de L'ART DES FOUS à L'ART PSYCHOPATHOLOGIQUE - LA COLLECTION SAINTE-ANNE (extrait)

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DE L’ART DES FOUS À L’ART PSYCHOPATOLOGIQUE

La Collection Sainte-Anne

Anne-Marie Dubois

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Cet ouvrage est édité à l’occasion des expositions

La Collection Sainte-Anne : 1950 et après présentée du 14 septembre au 22 décembre 2018 et La Collection Sainte-Anne : autour de 1960 se tenant du 10 janvier au 28 avril 2019 au musée d’Art et d’Histoire de l’hôpital Sainte-Anne MAHHSA

© Somogy éditions d’art, Paris, 2018 © Musée d’Art et d’Histoire de l’hôpital Sainte-Anne, Paris, 2018

Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Coordination et suivi éditorial : Nicolas Neumann Coéditions et développement : Véronique Balmelle Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer Conception graphique : Élise Julienne Grosberg Fabrication : Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros

978-2-7572-1441-1 Dépôt légal : septembre 2018 Imprimé en Union européenne

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Sommaire

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Introduction

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1950 et après

102 Autour de 1960

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LES FONDAMENTAUX

104 DES ARTISTES MALADES

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F. Kouw Anonyme, Japon Anonyme, Inde Gilbert Legube Anna Hackel Fikaïte Amy Wilde Po Raja Rao

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LES PIONNIERS DES ANNÉES 1950-1960

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Novakovic, Marija Claude Brun Odile Dubois Fikret Moualla Anonyme Fe Spemann Alain Cassagne

INSCRITS DANS LEUR TEMPS 104 112 116 122 130 136 138 144

André Le Hien Noëlle Defages Jean Janès Solange Germain Christine Rabereau Anonyme Pascal Durand Charles Levystone

150 UNE MONOGRAPHIE,

UN VRAI STYLE ET UNE BELLE HISTOIRE

150 Charles Schley

174 Bibliographie 176 Crédits photographiques

Les numéros figurant dans les textes renvoient le lecteur aux références bibliographiques.

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Introduction Anne-Marie Dubois, Responsable scientifique de la Collection Sainte-Anne et commissaire des expositions. Secrétaire générale du Centre d’étude de l’expression (Centre hospitalier Sainte-Anne)

L

e musée d’Art et d’Histoire de l’Hôpital SainteAnne (MAHHSA) propose deux nouvelles expositions entre le 14 septembre 2018 et le 28 avril 2019. Il est à nouveau question d’histoire en ce que les fondements historiques de ce musée et de sa collection, permettent d’appréhender le plus justement possible les mouvements d’idées et les mouvements artistiques d’aujourd’hui. Le croisement et les interactions entre l’histoire de la collection Sainte-Anne, l’histoire de la psychiatrie et l’histoire de l’art sont donc au cœur du propos de deux prochaines expositions. Ce livre catalogue, outre qu’il reproduit l’intégralité des œuvres exposées, tente de mettre en perspective ces différents domaines et essaye d’expliciter de surcroît ce que peuvent être les processus de création. L’exposition de 1950 et ses multiples conséquences La première exposition est centrée sur l’Exposition internationale d’art psychopathologique de 1950. Celle-ci fut organisée lors du Premier Congrès mondial de psychiatrie qui eut lieu à l’hôpital Sainte-Anne de Paris. Ces deux événements internationaux furent essentiels et fondateurs en ce milieu du XXe siècle, quant aux conceptualisations psychiatriques d’une part et quant aux mouvements artistiques d’autre part. Cette exposition de 1950 dont les conséquences sont encore très actuelles à de multiples égards, mérite d’être contextualisée. Elle fut conçue par le professeur Delay, le docteur Volmat et le docteur Ey dès l’année 1948 ; ils étaient également

impliqués dans l’organisation du congrès, Delay en étant le président. Ces trois hommes étaient fort engagés dans la vie culturelle du moment ; Delay était écrivain et ami de Michaux, Volmat et Ey étaient pleinement en lien avec la vie artistique et culturelle de leur époque. Par ailleurs l’hôpital Sainte-Anne était à ce moment là un véritable lieu d’échanges intellectuels car s’y côtoyaient des écrivains, des psychanalystes célèbres et des artistes appartenant au mouvement surréaliste. Neuf d’entre eux avaient d’ailleurs réalisés une fresque dans la salle de garde de cet hôpital, à la façon d’un cadavre exquis et sur l’initiative du peintre Frédéric Delanglade. Sa réalisation fut un événement puisqu’elle a fait l’objet d’une inauguration officielle, commentée, remarquée et photographiée. Cependant l’événement le plus déterminant quant à l’élaboration du projet de cette exposition de 1950 fut sans doute la connaissance de l’exposition de 1946, également organisée à Sainte-Anne, sous le titre Exposition d’œuvres de malades mentaux. Celle-ci — de bien moindre envergure quant aux nombres d’œuvres présentées — fut néanmoins très importante quant à son retentissement dans ce Paris d’après-guerre. Elle fut organisée par le directeur de l’hôpital Benjamin Graulle, le psychiatre Gaston Ferdières, avec l’aide d’un peintre montmartrois, Léon Shwartz-Abrys qui avait pu être protégé ainsi que d’autres juifs, dans l’enceinte de l’hôpital pendant la période de la guerre. Le retentissement médiatique de cet événement fut considérable si l’on en croit les nombreux articles de presse conservés dans le centre de documentation du MAHHSA. Certains s’interrogeaient sur la nature de ces productions et sur la qualification qui pourrait leur être

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apposée, d’autres s’étonnaient désappointés de leurs qualités esthétiques. De façon anecdotique il faut noter que certaines d’entre elles étaient à vendre. De façon plus signifiante quand à l’intrication des mouvements intellectuels de cette moitié de siècle il faut souligner que Jean Dubuffet est allé visiter cet accrochage qu’il semble avoir regardé d’un œil assez critique à une époque où il était en train de commencer à s’intéresser à ce type de production ; mais alors que son concept d’art brut n’était pas encore formalisé. Baptiste Brun a évoqué lors d’une conférence prononcée au MAHHSA en février 2018, l’annotation du catalogue de cette exposition de 1946 par Dubuffet Enfin un autre élément déterminant fut la richesse des communications et des échanges qui existaient alors entre les psychiatres du monde entier quant à l’intérêt pour les productions artistiques des malades. Les écrits des psychiatres venant du Brésil, des Etats Unis, d’Inde et des pays européens étaient connus des organisateurs de cette exposition de 1950. Ils connaissaient aussi les travaux de leur collègues ainés tels Hans Prinzhorn, Cesare Lombroso, Auguste Marie, Charles Ladame et Walter Morgentheler. Tous s’étaient vivement intéressés aux productions plastiques spontanées de leurs patients et ils les avaient rassemblées parfois en collections et parfois en musées. Parallèlement tous avaient mené de réelles réflexions sur la place qu’il était possible de donner à ces démarches créatives et sur la place de ces œuvres dans le panorama artistique de leurs époques respectives. L’ensemble de ces facteurs contextuels, intellectuels et historiques sont les bases de la conception de l’exposi-

tion de 1950. Les organisateurs du congrès ont décidé de demander aux dix sept pays participants, d’envoyer des œuvres plastiques réalisées par leurs patients dans le cadre de leurs divers lieux d’hospitalisations. Pour certains d’entre eux cela correspondait à intérêt préalable et leurs envois furent accompagnés de commentaires et d’observations détaillées comme en témoigne les échanges de correspondances entre Osorio Cesar et Robert Volmat au sujet des œuvres venant du Brésil (16 - Vol 3). Pour d’autres il s’agissait d’accompagner leurs patients dans le choix qui était le leur de s’adonner à des activités de création, car ils avaient compris que cette modalité d’expression était essentielle pour eux-mêmes et que par ailleurs elle était parfois inscrite artistiquement. Pour d’autres enfin il s’agissait de présenter des œuvres réalisées dans des lieux de soins ou bien dans des lieux dédiés qui favorisaient ce type de processus créatif, comme ce fut le cas pour les œuvres envoyées des États Unis, d’Angleterre, du Brésil et d’Inde. (16 - Vol 1) Quatre mille productions ont donc été envoyées et présentées dans l’enceinte de l’hôpital et concomitamment à la chapelle de la Sorbonne. Les visiteurs furent très nombreux et les commentaires également. Multiformes, mais tous particulièrement intéressants quant aux questions posées et quant aux émotions suscitées. Néanmoins même quand la qualité plastique des œuvres présentées était soulignée, la question régulièrement posée était celle des liens pouvant exister entre pathologie de l’auteur et représentation. Il s’agit là du cœur des réflexions que propose cet ouvrage. 5

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Partie I

1950 ET APRÈS ?

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LES FONDAMENTAUX F. Kouw (Avant 1910)

Les trois œuvres de Kouw (dont un rectoverso) qui font partie de la Collection SainteAnne étaient auparavant intégrées à la collection du Dr Auguste Marie. Elles ont été réalisées à l’asile de Villejuif où Auguste Marie était alors chef de service. Comme psychiatre et comme homme de culture cet homme eut une place essentielle dans la reconnaissance de plusieurs artistes malades dans la toute première partie du XXe siècle. En effet, Auguste Marie, inspiré par la visite qu’il fit en 1900 de l’exposition du Bethlem Royal Hospital de Londres proposa à son tour, à Paris en 1905, l’exposition de l’ensemble des œuvres qu’il avait collectionnées sous le titre de « Petit Musée de la folie ». Cette première exposition française était ouverte aux médecins mais aussi au grand public ; elle put avoir lieu grâce au soutien de la Marquise de Ludre. Étaient présentées des œuvres qui sont devenues, au fil du temps, des œuvres de référence : Kouw donc, mais aussi Hodinos, Le Comte de Tremolin, et celui qui était désigné comme le « Voyageur Français ». Cette première exposition publique d’œuvres de malades mentaux fit découvrir aux médias et au monde de l’art, que les malades mentaux pouvaient aussi être doués de qualités artistiques. L’exposition présentée par Marie a servi de support à l’ouvrage de référence du Dr Meunier, alias Marcel Réja : L’Art malade : dessins de fous, publié pour la première fois en 1907 (30). Cet ouvrage s’adressait à un large public et était illustré par des reproductions d’œuvres qui étaient alors collectionnées par des médecins. Alors qu’à cette époque, comme pendant de très nombreuses

années ensuite, les psychiatres s’attachaient aux aspects considérés comme symptomatiques des œuvres, Marcel Réja fut le premier à reconnaître clairement une valeur esthétique aux productions des « aliénés ». Ce fut un premier pas vers la reconnaissance de l’homme derrière le malade. Ce mouvement néanmoins ne fut pas constant pendant les cinquante années qui suivirent. Parallèlement et sur le modèle de Lombroso en Italie, Marie continua à enrichir à l’asile de Villejuif le Petit Musée de la folie. Il était consacré aux productions artistiques des malades mentaux mais aussi de criminels ; toute production créée dans des conditions d’enfermement. L’œuvre de Kouw fut présentée par Marie devant la Société clinique de médecine mentale et publiée dans le bulletin de celle-ci en 1912 sous le titre Sur quelques dessins de

F. Kouw Sans titre Vers 1910 Mine de plomb et crayon de couleur sur papier 31,8 × 24,3 cm Inv. 0092 (verso du 0091) F. Kouw Sans titre Vers 1910 Mine de plomb et crayon de couleur sur papier 31,8 × 24,3 cm Inv. 0091

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Anonyme Inde (première moitié du

XXe

siècle)

Cet ensemble d’aquarelles réalisées en Inde pendant l’année 1946 représente un corpus tout à fait singulier au sein de la Collection Sainte-Anne, d’une part en raison de son homogénéité et d’autre part en raison de ses conditions de réalisation. Quatre-vingt-dix pièces, la plupart de grand format, sont l’œuvre d’une même personne. Elles furent envoyées à Paris – à l’hôpital Sainte-Anne – par l’Union indienne à l’occasion de l’Exposition internationale d’art psychopathologique de 1950. Elles y furent laissées en don à l’issue de cette exposition. L’Indian Council for Mental Hygiene était à l’origine de cette initiative remarquable. D’après l’ouvrage de Robert Volmat de 1956, L’Art psychopathologique, le fonds d’origine comportait quatre-vingt-seize pièces (37). L’inventaire d’aujourd’hui en a recensé

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quatre-vingt-dix. Elles purent presque toutes être admirées lors de l’exposition monographique de 1999 intitulée « From India » organisée à l’hôpital Sainte-Anne. Une « fête pour l’œil » tel que le disait Delacroix cité par Marielène Weber qui continuait ainsi son propos d’introduction de cette exposition, avec un lyrisme justifié : « Une fête qu’il est permis de goûter sans réserve car les pauvres renseignements transmis avec les aquarelles ont au moins l’avantage de confirmer que ce sont des œuvres de récréation, de rêverie, de présence à soi même et au monde d’un homme préservé du dénuement matériel mais non de la désolation intime ». La qualité de l’ensemble de ces aquarelles, le raffinement de l’utilisation des couleurs et des formes avaient justifié l’organisation d’une exposition entièrement consacrée à cet

Anonyme, Inde Eagles at Rest 28 mars 1946 Aquarelle sur papier 56 × 65 cm Inv. 0173

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Anna Hackel (1864 - ?)

Les rares informations que nous avons concernant Anna Hackel proviennent de notes tapuscrites de M. Lederer en mai 1932 (l’identité et la qualité de cette personne ne sont pas élucidées à ce jour). Elle est née le 21 août 1864 à Wolfersdorf, en Bohême. Fille d’un petit fermier, elle dut diriger la maison dès l’âge de 12 ans à la mort de ses parents. Elle dit avoir fréquenté trois classes à l’école primaire. À 20 ans, elle se marie. Son époux décède trois ans plus tard, en 1887. Événement à partir duquel elle aurait trouvé une « croyance inébranlable en Dieu et confiance en son succès ». Ses deux enfants sont morts jeunes. Elle a créé un commerce de beurre en gros et a gagné beaucoup d’argent jusqu’à la guerre, époque à laquelle elle aurait tout perdu. À son domicile, elle assure seule les tâches ménagères et le jardinage. Dans son courrier elle explique avoir « derrière (elle) une vie de rude travail pendant laquelle (elle n’a) jamais eu l’occasion de peindre ou de dessiner ». Elle en a ressenti le besoin assez brutalement depuis le mois de décembre 1918. Dès qu’elle trouve un moment de libre, elle dessine. Le soir elle effectue cette activité en écoutant la TSF jusqu’à vers 23 heures. Elle décrit ce besoin de dessiner comme « une poussée irrésistible » et se montre toujours curieuse d’une nouveauté dans ce qui est produit. À propos du

processus créatif elle emploie les termes de « pleine conscience », d’absence de nécessité de « concentration ». En effet, elle raconte qu’elle peut s’entretenir avec quelqu’un même pendant ce temps de la réalisation du dessin. Cependant elle insiste sur un point particulier : « Je sens ma main conduite par une puissance supérieure. » Il est possible de rapprocher les productions d’Anna Hakel de dessins médiumniques et des œuvres de Anna Zemankova d’ailleurs originaire de la même région d’Europe centrale. Concernant la notion d’exposition, le courrier nous informe qu’elle a exposé dans son pays aux alentours de l’année 1932, exposition « admirée partout ». La critique fut excellente et un certain Monsieur Thomas en aurait gardé la trace à l’époque. Il est aussi fait mention d’un professeur de métaphysique qui aurait visité l’artiste et en aurait été émerveillé. Dans ce courrier M. Lederer mentionne un envoi de trois cents dessins fait par Anna Hackel, précisant qu’il ne l’avait pas encore reçu et qu’il tiendrait son destinataire au courant. Il n’y a malheureusement aucune trace d’un courrier ultérieur. Certains dessins d’Anna Hakel furent présentés pour la première fois pour l’exposition « La clé des champs » en 2003, puis lors d’« Éloge de la répétition » 2006, et lors de « Qui est aveugle » en 2011 (1-11-17).

Anna Hackel Sans titre Vers 1930 Crayon noir et crayon de couleur sur carton 30 × 22 cm Inv. 0297

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Po Raja Rao (1908 - 2006)

Il y a peu de temps que des informations au sujet de Po Raja Rao furent retrouvées. Ces éléments biographiques, ainsi qu’une note manuscrite qui accompagnait ce corpus de huit œuvres (reproduite à la fin de cette notice), nous permettent d’émettre quelques hypothèses le concernant. La note porte la mention « don de madame Monod-Herzen ». Nous savons que Raja Rao était un écrivain indien qui produisit des nouvelles et des romans tournés vers la métaphysique, notamment The Serpent and the Rope (1960). Il gagna pour ce roman le Sahitya Akademi Award en 1964, puis le Neustadt International Prize for littérature en 1988. D’après la note manuscrite, Po Raja Rao aurait réalisé des dessins pour la première fois vers l’âge de 30 ans. Diplômé de l’université de Madras en anglais et en histoire, il obtint l’Asiatic Scholarship of the Government of Hyderabad en 1929 et partit étudier le français et la littérature

à Montpellier. Par la suite, à Paris, il étudia à la Sorbonne l’influence indienne dans la littérature irlandaise. En 1931, épousa Camille Mouly, enseignante de français. Il retourna en Inde après leur divorce en 1939. Il séjourna à l’Ashram Aurobindo à Pondichéry. À cette époque, il fit des recherches sur la conscience et le spirituel. Il réalisa notamment un important travail littéraire, mais aussi symbolique et linguistique. Il revint en France dans les années 1950 et y resta jusqu’en 1959. En 1950, il envoya toute une série de lettres à Ella Maillart, une femme qui avait elle-même séjourné dans un Ashram. Entre 1966 et 1986, il devint professeur de philosophie à l’université d’Austin au Texas. Il était important de croiser ces renseignements biographiques avec des recherches concernant le nom de la donatrice de ces œuvres. Gabriel Monod-Herzen (1899-1983), petit-fils

Po Raja Rao Sans titre Sans date Tirage argentique 14 × 9 cm Inv. 0711 Po Raja Rao Sans titre Sans date Tirage argentique 14 × 9 cm Inv. 0712a

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LES PIONNIERS DES ANNÉES 1950-1960 Marija Novakovic (1885 – 1960)

Marija Novakovic est née en 1885 à Zagreb d’une mère d’origine autrichienne et d’un père austro-hongrois qui était officier. Elle était donc de culture allemande, comme l’indiquent les titres qu’elle donna à ses œuvres. En tant que peintre, elle était autodidacte. Sa formation artistique initiale était celle d’une musicienne, chanteuse, danseuse et professeur de piano. Elle consacra toute la première partie de sa vie à sa carrière musicale. Il semblerait que ce soit l’aggravation de sa maladie qui l’ait amenée à se tourner ensuite vers les arts plastiques. Les sept œuvres que compte la Collection Sainte-Anne sont issues d’un don du Pr. Dézidor Julius de Zagreb. Cependant deux écrits de Robert Volmat, de 1956 et de 1957, citent des œuvres et des titres d’œuvres que l’on ne retrouve pas dans la Collection (3738f). Il semblerait que, pour certaines d’entre elles, cela soit lié au fait, qu’à cette époque, les médecins attribuent souvent des titres selon leur propre inspiration. Le sort des œuvres

entrées dans des collections croates nous est à ce jour inconnu. Marija Novakovic fut élevée à Vienne par la belle-sœur de son père car sa mère est morte en la mettant au monde. Ses biographes précisent qu’elle fut détestée de sa grand-mère qui l’a tenue pour responsable de la mort de sa fille. Elle n’a que très peu connu son père qui s’est suicidé lorsqu’elle avait 5 ans après avoir été avait été interné à deux reprises en institution psychiatrique. Le frère de son père et deux de ses nièces se sont également suicidés. Lorsqu’elle était enfant, Marija Novakovic se serait montrée douée pour la peinture. L’histoire raconte qu’un jour elle avait dessiné la tête d’un renard rouge et son oncle, voyant le dessin, lui aurait dit qu’elle serait un jour un peintre célèbre. Mais elle souhaitait avant tout se consacrer à la musique. Elle fit des études musicales au Conservatoire de Vienne et elle devint professeur de piano. Sa carrière fut riche et variée. Elle chanta dans des music-halls et joua du piano dans

Marija Novakovic Sans titre Vers 1950 Crayon de couleur sur papier 29 × 21 cm Inv. 0150

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Claude Brun (1914 - ?)

La dizaine de gouaches de Claude Brun conservées dans la Collection Sainte-Anne sont toutes de petit format et elles constituent un ensemble homogène, caractérisé par un goût pour des compositions aux coloris très équilibrés. Les motifs abstraits ou allégoriques intègrent souvent des devises et des noms de personnages célèbres ; ce sont souvent des peintres tels que Picasso ou Matisse, ce qui laisse penser que cet artiste avait une connaissance du monde culturel de son époque. La couleur rouge y tient souvent une place centrale. Les thèmes sont la plupart du temps satiriques et parodiques et ils laissent deviner que l’auteur avait des convictions très affir-

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mées. Deux dessins de Claude Brun figuraient, en 1981 à l’exposition « Paris/Paris 1937-1957 » au Centre Georges Pompidou (47), ce qui constitue une réelle reconnaissance de la qualité de l’artiste et de la position de cette œuvre au sein de l’histoire de l’art du XXe siècle. Les autres productions furent très souvent présentées lors d’expositions à Sainte-Anne ou ailleurs. Les œuvres qui figurent aujourd’hui à l’inventaire de la Collection ne représentent sans doute qu’une toute petite partie de sa production. Elles ont été réalisées à la Clinique des maladie mentales et de l’encéphale où il était hospitalisé. Ce patient a fait, du Professeur Deniker (qui était alors le docteur

Claude Brun Ni dieu×, ni maîtres, ni fleurs, ni couronnes 20 octobre 1952 Encre, gouache et vernis sur papier 26,9 × 36,7 cm Inv. 0085

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Anonyme, Le buste qui chante (? - ?)

Nous n’avons aucun renseignement sur l’auteur de ce merveilleux buste dont la mise en scène surprenante est une invitation à la rêverie et à l’imagination. Le raffinement de ce visage, sa sophistication et son positionnement ne permettent pas d’identifier réellement s’il s’agit d’un danseur des Ballets russes dans une production de Diaghilev, d’une cantatrice chantant le Couronnement de Poppée de Monteverdi ou de l’interpré-

tation d’un Antique. Cette petite gouache émouvante par sa beauté et son inventivité est très représentative de la nature des œuvres que le grand public ne s’attend pas à découvrir au sein d’une collection telle que la Collection Sainte-Anne. Elle fut présentée en 2004 lors de l’exposition « Rouge », puis à Auvers-sur-Oise en 2009 lors de l’exposition « Le docteur Gachet une folie de couleur à Auvers-sur-Oise » (15).

Anonyme Le buste qui chante Sans date Crayon et gouache sur papier 18,5 × 16,5 cm Inv. 0509

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AUTOUR DE 1960

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DES ARTISTES INSCRITS DANS LEUR TEMPS André Le Hien (? - ?)

André Le Hien a fait preuve d’une activité créatrice très prolixe pendant son séjour à l’hôpital Sainte-Anne entre les années 1957 et 1961. Son œuvre est considérable par son nombre, sa richesse inventive et par sa diversité. Se succèdent des représentations abstraites, des scènes de la vie quotidienne, des lieux et des paysages familiers, mais aussi des thèmes empruntés à la culture d’origine de cet artiste, c’est-à-dire l’Extrême-Orient. Plus de deux cents pièces ont été retrouvées dans les réserves du Centre d’étude de l’expressionMAHHSA. Seules quatre-vingts sont actuelle-

ment à l’inventaire de la Collection. Les autres font partie de l’inventaire simplifié, réservé à la Collection dite « d’étude » et dont l’intérêt est plutôt de l’ordre de la protection d’un patrimoine scientifique et humain. Pendant son hospitalisation, André Le Hien a utilisé ses intérêts artistiques variés (peinture, architecture, musique) à des fins thérapeutiques, mais il a aussi su les enrichir pour répondre à ses désirs artistiques. En effet, il a travaillé pendant plus de quatre années dans les ateliers d’art thérapie de l’hôpital SainteAnne et il a accordé beaucoup d’intérêt à l’op-

André Le Hien Sans titre 3 mars 1959 Gouache sur papier 64,5 × 50 cm Inv. 0741

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Jean Janès (1940 - ?)

Jean Janès a produit de très nombreuses œuvres plastiques pendant son séjour à l’hôpital Sainte-Anne où il resta près de trois années. Une note anonyme concernant ses dessins fut retrouvée dans son dossier ; elle souligne : « Série de beaux dessins noirs, représentant des visages. Un christ en particulier. Les contours très enlevés marquent la vitesse (CF Sam Andel) et cette vitesse même tend à détruire la représentation. » Janès fut admis à Sainte-Anne en placement d’office, le 20 janvier 1961, à la suite d’un épisode délirant aiguë, accompagné d’un syndrome hallucinatoire. Il avait auparavant été hospitalisé à l’hôpital de la Salpêtrière d’octobre à décembre 1959, pour des raisons, semble-t-il, du même ordre. L’arrêt de

son traitement neuroleptique aurait précipité cette rechute. Entre ces deux hospitalisations l’année 1960 fut compliquée pour lui mais aussi riche en rencontres. Il avait repris son travail de chaudronnier au sein duquel il ne se sentait pas bien et il fréquenta certains peintres montmartrois. L’un d’entre eux l’aurait initié à la télépathie et aux mystères de l’Inde. Lorsqu’il fut à nouveau hospitalisé fin janvier 1961 pour cette rechute délirante, un traitement est à nouveau institué. Trois mois plus tard l’amélioration est remarquable et c’est à ce moment-là qu’il commence à fréquenter les ateliers d’art thérapie qui existaient déjà depuis une huitaine d’années dans ce service de l’hôpital. Il y fut très assidu et ses dons

Jean Janès Sans titre 30 mars 1962 Gouache sur papier 66,5 × 50 cm Inv. 0906 Jean Janès Sans titre 10 mai 1963 Gouache sur papier 67 × 50 cm Inv. 0771

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DES ARTISTES INSCRITS DANS LEUR TEMPS

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Christine Rabereau (1950 - ?)

Christine Rabereau a été hospitalisée à l’hôpital Sainte-Anne en 1966, alors qu’elle était âgée de 16 ans. Elle a laissé au cours de ses hospitalisations une œuvre très riche et très prolixe, souvent organisée en séries. De nombreuses d’entre elles sont de forme géométrique mais parfois s’y mêlent des portraits. Le trait est incisif, les formes parfois énigmatiques ou inquiétantes et les créations sont souvent réalisées en noir et blanc ; seules deux autres couleurs apparaissent parfois, le bleu et le rouge. Cette artiste et ses œuvres ont fait l’objet de plusieurs publications en 1968 par Boegner-Plichet et en 1969 par Wiart (2-45). La première était plus particulièrement consacrée à sa biographie, bien qu’elle fût largement illustrée et que des liens furent faits entre sa vie et son œuvre. Le développement de Christine Rabereau fut normal malgré un environnement familial décrit comme perturbé. Sa mère souffrait d’une maladie convulsive et son comportement s’en trouvait troublé ce qui amena son père a quitter le logis familial en 1955. La petite fille vit donc avec sa mère et a un bon parcours scolaire malgré des conditions de vie semble-t-il compliquées. Cette mère dont elle était très proche, décède brutalement, alors que Christine est en colonie de vacances. S’en suivirent deux années particulièrement éprouvantes pour cette adolescente qui interpella alors son entourage et demanda de l’aide. C’est ainsi qu’elle fut hospitalisée à SainteAnne dans le service du professeur Delay entre février et septembre 1966. Les examens cliniques et les tests pratiqués à cette époque « ne montrent aucun signe de psychose […] et un niveau intellectuel supérieur […] » (2). Une immaturité affective avec mythomanie est évoquée ; l’accent est également mis sur une réelle problématique abandonnique. Parallèlement à des démarches sociales des130

tinées à trouver une structure éducative pour cette jeune fille, une psychothérapie à médiation picturale lui est proposée. Elle investit celle-ci pleinement et elle réalisa dans les ateliers d’art thérapie un nombre considérable de productions. Elle trouva également un certain équilibre affectif – selon son médecin – et sa démarche psychothérapeutique a pu se poursuivre après son hospitalisation ainsi que son engagement dans les études. Claude Wiart écrivit dans une note publiée dans le catalogue Psych’art, en 1970 : « Les treize gouaches exposées forment un choix chronologique représentatif des nombreuses œuvres d’une adolescente de 17 ans hospitalisée pour troubles graves du comportement, réalisées au cours d’une psychothérapie menée lors de cette hospitalisation (…) Les analyses, au cours des séances, apporte de multiples notions quant à son immaturité et ses tendances mythomaniaques et permet de retrouver les graves difficultés familiales ayant engendré les troubles. L’étude de leur évolution est image exemplaire de la modification profonde qui s’opère chez la patiente, chaque peinture se révélant véritablement cathartique, réintroduisant une à une dans sont champ de conscience les expériences refoulées et permettant la décharge progressive d’affects précédemment réprimés […]. D’évidence, l’ensemble souligne l’intérêt de l’utilisation du médium Expression Plastique dans certaines psychothérapies. » Les œuvres de Christine Rabereau conservées au sein de la Collection Sainte-Anne constituent un corpus considérable par leur nombre, leur richesse, leur style, leur expressivité, leur place dans l’histoire de l’art et de la psychiatrie Elles ont été exposées à Paris lors de « Portraits » en 2002, « La clé des champs », en 2003 « Rouge » en 2004 et à Amsterdam « Emotions in art » en 2015 (7-9-19).

DES ARTISTES INSCRITS DANS LEUR TEMPS

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UNE MONOGRAPHIE: UN VRAI STYLE ET UNE BELLE HISTOIRE Charles Schley (vers 1910 - ?)

Les œuvres de Charles Schley conservées au sein de la Collection sont essentiellement réalisées dans des cahiers à dessin. Trois autres sont des grands formats sur carton. Il s’agit, pour la majeure partie d’entre eux, de dessins au crayon de couleur qui font pénétrer celui qui les regarde dans un monde d’une extraordinaire richesse imaginative empreinte de fantastique. Les thèmes développés sont souvent commentés par des inscriptions insérées au cœur même de l’image. C’est pourquoi les œuvres de Charles Schley figuraient de façon privilégiée lors de l’exposition « L’écriture dans

la peinture, la couleur des mots 2 », montrée par le Centre d’étude de l’éxpression en 2008 à l’hôpital Sainte-Anne (13). Les figures qui sont retrouvées de façon récurrente dans les dessins de Schley sont des avions, des bateaux, des trains, des animaux, des visages humains, mais aussi des constructions architecturales. La vie et l’œuvre de cet artiste ont fait l’objet de la rédaction d’une thèse de médecine par Anastasia BoisseninNakova (3) dont les travaux de recherche nous ont été très précieux, même si les hypothèses et les conclusions qui sont les siennes nous

Charles Schley Sans titre Vers 1960 Mine de plomb et crayon de couleur sur papier 24,5 × 31,5 cm Inv. 0387

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