir obtenu le titre nécessaire, des lettres patentes. L’ordonnance du 26 décembre 18142 fixe les droits à payer pour l’obtention de ces titres, selon la classe à laquelle appartient la ville. Pour faire exécuter ces dispositions d’une manière uniforme et plus régulière, le ministre de l’Intérieur décide de réunir au ministère toutes les demandes relatives aux armoiries des villes et de saisir directement la Commission du sceau pour la vérification qui doit être faite et pour la délivrance du titre de confirmation. Pour ce faire, le 10 janvier 1815, il adresse à tous les préfets une circulaire – qui sera complétée par une

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1. Cette circulaire est conservée sous la cote F3 I 12. 2. Le texte des ordonnances des 26 septembre et 26 décembre 1814 est conservé sous la cote BB30 1118.

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autre en date du 1er avril 18163 – leur enjoignant de lui faire remettre par toutes les villes de leurs départements respectifs les délibérations prises par les conseils municipaux, un dessin des armoiries et des copies certifiées des chartes ou lettres patentes en vertu desquelles a eu lieu la concession primitive. La justification du paiement des droits se faisant en même temps que la demande, la circulaire sollicite également la remise, avec les pièces, des sommes nécessaires pour acquitter les droits du sceau et des référendaires. Pendant les Cent-Jours, Napoléon revenu au pouvoir annule, par son décret du 15 avril 18154, les ordonnances royales des 26 septembre et 26 décembre 1814, rétablissant la validité des précédents décrets impériaux relatifs aux armoiries des villes. La monarchie rétablie ignore l’épisode des Cent-Jours et continue à appliquer les décrets de septembre et décembre 1814. Napoléon III rétablit en 1862 pour les titres et les armoiries des villes les lettres patentes que la révolution de 1848 avait supprimées, tout en les rendant facultatives5.

L’exemple de la ville d’Agen Sous l’Empire6, le conseil municipal de la ville d’Agen prend, le 4 mai 1810, une délibération municipale à laquelle est joint un dessin des armoiries qu’il souhaite obtenir. Le 25 octobre 1810, le directeur général de la comptabilité au ministère de l’Intérieur accuse réception de la délibération municipale que lui a adressée le préfet du Lot-et-Garonne et autorise la ville à en faire suivre l’exécution auprès du Conseil du sceau des titres. Le 24 février 1812, un avocat au Conseil saisit alors, au nom de la ville d’Agen, le Conseil du sceau des titres qui rend ses conclusions le 7 mars 18127. Un projet de lettres patentes est préparé. Dans sa séance du 25 mars 18128, le Conseil du sceau des titres donne un avis favorable à la concession des armoiries demandées. Après approbation par Napoléon, les lettres patentes sont rédigées et datées du 23 avril 1812 ; leur scellement intervient le 30 avril suivant9. Le Sénat est ensuite chargé de transcrire ces lettres patentes dans ses registres. Sous la Restauration, la ville d’Agen prend une nouvelle délibération en date du 9 juillet 1816 pour demander la confirmation de ses anciennes armoiries10. La Commission du sceau, saisie par le commissaire faisant auprès d’elle fonction de ministère public, rend des conclusions favorables à la reprise de ses armoiries par la ville. Les lettres patentes sont données le 3 juillet 181811. Mandement est alors fait à la cour royale – future cour d’appel – d’Agen de publier et d’enregistrer les lettres patentes12. Catherine Mérot conservateur général aux Archives nationales 3. Ces deux circulaires sont conservées sous la cote F3 I 12. 4. Une copie de ce décret est conservée sous la cote F3 I 12. 5. Ce caractère facultatif des lettres patentes sous le Second Empire explique que, parmi les neuf villes concernées par un décret de concession d’armoiries sous le Second Empire (cf. registre BB29 991), seules sept aient demandé des lettres patentes (cf. BB29 992). 6. Le dossier, conservé sous la cote BB30 676, permet de suivre toute la procédure sous l’Empire. 7. Voir aussi le volume des rapports et conclusions faits par le procureur général au Conseil du sceau des titres qui couvre la période du 12 septembre 1811 au 24 mars 1814 (BB29 996). 8. Voir le volume des procès-verbaux des séances du Conseil du sceau des titres qui couvre la période du 11 juillet 1811 au 21 mai 1812 (BB29 1020). 9. Les lettres patentes scellées sont délivrées à la ville d’Agen qui devrait les conserver dans ses archives. La transcription des lettres patentes figure dans le registre coté BB29 987, p. 83. 10. « Lesquelles armoiries avaient été accordées à ladite ville par les Rois, nos illustres prédécesseurs » (transcription des lettres patentes du 3 juillet 1818, BB29 988, p. 99). 11. Voir le volume des procès-verbaux des séances du Conseil du sceau des titres qui couvre la période du 15 mars 1817 au 28 mai 1819 (BB29 1024). Les lettres patentes scellées sont délivrées à la ville d’Agen qui devrait les conserver dans ses archives. La transcription des lettres patentes figure dans le registre coté BB29 988, p. 99. 12. L’enregistrement se trouve dans les archives de la cour d’appel (série U des Archives départementales du Lot-et-Garonne).

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Double page précédente : Ordonnance royale du 26 septembre 1814 autorisant les villes et communes à reprendre leurs armoiries d’Ancien Régime (Arch. nat., BB30 1118).


Les peintres en armoiries du Conseil du sceau des titres Isabelle Rouge-Ducos conservateur aux Archives nationales

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Mais au moins vous avez plus d’une maîtresse ? Ah ! vous rougissez, mon camarade ?... Les mœurs ont bien changé. Avec ces idées d’ordre légal, de kantisme et de liberté, la jeunesse s’est gâtée. Vous n’avez ni Guimard, ni Duthé, ni créanciers, et vous ne savez pas le blason ; mais, mon jeune ami, vous n’êtes pas élevé ! Sachez que celui qui ne fait pas ses folies au printemps les fait en hiver. Si j’ai quatre-vingt mille livres de rente à soixante-treize ans, c’est que j’en ai mangé le capital à trente ans1... » Balzac, Le Bal de Sceaux, 1830.

Balzac, en décrivant l’indignation de l’amiral de Kergarouet face au jeune Longueville, parce qu’il ne connaissait pas l’héraldique, nous montre combien le savoir du blason était alors associé à la culture de la noblesse, tout en insistant sur sa précarité après la tourmente révolutionnaire. Sous l’Empire, le rétablissement des titres et des armoiries revitalisa l’usage social de l’héraldique que la Révolution avait abusivement assimilée à la noblesse. La possibilité établie par Napoléon d’obtenir un titre (et donc des armoiries) lié à un service, militaire ou civil, créait une élite au service de l’État, tout en enrôlant une partie de la noblesse d’Ancien Régime au nouveau système d’honneurs. La vogue de l’héraldique connut un regain, en relation avec le renouveau troubadour, qui envahit la peinture de chevalet : les armoiries médiévales étaient au centre de cet intérêt, même si elles n’étaient pas toujours appréciées pour elles-mêmes, mais comme des éléments d’un répertoire moyenâgeux, d’un décor, ou encore comme des preuves historiques. Balzac souhaita introduire des armoiries imaginaires pour ses personnages de la Comédie humaine, à partir de l’édition Furne de 1844. Ferdinand de Gramont (18151897), son secrétaire, puis la comtesse Ida de Bocarmé, une admiratrice zélée, l’ont secondé dans l’élaboration et la représentation des blasons, qui fascinaient Balzac mais dans l’art desquels l’écrivain n’était pas familier2. L’art du blason, tout en conservant les règles de la tradition, change à ce moment-là puisqu’une nouvelle codification et hiérarchie de symboles, propre à l’héraldique 1. BALZAC (Honoré de), Le Bal de Sceaux, dans Œuvres complètes. La Comédie humaine. Études de mœurs, livre premier. Scènes de la vie privée, Paris, Michel Lévy, 1869, I, p. 107. 2. Gramont était l’inventeur du blasonnement et de dessins à la plume, tandis qu’Ida de Bocarmé avait réalisé des dessins aquarellés. Les manuscrits de ces dessins sont conservés à la bibliothèque de l’Institut (ms. A 248 et ms. A 247.). Voir LOTTE (Fernand), Armorial de la Comédie humaine, Paris, Gernier frères, 1963, notamment p. 7-9, et FERRY (Laurent), L’Héraldique balzacienne remise en perspective, thèse, École nationale des chartes, 1999, p. 185.

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impériale, se met en place, ce qui sous-entend un apprentissage par les artistes auteurs d’armoiries3. Si la société d’Ancien Régime était saturée d’armoiries, la période révolutionnaire a constitué une rupture sous l’effet du vandalisme pratiqué sous la Terreur. Non pas qu’on ait éradiqué toute trace des blasons antérieurs, mais cet état d’esprit n’at-il pas entravé l’épanouissement de cet art et sa diffusion chez les artistes formés pendant cette période ? La pratique du dessin d’armoiries a été peu étudiée pour elle-même. L’art de la représentation à l’époque moderne et impériale fournit cependant de nombreux éléments sur le contexte de production et d’utilisation des armoiries, mais aussi sur la pratique artistique elle-même. Les archives du Conseil du sceau des titres et son armorial permettent de mieux connaître l’art de la représentation héraldique, telle qu’elle avait été enregistrée officiellement sous le Premier Empire. Le Conseil du sceau des titres avait été créé pour deux objets bien distincts : l’institution des majorats et des dotations sans titre – avec leur vérification et enregistrement –, et l’expédition des lettres patentes, après signature, peinture des armoiries, scellement et enregistrement. Les registres de correspondance tenus par le Conseil du sceau des titres, en la personne du baron Dudon, secrétaire général et auditeur au Conseil d’État, témoignent de la présence d’un personnel chargé des tâches pratiques liées au scellement et aux peintures d’armoiries. Le conseil, même s’il était présidé par l’archichancelier d’Empire Cambacérès, était un organe entièrement indépendant du ministère de la Justice jusqu’en 1832 ; il disposait d’un budget propre dont il tenait les comptes, d’une part les dépenses des fournitures et traitements des employés, d’autre part les profits tirés des droits du sceau. Ces archives permettent de connaître plus précisément les noms des peintres qui peignirent les blasons des registres d’armoiries, malgré l’absence de signature sur ces derniers. Les blasons des titres de l’Empire furent confiés à un peintre reconnu et prolifique, Jean-Baptiste Isabey (1767-1855). Cet élève de David avait été formé auprès d’un peintre lorrain spécialisé dans les boutons de livrées. Il reçut des titres officiels après le sacre, notamment celui de « peintre dessinateur de Sa Majesté l’Empereur, des cérémonies et des relations extérieures ». En 1805, il devint également premier peintre de la chambre de l’Impératrice et fut le maître à dessiner de la reine Hortense et de l’impératrice MarieLouise. Une lettre du 8 avril 1808 lui confère le titre de « dessinateur du Conseil du sceau »4, pour l’expédition des lettres patentes d’attribution de titres. Isabey était chargé des dessins et peintures des lettres patentes expédiées, qui comportaient des timbres et lambrequins, ces marques distinctives extérieures des écussons. Ceuxci coûtaient plus cher (24 francs pièce) que les dessins intérieurs, en raison de leurs parties dentelées. Le conseil voulut diminuer le coût de la copie des lettres patentes, et pour ce faire n’employa plus le vélin mais le parchemin, matériau moins précieux ; pour ne pas avoir à recopier chaque lettre, il fit graver les formules des expéditions en laissant des blancs pour le nom du titulaire et la description héraldique, à l’exception des lettres de ducs. Au vu des frais de peinture, le conseil décida que même les timbres et les lambrequins devaient être gravés pour être délivrés à chaque impétrant, le ministre de la Justice autorisant que le nom d’Isabey et sa qualité de dessinateur du Sceau figurent au bas des lettres. Il n’a malheureusement pas encore été retrouvé d’expédition de lettres patentes comportant des armoiries avec cette signature gravée. L’autorisation de signer Isabey est intéressante car la représentation des blasons peints est rarement signée, alors que la représentation gravée l’est davantage, comme nous le verrons plus loin. L’activité soutenue du Conseil du sceau des titres n’était pas compatible avec celle d’Isabey : le grand organisateur de la cérémonie et des costumes du sacre avait spécia3. Ainsi, le chef d’azur semé d’abeilles d’or était réservé aux princes grands dignitaires ; le chef de gueules, semé d’étoiles d’argent, aux ducs, etc. 4. Arch. nat., BB29 763. Lettre de Dudon, secrétaire général du Conseil du sceau des titres, à Isabey, 8 avril 1808.

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lisé sa production dans le genre du portrait, qui lui procurait des commandes innombrables et assura sa fortune. Cette spécialisation lui fit peu à peu abandonner la peinture d’histoire et les tableaux de chevalet pour les miniatures, un genre très prisé par les familles régnantes et les élites bourgeoises, comme présents diplomatiques ou souvenirs de famille. Son talent de miniaturiste le rendait aussi à l’aise sur papier que sur porcelaine, puisqu’il travailla à la manufacture de Sèvres où il dirigea l’atelier de peintres, d’où sortit l’un de ses chefs-d’œuvre, la table des Maréchaux (musée de Malmaison). Les commandes d’Isabey suivaient un rythme très soutenu : durant le seul mois d’août 1807, Isabey ne réalisa pas moins de vingt-quatre portraits de l’Empereur, puis quarante à cinquante autres, le mois suivant5 ! Les dessins d’Isabey pour les expéditions étaient réglés 8 francs l’armoirie, ce qui augmentait considérablement les dépenses du conseil. Ce dernier choisit donc de se doter d’un autre dessinateur à appointements fixes, pour exécuter la peinture des armoiries sur les expéditions des lettres patentes (qui ne revenaient plus qu’à 2,12 francs l’armoirie et non à 8 francs)6. On conserva cependant le titre de dessinateur du Conseil du sceau des titres à Isabey. Si la participation d’Isabey est avérée pour les expéditions des lettres patentes au début de l’activité du conseil (vers 1808), elle semble beaucoup plus restreinte pour les registres d’armoiries peintes ; plusieurs mains apparaissent clairement au sein d’un même registre, la même main revenant parfois à quelques pages d’intervalle : l’habileté du blason de Lebrun, duc de Plaisance (BB29 1060, fol. 10) se retrouve sur celui du duc de Rivoli (fol. 32). Si l’on compare le blason de Masséna comme duc de Rivoli (fol. 32) – une Victoire ailée tenant une palme et une couronne de sinople – à celui obtenu par Masséna comme prince d’Essling, représentant la même Victoire ailée de carnation surmontant un chien de sable de profil, on constatera que le premier est d’une finesse supérieure au second. Les premiers registres, concernant les titres les plus prestigieux, sont en général d’une meilleure qualité mais il est difficile de confirmer qu’ils sont bien de la main d’Isabey. Au vu des traces de massicot ayant coupé le blasonnement des armoiries et les largeurs différentes de chaque page, il est probable que les peintures aient été exécutées sur des feuilles séparées, puis reliées, ce qui permettait une réalisation et un séchage de la gouache bien meilleurs. Cela expliquerait la présence de différentes mains dans un même registre. Il est malgré tout difficile d’être catégorique car les registres de l’armorial furent reliés d’un cuir moderne bien après leur confection. Les registres concernant les villes ayant été réalisés après le décret du 17 mai 1809 autorisant ces dernières à prendre des armoiries sembleraient plus difficilement attribuables à Isabey, qui fut remplacé par un autre peintre à partir d’avril 1808. Cependant, Isabey demeurait dessinateur du Conseil du sceau des titres : ce titre lui donnait-il tout de même quelque droit d’intervention ? Quelques blasons sont d’une excellente facture, comme celui de la ville de Paris – tel qu’il fut renouvelé en 1817 – ou celui de la ville de Cambrai avec une aigle à deux tête très réussie. Cependant, beaucoup restent maladroits quand on tente une comparaison de leur qualité de miniature, mais cette naïveté contribue cependant à l’impression de fraîcheur qu’ils transmettent. En avril 1808, Isabey était déjà remplacé par un peintre moins talentueux à appointements fixes, dont on ignore le nom à ce moment-là. Était-ce déjà le dénommé Malaine, employé dessinateur, qui apparaît régulièrement dans les paiements du Conseil du sceau 5. PUPIL (François), « Jean-Baptiste Isabey, portraitiste de l’Europe », [exposition, Rueil-Malmaison], Musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau, 18 octobre 2005-9 janvier 2006, Musée des beaux-arts de Nancy, 28 janvier 2006-19 avril 2006 / [catalogue par François Pupil, avec la collaboration de Bodo Hofstetter, Cyril Lécosse, Alain Pougetoux, Tamara Préaud], Paris, Réunion des musées nationaux ; Rueil-Malmaison, Musée national des châteaux de Malmaison & Bois-Préau ; Nancy, 2005, 172 p., voir p. 55-56. 6. Arch. nat., BB29 763.

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des titres à partir de novembre 1810 jusqu’en mars 1815 ? Après l’Empire, Isabey n’apparaît plus du tout dans l’activité du Conseil du sceau des titres ; pourtant, sous la Restauration et la monarchie de Juillet, l’ancien peintre du roi de Rome était toujours au plus haut de sa gloire. À partir de juillet 1815, succède au peintre Malaine un certain Antoine Margry, « peintre dessinateur des armoiries ». Margry avait commencé dès la fin de l’année 1813 à collaborer avec Malaine et resta en place jusqu’en 1823, tandis que le dessin et la confection des sceaux de France étaient confiés à François-Joseph Bélanger (1744-1818), dessinateur au Cabinet du Roi. Après 1823, on ne trouve plus mention de peintre en armoiries, les registres du Sceau ne détaillant pas nominativement les titulaires, mais ne mentionnant que les appointements par matière. Malaine, comme Margry son successeur, était peintre de natures mortes, et plus particulièrement de fleurs. Cela expliquerait-il la belle qualité des lis, supports du blason de la ville de Paris sous la Restauration ? La spécialisation dans la peinture de fleurs était voisine de celle des armoiries, qui nécessitait un talent de miniaturiste. Malaine semble être identifiable avec Joseph Laurent Malaine, un émule de van Spaendonck, spécialisé dans la nature morte et les peintures d’animaux, né à Tournai, le 21 février 1745, et mort à Paris, vers 1815 – les dates de son décès divergeant selon les sources7. Il avait été peintre de fleurs du roi Louis XVI à la manufacture des Gobelins. Réfugié en Alsace en 1793, il travailla pour les grandes fabriques de toiles et de papiers peints de Mulhouse, Thann et Rixheim, et gagna bien sa vie, grâce à un talent reconnu. Il obtint un passeport pour s’installer à nouveau à Paris en 17988 et reprit ses travaux de natures mortes qu’il exposa au Salon. Il est très vraisemblable que, sur la fin de sa vie, Malaine, peintre reconnu mais âgé, ait éprouvé le besoin de s’adonner à la peinture d’armoiries, tâche plus répétitive mais aussi plus facile que la réalisation de tableaux de chevalet pour un homme vieillissant souhaitant continuer à peindre. Margry, très jeune, qui exposa par la suite au Salon de Paris de 1831 à 1847, lui fut adjoint de son vivant pour être formé et le remplacer après sa mort. La peinture d’armoiries devenait-elle, comme la miniature ou la peinture sur porcelaine ou ivoire, le fait de femmes, d’hommes très âgés, ou bien très jeunes ? On connaît l’exemple d’un manuscrit de preuves de noblesse de Denis Louis d’Hozier, arrière-petit-fils de Pierre d’Hozier, pour l’office de page de Louis XV (Paris, 1734), qui est signé par un certain H. Constantin et sa femme ; sa femme a peint les six blasons enluminés, surmontés de cartouches peints contenant les noms des aïeux de d’Hozier, reliés chacun par une branche courant de page en page9. Nous avons dit qu’Isabey avait demandé à ce qu’on lui conservât son titre de « dessinateur du Conseil du sceau », même après son remplacement par un autre peintre. Cela était directement lié à son souhait de recueillir toutes les armes qui seraient accordées (11 avril 1808) en vue de réaliser un armorial national dont il aurait dû être le grand dessinateur. Cela ne nous surprend pas puisqu’il avait été le dessinateur de l’ouvrage gravé du sacre pour lequel il avait réalisé le dessin de toutes les figures en pied ; cet ouvrage prestigieux n’était pas achevé en 1814 quand Napoléon abdiqua, mais autorisait Isabey 7. En l’absence de l’adresse exacte de Malaine lors de sa mort, les déclarations de succession et le sommier foncier aux Archives de Paris n’ont pas permis de départager les sources pour identifier de manière certaine la date de son décès. La présence de son nom jusqu’en 1814-1815 dans les archives du Sceau, la notification de son décès survenu à environ 75 ans quand Margry lui succéda (Arch. nat. BB30 648, état des employés du Sceau, 12 février 1823) et la mention d’avril 1815 comme date de mort probable de Malaine d’après le dictionnaire de Thieme et Becker, toutes ces informations nous ramènent au peintre de fleurs Malaine, né en 1745 et mort en 1815 (pour certains en 1809). Celui-ci avait eu un fils, Louis Joseph Alphonse (1782-1858), peintre également, mais trop jeune pour avoir occupé le poste entre 1808 et 1815. 8. Arch. nat., F7 10770A2, Autorisation de résidence accordée au peintre Malaine, floréal an V. 9. In-folio (370 x 245 mm), 16 p., vélin, signé « H. Constantin scripsit. Uxor delineavit et pinxit », Paris, collection Grolée-Virville.

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à dessiner les armoiries officielles de l’Empire. Cet armorial devait être gravé afin d’être largement diffusé. Il doublait d’une manière prestigieuse les registres, peints de manière plus sommaire par les dessinateurs du service du sceau, et servant principalement d’instrument de contrôle des armoiries et non à des fins de diffusion. Ce projet fut réalisé par Henry Simon, graveur au Palais-Royal, qui exécuta en 1812 la gravure des blasons de l’Empire, comprenant ceux des particuliers comme des villes. La réalisation gravée de l’Armorial de Simon ne reprend pas toujours le dessin des blasons des registres du Sceau (on en veut pour preuve le blason de la ville de Morlaix dont le vaisseau est très différent dans l’Armorial de Simon et dans les registres du Sceau), mais la plupart du temps le choix des dessins s’en rapproche, selon un graphisme assez raide. Isabey aurait-il fourni les dessins ayant servi à Simon ? Cela semble probable car le Conseil du sceau des titres a attribué le titre de graveur officiel à Simon dès avril 1808 pour tous les ouvrages de gravure du conseil, au moment où il autorisait Isabey à réaliser son Armorial. Isabey devait recueillir le dessin de tous les blasons, chaque semaine, à mesure que chaque lettre patente était accordée. Le baron Dudon écrit à Isabey : « Je vous communiquerai volontiers le dessin des armoiries de chaque lettre patente, pourvu toutefois que l’expédition de celle-ci n’en soit pas retardée10.» Ainsi Isabey préférait dessiner l’ouvrage qu’il ferait graver plutôt que de dessiner chaque blason sur les expéditions et les registres, tâche de nature répétitive et moins prestigieuse pour le peintre. Pourtant, aucune gravure n’est signée d’Isabey dans l’Armorial de Simon, la seule mention d’un dessinateur concerne le blason de l’Empereur par un certain Turlure (JeanBaptiste, actif vers 1809-1812). Une rare feuille manuscrite, préparatoire à cet Armorial, représente un résumé de l’héraldique impériale, sous forme de blasons peints avec leurs francs-quartiers selon la hiérarchie des titres et fonctions de l’Empire11. Elle est ornée d’habiles encadrements gravés et porte la signature manuscrite de Simon, comme graveur. Une belle aigle gravée au sommet et au centre de la feuille empiète un foudre. Cette feuille ne permet pas réellement de préciser le rôle d’Isabey mais démontre la qualité du travail de gravure de Simon. Simon aurait-il repris à son compte en 1812 le projet abandonné par Isabey, peut-être trop occupé pour achever cette entreprise ? La comparaison des différents registres du Sceau témoigne de la variété des solutions graphiques laissées par l’art héraldique ; un soleil rayonnant d’or peut être réalisé de façon très diverse : la forme des rayons, la présence ou non d’yeux et de bouche, ou celle d’une tête de chérubin au centre du disque, permettent un répertoire varié (voir le blason de Dole, BB29 1061, fol. 47, et BB29 1082, fol. 49). Les dessinateurs peuvent également laisser libre cours à leur imagination pour représenter les timbres, les supports ou tenants des blasons, ainsi que les devises. Une grande qualité de miniature est nécessaire pour toutes les figures de carnation, très abondantes dans l’héraldique impériale et contemporaine. La plupart des blasons des villes qui en arborent sont d’un style malhabile, si l’on examine la Vierge à l’Enfant du blason de Rouffach (Haut-Rhin, BB29 1083, fol. 38,), celle de Montpellier (BB29 1083, fol. 37,) ou encore la femme nue couronnée de trois tours crénelées représentant la ville de Metz sous l’Empire (BB29 1081, fol. 18). Quant aux animaux, ils sont aussi un repère de la qualité du style héraldique : dans un même registre de villes (BB29 1081), on voit clairement deux mains : l’aigle à deux têtes au vol éployé de la ville de Cambrai (fol. 104) est de bien meilleure facture que l’aigle éployée d’Aire (fol. 114). Les lions d’or du blason d’Arras sont proches stylistiquement des lions d’azur lampassés de gueules de Vendôme, mais très différents de ceux d’Auxerre. Cela confirmerait-il la collaboration du vieux peintre Malaine avec Margry, plus jeune, qui se serait formé à ses côtés ? Ces hypothèses signifient-elles que le travail pouvait être délégué par le dessinateur en titre à d’autres, peut-être moins talentueux ? 10. Arch. nat., BB29 763. Lettre de Dudon à Isabey, 11 avril 1808. Le 25 avril, Dudon signifie au Journal de l’Empire que Henry Simon a été choisi comme graveur officiel. 11. Paris, collection Grolée-Virville.

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Cette étude nous montre les questions qui restent encore en suspens et pousse à nous interroger sur l’évolution de l’art héraldique lui-même, à travers ses créateurs. On identifie rarement le « créateur » de dessins d’armoiries. Le cas d’Isabey, de Malaine et de Margry nous permet d’en connaître précisément certains, alors que, traditionnellement, l’individualité créatrice s’efface souvent derrière l’érudit concepteur de l’armorial. Pour le dessin des armoiries, on identifie les artistes indirectement, par les comptes des institutions, des correspondances ou des personnages commanditaires, plus rarement par des signatures. En général, un érudit, héritier des anciens hérauts d’armes, employait des commis et dessinateurs, souvent anonymes, pour réaliser son armorial, comme Charles d’Hozier avec son Armorial général12. Le chanoine Charles François Afforty (1706-1786) aurait employé un certain Du Faÿ pour les dessins de l’armorial de Senlis dont il rédigea le manuscrit au début des années 1760 ; Afforty eut ensuite recours à un autre érudit dessinateur, Antoine Desmaretz13 ; celui-ci le secondait dans les dessins d’armoiries, de sceaux ou d’épitaphes, réalisés pour les collectes documentaires alimentant l’entreprise nationale du cabinet des Chartes, sous la direction de Nicolas Moreau (vers 1772) 14. Un autre cas de figure est celui des artistes ou artisans au fait de la science du blason, capables de rédiger et de contrôler les descriptions héraldiques en se constituant eux-mêmes un cabinet de titres et de généalogie. La spécialité de peintre de blasons était en effet naturelle chez les artistes, compte tenu du foisonnement des armoiries dans la société d’Ancien Régime. On a pu retrouver un manuscrit de la main de Martin Doué (1572-1638), contenant des généalogies locales et des comptes de funérailles justifiant de cette activité. Lors des obsèques des seigneurs flamands, on recourait à ses services pour orner l’office religieux, l’équipage et le cercueil, des armoiries et quartiers du défunt. Martin Doué notait dans ce cahier des listes d’épitaphes d’églises, des noms d’amateurs et de généalogistes du pays, des fragments de généalogies pour des familles qu’il connaissait et qui pourraient lui servir pour constituer les armoiries peintes de commanditaires locaux ; Martin Doué conservait aussi dans ce carnet la trace des paiements qu’on lui réglait, lors des obsèques, pour ses « tableaux funéraires » d’armoiries qu’il décrivait précisément. La rareté de tels documents s’explique parce qu’ils n’étaient pas destinés à être diffusés15. L’exemple du blason de la ville de Paris nous renseigne sur Prud’hon et le cas d’un artiste versé dans l’héraldique, discipline qui, dans la tradition, faisait partie de la culture savante des artistes formés sous l’Ancien Régime. Le préfet de la ville de Paris, Frochot (1761-1828), lui demanda de dessiner les nouvelles armes de la capitale. Cette commande dut probablement intervenir au moment où le préfet et le conseil municipal sollicitaient Prud’hon pour le dessin du berceau du roi de Rome et de la toilette de MarieLouise ; Prud’hon était aussi chargé des décors de l’Hôtel de ville pour les fêtes données par la municipalité à l’occasion du mariage de Napoléon et Marie-Louise (10 juin 1810)16. Paris était comme les autres villes, elle ne pouvait pas reprendre exactement ses anciennes armes, notamment les fleurs de lis ornant traditionnellement les chefs des 12. PARRY (Christophe), Les Hérauts d’armes à l’époque moderne, Paris, Guénégaud, 2005. 13. Antoine Desmaretz, mort à Paris en 1822, fut président de l’élection de Senlis et maire de Senlis de 1771 à 1773. Emprisonné sous la Terreur, il fut libéré et passa le reste des troubles à donner des cours de dessin. 14. AUZEL (Jea-Baptiste), L’Armorial de Senlis, Archives départementales de l’Oise, Beauvais-Senlis, 2002, notamment p. 13 et 23. 15. Ce carnet de 205 feuillets (31, 5 cm x 21, 4 cm) est conservé aux Archives départementales du Nord, voir QUARRÉ-REYBOURBON (Louis), Martin Doué, peintre, graveur, héraldiste et généalogiste lillois, Lille, Lefebvre-Ducrocq, 1905, notamment p.62-63. 16. COËTLOGON (Anatole de), Les Armoiries de la ville de Paris : sceaux, emblèmes, couleurs, devises, livrées et cérémonies publiques, Paris, Imprimerie nationale, 1874-1875 , t. Ier, p. 152-153, et t. II, appendice XXIX. Le conseil général de la Seine faisait alors fonction de conseil municipal de la Ville.

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anciens écussons. Elle fut obligée de créer une commission chargée d’examiner les modifications à apporter et de présenter de nouvelles armoiries. Celle-ci conserva l’emblème du navire, sur le rapport de l’érudit Louis Charles François Petit-Radel, qui liait son origine au culte de la déesse égyptienne Isis, très répandu dans les Gaules17. La forme de la nave antique d’argent fut choisie dans un souci de véracité archéologique, et non le vaisseau de guerre moderne, ponté et à trois mâts, représenté dans le brevet d’enregistrement de 1699, mais considéré comme un anachronisme par cette commission. Prud’hon, protégé de Frochot, était particulièrement versé dans l’art héraldique ; au nombre de ses mécènes, on compte le baron de Joursanvault (1748-1792), amateur éclairé beaunois qui soutenait le jeune peintre et lui commanda divers dessins pour illustrer ses ouvrages savants, notamment un Frontispice du traité du blason. Prud’hon élabora ensuite le dessin du blason de Paris tel que la commission l’avait arrêté : il comportait sur la proue l’image de la déesse Isis, assise dans un fauteuil antique, et sur la poupe, une espèce de lanterne, avec dans le champ, à dextre du navire, une étoile d’argent. Ainsi, chaque commission chargée de l’héraldique urbaine pouvait-elle recourir à un peintre spécialisé qui établissait un modèle, celui-ci étant envoyé ensuite pour validation au Conseil du sceau des titres, qui le faisait consigner dans ses registres par ses propres dessinateurs. Les concepteurs d’armoiries dépendaient de différents métiers : au Moyen Âge, les créateurs de matrices de sceau réalisaient des armoiries sur un type en métal et dépendaient de la puissante corporation des orfèvres18. Ces graveurs spécialisés dominaient le marché de fabrication des matrices et réalisaient pour le tout-venant un dessin des armoiries sur des tablettes de cire, à la demande ; cela explique que nous n’ayons pas conservé d’exemplaires anciens de ces dessins préparatoires. Les enlumineurs représentaient des armoiries dans leurs livres de peintures ou, parfois, fournissaient le dessin préparatoire d’un sceau, qui était ensuite repris par les graveurs, ce qui n’allait pas sans rivalité dans certains cas. Le grand sceau de l’hôpital Saint-Jacques-aux-Pélerins à Paris aurait été conçu par l’enlumineur Jean Pucelle, entre 1319 et 1323 ; ce peintre aurait probablement réalisé sur vélin et en grisaille le dessin de cette matrice, exécutée ensuite par un graveur, mais ce dessin préparatoire n’existe plus19. Très peu de matrices de sceau montrent des signatures sur la tranche ou au revers ; les exemples les plus anciens remontent au XIIIe siècle pour l’Angleterre et la France et deviennent plus fréquents au XIVe siècle, mais toujours identifiés par des documents indirects et non par le sceau. On connaît un rare exemple de l’époque moderne portant signature : il s’agit de la matrice du grand sceau du chancelier Étienne III d’Aligre (1592-1677) dont la poignée porte la signature : « Vérien, graveur de la Reyne, Paris, 1672 ». L’art héraldique fut influencé à l’époque moderne par l’évolution du livre. Ce n’est pas un hasard si le petit nombre de peintres héraldistes connus alors exerçait aussi le métier de graveur : avec l’explosion des découvertes techniques liées au traitement des métaux, notamment le procédé, venu d’Orient par l’Allemagne, de trempe des poinçons et des burins d’acier, toute la hiérarchie des métiers d’art se trouva bouleversée, de nouveaux métiers s’organisant pour répondre à la demande. Avec l’essor de la taille-douce et son adaptation à l’imprimerie, la responsabilité du graveur devait être identifiée aussi bien que celle du peintre. Les orfèvres n’étaient plus les seuls à créer des armoiries car, à l’époque moderne, les graveurs possédaient le monopole de la gravure, sur tous types 17. Petit-Radel expliquait que la déesse Isis était représentée dans un bateau dans le culte qu’on lui rendait en Gaule. En réalité, l’origine du navire remonte au symbole qui servait d’emblème à l’association des nautes gallo-romains, puis aux Mercatores aquae Parisius. A. de Coëtlogon, op. cit., t. I, p. 49 et 150-151. 18. METMAN (Yves), « La taille directe des sceaux-matrices. Heurs et malheurs des graveurs de sceaux », dans Les Graveurs d’acier et la médaille, Paris, Hôtel de la Monnaie, 1971, p. 267-289, notamment p. 270. 19. LE POGAM (Pierre-Yves), « Sceau de Saint-Jacques-L’Hôpital par Pucelle », dans Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France, Paris, de Boccard, 1994, p. 3-49.

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de métaux, des monnaies, médailles, sceaux, cachets, marteaux à marquer et fers de livres20. Philippe Ier Danfrie (1535-1606), tailleur général des Monnaies, était connu comme « graveur d’armoiries », fournissant des fers pour les relieurs, comme les deux fers qu’il destina en 1579 à la reliure des statuts de l’ordre du Saint-Esprit. Avec la tailledouce, le style héraldique devint plus souple et plus fin. Pour pallier les insuffisances de l’imprimerie dans le rendu des couleurs, les armoriaux gravés bénéficièrent de la convention établie en 1636 par le père Pietro Santo, selon laquelle les métaux et les émaux devant être restitués par des hachures et des points. C’est donc souvent indirectement par leur activité de graveur que l’on peut identifier des peintres en armoiries et le cas d’Isabey, autorisé à graver son nom sur les lettres patentes de l’Empire, est caractéristique, ainsi que celui d’Henry Simon, « graveur du Cabinet de l’Empereur et du Conseil du sceau des titres ». Martin Doué (1572-1638), « painctre de son style »21 demeurant à Lille, par exemple, s’était spécialisé dans la peinture héraldique ; l’on connaît son nom parce qu’il était aussi graveur de cartes géographiques qu’il ornait des armoiries des villages et des seigneurs dont les terres étaient représentées. Il dessina et grava la carte de la Flandre gallicante, représentant les châtellenies de Lille, Douai, Orchies et Tournai, avec « les pourtraits des armoiries » des communautés religieuses, des municipalités et des seigneurs. Cette carte ne comportait pas moins de deux cents armoiries et son édition originale, dédicacée à Isabelle Claire Eugénie, archiduchesse des Pays-Bas, était signée : « faite par Martin Doué lui-même ». L’exemple de Pierre Paul Dubuisson (mort en 1762) est révélateur de l’artiste devenu généalogiste, aux antipodes d’un Malaine ou d’un Margry. Dubuisson avait été nommé doreur du Roi en 1758 et, pour cette activité, il s’était constitué un cabinet héraldique, qui lui valut le titre de « généalogiste et doreur de Sa Majesté »22 pour toutes les armoiries et autres ouvrages relatifs au blason, ce qui lui donnait droit à une pension de 100 livres. Il grava et publia des armoriaux comme son Armorial des principales maisons et familles du royaume et particulièrement de celles de Paris et de l’Île de France (Paris, 1757), contenant environ quatre mille écussons en taille-douce. On conserve encore les manuscrits aquarellés de certains de ses ouvrages au cabinet des Titres de la Bibliothèque nationale. L’armorial de l’Empire tel que Simon l’avait gravé débute par un abrégé d’art héraldique « pour faciliter l’intelligence de cet ouvrage aux personnes qui n’ont aucune connaissance des termes techniques de cet art23 ». L’héraldique, malgré son bref renouveau sous l’Empire puis la Restauration, ne fut plus autant intégrée à la culture des artistes dès le milieu du XIXe siècle ; de nombreux manuels à l’usage des peintres et ornemanistes vont paraître dans la seconde moitié du XIXe siècle pour leur enseigner les bases du blason et les aider à répondre aux commandes de certaines catégories de l’élite, avides d’orner leurs demeures de leurs armoiries peintes ou sculptées. Si l’on tente de dresser un portrait du peintre en armoiries sous l’Empire, on trouvera l’ancienne figure du héraut d’armes devenu un historien, à l’époque des Lumières, un érudit dans la science du blason comme science auxiliaire de l’histoire, qui était accessoirement dessinateur. On trouve ensuite l’artiste cultivé, figure plus marginale, avec Prud’hon et Isabey. Ces derniers n’ont pas directement participé à nos registres. De plus, ils furent 20. BLANC-RIEHL (Clément), « Trois prestigieuses acquisitions des Archives nationales : les matrices du chancelier Étienne III d’Aligre et de Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie », dans Revue française d’héraldique et de sigillographie, t. 76, 2006, p. 170-173, notamment p. 171. 21. QUARRÉ-REYBOURBON (Louis), op. cit., p. 78. 22. Lettre d’Élisabeth Magdeleine Sailliard, veuve Dubuisson, à Mme de Pompadour, à la mort de son mari en 1762, sollicitant la poursuite du paiement de la rente de 100 livres attribuée à son mari, citée dans « Dubuisson », Archives biographiques française, éd. Saur, 1980. 23. SIMON (Henry), Armorial général de l’Empire français contenant les armes de S.M. l’Empereur et Roi, des princes de sa famille, des grands dignitaires… et celles des villes de la 1ère, 2e et 3e classe, Paris, 1812, 2 tomes, t. I, page de titre.

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formés avant la Révolution, ce qui explique probablement leur culture héraldique. Le peintre en armoiries des registres du Sceau répond davantage à la définition de l’exécutant au service des savants érudits qui lui confient un travail dont il ne maîtrise pas toute la chaîne. Moins répandue dans la vie quotidienne durant le siècle, l’héraldique aurait-elle perdu ses artistes ? Cette étude démontre que ce champ encore vierge laisse place à des investigations nouvelles pour approfondir les pratiques artistiques de l’héraldique.

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1a

1b

Abbeville (Somme)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 22 novembre 1821 (BB29 988, fol. 136) 1a-b : d’azur à trois bandes d’or, une bordure de gueules ; un chef d’azur brochant sur le tout, chargé de fleurs de lys sans nombre aussi d’or ; avec la devise FIDELIS Cote de l’image : BB29 1081, p. 202 (1a) Cote de l’image : BB29 1082, p. 134 (1b)

La devise a été confirmée par lettres patentes du 16 août 1823

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2

Acqui (Montenotte) Ville de 2e classe sous l’Empire

Armoiries concédées par lettres patentes, s.d. (BB29 987, fol. 103) 2 : écartelé ; au premier, des villes de seconde classe, au deuxième d’argent à la croix pleine de gueules, au troisième d’or au vautour éployé de sable, empiétant un lièvre au naturel, au quatrième d’azur au rocher d’or, mouvant du flanc senestre, d’où coule une source d’argent, fumante de sable et tombant dans un vase d’argent, mouvant du bas de l’écu La représentation des armoiries d’Acqui ne figure pas dans l’Armorial des villes, mais provient d’un dossier de décisions du Conseil du sceau des titres (BB30 1592)

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3a

3b

Agen (Lot-et-Garonne) Ville de 2e classe sous l’Empire

Armoiries concédées par lettres patentes du 23 avril 1812 (BB29 987, fol. 83) 3a : de gueules à la tour crénelée de sept pièces, chargée d’une roue, donjonnée d’un château de trois tourelles, une et deux, crénelées de trois pièces chacune, couvertes et girouettées, le tout d’or, ouvert, ajouré et maçonné de sable, adextré d’un coq d’argent, tenant dans ses pattes une légende du même, chargée du mot AGEN de sable ; franc quartier des villes de seconde classe Cote de l’image : BB29 1081, p. 82 (3a)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 3 juillet 1818 (BB29 988, fol. 99) 3b-c : de gueules à une aigle volant de profil, d’argent, tenant de ses deux pattes, une liste du même, sur laquelle est écrit : AGEN, en lettres capitales, de sable, posées à dextre ; et une tour d’or, couverte en pavillon de trois pièces, girouettée du même et posée à senestre Cote de l’image : BB29 1081, p. 82 (3b) Cote de l’image : BB29 1082, p. 98 (3c)

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3c


4a

4b

Aimargues (Gard)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 18 novembre 1815 (BB29 988, fol. 8) 4a-b : d’azur à une rivière d’argent ombrée d’azur sur laquelle est une croix flottante de sable Cote de l’image : BB29 1081, p. 109 (4a) Cote de l’image : BB29 1082, p. 8 (4b)

53


5a

5b

Aire (Pas-de-Calais, auj. Aire-sur-la-Lys)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 25 novembre 1815 (BB29 988, fol. 18) 5a-b : de gueules à une aigle d’argent, becquée et onglée d’or Cote de l’image : BB29 1081, p. 114 (5a) Cote de l’image : BB29 1082, p. 18 (5b)

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6a

6b

6c

Aix (Bouches-du-Rhône, auj. Aix-en-Provence) Ville de 2e classe sous l’Empire

Armoiries concédées par lettres patentes du 16 décembre 1810 (BB29 987, fol. 14) 6a : d’or à cinq pals de gueules ; franc quartier des villes de seconde classe Cote de l’image : BB29 1081, p. 38 (6a)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 20 décembre 1817 (BB29 988, fol. 92) 6b-c : d’or à quatre pals de gueules ; et un chef tiercé en pal, au premier, d’argent à une croix potencée d’or, cantonnée de quatre croisettes de même, au second, d’azur semé de fleurs de lys d’or, brisé en chef d’un lambel de cinq pendants de gueules, et au troisième, d’azur semé de fleurs de lys d’or et une bordure de gueules Cote de l’image : BB29 1081, p. 38 (6b) Cote de l’image : BB29 1082, p. 91 (6c)

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7

Aix-la-Chapelle (Roër) Bonne ville sous l’Empire

Armoiries concédées par lettres patentes du 6 juin 1811 (BB29 987, fol. 28) 7 : d’or au globe d’azur cerclé et croisetté du champ, cantonné de quatre alérions de sable allumés de gueules ; au chef cousu des bonnes villes Cote de l’image : BB29 1081, p. 25 (7)

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8a

8b

Alençon (Orne)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 12 août 1817 (BB29 988, fol. 82) 8a-b : d’azur à une aigle à deux têtes d’or Cote de l’image : BB29 1081, p. 157 (8a) Cote de l’image : BB29 1082, p. 81 (8b)

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9

Alexandrie (Marengo) Bonne ville sous l’Empire

Armoiries concédées par lettres patentes du 13 juin 1811 (BB29 987, fol. 53) 9 : écartelé ; aux premier et quatrième, d’azur au château sommé d’une tour crénelée de trois pièces, d’argent, chargé d’un M de sable, aux deuxième et troisième, d’or au griffon de sable armé et lampassé de gueules ; sur le tout d’argent à la croix alaisée de gueules ; au chef des bonnes villes Cote de l’image : BB29 1081, p. 66 (9)

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10

Altkirch (Haut-Rhin)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 3 avril 1824 (BB29 988, fol. 155) 10 : d’azur à une église d’argent couverte de gueules, ajourée et ouverte d’azur, sur une terrasse de sinople, le clocher en forme de tour carrée, couvert aussi de gueules et croisé d’or Cote de l’image : BB29 1083, p. 15 (10)

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11a

11b

Amboise (Indre-et-Loire)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 3 février 1819 (BB29 988, fol. 110) 11a-b : palé d’or et de gueules de six pièces ; au chef d’azur chargé de trois fleurs de lys d’or Cote de l’image : BB29 1081, p. 180 (11a) Cote de l’image : BB29 1082, p. 109 (11b)

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12a

12b

12c

Amiens (Somme) Bonne ville sous l’Empire Armoiries concédées par lettres patentes du 6 juin 1811 (BB29 987, fol. 33) 12a : d’azur à la plante de lierre d’argent ; au chef cousu des bonnes villes Cote de l’image : BB29 1081, p. 45 (12a)

Nouvelles armoiries concédées par lettres patentes du 17 février 1816 (BB29 988, fol. 25) 12b-c : de gueules à un lierre d’argent ; au chef d’azur, semé de fleurs de lys d’or ; et pour devise : LILIIS TENACI VIMINE JUNGOR Cote de l’image : BB29 1081, p. 45 (12b) Cote de l’image : BB29 1082, p. 25 (12c)

61


13

Amsterdam (Zuyderzée) Bonne ville sous l’Empire

Armoiries concédées par lettres patentes du 13 juin 1811 (BB29 987, fol. 46) 13 : de gueules au pal cousu de sable chargé de trois sautoirs d’argent ; au chef cousu des bonnes villes Cote de l’image : BB29 1081, p. 64 (13)

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14a

14b

Anduse (Gard, auj. Anduze)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 14 décembre 1816 (BB29 988, fol. 42) 14a-b : d’azur à un château d’argent, ouvert et ajouré, donjonné de trois tourelles crénelées de même, le tout maçonné de sable Cote de l’image : BB29 1081, p. 133 (14a) Cote de l’image : BB29 1082, p. 42 (14b)

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15a

15b

Angers (Maine-et-Loire) Bonne ville sous l’Empire

Armoiries concédées par lettres patentes du 29 janvier 1811 (BB29 987, fol. 18) 15a : de gueules à la clef en pal d’argent ; au chef cousu des bonnes villes Cote de l’image : BB29 1081, p. 51 (15a)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 15 mars 1817 (BB29 988, fol. 61) 15b-c : de gueules à la clef en pal d’argent ; au chef d’azur chargé de deux fleurs de lys d’or Cote de l’image : BB29 1081, p. 51 (15b) Cote de l’image : BB29 1082, p. 60 (15c)

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15c


16a

16b

Antibes (Alpes-Maritimes)

Modification des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 12 septembre 1817 (BB29 988, fol. 87) 16a-b : d’azur à une croix d’argent, cantonnée de quatre fleurs de lys, d’or, et un lambel de gueules mouvant du chef, et brochant sur le montant de la croix ; au chef d’azur, semé de fleurs de lys d’or sans nombre ; avec la devise : FIDEI SERVANDAE EXEMPLUM, 1815 Cote de l’image : BB29 1081, p. 161 (16a) Cote de l’image : BB29 1082, p. 86 (16b)

La modification porte sur l’ajout du chef et de la devise

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17

Anvers (Deux-Nèthes) Bonne ville sous l’Empire

Armoiries concédées par lettres patentes du 16 décembre 1810 (BB29 987, fol. 13) 17 : de gueules au château de trois tours d’argent, celle du milieu crénelée de cinq pièces, ouvert, ajouré et maçonné de sable, surmonté de deux mains appaumées, celle à dextre en bande, celle à senestre en barre d’argent, et soutenu d’une rivière en fasce, alaisée du même ; au chef cousu des bonnes villes Cote de l’image : BB29 1081, p. 35 (17)

66


18

Argentan (Orne)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 29 janvier 1827 (BB29 988, fol. 188) 18 : d’argent à une aigle de sable Cote de l’image : BB29 1083, p. 46 (18)

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19a

19b

Arles (Bouches-du-Rhône) Ville de 2e classe sous l’Empire

Armoiries concédées par lettres patentes du 3 février 1813 (BB29 987, fol. 85) 19a : d’azur au lion assis d’or, tenant de la dextre un labarum du même, portant pour légende ces mots abrégés CIVITAS ARELATENSIS ; franc quartier des villes de seconde classe Cote de l’image : BB29 1081, p. 89 (19a)

Modification des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 17 août 1816 (BB29 988, fol. 29) 19b-c : d’azur à un lion assis d’or, regardant de face, et tenant sa patte dextre levée ; et avec addition d’une fleur de lys d’or et la devise AB IRA LEONIS Cote de l’image : BB29 1081, p. 89 (19b) Cote de l’image : BB29 1082, p. 29 (19c)

La modification porte sur l’ajout de la fleur de lys d’or dans le canton supérieur dextre et de la devise AB IRA LEONIS

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19c


20

Armentières (Nord) Ville de 2e classe sous l’Empire

Armoiries concédées par lettres patentes du 21 février 1814 (BB29 987, fol. 102) 20 : coupé ; au premier, parti, à dextre des villes de seconde classe, à sénestre, d’argent, chargé à dextre d’un croissant contourné à sénestre d’un soleil rayonnant et au deuxième point en chef d’une étoile, le tout d’azur, au second, d’azur au lion rampant d’or Cote de l’image : BB29 1081, p. 102 (20)

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21a

21b

Arras (Pas-de-Calais)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 22 février 1817 (BB29 988, fol. 54) 21a-b : de gueules à un lion d’or portant, sur son flanc, un écusson d’azur semé de fleur de lys d’or, et un lambel de gueules à trois pendants mis en chef, chacun des pendants chargé de trois tours d’argent mises en pal Cote de l’image : BB29 1081, p. 139 (21a) Cote de l’image : BB29 1082, p. 54 (21b)

70


22

Asti (Marengo) Ville de 2e classe sous l’Empire

Armoiries concédées par lettres patentes du 20 juin 1811 (BB29 987, fol. 54) 22 : coupé, au premier, parti, à dextre des villes de 2e classe, à sénestre de sable à trois lances antiques rangées en pal d’or, au deuxième écartelé d’azur et de gueules, à la croix d’argent brochant sur le tout Cote de l’image : BB29 1081, p. 56 (22)

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23a

23b

Auch (Gers)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 14 août 1818 (BB29 988, fol. 102) 23a-b : parti de gueules et d’argent, le premier, à un agneau pascal d’argent portant une croix d’or, le deuxième, à un léopard lionné de gueules Cote de l’image : BB29 1081, p. 173 (23a) Cote de l’image : BB29 1082, p. 101 (23b)

72


24

Audruick (Pas-de-Calais, auj. Audruicq)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 25 juillet 1822 (BB29 988, fol. 141) 24 : d’argent à la figure d’un évêque de carnation vêtu d’une aube d’argent, d’une tunique de pourpre et revêtu d’une chappe de gueules brodée d’or et ayant la mitre en tête de même, tenant de sa main dextre une palme de sinople et de sa senestre une crosse de même, le tout adextré et senestré d’un écusson de gueules chargé d’une croix double ou croix patriarcale d’argent Cote de l’image : BB29 1083, p. 1 (24)

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25a

25b

Auxerre (Yonne)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 9 décembre 1815 (BB29 988, fol. 20) 25a-b : d’azur au lion d’or, armé et lampassé de gueules, semé de billettes du même Cote de l’image : BB29 1081, p. 118 (25a) Cote de l’image : BB29 1082, p. 20 (25b)

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26

Auxonne (Côte-d’Or)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 3 août 1824 (BB29 988, fol. 161) 26 : mi parti ; le premier, d’azur semé de fleurs de lys d’or, à la bordure componée d’argent et de gueules ; coupé, bandé d’or et d’azur de six pièces, à la bordure de gueules ; le deuxième, d’azur à une croix ancrée d’argent Cote de l’image : BB29 1083, p. 21 (26)

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27a

27b

Avallon (Yonne)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 28 décembre 1821 (BB29 988, fol. 137) 27a-b : d’azur à une tour d’argent, maçonnée de sable ; avec cette inscription autour de l’écu : ESTO NOBIS, DOMINE, TURRIS FORTITUDINIS Cote de l’image : BB29 1081, p. 203 (27a) Cote de l’image : BB29 1082, p. 135 (27b)

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28a

28b

Avesnes (Nord, auj. Avesnes-sur-Helpe)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 16 juin 1818 (BB29 988, fol. 98) 28a-b : bandé d’or et de gueules de six pièces Cote de l’image : BB29 1081, p. 170 (28a) Cote de l’image : BB29 1082, p. 97 (28b)

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29a

29b

Avignon (Vaucluse)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 2 novembre 1818 (BB29 988, fol. 104) 29a-b : de gueules à trois clefs d’or rangées en fasce Cote de l’image : BB29 1081, p. 177 (29a) Cote de l’image : BB29 1082, p. 103 (29b)

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30a

30b

30c

Avranches (Manche) Ville de 2e classe sous l’Empire

Armoiries concédées par lettres patentes du 5 décembre 1811 (BB29 987, fol. 73) 30a : d’azur au château flanqué de deux tours crénelées de trois pièces d’argent, ouvert, ajouré et maçonné de sable, au comble de gueules chargé de deux croissants d’argent ; franc quartier des villes de seconde classe Cote de l’image : BB29 1081, p. 74 (30a)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 15 mars 1817 (BB29 988, fol. 59) 30b-c : d’azur à deux tours jointes par un entremur d’argent, ouvertes, ajourées et maçonnées de sable, surmontées d’un dauphin renversé, d’argent, accosté de deux croissants du même, et accompagné de trois fleurs de lys d’or, une en chef et deux sur les flancs Cote de l’image : BB29 1081, p. 74 (30b) Cote de l’image : BB29 1082, p. 59 (30c)

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31a

31b

Bagnols (Gard, auj. Bagnols-sur-Cèze)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 30 novembre 1816 (BB29 988, fol. 38) 31a-b : de gueules à trois tinettes ou cuvettes d’or, suspendue chacune à un anneau par trois cordons du même, posées deux en chef et une en pointe ; au chef cousu de sinople chargé de trois fleurs de lys d’or Cote de l’image : BB29 1081, p. 129 (31a) Cote de l’image : BB29 1082, p. 38 (31b)

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32

Barcelone (Gers, auj. Barcelonne-du-Gers)

Reprise des armoiries d’Ancien Régime par lettres patentes du 22 janvier 1825 (BB29 988, fol. 164) 32 : d’or à deux lions passants de gueules et deux vaches de même, mis en sautoir Cote de l’image : BB29 1083, p. 24 (32)

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