Ce catalogue, publié à l’occasion du 400e anniversaire de l’ordre de la Visitation, accompagne l’exposition intitulée « Au cœur de la Visitation - Trésors de la vie monastique en Europe », organisée par le musée de la Visitation et présentée du 7 mai au 24 décembre 2010 à Moulins en l’hôtel Demoret, site des expositions thématiques du musée. Commissariat de l’exposition : Gérard Picaud et Jean Foisselon.
Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Conception graphique : Christophe Rémy Fabrication : Michel Brousset, Béatrice Bourgerie et Mathias Prudent Contribution éditoriale : Colette Malandain et Nicole Mison Coordination éditoriale : Laura Clavier et Tiffanie De Gregorio © Somogy éditions d’art, Paris, 2010 © Musée de la Visitation, Moulins, 2010 ISBN : 978-2-7572-0361-3 Dépôt légal : mai 2010 Imprimé en Italie (Union européenne)
Gérard Picaud Jean Foisselon
Au cœur de la
Visitation Trésors de la vie monastique en Europe
400e anniversaire de l’ordre
Avis au lecteur Cet ouvrage fait découvrir la Visitation et ses quatre siècles d’existence, mais sur plusieurs sujets traités le texte ne prend pas en compte toutes les modifications survenues au long du XXe siècle, et particulièrement ces cinquante dernières années. Les objets énumérés, cités et photographiés font tous partie des collections du musée, à l’exception de ceux ne possédant pas de numéro d’inventaire, dont les lieux de conservation sont précisés, et des œuvres disparues citées dans les Relations et Circulaires. Les chasubles et les pluviaux présentés possèdent leurs accessoires, même s’ils ne sont pas toujours décrits. Il n’a pas été tenu compte des colletins des chasubles en dentelles ou en broderie blanche. Sauf références particulières, les citations faites dans le texte sont extraites de Lettres circulaires des monastères dont nous donnons le nom et la date. Quant aux extraits de la Vie des sœurs, ils se retrouvent dans les Circulaires qui suivent immédiatement la date de leur décès. Les dimensions des œuvres sont données en centimètres. Les numéros entre crochets [00] dans les légendes des illustrations et dans les textes préliminaires renvoient aux numéros des notices du catalogue. Les notices numérotées de 2 à 6, de 10 à 31 et 79 sont de Danièle Véron-Denise, celles de 59 à 62 de Bruno Hytier, et l’étude d’un grand nombre d’étoffes est l’œuvre de Xavier Petitcol.
kk Ange, détail de l’ostensoir [55]
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Aux visitandines de Moulins, qui furent la source de notre passion pour la Visitation et qui nous assistent chaque jour sans rel창che.
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Remerciements Nous tenons à adresser notre profonde gratitude à toutes celles et à tous ceux qui ont apporté leur soutien et leur concours à la préparation de cette exposition et à la publication de son catalogue, et tout particulièrement à Pierre-André Périssol et aux élus de la ville de Moulins, à Jean-Paul Dufrègne et aux élus du conseil général de l’Allier, auxquels nous associons leurs collaborateurs efficaces qui, au-delà de leurs seules missions, ont participé à ces réalisations. Nous sommes également reconnaissants à René Souchon et aux élus du conseil régional d’Auvergne pour leur soutien financier. Nous remercions les communautés de la Visitation participantes pour leur confiance et leur amitié ; merci également aux visitandines si souvent sollicitées pour des recherches ou des témoignages. À ces remerciements, nous associons le révérend père Valentin Viguera, assistant général de l’ordre de la Visitation, les présidentes fédérales de France, d’Espagne, d’Italie, d’Allemagne, d’Angleterre et d’Irlande, de Pologne, du Portugal, des États-Unis et de Colombie, ainsi que le président de la Commission pontificale pour les biens culturels de l’Église, pour leur soutien et leurs encouragements. Nous exprimons également notre reconnaissance à Danièle Véron-Denise, Bruno Hytier, Thierry de Lachaise et Xavier Petitcol, et notre gratitude à Bernard Berthod, Pierre-Antoine et Anne Darbon, et l’abbé David Ribiollet. Nous ne saurions oublier Son Éminence le cardinal Philippe Barbarin, qui a bien voulu témoigner son amical attachement en acceptant de préfacer cet ouvrage. Les commissaires de l’exposition remercient toutes celles et tous ceux qui, à divers titres, nous ont apporté leur concours : Académie salésienne, José et Véronique Bartolomeu, abbé Philippe Bastié, frère Théodore Berzal, Bernard et Magali Bonnefoy de La Ronceraie, Arnaud de Chassey, René Civade, Jean Cluzel, Josette Curtil, Hervé et Anne Dufour, Jean-Claude et Christiane Delalez, Vincent Delieuvin, Anne-Sophie Foisselon, Claude et Marie-Claude Foisselon, abbé Pierre Friess, Sylvia Haberhauer, Guillaume Kientz, abbé Joël Lambert, David Le Glanaër, David Marguin, Josiane Pagnon, Benoit-Henri Papounaud, Marie-Thérèse Picaud, abbé Laurent Pistre, Maria-Anne Privat-Savigny, Chantal Regnault, abbé Jean-Marie Robinne, Société d’émulation du Bourbonnais, Étienne Vacquet, Sylvie Vilatte, Michèle Zahi. Notre gratitude va à la DRAC Auvergne pour sa participation à la restauration des œuvres classées Monuments historiques, à la Caisse du Crédit agricole de Moulins et à son président, Christian Place, à la Fondation du Crédit agricole pour son mécénat, et à Frédéric Robinne pour la scénographie. Nous ne saurions oublier les collaborateurs du musée, Patrick Nicolas, François-Xavier Papay, Sophie Vermesche, et les personnes dévouées permettant la découverte de l’exposition, Jeannine Blanchet, Marie-Bernadette Couderc, Huguette Geay, Jacqueline Langeron.
vv Fond d’exposition eucharistique [3]
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Avant-propos C’est à la fois l’honneur qui nous est fait et la responsabilité qui nous revient que je veux exprimer au travers de cet avant-propos du catalogue de l’exposition « Au cœur de la Visitation - Trésors de la vie monastique en Europe » qui va marquer cette année 2010. C’est un honneur que notre département constitue le point de rencontre des événements qui vont marquer les quatre cents ans de l’ordre de la Visitation : en effet, au-delà des rendez-vous dont la portée religieuse et spirituelle reste fondamentale et nous impose le respect, c’est vers Moulins et le Bourbonnais que vont se tourner les yeux de la communauté des visitandines et de tous ceux qui s’intéressent à son histoire grâce à cette nouvelle exposition préparée avec le soin attentif et la passion bien connue de Gérard Picaud et de Jean Foisselon. Une histoire de quatre cents ans, des centaines de lieux dans le monde, des milliers de femmes toutes entières dévouées à leur foi par la voie spirituelle mais aussi par leur créativité. Quel privilège de pouvoir côtoyer avec une telle proximité les traces de cette aventure humaine ! Et comment ne pas évoquer l’humilité ressentie par les visiteurs en découvrant les œuvres, témoignages de l’activité laborieuse et créatrice des sœurs? Au-delà de la valeur esthétique, il faut concevoir l’immense travail de ces femmes, la patience infinie déployée sur leur ouvrage, imaginer leur existence coupée du monde, aux antipodes de l’exubérance et du foisonnement de couleurs des motifs réalisés. L’extraordinaire qualité de ces travaux ne laisse pas percer le cadre de leur vie, les règles qui rythmaient leurs jours et leurs années. La réussite de l’exposition est de prendre le parti d’aller audelà des ouvrages par lesquels les sœurs ont manifesté leur foi hors des murs en sublimant par des parures les lieux et les personnes qui portaient le message de cette croyance. Nous imaginons combien cette porte entrouverte signifie de réflexions pour les représentantes des communautés des sœurs de la Visitation. Mais nous mesurons aussi la confiance qu’elles manifestent envers les responsables de l’association « Regard sur la Visitation » pour révéler une part de leur existence quotidienne si intime et si secrète. La dimension internationale des manifestations et l’ampleur des participations des monastères européens à l’exposition nous imposent d’être à la hauteur de ce qu’évoquent les œuvres que nous accueillons. Une exposition reste un événement éphémère. Le remarquable catalogue qui accompagne celle-ci en sera le témoignage fidèle qui prolongera le souvenir et le plaisir de la visite, et je salue tous ceux qui ont travaillé à son élaboration. Mais avant tout, je veux rendre hommage aux sœurs de la Visitation, qui ont permis que cet événement voie le jour, et à celles qui, au long des siècles, ont imaginé et créé ce que nous avons le privilège d’admirer aujourd’hui. Jean-Paul Dufrègne président du conseil général de l’Allier
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Avant-propos 2010 est une année importante pour le musée de la Visitation et par là même pour notre ville. En juin, nous célébrerons en effet le 400e anniversaire de la fondation des visitandines. En 1610, trois femmes, décidées à consacrer leur vie à Dieu, ont fait ce geste qui a donné naissance à 355 communautés de la Visitation Sainte-Marie. Le colloque international organisé à Moulins les 22 et 23 octobre sur le thème « Art et histoire à la Visitation » rappellera l’importance qu’a prise cet ordre depuis quatre siècles. Le musée de la Visitation de Moulins, unique au monde, nous fait découvrir la vie de ces femmes qui, de 1610 à nos jours, ont vécu cloîtrées. À la gloire de Dieu, elles ont réalisé des œuvres d’une grande qualité et d’une extrême finesse. Détentrices d’un réel savoir-faire, elles ont travaillé autant les fils de soie que le papier et l’enluminure. Les collections exposées à Moulins présentent à la fois la vie quotidienne des visitandines, leur environnement, les œuvres qu’elles ont réalisées au fil des siècles et celles que les grands personnages leur ont offertes. C’est un grand plaisir pour moi d’annoncer ici la nouvelle exposition « Au cœur de la Visitation - Trésors de la vie monastique en Europe », consacrée à l’expansion géographique de l’ordre et aux merveilles que les communautés ont pu conserver. Car nombre d’œuvres quitteront pour la première fois les monastères des quatre coins du vieux continent, de Vienne à Braga, de Varsovie à Rome, de Madrid à Munich, et seront dévoilées à Moulins. Cette exposition a également pour ambition d’accroître encore la renommée de ce musée en Europe et dans le monde. On ne peut à Moulins que se réjouir de l’événement exceptionnel représenté, en juin, par la visite de plusieurs dizaines de Mères supérieures venues du monde entier découvrir la présence des visitandines depuis 1616 et leur musée. En 2007, avec « Splendeurs dévoilées » et l’ouverture de l’hôtel Demoret, nous avons accueilli plus de quarante mille visiteurs. Ce succès a été la preuve de l’intérêt et de la richesse des collections du musée. Je veux ici remercier ceux sans qui ce succès n’aurait pas été possible : Gérard Picaud et Jean Foisselon, commissaires de l’exposition et auteurs de cet ouvrage, travaillent sans relâche tout au long de l’année pour permettre au public de découvrir ces merveilles. Je salue la qualité de leur travail. Leur patiente érudition fait sortir le savoir et la beauté des archives et des bibliothèques. C’est en connaissant ainsi le passé que l’on peut comprendre le présent et construire l’avenir. À vous lecteur, qui partez sur les traces de la vie des visitandines, je souhaite un bon voyage et vous dis à très bientôt à Moulins. Notre ville et notre région regorgent de trésors qui ne demandent qu’à être découverts ! Pierre-André Périssol maire de Moulins
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Préface
kk Agneau aux sept sceaux, détail du conopée [11]
C’est pour moi une grande joie de préfacer aujourd’hui ce nouvel ouvrage du musée de la Visitation, preuve de l’heureux développement de cette belle maison « pour la plus grande gloire de Dieu ». Car il s’agit bien d’un engagement ecclésial, au-delà de la seule dimension artistique. Cette joie est d’autant plus grande qu’il m’a été donné de suivre de près l’évolution de ce musée, en particulier lorsque j’avais la charge du diocèse de Moulins. Je peux mesurer ainsi l’importance de l’œuvre accomplie. Elle ne me surprend pas cependant ; ayant eu maintes fois la chance de rencontrer ses promoteurs, MM. Picaud et Foisselon, je sais que cette œuvre est portée par des personnes dont la compétence n’a d’égal que leur dévouement inlassable. Je profite de ces lignes pour les en remercier et les encourager à aller toujours de l’avant, afin de faire connaître et admirer ces merveilles de notre patrimoine. Qu’il me soit permis également d’exprimer ma reconnaissance à celles et à ceux qui, par leur participation souvent humble et discrète, ont contribué à cet essor. Je pense en premier lieu aux monastères de la Visitation, sans lesquels rien ne serait possible. Ils témoignent du fait que la clôture monastique n’est pas une coupure avec le monde, mais qu’elle offre au contraire de nombreuses occasions de faire participer tout un chacun à leur vie propre. Permettre au grand public de découvrir leurs « trésors de famille », inviter à franchir les portes du monastère pour en parcourir les salles et les couloirs comme nous le propose ce livre magnifique, en est le plus bel exemple. Merci également à la Ville de Moulins et au conseil général de l’Allier pour leur aide de tous les instants. En cette célébration du 400e anniversaire de la fondation de l’ordre, je suis heureux de rappeler mon attachement particulier à la Visitation Sainte-Marie. Évêque de Moulins, j’ai pu ressentir la joie de la présence d’un monastère vivant et dynamique dans cette ville. Aujourd’hui archevêque de Lyon, je n’en reste pas moins proche de la Visitation, d’abord parce que la ville de Lyon a accueilli dans ses murs pendant très longtemps plusieurs monastères, et aussi parce que l’histoire de l’ordre est liée à cette ville : son fondateur, saint François de Sales, y est décédé en 1622. Je n’oublie pas non plus qu’un de mes prédécesseurs sur le siège de Lyon, le cardinal Denis de Marquemont, a contribué à façonner la Visitation telle que nous la connaissons aujourd’hui, en l’encourageant à être le fer de lance du concile de Trente. À sa suite, je ne peux moi-même qu’inviter l’ordre à être toujours plus fidèle à sa vocation, à être une lumière pour tous ceux qui sont en quête de repères solides. Il me semble que, dans un monde où tout va toujours plus vite, où le « zapping » devient la mesure de la société, où l’engagement durable apparaît comme un obstacle infranchissable, nous plonger dans la chaleur intemporelle de ce cadre monacal est plus que jamais nécessaire. Les monastères de la Visitation sont une réponse des plus adaptées à notre temps : ils sont présents en notre monde sans être atteints par l’esprit du monde. Ils constituent une réponse tout en souplesse, derrière leur fondateur, «l’apôtre de la douceur», qui appelle chacun au repos de l’âme.
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Les pages qui suivent montrent que cette paix n’est possible que dans le cadre d’une société bien organisée, évitant la dispersion et l’activisme : c’est le sens même des charges et des offices au sein du monastère, et le fondement de cette notion de « communauté » indissociable de la vie monastique. Vivre en communauté, c’est savoir s’organiser de telle façon que toutes les moniales puissent donner le meilleur d’elles-mêmes et permettre à chacune de tirer le plus grand profit humain et spirituel des dons des autres et de ses propres dons. Cette attitude est bien différente du « communautarisme » qui fait tant débat actuellement ; elle prouve, s’il en était besoin, que la tradition monacale est apte, aujourd’hui plus encore qu’hier, à tracer un chemin dans notre société. Ce que je tente d’énoncer là, le lecteur le découvrira au fil de cet ouvrage. Qu’il se prépare au voyage ! Comme le pèlerin prend son bâton, qu’il se laisse éblouir par les merveilles qui vont lui être dévoilées. Qu’il franchisse, sans a priori ni arrière-pensées, les murs de clôture pour arpenter les couloirs, apercevoir les cellules, pénétrer dans les ateliers, et participer ainsi à la vie des moniales. La joie de la Visitation, celle que chante Marie dans le Magnificat – « Mon esprit exulte de joie en Dieu mon Sauveur », touchera certainement son cœur et celui de tous les visiteurs de cette exposition.
Philippe Barbarin, cardinal, 24 janvier 2010, fête de saint François de Sales
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Introduction
1. Jeanne de Chantal, Marie-Jacqueline Favre et Jeanne-Charlotte de Bréchard, attendues dans la maison par Anne-Jacqueline Coste, première sœur tourière.
Vive + Jésus Voici quatre cents ans, le 6 juin 1610, trois femmes 1, guidées par l’évêque du lieu, accompagnées d’un petit cortège de Savoyards, entrèrent dans une maison du faubourg Perrière d’Annecy pour consacrer leur vie à Dieu. Mgr de Sales les bénit, leur remit un projet de constitution, et la porte de la maison de la Galerie se ferma. Cet événement, qui aurait pu n’être qu’une simple anecdote du duché de Savoie au XVIIe siècle, devait en fait avoir un retentissement considérable. L’engagement de madame de Chantal et de ses deux compagnes engendra d’autres vocations à Annecy d’abord, puis dans d’autres villes et dans d’autres pays, toujours dans le même esprit et selon les mêmes règles. Depuis, 355 communautés de la Visitation Sainte-Marie ont été fondées. À chaque essaimage (fondation), de nouvelles cités les accueillirent, de nouveaux bienfaiteurs les financèrent, de nouveaux prêtres les accompagnèrent. À chaque fois ce fut une nouvelle entreprise, une aventure humaine souvent périlleuse vécue par des religieuses courageuses, vite rejointes par des femmes aspirant à une vie de prière, prêtes à s’abandonner à la volonté divine, désirant partager avec d’autres une vie communautaire isolée des tumultes du monde. En quatre siècles, elles sont près de 80 000 visitandines à avoir fait ce choix, et beaucoup ont franchi les frontières et les océans. Pour autant, la Visitation reste largement méconnue. D’aucuns sont intrigués par les hauts murs qui entourent les monastères de cet ordre, mais rares sont ceux qui ont pu entrer à l’intérieur. Franchir la porte de clôture, c’est pénétrer dans un monde à part, succession de galeries, de cloîtres, de cellules, de salles communautaires, d’espaces à usages domestiques. Un monde insolite pour certains, qui vit avec ses règles et un emploi du temps clairement définis. Il y a bientôt vingt ans, quelques visitandines, dont Mère Françoise-Bernadette Lara, dernière supérieure d’Orléans, eurent l’intuition d’une nécessité : faire connaître au plus grand nombre la richesse artistique, historique, spirituelle et ethnographique de l’ordre. De là naquit le musée de la Visitation, qui rassemble aujourd’hui près de huit mille objets et répond, par ses expositions et ses publications, à la mission que lui ont confiée les sœurs. Il s’est donc naturellement engagé dans la commémoration du 400e anniversaire de la fondation de l’ordre. Les ouvrages relatant la vie des fondateurs et des premières Mères, ainsi que l’histoire de quelques monastères, ne suffisent pas toujours à faire saisir l’esprit et la vie de l’ordre. De nombreuses études récentes ont étés consacrées à l’histoire religieuse et spirituelle en France, mais finalement bien peu aux religieuses cloîtrées. En 1994, Marie-Ange Duvignacq-Glessgen, en écrivant l’histoire des monastères de la Visitation à Paris, regrettait : « à confiner les religieuses entre les murs de leurs monastères, les historiens ont parfois trop oublié leur importante contribution au renouveau catholique 2 ». Aussi, il nous a paru important de faire découvrir au plus grand nombre la vie simple mais vraie de ces communautés féminines cloîtrées, de 1610 à nos jours.
2. Marie-Ange Duvignacq-Glessgen, L’Ordre de la Visitation à Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Éditions du Cerf, 1994. 3. Il n’est pas fait allusion à toutes les modifications apportées tout au long du XXe siècle.
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Nous nous proposons donc de présenter l’intérieur d’un monastère, qui serait une sorte de synthèse de tous les monastères de la Visitation. Comme la plupart des couvents de l’ordre, ce monastère imaginaire est bâti sur le plan type publié dès 1628 dans le Coutumier de la Visitation. La diversité des collections du musée nous a permis de meubler les lieux 3. Les connaissances que nous avons pu rassembler au fil des années sur l’histoire de chaque objet nous ont également permis de replacer chacun d’eux dans son contexte. Des photographies in situ compléteront ce tableau, aidant ainsi à découvrir la vie des sœurs. Cette reconstitution s’appuie sur les écrits des fondateurs, le Coutumier, les récits de fondations, les Lettres circulaires et les Annales, mais elle serait restée incomplète sans les entretiens que nous ont accordés les visitandines. Nous espérons, par cette exposition et cet ouvrage, contribuer à une meilleure compréhension de la vie et du rayonnement des monastères de la Visitation Sainte-Marie, dont les origines s’enracinent dans le passé de notre mémoire collective. Et nous vous invitons, exceptionnellement, à pénétrer dans un monastère visitandin, à la découverte de la vie de ses hôtes. Dieu soit béni.
Gérard Picaud et Jean Foisselon, commissaires de l’exposition
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x Vive + Jésus, fermail, détail du pluvial [16]
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Sommaire
Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12 Au cœur de la Visitation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 En dehors de la clôture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42 Au-delà de la clôture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .66 Lieux de prière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .76 Le service du culte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .88 Au service de la communauté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .110 Lieux de rassemblement communautaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .136 Formation, enseignement et lecture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .160 Aux étages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .172 Les extérieurs (dans la clôture) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .184 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .193 Catalogue des œuvres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194 – La chambre des ornements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195 – La sacristie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221 – Lieux de prière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247 – Au service de la communauté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265 Glossaire visitandin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 278 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .284
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vv Voile dit « de mariage » utilisé pour les prises d'habit des religieuses, détail, Belgique, Premier monastère de Paris, vers 1870 Application (motifs en dentelle aux fuseaux à la main appliqués sur un voile de tulle mécanique) Moulins, musée de la Visitation
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Au cœur de la Visitation
vv L’assemblée des saints, dont Jeanne de Chantal et Marguerite-Marie Alacoque, détail du pluvial [29]
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Des fondateurs visionnaires
catholique cette région gagnée au calvinisme, et, en quelques semaines, il suscita des milliers de conversions. Nommé coadjuteur de l’évêque de Genève dès 1599, il fut envoyé auprès des plus grands personnages, parmi lesquels figure, en 1602, le roi de France Henri IV qui lui proposa d’être coadjuteur de Paris ; François refusa. Il devint finalement évêque de Genève en résidence à Annecy en 1602 1. En mars 1604, le prélat se rendit à Dijon pour prêcher durant le Carême. C’est à cette occasion qu’il rencontra pour la première fois la baronne de Chantal. Celle-ci, née Jeanne Frémyot en 1572, à Dijon, était la fille d’un conseiller de la chambre des comptes. Comme toutes les jeunes filles de bonne famille, elle avait reçu une éducation poussée et surtout une bonne instruction religieuse. En 1592, Jeanne avait épousé le baron Christophe de Rabutin-Chantal, au côté duquel elle passa dix années très agréables marquées par la naissance de six enfants. Mais ce bonheur
De la rencontre de François de Sales et de Jeanne de Chantal, en 1604, est née l’une des amitiés spirituelles les plus marquantes de l’histoire de l’Église et, surtout, six ans plus tard, à Annecy, l’établissement d’un ordre contemplatif majeur, qui compte actuellement des monastères répartis sur quatre continents. François de Sales, futur prince-évêque de Genève, naquit en 1567, au château de Sales, en Savoie. Il fut envoyé dès l’âge de onze ans à Paris pour y étudier, avant de poursuivre des études de droit à Padoue. Devenu membre du barreau de Chambéry, puis, à l’âge de vingt-quatre ans, sénateur, il était promis à un bel avenir. Mais il se destinait à l’état ecclésiastique, qu’il embrassa dès 1593 après avoir finalement vaincu les résistances de son père. À la demande de son évêque, le jeune prêtre partit en Chablais pour ramener à la foi 17
1. Sa ville épiscopale était occupée par les protestants.
Au cœur de la Visitation
j Jeanne de Chantal, détail d’une reliure [57]
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de la Visitation Sainte-Marie en mars 1610. C’est finalement le 6 juin de la même année, en la solennité de la Sainte Trinité, que François de Sales installe dans une petite maison d’Annecy, appelée « la Galerie », Jeanne de Chantal et ses compagnes : Jacqueline Favre, Charlotte de Bréchard et Anne-Jacqueline Coste, la première tourière. « La Galerie » fut ainsi le premier monastère de l’ordre. Le 23 avril 1618, c’est-à-dire moins de huit ans après l’entrée des premières religieuses à la Galerie, le pape Paul V accorda à François de Sales l’érection de la Visitation SainteMarie « en titre de religion, avec toutes les prérogatives des autres Ordres religieux, et ce sous la Règle du glorieux saint Augustin». La Visitation Sainte-Marie deviendra une école de sainteté, à l’exemple de ses fondateurs, de Marguerite-Marie Alacoque, visitandine gratifiée des apparitions du SacréCœur dans les années 1670, ou encore, plus proches de nous, des bienheureuses martyres visitandines de la guerre civile espagnole dans les années 1930. Dans un XVIIe siècle tout à la fois de violence, de pessimisme, de renouveau ecclésial, d’effervescence mystique et de bouillonnement intellectuel, l’évêque de Genève fut un prophète de l’amour en même temps qu’un incomparable maître spirituel. Personnalité marquante, il côtoya les plus grands personnages du moment, tels les ducs de Savoie, le cardinal de Bérulle, Vincent de Paul. Il décéda au monastère de la Visitation de Lyon en 1622. Canonisé en 1665, il fut proclamé docteur de l’Église en 1877. Grand écrivain, il laissa aussi une œuvre épistolaire considérable. Ses idées originales en matière de communication pour réévangéliser le Chablais lui valurent d’être choisi comme saint patron des journalistes. Jeanne de Chantal, quant à elle, a embrassé tous les états de vie : épouse et mère, veuve puis religieuse, fondatrice et supérieure. Elle est à ce titre la « patronne de toutes les vocations » féminines. Sa famille, et tout spécia-
prit fin à la mort de son époux, survenue après un accident de chasse en 1601. Devant élever seule ses enfants et subir les affronts incessants de son beau-père, Jeanne connut un veuvage difficile. Courageuse mais éprouvée, elle se mit alors à la recherche d’un guide spirituel pour l’aider dans ses difficultés. C’est dans ces conditions qu’en 1604 elle rencontra François de Sales à Dijon. Ils se virent plusieurs fois durant ce séjour dijonnais, et quelques mois plus tard, lors d’une entrevue à Saint-Claude, en août 1604, François prit définitivement en charge la conduite spirituelle de la veuve. En juin 1607, à Annecy, François de Sales présenta à Jeanne de Chantal son projet de nouvel institut religieux, dont il allait lui confier la fondation. Le projet mûrit encore quelques années avant d’aboutir à la création 18
Au cœur de la Visitation
lement sa petite-fille, la future Mme de Sévigné, témoignera de sa riche personnalité. Femme de caractère, elle fut l’organisatrice du prodigieux développement de l’ordre de la Visitation, lequel, comptant 87 monastères à sa mort, connaîtra plus de 350 fondations sur quatre continents au bout de quatre siècles. Elle décéda à Moulins en 1641, à l’âge de soixante-dix ans, dans les murs du troisième monastère de l’ordre de la Visitation Sainte-Marie.
cachés dans le ventre de leurs mères : JeanBaptiste et Jésus ; charité de Marie qui « se rend en hâte » chez sa cousine, et charité d’Élisabeth qui l’accueille pendant trois mois. Par le choix de cet épisode, François de Sales désire que les visitandines puissent visiter les pauvres et les malades, quelques heures par jour et à tour de rôle. Cependant, en France et en Savoie, excepté dans le diocèse d’Annecy, les esprits ne sont pas encore prêts à accepter des religieuses qui ne soient pas cloîtrées. En 1615, lorsqu’un monastère de la Visitation s’installe à Lyon, il lui faut devenir cloîtré, à la demande de l’archevêque de cette ville. Lorsque François de Sales acquiesce aux résolutions de Mgr Denis de Marquemont, le futur ordre de la Visitation s’engage à adopter une règle plus adaptée aux directives émises par le concile de Trente (15451563). Le projet de François ne subit pas alors d’altération majeure, car jamais il n’a été conçu comme une sorte de Carmel adouci, et encore moins comme un essai de ce que
La Visitation Sainte-Marie Le nom de l’ordre, la Visitation, est choisi par François de Sales en référence au mystère évangélique de la Visitation de Marie (Lc 1, 39-56). Ce mystère est placé sous le signe de la rencontre et de la charité : rencontre d’Élisabeth avec sa cousine qui reconnaît en elle « celle qui est bénie entre toutes les femmes », et rencontre de deux enfants
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c La Visitation, détail d’un ciboire [56]
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Au cœur de la Visitation
l Le préau et les cloîtres, maquette du monastère d’Orléans, XIXe siècle Caen, monastère de la Visitation
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réussira peu après Vincent de Paul avec les Filles de la Charité et que François de Sales n’aurait pu accomplir. La Visitation est née contemplative et a pu jouir de certains particularismes novateurs. Parmi eux la possibilité d’accueillir des femmes éconduites par les autres instituts en raison de leur santé fragile, de leur âge ou de leur veuvage, et des laïques désireuses de faire une retraite. L’autonomie des monastères de la Visitation, toujours urbains, est un trait singulier de l’ordre. Lorsque se crée une nouvelle maison, elle apparaît comme un essaim: elle sort d’une communauté qui existe déjà, puis recrute sur place. Il n’y a pas de lien hiérarchique, mais les communautés doivent garder entres elles un lien de dilection très fort et toujours se référer à Annecy, « la sainte source 2 ». À l’heure de cette éclosion de sainteté qui, au début du XVIIe siècle, marque la renaissance catholique, le saint fondateur assigne en même temps leur place à ses filles. Il les veut «dédiées, par leur union avec Dieu, pour
ayder par prières et bons exemples a la reformation de l’Église et au salut du prochain 3 ». En une page émue, placée en tête du Directoire spirituel et qu’il a écrite dès les débuts de la petite communauté de la Galerie, l’évêque de Genève leur retrace cette « humble gloire » ambitionnée pour elles : « Nous n’avons aucun bien que le lien de la dilection, qui est le lien de la perfection, car la dilection est forte comme la mort… La charité de Jésus-Christ nous presse 4. » En écrivant un jour à Jeanne de Chantal, il ne peut retenir une explosion de joie : « Vraiment notre petite Congrégation est un ouvrage du Cœur de Jésus et de Marie, le Sauveur mourant nous a enfantés par l’ouverture de son Sacré Cœur 5. » L’octroi des Constitutions par François de Sales, l’élaboration des coutumes et d’un directoire avec l’aide de Jeanne de Chantal, apport capital en raison de son expérience de gestionnaire de ses terres de Bourbilly, permettent aux visitandines d’espérer atteindre le meilleur
2. Ordre religieux sans maison mère, sans supérieure générale et aussi, par ailleurs, sans ordre masculin parallèle. 3. « Intention et souhaitz de nostre Pere », in Œuvres, 1892-1964, t. XXV, p. 134. 4. Ibid., p. 135, cit. de Cant. 8, 6 ; Col. 3, 14. 5. 10 juin 1611, Œuvres, 1892-1964, t. XV, p. 63. 6. Gérard Monthel, « Être visitandine », in cat. exp. Châlons-sur-Saône, 1994, p. 27. 7. Une maison de l’ordre obéit à un « règlement de vie » fondé sur le Coutumier. Elle est dirigée par une supérieure et un conseil élu où est choisie la sœur assistante. Le chapitre, assemblée des sœurs pouvant voter, est l’instance suprême. 8. Coustumier et Directoire…, 1637, p. 103.
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v Saint François de Sales, XVIIe siècle Huile sur toile (provenant de Blois) Moulins, monastère de la Visitation
fonctionnement possible du monastère. En effet, le Coutumier et Directoire, dont le texte définitif n’est publié qu’en 1637, après une première édition en 1628, donne aux religieuses le moyen d’accomplir leur première fonction : le service de Dieu. « Tout y était répertorié, décrit, réglé dans les moindres détails, de l’organisation des offices à la disposition des locaux, de la taille du mobilier à la manière de l’entretenir 6. » De nouveaux Coutumiers seront publiés en France, en 1970, en 1986 et enfin en 2005. La bonne marche du monastère doit tendre à une quasi-autarcie et sa direction doit se faire avec habileté et parfois autorité 7. Les moniales doivent parfaitement remplir leurs missions dans « les emplois » qui leurs sont attribués. En effet, tout au long de la journée, le travail ne manque pas. Outre les temps de prière et les offices de la vie religieuse, la communauté doit subvenir à sa vie matérielle. Il faut par exemple surveiller l’entretien des grands bâtiments et veiller aux affaires du monastère, assurer les tâches journalières, panser le bétail, cuire le pain, mais aussi faire les foins, vendanger, extraire le miel. Il faut aussi confectionner les robes, pourvoir au service de l’autel, augmenter le nombre d’ornements de la sacristie. L’accueil des retraitantes, la formation des novices et des sœurs du petit habit requièrent également beaucoup d’attention et d’investissement humain. Toutes ces activités doivent s’accomplir en respectant la régularité des temps de prière prévus et les contacts nécessaires avec le monde séculier pour l’indispensable. Malgré la clôture, les visitandines sont bien ancrées dans la vie locale et les documents le prouvent. Les Annales sont jalonnées par des événements, proches ou plus lointains, de la vie du monde qui entoure le monastère. Certains – guerres, révolutions, expulsions, mais aussi parfois état de trop grande pauvreté –ont des conséquences dramatiques sur l’existence même de la communauté et
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l’obligent à un transfert dans une autre ville, voire un autre pays.
Droit canonique, hiérarchie ecclésiastique Chaque monastère de l’ordre de la Visitation, canoniquement érigé, est de droit pontifical et autonome. En dehors de sa supérieure majeure propre, il n’a aucun autre supérieur majeur, mais il est confié à la vigilance particulière de l’évêque diocésain: «Les sœurs de la Visitation n’auront point d’autre Supérieur que Jésus-Christ nostre Seigneur, et son Vicaire nostre sainct Père, elles demeureront donc sous l’authorité des ordinaires [les évêques] 8.»
Le père spirituel « La Congrégation demeurera sous l’autorité ordinaire de l’Évêque, ainsi que la Règle le porte, auquel elle demandera un Père spiri-
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k Calice d’or du chanoine Leroux [51]
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9. Règles de saint Augustin, Constitutions et Directoire…, 1760, p. 217. 10. Ibid., p. 180. 11. Coustumier et Directoire…, 1637, p. 106. 12. Temps de pénitence avant chaque saison : Cendres, Pentecôte, Sainte-Croix, Sainte-Luce.
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Le confesseur ordinaire (aumônier) célèbre la messe de la communauté, il est entretenu aux frais du monastère par une raisonnable pension, « mais les Sœurs ne se chargeront point de [sa] nourriture, sinon pour quelque considération ou nécessité importante 11 », et il ne sera pas logé au monastère. Les Circulaires relatent fréquemment les relations d’estime réciproque nouées avec les aumôniers. À Baggiovara (Italie), Mgr Joseph Guicciardi, qui a servi la communauté pendant près de trente ans, fut honoré en 2003 par son portrait réalisé par Mère MarieDaniela Campanale (née en 1943). Outre le confesseur attitré, les Constitutions prévoient un confesseur extraordinaire qui se présentera au monastère aux « quatre temps » de l’année 12 ainsi que dans les retraites et chaque fois qu’il est besoin.
tuel, qui, de la part d’icelui, prendra garde à ce que les Règles soient bien observées, et qu’aucun abus ni changement ne s’introduise, visitera la Maison une fois l’année, assisté d’un compagnon mûr d’âge, discret et vertueux ; se trouvera aux élections de la Supérieure et du Confesseur ordinaire ; signera les causes des sorties extraordinaires des Sœurs, s’il en arrive quelque légitime sujet, et celles des entrées des hommes et des femmes qui y entrent pour quelque service nécessaire, sinon qu’il juge à propos, quant à cet article de l’entrée, d’en laisser la charge au Confesseur ordinaire, ainsi qu’il a été dit ci-dessus. Et à ce Père spirituel, tant la Supérieure que les autres Sœurs pourront avoir recours où il sera besoin d’une spéciale providence. Mais quant à la visite, il serait expédient qu’elle se fît par l’Évêque même, avec l’assistance du Père spirituel, et du Confesseur ordinaire 9. » Des liens profonds se créent entre les visitandines et le père spirituel, aussi celui-ci testera-t-il souvent en faveur du monastère ; ainsi, en 1967, Mgr Leroux attribue par testament son calice d’or au Mans [51].
Le confesseur, monsieur l’aumônier Un choix très avisé est requis en vue de « cette charge tant importante », supérieure et conseillères en confèrent ensemble et en accord, bien entendu, avec le père spirituel qui seul connaît bien le clergé diocésain. Il faut un « homme de doctrine, de prudence, de vie irréprochable, discret, honnête, stable et dévot et tel que l’Évêque, le Père spirituel et la Supérieure se puissent reposer en son soin et en son zèle en ce qui est requis pour le bon état de la conscience des Sœurs […]. Il est comme l’ange visible député à la conservation des âmes du Monastère et pour leur avancement au salut éternel… Comme les sœurs le doivent grandement respecter […], de même doit-il traiter avec révérence envers elles, les considérant comme Épouses du Fils de Dieu. Trois ou quatre fois l’an, on tiendra la récréation avec lui au parloir pour s’y entretenir de saints propos 10 ». 23
x Mère Marie-Daniela Campanale, Mgr Joseph Guicciardi, 2003 Huile sur toile Visitation de Baggiovara (Italie)
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k Bannière des expositions aux pensées, détail, Vienne (Autriche), XVIIIe siècle Soie brodée Moulins, musée de la Visitation
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13. Coustumier et Directoire…, 1637, p. 5. 14. On peut aussi envisager un autre type de fondation : la réforme de communautés existantes ; voir Dominique Julia, « L’expansion de l’ordre de la Visitation », in Visitation et Visitandines aux XVIIe et XVIIIe siècles, 2001, p. 155.
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La fondation d’un monastère Deux types de conditions sont requis pour une fondation de la Visitation. Le premier a trait aux secours spirituels que les religieuses peuvent attendre dans la ville où elles s’installent ; il est nécessaire, en effet, d’avoir un père spirituel, un confesseur ordinaire et un confesseur extraordinaire. Le second regarde le temporel : « il faut que la ville soit bonne pour tenir en assurance une maison religieuse, et qu’il y ait des personnes capables pour son conseil, et pour aider aux affaires temporelles qui peuvent survenir, et que ceux qui font la fondation fournissent une maison suffisante pour un commencement, et qui soit convenablement meublée, où il y ait des jardinages et la clôture nécessaire avec un revenu suffisant pour entretenir les sœurs qui y seront envoyées 13 ». Chaque fondation a une histoire particulière, mais on peut proposer une typologie des demandes exprimées aux communautés fondatrices aux XVIIe et XVIIIe siècles en Europe. À l’origine des fondations, on trouve en premier lieu le clergé, à travers l’action des évêques et des jésuites ; en deuxième lieu les familles de la noblesse d’épée ou officières qui suivent le courant de spiritualité salésienne ; et enfin on ne peut omettre de souligner le rôle important de familles princières et royales 14. Toutefois ces fondations ne se font pas sans difficultés. Aux XVIIe et XVIIIe siècles la résistance des corps des villes est fréquente, et souvent ce sont les souverains qui forcent les choses. En effet, une nouvelle communauté signifie une charge supplémentaire pour la collectivité. Quelle que soit l’époque, le chemin parcouru entre la demande de fondation et l’établissement de la clôture est souvent très complexe et révèle l’affrontement d’enjeux non seulement religieux et spirituels, mais aussi politiques, économiques, sociaux et familiaux. Nous avons choisi de présenter certaines de ces fondations pour illustrer notre propos et,
par la même occasion, montrer au lecteur comment certains objets des collections du musée furent les témoins de ces événements. Le monastère de Himmelstur (Allemagne) fut fondé en 1866 par la Visitation de Lublin (Pologne) sous l’impulsion de Mgr Daniewski, prélat de Lublin. Mais cette communauté a subi de nombreuses tribulations : victime des persécutions du Kulturkampf, elle s’installe en Angleterre, à Roselands (Walmer, comté de Kent), en 1875, puis dans la propriété de 25
h Bouquet d’artichauts, détail [7]
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Partridge Green, près de Horsham, en 1975, et pour finir elle rejoint la Visitation de Waldron (Angleterre) lors de la fusion des deux monastères en 199115. Le monastère de Waldron possède encore aujourd’hui, comme un témoin touchant de toutes ces pérégrinations, un calice offert par Mgr Daniewski au monastère de Lublin, et qui a suivi sa communauté jusqu’à nos jours [42]. Le monastère de Zouk-Mickael (Liban) fut quant à lui fondé en 1836 par la famille El Khazen qui en est encore propriétaire. Dans un système quasi féodal, les supérieures, pendant un siècle, étaient issues de cette famille. Un calice portant l’inscription, gravée en arabe, « à l’usage du prêtre chrétien Raji El Khazen 1857 », témoigne de cette emprise sur la communauté [46]. À Vienne, résidence de l’empereur du Saint Empire romain germanique, c’est à l’initiative de l’impératrice douairière WilhelmineAmélie, veuve de Joseph Ier, qu’un monastère de la Visitation est fondé par sept sœurs de Bruxelles et de Mons, le 31 juillet 1717. L’impératrice a offert le terrain et la construction du bâtiment selon le plan du Coutumier, et a doté le monastère d’une pension considérable. Elle y sera d’ailleurs inhumée, et la famille impériale continuera par la suite à offrir des cadeaux somptueux et des robes de cour. Ces étoffes précieuses seront alors transformées en de multiples ornements, telle la bannière présentant un décor de motifs d’argent et de pensées au naturel (fig. p. 24). Enfin, le monastère de Soleure, en Suisse, illustre parfaitement le cas des fondations créées pour des motifs politiques. En effet, commanditée par la monarchie française, cette fondation est menée en 1645 par l’ambassadeur de France Jacques Le Fèvre de Caumartin qui l’installe naturellement à Soleure, résidence habituelle des ambassadeurs auprès de la confédération. Le monastère est gratifié de sommes considérables et de présents qu’il conserve encore aujourd’hui, comme les portraits de l’ambassadeur et de son épouse 16. 26
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Cela peut paraître paradoxal, mais la Révolution française est également à l’origine de fondations. Contraintes de quitter la France, de nombreuses communautés partent en exil, et quand elles regagneront enfin leur monastère d’origine, elles laisseront parfois derrière elles de nouvelles maisons. Ce fut le cas par exemple de la communauté d’Avignon. Dès 1792, l’Espagne accueille de nombreuses visitandines venues de France, qui trouvent refuge à Saragosse. En 1806, elles fondent un nouveau monastère à Calatayud sous la direction de Mère Thérèse de Jésus Albaret, professe d’Avignon († 1810, Calatayud). Elles brodent alors un ornement complet [12]. Mais, soucieux de voir refleurir Avignon, le monastère de Calatayud y envoie en 1820 sœur Marie-Blaisine Chanorier pour restaurer le Premier monastère.
vv Calice aux anges [46] h Monsieur de Caumartin, XVIIe siècle Huile sur toile Visitation de Soleure (Suisse) c Tableau de la fondation de la Visitation de Soleure, XVIIe siècle Visitation de Soleure (Suisse)
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15. Pour l’histoire, il est essentiel de rappeler qu’à la Visitation ce n’est pas le lieu qui fait la communauté, mais la communauté qui fait le lieu. 16. La fondation de Strasbourg en 1683 est particulièrement suivie par le roi, qui y voit l’intérêt de reconquérir la ville, rattachée à la France depuis quelques années mais devenue luthérienne. Une rente royale annuelle de six cents écus est ainsi attribuée à la communauté, à condition qu’elle instruise les filles nouvellement converties.
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Enfin, « l’esprit de la reconquête en Europe » se manifeste en France avec un grand nombre de fondations, ainsi qu’en Espagne et en Italie. Et l’élan missionnaire du XIXe siècle, entraîne l’expansion de la Visitation « aux Amériques ». Aux États-Unis, à Georgetown, une communauté de femmes pieuses encadrant une école de jeunes filles depuis 1779, puis une université renommée (communauté érigée canoniquement en 1816), intègre l’ordre de la Visitation en 1829 lors de l’arrivée de visitandines d’Europe. Le statut universitaire de cette communauté conduit un grand nombre de ses professes à devenir supérieures et fondatrices de la majorité des fondations nord-américaines. En Amérique latine, c’est Milan qui réalise la première fondation à Montevideo en 1856. Puis de nombreuses fondations espagnoles voient le jour au Mexique et en Colombie. Le rythme s’intensifie fortement au XXe siècle, et les essaimages se multiplient au XXIe siècle. On ne saurait oublier que les visitandines apportent d’Occident leur culture, et en particulier leur conception de l’art de la broderie pour l’exercer au service du culte. On citera pour exemple le voile de calice du monastère de Pasto, fondé en 1922 en Colombie, qui reprend le principe du décor floral cher à la Visitation, mais en y intégrant la flore locale [22]. De même, depuis la seconde moitié du XXe siècle et jusqu’à aujourd’hui, le continent africain voit se développer de nombreuses maisons de l’ordre. En 1963, des visitandines de la Seconde Fédération de France fondent Loango puis Loudima au Congo. C’est ensuite l’Espagne qui fonde en 1967 au Burundi puis au Rwanda. Un service de table et des napperons brodés par les jeunes visitandines africaines (offerts en 2003 à Mère Marguerite-Marie Baron, présidente fédérale, lors de sa visite à Loango) témoignent de l’origine française de la fondation par la technique de broderie utilisée par les sœurs, alors que les dessins choisis sont empruntés à l’environnement africain.
vv Le Bon Pasteur, détail du pluvial [12] h Voile de calice aux fleurs jaunes [22]
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k Galerie, Visitation de Paray-le-Monial, XVIIe siècle 2007
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L’architecture d’un monastère
mémoire descriptif, le Devis sur le plan général des monastères des religieuses de la Visitation Sainte-Marie 21, qui en décrit les multiples aspects matériels. Ce dernier tolère avec réalisme une certaine souplesse : « Or, pour conclusion comme l’on doit autant qu’il se pourra bonnement suivre le plan et le devis, aussi ne s’y faut-il pas tant attacher, que l’on puisse librement s’accommoder selon les lieux, places, usages du pays, et moyens de ceux qui bâtiront 22. » Une adaptation du plan est en effet souvent nécessaire en fonction de l’emplacement et de la topographie urbaine. Les moyens financiers quelquefois considérables apportés par les fondateurs laïques permettent un aboutissement rapide et des bâtiments parfois « trop riches », mais c’est le plus souvent avec difficultés, par tranches et sans démesure que sont élevés les bâtiments et l’église du monastère. Toujours fidèles, les communautés 23, depuis la fondation, construisent autant que possible suivant le plan. Parmi les derniers construits en France, citons celui de Moulins en 1880, et le dernier, Lourdes, achevé en 1955. La tradition continue avec Salò (Italie), en 1970, et Rockville (États-Unis), construit
Il faut remonter aux origines : on sait que le plan type, largement inspiré des préceptes borroméens 17, tracé à la demande de François de Sales par le chanoine Baytaz, fut ensuite diffusé par la Mère de Chantal et publié hors texte dans les Coutumiers de 1628 et 1637 18. Ce dernier précise bien les choses : « Tous les bâtiments seront faits solidement, mais simplement à la Capucine, sans ornement aux couvertures, ny ailleurs, sculptures, ciselures, cordons, entablement de pierre de taille, et en tout on suivra le plan tant qu’il se pourra [101] afin que les Monastères ne ressemblent point aux maisons séculières 19. » L’enceinte du monastère est constituée de deux parties. L’une est accessible au public et l’autre régie par les règles canoniques instituées par la clôture papale, et donc réservée aux moniales. Aussi des délimitations et des séparations matérielles sont-elles institutionnalisées. « Toutes les ouvertures qui seront en dehors du Monastère seront grillées tant grandes que petites, les murailles de la closture auront de hauteur quatorze ou quinze pieds 20. » Le Coutumier est accompagné d’un
c Charpente, planche du Devis, XVIIe siècle Moulins, musée de la Visitation
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17. Dans une lettre du 24 août 1621, François de Sales invite l’auteur du plan type à prendre pour modèle les écrits de Charles Borromée (1538-1584). 18. Il présente, légendé, le rez-de-chaussée et le premier étage. Au cours du temps, des modifications interviendront lors des constructions : on ajoute des pièces et on change certaines appellations. 19. Coustumier et Directoire…, 1637, p. 141. Le Devis prévoit la construction de monastères de plusieurs tailles : grand plan, petit plan. 20. Ibid., p. 149. 21. Parfois relié à la suite du Coustumier et Directoire. 22. Ibid., p. 88. 23. Il faut prendre en compte les nombreuses communautés qui, en raison de circonstances diverses aux XIXe et XXe siècles, ont dû s’implanter dans des abbayes ou des couvents, voire dans des propriétés qui n’avaient rien de monastique.
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h Préau de Pignerol (Italie), XVIIe siècle 2009
v Vue du plan du rez-de-chaussée, planche du Coustumier et Directoire..., 1637 [101]
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24. Avec le souci de solidarité, les monastères bâtis sur le grand plan ou bénéficiant des bâtiments de l’ancien pensionnat (fermés vers la fin du XIXe siècle) purent, plus facilement que d’autres, faire face à l’accueil de communautés fuyant les expulsions et les guerres. Ainsi le Premier monastère de Paris accueille Wilna (Lituanie) en 1865, Voiron celui de Saint-Marcellin revenu d’exil d’Italie en 1918, et le monastère de Loudima (Congo) se réfugie à Caen en 1999. 25. Voir Laurent Lecomte, « Jeanne de Chantal “Maître de l’ouvrage” de son ordre », in Visitation et Visitandines aux XVIIe et XVIIIe siècles, 2001, p. 89.
et Compiègne, ou la Mère Marie-Agnès d’Andigné († 27 avril 1690) à Nantes, lesquelles ne peuvent cependant se dispenser de consulter de solides traités théoriques. Elles avaient aussi la ressource, sous certaines conditions, de se déplacer d’un couvent à l’autre afin d’examiner sur place les réalisations les plus récentes en matière de bâtiments monastiques, comme l’atteste une lettre adressée le 23 août 1713 par l’évêque du Mans Pierre Rogier de Crévy à la sœur
en 1987. Malgré la diversité des époques de construction et des dimensions des bâtiments 24, les campagnes de restauration, les ajouts au cours du temps, et sans omettre les modes, l’architecture des monastères sera le plus souvent respectueuse de la sobriété qui caractérise les bâtiments conventuels de la Visitation 25. Certains de ces bâtisseurs seront des visitandines architectes, comme la Mère de Chaumont († en 1707 à Compiègne) à Vannes, Chartres 33
26. Philippe Bonnet, 1989, p. 454. «Connaissons par Nous-même le besoin qu’à votre Communauté de sa bastir au plus tôt et étant d’ailleurs dûment informé des services et des secours que la maison peut recevoir de votre application et de vos soins dans l’exécution de ce dessein, si vous allez visiter les monastères nouvellement construits dans les maisons de votre Institut. Nous vous ordonnons de vous transporter dans ceux qui vous seront indiqués par Notre chère fille votre Supérieure, avec la compagne qu’elle vous donnera, Nous promettant votre piété que vous éviterez aux soins de vous produire en public et que dans tous les lieux où vous passerez, vous vous y conduirez toujours avec toute sorte d’édification. »
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k Apothéose de Jeanne de Chantal, Premier monastère de Rouen, 1767 Huile sur toile Dépôt de l’académie salésienne à l’église Saint-François-de-Sales, Annecy
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27. Picaud et Foisselon, 2007, p. 29. 28. La Circulaire de Montargis du 2 avril 1777 donne le « recensement » de la communauté : « Vingt-sept Professes du Voile noir et une postulante pour ce rang, dix sœurs du Voile blanc, dont plusieurs sont hors des travaux, à raison de leurs âges et infirmités, deux Sœurs Tourières, une demoiselle Agrégée, deux Dames Ursulines et une Religieuse Annonciade, dont la Maison a été détruite, et qui nous édifient beaucoup par leur ferveur, vingt autres Dames et Demoiselles en chambres, dont la rare piété leur a justement acquis notre estime, vingt Demoiselles en classe, cinq Filles de service, deux jardiniers. »
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Anne-Victoire Pillon 26.
La communauté et son gouvernement La charité et l’humilité animaient la Vierge Marie lorsqu’elle se rendit en hâte visiter sa cousine Élisabeth 27. Ces principes articulent la vie des visitandines, et elles y ajoutent la douceur envers le prochain, particulièrement manifestée par l’attention qu’elles portent aux autres. Rappelons que l’ordre est fondé non sur la ferveur de la pénitence, mais sur celle de l’amour, et que l’essentiel pour les fondateurs est de donner à Dieu des vraies filles d’oraison. Trois rangs de professes composent la communauté : les sœurs de chœur, dite choristes ou du voile noir ; les sœurs associées, également du voile noir, et les sœurs converses ou domestiques, dites aussi du voile blanc. À ces trois rangs il faut ajouter les novices, futures visitandines pour chacun des rangs, et les sœurs tourières ou externes. On peut enfin compter les sœurs du petit habit et parfois les dames pensionnaires puisqu’elles habitent en clôture 28. Les sœurs choristes sont tenues au service du chœur et leur rang est semblable aux autres ordres féminins. Les sœurs associées qui n’ont pas la force et les talents de dire et 35
h Sœurs converses et sœurs tourières, Harrow (Angleterre), 1897 Photographie, Waldron (Angleterre)
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29. Et dans certains cas particuliers, pour une troisième élection consécutive, mais il faut alors solliciter une autorisation de Rome, l’évêque n’ayant pas le pouvoir de confirmer l’élection. 30. Lorsque la supérieure résigne sa charge entre les mains du père spirituel, le samedi d’avant l’élection, elle demeure la déposée et occupe la dernière place dans la communauté. 31. Les Mères Normand et Loppin de 1638 à 1696 à Dijon ; Leyen et de Bois Gautier de 1718 à 1766 à Strasbourg ; Millon et de Raincourt de 1868 à 1898 au Premier monastère de Paris ; Gareste et Annouiller de 1970 à 2006 à Sault-de-Navailles. 32. Coustumier et Directoire…, 1637, p. 169. Ces activités laborieuses bénéficient des inventions suppléant aux forces humaines ; ainsi à Nantes, en 1931, la supérieure, « voyant les forces de nos dévouées Sœurs du voile blanc diminuer, fit placer à la boulangerie un pétrin électrique ». 33. Il n’est pas interdit que des sœurs du voile blanc passent au rang du voile noir, comme prévu dans le Coutumier.
Au cœur de la Visitation
34. Règles de saint Augustin, Constitutions et Directoire…, 1760, p. 295. 35. Pour exemple des sommes à verser, voir Marie-Ange Duvignacq-Glessgen, 1994, p. 182. 36. Coustumier et Directoire…, 1637, p. 160. 37. 1960 à Scy-Chazelles, 1964 à Nantes. 38. Véron-Denise, Picaud et Foisselon, 2009, p. 34. 39. Sa famille peut être présente dans l’église, et si c’est une fille de haute condition, des personnalités y assistent ; ils peuvent voir la scène car le rideau de la grille a été tiré. 40. Coustumier et Directoire…, 1637, p. 44. 41. Ibid., p. 46.
tre tous les trois ans, si possible le jeudi après l’Ascension. Elle peut être réélue pour un second triennat 29 ; cette disposition a introduit dans les monastères une forme originale de gouvernement, sorte de consulat alternatif, car il arrive souvent (comme le révèle l’étude de la liste des supérieures des monastères) qu’au bout de six années on revienne de grand cœur à la déposée 30 d’autrefois. L’étude du livre des élections montre que, le plus souvent, deux religieuses ont alterné la charge pendant des décennies 31.
de chanter les offices, grâce au désir de François de Sales, peuvent mener une vie religieuse qui leur est refusée par les autres instituts. Le gouvernement de la maison est confié à une supérieure. À la Visitation on n’emploie pas les termes « prieure » ou « abbesse ». La responsable est dénommée supérieure. Elle est considérée comme la représentante de Dieu au sein du monastère. Elle dispose de tous les pouvoirs, mais, contrairement à d’autres ordres, n’est pas élue à vie. La supérieure est élue en chapi36
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Les fonctions essentielles sont distribuées par la supérieure aux sœurs du voile noir, lesquelles ont, pour les guider dans l’exercice de leurs charges, un Directoire adjoint au Coutumier. Les sœurs domestiques ont aussi une vie réglée par leur Directoire et sont tenues d’aider les sœurs choristes dans leurs travaux. Elles sont assignées aux tâches manuelles les plus pénibles – faire le ménage et la lessive, pétrir le pain, laver la vaisselle, aider à faire le jardin et « appréster à manger 32 ». D’origine modeste, elles n’ont pas toujours la possibilité d’apporter une dot. Elles occupent une place à part dans la communauté. Leur présence n’avait rien de surprenant à l’époque de la fondation : on trouve souvent dans les communautés religieuses le reflet des inégalités de la société. Les sœurs domestiques ne chantent pas l’office et n’ont donc pas voix au chapitre, elles couchent dans un dortoir et se lèvent très tôt (à quatre heures et demie l’été et à cinq heures l’hiver) 33. Les sœurs tourières, dénommées ainsi en raison du tour, ne vivent pas en clôture, ne font qu’une oblation, ne portent pas le même habit: elles sont habillées simplement «comme les honnestes filles de leur qualité originaire 34 ». Seul lien physique avec l’extérieur, elles assurent les fonctions que la règle interdit aux sœurs cloîtrées : courses, entretien de la chapelle et des parloirs, service des rares invités prenant leur repas au parloir.
Devenir visitandine C’est la pleine liberté qui accompagne le premier séjour de la femme souhaitant entrer à la Visitation. Pendant une semaine en général, la prétendante observe la vie des moniales, et en retour ces dernières profitent de cette période de probation afin de se déterminer pour une éventuelle période de mise à l’essai. Si tel est le cas, selon les Constitutions, la prétendante peut alors effectuer les « exercices ordinaires du monastère ». À l’issue de cette période, les capitulantes 37
vv Discernement au noviciat [110] h Voile dit « de mariage » utilisé pour les prises d'habit des religieuses, détail, Belgique, Premier monastère de Paris, vers 1870 Application (motifs en dentelles aux fuseaux à la main appliqués sur un voile de tulle mécanique) Moulins, musée de la Visitation
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Au cœur de la Visitation
votent pour décider ou non de l’entrée en noviciat de la prétendante. Si cette dernière n’est pas admise, elle est renvoyée « le plus honnêtement possible sans tirer les voix ». Si le résultat du vote est favorable, il est alors temps de régler, devant notaire, les problèmes matériels avec la famille, en particulier de fixer le montant de sa pension de novice et de convenir de la dot à verser lorsqu’elle fera profession solennelle 35. C’est alors que se déroule la cérémonie de prise d’habit : la robière porte dès le matin à la sacristie, dans une corbeille, tout ce qu’il faut pour la vêture, « de laquelle [la future novice] elle [la robière] retirera les habits, et chaussures séculières, dont elle rendra compte à la Sœur Oeconome après la profession 36 ». Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la future professe est revêtue d’une robe de cour, et plus tard d’une robe de mariée, coutume qui s’interrompt dans les années 1960 37. Elle offre généralement pour la sacristie sa robe, laquelle sera transformée suivant les nécessités 38. Au cours de la cérémonie 39 a lieu la bénédiction de ses vêtements de religieuse dont le voile blanc, insigne de son rang. Le Livre des vêtures conservé au noviciat rend témoignage de l’entrée officielle en clôture. La maîtresse des novices s’efforce ensuite de la préparer le mieux possible à son futur état. Après avoir porté l’habit de novice environ un an, elle est préparée à effectuer sa profession au rang qui lui a été précisé lors de son entrée au monastère. Elle est alors conduite devant le chapitre qui seul décide de son admission définitive au sein de la communauté. Si la supérieure le juge nécessaire, la durée du noviciat est prolongée d’un an, ou plus si la novice est trop jeune. Quelque temps avant sa profession, elle se présente devant la supérieure, « pour remettre entre ses mains, ce qu’à leur considération aura esté et sera donné à la Maison 40 ». Ses cheveux sont coupés. Elle est examinée par l’évêque ou le père spirituel du monastère, et a la possibilité de s’entretenir seule, une dernière fois, avec ses parents. Par la
h Livre du couvent de Verceil [102] k Billet pour le renouvellement des vœux [124]
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38
Au cœur de la Visitation
suite, ces entretiens familiaux se dérouleront toujours en présence d’une autre religieuse, dénommée «sœur écoute». Elle renonce donc « à la liberté d’aller çà et là en divers lieux ; à la liberté de soi-même ; à la liberté de parler, et de converser avec autrui ; à la liberté de se vêtir, mirer, accommoder, faire apparaître agréable, et bref montrer les avantages que la nature peut avoir donnés à quelqu’unes, en un mot, elle ne peut plus désormais vivre selon son jugement, ny selon sa propre sagesse, ou propre discrétion, ni selon sa propre bienséance, mais selon celle d’autrui 41 ». L’examen et l’entretien avec ses parents sont consignés dans le Livre du couvent, en haut à gauche de la page qui lui est attribuée : « Le X [jour, mois, année], j’ai été examinée par Monseigneur N., et pour cela j’ai été mise seule et enfermée dans la chambre des parloirs, pour dire en toute liberté ce que bon m’a semblé. Et avec la même liberté, j’ai parlé à N., mon père [et/ou ma mère, mon frère…] qui rendra témoignage que c’est de ma
franche et libre volonté que j’ai fait la sainte profession le X. [jour, mois], entre les mains de mon dit Seigneur, [signé] sœur N. N. 42. » Le jour de sa profession, elle attache à son cou la croix d’argent de l’ordre, elle quitte le voile blanc et revêt le noir, qu’on lui présente sur un plateau. Lors des professions solennelles, la visitandine est coiffée d’une couronne de fleurs 43 [109]. Elle inscrit dans le Livre du couvent : « Je, sœur N. N. ay par la grâce de Dieu, ce jourd’hui, Xe jour du mois de X., en l’année X., célébré mes vœux pour vivre et mourir en la Congrégation de NotreDame de la Visitation, veuille mon Sauveur bénir cette journée et me la rendre profitable pour l’éternité, [signé] sœur N. N. » Elle renouvelle chaque année ses vœux le jour de la fête de la Présentation de Marie et, pour cela, «à la présentation Notre Dame, la veille, la sœur assistante donne aux sœurs un billet où les paroles des Renouvellements sont écrites » [124]. Elle transcrit cette confirmation dans le Livre du couvent, et après sa
c Mère Maria-Gonzanga Mägelen et sœur Maria-Mechtildis Marc, Visitandines à l’ouvrage, seconde moitié du XIXe siècle Annales de la Visitation de Zangberg (Allemagne)
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42. Coustumier et Directoire…, 1637, p. 159. 43. Comme au Mans, à Caen, à Brioude… 44. Toutes les visitandines portent la même croix. Le rang des sœurs domestiques a été aboli en 1965. 45. Elles portent l’habit de la Visitation depuis les Acta apostolica sedis du 15 juillet 1961, promulguant l’Instruction sur les sœurs attachées au service externe des monastères de moniales. 46. Depuis le lever, la visitandine n’a pris aucune nourriture, si ce n’est qu’on ordonne aux plus faibles de prendre une légère collation.
39
Au cœur de la Visitation
j Mère Maria-Gonzanga Mägelen et sœur Maria-Mechtildis Marc, Le Poulailler du monastère, seconde moitié du XIXe siècle Annales de la Visitation de Zangberg (Allemagne)
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47. Ces offices sont institués à cette heure du fait de la dispense de l’office de nuit.
mort, à la fin de ses renouvellements, la supérieure y consigne la date de son décès et résume sa vie [102]. La sœur domestique prononce les mêmes vœux, elle garde le voile blanc et revêt la croix d’argent 44. La future sœur tourière est choisie par la supérieure. Elle doit être de bon corps et de bon cœur, de bonne complexion et de bon naturel. Après six semaines d’essai, elle effectue un noviciat de deux ans et prononce les vœux simples d’obéissance: l’oblation. Elle est vêtue comme les honnêtes filles de sa qualité originaire et porte la croix d’argent 45.
48. Coustumier et Directoire…, 1637. Voir Directoire pour les Sœurs Domestiques, p. 168.
Une journée à la Visitation
49. Voir Bougaud, 1860, p. 533-534.
Du
XVIIe
au milieu du
XXe
La Visitation ne connaît pas d’office de nuit, le lever est à 5 h 00 en été, à 5 h 30 en hiver – la distinction entre les saisons se fait à Pâques et à la Saint-Michel. Une demi-heure plus tard commence une longue série de cent coups de cloche, d’où l’expression « être aux cent coups ». Le dernier de ces coups doit trouver toutes les sœurs devant leur stalle pour l’oraison. Ensuite l’office de NotreDame débute avec les versets de prime. À 6 h 45, elles quittent le chœur pour aller travailler dans « leurs emplois ». À 8 h 15, la cloche appelle à nouveau la communauté pour les offices de tierce et de sexte, et annonce aussi la messe qui débute à 8 h 30. Elle est suivie de l’office de none. À 9 h 30, chacune retourne à son emploi. Nouveau
siècle 40
Au cœur de la Visitation
signal de cloche à 10 h 00 pour l’appel du déjeuner au réfectoire 46. À 12 h 00 en été et à 12 h 30 en hiver, la cloche appelle de nouveau au silence. Chaque sœur se retire dans sa cellule ou sur le lieu de sa charge. La règle autorise la visitandine à prendre une demiheure de repos ou de sieste si cela est nécessaire. À 14 h 00, été comme hiver, une nouvelle sonnerie invite la religieuse à effectuer une demi-heure de lecture spirituelle. Elle rejoint le chœur à 15 h 00 pour les vêpres. À 15 h 30, les sœurs se rassemblent dans la chambre des assemblées où, tout en travaillant, chacune à tour de rôle fait part de ses réflexions sur ses lectures spirituelles. À 17 h 00, c’est de nouveau le silence et retour au chœur pour les complies, suivies des litanies, récitées en semaine et chantées le dimanche et les jours de fête, généralement terminées par le salut du Saint Sacrement. À 17 h 20, le silence invite les visitandines à entrer en oraison. À 17 h 50, les moniales jouissent d’un quart d’heure de liberté, unique moment dans la journée. Elles en profitent alors pour terminer leurs travaux, ranger ou réparer certains oublis. À 18 h 05, la
cloche sonne le dîner suivi d’une nouvelle récréation, jusqu’à 20 h 00. Puis l’assistante lit l’épître et l’Évangile de la messe du lendemain. À 20 h 30, la cloche invite au grand silence, et à 20 h 45 la communauté se rend à la chapelle pour la dernière fois de la journée afin de chanter matines et laudes 47. À la fin de ce dernier office, la sœur désignée lit le point d’oraison pour le lendemain, puis,
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h Travaux de couture rémunérateur à la Visitation d’Oviedo (Espagne), 2010 c Récréation à la Visitation de Nantes, 2010
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En dehors de la clôture La chapelle et son décor
tion s’appuie sur une modalité spirituelle du concile de Trente qui recommande la stricte observance des règles en vigueur dans les ordres et à la Visitation en particulier. L’intérieur de la chapelle, espace sacré par excellence, est l’objet de toutes leurs attentions et les religieuses suivent en cela les recommandations de Jeanne de Chantal : il ne doit rien y avoir dans le monastère qui ne ressente la véritable pauvreté et simplicité. Comme le permettent les Constitutions, « on excepte toutefois l’Autel et l’Église, où les meubles pourront être riches et précieux, selon qu’ils se pourront saintement avoir, pour l’honneur et gloire de Dieu 54 ». Ces dispositions répondent pleinement aux enseignements du concile de Trente qui cherche à toucher les fidèles et à glorifier Dieu par la beauté artistique. Généralement soigné, le décor intérieur de la chapelle peut être d’une grande qualité architecturale et se suffire à lui-même, comme au XVIIe siècle celui du Premier monastère de
L’ordre de la Visitation voit le jour en Europe à une période de grand renouveau spirituel et les couvents se multiplient rapidement. Lorsqu’un nouveau couvent est fondé dans une ville, la première préoccupation des religieuses est l’installation de leur chapelle 50, même si la pauvreté ne leur permet pas toujours de réaliser leurs souhaits 51. L’église, ordinairement précédée d’une cour, est au cœur de la vie de prière du couvent. L’architecture extérieure de certains édifices a fait l’objet des remarques de la Mère de Chantal : celle du monastère de Troyes manque à la sobriété « par des surperfluités aux bâtiments, par des embellissures que l’architecte y avait fait faire 52 ». Mais ce sont surtout les sœurs de Nevers qui subissent son courroux à propos de la trop riche et extravagante façade de Claude Collignon : elle « les pria de mander à toutes les maisons qu’elles avaient failli en cela 53 ». Son irrita43
vv Chapelle de la Visitation de Varsovie (Pologne), 1761 2005
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50. Dans les textes des XVIIe et XVIIIe siècles, on dénomme l’édifice cultuel sous le nom d’« église », mais aux XIXe et XXe siècles, cette appellation disparaît presque totalement pour devenir « chapelle », ce qui est logique, car l’édifice n’est pas une paroisse, mais une chapelle privée. 51. La situation change suivant l’évolution des moyens financiers du monastère ou les commandes. 52. F. M. de Chaugy, Mémoires sur la vie et les vertus de sainte Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal, Paris, 1893, 2e éd., p. 447. 53. Ibid., p. 318. 54. Constitutions, p. 154.
Au cœur de la Visitation
j Giovanni Antonio Cappello Saint François de Sales en gloire, 1715 Peinture murale Ancienne Visitation de Salò (Italie) 2009 kk La Visitation [65]
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55. Circulaire de 1752, p. 3. 56. Voir Duvignac-Glessgen, 1994. 57. Essai sur les origines monastiques dans le diocèse de Valence. L’ordre de la Visitation Sainte-Marie. Les visitandines de Valence, Crest, Romans et Montélimar, Valence, Jules Céas et fils, 1880, p. 17.
sentent plusieurs épisodes de la vie des fondateurs de la Visitation. Parfois leurs origines sont connues et la personnalité des bienfaiteurs et celle des supérieures sont dévoilées. C’est le cas à Valence, où la Mère de La Martinière, réélue en 1625, fait bâtir l’église. Elle est secondée dans ce travail par un chanoine de la cathédrale, messire Pierre Hatton, qui, durant plus de trente-cinq ans, rend aux sœurs toutes sortes de services. Il s’occupe surtout de l’église et de son ameublement, et la décore de retables et de tableaux. Parmi ces derniers, on distingue celui du maître-autel représentant la Visitation [65], décrit dans un mémoire de M. Hatton : « Pour le tableau du grand autel où est la Visitation de Notre-Dame et autres figures, j’ai payé à M. Guilherme, peintre demeurant en Avignon, la somme de 150 livres 57. » Les bienfaiteurs jouent un rôle de premier plan dans la décoration des chapelles, allant jusqu’à offrir des œuvres provenant de collections familiales. À Mâcon, entre 1813 et
Paris bâti par Mansart, ou encore celui de Moulins édifié par le frère Martellange et Claude Collignon. Il peut aussi comporter des fresques ou des peintures murales comme à Grenoble, à Aix-en-Provence ou encore à Salò et à Turin en Italie. En 1752, les visitandines de Villefranche-sur-Saône font part de leur émerveillement : « Ce qui rend notre Église des plus brillantes, sont les belles et Scavantes peintures à fresque d’un Peintre Italien. Ces belles figures représentent en grands personnages la Vie de la Sainte Vierge, toutes les Sybilles représentées remplissent une partie de la voute, des Anges portant les armes de la Passion, font le tour de la frise, au dessus de la porte est une descente du Saint-Esprit 55. » Partout l’édifice concentre le maximum d’œuvres d’art de qualité, les plus significatives sur le plan religieux et les plus soignées sur le plan artistique 56. À Amberg (Allemagne), les fresques du plafond de la chapelle, peintes par Gottfried Bernhard Goz (1708-1774), pré44
En dehors de la cl么ture
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Au cœur de la Visitation
58. Annales de Mâcon, t. III, p. 171. 59. «Qu’elle se tienne entre les Congrégations comme les violettes entre les fleurs, basse, petite, de couleur moins eclattante, et luy suffise que Dieu l’a créée pour son service et afin qu’elle donnast un peu de bonne odeur en l’Église. » Lettre MIV à Mme des Gouffiers, in Œuvres, t. XVI, p. 236. Moulins, musée de la Visitation, fig. p. 48. 60. Véron-Denise, Picaud et Foisselon, 2009, p. 92. 61. Sauf dans des circonstances exceptionnelles, comme au Mans, à Romans et à Poitiers. 62. Picaud et Foisselon, 2007, no 64, p. 68.
L’autel et son retable Dans le contexte du renouveau catholique les retables sont les plus beaux possible, abritant souvent des peintures de maître, telles une Visitation de Nicolas Mignard (16061668) à Avignon, une autre de Pierre Mignard (1612-1695) à Orléans, ou encore celle de Michel Corneille le Vieux (1603-1664) à Blois. Celui de Varsovie présente une Visitation d’un auteur resté anonyme. Le retable et le tabernacle de l’autel, don de la reine MarieLouise de Gonzague en 1660, est en ébène
1820, sous le gouvernement de la Mère Françoise-Michel Combat, «Madame de Certine nous donna pour l’église une peinture de prix, représentant Saint Jérôme 58 » peint par le maître de Vries [71]. À Moulins, en 1941, à l’occasion du troisième centenaire de la mort de Jeanne de Chantal, un bienfaiteur commande au maître ferronnier moulinois M. Pouënat, dont la maison œuvre dans le monde entier, une table de communion en fer forgé, ornée de marguerites et des armes de l’ordre.
46
En dehors de la clôture
orné de plaques d’argent d’Augsbourg – les archives du monastère en conservent encore aujourd’hui le projet. Ces retables nécessitent également la présence de luminaires et d’objets qui favorisent et développent la piété des fidèles dans le sillage de la ContreRéforme. Ils brillent de mille feux, ornés de bustes de vermeil, de vases et de canons d’autel d’argent, comme ceux de Gênes de 1778 [39]. Pendant des siècles on surcharge l’ornementation : les candélabres, les chandeliers et les vases, plus ou moins précieux, sont très nombreux sur les gradins de l’autel. La symbolique de certains vases a du sens pour les visitandines. Ainsi, à Paray-leMonial, les sœurs conservent depuis le début du XXe siècle un vase en pâte de verre pour la seule raison que son décor fait de violettes leur rappelle les paroles de leur fondateur, sans même se soucier de la signature Daum, pourtant visible 59. Mais l’importance et la splendeur des retables de marbre, de stuc, de bois doré… ne sauraient faire oublier les autels, cœurs des célébrations, foyers vers lesquels convergent les esprits et les regards. La plupart des autels consistent en un appareillage de pierres, et les parements qui les entourent sont l’objet de soins tout particuliers de la part des religieuses 60. Si ces parements sont peu à peu abandonnés en France après le XVIIIe siècle 61, ils restent très présents dans les monastères de Suisse, d’Autriche et d’Italie, comme celui confectionné à Gênes au début du XXe siècle, où un magnifique décor floral entoure les cœurs de Jésus et de Marie [26]. Dans le même temps, le grand respect dévolu à l’Eucharistie et la volonté de sublimer son culte conduisent à l’érection de baldaquins – expositions eucharistiques qui abritent « un soleil » lors de l’exposition du saint sacrement. Plusieurs sont des œuvres uniques comme celui du Mans 62 ou celui de Lourdes offert en 1953 par la vicomtesse de Cacqueray-Valolive [55]. En 2003, à Sorgues, à l’occasion du centenaire de sœur Rose-Joseph Tabardel, ancienne supérieure, la communauté lance
vv Saint Jérôme [71]
…… 47
hh Tabernacle de la chapelle de Varsovie (Pologne), vers 1660 2005
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h Projet du tabernacle de la chapelle de Varsovie (Pologne), 1660 Visitation de Varsovie
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Au cœur de la Visitation
copier des œuvres détruites ou saisies. La Circulaire du Premier monastère de Marseille de 1828, relate la pétition adressée par les visitandines au marquis de Montgrand, maire de la ville. Grâce à sa générosité, on a pu faire copier, pour le retable, le tableau représentant la Visitation de Puget « placé au muséum de cette ville après la dévastation ». En 1838, à Caen, elles récupèrent les quatre colonnes de marbre noir du retable de leur ancienne chapelle. « Nous étions loin de songer en commençant cette église au grand bienfait que nous ménagerait la Providence. Nous y pensions si peu que les dimensions de notre autel étaient prises lorsque nous apprîmes que la ville, qui est en possession de notre ancien monastère, allait donner une destination à notre ancienne église et détruire entièrement l’autel […]. On nous avertit que la ville témoignait beaucoup de regret de voir laisser échapper ces admirables colonnes, qui étaient convoitées pour orner une salle de spectacle qu’on était en train de construire […]. On se hâta : un traîneau fut construit en quelques heures. Nos chères voisines, les respectables religieuses du Bon Sauveur, nous donnèrent dans cette occasion, de nouvelles preuves de bonté […]. Sachant qu’il fallait se hâter, elles nous envoyèrent sans délai un de leurs domestiques et deux forts chevaux… 63. » Et toujours à Caen, en 1901, avec la même volonté d’enrichir et de suivre les modes, on érige un nouveau maître-autel en marbre blanc et bronze doré offert en exvoto au Sacré-Cœur par une bienfaitrice anonyme. Cet autel, sorti des ateliers de M. Jacquier, sculpteur à Caen, est complété d’un tabernacle d’onyx vert et marbre blanc tout en préservant les précieuses colonnes du retable. La réforme liturgique élaborée par le concile Vatican II apporte des modifications dans nombre de chapelles. Une des conséquences de ces changements voit l’installation d’un autel pour la célébration de la messe face au peuple. En 1977, celui de Dietramszell (Allemagne) est réalisé en union avec le décor
k Ateliers Daum, Vase aux violettes, début du XXe siècle ? Pâte de verre Moulins, musée de la Visitation
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63. Annales de Caen de 1838, p. 62.
une souscription auprès des monastères et des amis de la communauté en vue de la commande d’un ostensoir au maître Roland Daraspe [58]. Parfois l’ostensoir est placé devant une étoffe précieuse ; le monastère de Vienne (Autriche) conserve plusieurs « panneaux d’exposition » aux différentes couleurs liturgiques s’encastrant dans un cadre prévu à cet effet [3 à 5]. Après les périodes fastes vient le temps de la persécution et de la misère. Pendant et après les bouleversements de la Révolution française, l’Europe voit la réinstallation de visitandines démunies financièrement et bien souvent presque sans patrimoine artistique. Nostalgiques ou attachées aux souvenirs, les visitandines, grâce aux bienfaiteurs, font 48
En dehors de la clôture
v Ostensoir de Notre-Dame de Lourdes [55]
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Au cœur de la Visitation
j La chapelle de la Visitation de Dietramzell (Allemagne) après son réaménagement liturgique en 1977, XVIIIe siècle 2010
portent chacune un médaillon avec les portraits, peints sur vélin et placés sous des verres églomisés, de saint François de Sales et de saint Augustin. Ils furent réalisés en 1758 à l’occasion de la remise en état de l’autel de saint François de Sales sous les auspices du prieur Franz Georg Sury (17351765) [79]. Des châsses sont également commandées pour abriter les corps saints, car en posséder un est chose rare et précieuse. Aussi, les visitandines du Premier monastère de Rouen se réjouissent en recevant celui de sainte Claire, martyre romaine. Ce présent, effectué le 28 mai 1698, fut envoyé par Gaspard, évêque de Sabine, cardinal du titre de Carpi, à la reine Marie-Béatrice de Modène (1658-1718), épouse de Jacques II d’Angleterre, qui le destina à ce couvent. Au XVIIIe siècle, Moulins, grâce à la Mère de Montmorency, détient sept corps saints, pla-
du retable et la présence de reliquaires d’argent. En plusieurs pays, les aménagements du mobilier cultuel tendent vers une grande simplicité et un extrême dépouillement.
Reliques et dévotion Le culte des saints requiert la création de reliquaires, souvent au nombre de quatre, placés sur les gradins de l’autel, entre les multiples chandeliers formant « la parure de l’autel». Ceux du maître-autel d’Arona (Italie), dans le goût de ceux d’Augsbourg, sont en poirier noirci ; ils sont ornés de motifs d’argent du XIXe siècle, et d’une hauteur de 70 centimètres [89]. Les chapelles latérales ne sont pas en reste, comme le montre la paire de reliquaires destinée à orner chacun des deux autels latéraux de Soleure. En effet, ces œuvres rocailles de bois doré, du XVIIIe siècle, de plus d’un mètre de hauteur, 50
En dehors de la clôture
v Reliquaire de saint François de Sales [79]
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Au cœur de la Visitation
kk Vitrine à reliquaires, vers 1757-1760 Meuble chinoisant en bois polychrome, avec miroir, corne verte, ivoire, verres gravés, écaille de tortue Chapelle de l’ancienne Visitation de Moulins l Chasse de saint Ours, XVIIe siècle Bois peint, cuivre, argent Moulins, musée de la Visitation
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cés dans une chapelle de l’église, ce qui est tout à fait exceptionnel. Parmi eux la châsse de saint Ours fut offerte lorsque « le cardinal des Ursins vint à Moulins [vers 1665]. Il entra pour converser [avec sa tante] et lui remettre de riches objets de dévotion. Parmi ces insignes présents on distinguait une châsse d’un travail remarquable qui renfermait le corps de saint Ursin, martyr 64 ». Toutefois, si l’on peut aisément exposer des châsses, il est plus difficile de présenter de façon permanente des monstrances. La Circulaire de Moulins de 1760 rend hommage à la générosité du maréchal de Belle-Isle (1684-1761), frère de la supérieure, qui lui a envoyé une vitrine afin de placer des reliques. Celle-ci est appelée « Tabernacle, qu’elle a fait placer dans notre Église à la Chapelle dédiée à notre saint Fondateur, nous croyons, nos très chères sœurs, vous faire plaisir en vous donnant une idée, quoique bien faible, de la beauté de ce chef d’œuvre ; c’est un ouvrage d’Allemagne tout en glace de Venise, soutenu par des colonnes torses de jaspe, de corail et de coco, leur pieds d’esteaux sont des bustes travaillés en nacre de perles, et
sang de dragon sur l’écaille et l’ivoire, les chapiteaux desdites colonnes sont en argent selon tous les ordres de l’Architecture, d’une délicatesse et d’un goût exquis, les deux portes du tabernacle garnies en figures et plaques d’argent, ainsi que toutes les bordures dont une partie est en or… 65 ». L’église est quelquefois le siège d’une confrérie. Au Second monastère de Marseille, à la fin du XVIIe siècle, les Annales relatent les circonstances de l’érection de celle établie par « Messire de Foresta Colongue, chanoine de la Major, puis évêque d’Apt pour la dévotion de l’intérieur de la Très Sainte Vierge. Il y fit faire l’autel à ses dépens, il fit peindre un tableau de peinture fine avec le cadre doré qui représente la Très Sainte Vierge avec le St Esprit sur sa poitrine. On a établi une confrérie pour honorer ce très sacré intérieur. Les Souverains Pontifes ont accordé de grandes indulgences aux Confrères… 66 ». Le monastère de Pignerol (Italie) a ainsi abrité une confrérie intitulée Association de saint François de Sales dont un « tableau à layette 67 » de bois doré mentionne l’identité des confrères.
64. Mémoires sur la vie de Marie-Félice des Ursins par Mgr Paul Fliche, Poitiers chez H. Oudin en 1877, t. II, p. 331. 65. Déposé, en attente d’être réinstallé par les Monuments historiques. 66. Première Partie de nos annales depuis notre rétablissement en 1652 jusqu’en 1826, recueil historique du Second monastère de Marseille, p. 88. Manuscrit conservé à la Visitation de Tarascon. Œuvre déposée au musée de la Visitation. 67. Moulins, musée de la Visitation.
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En dehors de la cl么ture
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Au cœur de la Visitation
l Chasuble [9]
Cérémonies liturgiques À l’occasion de grands événements, les fidèles se pressent dans l’église des monastères. À Orléans, en 1764 : « Nous avons eu un service qu’on a fait dans notre église pour M. Ramot [Rameau], un des plus habiles musiciens […] 600 billets pour entrer […] si ce monsieur est au ciel, il y est entré au son des instruments de musique 68. » Le plus souvent, c’est pour assister au déroulement de fastueuses liturgies. Lors des offices pontificaux, le sanctuaire est empli d’un nombreux clergé paré accompagnant le prélat présidant. Les rubriques du rituel sont scrupuleusement suivies et l’assistance s’émerveille de voir le célébrant et ses assistants évoluer dans le sanctuaire revêtu des plus beaux vêtements. Par ses étoffes précieuses, le « pontifical de Modène », du XVIIIe siècle, avec ses accessoires en brocart, témoigne du faste de ces cérémonies [9]. La mitre précieuse, mitra preciosa 69, ainsi appelée parce qu’elle est enrichie de pierres précieuses et de broderies d’or ou d’argent, fait reconnaître le pontife. Celle léguée par un cardinal archevêque de Turin à sa Visitation est typique des mitres romaines très hautes [24]. De même, sur la crédence parée des plus belles étoffes, on distingue au milieu de la plus riche orfèvrerie l’aiguière et son bassin, ce vase d’ablution réservé au prélat. C’est le plus souvent une pièce d’origine profane, comme celle de Paray-le-Monial, œuvre de Barthélemy Samson (1728-1782), orfèvre à Toulouse [34]. Pour la calotte ou les gants on utilise un plateau, celui de Bologne (Italie) était un plat de présentation en argent, probablement d’un orfèvre vénitien, Dellatorre, à la fin du XVIIe siècle [33]. Le missel est souvent placé sur un coussin ou un pupitre, tel celui de Calatayud (Espagne). Offert par sœur Anna-Maria de Aguilar († 1862) en 1860, il a une reliure en velours rouge ornée de p l a q u e s de vermeil [44]. Celui de Valladolid fut commandé au monastère de Valencia-Godella (Espagne) en 1960 pour commémorer le cen-
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En dehors de la clôture
tième anniversaire de sa fondation. En cuir repoussé, il présente la scène de l’apparition du Sacré-Cœur à Marguerite-Marie Alacoque et un portrait de Jeanne de Chantal [57]. Toutefois, les célébrations les plus notables sont liées aux cérémonies grandioses des béatifications et des canonisations des fondateurs de l’ordre et de Marguerite-Marie Alacoque 70. À ces occasions se multiplièrent les constructions, les aménagements, les restaurations, et surtout la mise en place de retables, nommés « appareil » ou « machine ». Pour l’installation de décors éphémères, on fait quelquefois appel à des spécialistes, comme le Père Ménestrier (1631-1705) pour Annecy ou Grenoble. Les commandes artistiques sont nombreuses: en ces circonstances il faut peindre les apothéoses et les portraits des nouveaux élus ; certains tableaux sont l’œuvre d’artistes célèbres. Ainsi, à l’occasion
de la béatification de Jeanne de Chantal, le Premier monastère de Lyon sollicite le Second monastère de Paris afin de veiller à la commande d’une peinture : « Notre Bienheureuse Mère y est représentée dans un groupe de nuées d’où elle s’élève vers la gloire, où notre saint Fondateur l’invite de monter. La gloire et les Anges qui ornent ce Tableau, sont (au gout des connoiseurs) un morceau impayable. Ce Tableau est du pinceau de Monsieur Restout, en réputation à Paris 71. » Cependant le plus souvent, par manque de moyens, les visitandines produisent ellesmêmes les œuvres. On ne sait trop que penser de la nature de l’ouvrage réalisé par sœur Louise-Gasparde de Saint-Paul morte vers 1695 au Second monastère de Lyon, mais les souffrances physiques endurées pour achever son travail doivent être saluées: «Comme elle savoit fort bien dessiner, [la supérieure]
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x Aiguière et bassin rocaille [34]
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68. Circulaire du 15 janvier 1765, p. 5. 69. Berthod et Hardouin-Fugier, 1996, p. 334. 70. Picaud et Foisselon, 2008. 71. Circulaire du 30 août 1752, p. 5.
Au cœur de la Visitation
72. Coustumier et Directoire…, 1637, p. 138. 73. La richesse des matériaux apparaît rarement lors de la fondation des monastères, sauf lorsqu’il s’agit de commandes. 74. Une inscription sous le pied rappelle les donateurs. 75. L’ouverture du châssis et des rideaux est précisée dans le Coutumier. 76. Devis, p. 7. 77. Coustumier et Directoire…, 1637, p. 97. 78. Abrégé de sa vie.
deur, telle que les pavillons ne soient que de cinq quartiers, ou pour le plus d’une aulne et demie de hauteur ». Ses matériaux sont des plus précieux : ils peuvent être en marbre, mais aussi en argent comme ceux de nombreux monastères d’Espagne ou, comme celui de Milan, en argent et vermeil 73 [36]. Pour les grandes fêtes, le plus précieux ciboire est mis en service, ainsi celui offert en 1933 à Chambéry. Suivant la tradition, les donateurs ne se sont pas contentés de passer commande à un orfèvre –ici la maison Favier à Paris 74 –, ils ont aussi offert les bijoux, afin de rehausser l’œuvre sacrée [54]. À l’occasion du jeudi saint on aménage sur un autel latéral de la chapelle un reposoir spécialement décoré, dénommé dans le Directoire de la sacristaine « Paradis ou Sépulcre ». Le tabernacle utilisé
luy ordonna de peindre une tapisserie pour l’église, ce qu’elle fit admirablement bien mais, comme elle n’avoit pas de tables ny des aix assez propres pour son dessein, elle fut obligée d’étendre sur les carreaux ces longues pièces de tapisseries et demeura huit mois entiers couchée sur ses genoux pour achever un aussi grand travail comme celuylà. » De plus, le Coutumier précise la « qualité » du mobilier : « Quant à l’Église, où la Constitution dit, que les meubles pourront estres riches et précieux, il faut peser ces paroles […] il faut donc les procurer sainctement, par le seul désir que nous devons avoir d’Honorer nostre Seigneur en l’ornement de ses autels 72. » Certaines prescriptions reflètent le souci du détail, ainsi «le tabernacle doit estre de gran56
En dehors de la clôture
en cette occasion jusqu’en 1990 à Valladolid est particulièrement précieux. « L’urne » de bois doré ornée de riches et anciens motifs de filigranes d’argent, d’agates fut offerte par le Premier monastère de Madrid en 1860 lors de la fondation de la maison [43]. Des fresques aux retables, des parements aux statues, des ostensoirs au calices, toutes ces œuvres sont offertes et dédiées à Dieu. Seul le clergé et les fidèles peuvent les admirer, car de tout cela les visitandines ne verront rien ou pas grand-chose 75. En effet, elles ne sont pas présentes dans l’église. Un mur sépare la chapelle du chœur des sœurs, dans lequel est percée une grande baie fermée par une grille et permettant « une communication toute relative ». Car « derrière la grille il y aura du costé des Sœurs un balustre de petits pilliers de bois tourné tout ronds sans façon tous d’une mesme mesure avec des petites barres de bois qui traverseront le long de la grille, […] contre le balustre de bois il y aura un rideau d’estamine qui sera pendu à une verge de fer pour empêcher que les Sœurs ne soient veues oyant la Messe ; il y aura encore un grand chassis brisé qui s’ouvrira en 2 parts, et sera couvert de toille noire, pour couvrir la grille 76 ». Ce dispositif apparaît sur une photographie lors d’une profession, au Mans, en 1955 (fig. p. 87).
Chaire et prédication Si les visitandines ne voient pas, elles écoutent avec attention les prédications données en la chapelle, car, suivant le Coutumier, « les Sœurs porteront un grand respect à la parole de Dieu, de quelle part qu’elle leur soit annoncée 77 ». À l’occasion de diverses solennités, et en particulier pour les cérémonies de prise d’habit de novices issues de grande famille, les chapelles accueillent des orateurs sacrés renommés, comme le R. P. Boileau de la Compagnie de Jésus à Besançon en 1731. Les sources évoquent rarement la chaire du prédicateur. Mais on apprend qu’au Second monastère de Lyon, sœur Catherine-Lucrèce Puget († 1704) « a peint notre chaire de pré-
dicateur qui est un ouvrage très estimé, en effet son génie étoit des plus beaux pour les ouvrages 78 ». À Varsovie, en 1759-1760, la chaire est l’œuvre d’un grand artiste, Johann Georg Plersch (1704-1774). Elle représente une proue de navire, symbole de la place de l’enseignement de Jésus-Christ, mais aussi de l’Église, « Navis Ecclesiæ », qui transmet la parole de Dieu ; l’ancre symbolise la foi, l’aigle l’invincibilité de l’Église. Par mesure d’économie, au Puy-en-Velay, au début du XIXe siècle, on utilise des panneaux déposés, sculptés au XVIIe siècle par Vanneau (165357
bb Grille de clôture du chœur de la Visitation de Pignerol (Italie), XVIIIe siècle 2009 h Le Repas chez Simon [76]
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Au cœur de la Visitation
k Sacristie du clergé, Visitation de Soleure (Suisse), XVIIIe siècle 2010 kk Tour (fin du XIXe siècle), utilisé pour les échanges entre la sacristie intérieure (clôture) et celle du clergé, Visitation de Moulins, 2009
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En dehors de la clôture
1694) [76].
La sacristie des prêtres Digne et simple, elle renferme « un Autel d’environ cinq pieds avec deux escaliers, une table, une chaire, un agenouilloir 79 ». Le mobilier est souvent « fait maison », comme au Premier monastère de Marseille : « Nos chères sœurs sacristaines ont fait un Autel de bois peint en marbre pour la Sacristie des Prestres 80. » Le vendredi saint, le tabernacle reçoit le Saint Sacrement transféré du reposoir dans l’attente de Pâques. Des tableaux et un bénitier sont accrochés au mur. Le Devis demande que « dans l’autre mur qui donne sur la basse-court marquée se prendra la piscine dans une petite niche proprement taillée, […] auprès de cette piscine sera faite une autre niche pour poser une fontaine d’estain pour laver les mains des Prestres, dont la pierre qui recevra l’eau aura son conduit dans la court, rue ou jardin, afin que cette eau ne se mesle point avec celle de la piscine 81 ». Parmi le peu d’objets conservés dans la sacristie, signalons les ciseaux à mouchettes pour couper les mèches des cierges, ou les boîtes à hosties. Celles-ci sont en divers matériaux, en bois vernis aux armes de l’ordre à Amiens ou en cuivre et émaux cloisonnés à Moulins, recouvertes d’étoffes brodées à Bologne (Italie), ou bien encore en paille et décorées de marqueteries dans beaucoup de monastères. À Orthez, les visitandines mettent en service pour les hosties plusieurs boîtes de porcelaine de Sèvres, sans se formaliser le moins du monde de leur provenance. Offertes au monastère par la comtesse de Marle, elles furent à l’usage de Louis-Philippe, roi des Français, au palais des Tuileries [41]. Posé près du tabernacle, puis rangé dans un meuble, le « vase d’ablution » permet au prêtre de se purifier les doigts. Cet objet, appelé improprement «piscine», ou, plus justement, «purificatoire », peut être en porcelaine ou en cristal, mais il est le plus souvent en argent [35]. C’est dans la sacristie que les membres du clergé et les clercs se préparent pour revêtir
les ornements préparés par le sacristain 82. Un tour permet de transférer ces vêtements liturgiques de l’intérieur en ce lieu extérieur à la clôture 83. Le Devis précise : « De l’autre costé du Tour dans le mesme mur se posera un tiroir de 5 pieds de large sur 3 de long et 4 à 5 poulces de profondeur, dans lequel on passera les chasubles, ce tiroir poussé au dehors fermera tout le vuide par une serrure, 59
79. Coustumier et Directoire…, 1637, p. 150. 80. Circulaire de Marseille du 19 juillet 1749, p. 7. 81. Devis, p. 5. 82. Le sacristain est rémunéré. Au XXe siècle les sœurs tourières le remplacent par mesure d’économie. 83. Véron-Denise, Picaud et Foisselon, 2009, au chapitre « L’utilisation des ornements ».
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l Chasuble de Mgr de Castro [25]
et repoussé au dedans doit demeurer accrocher et fermé pour la closture ; l’on peut si l’on veut le couvrir en forme de coffre ou layette pour estre plus propre 84. » Une petite grille est placée « à my-mur pour parler aux Ecclésiastiques quand il est besoin », et permet à la sœur sacristine de veiller à ce que soit observée la dignité requise : « Qu’elle advertisse le Clerc [le servant] de tout ce qu’il aura à faire, comme de ne point servir tant qu’il se pourra sans avoir sa robe, et son surplis 85.» Le «roole de la sacristie» de Nantes en 1639 porte un détail sur ces enfants concernant le cadeau d’«un habit pour un petit clerc et l’avoir récompensé, 9 livres 12 sols », et précise que la robe est de couleur violette. À Valladolid (Espagne), le jeune Manuel de Castro (1864-1944) sert la messe de la communauté, avant de devenir prêtre, puis évêque de Jaca en 1913, puis de Ségovie en 1920, et enfin archevêque de Burgos en 1928. Il n’oubliera jamais sa chère Visitation et lui léguera la chasuble aux Apôtres [25]. Le rôle du sacristain 86 est important, et les Lettres circulaires lui rendent parfois hommage. Au Premier monastère de Rouen en 1768: «Par les attentions d’un sacristain vigilant et entendu qui, depuis seize ans, dessert notre Sacristie avec une bienveillance et une piété édifiante, chacun de ces Messieurs parut content 87. » À Caen, à la Révolution, le patrimoine de la sacristie fut sauvé par l’action courageuse du sacristain. Une des plus attachantes personnalités est certainement celle de Louis Saint-Valerain, sacristain de Moulins décédé en 1761 : il tint en effet l’un des premiers le rôle de « guide conférencier du Patrimoine », car tout en remplissant admirablement ses fonctions « il avoit des collections exactes qui pourraient en cas de besoin, servir de Mémoires pour écrire les Chroniques de l’Institut, nous conservons avec soin, ceux qu’il avoit fait sur la vie et les bienfaits de Monsieur et Madame de Montmorency, et par là, il s’étoit mis en état de l’apprendre aux personnes qui venoit admirer le magnifique mausolée 88 »
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84. Devis, p. 4. 85. Coustumier et Directoire…, 1637, p. 149. 86. Véron-Denise, Picaud et Foisselon 2009, au chapitre « L’utilisation des ornements ». 87. Ibid., p. 8. 88. Circulaire de 1761.
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Le confessionnal
(fig. p. 191).
Il est situé près de la sacristie et, suivant la
description du Devis, « tant du costé du prestre, que des sœurs, lequel sera vouté de mesme façon que les sacristies : on prendra garde que le Confessionnal du costé du Prestre, ne 61
c Chasuble verte « Art déco » [20]
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89. Devis, p. 7. 90. La pratique de l’accueil s’est libéralisée. 91. Coustumier et Directoire…, 1637, p. 88. 92. Circulaire du 23 février 1760, p. 3.
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l Porterie de la Visitation de Pignerol (Italie), XVIIe siècle 2009
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prenne aucun jour sur le jardin des Sœurs ». Et, toujours avec le même souci de séparation des deux mondes, « sa grille sera de mesme que les autres du Chœur, excepté qu’il n’y a point de guichet [d’ouverture], et le châssis sera maçonné dans la muraille 89 ». Au-dessus du confessionnal, la « chambre du prédicateur », accessible par un escalier, permet le séjour du prêtre prêchant les retraites ou en visite au monastère 90. Toutes les semaines, voire deux fois par semaine si les visitandines le souhaitent, « au son de la cloche pour la Confession, elles se rendront toutes si à propos au lieu assigné, qu’il ne faille point les aller chercher […]. Elles iront par ordre, commençant par les Prétendantes, puis les Novices et Professes domestiques, continuant par les autres Novices et professes, finissant par la supérieure 91 ». La présence de sages directeurs au service des religieuses vient seconder les progrès de cellesci dans la perfection. Des relations de confiance s’établissent entre le confesseur et la commu-
nauté. La Circulaire de Moulins de 1760 le rapporte : « Le sixième d’octobre l’année 1758, le Seigneur retira à lui Monsieur l’Abbé Labanche notre Confesseur; ce digne Ecclésiastique s’étoit rendu remarquable, par la gravité avec laquelle il remplissoit toutes les fonctions du saint ministère, il possédoit parfaitement toutes les qualités propres à un Confesseur de communauté, prudent, pacifique, Sçavant, retiré, en un mot d’un grand exemple, il nous a servi trente-six ans, avec beaucoup de zèle et d’assiduité 92. » Cette confiance et cette union de pensée se concrétisent par des cadeaux et des legs. En 1938, les visitandines de Milan héritent la chasuble Art déco de couleur verte de leur aumônier, puis l’offrent aux sœurs de ValenciaGodella (Espagne) alors exilées en Italie [20].
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En dehors de la clôture
La porterie et les parloirs
sieurs lieux à pieds pour les soulager, lorsqu’elle alloit à nos terres, nous faisant demander des onguents, eaux vulnéraires, dont elle pansoit, avec une bonté de mère, les pauvres membres souffrants de Jésus-Christ.» La chambre des parloirs permet les rencontres d’affaires, les rares visites de famille ou la réception de personnalités civiles ou ecclésiastiques. Les visitandines de Turin relatent dans leur Circulaire de 1837 la visite de M. Oddin, missionnaire du Missouri, et « la peinture qu’il nous fit de la Foi et de la simplicité de ces bons sauvages, nous attendrirent jusqu’aux larmes 98 ». Lors de ces rencontres les religieuses suivent l’enseignement de François de Sales : « Je dis donc qu’il ne faut rien demander ni rien refuser, mais se laisser entre les bras de la Providence divine,
C’est à la porterie que sont accueillies les personnes venues au monastère pour différents motifs, par exemple pour déposer ou venir quérir des paquets, pour être admis en visite au parloir ou introduit dans l’enceinte de la clôture 93. Après avoir sonné près d’un guichet fermé par un vantail, le visiteur a son premier contact avec un autre monde « celui de l’intérieur». La sœur portière ouvre le volet; chargée de la « communication » entre la communauté et le monde extérieur, elle demeure « à la porte où elle prie ou lit ». Ainsi, suivant les nécessités, le tour, moyen de transfert des objets d’un monde à l’autre, est mis en action. Sa description est précise : « Le grand tour pourra avoir environ trois pieds de large, et autant de haut en œuvre, il y aura un rond de bois, posé à un pied prés du dessus, et deux ou trois séparations, ou enchastrés au dessous, il tournera sur deux vis de fer et fermera avec un vanteau de bois à la clef et du costé des Tourières il fermera de même 94.» Pour une visite au parloir 95, la portière derrière son guichet sonne le nombre de coups de cloche ou de timbre prévu pour chaque sœurs (pour la sœur assistante, par exemple, deux coups, puis deux, puis un) et requiert une sœur tourière 96 afin d’introduire les visiteurs en ce lieu. Discrète et accueillante, cette dernière doit être l’expression des charismes de l’institut : « Qu’elles soyent douces, humbles et affables envers ceux qui viendront, faisant sagement les réponses pour doucement attendre les personnes, ausquels on ne peut donner satisfaction sur le champ 97. » La sœur tourière accompagne les arrivants et ouvre la porte du parloir. Les vertus de charité et de bonté des tourières sont révélées à la lecture de l’Abrégé de sœur Marie-Louise Rivière, décédée le 30 janvier 1730 à Chartres, à l’âge de soixante-dix ans : « Les pauvres malades, particulièrement ceux de la campagne, exigeoient encore plus la tendresse de son cœur, n’épargnant point de faire plu-
c Sablier de Jeanne de Chantal [96]
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93. Sont admis les médecins, les ouvriers, les dames retraitantes, mais aussi la fondatrice (personne séculière), les souverains, les cardinaux et l’évêque du lieu. 94. Coustumier et Directoire…, 1637, p. 149. 95. Les parloirs ne sont pas autorisés au temps du carême et de l’avent et pendant les retraites. Coustumier et Directoire…, 1637, p. 97. 96. Elles vivent dans « la chambre des Tourières» et, comme le précise le Coustumier et Directoire…, 1637, p. 146 : « Le logis des Sœurs Tourières sera dehors de l’enclos du Monastère, bien que tout joignant. » 97. Coustumier et Directoire…, 1637, p. 174. 98. Circulaire du 20 mars 1837, p. 6. 99. Saint François de Sales, Œuvres complètes, 1895, t. Vl-l, Les vrays entretiens spirituel, p. 384. 100. Coustumier et Directoire…, 1637, p. 97. 101. Circulaire du 4 mai 1836, p. 2. 102. Comme l’indique son authentique. 103. Petites Coutumes…, 1849, p. 143. 104. Poinçon de Paris.
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105. Œuvres de M. Gresset de l’Académie francoise, nouvelle édition, revue, corrigée, et considérablement augmentée, tome premier, À Londres, Chez Édouard Kelmarneck, 1748, p. 6. 106. Coustumier et Directoire…, 1637, p. 140. 107. Ibid., p. 140. 108. Ibid., p. 138. 109. Cité par le chanoine Bossebœuf, « Un portrait inconnu et original de saint François de Sales », in Mémoires de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie, Vl, 1928, p. 10. 110. Chanoine E. Joubert, Le Monastère de la Visitation d’Aurillac 1651-1951, Aurillac, Éditions Gerbert, 1957, p. 156.
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armes des Bocon de Lamerlière. Au siècle suivant, le monastère d’Avignon reçoit un écrin contenant des cuillères à café en vermeil aux armes de l’ordre, offert par la famille Lyonnet, bienfaitrice de la maison. Même si l’argenterie manque par pauvreté, les linges damassés et brodés, parfaitement amidonnés, et les bouquets de fleurs artistiquement disposés témoignent de la délicatesse réservée aux hôtes. D’après JeanBaptiste Louis Gresset (1709-1777), « Les petits soins, les attentions fines, / sont nés, dit-on, chez les visitandines 105 ». Le Coutumier précise que le parloir est dédié à Louis de Gonzague, emblème de discrétion et de modestie, car « tous les Offices et cellules du monastère seront dédiez à quelques
sans s’amuser à aucun désir, sinon à vouloir ce que Dieu veut de nous 99. » Et pour garder l’esprit religieux, le Coutumier rappelle : « Les sœurs s’essayeront d’estre courtes et retenues au Parloir, mesmes avec des personnes spirituelles, parce qu’aux longs entretiens, il se glisse facilement des supersluitez et oysivetez de paroles 100. » En 1836 les visitandines de Mayenne n’ont pas trop à mettre ces préceptes en pratique: «Nos parloirs sont très peu fréquentés, à notre grand contentement101. » De plus, pour limiter la durée des visites, un sablier, ou « poudrié », est retourné. Il est peut-être semblable à celui « conservé dans l’ancien monastère du Mans comme ayant servi à Sainte Jeanne de Chantal 102 » [96]. Ces entretiens se déroulent dans une salle séparée en deux parties par un mur, dans lequel est pratiquée une grande ouverture munie d’une grille de fer, doublée de volets en bois et de rideaux. Quelquefois les grilles des parloirs du premier étage sont en bois ; à Saint-Céré, la Mère Marie-Hélène Pourrat († vers 1702) fit réaliser des grilles de bois dont elle donna l’invention au menuisier ; elles étaient si bien faites et si semblables à celles en fer, que l’on s’y méprenait à les voir. Le parloir peut aussi servir de salle à manger. Les Petites Coutumes prévoient que, « quand on fait manger quelques personnes au Parloir, ce qui se fait très rarement, et pour quelque occasion et amie fort extraordinaire, elle [la sœur économe] les fait servir le plus proprement qu’il se peut, avec des linges bien blancs, faisant qu’il y ait tout ce qui est de la nécessité et suffisance 103 ». La Circulaire de Moulins de 1760 relate qu’après avoir consacré dans la chapelle deux autels qui ne l’étaient pas encore Mgr de Montazet, évêque d’Autun, «descendit dans notre Parloir où nous lui avions fait préparer à dîner, et à tous ceux qui l’accompagnoient ». Dans ces occasions on dresse la table et on sort de l’économat les pièces d’argenterie : à Nantes, la cuillère à ragoût aux armes de l’ordre de Nicolas Gonthier, orfèvre à Paris 1771-1772 104 ; à Saint-Marcellin les petites cuillères aux 65
vv Parloir extérieur, XIXe siècle Visitation de Milan (Italie) 2009 cc Album de photographies et de cartes postales, Visitation de Saint-Marcellin, début du XXe siècle Moulins, musée de la Visitation x Jeanne de Chantal en veuve, Aurillac, fin du XVIIe début du XVIIIe siècle ? Huile sur toile Moulins, musée de la Visitation
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