Cet ouvrage accompagne l’exposition « Balzac, architecte d’intérieurs », présentée au musée Balzac-Château de Saché, du 2 juillet 2016 au 8 janvier 2017, en partenariat avec le Mobilier national.
Groupe d’Études balzaciennes Nathalie Preiss, présidente Michel Lichtlé, rédacteur en chef de L’Année balzacienne
Commissaire : Jean-Jacques Gautier, inspecteur au Mobilier national Conseiller scientifique : Nathalie Preiss, professeur à l’Université de Reims ChampagneArdenne, présidente du Groupe d’Études balzaciennes Coordinateurs : Jean-Jacques Gautier, inspecteur au Mobilier national et Isabelle Lamy, responsable du musée Balzac-Château de Saché.
Gaël NOBLANC, architecte DPLG
Cet ouvrage est dédié à Olympe et Octave.
Remerciements AUX PERSONNES QUI ONT PERMIS LA RÉALISATION DE CETTE EXPOSITION
Conseil départemental d’Indre-et-Loire Jean-Gérard Paumier, président Céline Ballesteros, vice-présidente chargée de la politique culturelle et du sport Sophie Coulon, directeur de la Culture, du Tourisme et des Sports Isabelle Lamy, responsable du musée Balzac Christine Mercier, chargée de la coordination des expositions et des animations Claude Bouger, chargée des collections départementales Catherine Guidault, responsable-adjointe du musée Balzac L’équipe du musée Balzac-Château de Saché Les agents de la direction de la Culture, du Tourisme et des Sports Les agents des services techniques du Conseil départemental d’Indre-et-Loire. Mobilier national Hervé Barbaret, directeur du Mobilier national Jérôme Poulain, secrétaire général du Mobilier national Christiane Naffah-Bayle, conservateur général du patrimoine, directrice des collections du Mobilier national Jean-Jacques Gautier, inspecteur au Mobilier national Nizamoudine Abdoul-Aziz, Mohamed Abdoul-Aziz, Thomas Aillagon, Jérôme Alary, Martine Allain, Béatrice Arbousset, Michel Aubry, Philippe Besnard, Isabelle Bideau,Thomas Bohl, Patricia Boussenec, Françoise Cabioc’h, Hélène Cavalié, Nathalie Celas, Laurianne Chassé, Gilles Chausse, Marc Chimier, Muriel Cinqpeyres, Sylvie Cousin, James Crespel, Véronique Daman, Laure Dauvier, Patrice Decou, Arnaud Denis, Sylvie Desrondaux, Pascal Dias, Sophie Doisy, Marie-Clélie Dubois, MarieFrance Dupuy-Baylet, Jean Estève, Caroline Estier, Marie Fekkar, Robert Foulon, Gaëlle Girard, Philippe Glaise,Valérie Glomet, Cyril Gouffé, Danielle Gousset, Jean-Manuel Guérard, Anick Guyot, Frédéric Huonic, Sandra Isakovitch, Daniel Jalu, Sylvie Joly, Marie-Odile Klipfel, Émilie Lagrange, Franck Lajarrige, Roselyne Laurieux, Marina Lebaron-Sarasa, Thibault Lorenzi, Stéphane Macrez, Manuel Magdaléon, Agnès Marrast, Gérald Massimi, Samy Mebtoul, Céline Mefret,Yves Mézières, Jean-Louis Montbabu, Laurence Montlouis, Muriel Morizet, Jean-Pierre Nagaya, Joël Poisson, Coulasségarane Ragava, Thierry Rech, Gérald Remy, Marlène Robinet, Laurent Spann (†), Pauline Sombstay, Marie-Amélie Tharaud, Charles Torres, Francis Trivier, Francis Valsesia, Sophie Vatar, Fabienne Villiers, Jean Vittet, Julie Williamson, Myriam Zuber-Cupissol. Tous les techniciens d’art du Mobilier national, toujours prodigues de leurs connaissances.
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ATAD – Atelier Tapisserie Décor Philippe Coudray, Isabelle Vernhes. Soieries Jean Roze Antoinette Roze Oya Fleurs Mauricette et Éric Grelier AUX PERSONNES ET AUX INSTITUTIONS QUI ONT ACCEPTÉ DE PRÊTER DES PIÈCES DE LEUR COLLECTION
La Fabrique des Savoirs, Elbeuf Sylvain Amic, directeur de la Réunion des musées métropolitains Nicolas Coutant, chef d’établissement Jérôme Tabouelle, chargé des collections de sciences de la vie et de la terre Maison de Balzac, Paris Yves Gagneux, directeur Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon Béatrix Saule, directeur du musée Jérémie Benoît,Yves Carlier, Élisabeth Caude, Frédéric Lacaille, conservateurs Musée de l’Hôtel Gouïn, Tours Claude Bouger, chargée des collections départementales Société archéologique de Touraine Philippe Rouillac, président Pierre Hamelain, conservateur des collections Bureau Jacques Garcia Jacques Garcia, Antoine Panzani, Mélina Crisostomo, Christophe Ioannidis, Patrick Pottier. Paul Métadier, fondateur et conservateur honoraire du musée Balzac-Château de Saché, Fondation Métadier Véronique Redreau-Métadier et Philippe Redreau AUX PERSONNES, POUR LEUR AIDE
Christian Baulez, Magali Bélime-Droguet, Xavier Bonnet, Régine Borderie, Mathieu Caron, Philippe Commenges, Julie et Vincent Desclaux, Thomas Deshayes, Anne Dion-Tenenbaum, Franck Ferrand,Véronique de La Hougue, François Lauginie, Renaud Serrette. Et aussi Sofiane Laoufi. © Somogy éditions d’art, Paris, 2016 © Mobilier national, Paris, 2016 © Musée Balzac-Château de Saché, CD37
Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Directeur éditorial : Nicolas Neumann Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer Coordination et suivi éditorial : Sarah Houssin-Dreyfuss Conception graphique : Ariane Naï Aubert Contribution éditoriale : Anne-Marie Valet Fabrication : Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros ISBN : 978-2-7572-1034-5 Dépôt légal : juin 2016 Imprimé en Union européenne
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BALZAC ARCHITECTE
D’INTÉRIEURS JEAN-JACQUES GAUTIER
NATHALIE PREISS
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Préface
Depuis quelques années, le Mobilier national a relevé un nouveau défi : remeubler des demeures témoins de notre histoire pour faire vivre ses collections remarquables de meubles, d’objets d’art et de tapisserie, en les replaçant dans un cadre qui leur donne toute leur signification. Parmi les châteaux de la Loire, Chambord, Azay-le-Rideau, Sully-sur-Loire, Chaumontsur-Loire, ont d’ores et déjà pu bénéficier de prêts prestigieux. Et, tout récemment, le château de Saché a fait l’objet d’une attention très particulière, ce dont nous nous réjouissons. Avec l’exposition temporaire Balzac, architecte d’intérieurs, le Département d’Indre-et-Loire approfondit sa fructueuse collaboration avec le Mobilier national. L’objectif est de continuer à valoriser l’œuvre et la vie de Balzac en rendant l’univers balzacien accessible au plus grand nombre, en particulier auprès des jeunes générations. Jean-Yves Couteau, notre regretté président, avait accueilli ce projet avec enthousiasme, ayant à cœur de faire de Balzac une figure forte de Tours et de la Touraine. Nul doute qu’il a dû faire sien ce cri du cœur d’Honoré de Balzac dans Le Lys dans la vallée : Ne me demandez plus pourquoi j’aime la Touraine ! Je ne l’aime ni comme on aime son berceau, ni comme on aime une oasis dans le désert ; je l’aime comme un artiste aime l’art… Grâce au concours précieux du Mobilier national et à la tenue d’un colloque d’éminents spécialistes en octobre prochain, le château de Saché et l’œuvre de Balzac bénéficieront d’un intérêt renouvelé et rayonneront, de Paris jusqu’en Touraine... La Touraine, cette seconde patrie, lieu de vie et d’inspiration, pour laquelle le romancier éprouvait un authentique attachement.
Céline Ballesteros Vice-présidente du Conseil départemental d’Indre-et-Loire, chargée de la politique culturelle et du sport
Jean-Gérard Paumier Président du Conseil départemental d’Indre-et-Loire
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Le musée Balzac-Château de Saché Un peu
Au cœur de la Touraine, le château de Saché, propriété du Département d’Indreet-Loire depuis 1958, abrite le musée Balzac. Celui-ci est créé en 1951 par Paul Métadier, conservateur pendant cinquante ans, qui en demeure encore aujourd’hui le grand mécène. Ce logis de la Renaissance connaît plusieurs remaniements jusqu’au premier quart du xixe siècle : le manoir est alors mis au goût du jour par son propriétaire de l’époque, Jean Margonne. Il fait décorer le grand salon d’étonnants papiers peints en trompe l’œil réalisés par la manufacture Jacquemart et Bénard, et choisit pour la salle à manger un décor néoclassique de fresques pompéiennes attribué à Zuber. Entre 1825 et 1848, le château de Saché est l’un des lieux d’écriture privilégiés d’Honoré de Balzac. Né à Tours en 1799, l’auteur de La Comédie humaine, une fois devenu parisien, garde l’habitude de venir régulièrement en Touraine rendre visite à Jean Margonne, vieil ami de sa famille. Balzac trouve alors dans sa petite chambre du second étage le silence et l’austérité qui, loin des turbulences de la vie parisienne et de ses soucis financiers, lui permettent de travailler jusqu’à seize heures par jour. Le Père Goriot, Louis Lambert, César Birotteau ou encore Illusions perdues sont en partie rédigés ici. Ce château sert également l’inspiration de Balzac qui situe son roman Le Lys dans la vallée dans le cadre de la vallée de l’Indre.
d’histoire
De nouveaux aménagements grâce Depuis avril 2015, le musée Balzac-Château de Saché au concours du Mobilier national propose un nouvel aménagement de ses salles de récep-
tion. Dans la continuité de l’œuvre du fondateur du musée, l’identité balzacienne du lieu est renforcée. Grâce à la consciencieuse passion de Jean-Jacques Gautier, inspecteur au Mobilier national, et aux précieuses compétences de l’atelier de tapisserie décor du Mobilier national, les nouvelles collections mobilières désormais présentées illustrent plus particulièrement la période des règnes de Charles X et Louis-Philippe, époque des séjours réguliers d’Honoré de Balzac à Saché. De plus, elles font écho à l’œuvre littéraire du romancier pour qui les meubles sont révélateurs du rang social de ses personnages, de leur caractère et de leur histoire. Ce nouvel ameublement évoque l’atmosphère du château de Clochegourde imaginé par Balzac dans Le Lys dans la vallée : table tric-trac, métier à broder, rideaux de percale blanche bordés d’un simple galon, housses de siège, cabinet de style Boulle, chaises Louis XIV en bois sculpté, vases en porcelaine blanche à filets d’or et argenterie de famille racontent la fortune déchue des Mortsauf et le drame qui se joue. L’exposition Balzac, architecte d’intérieurs est l’occasion pour le musée Balzac-Château de Saché d’inaugurer deux nouvelles salles de collections permanentes qui enrichissent le parcours des appartements du deuxième étage. En écho au cabinet de toilette de Mademoiselle de Verneuil éclairé par un œil-de-bœuf dans Les Chouans, un petit cabinet est aménagé dans la pièce située à proximité immédiate de la chambre de Balzac. La sobriété de l’ameublement s’accorde avec le lit et la bergère présumés être ceux que le romancier a connus, et restitue l’atmosphère que Balzac évoquait dans sa correspondance : je suis heureux d’être là comme un moine dans un monastère (lettre à Mme Hanska, Paris, mars 1833). En contrepoint du modeste appartement de Balzac, une somptueuse chambre se déploie désormais dans la pièce contiguë. Meubles en acajou, rideaux aux étoffes luxueuses de couleur cramoisie, peintures religieuses d’artistes prestigieux, symbolique lit en tombeau : tous les accessoires sont réunis pour évoquer l’appartement de l’abbé Chapeloud, objet d’une infinie convoitise pour ses confrères dans le roman tourangeau Le Curé de Tours. 5
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Préface
Recréer l’univers de La Comédie humaine sur la foi des abondantes descriptions d’intérieur et de leurs ameublements, n’est-ce pas là un rêve que chacun a caressé lors d’une lecture passionnée ? Qui n’a pas été fasciné à l’évocation de ce monde fictif, si vrai, par un écrivain dont la force conceptuelle privilégie aussi le caractère des maisons, des décors, des ameublements, pour en rendre la physionomie, la personnalité ? La vision qui préside à cette prise de possession de l’espace romanesque ne doit jamais être occultée si on veut pleinement rendre la puissance de l’imaginaire balzacien. Balzac s’en est justifié à plusieurs reprises. Quand il affirme dans l’« Avant-propos » de La Comédie humaine qu’il se définit comme « l’archéologue du mobilier social », il est résolument scrutateur des comportements intimes et sociaux par l’analyse des mobiliers décrits. Son axiome rejoint celui de nos archéologues contemporains qui caractérisent l’humain par sa croyance en un au-delà avec les artefacts qui jonchent les sépultures, car, comme le constate Balzac dans ce même « Avant-propos », « L’animal a peu de mobilier ». L’écrivain démontre et analyse, par cette intuition si répandue chez lui, la portée exceptionnelle que revêt l’imaginaire dans les ameublements. Il n’en reste pas moins qu’une exposition sur et autour de Balzac est déjà, par la complexité des discours sur des matières pluridisciplinaires, une démarche qui peut sembler téméraire. Mais qui plus est quand cette exposition cherche à transposer ameublement et décor intérieur, éléments qui semblent être Les Parents pauvres de l’art, susceptibles d’une moindre force évocatrice. Rendre les atmosphères d’intérieurs empruntés d’une œuvre littéraire par le prisme d’objets meubles, le pari peut paraître dans sa matérialité comme vain et perdu d’avance. Mais, toutefois, il n’est pas anodin de souligner ce que Balzac s’emploie plusieurs fois à nous dire, que les savoir-faire artisanaux de l’époque confinent à l’œuvre d’art et que le tapissier – selon l’écrivain – est lui aussi un artiste. Ce miroir tendu par Balzac à l’homme créateur et auquel il s’assimile, prend dans son champ de vision la complète mise en scène de ses romans d’une façon quasi cinématographique : maisons, châteaux, hôtels, distribution et décor intérieur, ameublement, objets d’art, deviennent les accessoires d’un mode de pensée. Le Mobilier national, institution aux collections abondamment fournies en meubles de la première moitié du xixe siècle, administration plus de trois fois centenaire, rompue aux inventaires
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et aux descriptifs d’entomologiste en matière de meubles, peut justifier pleinement un tel projet d’exposition. La rencontre entre le Mobilier national et le musée Balzac au château de Saché date de 1973 avec le dépôt d’un tapis Empire pour le salon de Saché grâce à Paul Métadier, fondateur et conservateur honoraire du musée Balzac à Saché. Depuis 2013, avec le concours chaleureux du Conseil départemental d’Indre-et-Loire, de son regretté président Jean-Yves Couteau, de Sophie Coulon, directrice chargée de la culture, et d’Isabelle Lamy, responsable du musée Balzac à Saché, la collaboration se développe en trois phases, toutes constitutives d’un fait culturel de haut niveau. Dans un premier temps, le Mobilier national a été appelé à meubler, dans une démarche combien originale pour lui, le salon et la salle à manger du château de Saché, sur la foi des descriptions des pièces équivalentes du château de Clochegourde du Lys dans la vallée. Démarche qui présente meubles de qualité, mais aussi restitution de rideaux et housses pour être au plus près de l’esprit des intérieurs d’Henriette de Mortsauf, inaugurés en juin 2015. Le second temps est cette exposition, « Balzac, architecte d’intérieurs », dont le commissaire enthousiaste est Jean-Jacques Gautier, inspecteur au Mobilier national, connaisseur de l’œuvre de Balzac et spécialiste de mobilier, avec un catalogue riche de réflexions, aux points de vue complémentaires et inédits de Nathalie Preiss, professeur à l’Université de Reims et présidente du Groupe d’Études balzaciennes, et de Jean-Jacques Gautier. Sa suite logique est, à l’automne 2016, la tenue d’un colloque « Balzac, architecte d’intérieurs », organisé conjointement par le Groupe d’Études balzaciennes et le Mobilier national, avec le concours de l’École du Louvre et du musée Balzac-Château de Saché, à Paris et à Saché les 13, 14 et 15 octobre 2016. Cette exposition doit permettre d’éclairer, par le bien meuble, le caractère universel de l’œuvre de Balzac. Mettre en contraste les structures constitutives de l’ameublement chez cet écrivain qui, en jouant avec les données, en souligne d’autant ce par quoi et pour quoi l’on se meuble. N’est-ce pas là, pour l’administration du Mobilier national, toucher le sens même de sa fonction ? S’assurant ainsi un écho encore fécond pour générer un intérêt nouveau auprès des jeunes créateurs et des visiteurs étrangers. Puisse ce souffle balzacien témoigner des facultés humaines, de cette touche française dans un environnement universel, par le biais de simples ameublements.
Hervé Barbaret
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Avant-propos
Destin et langage des meubles Constituant un patrimoine public, les meubles installés dans une demeure historique sont identifiés par l’ICOM (International Council of Museums) comme des « biens culturels », appellation facilement traduisible dans les trois langues officielles1 de cette organisation internationale consacrée aux musées et à leurs visiteurs. Le vocable de « bien », à valeur positive, n’est pas choisi au hasard. Lorsqu’un objet est qualifié de « meuble », il s’agit d’un raccourci pour signifier un « bien meuble », autrement dit déplaçable d’un endroit à l’autre, sans être modifié ou détruit, par opposition au « bien immeuble ». Dans les périodes anciennes ainsi que dans le langage juridique actuel, les pièces de mobilier qui garnissent les habitations (tables, lits, tapis, tapisseries, lustres, rideaux, etc.) sont définies comme « meubles meublants ». Ce langage notarial n’aurait pas déplu à Balzac. Dans ses romans, meubles meublants, objets du quotidien, délivrent chacun leur message et sont souvent plus loquaces que les personnages dont ils concourent à la description tant physique que psychologique. Ils cernent le corps humain dans sa matérialité, son âge, ses gestes, son état d’esprit du moment et sa désolation ou son art de vivre. Ils sont impitoyables. Ce rattachement du meuble au corps humain, déjà réunis par l’attraction terrestre, porteurs d’une histoire commune, résiste indéfectiblement à une grande mutation, causée par les technologies avancées, baptisée « révolution numérique ». Depuis quelques décennies, l’usage généralisé de l’informatique crée une « déréalisation2 » croissante du monde. Ramenées par le mirage des algorithmes mathématiques à une succession de zéros et de un, certaines formes de réalité sont reproductibles et transmissibles à l’infini sur l’immense toile ou territoire de la planète. Changeant considérablement les rapports entre les êtres, facilitant nombre d’activités tant commerciales, professionnelles que personnelles, la révolution numérique a généré un nouvel humain : le « digital native », qui ressent naturellement aisance et confort dans le monde dématérialisé. Images, chiffres et lettres passent par l’écran, non plus par la page, et cela s’étend naturellement aux livres, nos chers compagnons, voire aux bibliothèques, nos sages refuges. Balzac pressent déjà cette révolution dans une phrase emblématique : «Tôt ou tard il faudra sans doute ériger une Manufacture royale de papier, comme on a créé les Gobelins, Sèvres, la Savonnerie et l’Imprimerie royale, qui jusqu’à présent ont surmonté les coups que leur ont portés de vandales bourgeois3.» Il y évoque les manufactures royales de tapisserie, de porcelaine et de tapis qui ont traversé les siècles, et la révolution industrielle, indemnes. L’Imprimerie royale également, devenue Imprimerie nationale. La Monarchie a fait place à la République, cependant les manufactures continuent à lier l’esprit à la main des femmes et des hommes qui y réalisent, sur des projets d’artistes toujours contemporains, des biens culturels… De l’Ancien Régime date également le Garde-Meuble, devenu Mobilier national en 1870 qui, grâce à sa collection insigne de meubles aux pedigrees prestigieux, continue à meubler les résidences du pouvoir tout en remeublant les musées et châteaux qui en font la demande. Pour l’entretien de l’ensemble de ses collections, le Mobilier national dispose de sept ateliers de restauration qui sont à la fois 8
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garants de pratiques ancestrales et creusets d’innovations. Ce sont les ateliers de lustrerie-bronze, d’ébénisterie, de menuiserie en siège, de tapisserie d’ameublement (garniture de sièges), de tapisserie décor, de restauration de tapis et de tapisseries. L’atelier de tapisserie décor, dirigé par Laure Dauvier, restaure avec zèle les décors textiles français de toute époque, sur une base archivistique, par des confections réalisées à l’identique ou en équivalence au décor disparu. À Saché, on peut aujourd’hui retrouver l’esprit du château de Clochegourde dans le roman Le Lys dans la vallée, « Le salon où restait la Comtesse était entièrement boisé, peint en gris de deux nuances. […] Deux larges embrasses en coton retenaient les rideaux de percale blanche, sans franges. Des housses grises, bordées d’un galon vert, recouvraient les sièges, et la tapisserie tendue sur le métier de la comtesse disait ainsi pourquoi son meuble était ainsi caché. Cette simplicité arrivait à la grandeur4.» En accord avec ce texte de Balzac, le Mobilier national a restitué cinq paires de rideaux en percale blanche, sans frange, contre-doublés de finette avec pose d’un galon plat de gros-grain sur le champ et de larges embrasses assorties : trois paires pour le salon, à plis traditionnels, avec des galons verts ; deux pour la salle à manger à plis flamands (le rideau recouvre entièrement la tringle) avec des galons rouge orangé. Les « housses grises, bordées d’un galon vert » ont été confectionnées pour quatre fauteuils, une causeuse Empire et un canapé Empire, en toile « bisonne ». De plus, une housse en toile bisonne grisée a été choisie pour le canapé de style Louis XV, dans un souci de vraisemblance, la housse originale ayant pu être réalisée antérieurement aux autres. Chaque housse est gansée d’un galon vert dans la partie inférieure. Enfin, un tapis de la Restauration prend place dans le salon. Invité dans une demeure du xve siècle à l’époque de la Restauration et sous le règne de Louis-Philippe, le visiteur du château de Saché devenu musée Balzac chemine dans l’entrée et l’antichambre, visite la salle à manger, le salon, les chambres – dont celle de Balzac, préservée avec ses meubles – jusqu’au cabinet de curiosités, au boudoir et à la chambre du curé de Tours. Les meubles exhumés des réserves du Mobilier national, sur la base de rapprochements avec les descriptifs de l’œuvre romanesque, contribuent par leur qualité, par la justesse et l’harmonie des volumes ainsi recréés, à l’esprit du lieu5. « Par une loi singulière, tout imite dans une maison celui qui y règne, son esprit y plane6.» Christiane Naffah-Bayle 1. Ce sont le français, l’anglais et l’espagnol. 2. Jean-Claude Guillebaud, Une autre vie est possible, Paris, Éd. L’Iconoclaste, 2012, p. 130. 3. IP, CH, t. V, p. 732. 4. Lys, CH, t. IX, p. 998. 5. Ce thème a fait l’objet de la Déclaration de Québec sur la sauvegarde de l’esprit du lieu, adoptée à Québec, Canada, le 4 octobre 2008 à l’occasion de la 16e assemblée générale du Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS). C’est une « Déclaration de principes et de recommandations destinée à la préservation de l’esprit du lieu, par la sauvegarde du patrimoine matériel et immatériel, qui est envisagée comme un moyen novateur et efficace de contribuer au développement durable et social à travers le monde ». 6. CV, CH, t. IX, p. 758.
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Avertissement Sauf mention contraire, toutes les œuvres présentées dans le catalogue proviennent des collections du Mobilier national. Afin d’alléger les notes, ont été reprises pour les titres des œuvres de Balzac les abréviations retenues dans l’index de l’édition de La Comédie humaine, dirigée par Pierre-Georges Castex, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1981, t. XII, p. 1141-1142. Il faut y ajouter les abréviations suivantes : Corr. Garnier : Correspondance de Balzac, éd. établie par Roger Pierrot, Paris, Garnier, 1960-1969, 5 vol. Corr. Pl. : Correspondance de Balzac, éd. établie par Roger Pierrot et Hervé Yon, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2006, t. I (1809-1835) ; 2011, t. II (1836-1841). OD : Balzac, Œuvres diverses, éd. publiée sous la direction de P.-G. Castex, avec la collaboration de Roland Chollet, Christiane et René Guise, Nicole Mozet, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1990, t. I ; 1996, t. II. PR : Balzac, Premiers Romans, éd. établie par André Lorant, Paris, Laffont, coll. « Bouquins », 1999, 2 vol. LHB : Balzac, Lettres à Mme Hanska, éd. établie par Roger Pierrot, Paris, Laffont, coll. « Bouquins », 1990, 2 vol.
AC : Adam-le-Chercheur. ACE : Anatomie des corps enseignants. Ad. : Adieu. AEF : Autre étude de femme. AIH : Aventures administratives d’une idée heureuse. AR : L’Auberge rouge. AS : Albert Savarus. Ath. : La Messe de l’athée. B : Béatrix. Be. : La Cousine Bette. Bo. : La Bourse. Boi. : Les Héritiers Boirouge. Bou. : Les Petits Bourgeois. BS : Le Bal de Sceaux. CA : Le Cabinet des antiques. Cath. : Sur Catherine de Médicis. CB : César Birotteau. CF : Un caractère de femme. CH : La Comédie humaine. Ch. : Les Chouans. Ch-O : Le Chef-d’œuvre inconnu. CM : Le Contrat de mariage. Col. : Le Colonel Chabert. Com. Sal.: La Comédienne de salon. Cor. : Maître Cornélius. CP : Le Cousin Pons. CSS : Les Comédiens sans le savoir. CT : Le Curé de Tours. CV : Le Curé de village. DA : Le Député d’Arcis. Dés. : Une passion dans le désert. DF : Une double famille. DL : La Duchesse de Langeais. Do. : Massimilla Doni. Dr. : Un drame au bord de la mer. DV : Un début dans la vie. DxA : Les Deux Amis. E : Les Employés. Ech. : Échantillon de causerie française. EF : Étude de femme. EG : Eugénie Grandet.
EHC : L’Envers de l’histoire contemporaine. ELV : L’Élixir de longue vie. EM : L’Enfant maudit. EP : L’Élection en province. Ep.T : Un épisode sous la Terreur. ES : Entre savants. F : Ferragus. FA : La Femme abandonnée. Fau. : La Femme auteur. FC : Facino Cane. FD : La Fin d’un dandy. FE : Une fille d’Ève. Fir. : Madame Firmiani. FM : La Fausse Maîtresse. Fré. : La Frélore. F30 : La Femme de trente ans. FYO : La Fille aux yeux d’or. Gam. : Gambara. Gau. : Gaudissart II. Gb. : Gobseck. GH : Un grand homme de Paris en province. Gr. : La Grenadière. GS : La Gloire des sots. H : Honorine. HA : Un homme d’affaires. HP : L’Hôpital et le peuple. H13 : Histoire des Treize. IG : L’Illustre Gaudissart. In. : L’Interdiction. IP : Illusions perdues. JCF : Jésus-Christ en Flandre. LL : Louis Lambert. Lys : Le Lys dans la vallée. Ma. : Les Marana. MC : Le Médecin de campagne. MCP : La Maison du chat-qui-pelote. MD : La Muse du département. Méf. : Les Méfaits d’un procureur du Roi. Mes. : Le Message.
MI : Les Martyrs ignorés. MJM : Mémoires de deux jeunes mariées. MM : Modeste Mignon. MN : La Maison Nucingen. MR : Melmoth réconcilié. P : Pierrette. Pay. : Les Paysans. PC : Le Prêtre catholique. PCh. : La Peau de chagrin. Per.: Perdita. PG : Le Père Goriot. PGr. : Pierre Grassou. Phy. : Physiologie du mariage. PJV : Le Programme d’une jeune veuve. PM : La Paix du ménage. PMV : Petites Misères de la vie conjugale. PP : Les Parents pauvres. PrB : Un prince de la bohème. Pro. : Les Proscrits. PVS : Pathologie de la vie sociale. R : La Rabouilleuse. RA : La Recherche de l’Absolu. Réq. : Le Réquisitionnaire. S : Sarrasine. Sér. : Séraphîta. SetM : Splendeurs et misères des courtisanes. SMA : Sœur Marie des Anges. SPC : Les Secrets de la princesse de Cadignan. SVparis. : Scènes de la vie parisienne. SVprov. : Scènes de la vie de province. SVpriv. : Scènes de la vie privée. TA : Une ténébreuse affaire. Th. : Le Théâtre comme il est. UM : Ursule Mirouët. Ve. : El Verdugo. Ven. : La Vendetta. VF : La Vieille Fille. Vis. : Mademoiselle du Vissard. VV : Valentine et Valentin. ZM : Z. Marcas.
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Sommaire
Porte bâtarde
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Jean-Jacques Gautier
Entrée
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Jean-Jacques Gautier
balzac, ou le style pendulaire
Salle arabesque ou salle des pendules
49
Nathalie Preiss
Vestibule
79
Jean-Jacques Gautier
La salle à manger, ou le jardin d’Ulysse
125
Nathalie Preiss
Le salon
147
Jean-Jacques Gautier
Le cabinet de travail
163
Jean-Jacques Gautier
d’un cabinet l’autre
Le boudoir comme laboratoire
173
Nathalie Preiss
être ou ne pas être dans ses meubles
L’appartement du curé de Tours
191
Nathalie Preiss
Chambre de Balzac
203
Jean-Jacques Gautier
la curiosité n’est pas un vilain défaut
Le cabinet de curiosités
217
Nathalie Preiss
« La vie est dans les meubles. »
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Jean-Jacques Gautier
Glossaire balzacien
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Jean-Jacques Gautier La rédaction des notices est due à Jean-Jacques Gautier.
Orientations bibliographiques
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Porte bâtarde « L’architecture est
« […], une sympathie soudaine pour les moindres meubles qu’elle s’appropria tout à coup comme s’ils lui eussent été connus depuis longtemps ; détails vulgaires, mais qui ne sont pas indifférents à la peinture de ces caractères exceptionnels. Il semblait qu’un rêve l’eût familiarisée par avance avec cette demeure où elle vécut de sa haine comme elle y aurait vécu de son amour1. »
Le bouleversement de la Révolution affecte les classes sociales les plus susceptibles de commandes l’expression des mœurs » de luxe et le personnel artistique habituellement employé, mais laisse intactes les mentalités concernant les processus de création en décoration et ameublement. Comme auparavant, les impulsions données dans l’évolution du style émanent des ornemanistes, soit peintres, soit, plus souvent, architectes. La dépendance du décor intérieur et de l’ameublement au dessin d’architecture se vérifie et est même conceptualisée. Architecte de plusieurs souverains successifs, Pierre-François-Léonard Fontaine affirme : « l’ameublement se lie de trop près à la décoration des intérieurs pour que l’architecte puisse lui être indifférent2 ». Quand Balzac évoque le menuisier Brigaut qui, à seize ans, « ne savait encore ni dessiner, ni profiler une corniche3 », on perçoit le tribut que le décor intérieur doit à l’architecture et au vocabulaire décoratif commun à l’ameublement. Le point de vue adopté par Balzac, qui part d’abord d’une habitation pour en décrire ensuite décors intérieurs et meubles, est celui perçu comme allant de soi. C’est tout logiquement celui qui s’est imposé dans le choix de certains angles de vue pour la présentation topographique et l’évocation de l’ameublement. Cette interprétation de l’espace, presque exclusive des architectes-ornemanistes, est continuellement à garder en mémoire. Balzac l’a faite sienne, qui ne manque pas d’y insuffler un caractère historique, sociologique, sur lequel il revient plusieurs fois. Devant le château de Blois, il lie mœurs et histoire par le médium architecture, d’une façon originale : « Cette immense construction offre […], un tableau complet, exact de cette grande représentation des mœurs et de la vie des nations qui s’appelle l’Architecture4.» Ou, toujours en 1841 : « Si jamais cette vérité, que l’architecture est l’expression des mœurs, fut démontrée, n’est-ce pas depuis l’insurrection de 1830, sous le règne de la maison d’Orléans5 ? » Il est effectivement permis de prendre acte que 1830 a entériné des bouleversements, antérieurs à cette crise politique, sous-jacents, a provoqué des accélérations et prises de conscience dont l’écrivain ne cesse de nous rendre compte. Cette histoire des mentalités qui se déchiffre dans l’architecture était précisée déjà en 1835 : « Les événements de la vie humaine, soit publique, soit privée, sont si intimement liés à l’architecture, que la plupart des observateurs peuvent reconstruire les nations ou les individus dans toute la vérité de leurs habitudes, d’après les restes de leurs monuments publics ou par l’examen de leurs reliques domestiques.» Balzac focalise ensuite, en extrapolant de même avec l’archéologie, puis une mosaïque, image exploitée à cette époque6. Ce dernier exemple, il le situe dans un contexte de productions, pour suggérer une société dans sa totalité – comme « dans quelques pans de murs féodaux un léger détail de sculpture demeure pour faire apercevoir ce que fut le château dans son beau temps7 ». Ce qui lui permet, tout en affirmant avec force le caractère démonstratif de ses descriptifs, de poser l’assiette de ses compositions romanesques et d’adapter d’un point de vue domestique le sujet avec toutes
Détail du Cat. 8a
1. Ch., CH, t. VIII, p. 1065. 2. Recueil de décorations intérieures, 1801-1812, p. 15. 3. P, CH, t. IV, p. 99. 4. Cath., CH, t. XI, p. 235. 5. FM, CH, t. II, p. 200. 6. RA, CH, t. X, p. 657.À l’instar de Cuvier, comme il le précise. 7. Be., CH, t. VII, p. 193.
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« Une antichambre est une espèce de préface qui doit tout annoncer, mais ne rien promettre 1. »
Chez Balzac, le mobilier est associé à l’épanouissement de son propriétaire. Il est l’expression de ses capacités et, en contrepartie, de ses frustrations. La richesse, en ce qu’elle est manifestation de pouvoir, est essentielle dans la perception de l’ameublement. Balzac a donc fait référence continuellement à son expression la plus élevée, c’est-à-dire les souverains de son temps, les ministres, les hommes d’État et bien sûr les financiers. À son niveau personnel, il ne s’est pas privé d’en donner une échelle réduite dont l’aboutissement est l’acquisition, en 1846, de la Folie Beaujon et l’ameublement commandé pour son rêve matrimonial avec Mme Hanska. À Paris, depuis octobre 1789, le lieu de pouvoir par excellence est redevenu le château des Tuileries. La résidence d’été, proche de la capitale, est Saint-Cloud. L’opposition depuis la fin de l’Ancien Régime est au Palais-Royal, qui concentre aussi, avec ses galeries, un grand nombre d’activités diverses. Rappelons les régimes politiques dont Balzac est le témoin. Depuis le Consulat (1799-1804) jusqu’à la seconde République (1848-1852) se succèdent les règnes de Napoléon Ier (1804-1814 avec les Cent-Jours en 1815), Louis XVIII (1814-1815, puis 1815-1824), Charles X (1824-1830) et Louis-Philippe (1830-1848). Par commodité, on a tendance à faire coïncider les évolutions stylistiques avec les régimes politiques, ce qui permet ainsi de réduire à un système de gouvernement mentalités et ameublement. Le mécénat du pouvoir politique est affirmé comme soutien économique. De 1799 à 1850, les styles (répertoires de l’ornement) subissent une forte métamorphose. Depuis 1755 environ et la fin de la guerre de Sept Ans, le goût qui s’est progressivement imposé est un retour au style classique inspiré de l’Antiquité avec, à chaque génération d’ornemanistes, une relecture de la Grèce et de la Rome antiques. Ce développement des styles, que nous appelons systématiquement Louis XVI, Directoire, Consulat, Empire et Restauration, est, comme il a déjà été souligné, les rameaux d’un même tronc néoclassique. Mais, déjà sous Louis XVI et de plus en plus, une inspiration renouvelée dans l’examen du Moyen Âge nourrit ce goût pour le style troubadour ou cathédrale, et, après 1835, plus archéologiquement médiéval ou néogothique. Sous Louis-Philippe cohabitent plusieurs tendances de styles historiques, nouvelles sources d’inspiration avec le Moyen Âge, un intérêt pour la Renaissance, puis pour le règne de Louis XIV et le xviiie siècle. Aimé Chenavard (1798-1838) fut un de ces ornemanistes qui jouèrent un rôle sur le regard nouveau porté sur la Renaissance. C’est un personnage clé qui connut peut-être Balzac par le journal L’Artiste, « qui contribua certainement beaucoup à asseoir son succès », selon Pierre Ennès2. Dès 1827, il donne une impulsion au renouvellement de l’inspiration en observant les styles anciens et étrangers. Continuellement, Balzac nourrit sa création en se servant de meubles de ses propres intérieurs. L’acquisition est compulsive. Dès son indépendance en 1819, sa famille lui reproche des achats onéreux, comme plus tard une amie aussi bienveillante que Zulma Carraud, dans une lettre du 2 août 1833, l’invite à : « Jetez donc là votre sot appartement, avec tous ces
Détail du Cat. 8a
1. DF, CH, t. II, p. 58. 2. Paris, 1991, p. 517-518. « Chenavard est mort brûlé. Il entrait dans un café […], à tout moment.» Traité des excitants modernes, CH, t. XII, p. 316. Il semble qu’il soit mort poitrinaire.
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9. Friedrich STARKE (1802-1872) Alphonse JACOB-DESMALTER (1770-1841)
Écran de cheminée Hêtre doré, tapisserie de lice de Beauvais 1842-1844 H. : 1,07 ; 0,59/0,41 m Paris, GMT 27542 Lors du mariage de sa fille, la princesse Clémentine, Louis-Philippe donna l’ordre de tisser, en septembre 1842, un meuble fond bleu en soie, ornements coloriés et fleurs, bordure de feuilles de chêne. Ce meuble avait été prévu dans un premier temps pour la reine Marie-Amélie au château d’Eu. C’est la princesse elle-même qui vint au château d’Eu choisir les six fauteuils et le canapé d’époque Louis XVI, afin de les compléter par plusieurs pièces, dont cet écran. Il s’agit d’un exemple de complément en 1842, témoignage « antiquaire » qui n’a pas épargné la génération des enfants de Louis-Philippe, Balzac lui-même et certains de ses personnages, justement dans cette décennie. Témoignage également d’une interprétation à partir d’un ensemble antérieur. Ce qui implique de la part de Jacob-Desmalter un examen approfondi des originaux et une appropriation des ornements pour faire œuvre originale en y transposant les motifs de ruban tournant et de nœud. La traverse semble avoir peu inspiré le créateur et, de plus, relever d’une exigence récente pour y poser les pieds. L’écran d’Armande avec sa barre d’appui, qui lui vient de sa grand-mère, n’est peut-être pas si ancien qu’elle le croit8. Ce meuble se compose encore d’un canapé, six fauteuils, quatre chaises, deux tabourets de pied et de l’écran. 8. MJM, CH, t. I, p. 200. Paris, 1991, no 222.
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Balzac, ou le style pendulaire
Salle arabesque
ou salle des pendules Si, selon Barthes, le baromètre chez Flaubert ne signifie rien et n’a pour seule fonction que « l’effet de réel1 », les pendules, omniprésentes chez Balzac – dans ses intérieurs privés et rêvés, telle la bien-nommée « rue Fortunée », comme dans son œuvre, « son » intérieur, réalisé, La Comédie humaine –, ne cessent de sonner et de signifier : le moyen de s’en étonner de la part de celui qui s’est voulu « historien des mœurs du xixe siècle en action2 », c’est-à-dire aussi lecteur et déchiffreur de signes, sémioticien et herméneute des corps et des décors, des cœurs et des mœurs ? Et si les pendules – ornements obligés des intérieurs du xixe siècle, toujours plus intérieurs avec l’avènement de l’individualisme caractéristique de l’état social démocratique selon Tocqueville, et pièces maîtresses des arts décoratifs de cette époque – occupent une telle place dans son œuvre, c’est que, historien du temps présent, Balzac a saisi que la Révolution est d’abord une révolution du temps, très précisément de la mesure du temps, dont témoigne le calendrier républicain, un vrai calendrier parlant, qui « ouvre un nouveau livre à l’histoire », selon son initiateur, Gilbert Romme3. La théologie chrétienne des heures a fait place à la météorologie républicaine des saisons, fondée en raison : avec les Lumières révolutionnaires, la nature est aussi produit culturel et rationnel, révolution des astres et révolution des armes conspirent, et, le 22 septembre 1792, date de la proclamation de l’abolition de la royauté et de l’entrée dans un nouveau temps à tous égards, Romme de souligner devant la Convention que « le même jour, à 9 heures 18 minutes 30 secondes du matin, le soleil est arrivé à l’équinoxe vrai, en entrant dans le signe de la Balance.Ainsi l’égalité des jours aux nuits était marquée dans le ciel au moment même où l’égalité civile et morale était proclamée par les représentants du peuple français comme le fondement sacré de son nouveau gouvernement4.» Soumis à la rationalité de la réforme des poids et mesures, il n’y a plus désormais pour le temps deux poids deux mesures. Et parce que l’histoire mais aussi les arts ont partie liée avec le temps, la même raison universelle doit les conduire : « Les arts et l’histoire, pour qui le temps est un élément ou un instrument nécessaire, […] demandent aussi de nouvelles mesures de la durée qui soient pareillement dégagées des erreurs que la crédulité et une routine superstitieuse ont transmises des siècles d’ignorance jusqu’à nous5.» Certes, Napoléon – commanditaire au Mobilier national de deux-cent cinquante pendules pour les appartements impériaux6 –, qui se souvient qu’il est tout à la fois fils de la Révolution et fils de la France « fille aînée de l’Église », abolit, en 1806, le calendrier républicain, mais le « Napoléon des lettres7 », Balzac, a bien compris que, sur la tabula rasa révolutionnaire, il pouvait bâtir, sinon son église, du moins ce que, dans la lettre à Mme Hanska du 26 octobre 1834, il appelle son « palais », fort d’une centaine de pendules !, et y célébrer une liturgie des heures laïque. Mieux, à travers les pendules, qui convoquent tous les arts, artisans et artistes – horlogers, bronziers, doreurs, ciseleurs, orfèvres, ébénistes, architectes, dont les fameux horlogers Lépine, Lepaute ou Bréguet, les non moins fameux bronziers Thomire, Feuchère, Galle ou Ledure, les glorieux architectes de l’arc de triomphe du Carrousel comme de la
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1. Roland Barthes, « L’effet de réel », Communications no 1, 1968, p. 84-89. 2.Voir Madeleine Ambrière, « Balzac historien : théorie, pratique, enseignement de l’histoire », dans Au soleil du romantisme. Quelques voyageurs de l’infini, Paris, Puf, 1998, p. 340 [repris dans Une grande voix balzacienne. Madeleine Ambrière, textes réunis par Michel Lichtlé et Nathalie Preiss, Paris, Puf, 2016]. 3. Cité par Bronislaw Baczko, « Le calendrier républicain. Décréter l’éternité », dans Les Lieux de mémoire, sous la direction de Pierre Nora, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 1997, t. I, p. 71. 4. Ibid., p. 72. 5. Ibid., p. 75. 6. D’après Pascal Brunet, Joëlle Mauerhan et alii, Le Roi, l’empereur et la pendule, Besançon, Éditions Musée du temps, 2006, p. 2. 7. Titre de l’ouvrage de Gérard Gengembre, Balzac, le Napoléon des lettres, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard », 1992.
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Vestibule
« Il va jeter la maison par les fenêtres pour nous bâtir un Louvre 1. »
Proposer les plans des demeures de La Comédie humaine est, il faut bien l’avouer, d’une grande présomption, sans pertinence immédiate. Une tentative a été faite concernant la maison de La Vieille Fille par Nicole Mozet2. Tentative raisonnable qui s’en tient à un tracé linéaire et aux indications stricto sensu du texte, et non pas comme il est proposé ici celles qui prennent en compte les données architecturales de l’époque. Prendre le parti de dessiner les espaces qui s’articulent entre eux au fil du discours balzacien, dans une perspective d’architecte, est déjà en soi un exercice susceptible de péril, mais en compléter les données par des hypothèses semble relever de l’acte gratuit. Pourtant, la question de la vraisemblance des descriptions dans La Comédie humaine est essentielle. Non qu’elle doive faire de Balzac un historien de l’architecture, mais pour renforcer la connaissance de l’historien des mœurs. Le décorticage des mécanismes de création chez Balzac énoncés plus loin permet de pouvoir affirmer que ces restitutions rendent la juste mesure de l’inspiration de l’écrivain. Au-delà de l’aspect ludique, que l’on ne peut nier, il est possible de trouver de nouvelles voies à la compréhension de l’univers balzacien. Ces maisons décrites avec minutie relèvent d’un « juste milieu ». Les chaumières à salle unique peuvent sembler ne nécessiter qu’une ébauche, mais les liens avec les annexes et l’environnement naturel, en conséquence, sont sollicités. Rares sont les descriptifs d’édifices historiques sur lesquels l’action vient se greffer continûment. Il n’en existe que deux, le palais de la Conciergerie, présenté à la fois comme ancienne résidence royale et prison d’État, et le château de Blois, décrit dans une topographie précise mêlant l’état du xvie siècle et celui de 18413. Les habitations qui nous sont livrées sont surtout des maisons bourgeoises ou des appartements parisiens modestes ou de la petitebourgeoisie. Les châteaux tout comme les hôtels, pour une raison évidente, font rarement l’objet d’un traitement du détail. Hormis les châteaux de Montégnac, Clochegourde et des Aigues, dont une partie de la distribution est donnée et le décor et certains meubles font sens, les autres demeures de dimensions plus importantes restent dans une approche sommaire. Seule la distribution du petit édifice castral de La Baudraye est envisagée dans sa totalité, car elle ne comprend que « l’antichambre, la salle à manger, les deux salons et le boudoir que Dinah s’était arrangés au rez-de-chaussée […]4 ». Dans quelle mesure faut-il tenir compte des différents états connus des textes de Balzac ? Il est difficile de ne pas considérer que l’auteur, quand il a supprimé certains passages concernant la topographie, n’en considérait pas moins comme relevant du réel de son intrigue. Un exemple avec la description de l’appartement de l’abbé Chapeloud. Le manuscrit fait une plus large part à la distribution et évoque « une petite cellule » qui disparaît dans l’édition Béchet de 1834 mais dont le souvenir reste malgré tout, trahi par son article défini, quand est abordée la question des ameublements : « l’abbé Chapeloud fit de la cellule un oratoire », qu’après 1834 rien ne vient plus annoncer5. On peut être surpris de l’apparition spontanée des deux meubles d’ébène dont une armoire du boudoir de l’hôtel de San-Réal que rien ne
Détail du Cat. 42
1. CB, CH, t. VI, p. 102. 2. CH, t. IV, p. 806. 3.Topographie récemment précisée. Élisabeth Latrémolière, « 1515 : Blois, le premier chantier d’un jeune souverain », Trésors royaux. La bibliothèque de François Ier, cat. exp. château de Blois, 2015. 4. MD, CH, t. IV, p. 645. 5. CT, CH, t. IV, p. 185.
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Le Père Goriot Pension Vauquer Plan premier, deuxième et troisième étages Plan rez-de-chaussée
Chambre du père Goriot
Chambre de Mlle Michonneau
Chambre de Poiret
Salon de Vautrin
Antichambre de Vautrin
Chambre de Vautrin
Le Curé de Tours Maison Gamard Plan premier étage
Chambre de Mme Vauquer
Chambre de Mme Couture
Salon
Chambre de Victorine Taillefer
Oratoire Bibliothèque
Chambre
Hangar à bois Salon
Cour
Antichambre Cuisine
Salle à manger
Salon
App.
de Mlle
Gamard
Cailloutis
Côté rue
Allée
G. Noblanc, J.-J. Gautier
Jardin
Carré de tilleuls
Rue Neuve-Sainte-Geneviève
Allée
Allée
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V. Desclaux, J.-J. Gautier
Cat. 28
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Ursule Mirouët Maison Mirouët
Ursule Mirouët Maison de Portenduère
Rivière
Plan rez-de-chaussée Terrasse
Plan premier étage Plan rez-de-chaussée
Banc
Chambre de Mme Meuble Boulle
Cabinet
Cabinet de toilette Chambre de Savinien Chambre de M. Jardin Bibliothèque Hangar Cuisine Cour
Puits
Salle à manger
Office Salon Salle
Cuisine
Cour
Rue Information donnée par Balzac
Information donnée par Balzac Hypothèse
V. Desclaux, J.-J. Gautier
Hypothèse
V. Desclaux, J.-J. Gautier
Cat. 30
Cat. 31
Béatrix Hôtel du Guénic à Guérande
Salle à manger
Salle
Allée
Plan rez-de-chaussée
Cour
Cuisines
Écuries
Information donnée par Balzac Hypothèse
V. Desclaux, J.-J. Gautier
Cat. 32
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Fig. 10 Vue du château d’Azay-le-Rideau, côté cour, vers 1840, dessin d’Isidore-Laurent Deroy (1797-1886).
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La salle à manger, ou le jardin
d’Ulysse
« L’on me dira peut-être qu’une salle à manger contribue pour bien peu de chose au bonheur de la vie ?… Il n’en est pas moins vrai, que si vous étiez assis sur un banc dont le dossier est garni, comme le reste, de beaux coussins moelleux ; que si vous aviez les pieds sur un tapis de Perse ; que si votre vue était récréée au-dehors par la vue de la mer, et au-dedans par l’ensemble imposant de vingt colonnes de marbre vert supportant une frise de marbre blanc ; que si vous arriviez à cette pièce ronde par un péristyle gothique et très sombre, vous seriez enchanté d’apercevoir un lieu clair, bien décoré, rempli des féeries de l’art et de la nature1.» Comme « il y a fagots et fagots » chez Molière, il y a salle à manger et salle à manger chez celui qui se voulait le Molière du xixe siècle. Rien de commun, semble-t-il, entre la salle à manger particulière fort contemporaine de Jean II de Lusignan, roi de Chypre, évoquée en ouverture ou celle, de style Louis XV, non moins contemporaine2, du château des Aigues, «“ chauffée en dessous”» et où, sous «“son pied, la maîtresse de la maison trouve un ressort de sonnette pour appeler ses gens”3 », et celle de la maison Vauquer, « plaquée de buffets gluants » et ornée d’une maîtresse de pension « à la figure fraîche comme une première gelée d’automne4 ». Et pourtant, avec l’avènement, depuis le xviiie siècle, de l’état social démocratique et de la distinction entre public et privé, la salle à manger, qui a acquis son autonomie par rapport aux autres pièces attenantes, introduit, au sein même de la sphère privée, un jeu subtil entre vie privée et vie publique qui ne pouvait manquer de retenir l’attention de l’auteur des Scènes de la vie privée : sous le règne du roi-citoyen, il y a chez tout citoyen le souci de recevoir royalement. Et si l’art de la table royaume en cette première moitié du xixe siècle, du château à la maison, c’est bien parce que, par-delà les régimes politiques, s’impose un régime esthétique, une sensibilité au beau et au bon dans la tradition des Lumières, fussent-elles révolutionnaires, auquel l’auteur de la Physiologie du mariage (1829), pendant de la Physiologie du goût (1826) de Brillat-Savarin, ne pouvait qu’être sensible précisément. Mais un régime menacé : c’est cette histoire-là aussi que raconte l’art de la table chez Balzac.
Détail du Cat. 51
Éros
S’il est un siècle du goût, plus exactement du discours sur le goût, c’est bien le xviiie siècle – du Temple du goût (1733) de Voltaire ou de l’Essai sur le goût (1757) à table de Montesquieu à la Critique de la faculté de juger (1790) de Kant en passant par la toute neuve, et ce n’est pas un hasard, gastronomie de Grimod de La Reynière (1758-1837) ou du cuisinier autodidacte de Talleyrand puis de James de Rothschild, Antonin Carême (17841833), qui incite ce dernier à transformer l’une des antichambres de son hôtel de la rue Laffitte en salle à manger permanente5. Et l’on ne s’en étonnera pas si l’on considère que l’expérience du goût, dans le domaine du beau comme du bon, est le lieu même de ce qui caractérise les Lumières : l’exercice de la raison dialectique, par laquelle deux éléments sont subsumés par un troisième, un « tiers-pensant » en quelque sorte, qui permet tout à la fois de les unir et de les
1. Clotilde de Lusignan, ou Le Beau Juif, PR, t. I, p. 739. 2.Voir, à cet égard, supra, le chapitre « Balzac, ou le style pendulaire », p. 62. 3. Pay., CH, t. IX, p. 57. 4. PG, CH, t. III, p. 53-54. 5. Béatrice de Andia, «Art de recevoir, art de vivre », dans Orangerie de Bagatelle, 1984, p. 12.
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48. Pierre-Philippe THOMIRE (1751-1843)
Paire de coupes de surtout Bronze doré Vers 1810 H. : 0,335, D. : 0,17 m Paris, GML 9735/1 et 2 Cette paire de coupes, élément de surtout de table, est d’époque Restauration. Elle provient du surtout du ministère des Finances (B 386). Des éléments similaires ou avec de légères variantes se rencontrent dans le commerce d’art. Les coupes de cristal ont disparu.
49. DENIÈRE
Élément de surtout Bronze doré 1829 H. : 0,55, D. : 0,26 m Paris, GML 7926 (B 205) Élément de surtout formant jardinière ou coupe, d’un style proche de celui de la Restauration. Il provient du surtout commandé en janvier 1829 pour le ministère de la Marine à Denière, pour 14 100 francs3. Les fortes guirlandes, les rinceaux gras de la base ainsi que les palmettes découpées dans la corbeille témoignent de l’évolution du style vers 1830 par rapport aux pièces précédentes4. 3. Service historique Défense, BB8 112. Emmanuel Pénicaut, « Un port d’attache pour la Marine : deux siècles de présence », L’Hôtel de la Marine, Paris, 2011, p. 94-145. 4. Ottomeyer et Pröshel, 1986, t. I, p. 384.
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Le
salon
« Tel salon vous hait, tandis que dans tel autre, vous êtes porté aux nues 1. »
Au xixe siècle, le salon succède définitivement à la chambre à coucher. Cette dernière perd presque entièrement son rôle social, pour devenir exclusivement une pièce privée. Comme pour la chambre à coucher de Mme Récamier, on ne peut y accéder qu’à l’invitation de la maîtresse de maison, elle n’y reçoit pas. Cette évolution se marque dans La Recherche de l’Absolu, où « longtemps avant que les mœurs anglaises n’eussent consacré la chambre d’une femme comme un lieu sacré, celle d’une Flamande était impénétrable2 ». Et Thaddée Paz se refuse à pénétrer dans la chambre de Malaga3. Avant le xviiie siècle, le salon est une grande pièce d’apparat, sans vocation réelle. En décrivant la salle basse d’Enguerry en 1822 (1440), Balzac parle d’un « vaste salon lambrissé tout en chêne uni, pavé avec de grandes dalles de marbre blanc et noir, à croisées ogives garnies de petits carreaux de couleur4 » et fait usage de ce terme dans son sens premier. Puis le salon est l’héritier de la « salle », telle qu’elle est définie au début d’Eugénie Grandet. Ce lieu, encore si moliéresque, avec salle haute et salle basse, est teinté d’archaïsme comme la salle de Pourbus et dont la province offre quelques survivances. Les salles basses des maisons Descoings, Hochon, Listomère, de la maison Camusot, « cette salle servait à la fois de salon et de salle à manger5 », de l’hôtel Bontemps dont il est précisé qu’elle sert de salon, procèdent de salles anciennes comme celle de l’hôtel Cornélius à Tours. Puis d’autres spécificités se font jour. Pièce où l’on se réunit en famille et en société, le salon acquiert son autonomie dans la distribution. Dans les plus riches demeures, plusieurs salons voisinent : salon de jeu chez Gondreville ou chez les Hulot6 ; salle de billard ; petit salon (celui de la marquise d’Espard, de l’hôtel de Cadignan ou d’Esther, rue Saint-Georges, chez les Camusot de Marville), qui ne se comprend que par opposition au grand salon ; mais peut aussi être un salon de petite taille d’un appartement parisien (rue d’Artois, chez Rastignac, chez les Bridau, rue Mazarine, ou rue des Moineaux, chez Lydie) ; salon des tapisseries dont l’occurrence dans La Comédie humaine devrait susciter une étude7 ; salon de musique ; salon de bal ; salon de partance qui sent son nouveau riche, tel le salon d’attente de Josépha ; et même salon d’habillement dans le chalet de Ville-d’Avray de Mme Gaston8. Les hôtels d’Espard, Beauséant, Restaud, Grandlieu ont, certainement comme beaucoup de demeures aristocratiques, un premier salon. Quelquefois, l’absence de salon laisse place à un parloir (voir p. 249). Le salon est lieu par excellence de représentation sociale. « Les salons appartiennent donc à ceux qui ont le pied élégant 9 » dans la haute société. Le salon aristocratique est « meublé comme l’est un salon du faubourg Saint-Germain, plein de ces riens si riches qui traînent sur les tables […]10 ». Il est lieu de réunion de sociétés politiques, intellectuelles, qui donnent à ce terme sa signification si particulière depuis le xviie siècle. Balzac précise qu’après les événements de juillet 1830 « les salons ne s’ouvrirent qu’en 183311 ». Ceux de La Comédie humaine sont avant tout des lieux d’influence politique et, quand ils sont à prétention intellectuelle,
Détail du Cat. 55
1. PCh., CH, t. X, p. 48, préf. 1re éd., 1831. 2. CH, t. X, p. 711. 3. FM, CH, t. II, p. 226. 4. Clotilde de Lusignan, ou Le Beau Juif, PR, t. I, p. 567. 5. CA, CH, t. IV, p. 1571. Selon les textes préoriginaux corrigés. 6. PM, CH, t. II, p. 106. Be, CH, t. VII, p. 57, 58. 7. Un petit salon de tapisserie n’est cité qu’une seule fois et doit concerner uniquement le meuble : AR, CH, t. XI, p. 108 ; celui de Mlle des Touches ne se définit que par rapport au grand salon du rezde-chaussée, B, CH, t . II, p. 704, et renvoie à des tapisseries murales. 8. MN, CH, t. VI, p. 353. Be., CH, t. VII, p. 121. MJM, CH, t. I, p. 380. 9. Traité de la vie élégante, CH, t. XII, p. 244. 10. FA, CH, t. II, p. 475. 11. FE, CH, t. II, p. 296.
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57. Méridienne ou lit de repos Acajou H. : 0,87 ; 1,50/0,67 m Vers 1830 Paris, GMT 8593 Méridienne en acajou rentrée de Versailles le 18 mars 1923 dont elle porte le V 12391. Elle y était entrée en 1877 (feuille no 2) pour la chambre de la femme du conservateur du palais. « 12391. Un lit de repos en acajou couvert en toile perse mauve ; un oreiller. Lgr 1,503. » Le petit dossier s’abat mécaniquement pour faire lit de repos. La méridienne n’apparaît qu’une seule fois dans La Comédie humaine : la comtesse Laginski est « étalée sur une de ces méridiennes merveilleuses d’où l’on ne peut plus se lever, tant le tapissier qui les inventa sut saisir les rondeurs de la paresse et les aises du far niente4 ». Balzac laisse entendre qu’il s’agit d’une chaise longue confortable, œuvre plus de tapissier que d’ébéniste. 3. Information communiquée par Yves Carlier. 4. FM, CH, t. II, p. 203.
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Le cabinet de travail
« Nourri dans le sérail, j’en connais les détours 1 »
Le cabinet au xixe siècle s’affirme comme lieu de pouvoir : juridique, politique, marchand, financier ou intellectuel. C’est l’endroit où la bourgeoisie mâle travaille2. Le mobilier de ces pièces essentielles aux rouages de la société n’est pas toujours ostentatoire. Il est, à l’inverse des mobiliers privés, supposé dégagé de tout investissement affectif. « Mais il en est ainsi de la maison de jeu, du tribunal, du bureau de loterie et du mauvais lieu. Pourquoi ? Peut-être dans ces endroits le drame, en se jouant dans l’âme de l’homme, lui rend-il les accessoires indifférents ; […]3.» C’est chez Derville qu’il faut essayer de retrouver l’atmosphère des études où le jeune Balzac était clerc, successivement chez Guillonnet-Merville de 1816 à mars 1818, puis chez Passez jusqu’en 1819. C’est dans cette expérience qu’il a trouvé les détails d’une atmosphère décrite jusque dans sa saleté. La hiérarchie sociale de l’étude s’inscrit dans le mobilier. « Près de la fenêtre se trouvait le secrétaire à cylindre du principal, et auquel était adossée la petite table destinée au second clerc. […] Derrière le Maître clerc était un énorme casier qui garnissait le mur du haut en bas, et dont chaque compartiment était bourré de liasses d’où pendaient un nombre infini d’étiquettes et de bouts de fil rouge […].» Pourtant, Balzac pointe le paradoxe de ce type de mobilier qui, ancien et donc dévalorisé car ce « mobilier crasseux se transmet d’avoués en avoués », n’en conserve pas moins une certaine valeur. « Certes si les sacristies humides […], si les magasins des revendeuses […], si ces deux cloaques de la poésie n’existaient pas, une étude d’avoué serait de toutes les boutiques sociales, la plus horrible.» Cette hiérarchie mobilière, reflet de la société, se rencontre aussi dans Les Employés, d’autant plus marquée qu’elle est administrative. Le cabinet de travail du marquis d’Espard offre ce même contraste de l’honnêteté installée modestement. « De longues planches […] garnissaient les murs de cette chambre. Au fond, une cloison en bois et en grillage, intérieurement ornée de rideaux verts formait un cabinet. Une chatière destinée à recevoir ou à donner les écus indiquait le siège de la caisse. […] la seconde chambre […] était un bureau modeste rempli de livres et d’épreuves. Il s’y trouvait une table en bois noir […], dans la dernière pièce où était le marquis au coin de la cheminée […]. Ce dernier cabinet avait un tapis usé, les fenêtres étaient garnies de rideaux en toile grise, il n’y avait que quelques chaises en acajou, deux fauteuils, un secrétaire à cylindre, une table à la Tronchin, puis sur la cheminée une méchante pendule et deux vieux candélabres4.» Le secrétaire, qu’il soit en armoire ou à cylindre, est un des meubles constitutifs d’un cabinet. Il permet de serrer des papiers, mais est aussi doté de coffre-fort dans la partie inférieure droite pour les premiers et dans un double tiroir pour les seconds. C’est là que l’on dissimule or et argent.Victor d’Aiglemont est surpris que son hôte mystérieux « a laissé le secrétaire plein d’or et de billets » de sa victime5. Les cabinets les plus révélateurs sont ceux des financiers : usuriers ou banquiers. Ils offrent parfois le contraste d’un « cabinet ostensible » et d’un cabinet plus sommairement meublé,
Fig. 14 Baron François Gérard, Louis XVIII dans son cabinet de travail aux Tuileries, huile sur toile, vers 1823. Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 4927.
1. Code des gens honnêtes, OD, t. II, p. 243 ; Bajazet de Racine, acte IV, sc. VII, v. 1424. 2. Seule Mlle Cormon jouit d’un cabinet de travail. Mais son appellation datait certainement du siècle précédent. Et ne faut-il pas penser que Balzac recréait là celui d’un haut fonctionnaire de la Maison du Roi, installé à l’hôtel du Châtelet, rue de Grenelle ? Voir Cat. 17. 3. Col., CH, t. III, p. 315. La même étude reparaît dans Un début dans la vie. 4. In., CH, t. III, p. 480. 5. F30, CH, t. II, p. 1167.
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78. Fauteuil de bureau Acajou Vers 1820 H. : 0,76 ; 0,60/0,50 m Paris, GMT 10707 Fauteuil de bureau typique de ceux réalisés sous l’Empire et la Restauration. Celui-ci provient de la Direction générale des Beaux-Arts. Relevons chez le jeune Balzac la mention d’un « fauteuil en bois de chêne peint en acajou, couvert en maroquin qu’il avait vu de couleur verte, et à clous dorés […]4 ». 4. Annette et le criminel, PR, t. II, p. 450.
79. Fauteuil de bureau Acajou Vers 1820 H. : 0,82 ; 0,57/0,48 m Paris, GME 10760 Fauteuil de bureau canné. Il porte une étiquette de livraison, malheureusement en partie illisible, où se distingue le terme « cabinet ». Sur la ceinture intérieure élégie se remarque également, au feu, la marque EC avec trois fleurs de lys dans un ovale, correspondant aux écuries de Saint-Cloud sous la Restauration. 54985 au pochoir noir révèle sa rentrée le 3 décembre 1878, « Par le Ministère de la Maison et Bonification/[…] 54985, 1 Un fauteuil de bureau en acajou fond canné. » Le fauteuil de bureau est souvent canné, tel est celui de Castanier (Melmoth réconcilié). Les sièges de canne autres que fauteuils de bureau renvoient au xviiie siècle. On en rencontre comme fauteuils de salle à manger chez Mlle Gamard ou chez Mlle Cormon, « sièges en canne vernie5 ». 5. CT, CH, t. IV, p. 209. VF, CH, t. IV, p. 1454, 851. Ils sont dits vernis dans un second temps.
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D’un cabinet l’autre
Le boudoir comme laboratoire Dans le cabinet de travail de l’avoué, bien carré dans son fauteuil de bureau en acajou (Cat. 78), l’on révèle, assis droit sur des chaises souvent inconfortables, des secrets privés inavouables, bientôt laborieusement rangés dans des cartonniers (Cat. 75) ou des secrétaires peu intimes ; dans le cabinet particulier où, depuis le xviiie siècle, la femme – l’homme aussi ! – s’emploie à « bouder la compagnie1 », le boudoir, l’on voile et dévoile tour à tour, assis sur de moelleuses « boudeuses2 », des secrets privés inavoués, consciencieusement et depuis longtemps cachés, pêle-mêle, dans des meubles à secret. Mais ces espaces, sinon opposés du moins bien délimités, qui semblent relever, pour le premier, de la vie privée à vocation publique, pour le second, de la vie privée à vocation intime qui s’affirme au xviiie siècle, par-delà les régimes politiques, avec l’avènement de l’état social démocratique et de l’individualité, sont précisément réunis par ce qui les définit : la limite, que l’on ne doit franchir sous peine de sanction, ou qu’il faut être autorisé à franchir. C’est ainsi que le juge Popinot entre de sa propre autorité dans le boudoir de Mme d’Espard et, au vu de tous les précieux biens et riens accumulés, prend en flagrant délit d’infraction la marquise en mal d’interdiction. Le boudoir est donc bien pour Balzac, qui s’est voulu historien des mœurs publiques et privées, le lieu du jeu avec la limite de tous ordres – Michel Delon et Jean-François Richer l’ont bien souligné3 – et des jeux interdits. Mais si l’historien « des mœurs modernes mises en action4 » s’intéresse tant au boudoir, de l’aristocrate comme de l’actrice, de la femme aimée comme de la femme abandonnée, c’est que ledit est peut-être, dans cette France révolutionnée, le témoin non pas tant de la transgression, somme toute rassurante, de la limite, que de son inquiétante disparition. Il se pourrait alors que le boudoir soit pour le romancier le lieu d’une expérience limite où il met en jeu et en péril les fondements de son écriture, l’art de la scène et de la description, voire l’existence même de la littérature. Bref, le boudoir comme laboratoire : du grand art en somme ?
Le boudoir
Si, depuis le xviiie siècle, le boudoir tend à désigner et à dessiner dans l’espace privé de la maison l’espace le plus privé qui soit, l’espace intime, volontiers associé à la femme5, à sa senteur et à celle de ses fleurs6, à ses atours et à ses amours, plus ou moins licites, où l’on peut à son aise, sinon se moquer du monde, du moins le bouder, éventuellement sur une bergère « boudoir7 », il n’en a pas toujours été ainsi. Et, en historien et archéologue non du mobilier mais du « mobilier social8 » – la nuance est d’importance –, sensible aux changements et aux déménagements sociaux, au passage de la Lumière céleste aux Lumières terrestres, Balzac, après d’autres – Michel Delon le souligne9 –, voit dans le boudoir la traduction laïque de l’oratoire du Moyen Âge ou de la Renaissance.Ainsi, au moment où Marie
en gloire
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1. Selon le Dictionnaire historique de la langue française, sous la direction d’Alain Rey (Paris, Dictionnaires Le Robert, 1992). Dans L’Invention du boudoir, Michel Delon (Delon, 1999) souligne qu’il faut attendre l’édition de 1740 du Dictionnaire de l’Académie pour que le mot soit officiellement enregistré, avec ce sens : « petit cabinet où l’on se retire quand on veut être seul » et qu’en 1752 le Dictionnaire de Trévoux précise : « petit réduit, cabinet fort étroit, auprès de la chambre, ainsi nommé apparemment parce qu’on a coutume de s’y retirer, pour être seul, pour bouder sans témoin, lorsqu’on est de mauvaise humeur.» (Cadeilhan, Zulma, 1999, p. 12). 2. Siège à deux places séparées par un dossier, de telle façon que les personnes se tournent le dos. 3. Delon, 1998, p. 227-245, et Richer, 2012. 4. Préface FE, CH, t. II, p. 262. 5. Michel Delon souligne qu’il faut attendre néanmoins l’édition de 1835 du Dictionnaire de l’Académie pour que ce lien privilégié soit explicité : « cabinet orné avec élégance à l’usage particulier des dames » (Delon, 1999, p. 12). 6. Comparé à la salle à manger, le salon de la pension Vauquer semble « parfumé comme doit l’être un boudoir » ! (PG, CH, t. III, p. 53). 7.Terme qui, à partir de 1725, désigne une bergère « dont les joues s’arrêtent verticalement en retrait des pieds antérieurs » (www.antiquites-ledadecors.com). 8. « Avant-propos » de La Comédie humaine, t. I, p. 11. 9. Dans le deuxième chapitre de L’Invention du boudoir, « Un mot et des rimes », où il cite notamment un conte deVoltaire, « L’Éducation d’une jeune fille » (Delon, 1999, p. 13), qui fait rimer « oratoire », « boudoir » et « oraison jaculatoire » (dans la confession catholique, prière brève et particulièrement fervente par laquelle le cœur du fidèle s’élance vers Dieu et s’unit à Lui. On pressent bien ici les différentes lectures possibles…).
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Être ou ne pas être dans ses meubles
L’appartement du curé de Tours Balzac, on le sait, aime les paires : les amies, les sœurs, les frères, ennemis ou non – Louise de Chaulieu et Renée de l’Estorade, Philippe et Joseph Bridau, Henry de Marsay et la marquise de San Réal1 –, les œuvres jumelles aussi – Les Parisiens en province, Les Parents pauvres, Les Rivalités2… Et Le Curé de Tours (1832) n’échappe pas à la règle puisque, avec Pierrette et La Rabouilleuse, il forme le couple à trois des Célibataires !, et que le curé de Tours, l’abbé François Birotteau, n’est autre que le frère du personnage éponyme, César Birotteau, marchand-parfumeur dont le romancier retrace dans César Birotteau l’Histoire de la grandeur et de la décadence3 (1837). Néanmoins, César Birotteau a pour sœur jumelle La Maison Nucingen et non Le Curé de Tours : « Ce livre est le premier côté d’une médaille qui roulera dans toutes les sociétés, le revers est LA MAISON NUCINGEN. Ces deux histoires sont nées jumelles. Qui lit César Birotteau, devra donc lire La Maison Nucingen, s’il veut connaître l’ouvrage entier4.» Anomalie anodine ou assassine ? De même que les deux frères qui signent tous deux « H. de Balzac », Honoré le mal-aimé et « Henry le trop aimé5 », ne vieilliront pas ensemble dans la maison familiale de Tours, de même le projet caressé par Balzac depuis longtemps, Les Deux Frères, titre de la première partie de La Rabouilleuse, n’aura pas lieu à Tours, mais à Issoudun. Impossible roman familial, Le Curé de Tours est peut-être aussi l’impossible roman de la famille, de la filiation, de la transmission, dans une époque postrévolutionnaire où les pères ont perdu la tête, où la lignée et le lien aristocratiques ont laissé place à l’individualité et l’indépendance démocratiques, et, surtout, à leur dévoiement en indistinction terrifique. C’est à ce déménagement social par celui qui s’est voulu archéologue du « mobilier social6 » que l’on assiste dans Le Curé de Tours avec un abbé Birotteau à la recherche éperdue d’une place et toujours déplacé, littéralement « mobilier » ! Et il se pourrait bien que le drame ne tînt plus au conflit attendu entre vie mondaine et vie intérieure, mais à son absence, à ce moment où le monde se réduit à un intérieur, une chambre, un lit, tombeau funéraire certes, mais certainement pas tombeau littéraire. Balzac d’emblée avait prévenu :Tours est l’« une des villes les moins littéraires de la France7 » !
À ne pas prendre
Rien moins qu’étrange l’appétence d’un homme d’Église sous 8 avec des pincettes la Restauration, en mal d’« union » et d’« oubli » des temps révolutionnaires, pour les honneurs ecclésiastiques : quand on est Troubert, on aspire au vicariat général de l’archevêché, quand on est vicaire de la cathédrale SaintGatien, on aspire au canonicat, à défaut de canonisation. Plus étrange en revanche la réduction de la séduction du monde à celle d’un intérieur, fût-il cossu et « comfortable9 » – c’est-à-dire à
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1. Respectivement dans Mémoires de deux jeunes mariées, La Rabouilleuse, La Fille aux yeux d’or. 2. Les Parisiens en province : L’Illustre Gaudissart et La Muse du département ; Les Parents pauvres : La Cousine Bette et Le Cousin Pons ; Les Rivalités : Le Cabinet des antiques et La Vieille Fille. 3.Très exactement : Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau marchand parfumeur, adjoint au maire du deuxième arrondissement de Paris, chevalier de la Légion d’honneur, etc. 4. Préface de la première édition de César Birotteau (1838), CH, t. VI, p. 35. 5. Titre de l’article cosigné par Madeleine Ambrière et Roger Pierrot, « Henry le trop aimé », dans Ambrière, 2016, p. 93-135 (article initialement paru dans L’Année balzacienne 1961). 6. « Avant-propos » de La Comédie humaine, CH, t. I, p. 11. 7. CT, CH, t. IV, p. 182. 8. « Union et oubli », telle était la devise de Louis XVIII qui, néanmoins, à l’inverse de son frère, le futur Charles X, avait saisi l’irréversibilité de la Révolution. 9. CT, CH, t. IV, p. 186.
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85. Étienne MEUNIER
Six fauteuils Hêtre naturel, tapisserie au point Vers 1770 H. : 0,87 ; 0,57/0,50 m Paris, GMT 12987/1 à 6 Ces six fauteuils inventoriés le 20 mai 1937 font partie du legs Bareiller à la manufacture des Gobelins. Étienne Meunier, dont ni la date de naissance ni celle de décès ne sont connues, était installé rue de Cléry, à Paris. Ses œuvres subsistantes portant son estampille datent surtout du règne de Louis XV. Il n’est pas impossible que sa veuve ait assuré la survie de l’atelier sous le règne suivant. On ignore également sa date d’accession à la maîtrise. La datation des tapisseries au point semble devoir se situer vers la fin du xixe siècle. Dans Le Curé de Tours, une dame « offrit au chanoine pour sa chambre, un meuble en tapisserie qu’elle avait faite elle-même pendant longtemps » (voir supra, p. 18).
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Chambre de Balzac
« Je suis venu me réfugier ici au fond d’un château, comme dans un monastère 1. »
Depuis que la mémoire balzacienne de Saché existe, cette pièce a toujours été considérée comme la chambre d’Honoré de Balzac2. Celle que les visiteurs venaient visiter déjà de son vivant, du temps des Margonne (Fig. 16). Cette chambre n’est pas isolée. Située au second étage, au-dessus du salon, la superficie de ce dernier étant occupée par pas moins de cinq pièces dont l’articulation permet de supposer un appartement complet, ou tout au moins un appartement double. Les chambres symétriques sont les pièces à cheminée, et celle de Balzac comporte une alcôve. Ces deux chambres, traditionnellement, devaient être complétées chacune par un cabinet qui ne peut être que la pièce précédant la chambre, dans les deux cas, ouvrant sur l’actuelle salle Louis Lambert. Celle du côté de Balzac est diminuée par l’alcôve. Ces deux pièces pouvaient servir de cabinet ou de cabinet de toilette. Elles sont éclairées chacune par un œil-de-bœuf. Ces ouvertures ont dû être percées au moment où l’on créait ces deux appartements. Ces modifications ont une incidence sur l’architecture extérieure : les fenêtres qui ouvraient sur le pignon sont bouchées et le mur accueille les conduits des deux cheminées. On peut supposer pour cette raison que la finition du salon au premier est contemporaine de ces aménagements. Les fenêtres des chambres devaient exister et la création des œils-de-bœuf, que l’on s’étonne de trouver là alors que des fenêtres auraient été matériellement possibles, ne peut s’expliquer que par la volonté du propriétaire d’échapper à l’imposition des portes et fenêtres créée par le Directoire3. Ce qui peut donner un terminus ante quem de 1799 pour la création de cette distribution. Ce cabinet de toilette éclairé par un œil-de-bœuf est à rapprocher de ceux dotés de cette particularité, ce qui ne devait pas être très répandu, même si l’on sait que le pittoresque ne manquait pas dans l’architecture ancienne. De celui de Mlle de Verneuil, « cabinet de toilette attenant à la chambre » avec « l’étroite baie de l’œil-de-bœuf 4 ». Il faut certainement voir dans ce cabinet de toilette des Chouans une réminiscence de celui de Saché au moment où l’œuvre est rédigée, en 18281829. En 1832, dans Les Marana, est encore mentionnée une cellule avec son œil-de-bœuf, ce qui peut aussi s’appliquer à la petite pièce de Saché 5. Balzac a évoqué sa chambre dans une lettre à Mme Hanska, que l’on date de la fin de juin 1836. « Je suis en ce moment dans cette petite chambre de Saché où j’ai tant travaillé ! Je revois les beaux arbres que j’ai tant vus en cherchant mes idées […].» La phrase renvoie à une petite pièce et suggère une appropriation de l’écrivain consentie par Margonne, tout comme Zulma Carraud réserve une petite chambre à son ami pour y écrire. Dans Le Lys dans la vallée, en la personne de Félix de Vandenesse il livre son émotion devant « le mignon castel aperçu, choisi par mon premier regard », et porté « […] jusqu’au château de Saché ; les maîtres m’offrirent poliment un asile que j’acceptai. […] Je demeurai quelques jours dans
Fig. 15 Alcôve de la chambre de Balzac au château de Saché. Vue actuelle.
1. Corr. Pl., t. I, 31-123. Lettre de Saché du 21 novembre 1831, à Zulma Carraud. 2. Métadier, 1950. 3. Il existe encore un troisième œilde-bœuf à Saché dans l’actuelle salle Béatrix, maintenant inutile, témoin d’un cloisonnement et d’une distribution d’appartement disparus, certainement contemporains de ceux, importants, au deuxième étage. On peut donc attribuer aux Margonne les aménagements concernant la chambre de Balzac avec les pièces autour, ce que vient renforcer la datation des papiers peints. 4. Ch., CH, t. VIII, p. 1208. 5. Ma., CH, t. X, p. 1052, 1062.
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Cat. 97
97. Table de toilette Bois peint blanc et bleu Vers 1830 H. : 0,91 ; 1,08/0,55 m Paris, Mobilier national, GME 876/1 Le Mobilier national conserve cinq exemplaires de ce type de toilette. Les marques que porte celle-ci permettent de faire remonter ce modèle au moins au règne de Louis-Philippe.
98. Bidet Acajou Vers 1830 H. : 0,46, L. : 0,49/0,31 m Paris, Mobilier national, GME 9344
99. Papier peint Vers 1800 L. : 0,18/0,21 m Musée Balzac-Château de Saché Ce fragment est censé provenir du cabinet de toilette près de la chambre de Balzac, avec ce motif floral dans un quadrilobe ainsi que le fragment de frise.
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La curiosité n’est pas un vilain défaut
Le cabinet de curiosités
Qui dit cabinet de curiosités dans La Comédie humaine dit « magasin d’antiquités » ou de « curiosités » de La Peau de chagrin1, où le suicidaire Raphaël de Valentin croit sauver sa peau avec celle, magique, d’un onagre tout droit sorti des Mille et Une Nuits et signe – plus qu’un pacte qu’il ne signe d’ailleurs pas ! – son arrêt de mort : Si tu me possèdes, tu posséderas tout. Mais ta vie m’appartiendra. Dieu l’a Voulu ainsi. Désire, et tes désirs Seront accomplis. Mais règle Tes souhaits sur ta vie. Elle est là. À chaque Vouloir je décroîtrai Comme tes jours. Me veux-tu ? Prends. Dieu T’exaucera. Soit2 !
Mais, publié en août 1831, à l’orée de La Comédie humaine, ce conte qualifié dans l’«Avant-propos » de « fantaisie presque orientale3 » avec sa caverne d’Ali Baba d’où Raphaël s’enfuit « comme un voleur4 », ne doit pas occulter, au bout de La Comédie humaine, publié en 1847, cet autre roman de la Curiosité, soit du goût pour les pièces précieuses ou rares, singulières, particulières, Le Cousin Pons où, parent pauvre mais riche talent, l’ancien prix de Rome, inséparable du biennommé Schmucke, allie goût des petits plats et goût des services en pâte tendre de Sèvres5. L’on aura tôt fait de voir, dans ce diptyque, d’un côté, le versant fantastique de la Curiosité avec l’« antiquaire », le marchand de curiosités centenaire, tout à la fois Moïse6 (Cat. 106), Dieu et Méphistophélès, et, de l’autre, le versant « réaliste » avec son héros à la Sauvageot7, sa typologie, avérée, des marchands de curiosités – du brocanteur Monistrol à Élie Magus, «“le plus riche des anciens marchands de la Curiosité”8 », capable de vendre de faux Raphaël, parce qu’il possède les vrais, en passant par Rémonencq, auvergnat comme son bourgeois Monistrol, ferrailleur, commissionnaire pour les chaudronniers et les marchands de 1825 à 1831, puis brocanteur en boutique et aspirant-grand marchand afin de « traiter un jour directement avec les amateurs9 »,
Détail du Cat. 107
1. Pch., CH, t. X, p. 68. «Antiquités » ici, selon l’acception de l’époque, désigne meubles et objets « anciens ». 2. Ibid., p. 84. 3. « Avant-propos » de La Comédie humaine, CH, t. I, p. 19. 4. Pch., CH, t. X, p. 89. 5. CP, CH, t. VII, p. 490. 6. « Une de ces têtes judaïques qui servent de types aux artistes quand ils veulent représenter Moïse » (PCh., CH, t. X, p. 78). 7. C’est Balzac lui-même qui suggère ce rapprochement entre Pons et Charles Sauvageot, collectionneur distingué, violoniste puis conservateur au musée du Louvre, auquel il fit donation de sa collection en 1857. Balzac a correspondu avec lui mais n’a pas visité cette collection dont les journaux de l’époque se sont faits néanmoins l’écho (CP, CH, t. VII, p. 490-491 ; voir les notes d’André Lorant, p. 1394-1395, et son ouvrage « Les Parents pauvres » d’Honoré de Balzac. « La Cousine Bette » – « Le Cousin Pons ». Étude historique et critique, Genève, Droz, 1967, p. 258-265 notamment). 8. C’est ainsi qu’il est présenté par Rémonencq à la Cibot (CP, CH, t. VII, p. 599).
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« La vie est dans les meubles. »
« Cher, bien cher, respectez-vous, dussent les chevaux anglais et les chaises gothiques y passer1. »
L’importance de l’ameublement dans les différentes demeures de Balzac, rue Cassini, rue des Batailles, aux Jardies, à Passy et rue Fortunée où il est mort, est grandissante. En conséquence, définir le mobilier de l’épicier pour mieux s’en démarquer, loin de la pendule de salon « sous verre qui représente un amour sortant d’une coque d’œuf », des meubles couverts en velours d’Utrecht, des rideaux de lit en calicot jaune2, est une hantise. Chez Balzac, l’ameublement et le décor suscitent une mise en abyme volontaire, non seulement romanesque mais jusque dans son quotidien. Comme le révèle sa correspondance, la mise en scène de ses intérieurs devient irrépressible. La Comédie humaine est une réunion de scènes. Ses références au théâtre sont nombreuses et un roman comme César Birotteau semble composé d’une succession de tableaux. Cette source lui est antérieure. Clotilde de Lusignan, ou Le Beau Juif, en 1822, en est les prémices avec l’étonnante grotte de Nephtaly qui se développe comme une machinerie de théâtre ou la salle du château avec ses abondantes « torches de cire que contenaient des candélabres d’or appelés torchères3 ». Ici l’inspiration est avouée puisque Taillevant révèle « un magasin semblable à celui de l’Opéra, et il y vit une foule d’inventions, de machines, de décors et d’habillements4 ». On en a encore le spectacle, en 1823, dans La Dernière Fée, où le glissement du monde de l’imaginaire au monde réel se réalise à grands renforts de subterfuges tirés de la scène, où les matériaux précieux sont factices et les transformations de l’espace révèlent des perspectives accentuées5. Que le décor vienne à faire défaut apparaissent « les murs froids et démeublés de la misère, pleins de marques de clous, déshonorés par les bizarreries discordantes qui sont sous les tentures comme les ficelles derrière les décorations d’Opéra6 ». L’imaginaire de Balzac s’appuie sur des éléments de décors et d’ustensiles meubles dont il dispose ensuite pour ses scènes, comme des accessoires. On serait tenté d’en percevoir la forte prédominance quand on considère les poncifs qui s’inscrivent tels des souvenirs, la systématisation du lien entre décor et personnages, certaines structures, comme les apartés identifiés par leur localisation dans l’embrasure des fenêtres. Mais, ainsi que le souligne Agathe Novak-Lechevalier, « La référence au théâtre attire sur elle l’artifice, pour mieux laisser libre cours, sous couvert d’un réalisme affirmé, au développement d’un autre romanesque, spécifiquement balzacien7.» L’ameublement et la décoration sont soumis, dans ce même registre du référent théâtral, à cette déformation psychique si souvent justifiée par Balzac et qui se résume à ce que l’écrivain « est obligé d’avoir en lui je ne sais quel miroir concentrique où, suivant sa fantaisie, l’univers vient se réfléchir […]8 ». Ce système oblige à un perpétuel va-et-vient entre la réalité décrite et l’inspiration de l’auteur. Balzac se soucie surtout de multiplier les éclairages sur les options décoratives, pour nous en livrer la substance. Il nous place continuellement sur le fil de la réflexion sur ces sujets jusqu’à nous révéler les mécanismes intimes des commanditaires, archéologues et amateurs. On peut lui reconnaître d’avoir contraint le lecteur à un retour sur ces données qui, d’anecdotiques et superficielles, prennent une hauteur philosophique et une touche universelle. Merveilleux de l’univers de Balzac, applicable à toutes les sociétés sous un éclairage résolument contemporain, l’archéologie du meuble est portée au statut de facteur de compréhension de l’âme humaine. L’extraordinaire justesse des choix est si impressionnante qu’elle laisse le sentiment, au terme de cette réflexion, d’une exploitation inachevée, riche en potentiels de recherche. Mme Vauquer, au moment de la désertion de presque tous ses pensionnaires, dans sa spontanéité populaire, donne une des clefs de l’importance des ameublements chez Balzac : «Voilà ma maison démeublée de ses hommes. La vie est dans les meubles9.»
Détail du Cat. 49
1. Corr. Pl. t. I, 32-91. Lettre de Zulma Carraud à Balzac en 1832. 2. L’Épicier, OD, t. II, p. 727. Paru le 22 avril 1830 dans La Silhouette. 3. PR, t. I, p. 624. 4. Ibid., p. 738. 5. PR, t. II, p. 98-100. 6. FE, CH, t. II, p. 325. Également dans Agathise, OD, t. I, p. 660. 7. A. Novak-Lechevalier, «Théâtres du roman : modalités de la référence au théâtre dans La Comédie humaine », AB 2011, p. 199-212. 8. PCh., CH, t. X, p. 51, 1193. 9. PG, CH, t. III, p. 233. Ajouté lors de la publication dans la Revue de Paris.
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