Confidence d'Hervé Télémaque - Entretiens avec Alexia Guggémos (extrait)

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JUSTIFICATIF DU TIRAGE CETTE ÉDITION CONSTITUE L’ÉDITION ORIGINALE DE CONFIDENCE D’HERVÉ TÉLÉMAQUE, ENTRETIENS AVEC ALEXIA GUGGÉMOS TIRÉE À 499 EXEMPLAIRES SUR PAPIER COTTAGE PREMIUM WHITE 220 GRAMMES, DONT : 90 EXEMPLAIRES, NUMÉROTÉS DE 1 À 90, COMPRENANT UNE GRAVURE ORIGINALE LE MARTEAU TIRÉE EN 2014 SUR LES PRESSES DE L’IMPRIMERIE DUTROU À PARIS, SIGNÉE ET DATÉE PAR HERVÉ TÉLÉMAQUE, POUR LE TIRAGE DE LUXE DE LA PRÉSENTE ÉDITION ; 409 EXEMPLAIRES, NUMÉROTÉS DE 91 À 499, REVÊTUS DU CACHET DE LA SIGNATURE DE L’ARTISTE.

EXEMPLAIRE NO


CONFIDENCE Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Directeur éditorial : Nicolas Neumann Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer Coordination et suivi éditorial : Sarah Houssin-Dreyfuss Contribution éditoriale : Anne-Marie Valet Fabrication : Michel Brousset, Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros © Somogy éditions d’art, Paris, 2015 © Adagp, Paris, 2015, pour les œuvres d’Hervé Télémaque © Adagp, Paris, 2015, pour l’œuvre de Pierre Alechinsky, p. 78 © Éditions Gallimard, pour le texte d’André Breton, « Générique », in Perspective cavalière, p. 76-83 © Alberto Gironella, 2015, p. 78 © Présence africiane, pour la citation d’Aimé Césaire, extraite de Cahier d’un retour au pays natal, p. 33 © Max Walter Svanberg, 2015, p. 78 ISBN 978-2-7572-0920-2 ISBN édition de luxe 978-2-7572-0944-8 Dépôt légal : février 2015 Imprimé en Italie (Union européenne)


D’HERVÉ TÉLÉMAQUE ENTRETIENS AVEC ALEXIA GUGGÉMOS



« Je vous remercie, chère Alexia, d’avoir porté de l’attention à mon approche du trait. Le dessin est une appropriation de l’espace, avec violence ou retenue. Ainsi en est-il de votre fossette qui se creuse, elle participe avec grâce à mon expression. » H. T.



SOMMAIRE Introduction — 9 Entretiens Confidence : le ressort de l’enfance — 14 L’inscription dans le champ sophistiqué de la peinture — 22 Contre-pied face à la dérision statique du pop — 34 Ramasser les sollicitations du réel par le dessin — 46 Éloge de la fausse note, de l’inattendu — 58 Avec une joie d’anecdote, penser la poésie — 66 Rapport d’étonnement, Alexia Guggémos — 70 Générique, André Breton — 76 « O comme Horizon », abécédaire, Hervé Télémaque — 84 Biographies — 94



Recueillir le témoignage d’Hervé Télémaque afin de cerner l’homme et son parcours, de montrer la complexité de son œuvre, a été un privilège et une joie. Le fondateur de la Figuration narrative s’est prêté à une série d’entretiens. Une rencontre au long cours, au fil des jours, dans l’effervescence ou la sérénité, au cœur du monde ou dans le retrait de son atelier situé en région parisienne. Des moments rares, un sillon dans cette pensée multiforme et dense. L’homme, tout à son œuvre, s’était jusqu’alors très peu livré. Au cours de ces rencontres renaît Confidence, une œuvre importante réalisée en 1965, choisie par André Breton pour figurer dans « L’Écart absolu », la dernière Exposition internationale du surréalisme organisée par le poète lui-même. Dans la préface, André Breton écrit : « La réussite d’une œuvre dépend de l’état intérieur (supposant l’équilibre au plus haut degré de tension vers la sagesse) de celui qui la crée. » Le poète cite Héraclite et ses aphorismes mettant en lumière le perpétuel mouvement des choses. Hervé Télémaque est de ces artistes qui chassent la surprise pour mieux l’attraper. Sans cesse à la recherche d’indices, de divergences et de tout ce qui dans la théorie reste en suspens. Maître de l’oxymore, il fait jaillir l’éclair de l’inattendu, développe les formes les plus déroutantes, comme pour nous révéler les singularités de l’existence. Incarnée par la figure de Métis (du grec ancien Μῆτις / Mễtis, littéralement « intelligence mêlée de ruse »), déesse hellénistique de la ruse et de la tromperie, avec ses pièges et ses filets, la surprise se tient du côté de l’énigme, dont le pouvoir réside dans la séduction qu’elle exerce.

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La pensée plastique d’Hervé Télémaque nécessite un déplacement de point de vue, une métaphysique de l’image qui consiste à abstraire la relation en miroir entre les mots et les choses. Une triple tension anime son œuvre. Tension graphique, tout d’abord, qui se traduit par la dynamique du trait, comme la trajectoire incurvée d’une route ou le guidant d’une voile face au vent. Tension politique, ensuite, dans la présence d’un anneau d’esclave ou l’ombre d’un piton de fer. Tension poétique, enfin, omniprésente, qui se noue dans la métaphore. Mots-clés dans le nom des œuvres, et à travers certains objets singuliers ; un pavé en pierre devenu éponge ou un bloc immaculé de blanc sur lequel est posée la truelle d’un maçon maintenue à l’horizontale par des poids de balance. Le titre de l’œuvre, Neiges, évoque un lieu nappé de pureté, à la fois feutré et silencieux, allégorie de la mort. Les cristaux de glace aiguisent aussi la gourmandise jubilatoire d’un homme de la Caraïbe dans la moiteur de l’été. Plaisir intense du peintre qui se décrit luimême comme un Petit Célibataire un peu nègre et assez joyeux (1964). Mémoires vives. « Votre inconscient est limpide ! », lui a dit un jour à New York son ami Georges Devereux, précurseur de l’ethnopsychanalyse. Pour l’homme de science qui écrit en 1967 De l’angoisse à la méthode dans les sciences du comportement, Hervé Télémaque offre un bon sujet d’étude : une double culture, à la fois une enfance sous la poussée tellurique d’Haïti, île féconde, et une éducation dans la rigueur bourgeoise des brumes européennes. Une clarté mentale rare propre à préciser les choses dans leur sens et leur portée. Travailleur assidu malgré son hémiplégie survenue en 2006, l’artiste a toujours une dizaine de toiles en cours d’exécution. Il puise son énergie dans son intuition créatrice, sa nature joyeuse et sa foi en l’Homme. Après la série La Canopée (2011) où 10


dominent un certain lâcher du trait et l’absence revendiquée de sujet, Hervé Télémaque revient au fusain utilisé si magistralement vingt ans plus tôt. D’un trait sûr, l’artiste donne forme à la sensualité d’un corps, celui d’une nouvelle muse. « Le vrai sujet de la peinture, c’est la femme », a-t-il déclaré à propos de Georges Braque dans l’émission « La Grande Table » sur France Culture. Fusain et Vénus prennent leur indépendance, l’espace réaliste se désintègre, le sujet et l’objet se dissolvent en une construction géométrique qui tend à une unité cubique. Hervé Télémaque poursuit les données d’un cubisme renaissant, libre et décomplexé. Quand une œuvre est abîmée, elle peut être restaurée et éventuellement reconstituée. Mais qu’en est-il du jeune Haïtien devenu H. T. ? À 77 ans, de quel ressort dispose-t-il pour continuer à saisir l’humour au vol, à faire rayonner la couleur dans sa vie et dans son art, pour nous donner encore le plaisir des formes ? « Les gens qui m’ont aidé souhaitent que je livre mon regard sur le chemin accompli. Je redoute la rétrospective tout en la souhaitant », m’a-t-il confié. Peur de l’épreuve du temps au risque de dévoiler une temporalité faite de cadences et de fantaisies, le rythme dans le langage ? Le chemin est sinueux, il a résisté aux apparentes facilités. Comme l’antique commandant de navire grec dont l’art était d’atteindre le bon port, au-delà des embruns et des récifs, l’artiste a su trouver les expédients, les « Combines », les ruses pour n’être pas dupe. Jamais. Depuis peu, Hervé Télémaque s’est lancé dans un hommage à Arshile Gorky, l’artiste qui lui a ouvert le champ de la composition et donné le tempo pour un lyrisme folklorique et énigmatique. Dans l’atelier de Villejuif, le travail avance sur Moine comblé (amorces avec Gorky), un grand format peint d’après une étude inachevée du peintre arménien Le Moine noir (1948). Besoin 11


de terminer, de mettre en scène la chute d’une histoire. Option pour une fin heureuse, couleur et gaieté. Existe-t-il un antidote au Poison du temps ? Le secret de Télémaque : un esprit ouvert sur l’actualité, et une curiosité envers la nouvelle génération remarquant avant tout les artistes hors du systématisme et de la répétition. Dans Portrait de famille, il inscrivait en toutes lettres « Trop tard » : deux mots glissés avec humour, jouant sur le décalage du bon timing qui lui aurait échappé. Présent, où es-tu ? est la première grande toile pop d’Hervé Télémaque. Exposée à L’Attico à Rome, en 1965, l’œuvre juxtapose plusieurs éléments : une photographie du peintre dans un rétroviseur, un sac de charbon, le tunnel de Saint-Cloud, un pot de peinture, des journaux français, et un acte de naissance, le sien, ou plus exactement un « certificat de vie ». Le document administratif fait la couverture du catalogue préfacé par le critique d’art José Pierre, spécialiste du surréalisme. Ici, le titre, Présent, où es-tu ?, n’est pas anodin. Un art du double sens doté de vertus dialectiques. Mise sous tension de la vie, la destinée en réflexion. Fil conducteur de mes rencontres avec Hervé Télémaque : le dessin, abordé sous tous ses aspects, de l’influence de la bande dessinée à l’œuvre graphique… Car l’intérêt de l’artiste pour le trait traverse ses œuvres de part en part. Il apparaît dès ses premiers assemblages, associant le souci du relief à son propos graphique, jusqu’à ses études récentes des valeurs avec le fusain. En 1973, Hervé Télémaque se libère de l’épiscope, cet appareil optique propre à observer le tracé des objets, qu’il prête à Gérard Gasiorowski. À la suite d’un voyage à Haïti, il choisit de laisser le souci du réel à d’autres conquérants. De ce séjour sur sa terre d’origine, où il n’était pas retourné depuis treize ans, naît une nouvelle élocution mûrie par la redécouverte des objets primitifs haïtiens, plus proches d’un 12


élan spontané. Le dessin prend ensuite tout son sens à partir des « patrons-calques » dont la technique lui a été inspirée par ceux utilisés en couture. C’est Maël, son épouse, couturière, qui lui a indiqué la voie. À la Renaissance, dans son traité de la peinture, Cennino Cennini préconise l’usage du papier huilé translucide pour tracer les contours. Matériau privilégié des architectes, le calque, dont le procédé industriel date du XIXe siècle, n’était que très rarement utilisé par les peintres en tant qu’élément structurant. Citons les sculpteurs Henri Laurens ou Alberto Giacometti dans leurs recherches formelles. À l’instar d’Étienne-Jules Marey, précurseur du cinéma, qui établit des graphiques sur calque pour analyser le mouvement, Hervé Télémaque place le papier à patron au cœur de la narration. Il procède par frottage de la mine de plomb, juxtapose les calques, y associe une partie peinte en diptyque, une approche de la transparence et de l’empiècement inédite qui rejoint le rôle du glacis dans la peinture traditionnelle. Ce sont les séries des « objets paradoxaux » : Selles (1977), Maisons rurales (1980), Le Rose et le Bleu (1986), et La Chambre noire (1992). S’installant de manière définitive dans la nécessité du dessin, non pas dans son immédiateté mais dans sa lenteur, il continue à explorer la trace et le déplacement de l’idée qu’elle induit. Hervé Télémaque m’a offert de suivre les méandres de ses souvenirs, entrecroisant passé et présent. Pour point d’entrée : Confidence et le contexte récent d’une restauration. Dans l’œuvre s’y inscrivent le récit d’un accident personnel survenu à l’adolescence et un hommage collectif à l’art moderne. L’historien Gérard Durozoi a ponctué nos entretiens de ses remarques amicales. Alexia Guggémos

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CONFIDENCE LE

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RESSORT DE L’ENFANCE

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Penché sur un grand dessin, Hervé Télémaque tente de nettoyer une multitude de petites taches blanches sur un fond de papier brun. La main frotte, agite les fibres de la feuille. Le fusain a été travaillé au marteau. Parviendra-t-il à sauver le dessin ? Hervé Télémaque — Il est temps de m’arrêter, je ne dois plus toucher à ces maudites taches ! C’est désormais une affaire de spécialiste. Du reste, faut-il vraiment chercher à les camoufler ? Pour un marchand, la restauration s’impose. En revanche, pour moi, c’est moins évident, je suis plus réservé. Les taches sont apparues tout de suite, ce n’est pas de la moisissure. J’ai utilisé une bombe de fixatif de mauvaise qualité que j’aurais dû jeter. Les traces ne se sont pas évaporées. Je faisais ce dessin tout en réalisant l’objet associé, en marc de café. Il était un support à une vérification permanente. Quand je fais un croquis, il n’a pas la prétention d’être un dessin fini. Il m’arrive de terminer une esquisse des années plus tard. Intitulé Entrejambes (avec le garde du corps), ce dessin fait partie de la série des Entrejambes. Le papier utilisé est un vélin d’Arches qui m’a été offert par l’atelier Arte, chez Adrien Maeght. Découpé pour Miró et jamais utilisé. On devine les jambes écartées du président Eisenhower, le contour de ses deux pieds et la schématisation d’un garde du corps. Je suis parti d’un tirage photographique de 1952, découvert par hasard chez une amie dans un coffre-fort resté longtemps fermé. « Ike », comme on appelait le 34e président des ÉtatsUnis, y apparaît dans le jardin de la Maison Blanche, entouré des dirigeants des plus grandes sociétés d’assurance américaines. Cette foule a pris la forme d’un oiseau de mauvais augure. 16


Entrejambes (avec le garde du corps) date de 1994. Cette même année, j’entre à la galerie Louis Carré & Cie. Je montre les séries Deuil et Marcs de café et fusains. C’est une nouvelle approche très personnelle du dessin que je présente, plus dense, plus sensuelle. Point de départ vers la caresse du fusain. Car le dessin est arrivé doucement dans mon travail. Un intérêt qui s’est accru avec les commandes publiques et le 1 % des années Mitterrand. Les croquis, maquettes, esquisses préparatoires étaient exigés à l’époque. J’y ai pris goût. Il y a eu tout d’abord À l’anse (1982), les bois découpés du lycée Briffaut à Valence, puis le Bleu de Matisse (1982) à Rennes, aujourd’hui disparu, et La Vallée de l’Omo (1986) pour la Cité des sciences et de l’industrie… Mes premiers croquis étaient pensés comme l’ébauche d’une œuvre. Comment est née l’idée de la restauration de Confidence ? Hervé Télémaque — Tout le mérite et l’audace de reconstituer Confidence reviennent à Benoît Janson, restaurateur d’œuvres d’art, qui a vu une remise en l’état possible du tableau démonté. J’avais entreposé le « Combine » constitué de plusieurs toiles et objets dans la réserve annexe de mon atelier de Villejuif. Quand Benoît Janson est venu pour expertiser la restauration du dessin Entrejambes, il a aperçu un morceau du panneau peint qui laissait apparaître des éléments éclatés de facture pop et l’étrange empreinte d’un escabeau enlevé… Il a voulu en savoir plus. L’œuvre a fait partie de la toute dernière exposition d’André Breton, « L’Écart absolu », de 1965, à la galerie L’Œil à Paris. Le « Combine » trop encombrant 17


a été déconstruit, et j’ai conservé la partie essentielle à la composition. Que raconte Confidence ? En bas du tableau, j’ai repris d’une page de publicité une frise de personnages stylisés illustrant des statistiques : ils représentent la foule, ce sont des spectateurs. Au milieu, un escabeau réel peint en blanc : il tient le tableau dans l’espace, il est le support ; de part et d’autre de l’escabeau, deux éléments peints sur fond noir, constitués d’un slip d’homme avec une anse – exprimant le besoin d’un soutien – et, de l’autre côté, d’une ceinture herniaire. Le bandage orthopédique est le souvenir d’une terrible hernie vécue à l’adolescence – l’âge est indiqué, 13 ans. J’ai écrit au pochoir l’expression « Être trapéziste », et le verbe « Être » a été barré. En effet, cet accident m’a contraint à abandonner le saut en hauteur, or j’étais l’un des espoirs minimes à Haïti. En haut du tableau, la barre métallique peinte en blanc suspendue par deux fils au plafond évoque la barre horizontale du saut en hauteur, elle apparaît comme une balançoire où se tient, menaçant, un marteau. C’est le marteau de mon grand-père maternel, il vient de Port-au-Prince. L’outil a appartenu à l’homme qui a le plus compté pour moi, c’est lui mon véritable éducateur et non pas mon père. Dans Confidence, j’ai indiqué la direction à suivre, situé les repères, ajusté les marques, simulé la trajectoire du corps qui s’élève. Le pop met de l’ordre dans les apparences, il montre les choses telles qu’elles sont pour dévoiler leur sens latent. Doigt pointé d’une femme vers une montre, le temps est suspendu. Le mur est la femme, la présence du clou peint et du marteau symboliserait l’acte sexuel. Il est peut-être clair métaphysiquement que le vrai sujet de la peinture 18


est la femme. Monter à l’escabeau et planter le clou évoquent aussi l’acte de l’accrochage. Le tableau et l’escabeau ne font qu’un pour devenir un chevalet inversé. Confidence serait une mise à distance de la douleur, c’est également une indication du fait pictural, un pas de côté. Gérard Durozoi — Hervé m’avait téléphoné pour obtenir la photocopie de la reproduction de Confidence dans le catalogue de « L’Écart absolu ». Nous étions d’accord pour affirmer qu’il devait s’agir d’une « petite photo en noir et blanc », vers la fin. Comme je savais où se trouvait, dans mon bureau, la publication, la chose était facile. Par la même occasion, Hervé aurait aimé savoir ce que venait faire Héraclite dans le texte de Breton – présence dont je n’avais guère le souvenir – et je lui dis que j’allais chercher à y voir un peu plus clair. Première surprise : la reproduction de Confidence n’était ni en noir et blanc, ni petite, occupant en couleurs plus d’un quart de page (il faut espérer que nous n’aurons jamais à apporter notre témoignage dans une affaire grave…). Quant à Héraclite, outre que l’aphorisme cité répond à la « tension » qu’évoque quelques lignes plus haut une déclaration de Picasso, je supposai que, comme souvent, on pouvait y entendre une annonce du rôle tenu par la contradiction dans la philosophie hégélienne. Toujours est-il que je postai une photocopie de Confidence, en même temps que celle, brièvement annotée, de la préface de Breton : je soulignai notamment que la « tension » ne se rencontre que dans la traduction utilisée par Breton, celle de Kostas Axelos (dans Vers la pensée planétaire), mais non dans celles d’Yves Battistini (1948), de l’ami Gérard Legrand (1970), de Marcel Conche (1986) ou de JeanPaul Dumont (1988).

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Hervé Télémaque — Après avoir estimé le travail à effectuer sur Confidence, longtemps portée disparue, Benoît Janson m’a énuméré les interventions nécessaires : nettoyage du panneau peint afin de restituer l’éclat d’origine, mise en extension de la toile, et quelques visites de brocantes afin de dénicher un escabeau à l’identique. L’impulsion était donnée. Comment le tableau Confidence s’était-il intégré à l’exposition d’André Breton, « L’Écart absolu » ? Hervé Télémaque — En choisissant pour titre « L’Écart absolu », André Breton a voulu rendre hommage à Pablo Picasso, le maître des tensions nécessaires à toute vraie production picturale. Moi, j’y réponds par l’écart pris comme un élan. Face au tableau, le sauteur tâte le terrain par petits bonds, le ressort est à évaluer. L’écart devient l’intuition de la cible à atteindre. C’est une audace de l’esprit, à l’écart de toute prudence, de tout esprit conforme à la règle préétablie.

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Confidence, dans l’atelier d’Hervé Télémaque, rue Saulnier à Paris, en 1965.

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CONTRE-PIED

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FACE À LA DÉRISION STATIQUE DU POP

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Le critique d’art Gérald Gassiot-Talabot a inventé le concept de Figuration narrative. Quel était le contexte de l’exposition fondatrice « Mythologies quotidiennes 1 » ? Hervé Télémaque — Gérald Gassiot-Talabot est l’homme qui nous a réunis, Bernard Rancillac, Peter Klasen, Jacques Monory, Jan Voss et d’autres autour de la Figuration narrative. En 1964, au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, l’exposition « Mythologies quotidiennes 1 » rassemble trente-quatre artistes ayant pour point commun la recherche d’un langage nouveau face à l’usure de l’Abstraction lyrique parisienne et à l’Expressionnisme envahissant de New York. Nous introduisons tous à l’époque des mécanismes narratifs pour tenter de décrire le paysage politique que nous vivions : guerre au Viêtnam pour certains, paysages sexuels ou intro-spectifs pour d’autres. Chacun de notre côté développons des compétences inédites. Dans le catalogue de l’exposition, Gérald Gassiot-Talabot écrit : « À la dérision statique du pop américain, ils opposent “tous” la précieuse mouvance de la vie. » L’événement est, par beaucoup, mal accueilli. Quant à Pierre Restany, le fondateur du Nouveau Réalisme, il affirme : « En plein scandale de Venise s’ouvre au Musée municipal d’art moderne, sous le titre de “Mythologies quotidiennes”, une exposition de pop art à la française : de l’américanisme hâtif, mal digéré par de faux blousons noirs. »

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Qu’est devenu le groupe de la Figuration narrative, Rancillac, Monory, Klasen, Voss, Guyomard, Arroyo… ? Hervé Télémaque — Ce qui a caractérisé le mouvement, tout comme le pop art américain, c’est l’individualisme et l’indépendance de chacun des artistes, ce qui hélas ! n’est pas le cas de l’ordre apporté par le Nouveau Réalisme… Bernard Rancillac s’est marié le 14 décembre 2012 avec Djohar Aït, sa nouvelle et troisième épouse. « Se marier à l’âge de 81 ans, quel panache ! », a commenté mon ami Henri Griffon. En 1964, quand Rancillac et moi nous nous sommes lancés dans l’aventure de la Figuration narrative, nous n’imaginions pas que nous n’allions plus nous quitter. Cinquante ans plus tard, donc, Bernard se remarie, et il convie tous ses copains peintres. Il y avait là Jacques Monory, 88 ans, Peter Klasen, 77 ans, Jan Voss et Gérard Guyomard, 76 ans, et bien sûr moi, 75 ans, le plus jeune d’entre nous. Une bande de copains, d’une fidélité relative, mais toujours là ! Le mariage a été célébré à la mairie du IIIe arrondissement de Paris, dans la plus grande intimité. La fête a été un véritable bain de jouvence. Pas un seul discours. Nulle velléité de célébrer ici une union à la façon d’une performance. On a tous pensé au mariage spectaculaire d’Yves Klein et de Rotraut Uecker, en 1962, une union qui malheureusement s’est avérée de courte durée, Yves Klein étant décédé cinq mois plus tard. Avec Eduardo Arroyo, nous avons une affection de frères. Une même colère. Une même façon de nous raconter et d’exprimer une autobiographie violente. Récemment, au cours d’un déjeuner, nous avons évoqué la place de l’objet dans la Figuration narrative. 37


J’aimerais montrer ces objets dépouillés, d’une production opposée au principe de la narration et qui ne sont pas des sculptures. L’apparition surprenante de l’objet de synthèse est paradoxale chez les peintres de la Figuration narrative. Cela mérite une réflexion. Par exemple, mon coco-fesse en marc de café de 1993 est une synthèse de la déclinaison de mes gaines dessinées au début des années soixante. Les nombreux personnages hantés d’Arroyo ont débouché sur des faciès de pierre… Il y aussi les objets de Voss, Fahlström, Rancillac, Klasen, Adami, et pourquoi pas aussi Martial Raysse avec ses figures féminines en papier aluminium, carton et tissu. Il reste à trouver un curator, un lieu… Un des objets que vous avez réalisés en 1968, Le Temps passe, aujourd’hui conservé au musée d’Art moderne de Villeneuve-d’Ascq, est une drôle d’échelle, son ascension semble improbable. Quelle est la genèse de sa création ? Hervé Télémaque — Volontairement instable, l’échelle Le Temps passe prend l’apparence d’une bascule, chaque pied est une tête de clou. Il s’agit de l’un de mes derniers objets floqués avec La Pelle, plein noir (1968), constitué de plusieurs rames en guise de support et d’une toile noire occultante, celle utilisée autrefois par la photographie argentique. L’ailleurs poétique de Baudelaire, avatar du romantisme, est mis en cause dans ces objets de clous et de voiles. En 1968, j’ai arrêté de peindre. La peinture m’apparaît alors dérisoire, propre à décorer les murs de salons. Le Temps passe représente une échelle de peintre en bâtiment, ses montants en bois sont fixés par des vis et recouverts de flocage de 38


couleur noire. Par raccourci, l’échelle devient clou, c’est une charge contre la peinture. Un acte critique contre la poétisation facile des choses et leur illusion picturale. Les années soixante sont l’époque de mes « Combines », nom repris de Robert Rauschenberg qui avait ainsi désigné ses combinaisons d’objets usuels, sorte de rébus visuels. Par la suite, j’ai repris goût à mon métier de peintre, comme le manifeste notamment la série des Passages de 1970. Gérard Durozoi — En juin 1964, Rauschenberg reçoit le Grand Prix de la Biennale de Venise (ce qui en scandalise beaucoup à Paris, mais sans doute pas Hervé Télémaque ni ses amis). Commentaire de Robert Lebel, presque à chaud, puisque L’Envers de la peinture paraît le 1er novembre 1964 : « Pour la première fois depuis un siècle, un peintre accepte de passer pour officiel sans devenir odieux ou ridicule. » L’exposition « Mythologies quotidiennes » se tient de juillet à octobre et semble tirer profit de ce Grand Prix, alors qu’elle a été programmée et préparée depuis des mois ; ses participants sont loin de partager l’insouciance (notamment politique) du pop américain. Hervé Télémaque — En ayant vu l’objet reproduit dans un numéro du magazine Opus, daté d’avril 1970, associé à un article de Gérald Gassiot-Talabot, la galeriste et éditrice Françoise Adamsbaum a l’idée en 2011 de me demander de réfléchir à une variante du Temps passe. Il a fallu trouver à cette réplique une taille juste, 1,50 mètre, ni trop grande ni trop petite, et une couleur, l’orangé. Dans le champ nouveau des arts plastiques, l’objet est lié à l’économie de moyens, à leur vie modeste. Je passe du bavardage pop au désir d’être plus signifiant. La plupart des artistes sont alors sous 39


l’influence de l’Art minimal. L’Abstraction lyrique a abouti à une forme d’académisme. Triomphe en ce temps du pop jubilatoire devenu narratif, une époque heureuse… À Paris, on abandonne la théologie de l’inconscient apportée par le surréalisme et on découvre le plaisir d’aller piquer des images partout. Publicité, cinéma, Godard…, ça s’arrête avec le choc politique de Mai 68. « À quoi ça sert tout ça ? À quoi sert l’Art ? » Gérard Durozoi — Voilà sans doute un questionnement que les pop américains (ni même y compris Rauschenberg) ne pouvaient formuler, puisqu’ils conçoivent leur production comme destinée à être le plus rapidement possible intégrée au marché, marchandise offerte à une consommation qui demande le renouvellement périodique des produits (ou des styles). Canne blanche, cloche, sifflet, chaussure de tennis, pantoufle, oreiller…, comment s’est constituée la « sémantique télémaquienne » ? Hervé Télémaque — La sexualité est au cœur de mes objets dits « paradoxaux », ces objets dotés d’une malice interne. Tout mon vocabulaire sexuel est indirectement inspiré de Marcel Duchamp : gaines, soutiens-gorge, culottes, slips… Il y a un peu de Duchamp et de La Mariée mise à nu par ses célibataires, même dans Confidence. Mais peut-être est-ce dans mon œuvre intitulée Caca-Soleil ! qu’il y a le plus de connexions. C’est Serge Fauchereau qui m’y a fait penser, récemment, dans un texte à propos de ce tableau où il parle de « dînette », évocation d’un ready-made aidé. Sa description m’a fait l’effet d’une révélation. Exposé pour 40


la première fois en 1970 au palais Galliera à Paris, ce tableau m’apparaît aujourd’hui comme une parodie amusante du Grand Verre. La scène est issue d’un rêve obscène. Le célibataire est le soleil en état de crise, en éruption (double action de déféquer et d’être en érection), et la fillette qui a installé sa dînette dans un espace sidéral d’un jaune verdâtre, elle, est encore vierge. Gérard Régnier, dit Jean Clair, avait organisé l’exposition autour du pop et exposé le tableau. Quand il a vu l’œuvre, il a semblé visiblement irrité ou agacé par cette composition apparemment vide. J’en garde encore un souvenir intrigué. Quelle était alors la signification latente d’un tel agacement ? Jean Clair, qui connaissait bien la composition du Grand Verre, aurait-il perçu mieux que moi, et surtout avant moi, la similitude probable entre les héros mâles et femelles ? Érection d’un côté, la fillette encore vierge et sa dînette de l’autre. Une explication aventureuse, et j’en ris. Pourquoi pas ? Une distance volontaire ou complexée par rapport à Duchamp – excepté mon goût pour le « dessin d’ingénieur » tel qu’il le prônait, expliquant par ailleurs ma critique de l’usage selon moi léger qu’en faisait Roberto Matta. Pourquoi avoir choisi la canne pour symboliser la peinture ? Hervé Télémaque — Dans les années soixante, je m’installe dans le dépouillement, je m’inscris dans la mouvance de l’Arte povera. C’est une vraie rupture avec l’énumération baroque qui s’opère là. La canne apparaît dans deux objets de 1968 : d’une part, Le Désert, une canne 41


brisée en deux morceaux découpant l’espace, plantés dans une sphère, un bâton dérisoire pour une marche improbable dans le sable ; d’autre part, L’Aveugle de Venise. Nul souci esthétique ! L’objet doit contenir sa propre contradiction, échappant à son identité. Symbole du caractère indestructible de l’esprit, la canne, compagnon du Baron Samedi dans le vaudou, m’est apparue comme l’objet parfait pour parler de la peinture : ronde-bosse, valeur, couleur… La canne appartient à Pieter Bruegel (1525-1569) et à la parabole des Évangiles, qu’il a si bien illustrée. Le maître flamand a représenté les aveugles soutenus par leur canne, les uns derrière les autres. Liés entre eux, ils se dirigent irrémédiablement vers le précipice. Est-ce vers leur destin ? Jusqu’où un aveugle peut-il guider un aveugle ? La question mérite d’être posée. Ma première canne apparaît dans Passage no 1, l’œuvre inaugurale de la série des Passages exposée chez Mathias Fels, le premier à m’avoir offert une exposition personnelle quand je suis arrivé à Paris. Démesurément allongée, une canne est placée audessus d’un sifflet à ultrasons. Une dynamique est en place. Entre le négatif et le positif du même sifflet, une voie s’ouvre. Dans une autre toile intitulée Port-auPrince, le fils prodigue, la canne d’aveugle est cette fois-ci placée à l’aplomb d’un avion. Piste d’atterrissage en approche, signaux allumés… Ouvrez grand les yeux ! Comme la plupart des objets que je peins, la canne flotte dans l’espace. Tout le monde est focalisé sur le feuillage de bananier au premier plan et sur l’inscription tirée d’un comics, le fameux « Attachez vos ceintures ! » Personne ne remarque que la composition est peuplée de figures de Bakas, ces mauvais esprits vaudous. Le paysage idyllique de carte postale 42


est pour le moins mortuaire. La baie de Port-auPrince, au loin… logique ! Mais, en réalité, j’ai changé le paysage du comics qui m’a inspiré. Contrairement à Roy Lichtenstein qui recopiait scrupuleusement le motif d’origine, j’ai peint à droite le long de la rive un petit paysage modifié et, en tout petit, une deuxième canne… À cet instant précis de mon parcours, je ne suis plus un artiste pop. De la même façon que je me suis éloigné du surréalisme, puis de la Figuration narrative, cette fois-ci je sors du pop descriptif. Gérard Durozoi — Si l’on pense que saint Hervé est le patron des aveugles, autant dire que la canne blanche fait également office de signature et se substitue aux initiales H. T. L’objet surréaliste a été le prétexte à une exposition au Centre Pompidou en 2014. Partagez-vous l’avis de son commissaire, Didier Ottinger, selon lequel l’objet surréaliste est matérialiste ? Hervé Télémaque — L’objet surréaliste n’est pas matérialiste, au sens de Marx, mais il est un prolongement évident de la grande invention du surréalisme, c’est-à-dire l’automatisme. Automatisme visuel ou verbal. Je me suis moi-même intéressé à un objet, l’anse, que j’ai trouvé chez André Breton, récemment, en lisant le livre d’Emmanuel Guigon et Georges Sebbag, Sur l’objet surréaliste. André Breton dessine une enveloppe cachetée dans la partie centrale, un cadavre exquis intitulé Enveloppesilence (1931). Sur le bord gauche, des cils de femme et, sur le bord droit, une anse. Cet objet « fantôme » pourvu d’une anse serait un pot de chambre selon 43


Breton. Un œil peint sous le cachet rouge. Le rêve et la veille comme « vases communicants ». Tout comme Breton, j’utilise l’anse pour son signe d’obscénité. L’objet est lié au rêve et non au matérialisme. À travers tous ces jeux métaphoriques, l’explication du monde serait avant tout spirituelle. Cette enveloppe devient bidet, plein de soleil, ou tournesol.

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« Tout comme Breton, j’utilise l’anse pour son signe d’obscénité. »

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« O COMME HORIZON »

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ABÉCÉDAIRE PAR HERVÉ TÉLÉMAQUE

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– AFRIQUE – A comme Afrique, la hantise du paysage haïtien ! Retour problématique, improbable même, qui habite tous les Haïtiens. Hector Hyppolite, le premier des peintres haïtiens, avait rêvé d’un voyage mythique en Afrique. En compagnie de Sarah, j’ai parcouru quelques trottoirs africains… – ANSE – J’aime ajouter une anse à d’autres objets. André Breton a fait pareil avec l’enveloppe de son Cadavre exquis. – APARTHEID – Dénonciation de l’Apartheid en Afrique du Sud dans le collage Mère Afrique (1982). Avec Antonio Saura et Ernest Pignon-Ernest, nous étions trois artistes à répondre à la demande de l’ONU. Je me suis emparé du motif archétypal de la nourrice noire prenant soin du beau bébé blanc dans son landau. Une image générale qui me permet de dépasser le propos du racisme. Sur le panneau, on peut lire : « Net Blakkes » et « White persons only », pour personnes blanches uniquement, en néerlandais et en anglais, les deux langues civilisées en Afrique du Sud. J’ai ajouté librement une image de la Revue nègre, Joséphine Baker entourée de deux danseurs noirs rigolards. Ma cravache d’équitation indique une tension, comme pour façonner l’éducation de ce bambin privilégié. La détonation entre ces deux images semble se suffire. – ASSON – Quand il officie, le prêtre vaudou doit avoir un asson, cet instrument rituel qui a la forme d’une calebasse additionnée d’une cloche. La cloche est un appel. Et même plus, c’est un cri. Dans la série Passages, l’asson accompagne la canne blanche de l’aveugle. Composé de deux éléments : une forme à caractère phallique, et un autre élément métallique qui évoque précisément le cri. J’en ai acheté un en 1973 au petit musée d’Ethnologie à Port-au-Prince créé par Jacques 87


Roumain. Je l’ai offert récemment au musée du quai Branly en raison de la pauvreté de la vitrine haïtienne, et aussi pour m’en débarrasser ! Je m’étais déjà trop nourri de cette forme. On découvre un asson dans Le Miroir précoce (compte intime) (1974). De couleur violette avec un pied à l’envers bleu, il s’agit d’un autoportrait. En sortant cet objet rituel des représentations anthropologiques dans lesquelles je le cantonne habituellement, je convoque une dimension immatérielle où l’objet sacré se pose en médiateur entre les représentations mentales d’une société et son environnement social. – BANANIA – Une référence aux trois tableaux Banania 1, 2, 3 (1964). Trois variantes de la marque et plusieurs dérivations dans plusieurs tableaux jusqu’à Éclair et la naissance du négrillon avec le détail d’une coquille d’œuf éclatée. Le Banania est totalement décoloré. Tentative d’animation de cette image. Figure hilare, expression du bonheur d’être. J’ai focalisé mon attention sur le képi de tirailleur sénégalais. Le pompon qui tombe indique un mouvement, en bougeant il crée une animation enfantine. Un effort qui prête à sourire… Le képi est associé au graphisme et à la typographie du journal Le Monde, signe de liberté et d’ouverture sur le monde. Cela donne lieu à une composition complexe où des éléments entrent en ligne de compte autour du Y’a bon : Y’a bon, Bon magique et Bon Marché. La pin’up du magazine Elle correspond à la découverte d’une libération de la femme face au puritanisme amer du New York Times. J’oppose le journal Le Monde au New York Times, qui racontait des choses critiques à propos de Fidel Castro. L’élément déterminant est cette chaîne, un anneau qui éclate. Il s’agit d’une critique amusée tiers-mondiste. Tentative au bas de la toile comme signant toute la composition, d’une représentation plus juste du bonhomme Banania. – CALQUE– Calque, le patron est là. Il est l’ordonnateur du jeu.

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