Camille Pissarro. Impressions gravées (extrait)

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Camille Pissarro et Edgar Degas ont inventé l’estampe impressionniste. C’est à l’aube des années 1860 que Pissarro grave ses premières eaux-fortes. En 1873, à l’initiative du docteur Gachet, il renoue avec la gravure en compagnie de Guillaumin et de Cézanne. Puis, à partir de 1879, Degas l’initie aux encrages en couleurs. Dès lors, par la multiplication des états d’un même motif, Pissarro va faire de la gravure un outil d’expérimentation. Cette possibilité constitue une découverte qui le prépare alors à ses célèbres séries urbaines et portuaires. Il nomme ses gravures des « Impressions gravées ». Avec son œuvre gravé, Pissarro prend place dans l’histoire de l’art aux côtés des plus grands peintres-graveurs de tous les temps, Rembrandt, Goya et plus tard Picasso.

PISSARRO Impressions gravées

CAMILLE PISSARRO

Impressions gravées

Camille

978-2-7572-1238-7 25 €

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Cette publication a été réalisée à l’occasion de l’exposition « Camille Pissarro - Impressions gravées » organisée du 19 mars au 11 juin 2017 au musée Tavet-Delacour par la Ville de Pontoise avec le concours exceptionnel de la Bibliothèque nationale de France et le soutien du Conseil départemental du Val d’Oise Musées de la Ville de Pontoise Musée Camille Pissarro & Musée Tavet-Delacour Conservation : 4 rue Lemercier – 95300 Pontoise

COMMISSARIAT Christophe Duvivier

OUVRAGE RÉALISÉ SOUS LA DIRECTION DE SOMOGY ÉDITIONS D’ART

TEXTES Michel Melot Ancien directeur du département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale de France & Christophe Duvivier Directeur des Musées de Pontoise

Directeur éditorial Nicolas Neumann

REMERCIEMENTS Laurence Engel, Présidente de la Bibliothèque nationale de France & Valérie Sueur-Hermel Conservateur au département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale de France Haudiquet Annette Conservateur en chef du Musée des beaux-arts André Malraux, Le Havre André Liatard Conservateur, Directeur du Musée Faure d’Aix-les-Bains Que toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de cette exposition et de ce catalogue ainsi que les collectionneurs qui ont souhaité conserver l’anonymat soient ici vivement remerciés : Ikram Achi, Georgette Bader, Marina Ferretti-Bocquillon, Tanja Borghardt, Franck Bougamont, Émily Busato, Sabine Carel, Cyril Chazal, Céline Chicha-Castex, Jeanne-Marie David, Virginie Delcourt, Clémence Ducroix, Henrike Dustmann, Dolorès Escoda, Aurélie Gavoille, Jean-Baptiste Ferrandez, Marge Huang, Rachel Laufer, Philippe Legouis,Ana Llerena-Hildner, Brigitte RobinLoiseau, Emmanuel Schmidt, Stacey Sherman, Nicolas Tauveron.

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Responsable éditoriale Stéphanie Méséguer Coordination et suivi éditorial Justine Gautier Conception graphique Lucie Polard Contribution éditoriale Renaud Bezombes Fabrication Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros

En couverture : Marché de Gisors (rue Cappeville), détail, 1894/1895, 170 × 110 mm, eau-forte et pointe sèche, 7e état, épreuve en couleurs, justifiée 1/11 – timbre du tirage de 1929, Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie. Les dimensions sont données en millimètres, hauteur × largeur à la cuvette pour les eaux-fortes et les monotypes. LD.: numéros du catalogue de Loys Delteil (1923) Les numéros du catalogue de Michel Melot (1971) et leurs équivalences avec le Delteil sont donnés avec les renvois.

ISBN 978-2-7572-1238-7 © Somogy éditions d’art, Paris, 2017 © Musée Tavet-Delacour, 2017

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PISSARRO Impressions gravées

Musée Tavet-Delacour 19 mars - 11 juin 2017

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T

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Au bord de l’eau (2e planche), vers 1863 284 × 214 mm Eau-forte État unique Épreuve signée et dédicacée « à mon ami Gachet ». Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie

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oute sa vie, Camille Pissarro demeura attentif aux apports des nouvelles générations, n’hésitant pas à remettre en question son art. Peintre en perpétuelle recherche, la gravure occupe une place importante au point de devenir progressivement le sujet principal des innombrables lettres échangées avec son fils aîné Lucien. Bien que lors de sa collaboration avec Degas à partir de 1879, ou lorsqu’il put acquérir une presse en 1894, il se soit essayé aux épreuves en couleurs, la gravure demeura pour lui le domaine du noir et blanc. Non seulement elle est un art des valeurs et des effets graphiques, mais elle possède un langage esthétique qui lui est propre. La séduction qu’elle exerce sur Pissarro à partir de sa collaboration avec Degas, repose sur sa nature expérimentale et l’exigence d’une réflexion constante. Les motifs gravés sont non seulement inversés du fait de l’impression, mais l’eau-forte étant une gravure en creux, le graveur doit penser en termes de matières et de reliefs. Il « dessine » d’une manière plus tactile que visuelle et doit se projeter dans l’attente du tirage qui seul lui permettra de découvrir, sur le papier, le résultat de son travail. Cette progression intuitive faite de reprises va générer ce que l’on nomme des épreuves d’états. Pissarro et Degas vont conserver ces étapes et les considérer comme des œuvres dignes d’être exposées, révélant ainsi leur double dimension temporelle : d’une part, elles exposent un processus créatif qui intègre accidents et hésitations ; d’autre part, leur présentation dans un même cadre – comme le fit Pissarro –, devient une initiation à la nature intrinsèque de la gravure. Les variantes d’un motif que proposent les états, obligent en effet à étudier finement les différences et à les apprécier pour la richesse de leur graphisme abstrait. Pour l’amateur, il y a là un aspect initiatique qui est aussi pour le peintre une source stimulante de réflexion. Jusqu’alors technique d’atelier servant principalement à reproduire un dessin au trait, la gravure ne retenait pas l’attention des impressionnistes dont l’art pictural se nourrissait de la force de la couleur. Avec Pissarro et Degas, la gravure acquiert une dimension picturale. Ils associèrent librement divers procédés qu’ils inventèrent ou détournèrent, appliquant l’acide au pinceau, grattant, griffant et polissant la plaque, faisant apparaître ou disparaître tels ou tels détails ou éclairages. Les deux peintres, partageant leurs expériences et leurs visions, renouvelèrent de ce fait profondément la gravure originale et la dotèrent d’une dimension impressionniste avec des épreuves d’une sensibilité inédite. Logiquement, ils en vinrent à peindre directement sur des plaques de métal encore vierges pour obtenir à l’impression des monotypes, des épreuves forcément uniques. Celles-ci, parce qu’elles conservent la trace des doigts et des pinceaux qui ont étalé l’encre, affirment la temporalité du geste, portent en elles le témoignage direct de leur exécution qu’elles donnent à contempler, dévoilant plus directement encore leurs affinités avec les caractéristiques de l’impressionnisme. Christophe Duvivier

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Sommaire Essais 9

Camille Pissarro et l’invention de l’estampe originale Michel Melot

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Camille Pissarro et l’estampe impressionniste Christophe Duvivier

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Les timbres des éditions posthumes

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Glossaire Christophe Duvivier

Catalogue 38 68 92 102 122

Pontoise, 1872-1883 Éragny, 1884-1903 Les Baigneuses, 1894-1895 Rouen, 1883-1903 Les Portraits

Annexes 132 135

LD.184

Index des œuvres exposées et reproduites Bibliographie sélective

Rue Saint-Lazare, Paris, 1897 210 × 142 mm Lithographie sur zinc État unique Épreuve sur Chine appliqué gris clair annotée « ép. défi no 18 », signée et titrée Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie

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Camille Pissarro et l’invention de l’estampe originale MICH E L ME LOT

À

La Masure, 1879 (détail LD.20, p. 47) 170 × 170 mm Eau-forte, aquatinte, vernis mou et émeri 6e état Épreuve en couleurs imprimée par Degas Ancienne collection Degas – Collection particulière

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La collection Avery est aujourd’hui à la New York Public Library.

vingt-cinq ans, Camille Pissarro, en 1855, débarqua à Paris pour y faire carrière, l’année de l’Exposition universelle. Il venait du Venezuela où il avait étudié les beaux-arts. Né aux Antilles dans l’île de SaintThomas qui appartenait au Danemark, il était de nationalité danoise mais de langue française, ses parents étant bordelais issus d’une famille juive d’origine portugaise, ce qui le disposa sans doute à devenir un farouche antinationaliste. Une seconde Exposition universelle, celle pour laquelle fut édifiée la tour Eiffel, se tint à Paris en 1889. Cette année-là, Pissarro reçut sa première commande importante pour une série d’estampes originales, d’un riche collectionneur américain, Samuel Avery. Il imprima pour lui, et pour lui seul, une série d’eaux-fortes qu’il signa, épreuve par épreuve, annota et numérota de sa propre main, soigneusement au crayon1. Entre ces deux dates le monde a changé. Et particulièrement l’art. De ce changement profond, l’histoire de l’estampe est le plus éloquent témoignage. De reproduction, œuvre secondaire, l’estampe est devenue une œuvre d’art à part entière. La clientèle des objets d’art s’est élargie et diversifiée. Les valeurs de la bourgeoisie libérale, désormais au pouvoir, ont pris la place de celles de l’Ancien Régime. Les fortunes qui, pendant des siècles, étaient restées inactives ou investies dans la propriété foncière et immobilière, se sont mises à bouger avec timidité puis avec frénésie. Entre 1850 et 1870, la fortune globale des Français

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Camille Pissarro et l’estampe impressionniste CH R IST OP H E D UVIVIER

L’

Marché aux légumes, à Pontoise, 1891 (détail LD.97, p. 65) 255 × 200 mm Eau-forte et aquatinte 2e état Épreuve justifiée 15/46 – timbre du tirage de 1923 Pontoise, Musée Camille Pissarro

œuvre gravé de Camille Pissarro compte environ deux cent trente estampes qui se répartissent en cent trente et une gravures, soixante-sept lithographies et une trentaine de monotypes répertoriés à ce jour. Cet ensemble déjà important se trouve enrichi par les différents états de certaines gravures considérés par l’artiste comme des œuvres abouties ainsi que le travail qu’il a conduit avec son fils aîné, Lucien, dans le domaine de la gravure sur bois. Il est, aux côtés d’Edgar Degas dont l’œuvre comprend inversement plus de monotypes que de gravures et de lithographies et de Mary Cassatt qui réalisa de très nombreuses planches en couleurs, le peintre impressionniste qui attacha le plus d’importance à ce médium pour son langage esthétique original et qui en fit un domaine de création et d’expérimentation à part entière. À partir de 1879, année du début de sa collaboration avec Edgar Degas, la gravure occupe dans la création de Camille Pissarro une place essentielle et cela pratiquement sans longue interruption jusqu’à sa mort. Avant cette date, on peut distinguer parmi la quinzaine d’eaux-fortes, deux périodes : entre 1863 et 1866, une première production de six planches qui correspond à l’influence de Corot et de Daubigny, puis six ans plus tard, entre 1873 et 1875, une seconde, celle des essais réalisés en compagnie de Paul Cézanne, Armand Guillaumin et Paul Gachet dans l’atelier de ce dernier à Auvers-sur-Oise et qui comprend moins d’une dizaine de planches. Les six premières eaux-fortes sont maîtrisées à l’aide de

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LD.106

Jardin de Kew, 1893 165 × 193 mm Eau-forte et aquatinte 2e état Épreuve non justifiée Pontoise, Musée Camille Pissarro

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Les timbres des éditions posthumes Timbre en bleu (fig. 1) 1907 1911

Tirage dirigé par Lucien Pissarro de dix planches à 30 épreuves de la série de Rouen. Tirage dirigé par Lucien Pissarro du Portrait de Cézanne en 3 épreuves d’essai. Timbre en brun (fig. 2)

Fig. 1

1920

Tirage par la Leicester Galleries dirigé par Lucien Pissarro de dix planches (10 ép. sur Japon et 40 sur Hollande) Timbre en gris foncé (fig. 3)

1922 1923

Fig. 2

1929

Tirage dirigé par Lucien Pissarro de huit lithographies sur zinc et pierre. Ce timbre n’a pas été systématiquement apposé. Tirage de près de cent planches sous la direction d’Alfred Porcabeuf dont trois matrices retrouvées dans l’atelier du Dr Gachet à Auverssur-Oise : Coteaux à Pontoise, L’Oise à Pontoise et Fabrique à Pontoise. Les tirages de 1923 varient de 6 à 49 épreuves sur divers papiers. Tirage en couleurs de cinq planches (4 plaques pour chacune de ces planches) par Alfred Porcabeuf sous la supervision de Jean Cailac de la Bibliothèque nationale : Église et ferme d’Éragny, Mendiantes, Paysannes à l’herbe, Marché de Gisors et Baigneuses gardeuses d’oies. Timbre de l’atelier (fig. 4)

Fig. 3

Fig. 4

Timbre retrouvé dans l’atelier de Pissarro en 1903. Il figure sur des épreuves de Vachère au bord de l’eau, les Faneuses et Gardeuse d’oies tirées entre 46 et 100 épreuves. Il s’agit là d’éditions conçues du vivant de l’artiste.

Un tableau donne une liste des différents tirages posthumes dans le catalogue de l’exposition Degas & Pissarro, alchimie d’une rencontre, Vevey, Musée Jenisch, Cabinet cantonal des estampes, 1998 ; Québec, Musée national des beaux-arts du Québec, 1999 ; Jérusalem, The Israel Museum, 1999, p.164-169.

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Glossaire

Dans le domaine de l’estampe, on désigne le plus souvent les épreuves par leurs techniques : Une eau-forte sera ainsi l’épreuve d’une planche gravée à l’eau-forte. Les diverses techniques sont toutefois intimement associées dans l’eau-forte originale, en particulier dans les œuvres de Pissarro. Acides : acide nitrique (eau-forte) et acide chlorhydrique (esprit-de-sel) sont les acides utilisés pour mordre le cuivre ou le zinc. L’acide chlorhydrique n’attaque que le zinc tandis que l’acide nitrique peut être utilisé sur les deux métaux. L’acide dilué est généralement utilisé sous la forme d’un bain dans lequel la plaque est immergée plus ou moins longtemps suivant les noirs recherchés et en une ou plusieurs fois suivant les étapes du travail. Aquafortiste : nom donné aux graveurs à l’eau-forte. La Société des aquafortistes, qui fut fondée en 1862 par l’imprimeur Auguste Delâtre et le marchand Alfred Cadart, contribua à la renaissance de l’eau-forte originale de peintre. Aquatinte : le graveur saupoudre de fins grains de résine sur la plaque qui adhèrent au moment du chauffage de celle-ci. Le graveur protège les parties qui doivent rester vierges par un vernis posé au pinceau. On utilise l’aquatinte pour obtenir des effets de gris, complémentaires ou pas du dessin au trait obtenu par la pointe. Le résultat est caractéristique et n’appartient qu’au langage de la gravure à l’acide.

L’acide mordant la plaque autour des grains de résine, les points sont réservés en blancs. Pissarro a souvent utilisé de manière libre l’aquatinte à partir de 1879 en recourant parfois à une variante qui consiste à diluer la poudre de résine dans de l’éther ou de l’alcool pour la répartir ensuite au pinceau sur la plaque. Barbes : les barbes du papier sont les bords irréguliers du papier à la forme ou le résultat de l’usage d’un coupe-papier. Les barbes de la pointe sèche sont les lèvres de métal produites par la griffure de la pointe. Si dans le cas du burin, elles sont retirées avec un ébarboir, dans le cas de la pointe sèche, le graveur les conserve pour leur effet à l’encrage bien qu’elles tendent à être écrasées progressivement. Pissarro n’a jamais joué sur cet effet. Brunissoir : cf. grattoir. Chine appliqué : au moment du tirage, un papier fin est encollé puis disposé sur la plaque préalablement encrée. Il se reporte ainsi au tirage sur la feuille qui reçoit l’impression. Cette technique permet d’introduire une couleur de fond distincte. Contre-épreuve ou contretype : tirage d’une seconde épreuve à partir d’une première fraîchement imprimée (immédiatement avant que l’encre ne sèche) et non pas à partir de la plaque. Le motif renversé droite/gauche – pour la seconde fois – retrouve celui qu’il avait sur la plaque. La contre-épreuve ne

comporte donc pas de cuvette. Elles sont généralement des épreuves d’essai que l’artiste utilise pour reprendre ensuite son travail sur la planche ou pour les rehausser (cf. p. 28 - Marchandes en conversation, 1879/1893). Couleurs : pour obtenir des eauxfortes originales en plusieurs couleurs, l’artiste peut procéder de diverses façons. Soit encrer une plaque unique avec des encres de couleur (encrage à la poupée) mais dans ce cas, le tirage s’apparente à un monotype en raison de l’impossibilité de reproduire une seconde fois exactement le même effet. Un exemple de cette technique est donné par l’épreuve de La Masure encrée par Degas (LD.20 p. 46). Soit décomposer son motif sur plusieurs plaques qui recevront chacune une couleur. Dans ce dernier cas, le calage manuel et successif des planches dont les impressions se superposent, demeure délicat malgré l’utilisation de repères (impression au repérage) (cf. LD.98 p.76, LD.110 p.80, LD.111 p.81, et LD.112 p.82 et 83). Cuivre ou zinc : le zinc moins coûteux laisse un léger grisé sur le papier contrairement au cuivre qui permet un meilleur blanc des fonds et de ce fait, un dessin plus net. L’effet de grisé du zinc a parfois été recherché par Pissarro comme participant de l’effet créé et cela particulièrement pour ses manières grises. Il les a alternativement utilisés et parfois il l’a précisé notamment dans sa correspondance (cf. par exemple JBH. vol. 4 p. 9 et 14 ou vol. 5

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p. 88). Par extension, on parle parfois de zinc ou de cuivre pour désigner la matrice.

Eau-forte originale : cf. gravure originale. Ébarboir : cf. grattoir.

Cuvette ou coup de planche : empreinte en relief de la plaque dans le papier. La cuvette signale une tailledouce. Elle n’existe pas dans la lithographie. En l’absence des plaques, on mesure les gravures par leurs cuvettes. Les dimensions des motifs des gravures originales de peintre se confondent avec les dimensions de la cuvette alors que les gravures d’édition ou de reproduction comportent traditionnellement une marge dans laquelle était gravé en lettres d’imprimerie l’indication d’auteur, de graveur, d’éditeur et de titre, ce que l’on nomme « la lettre ». On parle alors d’épreuves avant la lettre ou « avec la lettre ». Eau-forte : ce terme désigne initialement l’acide nitrique. Il a été étendu en gravure en taille douce (en creux) aussi bien aux gravures sur cuivre que sur zinc, gravées à l’acide nitrique ou à l’acide chlorhydrique. Il s’agit de la technique utilisée par le peintre-graveur qui dessine avec une simple pointe sur la plaque couverte au préalable d’un vernis opaque. La mise à nue du métal obtenue par la pointe permet l’attaque (la morsure) de l’acide qui transformera ce trait en creux. Le résultat est un dessin au trait, hachuré ou pas. Ce travail peut ensuite être repris avec d’autres techniques comme l’aquatinte ou la pointe sèche. Le terme est étendu dans l’usage à toutes les gravures obtenues par le travail à l’acide.

Encrage : dans le cas de la taille-douce, il s’agit de l’étape de l’impression qui consiste à couvrir d’encre la plaque gravée, puis à l’essuyer pour que l’encre ne demeure que dans les creux. L’encrage doit être refait avant chaque épreuve et diffère plus ou moins d’une épreuve à l’autre. Certains graveurs comme Louis-Napoléon Lepic ont varié volontairement l’encrage d’une épreuve à l’autre pour donner à une même planche des ambiances différentes. Pissarro attachait beaucoup d’importance à l’encrage mais se refusait à recourir au retroussage de l’encre aux abords du trait. Encre : le graveur utilise des encres grasses spécifiques qui sont appliquées sur une plaque chauffée. Pissarro a temporairement essayé d’utiliser de la peinture à l’huile dans l’attente d’être livré de ses encres. Il écrit à Lucien le 3 janvier 1894 : « J’attends l’encre pour tirer. Nous avons essayé avec de la couleur à l’huile, ce sera épatant. Cela va me mettre en goût. » (JBH. vol. 3, p. 416). Toutefois, les couleurs à l’huile du peintre ont tendance à graisser le papier à l’impression et à le transpercer. Le zinc du musée d’Aix-les-Bains témoigne de cette expérience (p.14). Épair : l’épair est l’aspect de la structure du papier observable par transparence.

Épreuve d’artiste : mention parfois portée par les artistes qui indique une épreuve imprimée par l’artiste par opposition aux tirages confiés à un atelier spécialisé. Parmi les premiers, Pissarro a souvent porté cette mention parfois abrégée « ép. d’art.». Épreuve d’essai : indique une épreuve imprimée par l’artiste pour contrôler l’avancement de son travail. Les épreuves d’essai sont souvent des épreuves d’état ou des essais d’encrage. Épreuve d’état : cf. état. Épreuve monotypée ou eau-forte mobile : épreuve obtenue par un encrage à la poupée ou rehaussée. Cf. encrage et couleurs. Épreuve rehaussée : épreuve généralement reprise par diverses techniques relevant du dessin, de la gouache ou de la peinture. Les épreuves rehaussées sont souvent des épreuves de travail de l’artiste demeurant en principe des épreuves uniques (cf. LD.113 p.97). Estampe : le terme se confond dans l’usage avec tous les types d’épreuves imprimées avec une presse (eau-forte, lithographie, gravures sur bois). État : les états sont les étapes d’avancement du travail que conservent les épreuves intermédiaires dites épreuves d’état. À partir de sa collaboration avec Degas, Pissarro a multiplié les états pour certaines planches, considérant les épreuves de chacun d’entre eux

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Pontoise 1872 - 1883

Crépuscule (avec meules), détail, 1879 (LD.23, p. 50)

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LD.22

Soleil couchant, 1879 119 × 160 mm Eau-forte et aquatinte 4e état Épreuve non justifiée Pontoise, Musée Camille Pissarro

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Éragny 1884 - 1903

Faneuses, dĂŠtail, 1890 (LD.94, p. 75)

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LD.58

La Vache, 1885 112 × 117 mm Eau-forte et aquatinte 3e état Épreuve non justifiée Pontoise, Musée Camille Pissarro, Les Amis de Camille Pissarro

LD.79

Prairies de Bazincourt, 1888 81 × 120 mm Eau-forte et aquatinte 4e état Épreuve justifiée 13/18 – timbre du tirage de 1923 Pontoise, Musée Camille Pissarro, Les Amis de Camille Pissarro

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Les Baigneuses 1894 - 1895

Baigneuses luttant, dĂŠtail, 1894 (LD.159, p. 101)

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LD.115

Baigneuse aux oies, 1895 127 × 179 mm Eau-forte, aquatinte, pointe sèche, grattoir et brunissoir 16e état Épreuve justifiée 18/31 – timbre du tirage de 1923 Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie

LD.180

Gardeuse d’oies nue, 1897 169 × 131 mm Lithographie sur zinc État unique Épreuve justifiée 17/28 sur Chine appliqué – timbre du tirage de 1923 Pontoise, Musée Camille Pissarro

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Rouen 1883 - 1903

Place de la République, Rouen, détail, 1885 (LD.44, p. 107)

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LD.41

Vieille Rue à Rouen (rue Malpalue), 1883 124 × 121 mm Eau-forte 2e état Épreuve non justifiée Pontoise, Musée Camille Pissarro, Les Amis de Camille Pissarro

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Les Portraits Camille Pissarro, par lui-mĂŞme, dĂŠtail, 1890 (LD.90, p. 129)

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Paul Cézanne, 1874 270 × 214 mm Eau-forte État unique Épreuve justifiée 49/75 – timbre du tirage de 1920 Signée et datée dans la planche Pontoise, Musée Camille Pissarro

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Camille Pissarro et Edgar Degas ont inventé l’estampe impressionniste. C’est à l’aube des années 1860 que Pissarro grave ses premières eaux-fortes. En 1873, à l’initiative du docteur Gachet, il renoue avec la gravure en compagnie de Guillaumin et de Cézanne. Puis, à partir de 1879, Degas l’initie aux encrages en couleurs. Dès lors, par la multiplication des états d’un même motif, Pissarro va faire de la gravure un outil d’expérimentation. Cette possibilité constitue une découverte qui le prépare alors à ses célèbres séries urbaines et portuaires. Il nomme ses gravures des « Impressions gravées ». Avec son œuvre gravé, Pissarro prend place dans l’histoire de l’art aux côtés des plus grands peintres-graveurs de tous les temps, Rembrandt, Goya et plus tard Picasso.

PISSARRO Impressions gravées

CAMILLE PISSARRO

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