ARTISTES À
MONTMARTRE
DE STEINLEN À SATIE : 1870-1910
ARTISTS IN MONTMARTRE: FROM STEINLEN TO SATIE 1870–1910
RUSIÑOL POILPOT PELEZ LOYEUX MARTIN CAVALLO-PEDUZZI CARRIÈRE BELLERYDESFONTAINES STEINLEN BONNARD IBELS GRÜN TOULOUSE-LAUTREC WILLETTE DELÂTRE LEFÈVRE VALADON UTRILLO UTTER BERNARD VALLOTTON DE BELAY DUFY LAURENCIN JACOB VILLON KUPKA GALANIS PICASSO CHÉRET MODIGLIANI DE LA ROCHEFOUCAULD SATIE GRASS-MICK
EN COUVERTURE :
Théophile-Alexandre Steinlen La Clinique Chéron (avant la lettre), vers 1905 Lithographie, 206 × 151 cm Paris, musée de Montmartre, collection Le Vieux Montmartre
EN QUATRIÈME DE COUVERTURE :
Antoine de La Rochefoucauld (1862-1960) Portrait d’Erik Satie, 1894 Huile sur bois / Oil on wood, 80 × 68 cm Paris, Fonds Erik Satie – Archives de France / Archives IMEC
© Somogy éditions d’art, Paris, 2016 © Musée de Montmartre, 2016 Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Directeur éditorial : Nicolas Neumann Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer Conception graphique : Audrey Hette Contribution éditoriale pour le français : Gaëlle Vidal Fabrication : Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros ISBN : 978-2-757-2112-0
Book published under the direction of Somogy éditions d’art Publishing director: Nicolas Neumann Managing editor: Stéphanie Méséguer Graphic concept: Audrey Hette Editorial contribution: Katharine Turvey Translation from French into English: Jonathan & David Michaelson Production: Béatrice Bourgerie and Mélanie Le Gros
Dépôt légal : avril 2016 Imprimé en République tchèque (Union européenne)
Registration of copyright: April 2016 Printed in Czech Republic (European Union)
Remerciements Kléber Rossillon adresse ses remerciements chaleureux à toutes les personnes qui ont permis la réalisation de cette exposition et tout particulièrement à : Anne Hidalgo, maire de Paris Éric Lejoindre, maire du 18e arrondissement de Paris Bruno Julliard, premier adjoint au maire de Paris, chargé de la Culture Carine Rolland, première adjointe, maire du 18e arrondissement, chargée des Affaires générales, de la Culture et du Patrimoine Véronique Chatenay-Dolto, directrice, DRAC Île-de-France Sylvie Müller, chef du service des musées, DRAC Île-de-France, ministère de la Culture et de la Communication Laurence Isnard, conservateur du patrimoine, conseiller musées, DRAC Île-de-France Bernard Blistène, directeur, Musée national d’art moderne – Centre Pompidou, Paris Brigitte Léal, directrice adjointe, Musée national d’art moderne – Centre Pompidou, Paris Pepe Serra Villalba, directeur, Museu Nacional d’Art de Catalunya, Barcelone Joan Pluma i Vilanova, directeur général d’Arxius, Bibliotecas, Museus i Patrimoni, Generalitat de Catalunya Esther Vilar, directrice, Arxiu Joan Maragall, Barcelone Ornella Volta, présidente, Archives de la Fondation Erik Satie, Paris Hervé Lemoine, directeur, Archives de France, Paris Nathalie Léger, directrice générale, IMEC, Abbaye d’Ardenne Anne-Marie Bergeret, conservateur en chef des musées de Honfleur, musée Eugène-Boudin, Honfleur Jean-Michel Bouhours, chef de service des collections, Musée national d’art moderne – Centre Pompidou, Paris Cristina Portell, département de gestion des expositions, Museu Nacional d’Art de Catalunya, Barcelone Olga Makhroff, chargée des Prêts et Dépôts, Musée national d’art moderne – Centre Pompidou, Paris Nathalie Cissé, coordinatrice des prêts, Bibliothèque Kandinsky, MNAM-CCI, Paris Isabelle Rouge-Ducos, service interministériel des Archives de France, Paris Rosa Maria Montserrat, responsable de Protecció del Patrimoni Cultural Moble, Generalitat de Catalunya
Bernard Bois Jean-Michel Bück Gérard Jouhet Maryse et Max Maréchal Phillip Dennis Cate Isabelle Ducatez Patricia Nebenzahl Association Maurice Utrillo Hélène Bruneau Cédric Paillier Clotilde Cooper Béatrice Himbrechts Catherine Jourde L’Oiseau bleu Christophe Audebert Stéphane Pons Yves Julliand Adimes Concept LPART David Blasco Benjamin Brault Cécile Chaput Pierre Guilhem Coste Colombe Marcasiano Daniel Mato Lalou Aude Nathalie Bapst William Beville Claire Cooper Meriem Fendi Catherine Gintzburger Véronique Kaluila Maxime Ikezouhene Karelle Le Quéré Julien Le Roy Olivier Leroy Marion Lesieur Juliette Malandain Thierry Nakache Camille Paget Marie-Miléva Pavlovitch Alexia Peronnet Léa Poisvert Stanislas de Rousiers
Musée de Montmartre SOCIÉTÉ KLÉBER ROSSILLON Président : Kléber Rossillon
SOCIÉTÉ SAINT-JEAN ET SAINT-VINCENT Direction : Aude Viart Responsable de la conservation : Saskia Ooms Commissaire de l’exposition : María Gonzalez-Menendez Scénographe : Frédéric Beauclair SOCIÉTÉ D’HISTOIRE ET D’ARCHÉOLOGIE DES 9e ET 18e ARRONDISSEMENTS DE PARIS « LE VIEUX MONTMARTRE » Président : Jean-Manuel Gabert Vice-présidents : Alain Larcher Michèle Trante Trésorière : Odette Borzic-Hatchadourian Trésorier adjoint : Xavier Thoumieux Secrétaire : Catherine Rousseau Présidents d’honneur : Daniel Rolland Jean-Marc Tarrit Conseil d’administration : Thiery Aimar Laurent Bihl Chantal Bodère Odette Borzic-Hatchadourian Jean-Michel Bück Catherine Charrière Jean-Manuel Gabert Jean-Claude Gouvernon Alain Larcher Yves Mathieu Marie-France Moniot-Boutry Daniel Rolland Catherine Rousseau Éliane Sermondadaz Éric Sureau Jean-Marc Tarrit Xavier Thoumieux Michèle Trante
Sommaire Introduction
5
Maurice UTRILLO
26
Les précurseurs
6
André UTTER
28
Théophile-Alexandre STEINLEN
8
Émile BERNARD
30
Henri BELLERY-DESFONTAINES
10
Raoul DUFY
32
Henri-Gabriel IBELS
12
Max JACOB
34
Pierre BONNARD
14
Pablo RUIZ PICASSO
36
Jules-Alexandre GRÜN
16
František KUPKA
38
Henri DE TOULOUSE LAUTREC
18
Amedeo MODIGLIANI
40
Adolphe Léon WILLETTE
20
Démétrius GALANIS
42
Eugène DELÂTRE
22
Erik SATIE
44
Suzanne VALADON
24
Bibliographie
48
Auteurs María Gonzalez Menendez
Commissaire de l’exposition et directrice de l’ouvrage
Saskia Ooms
Responsable de la conservation du musée de Montmartre
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Introduction Dès 1870, Montmartre accueille une pléiade d’artistes venus d’horizons divers. Rarement dans l’Histoire une telle densité de talents si variés a cohabité dans un périmètre aussi restreint. Naturalistes, impressionnistes, postimpressionnistes, symbolistes, nabis, fauves, cubistes… tous choisissent la petite colline pour y développer leur art. Son charme champêtre et son paysage séduisent d’abord les artistes du XIXe siècle. À la recherche de sujets réalistes, les naturalistes trouvent leur inspiration dans ses ruelles. Plus tard, ce sera pour sa lumière, pour ses bas loyers et ses bals populaires que Montmartre devient la destination des impressionnistes, puis des postimpressionnistes. Vers 1880, des cafés et des cabarets artistiques prolifèrent sur la Butte développant un concept utopiste inédit qui encourage le dialogue entre les arts : peinture, sculpture, poésie, musique. C’est ainsi que vont se bâtir les fondations d’un nouveau temps artistique à la fin du XIXe siècle. Les symbolistes et les nabis trouvent à Montmartre leur préférence pour l’art populaire. Anticonformistes, ils élèvent les arts dits mineurs au rang d’art et défient l’académisme avec des sujets marginaux : ouvriers, clowns, prostitués, tous deviennent protagonistes de leurs œuvres. Cet esprit de liberté qui anime la Butte séduit également des poètes et des musiciens comme Erik Satie, figure clé de la bohème montmartroise. La cohabitation des arts fait de cette colline un lieu exceptionnel et attire les artistes de toutes nationalités et de toutes générations, comme les fauves et les cubistes. En 1907, Le Bateau Lavoir est témoin de la création des Demoiselles d’Avignon, toile qui annonce la naissance d’un nouveau siècle artistique. Le départ de Pablo Picasso de la Butte, vers 1910, marquera la fin d’un épisode unique dans l’histoire de l’art qui situe Montmartre comme le berceau des avant-gardes. MGM
From 1870 onwards, a host of artists from varied backgrounds settled in Montmartre. Seldom in the history of art had there been such a concentration and diversity of talent in such a small area. Every artistic movement—the Realists, Impressionists, post-Impressionists, Symbolists, Nabis, Fauves, and cubists—chose to develop their art on the small hill. Its rural charm and landscapes first appealed to nineteenth-century artists. In search of realistic subjects, the Realists drew their inspiration from the area’s narrow streets. Later, the quality of its light, low rent, and popular balls turned Montmartre into the favourite destination of the Impressionists, and subsequently the post-Impressionists. Circa 1880, there were many cafes and artistic cabarets on the Butte Montmartre, which developed a highly unusual utopian concept: promoting dialogue between the various arts (painting, sculpture, poetry, and music). This laid the foundations for a new artistic era. The Symbolists and Nabis developed a taste for popular art in Montmartre. Nonconformist, they raised the so-called minor arts to the level of art and challenged academism with marginal themes that included workers, clowns, and prostitutes, who became central figures in their works. The spirit of freedom that reigned on the Butte also attracted poets and musicians such as Erik Satie, a leading figure in Montmartre’s bohemian scene. The coexistence of the arts made this hill an exceptional place that attracted artists from many nations and every generation, such as the Fauves and the cubists. Les Demoiselles d’Avignon—a painting that foreshadowed the art of the twentieth century— was conceived and executed in the Bateau-Lavoir in 1907. Pablo Picasso’s departure from the Butte Montmartre, circa 1910, marked the end of a unique episode in the history of art, in which Montmartre was the cradle of the historical avant-garde movements. MGM
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Les précurseurs À partir de 1870, Montmartre devient un lieu de prédilection pour les peintres. Son charme champêtre, son ambiance populaire et sa lumière attirent, dans un premier temps, les artistes naturalistes, dont Gustave Coubert (1819-1877) est le chef de file. Fernand Emmanuel Pelez (1848-1913) délaisse l’académisme des sujets historiques et s’installe au 62 boulevard de Clichy pour représenter la misère des classes populaires : femmes, enfants, clowns et acrobates côtoyés à Montmartre. Ses « enfants mendiants » s’inscrivent dans une esthétique espagnole héritée de Bartolomé Esteban Murillo (1617-1682), comme en témoigne La Petite fille à la harpe (musée de Montmartre, collection Le Vieux Montmartre). Mais ce sont surtout les peintres impressionnistes qui investissent Montmartre dans les années 1870 attirés par ce lieu encore paisible. En 1876, Pierre-Auguste Renoir (1841-1919) loue un atelier au 12 rue Cortot et fréquente le café La Nouvelle Athènes (situé place Pigalle) où se donnent rendez-vous Édouard Manet (18321883), Claude Monet (1840-1926), Paul Cézanne (1839-1906), Alfred Sisley (18391899) ou Edgar Degas (1834-1917). Ce dernier installe son atelier au pied de la Butte où il trouve ses modèles : blanchisseuses, repasseuses, danseuses… Vincent van Gogh (1853-1890) y habite en 1876 et fréquente Paul Gauguin (1848-1903). Paul Signac (1868-1935) et Georges Seurat (1859-1891), théoriciens du pointillisme, choisissent ensuite Montmartre pour développer leur art. L’influence de Signac est visible sur le portrait qu’Henri Martin (1860-1943) fait de son ami, le peintre montmartrois Henri Bellery-Desfontaines (1867-1909) (musée de Montmartre, collection Le Vieux Montmartre). Émile-Gustave Cavallo-Peduzzi (1851-1917), peintre néo-impressionniste montmartrois, côtoie également sur la colline le pointilliste Maximilien Luce (1858-1941). Les symbolistes occupent ensuite la Butte, comme Gustave Moreau (1826-1898), Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898) ou Eugène Carrière (1849-1906). Ce dernier, considéré comme le peintre des pauvres, y développe son style évanescent, souvent en clair-obscur, qui donne une impression d’inachevé et fait de lui un artiste novateur. Tous ces artistes ouvrent la voie à une nouvelle génération qui s’installe par la suite à Montmartre, à la recherche d’un art anti-académique, d’un nouveau genre pictural proche de l’art populaire. Après la Commune (1871), sur la Butte se respire un air de liberté, d’anticonformisme, d’anarchisme et de révolution, qui encourage les artistes à y développer les premières avant-gardes historiques. MGM
PAGE DE DROITE :
Henri Martin (1860-1943) Portrait du peintre Henri Bellery-Desfontaines, 1885 Huile sur isorel / Oil on hardboard, 51 × 43,5 cm Paris, musée de Montmartre, collection Le Vieux Montmartre
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As of 1870, Montmartre became a mecca for painters. Its rural charm, relaxed atmosphere, and special light initially attracted the Realist artists, led by Gustave Courbet (1819–1877). Fernand Pelez (1848–1913) abandoned the academicism of historical themes and set up a studio at 62 Boulevard de Clichy in order to produce paintings representing the misery of the working classes: women, children, clowns, and acrobats encountered in Montmartre. His representations of ‘child beggars’ draw on Spanish aesthetics inherited from Bartolomé Esteban Murillo (1617–1682), as attested by La Petite fille à la harpe (‘Little girl with a harp’, the Vieux Montmartre Collection, Musée de Montmartre). But, above all, Montmartre became a centre for the Impressionist painters in the 1870s; they were attracted by the area’s peaceful village-like atmosphere. In 1876, Pierrre-Auguste Renoir (1841–1919) rented a studio at 12 Rue Cortot and was a regular customer at the Nouvelle Athènes café in the Place Pigalle, where he met other painters such as Edouard Manet (1832-1883), Claude Monet (1840-1926), Paul Cézanne (1839-1906), Alfred Sisley (18391899), Edgar Degas (1834-1917). The latter set up his studio at the foot of the Butte Montmartre, where he found his models: laundresses, ironers, dancers, and so on. Vincent van Gogh (1853–1890) lived there in 1875 and regularly visited Paul Gauguin (1848– 1903). Paul Signac (1868–1935) and Georges Seurat (1859–1891), the theorists behind Pointillism, also chose to settle in Montmartre to develop their art. Signac’s influence can be seen in the portrait that Henri Martin (1860–1943) painted of his friend, the Montmartre painter Henri Bellery-Desfontaines (1867–1909) (The Vieux Montmartre Collection, Musée de Montmartre). Émile-Gustave CavalloPeduzzi (1851–1917), a Montmartre neo-Impressionist painter, also worked alongside the Pointillist painter Maximilien Luce (1858–1941) on the hill. The Symbolists—Gustave Moreau (1826-1898), Pierre Puvis de Chavannes (1826-1898), and Eugène Carrière (1849–1906)—also settled on the Butte Montmartre. The latter, considered a painter of the poor, developed his evanescent style in Montmartre, often in chiaroscuro, which gave his work an incomplete effect and made him an innovative artist. All these artists paved the way for a new generation, which subsequently settled in Montmartre, in a quest for an anti-academic art—a new pictorial genre similar to that of popular art. After the Commune de Paris revolt in 1871, there was an air of freedom, anticonformism, anarchism, and revolution on the Butte Montmartre, which drove the artists to develop the first historical avant-garde art forms. MGM
Théophile-Alexandre STEINLEN
(Lausanne, Suisse, 1859 – Paris, 1923)
Suisse d’origine, Steinlen commence son apprentissage chez l’un des meilleurs lithographes de Lausanne puis chez un imprimeur de tissus de Mulhouse. Il s’installe à Montmartre en 1881, rue Dancourt. Son ami Adolphe Léon Willette lui fait découvrir le cabaret artistique du Chat-Noir et il devient un fervent habitué. Il y fait la connaissance de Toulouse-Lautrec, Forain, Léandre, Debussy, Satie, Verlaine, Allais, Vallotton et Bruant. Remarqué par Rodolphe Salis (1851-1897) pour ses talents de dessinateur, il y réalise de nombreux décors ainsi que la célèbre affiche du cabaret en 1896, laquelle représente un chat noir stylisé couronné d’une auréole byzantine (musée de Montmartre, collection Le Vieux Montmartre). Steinlen participe également aux représentations du théâtre d’ombres avec des histoires d’animaux, le plus souvent des chats. Cet animal, symbole d’indépendance, illustre la « liberté révolutionnaire » de l’époque et est encore aujourd’hui l’emblème de certains partis anarchistes. Le chat est une figure récurrente dans l’œuvre de Steinlen : il est le protagoniste de ses bandes dessinées publiées au journal Le Chat Noir et accompagne souvent ses affiches publicitaires, comme celle qu’il compose pour la clinique vétérinaire Chéron (musée de Montmartre, collection Le Vieux Montmartre). En 1895, l’artiste va jusqu’à s’installer au 73 rue Caulaincourt, dans une maison appelée « Cat’s cottage » en raison des nombreux chats recueillis. Proche des milieux militants, comme la plupart de ses amis artistes, il collabore dans des revues socialistes et travaille pour L’Assiette au beurre, journal satirique le plus virulent de son époque. Théophile-Alexandre Steinlen publie près de quatre mille trois cents lithographies tout au long de sa vie. Dénonciateur des injustices sociales, son œuvre dépeint les mœurs populaires dans une palette assombrie. Il représente les exploités et les marginaux ainsi que les bals populaires, les enfants et les filles de joie qui peuplent Montmartre. Ces scènes de la vie populaire, souvent publiées dans la gazette Gil Blas illustré, témoignent de la physionomie de la vie quotidienne à Montmartre entre 1880 et 1920. MGM
Aujourd’hui !, 1894 [Le Chambard socialiste du 24 mars 1894] Chromolithographie sur papier / Chromo-lithograph on paper, 52 × 45 cm Paris, musée de Montmartre, collection Le Vieux Montmartre
PAGE DE DROITE :
La Tournée du Chat Noir, 1896 Lithographie / Lithograph, 79,5 × 58,5 cm Paris, musée de Montmartre, collection Le Vieux Montmartre
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A Swiss artist, Steinlen began his apprenticeship at one of the best lithographers in Lausanne and continued his training at a textile company in Mulhouse. He settled in Montmartre in 1881, in Rue Dancourt. His friend Adolphe Léon Willette introduced him to the Chat Noir and he became a regular visitor to the artistic cabaret, where he met Toulouse-Lautrec, Forain, Léandre, Debussy, Satie, Verlaine, Allais, Vallotton, and Bruant. Recognised by Rodolphe Salis (1851-1897) for his skilled draughtsmanship, he executed many mural paintings for the cabaret and its famous poster in 1896, which represents a stylised black cat with a Byzantine halo (the Vieux Montmartre Collection, Musée de Montmartre). Steinlen also produced representations for animal fables—often about cats—for the cabaret’s Shadow Theatre. This animal, which symbolises independence, reflects the ‘revolutionary freedom’ of the period and is still used today as an emblem by certain anarchist parties. Cats are a recurrent theme in Steinlen’s work: they were the leading characters in his comic strips, which were published in the Chat Noir satirical journal, and often featured in his advertising posters, such as the one he produced for the Chéron veterinary clinic (The Vieux Montmartre Collection, Musée de Montmartre). In 1895, the artist even went as far as to move into 73 Rue Caulaincourt, in a house known as ‘Cat’s Cottage’, owing to his large family of cats. Involved in militant circles, like most of his artist friends, he collaborated on socialist journals and worked for L’Assiette au beurre, the most satirical journal at that time. Théophile-Alexandre Steinlen published around four thousand three hundred lithographs during his life. Fiercely critical of social injustice, his work depicts popular culture with a dark palette. His work represents the exploited and marginalised people, children, and prostitutes who lived in Montmartre and the popular dances that were held there. These scenes of everyday life, which were often published in the journal Gil Blas illustré, vividly attest to the nature of daily life in Montmartre between 1880 and 1920.
MGM
Henri de TOULOUSE-LAUTREC
(Albi, 1864 – Saint-André-du-Bois, 1901)
Descendant d’une famille aristocrate, Henri de Toulouse-Lautrec débute son apprentissage dans les ateliers montmartrois de Léon Bonnat (1833-1922) et de Fernand Cormon (1845-1924). Il s’installe à Montmartre en 1884 et ne quittera jamais le quartier. C’est dans Le Courrier français qu’il publie ses premières illustrations. Proche d’Henri-Gabriel Ibels, d’Émile Bernard et de Vincent van Gogh, il collabore avec Théophile-Alexandre Steinlen dans la revue Le Mirliton d’Aristide Bruant. C’est dans le cabaret de ce dernier que Toulouse-Lautrec expose en 1886 ses premières œuvres, signées avec le pseudonyme « Treclau ». En 1885, Aristide Bruant (1851-1925), le plus célèbre chansonnier montmartrois, installe son cabaret Le Mirliton, dans les anciens locaux du Chat-Noir où il avait fait ses débuts. Provocateur et irrévérencieux, Bruant invente la chanson réaliste, chante les faubourgs, la pauvreté et insulte même ses clients bourgeois. Toulouse-Lautrec lui rend hommage et fait son portrait à plusieurs reprises, souvent avec sa tenue typique : cape noire, écharpe rouge et chapeau à larges bords. L’affiche qu’il fait de Bruant en 1893, capte immédiatement le regard grâce à l’économie de moyens, la stylisation des traits et les aplats de couleur, caractéristiques de ses créations novatrices. En 1892, l’artiste adopte le monogramme de style japonisant « HTL » encerclé, qu’il estampille sur ses multiples gravures et affiches, comme dans celle qu’il crée en 1893 pour le cabaret Divan Japonais (musée de Montmartre, collection Le Vieux Montmartre). Dans cette lithographie est souligné le profil élégant de la danseuse Jane Avril qui, accompagnée du critique Édouard Dujardin, observe le spectacle de chant d’Yvette Guilbert. Habitué du cabaret Le Chat Noir, de l’Élysée-Montmartre et du Moulin Rouge où il avait une place d’honneur réservé tous les soirs, Toulouse-Lautrec s’intéresse aux thèmes populaires et marginaux de Montmartre. Physionomiste avisé, il trouve ses sujets dans la vie nocturne, notamment dans les cabarets, bals, bordels et cirques. Malgré sa courte vie, ses affiches marqueront à jamais l’image de la Butte ; sa personnalité irrévérencieuse et ses audacieuses créations influeront considérablement les peintres de sa génération. MGM
Aristide Bruant dans son cabaret (avant la lettre), 1893 Lithographie au crachis et au pinceau / Brush and spatter lithograph, 150 × 113,5 cm Paris, musée de Montmartre, collection Le Vieux Montmartre
PAGE DE DROITE :
Divan Japonais, 1893 Lithographie au crachis et au pinceau / Brush and spatter lithograph, 95 × 77 cm Paris, musée de Montmartre, collection Le Vieux Montmartre
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Descended from an aristocratic family, Henri de Toulouse-Lautrec began his apprenticeship in 1882 in the Montmartre studios of Léon Bonnat (1833–1922) and Fernand Cormon (1845–1924). He settled in Montmartre in 1884 and remained there for the rest of his life. He published his first illustrations in Le Courrier français. A close friend of Henri-Gabriel Ibels, Émile Bernard, and Vincent van Gogh, he collaborated with Théophile-Alexandre Steinlen on the journal Le Mirliton, published by Aristide Bruant. Toulouse-Lautrec exhibited his first works—signed with pseudonym ‘Treclau’—in the latter’s cabaret in 1886. In 1885, Aristide Bruant (1851–1925), the most famous singer in Montmartre, founded his cabaret, Le Mirliton, in the former premises of the Chat Noir, where he had begun his career. Provocative and irreverent, Bruant created the chanson réaliste genre and sang about the suburbs and poverty, and even insulted his bourgeois customers. Toulouse-Lautrec paid tribute to him and painted several portraits of him, often dressed in his characteristic attire: a black cloak, a red scarf, and a wide-brimmed hat. The poster of Bruant he produced in 1893 immediately catches the eye due to its simple style, the stylisation of the features and the broad monotone areas of colour, which were characteristic of his innovative works. In 1892, the artist adopted the monogram ‘HTL’ in a circle, designed to resemble a Japanese character, which he stamped on his many engravings and posters, such as on the poster he created in 1893 for the Divan Japonais (The Vieux Montmartre Collection, Musée de Montmartre) cabaret. This lithograph highlights the elegant profile of the dancer Jane Avril, who— accompanied by the critic Édouard Dujardin—is watching Yvette Guilbert singing. A regular visitor to the Chat Noir cabaret, the Élysée-Montmartre, and the Moulin Rouge, where a table was reserved for him every night, ToulouseLautrec was interested in popular themes and the marginalised people in Montmartre. Possessing a good eye, he found the themes for his work in the Montmartre nightlife, particularly in the cabarets, dance halls, brothels, and circuses. Despite his short life, his posters will forever be a part of the image of the Butte Montmartre; his irreverent personality and his audacious works had a considerable influence on the painters of his generation. MGM