Claude Yvel
kunst keller b e r n
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ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art
conception graphique Tauros / Ibach fabrication Michel Brousset Béatrice Bourgerie Mélanie Le Gros contribution éditoriale Camille Aguignier et Frédérique Cassegrain traductions de l’allemand au français Lydie Échasseriaud de l’anglais à l’allemand Nikolaus Schneider de l’anglais au français Jean-François Allain du français à l’allemand Dieter Hornig corrections Anne-Sophie Gache (français) Inge Hanneforth (allemand)
© Somogy éditions d’art, Paris, 2014 © Kunstkeller Bern, Berne, Suisse, 2014 © Claude Yvel, Paris, 2014
ISBN 978-2-7572-0776-5
dépôt légal : avril 2014 imprimé en Italie (Union européenne)
en première de couverture Live your Life 2009 55 × 45 cm en quatrième de couverture L’ E n f a n t j o u a n t 2009 40 × 40 cm
Claude Yvel
KUNST KELLER B E R N
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REMERCIEMENTS DANK
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La publication a reçu le soutien de MM.B. à Rubigen, B.H. à Berne, RB.H. à Rizenbach, VJ.M. à Herisau, L.LT. à Kehrsiten, GBPP.S. à Kirchberg, C.V. à Bâle, H.W. à Emmenbrücke, M.W. à Steckborn, Kunstkeller Bern, Stiftung Hausammann für Kunst à Muri/BE, Steinegg Stiftung à Herisau, Hans und Wilma Stutz Stiftung à Herisau, Suisse. Sponsor principal Hauptsponsor H.T. à Hergiswil, Suisse
À Monsieur H. T. et aux acquéreurs d’œuvres d’art.
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L’Art n’existe que lorsque des œuvres rencontrent des mécènes, des amateurs avertis qui les acquièrent. Cela n’est jamais suffisamment dit. Or l’artiste ne peut pas longtemps continuer à travailler si ses peintures ne quittent pas son atelier. Parmi mes collectionneurs, certains ont acquis des œuvres fortes, m’encourageant ainsi à poursuivre mon travail sous un mode digne. J’ai bénéficié d’une autre chance, celle d’avoir rencontré des galeristes comme Dorothe Freiburghaus, Jack Pollock, Alain Blondel et Jean Gismondi, qui ont joué le rôle essentiel de médiateurs auprès des collectionneurs. Ils ont ainsi, avec autorité, et non sans risques, défendu ma peinture dans des lieux propices à sa diffusion*. À eux tous, je fais part de ma profonde gratitude. CLAUDE YVEL
* F I A C 82 , Paris. / A R T 75 Basel. 79-86-87 / I . G . I . N . Y . 88, New York.
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Affiches lacérées 1961 81 × 65 cm
ALFRED FRANKENSTEIN
Le passé est aussi imprévisible que l’avenir et aussi turbulent que le présent. C’est là le premier principe
La rencontre
de l’histoire de l’art.
En 1972, la York Université de Toronto
Qui aurait pensé qu’on allait redécouvrir à partir de 1940 une importante école, riche et variée, de peintres américains de natures mortes qui peignaient dans la manière du trompe-l’œil entre 1870 et
recevait le professeur Alfred Frankenstein pour une conférence sur l’École de peintres de trompe-l’œil
1890 ? L’histoire de l’art américain a dû être réécrite pour faire une place à ces artistes, surtout à William
américains du X I X e siècle, dont il était
Michael Harnett, John Frederic Peto et John Haberle. Et qui aurait pensé que leur esprit et leur manière
l’un des re-découvreurs. Ce même jour,
renaîtraient à Paris un siècle plus tard ? Beaucoup d’Américains se sont essayés dans la manière Harnett-
un professeur de l’Université visita
Peto-Haberle après leur redécouverte. Aucun n’a réussi à tromper notre œil au point de faire penser qu’il était le successeur de ces maîtres. Pour cela nous avons dû attendre Claude Yvel. Claude Yvel part du point où Harnett, Peto et Haberle se sont arrêtés. Stylistiquement cela implique
par hasard la Pollock Gallery, croyant y voir l’exposition d’un de ses amis. Il fut surpris de découvrir celle de Claude Yvel et annonça à Jack Pollock
la représentation des objets grandeur nature, puisqu’il est évident qu’on ne peut pas tromper l’œil en
la venue le soir même à Toronto de
représentant les choses beaucoup plus grandes ou plus petites qu’elles ne le sont en réalité. Les objets
M. Frankenstein. Le galeriste et
représentés sont placés contre des planches, des portes ou autres fonds qui remplissent complètement ou presque la surface peinte. Ces objets sont peints de telle manière qu’ils semblent venir en avant ; ils entrent dans l’espace vers le spectateur, mais jamais trop ; l’espace peu profond est le domaine du trompe-
son peintre furent invités au dîner d’accueil du conférencier, durant lequel l’exposition de trompe-l’œil à Toronto fut évoquée. Aussitôt, monsieur
l’œil. Ces règles sont valables depuis que les Romains ont représenté des os de poulet et des épluchures
Frankenstein eut le désir de la visiter,
de fruits sur les mosaïques des sols de leurs salles à manger. Le trompe-l’œil c’est aussi l’imitation des
si possible juste après sa conférence.
effets de surface avec une fidélité fanatique, sans trace de geste de la part du peintre… Le travail du pinceau
Ce qui fut fait. Ainsi eut lieu la rencontre
est totalement caché sous la surface imitative du tableau. Cette objectivité de style conduit à une objectivité dans le sujet ; le trompe-l’œil évite les sujets avec lesquels le spectateur aurait tendance à s’identifier d’une façon sensuelle ou émotive, et quand la figure humaine apparaît dans cette peinture, c’est toujours d’une façon indirecte, sous forme d’une photo ou d’un dessin. Comme l’échelle de la perception normale est nécessaire à cette peinture, puisqu’on ne peut pas peindre une maison, une forêt ou une montagne grandeur nature, le trompe-l’œil se concentre sur des objets qu’on peut peindre aux dimensions réelles. Cela implique la nature morte. Une autre caractéristique importante en découle : une accentuation prononcée des formes. Ainsi apparaît le paradoxe du trompe-l’œil : il est souvent un peu plus réel que le réel. Claude Yvel apporte à la tradition que nous venons de décrire une sensibilité complètement moderne, pas seulement parce qu’il représente des objets actuels mais à cause du signifiant dont il les investit.
très amicale d’un historien d’art avec un peintre adepte de sa spécialité.
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Harnett et Peto étaient attachés aux objets anciens. Leurs tableaux s’intitulent Vieux livres, Vieux souvenirs, Le Vieux Violon, vieux ceci, vieux cela, et ainsi de suite. Un tel parti-pris en fait n’était pas essentiel à leur art. Haberle y ajoutait pour sa part une note satirique. Harnett, qui avait étudié avec soin la nature morte hollandaise du
XVII e
siècle au début de sa carrière en Europe, sentait que de vieux objets
ajoutaient une dimension émotionnelle à son œuvre, alors que, pour Peto, ces objets avaient une valeur nostalgique et tragique. Peto est, en fait, le premier et peut-être le seul peintre de nature morte authentiquement tragique. Yvel ne se tourne pas seulement vers les sujets contemporains, mais aussi bien vers les thèmes politiques et sociaux de notre époque. Ainsi la révérence insolente qu’il rend aux nazis dans Gott mit uns, transformant les armes anciennes sans danger de Harnett en tragiques menaces modernes. C’est d’une façon encore plus violente qu’il évoque la folie américaine dans Help Vietnam avec sa triste petite poignée de billets de un dollar, peinte avec une dextérité diabolique digne de Haberle au point qu’ils sont parfaitement lisibles même au travers de la poche de toile rouge dans laquelle on les a fourrés. Dans une œuvre remarquable, Affiches lacérées, il reprend une idée déjà exprimée par Harnett dans un tableau de 1878 intitulé Attention-Company où l’on voit des affiches déchirées sur un mur, derrière la tête d’un petit garçon. L’étape suivante, c’est le collage de vraies affiches lacérées comme le fait Mimmo Rotella ; la peinture d’Yvel pourrait, en effet, représenter un de ces collages. Un autre parallèle frappant existe entre les peintures d’objets détériorés et abandonnés que réalisait Peto et les assemblages de Robert Rauschenberg composés d’objets de rebus. Dans ses peintures de motocyclettes, moteurs et intérieurs de garage, Yvel se rapproche d’une obsession notée chez les Américains contemporains qui, cependant, ne peignent jamais ces sujets en trompe-l’œil comme le fait Yvel. Mais il arrive qu’Yvel aussi abandonne le trompe-l’œil pour quelques œuvres dans la manière photo-réaliste lorsqu’il partage avec ce mouvement une attirance typique pour les épaves de voiture et les gros camions. Il suit aussi les habitudes photo-réalistes en peignant la vie quotidienne à Paris, aux heures de travail, le Paris que nous, touristes américains, ne voyons ou ne regardons jamais. Mais il apparaît qu’Yvel fait cela depuis longtemps puisque L’Escalier est daté de 1966. Si nos peintres de trompe-l’œil ont devancé Yvel, Yvel a devancé nos photo-réalistes. C’est de bonne guerre. Monographie ClaudeYvel A C R Édition, Paris, 1984
ALFRED FRANKENSTEIN
Die Vergangenheit ist genauso unvorhersehbar wie die Zukunft und genauso turbulent wie die Gegenwart. Das ist das erste Prinzip der Kunstgeschichte. Wer hätte gedacht, dass man ab 1940 eine wichtige, reichhaltige und mannigfaltige Schule amerikanischer Maler wiederentdecken würde, die zwischen 1870 und 1890 in der Trompe-l’œil-Manier Stillleben gemalt hatten? Die Geschichte der amerikanischen Kunst musste umgeschrieben werden, um Platz für diese Künstler zu schaffen, vor allem für William Michael Harnett, John Frederic Peto und John Haberle. Und wer hätte gedacht, dass ihr Ansatz und ihre Malweise ein Jahrhundert später in Paris eine Wiedergeburt erleben würden? Viele Amerikaner haben sich nach der Wiederentdeckung von Harnett-Peto-Haberle an ihrer Malweise versucht. Keinem ist es gelungen, unser Auge so sehr zu täuschen, dass er als Nachfolger dieser Meister angesehen werden könnte. Dafür mussten wir auf Claude Yvel warten. Claude Yvel macht an dem Punkt weiter, an dem Harnett, Peto und Haberle stehen geblieben sind. Stilistisch gesehen bedeutet dies, dass die Gegenstände in ihrer natürlichen Größe dargestellt werden, denn ein Auge kann man nicht täuschen, wenn man die Dinge viel größer oder viel kleiner abbildet, als sie in der Wirklichkeit sind. Die Gegenstände sind vor Bretter, Türen oder andere Hintergründe gestellt, die die bemalte Fläche vollständig oder fast vollständig ausfüllen. Diese Gegenstände sind so gemalt, dass sie näher zu kommen scheinen. Sie treten im Raum auf den Betrachter zu, aber nie zu sehr. Der nicht sehr tiefe Raum ist der Bereich des Trompe-l’œil. Diese Regeln sind gültig, seit die Römer Hühnerknochen oder Obstschalen auf den Mosaikböden ihrer Esszimmer dargestellt haben. Das Trompe-l’œil ahmt auch die Oberflächeneffekte mit fanatischer Genauigkeit nach, und das ohne eine Spur der Geste des Malers … Die Arbeit mit dem Pinsel ist unter der nachahmenden Oberfläche des Bildes völlig versteckt. Diese Objektivität des Stils führt auch zu einer Objektivität in der Wahl des Sujets: Das Trompe-l’œil vermeidet Sujets, mit denen sich der Betrachter sinnlich oder emotionell identifizieren könnte, und wenn in dieser Malerei die menschliche Gestalt erscheint, dann immer nur indirekt, als Foto oder Zeichnung. Da diese Malerei auf den Maßstab der normalen Wahrnehmung angewiesen ist – man kann ja nicht ein Haus, einen Wald oder einen Berg in natürlicher Größe malen – , konzentriert sich das Trompe-l’œil auf Gegenstände, die man in den wirklichen Dimensionen abbilden kann. Das bedingt das Stillleben. Daraus folgt auch ein weiteres wichtiges Merkmal: eine ausgeprägte Betonung der Formen. Das führt zum Paradox des Trompe-l’œil: Es ist oft ein wenig wirklicher als die Wirklichkeit.
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Claude Yvel bringt in diese eben beschrieben Tradition eine ganz moderne Sensibilität ein, und zwar nicht nur, weil er aktuelle Gegenstände malt, sondern aufgrund der Bedeutung, die er ihnen verleiht. Harnett und Peto hingen an alten Gegenständen. Die Titel ihrer Gemälde lauteten “Alte Bücher”, “Alte Erinnerungen” oder “Die alte Geige”. Alt dies, alt jenes und so weiter. Eine solche Vorentscheidung war für ihre Kunst nicht wesentlich. Haberle fügte eine satirische Note hinzu. Harnett, der am Beginn seiner Laufbahn in Europa aufmerksam die holländischen Stillleben des 17. Jahrhunderts studiert hatte, spürte, dass alte Gegenstände seinem Werk eine emotionelle Dimension hinzufügten, während für Peto diese Gegenstände einen nostalgischen und tragischen Wert besaßen. Peto ist im Grunde der erste und vielleicht der einzige Maler wirklich tragischer Stillleben. Yvel befasst sich nicht nur mit zeitgenössischen Sujets, sondern auch mit den politischen und gesellschaftlichen Themen unserer Zeit. In seiner frechen Verbeugung vor den Nazis in “Gott mit uns” verwandelt er die alten harmlosen Waffen von Harnett in tragische moderne Bedrohungen. Noch eindringlicher schildert er den amerikanischen Wahn in “Help Vietnam” mit dieser traurigen Handvoll Ein-Dollar-Scheine, die wie bei einem Haberle so teuflisch geschickt gemalt sind, dass sie selbst durch die rote Stofftasche, in die sie gestopft wurden, deutlich erkennbar sind. In einer bemerkenswerten Arbeit mit dem Titel “Zerfetzte Plakate” greift er eine Idee auf, die Harnett schon in einem Bild mit dem Titel “Attention-Company” aus dem Jahr 1878 ausgedrückt hatte: Man sieht darauf hinter dem Kopf eines kleinen Jungen zerfetzte Plakate an einer Wand. Der nächste Schritt ist das Kleben echter zerfetzter Plakate, wie dies Mimmo Rotella tut. Yvel könnte tatsächlich eine dieser Collagen malen. Eine weitere verblüffende Verwandtschaft besteht zwischen den Bildern von beschädigten oder weggeworfenen Objekten, die Peto anfertigte, und den Assemblagen von Schrottgegenständen von Robert Rauschenberg. Mit seinen Bildern von Mopeds, Motoren und Autowerkstätten nähert sich Yvel einer Obsession, die man auch bei zeitgenössischen amerikanischen Malern feststellt, welche allerdings diese Objekte nie in der Trompe-l’œil-Technik wiedergeben, wie dies Yvel tut. Gelegentlich wechselt Yvel auch von der Trompe-l’œilTechnik zu einer fotorealistischen Malweise, in der er, wie auch andere Maler dieser Strömung, eine typische Vorliebe für Autowracks und große Lastwagen zeigt. Fotorealistisch gibt er sich auch, wenn er das Alltagsleben in Paris während der Arbeitszeit malt, dieses Paris, das wir amerikanischen Touristen nie sehen oder wahrnehmen. Anscheinend tut Yvel dies schon seit langem, denn sein Bild mit dem Titel “Die Treppe” stammt aus dem Jahr 1966. Wenn unsere Trompe-l’œil-Maler die Vorläufer von Yvel waren, dann ist Yvel der Vorläufer unserer Fotorealisten. Das kann ihm niemand verbieten.
Alfred Frankenstein est critique d’art au San Francisco
Alfred Frankenstein ist seit 1934 Kunstkritiker des
Chronicle depuis 1934. Il a enseigné pendant plusieurs années
San Francisco Chronicle. Er hat mehrere Jahre lang Kunst
l’art et la musique à l’Université de Chicago. Il est professeur
und Musik an der Universität Chicago gelehrt. Er ist Professor
à Mills College, Harvard, Stanford, à l’Université de Californie
am Mills College, in Harvard, Stanford, an der University
et à l’Université de New York.
of California und an der New York University.
Il a commencé en 1946 à recueillir les documents sur
Er hat 1946 begonnen, Material über William Harnett
William Harnett, le seul des peintres américains de trompe-
zu sammeln, der damals der einzige bekannte amerikanische
l’œil alors connu. Ses recherches d’une grande perspicacité lui
Trompe-l’œil-Maler war. Dank seiner sehr umfassenden
ont fait découvrir dans les collections privées de nombreuses
Forschungen hat er in Privatsammlungen zahlreiche Werke
œuvres d’au moins vingt-trois artistes qui formaient une école
von mindestens dreiundzwanzig Künstlern entdeckt, die
très florissante en 1870 et 1900 aux États-Unis. On lui est
zwischen 1870 und 1900 in den USA eine florierende Schule
redevable d’avoir fait la réattribution à John Frederic Peto
gebildet hatten. Ihm ist es zu verdanken, dass zahlreiche Bilder
d’un grand nombre de peintures faussement attribuées et
in öffentlichen Sammlungen, die von Harnett signiert und
signées Harnett appartenant à des collections publiques.
fälschlicherweise ihm zugeschrieben waren, John Frederick
Il organisa en 1950 au Brooklyn Museum l’exposition de John Peto, écrivant le catalogue et la biographie
critique 1 ;
Peto zugeschrieben werden konnten. Er organisierte im Jahr 1950 im Brooklyn Museum
puis en 1970 l’exposition « The Reality of Appearance » dont
die Ausstellung John Peto und verfasste den Katalog sowie
il rédigea le catalogue 2. Ce fut la première grande exposition
die kritische Biografie 1. 1970 richtete er die Ausstellung
de cette peinture américaine du trompe-l’œil (National Gallery
“The Reality of Appearance” aus, für die er ebenfalls den
of Art, Washington, Whitney Museum of American Art,
Katalog schrieb 2 . Es war die erste große Ausstellung dieser
New York, University Museum, Berkeley et California Palace
ameri kanischen Trompe-l’œil-Malerei (National Gallery of Art,
of the Legion of Honor, San Francisco, The Detroit lnstitute).
Washington, Whitney Museum of American Art, New York,
Il a réuni le résultat de ses recherches sur cette école dans
University Museum, Berkeley und California Palace of
l’important ouvrage After the
Hunt 3.
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the Legion of Honor, San Francisco, The Detroit Institute). Das Ergebnis seiner Forschungen über diese Schule hat er in dem maßgeblichen Werk mit dem Titel After the Hunt 3 publiziert .
1 The Brooklyn Museum Press, 1950. 2 New York Graphic Society L.T., 1970. 3 (New revised edition), University of California Press, Berkeley, 1975.
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Cour parisienne 1985 73 Ă— 60 cm
Claude Yvel Un exercice d’équilibre sur une corde
PASCALE LE THOREL
« La peinture est un exercice d’équilibre sur une corde : une fonction que l’on pousse aux limites du possible. »*
Claude Yvel est né le 16 août 1930 à Paris. Il vit et travaille depuis 1968 dans un atelier à Montparnasse,
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dans l’ancien passage du Champ d’Asile, aujourd’hui passage Fermat. Là, dans ce chemin caché aux yeux des passants, se trouvent cinq ateliers et leurs mini jardins, construits vers 1900, dont le plus grand servit à créer les plâtres du Quadrige du Grand-Palais et où Ernest Hemingway vécut en 1926, dans la petite maison prêtée par son ami, le peintre américain Gerald Murphy. Le XIV e arrondissement de Paris est depuis toujours pour Claude Yvel un point d’accroche et un épicentre : le lieu de sa naissance, de ses études, de ses maisons et de celles de sa famille, de ses ateliers, le lieu des départs et des retours. Claude Yvel semble avoir trouvé très tôt sa voie : fils d’artiste – son père est musicien – il est marqué par une institutrice qui, à l’école primaire, lui enseigne le dessin, la peinture, la typographie et la gravure, via la méthode Freinet (L’Imprimerie à l’école). S’il dessine dans un cours du soir de la Ville de Paris, il se
Pascale Le Thorel et Claude Yvel dans l’atelier du passage Fermat, février 2014 PHOTO LOUISE DAVIOT
forme essentiellement seul. Il trouve « des modèles dans le Petit Larousse illustré : châteaux forts, voiliers, uniformes de la Grande Armée ». Plus tard, en 1944, en dernière année de primaire, il est encouragé par un professeur de dessin qui lui apprend la perspective, les proportions, le dessin d’après modèle. C’est l’année de son certificat d’études, qu’il obtient parmi les premiers, et qui marque, pour les familles des quartiers populaires, la fin des études. Il est orienté vers le Centre d’apprentissage d’arts graphiques qui prépare au métier d’illustrateur : « On était cinq enfants à la maison et, mon père parti, ma mère n’avait pas les moyens de me payer les Beaux-Arts. » Il entre à l’école de la Cité verte en octobre 1944, dirigée par son fondateur, le peintre Henri Cadiou (1906-1989), que Claude Yvel considérera toujours comme son maître, celui qui lui a ouvert la voie. À la Cité verte, au 147 de la rue Broca, les élèves se partagent un grand atelier ; ils sont formés en dessin de la lettre : « un travail de rigueur, à l’équerre, au tire-ligne et au compas à balustre » dont il conviendra que c’est « une bonne discipline qui à la longue les dompte et leur sert d’ascèse comme pour les moines copistes des monastères ». Il reçoit une formation technique complète mais qui fait peu de place à l’histoire de l’art. Il apprend notamment l’art d’enluminer les tirages bibliophiliques, « la maquette d’affiches, d’emballages, d’encarts et de cette sorte d’illustrations à l’américaine qu’on nomme hyperréalisme en peinture ».
* Entretien avec Nathalie Mei in Claude Yvel Trompe-l’œil, ACR, Paris, 1984.
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Dans l’atelier du Centre (promotion 1944-1945) PHOTO ARTS GRAPHIQUES (1944)
Avec Henri Cadiou, les élèves visitent les salons et les expositions ; après quoi, il leur est demandé de reproduire de mémoire le tableau qui les a le plus marqués. Il dessine également le nu à l’académie Frochot à Pigalle et va régulièrement au Louvre. Épris d’un désir de connaissances et de lectures, il fréquente la bibliothèque des Arts décoratifs et celle du Centre d’apprentissage, lit des romans et des livres d’histoire. Cette passion est d’autant plus forte qu’il en a été privé dans l’enfance : « À la maison, n’étaient autorisés à rentrer que les livres d’école, les seuls à être sérieux. » Au terme de deux années d’apprentissage, il devient l’assistant d’Henri Cadiou et sous-traite pour son compte des commandes d’étiquettes de bouteilles de vin, inspirées par des enluminures médiévales, ainsi que des encarts de produits pharmaceutiques. Ces années de l’après-guerre sont celles de l’abstraction triomphante, de l’informel, du non-figuratif, mais Claude Yvel ne ressent pas le besoin d’en passer par cette étape. Certainement encouragé par Henri Cadiou, il cherche à obtenir « un effet de réel » et se rend vite compte qu’il ne veut représenter des « personnages fictifs indéterminés ». Il va donc peindre le réel, d’après le réel, sur le motif. Il installe partout son chevalet et partant, le plus souvent, de l’appartement familial, une H B M (Habitation à bon marché) située porte de Vanves, il « prend pour sujet tout ce qui l’entoure : le balcon, la cuisine, une étagère de la cuisine, avec le moulin à café, les casseroles, les pots à épices en faïence Art Déco et le vinaigrier ». Il fait des autoportraits, des portraits, telle une Leçon de piano (dont les modèles sont Gilles-Pierre, le fils d’Henri Cadiou et sa mère), ou sa vieille Tante Juliette, épluchant une pomme. Ses premiers paysages sont ceux de la « zone » qui ceinture Paris et s’étend sous les fenêtres de l’appartement familial. Il représente « la baraque de Casque d’or avant que les Allemands ne la fassent démolir » ; « des Gitans qui campent sur la zone » et la gare Ouest ceinture, devant laquelle il passait pour aller à l’école. En 1949, il participe à son premier Salon, le National indépendant. Il a ensuite la chance de se voir consacrer très tôt une première exposition personnelle, « Peintures réalistes », à la galerie de l’Institut, rue de Seine, alors dirigée par Madame Lévesque (7-20 mai 1954). Le critique Maximilien Gauthier,
Henri Cadiou dans son atelier à la Cité fleurie PHOTO PIERRON (1970)
Henri Cadiou La Peau de lapin 1943 huile sur toile 41 × 33 cm PHOTO JOËL CADIOU
auteur du texte de la plaquette de l’exposition, écrit : « À 23 ans, Claude Yvel, dont voici la première expo-
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sition particulière, a la magnanimité, en un temps où le naturel est généralement considéré comme coupable, de vouloir préciser, et de s’en tenir pour peindre, à la technique ardue qu’il a apprise en étudiant notamment les maîtres hollandais, et surtout Vermeer de Delft. Que montre-t-il ? Ce qu’il connaît. Les paysages suburbains où il a passé son enfance. Les personnages qu’il y a rencontrés et qui lui ont donné à réfléchir. Les chambres où il a passé seul ou moins seul. Les masures, les ateliers, les outils, la joie de vivre en dépit de l’abandon, de la misère. C’est très émouvant, et précieusement accompli, sans le moindre soupçon de maniérisme, ni de concession à la mode esthétique régnante. » Claude Yvel s’inscrit alors dans la tendance dite des peintres du réel. Seul, avec Henri Cadiou, ou avec d’autres, il expose dans des galeries à Paris et en Europe, au Salon Comparaisons, mais aussi au Circulo de Bellas Artes de Madrid (1960), à la Kunsthalle de Darmstadt (1975). Sa première exposition chez Kunstkeller à Bern, que dirige Dorothe Freiburghaus, qui le représente encore aujourd’hui, a lieu en 1976 ; Heinz Trösch, qui restera son collectionneur et son soutien le plus fidèle, acquiert alors son premier tableau. Jean Giono le défendra, avec Henri Cadiou, ouvrant ses Peintres de la réalité du
X Xe
siècle avec un
tableau de Claude Yvel, s’insurgeant contre l’abstraction, qualifiée de « brouillon ». (« Le brouillon se justifie ; il est la gloire de l’homme : il est la gloire de l’homme qui le dépasse. En aucun cas il ne doit quitter l’atelier ou le tiroir. Il ne doit jamais aller dans la salle d’exposition ; il est le contraire d’une fin en soi 1. ») En 1969, Claude Yvel fait la rencontre décisive de Jack Pollock, un directeur de galerie canadien. De ses marchands, c’est celui avec lequel il établira la plus longue et amicale relation. Il le décrit comme « l’Iris Clert du Canada : il trouvait les artistes que les autres venaient chercher ». Ce dernier, enthousiasmé par « la force et la sûreté de ses images », s’engage pour défendre son travail au Canada et aux États-Unis (French Realist, galerie Pollock, Toronto, 1970 ; Four French Painters of the New Real, galerie Pollock, Toronto ; Reality and Trompe l’Œil by French New Real Painters, New York Cultural Center et Corcoran Museum of Art, Washington, 1973). Pour Pollock, Claude Yvel présente une alternative à l’Hyperréalisme alors en vogue en Amérique, un travail où le « pathos, l’humour et les différentes facettes de la vie elle-même se combinent avec les techniques éprouvées des maîtres ».
1 Jean G I O N O , Peintres de la réalité du X X e siècle, Hadès, Paris, 1959.
Dans son livre de souvenirs, Dear M, Letters from a Gentleman of Excess, Jack Pollock écrit en 1989 : « Le plus subtil réaliste vivant pour moi est Claude Yvel. (…) C’est un alchimiste, un magicien, un être passionné, qui a maîtrisé les techniques de Vermeer et crée des images en trompe-l’œil véritablement étonnantes. (…) Je l’ai découvert à Paris à la fin des années 1960. Il était littéralement affamé, et j’ai acheté un petit tableau, une paire de chaussures de femme dans une boîte, et il en a pleuré. J’ai organisé une exposition, l’ai invité et il a commencé à être reconnu. (…) Une exposition des Réalistes français (que j’ai organisée) fut mise en place (au New York Museum) et John Cannaday, le critique principal du New York Times, consacra ses colonnes à Claude deux semaines de suite. Le show fut ensuite montré à la Corcoran Gallery à Washington. Nous avons vendu un petit tableau à Yale University. Alfred Frankenstein, le spécialiste d’Harnett et Peto, les célèbres artistes du trompe-l’œil américain du
XIXe
siècle, vit la seconde exposition de Claude dans ma galerie, écrivit à son
propos, et depuis, Claude a connu un large succès au sud des États-Unis et en Europe. » Au moment de sa rencontre avec Jack Pollock, Claude Yvel est peut-être au terme de sa première
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période, celle de la « synthétisation » du réel qu’il qualifie d’« hyper-objectivité ». Contrairement aux hyperréalistes américains, tels Chuck Close, Don Eddy, Richard Estes, Malcolm Morley, ou français, tels Gérard Gasiorowski ou Jean-Olivier Hucleux, sa peinture ne fait pas appel au document photographique. Il travaille directement, face au motif, et déclare : « Par cela même, la confrontation avec le sujet établit avec celui-ci des rapports affectifs qui se trouvent impliqués dans ma peinture 2. » Celui dont il se sentirait alors le plus proche est Richard Estes, pour ses « paysages de New York à partir de photos, en recherchant les techniques traditionnelles ». Le sujet est sa préoccupation essentielle, et c’est avec la technique du trompe-l’œil, nous y reviendrons, qu’il va s’engager peu à peu dans la cristallisation d’une histoire qui ne cesse de le hanter. Avec le temps, il avouera : « J’ai vu combien certains thèmes étaient récurrents : le temps, la torture, la violence, les machines, etc.3. » Les paysages urbains des années 1950 et 1960, les scènes de rue ou d’intérieur (Le Grenier, 1952 ; L’Étudiante, 1953 ; Intimité, 1956 ; L’Escalier, 1966 ; Cour, 1968 ; Usine abandonnée, 1968) trouvent leur prolongement dans des peintures d’engagement. Claude Yvel travaille ainsi pendant deux ans dans les bidonvilles de Carrières-sur-Seine. Un ensemble de tableaux (entre 1972 et 1974) complète la série entreprise dans la « zone » dont il a peint, dans sa jeunesse, les baraquements, les habitants, les dépotoirs, et où il se rend encore pour opérer comme des constats de la misère (Terrain vague/Sheraton Hôtel, 1974 ; Chantier interdit, 1973-1974). Dans le même temps, il commence à faire des œuvres dites de trompe-l’œil, reprenant, en peinture, l’effet des affiches lacérées des Nouveaux Réalistes. Il y traite de questions politiques, notamment de la guerre d’Algérie (Affiches lacérées, 1961 ; Affiches de presse, 1964) ou de Mai 68 (Atelier populaire/ Mai 1968, 1969). En Mai 68, il est actif à l’Atelier populaire de l’École des Beaux-Arts. Il y réalise, la nuit, des affiches en lithographie dont le contenu est approuvé lors des AG dans la journée, assemblées générales auxquelles il ne participe pas, pré férant s’adonner à la peinture. Selon le principe de l’Atelier populaire, il garde l’anonymat sur ses affiches, mais l’on pourrait penser, à quelques signes cryptés, qu’il est 2 Galerie Blondel, Paris, 1976. 3 ACR , Paris, 1984.
l’auteur de celles que l’on reconnaît sur ses tableaux (dans Dix ans après, 1978, on voit trois affiches superposées, au bas desquelles se lit la mention « atelier CL. Yvel »).
Le New York Cultural Center, Colombus Circle, N.Y. P H O T O N . Y. C . C . ( 1 9 7 3 )
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Ces peintures de trompe-l’œil s’inscrivent dans le cadre de l’une de ses passions : la recherche des techniques picturales perdues. Cet intérêt lui vient peut-être de sa mère. Jeanne André, née de parents inconnus, pupille de l’Assistance publique, avait été placée jusqu’à sa majorité. Elle finit par acquérir auprès de sa dernière famille d’accueil, un couple de pharmaciens, des compétences en herboristerie et une formation de préparatrice, métier qu’elle exercera par la suite. Elle lui transmet l’ouvrage de François Dorvault, le classique Répertoire de pharmacie pratique, dans lequel il trouve de nombreuses recettes. Il note : « Jadis l’apothicaire était le fournisseur des drogues nécessaires pour la pratique des médecins et des peintres. » C’est en lisant, notamment, le Traité complet de la peinture de Paillot de Montabert qu’il s’initie « aux règles de l’art classique et à la préparation des couleurs ». Il part en quête des « pigments minéraux, les colorants et les liants utilisés dès le paléolithique, en Égypte, en Grèce, à Rome, en Orient et dans le monde médiéval ». Il rencontre Elena Schiavi, auteur d’Il sale della terra, qui lui transmet la recette des portraits du Fayoum. Ces recherches en feront un spécialiste, auteur de manuels (Peindre à l’huile
Jack Pollock, galeriste à Toronto
comme les maîtres ; Peindre à l’eau comme les maîtres ; Le Métier retrouvé des maîtres) et le verront, à
PHOTO CLAUDE YVEL
(1982)
partir de 1988, se rendre régulièrement à Pékin et à Shenyang pour enseigner les techniques de la peinture occidentale aux professeurs des Écoles des Beaux-Arts. Si son atelier est empli de trésors : bocaux de pigments naturels, pattes de lapin, ailes d’oiseaux, huiles et mixtures de toutes sortes, s’il parle avec passion d’un jaune indien, une recette perse du X V e siècle, qui « provient d’un précipité des secrétions urinaires de vaches qui ont mangé des feuilles de manguier », Claude Yvel n’en affirme pas moins que si la technique « s’affiche comme une démonstration, elle est méprisable 4 ». Dans les années 1970, il met en œuvre ces connaissances pour peindre de véritables trompe-l’œil, minutieux, lumineux, soigneusement composés, faits d’une pâte très lisse, à la manière des anciens. Il respecte les lois du genre : les objets, dessins, lettres, toujours représentés grandeur nature, ne sont jamais sectionnés au bord du tableau. Ils sont arrangés : collés ou accrochés avec des ficelles et des cordelettes sur un fond, souvent une planche de bois, et posés sur une mince étagère. La surface plane donne l’impression d’une mise en relief.
4 Jacques J A C O B , Claude Yvel, L’Arthotèque, Granville.
Il reprend dans ses compositions certaines mises en scène de Jacopo de Barbari, Samuel van Hoogstraten, Jean-François de Le Motte, Edward Collier, Gaspard Gresly ou de Boilly. Sa Nef des fous (1974) fait un trompe-l’œil d’un détail – une bouteille – du tableau de Jérôme Bosch. L’utilisation de cette technique est censée faire oublier « la manière de l’artiste » : « Le trompe-l’œil, c’est aussi l’imitation des effets de surface avec une fidélité fanatique, sans trace de geste de la part du peintre… Le travail du pinceau est totalement caché sous la surface imitative du tableau 5. » Mais s’il y a trompe-l’œil formel, technique, il n’y a pas trompe-l’œil des émotions, si fortes, qu’il a fallu les mettre à distance. La technique va s’avérer être un trompe-l’œil dans le trompe-l’œil, un jeu de rébus. Claude Yvel dit avoir créé « par provocation et dérision », en faisant appel à un genre décrié, considéré comme artisanal, mais qui « s’est révélé être une forme complète et expressive du langage réaliste 6 ». Comme l’écrit Miriam Milman, historienne du genre : « Le trompe-l’œil représente d’une certaine manière le triomphe de l’art sur la nature, tout en questionnant sa propre capacité de rester une œuvre d’art valable, et pas juste un décor et encore moins une farce. Il pose le problème des limites de l’art
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et finalement, celui de la définition même de la réalité du monde qui nous entoure. » Et c’est bien ce qu’affirme Claude Yvel quand il dit faire non une copie de la réalité, mais une illusion, un « trompe l’âme 7 » : « Puisqu’on représente sur une surface plane trois dimensions, c’est forcément une interprétation. Paradoxalement, le réalisme est la pointe de l’abstraction. Quand les gens disent : “C’est la réalité», en fait ce n’est qu’un reflet de la réalité” 8. » Il n’y a ainsi que fort peu de réel dans ces tableaux de Claude Yvel qui sont des images composées dans l’atelier pour recomposer le passé ou le décor d’un passé. Il a raconté l’histoire de sa famille en 2006 dans un petit ouvrage resté confidentiel, Jeanne et ses fils, Chronique vraie d’une famille. Et c’est cette histoire, que pointe le critique Jean-Louis Gaillemin (« les images glacées d’Yvel qui sont autant de petites histoires 9 »), qui nous revient par bribes émotionnelles, comme les pages de ce journal que sont les trompe-l’œil. Ils évoquent l’univers de son père, René Forest – violoniste (Le Violon, 1985) puis batteur du Master Jack Orchestra qui se produisait avant la Deuxième Guerre mondiale dans les grandes brasseries parisiennes, et de son frère André, avec qui Claude jouait du cornet et du banjo (À Joe King Oliver, 1976-1977 ; Papa Joe, 1980 ; Sidney and Freddie, 1981). Ils évoquent la période de l’occupation allemande, l’exode, la faim (L’Écolier, 1977 ; Si vous saviez…/ The Wireless, 1982). Ils évoquent la plus dure des réalités, celle qui fut celle de son père et de son oncle, René et Jean, qui, pour ne pas être les proies de l’antisémitisme régnant, portaient le nom de leur mère, Forest, plutôt que celui de leur père : Lévy. Et que ce nom les a fait tous deux disparaître. Son père, immatriculé sous le numéro 19341, partit de Drancy le 15 mai 1944. Son train le mena vers la forteresse n o 9 de Kovno en Lituanie ou vers Tallin en Estonie. Il faut lire les témoignages que Claude 5 Alfred F R A N K E N S T E I N , Claude Yvel, galerie Blondel, Paris, 1980. 6 Idem. 7 Nathalie M E I , Claude Yvel Trompe-l’œil, ACR , Paris, 1984.
8 Idem. 9 Jean-Louis G A I L L E M I N , Beaux-Arts Magazine, 1985.
Yvel a réunis des rares survivants : « Arrivés à la forteresse de Kovno : les SS les y prélèvent par dizaines, et après ils ne reparaissent jamais plus. Employés dans des tourbières au camp de Projanowska, ils y sont maltraités puis exécutés par dizaines en bordure de fosses qu’ils ont eux-mêmes creusées. L’autre partie du train, cinq wagons, est dirigée vers Reval ; en Estonie. Ceux-ci sont d’abord conduits dans la vieille prison de la forteresse, puis transportés au bout de trois semaines dans une caserne convertie en camp
de concentration. Presque tous les déportés du convoi n o 73 ont d’une façon ou d’une autre disparu. Certains assassinés dans les environs de la prison, en les frappant à coups de bâton ou de barre de fer comme on tuait les bébés phoques en baie d’Hudson. D’autres, plus nombreux, furent exécutés par balles près d’une tranchée qu’ils avaient eux-mêmes creusée, et qui leur servira aussi de fosse commune. Ces victimes furent elles-mêmes contraintes d’aligner les corps comme sardines en boîte. Avant l’arrivée des troupes russes, les nazis ont tenté de faire disparaître les traces en détruisant par le feu les corps, il n’y avait pas là-bas de four crématoire. » Son frère, Jean, partit pour Auschwitz le 7 décembre 1943. Il ne reviendra pas plus. Et ce sont des tableaux de Claude Yvel : Gott mit uns, 1966-1967 ; Holocauste ; L’Abattoir. Ou encore Convoi n o 73 Reichsbahn, 1944, où l’on voit, sur la paroi d’un wagon, une clôture de barbelés, une étiquette avec la mention SNCF Drancy, la photo du Maréchal Pétain, des voies ferrées, un violon brisé, accroché par un pauvre lacet usé, une tasse en métal, la photo de son père que marque un ruban de deuil, l’étoile jaune, sa carte d’identité, avec, en rouge, au tampon, la mention « Juif ». Claude Yvel peindra cette étoile jaune sur ses tableaux : « L’étoile de David, large comme la main en tissu d’un beau jaune indien avec le même terme tracé en caractères pseudo-hébraïques, imprimé en noir à l’aide d’un cliché typo obligeamment gravé par la fonderie Deberny et Peignot ». Il écrira : « Qu’il soit nécessaire de les désigner par ce macaron fielleux, démontre assez que ces sales Juifs ressemblent à s’y méprendre à tout bon Aryen et que la prétendue race juive n’est qu’une paranoïa de racistes comme le sont Goebbels et Adolf Hitler, lui-même incapable de justifier que tous ses aïeuls étaient aryens. » Cette volonté de peindre la réalité, celle de l’absence, de la disparition, de l’indicible, répond comme un écho à la phrase d’Edmond Jabès qui refuse le silence après la Shoah et affirme : « Oui on le peut, on le doit, il faut écrire à partir de cette rupture. » Il rejoint là, autrement, un artiste comme Peter Klasen, comme lui marqué par la même guerre, qui n’a cessé de montrer les wagons en route pour les camps, les chambres de torture, comme Jacques Monory et ses Images incurables et ses Catastrophes, comme Christian Boltanski et ses portraits de disparus, comme Zoran Music et ses dessins des camps… Claude Yvel écrit encore d’autres pages, contre la torture (Handbook, 1975), la guerre (Help Vietnam/ The Collection, 1973 ; Liban, 1987 ; Chine Dazi-Bao, 1991 ; Nine Eleven, 2012). Il peint des memento mori,
Yvel dessinant la 230 G 353 au dépôt des locomotives de Noisy-le-Sec PHOTO A. FRANCK (1977)
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Pêle-mêle/Love story 1982 huile sur toile 31 × 48 cm P H O T O AT E L I E R 80
une locomotive (230 G353, 1977), une moto (Ariel 500, 1971-1972 ; After the Race, 1973 – alors que son frère André est décédé des suites d’un accident de moto), des photos de sa mère et de ses frères (Album de famille, 1985), de sa compagne disparue (Pêle-Mêle/Love-Story, 1982). André Thérive, dans la monographie qu’il lui avait consacrée, avait déjà noté en 1958 : « Il excelle surtout dans les thèmes de la mélancolie, de la déréliction. » Son art « est implacable, envers ses sujets et envers lui-même. Il ne triche pas 10 ». Tout comme Jean-Jacques Lévêque : « La magie de l’image peinte, c’est de dire l’excessif des choses ou des sentiments. Ici de notre environnement quotidien. L’enfer est autour de nous. Il fallait le montrer 11 » ou Kay Kritzwiser : « Colère, terreur et tragédie sont les grands chefs-d’œuvre d’Yvel 12. » Mais Claude Yvel ne triche pas non plus avec l’énergie de la vie et représente aussi des portraits (Chantal/stéréo radio, 1985 ; Céline, 1989), des nus féminins, ses enfants, des marines (Chalutier en calle sèche, 2006), des auto portraits, tel celui de 1966 qui s’inscrit dans la lignée du tableau de Corot repris par Van Gogh, Cézanne, Picasso et tant d’autres. Du trompe-l’œil, Claude Yvel reprend encore une autre règle, celle de la signature de l’artiste cachée dans le tableau. Elle apparaît en lieu et place du logo « Shell » (Garage, 1965 ou Ariel 500, 1971-1972), comme une marque de chaussures (Escarpins, 1971), sur la couverture d’un S A S dont il serait l’auteur (L’Art vivant emballé, Une enquête sur la réalité)… Mais cette question du nom est aussi une autre serrure dont on pourrait trouver la clé. Alors que Claude Yvel était étudiant à la Cité verte, il avait trouvé dans une poubelle, avec son ami Charles Perron, un « plâtre asiatique ébréché » qu’ils avaient baptisé « Bouddha crevé ». Pour s’amuser, ils avaient alors créé
10 André T H É R I V E , Claude Yvel, Flammarion, coll. « Objectivement », Paris, 1958. 11 Jean-Jacques L É V Ê Q U E , Les Nouvelles littéraires, n o 2769, 1981. 12 Kay K R I T Z W I S E R , The Globe and Mail, mars 1970, Toronto. 13 Jean S TA R O B I N S K I , Les Mots sous les mots. Les Anagrammes de Ferdinand de Saussure, Gallimard, Paris, 1971. 14 Edmond J A B È S , Le Seuil Le Sable, Poésie/Gallimard, Paris, 1990.
« une secte fictive où chacun des membres avait transformé son nom en l’inversant ». Lévy était devenu Yvel. Un trompe-l’œil de celui qui affirme : « Les messages les plus puissants sont les plus secrets. » Yvel, ce nom d’artiste, est bien l’anagramme de Lévy. Cet anagramme qui a fait l’objet des études de Ferdinand de Saussure et de Jean Starobinski 13, une figure au sens caché, ésotérique, une combinatoire de lecture (hokmat ha-zeruf ), à laquelle faisait appel Edmond Jabès : « Cherche mon nom dans les anthologies. Tu le trouveras et ne le trouveras pas. Cherche mon nom dans les dictionnaires. Tu le trouveras et ne le trouveras pas. Cherche mon nom dans les encyclopédies. Tu le trouveras et ne le trouveras pas 14. »
NdA : les citations qui ne sont pas en italiques sont extraites de Jeanne et ses fils, Chronique vraie d’une famille et d’un entretien entre Pascale Le Thorel et Claude Yvel, juillet 2013.
Claude Yvel Gleichgewichtsübung auf dem hohen Seil
PASCALE LE THOREL
“Die Malerei ist so etwas wie Seiltanzen: eine Funktion, die man bis an die Grenzen des Möglichen treibt.” *
Claude Yvel wurde am 16. August 1930 in Paris geboren. Er lebt und arbeitet seit 1968 in einem Atelier
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auf dem Montparnasse, der Passage Fermat, die früher Passage du Champ d’Asile hieß. Dort, in dieser von den Passanten kaum beachteten Seitengasse der Rue Froidevaux, befinden sich fünf Ateliers mitsamt ihren winzigen Gärten, die im Jahr 1900 errichtet worden waren. Das größte Atelier hatte zur Herstellung der Gipsabgüsse für die Quadriga über dem Eingang des Grand Palais gedient. 1926 hatte Hemingway in dem kleinen Haus gewohnt, das ihm sein Freund, der amerikanische Maler Gerard Murphy, zur Verfügung gestellt hatte. Das 14. Arrondissement war für Claude Yvel immer schon ein fester Bezugspunkt und ein Zentrum gewesen: Hier war er geboren, hier hatte er studiert, hier hatten er und seine Angehörigen gewohnt; von hier war er zu seinen Reisen aufgebrochen und hierher kehrte er immer zurück. Claude Yvel scheint sehr früh seinen Weg gefunden zu haben. Er ist der Sohn eines Künstlers – zu seinen Vater war Musiker – und wurde von seiner Volksschullehrerin geprägt, die ihm nach der Freinet-Methode (die der Pädagoge Célestin Freinet in seinem 1927 erschienen Werk L’Imprimerie à l’école – Der Buchdruck in der Schule – schildert) das Zeichnen, das Malen, die Typografie und die Grafik beigebracht hatte. Später, im Jahr 1944, wurde er in der letzten Klasse der Volksschule von einem Lehrer ermutigt, der ihm die Perspektive beibringt, die Proportionen und das Zeichnen nach einem Modell. In diesem Jahr erhielt er, als einer der besten seiner Klasse, seinen Volksschulabschluss, der in den Familien der Arbeiterviertel das Ende der Ausbildung bedeutete. Er wird daraufhin in eine Grafikschule geschickt, in der er zum Illustrator ausgebildet wird: “Wir waren fünf Kinder zuhause, und nachdem mein Vater nicht mehr da war, hatte meine Mutter nicht die Mittel, mich auf die Kunstakademie zu schicken.” Er begann im Oktober 1944 in der Schule der Cité verte, die von ihrem Gründer, dem Maler Henri Cadiou (1906-1989) geleitet wurde, in dem Claude Yvel immer seinen Lehrer sah, der ihm den Weg geöffnet hatte. In der Cité verte in der Rue Broca 147 teilten die Schüler ein großes Atelier. Sie werden im Buchstabenzeichnen ausgebildet: “Eine Arbeit, die Genauigkeit erfordert, mit dem Winkeldreieck, der Reißfeder und dem Nullenzirkel”, und wie er meint, “eine gute Disziplin, die sie auf die Dauer zähmt und ihnen als Askese dient wie bei den Kopisten in den Klöstern”.
* Gespräch mit Nathalie Mei in: Claude Yvel Trompe-l’œil, A C R , Paris 1984.
Er erhält eine vollständige technische Ausbildung, in der auf die Kunstgeschichte nur beiläufig eingegangen wird. Er lernt vor allem die Kunst, bibliophile Ausgaben zu illuminieren, “Entwürfe für Plakate, Verpackungen und eingeheftete Beilagen sowie diese Art von Illustrationen nach amerikanischer Manier, die man in der Malerei als Hyperrealismus bezeichnet”. Mit Henri Cadiou besuchen die Schüler regelmäßig Ausstellungen und müssen im Anschluss daran das Bild, das sie am stärksten geprägt hat, aus dem Gedächtnis nachmalen. Er studiert auch Aktzeichnen in der Académie Frochot in Pigalle und besucht regelmäßig den Louvre. Sein Wissensdurst ist groß und treibt ihn in die Bibliothek der Kunsthochschule École des Arts décoratifs und in die der Lehrlingsausbildung, er liest Romane und Geschichtsbücher. Diese Leidenschaft ist umso größer, als er in seiner Kindheit keinen Zugang dazu hatte: “Zuhause waren nur Schulbücher erlaubt, nur sie galten als seriös.” Nach einer zweijährigen Ausbildung wird er zum Assistenten von Henri Cadiou und führt für ihn 22
Aufträge für Etiketten von Weinflaschen aus, die von mittelalterlichen Zierbuchstaben inspiriert sind. Er fertigt auch andere Etiketten an sowie Beilagen für pharmazeutische Produkte für einen Lithografen. Er zeichnet auch in einem Abendkurs der Stadtgemeinde Paris, aber im Wesentlichen bildet er sich selbst aus. Er findet Modelle in einem bebilderten Lexikon, dem Petit Larousse illustré: “Burgen, Segelschiffe, Uniformen der Armee Napoleons”. In diesen ersten Jahren nach dem Krieg triumphiert die abstrakte Malerei, das Informel und das Ungegenständliche, aber Claude Yvel verspürt nicht das Bedürfnis, diese Phase mitzumachen. Er ist, sicherlich auch unter dem Einfluss von Henri Cadiou, bestrebt, eine “realistische Wirkung” zu erzielen und wird sich rasch klar, dass er “unbestimmte fiktive Figuren” nicht darstellen kann. Er wird die Wirklichkeit abbilden, nach der Wirklichkeit malen, nach der Natur. Er stellt seine Staffelei überall auf. Meistens geht er von der Wohnung der Familie, einer Sozialwohnung in der Nähe der Porte de Vanves, aus und malt alles, was ihn umgibt: den Balkon, die Küche, “ein Regal in der Küche mit der Kaffeemühle, den Kasserollen, den Behältern aus Art-Déco-Steingut mit den Gewürzen und dem Essigkännchen”. Er macht Selbstporträts und Porträts, etwa eine Leçon de piano (Klavierstunde; die Modelle dafür sind Gilles-Pierre, der Sohn von Cadiou, und seine Mutter)oder seine alte Tante Juliette beim Schälen eines Apfels. Seine ersten Landschaften sind die der “Zone”, die Paris umgibt und vor den Fenstern der elterlichen Wohnung liegt. Er malt “die Baracke des Films Casque d’or, bevor die Deutschen sie abreißen lassen”, und den Bahnhof Ouest ceinture, an dem er auf dem Schulweg vorbeiging. Im Jahr 1949 nimmt er an seiner ersten Gruppenausstellung teil, dem Salon National Indépendant. Daraufhin hat er das große Glück, sehr rasch eine erste Einzelausstellung unter dem Titel Peintures réalistes in der Galerie des Instituts in der Rue de Seine zu erhalten, die damals von Madame Lévesque geleitet wurde (vom 7.– 20.Mai 1954). Der Kunstkritiker Maximilien Gauthier, der Autor des Katalogtextes, schreibt: “Mit dreiundzwanzig Jahren hat Claude Yvel hier seine erste Einzelausstellung. In einer Zeit, in der das Natürliche gewöhnlich als etwas Minderwertiges betrachtet wird, besitzt er den Mut, genau sein
zu wollen und sich beim Malen an die schwierige Technik zu halten, die er beim Studium holländischen Meister und vor allem Vermeer van Delft gelernt hat. Was zeigt er? Das, was er kennt. Die Vorstadtlandschaften seiner Kindheit. Die Personen, die er dort
Yvel « sur le motif », dans le bidonville de Carrières-sur-Seine PHOTO A. FRANCK
kennengelernt hat und die ihn zum Nachdenken angeregt haben. Die Zimmer, in denen er allein und weniger allein gewohnt hat. Die baufälligen Häuser, die Werkstätten, die Werkzeuge: die Lebensfreude trotz Not und Einsamkeit. Das alles ist sehr bewegend und sehr sorgfältig ausgeführt, ohne den geringsten Anflug von Manierismus und ohne Zugeständnisse an die herrschende ästhetische Mode.” Claude Yvel schließt sich damit einer Bewegung an, die als die Maler der Wirklichkeit bezeichnet wird. Nun stellt er entweder allein oder mit Henri Cadiou und anderen in Galerien in Paris und Europa aus, im Salon Comparaisons, aber auch im Circulo de Bellas Artes in Madrid (1960) oder in der Kunsthalle in Darmstadt (1975). Seine erste Ausstellung im Kunstkeller Bern, bei Dorothe Freiburghaus, die ihn heute noch vertritt, findet 1976 statt. Heinz Trösch, der sein treuster Sammler und Mäzen wird, erwirbt damals sein erstes Bild. Jean Giono wird ihm verteidigen, denn Henri Cadiou eröffnet seinen Text mit dem Titel Peintres de la réalité du X X e siècle mit einem Bild von Claude Yvel und empört sich über die abstrakte Malerei, die er als Brovikon qualifiziert. (Das Brouillon, “der Entwurf hat seine Berechtigung. Er ist der Ruhm des Menschen. Der Ruhm des Menschen, der über ihn hinausgeht. Der Entwurf darf auf keinen Fall das Atelier oder die Schublade verlassen. Er darf nie in einen Ausstellungsraum gelangen. Er ist das Gegenteil eines Selbstzwecks 1.”) Im Jahr 1969 macht Claude Yvel eine entscheidende Begegnung: Er lernt Jack Pollock kennen, der eine Galerie in Kanada leitet. Unter allen seinen Galeristen ist Pollock derjenige, zu dem die längste und freundschaftlichste Beziehung entstehen wird. Er beschreibt ihn als “den Iris Clert von Kanada: er fand die Künstler, die die anderen sich holten”; Pollock ist begeistert von der “Kraft und der Sicherheit seines Bilder” und setzt sich in Kanada und in den Vereinigten Staaten für sein Werk ein (French Realist, Galerie Pollock, Toronto, 1970; Four French Painters of the New Real, Galerie Pollock, Toronto; Reality and Trompe l’Œil by French New Real Painters, New York, Cultural Center und Corcoran Museum of Art, Washington, 1973).
1 Jean G I O N O , Peintres de la réalité au X X e siècle, Hadès, Paris, o.D.
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Für Pollock stellt Claude Yvel eine Alternative zum damals in Amerika vorherrschenden Hyperrealismus dar, eine Arbeit, in der sich “Pathos, Humor und die verschiedenen Facetten des Lebens selbst mit den bewährten Techniken der Meister kombinieren”. In seinem Buch der Erinnerungen, Dear M, Letters from a Gentleman of Excess schreibt Jack Pollock im Jahr 1989: “Der subtilste lebende Realist ist für mich Claude Yvel. (…) Er ist ein Alchimist, ein Magier, ein leidenschaftlicher Mensch, der die Techniken von Vermeer gemeistert und wirklich erstaunliche Trompe-l’œil-Bilder geschaffen hat. (…) Ich habe ihn Ende der sechziger Jahre in Paris entdeckt. Er war buchstäblich am Verhungern, und ich habe ihm ein kleines Bild abgekauft, ein Paar Frauenschuhe in einer Schachtel, und er hat darüber geweint. Ich habe ihm eine Ausstellung organisiert und ihn eingeladen, und nach und nach hat er Anerkennung gefunden. (…) Eine Ausstellung der französischen Realisten (die ich organisiert hatte) fand (im New York Museum) statt, und John Cannaday, der wichtigste Kunstkritiker der New York Times, widmete seine Spalten in zwei aufeinander folgenden Wochen Claude. Die Ausstellung wurde dann in der Corcoran Gallery in Washington gezeigt. Wir haben ein kleines Bild an die Yale University
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verkauft. Alfred Frankenstein, der Spezialist von Harnett und Peto, den berühmten amerikanischen Trompel’œil-Malern des 19. Jahrhunderts, sah die zweite Ausstellung von Claude in meiner Galerie und schrieb über ihn, und seither hat Claude großen Erfolg im Süden der Vereinigten Staaten und in Europa.” Zum Zeitpunkt seiner Begegnung mit Jack Pollock ist Claude Yvel vielleicht am Ende seiner ersten Periode angelangt: der der “Synthetisierung” des Wirklichen, die er als “Hyperobjektivität” bezeichnet. Im Gegensatz zu den amerikanischen Hyperrrealisten wie Cuck Close, Don Eddy, Richard Estes, Malclom Morly oder zu den Franzosen wie Gérard Gasiorowski oder Jean-Olivier Hucleux kommt seine Malerei ohne fotografische Vorlagen aus. Er arbeitet direkt vor dem Motiv und erklärt: “Gerade dadurch lässt die Auseinandersetzung mit dem Sujet affektive Beziehungen zu ihm entstehen, die in meine Malerei einfließen.” Derjenige, dem er sich am nächsten fühlen würde, ist also Richard Estes, und zwar aufgrund seiner “Landschaften von New York anhand von Fotos, wobei er die traditionellen Techniken anstrebt 2”. Das Sujet ist sein hauptsächliches Anliegen, und wie wir noch sehen werden, wird er sich mit der Technik des Trompe-l’œil nach und nach darauf einlassen, eine Geschichte herauszukristallisieren, die ihm keine Ruhe lässt. Mit der Zeit wird er dann eingestehen: “Ich habe gesehen, wie sehr manche Themen wiederkehren: die Zeit, die Folter, die Gewalt, die Maschinen usw 3.” Die Stadtlandschaften der fünfziger und sechziger Jahre, die Straßenszenen und die Interieurs (Le Grenier, Der Dachboden, 1951; L’Étudiante, Die Studentin, 1956; L’Escalier, Die Treppe, 1966; Cour, Hof, 1968; Usine abandonnée, Verlassene Fabrik, 1968) finden ihre Fortsetzung in engagierte Bilder. Claude Yvel arbeitet zwei Jahre lang in den Elendsvierteln von Carrières-sur-Seine. Eine Gruppe von Bildern (zwischen 1972 und 1974) vervollständigt die Serie, die er in der “Zone” unternommen hat, die er mit ihren Baracken, ihren Bewohnern und ihren Müllhalden bereits in seiner Jugend gemalt hatte und in die er regelmäßig zurückkehrt, um das Elend festzuhalten (Terrain vague/Sheraton Hôtel, 1974; Chantier interdit, Zutritt zur Baustelle verboten, 1973-74. Gleichzeitig beginnt er sogenannte Trompe-l’œil-Werke anzufertigen, in denen er mittels der Malerei 2 Galerie B L O N D E L , Paris, 1976. 3 ACR , Paris, 1984.
die Effekte der zerfetzten Plakate der Nouveaux Réalistes aufgreift. Er geht dabei auf politische Themen ein, insbesondere den Algerienkrieg (Affiches lacérées, Zerfetzte Plakate, 1961; Affiches de presse,
Presseplakate, 1964) und die Ereignisse vom Mai 68 (Atelier populaire/mai 1968, 1969). Im Mai 1968 ist er im Atelier populaire der École des Beaux-Arts tätig. Er fertigt dort nachts litografische Plakate
Les enfants et le peintre dans le bidonville / H L M PHOTO A. FRANCK (1977)
an, über deren Inhalt dann in den Generalversammlungen tagsüber abgestimmt wird. Er selbst nimmt an den Gene ral versammlungen nicht teil und zieht es vor, sich mittels der Malerei auszudrücken. Wie dies im Ate lier populaire üblich ist, signiert er seine Plakate nicht, aber man könnte aufgrund einiger verschlüsselter Hinweise schließen, dass er der Urheber der jenigen ist, die auf seinen Bildern zu sehen sind (auf Dix ans après, Zehn Jahre danach, 1978, sieht man drei Plakate übereinander und darunter den Vermerk “atelier CL. Yvel”). Diese Gemälde in der Trompe-l’œil-Manier ergeben sich ganz natürlich aus einer seiner Leidenschaften: der Erforschung in Vergessenheit geratener Maltechniken. Dieses Interesse hat vielleicht seine Mutter bei ihm geweckt. Jeanne André ist die Tochter unbekannter Eltern, sie wächst bis zu ihrer Volljährigkeit bei verschiedenen Pflegefamilien auf. Zuletzt ist sie in einer Apothekerfamilie, wo sie Kenntnisse über Heilkräuter erwirbt und als Präparatorin ausgebildet wird. Diesen Beruf wird sie später auch ausüben. Sie zeigt ihm das klassische Lehrbuch von François Dorvault Répertoire de pharmacie pratique, in dem er zahlreiche Rezepte findet. Er schreibt: “Früher lieferte der Apotheker die nötigen Drogen für die Praxis der Ärzte und der Maler.” Er liest insbesondere den Traité complet de la peinture von Paillot de Montalembert und lernt dort “die Regeln der klassischen Kunst und die Zubereitung der Farben”. Er macht sich auf die Suche nach den “mineralischen Pigmenten, den Farbstoffen und den Bindemitteln, die seit dem Paläolithikum in Ägypten, in Griechenland, in Rom, im Orient und in der Welt des Mittelalters verwendet wurden“. Er trifft Elene Schiavi, die Autorin von Il sale della terra, die ihm das Rezept der Porträts von Fayoum anvertraut. Aufgrund dieser Forschungen wird er zu einem Spezialisten und Verfasser von Lehrbüchern (Peindre à l’huile comme les maîtres, Mit Öl malen wie die Meister; Peindre à l’eau comme les maîtres, Mit Wasser malen wie die Meister; Le Métier retrouvé des maîtres, Das wiedergefundene Wissen der Meister). Ab 1988 reist er regelmäßig nach Peking und Shenyang, um dort die Professoren der Kunsthochschulen in der abendländischen Maltechnik zu unterrichten. Sein Atelier ist voll von Schätzen: Da sind Gläser mit natürlichen Pigmenten, Hasenpfoten, Vogelfedern, Öle und Mixturen aller Art; und Claude Yvel kann auch begeistert von einem indischen Gelb sprechen, einem persischen Rezept aus dem 15. Jahrhundert, das “aus einem
4 Jacques J A C O B , Claude Yvel, L’artothèque, Granville.
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Präzipitat von Urinsekreten von Kühen kommt, die Mangoblätter gefressen haben”, er bestätigt auch: Wenn die Technik “zur Schau gestellt wird, dann ist sie verachtenswert 4”. In den siebziger Jahren verwendet er seine Kenntnisse, um echte Trompe-l’œil-Bilder zu malen, akribische, leuchtende, sorgfältig komponierte Bilder mit einem sehr glatten Farbauftrag in der Art der alten Meister. Er hält sich an die Regeln dieses Genres: die Gegenstände, Zeichnungen und Buchstaben werden immer im Maßstab eins zu eins dargestellt und am Rand des Gemäldes niemals abgeschnitten. Sie werden inszeniert, das heißt auf einen Hintergrund, meistens ein Holzbrett, geklebt oder mit Schnüren oder Bändern festgebunden und auf ein dünnes Regal gestellt. Die zweidimensionale Fläche vermittelt den Eindruck eines Reliefs. In seinen Kompositionen greift er auf gewisse Inszenierungen von Jacopo Barbari, Samuel van Hoogstraten, Jean-François de Le Motte, Edward Collier, Gaspard Gresly oder Boilly zurück. In Nef des Fous (Narrenschiff), 1974, verwendet er ein Detail, und zwar eine Flasche, aus einem Gemälde von Hieronymus Bosch und macht daraus ein Trompe-l’œil.
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Die Verwendung dieser Technik soll auch die “Handschrift des Künstlers” verschwinden lassen: “Das Trompe-l’œil ahmt auch die Oberflächeneffekte mit fanatischer Genauigkeit nach, und zwar ohne eine Spur der Geste des Malers … Die Arbeit mit dem Pinsel ist unter der nachahmenden Oberfläche des Bildes völlig versteckt 5.” Das Trompe-l’œil täuscht zwar das Auge rein formal und technisch, aber das gilt keineswegs für die Emotionen, die so stark sind, dass man sie auf Distanz halten muss. Die Technik erweist sich als ein Trompe-l’œil innerhalb des Trompe-l’œil, als ein Bilderrätsel. Claude Yvel selbst sagt dazu, er habe “aus Provokation und Spott heraus” ein in Verruf geratenes und als handwerklich betrachtetes Genre eingesetzt, das sich allerdings “als eine vollständige und expressive Form der realistischen Sprache 6” erwiesen habe. Bei Miriam Milman, der Historikerin dieses Genres, heißt es: “Das Trompe-l’œil repräsentiert in gewisser Hinsicht den Triumph der Kunst über die Natur, wobei es seine eigene Fähigkeit hinterfragt, ein gültiges Kunstwerk zu bleiben, und nicht nur ein Dekor und noch weniger eine Farce. Es stellt das Problem der Grenzen der Kunst dar und letztlich dasjenige der Definition der Wirklichkeit der uns umgebenden Welt.” Und genau das sagt auch Claude Yvel, wenn er meint, er erzeuge keine Kopie der Realität, sondern eine Illusion, ein “Trompe-l’âme 7”, also keine Augentäuschung, sondern eine “Seelentäuschung”. “Da man auf einer zweidimensionalen Fläche drei Dimensionen darstellt, handelt es sich zwangsläufig um eine Interpretation. Paradoxerweise ist der Realismus die Spitze der Abstraktion. Wenn die Leute sagen ‘das ist die Wirklichkeit‘, dann handelt es sich im Grunde nur um einen Widerschein der Wirklichkeit 8.” Folglich steckt nur sehr wenig Wirklichkeit in den Gemälden von Claude Yvel, die im Atelier komponierte Bilder sind, die darauf abzielen, die Vergangenheit oder den Dekor der Vergangenheit zu 5 Alfred F R A N K E N S T E I N , Claude Yvel, Galerie Blondel, Paris 1980. 6 Id. 7 Nathalie M E I , Claude Yvel Trompe-l’œil, A C R , Paris 1984.
8 Id. 9 Jean-Louis G A I L L E M I N , Beaux-Arts Magazine, 1985.
rekonstruieren. Im Jahr 2006 hat er in einer kleinen Publikation in geringer Auflage mit dem Titel Jeanne et ses fils, Chronique vraie d’une famille die Geschichte seiner Familie erzählt. Der Kunstkritiker JeanLouis Gaillemin weist auf eben diese Geschichte hin (“die eiskalten Bilder von Claude Yvel, die lauter kleine Geschichten sind 9“), die in emotionalen Bruchstücken wiederkehrt wie diese Trompe-l’œil-Bilder, die gleichsam die Seiten eines Tagebuchs sind.
Montparnasse, « Jazz dans la rue ». C. Renoncia, C. Lemke, F.-X. Maigne et C. Yvel PHOTO A. FRANCK (1976)
Diese Bilder rufen die Welt seines Vaters René Forest wach, der Geiger war (Le violon, 1985) und dann Schlagzeuger beim Master Jack Orchestra, das vor dem Zweiten Weltkrieg in den großen Pariser Brasserien auftrat, und die seines Bruders André, mit dem Claude Banjo und Horn spielte (A Joe King Oliver, 1976-77; Papa Joe, 1980; Sidney and Freddie, 1981). Sie schildern auch die Zeit der deutschen Besatzung, der Flucht aus Paris und des Hungers (L’écolier, 1977; Si vous saviez…/The wireless, 1982). Sie erinnern an die härteste Realität, an die seines Vaters René und dessen Bruders Jean. Um nicht dem grassierenden Antisemitismus zum Opfer zu fallen, trugen sie den Namen ihrer Mutter, nämlich Forest, und nicht den ihres Vaters: Lévy. Ein Name, der sie trotz allem ins Unheil stürzte. Sein Vater wurde mit der Matrikelnummer 19341 am 15. Mai 1944 nach Drancy gebracht. Er wurde entweder in die Festung Nr. 9 in Kaunas in Litauen deportiert oder nach Tallin in Estland. Claude Yvel hat die Zeugenberichte der wenigen Überlebenden gesammelt: ”In der Festung Kaunas angekommen: Die SS holen sich Dutzende Menschen heraus, die man danach nie wieder sieht. Sie müssen in den Torfgruben von Projanowska arbeiten, sie werden misshandelt und dutzendweise am Rand der Gruben, die sie selbst gegraben haben, erschossen. Der andere Teil des Zuges, fünf Waggons, wird nach Tallin in Estland umgeleitet. Sie werden zuerst in ein altes Gefängnis der Festung geführt und nach drei Wochen in eine Kaserne geschafft, die als Konzentrationslager dient. Fast alle Deportierten des Konvois Nr. 73 sind auf die eine oder andere Art umgekommen. Manche wurden in der Umgebung des Gefängnisses ermordet, indem man sie mit Stöcken oder Eisenstangen erschlug wie Seehundbabys in der Hudson-Bucht. Die meisten jedoch wurden am Rande eines Schützengrabens, den sie selbst gegraben hatten und der ihnen auch als Massengrab dienen sollte, erschossen. Diese Opfer wurden gezwungen, die Leichen selber wie Sardinen in einer Büchse aufzureihen. Vor dem Eintreffen der russischen Truppen haben die Nazis versucht, die Spuren zu löschen, indem sie die Leichen verbrannten. Es gab dort keine Öfen.“ Renés Bruder Jean wurde am 7. Dezember 1943 nach Auschwitz deportiert. Er sollte nicht zurückkehren. Und da sind diese Bilder von Claude Yvel: Gott mit uns, 1966-1967; Holocauste; L’Abattoir. Oder auch Convoi no 87 Reichsbahn, 1944, auf dem man auf der Wand eines Waggons einen Stacheldrahtzaun sieht, ein Etikett mit der Aufschrift S N C F Drancy, das Foto von Marschall Pétain, Gleise, eine zerbrochene Geige, die
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an einem dünnen, abgewetzten Schnürsenkel hängt, eine metallene Tasse, das Foto seines Vaters mit einem Trauerflor, den gelben Stern, seinen Personalausweis und darauf mit rotem Stempel den Vermerk “Jude”. Claude Yvel wird diesen gelben Stern auf seinen Bildern malen: “Der Davidstern, breit wie die Hand aus einem schönen indischgelben Stoff mit dem selben, in pseudohebräischen Lettern geschriebenen Wort, schwarz gedruckt mit Hilfe eines Druckstock-Klischees, das dankenswerterweise von der Gießerei Deberny et Peignot angefertigt worden war”. Er schreibt: “Aus der Tatsache, dass es notwendig war, sie durch dieses gehässige Abzeichen zu kennzeichnen, geht schon deutlich genug hervor, das diese Dreckjuden jedem guten Arier täuschend ähnlich waren und die angebliche jüdische Rasse nur eine Paranoia von Rassisten ist, wie dies Goebbels und Adolf Hitler sind, der selber unfähig war den Nachweis zu erbringen, dass alle seine Ahnen arisch waren.” Dieser Wille, die Wirklichkeit zu malen, die der Abwesenheit, des Verschwindens und des Unaussprechlichen deckt sich mit einem Satz von Edmond Jabès, der das Schweigen nach der Shoah ablehnt und sagt: “Ja, man kann es, man muss es, man muss von diesem Bruch ausgehend schreiben”. Er schließt hier
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auf andere Weise an einen Künstler wie Peter Klasen an, der ebenfalls vom Krieg geprägt war und unaufhörlich die Waggons gezeigt hat, die zu den Lagern und den Folterkammern unterwegs waren, oder wie Jacques Monory und seine Images incurables (Unheilbare Bilder) und seine Catastrophes, wie Christian Boltanski und dessen Portraits von Opfern, wie Zoran Music und seine Zeichnungen von den Lagern … Claude Yvel schreibt noch andere Texte, etwa gegen die Folter (Handbook, 1975), gegen den Krieg (Help Vietnam/The Collection, 1973; Liban, 1987; Chine Dazi-Bao, 1991; Nine eleven, 2012). Er malt mehrere memento mori, eine Lokomotive (230G353, 1977), ein Motorrad (Ariel 500, 1971-1972; After the race, 1973) – sein Bruder André ist an den Folgen eines Motorradunfalls gestorben –, Fotos seiner Mutter und seiner Brüder (Album de famille, 1985) und seiner verstorbenen Lebensgefährtin (Pêle-Mêle/ Love Story, 1982). In seiner Monografie über ihn hatte André Thérive bereits 1958 geschrieben, er brilliere vor allem bei den Themen der Melancholie und der Verlassenheit. Seine Kunst ist “gnadenlos gegenüber seinen Sujets und gegenüber sich selbst. Er schwindelt nicht 10.” Desgleichen Jan-Jacques Lévêque:“Die Magie des gemalten Bildes besteht darin, das Exzessive der Dinge und der Gefühle zum Ausdruck zu bringen. Hier, in unserer alltäglichen Umgebung. Die Hölle ist rings um uns. Man musste sie zeigen 11.” Oder Kay Kritzwiser: “Der Zorn, das Entsetzen und die Tragödie sind die großen Meisterwerke von Yvel 12.” Aber Claude Yvel schwindelt auch nicht mit der Energie des Lebens und malt deshalb Porträts (Chantal/stéréo radio, 1985; Céline, 1989), weibliche Akte, seine Kinder, Seestücke (Chalutier en cale sèche, Trawler im Trockendock, 2006), Selbstporträts wie das von 1966, das sich in die lange Nachfolge des Bildes von Corot einreiht, welches von van Gogh, Cézanne, Picasso und so vielen anderen wieder aufgegriffen worden war. Vom Trompe-l’œil übernimmt Claude Yvel noch eine andere Regel: die der im Bild verstecken Signatur des Künstlers. Sie tritt anstelle des Logos “Shell” auf (Garage, 1965 oder Ariel 500, 1971-1972), als Marke 10 André T H É R I V E , Claude Yvel, collection Objectivement, Flammarion, Paris 1958. 11 Jean-Jacques L É V Ê Q U E , Les Nouvelles littéraires, Nr. 2769, 1981. 12 Kay K R I T Z W I S E R , The Globe and Mail, Toronto, März 1970.
von Schuhen (Escarpins, 1971) oder auf dem Umschlag eines Kriminalromans als Name des vermeintlichen Autors (L’art vivant emballé, Une enquête sur la réalité) … Doch diese Frage des Namens ist auch ein anderes Schloss, zu dem man den Schlüssel finden könnte. Als Claude Yvel noch in der Cité verte studierte, hatten er und sein Freund Charles Perron in einer
Le peintre et son modèle dans l’atelier du passage Fermat PHOTO A. FRANCK (1978)
Mülltonne eine “leicht beschädigte asiatische Gipsstatue”, die sie “krepierter Buddha” getauft hatten,
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gefunden. Um sich zu amüsieren, hatten sie damals eine fiktive Sekte gegründet, “in der jedes Mitglied seinen Namen geändert hatte, indem es die Abfolge der Buchstaben umgekehrt hatte”. Aus Lévy wurde Yvel. Eine weitere optische Täuschung von demjenigen, der auch geschrieben hat: “Die mächtigsten Botschaften sind die verborgensten”. Yvel, dieser Künstlername, ist das Anagramm von Lévy. Das Anagramm, das von Ferdinand de Saussure und von Jean Starobinski 13 untersucht wurde, ist eine Figur mit einem verborgenen, esoterischen Sinn, eine auf Kombinatorik gegründete Lektüre (hokmat ha-zeruf), an die auch Edmond Jabès appelliert: “Suche meinen Namen in den Anthologien. Du wirst ihn finden und nicht finden. Suche meinen Namen in den Wörterbüchern. Du wirst ihn finden und nicht finden. Suche meinen Namen in den Enzyklopädien. Du wirst ihn finden und nicht finden 14.”
13 Jean St A R O B I N S K I , Les Mots sous les mots.
Anm. d. A.: Die Zitate, die nicht kursiv gesetzt sind, stammen aus Jeanne et ses fils, Chronique vraie d’une famille (Jeanne und ihre Söhne, die wahre Chronik einer Familie), und aus einem Gespräch, das Pascale Le Thorel im Juli 2013 mit Claude Yvel geführt hat.
Les anagrammes de Ferdinand de Saussure, Gallimard, Paris 1971. 14 Edmond J A B È S , Le Seuil Le Sable, Poésie/ Gallimard, Paris 1990.
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La Caisse 1963 107 × 71 cm
Claude Yvel – L’essence de la réalité
M AT T H I A S F R E H N E R
« Ne pas jouer dans la rue avec les autres, mais dessiner seul chez soi. » CLAUDE YVEL 1
LA CAISSE D’YVEL
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Quand quelqu’un sait faire une chose que nul autre ne sait faire, il est seul. La concurrence avec d’autres est impossible. L’unique devient alors objet de curiosité et cette particularité fait de lui un marginal. Ce cas de figure s’applique à maints égards au peintre Claude Yvel. Il n’est pas le seul à peindre des tableaux donnant l’illusion d’être devant l’objet représenté. Mais il surpasse quant à lui tous les peintres de trompe-l’œil de notre époque. Sa peinture provoque chez le spectateur le réflexe de tendre la main vers les objets dans l’espoir de les saisir avant qu’ils ne tombent, comme les lunettes qui se trouvent sur la tablette devant l’œuvre la plus célèbre d’Yvel, Murder Inc. (1979). Lui seul aurait pu participer à la joute des deux peintres grecs Zeuxis et Parrhasios, visant à déterminer qui était le meilleur. Parrhasios fut le vainqueur, car le rideau qu’il avait peint devant son tableau était si « réel » que Zeuxis, son concurrent, avait voulu le soulever, alors que les raisins que lui-même avait peints n’avaient trompé que des oiseaux. 2 Il existe à propos d’Yvel une anecdote analogue. Le galeriste canadien Jack Pollock rencontra dans les années 1970 des problèmes financiers, et la saisie de tous ses biens fut opérée. Parmi les objets qu’on laissa sur place se trouvait La Caisse d’Yvel (1963). Le tableau était posé sur une étagère, de telle façon que l’huissier, le prenant pour une vraie caisse, ne l’avait pas emporté. Comme Zeuxis, l’huissier avait pris l’objet peint pour l’objet réel. Les deux tableaux avaient donc annihilé le pouvoir qu’a l’homme, en faisant usage de sa raison, de démasquer l’illusion d’une surface peinte. 3 Cette faculté est pratiquement unique dans la peinture contemporaine. Elle n’a d’égal que dans le domaine de la sculpture. John De Andrea, en montrant une femme nue grandeur nature allongée sur un matelas posé par terre, parvient à tromper notre perception, car on se croit en présence d’un être humain vivant plutôt que devant une œuvre d’art. 4
1 Claude Yvel, L’éveil à l’art…, tapuscrit, s.d., archives de la galerie Kunstkeller à Berne. 2 Pline l’Ancien, Histoire naturelle de Pline, français-latin, trad. M. É. Littré, Paris, 1877, livre XXXV , XXXVI , 5, tome II , p. 473. 3 Voir Contanze Peres, « Nachahmung der Natur. Herkunft und Implikation eines Topos », dans
La distance entre ces deux artistes et les autres sculpteurs et peintres contemporains est aussi grande
Hans Körner, Constanze Peres et al. (éd.),
qu’entre Harry Houdini et tous les prestidigitateurs de sa génération et de toutes les générations
Wirklichkeitsaneignung, Hildesheim,
suivantes.
spécifiquement p. 4.
Die Trauben des Zeuxis. Formen künstlerischer Zurich et New York 1990, p. 1-39, et plus 4 Voir John de Andrea, Amber reclining (Amber allongée), 2006, bronze peint. On trouvera
PAS DE PHOTORÉALISME
une reproduction dans Christiane Lange et Nils Ohlsen, Realismus. Das Abenteuer der
Le trompe-l’œil et le photoréalisme reposent tous deux sur la mimesis, c’est-à-dire l’imitation la plus
Wirklichkeit, cat. exp., Kunsthalle, Emden,
parfaite de la nature. Depuis son invention, la photographie passe pour être le reflet objectif de la réalité.
2010, p. 281.
et Kunsthalle der Hypo-Kulturstiftung, Munich,
La peinture d’Yvel n’est cependant pas une variante du photoréalisme ou de l’hyperréalisme. Pour s’en convaincre il suffit de comparer sa stratégie d’appropriation de la réalité avec la définition qu’en donne Jean-Christophe Amman dans le catalogue de la Dokumenta 1972 : « 1. Le tableau est exécuté d’après une photographie ou une diapositive. / 2. Le plus souvent, les artistes font eux-mêmes la photographie. / 3. La composition, au sens traditionnel du terme, se trouve remplacée par projection de la photographie sur le support du tableau. / 4. La facture personnelle de l’artiste disparaît totalement… / 5. L’objet du tableau est représenté précisément d’après le modèle. / 6. Les sujets sont en principe empruntés au quotidien de l’artiste et à son environnement. / 7. Le support photographique n’est pas une aide mais le point de départ délibéré de l’image d’une image. 5 » Seul un de ces points s’applique à l’œuvre d’Yvel, à savoir l’absence totale de facture personnelle, car son objectif n’est pas la reproduction d’une photographie, « l’image de l’image que fait la petite machine », mais « l’image de la réalité comme fait la petite machine 6 ». Ce qui signifie qu’il n’entend pas copier en l’agrandissant un parfait reflet de la réalité mais copier directement à partir de la réalité sans image intermédiaire. Jamais il ne se passe de modèles. Il n’y
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a ni fleurs ni fruits dans ses tableaux : ils faneraient ou pourriraient, selon lui, en moins de temps qu’il ne lui en faudrait pour les peindre. On trouve rarement des nus ou des portraits dans son œuvre, car il est difficile de trouver quelqu’un qui soit prêt à garder et reprendre la même pose pendant des mois. Quant aux paysages, il les peint toujours « sur le motif » comme Paul Cézanne. Dans son atelier, il compose ses natures mortes complexes de manière à pouvoir travailler plusieurs mois à l’élaboration de ses tableaux, à l’instar des grands peintres du XVII e siècle. L’exécution de ses tableaux, le plus souvent de format réduit, peut lui prendre quelques mois à raison de dix à douze heures de travail par jour. L’effet unique apparaît clairement dès qu’on les confronte à des photoréalistes, par exemple aux presse-papiers en verre de Charles Bell. 7 La transposition d’une photographie prise au travers d’une lentille semble plus « plate » que les objets d’Yvel. Car il peint l’objet tel que notre vision binoculaire nous permet de le voir dans l’espace. Étant donné qu’il intègre délibérément sa connaissance de nos mécanismes de vision dans son analyse – nous voyons très précisément deux images, une par œil, mais notre cerveau les fond automatiquement en une seule –, il réussit ainsi à augmenter comme par magie le volume des objets. Comparées à ses trompel’œil, les natures mortes photoréalistes des hyperréalistes américains ne sont rien de plus qu’une reproduction plate de la réalité. 5 Cité d’après Uwe Schneede, « Amerikanischer Fotorealismus (1972) / American Photorealism », dans Closer than Fiction. Amerikanische Bildwelten um 1970 / American Visual Worlds around 1970, cat. exp., Ludwig Forum für internationale Kunst, Aix-la-Chapelle, 2001, p. 23-247, plus spécifiquement p. 234. 6 Claude Yvel, « Objectivité : Trompe-l’œil », Paris, 1976, dans Claude Yvel, cat. exp., galerie Alain Blondel, Paris, 1980, p. 8-9, plus spécifiquement p. 8. 7 Voir Charles Bell, Kandy Kane Rainbow, 1994, huile sur toile. On trouvera une reproduction dans Louis K. Meisel, Photorealism at the Millennium, New York, 2002, p. 55. 8 Claude Yvel, entretien avec Matthias Frehner le 29 novembre 2013 à Paris.
PEINDRE COMME JAN VERMEER
Dans sa prime jeunesse, Yvel suivit d’abord des cours du soir de dessin, puis il fréquenta l’Académie Frochot, entre autres, visita le musée du Louvre, y admira Georges de La Tour et surtout Vermeer et commença à se former à la peinture en autodidacte. « Enfin la révélation, un chef-d’œuvre qui vous oriente pour toujours. L’Atelier de Vermeer de Delft, vu à l’Orangerie des Tuileries, retrouvé en Allemagne nazie, fut mon chemin de Damas. Même après cinquante années d’activité de peintre, cette œuvre reste le guide essentiel. 8 » Yvel se rendit rapidement compte qu’il était impossible de parvenir en peinture à la finesse et au raffinement des œuvres de Vermeer en utilisant les matériaux disponibles dans le commerce. Avec le flair, la patience, la ténacité d’un criminologiste, Yvel s’est approprié à force de recherches les techniques picturales employées du
XVe
au
X V I I I e siècle,
et depuis lors tombées dans l’oubli : « Ma peinture est
Démolition des ateliers d’artiste rue Vercingétorix, Paris PHOTO A. FRANCK (1978)
rigoureusement la technique des anciens Maîtres, j’encolle et enduis à l’huile mes toiles en rouge puis
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en gris. J’utilise un nombre limité de pigments traditionnels. Je broie mes couleurs avec l’huile de noix, fabrique l’huile noire puis le vernis-gel pour les glacis et le vernis final au mastic. 9 » À 18 ans, il exposa pour la première fois au Salon national indépendant. LE
«
MARGINAL
»
Rétrospectivement, on peut dire qu’à ses débuts le style de peinture d’Yvel était diamétralement opposé aux évolutions artistiques de l’après-guerre. En réaction contre le réalisme des années 1930, l’abstraction s’imposait. Jean Fautrier, Wols, Nicolas de Staël ou Georges Mathieu figuraient au nombre des protagonistes de la nouvelle École de Paris. La spontanéité du geste, une subjectivité débridée, une facture gestuelle, une rapidité d’exécution de l’œuvre peinte et le choix de grands formats caractérisaient cette nouvelle peinture dite informelle. Quiconque se joignait à ce courant d’« avant-garde », porté par l’air du temps, avait rapidement droit à une certaine reconnaissance. Le réalisme, en revanche, passait pour être rétrograde. Balthus et Alberto Giacometti, dont le réalisme d’après-guerre découlait du Surréalisme, furent presque les seuls à réussir à s’imposer comme des artistes novateurs. Yvel avançait quant à lui à contre-courant, d’autant qu’à son réalisme s’ajoutait sa facture empruntée aux Maîtres anciens. Un jeune artiste qui, autour des années 1950, prenait pour modèle Georges de La Tour et Vermeer était une exception que la critique d’alors ne prenait pas en considération. Aussi personne ou pratiquement personne ne se donnait-il la peine d’employer les techniques picturales extrêmement complexes du
X V I I e siècle
et
personne, absolument personne de la génération d’Yvel ne peignit en 1966 un autoportrait en buste. Yvel est barbu devant son chevalet ; il porte une blouse blanche et une écharpe rouge autour du cou ; il tient devant lui sa palette. C’est un gros plan. Une lumière rasante intense éclaire le visage du peintre, de sorte que, comme souvent chez Rembrandt, sa tête est à moitié dans l’ombre. La finesse de la peinture, le traitement précis de la matière et de la lumière doivent beaucoup à Vermeer, qu’Yvel n’imite pas servilement, mais dont il tire parti pour produire avec naturel et légèreté diverses variations. Cet autoportrait est une démonstration : c’est une profession de foi en la peinture. Yvel apporte en l’occurrence la preuve qu’il est techniquement l’égal du plus subtil peintre de la lumière de l’Âge d’or. Mais qui cela intéressait-il
9 Claude Yvel, D E S S I N & P E I N T U R E . À l’attention de Melle H I G E L I N , tapuscrit, s.d., Archives de la galerie Kunstkeller à Berne.
à l’époque du minimalisme et du happening, une époque qui avait déclaré en se détournant de l’image que le tableau de chevalet était définitivement mort ? LE MUSÉE DE LA PEINTURE À L’HUILE
L’atelier parisien d’Yvel, dans lequel règne un ordre extrêmement logique et précis, est aujourd’hui en même temps un « musée de la peinture à l’huile de l’époque moderne ». Il a immortalisé des vues de son atelier dans de nombreux tableaux, par exemple Coin d’atelier (1983) ou Imprimeur de toile (1989). Sur divers supports se trouvent réunis des bocaux contenant des pigments et des huiles ainsi que, bien alignés, des mortiers, des plaques de verre et de marbre servant à broyer les pigments et à détremper les couleurs. De grandes et de petites palettes en bois, toutes d’une impeccable propreté, sont accrochées au mur ; on y trouve aussi des poils de blaireau liés ensemble et destinés à la fabrication de pinceaux extrêmement fins. La plupart de ces objets sont semblables à ceux utilisés par les peintres des XVIIe
34
X V I e,
et X V I I I e siècles.
Il les fabrique lui-même et les utilise quotidiennement comme tous les matériaux et les produits utiles à sa pratique. Ce fut également lui qui retrouva la recette de la fameuse goutte de vernis-gel posée sur la palette de saint Luc dans le tableau de Maarten van Heemskerk 10. Ce sont de tels indices qu’il aura repérés, mais aussi de rares traités et manuscrits qu’il a consultés, qui lui ont permis de lever le voile sur ces procédés. À partir de ces recherches, il a rédigé un manuel, et on a fait appel à lui en France et à l’étranger pour résoudre d’épineux problèmes de restauration. En 2013, le musée d’Art et d’Histoire de Genève l’appela pour le retable de Konrad Witz. L’utilisation exhaustive que fait Yvel des « techniques historiques » peut être comparée à une pratique analogue en musique : il est le Nikolaus Harnoncourt de la peinture à l’huile. Ses publications techniques sur la peinture sont devenues des ouvrages de référence, utilisés notamment dans l’enseignement en Chine. LIGNES D’ÉVOLUTION ET THÈMES
Il suffit de considérer l’œuvre d’Yvel, soit aujourd’hui soixante années de travail, pour se rendre compte que l’étiquette de « peintre du trompe-l’œil » est bien trop réductrice. Même si dans ce genre il s’est mesuré avec William Michael Harnett, John Frederick Peto et John Haberle, des peintres américains classiques du
XIX e siècle.
Or Yvel a exploré avant cela bien d’autres facettes du réalisme. En dehors de
Vermeer, ce sont encore les tableaux d’une clarté cristalline des peintres classiques David et Ingres, mais aussi ceux de la Nouvelle Objectivité, qui retiennent son attention. Il se mesure à eux, surtout au travers de ses rares peintures de nus telles que Sur la plage (1978), une œuvre pour laquelle le modèle a dû poser plusieurs séances d’affilée allongé sur le sable ocre. Yvel, qui a consacré toute sa vie exclusivement à la peinture, a produit assez peu d’œuvres importantes, de l’ordre de quatre cents. Pour l’exécution de chacune d’elles, ce n’est pas la phase de peinture qui prend le plus de temps mais sa conception par le biais d’installations rigoureusement composées, comportant des esquisses dessinées ou faites en détrempe avant qu’il n’aborde le report à grandeur sur la toile et la peinture proprement dite. Par leurs thèmes, elles 10 Claude Yvel, Peindre à l’huile comme les maîtres. La technique du X V I e au X V I I e siècle, Paris, 1991, p. 36.
sont représentatives des genres chers à la théorie classique de l’art : histoire, portrait, paysage et nature morte. À ses débuts il fut réaliste, représentant des sujets contemporains à la manière des Maîtres
Jos Albert Le Poirier 1970 huile sur toile 35 × 27 cm PHOTO CLAUDE YVEL
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anciens. II s’intéressa à l’œuvre du Hollandais Raoul Hynckes, du Belge Jos Albert, du Suisse François Barraud, de l’Allemand Christian Schad et de l’Américain Charles Sheeler 11, tous des réalistes de l’avantguerre très rarement exposés. C’est pour le choix des sujets, vers1950, qu’il peint des paysages et des scènes d’intérieur rappelant le style réaliste cinématographique. 12 À la fin des années 1960, les démolitions autour de Montparnasse fournissent des sujets pour une série de tableaux. Puis, grâce à Jürg Kreienbühl, son ami suisse, lequel a aménagé une baraque dans un bidonville en banlieue, pendant près de deux années, sur place, il peindra avec lui une autre série de toiles, et ce jusqu’à la destruction définitive du lieu. Le premier trompe-l’œil qu’il peint en 1961, ce sont les Affiches lacérées, fait par ironie à l’égard de ses amis Hains et Villeglé. Ils furent exposés ensemble, et cela révéla l’attrait soudain du public pour ce genre. Henri Cadiou, quant à lui, avait peint la Toile lacérée, pastichant un Fontana. La règle du genre exige une facture peu perceptible sinon l’illusion ne fonctionne pas. 13 NARRATION ET SUGGESTIVITÉ
Le rendu des matières et des phénomènes lumineux est une technique de l’art du peintre qu’Yvel maîtrise avec une telle aisance qu’on pourrait le dire, par référence à Niccolo Paganini, « peintre du diable ». Amener l’illusion à son plus haut niveau demande un travail rigoureux, mais il n’existe pas d’astuces spé-
11 Yvel, op. cit. note 6, p. 8
cifiques au trompe-l’œil ; seul l’agencement d’un éclairage franc et direct sur le modèle afin de disposer
12 Claude Yvel, « Peindre trompe-l’œil »,
d’ombres naturelles fortes suffit, le peintre n’ayant plus qu’à reproduire sur sa toile l’effet scrupuleuse-
dans Claude Yvel. Trompe-l’œil, 1984,
ment observé sur le modèle. Pour ce faire la technique retrouvée des Maîtres est parfaite. Les « astuces »
entretien avec Nathalie Mei (1978), p. 8-13, plus spécifiquement p. 10. 13 Ibid., p. 10.
sont des règles : elles consistent à éviter la trop grande profondeur du sujet, à en respecter la taille réelle et à avoir une limite du fond plausible, sur lequel les objets font saillie, le tout observé à hauteur d’œil et à bonne distance pour limiter les déformations de perspectives. Ce genre, inspiré de la Nouvelle Objectivité, tel qu’il est pratiqué et perçu par un cercle d’initiés 14, joue cependant un rôle aussi mineur dans l’histoire de notre époque que les figures de cire de Madame Tusseaud dans celle de la sculpture. Yvel est admiré par un cercle isolé de connaisseurs, qui assimilent l’art à un savoir-faire. Dans ce domaine il se distingue cependant fondamentalement de ses collègues, et ce non seulement parce qu’aucun ne s’approche autant que lui de la manière des Maîtres anciens, mais aussi et surtout parce que son savoir-faire n’est toujours pour lui qu’un moyen d’atteindre l’objectif visé. Sa peinture n’est jamais une fin en soi fièrement mise en scène mais un langage dont il se sert pour prendre position par rapport à notre époque et à ses injustices, par rapport à sa propre existence et à ces expériences douloureuses mais parfois aussi heureuses et amusantes. Car, pour lui, « la peinture est devenue un geste politique ou de provocation, un acte d’amour ou d’agression, sur lequel le consommateur d’art projette ses propres phantasmes, ses obsessions, ses
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angoisses 15 ». Toutes ses compositions sont de fins rébus, dans lesquels il condense l’histoire en images particulières pour aboutir à un énoncé existentiel. Dans la peinture d’Yvel, les objets sont toujours porteurs de sens, sans former pour autant un système de signes codifiés : ils sont des témoins qui apportent leur propre histoire et qui, associés à d’autres protagonistes, révèlent de complexes scénarios. Contrairement à presque tous les metteurs en scène de natures mortes, il brise ainsi, dans la peinture de chevalet, la sacro-sainte unité de lieu, de temps et d’action. Dans ses compositions il mêle même avec acharnement différents niveaux de réalité, différentes strates temporelles au travers de photographies jaunies datant du début du siècle, d’affiches politiques de l’après-guerre, de tableaux de Vermeer, de photographies de magazines masculins ou de magazines de mode mais aussi de statues scintillantes sur des téléviseurs. Si Yvel suggère dans ses œuvres des scénarios complexes, dans lesquels se mêlent de manière kaléidoscopique différents niveaux de réalité, il évoque aussi et, en cela, il est certainement le seul de son époque, des sensations olfactives et acoustiques. Dans son célèbre tableau 2 30-G353 (1977), qui représente des roues de locomotive à vapeur, l’odeur âcre de l’huile de graissage chauffant sur les bielles monte littéralement au nez du spectateur, de même qu’on entend des rythmes de jazz quand on voit, par exemple, le cornet et la photographie de Papa Joe dans la nature morte éponyme (1980). LES PREMIERS INTÉRIEURS
À ses débuts, Claude Yvel avait une prédilection pour les lieux sombres et lugubres rappelant des scènes nocturnes des films en noir et blanc d’Ingmar Bergman ou Jean Cocteau. Dans la peinture contemporaine, on ne trouve guère de précédents si se n’est d’autres grands « marginaux » comme Francis Grubert ou Cagnaccio di San Pietro. « Que peint-il ? » demanda Maximilien Gautier de façon rhétorique dans son bref texte d’introduction à la première exposition personnelle d’Yvel à la galerie de l’Institut à Paris, question à laquelle il apporta immédiatement une réponse : « Ce qu’il connaît. Les paysages suburbains où il a passé son 14 Voir, par exemple, Martin Monestier, Le trompe-l’œil contemporain. Les maîtres du réalisme, Paris, 1993. 15 Yvel, op. cit. note 6, p. 9.
enfance. Les personnages qu’il a rencontrés et qui lui ont donné à réfléchir. Les chambres où il a passé seul ou moins seul. Les masures, les ateliers ; les outils ; la joie de vivre en dépit de l’abandon ; de la misère. C’est très émouvant, et pieusement accompli, sans le moindre soupçon de maniérisme, ni de concession
à la mode esthétique régnante. 16 » Ce critique d’art explicitait ainsi ce que le peintre avait exprimé de façon lapidaire : « Ne pas jouer dans la rue avec les autres, mais dessiner seul chez soi » 17, c’est-à-dire n’avoir que
Visite d’Alain Blondel à Noisy-le-Sec, la 230 G 353 PHOTO A. FRANCK (1977)
soi-même comme recours. C’est même de manière obsessionnelle qu’Yvel fuit les influences extérieures. Qui s’exclut est seul et s’enferme dans son propre univers. Le prix du plus pur accomplissement de soi est la mélancolie qui, telle une vitre, sépare l’univers d’Yvel de celui des autres. Un grenier (1952), Le Tambour de ville (1955), L’Abattoir (1955) et La Menuiserie (19551) représentent des lieux hermétiquement clos. Ils ont pour point commun une atmosphère inquiétante. Au tas d’objets détériorés dans le grenier font pendant le cercueil dans l’atelier de menuiserie déserté et le porc pendu dans l’abattoir vide du village. Dans ces quatre intérieurs règne une obscurité lugubre bien que des rais de lumière s’infiltrent par les petites fenêtres partiellement obstruées par des objets. Le traitement de la lumière est celui de Caravage, qu’Yvel avait intensément étudié via Georges de La Tour. AURA ET MAGIE
Des atmosphères magiques s’installent. Des objets sans vie donnent l’impression d’être vivants, comme dans les cauchemars. Des textiles rouge sang et le sang dégoulinant du porc évoquent une menace ; la peau tendue du tambour usé, la tension pesant sur tout, et qui pourrait d’un seul coup céder. Dans Jeudi et Intimité, deux tableaux avec figures de 1954, le rouge Caravage fait apparaître des éléments annexes – un pull-over, un livre, un élastique dans des cheveux – comme des tournants magiques de l’action, mais rien ne nous permet d’en savoir davantage. L’artiste ayant zoomé sur la jeune femme en train de lire, on a l’impression de la voir à la loupe. On voit les pores de sa peau, son visage, le visage détérioré de la poupée, le chocolat qui a séché sur le bord de la tasse… La proximité n’est accessible pour Yvel que par l’objectivation : « Il faut peindre le plus froidement possible. 18 » Proximité et distance s’installent dans Intimité non seulement entre le jeune couple et le spectateur, mais aussi entre les deux protagonistes. Le jeu des mains est extrêmement raffiné et rappelle La Femme au perroquet de Gustave Courbet, ainsi que les nus d’adolescentes de Balthus sans qu’il s’agisse à proprement parler d’une citation. Ce qui se déroule entre l’homme et la femme demeure inexprimé. Chacun d’eux ne porte d’attention qu’à lui-même bien qu’ils soient tous deux pris dans un même filet invisible. Décontraction et indifférence présumées, pense-t-on
16 Maximilien Gauthier, Yvel, dépliant, galerie de l’Institut, Paris, 1954. 17 Yvel, s.d., loc. cit. note 1. 18 Claude Yvel, « Peindre trompe-l’œil », entretien avec Nathalie Mei (1978), dans op. cit. note 12, p. 8-13, plus spécifiquement p. 11.
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Étagères dans l’atelier avec des bocaux de résines et de pigments anciens
à première vue, et pourtant plane une tension nerveuse aussi insaisissable que le jeu de lumière fébrile
P H O T O M AT T H I A S F R E H N E R (2014)
tes pour le choix du sujet, mais beaucoup d’éléments font songer à des scènes clés de films d’Alfred
sur le mur sale de cette vieille chambre d’hôtel. Il est impossible d’établir des sources d’inspiration direcHitchcock, à des scènes de couples pris dans des atmosphères tendues chez Tamara de Lempicka et Cagnaccio di San Pietro ou encore à la solitude urbaine déprimante dans les intérieurs vides de Francis Gruber. Ces œuvres sont toutes habitées par une tension palpable sous des apparences observées de manière clinique. Cette tension confère aux pièces, aux objets et aux êtres humains un caractère magique et une aura. Sous les apparences objectives, distanciées et froides coulent des torrents de lave, se terrent la nervosité et la désorientation de l’après-guerre, qu’Yvel a représentées très précisément sous l’angle sous lequel il les a vécues. DIALOGUE AVEC L’AVANT-GARDE
La peinture d’Yvel semblait aux yeux de ses contemporains le contraire d’une peinture d’avant-garde. Ses œuvres de jeunesse, d’une lugubre mélancolie, montrent cependant clairement qu’on peut très bien, en tant que réaliste, saisir l’atmosphère de son époque et la commenter. Son positionnement, par la suite, par rapport au Nouveau Réalisme, illustre le fait qu’une peinture figurative traditionnelle peut aussi traiter des questions de perception et s’inspirer de ready-made comme ceux de Marcel Duchamp, de Jean Tinguely, de Raymond Hains, de Mimmo Rotella en France et de Robert Rauschenberg aux États-Unis. Ces derniers convertirent la gestuelle subjective de l’Expressionnisme abstrait et de l’Art informel en présentation d’articles de consommation détériorés, rebuts du monde marchand de l’après-guerre. Ces objets trouvés*, dressés isolément sur un socle, étaient pour eux magiques, qu’ils aient été accumulés en grand nombre, réunis dans des machines absurdes ou enveloppés comme chez Christo. Si les Nouveaux Réalistes substituèrent au tableau peint l’objet réel, qu’ils déclaraient être de l’art, Yvel alla plus loin * En français dans le texte. 19 Andy Warhol, Brillo Box (Soap Pads), 1964, sérigraphie sur bois. Reproduction dans Andy Wahrol. Retrospektive, cat. exp., Museum Ludwig, Cologne, 1989 (Édition originale : The Museum of Modern Art, New York, 1989), cat. 185, p. 195.
dans les Affiches lacérées (1961). Présentée en même temps qu’une exposition de Nouveaux Réalistes, elle fut prise pour relever de leur mouvement. En se raillant par son trompe-l’œil des décolleurs d’affiches déchirées, Yvel anticipa sur le principe de la Brillo Box d’Andy Warhol. 19
Dans l’atelier du passage Fermat PHOTO VIRGINIE BEAUPEUX
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VOIR VRAIMENT LA RÉALITÉ
Les Nouveaux Réalistes se montraient, selon eux, critiques. Ils critiquaient essentiellement l’art établi. Ils bannirent de leur programme artistique le tableau comme décor et forme de représentation des idéaux bourgeois. Ils introduisirent à sa place la réalité des objets et des stratégies de la société de consommation. Comparée à l’activisme actuel pour la protection de l’environnement et la défense des droits de l’homme, leur attitude n’était cependant guère critique. Protester signifiait pour eux remettre en question de manière amusante, ironique et satirique. C’est le plus souvent en vain qu’on cherchera chez les Nouveaux Réalistes et les artistes du Pop Art la dénonciation de dysfonctionnements sociaux. Pour Yvel vaut ce que Cézanne a dit de Claude Monet : « Il n’est rien de plus qu’un œil. » En tant qu’artiste, il utilise l’œil comme instrument d’analyse tant des effets optiques que des contenus. Et c’est de ce préalable que découle son réalisme critique à la Courbet. Il ne considère pas avoir accompli sa mission quand quelqu’un, devant une de ses natures mortes, tente de chasser de la main la mouche ayant apparemment eu l’impudence de se poser sur un des objets représentés. Ses vues urbaines et ses natures mortes des années 1960 et 1970 se transforment, quand on ne se contente pas de les consommer passivement, en tant que trompe-l’œil, en véritables manifestes d’un réalisme critique, qui nous oblige à prendre conscience, dans des tableaux d’une grande limpidité, de la brutalité des changements intervenus et des violations des droits de l’homme.
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Molettes à broyer et pots de couleur dans l’atelier P H O T O M AT T H I A S F R E H N E R (2014)
LES GRANDES DÉMOLITIONS
L’atelier parisien d’Yvel est situé rue Froidevaux face au cimetière Montparnasse. Il y travaille depuis cinquante ans. Une fois franchie la grille sur la rue, on s’engage dans un passage qui comptait autrefois de nombreux ateliers d’artistes et d’artisans. Aujourd’hui, il est le dernier artiste encore présent, tous les autres ateliers ayant été transformés en habitations. Dans le XIV e arrondissement, il n’existe quasiment plus de vieux bâtis de ce genre. Dans les années 1960 et 1970 s’est opérée la transformation urbaine du Montparnasse historique, comparable par sa radicalité à celle que connaît Pékin depuis l’an 2000. Des quartiers entiers ont été rasés et sont restés en friche jusqu’à ce que sortent de terre les nouveaux grands immeubles. Yvel a immortalisé ce processus de transformation radical dans des tableaux, sans cependant chercher à le justifier mais en déplorant la disparition quasi-totale des ateliers d’artistes comme celui de Paul Gauguin et ceux du douanier Rousseau. Il n’a pas montré la destruction, mais les lieux désertés par la population. Ses tableaux, totalement factuels et objectifs, sont semblables aux pièces anatomiques utilisées en sciences pour illustrer certaines maladies. Cité blanche (1963) et Bas d’escalier (1966) font revivre de vieux passages et maisons, qu’il a peints sur le motif quotidiennement, et ce pendant des semaines. Il a procédé comme un portraitiste. Le moindre détail était important pour renforcer l’impression d’être en présence de quelque chose d’unique et pour donner à cette perte un visage. Ces vues d’un Paris englouti sont crédibles précisément parce qu’elles sont dénuées de toute transfiguration et moralisation. Elles ont pour paroxysme Terrain vague/Sheraton Hotel (1974). On y voit une barrière de planches. Au loin, le regard se pose sur la ligne de toits des nouvelles constructions, devant lesquelles une rangée de maisons attend d’être démolie. Une photographie du même endroit ne parviendrait jamais à faire revivre autant de détails que le tableau d’Yvel, car tout est représenté avec une grande profondeur de champ et parce que la lumière s’est accumulée sur et dans les objets au cours de plusieurs semaines d’observation. Cette réalité est chargée de magie. Le temps est suspendu comme durant les cent années de sommeil de la Belle au Bois dormant. Ainsi se présentait le monde le lendemain de la catastrophe, sans âme qui vive. Seul un ami d’Yvel, le peintre suisse Jürg Kreienbühl, a peint à la même époque des vues de Paris et de sa proche
20 Sur l’amitié entre Yvel et Kreienbühl, voir Heiny Widmer, Jürg Kreihenbühl, Bâle, 1982, p. 56.
périphérie semblables et non moins impressionnantes. La présence de sans-abri, dans ces dernières, les fait cependant paraître plus focalisées sur l’instant. 20
CONSTRUCTION ET TÉMOIGNAGE
Se prononcer sur son temps est l’objectif d’Yvel dans chacun de ses tableaux. Sa stratégie, consistant
Jurg Krienbüh et Claude Yvel à la baraque du bidonville PHOTO A. FRANCK (1976)
à réunir, entre autres, des objets et des photographies publicitaires, des photographies de magazines masculins ou tous types de photographies de manière à créer un décor chargé, est celle d’un art de l’appropriation. En ce sens, ses tableaux sont des collages peints. Par leur contenu, ils cherchent à poser les questions fondamentales de l’existence humaine. Yvel a en l’occurrence transposé la vanité de l’époque baroque dans une forme d’expression totalement nouvelle. Sa manière de procéder est dans certains cas strictement identique à celle de Jeff Wall. Yvel compose ses sujets dans son atelier, Wall dans son studio. Wall les photographie sous différents angles et crée à partir de ces clichés une photographie essentielle, tandis qu’Yvel confère à ses objets, en les peignant, une présence magique intemporelle. Tous deux se sont intéressés au thème de la mort et de la tombe, Wall dans son œuvre photographique monumentale intitulée The Flooded Grave (1998-2000) 21, Yvel dans Le Fossoyeur (1990). Il s’était procuré au cimetière Montparnasse des ossements humains et avait, dans son atelier, composé un décor avec une tombe ouverte, les outils et la sacoche du fossoyeur, et les ossements déterrés par celui-ci. Wall avait créé dans son studio un décor en fibre de verre analogue pour la tombe inondée. Le caisson lumineux de Wall confère à la photographie The Flooded Grave une intensité lumineuse magique, comparable à celle de la peinture d’Yvel. UN ART ACTUEL
Considérées sous l’angle des pratiques photographiques actuelles de Jeff Wall, maintes natures mortes d’Yvel apparaissent elles aussi comme de complexes modélisations d’événements historiques clés. Défense d’interdire (1968), peinture d’histoire moderne, est sans doute l’œuvre où cette construction de symboles atteint son paroxysme. Il s’agit de ce qui reste après les combats de rue en Mai 1968 : un drapeau rouge, un livre calciné provenant de la Sorbonne, un tas de pavés arrachés, une grille d’arbre et un couvercle de poubelle sur lequel le peintre a signé son tableau. La peinture d’histoire d’Yvel, ce reliquat de barricades, fait infailliblement penser à La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix ; elle s’intitule Défense d’interdire car l’interdiction d’afficher apparaissant dans ce tableau avait été ainsi détournée par
21 Voir Peter Galassi, Jeff Wall, cat. exp., The Museum of Modern Art, New York, 2007, p. 125.
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Exposition à la Pollock Gallery de Markam Street (1971) PHOTO ROBINSON. THORNHILL.
un manifestant de l’époque comme ce fut le cas pour La Chienlit c’est lui (1978) : l’affichette d’un quolibet O N T.
renvoyé à De Gaulle, collée sur un panneau d’interdiction de stationner. Yvel a représenté dans un grand nombre de ses œuvres des expériences personnelles liées à l’histoire, son tableau le plus marquant étant en l’occurrence la nature morte ou memento mori évoquant la déportation des juifs par les nazis en 1943. Dans Convoi n o 73 (1954), sur le fond de planches d’un wagon à bestiaux affecté au transport d’humains déportés, pend le violon fracassé de son père, sa photographie et celle de Philippe Pétain, le responsable des déportations, l’étoile jaune imposée aux juifs et une vue de la rampe du camp d’Auschwitz. Dans une autre œuvre il mélange aux instruments de torture les objets personnels d’un jeune G I au Vietnam (1975) et pour l’attentat du 11 Septembre Nine Eleven (2001) une télévision qui diffuse en boucle les deux tours du World Trade Center en feu, se détachant sur le fond d’une forte colonne de fumée s’élevant sur un ciel bleu radieux. Yvel est un artiste qui a paradoxalement réussi à être en prise directe avec notre temps alors qu’il utilise en peinture des techniques et des stratégies qu’on pensait depuis longtemps mortes. À présent, il semble qu’il est temps que cette peinture soit prise au sérieux.
Claude Yvel – Die Essenz der Wirklichkeit
M AT T H I A S F R E H N E R
„Ne pas jouer dans la rue avec les autres, mais dessiner seul chez soi.“ CLAUDE YVEL 1
YVELS KISTE:
Wenn jemand etwas kann, was sonst niemand kann, ist er oder sie alleine. Ein Wett-
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bewerb unter all denen, die die gleiche Fähigkeit besitzen, ist unmöglich. Das Einmalige wird zum Kuriosum. Wer die betreffende Eigenschaft besitzt, ist ein Außenseiter. Auf den Trompe-l’œil-Maler Claude Yvel trifft diese Aussage in mancher Hinsicht zu. Er ist nicht der einzige, der Bilder malt, die andere nicht als Malerei erkennen, sondern für den wiedergegebenen Gegenstand selbst halten. Aber nur er lässt alle anderen Trompe-l’œil-Maler unserer Zeit weit hinter sich. Deren Inszenierungen sind rasch durchschaut. Zum reflexartigen Griff nach der Sonnenbrille, die man im freien Fall auffangen will, kommt es nur bei ihm. Diese findet sich auf einer unsicht baren Wandborte vor Yvels berühmtestem und genialsten Trompe-l’œil Murder Inc. von 1979. Und nur er könnte beim Wettstreit der beiden griechischen Künstler Zeuxis und Parrhasios, wer den höchsten Rang in der Malerei innehabe, als Dritter mithalten. Als Sieger dieser Paragone ging nach Plinius dem Älteren bekanntlich Parrhasios hervor. Zeuxis Trauben waren zwar so wirklichkeitsgetreu, dass Tauben darin Nahrung zu sehen glaubten und auf die gemalten Beeren flogen. Doch Parrhasios hatte einen „leinenen Vorhang“ so „natur getreu“ gemalt, dass Zeuxis den Vorhang „vor“ dem vermeintlichen Bild seines Konkurrenten wegschieben wollte. Der Ausgang war eindeutig: Parrhasios hatte gewonnen, weil seine Malerei nicht nur Tiere, sondern einen Menschen, und zwar einen besonders kompetenten, getäuscht hatte 2. Von Yvel ist eine analoge Episode zu berichten. Sein kanadischer Kunsthändler Jack Pollock war in den 1970er Jahren vorübergehend in eine Finanzkrise geraten, wobei es zur Pfändung seiner Galerie in Toronto kam. Die Beamten beschlagnahmten sämtliche Kunstwerke und alles Mobiliar. Unter den Wertlosigkeiten, die sie zurückließen, befand sich Yvels Bild La Caisse von 1963, das so in einem Regal stand, dass es vom Beamten als leere Kiste taxiert und stehen gelassen wurde. Es ist ein Merkmal von Yvels technischer Meisterschaft als Trompe-l’œil-Maler, dass sich bei gewissen seiner Bilder die scheinbare Identität zwischen Kunstwerk und wirklicher Vorlage einstellt. Denn wie Zeuxis hatte der Beamte den gemalten Gegenstand mit einem realen Objekt verwechselt. Beide Bilder hatten demnach „das nur dem Menschen gegebene Vermögen der vernunftgemäßen Entlarvung der Illusion außer Kraft gesetzt 3“. Diese Fähigkeit Yvels ist in der Malerei unserer Zeit praktisch einzigartig. Nur auf dem
1 Claude Yvel, L’éveil à l’art…, Typoskript, o. J., Archiv Galerie Kunstkeller Bern. 2 Gaius Plinius Secundus d. Ä., Naturalis Historiae, lat. u. dt., hg. u. übers. v. V. R. König, München 1978, Buch 35, X X X V I , S . 65 ff. 3 Constanze Peres, „Nachahmung der Natur. Herkunft und Implikation eines Topos“, in: Die Trauben des Zeuxis. Formen künstlerischer
Gebiet der Plastik gibt es ihm Ebenbürtiges: Wie Yvels maßstabgetreue Bild einer Kiste vermag John
Wirklichkeitsaneignung, hg. v. Hans Körner,
De Andreas Plastik einer lebensgroß am Boden auf einer Matratze schlafenden nackten jungen Frau
und New York 1990, S. 1-39, hier S . 4.
Constanze Peres u. a., Hildesheim, Zürich
unsere Wahrnehmung so zu täuschen, dass man nicht Kunst vor sich zu haben glaubt, sondern einen atmenden Menschen 4. Für beide gilt, dass sie alle anderen Wirklichkeitstäuscher in der Malerei und Plastik unserer Zeit so weit hinter sich lassen wie Harry Houdini alle Zauberkünstler neben und nach ihm. KEIN
FOTOREALIST:
Trompe-l’œil und Fotorealismus liegen beide auf der Achse der Mimesis, der
möglichst vollkommenen Nachahmung der Natur. Die Fotografie gilt seit ihrer Erfindung als objektives Spiegelbild der Wirklichkeit. Die Trompe-l’oeil-Malerei, wie sie Yvel betreibt, ist indes keine Spielart des Foto- oder Hyperrealismus. Dies wird klar, wenn man seine Strategie der Wirklichkeitsaneignung mit dem Vorgehen des Fotorealismus vergleicht, wie es Jean-Christophe Ammann im Katalog der documenta 5 (1972) definierte. „1. Die Vorlage für das Bild ist ein Foto oder ein Dia. / 2. Zumeist fertigen die Künstler das Foto selbst an. (…) / 3. Durch die Projektion des Fotos auf die Bildunterlage wird die traditionelle Komposition ersetzt. / 4. Das handschriftliche Merkmal tritt völlig zurück. (…) / 5. Der Bildgegenstand wird entsprechend der Vorlage präzis wiedergeben. / 6. Die Motive entstammen prinzipiell dem Alltag des
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Künstlers und seiner Umgebung. / 7. Die fotografische Unterlage ist nicht ein Hilfsmittel, sondern die bewusste Ausgangssituation für das Bild eines Bildes 5“. Nur ein einziger Punkt aus dem Rezeptblock des Fotorealismus trifft auf Yvel zu, nämlich der des vollkommenen Fehlens jeder Handschrift. Denn sein Ziel ist nicht die Reproduktion einer Fotografie respektive „l’image de l’image que fait la petite machine“, sondern „la réalité comme fait la petite machine 6“. Das heisst, er versteht sich nicht als ein Künstler, der ein Abbild vergrößert kopiert, sondern als ein Maler, der sich ohne Zwischenbild direkt auf die Wirklichkeit einlässt. Nie kommt er ohne Modelle aus. Blumen und Früchte gibt es auf seinen Bildern nicht, weil sie schneller verdürben, als er sie malen könnte, Akte und Porträts nur äußerst selten, da kaum jemand monatelang die gleiche Haltung einnehmen will. Und Landschaften malt er wie Paul Cézanne stets sur le motif. Seine komplexen Stillleben arrangiert er im Atelier, um sie einem Feinmaler des 17. Jahrhunderts gleich in monatelanger Arbeit zum Bild werden zu lassen. Die Realisierung eines seiner meist kleinformatigen Bilder kann ihn ohne weiteres sechs und mehr Monate Arbeit kosten, wobei er zehn bis zwölf Stunden am Tag tätig ist. Die einzigartige Bildwirkung von Yvels Verfahren wird bei einer Gegenüberstellung mit fotorealistischen Gemälden, beispielsweise von Charles Bell, der gläserne Briefbeschwerer malt, rasch deutlich 7. Die Übersetzung einer Fotografie, die durch eine Linse aufgenommen worden ist, wirkt „flacher“ als 4 Vgl. John De Andrea, Amber reclining (Amber liegend), 2006, bemalte Bronze, Abb. in: Christiane Lange, Nils Ohlsen, Realismus. Das Abendeuter der Wirklichkeit, Ausst.-Kat., Kunsthalle Emden und Kunsthalle der Hypo-Kulturstiftung, München 2010, S . 281. 5 Zit. nach: Uwe M. Schneede, „Amerikanischer Fotorealismus (1972) /American Photorealism“, in: Closer than Fiction. Amerikanische Bildwelten um 1970 / American Visual Worlds around 1970, Ausst.-Kat. Ludwig Forum für internationale
Yvels Gegenstände. Denn Yvel malt den Gegenstand so, wie wir ihn unserem binokularen Sehen entsprechend räumlich wahrnehmen. Indem er das Wissen um unsere Sehmechanismen bewusst in seine Gegenstands analyse einbezieht – genau genommen sehen wir zwei Bilder, mit jedem Auge eines, das unser Hirn automatisch zu einem verarbeitet – gelingt es ihm, in seinen Bildern eine magisch gesteigerte Räumlichkeit zu erreichen. Verglichen mit seinen Trompe-l’œil sind die fotorealistischen Stillleben der amerikanischen Hyperrealisten nichts mehr als ein flacher Abklatsch der Wirklichkeit.
Kunst, Aachen 2011, S. 23-247, hier S . 234. 6 Claude Yvel, „Objectivité : Trompe-l’œil“, in: Claude Yvel, Ausst.-Kat., Galerie Alain Blondel, Paris 1976, S. 8-9, hier S . 8. 7 Vgl. Charles Bell, Kandy Kane Rainbow, 1994, Öl auf Leinwand, Abb. in: Louis K. Meisel, Photorealism at the Millennium, New York 2002, S . 55.
MALEN WIE JAN VERMEER:
Yvel erhielt in seiner Jugend Zeichnungsunterricht und ließ sich, unter
anderem an der Académie Frochot, zum Grafiker ausbilden. Im Jahr 1944 wurde er im Pavillon de Marsan (im Palais du Louvre) zum glühenden Verehrer der Malerei von Georges de La Tour. Etwas später hinterließ Vermeer einen so starken Eindruck, dass er sich autodidaktisch zum Maler auszubilden begann. „Enfin la
Sur le motif, en Morvan, Le Chapon PHOTO CLAUDE YVEL (1955)
révélation d’un chef-d’œuvre qui vous oriente pour toujours. L’Atelier de Vermeer de Delft, vu à l’Orangerie
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des Tuileries, retrouvé en Allemagne nazi, fut mon chemin de Damas. Même après cinquante années d’activité de peintre, cette œuvre reste le guide essentiel 8“. Rasch realisierte Yvel, der sich nun häufig im Musée du Louvre und im Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris aufhielt, dass ein Gemälde von der Feinheit und dem Raffinement Vermeers mit den im Handel angebotenen Tubenfarben und Pinseln nicht zu erreichen war. Mit dem Spürgeist, der Geduld, Hartnäckigkeit und Kombinatorik eines Kriminologen, der anhand verschiedenster Quellen und Hinweise Beweise aufbaut, eignete sich Yvel in jahrelangen Recherchen die verlorenen Techniken der illusionistischen Malerei vom 15. bis ins 18. Jahrhundert an: „Ma technique est rigoureusement la technique des anciens Maîtres, j’encolle et enduit à l’huile mes toiles en rouge puis en gris. J’utilise un nombre limité de pigments traditionnels. Je broie mes couleurs avec l’huile de noix, fabrique l’huile noire puis un vernis-gel pour les glacis et le vernis final au mastic (…) 9“. Schon als Achtzehnjähriger waren seine Fähigkeiten als Maler so groß, dass er seinen Lebensunterhalt als Restaurator verdienen konnte, und bereits ein Jahr später stellte er erstmals im Salon des Indépendants aus. DER AUSSENSEITER:
Aus heutiger Sicht kann man sich nicht genug über Yvels Position als junger Maler
wundern, denn er stand mit seiner Haltung den künstlerischen Entwicklungen der Nachkriegsjahre diametral entgegen. In Opposition zum Realismus der 1930er Jahre war damals die Abstraktion vorherrschend. Jean Fautrier, Wols, Nicolas de Staël oder Georges Mathieu waren Protagonisten des Aufbruchs der neuen Ecole de Paris. Spontane Gesten, wilde Subjektivität, gestische Handschrift, Schnelligkeit des Malaktes und große Formate sind Gemeinsamkeiten der neuen Malerei des Informel. Wer sich dieser Strömung anschloss, gehörte zur Avantgarde und erlangte, vom Zeitgeist getragen, rasch Anerkennung. Der Realismus galt dagegen als rückständig und eklektizistisch. Fast einzig Balthus und Alberto Giacometti, die ihren Nachkriegsrealismus aus dem Surrealismus abgeleitet hatten, setzten sich als innovative Künstler durch. Yvel dagegen war in jeder Hinsicht ein Gegen-den-Strom-Schwimmer, kam doch zu sei-
8 Claude Yvel, Gespräch mit Matthias Frehner,
nem Realismus noch die altmeisterliche Malweise hinzu. Ein junger Künstler, der sich um 1950 de La Tour
9 Claude Yvel, D E S S I N & P E I N T U R E . A l’attention
und Vermeer zu Vorbildern nahm, war ein belächelter Ausnahmefall wie Henri Rousseau um 1900.
Paris, 29. November 2013. de Melle HIGELIN , Typoskript, o. J., Archiv Galerie Kunstkeller Bern.
Niemand, absolut niemand der damals in der Kunstszene Fuß fasste, nahm den Riesenaufwand auf sich, dies in den denkbar aufwendigsten Maltechniken des 17. Jahrhunderts zu tun. Und keiner, absolut keiner seiner Generationsgenossen malte ein Autoportrait wie Yvel 1966: Das Brustporträt zeigt ihn mit Vollbart vor der Staffelei. Er trägt einen weißen Kittel und eine umgeschlagene rote Schärpe. Vor sich hält er die Palette. Es handelt sich um eine extreme Nahaufnahme. Intensives Streiflicht trifft das Gesicht des Malers, so dass wie oft bei Rembrandt mehr als die Hälfte des Kopfes im Schatten liegt. Die Feinheit der Malerei, die Charakterisierung der Stoffe und des Lichtes sind Vermeer geschuldet, den Yvel nicht sklavisch imitiert, sondern in lockerer Selbstverständlichkeit variiert. Dieses Autoportrait ist ein Lehrstück: Es ist ein Bekenntnis zur Malerei. Der Maler Yvel erbringt damit den Beweis technischer Ebenbürtigkeit dem subtilsten Lichtmaler des Goldenen Zeitalters gegenüber. Nur, wen interessierte das in der Zeit der Minimal Art und des Happenings, die mit dem Ausstieg aus dem Bild das Tafelbild gerade für definitiv tot erklärt hatte? DAS MUSEUM DER ÖLMALEREI:
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Sein Pariser Atelier, in dem eine Ordnung von höchster Logik und
Exaktheit herrscht, ist heute zugleich ein Museum der neuzeitlichen Ölmalerei. In vielen Bildern hat er Ansichten seines Ateliers festgehalten, so in den Stillleben Coin d’atelier von 1983 oder Imprimeur de toile von 1989. In Gestellen stehen da Glasbehälter mit Pigmenten und Ölen sowie reihenweise Mörser, Glas- und Marmorläufer zum Zerstoßen der Pigmente respektive zum Anreiben der Farben. Große und kleine hölzerne Paletten, alle peinlich sauber, hängen an der Wand, und man findet auch gebündelte Wildschweinborsten zur Herstellung feinster Pinsel. Die meisten dieser Gegenstände stammen aus Malerwerkstätten des 16. bis 18. Jahrhunderts und werden von Yvel tagtäglich gebraucht. Nicht nur Farben, Pinsel und Öle stellt er selber her, sondern auch lasierende Vernis-Gels, auf die er auf der Palette des malenden Lucas auf einem Gemälde Marten van Heemskercks aufmerksam geworden ist 10. Solche Hinweise auf Bildern führten zur Wieder entdeckung der betreffenden Herstellverfahren in Traktaten und Handschriften, nach denen er in Bibliotheken und Archiven forschte. Inzwischen ist Yvel wohl der profundeste Kenner der historischen Ölmalerei überhaupt. Er hat ein Lehrbuch über Ölmalerei verfasst und wird international, wie im Spätherbst 2013 vom Musée d’art et d’histoire in Genf im Falle eines Gemäldes von Konrad Witz, für schwierigste Restaurierungsprobleme beigezogen. Seine Wiederentdeckung und Anwendung historischer Malverfahren, zu der auch die Herstellung der Leinwände und ihre Grundierung zählen, kann mit der historischen Aufführungspraxis in der Musik verglichen werden. Yvel ist der Nikolaus Harnoncourt der Ölmalerei. Malen wie Vermeer, das heißt für Yvel auch Beherrschung der historischen Perspektive-Verfahren und Analyse der Bildmotive mittels der Camera obscura und der Dürerscheibe. Seine Publikationen über die historische Ölmalerei gelten inzwischen als Standardwerke, nach denen in China unterrichtet wird. ENTWICKLUNGSLINIEN
UND
THEMEN:
Überblickt man das inzwischen 60 Schaffensjahre um -
fassende Oeuvre Yvels, wird klar, dass die Bezeichnung Trompe-l’œil-Maler in jeder Hinsicht zu kurz greift. Yvel hat in seinem Werk neben dem Trompe-l’œil, in welchem er sich auf den Wettstreit mit den ameri10 Claude Yvel, Peindre à l’huile comme les maîtres. La technique du X V I e au X V I I e siècle, Paris 1991, S . 36.
kanischen Klassikern des 19. Jahrhunderts, mit William Michael Harnett, John Frederick Peto und John Haberle einlässt, weil ihn diejenigen seiner Zeit nicht interessieren, viele weitere Facetten des Realismus
Dans la rue Malakoff (1974) PHOTO CLAUDE YVEL
ausgeleuchtet. Neben Vermeer ist sein Fokus immer auch auf die kristallklaren Klassizisten Jacques-Louis
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David und Jean-Auguste-Dominique Ingres sowie die Maler der Neuen Sachlichkeit gerichtet. Mit diesen konkurriert er vor allem in seinen raren Aktgemälden wie dem Sur la plage von 1978, für das das Modell auf ockrigem Sand im Atelier wochenlang posieren musste. Yvel, der sein ganzes Leben ausschließlich der Malerei gewidmet hat, verfügt über ein zahlenmäßig nicht sehr großes Gesamtwerk von rund 400 Gemälden, die jedoch alle unter außerordentlich hohem Zeitaufwand entstanden sind. Thematisch figurieren in diesem Oeuvre die Gattungen der klassischen Kunsttheorie: Historie, Porträt, Landschaft, Stillleben. In seinen frühen Jahren war er ein Realist, der in altmeisterlicher Manier zeitgenössische Sujets gestaltete. Seine frühen Motivvorbilder sind die Realisten der Vorkriegszeit. Wichtig waren ihm damals der Holländer Raoul Hynckes, der Belgier Jos Albert, der Schweizer François Barraud, der Deutsche Christian Schad und der Amerikaner Charles Sheeler 11. Mit Landschaften und Interieur-Szenen, die an Film-Stile erinnern, startete er um 1950. Ab den späten 1960er Jahren wurde er zusammen mit seinem Schweizer Freund Jürg Kreienbühl zum Maler, der die Verwahrlosung und den Abbruch der alten Pariser Stadtquartiere am Montparnasse dokumentiert. Yvels Malerei ist zu diesem Zeitpunkt noch nicht so, dass diese als solche in Erscheinung tritt. Vielmehr bewegt sie sich im Kontext der genannten Vorbilder. Allein seine Passion für die Altmeistertechniken ließ ihn seine Feinmalerei immer mehr perfektionieren. Einerseits aus dieser Triebfeder, andererseits aber auch aus der spezifischen Inszenierung von Gegenständen auf Tischchen und Wandborten im Atelier entwickelte sich Yvels Realismus zur Sonderform des Trompe-l’œil, das er nicht nur als Stilllebenmaler praktizierte, sondern auch auf Milieuschilderungen in Innenräumen und im Freien übertrug. Das Fehlen jeder Handschrift ist für Yvels Trompe-l’œil-Malerei das stilistische Hauptmerkmal: „On ne découvre donc pas la ‚manière‘ de l’artiste 12“. Diese Stufe seiner Entwicklung erreichte Yvel in den frühen 1970er Jahren. Seither hat er sich, was das technische Know-how anbelangt, nicht weiterentwickelt, war sein Können doch nicht weiter zu perfektionieren. Wie ein Fotograf ist er sich bewusst, dass das Fehlen von Handschrift kein Nachteil sein muss, denn: „Par contre, on découvre une mise en scène, un schéma de composition, propres à l’artiste et suivis d’une œuvre à l’autre 13.“
11 Yvel, wie Anm. 6, S . 8. 12 Claude Yvel, “Peintre trompe-l’œil”, Gespräch mit Nathalie Mei, 1978, in Claude Yvel. Trompe-l’œil, 1984, S. 8-13. 13 Id., S. 13.
Sur le motif, en Morvan (1966) PHOTO CLAUDE YVEL
NARRATION UND SUGGESTIVITÄT:
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Die Erfassung von Stofflichkeiten und Lichtphänomenen ist ein
Handwerk, das Yvel so virtuos beherrscht, dass man ihn in Bezug auf Niccolò Paganini als Teufelsmaler bezeichnen könnte. Um die Wirklichkeitsvortäuschung, die ihn ungemein herausfordert, auf die Spitze treiben zu können, greift Yvel die spezifischen Tricks der Trompe-l’œil-Malerei auf wie gemalte Nischen, schmale Wandborte oder Nägel, an denen Dinge hängen. Das Trompe-l’œil nach der Neuen Sachlichkeit, wie es als spezifische Gattung von einer Insiderszene praktiziert und rezipiert wird 14, spielt in der Geschichte der Malerei unserer Zeit jedoch ebenso wenig eine Rolle wie die Wachsfiguren der Madame Tussauds in derjenigen der Plastik. Es wird als bloßes Virtuosentum nicht ernst genommen. Yvel wird zwar im isolierten Kreis der Trompe-l’œil-Connaisseurs, die Kunst mit technischem Können gleichsetzen, verehrt. Er unterscheidet sich hingegen grundsätzlich von seinen diesbezüglichen Kolleginnen und Kollegen. Nicht nur, weil wohl keiner so altmeisterlich malt wie er, sondern mehr noch, weil er sein malerisches Können immer als Mittel zum Zweck einsetzt. Seine Malerei ist nie nur stolz inszenierter Selbstzweck, sondern eine Sprache, in der er Stellung bezieht, zu seiner Zeit und ihren Ungerechtigkeiten, zu seiner eigenen Existenz und ihren schmerzlichen und bisweilen auch heiter-witzigen Erfahrungen. Denn für ihn gelte, sagte Yvel: „La peinture est devenue un geste politique ou de provocation, un acte d’amour ou d’agression, sur lequel le consommateur d’art projette ses propres phantasmes, ses obsessions, ses angoisses 15“. Alle seine Kompositionen sind raffinierte Bilderrätsel, die indi viduelle Bildergeschichten zu existentiellen Aussagen verdichten. Immer setzt Yvel Gegenstände als Bedeutungsträger ein, jedoch nicht im Sinne eines codierten Zeichensystems, sondern gleichsam als individuelle Zeugen, die ihre eigene Geschichte mit ins Bild bringen und im Zusammenhang mit anderen Bildprotagonisten komplexe Handlungs stränge ausbreiten. Im Unterschied zu fast allen Stillleben-Inszenierern bricht er dabei die für das Tafelbild sakrosankte Einheit von Ort, Zeit und Handlung auf. Denn in seine Arrangements baut er geradezu versessen andere Realitäts- und Zeitebenen ein: Diese bestehen aus vergilbten Fotos aus dem frühen 20. Jahrhundert, aus politischen Plakaten der Nachkriegszeit, aus Vermeer-Gemälden, Aufnahmen aus Männer- und Modemagazinen sowie auch aus Standbildern, die auf TV-Geräten flimmern. Yvels 14 Vgl. etwa Martin Monestier, Le trompe-l’œil contemporain. Les maîtres du réalisme, Paris 1993. 15 Yvel, wie Anm. 6, S . 9.
Suggestivität evoziert indes nicht nur komplexe Erzählabläufe, in denen sich unterschiedliche Wirklichkeits ebenen kaleidoskopisch mischen, sondern, und darin ist er wohl einzigartig in seiner Zeit,
sogar olfaktorische und akustische Empfindungen. Auf seinem berühmten Bild der Dampflokomotivenräder 230-G-353 von 1977 steigt einem der beißende Geruch des verbrannten Schmieröls auf den Treib-
Bidonville de Carrières-sur-Seine PHOTO A. FRANCK (1976)
stangen buchstäblich in die Nase, ebenso wie man die Jazzrhythmen hört, wenn man auf den Stillleben das Kornett und das Foto von Papa Joe von 1980 sieht. DIE FRÜHEN INTERIEURS:
Als junger Künstler hatte Yvel eine Vorliebe für dunkle, düstere Orte, die
an nächtliche Szenen aus Schwarzweiß-Filmen von Ingmar Bergman oder Jean Cocteau erinnern. In der zeitge nössischen Malerei lassen sich kaum Anknüpfungspunkte ausmachen, es sei denn man suche bei anderen extremen Außenseitern wie Francis Gruber oder Cagnaccio di San Pietro. Was er male, fragte Maximilien Gauthier in seinem kurzen Einführungstext zu Yvels erster Einzelausstellung in der Pariser Galerie de l’Institut rhetorisch, um die Antwort gleich folgen zu lassen: „Ce qu’il connaît. Les paysages suburbains où il a passé son enfance. Les personnages qu’il y a rencontrés et qui lui ont donné à réfléchir. Les chambres où il est passé, seul ou moins seul. Les masures, les ateliers; les outils; la joie de vivre en dépit de l’abandon; de la misère. C’est très émouvant, et précieusement accompli, sans le moindre soupçon de maniérisme, ni de concession à la mode esthétique régnante 16“. Der Kunstkritiker verdeutlichte damit, was Yvel selbst lapidar in Worte gefasst hatte: „Ne pas jouer dans la rue avec les autres, mais dessiner seul chez soi 17“. Das heißt, vollkommen auf sich selbst gestellt zu sein. Geradezu obsessiv mied er Fremdeinflüsse. Wer sich ausschließt, ist alleine, kapselt sich in seine eigene Welt ein. Der Preis der ungetrübten Selbstverwirklichung ist Melancholie, die wie eine Glasscheibe Yvels Welt von der der anderen trennt. Dans un grenier und Le Tambour de ville, beide 1952, sowie L’Abattoir von 1955 und Le Menuisier von 1955 sind solch hermetisch abgeschlossene Orte. Das Gemeinsame ist das Un heimliche. Dem Sammelsurium zerschlissener Gegenstände auf dem Estrich entsprechen der Sarg in der ver lassenen Schreinerwerkstatt und das aufgehängte Schwein im leeren Dorfschlacht haus. Alle vier Innenräume sind düster-dunkel, obgleich durch kleine, mit Objekten verstellte Fenster Tageslichtstrahlen dringen. Die Lichtregie ist die von Caravaggio, mit dem sich Yvel via Georges de La Tour gerade intensiv beschäftigt hatte.
16 Maximilien Gauthier, Yvel, Faltblatt, Galerie de l’Institut, Paris 1954. 17 Yvel o. J., wie Anm. 1.
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AURA
UND
MAGIE:
Magische Stimmungen bauen sich auf, tote Gegenstände wirken alptraumartig
lebendig, blutrote Textilien bis hin zum realen Blut, das aus dem Schweinekörper sickert, evozieren Bedrohung, die gespannte Fläche der zerschlissenen Trommel, die über allem lastende Spannung, die sich mit einem Schlag lösen könnte. Das Caravaggio-Rot erklärt auch auf den beiden 1954 entstandenen Figurenbildern Jeudi und Intimité Nebenschauplätze – einen Pullover, ein Buch, ein Haarband – zu ma gischen Drehpunkten der Handlung, ohne dass sich das aufschlüsseln ließe. Durch das Heranzoomen der Lesenden sieht man die junge Frau gleichsam unter dem Vergrößerungsglas. Die Poren ihrer Haut, das zerschlissene Gesicht der Puppe, die eingetrocknete Schokolade auf dem Rand der Tasse … Die Nähe ist für Yvel nur durch die Objektivierung erreichbar: „Il faut peindre le plus froidement possible 18“. Nähe und Distanz baut sich in Intimité nicht nur zwischen dem jungen Paar und dem Betrachter auf, sondern auch zwischen den Protagonisten selbst. Das Spiel der Hände ist äußerst raffiniert und erinnert, ohne zu zitieren, an Gustave Courbets Femme au perocet und Balthus-Akte adoleszenter Frauen. Was zwischen Mann und Frau im Gange ist, bleibt unausgesprochen. Beide sind je mit sich selbst beschäftigt und doch im selben unsichtba-
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ren Netz gefangen. Vermeintliche Gelassenheit und Teilnahmslosigkeit, denkt man auf den ersten Blick, und doch flackert nervöse Spannung zwischen den beiden, so unfassbar wie das fiebrige Lichtspiel auf der schmutzigen Zimmerwand des abgelebten Hotelzimmers. Direkte Abhängigkeiten in Bezug auf die Motiv wahl lassen sich wohl nicht eruieren. Doch vieles klingt an: Schlüsselszenen aus Filmen von Alfred Hitchcock, aufgeladene Paarbegegnungen von Tamara de Lempicka und Cagnaccio di San Pietro respektive in den leeren Interieurs die urbane Endzeitödnis von Francis Gruber. Eines ist allen gemeinsam: die Spannung unter der klinisch-distanziert beobachteten Oberfläche. Diese Spannung verleiht den Räumen, den Gegenständen und Menschen Magie und Aura. Unter den objektiven, distanzierten, kalten Oberflächen fließen Lavaströme, flackert die Unruhe und Orientierungslosigkeit der Nachkriegsjahre, die Yvel aus genau der Perspektive wiedergab, in der er sie erlebte. 1960:
DIALOG MIT DER AVANTGARDE:
Yvels Malerei war für seine Zeitgenossen das Gegenteil von
Avantgarde. Dass man als Realist jedoch sehr die Stimmung seiner Zeit ebenso erfassen und kommentieren kann, macht sein melancholisch-düsteres Frühwerk eindringlich klar. Dass darüber hinaus gegenständlich-traditionelle Malerei auch Fragen der Wahrnehmung thematisieren kann, verdeutlicht seine nachfolgende Auseinandersetzung mit dem Nouveau Réalisme. Jean Tinguely, Raymond Hains, Mimmo Rotella in Frankreich und Robert Rauschenberg in den U S A setzten im Rückgriff auf Marcel Duchamps Readymade die Realität verschlissener und ausrangierter Konsumartikel der Nachkriegswarenwelt anstelle der subjektiven Gestik des Abstrakten Expressionismus und des Informel. Das objet trouvé war ihr Zauberding, ob isoliert auf einen Sockel gestellt, in Massen akkumuliert, zur Nonsens-Maschinerie zusammengebaut 18 Claude Yvel, „Peindre trompe-l’œil“, Interview mit Nathalie Mei (1978), in: Claude Yvel. Trompe-l’œil, 1984, S. 8-13, hier S . 11. 19 Andy Warhol, Brillo Box (Soap Pads), 1964, Siebdruck auf Holz, Abb. in.: Andy Warhol. Retrospektive, Ausst.-Kat., Museum Ludwig, Köln 1989 (engl. Original-Ausgabe: The Museum of Modern Art, New York 1989), Kat.-Nr. 185, S . 195.
oder eingepackt wie bei Christo. Ersetzten die Nouveaux Réalistes das gemalte Bild durch den realen Gegenstand, den sie zur Kunst deklarierten, so ging Yvel noch einen Schritt weiter, indem er das reale objet trouvé mittels seiner Malerei als Illusion und Fake persiflierte. Affiches lacérées von 1961 ist ein Lehrstück. Hinge es in einer Rotella-Ausstellung, wäre es ein Rotella. Indem Yvel die Décollage als Trompe-l’œil auf die Schippe nahm, antizipierte er Andy Warhols Prinzip der Brillo Box 19.
En Chine, LuXun Academy of Fine Arts (1991) PHOTO HU JIANCHENG
REALITÄT
WIRKLICH
SEHEN:
Die Nouveaux Réalistes verstanden sich als Kritiker. Hauptsächlich
kritisierten sie die anerkannte Kunst ihrer Zeit. Das Gemälde als Schmuck und Ideal bürgerlicher Wertvorstellungen wurde aus ihrem Kunstprogramm ausgeschlossen und an seine Stelle die Tatsächlichkeit der Objekte und Strategien der damaligen Konsumgesellschaft gestellt. Im Sinne heutiger Umwelt- und Menschenrechts aktivisten war ihre Haltung jedoch kaum kritisch. Protest hieß für sie witzige Infragestellung, Ironie, Satire. Anklage sozialer Missstände sucht man bei den Nouveaux Réalistes und den Künstlern der Pop art jedoch meist vergeblich. Für Yvel gilt, was Cézanne über Claude Monet gesagt hat: er sei nicht mehr als ein Auge. Als Künstler ist ihm das Auge ein Instrument der optischen und der inhaltlichen Analyse. Aus dieser Voraussetzung leitet sich sein im Sinne Courbets kritischer Realismus ab. Seine Mission ist noch lange nicht erfüllt, wenn jemand versucht hat, die lästige Fliege, die sich anscheinend frech auf einem Gegenstand in einem seiner Stillleben niedergelassen hat, mit der Hand zu verscheuchen. Seine Stadtlandschaften und Stillleben der 1960er und 1970er Jahre werden, wenn man sie nicht bloß als Trompe-l’œil konsumiert, zu Manifesten eines zeitkritischen Realismus, der uns zwingt, brutale Veränderungsprozesse und Menschenrechtsverletzungen in glasklaren Bildern wahrzunehmen. DER GROSSE ABBRUCH:
Yvels Pariser Atelier in der Rue Froidevaux, wo er seit mehr als 50 Jahren
arbeitet, liegt beim Friedhof Montparnasse. Von der Straße gelangt man in eine Passage, an der einst viele Ateliers und Handwerker-Werkstätten lagen. Heute ist Yvel der letzte Künstler, alle anderen Ateliers wurden zu Wohnungen umfunktioniert. Im ganzen 14. Arrondissement gibt es kaum noch solch alte Strukturen. Denn in den 1960er und 1970er Jahren wurde am Montparnasse so radikal Urbanistik betrieben wie seit dem Jahr 2000 in Peking. Ganze Quartiere wurden niedergerissen und in Ödland verwandelt, bevor die Neubauten hochgezogen wurden. Yvel hat diese radikalen Umwandlungsprozesse in Bildern ohne Anklage und Nostalgie festgehalten. Er zeigt nicht die aktive Zerstörung, sondern menschenleere Orte. Seine absolut sachlichen und objektiven Bilder gleichen wissenschaftlichen Präparaten, die bestimmte Krankheiten dokumentieren. Cité Blanche von 1963 und Bas d’escalier von 1966 vergegenwärtigen alte Häuser und Passagen, die Yvel in wochenlanger täglicher Arbeit sur le motif festgehalten hat. Wie ein Porträtist ging er vor. Jedes kleinste Detail war wichtig, um den Eindruck des Einmaligen zu intensivieren und dem Verlust
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Réception du titre de Professeur honoraire, Shenyang, Chine (1991)
ein individuelles Gesicht zu verleihen. Glaubhaft sind diese Ansichten eines untergangenen Paris gerade
PHOTO HU JIANCHENG
Höhe punkt der Stadtbilder. Hauptgegenstand ist eine Bleibe von Obdachlosen bei einem Autowrack hinter
Claude Yvel et son ami César. Vernissage de l’exposition, galerie Gismondi (1992) PHOTO GISMONDI
deshalb, weil alle Verklärung und Moralisierung fehlt. Terrain vague / Sheraton Hotel von 1974 ist der einem Bretterzaun. In der Ferne geht der Blick auf die Skyline der Neubauten, davor wartet eine Häuserreihe auf den Abbruch. Eine Fotografie des gleichen Ausschnitts vermöchte nie so viele Details zu vergegenwärtigen wie die Malerei Yvels, da alles tiefenscharf dargestellt ist und sich das Licht auf und in den Gegenständen während dem wochenlangen Beobachten akkumulierte. Diese Wirklichkeit ist magisch aufgeladen. Die Zeit ist angehalten wie im hundertjährigen Märchenschlaf. Die Welt sähe so aus am Tag nach der Katastrophe ohne Menschen. Einzig Yvels Freund, der Schweizer Maler Jürg Kreienbühl, hat zur selben Zeit ebensolche, nicht weniger eindrückliche Ansichten von Paris gemalt, die jedoch durch den Einbezug von Obdachlosen mehr auf den Augenblick fokussiert sind 20. KONSTRUKT UND ZEUGNIS:
Aussagen über seine Zeit zu machen, ist Yvels Ziel bei jedem seiner Bilder.
Seine Strategie, Gegenstände, Fotografien, Werbeaufnahmen, Bilder aus Männermagazinen etc. zu einer aufgeladenen Szenerie zu vereinigen, ist die der Appropriation Art. Seine Bilder sind in diesem Sinne gemalte Collagen. Seine Inhalte zielen auf Grundfragen der menschlichen Existenz. Yvel hat dabei das barocke Vanitas-Stillleben in einen für unsere Zeit vollkommen neuen Ausdruck überführt. Sein Vorgehen ist in bestimmten Fällen haargenau dasselbe, das Jeff Wall zur Anwendung bringt. Beide Künstler bauen ihre Motive im Atelier auf. Wall fotografiert sie aus verschiedenen Blickpunkten und kreiert daraus das essenzielle Bild, während Yvel durch den Akt des Malens seinen Gegenständen eine magische Präsenz von zeitloser Gültigkeit verleiht. Beide haben sich mit dem Thema Tod und Grab befasst. Wall in der monumentalen Fotoarbeit The Flooded Grave von 1998-2000 21, Yvel in seinem Gemälde Le Fossoyeur aus dem Jahr 1958. Yvel hatte sich aus dem Friedhof Montparnasse menschliche Knochen verschafft und im Atelier ein 20 Zur Freundschaft zwischen Yvel und Kreienbühl vgl.: Heiny Widmer, Jürg Kreienbühl, Basel 1982, S . 56.
21 Vgl. Peter Galassi. Jeff Wall, Ausst.-Kat. The Museum of Modern Art, New York 2007, S . 125.
offenes Grab mit den Werkzeugen und der Arbeitstasche des Totengräbers und den von diesem zu Tage gebrachten Gebeinen inszeniert. Wall hatte im Atelier ein analoges Setting aus Fiberglas für das mit Wasser gefüllte Grab gebaut. Walls Leuchtkasten verleiht dem Bild The Flooded Grave eine mit Yvels Malerei vergleichbare magische Lichtintensität.
ZEITGEMÄSSE KUNST:
Von den Praktiken der aktuellen Fotokunst eines Jeff Wall aus betrachtet, werden
manche von Yvels Stillleben zu diesen ebenbürtigen komplexen Schaumodellen historischer Schlüssel ereignisse. Défense d’interdire von 1968 ist ohne Zweifel ein Höhepunkt eines solchen konstruierten Zeitsymbols. Yvel zeigt in seinem pessimistischen modernen Historiengemälde das, was nach der Straßenschlacht im Mai 1968 auf den Plätzen liegen blieb: eine rote Fahne, ein verkohltes Mao-Buch, Pflastersteine, aus dem Boden gerissene Gitter, ein Deckel von einem Abfallbehälter und als Selbstzitat sein Trompe-l’œil Dix ans après von 1978. Dix ans après ist das Trompe-l’œil eines Parkverbotsschilds, auf dem Reste des Charles de Gaulle verhunzenden 1968er Plakats La Chienlit herunterhängen. Défense d’interdire heißt Yvels Historienbild mit den Barrikadenresten, die unweigerlich an Eugène Delacroix‘ La Liberté guidant le peuple denken lassen, weil ein Demonstrant das Plakatierverbot entsprechend ab geändert hatte. In vielen seiner Trompe-l’œil hat Yvel selbst erlebte Geschichtserfahrungen ausgebreitet. Am eindrücklichsten im Memento-mori-Stillleben über die Deportation seines jüdischen Vaters durch die Nazis 1943. In Convoi no 73 (1994) sehen wir die Bretterwand eines zum Menschentransport ein-
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gesetzten Viehwagons. Darauf hängt die zertrümmerte Violine des Vaters. Wir sehen auch seine Tasse, seinen Personalausweis, einen Judenstern und Fotos von ihm und dem für die Deportationen verantwort-
Remise du Titre d’honneur par le président de la LuXun Academy of Fine Arts, Wei Ershen
lichen Philippe Pétain, sowie das Zeitungsbild mit dem Eingangstor vom K Z Auschwitz-Birkenau. In ande-
PHOTO LAFA (10 NOVEMBRE 2013)
ren bringt er Gegenstände zusammen, die die Folter anprangern – 1948 – oder Nine-Eleven als Bau-
TRADUCTION DU TEXTE DU DIPLÔME CHINOIS
kastenspiel alptraumartig vergegenwärtigen. Yvel ist ein Künstler, dem das Paradox gelingt, mit längst tot geglaubten Techniken und Strategien der Kunst den Nerv unserer Gegenwart zu treffen. Seine Bilder müssten ernst genommen werden.
Le comité de l’Association des Peintres à l’huile de Chine a décerné ce Titre d’honneur* à Claude Yvel, peintre français, pour l’importante contribution qu’il a apportée en introduisant en Chine de manière exhaustive et sans réserve les matériaux et les techniques de la peinture à l’huile occidentale traditionnelle, laquelle a été le facteur d’un riche développement de cette peinture en Chine. * Première attribution de cette distinction à un peintre non chinois.
M. Heinz Trösh, Dorothe Freiburghaus et Claude Yvel au vernissage, Kunstkeller (2013) PHOTO CLAUDE YVEL
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peintures
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Chez le tambour de ville 1955 55 × 46 cm
La Voisine d’en face 1951 46 × 38 cm
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Jeudi 1954 65 × 54 cm
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Intimité 1956 54 × 65 cm
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Vanité 2010 14 × 18 cm
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Le Fossoyeur 1958 46 Ă— 55 cm
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Le Chapon 1955 38 × 46 cm
Cité blanche 1961 55 × 46 cm
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Usine Lefranc 1970 41 × 33 cm
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Usine abandonnée 1968 55 × 46 cm
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Chantier de charbon 1975 73 × 85 cm
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Le Camion bleu 1972 81 × 116 cm
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Le Canal Saint-Martin 1964 24 Ă— 29 cm
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Prison de la Santé 1961 46 × 55 cm
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Bas d’escalier 1966 55 × 46 cm L’ A u s t i n b l e u e 1972 60 × 73 cm
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Épave dans la nature 1968 46 × 55 cm
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Épave 1968 54 × 65 cm
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Claude Yvel, né en 1930, vit et travaille à Paris. Jack Pollock, galeriste historique nord-américain, le découvre dans les années 60 et dit à son propos : « Pour moi le plus grand peintre réaliste vivant est Claude Yvel et plus que jamais, je suis convaincu de la place éminente qu’il occupe. C’est un alchimiste, un magicien, un être de passion qui a maîtrisé les techniques de Vermeer et qui crée des images en trompe-l’œil véritablement étonnantes ».
ISBN 978-275-720-709-3 39 €