Au royaume d'Alexandre le Grand - la Macédoine antique (extrait)

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Cet ouvrage accompagne l’exposition

Cette exposition est organisée par

« Au royaume d’Alexandre le Grand.

le musée du Louvre,

La Macédoine antique »,

le ministère de la Culture et du Tourisme de la République Hellénique

organisée à Paris, au musée du Louvre,

et le Musée archéologique de Thessalonique – 16 e , 17 e , 18 e , 27 e , 28 e , 29 e et 30 e Éphories

du 13 octobre 2011 au 16 janvier 2012.

des antiquités préhistoriques et classiques

Cette exposition bénéficie du mécénat de la Stavros Niarchos Foundation, de Lusis, de la Fondation Total et de Château Margaux

La restitution en trois dimensions présentée dans l’exposition a été rendue possible grâce au mécénat de la Fondation du Monde Hellénique

Le catalogue a bénéficié du soutien de

LA FONDATION J.

F. COSTOPOULOS

et du concours du Groupe A G 2 R L a M o n d i a l e

Le papier du catalogue a été fourni par Arjowiggins Graphic

© Somogy éditions d’art, Paris, 2011 www.somogy.fr © musée du Louvre, Paris, 2011 www.louvre.fr

en première de couverture

et du Code de la propriété intellectuelle du 1 er juillet 1992,

Sindos, vers 520 av. J .- C .

toute reproduction partielle ou totale à usage collectif

thessalonique, musée archéologique [cat. 96]

de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger

i s b n musée du Louvre : 978-2-35031-340-5 i s b n Somogy : 978-2-7572-0476-4

En application de la loi du 11 mars 1957 [art. 41]

Casque en bronze et masque en or

en quatrième de couverture

Protomé féminine dépôt légal : octobre 2011

fin du i v e siècle av. J .- C .-début du i i i e siècle av. J .- C .

imprimé en Italie (Union européenne)

amphipolis, musée archéologique [cat. 349]

l’équilibre économique des circuits du livre.


Au royaume d’Alexandre le Grand La Macédoine antique sous la direction de Sophie Descamps-Lequime

assistée de Katerina Charatzopoulou


L’exposition

« Au royaume d’Alexandre le Grand. La Macédoine antique » est placée sous le haut patronage de

Monsieur Nicolas Sarkozy

Monsieur Karolos Papoulias

Président de la République Française

Président de la République Hellénique


comité d’honneur

comité scientifique

comité d’organisation

Pavlos Yeroulanos

Lillian Acheilara

Direction des Musées, des Expositions

ministre de la Culture et du Tourisme

directrice de la 16e Éphorie des antiquités

et des Programmes éducatifs

de la République hellénique

préhistoriques et classiques, Thessalonique

au ministère de la Culture et du Tourisme de la République hellénique

Lina Mendoni

Polyxéni Adam-Véléni

secrétaire générale du ministère de la Culture

directrice du Musée archéologique

et du Tourisme de la République hellénique

de Thessalonique

Maria Lagogianni directrice

Charikleia Lanara archéologue

Maria Andréadaki-Vlazaki

Géorgia Karamitrou-Mentésidi

directrice générale des Antiquités

directrice de la 30e Éphorie des antiquités

et du Patrimoine culturel

préhistoriques et classiques, Aiané

du ministère de la Culture et du Tourisme de la République hellénique

Alexandra Alévizou archéologue

Musée archéologique de Thessalonique

Katerina Péristéri

Katerina Tzanavari

directrice de la 28e Éphorie des antiquités

conservateur de la collection

préhistoriques et classiques, Serrès

des Marbres et des Arts mineurs

Despina Ignatiadou Eftychia Poulaki-Pandermali directrice de la 27e Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques, Katérini

conservateur de la collection des Bronzes

Angéliki Koukouvou archéologue

Anastasia Dimoula Kostantinos Souéref directeur de la 12e Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques, Ioannina

archéologue

Androniki Kapizioni restauratrice, responsable du service de Restauration

Suzanna Choulia-Kapéloni musée de la Civilisation byzantine, Thessalonique

Sophia Athanasiadou restauratrice

Vasiliki Michalopoulou restauratrice

Maria Lilimpaki-Akamati éphore honoraire des Antiquités

16 e Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques

Zisis Bonias éphore honoraire des Antiquités

Christina Moustantami archéologue

Dimitris Karolidis Maria Pantou éphore honoraire des Antiquités

restaurateur


17 e Éphorie des antiquités préhistoriques

28 e Éphorie des antiquités préhistoriques

commissaires de l’exposition

et classiques

et classiques

Lillian Acheilara

Angéliki Kottaridi

Katerina Péristéri

directrice

directrice

directrice de la 16e Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques, Thessalonique

Anastasia Chrysostomou conservateur,

29 e Éphorie des antiquités préhistoriques

responsable des sites archéologiques

et classiques

directrice du Musée archéologique

Pavlos Chrysostomou

de Thessalonique

Anastasia Géorgiadou archéologue

directeur

Ioannis Graekos archéologue

Nektarios Poulakakis archéologue

Panagiotis Kamatakis

Sophie Descamps-Lequime 30 Éphorie des antiquités préhistoriques

conservateur en chef du Patrimoine,

et classiques

département des Antiquités grecques,

Marina Lykiardopoulou

étrusques et romaines, musée du Louvre, Paris

e

restauratrice

restaurateur

Anna Tsakmada restauratrice

Évangélos Chrysostomou restaurateur

Polyxéni Adam-Véléni

Maria Lilimpaki-Akamati ateliers

éphore honoraire des Antiquités

Stélios Karampikas , chef technicien, Musée archéologique

assistées de

de Thessalonique

Katerina Charatzopoulou chargée d’exposition au département

18 e Éphorie des antiquités préhistoriques

Christos Pliakos ,

et classiques

chef technicien, Musée archéologique

Maria Nikolaïdou-Patéra

de Thessalonique

directrice suppléante

des Antiquités grecques, étrusques et romaines, musée du Louvre, Paris

Eurydice Kéfalidou conservateur de la collection des

27 e Éphorie des antiquités préhistoriques

Céramiques, des Peintures et des Mosaïques,

et classiques

Musée archéologique de Thessalonique

Évangélia Tsangaraki archéologue

Ludovic Laugier

Sophia Koulidou

ingénieur d’études au département

archéologue

des Antiquités grecques, étrusques

Maria Papathanasiou

et romaines, musée du Louvre, Paris

restauratrice

Évangélia Stéfani conservateur, responsable du service de la Muséographie et des Expositions, Musée archéologique de Thessalonique


Musée du Louvre Henri Loyrette président-directeur

exposition

édition

muséographie et scénographie

Musée du Louvre

Somogy éditions d’art

Birgitte Fryland

direction de

Nicolas Neumann

scénographe

Hervé Barbaret administrateur général

Marc Barani architecte

la Production culturelle

responsable éditorial

Violaine Bouvet-Lanselle chef du service des Éditions

Tiffanie De Gregori o puis

Claudia Ferrazzi administratrice générale adjointe

direction de la Production culturelle

Soraya Karkache chef du service des Expositions

Jean-Luc Martinez directeur du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines

Martin Kiefer coordinateur de l’exposition

Pascal Périnel régisseur

Catherine Dupont coordination et suivi éditorial

Chrystel Martin collecte de l’iconographie,

Muséographie et Technique

la Production culturelle

Sophie Lemonnier directrice

Michel Antonpietri directeur adjoint

Clio Karageorghis chef du service Architecture, Muséographie et Signalétique

Marcel Perrin

suivi éditorial

Michel Brousset

documentaires

Béatrice Bourgerie

avec

direction Architecture,

directrice de

Nathalie Daramat

service Images et Ressources

Katerina Charatzopoulou Juliette Armand

Laurence Verrand assistées de

Fabrice Douar index

Julie Dalle Ave fabrication

Marion Lacroix Renaud Bezombes Colette Malandain ainsi que

Stéphanie Méséguer Anne-Claire Juramie Jeanne Cheynel contribution éditoriale

Tauros / Ibach graphisme et mise en pages

graphisme

Carol Manzano Stéphanie de Vomécourt coordination, service Architecture, Muséographie et Signalétique

Hervé Jarousseau chef du service des Travaux muséographiques

Xavier Guillot Philippe Leclercq coordination, service des Travaux muséographiques

traduction du grec

Emmanuelle Benchimol Catherine Bouras Katerina Charatzopoulou Despina Chatzivasiliou Sophie Goldet Elena Karatsori Danaé Otatzi Ioanna Rapti Françoise Turquéty Claire Vajou

Sébastien Née chef de l’atelier éclairage, service Électricité, Éclairage

traduction de l’anglais

Jean-François Allain


prêteurs des œuvres exposées au musée du louvre Que toutes les personnes et les institutions qui, par leurs prêts généreux, ont permis la réalisation de cette exposition trouvent ici l’expression de notre gratitude

Grèce Thessalonique, Musée archéologique 16 e Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques, Thessalonique 17 e Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques, Édessa 18 e Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques, Kavala 27 e Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques, Katérini 28 e Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques, Serrès 29 e Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques, Florina 30 e Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques, Aiané

France Beaune, musée du Vin de Bourgogne Bordeaux, musée d’Aquitaine Paris, bibliothèque de l’Institut de France Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Monnaies, Médailles et Antiques Paris, bibliothèques et archives des musées nationaux Paris, musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines


auteurs

L i l l i a n A c h e i l a r a [L A] d i r e c t r i c e d e l a 1 6 e E P K A *, T h e s s a l o n i q u e Polyxéni Adam-Véléni

Panagiotis Faklaris professeur associé à l’université Aristote de Thessalonique, département d’Histoire et d’Archéologie

[P A-V]

directrice du Musée archéologique de Thessalonique

Styliana Galiniki

[S G]

archéologue, Musée archéologique de Thessalonique

Ioannis Akamatis

[I A]

professeur à l’université Aristote de Thessalonique, département d’Histoire et d’Archéologie

Dimitra Aktséli

Christos Gatzolis

[Ch G]

conservateur, Relations publiques et Programmes éducatifs, Musée archéologique de Thessalonique

[D A]

archéologue, 16e E P K A , Thessalonique

Viktoria Allamani-Souri

A n a s t a s i a G é o r g i a d o u [A Géo] archéologue, 17e E P K A , Édessa

[V A-S]

conservateur, Archives et Documentation, 16e E P K A , Thessalonique

Électre Anagnostopoulou-Chatzipolychroni archéologue, 16e E P K A , Thessalonique

[É A-C]

Achilles Gérasimidis professeur associé à l’université Aristote de Thessalonique, département des Forêts et de l’Environnement naturel

Alexandra Goulaki-Voutira Maria Apostolou

[M A]

e

archéologue, 16 E P K A , Thessalonique

professeur, directrice de la Fondation Tellogleion pour les arts, université Aristote de Thessalonique

S o p h i a A s o u c h i d o u [S As] archéologue, 16e E P K A , Thessalonique

Ioannis Graekos

Manthos Bésios

Anne-Marie Guimier-Sorbets

[M B]

archéologue, 27e E P K A , Katérini

Marie-Françoise Billot

[I G]

archéologue, 17e E P K A , Véria

professeur à l’université Paris-Ouest – Nanterre-La Défense, maison René-Ginouvès, Archéologie et Ethnologie, C N R S U M R 7041

[M-F B]

directrice de recherche, C N R S, Institut de recherches sur l’architecture antique, Paris

A r t é m i s i a B i l o u k a [A B] archéologue, 16e E P K A , Thessalonique Francine Blondé chargée de recherche, C N R S U M R 8164, université de Lille I I I, H A L M A - I P E L

Marianne Hamiaux

[M H]

ingénieur d’études au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre, Paris

Miltiade Hatzopoulos professeur, directeur honoraire du Centre de recherche de l’Antiquité grecque et romaine de la Fondation nationale de la recherche scientifique (I E R A), Athènes

Dominique Hollard Zisis Bonias

[Z B]

éphore honoraire des Antiquités

Cédric Brélaz

[D H]

conservateur à la Bibliothèque nationale de France, département des Monnaies, Médailles et Antiques

Despina Ignatiadou

maître de conférences à l’université de Strasbourg

[D I]

conservateur de la collection des Bronzes au Musée archéologique de Thessalonique

Pierre Briant professeur au Collège de France, chaire « histoire et civilisation du monde achéménide et de l’empire d’Alexandre »

Delphine Burlot

[V J]

conservateur en chef au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre, Paris

[K C]

archéologue, Musée archéologique de Thessalonique

Anastasia Chrysostomou

professeur d’histoire grecque à l’université de Strasbourg

Violaine Jeammet

[D B]

pensionnaire, Institut national d’histoire de l’art, Paris

Kalliopi Chatzinikolaou

Anne Jacquemin

Géorgia Karamitrou-Mentésidi directrice de la 30e E P K A , Aiané

[G K-M]

[A Chr]

conservateur, responsable des sites archéologiques, 17e E P K A , Édessa

P a v l o s C h r y s o s t o m o u [P Chr] directeur de la 29e E P K A , Florina

Eurydice Kéfalidou

[E K]

conservateur de la collection des Céramiques, des Peintures et des Mosaïques, Musée archéologique de Thessalonique

Kostas Kotsakis Pierre Chuvin professeur de grec ancien à l’université Paris-Ouest – Nanterre-La Défense

Yvan Coquinot

professeur à l’université Aristote de Thessalonique, département d’Histoire et d’Archéologie

Angéliki Kottaridi

[Y C]

ingénieur de recherche, Centre de recherche et de restauration des musées de France

[A Ko]

directrice de la 17e E P K A , Édessa

Chaïdo Koukouli-Chrysanthaki Sophie Descamps-Lequime

[S D-L]

conservateur en chef du Patrimoine, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre, Paris

éphore honoraire des Antiquités

Angéliki Koukouvou

[A Kou]

archéologue, Musée archéologique de Thessalonique

Stella Drougou

[S D]

professeur à l’université Aristote de Thessalonique, département d’Histoire et d’Archéologie

Frédérique Duyrat

[F D]

conservateur à la Bibliothèque nationale de France, département des Monnaies, Médailles et Antiques

Sophia Koulidou

[S K]

archéologue, 27e E P K A , Katérini

Konstantia Kousoulakou

[K Kou]

archéologue, Institut archéologique d’études macédoniennes et thraces, Thessalonique


Athanasia Kyriakou

[A Ky]

archéologue, université Aristote de Thessalonique

Ludovic Laugier

Barbara Schmidt-Douna

[L L]

ingénieur d’études au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre, Paris

Maria Lilimpaki-Akamati

[M S]

professeur d’histoire grecque à l’université de Metz

Athanasios Sidéris

[É Ma]

professeur assistant à l’université Aristote de Thessalonique, département d’Histoire et d’Archéologie

Éléonore Melliou

professeur à l’université Aristote de Thessalonique, département d’Histoire et d’Archéologie

Michel Sève

[M L-A]

éphore honoraire des Antiquités

Éléni Manakidou

T h o m a ï s S a v v o p o u l o u [Th S] archéologue, 16e E P K A , Thessalonique

directeur du département d’Histoire et d’Archéologie de la Fondation du monde hellénique, Athènes

Konstantinos Sismanidis

[É Me]

archéologue, Musée archéologique de Thessalonique

Vasiliki Misailidou-Despotidou

[V M-D]

directrice de l’Institut archéologique d’études macédoniennes et thraces, Thessalonique

[K Si]

conservateur, responsable des musées, 16e E P K A , Thessalonique

E u d o k i a S k a r l a t i d o u [E Sk] archéologue, 16e E P K A , Thessalonique K o n s t a n t i n o s S o u é r e f [K So] directeur de la 12e E P K A , Ioannina

Yvette Morizot maison René-Ginouvès, Archéologie et Ethnologie, CNRS UMR 7041, Archéologies et Sciences de l’Antiquité (Ar Sc An)

S o p h i a M o s c h o n i s i o t i [S M] archéologue, 1re E P K A , Athènes

Évangélia Stéfani

[É St]

conservateur, responsable du service de la Muséographie et des Expositions, Musée archéologique de Thessalonique

Théodosia Stéfanidou-Tivériou Arthur Muller professeur d’archéologie grecque à l’université Lille I I I, directeur des études à l’École française d’Athènes

professeur à l’université Aristote de Thessalonique, département d’Histoire et d’Archéologie

Elias Sverkos Pandélis Nigdélis

professeur assistant à l’université Ionion de Corfou, département d’Histoire

professeur associé à l’université Aristote de Thessalonique, département d’Histoire et d’Archéologie

Domna Terzopoulou

[D Te]

archéologue, Musée archéologique de Thessalonique

Maria Nikolaïdou-Patéra

[M N-P]

directrice suppléante de la 18e E P K A , Kavala

Sandrine Pagès Camagna

[S PG]

ingénieur de recherche, Centre de recherche et de restauration des musées de France, Paris

Michalis Tivérios professeur à l’université Aristote de Thessalonique, département d’Histoire et d’Archéologie

Ioannis Touratsoglou éphore honoraire des Antiquités

Anna Panayotou professeur à l’université de Chypre, département des Études classiques et de Philosophie

Démétrios Pandermalis professeur honoraire et directeur de la Fondation pour le nouveau musée de l’Acropole, Athènes

Éléni Trakosopoulou-Salakidou

É v a n g é l i a T s a n g a r a k i [É Ts] archéologue, 27e E P K A , Katérini Despina Tsiafaki

Maria Pappa

[M P] e

archéologue, 16 E P K A , Thessalonique

Katerina Péristéri

[K P]

directrice de la 28e E P K A , Serrès

Jacques Perreault

É l i s a b e t h - B e t t i n a T s i g a r i d a [É-B T] archéologue, 16e E P K A , Thessalonique

conservateur, responsables des sites archéologiques, 16e E P K A , Thessalonique

Katerina Tzanavari

[S P]

professeur à l’université Aristote de Thessalonique, département d’Histoire et d’Archéologie

N e k t a r i o s P o u l a k a k i s [N P] archéologue, 17e E P K A , Véria E f t y c h i a P o u l a k i - P a n d e r m a l i [E Po] directrice de la 27e E P K A , Katérini Eirini Psarra

[D Ts]

archéologue, Institut de recherche sur les technologies appliquées à la culture et à l’éducation, Xanthi

Maria Tsimbidou-Avloniti

[J P]

professeur à l’université de Montréal, Centre d’études classiques

Sémélé Pingiatoglou

[É Tr]

éphore honoraire des Antiquités

[K T]

conservateur de la collection des Marbres et des Arts mineurs au Musée archéologique de Thessalonique

Ioannis Tzifopoulos professeur associé à l’université Aristote de Thessalonique, département des Lettres classiques

Yannick Vandenberghe

[Y V]

technicien de recherche, Centre de recherche et de restauration des musées de France, Paris

[E Ps]

archéologue, 17e E P K A , Véria

Marie-Christine Villanueva Puig Katerina Rhomiopoulou

[K R]

[M-C V P]

chargée de recherche, École des hautes études en sciences sociales, Paris

éphore honoraire des Antiquités

Émmanuel Voutiras Chrysoula Saatsoglou-Paliadeli professeur à l’université Aristote de Thessalonique, département d’Histoire et d’Archéologie

professeur à l’université Aristote de Thessalonique, département d’Histoire et d’Archéologie

Électre Zografou

[É Z]

archéologue, Musée archéologique de Thessalonique

* E P K A : Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques


remerciements

L’exposition présentée au musée du Louvre n’aurait pu voir le jour sans le soutien d’Henri Loyrette, son président-directeur, qui a accueilli favorablement ce projet et l’a appuyé dans tous ses développements. Qu’il trouve ici l’expression de ma profonde gratitude. Je tiens à adresser mes remerciements les plus sincères à Lillian Acheilara, directrice de la 16 e Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques, à Polyxéni Adam-Véléni, directrice du Musée archéologique de Thessalonique, et à Maria Lilimpaki-Akamati, éphore honoraire des Antiquités, qui ont accepté de partager avec moi la charge du commissariat de l’exposition dès la fin de l’année 2006. Leur rôle a été essentiel. Je souhaite remercier également les directeurs des 12 e , 17 e , 18 e , 27 e , 28 e , 29 e et 30 e Éphories des antiquités préhistoriques et classiques – Angéliki Kottaridi, Zisis Bonias puis Maria Nikolaïdou-Patéra, Eftychia Poulaki-Pandermali, Katérina Péristéri, Kostantinos Souéref puis Pavlos Chrysostomou, Géorgia Karamitrou-Mentésidi –, pour la générosité de leurs prêts. Ma plus vive reconnaissance s’adresse aussi aux directeurs successifs du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre, Alain Pasquier et Jean-Luc Martinez, qui m’ont prodigué leurs encouragements. Jean-Luc Martinez a favorisé les nombreuses restaurations d’œuvres qu’impliquait ce projet. Je ne saurais oublier qu’il accepte de bouleverser durant les trois mois de l’exposition l’aménagement muséographique à peine achevé de la salle du département consacrée à la Macédoine antique. Mes remerciements s’adressent également à Gabriel de Broglie, chancelier de l’Institut de France, et à Bruno Racine, président de la Bibliothèque nationale de France, pour avoir accordé les prêts sollicités. La préparation de l’exposition a bénéficié de l’aide précieuse de Katerina Charatzopoulou, mon assistante de tous les jours, lien essentiel entre nos deux pays. Je tiens à lui exprimer toute mon amicale reconnaissance, ainsi qu’à Ludovic Laugier, à Évangélia Stéfani et à Eurydice Kéfalidou. Je voudrais les remercier pour leur enthousiasme, leur extrême disponibilité partagée avec Anastasia Dimoula et Angéliki Koukouvou. Ma plus vive reconnaissance s’adresse également aux quatre-vingt-treize auteurs du catalogue, spécialistes grecs et français. Leurs noms, malheureusement trop nombreux pour être tous cités ici, figurent en tête de cet ouvrage. L’iconographie du catalogue est en grande part redevable à Anastasia Dimoula et à Orestis Kourakis, photographe de la très grande majorité des œuvres venues de Grèce, dont je salue la compétence. Cet ouvrage lui doit beaucoup. Clio Karageorghis, chef du service à la direction Architecture, Muséographie et Signalétique, a accompagné ce projet depuis le premier jour. Je tiens à lui exprimer toute mon amicale reconnaissance. J’ai été très sensible également à l’appui bienveillant de Juliette Armand, directrice de la Production culturelle, et à celui d’Aline Sylla-Walbaum, alors qu’elle était administratrice générale adjointe à la direction du musée, de même qu’à l’intérêt manifesté par Christine Finance, directrice adjointe à la direction de l’Accueil et de la Surveillance. Ma reconnaissance va également à Manon Potvin pour la préparation de l’atelier qui sera proposé sur la mosaïque de galets et à Monica Préti-Hamart pour la programmation qui entourera l’exposition.

Il m’est un devoir très agréable de remercier tous ceux qui, au musée du Louvre, ont contribué à la réussite de cette exposition et de la programmation qui lui est associée : à la direction, à Hervé Barbaret, à Catherine Sueur, à Benoît de Saint-Chamas et à Sabine de La Rochefoucauld ; à la direction de la Communication, à Anne-Laure Béatrix et à Laurence Roussel ; à la direction de la Production culturelle, à Soraya Karkache, à Martin Kiefer, à Pascal Périnel et à Nicole Chanchorle ; à la direction du Développement et du Mécénat, à Christophe Monin, directeur, à Sophie Kammerer, à Gaëlle Abécassis, à Juliette de Charmoy et à Thibaut Bruttin ; à la direction Architecture, Muséographie et Technique, à Michel Antonpiétri, directeur, à Hervé Jarousseau, à Xavier Guillot, à Carol Manzano, à Stéphanie de Vomécourt-Houille, à Christian Sébastiani, à Marcel Perrin, et à tous les ateliers d’art du Louvre – montage d’œuvres d’art, marbriers, métalliers, menuiserie, installation, encadrement, montage des dessins et supports muséographiques, électricité ; à la direction de l’Auditorium, à Jean-Marc Terrasse, directeur ; à la direction des Politiques publiques et de l’éducation artistique, à Catherine Guillou, directrice, à Frédérique Leseur et à Séverine Muller. Mes remerciements vont également à Violaine Bouvet-Lanselle, chef du service des Éditions du musée du Louvre, et à Nicolas Neumann, responsable éditorial de Somogy éditions d’art, à Catherine Dupont, Laurence Verrand, Fabrice Douar, Chrystel Martin, Florence Jakubowicz, Béatrice Bourgerie et Michel Brousset. Sans leur compétence, leur ténacité, leur écoute et leur enthousiasme, ce catalogue n'aurait pu voir le jour. Je souhaite remercier également Marion Lacroix pour ses corrections toujours très fines et Christophe Ibach pour le travail considérable de graphisme et de mise en pages qu’il a accompli : le catalogue en témoigne. Je voudrais remercier Marc Barani et Birgitte Fryland pour leur muséographie de l’exposition, élégante et sensible. Ils ont su concevoir un véritable écrin pour les œuvres qui seront présentées. Je tiens également à exprimer ma reconnaissance à tous nos collègues et à toutes les personnes qui nous prodigué leurs conseils et fait bénéficier de leurs compétences : Manthos Bésios, Anaïs Boucher, Odile Cavalier, Katerina Chryssanthaki-Nagle, Jaime Curbera, Martine Denoyelle, Frédérique Duyrat, Pascale Gillet, Ioannis Graekos, Klaus Hallof, Panagiotis Haratzopoulos, Marie-Christine Hellmann, Violaine Jeammet, Norbert Kanter, Géorgia Karamitrou-Mentésidi, Aliki Kaufmann-Samaras, Chaïdo Koukouli-Chrysanthaki, Angéliki Koukouvou, Sophie Marmois, Yvette Morizot, Sophie Padel-Imbault, Mireille Pastoureau, François Quantin, Fabienne Queyroux, Mathieu René-Hubert, Daniela Summa, Brigitte Tailliez, Véronique Vassal, Stéphane Verger, Christine Walter. Je remercie également Andria Avgousti, Benjamin Bauvit, Clémence Castaingt, Hélène Gronier et Bastien Noël, qui nous ont assistés durant leur stage, ainsi que les restaurateurs qui sont intervenus sur les œuvres du département présentées à l’exposition : Shéhérazade Bentouati, Hélène Bluzat, Nathalie Bruhière, Delphine Burlot, Christine Devos, Isaure Greck, Nicolas Imbert, Anna Kisselinskaia, Pascale Klein, Bénédicte Massiot, Amélie Méthiviers, Christine Pariselle, Bruno Perdu et Renée Perréa. Je ne saurais oublier nos mécènes qui, par leur générosité, ont permis cette exposition et son catalogue : je leur adresse ma plus profonde gratitude. Ma reconnaissance va enfin à Jean-Gabriel Rey, qui m’a généreusement confié les tapuscrits inédits de son père, Léon Rey. sophie descamps-lequime


préfaces des mécènes

L’exposition « Au royaume d’Alexandre le Grand. La Macédoine antique », qui présente la richesse de l’héritage artistique de la Grèce du Nord, est l’une des manifestations les plus remarquables organisées sur la Macédoine antique dans une capitale européenne. La Fondation Stavros Niarchos est honorée de la possibilité qui lui est offerte de soutenir cette initiative exceptionnelle et de présenter au grand public d’extraordinaires trésors qui font partie de l’héritage culturel de la Grèce. Notre fondateur, le regretté Stavros S. Niarchos, avait montré un profond intérêt et un grand respect pour le travail effectué par le Louvre. La Fondation, désireuse de perpétuer cette vision, a soutenu le musée en de nombreuses occasions, récemment ou dans le passé. Actuellement, la Fondation est l’un des principaux mécènes d’un important projet du musée du Louvre : la rénovation des salles des Objets d’art du x v i i i e siècle. Elle a également financé la publication des actes d’un colloque scientifique international sur le thème de la peinture dans l’Antiquité grecque, qui a eu lieu au Louvre en 2004. Le symposium a été l’occasion de commencer à planifier le projet d’exposition actuel. La Fondation Stavros Niarchos (www. S N F .org) est une organisation philanthropique mondiale de premier plan qui effectue des dons dans les domaines de l’art et de la culture, de l’éducation, de la santé et de la médecine, ainsi que de l’aide sociale. Tout en privilégiant le soutien aux initiatives en rapport avec la Grèce, ses activités s’étendent sur une échelle mondiale. Depuis ses bureaux de New York, d’Athènes et de Monaco, la Fondation finance des institutions et des projets qui ont en commun une direction volontaire, une gestion saine, et qui font montre d’une action potentiellement large et durable. Nous souhaitons tout le succès possible à cette exposition remarquable, qui se veut le reflet d’un passé extraordinaire et fera vivre aux visiteurs une merveilleuse expérience culturelle.

le conseil d’administration de la Fondation Stavros Niarchos

george agouridis kurt arnold jeffrey brinck a n d r e a s d r a c o p o u l o s, c o p r é s i d e n t p h i l i p n i a r c h o s, c o p r é s i d e n t s p y r o s n i a r c h o s, c o p r é s i d e n t


It is an honour and a pleasure for us to contribute to such a significant event. In these troubled times, it is essential to remind ourselves that everyone has a huge debt to Greece and to Greek civilisation. When we visit Greece, we often feel we are returning to our motherland. In fact, our company, whose name is derived from a Greek word meaning “liberation”, never forgets this aspect of our heritage. Alexander changed the world. Even if his military expedition was a long held plan of his father Philip, Alexander’s personal involvement in the battles of the Granicus and of Gaugamela characterised his ingenuity, determination and commitment. He spread Greek culture, values and innovation all around the Middle East and Egypt, creating dozens of cities and giving birth to a new civilisation from which we are all still enjoying the benefits today. Those benefits are numerous and often surprising. Among them, the passing on of Judaism and the Bible, numerous works of art such as at Pergamon and Gandhara, and the Elements of Euclid, widely acclaimed for 2,300 years as the foundation of mathematics and geometry. For Lusis, a small company whose aim is to develop and install mission-critical systems that bring immediate and enduring business benefits to our clients in today's very competitive world, Alexander is an exemplary model to follow. Alexander proved —and the theme had been explored by Plato in Timaeus, in the myth of Atlantis— that a small, disciplined, resourceful and well-organised army can compete against and defeat, huge armies that consider power and domination to be simply a matter of numeric strength. For this reason and for many others, Alexander is, and will continue to be, a constant source of inspiration in our own thinking.

philippe préval Lusis

www.lusis.com www.lusispayments.com


C’est pour nous un honneur et un plaisir d’apporter notre contribution à une exposition aussi importante. En ces temps troublés, il est essentiel de se souvenir de la dette que tout homme a contractée envers la Grèce. Lorsque nous parcourons son sol, nous avons le sentiment d’être sur celui de la mère patrie et, pour notre entreprise, dont le nom est un mot grec qui signifie « libération », cet attachement est d’autant plus fort. Alexandre a changé le monde. Même si l’expédition militaire avait été préparée de longue date par son père, Philippe, son implication personnelle dans les batailles du Granique et de Gaugamèles a été déterminante. Il a diffusé la culture grecque à travers tout le Moyen-Orient et l’Égypte, créant des dizaines de villes et donnant naissance à une nouvelle civilisation dont nous bénéficions encore. Parmi ses nombreux apports, on peut citer la transmission de la pensée juive – en particulier par la Septante –, les écoles de sculpture de Pergame et du Gandhara, les Éléments d’Euclide, qui, depuis deux mille trois cents ans, constituent la base des mathématiques. Pour Lusis, une P M E dont le but est de concevoir et d’installer des systèmes logiciels à mission critique, dans un environnement mondialisé et très concurrentiel, Alexandre est un exemple. Alexandre a prouvé – ce qui avait été conçu par Platon dans le Timée au travers du mythe de l’Atlantide – qu’une petite armée, disciplinée, motivée et bien organisée, peut défier et vaincre des monstres qui considèrent que le pouvoir et la victoire ne sont qu’une question de nombre et de masse. Pour cette raison et pour beaucoup d’autres, Alexandre est et restera pour nous une constante source d’inspiration et de réflexion.

philippe préval Lusis


La Grèce du Nord, fondatrice de notre civilisation, n’a pas livré tous ses secrets. Des découvertes récentes, amorcées en 1977 avec la mise au jour de sépultures royales – dont celle de Philippe I I – et poursuivies jusqu’en 2008, ont révélé certains d’entre eux. Soulevant des questions d’un intérêt archéologique majeur, ces découvertes nous renvoient aux thèmes éternels de la conquête, du pouvoir et de la création artistique qui les sublime. Cette recherche opiniâtre, sans cesse revisitée, cette lecture novatrice d’un passé prodigieux de même que le travail conjoint de scientifiques et de conservateurs français et grecs ont incité la Fondation Total à s’associer à l’exposition « Au royaume d’Alexandre le Grand. La Macédoine antique ». Nous sommes fiers et heureux de contribuer à ce questionnement, à cet émerveillement, et de prolonger, d’approfondir la longue coopération qui nous lie au musée du Louvre et nous permet, au travers d’expositions, de projets de collaboration internationale et de démarches sociales innovantes, d’explorer sans cesse les voies nouvelles du dialogue des cultures. L’ouvrage, abondamment documenté et illustré, qui accompagne l’exposition la rendra accessible à tous les passionnés d’art et d’histoire qui n’auront pu, le temps d’une saison, s’arrêter devant ces grands témoins d’un passé toujours à apprendre, toujours à comprendre. Nous leur souhaitons un bon voyage.

la fondation total


préface de pavlos yeroulanos ministre de la Culture et du Tourisme de la République hellénique

L’identité de la Grèce contemporaine se révèle avec un relief particulier à travers sa façon de gérer son immense héritage culturel, de le sauvegarder, de le mettre en valeur et de le faire connaître à l’ensemble de la planète. L’exposition « Au royaume d’Alexandre le Grand. La Macédoine antique », accueillie pour la première fois par le Louvre, l’un des plus prestigieux musées qui soient, met en pleine lumière le visage de la Grèce moderne, c’est-à-dire les méthodes contemporaines par lesquelles nous, Grecs, honorons, préservons et présentons au reste du monde l’œuvre des générations qui nous ont précédés. Cette exposition est un pur plaisir pour le visiteur, car elle échappe à tout académisme fermé. Elle présente en effet de façon brillante, claire et accessible une des périodes les plus importantes de la civilisation grecque ancienne. Plus de six cents chefs-d’œuvre, mis au jour au cours des trente dernières années grâce au labeur infatigable des archéologues grecs, répartis ici en neuf sections, retracent l’histoire de la Macédoine depuis l’époque mycénienne jusqu’à l’extrême fin de l’Antiquité. J’ai la conviction que cette histoire saura passionner le plus exigeant des amateurs, car elle donne à voir, de façon on ne peut plus éloquente, ce qui constitue à la fois l’identité des Macédoniens et l’évolution de leur civilisation. Tout nous porte à espérer que cette exposition n’alimentera pas seulement un dialogue scientifique international fécond, mais qu’elle suscitera l’intérêt d’un public cosmopolite, l’incitant à découvrir notre patrie et à mieux connaître le berceau de cette prestigieuse civilisation. Nous l’attendons et lui souhaitons la bienvenue. Je tiens à remercier de tout cœur tous ceux qui ont travaillé au projet, à l’organisation et à la promotion de cette exposition, aussi bien en France qu’en Grèce. Ils apportent un soutien précieux à l’effort unanime des Grecs : rappeler au monde que ce pays a un passé, un présent et un avenir.


préface de lina mendoni secrétaire générale

du ministère de la Culture et du Tourisme de la République hellénique

« Les fouilles prenaient des proportions inattendues. Nous avions commencé à vivre hors de toute réalité, transportés par tout ce que nous avions découvert, et surtout par ce que nous pouvions nous attendre à découvrir encore. » Ainsi s’exprimait le fouilleur de Vergina, le professeur Manolis Andronikos, dans la chronique de la découverte de la tombe royale de Philippe I I (Chronique de Vergina) à l’automne 1977 ; trouvaille unique à tous points de vue, qui conduisit à une approche nouvelle de l’histoire de la Macédoine et, plus généralement, à une relecture de la civilisation et de l’art de la Grèce ancienne. Ces mots peuvent être repris aujourd’hui par toute la communauté d’archéologues et de chercheurs dont le travail systématique des trente-cinq dernières années a permis de récrire l’histoire de l’espace macédonien depuis la fin de l’âge du bronze jusqu’à la conquête romaine, en passant par la naissance du royaume de Macédoine à l’époque archaïque, la création de la Ligue panhellénique par Philippe I I , l’apogée de la puissance macédonienne, marqué par l’expédition d’Alexandre le Grand, puis par l’acmé et le déclin des royaumes hellénistiques. En effet, des trouvailles récentes d’une qualité, d’une ampleur et d’une richesse inattendues sont venues parachever les recherches des pionniers de l’archéologie grecque – parmi lesquels Léon Heuzey –, confirmant souvent leurs hypothèses et complétant leurs observations. Elles offrent une image claire, sur une longue durée, de la vie dans l’espace grec septentrional, et en dévoilent des aspects dont le silence des sources écrites antérieures au i v e siècle av. J.-C. nous avaient privés jusqu’ici. Vastes nécropoles, denses complexes urbains, mais aussi installations agraires isolées, tel est le fond sur lequel se détachent les œuvres exposées, dont des centaines proviennent des musées de la Grèce du Nord. La céramique importée ou locale y côtoie non seulement les productions élaborées de la toreutique ou de la bijouterie macédoniennes et les chefs-d’œuvre plastiques de l’art hellénistique, mais encore les exemples uniques de la peinture et de la mosaïque grecques qui sont parvenus jusqu’à nous. Toutes ces œuvres appartiennent à un paysage bâti de grande qualité, où architecture et urbanisme connaissent un développement nouveau. C’est dans ce contexte qu’ont évolué les plus grands artistes et artisans, ainsi que des hommes de lettres et des philosophes – dont le plus éminent fut bien sûr Aristote –, qui ont décrit, analysé et recréé le « monde » (kosmos) par leur pensée. La transformation décisive atteint son sommet à la fin du i v e siècle, avec la fondation d’une nouvelle oikouméné, porteuse d’un projet politique et civilisateur commun qui a certes la Macédoine pour origine mais qui a été formulé dès le départ en termes multiculturels. Un « monde hellénique nouveau, immense », comme l’écrit le poète Constantin Cavafy, « […] dont la souple pensée sait s’ajuster à tout. Et le Bien Commun, le doux Parler Grec, nous l’avons porté jusqu’au fond de la Bactriane, jusqu’aux Indes ». Tel est peut-être aussi le legs fondamental que nous a laissé, à nous tous qui sommes aujourd’hui ses héritiers, la culture grecque ancienne.


préface de maria andréadaki-vlazaki directrice générale des Antiquités et du Patrimoine culturel du ministère de la Culture et du Tourisme de la République hellénique

Alexandre de Macédoine parvient au cœur de l’Europe ! Il y arrive escorté par plus de six cents trésors archéologiques macédoniens qui vont permettre à tout un chacun, et pas seulement aux savants spécialistes, de comprendre quelles conditions historiques, sociales et culturelles ont donné naissance à ce personnage devenu légendaire dans tout le monde méditerranéen et en Asie. Au fil des neuf sections thématiques de l’exposition, le visiteur revit de l’intérieur l’histoire de la Macédoine, mais aussi celle des recherches archéologiques qui s’y sont déroulées. La première section a pour objet les investigations menées en 1861 à Vergina et à Pydna par Léon Heuzey et Honoré Daumet, les deux archéologues français qui posèrent les jalons des grandes fouilles poursuivies ultérieurement sur ces sites. Se déploient ensuite des sections présentant la vie quotidienne, les arts et les techniques, la religion, les pratiques cultuelles ainsi que les rites funéraires de la Macédoine ancienne, tels que les a révélés la longue enquête menée par les archéologues grecs dépendant du ministère de la Culture et du Tourisme ou enseignant à l’université Aristote de Thessalonique. Ainsi la mosaïque de la vie en Macédoine antique peut-elle être reconstituée tesselle après tesselle. Cette occasion unique de rassembler en un seul tout les ensembles archéologiques fouillés par les Forces alliées au cours de la Première Guerre mondiale, répartis ensuite entre la Grèce et le Louvre, montre aux grands musées la voie à suivre dans l’avenir ; une voie de collaboration et de coopération, visant à la mise en valeur non seulement des trouvailles archéologiques per se, mais aussi de leur environnement d’origine. Le présent regroupement constitue une solution qui permet aux musées de revisiter en permanence leurs collections sans avoir à recourir à des acquisitions de provenance suspecte. C’est une façon de protéger et de transmettre ce qui fait la valeur fondamentale des trésors antiques, c’est-à-dire la source d’informations sur l’Antiquité qu’ils représentent. Des expositions comme celle-ci sont un moyen de gagner le combat contre le trafic illégal d’antiquités qui sévit spécialement en Macédoine du fait de ses riches nécropoles. La grande exposition que le musée du Louvre consacre à la Macédoine, le présent catalogue, les dialogues et le congrès qui l’accompagnent offrent en outre aux communautés scientifiques grecques et françaises, dont la longue tradition d’amitié est bien connue, la possibilité d’échanger informations, idées et conclusions sur les dernières découvertes archéologiques en Macédoine. L’avancée qui en résultera dans le domaine strictement scientifique est acquise par avance. La direction générale des Antiquités et du Patrimoine culturel ( G D A P K ) du ministère hellénique de la Culture et du Tourisme a considéré d’emblée la présente exposition comme une priorité, et a facilité de son mieux la tâche des organisateurs. Les services du G D A P K , grâce à une entente et à un partenariat d’entrée de jeu exemplaires, ont ensuite travaillé main dans la main avec le Louvre dans des conditions excellentes. Le moment est venu où nos efforts à tous ont trouvé l’aboutissement le plus parfait possible, et il ne nous reste plus qu’à souhaiter la mise en œuvre d’une coopération équivalente et réciproque dans un avenir proche.


préface de henri loyrette président-directeur du musée du Louvre

Grâce à une étroite collaboration, tant institutionnelle que scientifique, entre la Grèce et la France, le musée du Louvre est en mesure de présenter durant trois mois des chefs-d’œuvre insignes qui illustrent l’histoire du royaume d’Alexandre le Grand, depuis la fin de l’âge du bronze jusqu’aux siècles de la domination romaine. Si le jeune conquérant grec a marqué les esprits par la fulgurance de son destin, par son charisme et par des qualités de stratège qui lui ont permis de bouleverser en l’espace de onze années l’équilibre géopolitique du monde antique, la Macédoine, berceau de la dynastie royale des Téménides, qu’il a quittée à vingt-deux ans pour n’y plus revenir, a longtemps été oubliée et minorée. Des textes antiques hostiles à Philippe I I , son père, et des vestiges architecturaux peu lisibles sur le terrain détournaient en effet les érudits de la Macédoine. Pourtant, sans son éducation de prince macédonien, à la personnalité forgée à la fois par l’enseignement d’Aristote et par un entraînement physique intense qui s’exprimait au cours de chasses royales mais qui l’autorisa très tôt à tenir son rang sur les champs de bataille, Alexandre n’aurait pu mener à bien la mission que Philippe II, brutalement assassiné, s’était assignée : venger, à la tête des puissances grecques réunies, l’affront perse des guerres médiques. Les découvertes qui se sont multipliées en Grèce du Nord depuis près de trente années sont exceptionnelles. Elles confèrent au royaume de Philippe et d’Alexandre un statut archéologique désormais comparable à ceux de l’Attique et du Péloponnèse. Elles ont profondément renouvelé la connaissance non seulement de la société macédonienne, mais également de la civilisation grecque antique. Les œuvres rassemblées dans le cadre de cette exposition sont peu connues du grand public, parfois même inédites. Créations virtuoses, élaborées pour des rois et pour l’élite de la cour, elles représentent le plus haut degré de la commande. Préservées durant des siècles par les terres qui recouvraient les sépultures, elles ont conservé souvent intacte leur apparence originelle, notamment leur polychromie. Sans l’implication de nos collègues grecs dans ce projet commun, rien n’eût été possible. Je suis heureux que me soit donnée l’occasion de saluer ici leur compétence et leur générosité. Je tiens aussi à leur exprimer ma reconnaissance car les œuvres venues de Grèce vont côtoyer les collections du musée du Louvre, également très présentes dans l’exposition. Le pionnier de l’archéologie macédonienne était en effet français. Léon Heuzey avait découvert en 1855 un site dont il pressentait l’importance, qu’il retourna fouiller en 1861 sous l’égide de Napoléon I I I , avec l’architecte Honoré Daumet. Il ne pouvait savoir alors que ce site était celui d’Aigai, la première capitale du royaume, et que les éléments architecturaux mis au jour étaient ceux du palais de Philippe I I . Léon Heuzey avait été frappé par la présence d’un immense tumulus, au sujet duquel il écrivit ces mots prophétiques : « Cette colline factice, de 110 m de diamètre, est le plus beau tumulus de la Macédoine, qui en possède un grand nombre de remarquables. […] Dans ces monuments macédoniens, comme dans les hypogées de l’Égypte et de l’Étrurie, il n’y a pas seulement à exhumer quelques débris antiques. Il y a la vie et l’histoire de tout un peuple à retrouver. » Les archéologues grecs lui ont donné raison.


sommaire

Introduction

L. Acheilara, P. Adam-Véléni, S. Descamps-Lequime, M. Lilimpaki-Akamati

L’évolution de l’environnement naturel de la Macédoine dans l’Antiquité A . G é r a s i m i d i s Histoire de la Macédoine antique M . H a t z o p o u l o s Langue et écriture A . P a n a y o t o u Économie et monnayage C h . G a t z o l i s Villes et campagne : l’organisation territoriale et urbanistique de la Macédoine antique P . A d a m - V é l é n i Les arts somptuaires à la cour de Macédoine S . D r o u g o u Alexandre le Grand D . P a n d e r m a l i s L’héritage d’Alexandre le Grand dans le monde moyen-oriental antique P . B r i a n t

25

27 29 31 33

35 39 41 44

catalogue (1)

i La découverte de la Macédoine antique

49

Histoire de l’archéologie grecque en Macédoine M . P a p p a , V . A l l a m a n i - S o u r i Fouilles grecques des XXe et XXIe siècles : les grandes découvertes

50 53

catalogue (2)

La présence française en Macédoine de la fin du XVIIIe siècle au début du

XXe

siècle

Découvertes fortuites et présence consulaire à Thessalonique dans la première moitié du

S. Descamps-Lequime

XIXe

siècle

56

59

catalogue (3 à 14)

La mission archéologique de Léon Heuzey et d’Honoré Daumet (1861)

76

catalogue (15 à 19)

Les fouilles du Service archéologique de l’armée d’Orient (1917-1918)

89

catalogue (20 à 62)

ii De la préhistoire à la formation du royaume : la Macédoine jusqu’au v i e siècle av. J .- C .

151

Les premières agglomérations rurales de l’Europe

152

K. Kotsakis

L’âge du bronze et l’âge du fer en Macédoine L’habitat à l’âge du bronze récent

153 153

É. Stéfani

Découvertes mycéniennes à Aiané et en Élimiotide

G. Karamitrou-Mentésidi

Nécropoles « mycéniennes » dans la région de l’Olympe

E. Poulaki-Pandermali

155 156

catalogue (63 à 73)

L’habitat dans la première phase de l’âge du fer Vergina, la nécropole des tumuli

S. Drougou

La nécropole de Néa Philadelpheia

V. Misailidou-Despotidou

La nécropole de Palio Gynaikokastro La nécropole de Néa Zoé Almopias catalogue (74 à 85)

Ch. Koukouli-Chrysanthaki

Th. Savvopoulou

A. Chrysostomou

164 167 168 169 170


L’époque archaïque

La nécropole occidentale d’Archontiko La nécropole de Sindos La nécropole de Thermi La nécropole d’Aiané

183

B. Schmidt-Douna

185

P. Chrysostomou

187

V. Misailidou-Despotidou

188

E. Skarlatidou

189

G. Karamitrou-Mentésidi

La nécropole d’Agia Paraskévi

191

K. Sismanidis

catalogue (86 à 99)

Colonies grecques et échanges commerciaux La colonisation en Macédoine

228 228

M. Tivérios

Commerce et échanges en Macédoine

229

K. Souéref

catalogue (100 à 128)

iii La royauté macédonienne d’Alexandre I e r à Alexandre le Grand (v e -i v e siècle av. J .- C .)

249

L’expansion du royaume de Macédoine

250

Ch. Saatsoglou-Paliadéli

La dynastie des Téménides

254

catalogue (129 à 149)

Les réformes de Philippe II et d’Alexandre III : les armes et l’armée des Macédoniens P . F a k l a r i s

262

catalogue (150 à 155)

Capitales et cité sacrée : les trois grands centres macédoniens Aigai, l’ancienne capitale Dion, la cité sacrée

268

S. Drougou

Pella, la nouvelle capitale

268

270

M. Lilimpaki-Akamati

273

D. Pandermalis

catalogue (156 à 158)

Les palais macédoniens Le palais de Vergina/Aigai : historique des fouilles

287 Ch. Saatsoglou-Paliadeli

Le palais de Philippe II à Aigai : nouvelles perspectives Le palais de Pella

A. Kottaridi

P. Chrysostomou

287 290 294

catalogue (159 à 195)

L’expansion du royaume de Philippe II : présence de l’élite macédonienne à Aineia

312

catalogue (196)

iv L’essor de la Macédoine à l’époque hellénistique (fin du i v e siècle – début du i i e siècle av. J .- C .) Le royaume de Macédoine à l’époque hellénistique I . T o u r a t s o g l o u Le règne de Cassandre et la dynastie des Antigonides M . T s i m b i d o u - A v l o n i t i Les royaumes hellénistiques L . A c h e i l a r a

321 322 325 326

catalogue (197 à 215)

L’afflux des richesses à la suite des conquêtes d’Alexandre catalogue (216 à 227)

338


v La société macédonienne aux époques classique et hellénistique

359

Aspects du quotidien

P. Adam-Véléni

360

L’éducation du corps et de l’esprit. La vie intellectuelle

361

L’éducation athlétique

Littérature et philosophie Musique et danse

361

E. Kéfalidou

362

E. Voutiras

364

A. Goulaki-Voutira

Le théâtre en Macédoine

365

P. Adam-Véléni

catalogue (228 à 232)

Le monde des femmes : parure, vie domestique et objets du quotidien

M. Lilimpaki-Akamati

372

catalogue (233 à 245)

L’univers masculin

388

Les symposia des Macédoniens La chasse en Macédoine

388

P. Faklaris

389

P. Faklaris

catalogue (246 à 260)

Le monde rural

408

E. Poulaki-Pandermali

catalogue (261, 262)

vi La production artistique en Grèce du Nord aux époques classique et hellénistique

413

L’architecture B . S c h m i d t - D o u n a La grande peinture M . T s i m b i d o u - A v l o n i t i La mosaïque A . - M . G u i m i e r - S o r b e t s La sculpture T h . S t é f a n i d o u - T i v é r i o u

414 415 418 420

catalogue (263 à 269)

La coroplathie

432

K. Tzanavari

catalogue (270 à 275)

La céramique

441

S. Drougou

catalogue (276 à 286)

La toreutique

456

catalogue (287 à 291)

L’orfèvrerie

464

É-B. Tsigarida

catalogue (292 à 299)

Le verre

474

D. Ignatiadou

catalogue (300 à 308)

L’ivoirerie

484

K. Rhomiopoulou

catalogue (309)

Le travail de l’albâtre

489

catalogue (310)

Les ateliers en Macédoine, de l’époque archaïque à l’époque hellénistique

F. Blondé et A. Muller

490


vii La religion et la mort aux époques classique et hellénistique

493

La religion

494

Divinités, cultes et sanctuaires

494

S. Pingiatoglou

catalogue (311 à 324)

Dédicaces architecturales des rois de Macédoine dans les sanctuaires de Delphes, d’Olympie et de Samothrace

A. Jacquemin

Le monde des morts

510

512

Sépultures et pratiques funéraires aux époques classique et hellénistique Les tombes « macédoniennes »

Y. Morizot

512 514

K. Rhomiopoulou

De vie à trépas : cultes initiatiques et rituels funéraires

I. Tzifopoulos

516

catalogue (325 à 349)

viii Une ère nouvelle : la Macédoine antique sous domination romaine

557

La conquête du royaume

558

P. Nigdélis

catalogue (350 à 359)

La Macédoine à l’époque impériale

E. Sverkos

Villes et colonies romaines

565

567

Thessalonique, siège de la province de Macédoine

P. Adam-Véléni

567

Béroia romaine, siège du koinon des Macédoniens

V. Allamani-Souri

568

Édessa romaine

569

A. Chrysostomou

Philippes, colonie romaine Pella, colonie romaine

570

C. Brélaz

571

P. Chrysostomou

catalogue (360 à 369)

Cultes et sanctuaires

594

E. Voutiras

catalogue (370 à 387)

La société gréco-romaine de Macédoine

616

catalogue (388 à 406)

ix Genèse antique de la légende d’Alexandre le Grand

637

Genèse antique de la légende d’Alexandre

638

P. Chuvin

catalogue (407 à 418)

Annexes Sites archéologiques de la Macédoine La représentation en réalité virtuelle de la maison du Dionysos de Pella, par la Fondation du monde hellénique A . S i d é r i s

655 656

679

bibliographie

680

index

720


avertissement

À l’exception de certaines villes dont le nom est passé dans le langage français courant, comme Thessalonique, Chéronée, Cassandrée, Stagire, la translittération des noms grecs a été effectuée de la manière suivante : – le k a été translittérée en k (Héraklès, Koré) ; – l’ w et l’ o ont été translittérés indifféremment en o (daimon, kalos) ; – la lettre h a été translittérée en é pour les noms antiques, en i pour les noms modernes afin de suivre la prononciation actuelle (Athéna, Aiané, Thermi) ; – le b a été translittéré en b pour les noms antiques (Béroia), en v pour les noms modernes (Véria, Sévasti) ; – eu en ef (Lefkadia) – f en ph (Phoinikas)


introduction

Si la découverte en 1977 des tombes royales du Grand Tumulus d’Aigai est unanimement saluée par la communauté scientifique comme une étape décisive dans l’exploration archéologique de la Grèce du Nord, les fouilles qui se sont multipliées depuis, associées à l’étude du matériel et des vestiges mis au jour antérieurement, permettent d’enrichir année après année la connaissance de la Macédoine antique. Aigai et Pella, les deux capitales des Téménides, Dion, la cité sacrée au pied de l’Olympe, mais également de nombreuses villes et bourgades, des sanctuaires et des nécropoles, ainsi que les œuvres exhumées sont l’objet d’une approche pluridisciplinaire qui conduit à diverses publications de référence. Grâce à l’effort conjugué des archéologues, des historiens et des épigraphistes, la carte des sites de la Macédoine antique, l’organisation des espaces domestiques, civiques et religieux, l’histoire du pays et de ses institutions à l’époque de la monarchie téménide puis sous domination romaine progressent dans des proportions remarquables. À la lumière de ces avancées – dont l’exposition « Au royaume d’Alexandre le Grand. La Macédoine antique » offrira l’occasion, nous l’espérons, de prendre la mesure –, nous avons souhaité présenter l’évolution de la Macédoine depuis l’âge du bronze récent jusqu’au début du I V e siècle apr. J .- C . L’exposition est organisée en neuf sections chronologiques et thématiques, reprises dans le catalogue. Ces sections évoquent par des œuvres isolées ou par des ensembles funéraires la découverte de la Macédoine antique, la formation du royaume et la montée en puissance de la dynastie des Téménides, l’époque classique d’Alexandre I er à Philippe I I et Alexandre I I I , celle de leurs successeurs, marquée par un afflux de richesses à la suite de la conquête de l’Orient, la société macédonienne, la production artistique, la religion et la mort, la province romaine de Macédoine et la genèse antique du mythe d’Alexandre le Grand. L’exposition n’aurait pu voir le jour sans une collaboration de tous les instants entre la Grèce et la France. Le choix des œuvres et la multiplicité des contributions dans le catalogue en témoignent. Nous n’aurions pu mener à bien ce projet ambitieux sans l’adhésion immédiate des spécialistes grecs et français sollicités, qui ont accepté l’exercice difficile de résumer en quelques pages plusieurs années de recherche. Les œuvres venues de Grèce du Nord sont accueillies durant trois mois par le musée du Louvre, dont les collections sont particulièrement riches de créations macédoniennes en raison de l’histoire même de la découverte archéologique de la région au X I X e siècle et au début du X X e siècle. L’importance du projet, mûri durant plusieurs années, a permis de restaurer plusieurs œuvres et d’approfondir leur étude. Puissent l’exposition et le catalogue toucher les amateurs, les connaisseurs et les spécialistes de la Grèce antique. Puissent-ils également répondre à leurs attentes.

lillian acheilara polyxéni adam-véléni sophie descamps-lequime maria lilimpaki-akamati


fig. 1 L’estuaire du Gallikos


L’évolution de l’environnement naturel de la Macédoine dans l’Antiquité

A. Gérasimidis

fig. 2 L’Olympe

L’environnement naturel de la Macédoine est loin d’être monotone

transformation de la végétation dans le temps et sur les facteurs

ou homogène. Bien au contraire, il se caractérise par sa complexité

qui les ont définies 2 .

et sa diversité qui sont le résultat de la quantité des microenviron nements qui le composent. Ceux-ci varient d’un site à l’autre

du néolithique ancien à l’âge du bronze

en fonction de la distance du littoral et de l’altitude. De même,

ancien (6800–2000 av. j.-c.)

la présence importante de l’eau sous forme de nombreux fleuves,

Durant cette période, les bois épars de chênes situés en basse et

de lacs et, plus généralement, de milieux humides, contribue

moyenne altitude se transformèrent progressivement en des forêts

largement à cette diversité.

épaisses de chênes mélangés à d’autres feuillus, tels le tilleul,

La géographie de la Macédoine antique était bien différente

Thermaïque arrivait jusqu’à Pella et à Néa Nikomédeia, tandis que 1

les grandes zones humides étaient alors bien plus fréquentes . L’évolution de l’environnement naturel de la Macédoine, que nous présentons ici, s’appuie surtout sur les étapes de 1 Sivignon 1982. 2 Gérasimidis 2007. 3 Hammond 1972.

l’orme, le frêne, l’érable et le noisetier, un arbrisseau des sous-bois. Ce changement, ainsi que l’expansion des forêts de pins et de sapins

de la géographie actuelle. En effet, dans l’Antiquité, le golfe

dans les régions montagneuses de Macédoine, était en relation avec l’augmentation progressive de l’humidité. La richesse et la diversité de la végétation en forêt contribuèrent au développement d’une faune adaptée, abondante en gibier 3 .

27


Histoire de la Macédoine antique M. Hatzopoulos

L’histoire de la Macédoine commence au début du v i i e siècle av. J .- C .,

entre la péninsule Balkanique et le sous-continent indien 4 ,

quand des groupes de pasteurs de vieille souche « achéenne », trans -

expliquent le mélange fascinant de conservatisme et de modernité

humant entre les alpages du mont Olympe et les herbages côtiers

qui la caractérise 5 . Les guerres incessantes exigeaient en effet

de Piérie, s’emparent, sous la conduite de chefs venus d’Orestide,

la présence d’un pouvoir fort, dont les victoires ne pouvaient que

de l’ancienne citadelle phrygienne d’Édessa, et s’y installent en

conforter l’autorité. C’est ainsi que la royauté, réduite à l’état

la renommant Aigéai (Aigai). Ce sont ces hommes qui ont donné leur

de vestiges dans le reste du monde grec – à l’exception des États

nom au pays qu’ils créèrent au cours des siècles, par leur expansion

également marginaux de l’Épire, de Cyrénaïque et de Chypre –,

et par l’acquisition de nouveaux territoires, et qui finit par s’étendre

fut maintenue et renforcée grâce aux conquêtes qui faisaient du

de la chaîne du Pinde, à l’ouest, jusqu’au bassin de Philippes, à l’est,

roi l’homme le plus riche du royaume et, par voie de conséquence,

et de l’Olympe, au sud, jusqu’aux monts Barnous et Kerkiné, au nord 1 .

comme le suggère Aristote, le patron politique le plus à même de

Si l’on excepte des monographies sur Alexandre, aucune œuvre

s’assurer l’attachement exclusif de ses sujets 6 . En même temps,

historique sur la Macédoine écrite par un Macédonien ou un étranger

la survie du pays dans ce milieu dangereux et hostile nécessitait,

n’est parvenue jusqu’à nous dans son intégralité. Même s’il existe

sous peine de disparition, une ouverture aux innovations suscep-

quelques misérables fragments, nous sommes contraints de puiser

tibles de lui permettre de perfectionner l’efficacité de son armée

nos informations dans des histoires générales du monde grec, qui

et de son administration. L’ouverture aux idées nouvelles et

ne s’intéressent qu’épisodiquement à la Macédoine et sont souvent

aux hommes qui les véhiculaient, portée au plus haut point par les

marquées par l’incompréhension – quand ce n’est pas l’hostilité –

rois de Macédoine les plus éclairés, tels Alexandre I er , Archélaos,

que tout citoyen d’une cité grecque démocratique ressentait

Philippe I I , Antigone Gonatas et Philippe V , est une constante de

2

à l’égard de gens vivant sous un régime royal . Les deux premiers siècles de l’histoire de la Macédoine se

dans le domaine militaire fut, dans le domaine politique – mais aussi

réduisent pratiquement à la liste des cinq premiers rois et aux

culturel –, l’introduction systématique à travers le pays du régime

légendes qui leur sont associées. C’est l’expansion perse en Europe,

de la polis par le même roi 7 . Cela explique l’impression composite

commencée avec l’expédition de Darius contre les Scythes en 512,

que donne la Macédoine au chercheur et les interprétations

qui projeta la Macédoine dans la tourmente de la grande histoire

contradictoires dont elle fait l’objet.

en annonçant déjà le rôle qui serait le sien comme sentinelle aux

La Macédoine fait-elle partie de la Grèce ? Les Macédoniens

marches du monde grec, condamnée à un équilibre précaire entre

étaient-ils des Grecs ? Voilà des interrogations aussi vieilles que

une paix incertaine et la guerre, aussi bien contre les « barbares »

l’histoire de la Grèce et que ce pays et ce peuple partagent avec

environnants que contre les puissances hégémoniques grecques

d’autres « Grecs des confins », tels les Épirotes et les Chypriotes.

qui convoitaient ses richesses naturelles. La position géographique

La première question ne peut recevoir une réponse univoque,

de la Macédoine et sa mission historique de « boulevard de la Grèce »,

car le terme d’Hellade a connu des sens différents à travers les âges.

3

1 2 3 4 5 6 7

son histoire. Ce que fut la création de la phalange par Philippe I I

si bien vue et décrite par Polybe , destinant la Macédoine, comme

Désignant chez Homère la région du fleuve Spercheios, il fut

d’autres États aux frontières d’une civilisation, à développer

par la suite étendu à toute la Grèce centrale entre la Thessalie

un instrument militaire incomparable et à devenir le royaume

et le Péloponnèse, et finit par inclure potentiellement toute région

conquérant qui, sous Alexandre I I I , soumit à sa loi un vaste espace

habitée par des Grecs depuis l’Italie du Sud jusqu’aux côtes de

Hatzopoulos 2005. Hatzopoulos 2006, p. 15-17. Pol. 9.35.3. Toynbee 1935, p. 162. Ellis 1982, p. 146. Pol. 1310b, 34-39. Hatzopoulos 2003a.

29


Langue et écriture A. Panayotou

fig. 4 Relevé graphique de la tablette de malédiction en plomb trouvée dans une tombe de Pella (deuxième quart du IVe siècle av. J.-C.). Inscription en dialecte macédonien et en alphabet milésien.

Avant d’étudier la langue et l’écriture des anciens Macédoniens,

postérieurs sur une relation entre le macédonien et les dialectes

il convient de définir clairement les termes « Macédoine » et

du Nord-Ouest 5 .

« Macédoniens ». Ils désignent l’espace géographique et les locuteurs de cette langue, avérée à l’écrit jusqu’au début du i i i e siècle av. J .- C . et à l’oral jusqu’à la fin du

i er

siècle av. J .- C . Le dialecte macédonien

La koiné attique s’est en effet répandue à l’écrit en Macédoine, à partir du i v e siècle av. J .- C ., au détriment du dialecte et s’est

est connu par des inscriptions qui datent de la fin de l’époque

de ce fait identifiée à la langue des Macédoniens. Makedonivz ein

archaïque, de l’époque classique et du début de l’époque hellé -

et makedonivz wn th/` fwnh/` avaient deux sens : « parler le dialecte

nistique. Quant aux noms propres et, plus rarement, aux noms

macédonien » et « parler la koiné ». La première expression était

communs, ils sont attestés par des inscriptions rédigées en langue

employée pour décrire le mode de communication orale des

standard (koiné) et par la littérature antique et byzantine.

Macédoniens dans l’armée d’Alexandre. Dans un passage de QuinteCurce, l’expression patrius sermo désigne, dans le même contexte

La Macédoine était constituée, jusqu’à la fin du règne de Philippe I I (336 av. J .- C .), de la région située à l’est du Pinde,

historique, un dialecte qui n’était pas compris par tous les Grecs,

à l’ouest du Nestos et au nord d’Hérakleion, en Piérie. À l’ouest,

mais seulement par la majorité d’entre eux (a pluribus). Une étude

d’autres régions peuplées par des ethnies macédoniennes 1

comparée des écrivains atticistes montre cependant que les termes

avaient été progressivement intégrées au royaume des Téménides.

makedonivz ein et makedonivz wn th/` fwnh/` signifiaient également

À l’est, ce royaume comprenait dès le

vie

siècle av. J .- C . Anthémonte

« utiliser la koiné, ainsi que des expressions non attiques et populaires ( fau` l a ) ». Certains termes de la koiné étaient considérés

2

et les régions situées entre l’Axios et la ville d’Euporia, dans la vallée du Strymon. Les Macédoniens avaient conquis ces terres

tantôt comme « macédoniens », tantôt comme « étrangers », tantôt 3

après avoir repoussé des tribus locales durant l’époque archaïque ,

comme « nouveaux », ou encore comme des expressions employées

soit avant l’attaque de Sitalkès, en 429 av. J .- C ., soit entre la fin

par des « ignorants 6 ». Pour les atticistes, la langue des classes

du v e siècle et le milieu du i v e siècle av. J .- C ., au moment où

populaires était celle des Macédoniens, qui l’avaient propagée.

la Chalcidique et certaines régions à l’est du Strymon avaient

Plutarque 7 mentionne une caractéristique de la langue des

été soumises. En conséquence, avant d’étudier le dialecte

Macédoniens. Au début des mots, ceux-ci utilisaient le graphème B

macédonien, il convient de s’assurer que les éléments langagiers

au lieu du F : Biv l ippoı, balakrov ı , Berenivk h . En s’appuyant sur des

proviennent bien des régions sous contrôle macédonien. Et il faut

exemples de ce type, une partie de la communauté scientifique

préciser quelles sont les caractéristiques de ceux qu’on appelle,

internationale a soutenu dès le x i x e siècle que cette caractéristique

dans les textes antiques, les « Macédoniens » ou qui se définissent

était le résultat d’une évolution différente des consonnes aspirées

comme tels. Les inscriptions de la même période confirment

indo-européennes dans le macédonien et dans les dialectes grecs.

4

1 2 3 4 5 6 7

La littérature antique évoque rarement le dialecte macédonien.

les témoignages antiques, comme celui d’Hérodote , sur

Selon cette théorie, les aspirées indo-européennes */bh/ */dh/ */gh/

la parenté entre Macédoniens et Doriens, et des témoignages

auraient abouti aux sourdes aspirées /ph/ /th/ /kh/ dans les dialectes

Thuc. 2.99.2. Hdt V 94 ; Thuc. 2.99.6, 100.4. Thuc. 2.99.3-6. Hdt I 56. Panayotou 1992, p. 189. Hoffmann 1906, p. 23-25. Plut., Mor., 9.

31


Économie et monnayage Ch. Gatzolis

Le caractère principalement pastoral de la Macédoine, dès

en conséquence des mines d’argent qui s’y trouvaient – et qui

la fondation mythique de la dynastie des Téménides et jusqu’à

assuraient à Alexandre l’équivalent de 1 talent par jour 7 – ont été

l’époque de Philippe I I au moins, est connu par les sources antiques :

associés aux débuts du monnayage royal 8 .

« Trois frères de la descendance de Téménos […] étaient passés

La taille et l’importance des ressources forestières de la

dans la haute Macédoine […]. Ils servaient moyennant salaire chez

Macédoine ont été mises en évidence à plusieurs reprises 9 . Les

le roi, l’un gardant les chevaux, l’autre des bœufs, et le plus jeune,

sources antiques témoignent également de l’importance stratégique

Perdiccas, le menu bétail 1 . » Cette image des Macédoniens bergers

des exportations de bois 10 . L’hypothèse a été émise, selon laquelle

nomades revient dans le discours d’Alexandre, auquel Arrien

Alexandre I er aurait fourni à Thémistocle, entre 482 et 480 av. J .- C .,

faisait dire : « Ainsi, Philippe vous a reçus, vous, qui étiez pauvres

tout le bois nécessaire à la construction de la flotte athénienne 11 .

et errants et qui paissiez, pour la plupart, quelques moutons dans

Si tel fut le cas, il faut alors admettre qu’une somme équivalente

les montagnes 2 . »

à l’énorme quantité de bois fut versée, et nécessairement en

Malgré le caractère mythologique de la généalogie des

monnaie d’argent athénienne. Cet argent aurait constitué, comme

Téménides ou le témoignage hyperbolique d’Arrien, qui avait pour

nous l’avons proposé récemment, une matière première propice

but d’accentuer le rôle joué par Philippe, l’élevage était assurément

à la frappe de la première monnaie royale 12 .

essentiel dans la vie économique de la Macédoine. Il était d’ailleurs

Le monnayage royal fut inauguré par Alexandre I er . Sa fin

imposé par la géomorphologie de ce pays de montagnes, de rivières

coïncida avec les dernières émissions de Persée, en 168 av. J .- C .

et de lacs. Au contraire, la production agricole était sans doute une

Les monnaies étaient en or, en argent et en bronze. Comme dans

activité moins importante, les sources témoignant de l’importation

l’ensemble du monde grec, l’argent était le métal de base du

3

de céréales dès le v e siècle av. J .- C . .

monnayage macédonien. La teneur en argent ainsi que la quantité

À cette géomorphologie étaient également liées les deux autres

de monnaies frappées reflètent chaque fois la situation financière

activités économiques importantes du pays : l’exploitation des mines

du royaume. La grande production monétaire d’Alexandre I er ,

et celle des ressources forestières, qui toutes deux faisaient partie

tant en qualité de métal qu’en variété des subdivisions, fut liée,

du monopole royal. En Macédoine, le roi était le chef absolu, autant

comme nous l’avons dit, à la vente de bois aux Athéniens, ainsi

de la guerre et de la paix que des affaires financières et, bien sûr,

qu’au contrôle des mines à l’est du Strymon. À l’inverse, les petites

de la gestion du monopole royal. C’est lui qui procédait aux dona -

subdivisions dévaluées, émises vers la fin de son règne, apparaissent

tions des terres, qui décidait des exportations de bois et des autres

comme la conséquence de la perte des mines et le résultat du malaise

4

matières premières , et c’est lui, naturellement, qui imposait

économique qui s’ensuivit 13 . Le même malaise expliquerait la frappe

les taxes 5 . Par conséquent, le monnayage était aussi une affaire

par Perdiccas I I de petites subdivisions uniquement, tandis que

exclusivement royale.

le monnayage d’Archélaos, avec sa haute teneur en argent et son

Pour l’exploitation minière, on citera à titre indicatif les fameuses mines d’argent, qui se trouvaient dans le voisinage du lac 6

importante production monétaire, serait probablement dû à la reconquête des mines et aux exportations de bois à destination

Prasias et du mont Dysoron . L’exploitation de l’argent conduisit

d’Athènes 14 . L’intervalle entre la mort d’Archélaos et l’avènement

nécessairement au monnayage. En effet, le rattachement au royaume

de Philippe I I fut la période la plus tumultueuse pour le royaume,

macédonien des régions situées à l’est du Strymon et le contrôle

ce que reflètent directement la production monétaire et la faible

1 Hdt, V I I I , 137. 2 Arr., An., V I I , 9, 2. 3 Bacchyl., Éloges, 20 B , vers. 14-16. Voir l’édition de A. B. Snell,

Bacchylides, Leipzig, 1958. Voir également Bravo 1983, p. 18. 4 S I G I 3 135. 5 Voir en dernier lieu Psoma (à paraître). 6 Pour la localisation des mines avec le commentaire des sources

antiques, voir en dernier lieu Psoma 2002, p. 42-45, avec la bibliographie correspondante.

7 Hdt, V , 17.2. 8 Hammond, Griffith 1979, p. 84, 104, mais voir Kagan 1987, p. 24-25. 9 Borza 1982 ; Borza 1987. 10 Voir n. 4. 11 Badian 1994. 12 Gatzolis 2010. 13 Psoma 1999. 14 Lykiardopoulou, Psoma 2000, p. 325-326.

33


Villes et campagne : l’organisation territoriale et urbanistique de la Macédoine antique

P. Adam-Véléni

fig. 6 Vue aérienne de Pella, depuis le sud

les centres urbains Au cours de la période archaïque et au début de la période classique,

toutes les villes étaient entourées de solides murailles qui proté-

les villes coloniales, fondées sur les côtes du golfe Thermaïque

geaient les bâtiments publics et les demeures privées. En s’appuyant

et dans la péninsule de Chalcidique, connurent un grand essor.

sur le périmètre de ces enceintes, on peut estimer l’étendue de ces

Les oikistes avaient choisi des emplacements situés en hauteur,

villes, qui couvraient, selon leur population, de 40 à 400 hectares.

à proximité de la mer pour faciliter le chargement et le décharge-

Olynthe s’étendait sur 80 hectares, Aigai et Béroia se déployaient

ment des marchandises et surveiller la région. Plusieurs villes

sur 70 hectares, Amphipolis s’étalait sur 60 hectares, Apollonia

coloniales présentent des phases de construction remontant à

et Dion sur 40. Parmi les villes plus petites, mentionnons Édessa

l’époque géométrique puis une continuité jusqu’à l’époque classique

avec 25 hectares et Pétrès avec 20 hectares. La capitale Pella

tardive. À ce moment-là, avec la stabilisation de la puissance de

atteignait les 400 hectares (fig. 6). Seule Cassandrée, avec environ

la maison royale, elles étaient entrées dans une phase de décadence

la même superficie, rivalisait avec elle.

et des villes situées dans l’arrière-pays avaient pris la relève. D’ailleurs, afin d’unifier son royaume, Philippe I I fit entièrement

En Macédoine, les systèmes urbanistiques sont de quatre types. 1/ Le système libre, habituel dans les villes situées sur les hauteurs.

détruire plusieurs de ces cités coloniales, ou de population locale,

Les îlots d’habitation sont de tailles inégales, selon les particularités

comme Amphipolis, Potidée, Apollonia ; il en refonda certaines,

du sol.

en imposant ses vues dans leur administration.

2/ Le système hippodamien, dans les villes de plaine, où les îlots

Le climat, la situation, le relief jouèrent un rôle déterminant

habités, tracés au cordeau, sont de dimensions égales, au sein

dans le système urbanistique mis en œuvre dans la construction des

d’un réseau de voies perpendiculaires les unes aux autres.

villes macédoniennes et dans les grands traits de leur organisation.

3/ Le système mixte, qui allie les systèmes libre et hippodamien

De l’époque archaïque à la période hellénistique, on choisit des

dans les villes dont une partie se situe sur des collines tandis

positions naturellement fortes, souvent sur des hauteurs. En outre,

qu’une autre est en plaine.

35


Les arts somptuaires à la cour de Macédoine S. Drougou

Les sources écrites mentionnent les grands artistes qui vécurent à la cour d’Archélaos à la fin du v e siècle av. J .- C . : Euripide passa les dernières années de sa vie en Macédoine et y composa Les Bacchantes et Archélaos 1 ; le grand peintre Zeuxis décora le palais du roi 2 . Alors qu’en Grèce du Sud, en particulier à Athènes, sévissait une

fig. 9 Aigai, tombe « du Prince », groupe en ivoire (Dionysos, ménade et satyre) vergina, musée des tombes royales d’aigai

crise économique consécutive à la guerre du Péloponnèse, l’illustre Téménide « traçait les routes et les construisait », et menait une 3

politique énergique . Au i v e siècle av. J .- C ., l’économie florissante

la richesse de leur contenu et non par leur architecture, on observe

du royaume attira également beaucoup d’artistes en Macédoine.

un intérêt grandissant au i v e siècle av. J .- C . pour les sépultures monu-

L’archéologie fournit cependant les preuves d’un développe-

à chambre couverte d’une voûte en berceau, dites « macédoniennes ».

Les sépultures d’Aigai d’époque archaïque tardive, non seulement

Et précisément, ces tombes « macédoniennes », qui apparaissent au

sont extrêmement riches mais témoignent aussi de l’épanouis se ment

milieu du i v e siècle av. J .- C ., constituent le type le plus caractéristique

de certains domaines artistiques, tels ceux du métal ou de l’armu -

de l’architecture funéraire en Macédoine 7 . Elles présentent une

rerie . L’existence de riches réserves de métaux précieux, les

synthèse d’éléments empruntés aux différentes catégories de l’archi-

connaissances techniques transmises par la tradition et, ce qui est

tecture grecque et à tous les ordres, et mettent au premier plan

fondamental, les contacts de la Macédoine avec le centre de création

la peinture ornementale. Ces constructions souterraines coûteuses

artistique qu’était Athènes, comme avec sa production, entraînèrent

étaient naturellement destinées aux puissants et aux rois de

en effet un exceptionnel développement de la toreutique dans

Macédoine, qui exigeaient de disposer dans la mort des mêmes

5

le pays . Le luxe de la vie quotidienne et la tradition qui imposait

richesses et des mêmes honneurs que ceux dont ils avaient joui

de déposer de riches offrandes dans les tombes allaient conduire

tout au long de leur vie 8 . Ces tombes apportent ainsi un témoignage

à des créations remarquables, plus exceptionnelles encore

remarquable sur la grande peinture, dont on ne connaissait jusqu’à

au i v e siècle av. J .- C . Aussi la présence d’Euripide en Macédoine

leur découverte que fort peu de chose, en dehors des descriptions

acquiert-elle un caractère quasi symbolique aux yeux des spécia-

des sources écrites et des représentations dans la céramique.

listes, alors même que le pays devenait à son époque un pôle

pictural qu’offrent les tombes « macédoniennes » et les tombes

originaires d’Athènes et d’autres cités grecques.

à ciste préservées, auxquelles on peut adjoindre les stèles peintes

6

du i i i e siècle av. J .- C ., comme un véritable musée de la peinture

du i v e siècle av. J .- C . Comme le sol macédonien n’offrait aucun

antique 9 . Les compositions des tombes « de Perséphone », de Philippe,

marbre de qualité, l’accent fut mis sur la décoration picturale

« du Prince » et « d’Eurydice » forment un ensemble très significatif

des édifices publics et privés : dans l’architecture de l’époque,

de témoignages picturaux de la seconde moitié du i v e siècle av. J .- C .

un enduit de qualité supérieure recouvrait très souvent la surface

On y reconnaît les inventions de cet art majeur : rendu du paysage,

irrégulière du poros et donnait l’illusion du marbre, matériau exigé

nuances des couleurs, utilisation de la lumière et du clair-obscur,

vraisem blablement par la somptuosité de l’édifice 6 . Alors qu’au

dramatisation du contenu.

1 Sur Archélaos et son époque, voir Hammond, Griffith 1979,

5

La nécropole d’Aigai peut être considérée, avec l’ensemble

d’attraction pour les grands philosophes et les intellectuels

La peinture occupait une place centrale dans la vie artistique

3 4

mentales appareillées – grandes tombes à ciste en poros ou tombes

ment de la vie politique et artistique antérieur au règne d’Archélaos.

4

2

v e siècle av. J .- C . les tombes se distinguaient principalement par

p. 137-141, 149-151 ; Hatzopoulos 1993, p. 40-43. Sur Euripide, voir Bieber 1961, passim ; Lesky 1964, p. 517, 564 sq. El. , V . H ., X I V , 7 ; Rumpf 1953, p. 126 sq. ; Moreno 1987, p. 85 sq. ; Lévidis 1994, p. 67, 99, 302 sq. ; Scheibler 1994, p. 59 sq. Thuc. 2.100.2. Andronikos 1993a ; Kottaridi 1987 ; Kottaridi 1989 ; Kottaridi 2001 ; Kottaridi 2004a. Pfrommer 1983, Thémélis, Touratsoglou 1997, p. 170 sq. ; Thémélis 2000 ; Barr-Sharrar 2008, passim ; Drougou 2011. Orlandos 1966-1968, vol. 1, p. 135-153 ; Brécoulaki 2006, vol. 1, p. 396 sq. ; Rhomiopoulou, Schmidt-Dounas 2010, p. 9, 102 sq.

7 Pour une mise à jour du catalogue des tombes « macédoniennes »,

9 Andronikos 1984, p. 86-119 ; Saatsoglou-Paliadeli 1984 ; Andronikos

voir Rhomiopoulou, Schmidt-Dounas 2010, p. 119-142, avec la bibliographie antérieure ; voir aussi infra K. Rhomiopoulou, p. 514-515 du catalogue. Treize tombes « macédoniennes » ont été préservées dans la nécropole de Vergina, voir Kottaridi 1996, p. 84 ; Kottaridi 2011a, p. 145 ; Andronikos 1993b, p. 154-177 ; Drougou 2006a ; Drougou 2009b. Sur les tombes monumentales en Macédoine, voir également Mangoldt, von 2010. 8 Peu d’éléments sont connus des rituels et des cérémonies funéraires du I V e siècle av. J .- C ., en dehors de l’Attique, et tout particulièrement pour la Macédoine, voir Andronikos 1984, p. 119-146 ; Tsimbidou-Avloniti 2005, p. 51-57, 134-142, 166-171 ; Sismanidis 1997a, p. 209-220 ; Huguenot 2006.

1993b, p. 154-177 ; Drougou, Saatsoglou-Paliadeli 2005, p. 151-207 ; Tsimbidou-Avloniti 2005, p. 172-184 ; Brécoulaki 2006, vol. 1, p. 49-171, pl. 1-62 ; Brécoulaki 2011 ; infra M. Tsimbidou-Avloniti, p. 415 du catalogue.

39


Alexandre le Grand D. Pandermalis

Alexandre est né en juillet 356 av. J .- C . à la cour royale de Pella,

conceptions politiques et les sociétés humaines, sur les caractéris-

qui, plusieurs décennies auparavant, avait commencé à exercer

tiques essentielles du souverain idéal, sur les contrées lointaines

son pouvoir d’attraction non seulement en raison de ses succès

et les différents peuples. C’est à Miéza aussi qu’Alexandre connut

militaires, mais aussi grâce à la venue de philosophes, de poètes,

ses premiers amis intimes, fils des hétairoi royaux, qui plus tard

d’auteurs dramatiques, de peintres et de sculpteurs, originaires

deviendraient ses généraux célèbres, tels Ptolémée et Héphaistion.

surtout d’Athènes. Son père, Philippe, avait distingué des hommes

L’assassinat de son père en 336 av. J .- C . lui ouvrit le chemin du trône

parmi les plus capables d’assurer les tâches administratives

de Macédoine, où il monta avec le soutien actif des hétairoi, amis

et de mener des opérations diplomatiques et militaires. Sa mère,

du défunt roi. En même temps que le royaume, Alexandre héritait

Olympias, se singularisait par sa forte personnalité. À l’âge de

de son père le commandement d’une expédition panhellénique qui

treize ans, Alexandre côtoyait le grand philosophe Aristote et,

avait été décidée au Conseil de Corinthe. Son but était de neutraliser

lors de leurs promenades à l’ombre du sanctuaire des Nymphes,

définitivement le danger perse qui menaçait constamment la Grèce

à Miéza de Macédoine, il recevait son enseignement sur les

depuis plus de cent cinquante ans. Pour un jeune souverain

fig. 10 Les limites du monde connu au

IVe

siècle av. J.-C.


L’héritage d’Alexandre le Grand dans le monde moyen-oriental antique

Lorsque Alexandre meurt à Babylone en juin 323, le monde moyen-

simple puisse être donnée à une question aussi délicate. Mais,

oriental est à la fois le même et différent. Le même car, sur le plan

au-delà des hyperboles plutarchéennes, il ne fait aucun doute que

géopolitique, sa configuration globale est identique : la conquête

la fondation de cités et de colonies par Alexandre et ses successeurs

macédonienne a maintenu les frontières de l’empire de Darius,

fut un événement de première importance sur le moyen et le long

et le nouveau pouvoir a repris à son compte les satrapies existantes,

terme. C’est ainsi que s’est créée ce que l’on peut appeler une

le système tributaire et autres instruments de la domination, et

diaspora grecque orientale, qui a perduré au cours des siècles,

même une partie du personnel politique achéménide. La diversité

même si évidemment son extension géographique a varié en

linguistique et culturelle de l’empire des Achéménides va continuer

fonction des aléas de la politique 3 .

d’être l’une des caractéristiques de l’empire d’Alexandre, puis

En témoigne, par exemple, une inscription conservée dans

des royaumes hellénistiques. On continue à écrire le cunéiforme

la ville de Magnésie du Méandre en Anatolie occidentale, qui

en Babylonie, le démotique et l’hiéroglyphique en Égypte, et bien

reproduit en copie un décret de la cité d’Antioche de Perside

sûr l’araméen, parlé d’un bout à l’autre de l’empire. Les sanctuaires

(très probablement l’actuelle Bushir, sur le golfe Persique) 4 .

babyloniens et égyptiens ont conservé toute leur place, et les

Les deux communautés civiques reconnaissent et exaltent leurs

populations locales n’ont pas cessé de rendre les cultes traditionnels

liens de parenté ; les divinités invoquées sont considérées comme

1

à leurs divinités topiques . Dans le même temps, la politique d’Alexandre a introduit

« communes », et Magnésie a envoyé un nouveau contingent de colons dans la lointaine colonie. L’inscription montre en outre que,

des ferments de transformation qui produiront tous leurs effets

sises sur les bords du golfe Persique, ou sur les rives des fleuves du

sous les règnes de ses successeurs lagides, séleucides et attalides.

Sud mésopotamien parfois renommés à la grecque (Tigre, Eulaios,

Sous la forme de deux discours marqués par les excès de l’éloge

Séleias), toute une série de cités proches du Golfe avaient reçu

et de la rhétorique, Plutarque a présenté ce qui, selon lui, faisait

des ambassadeurs de Magnésie et avaient accepté de reconnaître

la singularité et la permanence des réalisations d’Alexandre. Son

les fêtes et concours organisés par Magnésie en l’honneur d’Artémis

but, affirme-t-il, était de mêler les choses barbares aux choses

Leucophryénè. Le document offre donc le témoignage frappant d’une

grecques, de traverser et de civiliser tous les continents, « de semer

communauté culturelle grecque, allant de l’Égée au golfe Persique,

et de répandre dans chaque peuple la justice et la paix grecques ».

qui entendait maintenir et approfondir ses liens au cours du temps.

En conclusion, Plutarque estime que « les nouveaux sujets

La politique royale y concourait, car l’immigration grecque

d’Alexandre n’auraient pas été civilisés s’ils n’avaient pas été

vers ces régions était aussi le résultat d’incitations qui venaient

vaincus ; ils n’auraient pas eu Alexandrie, Séleucie en Mésopotamie,

directement de la cour.

ni Prophtasia en Sogdiane, ni Bucephalia en Inde, ni une cité 2

grecque près du Caucase » ! Pris au pied de la lettre, le texte de Plutarque a beaucoup fait

44

P. Briant

L’observation n’implique pas que les Gréco-Macédoniens entre Babylonie et Perse vivaient isolés des populations locales. À Babylone, par exemple, où les traditions du lointain passé restaient

pour suggérer la théorie de l’« hellénisation de l’Orient ». Cette

très vivaces, il y eut certainement introduction d’un peuplement

vision d’une « colonisation civilisatrice » fut longtemps hégémonique

grec qui, même minoritaire, maintint lui-même ses traditions, bien

à travers la très influente historiographie coloniale de l’époque

représentées par un théâtre et une agora. La documentation atteste

contemporaine. Plus personne ne croit aujourd’hui qu’une réponse

les liens étroits que la cour et les élites grecques entretenaient

1 Sur la politique d’Alexandre, voir Briant 2010 et Briant 2011. 2 Plut., De fortuna Alexandri, I - I I . 3 Sur ce qui suit, voir surtout Briant 1999, où les documents sont

rassemblés et commentés en détail. Sur tous les problèmes évoqués, on se reportera aussi à Sherwin-White, Kuhrt 1993. 4 Traduction française dans Bertrand 1992, p. 204-206.


1

Mosaïque de la chasse au lion dernier quart du i v e siècle av. J .- C . découverte : Pella, maison du Dionysos, salle de banquet au nord-ouest de la cour sud galets de rivière et terre cuite h. 184 ; l. 339 cm p e l l a , m u s é e a r c h é o l o g i q u e [ Y D 6]

copie à l’échelle 1/1

46

B I B L I O G R A P H I E

Makaronas 1960, p. 74-75, pl. 43-48 ; Andronikos 1979, pl. 1 ; cat. exp. Washington 1980, p. 11, fig. 1 ; Loukopoulou, Hatzopoulos 1980, p. 156-157, fig. 83 ; Sakellariou 1982, p. 128129, fig. 88 ; Makaronas, Giouri 1989, p. 137-139, fig. 140, pl. 25b ; Pandermalis 1992, p. 60 ; Guimier-Sorbets 1993, p. 126-127, fig. 112 ; Siganidou, Lilimpaki-Akamati 1996, p. 66-67, fig. 47 ; Pella 2000, p. 44, fig. 24 ; Lilimpaki-Akamati, Akamatis I. 2003, p. 24, fig. 14 ; Lilimpaki-Akamati, Akamatis I. 2009, p. 12-13.



la dĂŠcouverte de la MacĂŠdoine antique


la découverte de la macédoine antique

Histoire de l’archéologie grecque en Macédoine

les établissements préhistoriques Les premières tentatives, hésitantes, concernant l’exploration de la préhistoire en Macédoine débutèrent à la fin du x i x e siècle lorsque, à l’occasion de la construction de la ligne de chemin de fer en 1898 par des ingénieurs russes, les professeurs Milliukoff et Pharmakovski fouillèrent une nécropole de l’âge du fer, à Agios Pantéleimon (Patéli), près du lac Bégoritis 1 . La première avancée importante survint fortuitement, après la libération de la Macédoine, au cours de la Première Guerre mondiale. Les troupes alliées qui s’établirent à Thessalonique à l’automne 1915 utilisèrent fig. 13

à des fins militaires les nombreuses toumbès et « tables » qui

Manolis Andronikos

se trouvaient à la périphérie et à l’intérieur de la ville. L’ouverture des tranchées et l’installation de l’artillerie furent à l’origine de découvertes archéologiques intéressantes et donnèrent le signal de campagnes de fouilles menées par des officiers des troupes témoignent de la diversification des formes d’une société complexe 6 .

alliées anglo-françaises 2 .

Son œuvre, comme celles de Rey et de Casson, constitue encore

Léon Rey, officier de l’armée française, fut le premier à diriger

aujourd’hui une référence pour les chercheurs 7 .

des fouilles archéologiques de toumbès. Il ne se contenta pas de publier les résultats des fouilles effectuées autour de Thessalonique,

de l’Olynthe néolithique par Géorgios Mylonas, puisqu’elle constitua

mais dressa l’inventaire et illustra les sites préhistoriques qui 3

avaient été repérés jusqu’alors dans un plus vaste périmètre . Peu

le premier volume consacré aux résultats d’une fouille préhistorique

de temps après, Stanley Casson, dignitaire du corps expéditionnaire

sur le territoire macédonien 8 . Ces premières tentatives furent

britannique puis sous-directeur de l’École britannique d’archéologie,

suivies d’une longue période d’interruption, exception faite de

4

l’activité, au cours des années 1930, de Nikolaos Kotzias, éphore

se lança dans une campagne de fouilles dans la région de Kilkis .

des antiquités, sur des sites comme Mésiméri de Chalcidique

Cependant, la personnalité la plus importante, qui marqua véritablement les débuts de la recherche sur la préhistoire en

et Agios Pantéleimon, cité plus haut. Dès 1961, Robert Rodden

Macédoine en raison du caractère systématique de son travail,

organisa la fouille d’un établissement du Néolithique ancien

demeure William Heurtley. À partir de 1924 et jusqu’en 1931, comme

à Néa Nikomédeia, près de Béroia. Cette fouille se révéla d’une

sous-directeur de l’École britannique d’archéologie, il initia une

importance considérable, en raison, il est vrai, de l’ancienneté

série de campagnes de prospection dans le centre et dans l’ouest de la

des trouvailles, mais aussi parce qu’on y employa pour la première

Macédoine, et publia la synthèse des données collectées jusqu’alors .

fois des méthodes modernes 9 , lesquelles eurent une influence

Dans son livre sont précisées pour la première fois les caractéristiques

ultérieure sur la recherche. À la fin de la même décennie,

d’une époque qui, dans la confrontation avec les illustres découvertes

David French effectua de vastes prospections de surface et dressa

du sud de la Grèce – les complexes palatiaux et les acropoles –,

le catalogue des sites préhistoriques de Macédoine centrale 10 .

5

50

Ce fut une œuvre d’avant-garde que la publication de la fouille

1 Les découvertes (nombreux vases et bijoux de bronze) furent

alors transportées au musée de Constantinople ainsi qu’au musée de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg. Des offrandes funéraires comparables, conservées au musée de Thessalonique, proviennent de la fouille dirigée par l’éphore des antiquités Kotzias durant les années 1930. 2 On notera que, en 1916, le général Maurice Sarrail, commandant en chef des armées alliées d’Orient, avait interdit formellement aux soldats de s’approprier les découvertes, voir Vokotopoulou 1986, p. 4 ; Pappa 2001 ; Kotsakis 2009. 3 Rey 1919-1921.

Casson 1926. Heurtley 1939. Andréou, Fotiadis, Kotsakis 2001 ; Kotsakis 2009. Dans les archives de la 16 e Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques sont conservés les carnets que Heurtley a soigneusement tenus et a fait parvenir comme comptes rendus à l’éphore des antiquités, en même temps que ses lettres qui abordent des sujets d’ordre pratique, principalement. 8 Mylonas 1929. 9 Rodden, Wardle, Pyke et al. 1996. 10 French 1967. 4 5 6 7

M. Pappa


Fouilles grecques des XXe et les grandes découvertes

XXIe

siècles :

2

Couronne de feuilles de chêne en or B I B L I O G R A P H I E

seconde moitié du i v e siècle av. J .- C .

Inédite.

découverte : Aigai (actuelle Vergina), sanctuaire d’Eukleia (août 2008) or d. 16,5 et 18,5 cm ; poids 207,42 g v e r g i n a , f o u i l l e s d e l ’ u n i v e r s i t é a r i s t o t e d e t h e s s a l o n i q u e [m 08/54]

Cette couronne de chêne, dotée d’un riche

dentelé caractéristique des feuilles de chêne

Dans cette pyxide ont été découverts des os

feuillage et de fruits, présente une armature

et sur leur surface on distingue la nervure

brûlés et la couronne en or 5 . De l’eau s’était

circulaire composée de deux joncs creux cylin-

centrale et les nervures secondaires. Les glands

infiltrée à l’intérieur de la pyxide cinéraire et

driques. Ces joncs se chevauchent à l’arrière et

sont rendus moins soigneusement : la partie

des organismes végétaux s’y étaient développés.

sont maintenus par un fil d’or en deux endroits.

inférieure saillante rend approximativement

Ce microenvironnement a eu des conséquences

À l’avant, ils sont ligaturés entre eux par des

le fruit avec les détails en relief.

désastreuses sur l’état de conservation des

Il est manifeste que cette couronne se situe

fils enroulés. Dix-huit petits rameaux avec

ossements et, plus généralement, de toutes

glands et seize groupes de trois feuilles seules

dans la tradition des couronnes d’or produites

les matières organiques. D’après les premiers

se développent à partir de l’armature, alternant

en Macédoine centrale dans la seconde moitié du

résultats de l’étude anthropologique, les os

à distance régulière. Dans les petits orifices

i v e siècle av. J .- C . 2 . Elle fait partie d’un ensemble

brûlés, qui avaient été enveloppés dans une

percés sur l’armature sont piquées de courtes

funéraire clos découvert sur l’agora d’Aigai 3 ,

étoffe pourpre décorée à certains endroits

tiges tubulaires, où s’insèrent les pédoncules

en dehors de la nécropole, dans les terres de

de minuscules lamelles d’or 6 , sont ceux

des feuilles et les brins qui retiennent les glands,

remblai d’une grande fosse de 8 × 8,50 × 1,5 m.

d’un adolescent âgé de quinze à dix-huit ans.

à raison de deux glands par branche. Les petites

La fosse a été localisée immédiatement

feuilles, au nombre de cent quarante-quatre,

au nord de la terrasse du sanctuaire, où ont

dans de riches sépultures de Macédoine datées

ont une longueur de 3 à 4,2 cm. Les quarante-

été découverts des vestiges architecturaux

du milieu du i v e siècle av. J .- C . et des siècles

Des couronnes d’or ont été découvertes

huit autres, celles des seize groupes, mesurent

du

6 cm de long.

un portique avec trois pièces, les fondations

du défunt, reflétaient sa richesse et sa position

d’un grand autel et trois bases honorifiques

sociale ou, dans le cas de couronnes en maté -

fabriquer la couronne 1 : le martelage pour les

en marbre, parmi lesquelles une base inscrite,

riaux moins précieux, évoquaient des croyances

feuilles et pour les petites tiges creuses avant

dédiée par la reine Eurydice, mère de Philippe I I,

eschatologiques sur le passage dans l’au-delà 7 .

Plusieurs techniques ont été utilisées pour

leur montage, un moule bivalve pour les glands, l’incision pour les nervures des feuilles. Les joncs

ive

siècle av. J .- C . : un temple dorique,

4

à la déesse Eukleia . La nature de la fosse, soigneusement creusée

cylindriques de l’armature sont solidement fixés,

mais détruite, à l’intérieur de laquelle se trouvait

les éléments individuels des petites branches

la couronne n’est pas très claire car la fouille

sont bien assemblés et les fils fins, qui traversent

est encore en cours. Dans les terres de remblai

les glands, s’enroulent à leur extrémité pour bien

qui la comblaient a été recueillie de la céramique

les maintenir. Afin de refermer les orifices où

datant du début de l’âge du fer jusqu’au dernier

sont piquées les tiges, le métal a dû être chauffé.

quart du i v e siècle av. J .- C . Les couches supé -

Rythme, harmonie et symétrie caractérisent

suivants. Ces objets, utilisés durant la vie

Les couronnes de feuilles de chêne de Macédoine, datées du i v e siècle av. J .- C ., sont

rieures appartiennent à une construction

l’ensemble de la composition. Le feuillage

ultérieure, qui date du i i i e siècle av. J .- C .

est plus dense à l’avant, de sorte que la partie

Les terres de remblai qui n’ont pas été pertur -

qui culmine est d’une richesse impressionnante.

bées indiquent que la déposition funéraire

C’est d’ailleurs à cet endroit que se cache

a dû survenir au plus tard à la fin du i v e siècle

soigneusement la jonction des deux joncs cylin-

av. J .- C .

driques qui constituent l’armature. Le traite -

L’ensemble funéraire auquel appartient

ment des feuilles est assez naturaliste : elles

la couronne est constitué d’un contenant cylin -

sont constituées d’une fine lamelle à laquelle

drique de bronze, à l’intérieur duquel se trouvait

une tige est fixée ; elles présentent le pourtour

une pyxide en or, également cylindrique.

53

1 Williams, Ogden 1994, p. 17-30. 2 Tsigarida 1993, p. 1634 ; Tsigarida 2006, p. 139-140. 3 Pour l’ensemble des recherches dans le sanctuaire d’Eukleia 4 5 6 7

sur l’agora d’Aigai, voir Saatsoglou-Paliadeli 1996b. Saatsoglou-Paliadeli 1987 ; Saatsoglou-Paliadeli 2000a. Saatsoglou-Paliadeli, Kyriakou, Mitsopoulou et al. 2008. Saatsoglou-Paliadeli, Papagéorgiou, Maniatis et al. 2008. Blech 1982, passim ; Tsigarida 2006, p. 139-140. fig. 15 Aigai, tombe « du Prince », hydrie d'argent et couronne de feuilles de chêne en or vergina, musée des tombes royales d’aigai


la découverte de la macédoine antique

La présence française en Macédoine de la fin du XVIIIe siècle au début du XXe siècle

À la fin du x v i i i e siècle et dans la première moitié du x i x e siècle,

l’exploration scientifique de la région, est aujourd’hui sévèrement

les découvertes archéologiques en Macédoine demeurent aléatoires.

jugé sur ce point 6 . On ne saurait remettre en question le philhellé-

Quelques voyageurs parcourent une région qui peut être dangereuse

nisme et l’érudition dont témoignent les ouvrages dont les deux

et dont les vestiges antiques – à l’exception de ceux de la ville de

hommes sont les auteurs 7 , mais force est de constater qu’à leur

Philippes –, peu lisibles sur le terrain, sont dispersés. Les consuls en

époque la Macédoine n’a pas bénéficié d’une archéologie raisonnée.

poste jouent un rôle important, négociant avec les autorités locales

Le don, le 29 mai 1833, de seize marbres au roi Louis-Philippe

l’origine n’est fondée souvent que sur la tradition orale. Sculptures,

par Louis Félix Jacques Despréaux de Saint-Sauveur, l’un des

stèles funéraires et votives, inscriptions grecques ou latines sont

successeurs de Cousinéry au poste de consul de Salonique, démontre

surtout des œuvres errantes, utilisées en remploi dans des construc-

que le repérage des œuvres antiques repose encore à cette époque

tions modernes. Les diplomates, érudits sans être spécialistes, se

sur la curiosité et sur la démarche personnelle de non-spécialistes.

font numismates, épigraphistes, iconographes. Et s’ils participent,

L’éducation humaniste des commis de l’État français leur permet de

comme Esprit-Marie Cousinéry , à des missions exploratoires

mesurer l’importance historique et artistique des œuvres exhumées

de géographie historique, aidant à l’identification de sites que

fortuitement ou des remplois antiques. L’envoi de rondes-bosses

signale la présence de ruines, la finalité de leur entreprise n’est

et de reliefs sculptés par Despréaux de Saint-Sauveur s’accompagne

pas d’étudier le contexte des œuvres fortuitement mises au jour.

d’une note du consul donnant quelques éléments d’information sur

Dès son arrivée à Thessalonique, au printemps 1787, le nouveau

d’une statue antique, qu’il a trouvée remployée dans le cimetière

l’Empire ottoman, le comte de Choiseul-Gouffier, le priant de lui

juif de Thessalonique, le consul a pu avoir connaissance des autres

procurer, contre remboursement, des « marbres précieux, tels que

marbres lors de ses courses hors de la ville. Dans certains cas, il

fragments de statues, ou de colonnes de porphyre, granit ou vert

semble avoir identifié lui-même les remplois antiques et avoir négocié

antiques » afin de lui permettre d’enrichir sa collection 2 . Cousinéry,

leur dépose. C’est en sa qualité de consul et en échange de services

lui-même collectionneur de monnaies et épigraphiste amateur ,

rendus aux autorités religieuses qu’il a pu se faire remettre certaines

connaît le potentiel archéologique de la région. Son intérêt pour

pièces importantes et que d’autres lui ont été données. Il explique

l’Antiquité ne peut manquer de séduire l’ambassadeur qui n’a

ainsi qu’il a obtenu le buste, considéré désormais comme un portrait

peut-être pas été étranger à sa promotion. Mais il lui est demandé

de Caracalla, de l’évêque et des primats grecs de l’église où il se

de développer un réseau de pourvoyeurs locaux afin d’exporter des

trouvait contre un don qu’il fit « à l’église et comme un témoignage

4

œuvres d’art . Dans sa relation professionnelle avec l’ambassadeur,

de leur reconnaissance pour avoir délivré des mains des Turcs

Cousinéry est considéré moins comme un collaborateur érudit

plusieurs esclaves, leurs coreligionnaires […] 8 ».

que comme un subalterne. Le dépeçage clandestin, entre 1788 5

5 6 7 8

les modalités de leur acquisition et sur leur provenance. À l’exception

consul Cousinéry reçoit une lettre de l’ambassadeur de France dans

3

1 2 3 4

Près de quarante années plus tard, la situation paraît inchangée.

l’enlèvement de quelques marbres jugés intéressants mais dont

1

56

S. Descamps-Lequime

Mais, alors même que les consuls n’ont pas – ce qui ne peut leur

et 1791, de la basilique d’Agios Démétrios pour faire parvenir à

être reproché – de réelles compétences dans le domaine de l’histoire

l’ambas sadeur plusieurs éléments de son décor témoigne des dérives

de l’art antique et de l’archéologie, le caractère officiel de leur mission

du système mis en place : Choiseul-Gouffier, qui en a été l’instiga-

les préserve des critiques qu’auraient pu engendrer des erreurs

teur, plus soucieux d’augmenter sa collection que de favoriser

d’appréciation. Le don de Despréaux de Saint-Sauveur est accepté.

Koutzakiotis 2005, p. 139-143. Ibid., p. 119. Hatzopoulos 1990, p. 208-209. Koutzakiotis 2005, p. 119-124, 133-134. Avant d’occuper les fonctions de consul de France à Salonique, de 1786 à 1793, Cousinéry a travaillé au consulat de la ville de 1773 à 1779 et de 1783 à 1785. Koutzakiotis 2005, p. 135-139, 152-153. Étienne F., Étienne R. 2007, p. 135-137. Choiseul-Gouffier 1782, 1809, 1822 ; Cousinéry 1831. A M N , A 8, Dons et legs, 1799-1847, lettre de L. F. J. Despréaux de Saint-Sauveur au roi Louis-Philippe I er , le 4 mai 1833. Voir infra cat. 7–10, 370, 377, 387, 399.


Découvertes fortuites et présence consulaire à Thessalonique dans la première moitié du XIXe siècle 3

Relief : lion attaquant un taureau B I B L I O G R A P H I E

époque romaine impériale

Desneux 1949, p. 18-23, pl. 4 ; Hamiaux 2001, p. 110, n o 99.

provenance : acheté à Thessalonique atelier : Macédoine marbre h. 93,5 ; l. 109,5 ; é p. 24 cm p a r i s , m u s é e d u l o u v r e , d é p a r t e m e n t d e s a n t i q u i t é s g r e c q u e s , é t r u s q u e s e t r o m a i n e s [ma 857] ; a c q u i s d u l i e u t e n a n t - c o l o n e l c . p . m a l i v o i r e , 1 8 1 7

L’angle supérieur droit de la plaque est brisé ;

au rendu de l’anatomie des animaux, le lion

il manque l’extrémité du bord supérieur gauche,

manque d’agressivité, ses griffes ne s’enfoncent

d’autres 5 . Mais les détails des pattes arrière

une partie de la queue du taureau, l’angle inférieur

pas dans la chair, ses crocs ne mordent pas ; quant

écartées, de la patte avant tendue pour éviter la

droit et une petite portion de la plinthe à droite.

au taureau, les deux pattes avant repliées, la tête

chute et de la tête rentrée dans le cou donnent à

penchée de trois quarts, les cornes inoffensives,

cet animal, en dépit de son échelle réduite, l’énergie

Ce grand relief, dont on sait seulement qu’il

il ne résiste ni ne se défend. Les deux animaux

qui manque au taureau de la plaque du Louvre.

fut acheté à Thessalonique, est le premier objet

pourraient aussi bien être en train de jouer !

provenant de Macédoine entré au Louvre. En

On est bien loin du combat furieux des repré -

dernière une œuvre d’époque romaine, issue

raison du combat entre un lion et un taureau

sentations monétaires, et plus généralement

d’un bon atelier (thessalonicien ?) reprenant

qui y est figuré, on a tout de suite suggéré qu’il

des combats entre animaux de l’art grec d’époque

avec soin, mais sans inspiration, des schémas

provenait des murs d’Akanthos 1 , sur la côte est

archaïque ou classique. La référence à des

anciens. On peut penser, au vu de ses dimensions,

de la Chalcidique, car cette cité avait émis,

modèles classiques est pourtant évidente : daté

qu’elle formait un élément de décor architec tural,

entre 530 et 420 environ av. J .- C ., des tétra-

du dernier quart du i v e siècle av. J .- C ., le taureau

mais il est difficile, en l’absence de tout contexte

drachmes de bronze présentant un motif très

en train de s’affaisser sur un genou, représenté

et de documents similaires 6 , de déterminer sa

semblable, avec de nombreuses variantes 2 .

à l’extrémité de la petite frise du monument de

fonction exacte.

Kallithéa, en Attique, en est un exemple parmi

C’est pourquoi il faut plutôt voir dans cette

M H

Pour la même raison, sa datation a été par la suite fixée vers 460 av. J .- C . 3 . Dans les deux cas, la représentation est la même : le lion agrippe et mord le dos du taureau, lequel, tout en s’affaissant, résiste et cherche à encorner son assaillant. Tandis que dans le format circulaire des monnaies les animaux sont superposés, dans le format presque carré du relief, ils sont répartis en diagonale – la partie supérieure droite est dévolue au lion, la partie inférieure gauche au taureau. Cette composition très ramassée est certainement mieux appropriée au motif qu’une frise, comme le montre le dessin d’un relief repéré avant 1831 dans les environs de Pella 4 . On y voit un taureau attaqué à droite par un lion grimpé sur son encolure, qui, faute de place en hauteur, est bien trop petit. D’époque romaine, ce relief est surtout la preuve qu’en Macédoine le motif n’était pas l’apanage d’Akanthos. Par ailleurs, un examen attentif du relief du Louvre incite à renoncer à une datation très haute dans le temps. Malgré le soin apporté 1 E. Q. Visconti dans le livre d’entrée du musée en 1817. 2 Voir Desneux 1949. Les variantes avec le lion vers la gauche

et le taureau vers la droite comme ici sont rares. 3 Richter 1930, p. 6-7, 49, pl. 5, fig. 13 ; Desneux 1949, p. 23 ;

Hamiaux 2001, p. 110. 4 Cousinéry 1831, p. 97-98, pl. 8. 5 Steinhauer 2001, p. 356, fig. 463. 6 La destination première du grand relief avec un « cavalier thrace »

remployé dans la construction des murailles de Thessalonique, conservé au musée d’Istanbul (Mendel 1914, I I , p. 172-175, n o 492) n’est pas connue.

59


La mission archéologique de Léon Heuzey et d’Honoré Daumet (1861) 15

Stèle funéraire avec une scène d’adieux B I B L I O G R A P H I E

dernier quart du i v e siècle av. J .- C .

Heuzey, Daumet 1876, p. 291-295, pl. 22 ; Biesantz 1965, p. 27-28, n o K 56, pl. 23 ; Hamiaux 1992, p. 247-248, n o 26 ; Pasquier, Martinez 2007, p. 141.

découverte : Aiané, près de Kozani atelier : Thessalie du Nord marbre blanc h. conservée 104 ; l. 101,5 ; é p. 11 cm la découverte de la macédoine antique

p a r i s , m u s é e d u l o u v r e , d é p a r t e m e n t d e s a n t i q u i t é s g r e c q u e s , é t r u s q u e s e t r o m a i n e s [ma 804] mission l. heuzey et h. daumet ; entrée au louvre en 1862

Grande plaque dont il manque la partie supérieure

Le relief représente une famille réunie autour

un couvre-chef souvent qualifié de « causia 1 »

et la partie inférieure droite. Le visage d’un des

d’un défunt assis, de profil vers la droite, sur

(sorte de béret typiquement macédonien) – en

personnages est arraché. À la partie inférieure,

un siège à marchepied. Il est vêtu d’une tunique

réalité un traditionnel pétase grec, reconnais-

restes de la partie piquetée qui servait à ficher

à manches courtes et d’une chlamyde longue,

sable à ses larges bords, à sa petite calotte et aux

la stèle dans une base.

agrafée sur l’épaule droite, et porte sur la tête

liens qui l’attachent sous le menton et derrière

76 1 En dernier lieu Pasquier, Martinez 2007, p. 141.


Les fouilles du Service archéologique de l’armée d’Orient (1917-1918)

20 à 34

La nécropole de Bohémitsa (actuelle Axioupolis) B I B L I O G R A P H I E 1

Rey 1932b .

Des sépultures furent découvertes fortuitement en juin 1918 par un

les ont fabriqués et du haut niveau de prospérité des populations qui

détachement de l’infanterie française qui avait pris position sur la rive

les portaient dans la seconde moitié du v i i e siècle et au début du v i e siècle

droite du Vardar, l’Axios grec, à une soixantaine de kilomètres au

av. J .- C . Ils s’inscrivent dans le corpus plus vaste des bronzes dits

nord-ouest de Thessalonique. Les soldats mirent au jour les vestiges

« macédoniens », attestés de la Chalcidique, au sud, à la région du Vardar,

de plusieurs tombes alors qu’ils creusaient des tranchées sur un plateau

vers le nord, et qui renvoient, par une typologie comparable, à certaines

au nord de Bohémitsa. Il s’agissait de tombes à inhumation, dont le

productions balkaniques. Ces parures ont été attribuées à l’ethnie des

matériel funéraire – essentiellement des éléments de parure en bronze

Péoniens 3 . Leur présence, non seulement à Bohémitsa, mais également

et quelques armes de fer – fut recueilli méthodiquement. Grâce au soin

dans les nécropoles d’Axiochori, de Chauchitsa (Tsaousitsa)-Kilkis,

avec lequel le docteur Raoul Caussé dirigea les fouilles, la nécropole

de Gevgéli 4 et, plus au nord, dans celles de Radanje ou encore de Siroko,

de Bohémitsa compte parmi les sites les plus représentatifs de l’âge du fer

témoignent des liens ethniques et culturels que favorisait le réseau

en Macédoine 2 . Les observations rapportées par Rey sur la disposition

fluvial de la région et particulièrement le Vardar, importante voie

de certains bronzes dans les tombes – emplacement par rapport au

de communication entre l’Europe centrale et la mer Égée (fig. 129).

corps du défunt, regroupement – permettent de confirmer leur fonction

Les objets, expédiés à Paris le 3 mars 1919, arrivèrent au musée

décorative et de préciser dans certains cas la composition des parures

du Louvre le 1 er août de la même année 5 . Certains, demeurés inédits, ont

auxquelles ils appartenaient. Ces bijoux, produits vraisemblablement

pu être identifiés grâce à leur marque d’invention B H – pour Bohémitsa –,

localement, témoignent de la maîtrise technique des artisans qui

suivi du numéro de la sépulture 6 . S D-L

20/ 1–12

Tombe n o 2 B I B L I O G R A P H I E

sépulture féminine

Rey 1932b, p. 40-42, 49 fig. 5, 50 fig. 6, 53 fig. 8.8, 55 fig. 9, 58 ; Hammond 1972, p. 353-354 ; Bouzek 1974a, p. 77 ; Kilian 1975a, p. 97, pl. 101 ; Kilian-Dirlmeier 1979, p. 46, 47, 206.

seconde moitié du v i i e siècle av. J .- C .

La sépulture était constituée de deux pierres pour le couvercle et de huit autres, posées de chant, pour les parois. Les perles en ambre et les douze petites perles en terre cuite, décrites par le fouilleur comme trouvées à proximité de la tête de la défunte, n’ont pu être identifiées. S D-L

89 1 Les auteurs des publications postérieures se sont appuyés

sur celle de Rey sans pouvoir étudier directement les objets. Les dessins, exécutés d’après les photographies de la première publication sont approximatifs. 2 Essentiellement dans sa phase I I B . Sur les limites chronologiques de cette période (environ le troisième tiers du V I I e siècle et les premières décennies du V I e siècle av. J .- C .), et sur la datation relative des pendeloques, voir Kilian 1975a, pl. 101 ; Savvopoulou 1988a, p. 97, 99. 3 Savvopoulou 1988a, p. 100.

4 Et des sites voisins de Suva Reka, Milci, Dédéli : voir la carte

de Savvopoulou 1988a, p. 98. 5 Lettre manuscrite de Rey, datée du 8 mai 1920 ; A M N A 4 , 1901-1920,

armée d’Orient 1919, 1 er août. 6 Notamment la tige de fer perforée, avec une extrémité incurvée en forme de poignée, B r 4586 ( B H 3) ; la pointe de flèche en fer, B r 4587.1-2 ( B H 4) ; un bracelet ouvert avec les extrémités amenuisées qui se chevauchent et les fragments d’un second bracelet B r 4588.1-2 ( B H 4) ; les fragments d’une fibule de bronze à spirales B r 4589 ( B H 8).



de la préhistoire à la formation du royaume : la Macédoine jusqu’au vie siècle av. J.-C.


Les premières agglomérations rurales de l’Europe

siècle av. J.-C.

Les premières installations néolithiques apparaissent en Macédoine

le nouveau mode de vie . Mais la présence en Macédoine de peuple -

que l’on rencontre dans les premiers édifices néolithiques, à position

ments prénéolithiques n’a pas encore été localisée avec certitude,

centrale, de l’Anatolie du Sud-Est au X e millénaire avant notre ère.

V I e

aussi le processus de formation des toutes premières communautés

Certes, contrairement à ce que l’on observe en Anatolie, il n’y a

de la préhistoire à la formation du royaume : la macédoine jusqu’au

K. Kotsakis

d’agriculteurs-éleveurs demeure-t-il très peu connu. Il semble

à Néa Nikomédia aucune trace d’ensevelissement, mais la présence

que l’émergence des agriculteurs-éleveurs en Grèce ait été liée

d’un tel bâtiment doit être mise en relation avec les structures

à l’évolution constatée à plus grande échelle en Anatolie centrale,

idéologiques qui prévalaient dans cette agglomération.

e

au dernier quart du V I I millénaire avant notre ère. La région suivit,

mobilier indiquent en effet un usage que rien ne relie à une activité

peu après la Grèce du Sud, les transformations engendrées par

domestique quotidienne, un usage analogue probablement à celui

1

mais l’extension et les modalités du transfert des nouveaux modes de vie, ainsi que les rapports avec les populations locales en mer 2

formèrent, au fil du temps, en toumbès, c’est-à-dire en éminences caractéristiques, qui se reconnaissent de loin dans le paysage. Leur

Ces investigations concernent plus particulièrement la Macédoine,

rapide croissance était due à la reconstruction des maisons qui, en

où la colonisation néolithique fut en relation directe avec les

règle générale, était menée au-dessus des fondations des maisons

installations plus précoces de la Thessalie .

plus anciennes. La recherche actuelle reconnaît dans cette pratique

Indépendamment de l’origine des populations néolithiques, e

1 2 3 4 5 6 7 8 9

Beaucoup d’agglomérations, fondées à cette époque, se trans -

Égée et en Grèce continentale sont encore l’objet de recherches .

3

152

les fouilleurs comme un lieu sacré. La forme de ce bâtiment et son

un agencement clairement destiné à affirmer la souveraineté symbo -

il est indéniable que, dans les derniers siècles du V I I millénaire

lique des habitants sur cet espace. Cette disposition semble cependant

avant notre ère, la Macédoine fut davantage habitée par des agricul-

absente des agglomérations de plaine : les maisons n’y étaient pas

teurs-éleveurs, comme l’attestent les installations qui apparaissent

reconstruites au même endroit. Les agglomérations de plaine pou -

alors. La mieux connue est celle de Néa Nikomédeia qui, d’après

vaient occuper une grande superficie, mais la densité des maisons

sa culture matérielle, était liée à la phase avancée du Néolithique

demeurait faible, avec des espaces vides entre elles. Les habitations

ancien de la Thessalie 4 . Cette agglomération se caractérisait par des

ne présentaient pas la construction soignée de celles des collines,

habitations quadrangulaires, construites en terre avec des poteaux

et elles donnaient l’impression d’être plus éphémères : on ne trouve

de bois. Or ces maisons furent rebâties par la suite, à peu près au

souvent que des fosses creusées dans le sol naturel avec une super -

même emplacement, constituant ainsi, et pour la première fois dans

structure dépourvue d’apprêt. Les fouilles récentes de Macédoine

cette région, une installation permanente à laquelle les hommes

ont exploré bon nombre d’habitats de ce type. Le plus ancien est celui

allaient rester attachés pendant des centaines d’années. La notion

de Paliambéla près de Kolindros 5 , fondé avant la fin du V I I e millénaire.

de lieu en tant que référence pérenne de perpétuation de la vie

Un autre, un peu plus récent, se trouve dans l’enceinte de l’Exposition

néo lithique fit ainsi son apparition. Il s’agissait donc d’un lieu

internationale de Thessalonique 6 . Plus à l’ouest, les agglomérations

de mémoire et de continuité, d’une partie de l’espace naturel où

de Giannitsa et d’Apsalos 7 , près d’Almopia 8 , sont de même époque que

les structures essentielles, qui garantissaient le fonctionnement de

celle de Néa Nikomédeia, tout comme celle de Révénia 9 , plus au sud.

la communauté et sa cohésion, trouvaient leur fondement matériel :

Certains aspects de leur culture matérielle relient ces communautés

cet espace faisait exister la communauté. Un bâtiment plus grand,

à la Thessalie, dans sa phase « Protosesklo », ainsi qu’à des régions

situé à peu près au centre de l’agglomération, a été interprété par

situées au nord des frontières actuelles de la Grèce.

Andréou, Fotiadis, Kotsakis 2001. Kotsakis 2009. Perlès 2001. Rodden, Wardle, Pyke et al. 1996. Kotsakis, Halstead 2002. Pappa 1993. Chrysostomou P. 1996b. Chrysostomou A., Poloukidou, Prokopidou 2001. Bésios, Adaktylou 2004.


L’âge du bronze et l’âge du fer en Macédoine L’habitat à l’âge du bronze récent É. Stéfani

L’habitat en Macédoine à l’âge du bronze récent présente, selon les régions, des points communs et des divergences. Ces dernières dépendent autant des spécificités du milieu et des possibilités de communication d’une région à l’autre que des précédents modèles d’habitat et d’organisation sociale. Les données dont nous disposons pour l’ensemble de la Macédoine ne sont comparables ni qualitativement ni quantitativement ; elles sont également fonction du degré fig. 26

de développement de la recherche (fouilles ou prospections de

Kastanas, l’habitat de l’âge du bronze

surface 1 ) et des publications. En Macédoine orientale, les sites du bronze récent 2 sont presque deux fois plus nombreux qu’à la période précédente, phénomène interprété comme l’indice d’une augmentation de la population 3 . Il s’agit principalement de sites établis sur des pentes ou des sommets peu élevés et de quelques rares toumbès. Par rapport aux périodes plus anciennes, les sites plus élevés ont la préférence, sans que

mycénien 8 . Des caractéristiques propres à l’organisation intra

d’altitudes plus élevées s’explique probablement par la hausse

et intercommunautaire des sites du bronze récent, tels des murs

du niveau de la nappe phréatique survenue dans les plaines 5 , peut-

de soutènement à la périphérie de l’habitat, la création de grands

être aussi par une augmentation de la superficie des terres à pâture

entrepôts communs, mais aussi la présence d’une céramique de type

et un développement significatif de l’exploitation du châtaignier

mycénien, mettent sur la piste d’influences mycéniennes. À Assiros 9 ,

et du noyer. L’habitat, comme c’est le cas à Angista (près de la gare

l’aménagement du territoire témoigne d’une certaine élaboration :

ferroviaire), est constitué d’édifices rectangulaires aux murs de

la toumba est délimitée sur sa périphérie par un mur de soutène -

brique, fondés sur de la pierre. À Dikili Tash a été fouillé un édifice

ment, une construction architecturale aux multiples fonctions.

absidal élevé sur une krépis en pierre et doté de murs en briques

On peut voir des maisons composées de plusieurs espaces, séparées

6

crues liées par du mortier . À Thasos, dans la seconde moitié du

par d’étroites ruelles. L’organisation de l’habitat dans la phase 9

I I e millénaire, on constate que les établissements se déplacent vers

(autour de 1300 av. J .- C .) présente un intérêt tout particulier.

l’intérieur de l’île. Un seul habitat côtier datant du bronze récent

Les quelques espaces datant de cette époque qui y ont été mis

a été identifié à Agios Antonios Potou, où des édifices rectangu -

au jour sont des entrepôts. La quantité de denrées entreposées,

laires en pierre ont été fouillés. Dans certains établissements de

leur variété ainsi que leur méthode de stockage ont permis

Macédoine orientale, comme à la gare d’Angista et probablement

de formuler l’hypothèse selon laquelle au sommet de la toumba

à Agios Antonios de Thasos, des vestiges de dispositifs de soutè -

se trouvaient des espaces destinés à conserver la récolte de

7

nement ont été identifiés à la périphérie des habitats . La recherche concernant le bronze récent en Macédoine centrale s’est développée autour de l’idée d’une première phase 1 Pour la prospection à Langadas, voir Andréou, Kotsakis 1994 ;

2 3 4 5 6

de « centralisation » de l’habitat sous l’influence du système palatial

disparaissent pour autant les sites établis à basse altitude . Le choix

4

Andréou, Kotsakis 2003. Pour la prospection dans la région de Grévéna, voir Chang 1992 ; Chang, Tourtellotte 1993. Voir la synthèse de toutes les données sur le sujet dans Papadopoulos 2010. Fotiadis 1985, p. 276. Blouet 1986, p. 141. Davidson 1986, p. 30. Séfèriadès 1985, p. 108 ; Treuil 1992, p. 52.

la communauté. Assiros a probablement occupé, au cours des phases 9 et 8 de son existence (x i v e et x i i i e siècles av. J .- C .), une place importante au centre d’un petit réseau local d’habitats.

7 Papadopoulos 2010, p. 162. 8 Voir les débats afférents dans Andréou, Kotsakis 1987, p. 64, 85 ;

Kilian 1990 ; Wardle K. 1993 ; Andréou, Kotsakis 2003, p. 111-114 ; Andréou 2001, p. 164-165 ; Andréou 2003. 9 Wardle K., Halstead, Jones 1980 ; Wardle K.1983, 1987, 1988, 1989.

153


Découvertes mycéniennes à Aiané et en Élimiotide

1

L’âge du bronze récent en haute Macédoine se distingue par

des communautés revenues s’installer au Nord et au Nord-Ouest

l’apparition d’objets mycéniens, parallèlement à l’émergence et

aux x v e –x i v e siècles, bien après être descendues vers le sud,

à la diffusion de la céramique à décor mat (x v e –x i v e siècles av. J .- C .).

ou en raison de continuels va-et-vient propres à l’économie

Dans l’ensemble de la circonscription de Kozani, des objets

de trans humance et au mode de vie nomade. Ces communautés

mycéniens ont été identifiés sur vingt-huit sites, aussi bien en

correspondraient aux Macédoniens des temps historiques, pour

contexte domestique que dans des tombes. Parmi les trouvailles

lesquels la tradition philologique établit des liens directs avec

caractéristiques, on peut citer l’embouchure d’un pithos comportant

les Doriens. Les Macédoniens originaires du Sud qui se sont

une inscription en linéaire, les offrandes funéraires mycéniennes

installés dans le Pinde en tant qu’ethnos connu sous le nom

d’une nécropole d’Aiané, une idole mycénienne et des objets

de « famille macédonienne 2 » s’étaient rendus en Dryopide-

comparables dans les nécropoles d’Ano Komi, de Rymnio, de Sparto

Doride et dans le Péloponnèse et avaient pris le nom de Doriens 3 .

et, plus largement, de la région entre fleuve et lac sur le cours moyen

En conséquence, les découvertes d’Aiané constituent un argu -

de l’Haliakmon, à Trigoniko. La présence mycénienne s’avère sans

ment supplémentaire contre l’ancienne hypothèse, au demeurant

cesse plus importante et conforte l’opinion selon laquelle existaient

infondée, selon laquelle l’invasion dorienne de la fin du

dans la région des établissements mycéniens au faciès spécifique.

I I e millénaire av. J .- C . aurait été un véritable cataclysme.

l’âge du bronze

G. Karamitrou-Mentésidi

C’est particulièrement le cas pour la région d’Aiané et du cours moyen de l’Haliakmon, voisine de la Thessalie et terre de contacts comme d’influences réciproques. La céramique faite à la main, dite macédonienne à décor mat ou dorienne, est particulièrement répandue à Aiané (fig. 28) , qui, comme cela a été démontré, était un important centre de production doté d’un atelier pionnier dont les œuvres ont été identifiées dans de nombreuses régions voisines et plus lointaines. L’essentiel des sites où cette céramique est représentée se concentre en Macédoine occidentale (quarante-huit pour la seule circonscription de Kozani), surtout le long de l’Haliakmon. Les dernières trouvailles à Aiané non seulement confirment l’apparition précoce de cette céramique à partir du x v e siècle av. J .- C . en haute Macédoine, à la même époque qu’en Macédoine centrale, mais fournissent aussi des arguments qui permettent d’établir avec vraisemblance une chronologie encore plus haute. La théorie selon laquelle cette céramique serait issue d’un type analogue – la céramique mésohelladique de Grèce méri dionale des x i x e –x v i e siècles av. J .- C . – est désormais établie. Avec les découvertes d’Aiané, aucun doute ne subsiste en effet sur la provenance méridionale de cette céramique, introduite par

155 fig. 28

1 Karamitrou-Mentésidi 1993a-d, 1996a-b, 1999a,

2000a, 2003, 2006d, 2008a-b, 2009a. 2 Makednov n kaleov m enon oiv k ee . 3 Hdt, 1.56 ; 8.137-139 ; Thuc., 2.99.

Aiané. Céramique locale à décor mat


Nécropoles « mycéniennes » dans la région de l’Olympe

siècle av. J.-C.

Une exploration systématique a été entreprise depuis une trentaine

V I e

les premières communautés étaient, du point de vue culturel,

de la préhistoire à la formation du royaume : la macédoine jusqu’au

E. Poulaki

plutôt tournées vers l’aire thessalo-eubéenne.

d’années dans la région de l’Olympe afin de repérer et de préserver les vestiges antiques. Les fouilles menées dans quelques sites nouveaux ont montré que dans cette région, qui, sur un plan géo politique, faisait partie du noyau primitif de la basse Macédoine 1 ,

En Piérie 2 , dès les premières phases d’occupation, le lien culturel que l’on peut établir avec la Thessalie fournit des repères sur l’origine des habitants de cette région. Trois sites au moins remontent à l’époque de transition entre l’âge du bronze moyen et l’époque mycénienne, notamment Platamonas et Leptokaria. On situe à l’époque mycénienne les sites d’Agios Démétrios (Spathès) et celui, tout proche, de Sténa Pétras, ainsi que trois sites à Litochoro et trois autres dans la région de Leibèthra. Par la suite, les sites des époques protogéométrique, protogéométrique tardive et géométrique se multiplient, tels Dion, Pétra, Leibèthra et Hérakleion. Seule la nécropole de Spathès, établissement qui contrôlait l’important passage montagneux entre Pétra et Pythio, a été fouillée. Trente-quatre sépultures y ont été mises au jour, dont beaucoup avaient été pillées et détruites. Il s’agit de grandes fosses aux parois verticales qui abritaient au fond une tombe à ciste constituée de dalles 3 . Une couche de mortier d’argile pure 4 recouvrait la tombe et remplissait le bas de la fosse, le reste étant remblayé avec de la terre. En général, chaque tombe contenait plusieurs défunts, probablement de la même famille. Les dépositions précédentes et les offrandes qui les accompagnaient (céramique de type mycénien ou faite à la main, armes, bijoux, etc.) étaient repoussées sur le côté pour faire de la place. Quand la tombe était pleine, soit elle était abandonnée définitivement, soit, pour faire de la place au nouveau défunt, les occupants précédents en étaient extraits ; leurs restes se mêlaient à la terre de remblai de la grande fosse.

156

Sth; Makedoniv d a gh` : en « terre macédonienne », au sud de l’Haliakmon, voir Hdt, V I I 7,127, 1 sq. ; Poulaki 2001, p. 183-219. 2 La Piérie faisait partie du royaume des Téménides, ancêtres d’Alexandre le Grand. 3 Type déjà connu, voir Nordquist 1987, p. 93. 4 On connaît déjà cette pratique, qui consiste à recouvrir d’argile les dalles de couverture, comme à Lerne, voir Blackburn 1970, tombe 109, tombe 187b, etc. 1


L’habitat dans la première phase de l’âge du fer

1

de la préhistoire à la formation du royaume : la macédoine jusqu’au

V I e

siècle av. J.-C.

C. Koukouli-Chrysanthaki

La documentation sur l’habitat de la Macédoine au début de l’âge du fer est encore fragmentaire, car la recherche archéologique progresse inégalement selon les sites. En Macédoine orientale, on note certes la destruction et l’abandon des établissements de l’âge du bronze récent mais aussi la persistance de l’occupation dans bon nombre de sites de cette période. Dans les agglomérations qui survivent comme dans les nouvelles qui apparaissent au début de l’âge du fer, on remarque une préférence pour des sites fortifiés qui contrôlent le réseau viaire de l’arrière-pays ou des ports naturels : c’est là leur caractéristique fondamentale. Parmi les sites importants du début de l’âge du fer, on compte des habitats de l’arrière-pays, comme celui qui se trouve près de l’antique Amphipolis (colline 133), à proximité du gué du Strymon, et d’autres, fondés avant l’occupation du littoral où s’établirent ensuite des colonies de la deuxième colonisation grecque, comme Éion ou Galepsos 2 . Mais on ne peut se faire une image de leurs habitations car ces sites n’ont pas encore été fouillés. À Thasos, le déplacement des populations vers l’intérieur de

nécropoles confirment l’occupation continue des sites du bronze

l’île, que l’on repère à partir de l’âge du bronze récent, est achevé

récent, comme à Aiané 5 ou à Pydna 6 . Grâce à des fouilles de

dans la première phase de l’âge du fer 3 . Ainsi l’agglomération

sauvetage effectuées lors de grands travaux routiers, nous en savons

proche du littoral d’Agios Antonios Potou, datée du bronze récent,

davantage sur la dispersion de l’habitat et sur l’organisation des

est abandonnée et celle de Kastri devient manifestement l’agglomé-

agglomérations, habitées durablement ou périodiquement, dans

ration centrale de l’île. Dans les nécropoles, les tombes familiales

les régions montagneuses de Macédoine occidentale au début

du bronze récent, bâties en pierre, continuent à être utilisées,

de l’âge du fer, par exemple au pied du mont Bermion, sur le site

ce qui confirme une persistance de culture et de peuplement.

de Kallipétra 7 , dans la région de Tziamala 8 ou sur le site d’Asomata 9 .

Les fouilles ont mis au jour des vestiges fragmentaires de construc-

Au pied de l’Olympe d’autre part, à Krania (l’antique Hérakleion),

tions : il en ressort qu’au premier âge du fer prédominent à Kastri les

a été découvert un important bâtiment, construit en pierre,

bâtiments à socle en pierre ; ils devaient suivre un plan urbanistique

de plan ellipsoïdal, datant de la fin du v i i i e siècle av. J .- C ., avec

sur le sommet plat de la colline, à l’extérieur d’une petite acropole

son mobilier et ses dépendances extérieures, élevé au-dessus

fortifiée, tandis que sur le flanc nord-est de la colline on construisait

d’un enclos détruit du bronze récent 10 .

librement sur des terrasses empierrées, comme la maison à abside, 4

édifiée en pierre, de la dernière phase d’occupation de l’habitat . En Macédoine occidentale et méridionale (Piérie), des prospec164

fig. 29 Assiros, plan de l’habitat vers 900 av. J.-C.

tions de surface et des fouilles pratiquées dans des habitats et des 1 Fin du X I e siècle-fin du V I I I e siècle av. J .- C . 2 Koukouli-Chrysanthaki 1993, p. 682-691. 3 Koukouli-Chrysanthaki 1992, p. 703-724. 4 Koukouli-Chrysanthaki 1992, p. 708-710, fig. 169. 5 Karamitrou-Mentésidi 1989, p. 46-49. 6 Bésios 1996, p. 236. 7 Stéfani 2002, p. 534, fig. 2. 8 Kottaridi 2002, p. 501-508. 9 Koukouvou 2000, p. 564-565. 10 Poulaki-Pandermali 2001, p. 335-339.

La Macédoine centrale apporte elle aussi des précisions intéressantes sur l’évolution urbanistique des agglomérations et l’aspect des constructions : grâce à des fouilles systématiquement menées à vaste échelle, nous sommes assurés de la continuité de l’occupation


Vergina, la nécropole des tumuli

l’âge du fer

S. Drougou

La nécropole antique des tumuli, au sud-est de la zone située entre les deux villages de Vergina et de Palatitsia, près de l’Haliakmon, est l’une des plus grandes de la Macédoine. Par la durée de son usage, elle constitue, sur le plan archéologique, un cas unique dans la région 1 . Sur près de 2 km, plus de trois cent cinquante tertres, fig. 32

contenant chacun d’une à cinq tombes, couvrent dix siècles de

Sépulture féminine AH II (voir cat. 83)

présence humaine dans l’antique cité d’Aigai (x i e –x e siècles av. J .- C . – i i e –i i i e siècles apr. J .- C .). Une grande partie des tumuli date de l’âge du fer (1000-700 av. J .- C .), comme en témoignent les armes et les parures caractéristiques, ainsi que les vases de terre cuite, qui accompagnaient les morts 2 . Certains de ces tumuli ont été réutilisés à l’époque hellénistique ; un grand nombre d’autres, des

ve

et

ive

siècles av. J .- C . surtout, ont été identifiés dans

la partie sud-ouest de la nécropole, plus proche des remparts 3

Les tumuli les plus anciens (1000-700 av. J .- C .) correspondent

La vie religieuse de cette société reposait sur les mêmes

à double tranchant, faite d’une mince tôle 9 , et le large diadème

à des groupements de tombes d’hommes et de femmes qui apparte-

au décor géométrique en pointillé, doivent être en effet consi -

naient, semble-t-il, à des familles précises ou à un lignage plus vaste.

dérés comme des symboles, très vraisemblablement, du pouvoir

Les membres de ces familles étaient inhumés en un lieu qui leur

politique ou religieux particulier dont était revêtu le mort 10 .

appartenait et, bien souvent, durant une longue période 4 . Les hommes

Armes, bijoux, vêtements et rites funéraires illustrent la parenté

étaient ensevelis avec leurs armes (épées de fer, pointes de lance

de cette société avec les populations et les cultures d’Europe centrale

et de javelot, poignards) et quelques parures 5 . Mentionnons une

à l’âge du bronze et, surtout, à l’âge du fer. Mais dans le même temps,

unique épée de bronze dans l’une des plus anciennes sépultures

la céramique présente un double phénomène significatif : la tradition

6

de la nécropole, vestige de l’âge du bronze . Les tombes féminines,

locale très ancienne des vases façonnés à la main et, parallèlement,

moins nombreuses, sont les plus impressionnantes avec leurs

l’introduction progressive, depuis la Grèce du Sud (par exemple,

bijoux variés – surtout de bronze – et les accessoires des vêtements.

depuis la Thessalie et l’Eubée), puis la prépondérance de la

Des armilles, des fibules en forme de huit, des ornements pour

céramique à décor géométrique faite au tour (céramique « proto -

les cheveux, des ceintures de bronze attestent le souci qu’avaient

géométrique ») 11 . Les toutes premières tombes, entourées de

les femmes de leur apparence et de leur beauté 7 , et donc d’une

périboles de pierre et recouvertes de terre rouge – ce qui leur

identité sociale propre, équivalant naturellement à ce que l’on

donne l’apparence de petits tumuli (c’est-à-dire de tertres) –,

observe chez les hommes avec leur armement. Des toutes premières

offrent une image dynamique de l’époque d’installation des

sépultures de la grande nécropole se dégage l’image d’une société

Macédoniens dans la plaine de l’Haliakmon, de leur rencontre

nettement structurée, fondée sur la lignée et la famille. La classe

avec les populations locales plus anciennes et des débuts de

des guerriers se trouvait vraisemblablement au sommet de

leur organisation sociale.

1 Petsas 1961-1962 ; Petsas 1963 ; Andronikos 1969 ; Faklaris 1987 ;

3 4 5 6

par son habillement lourd et recherché 8 .

principes. Certains objets de bronze, comme la triple hache

de la cité antique .

2

la hiérarchie sociale, l’épouse de même rang étant identifiée

7 Andronikos 1969, p. 156 sq. ; Drougou, Saatsoglou-Paliadeli 2005, Rhomiopoulou, Kilian-Dirlmeier 1989. Sur la signification de cette p. 146-150. 8 Andronikos 1984, p. 28-30 ; Drougou, Saatsoglou-Paliadeli 2005, vaste nécropole, voir Kottaridi 2009, p. 151, n. 17 ; Hammond 1972, p. 210-213. p. 328-340. Petsas 1961-1962 ; Petsas 1963 ; Andronikos 1969. Sur l’interprétation 9 Voir cat. 83/ 23 . 10 Voir n. 7 et 8. des offrandes, voir Radt 1974, p. 98 sq. ; Braüning 1995, p. 46 sq. Andronikos 1987a ; Kottaridi 1996 ; Kottaridi 2001 ; Kottaridi 2009. 11 Andronikos 1969, p. 167 sq. ; l’étude de la céramique de Macédoine, Voir n. 1. malgré sa complexité, s’avère très prometteuse. Bouzek 1978 ; Andronikos 1984, p. 25-30 ; Bräuning 1995, p. 46 sq. Andronikos 1984, p. 30.

167


La nécropole de Néa Philadelpheia

siècle av. J.-C.

Dans la région agricole de Néa Philadelpheia, près du fleuve Gallikos

dans les tombes, il semble qu’elle ait été organisée en classes

(l’antique Échédoros), une communauté nombreuse s’est installée,

sociales, mais qu’elle ait trouvé sa cohésion dans le principe de

à l’âge du bronze, dans un lieu où l’eau abonde avec des sources

l’égalité devant la mort. Les sépultures des riches et des pauvres

qui apportent la richesse et où s’étendent les cultures. À l’époque

occupaient une surface égale et se répartissaient dans toute

géométrique et jusqu’au début de l’époque hellénistique, la

l’étendue de la nécropole. La stricte délimitation de la nécropole

V I e

bourgade se situait principalement au lieu-dit Trapéza Nares 1 ,

montre combien on se souciait de séparer la terre cultivable de

de la préhistoire à la formation du royaume : la macédoine jusqu’au

V. Misailidou-Despotidou

tandis que des installations plus petites, de l’époque géométrique,

la zone du cimetière, tandis que l’économie florissante de cette

2

se trouvaient à d’autres emplacements près du fleuve . La nécropole de l’âge du fer, utilisée sans interruption du i x e au v i i e siècle ou jusqu’aux premières décennies du v i e siècle av. J .- C ., et occasionnellement dans les siècles suivants, se situait dans la plaine près de Trapéza Nares. Les rangées de tombes situées aux confins de la nécropole permettent de discerner nettement ses limites. Ce sont deux mille deux cent vingt-huit tombes d’adultes et d’enfants qui ont été découvertes, sur une superficie de 1,2 hectare 3 . Les ensevelissements dans des tombes individuelles prédominent, tombes à fosse ou à ciste et rarement dans des jarres. On note une petite proportion d’incinérations. Quarante pour cent des tombes contiennent des offrandes : de la céramique – surtout des vases à boire –, des bijoux – la plupart du temps en bronze ou en fer, plus rarement en or –, des couteaux propres aux travaux domestiques et des pesons de terre cuite destinés au travail de la laine. Les bijoux de bronze offrent une grande variété de formes et de décors. Il s’agit d’armilles ou de bracelets rubanés ornés d’un décor gravé ou pointillé, de fibules et d’épingles, de bagues au chaton en huit ou en losange, de boucles d’oreilles, de torques, de perles, de pendeloques en forme d’oiseau. Les vêtements des morts semblaient recouverts d’or car ils étaient ornés de disques bombés à l’apparence de bronze doré. Dans un petit nombre de cas une lamelle en or, en forme de feuille, scellait la bouche du mort. L’étude de l’organisation et du fonctionnement de cette nécropole permet de comprendre les structures de la société de l’époque. Cette communauté était importante et, à en juger

168

par la diversité quantitative et qualitative des objets trouvés 1 Rey 1917-1919, p. 67 ; French 1967, p. 42. 2 Pour les fouilles de Néa Philadelpheia, voir Misailidou-

Despotidou 1995 ; Misailidou-Despotidou 1998a ; Misailidou-Despotidou 2003b, p. 19-20 et 22, n. 20 ; Misailidou-Despotidou 2008. 3 Pour l’étude anthropologique des squelettes, voir Milka-Papagéorgopoulou 2004, p. 271-555.

bourgade transparaît dans l’abondance des objets métalliques présents dans les tombes.


La nécropole de Palio Gynaikokastro

l’âge du fer

Th. Savvopoulou

Près de la rive de l’Axios, en Macédoine, au lieu-dit Palio Gynaikokastro, à 57 km au nord-ouest de Thessalonique, a été fouillée une nécropole de l’âge du fer 1 . La principale caractéristique de cette nécropole est l’usage presque systématique que l’on y a fait de la pratique de la crémation des morts, qui contraste avec la pratique restreinte de l’inhumation. Le déroulement de la cérémonie funéraire que l’on est en mesure de restituer comprenait l’incinération du corps, dont les restes fig. 33

étaient récoltés dans un vase cinéraire, lequel était ensuite déposé

La nécropole de l’âge du fer

dans un enclos funéraire familial édifié en pierre, d’un diamètre d’environ 3 m. Les enclos étaient recouverts d’un monticule de pierres qui leur conférait l’allure de petits tumuli. L’utilisation continue et prolongée des enclos funéraires a perturbé leurs limites originelles, avec pour conséquence la création d’un unique monticule de pierres en forme de tumulus. Dans les limites de ce noyau ont été identifiées des tombes à ciste et des sépultures en vase (enchytrismes). Les liens communautaires et la cohésion sociale que révèle cet usage long et continu du site funéraire suggèrent un tissu social homogène sans changement majeur dans la composition de cette communauté locale. Autre élément remarquable de cette nécropole : la présence,

et de bijoux en bronze, lesquels étaient déposés à l’intérieur des

au nord-ouest du tumulus, d’une couche contenant des restes

vases cinéraires. Leur variété et leur nombre reflètent le niveau

importants de cendres et d’ossements, laquelle entretient, très

de vie des défunts ainsi que les relations et les contacts qu’entrete-

probablement, un rapport avec le lieu où s’accomplissaient

nait la communauté de Gynaikokastro avec d’autres établissements.

les cérémonies funéraires rituelles.

La typologie des bijoux, comme c’est aussi le cas de la céramique,

Dans le groupe abondant formé par les vases cinéraires,

suggère une communauté héritière de la tradition de l’âge du

on compte des amphores, des œnochoés à bec en biseau, des phiales

bronze, dont les contacts restent limités à un proche périmètre

et des canthares, caractérisés par des techniques décoratives qui

géographique.

perdurent depuis la période du bronze récent, comme l’incision,

L’habitat dont dépend la nécropole a été identifié avec un site

l’impression, parfois obtenue à l’ongle, clairement influencées

fortifié comportant certains avantages naturels et en contact visuel

par des modèles plus septentrionaux, tandis que le décor peint

direct avec celle-ci. L’importance du site de cet habitat est attestée

que l’on rencontre plus au sud est moins représenté.

par les preuves de son occupation à toutes les époques, depuis

Les offrandes funéraires se limitent à du mobilier indicateur de l’identité sexuelle des défunts : il s’agit surtout d’armes en fer 1 Savvopoulou 2001 ; Savvopoulou 2004.

l’âge du fer jusqu’à la fondation, à l’époque d’Andronic I I I Paléologue (1328-1341), de la fortification byzantine du même nom.

169


La nécropole de Néa Zoé Almopias

siècle av. J.-C.

l’entrée, à l’est, est clôturée ; puis vient un dromos qui, lorsqu’il

de la préhistoire à la formation du royaume : la macédoine jusqu’au

sépulture 2 de Konstantia (fig. 34), en un tumulus de pierres brutes

V I e

A. Chrysostomou

Le type de tombe caractéristique de la région de l’antique Almopia, principalement à l’âge du fer 1 , consiste, comme en témoigne la

et de terre, retenues par des blocs plus importants en sa périphérie. Le tumulus recouvre la chambre funéraire à espace unique, dont

est muni d’une fermeture, fonctionne comme une antichambre. Le couvrement de la chambre funéraire est soit plat, soit en tas de charge. On ouvrait le tumulus à chaque utilisation de la tombe. Comme marqueur de la sépulture, on se servait d’ordinaire des deux montants qui encadraient l’entrée orientée à l’est et qui émergeaient de la terre du tumulus ; plus rarement, le marqueur consistait en une pierre fichée dans la terre au début du dromos, et dont l’extrémité pointue dépassait. La tombe était utilisée pour ensevelir successivement les membres d’une même famille, sur un long laps de temps 2 . Le type de tombe d’Almopia, inconnu dans les régions limitrophes, s’apparente à des exemples rencontrés dans le monde grec (Thessalie, Thasos, Kéa) ainsi que dans les régions plus vastes de l’Europe et de la Méditerranée ; ses origines remontent à la tradition des monuments mégalithiques 3 . Dans la nécropole de Néa Zoé 4 , située au sud-est d’Almopia, ont été localisés onze tumuli, d’un diamètre de 4 à 8 m ; neuf tumuli ont fait l’objet d’une fouille de sauvetage de décembre 1997 à mars 1998. Les chambres funéraires mesuraient 2-3 m de long sur 1-1,5 m de large, avec une hauteur conservée de 0,60-0,80 m. Les couloirs d’accès avaient une longueur de 1 à 3 m. Les morts étaient accom pagnés d’armes de fer, peu nombreuses, d’outils, de meules à aiguiser en pierre. La vaisselle (amphorisques, vases en forme

On note aussi des fibules à arc et en forme de huit, qui maintenaient

de canthare avec des cannelures, vases à une anse, cruches,

le vêtement, des épingles. Un torque et des perles de formes variées

skyphoi, vases en forme de phiale) permet de dater les tombes

venaient orner le cou, tandis que des bracelets de bronze étaient

de l’âge du fer jusqu’au début de l’époque archaïque.

portés aux poignets. Enfin, les pendeloques de type macédonien

Parmi les bijoux qui paraient les femmes, surtout lors 170

fig. 34 Konstantia, lieu-dit Xyrika, tombe 2 (fouilles de 1995)

du mariage et après la mort, figurent des serre-tresses. 1 Sur Almopia à l’âge du fer, voir Chrysostomou A. 1994, p. 36-43. 2 Chrysostomou A. 2000a avec la bibliographie antérieure

sur les nécropoles des tumuli d’Almopia. 3 Mohen 1989, sur les monuments mégalithiques en Europe

et autour de la Méditerranée. 4 Pour la nécropole de Néa Zoé, voir Chrysostomou A. 1997,

p. 143-145.

constituaient plutôt, avec deux phalères, les parures de bronze de la ceinture.


L’époque archaïque B. Schmidt-Douna

Si l’on s’en tient aux informations fournies par les auteurs

à l’actuelle Sindos était, au moment de sa création, un emporion

antiques, nos connaissances concernant la Macédoine à l’époque

des Eubéens, même si, à l’époque archaïque, il n’existait aucune

archaïque sont minces. Elles se résument à de brefs comptes

preuve de leur présence 19 . En 733 av. J .- C . (709 av. J .- C .),

rendus d’événements historiques de Grèce méridionale dans

les Érétriens s’installèrent à Méthoné 20 . En ce qui concerne les premiers rois de Macédoine, nos

lesquels les Macédoniens jouaient un rôle non négligeable. Les sources littéraires les plus significatives, Hérodote 1

informations se limitent à des récits légendaires. La situation

et Thucydide 2 , nous renseignent sur les noms des premiers

changea avec l’invasion des Perses en Europe. Hérodote raconte

rois téménides en basse Macédoine et sur leur expansion terri -

divers événements qui mettent en lumière les relations qu’entre -

toriale depuis la fondation de la dynastie au

viie

siècle av. J .- C .

tinrent les Macédoniens avec les Perses et les Grecs. Il rapporte

Ils occupèrent tout d’abord le nord des Monts Piériens ; ils

qu’Amyntas I er (milieu du v i e siècle av. J .- C . – 498 av. J .- C .) reçut

s’établirent par la suite dans les plaines au Nord et à l’Est 3 , puis

à sa cour l’émissaire de Darius qui lui demanda la terre et l’eau

parvinrent au fleuve Axios, qu’ils franchirent, probablement

(510 av. J .- C .) 21 . C’est alors que la Macédoine fut intégrée à une

au v i e siècle av. J .- C . 4 . C’est une hypothèse que nous pouvons

satrapie perse, ou du moins devint sujette des Perses 22 . En 506 av. J .- C ., Amyntas céda Anthémonte au tyran exilé Hippias 23 . Nous

échafauder à la lumière des coutumes funéraires et du matériel 5

découverts dans les nécropoles situées à l’est du fleuve (Sindos , 6

7

savons en outre que le fils du roi, Alexandre, participa aux concours

8

Thermi , Agia Paraskévi , et ailleurs ), qui ressemblent à ceux

olympiques 24 et qu’il fut proxène et évergète des Athéniens 25 . Après

des sépultures de l’ouest de l’Axios (Aiané 9 , Aigai 10 , Archontiko 11 ).

la mort de Darius, Xerxès, poursuivant la politique de son père,

Après l’échec de l’expédition de Xerxès en Grèce, le royaume

envahit de nouveau l’Europe. Le roi d’alors, Alexandre I er (498-

12

s’étendit jusqu’au Strymon . Selon Thucydide, les Macédoniens,

454 av. J .- C .), prit part du côté des Perses 26 à quelques opérations

dans les premières phases de leur expansion, repoussaient

militaires, tout en contribuant clandestinement à la lutte des Grecs 27 .

les populations locales lorsqu’ils s’emparaient de leur territoire ;

Les données archéologiques complètent l’image lacunaire

il semble pourtant qu’il y ait eu, dans les régions annexées tardi -

que donne la tradition littéraire. Les découvertes de richesses dans

vement, des populations mêlées constituées de Macédoniens

les nécropoles confirment les relations commerciales étroites que

13

et de tribus thraces autochtones .

les Macédoniens entretenaient avec les centres artistiques de Grèce

Les Macédoniens des montagnes de haute Macédoine étaient

du Sud, comme Corinthe et Athènes, mais aussi avec ceux des îles

gouvernés par leurs propres rois, lesquels étaient toutefois alliés

et de la Grèce de l’Est, laquelle, en outre, était sujette des Perses.

14

et soumis aux Téménides .

Outre la céramique d’importation ont été exhumés des imitations

Les régions occupées par les Téménides avaient déjà, longtemps

et des vases de production locale 28 . Les riches gisements d’argent

auparavant, suscité l’intérêt des Grecs du Sud, essentiellement,

de Macédoine fournissaient la matière première pour le monnayage,

qui s’étaient aventurés jusque-là et y avaient implanté des colonies 15 .

qui suivait le système métrique des cités d’Ionie.

Conformément à la tradition d’Aineia elle-même, la ville avait été

Les œuvres sculptées d’époque archaïque mises au jour en

16

établie après la fin de la guerre de Troie par Énée , et c’est à cette même période sans doute qu’il faut situer les fondations de Pydna

17

et de Thermi 18 . Il est probable que l’agglomération correspondant 1 Hdt, 8, 137, 1. 8, 139. 2 Thuc., 2, 99. 3 Hammond, Griffith 1979, p. 4, 11, 64-65 ; Errington 1986,

p. 12-13, 14-15 ; Hatzopoulos 1996a, p. 105-106 n. 3, 169-171. 4 Tivérios 1997, p. 80-81. Voir aussi Errington 1986, p. 17-18.

Contra Hatzopoulos, Loukopoulou 1992, p. 17-25. 5 Cat. exp. Thessalonique 1985. Pour l’habitat, voir Tivérios 2008,

p. 21-24. 6 Tivérios 2008, p. 25-26 ; Skarlatidou 2009. 7 Sismanidis 1987b. 8 Rhomiopoulou, Touratsoglou 2002, p. 28 ; Souéref 2009a ;

Souéref 2009b ; Kéfalidou 2009, p. 23-29, 31-42 ; Stéfani 2004b, p. 35-36.

Macédoine confirment ces contacts. Durant l’archaïsme tardif, les sculptures en marbre local qui signalent les tombes monumentales à ciste de la nécropole royale d’Aiané 29 comportent des

9 Karamitrou-Mentésidi 2008b, p. 45, 48-70. 10 Kottaridi 2009. 11 Chrysostomou A. , Chrysostomou P. 2007a ; Chrysostomou A.,

Chrysostomou P. 2009a. 12 Hammond, Griffith 1979, p. 11, 62, 65 ; Errington 1986, p. 15 ;

Hatzopoulos, Loukopoulou 1992, p. 24-25. 13 Hatzopoulos 1996a, p. 169-178. 14 Thuc., 2, 99, 2 ; Errington 1986, p. 16 ;

Karamitrou-Mentésidi 2008b, p. 12-13. 15 Tivérios 2008. 16 Tivérios 2008, p. 11, 28-31. 17 Tivérios 2008, p. 19-21, 31 ; Bésios 2010, p. 94-95.

18 Tivérios 2008, p. 26-28, 31. 19 Tivérios 2008, p. 21-24. 20 Tivérios 2008, p. 17-19 ; Bésios 2010, p. 104-111. 21 Hdt, 5, 17-21 ; Hammond, Griffith 1979, p. 58-59. 22 Hammond, Griffith 1979, p. 58-60. Pour une autre hypothèse, voir

Errington 1986, p. 17 ; Rhomiopoulou, Touratsoglou 2002, p. 26. 23 Hdt, 5, 94 ; Hammond, Griffith 1979, p. 59 ; Hatzopoulos,

Loukopoulou 1992, p. 23. Pisistrate s’installa au nord (Aristote, Const. d’Ath., 15, 2), où il fonda Raikilos, voir Hammond, Griffith 1979, p. 68 ; Viviers 1987 ; Tivérios 2008, p. 26. 24 Hdt, 5, 22 ; Hammond, Griffith 1979, p. 11, 60. 25 Hdt, 8, 136 ; Cole 1978 ; Errington 1986, p. 18, 19.

183


La nécropole occidentale d’Archontiko

l’époque archaïque

P. Chrysostomou

fig. 36 Archontiko, tombe 458, sépulture féminine

Mille et une tombes ont été fouillées entre 2000 et 2010,

pour la même période. Ces tombes ont été réparties en quatre

sur une superficie totale de 1,1 hectare 1 . Parmi ces tombes,

catégories, en fonction de leur matériel funéraire. Dans la première

deux cent soixante datent de la fin de l’âge du fer (seconde moitié du

catégorie, les guerriers étaient accompagnés de pointes de lance

viie

siècle – 580 av. J .- C .), quatre cent soixante-quatorze de l’époque

en fer, d’un poignard et d’autres offrandes en petit nombre ; dans la

archaïque (580-480 av. J .- C .), deux cent soixante et une de l’époque

deuxième catégorie s’ajoutaient une épée, des vases et des parures ;

classique et du tout début de l’époque hellénistique (480-279

dans la troisième catégorie, outre un nombre plus important encore

av. J .- C .). Six sépultures ne sont pas datables. Les ensembles

d’offrandes diverses, les guerriers portaient un casque de bronze, un

funéraires comprennent dans leur majorité des tombes qui datent

épistomion sur la bouche et, en plusieurs occurrences, des diadèmes

de la fin de l’âge du fer jusqu’au début de l’époque hellénistique ;

d’or ainsi que des lamelles, qui scellaient leurs yeux, remplaçant,

c’est dire que l’utilisation de la nécropole a été continue.

avec le couvre-bouche, les masques d’or de la quatrième catégorie.

Les sépultures archaïques sont surtout des tombes à fosse,

Des feuilles d’or paraient leur armement, leurs vêtements et leurs

les crémations étant limitées. Les morts étaient inhumés couchés

chaussures. Les imitations en fer de chars rustiques à deux roues,

sur le dos dans des cercueils de bois, les femmes avec la tête à l’est,

de meubles, de broches avec leurs chenets, retrouvées dans

au nord ou au sud (jamais à l’ouest) ; les hommes avec la tête à

les sépultures des troisième et quatrième catégories, avaient

l’ouest, au nord ou au sud (jamais à l’est). La diversité, la qualité

vraisemblablement un caractère symbolique.

et la richesse des offrandes funéraires démontrent non seulement

La quatrième catégorie se distingue aussi par la présence d’un

l’existence d’un tissu social composite, mais aussi l’importance

bouclier de bronze. Deux boucliers, composés de petits disques, sont

que la communauté accordait aux rites funéraires, puisque l’on

du type « kardiophylax », six autres sont argiens et se caractérisent

déposait dans les tombes un grand nombre d’objets de valeur,

par leur brassard orné de représentations en relief, mythologiques

spécialement produits pour l’occasion.

ou autres. Les épées de fer ainsi que les poignards offrent une

Dans les sépultures masculines prédominent les armes en fer, également connues chez les Thessaliens et les Épirotes 1 Sur les fouilles de sauvetage de la nécropole, voir Chrysostomou A.,

Chrysostomou P. 2000, 2001, 2002, 2003a, 2003b, 2004, 2005, 2006, 2007a, 2007b, 2008, 2009a, 2009b, 2010, 2011.

grande diversité typologique. Parmi les quarante-cinq casques de la nécropole, onze sont ornés de lamelles d’or. Quarante relèvent

185


La nécropole de Sindos

Cette nécropole fut découverte au début des années 1980 dans la zone industrielle de Sindos. Cent vingt et une tombes, enfouies sous des couches de sable apporté par le fleuve Gallikos, l’antique Échédoros, ont livré d’une manière inattendue de riches offrandes comme on n’en connaissait pas encore pour cette période 1 . Les tombes, datables des v i e et v e siècles av. J .- C ., étaient à ciste

l’époque archaïque

V. Misailidou-Despotidou

et à fosse. Il y avait également des sarcophages de pierre et de terre cuite, ainsi que deux sépultures à enchytrisme. La simplicité de leur aspect contrastait avec la richesse de leur contenu. Le matériel funéraire se composait de vases de céramique importés des grands centres de production de la Grèce archaïque – Athènes, Corinthe, l’Ionie, la Béotie –, de figurines de terre cuite d’origine ionienne ou provenant d’autres ateliers 2 , d’objets de métal précieux liés à la tradition péloponnésienne, de bijoux en or très ouvragés et de feuilles d’or ornées de figures animales 3 . Casques et boucliers de bronze 4 , épées et lances de fer accompagnaient le guerrier défunt. Des masques en or et du mobilier miniature en fer – meubles, obéloi et chars – complétaient le contenu des tombes les plus riches 5 . La nécropole de Sindos révélait ainsi, pour la première fois avec une telle ampleur, la richesse de la Macédoine archaïque, dont les coutumes funéraires – hommes ensevelis avec leurs armes, femmes avec leurs bijoux – apparaissaient intactes. Cette découverte a donné le signal de départ d’une investigation systématique concernant la période, et d’autres nécropoles ont été mises au jour depuis : celles d’Agia Paraskévi, de Thermi, de Néa Philadelpheia, d’Agios Athanasios, de Vergina, d’Aiané et, récemment, d’Archontiko. Ces nécropoles ont confirmé et complété les points fondamentaux qui avaient été dégagés lors de la fouille de Sindos. Les coutumes funéraires qu’on y avait rencontrées ne constituaient pas un phénomène isolé, mais une pratique courante dans une grande partie de la Macédoine. Leur prépondérance peut être mise en rapport avec un système conservateur de gouvernement, comme la royauté, présente chez différentes tribus de la région, qui favorisait l’étalage de la richesse et de la puissance 6 . Des coutumes analogues, en raison de conditions sociales du même type, prédominaient à l’époque géométrique en Grèce du Sud 7 . 1 Sur les objets trouvés et en général sur la fouille de la nécropole,

voir cat. exp. Thessalonique 1985, en particulier p. 11-13. Voir Tivérios 1985-1986, p. 70-87 ; Tivérios 1991, p. 630-634. Despini 2000, p. 277-304. Despini 2003, p. 69-90 ; Despini 2006, p. 165-177. Sur les masques d’or, voir Despini 2009, p. 20-65. Sur les autres objets en or trouvés à Sindos, voir Despini 1986, p. 159-169 ; Despini 1996, p. 32, 38-40, 42, 223-224, 241-243, 247, 254, 257, 259, 261, 271 ; Despini 1998, p. 65-80. 6 Misailidou-Despotidou 2008, p. 60-62. 7 Morris 1992, p. 26 sq. 2 3 4 5

187


La nécropole de Thermi

de la préhistoire à la formation du royaume : la macédoine jusqu’au

V I e

siècle av. J.-C.

E. Skarlatidou

fig. 37 Thermi, la nécropole

La nécropole fouillée à partir de 1987 dans l’agglomération actuelle

tuiles, étaient en usage. Lors de la dernière phase d’utilisation

de Thermi (antérieurement Sédès) est particulièrement étendue.

de la nécropole, et ce en corrélation avec une population chrétienne,

Plus de six mille tombes ont été fouillées jusqu’à présent. Cette

les tombes consistaient en des fosses, sans dalle de couverture,

nécropole a commencé à fonctionner dès l’âge du fer (v i i e siècle

toutes orientées de l’est vers l’ouest.

av. J .- C .) avec une occupation dense aux

ve

et

ive

siècles av. J .- C .

Même si la plupart des tombes, particulièrement celles

Son utilisation, plus rare par la suite, est cependant attestée jus -

de la période archaïque, avaient déjà été pillées dès l’Antiquité,

qu’au milieu du i i e siècle av. J .- C ., puis entre le i er siècle av. J .- C.

notamment pour leurs bijoux précieux, et si nombre de sépultures

et le i er siècle apr. J .- C . Après un grand laps de temps, l’endroit

étaient dépourvues d’offrandes, le matériel funéraire préservé 2

fut de nouveau utilisé comme cimetière à l’époque ottomane

donne une assez bonne image de la vie économique, sociale,

(x v e –x i x e

politique et religieuse des habitants de la cité à laquelle était

siècle) et plus tard, au début du

xxe

siècle, par les réfugiés

de la Thrace du Nord 1 .

rattachée la nécropole. Les femmes étaient souvent ensevelies avec

Il s’agissait essentiellement d’inhumations dans des fosses

leurs bijoux d’or, d’argent ou de bronze (boucles d’oreilles, colliers,

creusées juste sous la surface du sol, ou alors profondes et de

fibules, etc.), tandis qu’on enterrait les hommes avec leurs armes

grandes dimensions, soit dans des tombes à ciste, soit, plus rare -

(lances, épées, poignards, casques). Des figurines de terre cuite,

ment, dans des sarcophages de pierre et des jarres. Dans quelques

anthropomorphes ou zoomorphes, se trouvaient dans les tombes

cas cependant les morts étaient incinérés et leurs cendres étaient

des femmes, des adolescents et des enfants. Les offrandes les plus

recueillies dans des vases de terre cuite ou de bronze, qui étaient

courantes, les vases, étaient, à l’âge du fer, de production locale.

enterrés dans la nécropole. Au

188

v i e,

ive

siècle av. J .- C ., les morts étaient

Mais à partir du milieu du v i e siècle av. J .- C ., et aux v e et i v e siècles

inhumés dans des fosses ouvertes au fond de grandes tranchées

av. J .- C ., période de grand essor économique de cette bourgade,

rectangulaires avec un aménagement en gradins de leurs parois

apparurent des importations en provenance d’importants ateliers

latérales et des enclos de galets. Les tombes à tuiles étaient

de potiers disséminés dans le monde grec antique (Attique, Corinthe,

courantes à l’époque hellénistique, tandis qu’au début de l’époque

Ionie) alors que se poursuivait la production de vases locaux,

romaine des fosses à incinération, également recouvertes de

qui désormais imitaient souvent les vases importés.

1 Skarlatidou, Ignatiadou 1996 ; Allamani, Hadzinikolaou,

Galiniki et al. 1999 ; Skarlatidou 2009. 2 Skarlatidou 1990-1995, p. 175-198 ; Skarlatidou 2002, p. 281-307 ;

Skarlatidou 2007, p. 499-513.


La nécropole d’Aiané

1

l’époque archaïque

G. Karamitrou-Mentésidi

Les groupes de sépultures et les vastes nécropoles installées aux alentours de l’antique cité d’Aiané datent de l’âge du bronze récent jusqu’à la fin de l’époque hellénistique. La magnificence de la nécropole des époques archaïque et classique est en rapport avec la croissance et le rôle politique d’Aiané en tant que capitale du royaume d’Élimée ou d’Élimiotide. On y a découvert douze grandes structures à chambre funéraire appareillée, des tombes à ciste plus petites, ainsi que beaucoup de tombes à fosse de simples citoyens. Parmi les tombes royales, deux d’entre elles étaient associées à des édifices cultuels en forme de naos, quatre autres tombes appareillées étaient entourées d’un péribole, c’est-à-dire d’un enclos rectangulaire constitué de blocs de pierre, tandis que trois périboles renfermaient des tombes à fosse. La construction la plus monumentale, appelée tombe A, mesure 11 × 11 m environ, avec des parois épaisses de 3 m sur lesquelles s’appuie l’édifice en forme de naos qui s’élève ainsi à partir du sol. Dans cette tombe se trouvaient les rosaces en or, la fameuse étoile macédonienne qui, sous cette forme, existe seulement à Aiané et à Vergina (Aigai) et dont la présence montre le rapport étroit qu’entretenaient les deux capitales. Les tombes étaient signalées par de magnifiques marqueurs commémoratifs, tous en marbre ou en pierre, datables de la seconde moitié du v i e siècle jusqu’au début du v e siècle av. J .- C ., tels que des lions en ronde bosse, des statues de kouroi et de korai, une statue d’homme barbu, des stèles ioniennes à palmette peintes. Ces monuments indiquaient les morts illustres et conféraient un caractère très particulier à la nécropole d’Aiané. L’aspect monu mental de ces tombes, les témoignages du processus de l’héroïsation et du culte rendu, ainsi que le matériel riche et varié qu’on y a trouvé justifient qu’on qualifie ces tombes de royales et établissent d’une manière sûre leur lien étroit avec la maison royale des Élimiotes, dont nous parlent les sources littéraires de l’époque classique.

189

1 Karamitrou-Mentésidi 1988, 1993b, 1996a-b, 2006b,

2007, 2008b, 2009 a-c.

fig. 38 Aiané, tête de koré archaïque


La nécropole d’Agia Paraskévi

l’époque archaïque

K. Sismanidis

fig. 41 Agia Paraskévi, vue aérienne de la nécropole

La nécropole archaïque d’Agia Paraskévi a été mise au jour à 25 km

en verre de petites dimensions et de la vaisselle en faïence.

au sud-est de Thessalonique, à côté du village actuel du même nom.

La céramique, particulièrement abondante, comprend des vases

Depuis octobre 1981, quatre cent trente-cinq tombes 1 ont été

attiques, corinthiens, de Grèce de l’Est, et beaucoup de vaisselle

découvertes, qui se répartissent en trois catégories : la plus

locale non vernie. Parmi les ustensiles de cette dernière catégorie,

importante inclut les tombes à ciste, construites avec d’épaisses

une série en bucchero « ionien » (gris ionien) est caractéristique,

dalles de poros, tandis que les deux autres catégories, moins

tandis que parmi les vases les plus fréquents on note les exaleiptra

importantes, comprennent à parts égales des sarcophages mono -

corinthiens et, un peu moins nombreux, les cratères attiques à

lithiques et de simples fosses orthogonales. Dans tous les cas, les

figures noires 4 avec scènes mythologiques et autres. À peu près

femmes sont inhumées avec la tête à l’est, tandis que les hommes

tous les types de vases sont représentés en grand nombre (skyphoi,

ont la tête à l’ouest.

kylikes, œnochoés, amphores, hydries, kyathoi, lécythes, aryballes,

La plupart des tombes avaient reçu de riches offrandes et sont restées inviolées. Le nombre et le type d’offrandes diffèrent d’une tombe à l’autre, mais certaines marques génériques sont faciles

kotyles, etc.), parmi lesquels une dizaine de calices de Chios occupent une place à part 5 . L’étude de ce matériel abondant montre que le fonctionnement

à voir : ainsi les hommes étaient inhumés avec leur équipement

de la nécropole d’Agia Paraskévi remonte, dans les grandes lignes,

guerrier, qui comprenait d’ordinaire des armes en fer et en bronze,

au v i e siècle av. J .- C ., et plus spécifiquement à la période qui va de

lances, épées, casques, et poignards. De leur côté, les femmes

570 à 480 environ. La bourgade dont relevait la nécropole se situait

2

portaient tous leurs bijoux, en bronze , en argent, en or : bracelets,

sur les hauteurs, à environ 700 m au sud-ouest, au lieu-dit Toumba

bagues et boucles d’oreilles de différents types, fibules et épingles,

Angélaki. Des sondages pratiqués à cet endroit pour vérification 6

colliers avec des perles d’ambre, de verre, d’or, d’argent, de formes

confirment que la bourgade était riche et prospère, qu’elle entre -

diverses. Dans nombre de tombes se trouvaient des lamelles d’or

tenait des relations commerciales intenses aussi bien avec les îles

en forme de losange qui recouvraient la bouche des morts.

de la mer Égée qu’avec la Grèce du Sud et de l’Est.

Dans toutes les tombes les vases de céramique étaient courants ; on a trouvé aussi, en plus petit nombre, des figurines 3 , de la vaisselle 1 Pour des informations générales sur la nécropole,

voir Sismanidis 1987b, p. 787-803. 2 Sur les bijoux en bronze en particulier,

voir Misailidou-Despotidou 2003b. 3 Sur les figurines, voir Sismanidis 2009b. 4 Sur l’ensemble des vases à figures noires, voir C V A , Thessaloniki,

Archaeological Museum, 1, 1998, p. 13-51, fig. 1-21, pl. 1-66 ; Sismanidis 2000b, p. 453-468. 5 Pour ces vases, voir Poulaki 2001, p. 57-141. 6 K. Sismanidis A D 40, 1985, Chron., p. 235 ; K. Sismanidis A D 41, 1986, Chron., p. 139.

191


Colonies grecques et échanges commerciaux La colonisation en Macédoine

siècle av. J.-C.

Le rôle des Eubéens dans la colonisation grecque fut de première

V I e

(tribus), et ce avant l’apparition de la cité-État 1 . Ce fut le cas de

Thermaïque 6 , a dû être colonisée après la « guerre de Troie » ou

de la préhistoire à la formation du royaume : la macédoine jusqu’au

M. Tivérios

la première colonisation dite ionienne car initiée par les Ioniens,

pendant la première colonisation par des Grecs, et plus précisément

parmi lesquels se trouvaient les Eubéens.

par des Eubéens. Cela est confirmé par la présence de skyphoi

cependant incontestable si l’on s’appuie sur l’existence d’un

importance. Leur présence en Grèce du Nord s’explique d’ailleurs

sanctuaire de la ville extra urbis purement grec, où furent

par leur voisinage avec cette région. Des témoignages écrits nous

constatées, du x i i e siècle av. J .- C . jusqu’à l’époque hellénistique –

permettent de supposer que leur installation en Chalcidique remonte

à l’exception du i x e siècle – des pratiques cultuelles grecques 5 .

à l’époque où la colonisation résultait d’un mouvement des ethnies

La première colonisation remonte probablement à la fin

eubéens protogéométriques ornés de demi-cercles concentriques

du x i e siècle av. J .- C . Il n’est cependant pas exclu que les Eubéens

découverts sur de nombreux sites de Macédoine, en particulier

se soient installés dans les régions de Chalcidique et du golfe

sur le littoral 7 .

Thermaïque auparavant, c’est-à-dire juste après la « guerre de 2

Au cours de la deuxième colonisation, et sûrement au v i i i e siècle

Troie ». Les Eubéens furent représentés à cette guerre par les

av. J .- C ., de nouveaux colons provenant d’Eubée durent atteindre

Abantes, qui, après sa fin, errèrent, selon la tradition écrite, aussi

ces mêmes sites et y fonder de nombreuses colonies. Strabon observe

en Grèce du Nord 3 . Deux villes de Chalcidique au moins durent

que « toutes ces villes (eubéennes) [...]établirent des colonies

leur fondation aux participants de la « guerre de Troie » : Skioné,

considérables en Macédoine : Érétrie fonda des colonies aux cités

probablement fondée par les Achéens du Péloponnèse à leur retour

de Pallène et de l’Athos, Chalcis à celles liées à Olynthos ». Ailleurs

de Troie dans leur patrie, et Aineia, fondée par Énée 4 . Ces traditions

cependant, il remarque que seuls les Chalcidiens possédaient

ne relèvent pas d’inventions populaires tardives. Il s’agit de versions

trente colonies sur la péninsule centrale de la Chalcidique. D’autres

officielles et anciennes, comme en attestent les monnaies frappées

auteurs antiques nous offrent des renseignements sur ce sujet.

par ces deux villes : Protésilas fut représenté sur les pièces

Ainsi, selon Plutarque, c’est probablement en 733 av. J .- C . que

archaïques de Skioné, et Énée sur celles d’Aineia.

des Érétriens fondèrent Méthoné, sur la côte ouest du golfe

D’importants indices sur la colonisation du nord de la Grèce nous sont fournis par les fouilles de I. Vokotopoulou. Il s’agit de celles

Thermaïque 8 . L’économie des colonies eubéennes de la Grèce du Nord était

de la colonie érétrienne de Mendé, et plus particulièrement d’un site

fondée sur l’agriculture, le bois et les minerais. En Chalcidique,

éloigné de quelques kilomètres sur le littoral ouest du nom significa-

où naturellement l’espace vital était moindre, les colonies ne

tif de Poseidi. On y a découvert un sanctuaire grec dédié à Poséidon

devinrent jamais très puissantes, et leur incapacité à vaincre

Pontios, dont le culte semble remonter à la période submycénienne

les dangers extérieurs par leurs propres moyens amena souvent

(x i i e

siècle av. J .- C .), tandis que l’édifice cultuel le plus ancien,

un bâtiment absidal, remonte au x e siècle av. J .- C . La céramique

228

La Chalcidique, comme probablement certains sites du golfe

leurs citoyens à se comporter en gev noı. Je rappelle que les ligues des Chalcidiens apparurent aux v e et i v e siècles av. J .- C .

précoce (x i i e –v i i i e siècles av. J .- C .) découverte dans le sanctuaire

Les Eubéens s’étaient octroyé, surtout en Chalcidique,

a été comparée, entre autres, à celle de Lefkandi. Cette céramique

presque tout l’espace vital, ne laissant que peu de place libre 9 .

n’est toutefois pas suffisante pour certifier la présence d’Eubéens,

Les Corinthiens exploitèrent une part de ce qui restait, fondant

et plus largement de Grecs, à Mendé. Leur présence devient

Potidée à un endroit stratégique de la péninsule de Pallène

1 Tivérios 2008, p 10. Sur la colonisation de la Chalcidique,

voir aussi Abete 2008. 2 Certains chercheurs n’envisagent globalement la « guerre de Troie » que comme un mythe et refusent tout aspect historique. Imprégnés du « syndrome [de] Schliemann », ils conservent les positions des chercheurs du X I X e siècle, celles d’avant les fouilles des sites mycéniens. Sur les recherches archéologiques plus récentes concernant Troie et pour accéder à des informations historiques provenant d’archives hittites, voir l’excellent livre de Latacz 2001. 3 Tivérios 2008, p. 10-11. Sur les Abantes, voir en dernier lieu Sakellariou 2009, et surtout p. 75-86.

4 Tivérios 2008, p. 11. Je rappelle qu’il existe des données

5 6 7 8

de comptoirs eubéens, comme celui probablement installé sur archéologiques confirmant les rapports directs ou indirects le site de la « trapéza double » d’Anchialos, près de l’embouchure entre la Grèce du Nord et le monde mycénien. Voir Tivérios 2008, du fleuve aurifère Echédoros. Voir Tivérios 2009b, Gimatzidis 2010. 9 Seule la péninsule aride de l’Akté ne suscita pas d’intérêt p. 11 et n. 55, p. 19-20, 31-32. Tivérios 2008, p. 13-15. particulier chez les Eubéens, qui y fondèrent des colonies sans Comme Thermi, dont le nom grec date aussi peut-être de cette époque. importance. Au V e siècle av. J .- C ., il y avait peu d’Eubéens à l’Akté. Voir Tivérios 2009a, p. 394. Parmi ses habitants, les plus nombreux étaient des Thraces et Tivérios 2008, p. 6-8, p. 16 et n. 72. des Pélasges. Ces derniers, précédemment installés à Lemnos, Tivérios 2008, p. 5-6. Des colonies eubéennes sont mentionnées avaient dû émigrer à l’Akté après l’occupation de l’île par Miltiade, sur les registres de la ligue de Délos. Voir Tivérios 2008, p. 24-26, 37. en 500-499 av. J .- C . Voir Tivérios 2008, p. 50-51. En dehors des colonies, l’on pouvait également supposer l’existence



la royauté macédonienne er d’Alexandre I à Alexandre le Grand (ve–ive siècle av. J.-C.)


L’expansion du royaume de Macédoine

Pour des raisons géopolitiques et historiques, la Macédoine demeura

du roi de Macédoine Perdiccas I I dans les événements de la guerre du

longtemps à la périphérie du monde grec antique. Son économie,

Péloponnèse, se réfère rétrospectivement à l’extension du royaume

fondée sur l’agriculture et l’élevage, lui assurait son autonomie,

de Macédoine : « Il faut, en effet, rattacher aux Macédoniens les

elle disposait d’abondantes ressources en bois et en eau, dispen sa -

Lyncestes, les Élimiotes et d’autres populations habitant les

trices de richesse : elle n’eut donc nul besoin de prendre part aux

hauteurs, qui sont les alliés des peuples en question et leurs sujets,

deux grandes colonisations qui conduisirent les Grecs sur les côtes

mais ont des rois à eux. Quant à la Macédoine actuelle, située au bord

de l’Asie Mineure, du Pont-Euxin et de la Méditerranée. Elle accueillit

de la mer, sa conquête remonte à Alexandre, le père de Perdiccas,

cependant, dans ses régions côtières, des colonies qui s’intégrèrent

et à ses ancêtres, qui étaient originellement des Téménides venus

progressivement à son royaume. Mais la présence des cités colo -

d’Argos : ils y établirent leur royauté ; pour cela, ils délogèrent mili-

niales de la Grèce méridionale sur les rivages de la Piérie et de

tairement les populations : de la Piérie, les Pières, qui habitèrent

la Chalcidique influença peu l’économie agropastorale du royaume.

plus tard au pied du Pangée, de l’autre côté du Strymon, diverses

Jusqu’à la fin de l’époque archaïque, la Macédoine continua de se

localités, dont Phagrès (aussi appelle-t-on aujourd’hui encore

tourner vers son riche arrière-pays, à l’écart des conflits politiques

golfe de Piérie la région côtière située au pied du Pangée) ; du pays

et de l’influence des événements qui se dérou laient plus au sud.

appelé Bottie, les Bottiéens, qui vivent maintenant tout à côté des

L’apparition des Perses à la fin du v i e siècle av. J .- C ., sous le règne

Chalcidiens. En Péonie, ils annexèrent une étroite bande de terre

la royauté macédonienne d’alexandre i

er

à alexandre le grand (v

e

– iv

e

s i è c l e a v. j. - c. )

Ch. Saatsoglou-Paliadeli

er

d’Amyntas I , la força à sortir de son isolement. La longue histoire plutôt agitée de la Macédoine explique

Mydgonie, dont ils chassèrent les Édones. Ils délogèrent également,

déterminées avec précision. C’est à l’occasion de l’invasion perse

du pays appelé aujourd’hui Éordée, les Éordes […] et, de l’Almopie,

qu’Hérodote, évoquant le lieu de campement de l’armée de Xerxès

les Almopes. Enfin, les Macédoniens en question triomphèrent aussi

lors de sa descente vers la péninsule Grecque, donne des éléments

d’autres peuples, dont ils occupent encore aujourd’hui les pays :

d’information sur le noyau primitif de l’État macédonien 1 . Utilisant

Anthémonte, la Grestonie [Crestonie], la Bisaltie, et beaucoup

le terme « Makédonis », dont c’est la première et unique occurrence

de territoires proprement macédoniens. L’ensemble est appelé

dans la littérature grecque antique, l’historien se réfère intention -

Macédoine […] 4 . » Hérodote confirme également que le royaume

nellement au berceau des Macédoniens et non à leur royaume, pour

des Argéades, c’est-à-dire des Macédoniens de la plaine, s’étendait

lequel il emploie ensuite, comme toutes les autres sources, le terme

vers l’est, au-delà de l’Axios, dès la fin du v i e siècle av. J .- C . : le massif

« Makédonia ». Cela signifie que le noyau primitif – géographique et

montagneux de la Chalcidique (région d’Anthémonte) avait en effet

culturel – des Macédoniens doit être localisé au sud de l’Haliakmon,

été cédé par Amyntas I er , grand-père de Perdiccas I I , à Hippias,

c’est-à-dire à la lisière nord des monts Piériens, là où se trouve

fils de Pisistrate, quand celui-ci avait été chassé d’Athènes 5 .

Les informations à la fois concises et claires que donnent

Hérodote raconte l’enrôlement forcé du royaume macédonien dans l’Empire perse 6 à la fin du v i e siècle av. J .- C ., sous le règne

Hérodote et Thucydide sur la fondation et l’extension du royaume

d’Amyntas I er , mais aussi les actions entreprises par Alexandre I er

macédonien du v i i e à la fin du v e siècle av. J .- C . sont d’un grand

(498-454 av. J .- C .) pendant les guerres médiques, actions qui lui

apport 3 . Thucydide, pour faire comprendre notamment l’implication

valurent d’être honoré comme proxène et évergète par les Athéniens.

1 Hdt V I I , 127. 1. 2 Ce site majeur du nord de la Grèce continue à être l’objet,

3 4 5 6

occupent, sur l’autre rive de l’Axios, jusqu’au Strymon, le pays appelé

les importantes fluctuations de ses frontières, qui ne peuvent être

Aigai, la première capitale de la dynastie des Téménides 2 .

250

descendant, le long de l’Axios, jusqu’à Pella et à la mer ; et ils

cent cinquante ans après Léon Heuzey, de fouilles systématiques, menées par l’université Aristote de Thessalonique. Hdt V I I I , 137-138. Thuc., 2. 99. 2-6 ; Romilly, de 1973. Hdt V , 94. Hdt V , 17-21.


La dynastie des Téménides (498-454 av. J .- C .)

Le roi Alexandre I er de Macédoine a marqué l’histoire de son royaume

utilisés par les Bisaltes, par exemple. Cet emprunt n’a rien qui doive

par le jeu diplomatique qu’il a déployé, notamment entre la Perse et

surprendre, les ateliers de la région thraco-macédonienne partageant

les cités grecques qu’il soutient à la fin de la seconde guerre médique

un répertoire de types communs depuis les débuts du monnayage au v i e siècle

(480-478 av. J .- C .) 1 , par ses extensions territoriales, mais aussi parce

av. J .- C . Le style des octadrachmes d’Alexandre I er est grec, déjà classique,

que son règne est caractérisé par une volonté affichée d’hellénisation.

en comparaison des monnaies antérieures : le modelé délicat du corps du

Alexandre I er participe aux Jeux olympiques et noue des relations privi -

cheval, la sobriété de l’exécution suggèrent un graveur grec ou formé par

légiées avec Athènes. Celles-ci se dégradent avec le développement de

un atelier grec. Sur certains exemplaires, extrêmement rares, apparaît

l’influence d’Athènes et la première tentative de fondation de la colonie

un petit chien à la queue en panache courant entre les jambes du cheval

athénienne d’Amphipolis en 466-465, à la frontière orientale du royaume

(cat. 130). Le cavalier, à pied ou chevauchant, porte sous son pétase une

de Macédoine. Sa monnaie illustre ces changements, et elle est la seule

bandelette nouée autour de la tête, le diadème, dont les pans tombent dans

source abondante sur son règne après 478. Il est le premier roi de

son dos. C’est l’attribut des héros, des vainqueurs aux concours et, plus tard,

Macédoine à apposer son nom au revers de ses émissions. Avant lui,

celui des rois. On considère souvent que le personnage représenté est Arès,

les monnayages produits dans la région sont le fait de tribus thraces

auquel, selon Hérodote, les Macédoniens rendaient un culte particulier 2 .

ou de cités, comme Aigai, capitale royale. Les types du cavalier à cheval

Ces très grosses dénominations sont complétées par des fractions de

ou marchant près de sa monture ne sont pas nouveaux : ils sont déjà

trois modules différents qui forment un système monétaire complet.

la royauté macédonienne d’alexandre i

er

à alexandre le grand (v

e

– iv

e

siècle av. j.-c.)

Alexandre I e r

F D

129 Octadrachme d’Alexandre I e r

130 Octadrachme d’Alexandre I e r

131 Octadrachme d’Alexandre I e r

date d’émission :

date d’émission : vers 460-450 av. J .- C .

date d’émission :

476-475 av. J .- C . – vers 460 av. J .- C .

argent

vers 476-475 av. J .- C . – vers 460 av. J .- C .

découverte : maison de l’Enlèvement

d. 3,18 cm ; poids 28,75 g ; axe 2 h

argent

d’Hélène, sous le pavement de mosaïque

paris, bibliothèque nationale de france,

d. 3,2 cm ; poids 28,95 g ; axe 3 h

de l’Amazonomachie

département des monnaies, médailles

paris, bibliothèque nationale de france,

e t a n t i q u e s [fonds général 38 bis]

département des monnaies, médailles

argent

e t a n t i q u e s [fonds général 37]

B I B L I O G R A P H I E

d. 3 cm ; poids 28,73 g ; axe 6 h

S N G Alpha Bank Macedonia I , 72.

B I B L I O G R A P H I E

p e l l a , m u s é e a r c h é o l o g i q u e [1976/37]

Raymond 1953, n o 49.

B I B L I O G R A P H I E

Lilimpaki-Akamati, Akamatis 2003, p. 29, n o 23.

droit : cavalier macédonien passant à droite,

droit : soldat macédonien, coiffé d’un pétase

droit : cavalier à pied, derrière son cheval,

coiffé d’un pétase et vêtu d’une chlamyde ; il porte

et vêtu d’une chlamyde, marchant à droite,

à droite, drapé de la chlamyde et coiffé

deux lances dans la main gauche et tient les rênes

deux lances à la main, derrière un cheval

d’un pétase, tenant deux lances. Grènetis.

de la main droite. Entre les jambes du cheval,

bridé passant à droite. Grènetis.

revers : la légende A L E / X A / N D / R O autour

un chien marche vers la droite. Grènetis.

revers : carré quadripartite en relief dans

d’un carré quadripartite en relief ; le tout

revers : carré quadripartite en relief dans un carré

un carré incus, A L E X A N D R O dans la partie

dans un carré incus 3 .

incus, A L E X A N D R O dans la partie incuse.

incuse.

Ch G

129

F D

F D

130

254 1 Hdt I X , 9.44-45. 2 Price 1974, p. 9. 3 Sur le type monétaire et la date, voir Raymond 1953, p. 100, n o 45, pl. V I (groupe I I ). Sur la discussion qui a suivi et sur la publication

d’un nouveau matériel, voir Price, Waggoner 1975, p. 38-39 ; Kraay 1977 ; Kagan 1987, p. 22-23 ; Kremydi-Sicilianou 1999 ; Psoma 1999 ; Wartenberg 2002.

131


Alexandre I I I

(336-323 av. J .- C . )

Au début de son règne, Alexandre le Grand a utilisé le monnayage de son

comme grecs. Au revers, Zeus trône, un aigle à la main. C’est là encore

père, Philippe I I . Il a frappé de l’or et de l’argent aux mêmes types et de

un choix dynastique qu’il faut rapprocher du droit des statères d’argent

même poids, créant des séries de monnaies posthumes de Philippe. C’est

de Philippe I I , qui figuraient la tête de ce dieu. La facture de ces pièces

seulement pendant la conquête de l’Empire perse qu’il adopte des types

est parfaitement grecque, mais leur iconographie est bien adaptée à

monétaires propres. Ses premiers tétradrachmes sont frappés à Tarse,

l’empire naissant d’Alexandre : un dieu vainqueur des fauves et un autre,

en 333, selon l’étalon attique qui est alors le plus répandu. Au droit de ses

souverain et maître des cieux, existent dans la plupart des panthéons

monnaies, il choisit de faire figurer l’ancêtre des Téménides, Héraklès,

orientaux. Alexandre n’avait pas nécessairement cet objectif en tête

coiffé de la dépouille de lion qui permet de l’identifier aisément.

quand il a déterminé ses types monétaires personnels, mais le choix

C’est cette ascendance qui a fait reconnaître les rois de Macédoine

fut avisé. F D B I B L I O G R A P H I E

142 à 145

143 Statère de Philippe I I I

date d’émission :

date d’émission :

d’un trésor trouvé pendant la fouille

vers 330 av. J .- C . – vers 320 av. J .- C .

323 av. J .- C . – 317 av. J .- C .

de la première tour de la muraille

atelier monétaire : « Amphipolis »

atelier monétaire : Abydos (?)

orientale d’Apollonia de Mygdonie.

or

or

thessalonique, musée archéologique

d. 1,8 cm ; poids 8,58 g ; axe 3 h

d. 1,8 cm ; poids 8,57 g ; axe 12 h

à alexandre le grand (v

e

Ces quatre statères proviennent

– iv

Statères

142 Statère d’Alexandre I I I

e

siècle av. j.-c.)

Le Rider 2003.

[ A P O 663-1 à 4] B I B L I O G R A P H I E

B I B L I O G R A P H I E

Gramménos 2004, p. 143, 145 (seulement le revers).

Inédit.

droit : tête d’Athéna à droite, avec

droit : tête d’Athéna à droite, avec

casque corinthien.

casque corinthien.

revers : Niké debout à gauche, tenant

revers : Niké debout à gauche, tenant de

de la main gauche une stylis et de la main

la main gauche une stylis et de la main droite

droite une couronne ; la légende A L E X A N R O U ,

une couronne ; la légende F I L I P P O U , à droite ;

1

er

à droite ; à gauche, trident .

à gauche,

; en bas, serpent à droite 2 .

la royauté macédonienne d’alexandre i

Ch G

144 Statère d’Alexandre I I I

Ch G

145 Statère d’Alexandre I I I

date d’émission :

date d’émission :

vers 325 av. J .- C . – vers 320 av. J .- C .

vers 319 av. J .- C . – vers 315 av. J .- C .

atelier monétaire : Kition 3

atelier monétaire : Sardes 4

or

or

d. 1,8 cm ; poids 8,50 g ; axe 1 h

d. 1,8 cm ; poids 8,45 g ; axe 7 h

B I B L I O G R A P H I E

B I B L I O G R A P H I E

Gramménos 2004, p. 143-144 (seulement le revers).

Gramménos 2004, p. 143 (seulement le droit).

droit : tête d’Athéna à droite, avec

droit : tête d’Athéna à droite, avec

casque corinthien.

casque corinthien.

revers : Niké debout à gauche, tenant de

revers : Niké debout à gauche, tenant de la main

la main gauche une stylis et de la main droite

gauche une stylis et de la main droite une

une couronne ; la légende A L E X A N D R O [ U ],

couronne ; la légende A L E X A N D R O U , à droite ;

à droite ; en bas,

à gauche, deux monogrammes illisibles,

. Ch G

probablement

258

,

. Ch G

1 2 3 4

Price 1991, p. 108, n o 175, pl. I I . Price 1991, p. 229, n o P 35, mais < L W > snake l . Price 1991, p. 385, n o 3104, pl. X . Price 1991, p. 335, n o 2675 (?), pl. I X .


261

la dynastie des TĂŠmĂŠnides


L’armée macédonienne, composée à l’origine de cultivateurs

à des Thessaliens, des Thraces et des Péoniens. L’armement des

et d’éleveurs sans instruction systématique ni organisation, avec

hétairoi comprenait bouclier, cuirasse, casque, javeline et épée,

cependant un corps de cavalerie tout à fait capable, commença

principalement sous la forme de la kopis 6 . Les chevaux étaient

à recevoir ses premières améliorations importantes à partir

équipés du harnachement indispensable pour la guerre 7 , avec

des règnes d’Archélaos et d’Amyntas I I I , à la fin du v e siècle et au

parfois du matériel coûteux 8 .

début du i v e siècle av. J .- C . Philippe I I mit l’accent sur son entière

à alexandre le grand (v

e

– iv

siècle av. j.-c.)

P. Faklaris

e

Les réformes de Philippe II et d’Alexandre III : les armes et l’armée des Macédoniens

réorganisation en créant, de manière très significative, l’invincible

ne différaient pas typologiquement de celles des autres Grecs :

phalange macédonienne. La réforme de Philippe s’appuyait

une partie, d’ailleurs, surtout jusqu’au milieu du i v e siècle av. J .- C .,

sur une instruction très dure des soldats, sur l’amélioration de

provenait d’ateliers de la Grèce du Sud.

l’armement et sur l’introduction de nouveaux moyens de siège 1 .

la royauté macédonienne d’alexandre i

er

La principale arme offensive de la phalange, la sarisse 2 , était

le casque « illyrien » et, plus rarement, ceux des types « corinthien » et « chalcidien ». À l’époque hellénistique, les casques se diversi -

4,50 m à 5,40 m. Son maniement requérait l’usage des deux mains.

fièrent. Certains présentèrent une combinaison de différents types

C’est pourquoi l’indispensable bouclier « macédonien », d’un

ou imitèrent des couvre-chefs, comme le pilos conique et le bonnet

diamètre allant de 0,62 à 0,70 m, se portait avec un baudrier afin

phrygien, ou encore le pétase, à l’origine du casque béotien des

que les mains restent libres pour manier la sarisse . Les soldats

cavaliers 9 . L’usage de casques de fer fut introduit dans le dernier

de la phalange utilisaient aussi l’épée, portaient une cuirasse

tiers du i v e siècle av. J .- C . C’est durant la même période qu’apparut le peritrachélion,

de lin, des cnémides et des casques de différents types. L’unité de base de la phalange, la taxis, comptait mille

qui protégeait la partie antérieure du cou et la nuque. Constitué

cinq cents hommes. La phalange était formée de bataillons de

d’une tôle de fer gainée de cuir, il était parfois recouvert, dans

deux cent cinquante-six hommes, en seize rangées de seize hommes.

sa partie visible, d’une feuille en argent doré à l’ornementation

Ses déplacements étaient soutenus par les corps de soldats armés

très travaillée 10 . Les cuirasses habituelles étaient en lin, mais on trouvait

de javelots, de peltastes, de frondeurs et d’archers. 4

Au corps des fantassins se rattachaient les hypaspistes ,

aussi des cuirasses « anatomiques » en tôle de fer, en cuir et en

une unité de la garde royale, qui déployaient leur efficacité entre

tissu. Plus rare était l’usage de cuirasses faites d’écailles de métal.

phalange et cavalerie, avec un équipement semblable à celui

Les boucliers hoplitiques étaient portés au même titre que

de la phalange classique.

les boucliers « macédoniens 11 ».

Par tradition et parce que le terrain s’y prêtait, la Macédoine

Les sources dont nous disposons et le matériel trouvé dans

était célèbre pour sa cavalerie. Philippe I I l’améliora encore,

les fouilles témoignent que les hétairoi, surtout après l’expédition

et sa tâche fut parachevée par Alexandre I I I 5 . Pour la cavalerie

en Asie, disposaient d’armes somptueuses, ornées d’or, d’argent,

lourde – celle des hétairoi –, qui formait la principale force de choc,

d’ivoire, de verre et de pourpre 12 .

des Macédoniens de noble origine étaient recrutés. Ils étaient

Philippe I I introduisit l’emploi d’engins de guerre en attirant

répartis à l’origine en huit escadrons de deux cent cinquante

en Macédoine les ingénieurs de pointe de l’époque, comme

cavaliers chacun. Pour la cavalerie légère, il était fait appel

Polyeidos le Thessalien 13 .

1 Sur l’organisation de l’armée macédonienne, voir en particulier

2 3 4 5 6

Vers la fin de l’époque archaïque, on rencontrait principalement

une lance longue et robuste qui allait passer progressivement de

3

262

Les armes des Macédoniens, avec leur évolution dans le temps,

Snodgrass 1967, p. 114-130 ; Cawkwell 1978, p. 30-35 ; Hammond, Griffith 1979, p. 405-449 ; Markle 1982, p. 87-111 ; Sage 2008, p. 162-196. Sur la sarisse, voir Andronikos 1970 ; Markle 1977 ; Manti 1992. Sur le bouclier « macédonien », voir Anderson 1976 ; Liampi 1998. Sur les hypaspistes, voir Anson 1981, p. 117-120. Brunt 1963, p. 27-46 ; Connolly 1981, p. 68-75. Sur la kopis, voir Sandars 1913.

7 Faklaris 1986. 8 Stamatopoulou 2010. 9 Sur le casque béotien, voir Rumpf 1943. 10 Faklaris 1985. 11 Stamatopoulou 2004, p. 127-290. 12 Sur les armes somptueuses de la tombe macédonienne I I de Vergina,

voir Drougou, Saatsoglou-Paliadéli, Faklaris et al. 1994, p. 104-110 [P. Faklaris]. 13 Marsden 1973, p. 211-223.


Capitales et cité sacrée : les trois grands centres macédoniens

la royauté macédonienne d’alexandre i

er

à alexandre le grand (v

e

– iv

e

siècle av. j.-c.)

Aigai, l’ancienne capitale

S. Drougou

L’image que l’on peut se faire d’Aigai est fortement éclairée par

Les origines d’Aigai, première capitale des Macédoniens, puisent aux sources du mythe et sont liées, semble-t-il, à l’implantation

les découvertes archéologiques qui conduisirent les chercheurs sur

des Macédoniens dans la plaine de l’Haliakmon au x i e ou au

les ruines présentes dans le village moderne de Vergina. Nicholas

x e siècle av. J .- C . Le roi légendaire Karanos avait fondé la ville

Hammond en 1968 8 , puis Manolis Andronikos en 1976 9 identifièrent

alors qu’il poursuivait une chèvre, et la baptisa du nom de l’animal,

le site de Vergina avec celui d’Aigai en se fondant sur le grand édifice

ce qui révèle que l’élevage était la principale occupation des

palatial et sur l’immense nécropole antique. Les fouilles et les très

hommes d’alors 1 .

nombreuses trouvailles spectaculaires qui s’ensuivirent jusqu’à

Les sources historiques antiques livrent peu d’écrits sur Aigai. Hérodote et Thucydide en parlent brièvement, quoique de manière

Nous ne connaissons pas la composition de la société ni l’aspect

significative 2 . La mention bien connue qui fournit les précisions

urbanistique d’Aigai pour l’époque archaïque et pour le début de

les plus sûres est celle de l’assassinat de Philippe II en 336 av. J .- C . 3 .

l’époque classique (v i e -v e siècles av. J .- C .), néanmoins les ensembles

À Aigai étaient rassemblés des représentants des cités grecques

funéraires de cette période témoignent d’une remarquable santé

et d’autres invités, venus pour les noces de la fille de Philippe,

économique, de relations commerciales avec les cités de la Grèce

Cléopâtre. Les fêtes furent célébrées dans le théâtre de la cité, là

méridionale, Athènes et Corinthe, d’une métallurgie florissante,

où se produisit le crime abominable. Ses amis et la garde se saisirent

bref, d’un monde riche et actif 11 . La ville semble avoir bénéficié

rapidement de Pausanias, l’assassin, près des remparts, et le tuèrent.

d’attentions particulières de la part de Philippe. Sous son règne,

De ce récit, il découle qu’à l’époque de Philippe I I Aigai était fortifiée

l’ensemble que forment le palais et le théâtre fut projeté et réalisé 12 ,

et disposait aussi d’un théâtre dans le voisinage du palais 4 . Mais la ville

tout au moins dans sa première phase. On construisit sans doute

n’était plus la première cité du royaume. Le roi Archélaos I er avait en

alors les premiers bâtiments du sanctuaire d’Eukleia, et on effectua

5

effet déjà transféré la capitale plus au nord, près de la mer, à Pella . Malgré ces changements, Aigai demeura un lieu de vénération

aussi d’autres travaux publics, comme vraisemblablement ceux qui concernaient le système d’adduction d’eau 13 . L’urbanisme

pour les Macédoniens, et plus particulièrement pour la maison

de la ville restait traditionnel et accompagnait la morphologie du

des Argéades puisqu’elle était le siège ancestral de leur lignage.

terrain. Cependant, les indices d’une organisation à vaste échelle

Il était donc en quelque sorte naturel qu’y soient célébrées toutes

sont sensibles. L’importance d’Aigai est attestée en outre par

les cérémonies familiales et, plus important encore, que les membres

les statues divines offertes par Eurydice, mère de Philippe, dans

de la famille soient ensevelis dans la nécropole de leur ville. Ainsi

le sanctuaire d’Eukleia, ainsi que par les grandes tombes « macédo-

tous les rois de Macédoine furent inhumés à Aigai, à l’exception

niennes » de même époque, avec leur décor peint spectaculaire 14 .

d’Alexandre I I I , événement de mauvais augure pour la descendance

Par chance, quelques-unes n’ont pas été profanées, telle la tombe

6

des Argéades-Téménides .

de Philippe (336 av. J .- C .) : elles ont révélé de nouvelles formes

Les mentions ultérieures d’Aigai se rencontrent chez des

268

nos jours ont confirmé depuis les vues des deux chercheurs 10 .

architecturales et leurs riches offrandes permettent de prendre

historiens plus récents, tel Polybe, et dans des inscriptions d’époque

la mesure de la maîtrise impressionnante qui avait cours dans

impériale relatives à des affranchissements, retrouvées dans le temple

l’art de travailler minutieusement les métaux précieux et d’autres

de la Mère des dieux autochtone à Lefkopétra, à quelques kilomètres

matières nobles, comme l’ivoire et le verre 15 . Tout illustre le

à l’ouest de la cité antique 7 .

quotidien d’une classe riche et puissante, sans doute très proche

1 Edson 1970, p. 43 sq. ; Hammond 1972, p. 19 ; Hammond, Griffith

1979, p. 8 ; Hatzopoulos 1996b, p. 36 ; Drougou 2009a, p. 121 sq. 2 Hdt, V , 17-22 ; V I I .173 ; Thuc., 8.56-63, 2.95 ; Hammond 1972, p. 10 ; Hammond, Griffith 1979, p. 8, 14 sq., 158 ; Hatzopoulos 1994b, p. 90 sq. ; Hatzopoulos 1996b, p. 32 ; Saatsoglou-Paliadeli 1996a, p. 225 sq. 3 Diod., 16.91, 1.2, 92.5 ; Hammond, Griffith 1979, p. 682 ; Hatzopoulos 2008, p. 91 sq., surtout p. 93 et n. 5. 4 Sur l’enceinte, voir Faklaris 1996. Sur le théâtre, voir Andronikos 1984, p. 232 sq ; Drougou 2006b, p. 32 sq.

5 Voir infra p. 269 ; Hammond, Griffith 1979, p. 158 ;

Akamatis I. 1993b ; Lilimpaki-Akamati 2003. 6 Voir n. 1-2 ; Kottaridi 2009. 7 Papazoglou 1988b, p. 110 sq. ; Petsas, Hatzopoulos, Gounaropoulou et al. 2000, p. 163, n o 103, p. 136 sq., n o 73 ; Manolédakis 2005, p. 483 sq . ; Drougou 2009a, p. 128 sq. 8 Hammond 1970. 9 Andronikos 1976 ; Andronikos 1977. 10 Drougou, Saatsoglou-Paliadeli 2005, passim ; Drougou 2009b ; Kottaridi 2009. Les recherches archéologiques menées depuis

le milieu du X X e siècle à Vergina par l’université Aristote de Thessalonique ont inauguré, par-delà leurs résultats spectaculaires, un nouveau chapitre dans l’histoire du site, exceptionnel et fécond, préservant ainsi la mémoire de la cité antique. 11 Voir n. 6 et 10. 12 Voir n. 4 ; Drougou 2003. 13 Voir n. 12 ; Kottaridi 1993. 14 Saatsoglou-Paliadeli 2004 ; Drougou, Saatsoglou-Paliadeli 2005, p. 257 sq. ; Saatsoglou-Paliadeli 1996b, p. 55 sq. ; Saatsoglou-Paliadeli 1995-2000. 15 Andronikos 1984 ; Drougou, Saatsoglou-Paliadeli 2005, p. 151 sq.


Pella, la nouvelle capitale

Pella, capitale de la Macédoine antique pendant environ trois siècles, et l’un des plus importants sites archéologiques de Grèce, a fait l’objet de vastes fouilles menées principalement pendant la seconde moitié du x x e siècle. Elle a suscité jusqu’à aujourd’hui d’innombrables études, car la « plus grande des villes de Macédoine » (Xen., Hell, V , 2, 13) fut pour la Grèce un centre politique, culturel fig. 45

un aperçu en plusieurs dimensions de la civilisation de la fin

Vue aérienne depuis le sud de l’îlot d’habitation 1, avec la maison du Dionysos

av. J .- C . pour y transférer la capitale du royaume macédonien,

d’Attique atteste les liens étroits de la ville avec Athènes durant

jusqu’alors installée à Aigai, parce que sa situation – une plaine

la première moitié du i v e siècle av. J .- C . 6 . Ces liens sont confirmés

dégagée à proximité des voies de circulation maritime – permettait

dans d’autres domaines, comme la sculpture, où les influences

une communication plus aisée avec le reste de la Grèce. Cette

attiques succèdent à celles du ionien insulaire 7 . L’essor au cours

région avait été habitée depuis le début de l’âge du bronze, comme

de la seconde moitié du i v e siècle av. J .- C . des ateliers locaux

l’attestent les nécropoles datant du bronze ancien et du bronze

de céramique, de coroplathie, de toreutique, de pavements de

la royauté macédonienne d’alexandre i

à alexandre le grand (v

et économique considérable. Ce que l’on y a découvert donne

er

e

– iv

e

siècle av. j.-c.)

M. Lilimpaki-Akamati

de la période classique et de la période hellénistique 1 . La région côtière de Pella a été choisie vers la fin du v e siècle

moyen

(I I Ie-I Ie

millénaire av. J .- C .), de l’âge du fer

(i x e -v i i e

siècle

mosaïque, etc., jeta les bases d’une productivité florissante qui

av. J .- C .) et des v i e -v e siècles av. J .- C ., découvertes dans le cadre

perdura jusqu’à l’abandon des lieux après un tremblement de terre

des travaux de préservation et de mise en valeur du site archéo -

dévastateur au début du i er siècle av. J .- C . 8 . Néanmoins, la ville

logique à proximité de la nouvelle entrée 2 . Ces nécropoles mais

ne cessa jamais complètement d’être habitée, car des vestiges

aussi la présence, dans un rayon plus large, de céramiques datant

d’habitat de la période romaine (i er -i v e siècle apr. J .- C .) démontrent

des mêmes périodes, témoignent de l’existence d’anciens habitats,

que sa partie méridionale, qui jouxtait la mer, demeura peuplée

auxquels succéda, au même emplacement, la nouvelle capitale.

même aux temps de l’apogée de sa voisine, la colonie romaine

Les données concernant la première phase d’édification de Pella proviennent essentiellement d’une nécropole du quartier de l’agora,

de Pella, située plus à l’ouest 9 . La ville antique, telle que nous la connaissons aujourd’hui, avec

dont l’emplacement révèle que la ville du v e siècle av. J .- C . était

son système d’urbanisme du dernier quart du i v e siècle av. J .- C .,

située plus au sud 3 . Les limites septentrionales de cette première

s’étendait sur environ 400 hectares. Son plan hippodamien, avec

phase de la cité sont définies par sa muraille nord, orientée

des insulae de 47 m de côté délimitées par des rues orientées

sud-est / nord-ouest, dont un tronçon avec porte monumentale

nord-sud et est-ouest, respectivement de 6 et 9 m de large, est le plus

a été découvert sous les blocs d’habitations et les rues de la ville

évolué que l’on puisse voir pour le monde grec. Les vestiges donnent

4

270

îlots d’habitations 5 . La forte présence de céramiques importées

hellénistique . Les plus anciens vestiges d’habitat, trouvés

une idée des importantes dimensions de la ville, qui s’étendait

à proximité du sanctuaire de Darron, indiquent selon toute

sur quelque 2,5 km du nord au sud et 1,5 km d’est en ouest. L’artère

vraisemblance l’existence, au moins à partir de la première moitié

principale, orientée est-ouest et d’une largeur de 15 m, traversait

du i v e siècle av. J .- C ., d’un système d’urbanisme orthogonal avec

le centre de la ville et s’achevait aux portes de l’agora. Certaines

1 De manière générale sur Pella, voir Siganidou, Lilimpaki-Akamati

1996 ; Lilimpaki-Akamati, Akamatis 2003. Sur la mise en valeur du site et sur son nouveau musée archéologique, voir infra, annexe I , Pella. 2 Sur la nécropole de l’âge du bronze, voir Akamatis I. 2009, p. 193-213. 3 Sur la nécropole de la région de l’agora, voir Akamatis I. 1990b, p. 143-154 ; Lilimpaki-Akamati, Akamatis 2003, p. 65-69. 4 Sur les remparts de Pella, voir Siganidou 1987, p. 765-786 ; Chrysostomou P. 1996a, p. 106 ; Chrysostomou P. 2001, p. 441-448 ; Lilimpaki-Akamati 2005, p. 401 ; Chrysostomou P. 2006, p. 641 ; Lilimpaki-Akamati 2007, p. 588-589, 593-597 ; Lilimpaki-Akamati, Akamatis N. 2009 (à paraître).

5 6 7 8 9

Lilimpaki-Akamati 1996b, p. 93-104. Akamatis N. 2008, p. 1-78. Akamatis I. 1987, p. 13-32 ; Lilimpaki-Akamati 1998, p. 257-266. Akamatis I. 1993a, p. 345-346. Lilimpaki-Akamati 2006, p. 591-614.


Dion, la cité sacrée

fig. 48 Sanctuaires de Zeus Hypsistos à gauche et d’Isis à droite

Au pied de l’Olympe, à l’est, près des côtes septentrionales de l’Égée,

autel destiné aux sacrifices royaux et une considérable quantité

au sein d’un paysage habité par les dieux, fut créée Dion, où se situait

d’inscriptions relatives à des ordonnances royales, à des traités

le sanctuaire fameux de Zeus olympien. La tradition mythologique

d’alliance avec d’autres cités-États et à des décrets honorifiques 1 .

évoque l’autel primitif que le roi de Thessalie Deukalion y avait élevé

Le sanctuaire de Zeus était le lieu dédié à la publication des textes

après le grand déluge. À la fin du v e siècle av. J .- C ., Archélaos institua

officiels de l’État macédonien. Ces textes étaient gravés sur des

des fêtes dédiées à Zeus qui jouissaient d’un éclat particulier, à l’image

stèles de pierre que les milliers de visiteurs qui se rassemblaient

des Jeux olympiques, des Jeux néméens et des Panathénées. Outre

au début de l’automne venaient voir de près. En même temps

l’hécatombe royale et les riches festins se déroulaient des concours

que Zeus, on fêtait aux Olympia les Muses, filles qu’il avait eues

tant athlétiques que dramatiques. L’organisation de ces Olympia de

de Mnémosyne. Les sacrifices, les festins et les jeux duraient

Zeus était prise en charge par les rois, qui étaient souvent présents

neuf jours, chacun portant le nom d’une Muse. Leur sanctuaire n’a

et qui accueillaient en personne les hétairoi et les invités officiels.

pas été encore localisé, mais des indices tendent à le placer près

On rapporte que Philippe I I avait l’habitude de s’entretenir avec

des eaux abondantes de la source principale, au nord-est du théâtre.

ses invités pour écouter et satisfaire leurs demandes, et leur offrir

À l’époque hellénistique tardive fut fondé un nouveau sanctuaire

des coupes d’or et d’argent. Alexandre poursuivit la tradition des

de Zeus, dont l’apogée se situe aux i i e et i i i e siècles apr. J .- C . On

Olympia et, durant son expédition, organisa de grands sacrifices

y rendait un culte à Zeus Hypsistos. Au centre du téménos ont été

et des jeux analogues destinés aux troupes.

découverts l’autel et, immédiatement au nord, avec une orientation

Des statues en bronze doré de la dynastie royale furent érigées

inhabituelle puisqu’il est tourné vers le sud, le naos du dieu, qui

dans le sanctuaire de Zeus olympien, qui accueillit également l’ex-

comportait une aile sur chacun des trois côtés. À l’intérieur se

voto d’Alexandre, œuvre du célèbre sculpteur Lysippe constituée

trouvait la statue de culte, tombée à côté de son piédestal : Zeus

de vingt-cinq cavaliers, effigies des hétairoi royaux tombés à la bataille

Hypsistos, assis en majesté sur son trône, tient le sceptre et le foudre.

du Granique, en 334 av. J .- C . Les fouilles ont mis au jour le grand

Des inscriptions placées devant le piédestal évoquent des offrandes

1 Cat. 215.

capitales et cité sacrée : les trois grands centres macédoniens

D. Pandermalis

273


Les palais macédoniens Le palais de Vergina/Aigai : historique des fouilles Ch. Saatsoglou-Paliadeli

On méconnaît souvent le rôle de Léon Heuzey et d’Honoré Daumet dont les fouilles, menées dans les ruines de Palatitsia 1 en 1861, même si elles se limitaient au côté est de l’édifice, les conduisirent à apprécier l’importance du monument qu’ils n’eurent malheureusement ni la possibilité ni le temps de mettre entièrement au jour 2 . Les précieux relevés architecturaux et les dessins détaillés de Daumet fig. 50

sont aujourd’hui encore une référence pour ceux qui travaillent sur

Le palais et le théâtre d’Aigai

le palais 3 . Leur profonde conviction s’est avérée quasi prophétique 4 . L’importance du site archéologique fut mise en lumière grâce

ensemble architectural dont beaucoup d’autres éléments, certains

Rhomaios, professeur d’archéologie à l’université Aristote de

de grandes dimensions, avaient été rassemblés lors des campagnes

Thessalonique, qui venait d’être créée. Certes, entre 1861 et 1937,

de fouilles précédentes.

la région avait radicalement changé. La Macédoine était entrée

Le dégagement du monument et de son péristyle fut achevé en

dans l’État grec et les événements de 1922 en Asie Mineure avaient

1975, sans être suivi d’une publication scientifique 10 . Auparavant,

conduit des réfugiés du Pont-Euxin à s’installer à proximité du site

en 1972, sous la direction de Katerina Rhomiopoulou, éphore des

archéologique entre deux des misérables hameaux de l’époque

antiquités de Béroia, la restauration et la repose de la mosaïque

de Heuzey, Koutlès et Barbès. Les blocs de poros bien équarris

de sol de la pièce E, du côté sud du palais, furent menées à bien.

étaient un matériau de construction précieux pour les habitants

Mais, si cette mosaïque apporte des précisions techniques intéres-

sans toit du nouveau village, qui prit le nom de Vergina, une

santes, sa datation reste incertaine 11 . La contribution de John Travlos

princesse de légende. Rhomaios, avec quelques-uns de ses étu -

à l’étude de l’édifice grâce à ses relevés des vestiges architecturaux

diants, continua la fouille du palais là où l’avaient laissée Heuzey

fut essentielle. Des sondages sur le côté nord du palais l’amenèrent

et Daumet 5 . Au moment de la déclaration de guerre, le palais était

à restituer le plan d’ensemble, plan auquel se réfèrent aujourd’hui

dégagé jusqu’à ses limites occidentales et Rhomaios, sous le charme

encore ceux qui étudient le monument 12 . Mais sa proposition de resti-

de ses proportions harmonieuses, décrivit quelques années plus

tution d’une colonnade pour le côté nord n’a pas été confirmée par

6

tard ses composantes architectoniques avec clarté et sensibilité . Au début des années 1960, Manolis Andronikos, lui aussi profes-

3 4 5 6 7

les recherches menées ultérieurement 13 . Le départ à la retraite de Bakalakis en 1975 et l’ouverture du

seur à l’université Aristote de Thessalonique, inaugura, en collabora-

chantier de fouille systématique du Grand Tumulus par Andronikos

tion avec son collègue le professeur Géorgios Bakalakis, une nouvel-

et ses collaborateurs en 1976 14 suspendirent durablement les obliga-

le campagne de fouilles 7 . Jusqu’en 1975, les fouilleurs de l’université

tions scientifiques des fouilleurs de l’université dans le palais. Le seul

concentrèrent leur intérêt sur les côtés sud et ouest de l’édifice et

avantage que l’édifice retira de la fouille du Grand Tumulus fut son

aboutirent à la localisation et à la mise au jour du péristyle annexe au

identification indiscutable, non pas avec un « prytanée royal 15 » ou

sud-ouest 8 . L’exploration rapide de la tholos du palais fut parachevée

avec un « palais d’été 16 », mais avec le palais d’Aigai 17 . Demeuraient

avec la découverte fortuite, durant l’été 1969, de trois fragments de

cependant des questions majeures sur l’architecture et la chronologie

marbre qui portaient l’inscription H R A K L E I P A T R W I W I 9 . Bakalakis

du monument, questions qui n’ont jamais cessé d’intéresser les

p. 47 sq. Ces campagnes de fouilles se distinguaient aussi par leur visée pédagogique, puisqu’elles ont permis aux étudiants dont le nom a été translittéré en « Palatitza » par Heuzey et Daumet présents – de futurs archéologues, actifs en Grèce du Nord – dans leur publication. Heuzey, Daumet 1876 ; sur les recherches d’Heuzey et de Daumet, de se familiariser avec les techniques de la fouille stratigraphique. 8 Appelé par les fouilleurs « H Oikiv a thı Anav g khı ». voir la contribution de M. Hamiaux infra, p. 146-156. Heuzey, Daumet 1876, pl. 7-12, 13.1-5. Andronikos 1984, p. 38-46. Heuzey, Daumet 1876, p. 226. 9 Bakalakis 1970, p. 394. Nous reproduisons ici le texte de Lemerle 1939, p. 317 ; A A 1940, p. 274. Parmi ses étudiants l’inscription selon Hatzopoulos 1996a, vol. 2, p. 50, pl. X X X a, figuraient Photios Petsas et Andronikos. avec la bibliographie antérieure. Rhomaios 1953-1954. 10 Des rapports sur les fouilles du palais rédigés par ces professeurs Andronikos, Makaronas, Moutsopoulos et al. 1961 ; Andronikos 1997, furent publiés dans le Bulletin archéologique, A D 19, 1964,

1 Le site archéologique était situé près du hameau de Palatitsia

2

identifia immédiatement ces fragments comme appartenant à un

aux fouilles systématiques initiées en 1937 par Konstantinos

Chron., p. 366-367 ; A D 21, 1965, Chron., p. 357-358 ; A D 24, 1969, Chron., p. 356-359 ; A D 25, 1970, Chron., p. 394 et A D 26, 1971, Chron., p. 411. 11 Rhomiopoulou K., A D 27, 1972, Chron. B 2, p. 515. 12 Andronikos 1984, p. 33, fig. 18 ; voir aussi Hoepfner 1996, surtout p. 15, pl. 1. 13 Pandermalis 1987a, p. 579-605, fig. 17 ; Brands 1996, p. 62 sq., surtout p. 63 sq. 14 Andronikos 1984, p. 55 sq. 15 Heuzey, Daumet 1876, p. 219. 16 Andronikos, Makaronas, Moutsopoulos et al. 1961. 17 Hammond 1972, p. 156 sq. ; Andronikos 1984, p. 38.

287


Le palais de Philippe II à Aigai : nouvelles perspectives

siècle av. j.-c.)

inconnue des recherches archéologiques 1 .

la royauté macédonienne d’alexandre i

er

à alexandre le grand (v

e

– iv

Découvert et publié pour la première fois par Léon Heuzey et

e

A. Kottaridi

Honoré Daumet, fouillé successivement par Konstantinos Rhomaios,

édifice – le plus grand de la Grèce classique, équivalant à trois fois

Charalambos Makaronas, Géorgios Bakalakis et Manolis Andronikos

la taille du Parthénon – était visible depuis tout le Bassin macé -

jusqu’au début des années 1970, le palais de Palatitsa à Vergina ou,

donien, tel un emblème de puissance et de beauté, dont le souvenir

plus exactement, le palais d’Aigai, est depuis le

xixe

siècle la grande

demeura vivant des siècles après sa ruine et se perpétua à travers le nom de la bourgade médiévale de Palatitsa 7 qui succéda

Cet édifice impressionnant, qui s’étend sur environ 12 500 m 2 , est plus vaste que les palais de Démétrias et de Pergame, plus

à la métropole macédonienne. Axé sur les quatre points cardinaux, le palais était orienté à l’est,

récents. Il est aussi mieux conservé et son plan est beaucoup plus

où s’étendait la ville, et donnait sur l’imposante porte orientale de

lisible que celui des Basileia de Pella, qui ont subi force extensions

la muraille, à laquelle aboutissait la route carrossable qui venait

et remaniements à l’époque hellénistique. Aussi, en dépit de publica-

des ports du golfe Thermaïque. Au nord, le jouxtant immédiatement,

tions assez sommaires sur les fouilles du x x e siècle – excepté l’étude

se trouve le théâtre 8 et un peu plus bas le sanctuaire d’Eukleia 9 .

des tuiles de sa toiture 3 –, le palais d’Aigai est-il depuis des années

La concordance absolue des axes de ces trois bâtiments, dans une

le point focal des discussions scientifiques. Trois questions fonda-

ville qui n’était pas dotée d’un plan orthogonal régulier, et la corres-

mentales restent ouvertes : sa datation, les phases probables

pondance de leurs dates et de leurs traits de construction démontrent

de sa construction, sa forme.

bien qu’ils appartenaient à un même projet, et avaient été édifiés

2

L’important travail de restauration et d’anastylose amorcé

dans le cadre d’un vaste programme architectural comprenant

sous ma direction par la 17 e Éphorie des antiquités préhistoriques et

la reconstruction des remparts 10 et prévoyant la modernisation

classiques au printemps 2007 a permis de redécouvrir le monument,

et la mise en valeur de la ville royale dans son ensemble.

4

dont nous avons fouillé les fondations et les abords avec beaucoup

La question de la datation du palais d’Aigai est un exemple

de soin. Nous avons inventorié dans le même temps les centaines

frappant de la façon dont les préjugés invétérés empêchent d’évaluer

d’éléments architecturaux dispersés sur le site, ainsi que ceux qui

correctement les données disponibles. L’identification sans examen

ont été mis au jour lors des fouilles récentes, de façon à progresser

d’Aigai avec Édessa 11 avait conduit les anciens fouilleurs et la

dans l’anastylose des diverses parties de l’édifice. Parallèlement,

recherche archéologique en général ad absurdum. L’édifice fut

un travail de restauration des éléments architecturaux et des sols,

d’abord considéré comme une résidence secondaire d’Antigone,

qui conservent leurs dallages de marbre ou leurs mosaïques sur

puis comme une construction de Cassandre 12 , malgré d’évidentes

une superficie de 1 450 m 2 , a été engagé.

similitudes avec des édifices plus anciens 13 .

Ce processus a apporté des éléments nouveaux, encore

290

Édifié dans l’ a “ stu d’Aigai 6 , à flanc de colline, le gigantesque

Les récentes découvertes provenant des fondations conduisent

jamais mis en lumière ou pris en compte, pour la première fois.

à le dater au début de la seconde moitié du i v e siècle av. J .- C . En effet,

Ils répondent à de nombreuses questions demeurées en suspens,

les caractères typologiques et stylistiques du palais trouvent leurs

ouvrent de nouvelles directions de recherche et révèlent de façon

meilleurs parallèles et correspondances dans des édifices du milieu

incontestable l’immense portée de ce monument qui, tout l’indique,

du siècle comme le temple en calcaire d’Athéna Pronaia à Delphes,

n’était pas seulement le plus grand en taille mais, avec le Parthénon,

la tholos d’Épidaure, le temple d’Athéna Aléa, le mausolée

l’édifice majeur de l’Antiquité classique 5 .

d’Halicarnasse, etc. Par ailleurs, certaines caractéristiques

1 Sur le palais d’Aigai, voir Heuzey, Daumet 1876, p. 175-226 ;

seulement sur les rapports des chroniques du bulletin archéologique Rhomaios 1953-1954 ; Andronikos, Bakalakis, Moutsopoulos et al. (Archaiologiko Deltio) et sur la première publication, très sommaire, 1961 ; Andronikos 1964, p. 5-8, fig. 10-15 ; Pandermalis 1976 ; nous avons décidé de mener les déblaiements et les excavations Andronikos 1984, p. 38-46 ; Heermann 1986, p. 239-324, 526, 528, nécessaires au projet comme s’il s’agissait d’une première fouille, 530, fig. 41-43, pl. X - X I I ; Pandermalis 1987a ; Hoepfner, Brands 1996 ; et ce malgré le coût en argent et en temps que cela représentait. Vélénis 1997 ; Nielsen 1999, p. 19 sq. ; Nielsen 2001. Voir aussi Un gigantesque quadrillage a été mis en place sur tout le monument Lauter 1986 ; Lawrence 1998. et ses abords, et la fouille a été menée avec de grandes précautions, 2 Andronikos, Bakalakis, Moutsopoulos et al. 1961 ; Andronikos 1984, les vestiges et toutes les nouvelles découvertes, réellement p. 38-46 ; Vélénis 1997 ; Saatsoglou-Paliadeli 2001. inattendues, étant cette fois scrupuleu -sement inventoriés. 3 Pandermalis 1987a. 5 Pour une première publication importante des nouvelles 4 La première difficulté sérieuse qui s’est présentée au début des découvertes, voir Kottaridi 2011c. 6 Bien que les recherches dans les agglomérations satellites, travaux était l’absence totale de carnets de fouille et de photo menées dans le cadre de fouilles de sauvetage, ne soient qu’à leur graphies venant des fouilles antérieures. Contraints de nous appuyer

tout début, on constate la continuité d’occupation des mêmes sites depuis au moins le début du I V e siècle av. J .- C ., voir Kottaridi 2006. 7 Le nom du village de Palatitsa a été transposé en Palatitza par Léon Heuzey et Honoré Daumet. 8 Drougou 1989. 9 Saatsoglou-Paliadeli 1996b. 10 La ville d’Aigai était sans aucun doute fortifiée depuis l’époque de Perdiccas (451-413 av. J .- C .), voir Kottaridi 2004a. 11 Just., 7,1,7 ; Heuzey, Daumet 1876, p. 179 sq., 457 sq. ; Rhomaios 1951a, p. 12 sq. 12 Heermann 1986 (voir n. 1) ; Pandermalis 1976 ; Pandermalis 1987a ; Touratsoglou 1996 propose de le dater à l’époque de Cassandre. 13 Hoepfner 1996, p. 17.


Le palais de Pella

siècle av. j.-c.)

versants oriental et occidental mais de faible déclivité sur ses deux

la royauté macédonienne d’alexandre i

er

à alexandre le grand (v

e

– iv

Le Basileion de Pella, siège de l’autorité royale et de son organisation

e

P. Chrysostomou

politique, diplomatique, militaire, administrative et économique, est actuellement fouillé sur l’une des trois collines 1 qui dominent, au nord, la ville hellénistique. Le palais jouissait d’une situation exceptionnelle, avec une orientation idéale vers le sud. Abrupte sur ses

autres côtés, la colline était fortifiée sur son flanc nord par un solide rempart épais de 3,30 m, doté de portes monumentales et de tours tous les cent pieds (33 m). Le palais, d’une surface de 7 hectares, soit cinq fois celle du palais de Vergina, se déployait de part et d’autre d’un axe central nord-sud en cinq complexes architecturaux, composés chacun d’un alignement de deux ou trois bâtiments, voire fig. 53

plus, édifiés, du fait des différences de niveaux, sur des terrasses successives. Ces unités architecturales, dont les murs présentent tous une orientation globale est-ouest - nord-sud, étaient reliées

d’Akanthos, de Larissa et des Béotiens) de la fin du v e siècle av. J .- C .

et communiquaient entre elles par des escaliers, des portes, des

et des années suivantes. L’hypothèse soutenue par certains

passages, des corridors, des galeries et des péristyles. Leur construc-

chercheurs, selon laquelle Amyntas I I I (393-370/369 av. J .- C .),

tion a nécessité en certains endroits de vastes travaux d’arasement

et non Archélaos (413-399 av. J .- C .), aurait transféré la capitale

de la roche calcaire et, en d’autres, l’édification de terrasses au

d’Aigai à Pella est plus que contestable. C’est Archélaos, un roi

moyen de puissants murs de soutènement et d’importants remblais.

à l’origine de plus de grands travaux que tous ses prédécesseurs

Le cœur du palais consistait en quatre énormes édifices ( I , I I , I V

réunis 2 , qui mena à bien cette entreprise afin de s’assurer un accès

et V ) dont chacun comportait une cour intérieure avec un péristyle

direct aux artères routières de la basse Macédoine ainsi qu’à la mer

en pierre d’ordre dorique ou ionique, à l’exception de l’édifice V

Égée. C’est lui qui fit de sa cour un centre intellectuel et artistique,

– la palestre –, dont le péristyle était en bois. Les édifices I et I I ,

y invitant les poètes et les artistes athéniens les plus renommés

où se concentrait la vie politique et sociale du palais, partageaient

de l’époque. Euripide en particulier est, tout comme Archélaos,

une façade commune de 160 m de long, avec deux portiques doriques

indissolublement lié à Pella. La capitale était déjà vers 382 av. J .- C .

et un unique propylon de 16 m de large et de 2,50 m d’avancée,

« la plus grande ville de Macédoine 3 ». Cela n’aurait pu être si le

présentant au rez-de-chaussée quatre colonnes doriques avec des

transfert était intervenu sous le règne d’Amyntas I I I , marqué par

pilastres d’ante aux extrémités, et, à l’étage, des fenêtres à fronton,

de grandes difficultés intérieures et extérieures.

pilastres ioniques à demi-colonnes et antes. À l’origine, la « maison royale » d’Archélaos occupait le centre

294

Piscine au nord-est de la palestre du palais de Pella

Le cœur du palais fut construit en une phase unique sous le règne de Philippe I I , vers le milieu du i v e siècle av. J .- C ., comme

du palais de Pella, comme en témoigne la découverte en ce lieu

le montrent les monnaies, les céramiques, les inscriptions les plus

de céramiques à figures rouges, à vernis noir ou mat, ainsi que des

anciennes estampées sur les tuiles laconiennes, les antéfixes

monnaies (d’Aéropos, d’Amyntas I I I , de Perdiccas I I I , d’Alexandre I I ,

de terre cuite corinthiennes à palmettes – un type déjà attesté

1 Il s’agit de la colline centrale. Sur le palais de Pella, voir

Chrysostomou P. 1988 ; Misailidou-Despotidou 1988, p. 101 sq. ; Misailidou-Despotidou 1989, p. 67 sq. ; Misailidou-Despotidou 1993, p. 975 sq. ; Chrysostomou P. 1996a, p. 105 sq. ; Hoepfner 1996, p. 27 sq. ; Kunze 1996, p. 122 sq. ; Chrysostomou P. 1999a ; 2001, p. 441 sq. ; 2002, p. 447 sq. ; 2003, p. 31 sq. ; 2008a (à paraître). 2 Thuc., I I . 100-102. 3 Xén., Hell., V , 2, 13.


L’expansion du royaume de Philippe II : présence de l’élite macédonienne à Aineia Les tumuli d’Aineia La toumba littorale de Tabia, sur le golfe Thermaïque, au nord-ouest

demeurée inviolée, offrait, en plus de son matériel funéraire, le trésor excep-

de Michaniona, a été identifiée, grâce à Hérodote et Tite-Live, comme

tionnel de ses parois peintes, évoquant les objets personnels de la défunte. Une frise polychrome de rinceaux fleuris court sur les quatre côtés de

au sommet d’une colline en forme de table, voisine de la mer, Aineia

la tombe. Les symboles funéraires (colombe, pommes de pin, palmettes)

était colonie de Corinthe et battait sa propre monnaie à l’effigie d’Énée,

et les objets de la vie quotidienne issus d’un intérieur féminin offrent un

considéré comme son fondateur.

ensemble pictural qui compte parmi les plus anciens de Macédoine. Cette

À quelque 500 m de la ville antique, trois tumuli ont été fouillés en

composition reflète le luxueux mode de vie et les croyances de l’aristocra-

1979 et en 1982. Le tumulus A protégeait trois tombes à ciste en dalles

tique défunte, possiblement adepte de l’orphisme. La double présence

de poros, dont la chronologie relative a pu être précisée. La tombe I I I ,

d’éléments empruntés à la mosaïque macédonienne et aux vases apuliens

la plus ancienne, datée vers 350-345 av. J .- C ., contenait des offrandes

est très sensible. Il semble que les influences réciproques entre Macédoine

funéraires en partie présentées ici (cat. 196/ 1–18 ). Les ossements de

et Italie du Sud aient suivi la voie commerciale ouest-est qui reliait les côtes

la défunte, enveloppés dans un fin tissu de lin, avaient été placés dans

de l’Adriatique à celles de la mer Ionienne. Avec cette découverte, c’est

une hydrie de bronze scellée par un couvercle de plomb (fig. 60).

la première fois que l’on détient des preuves aussi concrètes de l’existence

La tombe I (vers 330-325 av. J .- C .), profanée dans l’Antiquité, conservait

pour l’époque d’échanges culturels et commerciaux entre Grèce du Nord

les vestiges du décor d’une kliné. La tombe I I (vers 340-330 av. J.-C),

et villes occidentales. P A-V

la royauté macédonienne d’alexandre i

er

à alexandre le grand (v

e

– iv

e

siècle av. j.-c.)

la ville antique d’Aineia 1 . Fondée au sud du cap du Grand-Karabournou,

312 fig. 58, 59 1 Vokotopoulou 1990a ; Tsigarida 1994.

Aineia, tumulus A, tombe II, détail du long côté est (à gauche) et du long côté ouest (à droite)



l’essor de la Macédoine à l’époque hellénistique (fin du ive siècle – début du iie siècle av. J.-C.)


Le royaume de Macédoine à l’époque hellénistique

1

L’entreprise d’Alexandre I I I – mener, en tant que général en chef

de la Sogdiane, de la Bactriane et de l’Inde occidentale. L’expédition

mandaté par l’ensemble de la Grèce, une expédition militaire en

avait aussi personnellement enrichi tant les simples soldats que

Orient dans le but de venger l’invasion des Mèdes et de libérer les

leurs chefs militaires, des hommes fortunés, les hétairoi : butin

cités grecques réduites en esclavage – doit être considérée comme

inestimable à piller, solde perçue, récompenses en argent en fin

la prolongation, voire l’amplification de l’action et des desseins

de campagne.

l’essor de la macédoine à l’époque hellénistique (fin du iv

e

siècle–début du ii

e

s i è c l e a v. j. - c. )

I. Touratsoglou

322

de Philippe I I , déjà engagés du vivant de l’avant-dernier Argéade.

Les textes antiques parvenus jusqu’à nous ne rendent pas

Pour être pertinente, la lecture des événements devra aussi prendre

compte de cette opulence révélée par les richissimes offrandes

en compte la nécessité alors absolue de s’assurer d’autres sources

funéraires trouvées dans les tombes à ciste (Sédès, Aineia, Kozani,

de richesse, en particulier face aux nouvelles responsabilités

Aigai/Vergina, Dervéni, Nikisiani) et les tombes « macédoniennes »

qui incombaient au royaume de Macédoine en tant que régulateur

(Aigai/Vergina) : des ensembles élaborés de vaisselle en métaux

du destin de la ligue panhellénique après Chéronée.

précieux, tel le service de table du fantastique dîner que le défunt,

Les victoires inespérées remportées sur les champs de bataille,

très probablement un hétairos, allait bientôt offrir aux Champs

la pénétration foudroyante des armées d’Alexandre jusqu’au cœur

Élysées à ses compagnons, sur le modèle des banquets auxquels

du royaume achéménide et tout ce qui s’ensuivit transformèrent en

il avait participé dans les cours orientales en présence d’Alexandre,

très peu de temps le statut de la Macédoine traditionnelle, pourtant à

devenant en quelque sorte le diadoque et le continuateur des mœurs

l’origine de l’entreprise. Seul et unique centre de décision à l’époque

raffinées de ces contrées et de leur mode de vie voluptueux.

qui précéda l’aventure asiatique, elle allait devenir une simple entité

Cet afflux considérable de métaux précieux, travaillés ou non,

périphérique reléguée aux confins occidentaux de l’empire qui était

est aussi illustré par la profusion de pièces (d’or et surtout d’argent)

en train de se créer, sous la lieutenance d’un vieux général d’armée

que quantité d’ateliers monétaires ont pu mettre en circulation sur

(Antipatros), le gardien des arrières. Et l’on peut imaginer l’état

toute la surface de l’empire, du vivant d’Alexandre, mais également

de dépendance dans lequel se trouvait désormais la Macédoine,

après sa mort.

berceau européen des Makednwv n , si l’on considère les fréquentes

La conséquence la plus profonde et la plus inattendue de

subventions en argent liquide qu’elle recevait, la plupart du temps

cette entreprise titanesque est sans aucun doute le fait que cette

sous forme de mandats royaux, pour faire face aux situations

expédition, qui dura dix ans, était placée dès l’origine sous le signe

imprévues – ou même prévisibles – dans les Balkans et sur la

de la connaissance encyclopédique et de la science, puisque le corps

péninsule helladique.

de l’expédition était encadré (selon les préceptes de l’éducation

Des estimations ont montré que les quantités de métaux

aristotélicienne) par des hommes chargés d’observer et de noter

précieux – sous forme de pièces de monnaie (surtout évidemment

les phénomènes naturels, des historiens et des chercheurs de toutes

de dariques et de sigles) ou de lingots d’or et d’argent – mentionnées

disciplines. Elle propageait en même temps jusqu’aux confins du

comme butin de guerre étaient loin d’être négligeables. L’année

monde l’idéal classique, la littérature et la philosophie grecques.

de la chute de l’Empire perse, en particulier, le roi de Macédoine

Elle donnait naissance à des idéaux nouveaux, à la remise en

s’enrichit de 180 000 talents, soit 4 680 tonnes d’argent ou 468 tonnes

question de ce que la coutume avait consacré, à des modes de vie

d’or. À ces valeurs en argent liquide s’ajoutèrent toutes les richesses

différents, à des conceptions morales et des valeurs artistiques

accumulées par Alexandre avec le sac de Persépolis, la conquête

nouvelles, et ce, avec une ampleur jamais vue.

1 Sur l'histoire économique du royaume de Macédoine ( V I e - I I I e siècles av. J .- C .), voir Touratsoglou 2010. Sur le monnayage de Philippe I I et d’Alexandre I I I , voir Le Rider 1977 ; Price 1979 ; Price 1991 ; Le Rider 2003.

Sur l'afflux de richesses en Macédoine à la suite de l’expédition d’Alexandre en Asie, voir Callataÿ, 1989 ; Holt 1999 ; Le Rider 2002, p. 310-316 (compte rendu de I. Touratsoglou, S N R 83, 2004, p. 180-192). Sur les bijoux d’or et sur la vaisselle en métal précieux, voir infra les œuvres présentées dans cette section du catalogue et fig. 76 ; Völker-Janssen 1993, p. 188-189 ; Thémélis, Touratsoglou 1997 ; Touratsoglou 1998a ; Zimi 2011. Sur la politique ambitieuse des successeurs d’Alexandre, voir pour Cassandre, Touratsoglou 1996 ; pour les Antigonides, Schur 1934 ; Papazoglou 1983 ; Shipley 2000 ; Errington 2008 et infra n os 205-209, 215.


Le règne de Cassandre et la dynastie des Antigonides M. Tsimbidou-Avloniti

La mort prématurée d’Alexandre le Grand bouleversa profondément

Pendant les quarante-cinq ans du règne de Philippe V (l’ambi -

la situation politique, non seulement en Macédoine, mais dans

tieux Antigonide, monté sur le trône à peine âgé de dix-sept ans

l’ensemble de la Grèce. Sur les territoires conquis, de nouveaux

[221 av. J .- C .]), le pays connut de nouvelles heures de gloire et

royaumes imposèrent bientôt leur volonté de puissance et leur

de grandeur. Grâce à sa constante vigilance face à l’hostilité des

force militaire, tandis que peu à peu la Macédoine endossait surtout

Dardaniens, des Thraces et des Illyriens, ainsi qu’à ses habiles

un rôle de régulateur de l’espace helladique.

menées diplomatiques, Philippe sut renforcer la puissance de l’État,

Néanmoins, l’éclat et le prestige du trône macédonien demeu -

tandis que la dernière décennie de son règne (188-179 av. J .- C .)

raient fascinants au point que, pendant plusieurs décennies, tous

signait, par des mesures appropriées, non seulement l’essor

les grands rois auraient pour ambition de conquérir la couronne

économique, mais une réelle concentration de richesse. Des

de Macédoine. À partir de 323 av. J .- C . jusqu’à l’avènement d’Antigone

offrandes votives dans les sanctuaires les plus fameux du monde

Gonatas (277 av. J .- C .), le pays fut le terrain d’âpres rivalités pour

hellénique proclamaient haut et loin sa gloire. Il ne réussit

la succession au trône et subit, en outre, une invasion de tribus

cependant pas, malgré ses efforts, à tirer parti de l’instabilité qui

galates qui ravagea les campagnes.

régnait en Grèce du Sud, tandis qu’il se heurtait de plus en plus

En 310 av. J .- C ., avec l’assassinat par Cassandre d’Alexandre I V ,

souvent aux Romains et à leur politique expansionniste. Finalement,

fils d’Alexandre le Grand et de Roxane, la lignée des Argéades-

après un demi-siècle de combats, les Romains écrasèrent le dernier

Téménides s’éteignait définitivement, Olympias et Philippe I I I

roi de Macédoine, Persée, à la bataille de Pydna, en 168 av. J .- C .

Arrhidée ayant déjà trouvé une mort tragique. Cependant, malgré

La chute de la Macédoine entraîna la soumission du reste de

son crime qui éloignait du trône la descendance d’Alexandre,

la Grèce, et peu à peu tout le territoire et les autres royaumes

Cassandre (316-297 av. J .- C .), rattaché par son mariage à la lignée

hellénistiques passèrent au statut de provinces romaines.

des Argéades, renforça la puissance et le prestige de la Macédoine, et la fondation de Thessalonique et de Cassandrée sont à mettre à son actif. Ses successeurs, Démétrios Poliorcète, Lysimaque et Ptolémée Kéraunos, continuèrent son œuvre pendant la brève durée de leur règne et, malgré les guerres qui plongèrent le pays dans un bain de sang, réussirent à préserver l’influence de la Macédoine. Vers le milieu du i i i e siècle av. J .- C ., Antigone Gonatas, un roi philosophe et modéré, parvint en trente-cinq ans de règne à restaurer la paix intérieure et à maintenir la puissance macédonienne dans le reste de l’espace helladique. Ses successeurs, Démétrios I I tout comme Antigone Doson, poursuivirent la même politique, mais installèrent un climat de méfiance et d’opposition dans les cités du sud de la Grèce en y implantant des garnisons macédoniennes et en y imposant des gouvernements autoritaires.

325

fig. 64 Restitution graphique de la tombe « macédonienne » d’Agios Athanasios l. topalidis


Les royaumes hellénistiques

Les années qui suivirent la mort d’Alexandre le Grand furent

La politique extérieure des rois hellénistiques fut caractérisée dès

marquées par les rivalités entre ses généraux macédoniens, qui

le départ par leurs affrontements mutuels, et en particulier par leurs

briguaient le pouvoir et ambitionnaient de régner sur l’empire fondé

prétentions à s’assurer une influence sur la Grèce, qui constituait

1

par le grand chef d’armées (fig. 65). La bataille d’Ipsos en Phrygie (301 av. J .- C .) mit fin à leurs tentatives de maintenir l’unité de

par ailleurs le terrain de recrutement des mercenaires. Le pouvoir des Lagides était strictement personnel. L’admi -

l’essor de la macédoine à l’époque hellénistique (fin du iv

e

siècle–début du ii

e

s i è c l e a v. j. - c. )

L. Acheilara

cet empire démesuré. Après la bataille de Kouropédion en Lydie

nistration du pays était concentrée dans la capitale du royaume,

(281 av. J .- C .), un nouvel équilibre des forces se mit en place

Alexandrie, et ils ne fondèrent qu’une seule ville grecque, Ptolémaïs,

et le pouvoir politique fut réparti en quatre royaumes : celui des

en Haute-Égypte. Dans ce pays centralisé, aux innombrables fonc-

Ptolémées (ou des Lagides), centré sur l’Égypte, celui des Séleucides,

tionnaires, le roi détenait le pouvoir exclusif et gouvernait selon

en Asie principalement, celui des Antigonides en Macédoine et, plus

sa volonté, par « ordonnances » ou « édits ». Ses faits et gestes étaient

tard, celui de Pergame ou des Attalides en Asie Mineure occidentale.

consignés au jour le jour de façon précise dans les « Journaux »

Il y avait par ailleurs un grand nombre de cités autonomes (Athènes,

royaux, sur le modèle des « Journaux » de campagne d’Alexandre

Sparte, Rhodes, Délos), ainsi que des ligues de cités et des royaumes

le Grand. Face au port d’Alexandrie, Ptolémée I I Philadelphe fit

divers (de la Bactriane, des Parthes, des Illyriens) à la périphérie

construire sur l’île de Pharos l’une des Sept Merveilles du monde,

du monde hellénistique.

le phare d’Alexandrie.

Ces royaumes avaient des structures variées. Le seul à posséder un caractère ethnique était le royaume de Macédoine, où roi et

petites satrapies, sur le modèle de l’ancienne autocratie perse, et

peuple avaient les mêmes origines. Les dirigeants macédoniens

ils fondèrent un grand nombre de cités grecques sur toute l’étendue

des royaumes lagide et séleucide exerçaient leur pouvoir sur des

de leur royaume. Administrativement, ces cités n’appartenaient pas

populations orientales. De ces deux derniers États, le royaume

aux satrapies, elles étaient en principe autonomes, possédaient

des Lagides possédait la plus grande cohésion, avec, en substance,

leur propre assemblée populaire et leur boulé, dépendaient directe -

un peuple unique sous sa domination, à savoir les Égyptiens,

ment du roi, auquel elles avaient consacré le culte, et constituaient

et un système administratif rigoureusement centralisé, ce qui

le plus ferme soutien de la monarchie. Antioche Eudaimon (« la

le rendait inattaquable sur le plan militaire. Au contraire, l’immense

Bienheureuse »), sur l’Oronte, la plus importante des vingt-huit villes

royaume des Séleucides était un mélange inconsistant de peuples

du même nom fondées par les Séleucides, était un opulent carrefour

très différents, d’origines micrasiatique, sémite et indo-européenne,

commercial. Les maîtres de l’acropole de Pergame, dès 281 av. J .- C .

ou plutôt un assemblage de satrapies multiples et variées qui ne

puis, après la mort de Lysimaque, étant entrés en possession de

tenaient ensemble que par la présence du roi, et qui prêtait le flanc

l’immense trésor de ce dernier, ne reconnurent que de façon

à des attaques sur ses frontières trop étendues.

formelle le pouvoir des Séleucides. Attale I er Soter (« le Sauveur »),

La forme de régime étant le pouvoir absolu, le culte officiel

après ses victoires sur les Galates, fonda en 236 av. J .- C . un nouveau

du roi, en tant qu’expression par excellence de l’absolutisme,

royaume, celui des Attalides, qui joua un rôle politique et surtout

connut un grand développement dans les États des Ptolémées

civilisateur dans le monde hellénistique.

et des Séleucides, où sévissaient encore les anciennes traditions 326

Les Séleucides, au contraire, avaient divisé leur État en

absolutistes des pharaons et de leurs équivalents perses. 1 Sur les royaumes hellénistiques, on pourra consulter Wilcken 1976 ;

Onians 1979 ; Burstein 1985 ; Green 1990 ; Bengtson 1991 ; Green 1993 ; Shipley 2000 ; Dmitriev 2005 ; Austin 2006 ; Bugh 2006 ; Walbank, Astin, Frederiksen et al. 2006 ; Sabin, van Wees, Whitby 2007 ; Errington 2008 ; Evans 2008.

La conquête de l’Orient par Alexandre eut de colossales répercussions économiques. Les nouveaux marchés de l’Asie


l’afflux des richesses à la suite des conquêtes d’Alexandre

339

fig. 67 Cratère « de Dervéni », face A : Dionysos et Ariane sur la panse statuettes de Dionysos et d’une ménade endormie sur l’épaule (H. maximale 90,5 cm) thessalonique, musée archéologique



la société macédonienne aux époques classique et hellénistique


Aspects du quotidien

la société macédonienne aux époques classique et hellénistique

P. Adam-Véléni

Nos connaissances sur la vie quotidienne en Macédoine dans

confondaient. La maîtresse de maison et les autres femmes

l’Antiquité résultent, faute de sources littéraires, de la synthèse

vivaient dans ces pièces, où elles élevaient les enfants. Les garçons

des informations issues de l’archéologie et de l’épigraphie. Même

y demeuraient jusqu’à l’âge de sept ans. Puis ils étaient encadrés

si plusieurs cités du royaume macédonien n’ont pas encore été

par un pédagogue et accompagnaient souvent leur père dans des

explorées, les données obtenues par l’étude minutieuse de certains

activités en dehors de la maison. Les filles, en revanche, y étaient

ensembles de maisons permettent de recomposer partiellement

maintenues jusqu’à leur mariage, entre quatorze et seize ans, et c’est

la vie de tous les jours 1 .

là que leur mère leur apprenait à tisser toutes sortes de vêtements,

Des informations importantes sur le mode de vie des différentes 2

classes sociales nous sont parvenues grâce aux fouilles de plusieurs cités, de maisons isolées ou de plus petits ensembles d’habitations.

toutes les filles, susceptibles ainsi de gagner leur vie, si nécessaire. De nombreuses maisons disposaient au rez-de-chaussée de

Celles-ci ont permis de mettre au jour le plan urbain, l’agencement

lieux de stockage et d’écuries, mais aussi d’ateliers, qui pouvaient

et le mobilier des maisons à Argilos, Stagire, Olynthe, Amphipolis,

servir de boutiques.

Aiané, Pella, et dans les bourgades hellénistiques d’Agios

Outre le couple et ses enfants, les familles se composaient

Pantéleimon (Florina), de Pétrès et d’Ioros. Cependant, les infor -

des parents du mari, des frères et sœurs non mariés, et des membres

mations les plus importantes proviennent d’offrandes funéraires,

en veuvage de la famille du mari, ainsi que des esclaves, à propos

découvertes dans des nécropoles ou des sépultures macédoniennes

desquels nous ne disposons que de rares informations pour

isolées, parfois même inviolées.

la Macédoine.

Toutes les maisons comprenaient une partie « publique », lieu

Les hommes passaient la plupart de leurs journées hors

de vie sociale, où le propriétaire accueillait ses amis, lors de fêtes

de la maison. Selon leur statut social, ils allaient soit au marché

privées, d’anniversaires et de symposia. Cette partie était facilement

ou dans d’autres lieux publics et administratifs, soit aux champs,

accessible depuis la rue. Habituellement, la pièce de réception

pour prendre soin de leurs cultures, en surveillant les travaux

– l’andron – était aménagée avec des lits disposés contre les murs,

des esclaves. À partir du i i i e siècle av. J .- C ., les citoyens les mieux

devant lesquels étaient placées des tables mobiles à trois pieds.

considérés se mirent à fréquenter des balaneia, y consacrant

C’était la pièce la plus luxueuse de la maison, souvent décorée de

beaucoup de temps à s’occuper de leur corps tout en discutant

mosaïques, fabriquées avec des galets de rivière. Ses murs étaient

de philosophie, y pratiquant également des activités artistiques

recouverts d’enduits peints imitant les revêtements de marbre,

et jouissant là des plaisirs de la cuisine et de l’amour.

comme le « premier style pompéien », dont on constate qu’il fut d’abord mis en œuvre en Macédoine, dans les maisons du

ive

siècle 3

av. J .- C ., ce qui imposerait de le rebaptiser « style macédonien ». Femmes et enfants vivaient dans la partie « privée » de la maison,

Si les femmes des époques archaïque et classique vécurent cloîtrées à la maison, élevant les enfants, tissant, préparant les repas du jour et les banquets des hommes, celles de l’époque hellénistique, impliquées davantage dans l’organisation des cultes et des rites

qui d’habitude était isolée, soit à l’étage soit en bas, et donnait sur

religieux, commencèrent à se montrer plus souvent dans les lieux

une cour intérieure ou sur une galerie ( pastav d a ). Cette partie

publics et les agoras des cités.

accueillait le gynécée et la pièce pour le tissage ( istwv n aı ). Dans 360

indispensables à la maisonnée. Cette éducation était commune à

les habitations des familles moins aisées, ces deux espaces se 1 Sakellariou 1982. 2 Adam-Véléni 2008. 3 Adam-Véléni 2003.


L’éducation du corps et de l’esprit. La vie intellectuelle L’éducation athlétique E. Kéfalidou

fig. 68 Le gymnase d’Amphipolis

Nos connaissances sur les pratiques athlétiques des Macédoniens

Macédoniens participaient aux Jeux panhelléniques et à ceux

reposent sur différents textes antiques et sur des découvertes

qui étaient organisés par différentes villes de la Grèce du Sud 4 .

archéologiques datées à partir de 500 av. J .- C .

Le premier vainqueur olympique macédonien fut le roi Alexandre I er ,

Toutes les cités de Macédoine possédaient des gymnases

qui obtint la première place, à égalité, à la course à pied, en

et des stades : Dion, Amphipolis, Béroia, Thessalonique, Philippes…

496 av. J .- C . 5 . Plus tard, d’autres Macédoniens furent couronnés

(fig. 68) 1 . Deux grandes inscriptions hellénistiques, la loi gymna -

à Olympie : les rois Archélaos et Philippe I I (cat. 136), ainsi que

siarchique de Béroia et la loi éphébarchique d’Amphipolis,

des citoyens comme Kriton, Damasias, Lampos, et une femme,

démontrent que le gymnase macédonien servait à donner une

Bélistiché, dont les chevaux remportèrent successivement deux

éducation athlétique et militaire aux hommes de quatorze à trente

épreuves en 268 et 264 av. J .- C . Des Macédoniens se distinguèrent

2

ans . Des entraîneurs spécialisés les encadraient pour la course,

également aux concours pythiques, à ceux de l’Isthme, mais

le tir à l’arc, le javelot, l’équitation…, eux-mêmes placés sous

aussi aux jeux locaux d’Oropos, de Mégalopolis et d’autres cités.

la surveillance du gymnasiarque, un haut dignitaire, qui était élu

Les vases de terre cuite et de bronze, prix des agones, trouvés

(cat. 388). L’éducation militaire apparaissait comme une priorité,

lors de fouilles, donnent de nombreuses informations sur les

probablement parce que l’armée macédonienne était constituée

activités athlétiques des Macédoniens aux v e et i v e siècles av. J .- C .

depuis toujours de civils. Les Macédoniens, employant rarement

Les plus caractéristiques sont les amphores panathénaïques, qui

des mercenaires, devaient par conséquent être toujours prêts

contenaient l’huile des oliviers sacrés d’Athènes 6 . Elles étaient

physiquement à combattre.

remises aux vainqueurs des Panathénées, les concours les plus

Dans différentes régions de Macédoine étaient organisés des

importants de la cité attique. Des dizaines de ces amphores, trouvées

agones locaux ou d’une plus grande importance, comme les Olympia

à Akanthos, à Aiané, à Aigai, à Miéza, à Olynthe, à Amphipolis,

de Dion et les Basileia d’Aigai ou de Béroia 3 . Parallèlement, les

à Dion et ailleurs, arrivèrent en Macédoine, soit pour le négoce

1 Lazaridi 1990 ; Mehl 1992 ; Gauthier, Hatzopoulos 1993, p. 145-172 ;

Miller 1997 ; Vélénis, Adam-Véléni 1997 ; Brocas-Deflassieux 1999, p. 87-90. 2 Gauthier, Hatzopoulos 1993 (la loi d’Amphipolis date de 24-23 av. J .- C .

mais elle reproduit un texte hellénistique). 3 Gounaropoulou, Hatzopoulos 1998, p. 220-223, n o 140 ; Mari 1998 ;

Albanidis, Anastasiou, Schoinas et al. 2008, p. 4-10. 4 Xydopoulos 2006, p. 53-54, 100-106 ; Mari 2002 ; Mallios 2004. 5 Hdt, V .22.2. 6 Neils 1992 ; Bentz 1998 ; Bentz, Eschbach 2001 ;

Palagia, Chorémi-Spetsieri 2007 ; Tivérios 2007.

361


Musique et danse

la société macédonienne aux époques classique et hellénistique

A. Goulaki-Voutira

Dans l’Antiquité, le terme « musique » avait un sens assez large :

pseudo-aristotéliciens, certains textes d’Aristoxène de Tarente

il englobait également la danse et la poésie. La musique occupait

(i v e siècle av. J .- C .), connus par l’intermédiaire d’Athénée (i i e siècle

une place prédominante dans toutes les manifestations de la civilisa-

apr. J .- C .), ceux d’Aristide Quintilien (i i i e siècle apr. J .- C .) et ceux

tion grecque : aucun autre peuple ne se réfère autant à la musique

d’Alypius (i v e siècle apr. J .- C .). Les sources les plus importantes

et à l’univers musical dans la littérature et dans l’art.

sont les découvertes archéologiques et l’iconographie tirée de

Dans la Grèce antique, la musique jouait un rôle majeur lors

monuments divers – restes d’instruments de musique, offrandes,

des manifestations publiques ou privées 1 . Elle accompagnait

représentations dans différents domaines artistiques. Le matériel

presque toutes les cérémonies rituelles ainsi que les différentes

iconographique donne de précieuses informations sur les instru -

étapes des sacrifices. Les compétitions musicales, liées au culte

ments, la manière d’en jouer et de les combiner, de même que

d’une divinité, faisaient partie du programme des grandes fêtes

sur les musiciens, les conditions des représentations, l’écoute

panhelléniques. La musique était par ailleurs une composante

et la réception de la musique.

du théâtre, des Dionysies. Elle agrémentait les parties dansées. Présente lors des mariages, des enterrements, des banquets, des épinicies, ainsi que dans le cadre de l’éducation, elle était égale ment associée à plusieurs activités, comme le pétrissage du pain, les vendanges, la construction des maisons, la médecine et la guerre. Elle servait notamment à donner la cadence aux rameurs des navires et tenait une place considérable dans les jeux des enfants et dans le monde féminin… Les danses liées au mime revêtaient une importance particulière dans l’éducation des enfants. Aristote considérait la musique, selon des théories anciennes, comme susceptible d’exercer une influence sur l’âme. Il fallait donc l’enseigner aux jeunes 2 en s’appuyant sur ses fonctions que sont le jeu, le divertissement, l’éducation et la catharsis 3 . Selon Platon, la musique était un élément politique et les change ments dans son interprétation devaient suivre les lois de l’État et son évolution sociopolitique 4 . Le son et l’écoute que l’on avait de la musique grecque ancienne sont cependant définitivement perdus. Nos connaissances provien nent d’un petit nombre de textes musicaux qui nous sont parvenus sous la forme d’inscriptions. Mais ceux-ci ne donnent pas suffisamment de renseignements sur la musique et la manière de l’interpréter. Les informations dont nous disposons sur la musique et la danse

364

proviennent d’abord d’ouvrages théoriques, comme les Problèmes 1 Maas 1989 ; Michaelides 1978 ; West 1992 ;

cat. exp. Bruxelles 2003 ; Bundrick 2005. 2 Aristote, Politiques, 8.5, 1340b, 11-14. 3 Ibid., 8.5 et 7. 4 Platon, La République, 424b.

fig. 72 Figurine en terre cuite de danseuse thessalonique, musée archéologique


Le théâtre en Macédoine

1

Les explorations récentes en Macédoine ont conduit à des découvertes majeures sur la musique et sur son univers. Ainsi, à Dion, ont été mis au jour les fragments d’un orgue hydraulique (i er siècle apr. J .- C .) et une stèle funéraire romaine qui représente un instrument appelé nabla, d’après l’inscription qui l’accompagne (cat. 389). De plus, les doubles flûtes en os de Pydna (i v e siècle av. J .- C .) témoignent d’une tradition de la musique à vent en Grèce du Nord où, à Sesklo, a été localisé le plus ancien fragment de flûte en os dans l’espace helladique, daté du Néolithique moyen. À Vergina, sur un relief en ivoire (i v e siècle av. J .- C .), Pan, qui accompagne Dionysos et Ariane, est représenté jouant d’un aulos double (fig. 9). Sur des statères d’argent d’Olynthe et du koinon des « Chalcidiens de Thrace », datés de la première moitié du i v e siècle av. J .- C ., sont figurés au revers une cithare et au droit la tête fig. 73

d’Apollon. La jeune danseuse sur un statère d’argent d’Abdère

Le théâtre de Miéza

d’époque classique suggère probablement l’inclination de la ville pour Sparte. Une stèle funéraire de Potidée, datée du début du

Le théâtre apparaît en Macédoine sous le règne d’Archélaos. Dans

i v e siècle av. J .- C ., met en scène un jeune homme qui tient une lyre,

le cadre de la réorganisation de son royaume et souhaitant établir

symbole de son éducation musicale. Sur la frise peinte de la tombe

des relations culturelles plus solides avec la Grèce du Sud, il invita

d’Agios Athanasios, du dernier quart du

ive

siècle av. J .- C ., qui

l’éducation du corps et de l’esprit. La vie intellectuelle

P. Adam-Véléni

en son palais les plus grands artistes de son temps, parmi lesquels

représente un banquet, une jeune femme joue de la cithare. C’est

le poète Agathon et le tragédien Euripide. Selon Diodore de Sicile 2 ,

là un témoignage iconographique important pour l’interprétation

lors de la représentation des Bacchantes devant le roi, le chœur

musicale dans de telles occasions. Des figurines féminines hellénis-

évoqua dans son chant la Piérie et l’Olympe 3 . Peu de temps après,

tiques de citharèdes, provenant de tombeaux de Pella et de Béroia,

la cité de Pella disposait d’un théâtre permanent, dont l’existence

ou la ménade au tympanon d’une mosaïque de Thessalonique

est attestée par Plutarque 4 .

du i i i e siècle apr. J .- C . sont quelques-unes des œuvres parmi

Le théâtre du royaume de Macédoine jouait un rôle différent

les plus connues qui livrent des informations et des témoignages

de celui qui avait cours dans l’Athènes démocratique : il était

essentiels sur l’importance et la place de la musique dans

l’élément intermédiaire entre les rois et le peuple, et servait les

la Macédoine antique.

intérêts des premiers. Diodore donne des précisions essentielles sur le caractère théâtral de la vie publique des Macédoniens. Avec un style imagé, il raconte comment, pendant le mariage de la fille de Philippe I I , le roi fut assassiné dans le théâtre, situé, comme les fouilles l’ont prouvé, au contact direct du palais d’Aigai. 1 2 3 4

Adam-Véléni 2010. Diod., X V I I , 16, 3-4. Vita Euripidis 2, 8 sq. (Schwartz). Plutarque, « vOti oud v hdev w ı Zhn estiv n kat v Epiv k ouron », 13.

365


la société macédonienne aux époques classique et hellénistique

Le monde des femmes : parure, vie domestique et objets du quotidien

Contrairement à ce qu’il en est pour les hommes, les textes anciens

reçurent des statues érigées en leur honneur. Dans une ode

livrent peu d’informations sur la place des femmes dans le monde

épinicienne, Callimaque fait l’éloge de Bérénice I I , qui s’occupa

antique 1 . Néanmoins, la poésie homérique offre une image assez

de politique et de religion, concourut aux Jeux panhelléniques

précise de la vie de la femme en Grèce au début du I er millénaire

et s’intéressa au commerce, toutes choses qui conduisirent à

avant notre ère, quand la femme, maîtresse du foyer conjugal ou

sa déification après sa mort. Quant à Cléopâtre V I I , elle joua le rôle

épouse de roi, gérait l’oikos. Sa place n’a guère évolué au cours

décisif que l’on sait dans l’histoire du monde méditerranéen

des époques archaïque et classique. Indispensable pour assurer

au i er siècle av. J .- C .

la transmission du patrimoine en engendrant un héritier, la femme

La vie des femmes de la famille royale de Macédoine eut

se consacrait aux tâches domestiques et à l’éducation des enfants.

un impact direct sur celle des femmes des cités du royaume, qui

Elle aidait efficacement aux travaux des champs, mais demeurait

adoptèrent ainsi toutes les nouveautés de l’époque hellénistique.

toujours exclue de la vie politique. Une législation complexe

Grâce aux stèles votives et funéraires qui donnent leurs noms et leur

encadrait le mariage et la gestion de la dot, donnée au mari.

origine ethnique, on constate qu’elles étaient amenées à se déplacer.

L’abandon des filles juste après la naissance était, dans certaines

L’abondance des offrandes dans les sanctuaires et la richesse du

régions, une pratique courante destinée à contrôler le nombre des

mobilier des tombes féminines témoignent du rôle des femmes

habitants et à garantir un équilibre entre les deux sexes. La femme

dans la vie religieuse et les rituels funéraires. Elles étaient initiées

ne pouvait s’intégrer dans la vie sociale de la cité que dans le cadre

aux cultes à mystères, issus de l’orphisme et des religions orientales,

des fêtes religieuses et des rituels funéraires. Son implication dans

pratiquaient la magie et participaient aux rituels orgiastiques

le domaine intellectuel, attestée dans les colonies et les îles de la mer

de la religion dionysiaque. Elles s’instruisaient et pratiquaient

Égée, était très limitée. Des exceptions sont à noter cependant : à

les arts, tout particulièrement la musique. Elles pouvaient,

Athènes, les courtisanes (hétaïres) menaient une vie indépendante

d’autre part, effectuer des ventes et des achats et se porter garantes

et, dans la Sparte dorienne, les femmes participaient activement

des transactions. De même, les découvertes archéologiques

à la vie sociale.

– reliefs, inscriptions, sculptures, figurines, vases, arts mineurs 3 –

À l’époque hellénistique, après l’expédition militaire

les montrent préoccupées par l’hygiène de leur corps et leur appa -

d’Alexandre, qui eut pour conséquence de multiplier les échanges

rence, soucieuses de leur élégance et de leur grâce. Il s’agissait là

interrégionaux, la vie des femmes, à l’exemple de celle des reines,

des aspects novateurs de la vie des femmes à l’époque hellénistique

changea radicalement. Les femmes purent ainsi découvrir de

en Macédoine.

nouvelles civilisations, s’instruire, et prendre part désormais aux

Le vêtement principal des Macédoniennes était le chiton long,

affaires économiques et juridiques dans les grands centres urbains.

une tunique de laine ou de lin, blanche ou colorée, souvent ajustée

Des reines, telle Eurydice, la mère de Philippe I I , et Olympias,

sous la poitrine par une étroite ceinture qui élançait la silhouette

sa femme, ou encore à l’époque hellénistique Bérénice I I et

et la rendait gracieuse 4 . Au-dessus du chiton, elles portaient

Cléopâtre V I I , de la dynastie des Ptolémées, ont marqué leur temps

l’himation, un manteau coloré, d’une texture identique à celle

2

372

M. Lilimpaki-Akamati

par leur personnalité et leur action . Au Philippeion d’Olympie,

de la tunique ou plus fine que celle-ci, qui laissait transparaître

les deux reines de la dynastie des Téménides, qui influencèrent

les formes et les contours du corps. L’himation pouvait envelopper

profondément le cours des événements politiques en Macédoine,

entièrement le corps et la tête ou seulement les jambes, ou encore

1 Sur la femme en Grèce antique, voir Mossé 1983 ; Fantham,

Poley, Kampen et al. 1994 ; sur les femmes de Macédoine, voir cat. exp. New York 2004 [M. Lilimpaki-Akamati], p. 89-106 ; cat. exp. New York 2004 [A. Kottaridi], p. 107-113. 2 Hammond 1989, p. 59-65. 3 Les figurines de terre cuite provenant de sanctuaires ou de tombes, ainsi que le mobilier funéraire, constituent des témoignages précieux sur la parure, la coiffure et les objets liés à l’esthétique et au maquillage des femmes de Macédoine. Voir Lilimpaki-Akamati 1994 ; Tsakalou-Tzanavari 2002 ; Lilimpaki-Akamati 2008a. 4 Pékridou-Gorecki 1989.


Le monde rural

la société macédonienne aux époques classique et hellénistique

E. Poulaki-Pandermali

Dans l’Antiquité, avec le développement de centres urbains,

Une partie des agriculteurs vivait dans des agglomérations,

l’homme « civilisé » a progressivement délaissé la campagne.

alors que d’autres habitaient dans des fermes 5 . Outre des pièces

Pourtant, l’agriculture restait le principal secteur d’activité

réservées aux activités agricoles, ces fermes se distinguaient par

économique. Indispensable pour la survie, l’agriculture, selon

une tour apparente, intégrée au bâtiment. Pour les chercheurs,

Xénophon

(i v e

siècle av. J .- C .), formait le corps et l’esprit et créait

comme lieu fortifié, comme silo où l’on engrangeait les produits

les activités. Quand la terre était féconde, les activités humaines

agricoles, comme lieu d’hébergement des membres de la famille,

l’étaient aussi. Au contraire, lorsqu’elle restait en friche, celles-ci

ou avait-elle une autre fonction ?

1

disparaissaient . Selon une autre opinion, les agriculteurs consti-

routes en Grèce du Nord, plusieurs fermes ainsi que des villas rurales

Aristote pensait que le deuxième secteur d’activité le plus noble

et des manufactures ont été localisées ; c’est le cas d’un ensemble

était l’élevage, qui était lié à l’agriculture et façonnait les corps

du i v e siècle av. J .- C ., composé d’une villa rurale et d’une industrie

pour servir la patrie . La taille des fermes et le nombre des employés dépendaient des facteurs politiques, démographiques et économiques. En règle générale, même à Athènes, cité démocratique, une minorité de propriétaires terriens détenait la plus grande partie des terres 3 . Pourtant, il existait un modèle de répartition plus juste des richesses dans d’autres sociétés, notamment en Grèce du Nord : « Maintenant il faut faire toute réforme selon la loi d’Aphytis qui est utile pour ce dont nous parlons : ses habitants, bien que nombreux à posséder le peu de terres du pays, cultivent cependant tous un lot car l’esti mation fiscale est faite, non d’après la totalité de la propriété, mais après une division en parcelles si petites que même les miséreux peuvent dépasser le minimum du cens 4 . » L’alimentation et l’agriculture des Anciens reposaient, comme en Grèce contemporaine jusqu’à une période récente, sur la culture des céréales, de l’olive et de la vigne, des fruits et légumes, secs ou non, sur l’élevage (chèvres et moutons, bovidés, cochons et volailles), mais aussi sur les fruits de mer, la chasse, le miel, etc. Les principaux outils en usage étaient la charrue, la houe, la binette, la faucille, le sécateur, les différents couteaux, la meule… Ceux-ci ont à peu près conservé la même forme de l’époque d’Hésiode jusqu’à nos jours. 1 2 3 4 5

Ces dernières années, grâce à la construction de grandes

tuaient la catégorie la plus importante d’une cité démocratique.

2

408

sa destination reste encore aujourd’hui inconnue : était-elle utilisée

le bon citoyen. Pour lui, elle est la mère et la nourrice de toutes

Thesaurus Linguae Graecae, Xénophon, Économique, 5, 17. Thesaurus Linguae Graecae, Aristote, Politiques, 1319a. Osborne 1992, p. 24. Aphytis en Chalcidique. Aristote, Politiques, V I , 4, 9-10. Hérodote mentionne la présence de maisons dans les champs ( V I e siècle av. J .- C .), voir Hdt, I, 17.

vinicole, à Komboloi, dans la région de l’antique Leibéthra, au pied de l’Olympe.



la production artistique en Grèce du Nord aux époques classique et hellénistique


L’architecture

la production artistique en grèce du nord aux époques classique et hellénistique

B. Schmidt-Douna

L’architecture macédonienne du v e siècle av. J .- C . nous est pratiquement inconnue, non seulement du fait des lacunes de la recherche, mais aussi en raison de l’utilisation de matériaux de construction périssables (poros, briques crues) et du remploi de ces matériaux aux époques postérieures. Les deux mégara d’époque classique du sanctuaire de Déméter à Dion étaient des constructions simples aux dimensions réduites 1 . Les édifices publics de l’acropole d’Aiané 2

fig. 79 Chapiteau ionique d’Aiané

étaient cependant plus impressionnants, en particulier le portique, duquel proviennent, entre autres, des chapiteaux d’ordres dorique et ionique 3 . Les tombes à ciste monumentales de la nécropole classique de la même cité continuaient la tradition des sépultures

Macédoine étaient, pour la plupart, de dimensions réduites et bâtis

archaïques, tout en combinant la chambre funéraire souterraine

dans des matériaux disponibles localement 12 . On connaissait des

avec des constructions cultuelles en surface ou un péribole 4 .

temples périptères, principalement dans les colonies grecques, par

Les tombes à ciste monumentales du v e siècle av. J .- C . sont aussi

exemple à Aphytis et à Akanthos 13 . Cependant, l’image a radicalement

5

changé avec la mise au jour ces dernières années d’édifices cultuels

connues pour Aigai . À partir du i v e siècle av. J .- C ., et en particulier dans la seconde

Olympien à Dion 14 ou les temples découverts à Skydra 15 et à Polynéri

des édifices importants, érigés à titre d’offrandes macédoniennes

de Grévéna 16 . Ont été édifiés en outre d’imposants complexes de

dans les cités et les sanctuaires situés en territoire grec , ou construits

bâtiments, tel celui de Miéza, dans lequel il faut peut-être reconnaître

en Macédoine même. Les architectes conçurent, pour la famille royale

l’Asklépieion de la cité 17 . On dénombre dans les villes macédoniennes

et pour l’élite de la région, le type de la tombe dite « macédonienne 7 »,

de la fin de l’époque classique et de l’époque hellénistique de puissantes

dont les plus riches exemplaires ont été localisés à Aigai et à Miéza.

fortifications 18 , de vastes agoras 19 et des édifices publics comme

Les complexes palatiaux d’Aigai et de Pella, bâtis l’un et l’autre

les théâtres 20 , les gymnases 21 et les stoas 22 . Les grandes cités étaient

sur une colline dominant la cité, accueillaient les visiteurs par

construites conformément au plan hippodamien 23 et des portiques

d’impressionnantes façades agrémentées de portiques et d’entrées

ombragés bordaient les rues de Pella 24 . On y préférait les ordres

sous forme de propylon à deux étages. Le palais de Pella comprenait

dorique et ionique. L’usage éclectique que l’on y faisait des éléments

de nombreuses cours à péristyle pour parer aux besoins croissants

architecturaux – pour une part, d’époques variées – est sensible.

de la cour du roi, en des lieux réservés au personnel administratif

Ces différents éléments provenaient principalement du Péloponnèse,

8

ou militaire et à la domesticité . Le palais d’Aigai, plus petit, recevait

mais aussi de l’Attique et, à un moindre titre, de la Grèce de l’Est.

la famille royale lorsque celle-ci séjournait dans l’ancienne capitale 9 .

Ils étaient librement associés 25 . Parallèlement, les architectes se

Les riches demeures situées au sud de l’agora de Pella, sans doute

sont distingués par leurs créations originales : mentionnons, entre

destinées à des personnages de rang élevé, rappelaient également

autres, les supports combinant un pilier et deux demi-colonnes qui

10

les palais . Des maisons plus simples sont aussi connues dans des

apparurent, pour la première fois, dans les palais de Macédoine,

cités plus petites du royaume, comme Pétrès, Florina et Olynthe 11 .

ainsi que les façades de ces édifices et des tombes « macédoniennes ».

1 Pandermalis 1997a, p. 17-18, avec une datation à la fin du V I e siècle av. J .- C . ; voir également Pingiatoglou 2009, 2 3 4 5 6 7 8 9

de dimensions monumentales, comme l’autel du sanctuaire de Zeus

moitié du siècle, le tableau se modifie : on connaît, pour l’époque,

6

414

Dans le domaine de l’architecture sacrée, les temples de

p. 285 avec la bibliographie. Karamitrou-Mentésidi 2008b, p. 30-34. Karamitrou-Mentésidi 2008b, p. 32, fig. 26-27. Karamitrou-Mentésidi 2008b, p. 52-53, 56-57, 60-61, 64-65. Kottaridi 1989, p. 4-6, fig. 8-10 ; Kottaridi 1996, p. 83 et n. 18 ; Kottaridi 2004a, p. 530, plan 1a. Schmidt-Douna 2004. Gossel 1980 ; Miller 1993 ; Huguenot 2008. Chrysostomou P. 1996a ; Chrysostomou P. 2001, p. 441-445 ; Schmidt-Dounas 2005, p. 58-67 avec la bibliographie. Andronikos, Makaronas, Moutsopoulos et al. 1961 ; Pandermalis 1976 ; Heermann 1986, p. 123-238, 239-324 ; Pandermalis 1987a ; Schmidt-Dounas 2005, p. 36-70 avec la bibliographie.

10 Makaronas, Giouri 1989. 11 Robinson, Graham 1938 ; Robinson 1946 ; Adam-Véléni 2000e ;

Lilimpaki-Akamati, Akamatis I. 2006. 12 Par exemple Pella : Lilimpaki-Akamati 1987b, 1991, 1996a, 2000a. Dion : Pandermalis 1999b, p. 61-65, 84-85, 272-273 ; Pingiatoglou 2009. Vergina : Drougou 1996 ; Saatsoglou-Paliadeli 1996b. Voir aussi Schmidt-Douna 2007, p. 466-467, n. 65. 13 Schmidt-Douna 2007. 14 Pandermalis 1998, p. 291-292 ; Pandermalis 1999a, p. 45-51. 15 Chrysostomou A. 1998b ; Chrysostomou A. 1999, p. 508-509. 16 Drougou 2007b, p. 20-21 ; Drougou, Kallini, Trakatelli 2009, p. 77. 17 Voir désormais aussi Allamani, Koukouvou, Psarra 2009, p. 22-28. 18 Par exemple Dion : Stéfanidou-Tivériou 1998. Vergina : Drougou 2009a, p. 122-124. Pella : Siganidou 1987 ; Lilimpaki-Akamati 2007b, p. 588-589, 593-596. Thessalonique : Vélénis 1998, p. 17-41.

Amphipolis : Lazaridis 1993, p. 24-48. 19 Akamatis I. 1990a ; Siganidou, Lilimpaki-Akamati 1996, p. 17-20,

ainsi que les rapports annuels publiés dans A E M Q, avec en dernier lieu : Akamatis I. 2005 ; Akamatis I. 2006b. 20 Par exemple Vergina : Drougou 1997, 2000b, 2006b. Dion : Karadédos 2005. Miéza (période républicaine) : Karadédos, Théocharidou, Allamani 1999 ; Allamani, Koukouvou, Psarra 2009, p. 19. 21 Lazaridi 1990 ; Lazaridis 1993, p. 60-69. 22 Par exemple Drougou 2007b, p. 22-24 ; Drougou, Kallini, Trakatelli 2009, p. 79. 23 Par exemple Pella : Siganidou 1990 ; Siganidou, Lilimpaki-Akamati 1996, p. 11-12. Dion : Stéfanidou-Tivériou 1998, p. 220-221. Thessalonique : Vitti 1996. 24 Akamatis I. 2006c, p. 634. 25 Miller 1971 ; Tomlinson 1983, p. 287-289.


La grande peinture M. Tsimbidou-Avloniti

fig. 80 Détail de la façade de la tombe « macédonienne » d’Agios Athanasios, bouclier décoré de la tête de Méduse et pointe de la sarisse

Lorsque, en 1964, Manolis Andronikos 1 écrivit son ouvrage sur

que de nouvelles découvertes ne cessent d’accroître le corpus des

la peinture en Macédoine ancienne, il ne s’appuyait que sur quatre

monuments funéraires peints que recèle la terre macédonienne.

exemples provenant de tombes « macédoniennes » : les quelques

Chacun d’entre eux contribue à sa façon 9 à enrichir nos connais-

traces subsistant sur le trône de la « tombe Rhomaios » à Vergina 2 ,

sances, qu’il s’agisse de riches tombes « macédoniennes » ou plus

la zone décorée de lions et l’hippomachie présentes sur la kliné

fréquemment de simples tombes à ciste 10 souvent ornées de compo -

3

de la tombe de Dion , ainsi que la scène désormais perdue du

sitions magistrales. Et, parallèlement, le chapitre de la peinture

cavalier combattant contre un hoplite, de la tombe dite « de Kinch »

en Macédoine antique s’enrichit aussi de publications récentes

4

à Lefkadia . En dépit de ces très minces données, Andronikos discernait avec une clairvoyance prophétique ce que la Macédoine

Les compositions picturales des deux tombes « macédoniennes »

apporterait de spécifique à la recherche archéologique : « On peut

de Vergina, œuvres insignes de grands créateurs, occupent certes,

tirer de ces fouilles des informations intéressant de nombreuses

et à juste titre, la première place, par le nombre des publications

branches des études anciennes, mais c’est notre connaissance

qui rendent justice à leur importance archéologique, et qui posent

de la peinture grecque qui s’en trouvera enrichie de façon unique 5 . »

aussi la question de leur datation et de l’identité de leurs auteurs 12 .

La réalité a cependant dépassé ses hypothèses les plus 6

Parmi les découvertes plus récentes, les façades peintes de deux

audacieuses . Il eut lui-même le bonheur de découvrir deux chefs-

autres tombes « macédoniennes », celle de Phoinikas à Thessalonique

d’œuvre exceptionnels de la grande peinture antique : les peintures

et surtout celle d’Agios Athanasios (fig. 64, 76, 80), dont la scène

dites « de la Chasse 7 » et « de l’Enlèvement de Perséphone 8 », tandis

représentée est remarquablement bien préservée, revêtent

Andronikos 1964b, p. 287-302. Rhomaios 1951a. Sotiriadis 1930. Kinch 1920. Andronikos 1964a, p. 298. Voir Andronikos 1987, où l’auteur entreprend à nouveaux frais, sur la base des découvertes récentes, une étude globale de la peinture en Macédoine antique. 7 Principalement Andronikos 1984 ; Saatsoglou-Paliadeli 2004, avec la bibliographie antérieure. 8 Andronikos 1994. 1 2 3 4 5 6

sur des découvertes plus anciennes 11 .

9 Voir les tombes d’Aineia (Vokotopoulou 1990a), les klinés

peintes de Potidée (Sismanidis 1997a), d’Agios Athanasios (Tsimbidou-Avloniti 2000), la nouvelle tombe à ciste de Pella (Lilimpaki-Akamati 2007a). 10 Voir Tsimbidou-Avloniti 2005, p. 172-184 ; pour l’inventaire de tous les monuments connus à ce jour et pour une synthèse de la bibliographie correspondante, voir également Brécoulaki 2006. 11 Voir par exemple les publications détaillées concernant la tombe de Lyson et de Kalliklès (Miller 1993) et, plus récemment, la présentation désormais complète de la tombe dite « des Palmettes » (Rhomiopoulou, Schmidt-Dounas 2010).

12 Voir par exemple Blanckenhagen, von 1982, p. 251-260 ;

Yalouris 1982, p. 263-268 ; Schefold, 1983, p. 23-34 ; Moreno 1987, p. 115 sq. ; Rouveret 1989, p. 235 sq. ; Thomas 1989, p. 219-226 ; Saatsoglou-Paliadeli 2004, p. 170-176.

415


La mosaïque

la production artistique en grèce du nord aux époques classique et hellénistique

A.-M. Guimier-Sorbets

418

Revêtement de sol aux finalités à la fois pratiques et décoratives, les mosaïques sont apparues en Grèce au v e siècle av. J .- C . La ville d’Olynthe (Chalcidique), construite et habitée de 432 à 348, fournit une bonne série de ces pavements de galets, ornant principalement les salles de banquets. Pour réaliser ces pavements, les mosaïstes se sont inspirés de la composition, en bandes concentriques, des tapis textiles et de la céramique à figures rouges pour le décor figuré ; bandes et motifs sont formés par l’insertion, dans du mortier frais, de petits galets clairs sur un fond de galets sombres. Les ateliers de mosaïstes travaillant à la cour de Macédoine se sont inscrits dans cette tradition naissante, mais, pour réaliser des œuvres de grande qualité, ils ont fait preuve d’inventivité, et leurs réalisations marqueront ensuite tout le développement de la mosaïque à l’époque hellénistique. Si l’on retient la datation haute, dans le deuxième tiers du i v e siècle, du palais de Vergina 1 , les mosaïques qui ornent quelquesunes des nombreuses salles de banquets sont les plus anciennes de Macédoine. Les fouilles de l’autre capitale du royaume, Pella, ont mis au jour une douzaine de pavements de qualité exceptionnelle,

fig. 83 Pella, La Chasse au cerf

en majorité datés du dernier quart du i v e siècle. Ces pavements décoraient le sol des très grandes maisons des membres de la cour, ou des salles proches du sanctuaire du dieu guérisseur Darron 2 . Les principales innovations des mosaïstes en Macédoine tiennent d’abord à leur volonté de copier la grande peinture, art

Elles témoignent de la qualité des peintures reproduites et de la virtuosité des maîtres mosaïstes qui les ont exécutées. L’imitation de la peinture contemporaine poussait les mosaïstes

majeur de l’époque. Parmi les panneaux figurés les plus impression-

à rendre la troisième dimension non seulement par le traitement

nants, il faut citer, dans la maison I ,5 de Pella, L’Enlèvement d’Hélène

graphique des différents plans, comme pour les jambes des chevaux

par Thésée et La Chasse au cerf, panneau exceptionnellement signé,

du quadrige de Thésée, mais aussi par des dégradés subtils figurant

de Gnosis (fig. 83). Les deux « morceaux de bravoure » de la maison

les volumes par des ombres. À côté des représentations humaines

voisine I ,1 sont La Chasse au lion (cat. 1) et Le Triomphe de Dionysos

et animales, l’ornement végétal a lui aussi été traité avec réalisme.

(fig. 84). Sur ce panneau d’une rare élégance, le dieu est figuré nu,

Toute la surface de la salle de banquets du palais de Vergina est

chevauchant un fauve en amazone. Le visage de profil, Dionysos

couverte d’une composition végétale complexe : d’un fleuron central

semble voler sur sa monture, dont la vitesse est exprimée par la

s’échappent seize branches de rinceaux fleuris. Le volume de chaque

bandelette de son thyrse qui flotte au vent. Toutes ces figures se

élément, comme la profondeur de l’ensemble de la composition, est

détachent sur fond sombre, avec une grande économie de couleurs.

rendu par les différents types de volutes, l’entrecroisement des tiges,

1 Voir le texte de A. Kottaridi, supra, p. 290-293. 2 Pour l’importante bibliographie des mosaïques de Vergina

et de Pella, voir Salzmann 1982, n os 94-105, 130-131 ; Makaronas, Giouri 1989 ; Guimier-Sorbets 1993 ; Dunbabin 1999, p. 10-15 ; Akamatis, Lilimpaki-Akamati 2003, avec les références des publications de fouilles.


La sculpture

la production artistique en grèce du nord aux époques classique et hellénistique

Th. Stéfanidou-Tivériou

Les œuvres sculptées ne font leur apparition en Macédoine qu’à la fin du

vie

siècle av. J .- C ., probablement sous l’influence des colonies

Les caractéristiques morphologiques attiques se greffent désormais au nouveau style, propre aux créations de la haute époque hellénis-

fondées dans la région par des cités de Grèce du Sud. C’est ainsi que

tique. Dans cette période caractérisée par les conquêtes d’Alexandre,

les types du kouros et de la koré sont adoptés par des ateliers locaux,

et plus précisément pendant le règne de Cassandre, on observe

comme en témoignent des découvertes survenues à Europos (Kilkis),

en Macédoine une grande efflorescence économique et artistique

mais aussi à Aiané en haute Macédoine 1 . La fondation d’un grand

qui n’est pas le fait du hasard 5 . Les statues de prestige proviennent

temple ionique érigé aux abords de Thessalonique dans les

essentiellement de sanctuaires : celui de Déméter et Koré à Dervéni

premières années du v e siècle av. J .- C . et déplacé dans la ville à

a livré une série de statues de divinités féminines, de types et de style

l’époque romaine marque une étape significative dans l’évolution

attiques (fig. 86) 6 ; le sanctuaire d’Asklépios, de l’antique Morrylos

de la sculpture macédonienne. Les caractéristiques stylistiques

(actuelle Agioi Apostoli dans la circonscription de Kilkis), une tête

– ainsi que le marbre – d’un fragment de frise sculptée (fig. 85) 2

barbue du dieu, plus grande que nature, appartenant probablement

évoquent Thasos mais aussi la Grèce de l’Est. Thasos a en effet

à la statue de culte, œuvre d’un sculpteur athénien 7 . Des sculptures

probablement joué, de bonne heure, un rôle important dans

importantes sont toutefois également attestées dans toutes les villes de Macédoine : à Dion, à Vergina et à Thessalonique 8 .

la formation de l’expression artistique en Macédoine, comme 3

le montrent également les sculptures architecturales de Stagire . Jusqu’à la fin du v e siècle av. J .- C ., les liens tissés avec les îles

Les sanctuaires et les espaces publics des villes macédoniennes accueillent aussi des statues d’Alexandre, des Diadoques et

de l’Égée et le monde ionien sont étroits, comme le prouve la série

d’illustres Macédoniens, œuvres des grands sculpteurs de l’époque,

des stèles funéraires sculptées. Cependant, à partir de la fin du

tels Léocharès et Lysippe. Aujourd’hui, à l’exception de certaines

v e siècle av. J .- C ., on perçoit de fortes influences de l’art attique, lequel s’imposera tout au long du i v e siècle av. J .- C . Ce phénomène est surtout sensible dans la typologie et l’iconographie des stèles funéraires : d’abord étroites, à un seul personnage, elles s’élar gissent, se dotent d’un fronton et deviennent de petits temples où sont représentés plusieurs membres d’une même famille 4 . Les ateliers locaux, sans renoncer pour autant à leurs spécifi cités, créent des œuvres proches parfois, par leurs qualités, des sculp tures attiques, mais aussi des produits artisanaux (fig. 99). Le type attique est aussi adopté pour les reliefs votifs : l’axe horizontal est privilégié et comporte un cadre architecturé, à l’intérieur duquel sont intégrées les figures des divinités honorées et éventuellement des fidèles. Pour les rondes-bosses, qui se multiplient vers la fin du i v e siècle av. J .- C ., le langage artistique de la koiné attique

420

domine en Macédoine comme dans l’ensemble du monde grec. fig. 85 1 Karamitrou-Mentésidi 2001a ; Stéfanidou-Tivériou 2006, p. 341, n. 3. 2 Despinis, Stéfanidou-Tivériou, Voutiras 1997, n o 1. 3 Sismanidis 1996b. 4 Saatsoglou-Paliadeli 1984. 5 Stéfanidou-Tivériou 2006, p. 343. 6 Despinis, Stéfanidou-Tivériou, Voutiras 1997, n os 31-36. 7 Despinis, Stéfanidou-Tivériou, Voutiras 2003, n o 154. 8 Stéfanidou-Tivériou 2006, p. 343-344. 9 Stéfanidou-Tivériou 2006, p. 345, n. 30-31. 10 Allamani, Tzanavari 1999, p. 51-61, 70-75. 11 Lazaridis 1993, p. 113, fig. 66-67. 12 Despinis, Stéfanidou-Tivériou, Voutiras 2010, n o 364. 13 Despinis, Stéfanidou-Tivériou, Voutiras 1997, n o 39 ; Stéfanidou-Tivériou 2006, p. 345.

Temple archaïque de Thessalonique, fragment de frise thessalonique, musée archéologique


431

la sculpture


La coroplathie

la production artistique en grèce du nord aux époques classique et hellénistique

K. Tzanavari

Les découvertes concernant la production d’ateliers de coroplathes

uniformité des sujets, des types iconographiques et de l’expression

en Macédoine confirment les relations culturelles et commerciales,

artistique. Dans le même temps, certains coroplathes se déplacent

connues par les sources littéraires et les témoignages épigraphiques,

afin de subvenir, par leur production, aux besoins des nouvelles

que les Macédoniens entretenaient, dès l’époque archaïque, avec

communautés locales.

1

les grands centres de la Grèce et de l’Asie Mineure . Parallèlement

Le centre artistique le plus important pour cette période se

aux figurines locales, les terres cuites produites par des ateliers

révèle être Pella 8 . Les figurines, qui proviennent des sanctuaires

béotiens, attiques et de Grèce de l’Est dominent ainsi dans les

et des nécropoles, reprennent des modèles attiques, béotiens et

nécropoles archaïques d’Aiané (fig. 88), de Miéza, d’Archontiko

d’Asie Mineure. Elles sont produites par des ateliers locaux situés

et de Sindos. Il s’avère aussi que des ateliers producteurs d’ex-voto

dans la partie sud de la ville et dans les magasins de l’ancienne agora.

se sont développés à proximité des grands sanctuaires, contribuant

Des ensembles importants – comme celui du sanctuaire de Déméter

ainsi à leur fonctionnement 2 .

Thesmophoros – ont livré des compositions originales liées à des

L’importation de figurines se poursuit durant tout le v e siècle et

cérémonies rituelles 9 . Cependant, le retentissement de l’atelier de

jusqu’à la fin du i v e siècle av. J .- C . Les figurines des ateliers attiques

Pella se manifeste au travers du développement d’ateliers satellites

sont diffusées sur les marchés macédoniens en même temps que

autour de la capitale macédonienne, comme celui de Pétrès 10 .

la production du Céramique. Dans les ateliers locaux de Chalcidique

Ces ateliers reproduisent les modèles qu’ils reçoivent ou inventent

et particulièrement ceux d’Olynthe (fig. 89), la thématique élaborée

des variantes qui leur sont propres. Que l’atelier de Béroia 11 soit à son apogée à l’époque

est commune à celle de la Grèce continentale, tandis que les

hellénistique, au temps de l’acmé de la ville et de l’accroissement

relations commerciales entretenues avec les îles et les côtes de 3

l’Asie Mineure confèrent un caractère cosmopolite à la production . Toutefois, la dynamique de la production locale est attestée à Pella 4 (cat. 235) ainsi qu’à Pydna 5 durant le règne de Cassandre. Elle est liée à l’identité culturelle particulière des grandes villes, qui se développent en Macédoine, et se manifeste dans le cadre de l’essor urbain et de l’organisation des nécropoles, où sont érigées des sépultures luxueuses. Le milieu de l’époque hellénistique a été incontestablement la période de production la plus fertile pour les ateliers locaux de coroplathie. Cela vaut également pour toute la Méditerranée et la mer Noire 6 . Les ateliers s’intéressent tout particulièrement à des cycles thématiques en relation avec la religion et les rituels funéraires. Sont représentés des divinités en pied ou sous forme de protomés, des tanagras 7 , des acteurs et des musiciens, des groupes d’animaux domestiques. La circulation de modèles, de moules et de figurines par les voies commerciales est à l’origine de cette

432

Tivérios 2000b ; Tivérios 2008. Muller 1996, p. 1-3. Robinson 1952, p. 60. Il a été constaté que, parallèlement à la céramique, les figurines du I V e siècle sont également liées aux ateliers attiques. Voir Akamatis N. 2008, p. 72. 5 Bésios 2010. 6 Besques 1994, p. 21. 7 Tsakalou-Tzanavari 2007. 8 Lilimpaki-Akamati 1994. 9 Lilimpaki-Akamati 1996a. 10 Adam-Véléni 1998. 11 Tsakalou-Tzanavari 2000e. 1 2 3 4

fig. 88 Aiané, figurine féminine assise


La céramique S. Drougou

L’activité commerciale croissante des colonies fondées par les

vases attiques à figures noires. Quant aux défunts des riches tombes

cités grecques sur les côtes du golfe Thermaïque, de Chalcidique

de l’époque classique, ils sont accompagnés de grands lécythes, de

et de Thrace a conduit à la création de toutes sortes d’ateliers locaux

pélikés à figures rouges et de cratères, mais souvent aussi de vases

1

de céramique . Leur production est caractéristique, car elle imite les formes et les décors des vases des métropoles du Sud : ampho res-

La conjonction de ces facteurs et, bien sûr, l’explosion de la vie

pithoi, œnochoés, askoi, skyphoi sont fabriqués sur place pour

politique et économique au i v e siècle av. J .- C . vont créer de nouvelles

répondre aux besoins locaux des colons, en prenant modèle vrai -

conditions pour la production de céramique en Macédoine au cours

semblablement sur les ustensiles qu’ils ont apportés avec eux.

de la période hellénistique 12 . De fait, la production des ateliers

Petit à petit, cette production pénètre par les voies fluviales dans

locaux de céramique se distingue pour la première fois au moment

l’arrière-pays macédonien, où elle rencontre la céramique grise

de la montée en puissance et de l’apogée du royaume de Macédoine,

et la céramique à peinture mate, lesquelles perdureront jusqu’à

c’est-à-dire au i v e siècle av. J .- C . D’après les données archéolo-

l’époque classique.

giques, les villes évoluées de Macédoine continuent à importer des

Les grands ensembles fouillés ces trente dernières années dans les nécropoles archaïques du territoire macédonien au sens 2

3

4

5

large – Aiané , Archontiko de Pella , Aigai , Thermi , Toumba 6

7

8

vases attiques, comme le montre bien la forte présence d’imitations de ces œuvres. Lampes de terre cuite, vases à vernis noir ou décorés adoptent les formes attiques contemporaines, mais dans le même

de Thessalonique , la région d’Akanthos à Abdère – fournissent

temps les artisans athéniens sont influencés par la toreutique

de riches données sur la production de l’époque archaïque dans

macédonienne et sa production.

ces régions septentrionales de la Grèce. Dans les ensembles funé -

À la fin du i v e siècle av. J .- C ., la mort d’Alexandre le Grand

raires les plus anciens, on rencontre des aryballes corinthiens,

ayant complètement bouleversé la conjoncture historique, en ce qui

des lécythes, des askoi, des cratères, etc. Très rapidement cepen -

concerne non seulement le royaume de Macédoine mais l’ensemble

dant – dès avant le milieu du

vie

siècle av. J .- C . –, les vases attiques

du monde grec, le recul de l’économie athénienne et l’évolution

à figures noires se multiplient. La diffusion de la production

du marché favorisent les centres locaux et périphériques, dont le

des ateliers corinthiens et ioniens a donc cédé le pas à celle des

travail se libère de plus en plus de l’influence du Céramique attique.

ateliers attiques qui sera dominante dans la région, du milieu du v i e siècle au i v e siècle av. J .- C .

La production hellénistique céramique du i i i e siècle av. J .- C . en Macédoine comprend des vases et d’autres récipients en terre

Peu à peu, la fondation et le développement des villes dans le

cuite, à vernis noir sans décor ou à décor de type West Slope. Sortent

royaume macédonien, mais aussi les liens étroits conservés par les

surtout du lot les vases à parfum de petite taille, de la couleur de

anciens colons avec Athènes, ont permis l’essor de la vie économique

l’argile, décorés de bandes peintes, nettement inspirés par les vases

et commerciale. Ils ont favorisé en même temps la création d’ateliers

« pseudo-chypriotes ». Les lampes de terre cuite s’éloignent, pour

locaux qui vont imiter assez fidèlement la céramique attique et la

ce qui est de leurs types, des modèles attiques, tandis que les vases

peinture de vases, et créer des produits de remplacement intéres-

blancs, peu nombreux mais d’un caractère bien particulier, donnent

sants, surtout au

ive

9

siècle av. J .- C . . Dans les ensembles funéraires

archaïques de Pydna, d’Aigai

10

11

et de Miéza , on trouve des pyxides

et des vases à parfum corinthiens et ioniens, ainsi que les premiers 1 Sur ces colonies, voir Touratsoglou 2010, p. 16 sq. Sur les colonies

2 3 4 5 6 7

sans décor dont les formes sont liées à une tradition plus ancienne.

et les échanges commerciaux, voir supra, p. 228-229 ; Tivérios 2007 ; Skarlatidou 2010 ; Panti 2008. Pour les ateliers de céramique et leur production, voir Panti 2008, p. 223 sq., avec bibliographie ; voir aussi Cambitoglou, Papadopoulos 1988 ; Giouri 1990 ; Vokotopoulou 1994 ; Gimatzidis 1997. Karamitrou-Mentésidi 2008b ; Karamitrou-Mentésidi 2009b. Chrysostomou A., Chrysostomou P. 2000, 2002, 2009a. Kottaridi 1996, 2009 ; cat. exp. Oxford 2011, p. 167sq. Skarlatidou 2009. Souéref 1994, 2000, 2009a. Trakosopoulou-Salakidou 1999.

naissance à une catégorie nouvelle. C’est à la fin du i i i e siècle av. J .- C ., sous le règne de Philippe V , et au i i e siècle av. J .- C ., que la céramique macédonienne connaît

8 Panti 2008. 9 E.Giouri, A D , 26, 1971, Chron. B 2, p. 394 ; Giouri 1972 ; McPhee 1981. 10 Voir supra n. 4. 11 Rhomiopoulou, Touratsoglou 2002, p. 23 sq. 12 Voir en dernier lieu Touratsoglou 2010. Pour la céramique hellénistique,

on pourra consulter les actes des colloques consacrés à ce sujet, CérHell 1-8, 1989-2009, ainsi que les volumes des rapports des fouilles en Macédoine et Thrace ( A E M T h, Thessalonique, 1986) ; Drougou 1991b ; Drougou 1992 ; Akamatis I. 1993a ; Lilimpaki-Akamati 1994 ; Thémélis, Touratsoglou 1997 ; Drougou, Touratsoglou 1998 ; Drougou 2005 ; Kotitsa 2006 ; Kyriakou 2008.

441


L’orfèvrerie

la production artistique en grèce du nord aux époques classique et hellénistique

É-B. Tsigarida

Les bijoux qu’il avait portés pendant sa vie accompagnaient

Les épingles qui attachaient le vêtement sur les épaules sont

leur possesseur dans la tombe. On les recevait en cadeaux de

en argent ou en or, avec une tête en forme de disque garnie

naissance et de mariage, on s’en parait pour des circonstances

d’une rosette. Sur quelques exemplaires en or, ce petit disque est

particulières, à l’occasion de manifestations religieuses et pour

agrémenté de globules enrichis d’un décor végétal en filigrane 5 .

paraître en public – les femmes surtout mais, pour certains

On rencontre aussi beaucoup d’épingles en fer dont la tête présente

modèles, les hommes également.

une grande variété de formes, et qui semblent influencées par

Selon les coutumes funéraires des Macédoniens, le défunt était enseveli avec ses plus beaux vêtements et avec ses objets

en argent, servaient sans doute à fixer des colliers au vêtement

personnels, si précieux qu’ils fussent. Ils symbolisaient la place

et à ajuster les manches du chiton. Les colliers à pendeloques

qu’il avait occupée dans la société. Des objets de famille l’entou-

et perles, en forme de vases lancéolés, de pyramides, de haches

raient parfois et, s’il avait été un personnage social éminent,

doubles, de doubles cônes, décorés de granulations, de filigrane

il recevait encore davantage de marques d’honneur, dont l’apogée

ou d’incisions, sont caractéristiques de cette période. On portait

était un sacrifice animal.

aussi sur la poitrine des chaînes en or ou en argent, aux terminaisons

Les cimetières macédoniens antiques, qui datent du v i e au

d’or, que l’on agrafait sans doute au vêtement à l’aide des fibules

i i e siècle av. J .- C ., ont livré beaucoup de bijoux. Ceux-ci ont été

à arc dont il a été question plus haut. Il y avait aussi des attaches

trouvés dans un nombre relativement restreint de tombes,

pour les cheveux, des épingles doubles servant à ajuster le vêtement

caractérisées comme « riches » ou « royales ».

sur le ventre, des paires de bracelets à têtes de serpent, et enfin

Les techniques d’orfèvrerie ont accompagné l’évolution

des anneaux d’or rubanés et convexes appliqués sans doute sur

générale de l’art grec archaïque. Après la destruction des palais

une âme de matière différente. À cette liste variée viennent s’ajouter

mycéniens, l’orfèvrerie et la joaillerie ont redémarré en Grèce

les feuilles d’or qui agrémentaient les vêtements et les armes 6

au i x e siècle av. J .- C . 1 . La production de bijoux en or débute en

ou recouvraient les parties nues du corps du défunt (la bouche, les

Macédoine au milieu du v i e siècle av. J .- C . Ceux-ci présentent tous

yeux, etc.), ou encore les masques qui protégeaient son visage 7 .

une certaine homogénéité de formes, due à leur riche décor réalisé

Ces feuilles, en général lisses, sont cependant parfois estampées

selon les techniques du filigrane et de la granulation, ainsi qu’à

d’un décor – végétal (rosettes ou fleurs de lotus), géométrique ou,

leur variété limitée de modèles. Les types les plus luxueux sont

plus rarement, figuratif (sphinges, etc.). Elles peuvent aussi être

créés vers la fin du v i e siècle av. J .- C . Il s’agit de diadèmes constitués

ornées d’animaux en position héraldique (lions le plus souvent)

d’un ruban d’or orné d’un décor en relief, le plus souvent de motifs

ou, enfin, de frises animalières ou de tresses.

végétaux ou de tresses, ou bien de diadèmes d’un autre matériau, 2

L’âge d’or de l’orfèvrerie macédonienne, qui débute au milieu

dotés de rosettes d’or . Les boucles d’oreilles ont un anneau

du i v e siècle av. J .- C ., est lié à la réorganisation de l’État macédonien

en ruban, l’accent étant mis sur l’une des extrémités, qui porte

par le roi Philippe I I et au rattachement de la région aurifère

3

une rosette . Le ruban est lisse, ou orné au contraire d’une dentelle

du mont Pangée à son royaume. Les bijoux se distinguent par

de filigrane, et le décor de la rosette très élaboré. Vers la fin

leur grande variété. Dans la seconde moitié du siècle dominent

du 464

les ateliers du Péloponnèse. Les paires de fibules à arc, en or ou

vie

siècle av. J .- C . apparaît un autre type de boucles d’oreilles

en forme d’ W , à terminaison pyramidale ou en tête de serpent 4 . 1 Boardman 1996. 2 Cat. exp. Thessalonique 1985, p. 78, 80, 179, 267, n os 111, 116, 287,

431, 433 [A. Despini] ; Tsigarida 2007, p. 518-519. 3 Sur les exemples les plus représentatifs, voir cat. exp. Thessalonique 1985,

p. 194-195, n o 321 ; Tsigarida 2007, p. 519-521 [A. Despini]. 4 Cat. exp. Thessalonique 1985, p. 51, 220, 294, 298, 310, n os 71, 353, 486, 491, 521. 5 Pour des exemples caractéristiques avec une riche ornementation,

voir cat. exp. Thessalonique 1985, p. 208, n o 330 [A. Despini] ; Tsigarida 2007, p. 520-521. 6 Chrysostomou A., Chrysostomou P. 2007a. 7 Des masques ont été trouvés dans les nécropoles de Sindos, d’Archontiko et de Tr`ebenice. Pour une étude comparative, voir Theodosiev 1998, 2000.

les thèmes empruntés à la nature, intégrés de façon harmonieuse dans des compositions élaborées, rendues avec sensibilité,


Le verre

la production artistique en grèce du nord aux époques classique et hellénistique

D. Ignatiadou

La Macédoine de la période classique vit fleurir le travail du verre. Les objets en verre que l’on y a découverts parlent d’eux-mêmes,

vases de verre, peut-être emplis d’huile parfumée. Au sanctuaire

bien qu’aucune trace de leurs ateliers de fabrication ne subsiste,

de Déméter, à Dion, des dédicantes anonymes apportaient pieuse -

1

et malgré l’absence de sources écrites .

ment leurs perles de verre en offrande à la déesse ; là se trouve

Comme dans l’ensemble du monde antique, les objets précieux

aussi une luxueuse coupe de verre transparent au décor en relief,

en verre étaient principalement destinés aux sanctuaires religieux

à destination votive elle aussi, ou peut-être utilisée pour les libations

et aux palais. Cependant, la présence du verre est surtout attestée

au cours des cérémonies 6 . Les prêtresses portaient des bagues

par les coutumes funéraires, car les objets en verre accompagnaient

tout en verre, où était parfois emprisonnée une feuille d’or : une

dans la tombe les rois et leurs sujets, hommes, femmes et enfants.

telle bague décorée d’un Éros en plein vol a été mise au jour dans

Les artistes inspirés et les habiles maîtres verriers des palais

le sanctuaire d’Apollon de l’ancienne Amphanai, en Thessalie 7 .

macédoniens fabriquaient des lits d’apparat en bois qu’ils déco -

Les mêmes prêtresses étaient ensevelies avec, accrochées à leur

raient de riches ornements chryséléphantins et de verre. Y étaient

cou, les intailles de verre, gravées de motifs religieux 8 , dont elles

incrustés des yeux de volutes, des palmettes, des petites plaques

s’étaient servi durant leur vie.

de verre incolore transparent, appliquées sur des feuilles d’argent

Hommes et femmes recouraient à des récipients de verre.

doré estampées de scènes diverses. Le bouclier chryséléphantin

Les vases à parfum étaient ordinairement petits et à parois épaisses,

de Philippe I I donne à voir ce type de décor de verre, qui dessine

car ils étaient destinés à conserver longtemps des substances phar-

2

méandres et spirales sur une feuille d’or . Les klinés, propres

maceutiques ou des produits de beauté. Ils étaient le plus souvent

à la Grèce, étaient utilisées dans les banquets, mais aussi pour

en verre translucide bleu cyan et décorés de fils de verre coloré

l’expo sition et la crémation des morts. Les corps des défunts de la

dessinant des zigzags ou des barbes de plume 9 . Les rares vases à

famille royale, mais aussi des dizaines de membres de l’aristocratie,

boire en verre incolore transparent appartenaient à la production

étaient incinérés ou déposés sur de tels lits.

de luxe (fig. 91) ; ils apparaissent à la fin de l’époque classique.

Le travail du verre incolore apparaît sous le règne de Philippe I I

Ils avaient le plus souvent une fonction liturgique ; leur forme

et constitue la contribution de la Macédoine à l’histoire de la verrerie :

est la réplique de celle des vases en métal fabriqués sur le même

ce verre présente une limpidité optique proche de celle du cristal

modèle 10 .

de roche, qui est d’ailleurs son modèle 3 . À la même époque, du verre bleu cyan décorait, sous forme d’émail,

Les hommes se servaient de dés en verre quand ils s’adonnaient à ce jeu populaire 11 . Les femmes portaient toutes sortes de bijoux

les productions en or de la toreutique macédonienne, alors de haut

en verre, qui se retrouvent souvent en contexte funéraire : ils accom-

niveau. Les ossements de Philippe I I reposaient dans un grand larnax

pagnaient leurs propriétaires dans la tombe et leur petite taille

d’or, à la face principale décorée de rosettes garnies d’émail bleu

les rendait particulièrement résistants. Ils comportent souvent des

turquoise, tandis que les ossements de son épouse étaient accompa -

parties métalliques, car à cette époque le verre coûtait aussi cher

gnés d’un diadème d’or unique en son genre, aux rosettes et orne -

que les pierres semi-précieuses. Plus répandues et d’une grande

4

474

Dans les sanctuaires macédoniens, on offrait aux dieux des

ments végétaux rehaussés d’émail bleu. C’est souvent ce même émail

variété étaient les perles, qui poursuivaient leur longue histoire.

de couleur turquoise ou verte que l’on retrouve sur les fleurs de toutes

On les portait au cou, en solitaire ou en collier. Les plus fréquentes,

sortes qui apparaissent sur les couronnes des rois et des nobles 5 .

celles qui sont décorées d’yeux, avaient une fonction apotropaïque 12 .

1 Cat. exp. Thessalonique 2010. 2 Andronikos 1984, p. 121-137, 175-176 ;

Ignatiadou 2001 ; Ignatiadou 2007a. 3 Ignatiadou 2002 ; Ignatiadou 2004a. 4 Andronikos 1984, p. 166-170, 196-197. 5 Maish, Scott 2001 ; Ignatiadou, Nazlis 2008. 6 Pandermalis 1999a, p. 67. 7 Bitos, Koukoulidou, Panagou 2009. 8 Ignatiadou 2009b. 9 Ignatiadou 1990-1995 ; Ignatiadou 2007c. 10 Ignatiadou 1998 ; Ignatiadou 2010. 11 Ignatiadou 1999. 12 Ignatiadou, Chatzinikolaou 2002.


L’ivoirerie K. Rhomiopoulou

la production artistique en grèce du nord aux époques classique et hellénistique

L’ivoire 1 a été employé à toutes les époques de l’Antiquité, par les Grecs comme par d’autres peuples orientaux, pour l’élaboration d’objets précieux et de statues. Pourtant, les textes anciens, les ouvrages de référence et les publications scientifiques en font bien peu mention, surtout en ce qui concerne les périodes classique et hellénistique, au regard de la popularité dont jouissait alors ce matériau sans pareil. Les œuvres originales en ivoire parvenues jusqu’à nous, d’ailleurs très peu nombreuses et sous forme fragmentaire, ont été découvertes hors de la Grèce proprement dite (Crimée, Italie méridionale et Égypte), et leur datation est contestée 2 . Néanmoins, ce constat doit être reconsidéré à la lumière des découvertes, au cours des trente dernières années, des reliefs d’ivoire qui décoraient le mobilier de bois des chambres funéraires des tombes « macédoniennes 3 ». Ces revêtements présentent soit des décors ornementaux, c’est-à-dire des motifs végétaux ou géo -

matériau, les chevelures bouclées étaient sculptées séparément

métriques, soit des compositions figurées complexes comportant

puis collées sur le crâne (on leur ajoutait souvent de la dorure).

pléthore de personnages humains, animaux et êtres mythiques.

Certaines parties du vêtement, exécutées en bois ou en stuc, étaient

Ces dernières compositions rattachent ce type original d’ornemen -

peintes de diverses couleurs, le rouge étant rendu par du cinabre,

tation à la sculpture et à la petite plastique de l’époque. Le style des

une substance colorante onéreuse. Pour les armes et le harnache-

grandes œuvres en ronde bosse et l’idéologie qu’elles véhiculaient

ment des chevaux de certains personnages, on utilisait des éléments

ont d’ailleurs inspiré les arts mineurs. Malgré leur état fragmentaire,

rapportés en bronze ou en bronze doré. Enfin, l’ivoire, en raison

ces effigies humaines en ivoire provenant des décors funéraires

de sa nature organique dont la texture et la blancheur évoquent

modifient d’autant plus notre perception des tendances stylistiques

celles de la carnation, servait uniquement à réaliser les parties

de la grande statuaire de la seconde moitié du iiie

i v e siècle,

puis du

siècle av. J .- C ., que le rendu plastique des détails, aussi bien

nues du corps ou des membres et les visages. Le haut pourcentage d’humidité à l’intérieur des tombes

des visages que des corps, est d’une remarquable exactitude. Les

macédoniennes souterraines a permis la conservation des pièces en

petites têtes d’ivoire qui ont été préservées aident donc grande -

ivoire, tandis qu’il provoquait la décomposition du mobilier en bois.

ment à comprendre la profonde mutation qui, en Grèce, a marqué

Les vestiges de plus de quarante klinés et autres objets (coffres,

la représentation du visage à cette période. La forme s’en modifie,

boucliers, etc.) ont été découverts dans les tombes macédoniennes

en effet, et conduit à l’émergence d’une nouvelle conception du

connues à ce jour – ce nombre augmentera avec la mise au jour

visage humain, moins idéalisée et plus réaliste : les traits s’indivi -

de nouvelles sépultures. Les plus grands ensembles décoratifs

dualisent, le regard devient pénétrant, le mouvement surgit,

en ivoire ont été recueillis à Aigai (Vergina) 4 et à Miéza (Lefkadia) 5 .

ainsi que l’expression des sentiments, si bien que l’on peut parler de naissance du portrait.

484

Pour des motifs de rapidité d’exécution et d’économie du

La technique et les outils sont pratiquement les mêmes que ceux qui étaient utilisés pour le travail du bois : le débitage, la taille,

1 L’« éléphant » ou ej l ev f aı , comme l’appelaient les anciens Grecs.

2 3

4 5

Sur le travail de l’ivoire, voir Adam 1966 ; Orlandos 1966-1968, vol. 1, p. 45-58, vol. 2, p. 40-45 ; Sakellarakis 1979 ; Krzyszkowska 1990 ; Lapatin 1997 ; cat. exp. Paris 2004, p. 13-18. Pour les ivoires d’époque hellénistique, voir Rodziewicz 1971 ; cat. exp. Paris 2004, p. 83-84. Sur les décors des lits funéraires de Macédoine, voir Ignatiadou 2003 ; Andrianou 2009, p. 30-50, 123-129 ; pour les décors en os et en ivoire de lits trouvés dans des contextes domestiques et funéraires, voir en dernier lieu Bianchi 2010. Pour les ivoires des tombes royales d’Aigai, voir Andronikos 1984, p. 122-136. Pour les ivoires découverts dans la tombe « des Palmettes », voir Rhomiopoulou, Schmidt-Dounas 2010, p. 85-99.

fig. 92 Tête en ivoire d’un guerrier âgé. Miéza, tombe « des Palmettes » athènes, musée national archéologique


la production artistique en grèce du nord aux époques classique et hellénistique

Les ateliers en Macédoine, de l’époque archaïque à l’époque hellénistique

C’est à partir du milieu du i v e siècle et du règne de Philippe I I

aux mosaïstes plusieurs innovations techniques. Le répertoire des

que l’on commence à distinguer une spécificité des ateliers

orfèvres s’enrichit alors de motifs macédoniens, comme le nœud

du royaume macédonien par rapport à ceux des cités grecques

d’Héraklès, symbole des Argéades, et surtout orientaux, qu’a fait

installées de longue date en Macédoine.

connaître la conquête d’Alexandre. Si, pour la plastique, grande

Les ateliers peuvent être cernés d’abord à travers leurs

et petite, les ateliers macédoniens s’insèrent dans une vaste koiné

productions, connues par les trouvailles tant mobilières qu’immo -

hellénistique, dans le domaine de la céramique ils prennent dès

bilières, d’art ou quotidiennes, sur des sites de toutes natures 1 .

la fin du i v e siècle av. J .- C . une autonomie qui se manifeste dans

On connaît pour le haut archaïsme des productions macédoniennes

des productions originales, tels les vases à décoration West Slope

originales, comme la céramique argentée ou des amphores à décor

ou les bols à reliefs figurés, produits à Pella 3 et dans des ateliers

subgéométrique, dont le lieu de fabrication est encore sujet à

satellites 4 .

2

discussion . À l’époque archaïque et pendant une grande partie

Comme lieux de production et de travail, les ateliers échappent

de l’époque classique, la production artistique et artisanale est

trop souvent sur le terrain. Quand ils ne se confondent pas avec

largement dépendante des modes et modèles importés des grands

le chantier de construction ou de pose, ils se reconnaissent à la

centres d’une Grèce comprise au sens large : les productions locales

présence d’aménagements spécifiques ou d’installations techniques

des cités grecques de Macédoine et au sein du royaume de Macédoine

particulières (fours, pressoirs) 5 , mais aussi à des trouvailles

s’en inspirent largement quand elles ne les imitent pas directement,

mobilières comme des ratés et déchets, des outils de production

sans arriver toujours à leur hauteur. C’est particulièrement vrai

(moules) 6 ou encore des stocks de matériaux 7 . Encore faut-il

de la céramique – vases et figurines – et de la sculpture, influencée

souligner que l’appréhension des activités artisanales dans l’espace

par le monde ionien, l’Attique et Thasos, alors que la toreutique

macédonien est, comme ailleurs, tributaire de fouilles qui sont

et l’orfèvrerie sont plus originales.

loin d’être exhaustives, et que certaines filières et certains domaines

La formidable montée en puissance que la Macédoine doit

de production n’ont pas laissé de vestiges reconnaissables 8 .

à Philippe I I change la donne en suscitant un véritable art de cour.

490

De cette image encore largement lacunaire se dégagent

Les ateliers répondent aux besoins de la maison royale et de l’aris -

quelques traits généraux qui ne peuvent cependant constituer

tocratie en empruntant des voies neuves, permises par la fortune

des certitudes. En dehors de la transformation de matières premières

des commanditaires, contraintes ou favorisées par les matières

agricoles pour la production de vin et d’huile, les ateliers sont

premières disponibles : si elle n’a pas de marbre, la Macédoine est

presque exclusivement urbains. Dans les cités grecques (Olynthe 9 ,

riche en bois de charpente et en métaux précieux, grâce aux mines

Argilos) et les villes de Macédoine (Pétrès, Béroia, Vergina, Euia 10 ),

du Pangée. L’architecture macédonienne se distingue désormais

il n’y a pas de « quartiers artisanaux » : même s’il existe des regroupe-

à la fois dans les types de bâtiments (palais, maisons aristocratiques,

ments, les ateliers sont généralement dispersés dans l’espace urbain

tombes), dans le vocabulaire de formes composites et dans le décor.

– dans les quartiers d’habitation, à proximité des places publiques –

On fait appel à des maîtres prestigieux, les peintres Zeuxis, Apelle

ou périurbain, qu’ils se partagent avec les nécropoles. La puissance

et d’autres, les sculpteurs Lysippe et Léocharès. En peinture,

publique ne s’intéresse pas à l’implantation des ateliers, qui s’instal-

ces personnalités ont favorisé l’éclosion de courants originaux,

lent là où on les laisse le faire tant qu’ils ne gênent pas un projet

que des artistes macédoniens ont développés, et ont inspiré

urbain plus ambitieux. Il s’agit en général d’unités de production

1 Blondé, Muller 2000. On se reportera à la bibliographie 2 3 4 5

F. Blondé et A. Muller

des textes de cette section, supra, p. 414-489. Gimatzidis 2002. Akamatis I. 1993a. Adam-Véléni 1990, 1997. Despini 1984 ; Adam-Véléni, Mangafa 1993 ; Misailidou-Despotidou 1998b ; Karamitrou-Mentésidi 2005.

6 Akamatis I. 1993a. 7 Faklaris 1997 ; Lilimpaki-Akamati 1997. 8 Blondé, Muller 1998. 9 Robinson 1952 ; Graham 1953 ; Cahill 2002. 10 Faklaris 1997 ; Allamani, Tzanavari 1999 ;

Faklaris, Stamatopoulou 1999 ; Adam-Véléni 2000e ; Karamitrou-Mentésidi 2005.


relèvent de la petite entreprise privée. On ne connaît pas de grande manufacture – tout au plus des concentrations d’installations comme les complexes de fours d’Euia-Polymylos 11 . L’agora de Pella, capitale du royaume macédonien depuis la fin du v e siècle av. J .- C ., est une exception remarquable 12 . Il s’agit d’un immense complexe, encore en cours d’exploration, équivalent à dix îlots de l’urbanisme régulier de la ville (262 × 238 m). L’ensemble est dédié à des activités artisanales et commerciales : celles-ci prenaient place dans des unités sans doute mises en location, ateliers-boutiques de deux pièces en enfilade, souvent équipés d’un puits, abrités sous les portiques, les uns ouvrant sur l’esplanade centrale, les autres sur les rues périphériques. Dans les unités de l’aile est on fabriquait et on vendait des objets en terre cuite moulés, vases et figurines ; dans celles de l’aile ouest, des parfums, des figurines, des objets métalliques et des bijoux. L’aile sud était affectée au commerce de denrées liquides et solides. Le bâtiment péristyle de l’angle sud-ouest de l’agora, ainsi que son aile nord, abritait l’administration de ce centre économique de la capitale et du royaume. L’agora de Pella se révèle ainsi un cas exceptionnel où la puissance publique a organisé l’activité de production et favorisé sa concentration spatiale. Reste le problème de l’absence totale de fours contemporains de l’agora – à mettre peut-être en rapport avec la présence d’un ensemble de fours dans

les ateliers en Macédoine de l’époque archaïque à l’époque hellénistique

modestes, presque toujours associées à un lieu de vente : elles

un îlot au nord de celle-ci 13 .

491 11 Karamitrou-Mentésidi 2006c. 12 Akamatis I. 1997 et la série des rapports annuels dans A E M T h. 13 Lilimpaki-Akamati 1993.


492


la religion et la mort aux époques classique et hellénistique


La religion Divinités, cultes et sanctuaires

la religion et la mort aux époques classique et hellénistique

S. Pingiatoglou

Les sources écrites, les inscriptions, les découvertes archéologiques

La forme du Thesmophorion de Pella est unique 8 . Un péribole

et les monnaies composent une image très riche de la vie cultuelle

circulaire en pleine terre bornait le territoire du sanctuaire

de la Macédoine antique. On y vouait un culte à des dieux locaux

qui comprenait un autel et des fosses, également en pleine terre.

et à des héros, aux dieux olympiens panhelléniques mais aussi à

À l’évidence, on accomplissait à l’intérieur de ce sanctuaire

des divinités étrangères qui avaient été accueillies progressivement

les cérémonies des Thesmophories en l’honneur de Déméter

sur son territoire.

Thesmophoros. La durée de vie du sanctuaire s’est étendue de la fin du i v e siècle av. J .- C . à la presque fin du i i e siècle av. J .- C .

Le culte de Zeus olympien est attesté par les sources écrites 1

à Dion, la ville sacrée des Macédoniens , où l’on a fouillé son temple

Bien que le sanctuaire de Déméter de l’antique cité de Lété ne soit

et fait des découvertes importantes pour les époques classique

pas conservé, une table de marbre inscrite et quelques sculptures

et hellénistique : un grand autel bâti, les pierres où l’on attachait

(fig. 97) témoignent de son aspect monumental 9 . Les fragments d’architecture d’un temple ionique de la fin

les animaux de sacrifice, des bases de statues, un oikos cultuel,

de l’archaïsme, mis au jour il y a de nombreuses années à

des édifices dotés de portiques et de nombreuses inscriptions. Un 2

bouclier de bronze inscrit, probablement lié à Démétrios Poliorcète ,

Thessalonique, ont été rapprochés des éléments, récemment

constitue une trouvaille intéressante (cat. 213). Mais Zeus jouissait

découverts, d’un naos situé à l’origine dans la région des sanctuaires

d’un culte à Thessalonique aussi, comme le montre un relief votif de

de la ville 10 .

la fin du i v e siècle av. J .- C . le représentant au côté d’autres divinités 3 .

La Mère des dieux faisait l’objet d’honneurs particuliers.

Zeus était honoré sous l’épiclèse de Meilichios à Pella et à Exochi

Un vaste complexe religieux qui lui était consacré a été exploré

d’Éordée d’après des inscriptions votives et les sculptures de

au nord de l’agora de Pella. Il fut en activité du i v e siècle av. J .- C .

4

marbre correspondantes .

jusqu’à la destruction de la cité, dans les premières années du

Les découvertes qui attestent le culte d’Athéna en Grèce du Nord

i er siècle av. J .- C . 11 . La déesse Aphrodite y était également vénérée.

sont très nombreuses. À Dion, un autel (ou une base circulaire) était

Le sanctuaire de la Mère des dieux fouillé à Vergina est particulière-

dédié à la déesse, comme l’indique l’inscription datée du i i e siècle

ment intéressant 12 . La découverte d’une statue de marbre de Cybèle

5

av. J .- C . . Dans un autre texte lapidaire, il est rapporté que Philippe V

en majesté ainsi que de deux figurines de terre cuite dans l’antique

avait fait construire les portiques du temple d’Athéna à Béroia.

Lété y confirme la pratique de son culte depuis l’époque hellénistique

Une mention gravée de l’acropole d’Athènes évoque un sanctuaire

jusqu’à l’époque impériale 13 . Artémis, déesse de la nature et de la chasse, était honorée à

d’Athéna à Pydna. En Éordée, la déesse apparaît sur un relief de la fin de l’époque hellénistique. À Pella, des figurines de terre cuite

Europos sous l’épiclèse d’élaphébole, comme il appert d’une base de

témoignent d’un culte local : elles datent de la fin de l’époque

statue comportant deux inscriptions votives. Un texte gravé de Dion

hellénistique et représentent la déesse avec des cornes de bœuf

s’adressait à Artémis Eileithyia, déesse protectrice de l’enfance 14 .

sur le casque (cat. 317). La déesse figurait sur les monnaies

Eilithyie apparaît par ailleurs en tant que divinité et non comme

6

de Thessalonique, d’Amphipolis et de Pella .

épiclèse d’Artémis dans l’inscription votive d’une stèle de la fin

Un vaste sanctuaire de Déméter, le plus ancien de Macédoine,

494

a été fouillé à Dion. Il a probablement été fondé vers la fin de

Un relief des environs de Thessalonique, daté de la seconde moitié

l’époque archaïque et a perduré jusqu’à l’Antiquité tardive 7 .

du i er siècle av. J .- C ., est dédié à Artémis 16 .

1 D iod ., 18, 4, 7. 2 Pour le sanctuaire, voir Pandermalis 1999a, p. 45 sq.,

3 4 5 6

7

du i v e ou du début du i i i e siècle av. J .- C ., de l’antique Sintiké 15 .

avec la bibliographie correspondante. Sur le bouclier, voir Pandermalis 2000, p. X V I I - X X I I . Despinis, Stéfanidou-Tivériou, Voutiras 1997, n o 24, fig. 45 [E. Voutiras]. Chrysostomou P. 1993-1994, p. 184 sq. Pandermalis 1977, p. 334. Pour Béroia, voir Voutiras 1998b, p. 116. Pour Pydna, voir id., p. 115 sq. Pour Pella, voir id., p. 116 sq. Pour les monnaies, voir id., p. 118 sq. Pour le sanctuaire, voir Pingiatoglou 2009, p. 285-294, pour la bibliographie plus ancienne, et Pingiatoglou 2010a.

8 Lilimpaki-Akamati 1996a. 9 Despinis, Stéfanidou-Tivériou, Voutiras 1997, n os 30-36, fig. 64-94

[G. Despinis] ; Hatzopoulos 1994b, p. 44 sq. 10 Tasia, Lola, Peltékis 2000, p. 227 sq. ; voir aussi Voutiras 1999,

p. 1329 sq., en particulier p. 1335 sq. 11 Lilimpaki-Akamati 2000a ; Lilimpaki-Akamati 2003, p. 54 sq.

Pour une bague en or comportant une représentation de la Mère des dieux, trouvée dans le sanctuaire de Darron, voir Lilimpaki-Akamati 2000b, p. 389 sq., fig. 21-22. 12 Drougou 1996, p. 41 sq. 13 Tzanavari 2001, p. 362 sq. 14 Pandermalis 1984b, p. 275, fig. 3 ; Pandermalis 1997a, p. 74. 15 Samsaris 1991-1992, p. 103, pl. 1-4.


la religion et la mort aux époques classique et hellénistique

Dédicaces architecturales des rois de Macédoine dans les sanctuaires de Delphes, d’Olympie et de Samothrace

Offrir un monument dans un sanctuaire dont le rayonnement dépassait de loin celui de sa cité était un moyen sûr de se faire reconnaître dans le monde grec. Il fallait cependant l’accord des autorités locales, qui pouvaient juger intempestives certaines manifestations de piété 1 .

delphes Le premier roi de Macédoine à avoir consacré une offrande monumentale dans le sanctuaire d’Apollon fut Alexandre I er , et sa statue d’or fut associée au i v e siècle av. J .- C . à la victoire sur les Perses 2 . Aucun élément de sa base n’a été identifié avec certitude 3 ; rien ne permet non plus d’affirmer que la statue fut fondue par les Phocidiens 4 . Bien que des statues de Philippe I I soient attestées à Delphes 5 , aucun monument n’y a été associé à une dédicace du souverain, malgré sa victoire aux Pythia et son rôle dans l’Amphictionie ; il en est de même d’Alexandre I I I , quoique la tradition lui prête l’intention d’avantager le sanctuaire dans son testament 6 . Persée fut le seul des Antigonides à orner Delphes avec ses deux piliers destinés à porter ses statues. Ces monuments nous sont connus par les historiens 7 et par les données archéologiques : si le mieux conservé fut identifié dès la grande fouille sous son remploi par Paul Émile, le vainqueur de Pydna 8 (fig. 98), le second, qui portait gravé le dossier des relations diplomatiques entre les Antigonides et l’Amphictionie, est une restitution récente 9 . Les deux monuments se dressaient sur la place du pronaos, encadrant l’entrée du temple. Il semblerait que le second ait été achevé puisqu’on y avait gravé plusieurs textes officiels. L’état du premier en 168 est plus incertain.

olympie Bien que des participations royales aux Olympia soient attestées 10 , il ne semble pas qu’elles aient donné lieu à des monuments dans le sanctuaire. En revanche, la victoire de Chéronée serait à l’origine du Philippeion, édifice circulaire qui abritait les statues de Philippe, 510

de ses parents, de son épouse et de son fils 11 . Ce monument singulier, fig. 97 1 Hyp., Eux., 24-26 (la susceptibilité d’Olympias à Dodone). 2 Hdt., V I I I , 121 ; [Dem], X I I (Lettre de Philippe, 21) ; Mari 2002, p. 37-44. 3 Voir cependant Jacquemin 1999, p. 364, n o 589. 4 Miller 2000, p. 264-266. 5 Alkétas, ap. Athénée, X I I I , 591b ; Daux, 1949, p. 258-260 (Amphissa). 6 Diod., X V I I I , 45. Sur les Argéades et Delphes, voir Colombini 1963. 7 Pol., X X X , 10, 1-2 ; Tite-Live, X L V , 25, 7 ; Plut., Æm, 28, 4. 8 Homolle 1897 ; Jacquemin, Laroche 1982, p. 207-218. 9 Jacquemin, Laroche, Lefèvre 1995. 10 Hdt., V , 22 ; Mari 2002, p. 31-36 (Alexandre I er – stade) ; Plut., Alex., 3, 4 (Philippe I I – cheval monté) ; Justin, X I I , 16, 6 (Philippe I I – quadrige).

Delphes. Le pilier de Persée remployé par Paul Émile restitution graphique de d. laroche

A. Jacquemin


Le monde des morts

la religion et la mort aux époques classique et hellénistique

Sépultures et pratiques funéraires aux époques classique et hellénistique

Y. Morizot

Les nombreuses découvertes en Macédoine permettent de se rendre

Des tombes à fosse spectaculaires ont été mises au jour, notamment

compte de la diversité des sépultures et des pratiques funéraires

à Vergina et à Pydna 3 . Quant aux cistes, certaines deviennent

aux époques classique et hellénistique. Situées hors des villes, les

plus complexes et vastes au point qu’elles nécessitent des supports

tombes sont rassemblées dans des cimetières organisés ou forment

intérieurs (Palatitsia).

des groupes plus restreints. Les membres d’une famille peuvent

Le volume des espaces sépulcraux a pu encore être augmenté

être placés dans une même tombe ou dans des tombes voisines,

avec l’apparition, vers 340 av. J .- C ., de la voûte en berceau clavée qui

parfois au sein de périboles. Les enfants sont rarement enterrés

caractérise la tombe « macédonienne ». Les tombes « macédoniennes »

dans des zones réservées.

ont été imitées par des tombes à chambre(s) plus simples et plus économiques, dotées d’une couverture de dalles obliques opposées

types de sépultures

1

ou d’une couverture horizontale 4 . Une interprétation luxueuse

De formes issues du passé ou originales, toutes les sépultures conservent les morts sous le niveau du sol. Les sépultures en vase (enchytrismes) sont courantes pour

a été découverte à Kalamoto, ancienne Kalindoia 5 . Les tombes « macédoniennes » ont servi de modèle aux tombes à chambre creusées dans la roche tendre qui se développent à la fin

les nouveau-nés et les tout petits enfants. Les plus grands ont droit à

du i v e et jusqu’à la seconde moitié du i i i e siècle av. J .- C . Une version

des tombes de même type que celles des adultes, mais de dimensions

monumentale de ce type a été mise au jour à Pella. Son arrangement

inférieures. Les sépultures d’adultes en jarre (pithos) se raréfient.

rappelle celui de tombes d’Alexandrie et de tombes présentes sur

Les vases servent aussi de contenants pour des crémations.

des sites soumis à une forte influence lagide, en Crète, à Rhodes

Les grands sarcophages en terre cuite simplement enterrés sont 2

nombreux sur quelques sites (Akanthos) . Les sarcophages en pierre,

et à Chypre 6 . L’utilisation des pierres locales dans l’architecture s’est

exceptionnellement en marbre (Abdère), sont plutôt placés dans des

accompagnée de l’emploi d’enduits propices à la décoration.

structures creuses. Des sarcophages plus petits peuvent être utilisés

À partir du milieu du i v e siècle av. J .- C ., l’intérieur des tombes

pour les crémations.

à ciste et à chambre, et même des tombes à fosse, présente assez

La tombe à tuiles constitue le type le plus commun avec la tombe

souvent une décoration de style architectural qui lui donne

à fosse, rectangulaire, parfois ovale, sans couverture et comblée par

un aspect monumental approprié au statut du mort, comme

la terre ou le sable, ou pourvue d’une couverture en bois, en tuiles,

les éléments décoratifs et les représentations qu’elle intègre.

plus rarement en pierre. Dans la tombe à ciste, les parois sont formées par des dalles de pierre, des assises de blocs ou encore de brique crue. La couverture

Deux modes de traitement du corps sont pratiqués : l’inhumation

peut superposer des dalles de pierre à un plafond en bois, qui assure

(cas le plus fréquent) et la crémation. Le mort est d’abord lavé et

une bonne étanchéité, ou être restreinte à des planches de bois

habillé – avec de beaux vêtements, et paré de bijoux s’il est de statut

simples, ou recouvertes d’argile, ou à des tuiles.

élevé –, et muni d’une couronne. Exposé (prothésis) dans sa maison

Ces types de tombes se rencontrent dans un format (théké)

512 1 2 3 4 5 6

inhumation, crémation

sur un lit (kliné), il est au centre d’une déploration rituelle et

tel qu’il suffit pour contenir une urne cinéraire, ainsi que dans

d’hommages visant aussi à honorer sa famille ; au bout de quelques

des versions plus élaborées et plus imposantes au fil du temps.

jours, il est transporté vers sa tombe (ekphora). En cas d’inhumation,

Rhomiopoulou 2006. Kaltsas 1998. Bésios 2010. Drougou 2009b. Adam-Véléni 2008 ; Sismanidis 2009a. Lilimpaki-Akamati 2008a.


Les tombes « macédoniennes »

la religion et la mort aux époques classique et hellénistique

K. Rhomiopoulou

Ce type particulier de monument funéraire, apparu en Grèce au

ive

siècle av. J .- C ., et qui a perduré jusqu’au milieu du

iie

siècle

proprement dite et une antichambre, lesquelles communiquent par une porte de marbre (fig. 101). Il existe également de plus petites

av. J .- C . (les exemples les plus remarquables s’échelonnant entre

tombes sans antichambre. Le mobilier rituel se compose de coffres

325 et 280 av. J .- C .), représente la contribution originale de la

de pierre où étaient enfermés les coffrets ou les vases précieux

1

Macédoine à l’histoire de l’architecture grecque antique . Il s’agit

abritant les cendres du défunt, de klinés en bois (dont on n’a retrouvé

d’un corpus unique et très particulier de tombes à chambre voûtées

que des vestiges) 3 ou en pierre, sur lesquelles on déposait les

en berceau. La plupart sont situées au cœur du royaume macédonien,

offrandes funéraires ou les restes du corps ; ces lits symbolisaient

c’est-à-dire en Macédoine occidentale et centrale (presqu’île de

les banquets donnés après le trépas dans le monde des dieux

Chalcidique comprise), d’où le nom de tombe « macédonienne ».

et des morts. Il y avait enfin des trônes de marbre, des banquettes

Mais quelques-unes ont été découvertes en dehors de cette région,

de pierre et de petites tables funéraires.

dans les contrées voisines de haute Macédoine, de Thrace, d’Albanie du Sud, d’Épire, de Grèce occidentale et centrale… Ce sont des monuments funéraires souterrains recouverts

Façade et parois intérieures étaient recouvertes d’un enduit afin de présenter une surface assez lisse et fine pour recevoir la couleur ou des compositions peintes. On utilisait la monochromie pour

d’un tumulus de terre. Dans certains cas le même tertre recouvre

les parois intérieures, avec pour seule ornementation polychrome

plusieurs tombes. La voûte en berceau est appareillée. Les murs,

des bandeaux en saillie à décor végétal. Rares sont les exemples de

implantés dans une simple tranchée sans fondations, sont construits

tombes dont l’intérieur présente une véritable composition figurée,

en blocs bien taillés de poros local. La façade est dotée d’une entrée

comme le plafond de l’antichambre de la tombe « des Palmettes » à

qui peut être rudimentaire, sans décor et fermée par des blocs de

Miéza, ou la frise de la course de biges de la tombe I I I dite « du Prince »

poros, ou configurée comme une vraie porte, avec seuil et vantaux

à Vergina, ou encore celle de la tombe de Lyson et Kalliklès à Miéza,

2

de marbre . Cette façade, couronnée d’un fronton triangulaire

où sont peints des guirlandes, des armes et un baldaquin (fig. 43).

ou d’une corniche surmontée ou non d’une frise, est agrémentée d’éléments architecturaux rehaussés de polychromie, de style ionique ou dorique, les deux styles se combinant dans certains cas. Elle peut en outre présenter, sur le fronton ou la frise, de grandes compositions figurées peintes. Conçue comme un décor de théâtre, elle dissimule les murs et la voûte de la tombe proprement dite. Elle évoque les façades des temples ou des demeures particulières, apportant une touche d’éclectisme au style architectural macédonien, combinant des éléments issus de différents contextes en une composition unifiée et originale. À l’extérieur, un dromos mène à la façade ; ce couloir d’accès avait des murs construits et parfois une voûte appareillée en berceau ; il pouvait aussi être plus rudimentaire. L’intérieur des tombes les plus grandes et les plus anciennes,

514

localisées surtout à Aigai et à Miéza, comprend la chambre funéraire 1 Gossel 1980 ; Miller 1993 ; Guimier-Sorbets, Hatzopoulos,

Morizot 2006 ; Huguenot 2008 ; Mangoldt, von 2010 ; Rhomiopoulou, Schmidt-Dounas 2010. Voir aussi cat. 16/ 1–5 , 62/ 1–9 et 325/ 1–5 . 2 Sur les façades, voir par exemple Martin 1968. 3 Pour le décor de verre et ivoire des klinés funéraires, voir supra, D. Ignatiadou p. 474-475, K. Rhomiopoulou p. 484-485 et cat. 309/ 1–3 . 4 Sur la peinture funéraire macédonienne, voir Brécoulaki 2006 ; Descamps-Lequime 2007. fig. 100 Miéza, la tombe « des Palmettes »



une ère nouvelle : la MacÊdoine antique sous domination romaine


La conquête du royaume

une ère nouvelle : la macédoine antique sous domination romaine

P. M. Nigdélis

Quelques mois après leur victoire – sur Persée, le dernier roi de

plus large, la révolte s’empara de toute la Macédoine en 149 av. J .- C .

Macédoine, à Pydna en 168 av. J .- C . – les Romains furent confrontés

Couronnée de brèves victoires sur les Romains, elle fut finalement

au problème de la future administration de la Macédoine, puisqu’ils

écrasée à Pydna un an plus tard par les légions de Q. Caecilius Metellus 2 .

avaient décidé d’en abolir la royauté. Pour des raisons d’équilibre

L’an 148 av. J .- C . marqua une rupture dans l’histoire de la région car

politique à l’intérieur de Rome, l’idée de créer une province fut

la Macédoine devint alors le cœur de la province du même nom, créée

d’emblée exclue. Au lieu de cela, les cercles dirigeants de Rome

par les Romains et dirigée par un gouverneur (le plus souvent un ancien

imposèrent à la Macédoine un règlement particulier qui, en

général de l’armée [praetor]) pourvu d’attributions civiles et militaires,

apparence, lui laissait son autonomie politique, mais qui, de fait, la

ainsi que de terres dont la super ficie augmenta sans cesse jusqu’à

privait de tout rôle dans la région puisqu’il prévoyait son démembre-

l’instauration du régime impérial 3 . Le rôle de la Macédoine fut parti -

ment en quatre districts (merides) administrés par des institutions

culièrement important dans l’Empire puisqu’en réalité les gouverneurs

démocratiques (fig. 112). La première meris s’étendait du Nestos

– grâce aux légions que le Sénat envoyait à chaque occasion – utilisaient

au Strymon (incluant les régions de la Sintique et de la Bisaltie,

la région comme base stratégique pour des expéditions guerrières

à l’ouest du fleuve), la deuxième, du Strymon à l’Axios (comprenant

répétées, ce qui permit finalement aux Romains de dominer la péninsule

vers le nord la Péonie orientale, sur le cours moyen de l’Axios),

Balkanique environ un siècle et demi après la création de la province.

la troisième, à l’ouest de l’Axios, à l’est du mont Vermion et au nord

Ces opérations militaires n’étaient pas toujours fructueuses, se soldant

du fleuve Pénée, avec une frontière septentrionale imprécise, et

parfois par des invasions de tribus barbares, bouleversant la vie des

la quatrième, sur les terres de l’Éordée, de l’Élimée, de la Lyncestide,

habitants, aboutissant même à des situations très sérieuses, comme

de la Derriopos, de la Pélagonie et de la Pélagonie occidentale,

l’occupa tion de la Macédoine par les forces de Mithridate en 85 av. J .- C . 4 .

aux frontières communes avec la Dardanie. Les capitales de ces districts étaient respectivement Amphipolis, Thessalonique, Pella

essentiel au cours des deux guerres civiles romaines opposant César

et Pélagonia. Une série de mesures d’ordre économique, comme

à Pompée d’une part, Marc Antoine et Octave à Cassius et Brutus d’autre

l’étatisation des monopoles royaux (marais salants, mines de cuivre

part 5 . Mais l’importance de la province de Macédoine commença

et de fer), mais aussi l’interdiction d’effectuer des transactions

à décroître à partir de 27 av. J .- C . En effet, la réforme du mois d’août

foncières ou immobilières entre personnes issues de différentes

de cette même année la plaça sous la juridiction du Sénat, qui réduisit

merides, aggravèrent l’affaiblissement de la Macédoine. La défense

considérablement sa superficie : elle ne couvrait plus désormais

de la région était assurée par des garnisons militaires, dont

que le royaume d’origine et une partie de l’Illyrie méridionale. Vers

l’entretien revenait aux trois merides qui partageaient leurs

10 av. J .- C ., elle devint une province démilitarisée (provincia inermis)

1

frontières avec des tribus barbares voisines . Rapidement, en l’espace d’une vingtaine d’années, ce choix se

558

La puissance militaire de la Macédoine lui permit de jouer un rôle

puisque le siège des légions romaines fut transféré plus au nord, dans la région de la Mésie. Il est probable que pour des raisons militaires,

révéla utopique dans la mesure où n’étaient assurées ni la stabilité

en 15 apr. J .- C ., sous Tibère, elle fut intégrée avec cette dernière à

politique ni la sécurité des habitants de la région, ce qui fut démontré

l’Achaïe pour ne faire qu’une seule et unique province, gouvernée par un

par des conflits civils isolés et, surtout, par l’épisode révolutionnaire

émissaire de Rome 6 . Trente ans plus tard, en 44 apr. J .- C ., sous l’empereur

d’Andriskos, l’usurpateur du trône de Macédoine. Tout d’abord

Claude, la province, augmentée de la Thessalie, réintégra le régime admi-

limitée à quelques tribus thraces, puis soutenue par une population

nistratif de 27 av. J .- C . et y demeura jusqu’à la fin du i i i e siècle apr. J .- C .

1 Pour les mesures prises par les Romains après la bataille

de Pydna, voir Papazoglou 1982, p. 192 sq. 2 Sur la révolte d’Andriskos, voir MacKay 1964 ; Heliesen 1968. 3 Pour l’histoire de la province de Macédoine, voir en dernier

Zahrnt 2010. 4 Pour les invasions barbares, voir Papazoglou 1978, passim ;

Papazoglou 1979a, p. 312-321. 5 Pour les guerres civiles romaines qui se déroulèrent sur

le sol macédonien, voir Papazoglou 1979a, p. 321-325. 6 Sur la réforme administrative de Tibère, voir Sarikakis 1997,

p. 13 sq.


la conquête du royaume

fig. 112 Les quatre discricts (merides) de la Macédoine après 168 av. J.-C.

Pendant la plus grande partie de cette période, la Macédoine, comme le reste de la partie orientale de l’Empire, bénéficia des conséquences de la « paix romaine » (pax romana). L’image d’une province paisible où la vie n’était que rarement troublée par des guerres changea toutefois radicalement au milieu du i i i e siècle apr. J .- C . À deux occasions, des légions déplacées dans la région proclamèrent empereurs leurs dirigeants. Il s’agissait des usurpateurs T. Iulius Priscus, en 250 apr. J .- C ., et Valens, qui prit le surnom de Thessalonicus en 261 apr. J .- C . Ajoutons qu’à une autre occasion, au moins, l’issue d’un combat civil pour asseoir le pouvoir impérial de Philippe l’Arabe ou de Trajan Dèce fut jugée à l’extérieur de Béroia en 249 apr. J .- C . en faveur du second. Les conditions d’instabilité et d’insécurité perdurèrent les années suivantes avec les incursions des Goths, qui arrivaient des provinces proches des frontières de Dacie et de Mésie, dévastant la campagne et assiégeant de grands centres urbains comme Cassandrée et Thessalonique. Cela se produisit deux fois, en 253 et 268 apr. J .- C . La situation ne redevint normale que quelques années plus tard avec l’avènement de Dioclétien, en 284 apr. J .- C . Sous son autorité, et selon les réformes adminis tratives de 297 apr. J .- C ., l’étendue de la province de Macédoine se réduisit encore lorsqu’elle fut privée de l’Illyrie méridionale et de la Thessalie, et fut rattachée à la circonscription élargie de Mésie inférieure et supérieure 7 . 7 Sur l’histoire administrative et politique de la Macédoine

sous l’Empire romain, voir infra E. Sverkos p. 565.

559


La Macédoine sous domination romaine La défaite de Persée contre Paul Émile, en 168 av. J .- C . à Pydna, met fin à

battent monnaie en signant de leur nom et de leur fonction, mais les

la monarchie macédonienne. Désormais placée sous le contrôle de Rome,

émissions au nom d’Aesillas durent bien au-delà d’une magistrature

la Macédoine est partagée en quatre régions (merides) sans pour autant

ordinaire. Le type en a visiblement été fixé et a continué à être frappé

être transformée en province. Jusqu’en 158 av. J .- C ., l’exploitation

pendant plusieurs années, probablement entre 95 et 75 av. J .- C ., avec

des mines est interdite. C’est seulement après cette date que chacune

une interruption d’une dizaine d’années après 87 av. J .- C . 3 . Ces monnaies

des quatre régions frappe monnaie à son nom mais avec des types

illustrent l’importance de la Macédoine pour Rome dans son avancée vers

communs. Au droit est représentée une délicate tête d’Artémis,

l’est : la province est en effet désormais traversée par la via Egnatia, qui

la déesse chasseresse, reconnaissable au carquois et à l’arc qu’elle

est, depuis Rome, la route la plus directe entre l’Adriatique et l’Orient.

porte sur l’épaule. Elle figure au centre d’un bouclier macédonien,

F D

une ère nouvelle : la macédoine antique sous domination romaine

dans la continuité du monnayage antigonide. Au revers, la massue est l’attribut d’Héraklès ; elle servait déjà de type à certains tétradrachmes de Philippe V . La couronne de feuilles de chêne, qui entoure le type, couronne Zeus sur d’autres monnaies, rarissimes, de la première région de Macédoine. Héraklès et Zeus marquent une continuité symbolique avec l’ancienne dynastie de Macédoine et Alexandre le Grand, dont ils sont les dieux tutélaires. La première région, qui signe ses monnaies M A K E D O N W N P R W T H S , a pour capitale Amphipolis. C’est le principal atelier macédonien de cette période pour le volume de la production : Amphipolis contrôle la région du mont Pangée et ses mines d’argent. En outre, ces monnaies de Macédoine Première ont surtout été retrouvées hors de Macédoine, ce qui laisse supposer qu’elles ont été frappées

350 Tétradrachme de Macédoine Première date d’émission : 158-150 av. J .- C . atelier monétaire : Amphipolis argent d. 3,13 cm ; poids 16,9 g ; axe 8 h paris, bibliothèque nationale de france, département des monnaies, médailles e t a n t i q u e s [fonds général 78]

pour couvrir des dépenses extérieures à la région, sans doute militaires. Des tétradrachmes de la deuxième région (capitale : Thessalonique)

B I B L I O G R A P H I E

S N G Copenhague 10, 1313.

sont attestés en moins grand nombre, et la quatrième région a émis des monnaies de bronze. La troisième région (capitale : Pella) ne paraît pas

droit : tête d’Artémis à droite, arc et carquois sur

avoir eu d’atelier. La tutelle romaine ne semble pas avoir été très lourde

l’épaule, au centre d’un bouclier macédonien.

durant cette période. La révolte d’Andriskos, qui se présente comme

revers : massue horizontale, M A K E D O N W N

le petit-fils de Philippe V , oblige Rome à intervenir directement. Une

P R W T H S, monogrammes dans le champ en haut

émission de tétradrachmes aux noms des Macédoniens (M A K E D O N W N )

et en bas, le tout dans une couronne de feuilles de

porte aussi la mention L E G en caractères latins. Il est possible de

chêne. Foudre vertical dans le champ extérieur

développer cette abréviation en L E G ( A T I O ) , qui désignerait une

gauche. F D

ambassade venue négocier avec Andriskos 1 . On peut aussi proposer la lecture L E G ( A T U S ) , légat, titre militaire qui fait référence à l’intervention armée à laquelle Rome doit se résoudre 2 . Le type de revers des monnaies des régions est adroitement modifié pour rendre compte de cet épisode : en plus de cette légende spécifique, il inclut une main tenant un rameau d’olivier, symbole du retour à la paix. La Macédoine

351 Tétradrachme de Macédoine Première

devient alors une province romaine. Cette émission de tétradrachmes

date d’émission : 158-150 av. J .- C .

de l’ambassade est le dernier monnayage d’argent macédonien avant

atelier monétaire : Amphipolis

le i er siècle. Après 148 av. J .- C ., la région est alimentée en argent par

argent

l’abondante production d’ateliers grecs de Thrace. Au i er siècle av. J .- C ., de nouveaux tétradrachmes sont frappés au nom des Macédoniens. Ils figurent au droit une tête idéalisée d’Alexandre

d. 3,38 cm ; poids 16,83 g ; axe 3 h paris, bibliothèque nationale de france, département des monnaies, médailles e t a n t i q u e s [delepierre 1073]

le Grand, les cheveux flottants, évocateur du glorieux passé de ce peuple. Le revers, au contraire, signale sans ambiguïté la domination romaine

B I B L I O G R A P H I E

S N G Copenhague 10, 1310-1315 var.

par le biais des attributs du questeur (une urne et un siège spécifiques),

560

magistrat responsable des finances de la province. Ne reste de macédo -

droit : tête d’Artémis à droite, arc et carquois sur

nien au revers que la massue d’Héraklès ; même la couronne n’est plus de

l’épaule, au centre d’un bouclier macédonien.

feuilles de chêne. Deux autres magistrats romains, vers la même époque,

revers : massue horizontale, M A K E D O N W N

1 Price 1974. 2 Tsangari 2009, p. 60. 3 Callataÿ 1996.

P R W T H S, monogrammes dans le champ en haut et en bas, le tout dans une couronne de feuilles de chêne. Foudre vertical dans le champ extérieur gauche. F D


351

352

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356

357

la conquĂŞte du royaume

350

561


La Macédoine à l’époque impériale E. Sverkos

fig. 113 La province sénatoriale de la Macédoine

La victoire d’Octave à Actium marque le début d’une ère nouvelle

Popillius Python, faisait partie d’une ambassade envoyée auprès

pour la Macédoine. Parallèlement au calendrier local commençant

de l’empereur afin d’obtenir que Béroia soit la seule cité de la

en 148 av. J .- C ., les Macédoniens instaurent un système chrono -

province à posséder la néocorie, à savoir le droit de fonder le temple

logique à partir de l’année de la victoire, en 31 av. J .- C . À la suite

dédié au culte impérial, et également le titre de métropole, celui du

des réformes d’Auguste, en 27 av. J .- C ., la Macédoine devient une

siège du koinon des Macédoniens 4 . L’organisation interne du koinon

province sénatoriale dont le gouverneur siège à Thessalonique.

des Macédoniens est également le sujet d’une lettre de l’empereur

Elle comprend, outre les cités pérégrines (civitates stipendiariae),

Hadrien, de 137 apr. J .- C . L’empereur approuve la pétition du koinon

les colonies (coloniae) – Dion, Cassandrée, Pella, Philippes,

pour que les magistrats quittant leurs fonctions puissent suggérer

Buthrotum, Byllis et Dyrrachium – et les cités libres (civitates liberae)

des candidats à leur succession. Ils doivent cependant les en

– Thessalonique, Amphipolis et Skotoussa. Stobi appartient pour

informer trente jours avant la proposition 5 . Toutefois, les lettres

sa part aux cités qui ont un statut d’égalité avec les cités libres

impériales portent surtout sur des questions économiques, tel le

1

(municipia) . Étant une province démilitarisée (provincia inermis), la Macédoine vit en paix jusqu’au milieu du

iiie

siècle apr. J .- C .

2

contenu d’une lettre des empereurs Septime Sévère et Caracalla, récemment publiée, datée de 196/197 av. J .- C . et provenant d’Isar

environ . L’administration centrale s’intéresse d’une part à l’appli-

Marvinci (Idoméné ?). Après la guerre civile entre Septime Sévère

cation des lois et au maintien de l’ordre, et d’autre part à la collecte

et Pescennius Niger, la cité souffre d’une production agricole

des impôts. Près d’une quinzaine de lettres et de décrets impériaux

insuffisante pour assumer probablement ses charges de contri -

nous sont parvenus. Ils s’adressent soit au koinon des Macédoniens,

bution à l’annone. Les empereurs décident alors que la production

3

soit précisément à des cités de la province . La plupart de ces

locale sera désormais réservée aux citoyens de la cité et prennent

textes sont fragmentaires et leur contenu demeure souvent obscur.

des mesures pour importer des céréales de Cyrène 6 .

Une partie de la correspondance impériale concerne des privi -

Les témoignages sur les activités des gouverneurs provinciaux

lèges aux cités, tantôt nouvellement octroyés, tantôt renouvelés.

de Macédoine et des membres de leur suite sont rares 7 . La nomi -

Une inscription honorifique de Béroia rend compte d’une lettre

nation des gouverneurs se fait alors par tirage au sort habituel

de réponse de l’empereur Nerva : le personnage honoré, Quintus

des provinces, auquel participent des anciens stratèges (praetores)

1 Sur les cités de Macédoine, voir Papazoglou 1988b. Pour les

colonies, voir Rizakis 2003, p. 107-130. Selon toute vraisemblance, Apollonia, sur la côte adriatique, faisait également partie des cités libres, voir Cabanes 1996, 89-90. Pour le municipium de Stobi, voir Papazolgou 1986, p. 213-237. 2 Sur ces événements, voir la synthèse de Zahrnt 2010, p. 50-60. 3 Oliver 1989, passim ; Buraselis 1993-1994, p. 134-136 ; Souris 2001, p. 137-149 ; Souris 2008, p. 217-230.

4 Gounaropoulou, Helzopoulos 1998, n o 117. Sur les néocories

de Béroia et de Thessalonique, voir Burrel 2004, p. 190-204. 5 S E G , X X X V I I 593. 6 S E G , L V I 708 bis B . 7 À propos des gouverneurs romains de Macédoine,

voir Sarikakis 1977 ; Papazoglou 1979b, p. 227-249 ; Haensch 1997, p. 104-112, 447-450.

565


Villes et colonies romaines Thessalonique, siège de la province de Macédoine P. Adam-Véléni

En 148 av. J .- C ., après la révolte d’Andriskos à Pella contre les Romains, la Macédoine devient une province de l’Empire, et Thessalonique, le siège de son gouverneur (proconsul). La province de Macédoine est alors beaucoup plus étendue que l’ancien royaume macédonien. La situation géographique de Thessalonique – avec des voies de communication terrestre (la via Egnatia) et maritime (son port) – lui fig. 114

garantit son avenir de nouveau grand centre urbain de Macédoine. Des familles de commerçants juifs et de négociants romains,

époque qu’est construit le majestueux ensemble de l’agora. Sous

mais aussi des propriétaires fonciers ( egkekthmev u oi ), s’installent en

le règne d’Hadrien, la ville compte parmi les membres fondateurs

ville, redéfinissant ainsi l’aristocratie locale. Des inscriptions datant

du Panhellénion, ligue religieuse et culturelle créée en 131-132

des i i e et i i i e siècles apr. J .- C . nous permettent de penser que tous

apr. J.-C. par l’empereur philhellène, et dont le siège est à Athènes.

ces arrivants s’intégrèrent à la population locale et que leurs noms

Pour devenir membre du Panhellénion, il fallait obligatoirement

1

s’hellénisèrent complètement .

que la ville candidate fournît la preuve de sa grécité.

En 58 av. J .- C ., Cicéron, alors en exil, séjourna sept mois

À la fin du i i e siècle apr. J .- C ., T. Aelius Geminius Macedo,

à Thessalonique. Dans ses lettres à son ami Atticus, il qualifie

illustre citoyen de Thessalonique, reçoit le titre de bienfaiteur

la Macédoine de province « fidèle, et amie du peuple romain », et ne

de la ville, archonte du Panhellénion et fondateur d’un concours 5 .

manque pas d’exalter sa position stratégique et son importance. Pendant la guerre civile romaine (44-42 av. J .- C .), selon Appien

Au milieu du i i i e siècle apr. J .- C ., la ville est promue métropole, c’est-à-dire siège du prêtre du culte impérial. L’empereur Trajan

et Plutarque, les habitants de Thessalonique refusèrent d’accueillir

Dèce (249-251 apr. J .- C .) lui confère le titre honorifique de colonia,

les meurtriers de Jules César, Brutus et Cassius. Ainsi, après la victoire

l’assimilant ainsi à une colonie romaine. Elle est alors menacée

du triumvirat formé par Octave, Marc Antoine et Lépide à Philippes

par les Carpes et les Hérules, qui l’assiègent en 254 apr. J .- C ., puis

en 42 av. J .- C ., Thessalonique fut récompensée pour son attitude

par les Goths, en 268 apr. J .- C . La prise de la ville est évitée grâce

2

et fut proclamée « libre » (civitas libera) .

à ses puissants remparts et, si l’on en croit la légende, grâce à

Avec la paix romaine (pax romana) d’Octave, en 31 av. J .- C .,

la présence du dieu Cabire, protecteur des habitants 6 . Malgré ces

le monde se dote pour la première fois d’un pouvoir central unique,

événements, Thessalonique connaît au i i i e siècle, sous la dynastie

Rome, où toutes les forces économiques et politiques sont rassemblées.

des Sévères, un essor considérable.

Dès les premières années de l’Empire, Thessalonique connaît un essor important. Les richesses affluent et la ville s’orne d’édifices 3

somptueux .

C’est durant la tétrarchie, au début du i v e siècle apr. J .- C ., que Thessalonique atteint son apogée. Elle devient bientôt la capitale de ce secteur de l’Empire romain, auquel est rattachée la péninsule

Au milieu du i er siècle apr. J .- C ., l’apôtre Paul évangélise la

Balkanique. L’immense ensemble palatial impérial construit sous

communauté juive hellénophone de la ville, où la population païenne

le tétrarque Galère sert de résidence à de nombreux empereurs

est souveraine.

jusqu’à l’époque de Théodose I I , période durant laquelle la charge

Au milieu du

iie

siècle apr. J .- C ., Thessalonique est citée comme

la ville la plus peuplée de la province de Macédoine 4 . C’est à cette 1 2 3 4 5 6

Ensemble palatial impérial construit sous Galère

Misailidou-Despotidou 1997b. Sverkos 2001a. Adam-Véléni 2001b. Nigdélis 2006. Adam-Véléni 2002. Touratsoglou 1988.

administrative du secteur oriental de l’Empire romain est défini tivement transférée à la toute récente Constantinople.

567


Béroia romaine, siège du koinon des Macédoniens V. Allamani-Souri

À l’époque des Antigonides, Béroia connaît sa première période

les combats en apportant des détails importants sur leur organi -

de grande prospérité, mais, à la faveur de la domination romaine,

sation 7 . Ces spectacles sanglants sont exceptionnellement coûteux

elle se développe de façon exceptionnelle et devient la deuxième

et témoignent de la concentration de moyens financiers importants

ville de Macédoine après Thessalonique. Vaste, peuplée, caractéri-

entre les mains d’individus appartenant à la catégorie sociale

sée par une forte présence étrangère, essentiellement romaine,

la plus élevée, qui assument les frais de leur organisation.

et nantie d’une riche classe dominante de commerçants et de une ère nouvelle : la macédoine antique sous domination romaine

propriétaires terriens, elle bénéficie dès le

i er

siècle apr. J .- C . de

Plus généralement, ces festivités forment le cadre pratique indispensable à l’élaboration des notions abstraites relatives à

la bienveillance de l’administration romaine, et reçoit la néocorie

l’idée d’empire et à l’actualisation de cette idée en tant qu’institution

et le titre de métropole 1 . Sa position dominante dans le nouvel

politique comme, d’ailleurs, en tant que phénomène religieux 8 .

ordre des choses se maintient sans interruption jusqu’au milieu

Dans le même temps toutefois, elles offrent matière à rivalité :

du

iiie

siècle apr. J .- C . : l’importance des vestiges d’édifices publics

l’organisation des sacrifices ou la place d’honneur du grand prêtre

et privés le prouve, mais aussi et surtout le riche matériel épigra-

dans la procession (le propompeivo n ) mais aussi la réglementation

phique, de nature variée, qui éclaire l’histoire de la cité, durant

concernant le financement des festivités sont autant de sujets

toute la période de la domination romaine, en tant que siège

qui touchent à la souveraineté des cités et constituent l’occasion de sérieuses querelles entre elles 9 .

2

du koinon des Macédoniens . Cette dignité élève la cité au statut de centre religieux et

Pour finir, très nombreux sont les monuments honorifiques qui

cérémoniel, avec tous les privilèges que cela suppose, attisant la

ont été conservés et qui étaient dressés dans les lieux publics par

rivalité sous-jacente avec Thessalonique, laquelle est légitimement

les synèdres du koinon en l’honneur de ses différents dignitaires ou

3

choisie comme capitale de la province de Macédoine . En tant

d’autres personnages, connus pour différents actes d’évergétisme

qu’union non politique, outre d’autres prérogatives parmi lesquelles

dans la cité. Ces inscriptions constituent un trésor d’anthroponymes

la frappe des monnaies et la charge de l’entretien des temples, le

en ce qui concerne les grands prêtres et les macédoniarques, c’est-

koinon a pour principale activité l’organisation du culte impérial,

à-dire les personnalités officielles du koinon, comme pour beaucoup

c’est-à-dire des cérémonies rituelles en l’honneur de l’empereur,

d’autres notables, de telle sorte que nous pouvons connaître

lesquelles s’accompagnent de festivités, de spectacles et de

fréquemment le stemma complet de différentes familles 10 .

4

concours . Telles sont les décisions sur lesquelles statuent les synèdres des cités du koinon qui se réunissent, à intervalles réguliers, à Béroia 5 . Parmi les différents spectacles qui déplacent les foules, figurent, directement importés de Rome, des combats de gladiateurs, de bêtes sauvages et des chasses. Nos connaissances concernant les fameux munera gladiatoria proviennent de témoignages épigraphiques et numismatiques mais aussi des monuments funéraires, ordinairement humbles, des gladiateurs, dont le total à Béroia s’élève à plus de trente et qui montrent la fréquence des combats et l’existence d’une école de gladiateurs dans la capitale du koinon 6 . Nous bénéficions d’informations plus détaillées grâce aux inscriptions qui ressortissent au type de l’« invitation aux combats de gladiateurs et aux chasses » (invitationes ad munera venationum et gladiatorum). Celles-ci sont dressées sur les agoras de toutes les cités du koinon et jouent, pour l’époque, le rôle d’affiches : elles font connaître

568

1 Gounaropoulou, Hetzopoulos 1998, n o 37-40 ;

cat. exp. Melbourne 1988, p. 40-41, 95-96. Gounaropoulou, Hetzopoulos 1998 ; Brocas-Deflassieux 1999. Kanatsoulis 1956, p. 27-102 ; Allamani-Souri 2003, p. 100-103. Price 1983, p. 101-114 ; Allamani-Souri 2003, p. 98-119. Kanatsoulis 1956, p. 43-51. Allamani-Souri 1987, p. 33-51 ; Nigdélis, Stéfani 2000, p. 87-107 ; Koukouvou 2006, p. 161-173. 7 Touratsoglou 1970, p. 280-290 ; Vélénis 1999, p. 1317-1327. 8 Price 1983, p. 7-22. 9 Price 1983, p. 126-132. 10 Kanatsoulis 1956, p. 70-93 ; Tataki 1988, p. 447-448, 456-465. 2 3 4 5 6

fig. 115 Béroia, buste du dieu fleuve Olganos,

IIe

siècle apr. J.-C.

véria, musée archéologique


Édessa romaine

Sous l’Empire romain, Édessa appartenait aux villes pérégrines et eut le droit de frapper monnaie en son nom dès l’époque d’Auguste. Des commerçants romains (negotiatores) s’étaient installés dans la ville, mais les institutions demeurèrent celles qui avaient été établies à des époques plus anciennes : la boulé, les politarques et le gymnase pour l’éducation des jeunes. Aux divinités féminines vénérées à Édessa à l’époque hellénistique 1 s’ajoutèrent Némésis Drasteia, Artémis Agrotéra, la Mère

fig. 116 Vue du site archéologique d’Édessa

des dieux et Cybèle. Le plus grand centre religieux de la ville était

villes et colonies romaines

A. Chrysostomou

le sanctuaire de la déesse Ma duquel proviennent des éléments architecturaux gravés de très nombreux actes d’affranchissement. Parmi les divinités masculines, on compte encore les Dioscures, Hermès, le héros cavalier et Sabazios. Sur l’inscription honorifique de Claudia Ocellina, prêtresse du temple du dieu et surtout prêtresse de la ville des Édesséens, Dionysos fait figure de dieu ancestral : dans l’épigramme du modeste relief funéraire d’un jeune porc 2 , outre la mention d’Édessa comme cité de la via Egnatia, on trouve une référence aux Phallophories, fête donnée en l’honneur du dieu. Avec la domination chrétienne apparurent les premières basiliques paléochrétiennes. Elles furent construites à l’intérieur et à l’extérieur des murs, à l’emplacement des anciens temples. Quand, au troisième quart du i i i e siècle apr. J .- C ., il devint clair que les Goths menaçaient d’envahir l’Empire, la ville entreprit de restaurer ses remparts, puis de les renforcer ultérieurement, à l’époque paléochrétienne, par l’élévation d’un avant-mur. Au

cimetières sur l’acropole 3 . Une tombe importante a ainsi été mise

i v e siècle apr. J .- C ., l’avenue centrale de la ville basse s’ornait

au jour au nord de l’acropole, dans la région des cascades, près

sur toute sa longueur de portiques derrière lesquels s’ouvraient

du passage de la via Egnatia. Cette sépulture constitue le chaînon

des boutiques et des ateliers qui furent actifs jusqu’à la dernière

manquant entre les tombes « macédoniennes » de l’époque hellénis-

destruction et à l’abandon progressif de la cité à la fin du

vie

ou

au début du v i i e siècle apr. J .- C . Des casernes devaient se trouver près de la porte sud, tandis qu’un autre bâtiment servait d’entrepôt. Aux nécropoles des époques précédentes qui continuèrent à être

tique et les tombes à chambre voûtée des époques romaine et paléochrétienne. Les inscriptions funéraires offrent une riche moisson d’infor mations sur la société d’Édessa grâce aux mentions de personnages

utilisées et présentaient les mêmes types de sépultures – tombes à

historiques mais aussi de gens simples et de leurs métiers – hommes

fosse, à tuiles et à ciste, tombes rupestres – s’ajoutèrent deux autres

politiques, militaires ou dignitaires ecclésiastiques.

1 Sur les cultes de l’époque hellénistique, voir annexe I des sites,

Édessa. 2 Daux 1970, p. 609-618. 3 Voir annexe I des sites, Édessa.

569


Philippes, colonie romaine

1

une ère nouvelle : la macédoine antique sous domination romaine

C. Brélaz

fig. 117 Vue du centre monumental du site archéologique de Philippes. Au premier plan, la place basse du forum de la colonie.

Fondée par le roi Philippe I I en 356 av. J .- C ., la cité de Philippes

que la majeure partie du massif du Pangée, et il s’étendait jusqu’aux

fut, en 42 av. J .- C ., le théâtre de l’un des affrontements décisifs des

abords du Nestos.

guerres civiles romaines. C’est sous les murs de la ville que le parti

En dépit de son emplacement sur la via Egnatia – la grande

césarien mené par Antoine et Octave vainquit les républicains Brutus

route reliant Dyrrhachium à Byzance –, Philippes demeura une ville

et Cassius, qui s’étaient retranchés en Orient. À l’issue de la bataille,

d’importance secondaire. C’est par le port de Néapolis, l’actuelle

Antoine tira profit de la plaine entourant Philippes pour y installer

Kavala, qui dépendait de la colonie, que l’apôtre Paul aborda pour

ses vétérans. La cité macédonienne fut alors abolie et une colonie

la première fois sur le sol européen en 49. La communauté qu’il y

romaine lui fut substituée. Une grande partie de la population locale

fonda se développa à un degré tel que Philippes devint un des hauts

fut dépossédée de ses terres au bénéfice des soldats romains. Après

lieux du christianisme à l’époque protobyzantine. Dans l’intervalle,

la victoire d’Auguste à Actium, en 31 av. J .- C ., la colonie fut renforcée

le grec y avait supplanté le latin et le pouvoir épiscopal y avait

par l’arrivée de civils italiens chassés de la péninsule du fait de

remplacé les institutions municipales.

leur soutien à Antoine. Durant trois siècles, la colonia Julia Augusta Philippiensis fut un îlot de latinité en Macédoine orientale. Bien que la popula tion indigène restée dans la région, d’origine thrace ou grecque, eût continué à parler le grec, la langue officielle de la nouvelle communauté politique était le latin. Les droits civiques étaient réservés aux colons et les charges publiques furent monopolisées par une mince élite d’origine italienne. Le centre de la ville de Philippes fut pourvu de monuments publics d’envergure répondant aux besoins de la population romaine. Le territoire rural de la colonie, peuplé surtout de Thraces, englobait la plaine de Drama,

570

recouverte alors d’un marais dans sa portion méridionale, ainsi 1 Collart 1937 ; Boyd, Provost 2001 ; Boyd, Provost 2002 ;

Sève 2004 ; Brélaz, Frei-Stolba, Rizakis et al. 2006 ; Rizakis 2006 ; Tirologos 2006.

fig. 118 Pella, plaque de marbre inscrite en grec et en latin, relative aux problèmes engendrés par le maintien du cursus publicus


Cultes et sanctuaires

une ère nouvelle : la macédoine antique sous domination romaine

E. Voutiras

La défaite de Persée par Paul Émile et les Romains à Pydna en

La célébration du culte impérial eut une importance toute parti-

168 av. J .- C . et l’abolition de la monarchie qui s’ensuivit eurent aussi

culière en Macédoine sous la domination romaine : c’était l’activité

des conséquences sur la vie religieuse en Macédoine. Le roi jouait

principale du koinon des Macédoniens, dont le siège se trouvait

en effet un rôle important dans la conduite de grandes fêtes, comme

à Béroia et auquel participaient, par leurs représentants, toutes les

les Olympia de Dion, et participait aux rituels, en particulier à ceux

villes de Macédoine 9 . À Thessalonique a été mis au jour un lieu de

qui avaient trait à l’armée 1 . Même s’il n’existe aucun témoignage

culte où, sous la dynastie des Sévères, la vénération des empereurs

indiquant que la réorganisation politique de la Macédoine eut

allait de pair avec celle d’Alexandre le Grand et de sa famille 10 . Dans

comme conséquence des changements religieux importants, il est

un édifice monumental situé au nord de l’agora romaine, se dressait

néanmoins certain que furent introduits des cultes qui reflétaient

une grande statue acrolithe d’Athéna, de type Médicis, dont la tête

la nouvelle réalité politique. Le plus important d’entre eux était

fut retravaillée ultérieurement afin d’être transformée en portrait

le culte de Rome et des Romains bienfaiteurs (évergètes) 2 . Nous

de l’impératrice Julia Domna 11 , épouse de Septime Sévère (cat. 363).

ne savons pas si ce dernier fut instauré après la bataille de Pydna

Dans le même complexe se trouvaient également des statues

ou après la répression du soulèvement d’Andriskos, en 148 av. J .- C .,

de Philippe I I , Alexandre le Grand, Olympias et Thessaloniké,

et la transformation de la Macédoine en province romaine. Il est toutefois significatif que le culte de Rome ait été lié à celui de Zeus Éleuthérios, présentant ainsi les Romains comme ceux qui avaient libéré le pays du pouvoir monarchique. Une inscription d’Éordée datant de la fin du i i e siècle av. J .- C . constitue le plus ancien témoignage du culte de Zeus Éleuthérios et de Rome en Macédoine 3 . Ultérieurement, au culte de Zeus et de Rome s’ajouta celui des empereurs. À Kalindoia, petite cité située à l’est de Thessalonique, la découverte d’un décret daté du i er siècle apr. J .- C . ainsi que d’une nouvelle inscription révèle que Zeus, Rome et l’empereur possédaient un prêtre commun 4 . Le lien étroit entre la déesse Rome et le culte impérial est égale ment manifeste à Thessalonique puisque c’est dans un grand temple périptère ionique construit au début de l’époque impériale avec des élé ments architecturaux de la fin de l’époque archaïque en remploi 5 , probablement transportés de la ville voisine d’Aineia 6 , que fut découverte une statue de la déesse Rome (fig. 125) avec des statues d’empereurs 7 . Si l’on en juge par une inscription aujourd’hui perdue, il n’est pas exclu qu’il se soit agi du temple construit par les habitants de Thessalonique en l’honneur de Jules César divinisé 8 .

594

Hatzopoulos 1994b, p. 89-92. Papazoglou 1979a, p. 307-308. Rizakis, Touratsoglou 1985, n o 93. Cat. exp. Thessalonique 2008, n o 8, p. 109-110, n o 32, p. 164-165 [K. Sismanidis]. Tasia, Lola, Peltékis 2000 ; Karadédos 2006 ; Steimle 2008, p. 28-49. Voutiras 1999, p. 1331-1341. Despinis, Stéfanidou-Tivériou, Voutiras 2003, n o 212, p. 73-75, fig. 588-591 [E. Gounari]. 8 Steimle 2008, p. 49-54. 9 Kanatsoulis 1956. 10 Stéfanidou-Tivériou 2001a. 11 Despinis, Stéfanidou-Tivériou, Voutiras 1997, n o 72, p. 99-101, fig. 158-165 [G. Despinis]. 1 2 3 4 5 6 7

fig. 125 Statue de la déesse Rome thessalonique, musée archéologique



une ère nouvelle : la MacÊdoine antique sous domination romaine


La conquête du royaume

une ère nouvelle : la macédoine antique sous domination romaine

P. M. Nigdélis

Quelques mois après leur victoire – sur Persée, le dernier roi de

plus large, la révolte s’empara de toute la Macédoine en 149 av. J .- C .

Macédoine, à Pydna en 168 av. J .- C . – les Romains furent confrontés

Couronnée de brèves victoires sur les Romains, elle fut finalement

au problème de la future administration de la Macédoine, puisqu’ils

écrasée à Pydna un an plus tard par les légions de Q. Caecilius Metellus 2 .

avaient décidé d’en abolir la royauté. Pour des raisons d’équilibre

L’an 148 av. J .- C . marqua une rupture dans l’histoire de la région car

politique à l’intérieur de Rome, l’idée de créer une province fut

la Macédoine devint alors le cœur de la province du même nom, créée

d’emblée exclue. Au lieu de cela, les cercles dirigeants de Rome

par les Romains et dirigée par un gouverneur (le plus souvent un ancien

imposèrent à la Macédoine un règlement particulier qui, en

général de l’armée [praetor]) pourvu d’attributions civiles et militaires,

apparence, lui laissait son autonomie politique, mais qui, de fait, la

ainsi que de terres dont la super ficie augmenta sans cesse jusqu’à

privait de tout rôle dans la région puisqu’il prévoyait son démembre-

l’instauration du régime impérial 3 . Le rôle de la Macédoine fut parti -

ment en quatre districts (merides) administrés par des institutions

culièrement important dans l’Empire puisqu’en réalité les gouverneurs

démocratiques (fig. 112). La première meris s’étendait du Nestos

– grâce aux légions que le Sénat envoyait à chaque occasion – utilisaient

au Strymon (incluant les régions de la Sintique et de la Bisaltie,

la région comme base stratégique pour des expéditions guerrières

à l’ouest du fleuve), la deuxième, du Strymon à l’Axios (comprenant

répétées, ce qui permit finalement aux Romains de dominer la péninsule

vers le nord la Péonie orientale, sur le cours moyen de l’Axios),

Balkanique environ un siècle et demi après la création de la province.

la troisième, à l’ouest de l’Axios, à l’est du mont Vermion et au nord

Ces opérations militaires n’étaient pas toujours fructueuses, se soldant

du fleuve Pénée, avec une frontière septentrionale imprécise, et

parfois par des invasions de tribus barbares, bouleversant la vie des

la quatrième, sur les terres de l’Éordée, de l’Élimée, de la Lyncestide,

habitants, aboutissant même à des situations très sérieuses, comme

de la Derriopos, de la Pélagonie et de la Pélagonie occidentale,

l’occupa tion de la Macédoine par les forces de Mithridate en 85 av. J .- C . 4 .

aux frontières communes avec la Dardanie. Les capitales de ces districts étaient respectivement Amphipolis, Thessalonique, Pella

essentiel au cours des deux guerres civiles romaines opposant César

et Pélagonia. Une série de mesures d’ordre économique, comme

à Pompée d’une part, Marc Antoine et Octave à Cassius et Brutus d’autre

l’étatisation des monopoles royaux (marais salants, mines de cuivre

part 5 . Mais l’importance de la province de Macédoine commença

et de fer), mais aussi l’interdiction d’effectuer des transactions

à décroître à partir de 27 av. J .- C . En effet, la réforme du mois d’août

foncières ou immobilières entre personnes issues de différentes

de cette même année la plaça sous la juridiction du Sénat, qui réduisit

merides, aggravèrent l’affaiblissement de la Macédoine. La défense

considérablement sa superficie : elle ne couvrait plus désormais

de la région était assurée par des garnisons militaires, dont

que le royaume d’origine et une partie de l’Illyrie méridionale. Vers

l’entretien revenait aux trois merides qui partageaient leurs

10 av. J .- C ., elle devint une province démilitarisée (provincia inermis)

1

frontières avec des tribus barbares voisines . Rapidement, en l’espace d’une vingtaine d’années, ce choix se

558

La puissance militaire de la Macédoine lui permit de jouer un rôle

puisque le siège des légions romaines fut transféré plus au nord, dans la région de la Mésie. Il est probable que pour des raisons militaires,

révéla utopique dans la mesure où n’étaient assurées ni la stabilité

en 15 apr. J .- C ., sous Tibère, elle fut intégrée avec cette dernière à

politique ni la sécurité des habitants de la région, ce qui fut démontré

l’Achaïe pour ne faire qu’une seule et unique province, gouvernée par un

par des conflits civils isolés et, surtout, par l’épisode révolutionnaire

émissaire de Rome 6 . Trente ans plus tard, en 44 apr. J .- C ., sous l’empereur

d’Andriskos, l’usurpateur du trône de Macédoine. Tout d’abord

Claude, la province, augmentée de la Thessalie, réintégra le régime admi-

limitée à quelques tribus thraces, puis soutenue par une population

nistratif de 27 av. J .- C . et y demeura jusqu’à la fin du i i i e siècle apr. J .- C .

1 Pour les mesures prises par les Romains après la bataille

de Pydna, voir Papazoglou 1982, p. 192 sq. 2 Sur la révolte d’Andriskos, voir MacKay 1964 ; Heliesen 1968. 3 Pour l’histoire de la province de Macédoine, voir en dernier

Zahrnt 2010. 4 Pour les invasions barbares, voir Papazoglou 1978, passim ;

Papazoglou 1979a, p. 312-321. 5 Pour les guerres civiles romaines qui se déroulèrent sur

le sol macédonien, voir Papazoglou 1979a, p. 321-325. 6 Sur la réforme administrative de Tibère, voir Sarikakis 1997,

p. 13 sq.


la conquête du royaume

fig. 112 Les quatre discricts (merides) de la Macédoine après 168 av. J.-C.

Pendant la plus grande partie de cette période, la Macédoine, comme le reste de la partie orientale de l’Empire, bénéficia des conséquences de la « paix romaine » (pax romana). L’image d’une province paisible où la vie n’était que rarement troublée par des guerres changea toutefois radicalement au milieu du i i i e siècle apr. J .- C . À deux occasions, des légions déplacées dans la région proclamèrent empereurs leurs dirigeants. Il s’agissait des usurpateurs T. Iulius Priscus, en 250 apr. J .- C ., et Valens, qui prit le surnom de Thessalonicus en 261 apr. J .- C . Ajoutons qu’à une autre occasion, au moins, l’issue d’un combat civil pour asseoir le pouvoir impérial de Philippe l’Arabe ou de Trajan Dèce fut jugée à l’extérieur de Béroia en 249 apr. J .- C . en faveur du second. Les conditions d’instabilité et d’insécurité perdurèrent les années suivantes avec les incursions des Goths, qui arrivaient des provinces proches des frontières de Dacie et de Mésie, dévastant la campagne et assiégeant de grands centres urbains comme Cassandrée et Thessalonique. Cela se produisit deux fois, en 253 et 268 apr. J .- C . La situation ne redevint normale que quelques années plus tard avec l’avènement de Dioclétien, en 284 apr. J .- C . Sous son autorité, et selon les réformes adminis tratives de 297 apr. J .- C ., l’étendue de la province de Macédoine se réduisit encore lorsqu’elle fut privée de l’Illyrie méridionale et de la Thessalie, et fut rattachée à la circonscription élargie de Mésie inférieure et supérieure 7 . 7 Sur l’histoire administrative et politique de la Macédoine

sous l’Empire romain, voir infra E. Sverkos p. 565.

559


La Macédoine sous domination romaine La défaite de Persée contre Paul Émile, en 168 av. J .- C . à Pydna, met fin à

battent monnaie en signant de leur nom et de leur fonction, mais les

la monarchie macédonienne. Désormais placée sous le contrôle de Rome,

émissions au nom d’Aesillas durent bien au-delà d’une magistrature

la Macédoine est partagée en quatre régions (merides) sans pour autant

ordinaire. Le type en a visiblement été fixé et a continué à être frappé

être transformée en province. Jusqu’en 158 av. J .- C ., l’exploitation

pendant plusieurs années, probablement entre 95 et 75 av. J .- C ., avec

des mines est interdite. C’est seulement après cette date que chacune

une interruption d’une dizaine d’années après 87 av. J .- C . 3 . Ces monnaies

des quatre régions frappe monnaie à son nom mais avec des types

illustrent l’importance de la Macédoine pour Rome dans son avancée vers

communs. Au droit est représentée une délicate tête d’Artémis,

l’est : la province est en effet désormais traversée par la via Egnatia, qui

la déesse chasseresse, reconnaissable au carquois et à l’arc qu’elle

est, depuis Rome, la route la plus directe entre l’Adriatique et l’Orient.

porte sur l’épaule. Elle figure au centre d’un bouclier macédonien,

F D

une ère nouvelle : la macédoine antique sous domination romaine

dans la continuité du monnayage antigonide. Au revers, la massue est l’attribut d’Héraklès ; elle servait déjà de type à certains tétradrachmes de Philippe V . La couronne de feuilles de chêne, qui entoure le type, couronne Zeus sur d’autres monnaies, rarissimes, de la première région de Macédoine. Héraklès et Zeus marquent une continuité symbolique avec l’ancienne dynastie de Macédoine et Alexandre le Grand, dont ils sont les dieux tutélaires. La première région, qui signe ses monnaies M A K E D O N W N P R W T H S , a pour capitale Amphipolis. C’est le principal atelier macédonien de cette période pour le volume de la production : Amphipolis contrôle la région du mont Pangée et ses mines d’argent. En outre, ces monnaies de Macédoine Première ont surtout été retrouvées hors de Macédoine, ce qui laisse supposer qu’elles ont été frappées

350 Tétradrachme de Macédoine Première date d’émission : 158-150 av. J .- C . atelier monétaire : Amphipolis argent d. 3,13 cm ; poids 16,9 g ; axe 8 h paris, bibliothèque nationale de france, département des monnaies, médailles e t a n t i q u e s [fonds général 78]

pour couvrir des dépenses extérieures à la région, sans doute militaires. Des tétradrachmes de la deuxième région (capitale : Thessalonique)

B I B L I O G R A P H I E

S N G Copenhague 10, 1313.

sont attestés en moins grand nombre, et la quatrième région a émis des monnaies de bronze. La troisième région (capitale : Pella) ne paraît pas

droit : tête d’Artémis à droite, arc et carquois sur

avoir eu d’atelier. La tutelle romaine ne semble pas avoir été très lourde

l’épaule, au centre d’un bouclier macédonien.

durant cette période. La révolte d’Andriskos, qui se présente comme

revers : massue horizontale, M A K E D O N W N

le petit-fils de Philippe V , oblige Rome à intervenir directement. Une

P R W T H S, monogrammes dans le champ en haut

émission de tétradrachmes aux noms des Macédoniens (M A K E D O N W N )

et en bas, le tout dans une couronne de feuilles de

porte aussi la mention L E G en caractères latins. Il est possible de

chêne. Foudre vertical dans le champ extérieur

développer cette abréviation en L E G ( A T I O ) , qui désignerait une

gauche. F D

ambassade venue négocier avec Andriskos 1 . On peut aussi proposer la lecture L E G ( A T U S ) , légat, titre militaire qui fait référence à l’intervention armée à laquelle Rome doit se résoudre 2 . Le type de revers des monnaies des régions est adroitement modifié pour rendre compte de cet épisode : en plus de cette légende spécifique, il inclut une main tenant un rameau d’olivier, symbole du retour à la paix. La Macédoine

351 Tétradrachme de Macédoine Première

devient alors une province romaine. Cette émission de tétradrachmes

date d’émission : 158-150 av. J .- C .

de l’ambassade est le dernier monnayage d’argent macédonien avant

atelier monétaire : Amphipolis

le i er siècle. Après 148 av. J .- C ., la région est alimentée en argent par

argent

l’abondante production d’ateliers grecs de Thrace. Au i er siècle av. J .- C ., de nouveaux tétradrachmes sont frappés au nom des Macédoniens. Ils figurent au droit une tête idéalisée d’Alexandre

d. 3,38 cm ; poids 16,83 g ; axe 3 h paris, bibliothèque nationale de france, département des monnaies, médailles e t a n t i q u e s [delepierre 1073]

le Grand, les cheveux flottants, évocateur du glorieux passé de ce peuple. Le revers, au contraire, signale sans ambiguïté la domination romaine

B I B L I O G R A P H I E

S N G Copenhague 10, 1310-1315 var.

par le biais des attributs du questeur (une urne et un siège spécifiques),

560

magistrat responsable des finances de la province. Ne reste de macédo -

droit : tête d’Artémis à droite, arc et carquois sur

nien au revers que la massue d’Héraklès ; même la couronne n’est plus de

l’épaule, au centre d’un bouclier macédonien.

feuilles de chêne. Deux autres magistrats romains, vers la même époque,

revers : massue horizontale, M A K E D O N W N

1 Price 1974. 2 Tsangari 2009, p. 60. 3 Callataÿ 1996.

P R W T H S, monogrammes dans le champ en haut et en bas, le tout dans une couronne de feuilles de chêne. Foudre vertical dans le champ extérieur gauche. F D


351

352

353

354

355

356

357

la conquĂŞte du royaume

350

561


La Macédoine à l’époque impériale E. Sverkos

fig. 113 La province sénatoriale de la Macédoine

La victoire d’Octave à Actium marque le début d’une ère nouvelle

Popillius Python, faisait partie d’une ambassade envoyée auprès

pour la Macédoine. Parallèlement au calendrier local commençant

de l’empereur afin d’obtenir que Béroia soit la seule cité de la

en 148 av. J .- C ., les Macédoniens instaurent un système chrono -

province à posséder la néocorie, à savoir le droit de fonder le temple

logique à partir de l’année de la victoire, en 31 av. J .- C . À la suite

dédié au culte impérial, et également le titre de métropole, celui du

des réformes d’Auguste, en 27 av. J .- C ., la Macédoine devient une

siège du koinon des Macédoniens 4 . L’organisation interne du koinon

province sénatoriale dont le gouverneur siège à Thessalonique.

des Macédoniens est également le sujet d’une lettre de l’empereur

Elle comprend, outre les cités pérégrines (civitates stipendiariae),

Hadrien, de 137 apr. J .- C . L’empereur approuve la pétition du koinon

les colonies (coloniae) – Dion, Cassandrée, Pella, Philippes,

pour que les magistrats quittant leurs fonctions puissent suggérer

Buthrotum, Byllis et Dyrrachium – et les cités libres (civitates liberae)

des candidats à leur succession. Ils doivent cependant les en

– Thessalonique, Amphipolis et Skotoussa. Stobi appartient pour

informer trente jours avant la proposition 5 . Toutefois, les lettres

sa part aux cités qui ont un statut d’égalité avec les cités libres

impériales portent surtout sur des questions économiques, tel le

1

(municipia) . Étant une province démilitarisée (provincia inermis), la Macédoine vit en paix jusqu’au milieu du

iiie

siècle apr. J .- C .

2

contenu d’une lettre des empereurs Septime Sévère et Caracalla, récemment publiée, datée de 196/197 av. J .- C . et provenant d’Isar

environ . L’administration centrale s’intéresse d’une part à l’appli-

Marvinci (Idoméné ?). Après la guerre civile entre Septime Sévère

cation des lois et au maintien de l’ordre, et d’autre part à la collecte

et Pescennius Niger, la cité souffre d’une production agricole

des impôts. Près d’une quinzaine de lettres et de décrets impériaux

insuffisante pour assumer probablement ses charges de contri -

nous sont parvenus. Ils s’adressent soit au koinon des Macédoniens,

bution à l’annone. Les empereurs décident alors que la production

3

soit précisément à des cités de la province . La plupart de ces

locale sera désormais réservée aux citoyens de la cité et prennent

textes sont fragmentaires et leur contenu demeure souvent obscur.

des mesures pour importer des céréales de Cyrène 6 .

Une partie de la correspondance impériale concerne des privi -

Les témoignages sur les activités des gouverneurs provinciaux

lèges aux cités, tantôt nouvellement octroyés, tantôt renouvelés.

de Macédoine et des membres de leur suite sont rares 7 . La nomi -

Une inscription honorifique de Béroia rend compte d’une lettre

nation des gouverneurs se fait alors par tirage au sort habituel

de réponse de l’empereur Nerva : le personnage honoré, Quintus

des provinces, auquel participent des anciens stratèges (praetores)

1 Sur les cités de Macédoine, voir Papazoglou 1988b. Pour les

colonies, voir Rizakis 2003, p. 107-130. Selon toute vraisemblance, Apollonia, sur la côte adriatique, faisait également partie des cités libres, voir Cabanes 1996, 89-90. Pour le municipium de Stobi, voir Papazolgou 1986, p. 213-237. 2 Sur ces événements, voir la synthèse de Zahrnt 2010, p. 50-60. 3 Oliver 1989, passim ; Buraselis 1993-1994, p. 134-136 ; Souris 2001, p. 137-149 ; Souris 2008, p. 217-230.

4 Gounaropoulou, Helzopoulos 1998, n o 117. Sur les néocories

de Béroia et de Thessalonique, voir Burrel 2004, p. 190-204. 5 S E G , X X X V I I 593. 6 S E G , L V I 708 bis B . 7 À propos des gouverneurs romains de Macédoine,

voir Sarikakis 1977 ; Papazoglou 1979b, p. 227-249 ; Haensch 1997, p. 104-112, 447-450.

565


Villes et colonies romaines Thessalonique, siège de la province de Macédoine P. Adam-Véléni

En 148 av. J .- C ., après la révolte d’Andriskos à Pella contre les Romains, la Macédoine devient une province de l’Empire, et Thessalonique, le siège de son gouverneur (proconsul). La province de Macédoine est alors beaucoup plus étendue que l’ancien royaume macédonien. La situation géographique de Thessalonique – avec des voies de communication terrestre (la via Egnatia) et maritime (son port) – lui fig. 114

garantit son avenir de nouveau grand centre urbain de Macédoine. Des familles de commerçants juifs et de négociants romains,

époque qu’est construit le majestueux ensemble de l’agora. Sous

mais aussi des propriétaires fonciers ( egkekthmev u oi ), s’installent en

le règne d’Hadrien, la ville compte parmi les membres fondateurs

ville, redéfinissant ainsi l’aristocratie locale. Des inscriptions datant

du Panhellénion, ligue religieuse et culturelle créée en 131-132

des i i e et i i i e siècles apr. J .- C . nous permettent de penser que tous

apr. J.-C. par l’empereur philhellène, et dont le siège est à Athènes.

ces arrivants s’intégrèrent à la population locale et que leurs noms

Pour devenir membre du Panhellénion, il fallait obligatoirement

1

s’hellénisèrent complètement .

que la ville candidate fournît la preuve de sa grécité.

En 58 av. J .- C ., Cicéron, alors en exil, séjourna sept mois

À la fin du i i e siècle apr. J .- C ., T. Aelius Geminius Macedo,

à Thessalonique. Dans ses lettres à son ami Atticus, il qualifie

illustre citoyen de Thessalonique, reçoit le titre de bienfaiteur

la Macédoine de province « fidèle, et amie du peuple romain », et ne

de la ville, archonte du Panhellénion et fondateur d’un concours 5 .

manque pas d’exalter sa position stratégique et son importance. Pendant la guerre civile romaine (44-42 av. J .- C .), selon Appien

Au milieu du i i i e siècle apr. J .- C ., la ville est promue métropole, c’est-à-dire siège du prêtre du culte impérial. L’empereur Trajan

et Plutarque, les habitants de Thessalonique refusèrent d’accueillir

Dèce (249-251 apr. J .- C .) lui confère le titre honorifique de colonia,

les meurtriers de Jules César, Brutus et Cassius. Ainsi, après la victoire

l’assimilant ainsi à une colonie romaine. Elle est alors menacée

du triumvirat formé par Octave, Marc Antoine et Lépide à Philippes

par les Carpes et les Hérules, qui l’assiègent en 254 apr. J .- C ., puis

en 42 av. J .- C ., Thessalonique fut récompensée pour son attitude

par les Goths, en 268 apr. J .- C . La prise de la ville est évitée grâce

2

et fut proclamée « libre » (civitas libera) .

à ses puissants remparts et, si l’on en croit la légende, grâce à

Avec la paix romaine (pax romana) d’Octave, en 31 av. J .- C .,

la présence du dieu Cabire, protecteur des habitants 6 . Malgré ces

le monde se dote pour la première fois d’un pouvoir central unique,

événements, Thessalonique connaît au i i i e siècle, sous la dynastie

Rome, où toutes les forces économiques et politiques sont rassemblées.

des Sévères, un essor considérable.

Dès les premières années de l’Empire, Thessalonique connaît un essor important. Les richesses affluent et la ville s’orne d’édifices 3

somptueux .

C’est durant la tétrarchie, au début du i v e siècle apr. J .- C ., que Thessalonique atteint son apogée. Elle devient bientôt la capitale de ce secteur de l’Empire romain, auquel est rattachée la péninsule

Au milieu du i er siècle apr. J .- C ., l’apôtre Paul évangélise la

Balkanique. L’immense ensemble palatial impérial construit sous

communauté juive hellénophone de la ville, où la population païenne

le tétrarque Galère sert de résidence à de nombreux empereurs

est souveraine.

jusqu’à l’époque de Théodose I I , période durant laquelle la charge

Au milieu du

iie

siècle apr. J .- C ., Thessalonique est citée comme

la ville la plus peuplée de la province de Macédoine 4 . C’est à cette 1 2 3 4 5 6

Ensemble palatial impérial construit sous Galère

Misailidou-Despotidou 1997b. Sverkos 2001a. Adam-Véléni 2001b. Nigdélis 2006. Adam-Véléni 2002. Touratsoglou 1988.

administrative du secteur oriental de l’Empire romain est défini tivement transférée à la toute récente Constantinople.

567


Béroia romaine, siège du koinon des Macédoniens V. Allamani-Souri

À l’époque des Antigonides, Béroia connaît sa première période

les combats en apportant des détails importants sur leur organi -

de grande prospérité, mais, à la faveur de la domination romaine,

sation 7 . Ces spectacles sanglants sont exceptionnellement coûteux

elle se développe de façon exceptionnelle et devient la deuxième

et témoignent de la concentration de moyens financiers importants

ville de Macédoine après Thessalonique. Vaste, peuplée, caractéri-

entre les mains d’individus appartenant à la catégorie sociale

sée par une forte présence étrangère, essentiellement romaine,

la plus élevée, qui assument les frais de leur organisation.

et nantie d’une riche classe dominante de commerçants et de une ère nouvelle : la macédoine antique sous domination romaine

propriétaires terriens, elle bénéficie dès le

i er

siècle apr. J .- C . de

Plus généralement, ces festivités forment le cadre pratique indispensable à l’élaboration des notions abstraites relatives à

la bienveillance de l’administration romaine, et reçoit la néocorie

l’idée d’empire et à l’actualisation de cette idée en tant qu’institution

et le titre de métropole 1 . Sa position dominante dans le nouvel

politique comme, d’ailleurs, en tant que phénomène religieux 8 .

ordre des choses se maintient sans interruption jusqu’au milieu

Dans le même temps toutefois, elles offrent matière à rivalité :

du

iiie

siècle apr. J .- C . : l’importance des vestiges d’édifices publics

l’organisation des sacrifices ou la place d’honneur du grand prêtre

et privés le prouve, mais aussi et surtout le riche matériel épigra-

dans la procession (le propompeivo n ) mais aussi la réglementation

phique, de nature variée, qui éclaire l’histoire de la cité, durant

concernant le financement des festivités sont autant de sujets

toute la période de la domination romaine, en tant que siège

qui touchent à la souveraineté des cités et constituent l’occasion de sérieuses querelles entre elles 9 .

2

du koinon des Macédoniens . Cette dignité élève la cité au statut de centre religieux et

Pour finir, très nombreux sont les monuments honorifiques qui

cérémoniel, avec tous les privilèges que cela suppose, attisant la

ont été conservés et qui étaient dressés dans les lieux publics par

rivalité sous-jacente avec Thessalonique, laquelle est légitimement

les synèdres du koinon en l’honneur de ses différents dignitaires ou

3

choisie comme capitale de la province de Macédoine . En tant

d’autres personnages, connus pour différents actes d’évergétisme

qu’union non politique, outre d’autres prérogatives parmi lesquelles

dans la cité. Ces inscriptions constituent un trésor d’anthroponymes

la frappe des monnaies et la charge de l’entretien des temples, le

en ce qui concerne les grands prêtres et les macédoniarques, c’est-

koinon a pour principale activité l’organisation du culte impérial,

à-dire les personnalités officielles du koinon, comme pour beaucoup

c’est-à-dire des cérémonies rituelles en l’honneur de l’empereur,

d’autres notables, de telle sorte que nous pouvons connaître

lesquelles s’accompagnent de festivités, de spectacles et de

fréquemment le stemma complet de différentes familles 10 .

4

concours . Telles sont les décisions sur lesquelles statuent les synèdres des cités du koinon qui se réunissent, à intervalles réguliers, à Béroia 5 . Parmi les différents spectacles qui déplacent les foules, figurent, directement importés de Rome, des combats de gladiateurs, de bêtes sauvages et des chasses. Nos connaissances concernant les fameux munera gladiatoria proviennent de témoignages épigraphiques et numismatiques mais aussi des monuments funéraires, ordinairement humbles, des gladiateurs, dont le total à Béroia s’élève à plus de trente et qui montrent la fréquence des combats et l’existence d’une école de gladiateurs dans la capitale du koinon 6 . Nous bénéficions d’informations plus détaillées grâce aux inscriptions qui ressortissent au type de l’« invitation aux combats de gladiateurs et aux chasses » (invitationes ad munera venationum et gladiatorum). Celles-ci sont dressées sur les agoras de toutes les cités du koinon et jouent, pour l’époque, le rôle d’affiches : elles font connaître

568

1 Gounaropoulou, Hetzopoulos 1998, n o 37-40 ;

cat. exp. Melbourne 1988, p. 40-41, 95-96. Gounaropoulou, Hetzopoulos 1998 ; Brocas-Deflassieux 1999. Kanatsoulis 1956, p. 27-102 ; Allamani-Souri 2003, p. 100-103. Price 1983, p. 101-114 ; Allamani-Souri 2003, p. 98-119. Kanatsoulis 1956, p. 43-51. Allamani-Souri 1987, p. 33-51 ; Nigdélis, Stéfani 2000, p. 87-107 ; Koukouvou 2006, p. 161-173. 7 Touratsoglou 1970, p. 280-290 ; Vélénis 1999, p. 1317-1327. 8 Price 1983, p. 7-22. 9 Price 1983, p. 126-132. 10 Kanatsoulis 1956, p. 70-93 ; Tataki 1988, p. 447-448, 456-465. 2 3 4 5 6

fig. 115 Béroia, buste du dieu fleuve Olganos,

IIe

siècle apr. J.-C.

véria, musée archéologique


Édessa romaine

Sous l’Empire romain, Édessa appartenait aux villes pérégrines et eut le droit de frapper monnaie en son nom dès l’époque d’Auguste. Des commerçants romains (negotiatores) s’étaient installés dans la ville, mais les institutions demeurèrent celles qui avaient été établies à des époques plus anciennes : la boulé, les politarques et le gymnase pour l’éducation des jeunes. Aux divinités féminines vénérées à Édessa à l’époque hellénistique 1 s’ajoutèrent Némésis Drasteia, Artémis Agrotéra, la Mère

fig. 116 Vue du site archéologique d’Édessa

des dieux et Cybèle. Le plus grand centre religieux de la ville était

villes et colonies romaines

A. Chrysostomou

le sanctuaire de la déesse Ma duquel proviennent des éléments architecturaux gravés de très nombreux actes d’affranchissement. Parmi les divinités masculines, on compte encore les Dioscures, Hermès, le héros cavalier et Sabazios. Sur l’inscription honorifique de Claudia Ocellina, prêtresse du temple du dieu et surtout prêtresse de la ville des Édesséens, Dionysos fait figure de dieu ancestral : dans l’épigramme du modeste relief funéraire d’un jeune porc 2 , outre la mention d’Édessa comme cité de la via Egnatia, on trouve une référence aux Phallophories, fête donnée en l’honneur du dieu. Avec la domination chrétienne apparurent les premières basiliques paléochrétiennes. Elles furent construites à l’intérieur et à l’extérieur des murs, à l’emplacement des anciens temples. Quand, au troisième quart du i i i e siècle apr. J .- C ., il devint clair que les Goths menaçaient d’envahir l’Empire, la ville entreprit de restaurer ses remparts, puis de les renforcer ultérieurement, à l’époque paléochrétienne, par l’élévation d’un avant-mur. Au

cimetières sur l’acropole 3 . Une tombe importante a ainsi été mise

i v e siècle apr. J .- C ., l’avenue centrale de la ville basse s’ornait

au jour au nord de l’acropole, dans la région des cascades, près

sur toute sa longueur de portiques derrière lesquels s’ouvraient

du passage de la via Egnatia. Cette sépulture constitue le chaînon

des boutiques et des ateliers qui furent actifs jusqu’à la dernière

manquant entre les tombes « macédoniennes » de l’époque hellénis-

destruction et à l’abandon progressif de la cité à la fin du

vie

ou

au début du v i i e siècle apr. J .- C . Des casernes devaient se trouver près de la porte sud, tandis qu’un autre bâtiment servait d’entrepôt. Aux nécropoles des époques précédentes qui continuèrent à être

tique et les tombes à chambre voûtée des époques romaine et paléochrétienne. Les inscriptions funéraires offrent une riche moisson d’infor mations sur la société d’Édessa grâce aux mentions de personnages

utilisées et présentaient les mêmes types de sépultures – tombes à

historiques mais aussi de gens simples et de leurs métiers – hommes

fosse, à tuiles et à ciste, tombes rupestres – s’ajoutèrent deux autres

politiques, militaires ou dignitaires ecclésiastiques.

1 Sur les cultes de l’époque hellénistique, voir annexe I des sites,

Édessa. 2 Daux 1970, p. 609-618. 3 Voir annexe I des sites, Édessa.

569


Philippes, colonie romaine

1

une ère nouvelle : la macédoine antique sous domination romaine

C. Brélaz

fig. 117 Vue du centre monumental du site archéologique de Philippes. Au premier plan, la place basse du forum de la colonie.

Fondée par le roi Philippe I I en 356 av. J .- C ., la cité de Philippes

que la majeure partie du massif du Pangée, et il s’étendait jusqu’aux

fut, en 42 av. J .- C ., le théâtre de l’un des affrontements décisifs des

abords du Nestos.

guerres civiles romaines. C’est sous les murs de la ville que le parti

En dépit de son emplacement sur la via Egnatia – la grande

césarien mené par Antoine et Octave vainquit les républicains Brutus

route reliant Dyrrhachium à Byzance –, Philippes demeura une ville

et Cassius, qui s’étaient retranchés en Orient. À l’issue de la bataille,

d’importance secondaire. C’est par le port de Néapolis, l’actuelle

Antoine tira profit de la plaine entourant Philippes pour y installer

Kavala, qui dépendait de la colonie, que l’apôtre Paul aborda pour

ses vétérans. La cité macédonienne fut alors abolie et une colonie

la première fois sur le sol européen en 49. La communauté qu’il y

romaine lui fut substituée. Une grande partie de la population locale

fonda se développa à un degré tel que Philippes devint un des hauts

fut dépossédée de ses terres au bénéfice des soldats romains. Après

lieux du christianisme à l’époque protobyzantine. Dans l’intervalle,

la victoire d’Auguste à Actium, en 31 av. J .- C ., la colonie fut renforcée

le grec y avait supplanté le latin et le pouvoir épiscopal y avait

par l’arrivée de civils italiens chassés de la péninsule du fait de

remplacé les institutions municipales.

leur soutien à Antoine. Durant trois siècles, la colonia Julia Augusta Philippiensis fut un îlot de latinité en Macédoine orientale. Bien que la popula tion indigène restée dans la région, d’origine thrace ou grecque, eût continué à parler le grec, la langue officielle de la nouvelle communauté politique était le latin. Les droits civiques étaient réservés aux colons et les charges publiques furent monopolisées par une mince élite d’origine italienne. Le centre de la ville de Philippes fut pourvu de monuments publics d’envergure répondant aux besoins de la population romaine. Le territoire rural de la colonie, peuplé surtout de Thraces, englobait la plaine de Drama,

570

recouverte alors d’un marais dans sa portion méridionale, ainsi 1 Collart 1937 ; Boyd, Provost 2001 ; Boyd, Provost 2002 ;

Sève 2004 ; Brélaz, Frei-Stolba, Rizakis et al. 2006 ; Rizakis 2006 ; Tirologos 2006.

fig. 118 Pella, plaque de marbre inscrite en grec et en latin, relative aux problèmes engendrés par le maintien du cursus publicus


Pella, colonie romaine P. Chrysostomou

1

Cette appellation côtoya l’ancienne pendant un certain temps

romaine de Pella , à 1,5 km à l’ouest du site hellénistique de la ville,

puisque deux itinéraires ultérieurs font figurer la ville comme

autour de ce qu’on nommait les « bains d’Alexandre le Grand ».

étape sur la via Egnatia sous le nom de « civitas Pelli ». La via Egnatia

Cet endroit stratégique avait connu dès l’époque néolithique

traversait le site, ce qui explique la découverte à l’ouest des « bains »

une occupation humaine. Les données archéologiques, ainsi que

d’une pierre milliaire inscrite en latin dédiée à Hadrien (127 apr. J .- C .).

la végétation luxuriante et les sources thermales qui composent ce

Ni la forme ni l’étendue exacte de la colonie ne sont connues. Des

paysage idyllique, offrent la certitude que le lieu avait également été

sondages effectués au nord des « bains » en 1987 ont permis de certi -

habité aux époques classique et hellénistique, et que s’y trouvaient

fier l’existence d’édifices des époques romaine, paléochrétienne et

des sanctuaires consacrés aux nymphes et aux Muses. Le revers

byzantine. Les fouilles de 1995 ont mis au jour le secteur nord-ouest

des monnaies de bronze des duoviri des années 25-24 av. J .- C ., où

de la ville romaine tardive et paléochrétienne, ses fortifications, mais

figurent le mur et la porte principale de la ville, permet de déduire

aussi des éléments architecturaux d’une grande tholos corinthienne

que la construction de la colonie était achevée à cette époque.

de marbre qui se situait à l’origine dans le forum de la colonie, lequel

Elle était peuplée de vétérans d’Octave mais aussi des adversaires

devait accueillir les édifices publics, comme le bouleutérion, la biblio-

politiques qui avaient soutenu Antoine. Outre les habitants de

thèque ou le tabularium, ainsi que différents sanctuaires. Dans la

la région, Pella comptait des Grecs d’Italie déplacés par Octave

grande basilique épiscopale paléochrétienne à trois nefs découverte

pour mieux partager leurs richesses avec ses vétérans et partisans.

lors de ces fouilles sont apparus en remploi de riches vestiges de la

Seule colonie de Macédoine à ne pas jouir du ius italicum, elle acquit

Pella hellénistique et romaine, tels les fragments d’un lion funéraire

néanmoins comme les autres un caractère politique et économique,

en marbre, du début de l’époque hellénistique, et la base en marbre

sans pour autant perdre son importance militaire, surtout à partir

d’un perirrhantérion provenant du piédestal érigé en l’honneur de

du i i e siècle apr. J .- C . du fait de sa position sur la via Egnatia.

Bithys, fils de Kléon, ami fidèle de Lysimaque. Sur l’une des inscrip-

À en juger par les émissions monétaires, elle se nommait Colonia

tions fragmentaires qui ont été trouvées sont préservés des décrets

Pellensis, Colonia Iulia Augusta Pellensis, Colonia Pella ou

et des lettres en grec et en latin traitant des problèmes engendrés

simplement Pella. Par les monnaies frappées sous Auguste,

vers le milieu du i v e siècle apr. J .- C . par le maintien du cursus

l’on connaît les duoviri, tels Nonius et Sulpicius (30-29 av. J .- C .),

publicus (fig. 118).

M. Fictorius et M. Septumius (25-24 av. J .- C .), C. Herennius et

La plupart des quatre cents tombes fouillées de la colonie

L. Titorius (20-19 av. J .- C .), M. Antonius Theophilus et P. Aebutius

contenaient des incinérations ou des inhumations et, après le

(15-14 av. J .- C .). Sous Tibère (16-20 apr. J .- C .), ce furent C. Baebius

i i e siècle apr. J .- C ., seulement des inhumations. Elles renfermaient

Publii f. et L. Rusticelius Basterna. De l’époque d’Hadrien à celle

des offrandes funéraires nombreuses et variées, parmi lesquelles

de Gordien I I I , Pan et la Colonia Pella, sorte de personnification

se distinguent des bijoux en or et en argent (colliers, pendentifs,

de la colonie, figuraient sur le revers des monnaies. Un culte

boucles d’oreilles, bagues), des statuettes en terre cuite d’Éros

particulier était également voué dans cette ville à Zeus Hypsistos,

et Aphrodite, ainsi que des vases en fer, bronze, verre et argile.

à Asklépios, à Aphrodite, à Artémis Agrotéra et à d’autres divinités

De la colonie proviennent des fragments de bases de marbre honorant

étrangères, comme Sérapis, Isis et la déesse syrienne Atargatis.

les empereurs, mais aussi différents monuments funéraires – stèles

La colonie ne connut pas d’essor particulier, à la différence

en médaillon sculptées, plaques de marbre, stèles à décor en relief –,

d’autres colonies de Macédoine, telles que Dion et Philippes.

dont certains portent des inscriptions. Son territorium exact

Comme elle figure sur l’itinéraire dit itinerarium Antonini 2 sous

demeure inconnu et l’on ne sait si les territoires des villes voisines

le nom de Dioclétianopolis, l’on suppose qu’après l’incursion

d’Ichnai, d’Atalanté ou de Tyrissa en firent partie, ce qui est probable.

des Goths, en 268 apr. J .- C ., et dans le cadre du rétablissement

En revanche, une dizaine de kilomètres alentour, plusieurs fermes

et de la restauration du pouvoir romain sous Dioclétien, la ville fut

et bourgades ont été localisées. Elles ont livré divers monuments

reconstruite, réorganisée, et prit le nom de son nouveau bâtisseur.

funéraires et votifs.

1 Sur la colonie, voir Pétkos 2003, p. 99 sq. ;

Chrysostomou P. 1990, 1995b, 1997a, 2003b, 2008b. 2 Itineraria Antonini Augusti, 330, 6, 285-305 apr. J .- C .

villes et colonies romaines

Peu après sa victoire à Actium en 31 av. J .- C ., Octave fonda la colonie

571



genèse antique de la légende d’Alexandre le Grand


Genèse antique de la légende d’Alexandre

genèse antique de la légende d’alexandre le grand

P. Chuvin

La filiation revendiquée par Alexandre a permis au milieu

Un dense réseau de légendes entoure la figure d’Alexandre. Nées de son vivant même, elles se sont transmises sous une forme

égyptien, d’expression démotique, puis grecque, d’exploiter le filon

flottante, adaptées, amplifiées au gré des temps et des lieux. Pour

volontiers irrévérencieux des « récits sur pharaon 7 », variant

comprendre la formation de ce réseau, à côté des éléments fournis

trois thèmes : le fils du Zeus égyptien, Ammon (certainement

par les cinq biographies d’époque impériale romaine qui sont nos

le plus ancien), puis le fils de Nectanébo I I , « le dernier pharaon »,

documents les plus anciens 1 , nous disposons de récits, souvent

et, enfin, le fruit des amours d’Olympias et de Zeus métamorphosé

fabuleux, regroupés sous le nom du Pseudo-Callisthène. C’est

en couleuvre. En effet, en 341 av. J .- C ., moins de dix ans avant l’arrivée du

le Roman d’Alexandre.

Macédonien, Nectanébo I I avait fui la reconquête perse de l’Égypte,

Callisthène, neveu du précepteur d’Alexandre, le philosophe Aristote, est le premier en date des historiens de la conquête et

emportant ses trésors. D’où, chez ses sujets, l’attente d’un retour.

semble avoir été le plus brillant, donnant à son récit une couleur

Comment y répondre mieux qu’en faisant d’Alexandre le fils de

épique. Impliqué, à tort ou à raison, dans un complot contre le roi,

Nectanébo ? Celui-ci ne s’était pas perdu avec ses trésors en une

il fut exécuté en mai 327 ; son œuvre est aujourd’hui perdue.

Éthiopie mythique. Fort de son savoir et de son matériel d’astro-

Quant au Roman, c’est un texte composite, constitué sans doute

logue-magicien itinérant, non plus vers le sud mais vers le nord,

dès le i v e siècle apr. J .- C ., et placé sous un nom fameux. Il part de

il serait arrivé à la cour de Macédoine, aurait séduit Olympias en

la naissance surnaturelle d’Alexandre, cette origine divine récusée 2

précisément par Callisthène, qui permet tous les développements . C’est Olympias, mère d’Alexandre, qui avait proclamé la 3

Belle revanche, qui permettait au vaincu de s’approprier le vainqueur. Réversible, elle se prêtait aussi bien à la dérision

filiation divine du jeune homme et, lors de sa campagne d’Égypte

à l’égard des maîtres grecs qu’à la légitimation du pharaon

(331 av. J .- C .), lui-même avait tenu à consulter l’oracle d’Ammon,

Ptolémée, allaité par Isis.

4

dans l’oasis de Siwa . Il avait pleine conscience de ses origines

La dernière tradition, elle, est au moins en partie d’origine

divines et héroïques : il descendait de Zeus à la fois par sa mère

macédonienne. Un de ses tout premiers témoins, à l’époque

(une Éacide) et par son père (doublement, à travers Héraklès

d’Auguste, est un Macédonien, Antipatros de Thessalonique,

5

638

se faisant passer pour Ammon et ainsi engendré le futur Alexandre.

et Persée) . À ces ancêtres lointains, pour lui bien réels, il ajouta

mentionnant parmi des métamorphoses divines « Zeus Ammon,

un précurseur, autre grand voyageur, Dionysos. Mais n’était-il pas

le très célèbre serpent 8 » ; un peu plus tard, elle est rapportée

aussi le propre fils de Zeus ? À Siwa, le dieu, en audience privée,

par Plutarque, dans une scène de gynécée réaliste 9 . « Un jour »,

lui avait confirmé ce secret. D’où la représentation du roi popula-

« Philippe épia » Olympias au lit avec une couleuvre ; les termes

risée par la numismatique, les tempes encadrées par deux cornes

employés (« allongée contre son corps ») suggèrent, sans tout à fait

de bélier, animal sacré du dieu. Ce type de Zeus Ammon, tradition -

le dire, en position d’union sexuelle. Dès lors, il ne s’approcha

nel sur les monnaies de Cyrène, a été largement diffusé. Il a donné

plus de sa femme, « soit par crainte de maléfices soit par respect

naissance à la figure coranique de Dhu’l Qarnain, « l’homme

pour la puissance supérieure à laquelle elle s’unissait ». L’oracle

aux deux cornes », identifié à Alexandre et destiné à confiner

de Delphes lui apprit que cette apparition n’était autre qu’Ammon

pour toujours derrière une digue les peuples de Gog et Magog

– et qu’il perdrait l’œil indiscret qui avait guetté le dieu,

(Ya’jouj et Ma’jouj), ferments de désordre 6 .

ce qui advint.

1 Diodore de Sicile, Plutarque, Arrien en grec ; Quinte-Curce

et Justin en latin. 2 Pour une analyse complète du Roman, voir Jouanno 2002

et Stonemann 2008. 3 Arr., An., I V , 10, 2. 4 Diod., X V I I , 49, 2 à 51, fin ; Arr., An., I I I , 3-4. 5 Voir Arr., An., I I I , 3, 1-2, sur l’émulation d’Alexandre

avec ses ancêtres. 6 Coran, sourate 18, « La grotte », versets 83-97. 7 Jouanno 2002, p. 62-68, « Alexandre en nouveau pharaon »,

et p. 220-223, « Le mystère des origines ». 8 Anth. Pal., I X , 241 (Gow-Page, Garland of Philip, 52). 9 Plut., Vie d’Alex., 2, 6 et 3, 1-3.


Ces trois médaillons d’or appartiennent à un trésor de métal précieux enfoui dans la plaine voisine de Tarse, probablement vers la fin du règne de Gordien I I I (238-244 apr. J .- C .), et redécouvert vers 1863 1 . Ces objets spectaculaires étaient accompagnés de bijoux, d’un médaillon d’or à l’effigie de Sévère Alexandre et de vingttrois aurei s’étalant de Vespasien à Gordien I I I . Un autre ensemble de la même époque, le trésor d’Aboukir, contient des médaillons similaires. Ces objets monétiformes ont été conçus pour exalter la mémoire de la dynastie macédonienne

– Caracalla (211-217 apr. J .- C .) puis Sévère Alexandre (222-235 apr. J .- C .) –, en guerre avec les derniers Parthes arsacides puis les premiers Perses sassanides, se présentaient comme les continuateurs d’Alexandre le Grand. Ces œuvres, d’une qualité exceptionnelle, probablement réalisées dans un atelier de Grèce du Nord, 416

étaient apparemment destinées à récompenser les vainqueurs des concours agonistiques organisés à l’occasion de séjours impériaux, d’où le nom de Nikétéria (médaillons de Victoire) qu’on leur donne parfois. D H

genèse antique de la légende d’Alexandre

dans une période où les empereurs romains

417

418 1 Longpérier 1868, p. 309-336, pl. X - X I I I ; Gagé 1975, p. 1-16.

653


Les sites archéologiques en Macédoine La représentation en réalité virtuelle de la maison du Dionysos de Pella par la Fondation du monde hellénique bibliographie index

annexes


a n n e x e s

Les sites archĂŠologiques en MacĂŠdoine

656


Aiané

Dans la région aux alentours du village d’Agia

Aiané – toponyme dont l’étymologie peut être

Paraskévi, au sud-ouest de la plaine fertile de

rapprochée de l’adverbe « toujours » (a) –, était une

Vasilika, c’est-à-dire la région de l’antique

« cité de la Macédoine » ( pov l iı Makedoniv a ı ), selon

Anthémonte, l’occupation fut dense et continue

le mythe relatif à sa fondation, rapporté par Étienne

de la préhistoire jusqu’à nos jours. Ainsi, à environ

de Byzance 1 . D’après ce récit, elle fut construite

3,5 km au nord-est s’élève la colline artificielle

par Aianos, fils du roi Élymos. Deux inscriptions

de la Grande Toumba, avec des vestiges byzantins

trouvées en 1861 par l’archéologue Léon Heuzey,

au sommet. Cette toumba recouvre un important

encastrées dans les murs des églises du village, alors

habitat préhistorique dont les plus anciennes traces

appelé Kalliani 2 , mentionnent la cité d’Aiané. Cette

d’occupation remontent au moins à la première

découverte fut à l’origine de nombreuses études

phase de l’âge du fer, comme l’atteste la céramique

portant sur la localisation précise de l’antique Aiané

trouvée en surface. De plus, à environ 2 km de

et sur son organisation urbanistique. La question

distance au sud-est du village, au lieu-dit Agiasma,

resta posée jusqu’à ce que les fouilles livrent des

on a trouvé des tombes et des vestiges architecturaux

réponses définitives. Il semble que, même si une cité

d’une agglomération, qui, selon les découvertes

antique au nom d’Élimeia a pu exister à cette époque,

faites en surface, fut habitée du début des temps

Aiané a très tôt tenu lieu de capitale du royaume

historiques jusqu’à l’époque byzantine.

des Élimiotes, l’un des plus puissants de la haute

L’importante nécropole archaïque d’Agia

Macédoine, dont les rois sont mentionnés par

Paraskévi, dont quatre cent trente-cinq sépultures ont été fouillées 1 , était probablement associée

Hérodote, Thucydide et Xénophon. L’antique Aiané a été identifiée avec les vestiges

à l’habitat qui fut localisé au lieu-dit Toumba

de la cité qui s’étendait sur les versants en terrasses

Angélaki. Bien qu’une réponse définitive sur

de la colline, connue sous le nom caractéristique

le nom du site antique soit hasardeuse en l’état

de « Mégali Rachi » (fig. 130). Trois grands bâtiments

de nos connaissances, nous proposons, avec réserve,

publics ainsi que de nombreuses maisons avec leur

de l’identifier avec la cité d’Anthémonte 2 – qui,

les sites archéologiques de la Macédoine

Agia Paraskévi

dans l’Antiquité, portait le même nom que la région et que le fleuve qui coule encore aujourd’hui,

fig. 130

à environ 1 km plus au nord –, sans pour autant

Aiané, vue aérienne de la cité antique sur les terrasses étagées de la colline dite « Mégali Rachi »

exclure Raikelos 3 , où Pisistrate en exil s’installa vers le milieu du v i e siècle av. J .- C . Sur le site de la Petite Toumba, un tumulus situé à environ 800 m au nord de la Grande Toumba, une tombe « macédonienne » monumentale, compor tant chambre et antichambre précédées d’une cour construite en dur et accessible par un long dromos, a été fouillée en 1983 4 . Dotée d’une imposante façade dorique rehaussée de couleurs (fig. 129), la tombe se distingue aussi par le raffinement des décors pariétaux polychromes de son intérieur et, surtout, par sa grande porte de marbre à deux vantaux, qui conserve tous ses éléments décoratifs en bronze (fig. 106 à 109). La porte de la tombe est exposée au Musée archéologique de Thessalonique. K Si

657 fig. 129 Agia Paraskévi, restitution graphique de la façade de la tombe « macédonienne »

1 Sur cette nécropole, voir supra, p. 191. 2 Sur Anthémonte et son histoire à partir de l’époque archaïque,

dessin g. giannakis, mise en couleurs a. faklari

voir Zahrnt 1971, p. 192-193 ; Hammond 1972, p. 190-191. 3 Hammond, Griffith 1979, p. 68 ; Tivérios 1981, p. 160 sq. 4 Sismanidis 1986 ; Sismanidis 1997a, p. 169-171.

1 Sur Aiané, voir Karamitrou-Mentésidi 1988, 1989, 1990, 1993a-d,

2000a, 2001a, 2004, 2005, 2006a-b, 2006d, 2007, 2008a-b, 2009a-d, 2010 ; Karamitrou-Mentésidi, Kéfalidou 1999 ; voir aussi supra, p. 155 et 189. 2 C’est le toponyme antérieur d’Aiané, qui fut selon toute vraisemblance créé par les mots « Kalé » et « Aiané ». Le toponyme « Kalliani » fut remplacé en 1926 par « Aiané ».


a n n e x e s

Aigai riche mobilier ont été découverts lors des récentes

La première capitale des Macédoniens, berceau

d’ensevelissement des rois macédoniens et

fouilles. Appelés par convention « Mégaloi Domoi »

de la famille royale des Téménides, est à ce jour

de l’assassinat, en 336 av. J .- C ., du roi Philippe I I ,

(« appareil à grands blocs ») et « Stoiko Ktirio »

identifiée avec la ville antique d’Aigai, située au

auquel succéda son fils, Alexandre I I I .

(« portique »), ces édifices se caractérisent par

pied du contrefort nord des monts Piéria, au sud

la présence de portiques. Malgré le pillage et

du fleuve Haliakmon 1 (fig. 131). Peu après le milieu

époque datent le magnifique palais et le théâtre,

la réutilisation de leurs matériaux, surtout des

du x i x e siècle, Léon Heuzey et Honoré Daumet furent

dont les vestiges se situent dans le secteur occiden -

membres architecturaux de marbre, ils conservent

les premiers à reconnaître l’importance des vestiges

tal de la cité 6 (fig. 50). Au nord du palais, le grand

des fragments de simas à décor peint, des chapiteaux

antiques repérés sur les hauteurs du village appelé

complexe mis au jour faisait partie de l’agora.

doriques et ioniques (fig. 79), ainsi que des tambours

« Palatitsia » au moment de leurs prospections 2 .

Il s’agit du sanctuaire d’Eukleia, où la mère de

de demi-colonnes. Tout en indiquant l’existence

À cette époque furent mis au jour l’imposant palais

Philippe I I , la reine Eurydice, consacra des statues de

d’un étage, ces derniers témoignent de l’importance

et des parties de la muraille 3 .

divinités et même, probablement, sa propre effigie 7 .

et de la grande qualité de l’architecture de la cité

La ville fut fortifiée sous Philippe I I . De la même

Les recherches qui ont été poursuivies au cours

Au centre de la ville se trouvait le sanctuaire

antique. Le « Stoiko Ktirio » de la terrasse médiane

du x x e siècle par Konstantinos Rhomaios, Géorgios

de la Mère des dieux, identifié grâce à une ins -

a été interprété comme l’agora. Érigé sur la terrasse

Bakalakis et Manolis Andronikos, professeurs à l’uni-

cription votive qui, avec les nombreuses autres

supérieure, le troisième édifice, appelé « Dexaméni »,

versité de Thessalonique, ont apporté des résultats

offrandes, nous renseigne sur ce culte à mystères 8 .

doit son nom à l’immense citerne circulaire trouvée

remarquables 4 . Mais ce n’est qu’en 1976-1977 que

dans sa cour. Les phases de construction de ces

la fouille du Grand Tumulus a révélé des œuvres

un nombre important de monuments funéraires

bâtiments, dont l’occupation fut sans interruption,

insignes, des tombes « macédoniennes » dans

qui attestent les étapes essentielles de l’évolution

s’échelonnent du début du v e siècle av. J .- C .

un état de conservation remarquable et des stèles

de la cité, qui va de pair avec celle du royaume de

à la basse époque hellénistique. La ville fut alors

funéraires 5 . Ces monuments funéraires exception-

la Macédoine. Les tumuli de l’âge du fer apportent

abandonnée en temps de paix et transférée ailleurs,

nels ont permis d’identifier l’antique Aigai, lieu

des informations précieuses sur la naissance du

La vaste nécropole de la ville antique a livré

royaume et l’installation des Macédoniens dans

selon toute évidence après la conquête romaine.

la vallée de l’Haliakmon 9 . L’apparition des tombes

La cité entretenait des relations culturelles et avait des échanges directs avec le reste du monde

« macédoniennes » représente l’ère de prospérité

grec. Elle s’est en même temps développée de

du royaume, à partir du i v e siècle av. J .- C . Les tombes

manière autonome, avec ses propres ateliers de

intactes du Grand Tumulus de la nécropole d’Aigai Nécropole des tumuli

métallurgie, de coroplathie, de céramique et de

constituent une découverte sans précédent : leurs

sculpture. Les bâtiments publics et privés décou -

riches offrandes, telles la vaisselle de banquet

verts donnent l’image d’une cité organisée dès

précieuse et les armes, offrent des témoignages Musée des Tombes royales

la fin de l’époque archaïque et à l’époque classique,

Tombe « Heuzey» et tumulus « Bella »

du début du v e jusqu’au i v e siècle av. J .- C ., tandis que le v i e siècle est représenté par la céramique.

essentiels pour cette époque. La tombe II du Grand Tumulus a été attribuée au roi Philippe 10 (cat. 158/ 1–3 ), tandis que les nombreuses et

Ces données confortent ainsi notre conviction

importantes tombes « macédoniennes » d’Aigai

selon laquelle des cités prospères et organisées

pourraient être associées à d’autres personnages

existaient en haute Macédoine bien avant l’unifi -

historiques.

cation du royaume macédonien par Philippe I I ,

Détruite après la bataille de Pydna (168 av. J .- C .),

à qui les historiens attribuèrent la fondation des

la ville continua d’exister au moins jusqu’au 5

premiers centres urbains. En outre, les inscriptions

i i e siècle apr. J .- C ., quoique sans l’éclat ni la 6

archaïques et classiques mises au jour à Aiané, 4

qui sont parmi les plus anciennes de la Macédoine,

7

prospérité d’antan. Elle occupait alors une superficie restreinte, sur les ruines de l’ancienne cité 11 . S D

confirment l’usage précoce de l’écriture et prouvent 3

que l’absence, encore récente, d’inscriptions des périodes antérieures était due au caractère limité

2 fig. 131

et non systématique des fouilles archéologiques

Aigai, plan du site archéologique

en Macédoine.

dessin n. hatzidakis

G K-M

1

658

1 Hammond, Griffith 1979 ; Andronikos 1984, p. 233-235 ;

2 3 4 5

Hatzopoulos 1996b ; Saatsoglou-Paliadeli 1999a ; Drougou 2003. Sur Aigai, voir supra, p. 268. Voir infra Présence française, p. 56 ; les deux articles sur le palais d’Aigai, p. 287 et 290. Heuzey, Daumet 1876, p. 117 sq. ; Hoepfner 1996, p. 9-17, pl. 1. Andronikos, Makaronas, Moutsopoulos et al. 1961 ; Rhomaios 1951a. Andronikos 1984, p. 62-85. Sur les tombes « macédoniennes », voir supra, p. 514.

1 2 3 4 5 6 7

acropole palais théâtre sanctuaire d’Eukleia bâtiments publics sanctuaire de la Mère des dieux maison hellénistique

6 Sur les fortifications, voir Faklaris 1996 ; Kottaridi 2004a.

Sur le palais, voir supra, n. 2-3 ; Kottaridi 2011b-c. Sur le théâtre, voir Drougou 1997 ; Drougou 2006b. 7 Saatsoglou-Paliadeli 1996b ; Drougou, Saatsoglou-Paliadeli 2005, p. 134 sq. 8 Drougou 1996. 9 Voir supra, p 167. 10 Andronikos 1984, p. 97-197. 11 Drougou 2009a.


Athènes © École française d’Athènes fig. 162 ; École française d’Athènes / D. Laroche fig. 97 Athènes © Fondation du Monde hellénique fig. 173, 174 Athènes © Hellenic Ministry of Culture and Tourism / Archaeological Receipts Fund couv. ; fig. 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 9 ; cat. 1 ; fig. 18 ; cat. 36 (3–6), 37/ 4 , 37/ 5 , 38/ 3 , 40, 43, 46, 49, 51, 52, 54/ 4 , 58/ 2 , 60 ; fig. 24 ; p. 150 ; fig. 26, 27, 28 ; cat. 63–64, 65–66, 67–68, 69–73 ; fig. 32, 33, 34 ; cat. 74–76/ 1–7 , 77/ 1–3 , 78–79, 80–82, 83/ 1–14 , 84, 85/ 1–4 ; fig. 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41 ; cat. 86/ 1–11 , 87/ 1–6 , 87/ 7 , 87/ 8–15 , 87/ 16–19 , 87/ 20–26 , 87/ 27–30 , 88, 89/ 1–2 , 90/ 1–2 , 90/ 3 , 91/ 1–9 , 92/ 1–11 , 93, 94, 95/ 1–2 , 96/ 1–2 , 96/ 3 , 97, 98, 99/ 1–9 , 100–103, 104, 105–109, 110, 111, 112, 113, 114, 115–119, 120, 121–123, 124–125, 126, 127–128 ; p. 248 ; cat. 129, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 149 ; fig. 43 ; cat. 150/ 1–2 , 151/ 1–2 , 152, 153–155 ; fig. 45, 46, 47, 49 ; cat. 156/ 1–22 , 157/ 1 , 157/ 2 , 158/ 1 , 158/ 2 , 158/ 3 ; fig. 51 (d’après A. Kottaridi), 52 (d’après A. Kottaridi), 53, 54, 58, 59, 60 ; cat. 196/ 1 , 196/ 2 ; fig. 61 ; 196/ 3–7 , 196/ 8–10 ,14, 196/ 11–12 , 196/ 13 , 196/ 15–18 ; p. 320 ; fig. 63, 64 ; cat. 201, 202, 206, 207, 208, 213, 214, 215 ; fig. 66, 67; cat. 216/ 1–7 , 216/ 8 , 216/ 9–15 , 216/ 16 , 216/ 17–18 , 216/ 19 , 216/ 20–21 , 216/ 22 , 216/ 23 , 217/ 1–2 , 218/ 1–2 , 219/ 1–2 , 220–222, 223–224, 225, 226–227; p. 358 ; fig. 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75 ; cat. 228, 229, 230, 231, 232/ 1–2 , 234, 235, 236, 237/ 1 , 237/ 2 , 237/ 3–4 , 238, 239/ 1–3 , 240, 241/ 1–3 , 5, 241/ 4 , 242/ 1–2 , 243, 244–245 ; fig. 76, 77, 78 ; cat. 246, 247, 248/ 1–4 , 249, 250, 251/ 1–3 , 251/ 4 , 251/ 5 , 252, 253, 254, 255, 256/ 1–3 , 257/ 1–2 , 258/ 1–2 , 259/ 1–2 , 260, 261, 262 ; p. 412 ; fig. 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87 ; cat. 263, 265, 266, 267, 268, 268, 269 ; fig. 88, 89 ; cat. 271, 272/ 1–2 , 273, 274, 275/ 4 , 276, 277/ 1–5 , 278, 279, 280, 281 ; fig. 90 et 90bis, cat. 282, 283, 284, 285, 286, 287/ 1 , 287/ 2 , 287/ 3 , 288, 289, 290, 291, 292–293, 294–295, 296/ 1–3 , 297–299 ; fig. 91 ; cat. 300–302, 303, 304, 305, 306, 307, 308 ; fig. 92, 93 ; cat. 309/ 1 ; fig. 94 ; cat. 309/ 2–3 , 310 ; p. 492 ; fig. 96 ; cat. 311, 312, 313, 314, 315, 316, 317, 318, 319, 320, 324 ; fig. 99, 100, 101, 106, 107, 108, 109 ; cat. 327, 329, 330, 332, 333, 334, 335, 336, 337, 338, 339, 340, 341, 342, 343/ 1–8 , 344/ 1–3 , 345–346, 347/ 1–2 , 348, 349 ; p. 556 ; cat. 359, fig. 114, 115, 116, 118 ; cat. 361, 362, 363, 366, 367, 368, 369 ; fig. 125 ; cat. 371, 372, 374, 378, 379, 380, 381, 382, 383, 384, 385, 386, 388, 389, 390, 391, 392, 393, 394, 398, 407, 408, 413, 414, 415 ; fig. 129, 130, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 149, 151, 152, 153, 154, 155, 156, 157, 158, 159, 160, 161, 163, 164, 165, 166, 167, 168, 169, 170, 171, 4e de couverture. Athènes © Société archéologique d’Athènes fig. 102, fig. 172 (dessin Ch. Léfakis) Berlin © Volker Spiess, 1989 (d’après Hänsel, 1989) fig. 30 Florence © Archives Alinari, Florence, Dist. RMN / Raffaello Bencini fig. 62 Paris © Librairie d'Amérique et d’Orient, A. Maisonneuve, 1957 fig. 126, 127, 128 Paris © 2005 Musée du Louvre / Daniel Lebée et Carine Déambrosis cat. 19, 323 Paris © 2011 Musée du Louvre / Antoine Mongodin cat. 18, fig. 105 Paris © 2011 Musée du Louvre / Marcel Perrin fig. 10, 42 ; p. 656 Paris © Bibliothèque nationale de France cat. 130, 131, 197, 198, 199, 200, 203, 204, 205, 209, 210, 211, 212, 350, 351, 352, 353, 354, 355, 356, 357 ; fig. 119 ; cat. 416, 417, 418. Paris © C 2 R M F fig. 21, fig. 111 Paris © Corbis. All Rights Reserved fig. 11 Paris © Ministère de la Culture – médiathèque du Patrimoine, Dist. R M N / Opérateur T. Dubray fig. 16 Paris © Musée du Louvre / Arts graphiques fig. 120 Paris © Patrick Weber, architecte (relevé, restitution et dessin) fig. 124 Paris © RMN (Institut de France) / Gérard Blot fig. 17, 20, 22 ; cat. 35/ 1 , 35/ 2 , 35/ 3 , 35/ 4 , 35/ 5 , 35/ 6 , 35/ 7 , 35/ 8 , 35/ 9 , 35/ 10 , 53/ 1 , 53/ 2 ; fig. 55, 56, 57, 103, 104, 110 Paris © R M N (Institut de France) / René–Gabriel Ojéda cat. 17 Paris © R M N / Hervé Lewandowski fig. 12 ; cat. 3, 4, 6, 7, 9, 11, 13, 14/ 3 , 14/ 4 , 15, 16/ 1 , 16/ 2 , 16/ 3 , 16/ 4 , 16/ 5 , 20/ 1–12 , 21/ 1–4 , 22/ 1–8 , 23, 24/ 1–4 , 25/ 1–3 , 26, 27/ 1–3 , 27/ 2 , 28–34, 29, 30, 36/ 1 , 36/ 2 , 37/ 1 , 37/ 2 , 37/ 3 , 38/ 1–2 , 39/ 1–3 , 41, 42, 44, 45/ 1 , 3–4, 45/ 2 , 47, 48, 50, 54/ 1 , 54/ 2 , 54/ 3 , 55/ 1 , 55/ 2 , 56, 57, 58/ 1 , 61, 62/ 1 , 62/ 2 , 62/ 3–9 , 159, 160, 162, 164, 165, 166, 167, 169, 173, 174, 175, 176, 177, 178, 180, 181, 182, 183, 184, 185–186, 187–193, 194–195 ; fig. 65 ; cat. 233, 264, 270, 275/ 1–3 , 321–322, 325/ 1 , 325/ 2 , 325/ 3 , 325/ 4 , 325/ 5 , 326, 328, 331/ 1 , 358, 360, 364/ 1–4 , 364/ 7 , 364/ 8 , 375, 376, 377, 387, 395, 397, 399, 401, 402, 403, 404, 405, 406 ; p. 636 ; cat. 409, 411, 412 Paris © R M N / René–Gabriel Ojéda cat. 14/ 1 Paris © R M N / Stéphane Maréchalle p. 18 ; cat. 5, 8, 10, 12, 14/ 2 , 59/ 1–22 , 161, 163, 168, 170, 171, 172, 179, 331/ 2 , 331/ 3 , 364/ 5 , 364/ 6 , 365, 370, 373, 396, 400, 410 Thessalonique © Archives du musée archéologique de Thessalonique fig. 112, 113 Thessalonique © Fouilles de l’université Aristote de Thessalonique fig. 13, 14, 15 ; cat. 2 ; fig. 44, 48, 50, 95, 131 (dessin N. Hatzidakis), 144, 150 Vienne © Kunsthistorisches Museum mit M V K et Ö T M fig. 19

crédits photographiques

crédits photographiques

© Christine Pariselle fig. 25 © Collection particulière / Cliché Nathalie Sabato fig. 121 © Collection particulière fig. 23 © D. Talianis et P. Théodonidis fig. 3 © Droits réservés (d’après K.A. Wardle, D. Wardle 2007) fig. 29, 31 © Guillaume Carré fig. 98 © Michel Sève fig. 117; 122, 123

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Cet ouvrage est imprimé sur un papier respectueux de l’environnement d’Arjowiggins Graphic : Satimat Green 150 g, pour la couverture et les pages intérieures. Satimat Green est un papier couché, demi-mat, fabriqué à partir de 60 % de fibres recyclées, certifié F S C ® Mixed ( F S C C021878) et certifié Écolabel européen (n o F R /011/003).

En choisissant d’imprimer son catalogue sur Satimat Green, 60 % recyclé, plutôt que sur un papier non recyclé, le musée du Louvre a permis l’économie de * : 48 650 kWh d’énergie ; 500 444 l d’eau ; 6 720 kg de C O 2 , équivalent à un trajet de 48 002 km parcourus en voiture européenne moyenne ; 19 798 kg de mise en décharge. * Sources : moyenne européenne BREF (données sur le papier à fibres vierges). Données sur l’empreinte carbone auditées par The CarbonNeutral Company.

cet ouvrage est composé en Walbaum et Univers

la photogravure a été réalisée par Quat’Coul (Toulouse)

cet ouvrage a été achevé d’imprimer sur les presses de Re-Bus (Italie) en septembre 2011



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