Collectionner au cœur des Alpes. Le Musée d'histoire du Valais, Sion (extrait)

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Ouvrage réalisé sous la direction du Musée d’histoire du Valais et de Somogy éditions d’art Conception graphique Éric Blanchard Fabrication Michel Brousset, Béatrice Bourgerie Contribution éditoriale Sylvain Maestraggi Renaud Bezombes Juliette Dablanc Suivi éditorial Emmanuelle Levesque Suivi rédactionnel Ingrid Beytrison Comina Traductions Ingrid Beytrison Comina, Thomas Antonietti, Sophie Broccard, Fabienne Defayes, Jean-Marie Clarke, Karo Mazurie Documentation Sophie Broccard, Fabienne Defayes, Arnaud Meilland, Bernadette Loretan Gatti, Muriel Pozzi-Escot Conception graphique des illustrations du catalogue Jean-Yves Glassey

ISBN 978-2-7572-0366-8 Photogravure : Quat’Coul (Toulouse) Dépôt légal : mai 2013 Imprimé en Italie (Union européenne)


LE MUSÉE D’HISTOIRE DU VALAIS, SION

COLLECTIONNER AU CŒUR DES ALPES Ouvrage publié sous la direction de Patrick Elsig et Marie Claude Morand


LISTE DES AUTEURS

Thomas Antonietti (1954), ethnologue diplômé des Universités de Fribourg et Zurich, conservateur du Département Histoire contemporaine au Musée d’histoire du Valais, Sion, depuis 1986, conservateur au Musée du Lötschental. Marie Besse (1964), archéologue, préhistorienne, doctorat ès Sciences, Université de Genève (2001), professeure d’archéologie préhistorique à l’Université de Genève depuis 2005. Ingrid Beytrison Comina (1976), licence ès Lettres, Université de Lausanne (2005), historienne de l’art indépendante. Dirk Breiding, conservateur assistant au Département des armes et armures, Metropolitan Museum of Art, New York. Sophie Broccard (1970), licence ès Lettres en archéologie classique et histoire ancienne, Université de Lausanne (1996), chargée d’inventaire du Département Préhistoire et Antiquité, Musée d’histoire du Valais, Sion, depuis 1998. Gaëtan Cassina (1942) historien de l’art, doctorat ès Lettres, Université de Fribourg (1981), auteur des « Monuments d’art et d’histoire » pour le Valais central depuis 1976, professeur honoraire de l’Université de Lausanne. Louis Chaix (1939), archéozoologue, doctorat ès Sciences, Université de Genève (1976), conservateur honoraire du Département d’archéozoologie du Museum de Genève, ancien professeur associé au Département d’Anthropologie et d’Ecologie de l’Université de Genève. Corinne Charles, historienne de l’art, doctorat ès Lettres, Université de Genève (1994), chercheur indépendant, anciennement chargée de cours à l’Université de Neuchâtel, spécialiste du mobilier. Pierre Crotti (1956), archéologue et préhistorien, diplôme ès Sciences, Université de Genève (1980), conservateur au Musée cantonal d’archéologie et d’histoire, Lausanne, depuis 1990. Philippe Curdy (1953), diplôme d’ingénieur EPF-Lausanne (1976), diplôme d’archéologie préhistorique, Université de Genève (1982), conservateur du Département Préhistoire et Antiquité, Musée d’histoire du Valais, Sion, depuis 1998 (anciennement musée cantonal d’archéologie). Mireille David Elbiali (1956), archéologue, doctorat ès Sciences mention archéologie préhistorique, Université de Genève (1998), chargée de recherche (Fonds national suisse et autres organismes) et d’enseignement (Université de Bâle).

Patrick Elsig (1964), historien des monuments, licence ès Lettres, Université de Lausanne (1990), directeur du Musée d’histoire du Valais, Sion, depuis 2005.

Martine Piguet (1971), archéologue, préhistorienne, master en archéologie préhistorique, Université de Genève (1995), collaboratrice scientifique à l’Université de Genève depuis 1996.

Jocelyne Desideri (1971), paléoanthropologue, doctorat ès Sciences, Université de Genève (2007), postdoctorat, Université de WisconsinMadison (USA, 2008, 2009), postdoctorat à l’Université de Genève, depuis 2010.

Jean-Claude Praz (1948), biologiste, licence ès Sciences naturelles, Université de Lausanne (1973), directeur du Musée de la nature du Valais, Sion, depuis 1990.

Dione Flühler-Kreis (1941), historienne de l’art, Dr. phil. I, Université de Zurich (1978), curatrice pour la sculpture et la peinture ancienne, directrice du centre de documentation au Musée national suisse à Zurich (jusqu’en 2007). Robin Furestier (1974), archéologue, préhistorien, doctorat ès Lettres, Université de Provence (2005), chargé de recherche à Oxford Archéologie, Montpellier, depuis 2008. Anne Geiser (1952), historienne et archéologue, doctorat ès Lettres, Université de Lausanne (2004), directrice du Musée monétaire cantonal, Lausanne, privat-docente à la faculté des Lettres, Institut d’archéologie et des Sciences de l’Antiquité, Université de Lausanne. Laurent Golay (1964), historien de l’art, licence ès Lettres, Université de Lausanne (1990), directeur du Musée historique de Lausanne depuis 2003. Camille Jaquier (1984), bachelor en Histoire de l’art, Université de Neuchâtel (2008). Marie Claude Morand (1950), historienne de l’art (Université de Lausanne et Fondazione Roberto Longhi, Firenze), directrice des Musées cantonaux du Valais depuis 1984 et du Musée d’histoire de 1991 à 2005, chargée de cours en muséologie à l’Université de Neuchâtel depuis 2008. Olivier Paccolat (1959), archéologue spécialisé dans les provinces romaines, licence ès Lettres, Université de Lausanne (1987), directeur du bureau d’archéologie TERA Sàrl à Sion et collaborateur à temps partiel auprès de l’archéologie cantonale du Valais. Lionel Pernet (1978), conservateur du patrimoine, doctorat en archéologie, Universités de Lausanne et Paris I (2009), directeur du Musée archéologique de Lattes (Hérault, France) depuis 2009. Gervaise Pignat (1956), archéologue, diplôme en archéologie préhistorique de l’Université de Genève (1980), archéologue à la Section Archéologie cantonale de l’Etat de Vaud (Département des Infrastructures) depuis 1985.

Sophie Providoli (1980), historienne de l’art, licence ès Lettres, Université de Fribourg (2008), collaboratrice scientifique au Musée d’histoire du Valais, Sion. Pascal Ruedin (1963), historien de l’art, licence ès Lettres, Université de Lausanne (1991), doctorat ès Lettres, Université de Neuchâtel (2004), directeur du Musée d’art du Valais, Sion, depuis 1998. Sabine Sille (1951), historienne de l’art (dr. phil.) licence en droit, restauratrice de textiles, Universités de Fribourg et de Berne (1991), Musée Historique de Bâle, depuis 1990. Jean Steinauer (1946), journaliste et historien, auteur ou éditeur d’une trentaine d’ouvrages, s’est intéressé notamment à l’émigration militaire des Suisses du XVIIe au XIXe siècle. Romaine Syburra-Bertelletto (1969) historienne de l’art, licence ès Lettres, Université de Lausanne (1997), conservatrice du Département Ancien Régime au Musée d’histoire du Valais, Sion, depuis 2005. Eric Thirault (1971), archéologue, doctorat en préhistoire (2001), Université de Lyon, membre associé de l’UMR « Traces » n° 5608 du CNRS, responsable d’opérations à la SARL Paléotime depuis 2008. Claude Veuillet (1955), conservateur-restaurateur SCR, recherche et étude expérimentale des savoirfaire du bois, atelier indépendant, depuis 1979. Franziska Werlen, latiniste, chargée d’inventaire au château de Spiez et au Musée Sensler, collaboratrice scientifique au Musée de Murten et au Musée du Lötschental. François Wiblé (1950) archéologue romaniste, licence ès Lettres (Université de Genève, 1974), doctorat ès Lettres (Université de Grenoble, 2008), directeur des fouilles de Martigny depuis 1974, archéologue cantonal depuis 1987.


SOMMAIRE

INTRODUCTION

6 Un musée pour explorer toutes les dimensions du Valais 20 L’exposition permanente : la pointe de l’iceberg 26 Liste des expositions et des publications du Musée d’histoire de 1986 à 2012 28 L’accrochage inauguré en 2008 CATALOGUE

38 Préhistoire et Antiquité 100 Moyen Âge 162 Ancien Régime 212 Histoire contemporaine ANNEXES

257 Carte topographique 258 Notes 259 Bibliographie 264 Crédits photographiques



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Fig. 1. Vue de la vieille ville de Sion, avec les collines de Valère et de Tourbillon. Le château de Valère, sur la droite, abrite le Musée d’histoire du Valais.


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Fig. 2. Les pelouses steppiques et les affleurements rocheux de la colline de Valère.

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orté par l’écrin spectaculaire que constitue le château médiéval de Valère,

monument national d’exception dominant la ville de Sion, icône incontournable de la capitale valaisanne avec son parc paysager et ses vues incroyables sur la plaine du Rhône, le Musée d’histoire du Valais s’offre au visiteur au terme d’une montée magnifique et exigeante (fig. 3). C’est aussi le plus important des trois

musées cantonaux créés par l’État du Valais et gérés par la Direction générale des musées au sein du Service de la culture. Avec le Musée de la nature (1829) et le Musée d’art (1947), le Musée d’histoire du Valais (1883) collectionne, conserve, étudie et rend accessibles des témoins patrimoniaux d’un territoire modelé à la fois par une nature grandiose et par sa vocation millénaire de passage privilégié des Alpes. Si l’enveloppe est médiévale, la muséographie est, elle, contemporaine, résultat d’une patiente réflexion ayant accompagné pendant vingt ans les travaux de restauration et de réaménagement des bâtiments qui forment le musée proprement dit. Ses riches collections d’archéologie et de numismatique, d’art et d’arts appliqués, d’ethnologie et d’histoire nourrissent ainsi une présentation publique inaugurée en 2008 et agencée dans trois groupes de bâtiments reliés par des terrasses et des jardins. Au total une trentaine de salles pour un parcours de 2 000 m2 de planchers, auxquelles s’ajoutent un jardin de plantes indigènes et la visite d’une église médiévale célèbre pour ses peintures murales et son orgue peint du XVe siècle, le plus ancien encore jouable aujourd’hui. S’y déploie l’histoire de la société valaisanne, dans ses rapports à elle-même, à son territoire et avec le monde, depuis les premières traces humaines, il y a cinquante millénaires, jusqu’aux hypothèses sur le Valais du futur. Le choix d’un bon millier d’objets exposés, opéré parmi des dizaines de milliers en collection, fournit une matière utile non seulement à la compréhension du Valais tel qu’il est aujourd’hui mais aussi à l’évaluation des défis à relever : un Valais pluriel donc, des richesses de son paysage aux paramètres liés à son évolution culturelle, technique, sociale, politique et artistique. Ainsi, grâce à son caractère pluridisciplinaire et à l’étendue de son emprise chronologique, le Musée d’histoire du Valais construit et propose une large synthèse d’histoire culturelle dans laquelle peuvent s’enraciner les discours spécifiques développés par le Musée d’art1 et le Musée de la nature. Comme les deux autres musées, et souvent en partenariat avec l’un ou l’autre, le Musée d’histoire présente ses expositions temporaires au Centre d’expositions de l’Ancien Pénitencier (fig. 4). Ce dispositif, encore en cours de perfectionnement mais en fonction depuis 2001, sert aux expositions temporaires des trois musées, les libérant ainsi de l’incessant et dommageable démontage et remontage des collections permanentes. Le Musée d’histoire du Valais partage d’autres services centraux de la Direction des Musées cantonaux, notamment la Gestion administrative centrale, le Service de logistique, le Service éducatif et médiation ainsi que le Centre de Conservation et de Traitement des Collections. Ouvert en 2005, et réparti sur trois sites dans la ville de Sion (division des risques), le CCTC est pourvu d’une chaîne sanitaire (du nettoyage de l’objet à son classement sur l’étagère), d’ateliers de conditionnement, de

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Fig. 3. Le château de Valère offre des points d’observation privilégiés sur la vallée du Rhône.

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laboratoires de préparation, de salles d’inventaires et de bureaux pour les chercheurs (fig. 5). Suivant en cela le même modèle communautaire que le Centre d’expositions, le CCTC conserve et entretient, par unités de matériaux distincts (bois, métal, papier, textiles, matériaux organiques, etc.), toutes les collections confondues des trois musées. L’ensemble est géré informatiquement selon un système d’identification à code-barres. Ces deux regroupements ont permis d’optimiser les ressources techniques et les surfaces nécessaires. Ils ont aussi notablement renforcé le sentiment d’appartenance au projet patrimonial et culturel commun des Musées cantonaux. Par le volume de ses collections, le Musée d’histoire du Valais est le principal occupant du CCTC. Il y conduit une politique de conservation axée d’abord sur la prévention : conditionnements adéquats, surveillance du climat, protocoles de manutention et d’exposition, diagnostics de collections. Il développe des campagnes de restauration selon les besoins (fig. 6). La nécessité de sauvegarde est souvent à l’origine d’opérations conséquentes, comme dans le cas de notre collection Fig. 4. Centre d’expositions de l’Ancien Pénitencier.

de drapeaux historiques attaquée par des champignons et qui a requis la généreuse collaboration des ateliers spécialisés du Musée historique de Bâle en 2004-2005, ou le sauvetage actuel des objets en bronze issus des fouilles du site celtique de Sion-Don Bosco. Les besoins de connaissance liés à l’étude de certaines collections phares entraînent aussi des campagnes de restauration qui peuvent s’étaler sur plusieurs années: l’étude et la restauration de notre collection de meubles médiévaux, dont l’achèvement donne aujourd’hui naissance à une publication de référence, ont démarré conjointement en 1991 tandis que la restauration des dix-huit toiles monumentales (fin XVIIIe siècle) ayant orné le salon du manoir de Courten à Sierre, mise en route en 1987 à l’occasion

de l’exposition « 1788-1988: Sion la part du feu, urbanisme et société en Valais après le grand incendie », n’est pas encore terminée (voir notice 65).

L’indignation en héritage Fig. 5. Centre de Conservation et de Traitement des Collections, le secteur des coffres.

Le Musée d’histoire du Valais a vu le jour à la fin du XIXe siècle, comme « musée national valaisan2 ». L’intérêt pour la constitution et la conservation des patrimoines nationaux avait été lancé en 1795 déjà par l’instauration à Paris du Musée des Monuments français. Mais les turbulences politiques ayant entravé son développement, c’est l’ouverture de grands établissements allemands à revendication nationaliste comme le Germanisches Nationalmuseum de Nuremberg (1852) qui servit de levier au démarrage des musées historiques en Suisse. Dans le peloton de tête se trouve le Musée d’histoire du Valais3, qui, lui, est d’abord le fruit d’une salutaire indignation devant la fuite, voire le « pillage », des objets du patrimoine artistique, historique et ethnographique du Valais. Antiquaires avisés et collecteurs d’objets rivalisent en effet d’ingéniosité dans les régions alpines pour alimenter un marché que le développement des voyages et du tourisme a considérablement dopé et que nourrit

Fig. 6. Restauration d’un fourreau celtique, trouvé à Bramois en 2004 : les travaux de restauration sont confiés à des spécialistes indépendants.

la concurrence à laquelle se livrent les musées historiques suisses en pleine constitution. Ainsi, dans un esprit pionnier de sauvegarde, s’efforce-t-on dès le départ de s’assurer une base patrimoniale la plus étoffée possible. Un appel officiel est adressé en 1879 aux

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Fig. 7. La salle des Neuf-Preux, vers 1900.

Fig. 8. La salle dédiée aux Montheys, aménagée en 1963 après plusieurs dons d’objets provenant de cette famille patricienne.

communes valaisannes et à la population pour susciter des dons et attirer l’attention sur la nécessaire protection du patrimoine, tandis que la commission nommée pour la mise en œuvre du nouveau musée procède à la fusion des deux noyaux de collections publiques préexistantes : les armes et armures de l’Arsenal cantonal rejoignent ainsi les antiquités, monnaies et pièces historiques que le jésuite et professeur de physique Etienne Elaerts (17951853) avait adjointes dès 1829 à son cabinet de sciences naturelles. Parallèlement, le Chapitre cathédral de Sion, propriétaire du château et de l’église fortifiée de Valère, accepte de réunir en dépôt une partie de son fameux trésor médiéval (coffres liturgiques, statues, armes, orfèvrerie) aux collections cantonales et autorise l’utilisation d’une partie du château pour les y exposer. C’est ainsi qu’en 1883 fut inaugurée dans la plus grande et la plus belle salle du château de Valère (la salle des Neuf-Preux) la première présentation des collections historiques cantonales, dans une somptueuse mise en scène héroïsante (fig. 7). En 1900, le premier catalogue des collections du musée affiche un bon millier d’objets4 reflétant déjà le caractère pluridisciplinaire de la collection, éventail auquel il faut ajouter la collection de numismatique qui, dès 1893, vit comme institution séparée sous le nom de Médaillier cantonal. L’affectation musée sauve le bourg-château de Valère que les chanoines ont quitté à la fin du XVIIIe

siècle et dans lequel s’est installé le séminaire diocésain, de 1817 à 1874, assurant à

l’ensemble un entretien minimal. Le partenariat autour du château de Valère trouve sa formulation officielle dans une convention signée en 1891 par le Chapitre et l’État du Valais. Contre l’usufruit des collections du Chapitre et de la presque totalité des bâtiments du château en faveur du nouveau musée, l’État s’engage à conduire la restauration de l’ensemble et à participer largement à son financement. La Confédération helvétique classe peu après le monument (1896) et le site est inscrit à l’inventaire suisse du patrimoine naturel protégé. Commence aussi, au tournant du XXe

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siècle, une longue campagne de restauration sous le regard des experts de la Commission


fédérale des monuments historiques suisses. Car, contrairement à la plupart de ses homologues suisses et étrangers et alors que les premiers principes muséographiques s’élaborent sur la scène internationale, le Musée d’histoire du Valais ne bénéficie pas d’un bâtiment construit expressément pour ses activités. Cette contrainte sera à la fois le talon d’Achille et l’aiguillon qui assurent encore aujourd’hui la singularité du Musée d’histoire du Valais. L’extension du musée dans le château suivra le chantier de restauration, pour occuper successivement en 1904, 1910 et 1919 trois des quatre bâtiments prévus. Puis, freinées dans leur développement au cours de la première moitié du XXe siècle par une politique d’économie drastique5, le musée vivote et les collections s’enrichissent par à-coups, sans ligne directrice autre que l’appartenance supposée au patrimoine valaisan et la nécessité de sauvegarder le maximum de pièces. Dons et dépôts, dont ceux de la Société d’histoire du Valais romand (mobilier, armes, ferronnerie, boissellerie, gravures) et de la famille Stockalper de la Tour (armes, argenterie, orfèvrerie), sont complétés dans les années 1950 par une Fig. 9. La salle des Neuf-Preux, scénographiée par Albert de Wolff en 1963.

série de portraits des XVIIe et XVIIIe siècles provenant des familles patriciennes (fig. 8). Enfin, la création en janvier 1944 d’un service des Musées cantonaux et la nomination d’un directeur en la personne d’Albert de Wolff (1916-1978), sensible à l’histoire quoique d’abord choisi en tant que peintre et professeur de dessin pour créer le nouveau Musée d’art (1947), permet l’acquisition de prestigieuses pièces historiques (glaive de la régalie, chefreliquaire de Bourg-Saint-Pierre, cabinet Renaissance de l’ébéniste Mayer ; voir notices 43, 30, 59) et accélère la reprise du chantier pour l’aménagement du dernier bâtiment resté vide. Se démarquant de la muséographie encyclopédique de ses prédécesseurs, l’aménagement que réalise de Wolff en 1963 sépare les champs disciplinaires. Il attribue aux collections historiques (Moyen Âge et Ancien Régime principalement) l’aile ouest, rajeunit l’installation des collections archéologiques dans le bâtiment central et consacre l’aile est

Fig. 10. Un exemple de présentation thématique, par de Wolff, mêlant objets ethnographiques et œuvres d’art.

nouvellement restaurée à l’ethnographie régionale. Sur le modèle des récents aménagements des musées de beaux-arts, il instaure une présentation non chronologique par disciplines, matières et thèmes, en choisissant les pièces les plus « artistiques » dans une volonté d’esthétique épurée (fig. 9, 10, 11). Les décennies suivantes voient en parallèle l’accroissement progressif des collections ethnographiques ponctué de quelques donations importantes en matière d’histoire (portraits d’officiers du régiment de Courten au service de France, équipements militaires XVIIe-XVIIIe siècles, chaîne en or offerte par le roi de France à Gaspard Jodoc Stockalper) et le départ de deux disciplines. En décembre 1968, le Conseil d’État décide en effet la création d’un « musée militaire » dans le château de Saint-Maurice qui, ouvert en 1974, pour documenter l’histoire militaire du Valais depuis 1815, provoque le transfert des collections y relatives (fig. 12). À la même époque, par suite d’une donation importante faite en 1970 (céramiques et verres antiques du bassin méditerranéen) combinée à la mise au jour dès 1961 d’un site cultuel

Fig. 11. Présentation esthétisante des collections archéologiques par de Wolff.

néolithique de réputation internationale dans le quartier du Petit-Chasseur à Sion, on crée un sixième musée, le Musée cantonal d’archéologie, qui sera inauguré en 1976 (fig. 13).

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À Valère, le bâtiment central se vide des collections archéologiques. Aucune restructuration de la présentation d’ensemble n’est envisagée après ces deux transferts. La mort accidentelle d’Albert de Wolff amène en 1979 à la tête des Musées cantonaux l’ethnologue Rose-Claire Schüle. Chargée d’assurer le délicat intérim, elle s’attaque courageusement à la vérification des collections, à leur inventaire et à la mise en route d’un programme pour la nouvelle extension du Musée d’art. Pour le Musée d’histoire, la constitution d’un premier fichier d’inventaire sur le modèle du Musée national suisse représente un saut qualitatif important qui permettra une meilleure vision des collections rassemblées jusqu’ici.

Le musée actuel : muséographie contemporaine pour une mission patrimoniale revisitée En 1984, ma nomination comme historienne de l’art et muséologue à la tête des Musées cantonaux coïncide avec les premières tractations pour le renouvellement de la convention entre le Chapitre cathédral et l’État du Valais. Se profile alors l’engagement d’une nouvelle restauration du monument. C’est l’occasion rêvée de repenser le musée, et notamment sa fonction de « musée national valaisan », à la lumière des défis posés à la fois par une société valaisanne multiculturelle et par l’évolution même de la fonction du musée. S’ouvre ainsi Fig. 12. L’une des salles du nouveau Musée militaire cantonal inauguré en 1974.

un vaste chantier culturel où l’élaboration du futur musée se nourrit de nouveaux programmes de recherches, de publications et d’expositions visant la connaissance et la mise en perspective critique de l’histoire du Valais. Réalisée par le bureau sédunois Cagna et collaborateurs, en étroite collaboration avec le chantier de restauration, ses experts et l’équipe du musée dirigée par la soussignée, la muséographie actuelle résulte de la confrontation stimulante du projet avec le cumul des contraintes liées à la mission de ce musée et à celles imposées par le site. Refonte totale de la configuration muséale et des parcours, adaptation des infrastructures techniques et du mobilier muséographique aux conditions climatologiques particulières du château, insertion d’une cafétéria et d’équipements sanitaires au centre du site, respect de la double lecture du monument et des collections, liaisons avec la basilique et la colline, nécessité de dire le Valais d’aujourd’hui à la lumière du patrimoine et de rendre justice aux points forts des collections, les défis n’ont pas manqué. En tissant ensemble fil chronologique et fils thématiques par périodes, puis en sélectionnant des objets portant la marque de la relation privilégiée que le Valais entretient avec l’extérieur grâce à sa situation stratégique de passage alpin, enfin, en choisissant ceux qui font comprendre pourquoi le Valais est aujourd’hui ce qu’il est, nous avons cherché à construire une histoire synthétique, complète, compréhensible par tous les publics et intéressante pour le présent. Le bâtiment central sert de pivot à l’ensemble du site et abrite désormais l’entrée du musée qui distribue deux ailes latérales, rappelant la typologie classique des musées du XIXe siècle, tout en intégrant la forte déclivité de la colline et la particularité d’un musée fragmenté, séparé par des espaces extérieurs. Cette réorganisation permet de rattacher la nouvelle cafétéria à

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Fig. 13. La salle des stèles anthropomorphes du Musée cantonal d’archéologie, en 1976.

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l’ensemble du site avec son entrée indépendante et d’intégrer dans un futur proche d’autres bâtiments bientôt restaurés et destinés également à des fonctions muséologiques. De plus, comme le territoire se révèle fondamental pour comprendre l’histoire culturelle valaisanne, nous nous sommes servis du paysage comme thème muséographique, de manière à ce que le visiteur monté à Valère et qui a déjà dans les yeux la prédominance incroyable de ce territoire puisse le retrouver tout au long de son voyage dans l’histoire valaisanne. La visite débute d’ailleurs par une « table à remonter le temps » qui, grâce à un film 3D, fait involuer l’image du site de Sion d’aujourd’hui à – 50 000, le lavant du présent pour mieux le préparer à la reconstruction chronologique que nous lui proposons de parcourir. Elle se termine par un théâtre du possible futur du Valais, d’aujourd’hui à 2150. Ce choix du paysage comme fil conducteur a dicté aussi la décision de préserver le plus possible la lumière naturelle dans les salles afin que le visiteur ait toujours sous les yeux à la fois la période historique qu’il visite et, d’un simple coup d’œil par la fenêtre, la référence au Valais d’aujourd’hui. Derrière cette réalisation d’envergure qui nous a tenus en haleine pendant vingt ans, de 1987 à 2008, il y a le travail scientifique et technique d’une équipe, mise sur pied progressivement et capable aujourd’hui de répondre aux exigences d’un musée actuel. Et bien sûr la reformulation de notre politique de collection.

Collectionner juste, collectionner en réseau Articulée sur trois axes, notre politique de collection actuelle est modelée par le souci de conjuguer le devoir de sauvegarde patrimoniale au nécessaire choix de constituer des terrains spécifiques capables de personnaliser et d’identifier l’institution dans une Suisse où plus de mille musées se partagent l’intérêt du public et du citoyen. Mais la responsabilité du Musée d’histoire du Valais ne s’arrête pas à ces deux objectifs. Constituant la plateforme de référence globale sur le Valais, il nourrit une relation vivante interactive non seulement avec les deux autres musées cantonaux (art et nature) mais aussi avec la septantaine d’institutions à caractère plus local disséminées sur le territoire. Aussi, les implications de ce qu’il juge nécessaire d’acquérir au titre de patrimoine d’intérêt cantonal sont-elles plus vastes et entretiennent-elles un dialogue éveillé avec de nombreux partenaires. Le premier axe consiste à renforcer les points forts déjà existants. Le Musée d’histoire du Valais jouant, avec Zurich, Bâle, Berne et Fribourg, les premiers rôles en Suisse en ce qui concerne le patrimoine médiéval national (armes, mobilier, sculptures notamment), c’est tout naturellement que nous cherchons à compléter nos collections en acquérant par exemple un coffre du XIIIe siècle, typologiquement très proche des fameux coffres de l’église de Valère (en 1999), une porte provenant d’une maison sédunoise datant du début du XVIe siècle (en 2000) ou une Vierge à l’Enfant du XIVe siècle provenant du Haut-Valais (en 2009). De même en ce qui concerne le Service mercenaire et ses retombées artistiques. L’implication durant quatre siècles des principales familles patriciennes valaisannes au service des cours d’Europe, particulièrement de la France, ainsi que le déplacement de milliers de soldats

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valaisans à leur service ont généré un patrimoine important d’objets directement et indirectement liés aux campagnes militaires. Nombre de ces objets (équipements militaires, portraits, décorations, documents, mobilier) avaient déjà partiellement intégré nos collections, du temps d’Albert de Wolff notamment. Notre prospection actuelle vise surtout à enrichir le secteur encore plus prometteur des commandes artistiques valaisannes influencées par le goût cosmopolite induit au contact de l’étranger. À partir de quelques pièces isolées en collection jusqu’alors, notre deuxième axe vise la création d’un champ spécifique de prospection, de récolte et d’étude d’objets modernes et contemporains. La modernisation récente du Valais, exemplaire de la transformation qui affecte les territoires alpins de la fin du XVIIIe siècle à aujourd’hui, partage ainsi nos efforts de prospection avec la naissance parallèle de l’industrie touristique et son emprise folklorisante sur la représentation de la société valaisanne. Équipements techniques et iconographie liés à l’explosion du réseau routier et ferroviaire (percements des tunnels du Simplon et du Lötschberg, route du Simplon, autoroute du Rhône), à la maîtrise de l’énergie hydroélectrique (barrages), aux implantations d’industries chimiques ou à la mécanisation de l’agriculture (voir notice 86) côtoient désormais les objets des voyageurs, les portraits et les registres d’hôteliers, l’éventail multiforme de la publicité touristique, l’utilisation marketing de la montagne, en particulier du Cervin, mais aussi les objets témoignant du passage des activités agricoles aux activités de loisir comme l’élevage sélectif des vaches de la race d’Hérens pour les combats, ou l’aménagement des bisses devenus itinéraires de promenade, et bien sûr l’exploitation de l’or blanc des pistes de ski (voir notice 94). Enfin, notre dernier axe s’emploie à donner une meilleure cohérence à la collection tout entière par la recherche d’objets qui créent des liens entre les disciplines scientifiques. Un grand pas dans cette direction a été fait récemment à l’occasion de la réalisation du nouveau paysage muséal valaisan6. En effet, le retour des collections d’archéologie, d’histoire militaire et de numismatique dans la maison mère, gratifie le Musée d’histoire du Valais de sa pluridisciplinarité d’origine et, tout en assurant au visiteur une lecture plus organique du patrimoine culturel, il offre au musée un autre de ses points forts : les collections préhistoriques de la période néolithique et plus particulièrement celles ayant trait au site cultuel du PetitChasseur (voir notice 7). Comme cette dernière intégration est loin d’épuiser les richesses de ce site préhistorique d’envergure internationale, nous espérons pouvoir créer avec la Ville de Sion, ces prochaines années, un Site d’interprétation archéologique qui le mette pleinement en valeur aux yeux du public.

Le rayonnement du Musée d’histoire du Valais Membre de l’Association des musées suisses depuis la création de cette dernière en 1965, le Musée d’histoire du Valais fait partie de l’Association internationale des musées d’histoire, depuis 1996, et participe régulièrement à ses congrès. Au début des années 1990, il a été appelé, dans le cadre de la Communauté de travail des Alpes occidentales, à

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UN MUSÉE POUR EXPLORER TOUTES LES DIMENSIONS DU VALAIS

collaborer au projet d’exposition internationale « L’homme et les Alpes » (Grenoble, Turin, Sion) et à l’accueillir à Sion (en 1993). De cette première expérience internationale est née une relation plus étroite et régulière avec une bonne dizaine de musées des régions romandes, savoyardes, grenobloises, valdôtaines et piémontaises. Plusieurs projets Interreg avec l’Italie, notamment dans le domaine de l’archéologie, s’en sont suivis et, depuis 2002, un travail de recherche et de valorisation plus approfondi sur la sculpture médiévale dans les Alpes. Membre fondateur du Réseau Musées Valais qui, dès 2004, réunit compétences scientifiques et culturelles en un partenariat actif dans la gestion du patrimoine muséal d’importance cantonale, le Musée d’histoire du Valais, avec ses larges collections de référence, est très bien placé pour collaborer non seulement aux programmes de recherches mais aussi à une meilleure politique cantonale de collection. En concluant avec le musée du Lötschental un contrat de gestion partagée pour ses collections de masques de carnaval, et en renonçant à développer plus avant son secteur d’objets relatifs à la viticulture pour laisser la main dans ce domaine à son collègue spécialisé, le Musée valaisan de la vigne et du vin à SierreSalquenen, il contribue à créer dans le territoire du Valais des pôles d’intérêts spécifiques et complémentaires remplaçant la concurrence stérile des institutions dédiées à la conservation et à la mise en valeur du patrimoine valaisan. La pluridisciplinarité du Musée d’histoire du Valais, la qualité de ses points forts de collections, l’originalité de sa présentation publique soucieuse de faire comprendre tout un territoire et pas seulement des objets ainsi que sa muséographie contemporaine en dialogue avec les contraintes du site monumental suscitent régulièrement l’intérêt de nos collègues. Dès l’ouverture en 2008, nous avons accueilli plusieurs délégations professionnelles suisses et étrangères venues se confronter à notre réalisation et tirer profit des expériences que nous y avons réalisées. Cet intérêt s’est récemment concrétisé par une demande d’expertise et de collaboration pour la mise en place d’un paysage muséal dans la province autonome de l’Alto Adige et pour la réalisation d’une institution de référence culturelle pour la vallée de Susa, en Italie.

Marie Claude Morand Directrice des Musées cantonaux du Valais Directrice du Musée d’histoire du Valais de 1984 à 2005

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Fig. 14. Lors de la Nuit des Musées en 2009, la nouvelle cafétéria accueillait, de gauche à droite : Patrick Elsig, directeur du Musée d’histoire du Valais, Marie Claude Morand, directrice des Musées cantonaux, Jacques Cordonier, chef du Service de la culture et Esther Waeber-Kalbermatten, conseillère d’État.

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e millier d’objets présentés dans l’exposition permanente du Musée d’histoire, au château de Valère, n’est qu’une sélection drastique parmi les cinquante mille pièces conservées par l’institution, non compris les objets archéologiques qui se comptent rapidement par dizaines de milliers. Conservés dans des réserves, ces objets forment le substrat de l’une des activités du musée dont le visiteur de

Valère ne voit que l’aboutissement : la recherche scientifique.

Jusqu’en 1984 : des forces concentrées essentiellement sur l’exposition permanente Aux débuts du musée, la recherche scientifique était faible. L’objet illustrait la « grande » histoire : tel portrait rappelait un évêque ou un cardinal célèbre pour son envergure politique, tel drapeau savoyard relatait une victoire des troupes épiscopales que la tradition orale avait maintenue vive, telle sculpture médiévale montrait l’importance de la religion catholique dans ce pays et dénotait un regain d’intérêt pour l’art gothique. L’objet permettait de raconter, on ne l’étudiait que peu pour lui-même. Du coup, la constitution de collections de références, conservées en réserves pour des études et pour des présentations temporaires, n’était pas à l’ordre du jour. La nomination d’Albert de Wolff à la tête des Musées cantonaux, en 1944, marque un certain tournant dans l’approche muséale, limitée toutefois par un manque criant de moyens, particulièrement en personnel scientifique. L’effort du nouveau directeur s’oriente avant tout vers le renouvellement de la présentation des collections permanentes et, en premier lieu, vers l’ouverture du nouveau Musée des Beaux-Arts, en 1947. Suivent, dans les années 1960 et 1970, l’inauguration du bâtiment oriental du Musée d’histoire, à Valère, puis, successivement, l’ouverture de la galerie d’exposition de la Grange-à-l’Évêque, du Musée d’archéologie et du Musée militaire. Les expositions temporaires sont nombreuses, mais essentiellement liées à la création artistique, au monde des beaux-arts1. L’histoire en a bénéficié plus ponctuellement, au gré des opportunités ; citons « Héraldique valaisanne », du 1er au 30 juin 1958, dans le cadre de la visite en Valais de la Société suisse d’héraldique2, ou « Art valaisan », du 13 juin au 4 octobre 1964, au Manoir de Martigny, sur demande du Conseil d’État à l’occasion de l’ouverture du tunnel du Grand-Saint-Bernard3.

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Malgré les tâches administratives, les nombreux prêts octroyés à des institutions partenaires ou à des collectivités publiques, la charge des expositions, les conseils prodigués aux musées de la région et les multiples conférences, Albert de Wolff trouve un peu de temps pour se consacrer à des études ponctuelles dans les domaines de l’histoire qui le passionnent, laissant la gestion d’autres secteurs, comme les collections archéologiques, à des scientifiques extérieurs mandatés. Il porte par exemple à la connaissance des chercheurs internationaux l’existence des fameux coffres liturgiques romans déposés par le Chapitre de la Cathédrale de Sion4 ou présente aux Valaisans des pièces de leur patrimoine émigrées dans certains grands musées étrangers5. L’achat d’un vitrail est un prétexte à une étude de l’objet6, un mélange en hommage à l’archéologue Louis Blondel est une occasion de présenter la mitre de Josse de Silenen, propriété de l’évêché de Sion7. Dans l’héraldique aussi, l’un des domaines de prédilection d’Albert de Wolff, les exemples sont nombreux, mais il s’agit à chaque fois d’études monographiques. Un seul ouvrage tente une approche plus synthétique dans un domaine particulier, Le Portrait valaisan, édité en 1957 et dont Albert de Wolff a été l’une des principales chevilles ouvrières8. Une autre recherche à visée synthétique, à Fig. 15. Exposition « Naître en Valais », en 1996.

laquelle de Wolff a œuvré, n’aboutira malheureusement pas : l’inventaire des Monuments d’art et d’histoire du Valais. Nommé dès 1944 secrétaire de la commission chargée de cette étude, Albert de Wolff doit bien vite avouer que le travail est resté à l’état « embryonnaire », même si de nombreux plans et photographies des monuments de Sion ont été faits et qu’il a publié plusieurs articles sur le patrimoine monumental de la ville.

Dès 1984 : des lignes de recherche cadrées Les expositions (voir Annexe 1, p. 26) Dès l’arrivée de Marie Claude Morand à la tête des Musées cantonaux, en 1984, une meilleure dotation budgétaire et l’augmentation progressive du personnel scientifique ont permis la mise sur pied d’une politique de recherche et d’expositions temporaires d’une tout autre envergure. Chaque exposition historique, et donc son corollaire indispensable le catalogue, vise à établir un état de la question sur le thème étudié, avec le concours d’un large panel de spécialistes, souvent hors canton, parfois même de l’étranger. Pour Marie Claude Morand, le choix des expositions-bilans était dicté par la volonté de couvrir, peu à peu, l’histoire du Valais depuis les premières implantations humaines. Les opportunités de collaborations dans le cadre de commémorations d’événements historiques ont aussi présidé à certaines expositions (par exemple « Sion, la part du feu », montée en 1988 pour les deux cents ans du grand incendie de Sion, en partenariat avec les archives communales de Sion). Au cours des années 1990 toutefois, plusieurs expositions-dossiers, d’envergure plus modeste, reflètent une certaine indépendance des différents musées cantonaux et de leur progressive dotation en conservateurs responsables. C’est ainsi que des facettes fort différentes de l’archéologie ont été montrées au public, comme l’apport de la bande dessinée pour faire comprendre les vestiges de notre passé, les gravures rupestres comparables aux motifs

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de nos stèles néolithiques, etc. L’histoire de la monnaie a pu être présentée pour elle-même et diverses études ethnologiques (autour de la douleur, de l’hôpital psychiatrique de Malévoz, de la famille de Werra, du travail des sages-femmes, etc.) ont eu l’honneur des cimaises (fig. 15). Au final, ce seront près de trente expositions qui auront été mises sur pied par le Musée d’histoire entre 1984 et 2012. Dans la volonté de favoriser un travail pluridisciplinaire, les institutions à vocation historique ont été réunies sous le label « Musée d’histoire du Valais », en 2004 pour le Musée militaire et le Cabinet de numismatique et en 2006 pour le Musée d’archéologie (et son annexe, le Musée gallo-romain à la Fondation Gianadda, à Martigny). La mise en commun des forces a en particulier permis la réalisation de projets d’envergure, dont l’exposition permanente inaugurée au château de Valère en 2008.

Les publications (voir Annexe 2, p. 27) Jusqu’à la fin des années 1980, les publications sont essentiellement constituées par les catalogues des expositions temporaires, même si, au gré des occasions, des articles ponctuels publiés dans diverses revues scientifiques spécialisées sont signés par les collaborateurs de l’institution9. Le besoin de canaux de diffusion spécifiques aux Musées cantonaux se fait néanmoins assez vite sentir. En 1990 est formalisée la constitution du LABREC (Laboratoire de recherche en ethnologie régionale contemporaine), une structure de recherche qui lie les forces du Musée d’histoire avec celles de chercheurs indépendants et d’universités. Le LABREC conduira durant une vingtaine d’années les destinées de la série des « Cahiers d’ethnologie valaisanne », inaugurée en 1989. Après huit volumes traitant de thèmes aussi variés que l’inégalité homme-femme, l’émigration, le tourisme ou l’industrie, la série est élargie et renommée « Cahiers du Musée d’histoire » en 2009. Cette série reformulée permet désormais la publication d’études relatives à toutes les disciplines du musée reprofilé dès 2004. Elle veut publier des études sur l’histoire valaisanne, destinées au grand public, en privilégiant un regard basé sur l’approche matérielle, en particulier par le biais des objets des collections du Musée d’histoire. Les trois volumes publiés en 2009 et 2010 jettent ainsi un nouveau regard sur le Valais à l’époque de la Réforme, sur les Valaisans au service étranger et sur le patrimoine mobilier du monastère des Bernardines de Collombey. L’importance des données historiques nouvelles apportées par les études qui accompagnent le chantier de restauration du château de Valère depuis la signature d’une convention entre le Chapitre de la Cathédrale de Sion et l’État du Valais, en 1985, nécessite aussi son propre canal de diffusion. D’un commun accord, le Service des bâtiments de l’État, pour l’histoire monumentale du site, et les Musées cantonaux, pour le patrimoine mobilier présenté sur le site (et qui en provient en grande partie), ont opté pour le lancement d’une nouvelle série intitulée « Valère, Art & Histoire ». C’est en particulier pour aider à l’édition de cette série que la Société des Amis de Valère a été constituée en 1996. Les deux premiers volumes sont sortis de presse en 2000, l’un consacré à l’histoire du site, aux XIXe et XXe siècles, l’autre

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Fig. 16. Exposition « Un Goût d’Europe » : inspiration étrangère pour l’uniforme des milices valaisannes.

aux collections de sculptures médiévales du Musée d’histoire. Le troisième volume, publié en 2012, rassemble nos connaissances sur le mobilier médiéval de nos collections. Enfin, dans l’idée de doter d’un guide la première préfiguration de l’exposition permanente, à Valère (2000-2007), est paru en 2003 un ouvrage sélectionnant quelque cent vingt pièces exposées, représentatives du parcours10. Rédigées pour un public intéressé, les notices tentent un état de la question sur les pièces proposées. Le présent ouvrage, publié en 2012, propose également un choix d’une centaine de pièces majeures des collections, visibles pour la plupart dans l’exposition permanente, mais aussi de quelques œuvres incontournables conservées dans les réserves. Destinées au grand public, les notices scientifiques ont été volontairement réduites à l’essentiel et la part belle faite aux images.

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Et dans le futur… Les recherches scientifiques Le cadre scientifique posé au cours de ces dernières décennies va se poursuivre. Les expositions-dossiers remplissent un rôle important pour mettre en valeur des domaines spécifiques ou des problématiques particulières. Ainsi, en 2009, a été présentée à l’Espace d’archéologie de la Grange-à-l’Evêque l’exposition « Pierres de mémoire, pierres de pouvoir », en collaboration avec l’Association valaisanne d’archéologie et le département d’anthropologie et d’écologie de l’université de Genève. Cette exposition décrivait, autour des stèles néolithiques du Petit-Chasseur (Sion), les sociétés mégalithiques actuelles ou disparues qui, sur plusieurs points du globe, ont érigé des constructions monumentales en mémoire de leurs élites. De juin 2011 à février 2012, à l’Ancien Pénitencier et à l’Espace d’archéologie, nous avons mis sur pied une exposition intitulée « Un Goût d’Europe », dont les quatre volets montraient les liens culturels entre le Valais et le reste du continent, à toutes les époques de l’histoire (fig. 16). Chaque volet reprenait une recherche récente de l’un des quatre départements du Musée d’histoire (Préhistoire et Antiquité, Moyen Âge, Ancien Régime, Histoire contemporaine) et la traitait en privilégiant ses liens par-delà les montagnes. Toutefois, il conviendra de maintenir périodiquement de grandes expositions qui permettront de faire un état de la question sur une thématique ou une tranche chronologique de l’histoire valaisanne. Il sera aussi important de maintenir les liens patiemment tissés avec les autres musées d’histoire des Alpes occidentales, afin d’élargir nos points de vue et de

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parvenir, de temps à autre, à étudier, publier ou exposer de manière conjointe, avec un regard dès lors bien plus large. Les projets en ce sens tournent actuellement autour de la sculpture médiévale, mais pourraient être élargis. Les séries destinées à accueillir les publications autres que les catalogues d’expositions sont désormais sur les rails. Les « Cahiers du Musée d’histoire » et « Valère, Art & Histoire » n’attendent que les manuscrits à publier. Nous privilégierons les études globales et les approches pluridisciplinaires, renvoyant les études ponctuelles aux revues scientifiques dont chaque domaine d’étude est doté. L’une de nos prochaines publications tentera ainsi la synthèse de la recherche ethnologique en Valais. La production des ouvrages et, surtout, leur diffusion, se feront de plus en plus en partenariat avec des professionnels, de manière à garantir une présence de nos publications dans des réseaux plus larges, au sein d’autres livres historiques, avec une percée plus forte sur les terres germanophones.

La médiation culturelle Face à la grande diversité du moment en matière de culture, l’offre du Musée d’histoire doit être étoffée, envers tous les publics, et la promotion de cette offre doit être largement améliorée. L’attractivité du site de Valère suffit à y attirer les touristes et les promeneurs, mais un pas supplémentaire dans l’information est nécessaire pour les inciter à entrer dans le musée, même si celui-ci est présent sur tous les supports touristiques concernant Valère. Nous essayons aussi de développer des synergies avec les activités proposées par l’Office du tourisme de Sion (visites guidées, spectacle son et lumière, présentation de rapaces), afin de mettre ensemble des moyens complémentaires en terme de compétence, comme de budget. Pour les familles, la section Services éducatifs et Médiation des Musées cantonaux développe avec nous plusieurs projets destinés à favoriser l’attractivité des lieux. Des parcours thématiques ont ainsi été définis avec un carnet de visite qui permet aux enfants de découvrir l’exposition de manière plus ciblée. Pour les écoles, tout un programme de médiation offre aux enseignants un accueil circonstancié, adapté au niveau scolaire des classes. En particulier, un caisson de fouille, installé dans une salle du château en 2011, permet de comprendre le métier d’archéologue par la pratique. La constante augmentation du nombre de classes qui nous rendent visite montre l’intérêt pédagogique de notre institution. Rêvons qu’un jour, chaque écolier valaisan aura visité durant sa scolarité le musée qui raconte l’histoire de son canton…

Patrick Elsig Directeur du Musée d’histoire du Valais depuis 2005

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ANNEXES

ANNEXE 1 : LES EXPOSITIONS DU MUSÉE D’HISTOIRE, DE 1986 À 2012 1986 « Le Valais avant l’histoire », du 23 mai 1986 au 6 janvier 1987, au Musée d’archéologie/ Grange-à-l’Evêque et au Vidomnat. Catalogue : Le Valais avant l’histoire, Sion, 1986 (379 pages ; version allemande sous le titre Das Wallis vor der Geschichte). 1987 « Le général Dufour et Saint-Maurice », du 15 septembre 1987 au 23 mai 1988, au Musée d’histoire militaire/château de Saint-Maurice. Catalogue : Le Général Dufour et Saint-Maurice, Lausanne, 1987 (Cahier d’archéologie romande, n° 35) (295 pages). 1988 « 1788-1988. Sion, la part du feu », du 3 septembre 1988 au 29 janvier 1989, à la Majorie et au Vidomnat (le château de Valère étant fermé pour restauration), ainsi qu’à l’église des Jésuites et à la Grenette. Catalogue coédité avec les archives communales de Sion : 1788-1988, Sion, la part du feu. Urbanisme et société après le grand incendie, Sion, 1988 (287 pages). 1991 « Ubi bene ibi patria », du 25 mai au 3 novembre 1991, au Musée d’histoire/château de Valère. Catalogue: Ubi bene ibi patria, Valais d’émigration, Auswanderungsland Wallis, XVIe-XXe siècles, Sion, 1991 (Cahiers d’ethnologie valaisanne, n°2) (301 pages, un volume contenant des textes en français ou en allemand). 1992 « Représentations du sacré : culture savante et culture populaire dans l’art religieux en Valais », du 26 juin 1992 au mois de mai 1994, au Musée d’histoire/château de Valère. Sans catalogue. 1993 « L’homme et les Alpes », du 18 juin au 14 novembre 1993, Arsenal de Pratifori. Publication éditée sous l’égide de la COTRAO (Communauté de travail des Alpes occidentales) : L’Homme et les Alpes, Grenoble, 1992. « Les dessous de la monnaie », du 10 septembre

1993 au mois d’avril 1994, à la Grange-à-l’Évêque. Publication : Patrick Elsig, Une histoire de petits sous. La monnaie en Valais, Sion 1993 (158 pages ; version allemande sous le titre Kopf oder Zahl. Die Geschichte des Geldwesens im Wallis). 1994 « Valère, 15 siècles d’histoire culturelle », du 23 septembre 1994 au mois de septembre 1999, au Musée d’histoire/château de Valère. Sans catalogue. 1995 « Le soleil des morts. Archéologie et bande dessinée », du 22 septembre 1995 au 8 janvier 1996, au Musée d’archéologie/Grange-à-l’Évêque. Catalogue : Alain Gallay (dir.), Dans les Alpes à l’aube du métal, archéologie et bande dessinée, Sion, 1995 (216 pages). 1996 « Dix ans d’archéologie en Valais », du 18 octobre 1996 au 30 mai 1997, au Musée d’archéologie/ Grange-à-l’Évêque. Sans catalogue. « Mémoires photographiques […] », du 29 mars au 2 juin 1996, à l’Arsenal de Pratifori. Sans catalogue. « Naître en Valais/sages-femmes, artisanes de vie, hier et aujourd’hui », du 13 septembre au 3 novembre 1996, à la Tour des Sorciers. Sans catalogue. « Voyages exotiques, les étrangers à la découverte du Valais au XIXe siècle », du 30 mai au 21 juillet 1996, à la maison de Courten, à Sierre. Sans catalogue. 1997 « Signes dans la roche, gravures rupestres dans l’arc alpin », du 28 juin 1997 au 30 août 1998, au Musée d’archéologie/Grange-à-l’Évêque. Sans catalogue. « Paradis artificiels – Cartes postales du Valais pittoresque », du 25 avril au 20 juillet 1997, à la maison de Courten, à Sierre. Sans catalogue. 1998 « Messieurs du Haut et sujets du Bas. 1798 : la Révolution en Valais », du 29 mai au 1er novembre 1998, à la Tour des Sorciers (du 5 décembre 1998

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au 30 mai 1999 au château de Monthey). Catalogue : Alexandra Moulin et Thomas Antonietti (dir.), 1798 : La Révolution en Valais, Sion, 1998 (324 pages ; version allemande sous le titre 1798 : Revolution im Wallis). « Vallis Poenina. Le Valais à l’époque romaine », du 28 novembre 1998 au mois de décembre 1999, au Musée d’archéologie/Grange-à-l’Evêque (du 17 mars au 3 septembre 2000 au Musée romain de Lausanne-Vidy). Catalogue : Vallis Poenina. Le Valais à l’époque romaine, Sion, 1998 (232 pages ; version allemande sous le titre Vallis Poenina. Das Wallis in römischer Zeit). « Contemporains de Gavroche, figures du petit peuple en Suisse vers 1848 », du 1er mai au 27 septembre 1998, à l’Arsenal de Pratifori. Sans catalogue. 2000 « Trésors en question », du 1er septembre 2000 au 9 septembre 2007, au Musée d’histoire/ château de Valère. Sans catalogue. 2001 « (In)fortunes – Les barons de Werra aux XIXe et XXe siècles », du 1er juin au 30 septembre 2001, à la Tour des Sorciers. Sans catalogue. 2002 « Les premiers hommes dans les Alpes », du 24 mai au mois de décembre 2002, au centre d’expositions de l’Ancien Pénitencier (Musée cantonal d’archéologie et d’histoire de Lausanne, Espace Arlaud, du 17 janvier au 30 mars 2003). Catalogue : Premiers Hommes dans les Alpes, Lausanne-Sion, 2002 (204 pages ; version allemande sous le titre Die ersten Menschen im Alpenraum). 2003 « Trop de peine – Femmes en prison », du 7 février au 27 avril 2003, au Centre d’expositions de l’Ancien Pénitencier (du 8 novembre 2003 au 17 janvier 2004 à la Médiathèque-Valais, Brigue). Sans catalogue. « Malévoz, 100 ans de folie au quotidien », du 17 juin au 25 octobre 2003, au château de Monthey. Sans catalogue.


2004 Participation à l’exposition des Musées cantonaux: « Les Chambres secrètes des Musées I : ces acquisitions qui attendent dans l’ombre », du 1er avril au 31 mai 2004, au Centre d’expositions de l’Ancien Pénitencier. Sans catalogue. 2005 « Montagne, je te hais. Montagne, je t’adore », du 12 mai 2005 au 27 août 2006, au Centre d’expositions de l’Ancien Pénitencier. Catalogue coédité avec le Musée d’art du Valais : Pascal Ruedin et Marie Claude Morand (dir.), Montagne, je te hais. Montagne, je t’adore. Voyage au cœur des Alpes, du XVIe siècle à nos jours, Sion-Paris, 2005 (256 pages). Participation à l’exposition des Musées cantonaux: « Les Chambres secrètes des Musées II : voyages au cœur des réserves », automne 2005, dans les réserves des Musées cantonaux. Sans catalogue. 2006 « Des Alpes au Léman. Images de la préhistoire », du 20 mai au mois de septembre 2006 et du 30 janvier 2007 au 6 janvier 2008 (après une présentation par le Musée cantonal d’archéologie et d’histoire de Lausanne à l’Espace Arlaud), au Musée d’archéologie/Grange-à-l’Évêque. Catalogue coédité avec le Musée cantonal d’archéologie et d’histoire de Lausanne et le Musée d’art et d’histoire de Genève : Des Alpes au Léman : images de la préhistoire, Gollion, 2006 (359 pages). Participation à l’exposition des Musées cantonaux: « Les Chambres secrètes des Musées III : mystère des œuvres sous la loupe », du 20 octobre 2006 au 14 janvier 2007, à l’Ancien Pénitencier. Sans catalogue. 2008 Exposition permanente, au Musée d’histoire/ château de Valère, dès le 12 septembre 2008. Sans catalogue. 2009 « Pierres de mémoire, pierres de pouvoir », du 26 juin 2009 au 3 janvier 2011, à l’Espace d’archéologie de la Grange-à-l’Évêque (ancien Musée d’archéologie). Sans catalogue.

2011 « Un Goût d’Europe », du 16 juin 2011 au 26 février 2012, au Centre d’expositions de l’Ancien Pénitencier et à l’Espace d’archéologie de la Grange-à-l’Évêque. Sans catalogue. ANNEXE 2 : LES PUBLICATIONS (LES CATALOGUES D’EXPOSITIONS SONT RÉPERTORIÉS DANS L’ANNEXE 1)

Cahiers d’ethnologie valaisanne No 1 Thomas Antonietti, De l’inégalité. Des relations hommes-femmes dans la société rurale du Valais, Sion, 1989 (86 pages, version allemande sous le titre : Ungleiche Beziehungen. Zur Ethnologie der Geschlechterrollen im Wallis). No 2 Thomas Antonietti et Marie Claude Morand (réd.), Valais d’émigration, Auswanderungsland Wallis, Sion, 1991 (301 pages, un volume contenant des textes en français ou en allemand). No 3 Thomas Antonietti et Marie Claude Morand (dir.), Mutations touristiques contemporaines. Valais 1950-1990, Sion, 1993 (172 pages, version allemande sous le titre : Tourismus und kultureller Wandel. Wallis 1950-1990). No 4 Suzanne Chappaz-Wirthner et Claudia Dubuis (dir.), Tribuns et tribunes. Le discours politique en Valais, Sion, 1995 (206 pages). No 5 Werner Bellwald, Zur Konstruktion von Heimat. Die Entdeckung lokaler « Volkskultur » und ihr Aufstieg in die nationale Symbolkultur. Die Beispiele Hérens und Lötschen (Schweiz), Sion, 1997 (382 pages). No 6 Pierre Dubuis (dir.), La Mémoire dans la vie. Usages du souvenir et de la mémoire en Valais (Ier-XXe siècles), Sion, 2001 (158 pages). No 7 Werner Bellwald et Sandro Guzzi-Heeb (dir.), Un peuple réfractaire à l’industrie ? Fabriques et ouvriers dans les montagnes valaisannes, Lausanne, 2006 (550 pages, version allemande sous le titre : Ein Industriefeindliches Volk ? Fabriken und Arbeiter in den Walliser Bergen, Baden, 2006). N° 8 Thomas Antonietti (dir.), Kein Volk von Hirten. Alpwirtschaft im Wallis, Baden, 2006 (226 pages).

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Cahiers du Musée d’histoire No 9 Gérard Delaloye, L’Évêque, la Réforme et les Valaisans, XVIe et XVIIe siècles, Sion, 2009 (148 pages). No 10 Jean Steinauer et Romaine SyburraBertelletto, Courir l’Europe. Valaisans au service étranger, 1790-1870, Sion, 2009 (208 pages). No 11 Romaine Syburra-Bertelletto, Thomas Antonietti, Patrick Elsig et Alain Guerrier, « Bernardine tu seras ! » Le monastère de Collombey : un patrimoine de 4 siècles, Sion-Baden, 2011 (248 pages). Valère, Art & Histoire No 1 Patrick Elsig, Le Château de Valère aux XIXe et XXe siècles. De la résidence des chanoines au Musée cantonal d’histoire, Lausanne, 2000 (148 pages). No 2 Laurent Golay, Les Sculptures médiévales. La collection du Musée cantonal d’histoire, Sion, Lausanne, 2000 (240 pages). N° 3 Corinne Charles et Claude Veuillet, Coffres et coffrets du Moyen-Âge dans les collections du Musée d’histoire du Valais, Sion, Baden, 2012 (2 volumes, 184 et 244 pages). Hors-série et coéditions Valais à l’aube de l’humanité, éditions Florilège, Genève, 1999 (120 pages). Valère, 15 siècles d’art et d’histoire en Valais, éditions Florilège, Genève, 1999 (144 pages). Patrick Elsig et Marie Claude Morand, Le Château de Valère. Le monument, le musée, Sion, 2000 (annuaire de Sedunum Nostrum, 12) (114 pages). Gérard Delaloye, Un Léman suisse : la Suisse, le Chablais et la neutralisation de la Savoie, 1476-1932, Yens-sur-Morges, 2002 (134 pages). Gérard Delaloye, Die Schweiz und Savoyen : das Walliser Chablais und die Neutralisierung Savoyens 1476-1932, Baden, 2002 (112 pages). Thomas Antonietti et Werner Bellwald, Vom Ding zum Mensch : Theorie und Praxis volkskundlicher Museumsarbeit : das Beispiel Wallis, Baden, 2002 (336 pages). Philippe Curdy (réd.), Valais, images de la préhistoire/Wallis, Bilder aus der Urgeschichte, Sion, 2006 (32 pages).


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CATALOGUE



Préhistoire et Antiquité Les collections archéologiques du musée pourraient restituer sans lacune toutes les périodes de la Préhistoire et de l’Antiquité du Valais. Certains éléments, peu spectaculaires, mais importants pour la compréhension du peuplement, ont été laissés de côté, comme des pièces néolithiques, récipients, ustensiles et outils des pasteurs-agriculteurs établis très tôt en Valais, bien avant les plus anciens occupants des villages néolithiques du Plateau suisse. Les « incontournables » sont bien sûr au rendez-vous : la nécropole néolithique du Petit-Chasseur, de renommée internationale, avec ses bijoux et ses stèles funéraires ; la Culture du Rhône, au début de l’âge du Bronze, dont le rayonnement s’étend bien au-delà de la barrière des Alpes; les communautés celtiques de l’âge du Fer avec leurs bijoux très « baroques » et leurs rites funéraires particuliers ; Rome enfin, dont l’empreinte a marqué de manière variée les différentes régions du canton.


PRÉHISTOIRE ET ANTIQUITÉ

1 Nucléus et éclats en roches dures Paléolithique moyen, plus de 30 000 ans av. J.-C. Nucléus (noyau en partie débité) et éclats en quarzite ; éclat en silex jurassique ; H 70 mm, L 39 mm (éclat le plus grand) Abri de Sur-les-Creux, Tanay (Vouvry), sondages 1999 ; versement 1999 ; SLC87 Coupe W n° 1, SLC99-4, SLC87 sit 0 (3), SLC87 strEst 099

L’abri de Sur-les-Creux, dans le vallon de Tanay, est l’unique site archéologique à avoir livré le témoignage de la présence de l’homme en Valais avant la fin de la dernière glaciation. Les grottes du vallon ont fait l’objet de plusieurs investigations à visée paléontologique. À la fin des années 1940, Jean-Christian Spahni, passionné de recherches dans les Alpes, y a mené des fouilles. Plusieurs des grottes qu’il a analysées, sans aucune trace de présence humaine, servaient de refuge à l’ours des cavernes. En revanche, l’abri de Sur-les-Creux, découvert en 1987 dans le cadre de recherches menées par l’Université de Genève, a livré des artefacts datés du Paléolithique moyen (avant 30 000 ans) et des fragments de faune sauvage. On note la présence conjointe d’éclats en roches dures, d’os de ruminants et de bois de cervidés dans des sédiments livrant également un grand nombre d’ossements d’Ursus spelaeus, l’ours des cavernes. La réévaluation des documents anciens ainsi que de nouvelles prospections en 1999 par le Musée cantonal d’archéologie et le Musée cantonal d’histoire naturelle du Valais ont apporté des informations complémentaires sur la présence de l’homme paléolithique dans les massifs alpins de Suisse occidentale : les occupations de l’abri par les chasseurs datent de plus de 30 000 ans et, à l’exception des ossements d’ours des cavernes, les fragments d’os récoltés témoignent d’activités de chasse estivales. À l’opposé, l’ours des cavernes a utilisé régulièrement ces abris pour hiberner : les décès répétés d’individus, jeunes et âgés, ont entraîné une accumulation importante d’ossements. Les pièces archéologiques en pierre taillée exhumées de l’abri semblent en règle générale avoir été débitées à partir de matières premières locales ou régionales : la plupart sont des quartzites des Préalpes. Les arêtes sont très émoussées, il est impossible d’y observer la présence de retouches d’utilisation. Les trois déchets de débitage et le nucléus prouveraient que les occupants ont produit certains de leurs outils dans l’abri même. La technique mise en œuvre, dite du débitage Levallois, spécifique du Paléolithique moyen, consiste en la production d’une série d’éclats de forme prédéterminée à partir d’un bloc (nucléus) de matière première. Elle nécessite un savoir-faire certain et marque un progrès technique par rapport au simple façonnage des bifaces, apanage des premiers hommes du Paléolithique ancien. La petite communauté installée à Tanay, des Néandertaliens selon toute vraisemblance, venait probablement de quelque région des bords du Léman, des Préalpes fribourgeoises ou même de Savoie proche ; le vallon était vraisemblablement une étape dans son périple annuel, sans doute limitée à quelques semaines au cours de la bonne saison. Ces passages répétés n’ont cependant quasiment pas laissé de traces : quelques ossements de faune certainement chassée (cervidés, chamois, bouquetins) et treize éclats de pierres taillées récoltés durant le sondage archéologique exploratoire. Sophie Broccard

Moulage d’un crâne d’ours des cavernes (Ursus spelaeus) Paléolithique moyen H 20 cm, L 49 cm, P 30 cm ; Musée de la nature du Valais, HN 1070 L’abri de Sur-les-Creux a livré de très nombreux restes d’ossements d’animaux, dont 90 % d’ours des cavernes, hôtes habituels de ces grottes pendant les périodes d’hibernation.

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2 Outils en défenses de sanglier Mésolithique ancien-moyen, 8500-7500 av. J.-C. H 120 mm (pièce de droite) Collombey-Muraz, abri de Châble-Croix, fouilles 1980-1986 ; VZ.I9.158a, VZ.H10.203, VZ.I10.88-87

Au cours du Mésolithique, entre 9700 et 5500 av. J.-C., se développent les dernières sociétés de chasseurs-cueilleurs. Ces communautés ont laissé plusieurs témoignages de leurs installations en Valais, en particulier dans l’abri sous roche de Châble-Croix, près de Vionnaz, au bénéfice d’une excellente préservation des vestiges archéologiques. À côté de l’os et du bois de cerf, d’autres matériaux d’origine animale étaient exploités, comme les défenses de sanglier, dont plusieurs exemplaires ont été découverts sur le site de Châble-Croix. Ces pièces portent des traces de façonnage dans leur partie médiane (raclage à l’aide d’instruments en silex ou en cristal de roche) ainsi que des polis indiquant leur utilisation pour le travail de matières relativement tendres (bois). Bien que leur emploi comme parure ne soit pas exclu, il semble que ces canines de sanglier servaient principalement d’outils, par exemple pour la fabrication des arcs et des hampes de flèches. L’une des caractéristiques des cultures mésolithiques est la miniaturisation de l’outillage en pierre taillée. Les armatures de flèches, comprises entre 10 et 20 mm, étaient composées de microlithes : des pointes ou des pièces de formes géométriques qui étaient fixées sur l’extrémité des hampes de flèche. L’expérimentation a pu démontrer que de telles flèches, armées de microlithes, étaient très efficaces. En Valais, à l’instar d’autres régions alpines, le cristal de roche était utilisé aussi bien que le silex pour la fabrication des outils de pierre taillée, dans des proportions parfois importantes, atteignant près de 100 % dans les sites mésolithiques du Simplon, par exemple. Les vestiges archéologiques récoltés dans l’abri sous roche de Châble-Croix illustrent la diversité des ressources exploitées. Si d’innombrables coquilles de noisettes carbonisées ainsi que des coquilles d’œufs de canard colvert témoignent d’activités de collecte, ce sont bien les restes osseux qui sont les plus nombreux. Ils attestent la chasse au gros gibier (cerf, chevreuil, sanglier, chamois, bouquetin), la traque d’animaux à fourrure (blaireau, renard, chat sauvage, martre, putois), la capture d’espèces aquatiques (castor, loutre, tortue, canard, héron cendré) et la pêche aux truites. Les données archéologiques ne permettent pas d’évaluer l’apport des produits végétaux, qui jouaient sans doute un rôle important dans le régime alimentaire des communautés mésolithiques. Les économies de chasse et de cueillette, propres aux premières sociétés humaines, ne reposaient que sur l’exploitation d’espèces végétales et animales sauvages, disponibles dans leur environnement ; elles impliquaient le développement de stratégies de chasse et d’approvisionnement adaptées aux différents milieux. Nomades par nécessité, les chasseurs-cueilleurs déplaçaient régulièrement leur campement au gré des saisons ou lorsque les ressources se raréfiaient dans un périmètre proche. En Valais, les traces de campements mésolithiques se retrouvent en plaine, comme dans l’abri sous roche de Châble-Croix, et en altitude: les témoins discrets de petits campements de plein air ont été découverts sur le col du Simplon et au-dessus de Zermatt, au pied d’une paroi rocheuse, à Alp Hermettji. Dans l’ensemble du monde alpin, on observe, durant tout le Mésolithique, une fréquentaPierre Crotti et Gervaise Pignat tion régulière des zones de moyenne et de haute montagne. Armatures de flèches (microlithes) Mésolithique ancien-moyen, 8500-7500 av. J.-C. Pointes en cristal de roche ; pointes, segments de cercle, triangles scalènes et triangles isocèles en silex ; pointe et lamelles à dos en cristal de roche ; H 21 mm (la plus grande pointe en cristal de roche) Collombey-Muraz, abri de Châble-Croix, fouilles 1980-1986 ; VZ.1037-2, VZ.630-2, VZ.F9-21, VZ.157.1, VZ.69.1, VZ.116.1, VZ.1038.2, VZ.1275.1, VZ.581.2, VZ.807.1, VZ.836.1, VZ.968.1, VZ.C7-115, VZ.959-1, VZ.654-1

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3 Carapace de tortue Mésolithique, entre 8500 et 6000 av. J.-C. Fragments de plaques de carapace de tortue d’eau douce ; Ø estimé 14 cm Collombey-Muraz, abri de Châble-Croix, fouilles 1980-1986 ; VZ.10.1

Les trois ensembles stratigraphiques mésolithiques de l’abri sous roche de Châble-Croix près de Vionnaz ont livré des restes de tortues. L’étude anatomique de ces vestiges permet de les attribuer à la cistude ou tortue bourbeuse (Emys orbicularis). Dans l’ensemble sédimentaire inférieur, datable entre 8500 et 8000 avant J.-C., la tortue représente 1 % du spectre. Dans l’ensemble moyen, daté entre 8500 et 7500 avant J.-C., ses restes représentent 4 %, alors que dans l’ensemble supérieur, attribué au VIIe millénaire avant J.-C., ce pourcentage est de 3 %. Tous les éléments appartiennent exclusivement à la carapace (dossière et plastron) ; les os crâniens ou post-crâniens sont absents. Cette observation est intéressante : en effet, l’examen des restes de tortue sur de nombreux sites archéologiques européens, du Paléolithique supérieur au Néolithique, montre que cet animal est uniquement représenté par des vestiges de carapace. On peut dès lors s’interroger sur leur signification. S’agit-il de restes de consommation, d’une utilisation de la carapace comme récipient ou bien d’un objet lié à la sphère magique ou religieuse ? La cistude est une tortue d’eau douce de la famille des Emydidés. Elle se caractérise par une carapace souvent assez bombée, couverte de plaques écailleuses faiblement sculptées. Les plus gros spécimens ont une longueur de 25 à 35 cm pour un poids de 1 kg. La couleur varie du noir au brun, avec des zones plus claires comme le plastron, souvent jaune. Cette espèce vit surtout dans des zones marécageuses. La cistude est carnivore et consomme des invertébrés d’eau douce, des têtards et de petits poissons. Dès octobre, elle hiberne dans la vase pour réapparaître en avril ou mai. Sa présence à Vionnaz, dans le Chablais valaisan, s’explique donc bien, le site se trouvant au contact des zones marécageuses qui caractérisaient la plaine du Rhône au Mésolithique. La cistude est attestée en Europe dès le Paléolithique moyen. Plusieurs sites du Paléolithique supérieur (Magdalénien) en ont livré des restes, comme le Rislisberghöhle dans le canton de Soleure. Il s’agit là encore uniquement d’une carapace. La tortue bourbeuse devient assez fréquente durant le Mésolithique et le Néolithique ancien. Elle va ensuite se raréfier mais diverses trouvailles montrent qu’elle perdure à l’âge du Bronze et même jusqu’à l’époque romaine. Présente en Suède durant le post-glaciaire, la cistude a disparu de l’Europe du Nord. De nos jours, cet animal est présent dans une large zone qui couvre l’Europe méridionale et centrale jusqu’à l’Asie occidentale et l’Afrique du Nord. On la trouve actuellement de l’Espagne à la Géorgie, en passant par l’Italie, la Grèce, la Turquie et l’Afrique du Nord. Rarissime en Allemagne, elle serait encore Louis Chaix présente dans le Sud de la France.

Mandibule de castor (Castor fiber) Mésolithique moyen, vers 8500-8000 av. J.-C. L 9 cm Collombey-Muraz, abri de Châble-Croix, fouilles 1980-1986 ; VZ.D9.21 Cette espèce, bien présente dans la plaine marécageuse autour de l’abri, était recherchée principalement pour sa fourrure.

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4 Os humains incinérés Mésolithique moyen, vers 8000-7500 av. J.-C. Collombey-Muraz, abri de Châble-Croix, fouilles 1980-1986 ; VZ.631, VZ.817, VZ.849, VZ.1276, etc.

Les plus anciens restes humains découverts à ce jour en Valais proviennent de l’abri sous roche mésolithique de Châble-Croix ; parmi plusieurs centaines de fragments osseux fortement calcinés, des phalanges et des fragments de crâne sont discernables. Cette découverte inattendue d’ossements humains brûlés, regroupés au sein d’une petite fosse aménagée contre la paroi rocheuse, à l’écart de la zone de passage, atteste la pratique funéraire de l’incinération au Mésolithique, vers 8000-7500 avant J.-C. Les ossements, très fragmentés, présentent une forte altération par la chaleur, contrastant avec les restes de faune issus des foyers culinaires. Les analyses biophysiques des os humains révèlent une exposition à des températures supérieures à 660° C, pendant plusieurs heures. Cela implique l’édification d’un véritable bûcher funéraire, alimenté par une grande quantité de bois. Les quelques centaines de fragments identifiés représentent toutes les parties du squelette : crâne, membres supérieurs et inférieurs, vertèbres et côtes, os des pieds et phalanges. Ils appartiennent selon toute vraisemblance à un seul adulte, dont l’âge et le sexe n’ont pas pu être précisés. Ainsi, tous les arguments sont réunis pour entrevoir un rituel funéraire élaboré impliquant la construction d’un bûcher et la crémation du défunt ; les ossements sont ensuite soigneusement recueillis avant d’être déposés dans un espace réservé de l’habitat. Depuis cette première découverte valaisanne, d’autres cas sont venus confirmer la pratique de l’incinération chez les populations mésolithiques. Dans un campement de plein air établi près de Ruffey-surSeille, à quelques kilomètres de Lons-le-Saunier, des fragments d’os humains incinérés, probablement enveloppés dans un contenant en matière périssable, ont été retrouvés à proximité d’un foyer domestique : les restes d’un défunt étaient conservés avec soin par ces chasseurs-nomades au fil des déplacements. Longtemps combattue, l’idée que les populations préhistoriques élaboraient des rituels autour de la mort a mis du temps à s’imposer. En effet, avant l’établissement de véritables cimetières qui accompagnent la sédentarisation, dans lesquels les pratiques d’ensevelissement sont bien codifiées, les ossements humains se retrouvaient dispersés dans les habitats en abri ou en grotte. Ils ont, de ce fait, rarement été reconnus comme témoins de sépultures intentionnelles. Un examen plus attentif des données permet désormais de mettre en évidence un riche éventail de pratiques funéraires dans le monde des chasseurs-cueilleurs. Dans les inhumations en pleine terre, le défunt pouvait être accompagné de ses objets personnels, comme dans la fameuse tombe de Mondeval de Sora (Dolomites), en haute montagne (2 140 m) : un homme d’une quarantaine d’années reposait avec trois petits sacs sur son flanc gauche, probablement en cuir, refermant son outillage en silex, en os et en bois de cerf ; sur le haut de son corps étaient dispersées sept canines de cerf perforées, cousues à l’origine sur son vêtement. Ces objets de parure, souvent associés à des coquillages perforés, sont fréquents dans le Mésolithique de nos régions, tant en contexte funéraire que dans les habitats. Ainsi, l’abri de Châble-Croix a-t-il livré plusieurs canines de cerf ainsi que des coquilles perforées de colombelles (Columbella rustica), témoignant d’échanges à longue distance avec le bassin méditerranéen, sur près de 400 km. Pierre Crotti et Gervaise Pignat Coquilles de colombelles perforées Mésolithique moyen, vers 8000-7500 av. J.-C. Columbella rustica, un gastéropode méditerranéen ; à gauche L 13 mm, Ø 7 mm ; à droite L 14 mm, Ø 8 mm Abri sous roche de Châble-Croix ; VZ.329.1 et VZ.H10.225 Une perforation latérale permettait de suspendre ces objets de parure ou de les coudre sur un vêtement.

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5 Lames de hache en roche tenace Néolithique moyen, 4500-3500 av. J.-C. Roche verte (néphrite, éclogite), préparée par sciage ; H 35,6 cm, L 5,6 cm, P 2,6 cm (la plus grande) Saint-Léonard, Chamoson et Rarogne, habitat, dépôts rituels ; don Mariétan, 1942 ; 40169, 40018, B 499

Les haches et les herminettes sont des outils indispensables à la survie des communautés néolithiques, grandes consommatrices de bois pour la construction, le chauffage, la navigation, la boissellerie et l’outillage. Dans les Alpes, avant la généralisation du métal (cuivre puis bronze), les hommes recherchent des roches tenaces, c’est-à-dire résistantes aux chocs violents induits par l’utilisation, pour armer le tranchant. Certaines roches métamorphiques alpines, dont de véritables raretés – telles les jadéitites –, des haches sélectionnées dès le début du Néolithique ont donné lieu à des circulations sur des distances parfois considérables. En Valais, de telles roches sont présentes dans les massifs frontaliers avec le val d’Aoste et le choix des hommes s’est porté sur des variétés très précises : les éclogites et roches pyroxénitiques proches, les serpentinites et surtout des roches fibreuses, mais très difficiles à travailler, souvent dénommées « néphrites » (une variété de « jade » en joaillerie), en fait des amphibolites calciques. Ces dernières sont largement utilisées en Valais à partir du Néolithique moyen, milieu du Ve millénaire avant J.-C., et des sites de fabrication sont connus à Saint-Léonard et Bramois, en contexte d’habitat éloigné des gîtes. Les affleurements actuellement attestés sont en effet situés en altitude dans les vals de Bagnes, d’Hérens et de Moiry, sous forme de lentilles dans du talc aux Haudères (1 950 m d’altitude) et près du lac de Mauvoisin. La résistance de ces amphibolites calciques oblige les producteurs à mettre en forme les ébauches par sciage, travail long et fastidieux qui conduit à fabriquer des outils de section anguleuse. Le bouchardage ou piquetage, qui consiste à frapper la roche avec un percuteur en pierre pour en détacher de minuscules éclats, n’est pas utilisé pour ces roches. La finition s’opère par un polissage poussé à un degré d’intensité variable selon les objets. L’examen des surfaces où se lisent encore les stries du polissage permet de montrer que celui-ci s’effectue à la main, l’objet étant posé de manière longitudinale ou oblique, rarement transversale, sur un polissoir en grès abrasif. Les surfaces et surtout les tranchants sont ainsi patiemment polis et repris à la moindre ébréchure du fil. Cependant, toutes les lames polies ne sont pas des outils : les dimensions exceptionnelles, le temps de travail investi, le degré de perfection atteint par le polissage et la mise en forme, parfois même la fragilité des objets obtenus permettent d’affirmer, comme par exemple pour la pièce de Chamoson, que leur fabrication répond à des besoins sociaux ou symboliques distincts de ceux d’outillages de la vie quotidienne. Ainsi, certaines grandes lames polies en amphibolite calcique valaisanne se retrouvent-elles, si on en croit des analyses récentes, jusqu’en Bretagne française, dans le dépôt de Bernon Éric Thirault à Arzon et dans le tumulus funéraire de Tumiac, soit à 800 km de leur source.

Lame de hache en silex Néolithique moyen, Ve millénaire av. J.-C. Silex ; H 23,8 cm Brig Glis ; don M. Gemmet, 1941 ; 02134 Pièce exceptionnelle, cette lame de hache, provenant du Plateau suisse (région bâloise), a été déposée dans une tombe.

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6 Gobelets campaniformes Néolithique final, 2500-2200 av. J.-C. Céramique à décor impressionné et estampé ; grand gobelet non décoré ; H 18,5 cm, Ø 13 cm (le plus grand) Sion, nécropole du Petit-Chasseur, dolmens MI, MVI, MV ; versement 1995 ; 40091, 40089, PC1MVGob2, 40088, 40068

La nécropole mégalithique du Petit-Chasseur à Sion est l’un des hauts lieux de la Préhistoire alpine et européenne. Dans les tombes collectives, dolmens et cistes, les morts étaient déposés accompagnés d’armes, de bijoux et d’offrandes, révélateurs de leur statut social au sein de la communauté. Parmi les nombreux vestiges néolithiques découverts lors des fouilles archéologiques, les fragments de céramiques décorées figurent parmi les plus caractéristiques et les plus originaux. Les décors visibles sur ceux-ci représentent une spécificité récurrente de la Culture campaniforme, présente en Valais et en Suisse entre 2400 et 2200 avant notre ère. La quantité de fragments découverts dans les sépultures a permis une restitution de plusieurs vases ; ils présentent tous une forme « en cloche » renversée, typique du Campaniforme – composante majeur du Chalcolithique européen –, qu’ils soient décorés ou non dans le cas de la céramique dite « commune ». Les décors sont souvent variés et organisés en bandes horizontales sur toute la hauteur de chaque récipient. Si leur réalisation se fait le plus souvent à l’aide d’un petit outil à dents, probablement un peigne en os ou en bois, on observe également des lignes réalisées par impression d’une cordelette et des alignements de figures géométriques (triangles, ronds, losanges…) résultant d’un estampage sur la surface du vase, avant cuisson. Cette grande variété de décors observée sur le gisement du Petit-Chasseur à Sion permet de suivre les différentes phases de l’utilisation du site durant le Campaniforme. Ainsi, les gobelets avec des décors de lignes horizontales superposées et réalisées au peigne ou à la cordelette sont plus spécifiques des premières occupations, vers 2500-2400 avant J.-C., alors que les décors mixtes de bandes hachurées obliques réalisées au peigne et de bandes estampées caractérisent les phases récentes. Ces céramiques – dont les formes et les décors sont reconnus sur l’ensemble de l’Europe pendant le IIIe millénaire avant notre ère – témoignent de communications à grandes distances à la fin du Néolithique, puisque la Culture campaniforme semble originaire de la péninsule Ibérique. Cependant, si les vases du Petit-Chasseur attestent une diffusion du Campaniforme jusqu’en Valais, la nature même de cette diffusion reste floue : les vases eux-mêmes ne sont en effet pas importés mais réalisés sur place, comme l’ont démontré à plusieurs reprises, et sur différents sites archéologiques, des analyses pétro-archéologiques des pâtes. Leur présence peut donc s’expliquer par l’arrivée d’un groupe de personnes ayant leurs propres traditions techniques ou par une transmission orale des traditions céramiques. Robin Furestier, Jocelyne Desideri, Martine Piguet, Marie Besse

Parures de la Culture campaniforme Néolithique final, 2500-2200 av. J.-C. Coquilles d’origine méditerranéenne ; H de la lunule du haut 22 mm Sion, nécropole du Petit-Chasseur, dolmen MVI ; versement 1995 ; PC1MVII-2030, PC1MVII-2033, PC1MVII-2031, PC1MVII-2510, PC1MVIII-2515, PC1MVIII-2520, PC1MVIII-2522, PC1MVIII-2523, PC1MVIII-2521, PC1MVIII-2524 Ces pièces attestent des contacts indirects entre les côtes méditerranéennes et les Alpes valaisannes, probablement par le couloir rhodanien.

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