Cet ouvrage de Sophie Guillot de Suduiraut, conservatrice honoraire, auparavant chargée des sculptures médiévales de l’Allemagne et des anciens Pays-Bas au département des Sculptures du musée du Louvre, a bénéficié de l'aide de Juliette Lévy-Hinstin, restauratrice des sculptures, Angèle Dequier, documentaliste scientifique au département des Sculptures, François Séguin, conservateur du patrimoine, et Pierre-Yves Le Pogam, conservateur en chef au département des Sculptures.
© Musée du Louvre, Paris, 2015 www.louvre.fr © Somogy éditions d’art, Paris, 2015 www.somogy.fr
1 re e t 4 e d e c o u v e r t u r e gregor erhart Sainte Marie Madeleine vers 1515-1520 bois (tilleul) polychromé
i s b n Somogy : 978-2-7572-0951-6 i s b n musée du Louvre : 978-2-35031-512-6
musée du louvre, d é pa r t e m e n t d e s s c u l p t u r e s
En application de la loi du 11 mars 1957 [art. 41] et du Code de la propriété intellectuelle du 1 er juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre.
Dévotion et séduction Sculptures souabes des musées de France vers 1460-1530
sophie guillot de suduiraut
Musée du Louvre Jean-Luc Martinez
Éditions musée du Louvre
Somogy éditions d’art
Anna Tadini
direction de la Médiation et
Nicolas Neumann
coordination éditoriale
président-directeur
de la Programmation culturelle
directeur éditorial
Hervé Barbaret
Sous-direction de l’édition
Stéphanie Méséguer
Sandra Pizzo
administrateur général
et de la production
responsable éditoriale
contribution éditoriale
Michel Brousset
Thierry Renard
Béatrice Bourgerie
cartographie
Nicole Mison
Laurence Castany
Sophie Jugie
sous-directrice
directrice du département des Sculptures
Vincent Pomarède
Violaine Bouvet-Lanselle
Mélanie Le Gros
chef du service des Éditions
fabrication
de la Programmation culturelle
Tauros / Ibach graphisme
directeur de la Médiation et Iconographie Angèle Dequier documentaliste scientifique, département des Sculptures Nathalie Rosenblum collaboratrice extérieure
remerciements
Nous souhaitons exprimer notre profonde reconnaissance à tous ceux
Fabrice Demonchy, Olivier Guérin, Sophie Jugie, Séverine Le Feunteun,
qui ont permis la réalisation de ce catalogue.
Pierre-Yves Le Pogam, Pierre Philibert, Christine Vivet-Péclet, et au service des éditions Fabrice Douar.
Que soient d’abord chaleureusement remerciés Juliette Lévy-Hinstin pour son soutien continu et ses relectures des textes techniques, Angèle Dequier
Nous remercions particulièrement, au musée du Louvre, Violaine Bouvet-
pour son travail essentiel et sa compétence dans le traitement des images,
Lanselle, chef du service des éditions du Louvre, Anne-Myrtille Renoux,
François Séguin pour son soin vigilant dans la révision de la bibliographie,
chef du service des ressources documentaires et éditoriales du Louvre,
Pierre-Yves Le Pogam pour ses conseils avisés et la transcription de textes,
Fanny Meurisse, et Nathalie Rosenblum chargée de la collecte d’images ;
Damien Berné pour sa patience et son engagement dans l’aventure souabe.
aux éditions Somogy, Nicolas Neumann, directeur éditorial, Stéphanie Méséguer, Michel Brousset, Béatrice Bourgerie, Mélanie Le Gros, Marc-Alexis Baranes,
Notre gratitude s’adresse aussi aux auteurs des analyses et des examens
Katharine Turvey ; Anna Tadini, pour le suivi éditorial, et Christophe Ibach
scientifiques, indispensables à la rédaction des notices, tout particulièrement
pour la mise en pages.
Thierry Borel, Sylvie Colinart, Myriam Éveno, Juliette Langlois, Anne-Solenn Le Hô, Jean Marsac, Sandrine Pagès-Camagna, Nathalie Pingaud, Élisabeth
Nous devons beaucoup aussi aux études et aux travaux des restauratrices
Ravaud, Jean-Paul Rioux, Yannick Vandenberghe, Centre de recherche
et restaurateurs des œuvres du catalogue, Agnès Cascio, Claire Dard-Ternisien,
et de restauration des musées de France ( C2RMF ), Nicolas Bouillon,
Marta Darowska, Dominique Faunières, Aubert Gérard, Anne Gérard-Bendelé,
Centre interrégional de conservation et restauration du patrimoine ( C I C R P ),
Sophie Joigneau, Manon Joubert, Pascale Klein, Juliette Lévy-Hinstin,
Emmanuel Maurin, Witold Nowik, Laboratoire de recherche des monuments
Marie Louis, Émilie Masse, Delphine Masson, Marie-Emmanuelle Meyohas,
historiques ( L R M H ), Yvonne Trénard, Centre technique du bois et de
Marie Payre, Anne Portal, Geneviève Rager, Arnaud de Villeneuve.
l’ameublement ( C T B A ), Patrick Ausset, Institut français de restauration des œuvres d’art ( I F R O A ).
Nous souhaitons enfin citer et remercier tous ceux qui ont répondu aimablement à nos sollicitations lors de nos recherches et de la rédaction de ce catalogue,
C’est un plaisir pour nous de nommer nos collègues des musées de France
nous apportant leur concours ou leurs conseils, nous accueillant dans leurs
responsables de collections de sculptures souabes, qui ont participé avec
musées, nous ouvrant les réserves et les ateliers de restauration :
générosité à cette entreprise, Laetitia Barragué-Zouita (Lille), Pantxika
Anne Adrian, Dominique Adrian, Petra Bausch, Katharina Bechler, Marie-Liesse
Béguerie-De Paepe (Colmar), Séverine Berger et Philippe Bihouée (Chartres),
Bocquien, Marion Böhl, Stefanie Bosch, Marie-Sophie Boulard, Thomas Brachert,
Monique Blanc (Paris, musée des Arts décoratifs), Raphaële Carreau
Albrecht von Brandenstein-Zeppelin, Gilles Bresset, Stephan Bresset, Frank
(Chaumont), Cécilie Champy (Paris, Petit Palais), Richard Dagorne (Nancy),
Brunecker, Manfred Büchele, Bodo Buczynski, Julien Chapuis, Amélie Delaunay,
Danièle Devynck (Albi), Cécile Dupeux et Barbara Gatineau (Strasbourg,
Elke Dichter, Sandrine Durand, Natalie Ellwanger, Christoph Emmendoerffer,
musée de l’Œuvre Notre-Dame), Josette Galiègue et Richard Schuler
Fritz Fischer, Guillaume Fonkenell, Alain Fretz, Lukas Gloor, Walter Grabert,
(Beauvais), Christine Germain-Donnat (Marseille), Françoise Lernout
Eleonore Gürtler, Magali Haas, Sophie Harant, Salima Hellal, Brigitte Herrbach-
(Amiens), Maud Leyoudec (Moulins), Céline Marcle (Strasbourg, musée
Schmidt, Ingrid-Sibylle Hoffmann, Éva Horányi, Zsombor Jékely, Ursula Keller,
des Beaux-Arts), Louis Mézin (Saint-Jean-Cap-Ferrat), Jacqueline Mongellaz
Franz Kirchwegen, Christine Kitzlinger, Claire de Lalande, Frédéric Lebas,
(Saumur), Élisabeth Taburet-Delahaye et Damien Berné (Paris, musée
Eva Leistenschneider, Claudia Lichte, Claudia Mark, Michael Maurer, Roland May,
de Cluny), Ludmila Virassamynaïken (Lyon).
Florian Meunier, Albrecht Miller, Marie Morel, Ruth Nagel, Marcel Perrin, Evamaria Popp, Dagmar Preising, Herbert Reitschuler, Michael Rief, Stefan Roller,
Nous n’oublions pas l’aide active ou le soutien amical de nombreux autres
Philippine de Serre de Saint Roman, Barbara Sibille, Mathieu Sismann,
collègues, en particulier au C2RMF les responsables de la restauration
Marc Smith, Claudius Stein, Anna Stoll, Hélène Susini, Miriam Szöcs, Bérangère
des sculptures, Christine Lancestremère (aujourd’hui conservatrice
Tachenne, Harald Theiss, Barbara Til, Elise Vanhaecke, Ghyslain Vanneste,
au musée des Monuments français), Stéphanie Deschamps-Tan
Ulrike Villwock, Andrea Wähning, Helgard Weber, Markus Weis, Matthias
(aujourd’hui conservatrice au département des Sculptures du Louvre)
Weniger, Leo Werbanschitz, Petra Winter, Moritz Woelk, Peter Wyer.
et Alexandra Gérard, au département des Sculptures du Louvre, Djamella Berri, Geneviève Bresc-Bautier, Suzelyne Chandon,
Et surtout, un très grand merci à Jean Treilland pour son appui quotidien. SGS
Préface
On s’étonnera peut-être de voir Sophie Guillot de Suduiraut, chargée des sculptures de l’Europe du Nord au musée du Louvre de 1983 à 2014, présenter un catalogue des sculptures souabes entre 1460 et 1530, non seulement dans les collections dont elle était responsable, mais plus largement dans les musées de France. On pourrait aussi se demander pourquoi l’exposition qui l’accompagne, où une sélection des plus beaux exemples de cette production dans les collections nationales est complétée de pièces empruntées en Allemagne et en Autriche, est présentée au musée de Cluny. Ce serait méconnaître les missions du Louvre, portées avec engagement et dynamisme par son département des Sculptures. Le musée doit, bien sûr, conserver, étudier et mettre en valeur les collections qui lui sont confiées, mais aussi développer une expertise scientifique et des ressources documentaires au service des musées de France et de la communauté des chercheurs. Il s’agit d’inscrire le Louvre dans un réseau national et international : cette dimension concerne tout autant le travail scientifique que sa restitution auprès du public. C’est ce que Sophie Guillot de Suduiraut a su faire de manière exemplaire. Elle a étudié, fait restaurer et présenté les œuvres dont elle avait la charge et a enrichi le fonds d’acquisitions remarquables. Mais elle a toujours conçu son travail à l’échelle nationale, explorant les musées de France, affinant ses connaissances au contact de ses collègues, leur apportant sa propre expertise pour identifier des œuvres souvent inédites, mal datées, sans origine ni attribution précises, et pour signaler des opportunités d’acquisitions. En 1991-1992, elle a présenté les premiers résultats de ses recherches dans une exposition au musée du Louvre, consacrée aux Sculptures allemandes de la fin du Moyen Âge dans les collections publiques françaises. En 2003, elle a créé le réseau « Sculptures médiévales des musées de France », pour faciliter les échanges scientifiques, promouvoir la recherche et la publication de catalogues des collections. À partir de 2006, Sophie Guillot de Suduiraut a poursuivi l’étude des sculptures allemandes dans le cadre du plan de recherche du musée du Louvre 2010-2015. Une base de données a été constituée. Grâce au C 2 R M F , des analyses techniques et des restaurations, indispensables à la connaissance approfondie des œuvres,
ont été réalisées. Des études stylistiques, en relation avec des collègues allemands ou français, ont permis de mieux identifier les œuvres. Le catalogue, concentré sur la Souabe en raison de la place prépondérante que tient cette région dans la sculpture allemande à la fin du Moyen Âge mais aussi de sa bonne représentation dans les collections françaises, met à la disposition du public français et francophone une synthèse sur une production artistique largement méconnue. L’exposition qui l’accompagne a évidemment toute sa place au musée de Cluny, membre du réseau « Sculptures médiévales » et partenaire fidèle des médiévistes du musée du Louvre. Dans les prochaines années, le département des Sculptures aura pour tâche d’approfondir l’enquête, et de poursuivre, en ligne ou sur papier, la publication de ces œuvres allemandes. En attendant, que tous ceux qui, au Louvre, au musée de Cluny, dans les musées de France, d’Allemagne, d’Autriche ou ailleurs, au C 2 R M F et dans les ateliers de restauration, sans oublier les éditions Somogy, ont apporté leur précieux concours à cette belle entreprise, trouvent ici l’expression de notre sincère reconnaissance. Quant aux visiteurs qui découvriront l’exposition, nous espérons qu’ils se laisseront, comme nous, séduire par cet art souabe tout en douceur paisible, en grâce et en délicatesse.
sophie jugie directrice du département des Sculptures musée du Louvre
avertissement
abréviations
Les dimensions des œuvres sont données
cat. catalogue
en mètres, sauf indication contraire.
C 2 R M F Centre d’étude et de restauration
Les œuvres citées dans les notes sont en bois
ou bois polychromé, sauf indication contraire.
C I C R P Centre interrégional de conservation
Les termes « dextre » et « senestre », empruntés
à l'héraldique, sont utilisés pour désigner
C T B A Centre technique du bois
les parties droite et gauche des œuvres. Ainsi,
du point de vue du spectateur, la partie dextre
cm centimètre
d’une œuvre se trouve à gauche et la partie
col. colonne
senestre à droite.
d. diamètre
des musées de France et restauration du patrimoine et de l’ameublement
dir.
directeur, direction
éd.
éditeur, édition
exp.
exposition, catalogue d’exposition
fig. figure f° folio h. hauteur id.
idem
I F R O A Institut français de restauration
des œuvres d’art
I N P
Institut national du patrimoine
inv.
Inventaire
L
Lehrs (voir la bibliographie)
l. largeur L R M H Laboratoire de recherche
couronnement
des monuments historiques
µ micron n o numéro volet dextre
caisse
volet senestre
n. p.
non paginé
p. page p. profondeur
prédelle autel
pl. planche rééd. réédition s. d.
sans date
trad. traduction parties constitutives d'un retable
vol. volume
sommaire
Avant-propos
12
La Souabe et ses sculpteurs
18
L’essor des villes souabes Structures urbaines et organisation des métiers « Artistes-artisans » L’art du retable Le sculpteur et ses modèles Du style
18 19 24 25 33 34
De l’arbre à la sculpture
36
Le bois
36
Le tilleul – Bois résineux, chêne – L’approvisionnement des ateliers souabes –
La qualité du bois de tilleul – Bois frais, bois sec
Le travail du sculpteur
Établis et traces d’étau – L’évidement des sculptures – Les assemblages – Les étapes de la taille
Le travail du menuisier La polychromie
Encollage et préparation – Revêtements métalliques. Or, argent, or parti – Décor en relief moulé
et appliqué, dit « brocart appliqué » – Glacis et couches colorées – Éléments décoratifs
rapportés – Motifs peints – Motifs au pochoir – Motifs tracés par grattage (technique dite
42 52 53
du sgraffito) – Carnations
Le bois laissé apparent, partiellement polychromé
L’image sculptée
Prier devant les images Rendre visible le divin Sculptures en mouvement Figures d’intercession Détruire les images
72 76 76 78 81 82 84
catalogue
89
La sculpture souabe vers 1460-1500
90
Introduction. De Maître Hartmann à Hans Multscher
90
carte des principaux lieux mentionnés
95
Ulm. L’héritage de Hans Multscher S a i n t e B a r b e pa r i s, p e t i t pa l a i s – m u s é e d e s b e au x - a r t s d e l a v i l l e d e pa r i s cat. 1
102
110
En Allgäu. Autour des sculptures du retable de Füssen
96
S a i n t e B a r b e a l b i , m u s é e t o u l o u s e - l au t r e c cat. 2
112
120
Kempten. Autour du retable d’Imberg
L e C h r i s t d e s R a m e a u x s t r as b o u r g, m u s é e d e l ’ œ u v r e n o t r e - da m e cat. 3
En Souabe méridionale. Autres ateliers A n g e t e n a n t u n e d r a p e r i e m o u l i n s, m u s é e a n n e d e b e au j e u cat. 4 S a i n t é v ê q u e m a r s e i l l e , m u s é e g r o b e t- l a ba d i é cat. 5
125 132 135 138
Divers ateliers
L e C h r i s t S a u v e u r d u m o n d e pa r i s, m u s é e d e s a r t s d é c o r at i f s cat. 6 L a Vi e r g e a u C a l v a i r e l a n e u v e v i l l e - d e va n t- na n cy, m u s e é e d u c h â t e au d e m o n ta i g u cat. 7
142 144
La sculpture souabe vers 1480-1525
148
149
carte des principaux lieux mentionnés
Ulm. Michel Ehrart, son atelier et son entourage S a i n t J a c q u e s s t r as b o u r g, m u s é e d e s b e au x - a r t s cat. 8 T ê t e d ’ u n s a i n t pa r i s, m u s é e d u l o u v r e , d é pa r t e m e n t d e s s c u l p t u r e s cat. 9
150
160
Ulm. Niclaus Weckmann, son atelier et son entourage L e C h r i s t e n p r i è r e pa r i s, m u s é e d u l o u v r e , d é pa r t e m e n t d e s s c u l p t u r e s cat. 1 0 L a N a t i v i t é pa r i s, p e t i t pa l a i s – m u s é e d e s b e au x - a r t s d e l a v i l l e d e pa r i s cat. 1 1 S a i n t G r é g o i r e pa r i s, p e t i t pa l a i s – m u s é e d e s b e au x - a r t s d e l a v i l l e d e pa r i s cat. 1 2
Memmingen et l’Allgäu vers 1480-1510. Sculpteurs de l’atelier des Strigel et divers ateliers
S a i n t e C a t h e r i n e c h a r t r e s, m u s é e d e s b e au x - a r t s cat. 1 3 S a i n t N i c o l a s l i l l e , pa l a i s d e s b e au x - a r t s cat. 1 4 S a i n t e M a r i e M a d e l e i n e pa r i s, m u s é e d u l o u v r e , d é pa r t e m e n t d e s s c u l p t u r e s cat. 1 5 R e t a b l e d e l a Vi e r g e s t r as b o u r g, m u s é e d e l ’ œ u v r e n o t r e - da m e cat. 1 6
155 158
165 173 180 183 187 192 196 200
En Souabe. La diffusion de l’art weckmannien L a Vi e r g e à l ’ E n f a n t s t r as b o u r g, m u s é e d e l ’ œ u v r e n o t r e - da m e cat. 1 7 S a i n t e A g a t h e ( o u G e n e v i è v e ? ) c o l m a r , m u s é e u n t e r l i n d e n cat. 1 8 S a i n t e M a r i e M a d e l e i n e c o l m a r , m u s é e u n t e r l i n d e n cat. 1 9 L e C h r i s t d e l ’ A s c e n s i o n sa i n t- j e a n - ca p - f e r r at, v i l l a e p h ru s s i d e r o t h s c h i l d cat. 2 0 S a i n t e C a t h e r i n e pa r i s, m u s é e d u l o u v r e , d é pa r t e m e n t d e s s c u l p t u r e s cat. 2 1 L a Vi e r g e e t S a i n t J e a n pa r i s, m u s é e d e c l u n y – m u s é e nat i o na l d u m oy e n â g e cat. 2 2 - 2 3
207
226
En Souabe septentrionale. Sculpteurs de Nördlingen S a i n t e c o u r o n n é e l i l l e , pa l a i s d e s b e au x - a r t s cat. 2 4 S a i n t J é r ô m e l i l l e , pa l a i s d e s b e au x - a r t s cat. 2 5 S a i n t e B a r b e sa i n t- j e a n - ca p - f e r r at, v i l l a e p h ru s s i d e r o t h s c h i l d cat. 2 6
207 210 210 215 218 221
229 233 237
Ulm et la Souabe. Daniel Mauch, son atelier, son entourage
240
Deux papes, un cardinal, un évêque, un chanoine et sept moines en prière
pa r i s, m u s é e d u l o u v r e , d é pa r t e m e n t d e s s c u l p t u r e s cat. 2 7
247
L a Vi e r g e à l ’ E n f a n t l a n g e a i s, c h â t e au cat. 2 8
254
S a i n t e A n n e t r i n i t a i r e m a r s e i l l e , m u s é e g r o b e t- l a ba d i é cat. 2 9
256
S a i n t e B a r b e a m i e n s, m u s é e d e p i ca r d i e cat. 3 0
256
S a i n t S é b a s t i e n pa r i s, p e t i t pa l a i s – m u s é e d e s b e au x - a r t s d e l a v i l l e d e pa r i s cat. 3 1
264
267
R e t a b l e d e s a i n t e A n n e t r i n i t a i r e c o l m a r , m u s é e u n t e r l i n d e n cat. 3 2
Divers ateliers
S a i n t e A n n e t r i n i t a i r e pa r i s, m u s é e d u l o u v r e , d é pa r t e m e n t d e s s c u l p t u r e s cat. 3 3
276 276
S a i n t m o i n e c h a r t r e s, m u s é e d e s b e au x - a r t s cat. 3 4
280
S a i n t N i c o l a s c h au m o n t, m u s é e s d e l a v i l l e cat. 3 5
282
La sculpture en Souabe méridionale vers 1510-1530
284
carte des principaux lieux mentionnés
285
Kempten. Lux Maurus
286
L a S a i n t e F a m i l l e pa r i s, m u s é e d e c l u n y – m u s é e nat i o na l d u m oy e n â g e cat. 3 6
Memmingen. Autour de Hans Herlin, Hans Thoman et Christoph Scheller
289 295
L e C h r i s t d e s R a m e a u x pa r i s, m u s é e d u l o u v r e , d é pa r t e m e n t d e s s c u l p t u r e s cat. 3 7
299
L a N a t i v i t é c h a r t r e s, m u s é e d e s b e au x - a r t s cat. 3 8
304
Biberach. Autour du « Maître de la Sainte Parenté de Biberach » (Michael Zeynsler ?)
309
S c è n e d ’ i n t e r c e s s i o n lyo n, m u s é e d e s b e au x - a r t s cat. 3 9
314
S a i n t e M a r t h e pa r i s, m u s é e d e c l u n y – m u s é e nat i o na l d u m oy e n â g e cat. 4 0
324
328
Kaufbeuren. Jörg Lederer
L a D é p l o r a t i o n pa r i s, m u s é e d e s a r t s d é c o r at i f s cat. 4 1
331
335
Divers ateliers
S a i n t a b b é pa r i s, m u s é e d u l o u v r e , d é pa r t e m e n t d e s s c u l p t u r e s cat. 4
335
S a i n t T h é o d u l e s t r as b o u r g, m u s é e d e l ’ œ u v r e n o t r e - da m e cat. 4 3
338
S a i n t A n t o i n e s t r as b o u r g, m u s é e d e l ’ œ u v r e n o t r e - da m e cat. 4 4
339
S a i n t e M a r g u e r i t e s t r as b o u r g, m u s é e d e l ’ œ u v r e n o t r e - da m e cat. 4 5 L e M a r t y r e d e s a i n t T h o m a s b e au va i s, m u s é e d é pa r t e m e n ta l d e l ’ o i s e cat. 4 6
339
351
L a D é c o l l a t i o n d e s a i n t P a u l pa r i s, p e t i t pa l a i s – m u s é e d e s b e au x - a rt s d e l a v i l l e d e pa r i s cat. 4 7
347
S a i n t M a r t i n sau m u r , c h â t e au - m u s é e cat. 4 8
356
D o n a t r i c e pa r i s, m u s é e d u l o u v r e , d é pa r t e m e n t d e s s c u l p t u r e s cat. 4 9
360
D’Ulm à Augsbourg. Gregor Erhart
362
367
S a i n t e M a r i e M a d e l e i n e pa r i s, m u s é e d u l o u v r e , d é pa r t e m e n t d e s s c u l p t u r e s cat. 5 0
annexes
376
Glossaire
378
Bibliographie
379
Index
394
Avant-propos
Né du désir sans cesse renouvelé de mettre en valeur les collections des musées de France, ce catalogue s’inscrit dans la continuité de recherches poursuivies depuis près de trente ans. Sa publication constitue la première étape d’un projet général de catalogue des sculptures allemandes des musées français, auquel d’autres auteurs prendront part. Le projet est porté par un réseau national créé en 2003 pour aider aux échanges scientifiques entre les conservateurs et responsables de collections de sculptures médiévales. Que soient à nouveau remerciés tous nos collègues pour leur participation généreuse à cette entreprise, en particulier nos collègues du musée de Cluny, qui la soutiennent par une belle exposition de sculptures souabes, et au Louvre, ceux du département des Sculptures pour leur aide amicale et constante. Au cœur de l’un de nos domaines de prédilection, l’art allemand du xv e et du début du xvi e siècle, le choix de la Souabe s’est imposé d’emblée. En Souabe, cette région historique de l’Allemagne méconnue de nombre de nos compatriotes, s’est développée à la fin du Moyen Âge une production sculptée d’une qualité et d’une ampleur remarquables, dont se font largement l’écho les musées français. La sculpture souabe apparaît ainsi mieux représentée dans les collections nationales que la sculpture d’autres régions de l’Empire comme la Bavière, la Franconie ou le Tyrol, mis à part celle du Rhin supérieur, dont les musées alsaciens sont amplement pourvus. Ce corpus de cinquante œuvres souabes ne peut prétendre à l’exhaustivité. Il sera agrandi ou rétréci selon les futurs travaux d’autres chercheurs. Parmi les centaines de sculptures examinées lors de notre enquête, plusieurs, assurément originaires de la moitié sud de l’Allemagne, n’ont pu être précisément attribuées à une région ou à un centre artistique et demeurent en attente d’une détermination stylistique plus fine. Et parmi les cinquante ici retenues, certaines seront peut-être ultérieurement rejetées et susciteront des propositions différentes. En excluant de l’étude de très rares exemples en pierre, nous avons voulu centrer nos recherches sur l’art du bois et des retables, dont la prépondérance s’affirme dans la Souabe de l’époque. Le catalogue offre ainsi un ensemble homogène d’œuvres de fonction religieuse 12
ava n t- p r o p o s
Une vue de l’appartement de Charles Mège vers 1900. À droite, le relief de l’atelier de Daniel Mauch, Deux papes, un cardinal, un évêque, un chanoine et sept moines en prière [cat. 27], légué au Louvre en 1958 par Élisabeth Mège, fille du collectionneur
– la plupart viennent de retables démembrés – aux caractéristiques matérielles typiquement souabes. Une vaste campagne d’analyses a été menée par le Centre de recherche et de restauration des musées de France ( C 2 R M F ) en parallèle aux études des restaurateurs des sculptures. Nous souhaitons rendre hommage à ces travaux qui nous ont permis d’établir des descriptions techniques détaillées en tête de presque toutes les notices. La connaissance 13
des matériaux constitutifs, des procédés d’exécution et de l’état de l’œuvre, apporte en effet un complément indispensable à son étude stylistique par l’historien de l’art. À l’appui des synthèses fondamentales des chercheurs allemands et de nombreuses investigations sur le terrain, nous avons tenté d’analyser le style des sculptures inédites, de rassembler des éléments dispersés, d’approfondir ou de renouveler l’étude des exemples connus. Maintes hésitations demeurent toutefois et laissent ouvert le champ des recherches. Sur la base des publications allemandes également, les notices du catalogue s’insèrent dans une suite de séquences organisées selon un découpage classique, à la fois chrono logique et régional, au sein duquel émergent des personnalités artistiques. Une large place est néanmoins réservée aux groupements d’œuvres anonymes, soit reliées à des centres de production soit présentées dans des sections composites formées de divers ateliers indéterminés, difficiles à localiser. L’accent mis sur Ulm et les villes de la Souabe méridionale, Kempten, Memmingen, Kaufbeuren ou Biberach, au détriment des régions de l’ouest et du nord-ouest ou de la ville d’Augsbourg, est guidé par les œuvres du catalogue. Il était bien sûr impossible d’envisager une histoire de la sculpture souabe dans tous ses aspects. C’est ainsi que Hans Multscher, artiste majeur mais non représenté dans les musées français, n’est évoqué que rapidement en introduction de la première partie du catalogue. Les limites chronologiques de l’étude, des années 1460 à environ 1530, correspondent au plein épanouissement de la production artistique souabe jusqu’à son dépérissement au temps de la Réforme. Les sculptures appartiennent à l’art de la fin du Moyen Âge, dit aussi « art gothique tardif », la date de 1500 ne marquant nulle césure dans l’ère envisagée inscrite continûment dans le monde médiéval. La vaste famille stylistique souabe se diversifie en multiples facettes unifiées par l’expression traditionnelle d’une douceur paisible et d’une sensibilité délicate. Créations d’une beauté immarcescible ou œuvres de qualité modeste, les sculptures ici réunies, qui répondent aux aspirations religieuses de jadis, nous parlent encore et exercent toujours une profonde séduction. Leur statut d’œuvres de musée nous permet en outre 14
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une lecture rapprochée qui nous introduit dans l’intimité des artistes, de leurs intentions et de leurs gestes. Assurément, les amateurs qui ont recherché, choisi et acquis, ces sculptures ont ressenti cette force d’attraction et cet attachement pour une forme d’art souvent moins prisée à leur époque. Trente-trois œuvres du catalogue ont été offertes aux musées par des collectionneurs ou leurs descendants, que nous souhaitons tous nommer ici, en hommage reconnaissant : Marie Arconati Visconti (cat. 49), Auguste-François et Augustine Béthouard (cat. 13, 34, 38), Mme Chevalier (cat. 46), Aimé Constantin Desmottes (cat. 25), Béatrice Ephrussi de Rothschild (cat. 20, 26), Edmond Fleischauer (cat. 32), François de Flers (cat. 40) Marie Grobet-Labadié (cat. 5, 29), Lucie Jacquinot (cat. 35), André Kahn-Wolf (cat. 8), Gustave Lacan (cat. 33), Charles Lair (cat. 48), Jules Maciet (cat. 41), Albert Maignan (cat. 30), Pierre Marie (cat. 1, 11, 12, 31, 47), Élisabeth Mège (cat. 27), Auguste Ozenfant (cat. 14), Émile Peyre (cat. 6), Henri Rachou et Henri Imart-Rachou (cat. 2), Édouard et Suzanne Salin (cat. 7), Jacques Siegfried (cat. 28), François-Achille Wasset (cat. 22-23, 36), auxquels se joint la Société des Amis du Louvre (cat. 37). À ces dons généreux s’ajoutent les acquisitions onéreuses, auxquelles nous avons pu parfois contribuer en signalant leur opportunité. Les collections des musées de France apparaissent ainsi riches en témoins éclairants de la sculpture souabe de la fin du Moyen Âge.
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La Souabe et ses sculpteurs De l’arbre à la sculpture L’image sculptée
La Souabe et ses sculpteurs
Vue de la France, la Souabe (Schwaben) peut faire figure de contrée évanescente. Région historique de l’Allemagne, duché de Souabe du x e au xiii e siècle, elle est aujourd’hui dans l’ombre des deux Länder (États-régions) entre lesquels elle est partagée, le Bade-Wurtemberg et la Bavière. Souabe ne désigne plus que l’un des districts du Land de Bavière, recouvrant une petite portion seulement de l’ancien territoire souabe (fig. 1, 2, 3). Notre étude n’envisage pas l’ensemble de ce territoire, elle ne retient que les principaux foyers artistiques souabes de la fin du Moyen Âge localisés dans ce district bavarois et une grande part du quart sud-est du Land du Bade-Wurtemberg, comprenant à la fois les reliefs du Jura souabe (Schwäbische Alb), le Ries, et la zone située au sud du Danube jusqu’au lac de Constance et les Alpes de l’Allgäu. Le nom de la Souabe vient du peuple des Suèves, qui s’établit parmi les populations des Alamans mentionnées au iii e siècle dans le sud-ouest de l’actuelle Allemagne. Au temps du royaume de Germanie puis des débuts du Saint Empire, le duché de Souabe affirme sa puissance et son importance territoriale. Concédé à la famille des Staufen en 1079, le duché disparaît en 1268 lors de l’extinction de la lignée. Son plus illustre représentant fut le duc de Souabe et empereur Frédéric I er « Barberousse ». Si la dignité ducale s’efface au xiii e siècle, le sentiment de l’appartenance au « pays de Souabe » (Land Schwaben), dont l’empereur est le seigneur, demeure très présent 1, tandis que s’affermit l’idée d’une nation germanique incarnée dans le Saint Empire, et la maison des Habsbourg à partir du xv e siècle.
l’ e s s o r d e s v i l l e s s o ua b e s Dans une Souabe morcelée en multiples territoires sous la tutelle des pouvoirs locaux, laïcs ou ecclésiastiques, les nombreuses cités cherchent à préserver leur autonomie et à se pro téger des désirs d’expansion des seigneurs. Beaucoup sont villes d’Empire (Reichstädte) ou villes libres (Freie Städte), elles relèvent donc directement de l’empereur, telles Ulm, Augsbourg, Biberach, Memmingen, Kaufbeuren ou Kempten, et jouent un rôle majeur dans la vie économique et artistique de la Souabe. Au xiv e siècle, les cités s’unissent dans une première ligue en 1331, puis en 1376 forment
1 Graf, 1997. 2 Roth, 1997 ; Specker, 1993, p. 52 ; Presuhn, 2004a. 3 Specker, 1993 ; Specker, 1997. 4 Weilandt, 1993a ; Reuter, 2004 ; Presuhn, 2004b.
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la « Ligue des villes souabes » (Schwäbischer Städtebund), au sein de laquelle Ulm tient une position dominante. La ligue s’achève en 1388 par une sévère défaite qui marque la fin des tentatives des villes de peser véritablement dans le gouvernement de l’Empire. s e s
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fig. 1 Le duché de Souabe vers l’an 1000 fig. 2 Les « cercles » d’Empire en 1512
fig. 1
fig. 2
Le programme du décor sculpté des façades de l’hôtel de ville d’Ulm (vers 1423-1433) manifeste publiquement le statut de ville impériale et la prééminence politique de la cité, réaffirmée lors de la création en 1488 de la « Grande ligue de Souabe » (Schwäbischer Bund) 2. À Ulm se tiennent la plupart des réunions de la ligue qui rassemble princes, chevaliers, prélats et une vingtaine de villes souabes. En 1512, l’Allemagne est divisée en dix « cercles » d’Empire parmi lesquels celui de Souabe (Schwäbischer Reichskreis) qui est constitué des villes libres et de nombreuses principautés ou seigneuries ecclésiastiques et laïques, en particulier l’évêché d’Augsbourg et le duché de Wurtemberg. Aux côtés de Strasbourg, Francfort, Nuremberg et Augsbourg, Ulm apparaît ainsi au xv e siècle comme l’une des plus importantes villes impériales (fig. 4) 3. Lieu d’échanges favorablement situé sur le Danube et au croisement de routes commerciales, centre actif de productions textiles et artisanales, la cité rivalise en prospérité avec Augsbourg, l’autre métropole souabe. À Ulm, ainsi que dans la plupart des petites villes souabes, l’essor économique se fonde principalement sur les métiers artisanaux, alors qu’Augsbourg privilégie les activités financières et le commerce lointain. Au xvi e siècle, Ulm se trouve devancée par Augsbourg, forte de l’alliance entre son puissant banquier Jakob Fugger (1459-1525) et le pouvoir impérial.
structures urbaines et organisation des métiers Ces florissantes cités souabes offrent le cadre propice à l’épanouissement de la production artistique, étroitement reliée aux structures de la société urbaine et aux institutions de chaque ville. Le cas d’Ulm est exemplaire à cet égard 4. Comme dans les autres villes allemandes, la société se partage en trois groupes principaux et le pouvoir est exercé par un Conseil (Rat). Face aux anciennes familles patriciennes 19
fig. 3 Les Länder de l’Allemagne actuelle, le district de Souabe inclus dans le Land de Bavière
fig. 3
d’Ulm, les plus élevées dans la hiérarchie sociale, s’impose à partir du xiv e siècle la catégorie de ceux qui exercent un métier, marchands et artisans regroupés en « corporations »
5 Les corporations portent différents noms au Moyen Âge. En Europe du Nord, on disait guilde, ou gilde ; en français, on utilisait les mots métier, corps de métier, communauté, maîtrise jurande. Le mot « corporation » (du latin médiéval corporari, « former en corps ») n’est employé en français qu’à partir du xviii e siècle, souvent au sens général de « corps à statut juridique » mais déjà en l’appliquant aux métiers. Le mot est donc anachronique par rapport à ce qu’il désigne. Dictionnaire historique, 1992, 1, p. 500, 931. Nous choisissons néanmoins d’utiliser le mot corporation pour plus de clarté, car il permet d’éviter la confusion entre les deux sens de métier. Sur le métier de sculpteur et les corporations en Allemagne : Huth, 1967, p. 5-22. 6 Pfeil, Weilandt, 1993a. 7 Rott, 1934, p. 73-75. 8 Otto, 1943b, p. 92-93 ; Müller, 1956, p. 92-93. 9 Wagini, 1995, p. 18-19.
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(Zünfte) 5. Patriciens et membres des corporations ont le statut de bourgeois (Bürger), paient des impôts et participent au Conseil, alors que le troisième groupe formé par le restant des habitants de la cité, notamment les pauvres, les immigrés, les servantes ou les valets, n’est pas pleinement intégré juridiquement. L’exercice d’un métier va toujours de pair avec l’appartenance à une corporation, association qui réglemente la profession et en défend les intérêts. Les corporations sont au nombre de dix-sept à Ulm et chacune est représentée par son chef (Zunftmeister) au Conseil de la ville en 1345. La révision de la Constitution en 1397 leur donne un poids plus grand dans le gouvernement de la cité en accroissant leur représentativité au Grand Conseil (Grosser Rat) au détriment des patriciens. À Ulm, les sculpteurs comme les peintres sont affiliés à la corporation des marchands (Kramerzunft) qui forme un assemblage composite de nombreux métiers différents. Elle se subdivise en sept groupes, les Rotten, qui associent des métiers apparentés et peuvent varier s c u l p t e u r s
en composition. À la fin du xv e siècle, les peintres, sculpteurs, brodeurs et peintres-verriers sont réunis dans une même Rotte. En dehors du cadre corporatif, ils sont en outre membres d’une confrérie qui entretient un autel dédié à saint Luc, patron des peintres, dans l’église du couvent des chanoines augustins zu den Wengen à Ulm 6. Les statuts de la corporation des marchands du 25 avril 1496 7 contiennent des prescriptions particulières réglementant le métier de sculpteur – et de peintre –, qui offrent quelques précieux renseignements sur les apprentis (dits « lernknaben »), les compagnons (Gesellen), les maîtres et leurs ateliers. Le temps d’apprentissage est de quatre ans moyennant paiement des frais de formation, sinon de six ans. L’âge du début de l’apprentissage n’est pas spécifié mais doit être d’environ treize ans par comparaison avec d’autres métiers. Le nombre des apprentis est limité à deux dans un même atelier, mais celui des compagnons est laissé libre. Devenu compagnon, le sculpteur entreprend en général un voyage de compagnonnage, mais il n’en est pas fait mention à Ulm, ni de la durée du compagnonnage, ni de la réalisation d’un chef-d’œuvre donnant accès à la maîtrise. Certains n’y parviennent sans doute jamais et demeurent des compagnons salariés. Pour devenir maître, il faut en effet être bourgeois d’Ulm et posséder son propre atelier, selon les statuts corporatifs qui veulent limiter l’installation d’artisans étrangers. Ces conditions sont plus aisées à remplir lorsque le sculpteur reçoit de naissance le droit de bourgeoisie et acquiert un atelier par héritage ou par mariage. L’apprentissage et la transmission du métier se font ainsi souvent dans le cadre familial. Gregor Erhart se forme selon toute vraisemblance à Ulm auprès de son père Michel, avant de s’établir à Augsbourg où il assure probablement la formation de son fils Paulus auquel il transfère son atelier en 1531 8. L’âge requis pour accéder à la maîtrise n’est pas précisé dans les textes ulmiens. Il oscille sans doute autour de vingt-cinq ans comme le suggère l’exemple de Daniel Mauch né en 1477, qui fonde vraisemblablement son atelier en 1503, à l’époque de son mariage 9. Le nombre des sculpteurs œuvrant dans un atelier est souvent difficile à évaluer et paraît s’adapter à l’évolution du marché. Nous imaginons que, dans certains ateliers, le maître n’est secondé que par un, voire deux compagnons, et forme un seul apprenti à la fois. Les sources citent ainsi, auprès de Gregor Erhart à Augsbourg, un compagnon (Geselle) en 1507, un valet (Knecht) en 1497 et 1507-1508, et cinq apprentis sur une durée de vingt-cinq ans, 21
fig. 4 hartmann schedel Liber chronicarum (Livre des chroniques) 1493 la ville d’Ulm vue depuis le sud Ulm, Stadtarchiv
fig. 4
de 1498 à 1423 10. Dans d’autres cas, des ateliers très sollicités semblent importants numériquement, tel celui de Niclaus Weckmann dont le nombre présumé de compagnons (environ cinq en 1517) décline néanmoins vers la fin des années 1520 en fonction de la baisse des commandes à l’approche de la Réforme 11. Une réglementation comparable à celle d’Ulm, permettant de contrôler l’activité des
10 Otto, 1943b, p. 92-93. 11 Weilandt, 1993c, p. 384. Sur la Réforme à Ulm et la question des images voir Litz, 2007, p. 91-132. 12 Rott, 1933 (Quellen), p. 184. 13 Rott, 1934, p. 133. 14 Voir ci-dessous « Memmingen et l’Allgäu vers 1480-1510. Sculpteurs de l’atelier des Strigel et divers ateliers ». 15 Müller, 1956, p. 31-32 (sur la situation financière de Gregor Erhart).
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ateliers et d’entraver la concurrence extérieure, est attestée dans d’autres villes souabes, par exemple à Biberach en Haute-Souabe. Venu de Memmingen, le sculpteur Michael Zeynsler s’établit à Biberach en 1515 et n’acquiert le droit de bourgeoisie qu’en 1523. Entretemps, le Conseil de la ville l’autorise à exercer son métier mais lui interdit de faire œuvre de menuisier, limitant ainsi sa production en l’empêchant notamment de réaliser des retables 12. Comme à Ulm également, les représentants des corporations participent au s c u l p t e u r s
gouvernement de leur cité, tel le sculpteur Jörg Lederer, membre du Conseil de Kaufb euren, qui fait partie de la délégation qui accueille en 1531 le roi Ferdinand I er, frère de l’empereur Charles Quint 13. L’organisation des métiers soutient ainsi le développement artistique des centres urbains. Les ateliers des sculpteurs et des peintres prennent partout une part active à l’essor économique et commercial, formant parfois de petites entreprises prospères aptes à satisfaire la forte demande de retables et à exporter au loin leurs productions. Plusieurs ateliers de la Souabe méridionale diffusent leurs ouvrages en Suisse, en Autriche ou au-delà des Alpes, comme celui d’Ivo Strigel depuis Memmingen 14. Pour autant, l’aisance matérielle des sculpteurs – ils possèdent en général leur maison qui abrite leur atelier – paraît relative par rapport à la richesse d’autres catégories professionnelles comme celle des marchands 15. 23
fig. 7
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fig. 8 Sculptures attribuées à michel erhart et son atelier, peintures attribuées à l’atelier de bartholomäus zeitblom et à bernhard strigel Retable du maître-autel 1493-1494 fermé : Scènes de la Passion du Christ Blaubeuren, ancienne abbatiale Saint-Jean-Baptiste
fig. 8
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De l’arbre à la sculpture
L’arbre et la forêt appartenaient à l’environnement immédiat de l’homme médiéval. Le bois, partout présent dans la vie quotidienne, l’habitat, le mobilier, les outils et objets domestiques, fournissait aussi l’un des principaux matériaux de la sculpture. Aujourd’hui, devant une sculpture achevée, soigneusement taillée et polychromée, nous cherchons à imaginer la pièce de bois brut dont l’œuvre est née, et à restituer le fascinant processus de transformation de l’arbre vivant en forme sculptée émergeant peu à peu de la matière. Bois, polychromie et techniques d’exécution des sculptures allemandes de la fin du Moyen Âge ont fait l’objet de recherches fondamentales ces dernières décennies, spécialement au sujet des ateliers d’Ulm et de la Souabe 1. L’étude technique détaillée des cinquante sculptures de notre catalogue s’appuie sur les publications de nos collègues, confirme leurs observations et apporte des compléments inédits. Elle s’inscrit dans le cadre d’un important programme d’analyses mené par le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) et s’enrichit des contributions des restaurateurs des œuvres 2.
le bois Plusieurs études ont porté sur l’identification du bois des sculptures médiévales allemandes 3. Elles rendent compte de la diversité des bois utilisés du xi e au milieu du xv e siècle dans la moitié sud de l’Empire : bois feuillus (aulne, peuplier, tilleul, érable, noyer, chêne) ou bois résineux (épicéa, pins de diverses espèces). Après le milieu du xv e siècle en revanche, le bois de tilleul apparaît comme le matériau privilégié des sculpteurs de l’Alle 1 Voir principalement exp. Stuttgart, 1993 ; exp. Ulm, 1997 ; exp. Ulm, 2002 ; exp. Ulm, 2009. 2 Nos remerciements renouvelés aux chercheurs et aux restaurateurs qui nous ont transmis les résultats de leurs travaux, et plus particulièrement à Juliette Lévy-Hinstin pour ses conseils et ses relectures attentives. 3 Tenge-Rietberg, 1984 ; Serentschy, 1989 ; Wyer, Schoch, 2004 ; Schoch, Werdmüller, 2007 ; Ravaud, Guillot de Suduiraut, 2009 ; Gasser, Simon-Muscheid, Fretz, 2011, 1, p. 40. Voir aussi les résultats de la campagne d’analyse menée dans les années 2000 par Elisabeth Krebs et Andrea Wähning sur les sculptures de l’Allemagne du Sud-Ouest (1000-1550). 4 Hahn, 1997, p. 187-188 ; Popp, 2002, p. 212.
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magne méridionale, notamment en Souabe. Le tilleul Le bois de tilleul supplante ainsi peu à peu le saule, qui était en Souabe principalement utilisé dans l’atelier et l’entourage de Hans Multscher 4. Les premières sculptures de notre catalogue témoignent de ce changement, tel le Christ des Rameaux (cat. 3) qui est taillé dans une pièce de tilleul mais montre aussi une planche de saule (Salix) rapportée au revers du buste pour refermer la partie évidée. La prééminence du tilleul en Souabe à partir des années 1460-1470 est parfaitement illustrée par l’ensemble des sculptures du catalogue. Pour la plupart, le bois de tilleul a pu
fig. 1 Tilleuls au monastère de P edklá terí en Moravie (République tchèque)
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fig. 2 Tronc de tilleul
fig. 2
être identifié précisément selon des méthodes scientifiques. Seul un petit nombre n’a pu être analysé, surtout pour des raisons d’état de conservation ou d’impossibilité de prélever sans risque. Dans ce cas, l’étude visuelle a permis de reconnaître un bois feuillu de couleur claire. Il est aisé de comprendre les raisons de cette prédilection pour le tilleul (Tilia) 5. Ornement des villes et des villages, symbole d’amour et de fidélité, l’arbre familier n’était pas seulement apprécié pour sa beauté, son ample frondaison, ses fleurs odorantes et apaisantes ou la douceur de son ombrage chantée par les poètes 6 (fig. 1). Le tilleul était aussi très recherché pour son bois, dont les propriétés physiques convenaient excellemment à la sculpture et à ses diverses destinations. De structure homogène, le bois de tilleul présente des cernes de croissance (accroissements annuels concentriques) et des rayons médullaires (cellules alignées dans le sens 5 Genre Tilia (famille des Tiliaceae), comprenant plusieurs espèces parmi lesquelles trois devaient être présentes en Europe au Moyen Âge : le tilleul à petites feuilles (Tilia cordata), le tilleul à grandes feuilles (Tilia platyphyllos), et un hybride, le tilleul commun (Tilia x vulgaris ou europaea) ; arbres pouvant atteindre une trentaine de mètres et vivre plusieurs siècles, ils sont fréquemment plantés ou croissent à l’état sauvage. Voir notamment Lieutaghi, 2004, p. 1230-1243. 6 D er Lindenbaum, le lied de Franz Schubert (1827, Winterreise) sur le texte de Wilhelm Müller est la plus haute expression de cette douceur apaisante. 7 Épicéa commun, genre Picea abies (famille des Pinaceae) ; cet épicéa est souvent nommé erronément sapin. 8 Heberle, 2002, p. 164. 9 Weilandt, 1996, p. 441-442, 456-458. 10 Gropp, 1999, p. 53-54. 11 Westhoff, Weilandt, 1993, p. 245-248.
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radial) peu perceptibles ou invisibles. L’aubier (couches de bois les plus récentes, proches de l’écorce) ne se distingue pas du duramen ou bois parfait (couches internes plus dures où l’aubier s’est transformé) ; la couleur claire du bois, allant du blanc au jaunâtre, est uniforme (fig. 2). La faible densité du tilleul le classe parmi les bois tendres et légers. Agréable à travailler, il peut se tailler en tous sens, permet une coupe franche, une sculpture très fine et un beau poli. Des pièces de bois de grandes dimensions peuvent être débitées à partir du tronc de l’arbre, qui s’élève droit, régulièrement, et prend de belles proportions en quelques décennies. La légèreté du bois de tilleul était en outre appropriée à la fonction des sculptures présentées dans un retable d’autel et ne nécessitant pas de résister à de fortes contraintes. D’autres bois plus robustes étaient choisis pour les parties structurelles des retables ou pour le mobilier.
fig. 3 Épicéas dans les Alpes de l’Allgäu
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Bois résineux, chêne Alors que les éléments sculptés du retable – grandes figures, reliefs, statuettes et feuillages décoratifs – sont en tilleul, le bâti de la caisse, de la prédelle et des volets est formé de planches de bois résineux, en Souabe généralement de l’épicéa (Picea abies ; fig. 3) 7. L’exemple du retable de Morissen (cat. 16) montre ici l’emploi conjoint de ces deux essences, conformément aux usages des ateliers souabes. Néanmoins le pin (Pinus) et le chêne (Quercus) s’ajoutent à l’épicéa dans les parties structurelles du retable de Blaubeuren 8 et quatre bois différents (chêne, épicéa, peuplier, aulne) sont mentionnés dans le contrat de 1474 pour le retable de la collégiale d’Ulm (détruit en 1531) 9. Des œuvres utilisées lors de processions comme les statues du Christ des Rameaux associent également le tilleul, pour la figure sculptée du Christ, à l’épicéa pour l’âne et le chariot requérant davantage de robustesse (cat. 37 : seule la partie arrière de l’âne est en épicéa). Sauf exception, le bois de chêne n’était pas utilisé pour les sculptures des retables. Dense et solide, il était réservé au mobilier, en particulier aux stalles des églises 10.
L’ a p p r o v i s i o n n e m e n t d e s a t e l i e r s s o u a b e s Selon l’étude de Hans Westhoff et Gerhard Weilandt 11, le tilleul et l’épicéa étaient d’origine locale ou régionale. Le tilleul, qui croît aisément dans les régions de climat tempéré, provenait vraisemblablement des proches environs des centres urbains où œuvraient les sculpteurs. L’épicéa, arbre des régions montagneuses, était présent sur les hauteurs modérées de la Haute-Souabe et les contreforts alpins de l’Allgäu. Le transport se faisait surtout par voie d’eau, ou encore par charroi. La fourniture d’épicéa originaire de l’Allgäu est attestée pour la ville d’Ulm, dont le Conseil assurait le contrôle du commerce du bois. Après l’abattage des arbres en hiver, 39
L’image sculptée
Dans le monde chrétien de la fin du Moyen Âge où l’image religieuse est omniprésente, l’espace est habité par des milliers de sculptures, partout visibles dans les églises, chapelles et cimetières, édifices publics et intérieurs privés, dans les villes et les villages, au bord des routes et des chemins. Les images disent la piété intense des hommes du temps et s’accordent aux nouvelles formes de dévotion en résonance avec l’évolution de la pensée religieuse et de la société. Les œuvres souabes de ce catalogue en proposent autant d’exemples, qui nous permettent de présenter quelques réflexions à l’appui des études fondamentales consacrées aux images médiévales 1.
prier devant les images Les dévots recherchent une relation intime et directe avec le divin, transmise sans l’intermédiaire de rites liturgiques ou de connaissances théologiques complexes. La dévotion dite moderne (Devotio moderna) implique ainsi la méditation personnelle devant une image pour accéder à l’expérience spirituelle, qui peut mener jusqu’à l’union mystique de l’âme à Dieu 2. Sculpture, peinture, objet précieux ou simple feuille gravée, l’image de dévotion de petites dimensions et aisément transportable offre un support à la prière individuelle dans un cadre privé (fig. 1). Les nouvelles pratiques dévotionnelles suscitent la création de nombreux petits retables à volets, qui miniaturisent la structure des grands ensembles placés sur les autels des églises 3. Le Retable de sainte Anne trinitaire conservé à Colmar (cat. 32) en offre un témoignage de qualité. Son iconographie a sans doute été choisie par son propriétaire que l’on imagine priant et méditant devant les images de son retable, principalement celles de 1 Parmi les nombreuses publications sur les images
religieuses médiévales, citons notamment Wirth, 1989 ; Belting, 1998a ; Belting, 1998b ; Kessler, Spieser, Wolf, Poilpré, 2009 ; exp. Berne, Strasbourg, 2001 ; Wirth, 2011. 2 Voir notamment Belting, 1998b, p. 555-559 ; exp. Bruxelles, 1994, p. 31-41, 86-91 ; Tripps, 2001. 3 Exp. Nuremberg, 2000, p. 217-231 ; exp. Karlsruhe, 2001-2002, p. 349-361. 4 Voir notamment exp. Freising, 2012-2013. 5 Oberschwäbische Elektrizitätswerke (inv. OEW 0230) ; h . 0,375 ; l . 0.16 ; p . 0,12. Exp. Achberg, 1998, n o 113, p. 144-145. 6 Exp. Berne, Strasbourg, 2001, p. 114, 441.
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sainte Anne, de la Vierge et de son fils Jésus, candide figure enfantine, dont l’air mélancolique suggère la prescience du supplice sur la croix (fig. 2). Des statuettes autonomes de l’Enfant Jésus bénissant étaient conçues pour ces mêmes fonctions dévotionnelles et particulièrement vénérées dans les couvents féminins 4. Les religieuses pouvaient en prendre soin, les berçant et les étreignant, les habillant de vêtements et de parures précieuses. Le type iconographique présente Jésus comme un très jeune garçonnet, dont la totale nudité et les formes rebondies soulignent la nature humaine en référence au mystère de l’Incarnation. L’Enfant divin apparaît souvent en Sauveur du
fig. 1 brixen, maître du portrait angrer Un religieux priant devant un Christ en croix 1519 inscriptions sur le phylactère : « O iesu sis mihi iesus » (Ô Jésus sois pour moi Jésus) et « anno Etatis 54 » (en sa 54 e année) Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum
fig. 1
monde tenant l’orbe, comme l’Enfant Jésus attribué à un sculpteur de Memmingen vers 1490 (fig. 3, 4) 5. Son aspect enfantin incite le dévot à l’humilité, la joie innocente exprimée par son sourire, à l’apaisement et la confiance dans la promesse du salut. Ces images très prisées de l’Enfant Jésus nu ont été vivement critiquées par les moralistes, tel Johannes Geiler, prédicateur à la cathédrale de Strasbourg, qui dans un célèbre sermon accuse les religieuses de désirer des Enfants Jésus impudiques 6. Sur les autels des églises ou dans l’intimité domestique, l’image sculptée doit ainsi satisfaire au désir du pieux spectateur de prêter aux personnes saintes et divines des sentiments humains qu’il peut partager : par exemple l’indulgence paternelle de Joseph envers l’Enfant Jésus (cat. 36 ; fig. 6), la tendresse rêveuse ou attristée de Marie (cat. 28), la douleur du Christ lors de la Passion, leçon de résignation et d’espoir. La prière du croyant et sa foi en la Rédemption finale font écho à l’image de la prière angoissée du Christ au mont des Oliviers dont le sacrifice sauvera l’humanité (cat. 10 ; fig. 5). 77
fig. 2 entourage de daniel mauch Retable de sainte Anne t r i n i t a i r e [cat. 32] vers 1510-1515 l’Enfant Jésus Colmar, musée Unterlinden
fig. 3, 4 allgäu L’ E n f a n t J é s u s vers 1490-1500 face et revers Collection Oberschwäbische Elektrizitätswerke (OEW)
fig. 5 atelier de niclaus weckmann L e C h r i s t e n p r i è r e [cat. 10] vers 1514 détail Paris, musée du Louvre, département des Sculptures
fig. 6 attribuée à lux maurus L a S a i n t e F a m i l l e [cat. 36] vers 1510-1520 l’Enfant Jésus et Joseph Paris, musée de Cluny – musée national du Moyen Âge
fig. 3
fig. 4
rendre visible le divin Pour répondre à cette nouvelle sensibilité religieuse sont créées des images qui donnent une dimension réelle aux récits et personnages sacrés, une forme visuelle aux grands mystères de la foi chrétienne. De nouveaux moyens plastiques et picturaux servent cette accentuation du caractère véridique des sculptures, qu’elles soient destinées à la sphère privée ou à l’espace public du culte, aux laïcs ou aux clercs. L’attachement au réel ne se résume pas au goût du concret de bourgeois enrichis privilégiant les valeurs matérielles, mais touche de larges couches de la société civile et religieuse, des plus élevées aux plus modestes, ouvertes aux nouvelles pratiques de dévotion. Les formes sculptées en volume et leur polychromie, les vêtements et les détails familiers, les corps dévoilés et les visages expressifs cherchent à créer l’illusion de la vie. L’échelle monumentale de sculptures en ronde bosse ou en fort volume, comme la Sainte Marie Madeleine (cat. 50) ou le Christ en prière (cat. 10), les notations pittoresques dans les scènes de la Nativité (cat. 11, 38) et du martyre de saints (cat. 46, 47), ou les pleurs de la Vierge et de saint Jean au pied de la croix (cat. 7, 22-23) contribuent à faire descendre sur terre le monde divin. La description minutieuse du costume et des accessoires s’appuie sur des éléments pris dans la réalité. Élégantes robes de soie et volumineuses coiffures féminines à la mode (cat. 2, 21, 40 ; fig. 7), manteaux plissés, chausses collantes masculines et grands cols de fourrure (cat. 39, 46, 47), habits ecclésiastiques, calices, livres et chapelets (cat. 21, 26, 27), aident à définir et à identifier les figures représentées. Les codes vestimentaires en usage se fondent sur un principe général : dans les images religieuses comme dans la société réelle, les habits luxueux signifient l’appartenance aux plus hautes catégories. Représenter une figure sainte ou divine richement parée, c’est exalter sa majesté et son pouvoir, et ainsi la placer dans la sphère céleste. En même temps, sug-
7 Voir notamment, Guillot de Suduiraut, 2015. 8 Voir ci-dessus « De l’arbre à la sculpture ».
78
l ’ i m a g e
s c u l p t é e
gérer la matérialité du costume et la présence du corps sous l’étoffe, c’est rendre sensible l’humanité du personnage, dès lors rapproché du dévot qui le contemple 7.
fig. 16
85
C ATA L O G U E
La sculpture souabe vers 1460–1500 La sculpture souabe vers 1480–1525 La sculpture en Souabe méridionale vers 1510–1530 D’Ulm à Augsbourg. Gregor Erhart
La sculpture souabe vers 1460-1500 Introduction De Maître Hartmann à Hans Multscher La sculpture souabe du début du xv e siècle s’appréhende dans le contexte européen du gothique dit « international », selon l’expression discutée, souvent appliquée à l’art de l’Europe autour de 1400 1. La formule permet de souligner le caractère unitaire d’un langage répandu par-delà les frontières des États. Ses traits communs se fondent sur le goût de la ligne fluide et du drapé souple, de l’élégance courtoise et de la préciosité irréelle, qu’accompagnent une recherche de mouvement et de densité plastique, une attention croissante au détail réel et au visage humain. Les échanges fréquents entre les grands centres européens, les liens étroits entre les commanditaires et la mobilité des artistes ou des œuvres favorisent la circulation des formes et des modèles. En parallèle aux foyers artistiques français, Prague et l’art des Parler contribuent à l’élaboration et à la diffusion des nouvelles conceptions formelles dans le monde germanique. La même langue s’exprime avec des accents divers selon les pays de l’Allemagne. Le gothique international, dit encore Weicher Stil (style doux), ne s’y réduit pas à un style unique, mais se dissémine en multiples variantes stylistiques unies par une esthétique et un vocabulaire communs. Les divers types de « Belles Madones » bohémiennes (Schöne Madonnen), aux amples drapés moelleux et aux doux visages 1 Sur le concept de gothique international, voir principalement Tomasi, 2006 (avec bibliographie exhaustive) ; Antoine, Le Pogam, 2012. 2 Exp. Ulm, 1997, p. 53-60. 3 Stuttgart, Landesmuseum Württemberg (inv. 14230) ; figures de la caisse : Vierge à l’Enfant, h . 0,87 ; Sainte Barbe, Sainte Catherine, h . 0,80. Meurer, Lichte, Krebs, Hahn, 2003 ; Lichte, Meurer, 2007, n o 10, p. 31-38. 4 Sur le concept de gothique tardif, voir principalement Bialostocki, 1968. 5 Voir notamment Tripps, 1969 ; exp. Leutkirch, 1993 ; exp. Ulm, 1997. 6 Exp. Ulm, 1997, p. 87-102, n o 14 A-E , p. 283-299 ; Schädler, 1998a, p. 35-40. 7 Exp. Ulm, 1997, n o 15, p. 300-302 (Christ), p. 109-143, n o 17, p. 306-311 (retable Karg) ; Schädler, 1998a, p. 40-44. 8 Exp. Ulm, 1997, n o 16, p. 302-306 ; Schädler, 1998a, p. 44-45. 9 Söding, 1989 ; Söding, 1991a ; exp. Ulm, 1997, p. 376-390, n os 43-47.
90
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gracieux, sont ainsi transcrits avec des nuances propres à chaque région. En Souabe, une tonalité particulière s’affirme dans les sculptures de Maître Hartmann. Mentionné à Ulm de 1417 à 1430, Hartmann travaille, au sein de la loge, au décor sculpté de la façade occidentale de la collégiale et, dans le même temps, il dirige un atelier indépendant où sont réalisées des œuvres en bois 2. Attribuées à cet atelier, la Vierge à l’Enfant et les deux saintes de la caisse du retable de Dornstadt (daté de 1417 ; fig. 1) 3 livrent une interprétation personnelle du répertoire formel des années 1400. Tandis que les Belles Madones de l’Europe centrale exagèrent le mouvement des corps et l’ampleur des étoffes, les minces silhouettes sinueuses des trois figures du retable s’enveloppent de drapés peu volumineux qui forment des courbes douces, des ondulations décoratives et de longs plis coulant jusqu’au sol. Leurs petites têtes délicates s’inclinent vers une épaule, leurs visages juvéniles, aux traits menus, s’arrondissent sous la masse gonflée de la chevelure détaillée en surface. Les volets peints du retable, attribués à un atelier d’Ulm, appartiennent à la même phase stylistique. Le style de Maître Hartmann connaît 1 4 6 0 - 1 5 0 0
un large écho dans les années 1420, à Ulm ainsi qu’en Haute-Souabe et dans la région du lac de Constance. Le mouvement général des arts s’infléchit dès les années 1430 et mène vers un profond renouvellement stylistique, qui domine la seconde moitié du xv e siècle et se poursuit au début du suivant : cet art de la fin du Moyen Âge, en parallèle à l’art de l’Italie de la Renaissance, a reçu des noms divers et des limites chronologiques fluctuantes. Les historiens de l’art allemands le nomment généralement « gothique
fig. 1 attribuées à l’atelier de maître hartmann Sainte Barbe, La Vierge à l’Enfant, Sainte Catherine retable provenant de Dornstadt 1417 Stuttgart, Landesmuseum Württemberg
tardif » (Spätgotik), sans nulle connotation péjorative, et lui donnent pour terme en terre germanique la Réforme et les actes iconoclastes autour de 1530 4. En Souabe, les changements s’accomplissent d’abord dans l’œuvre d’un artiste majeur, Hans Multscher (Reichenhofen, vers 1400 – Ulm, 1467) 5. Bourgeois d’Ulm en 1427, maître très réputé, il réalise d’importantes commandes pour l’hôtel de ville (décor de la fenêtre est, vers 1427) 6 et la collégiale d’Ulm (Christ de douleur, 1429 ; « retable Karg », signé, daté de 1433) 7, pour des commanditaires de haut rang (modèle du tombeau du duc de Bavière-Ingolstadt, 1430) 8, pour des églises de Souabe et d’autres régions. De 1456 à 1458, Multscher exécute avec son atelier le retable de l’église de Sterzing dans le Tyrol du Sud (aujourd’hui Vipiteno, Alto Adige, Italie), qu’il installe sur place jusqu’en 1459 9.
fig. 1
91
Ulm. L’héritage de Hans Multscher 1 Sur les sources : Weilandt, 2002. 2 Voir notamment Gropp, 1997 ; exp. Ulm, 1997, n os 55a-e, 56a-c, p. 406-413. 3 Deutsch, 1977 ; Rommé, 1990 ; Gropp, 1999 ; Miller, 2002 ; xp. Ulm, 2002, n os 5, 7, p. 239, 242-243. 4 Deutsch, 1977 ; Gropp, 2002a. Projet dessiné du retable, Stuttgart, Landesmuseum Württemberg (inv. E 743) ; encre sur parchemin ; h . 2,31 ; l . 0,81. SchneckenburgerBroschek, 2002 ; exp. Ulm, 2002, n o 15, p. 255-256. 5 Otto, 1943a, p. 25-31 ; Deutsch, 1977, p. 305-308 ; Gropp, 1999, p. 132-134 ; Miller, 2002. Voir aussi ci-dessous « Ulm. Michel Erhart, son atelier et son entourage ». 6 Ulm, Ulmer Museum (inv. AV 1231 ; inv. 1926. 547). Gropp, 2002b ; exp. Ulm, 2002, n os 1, 3, p. 232-233, 235-237. 7 Rommé, 2002. Trois figures de chevaliers provenant de la fontaine : Ulm, Ulmer Museum (inv. 1910.2644 A-C ) ; pierre, h . 1,06 à 1,095. Exp. Ulm, 2002, n o 30 a-c, p. 288-290. 8 Deutsch, 1977, p. 288-292, 310-319. 9 Gropp, 1999, p. 131-132, 138-144 ; Meurer, 2002b, p. 165-166 ; Roller, 2002a, p. 86-87 ; Roth, 2002, p. 6-10. 10 Maselheim-Heggbach, ancienne église abbatiale ; h . 1,41 ; l . 0,45 ; p . 0,28. Voir notamment exp. Ulm, 2002, n o 10, p. 246-247. 11 Tiefenbronn, église Sainte-Marie-Madeleine ; dans la caisse ( h . 3,85 ; l . 3,05) : Descente de Croix, h . 1,60 ; l . 1,55 ; Sainte Femme, h . 1,35 ; Sainte Marie Madeleine, h . 1,33 (entourant une Vierge de pitié du début du x v e siècle) ; Sainte Catherine, h . 1,37 ; Sainte Dorothée, h . 1,40 ; Saint Jean Baptiste, h . 1,245 ; Saint Jean l’Évangéliste, h . 1,26 ; au couronnement : Christ en croix, h . 1,25 environ ; Vierge et Saint Jean, h . 1,05 environ ; polychromie renouvelée en 1870. Exp. Ulm, 1997, n o 57 a-b, p. 414-416 (Saint Jean Baptiste et Saint Jean l’Évangéliste) ; Gropp, 2002a, p. 72-74 ; exp. Ulm, 2002, n o 6 a-b, p. 240-242 (Sainte Femme et Sainte Marie Madeleine) ; Miller, 2004a, n o 34, p. 69. 12 Rott, 1934, p. XV - XVI , 55-56 ; Weilandt, 1991, p. 37, note 4 ; Scholz, 1994, p. 124-133 ; Miller, 2004a. 13 Miller, 2004a, p. 33. 14 Lorch, ancienne église abbatiale ; h . 1,85. Scholz, 1994, p. 127-132 ; Miller, 2004a, n o 14, p. 66. 15 Ulm, collégiale ; Melchisédec, h . 1,235 ; Élie, h . 1,23 ; Salomon, h . 0,98 ; Tobie, h . 1,01 ; Jésus Ben Sira, h . 0,98. Exp. Ulm, 1997, n os 55a-e, p. 406-411 ; Miller, 2004a, n o 35, p. 69-70. 16 Würzburg, Mainfränkisches Museum (inv. A 32 710) ; h . 0,745 ; l . 0,33 ; p . 0,22. Miller, 2004a, n o 52, p. 71. 17 Munich, Bayerisches Nationalmuseum (inv. MA 1273) ; h . 0,87 ; l . 0,30 ; p . 0,21. Graf, 1896, n o 640, p. 40 ; Miller, 2004a, n o 52, p. 71. 18 Ringschnait, église Notre-Dame-de-l’Assomption ; h . 1,10 ; l . 0,53 ; p . 0,26. Miller, 2004a, n o 28, p. 68. 19 D eux anges agenouillés porteurs de candélabres, ancienne collection Oertel ; h . 0,665 (ange avec la marque sous la base) et h . 0,603. Vente Munich, 1979, n o 11. Nos remerciements à Michael Rief pour nous avoir signalé ces œuvres. 20 Rennertshofen, église ; h . 1,48. Miller, 2004a, n o 26, p. 68. 21 Biberach-Mittelberg, église Sainte-Trinité ; h . 1,34. Miller, 2004a, n o 4, p. 65. 22 Steinhausen an der Rottum, chapelle Sainte-Anne ; h . 1,50. Miller, 2004a, n o 31, p. 68.
96
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s c u l p t u r e
La production sculptée à Ulm demeure longtemps sous
Jeune (cité à Ulm de 1482 à 1523). Certains historiens
l’emprise du style de Hans Multscher, tout en montrant
de l’art, en particulier Wolfgang Deutsch, considèrent
des signes de renouvellement au sein même de la tra-
Syrlin l’Ancien non comme un sculpteur, mais comme
dition souabe. Dans les décennies 1460 et 1470, une
un menuisier, et avant tout comme un « entrepreneur »
intense activité se déploie pour meubler et décorer le
qui conçoit les œuvres, en donne le dessin et se charge
chœur de la collégiale d’Ulm (fig. 1) 1. Le tabernacle
d’en coordonner l’exécution 8. D’autres, ainsi David
monumental en pierre (1461/1462-1471) s’orne de sta-
Gropp, Heribert Meurer, Stefan Roller et Michael
le Dreisitz (siège triple,
Roth, précédés par Julius Baum et Georg Weise, pen-
1468) et les stalles (1469-1474) en chêne, réalisés sous
chent pour une véritable activité de sculpteur, outre
la direction de Jörg Syrlin l’Ancien, présentent un vaste
celle de concepteur 9. Ils attribuent à Syrlin l’Ancien
ensemble de figures en buste, sculptées en ronde bosse
et à son atelier plusieurs éléments sculptés du mobilier
tues de saints et de
le retable du maître-autel est commandé
de la collégiale ainsi que des figures de retables,
à Jörg Syrlin en 1474, qui en dessine le projet (fig. 12,
principal ement la Vierge à l’Enfant de Heggbach (fig. 4,
p. 101), et à Michel Erhart, qui en réalise les sculptures
p. 98) 10 et les sculptures du retable de Tiefenbronn,
(retable détruit en 1531) 4.
daté de 1469 (fig. 3, p. 98), dont les volets sont l’œuvre
ou en
relief 3 ;
prophètes 2 ;
Plusieurs sculpteurs ont donc œuvré au mobilier de la collégiale. Les héritiers directs de Multscher ou
du peintre d’Ulm, Hans Schüchlin (cité à partir de 1468 – Ulm, 1505) 11.
ses suiveurs plus lointains côtoient des maîtres plus
Ces attributions sont remises en question par
novateurs, tel Michel Erhart (cité à Ulm de 1469 à 1522)
plusieurs chercheurs, à l’appui de l’identification d’un
auquel sont attribués certains bustes surmontant les
sculpteur prénommé Jörg comme Syrlin, mais aussi
jouées des
stalles 5.
Les historiens de l’art s’accordent
comme Stein, un autre maître d’Ulm.
sur ce dernier point mais divergent sur le rôle de Jörg
Jörg Stein, qui est régulièrement mentionné de 1453
Syrlin l’Ancien et sur l’identification des autres sculp-
à sa mort en 1491, mène une active carrière à Ulm 12 en
teurs qui ont participé aux travaux.
parallèle à Syrlin l’Ancien et à Michel Erhart. Selon
Syrlin l’Ancien (mentionné à Ulm à partir de 1449 –
Hans Rott, Hartmut Scholz et Albrecht Miller, Stein est
Ulm, 1491) a inscrit son nom sur des œuvres diverses :
identifiable au « Maître Jörg sculpteur » (maister Jörgen
le lutrin d’Ottenbach (1458 ; fig. 2) et l’armoire
bildhower) qui exécute de 1467 à 1469 trois grandes et
le Dreisitz, les stalles et le projet
dix petites figures pour la collégiale ; ces sculptures
de retable de la collégiale déjà cités, la fontaine en
étaient peut-être destinées à des retables de la collé-
pierre du marché aux poissons à Ulm (Fischkasten
giale qui ont aujourd’hui disparu 13. Jörg Stein reçoit
brunnen,
qui porte également la marque de son
l’importante commande du retable du maître-autel
fils et successeur à la tête de l’atelier, Jörg Syrlin le
de l’église abbatiale de Lorch, payé en 1484 (détruit).
d’Illerfelden
s o ua b e v e r s
(1465) 6,
1482) 7,
1 4 6 0 - 1 5 0 0
fig. 1 Chœur de la collégiale (aujourd’hui cathédrale) d’Ulm fig. 2 jörg syrlin l’ancien Lutrin provenant d’Ottenbach 1458 détail Ulm, Ulmer Museum
fig. 1
Vers la même époque, il réalise également pour l’abbaye
Rennertshofen (fig. 10, p. 100) 20, quatre figures d’un
un Christ en croix, mentionné en 1491 dans la salle capi-
même retable conservées à Aix-la-Chapelle (voir cat. 1),
tulaire, identifié par H. Scholz au crucifix aujourd’hui
la Vierge à l’Enfant de Biberach (fig. 11, p. 100) 21 et celle
présenté dans l’église de Lorch (fig. 5, p. 99) 14.
Miller, Jörg Stein est de Steinhausen 22. Pour A.
Ce Christ en croix est mis en relation stylistique avec
un maître compétent qui s’est formé auprès de Hans
les sculptures du retable de Tiefenbronn (1469) et cinq prophètes (vers 1470) placés aux niveaux supérieurs du tabernacle de la collégiale d’Ulm 15. En conséquence, ces œuvres de Tiefenbronn et d’Ulm sont attribuées à Jörg Stein et à son atelier par H. Scholz et A. Miller, alors que d’autres historiens de l’art les donnent à Jörg Syrlin l’Ancien, reconnaissant en effet ce dernier comme le sculpteur prénommé Jörg actif pour la collégiale. Autour du Christ en croix de Lorch et du retable de Tiefenbronn, A. M iller a réuni un grand nombre d’œuvres, en premier lieu la Sainte d’Odenwald 16 et un Saint Sébastien au dos desquels sont inscrites la date de 1457 et une marque de sculpteur qui serait celle de Jörg Stein (fig. 6 à 9, p. 99-100) 17 ; cette marque est également visible sur la Vierge à l’Enfant de Ringschnait, datée de 1482 18, et sur un Ange agenouillé porteur de candélabre 19. Bien d’autres sculptures sont mentionnées par A. Miller, par exemple la Vierge à l’Enfant de
fig. 2 u l m . l ’ h é r i ta g e
d e
h a n s
m u lt s c h e r
97
1 Sainte Barbe Ulm
vers 1470-1480 Bois (tilleul) décapé, ciré (et vernis ?) h. 1,25 ; l. 0,455 ; p. 0,265 Figure de la caisse d’un retable Origine inconnue. Collection Pierre Marie (Paris, 1853 – Cannes, 1940). Donation sous réserve d’usufruit de M. et Mme Pierre Marie, 1929. Usufruit levé en 1940. Paris, Petit Palais – musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
état le bois Sculpture taillée dans une pièce principale de bois (demi-bille de tilleul) ; éléments assemblés dès l’origine : côté dextre, dans le bas de la chevelure, une pièce de bois (h. 0,27 ; l. 0,07) fixée par une cheville ; sur la couronne, sept fleurons (disparus) dont les bases s’inséraient dans les petites encoches taillées dans le bord supérieur. Revers évidé avec une large gouge (l. 3,5 cm environ), dont le tranchant irrégulier de la lame a laissé des rainures parallèles dans le bois ; le bord large et plat autour de la partie évidée se prolonge vers le centre, à senestre à hauteur de la taille de la sainte (surépaisseur pour compen ser la zone creusée sur la face, entre le manteau et le corps) ; petite cavité rectangulaire (0,6 × 0,3 cm) sur le rebord, au-dessus de la pointe supérieure de l’évidement. Traces de fixation dans l’étau de l’établi : sur la tête, une cavité
cylindrique (d. 2,5 cm environ) ultérieurement comblée par une pièce de bois ; sous la base : au centre, une trace circulaire (d. 2 cm), avec de part et d’autre, deux fines entailles (l. 2 cm environ), et vers l’arrière, deux petites cavités rectangulaires (0,5 × 0,7 cm environ). Traces d’éléments décoratifs rapportés (probablement perles en bois) : petites cavités en bordure du manteau, des manches de la robe et sur la couronne ; tige de fixation en bois encore présente dans une cavité sur le côté senestre de la couronne. Attaque d’insectes xylophages localisée sur le buste et à la base. Manques : fleurons de la couronne, attribut de la sainte dans sa main droite (seule la partie inférieure est partiellement conservée), extrémité des boucles de cheveux à dextre et à senestre, extrémité du pied gauche ; bord dextre de la base (à l’origine à cinq pans) ; fentes et petits éclats à la surface du bois endommagée par le décapage.
Retaille du buste autour du sein gauche et de la base à dextre. Réfections : pièce ajoutée sur le devant de la couronne (bord supérieur) ; les deux dernières phalanges des doigts de la main gauche ; flipots sur le cou et sur le manteau. la polychromie Sculpture vraisemblablement polychromée à l’origine. Bois décapé puis recouvert d’une couche sombre de cire (et de vernis ?) irrégulièrement encrassée. o b s e r v a t i o n Juliette Lévy-Hinstin, 2011. identification du bois Élisabeth Ravaud, C 2 R M F , 2008. bibliographie Petit Palais. Guide, 2005, p. 164-165 (Françoise Barbe : Sainte Barbe ?, Allemagne du Sud, Ulm ?, fin du xv e siècle).
I N V. P P S 0 2 5 6 0
La pose contournée de cette figure féminine, son
souvent représentée, en parallèle ou associée au geste
sourire grimaçant et son iconographie mystérieuse
plus pratique d’enserrer de la main la tige ou le nœud du
ont longtemps intrigué et suscité des hypothèses peu
calice (cat. 2). Elle s’observe sur maintes figures peintes
convaincantes, comme celle de la représentation d’une
ou sculptées (cat. 26), ainsi dans le retable de Dornstadt
vierge folle 24. Les secrets de l’œuvre sont désormais en
(1417 ; fig. 1, p. 91) 25 ou sur le projet dessiné par Syrlin
partie dévoilés grâce à une étude technique et stylistique
l’Ancien pour le retable de la collégiale d’Ulm (1474 ;
approfondie qui a permis de nouvelles découvertes.
fig. 16, p. 104) 26.
La sculpture offre assurément l’image d’une sainte
24 Liste des œuvres de la donation Pierre Marie : « une statue, bois sculpté, encaustiqué clair, représente une des vierges folles, cheveux pendants sur les épaules, pose contournée, mains en avant, quinzième siècle » (séance du conseil municipal de la Ville de Paris, 19 décembre 1929, extrait du procès-verbal). Documentation du Petit Palais – musée des BeauxArts de la Ville de Paris. 25 Stuttgart, Landesmuseum Württemberg (inv. 14230). Meurer, Lichte, Krebs, Hahn, 2003. 26 Voir note 4. 27 Moraht-Fromm, Schürle, 2004. 28 Garnier, 1982, p. 174-177, 184-185.
Dans cet exemple, sainte Barbe adopte aussi l’attitude
juvénile, vierge et martyre. Sa jeunesse virginale
recherchée des bras qui se croisent, mais sa main libre
est indiquée par ses longs cheveux dénoués, coiffure
s’abaisse pour retenir l’étoffe du manteau, tandis que
traditionnelle des jeunes filles, alors que les femmes
le geste de la main levée, tel celui de la Sainte Barbe du
mariées ou d’âge mûr doivent porter un voile. Son
Petit Palais, est réservé aux figures des saintes Catherine
martyre ou encore sa noble naissance sont évoqués par
et Hélène. Dans la caisse des retables de Risstissen (1483)
le port d’une couronne. Selon la proposition de Françoise
et d’Ersingen (vers 1485-1490) 27, Sainte Barbe lève ainsi
Barbe en 2005, il est possible d’identifier cette jeune
la main gauche, paume ouverte, mais sans reprendre le
sainte à sainte Barbe. En effet, l’objet brisé qu’elle tient
complexe croisement des bras de la sainte du Petit Palais.
dans sa main gauche ne rappelle en rien le pommeau
La main levée, ouverte vers Marie et son fils au centre
de l’épée de sainte Catherine ou les attributs de vierges
de la caisse de ces retables, pourrait se comprendre
couronnées telles Ursule ou Agnès. Cet objet est sans
comme un geste d’oraison, selon l’une des significations
doute un calice, l’attribut de sainte Barbe (voir cat. 2),
de cette attitude au Moyen Âge 28. Dans cette hypothèse,
dont il ne reste qu’un fragment du pied arrondi.
la Sainte Barbe du Petit Palais, tête tournée et regard
La main soutient le calice par en dessous, le pouce
dirigé vers sa droite, devait être placée à l’origine
posé sur le bord du pied, les autres doigts s’incurvant
à senestre d’une figure mariale à laquelle son geste
dans la partie concave. Cette façon de porter l’objet est
s’adressait. Évidée au revers, la Sainte Barbe vient
102 l a s c u l p t u r e s o u a b e v e r s 1 4 6 0 - 1 5 0 0
cat. 1
cat. 1 u l m . l ’ h é r i ta g e
d e
h a n s
m u lt s c h e r
103
En Allgäu. Autour des sculptures du retable de Füssen
fig. 1 Reconstitution du retable du maître-autel de l’église Saint-Mang de Füssen proposée par Albrecht Miller en 1983 caisse : Saint Mang, La Vierge à l’Enfant, Sainte Marie Madeleine couronnement : Le Christ de douleur volets peints : Scènes de la vie de la Vierge
fig. 2, 3 souabe (allgäu ?) La Vierge à l’Enfant vers 1463 Füssen, église Saint-Mang
fig. 4, 5 souabe (allgäu ?) Saint Mang vers 1463 Lachen, chapelle Saint-Mang
fig. 6 souabe (allgäu ?) Le Christ de douleur vers 1463 Füssen, Museum der Stadt Füssen
1 Miller, 1969. 2 Miller, 1969, p. 5-7, n os 29-39, p. 38-39 ; Miller, 1983 ; Miller, p. 1984, p. 320-323 ; Miller, 2011-2013, p. 93-95 (les volets du retable de Füssen seraient l’œuvre d’un peintre de Memmingen, peut-être Michel Strigel cité de 1466 à 1518). 3 Füssen, église Saint-Mang ; h . 1,78 (sans la couronne refaite) ; l . 0,45 ; p . 0,35. Miller, 1969, n o 29, p. 38 ; Teget-Welz, 2012b, p. 174-175. 4 Lachen, chapelle Saint-Mang ; h . 1,53 ; l . 0,40 ; p . 0,30. Miller, 1969, n o 33, p. 38. Pflach (Tyrol, Autriche), église ; h . 1,52 (Sainte Marie Madeleine transformée en Vierge à l’Enfant). Miller, 1969, n o 37, p. 38-39. 5 Füssen, Museum der Stadt Füssen ; h . 1,50. Miller, 1969, n o 30, p. 38 ; exp. Ulm, 1997, p. 401-402 ; Schäfer, 2011, p. 46-48. 6 Söding, 1989 ; Söding, 1991a ; exp. Ulm, 1997, n os 43-47, p. 376-390. 7 Ulm, Ulmer Museum (inv. 1925/5287) ; h . 1,05 ; l . 0,40 ; p . 0,28. Exp. Ulm, 1997, n o 54, p. 404-406. 8 Kassel, Museumslandschaft Hessen, Sammlung Angewandte Kunst (inv. 1923/137) ; h . 0,725 ; l . 0,265 ; p . 0,19. Exp. Ulm, 1997, n o 51, p. 400-402 ; Schäfer, 2011. 9 Collection Oberschwäbische Elektrizitätswerke ( OEW ) ; h . 0,775 ; l . 0,25 ; p . 0,16. Exp. Achberg, 1998, n o 110, p. 150. 10 Günzburg, Heimatmuseum (inv. P 5 et 6) ; provenant de l’église Saint-Martin de Günzburg ; h . 0,96 ; l . 0,33 ; p . 0,23. Miller, 1969, n o 31, p. 38 ; Kraft, 1993, p. 71, fig. 54-55 ; Guillot de Suduiraut, 2013, p. 32-33. 11 Nornheim, église Saint-Erhard ; h . 0,95 ; l . 0,33 ; p . 0,23. Miller, 1969, n o 36, p. 38 ; Kraft, 1993, p. 548.
L’empreinte de Hans Multscher marque durablement
et de Sainte Marie Madeleine 4, et devait être surmontée
la production sculptée du sud de la Souabe dans la
du Christ de douleur (fig. 6) 5. Ces figures sont l’œuvre
seconde moitié du xve siècle. Plusieurs ensembles stylis
d’un suiveur de Multscher, qu’A. Miller tient pour un
tiques localisés dans les principaux foyers artistiques de
maître autonome et désigne sous le nom de convention
l’Allgäu – Memmingen, Kempten, Kaufbeuren, Wangen
de « Maître du retable du maître-autel de Füssen »
– ont été étudiés par Albrecht Miller 1.
(Meister des Füssener Hocha ltars). Dans le groupe
Un groupe d’œuvres anonymes des décennies 1460
stylistique formé autour des sculptures de Füssen,
et 1470, réuni autour des sculptures du retable de
il introduit une Vierge à l’Enfant et un Saint Jean
Füssen, a d’abord été rattaché au milieu ulmien par
l’Évangéliste conservés à Zürich et à Munich (fig. 7
Albrecht Miller, qui a ensuite proposé une origine
à 10, p. 116-117) que nous proposons de rapprocher de
locale en Allgäu, peut-être la ville de Memmingen 2.
la Sainte Barbe du musée d’Albi (cat. 2).
Quatre sculptures, aujourd’hui dispersées, viennent
Les œuvres de cet ensemble sont conçues selon des
du retable dédié en 1463 à la Vierge et à saint Mang sur
schémas dérivés de la production tardive de Multscher
le maître-autel de l’église abbatiale Saint-Mang de
et de son atelier, telles les sculptures du retable de
Füssen en Allgäu (fig. 1). La caisse abritait une Vierge
Sterzing (1456-1458 ; fig. 3, p. 93)6 ou la Vierge à l’Enfant
à l’Enfant (fig. 2, 3) 3, entourée de Saint Mang (fig. 4, 5)
de Bihlafingen (vers 1460-1465)7. Corps et vêtements composent des volumes fermés, sans envolées d’étoffes ou de boucles, sans creux profonds ni gestes animés. Si les silhouettes dessinent de longues courbes soulignées par les têtes inclinées, elles gardent néanmoins un calme et un aplomb que signalent aussi les vues de trois quarts et de profil. Les faces latérales sculptées comptent pour l’appréhension du volume corporel et de la présence physique des personnages. Ces conceptions formelles tributaires de l’art de Hans Multscher se nuancent néanmoins d’accents nouveaux. Le canon est moins massif, les silhouettes plus élancées et les têtes moins volumineuses, comme l’atteste, par exemple, la comparaison entre le Christ de douleur de Kassel attribué à Multscher ou à son atelier (vers 1460)8 et le Christ de douleur de Füssen qui reprend le même
fig. 1
110 l a s c u l p t u r e s o u a b e v e r s 1 4 6 0 - 1 5 0 0
modèle (fig. 6).
fig. 2
fig. 3
fig. 4
fig. 5
De même dans la structure et l’exécution des drapés,
derniers avait incité A. Miller à retenir Ulm comme
des inflexions particulières marquent l’interprétation
lieu de production de ces éléments épars de retables
des motifs multscheriens. L’agencement traditionnel
démembrés, avant de proposer une ville de l’Allgäu.
du vaste manteau ramené sur le devant du corps,
Dans l’ignorance des conditions d’exécution de ces
retenu au niveau des hanches ou de la taille pour
retables, il nous semble difficile de donner l’ensemble
retomber sur les côtés, est traduit dans un style person-
des œuvres recensées à un seul maître dit « du retable
nel sur les sculptures de Füssen et les œuvres apparen-
du maître-autel de Füssen » et à son atelier. En dépit de
tées. Les plis adoucis et les bords ondulants des drapés
l’appartenance à une même famille stylistique, il paraît
multscheriens laissent ici la place à des lignes raidies
en effet délicat d’évaluer le degré de parenté entre des
et géométrisées, des cassures plus sèches et des creux
sculptures anonymes qui trahissent diverses nuances
plus anguleux aux côtés des plages lisses. Aux amas
de traitement et de qualité, et qui, pour certaines, sont
de tissu dissimulant les bases des sculptures, selon les
en piètre état de conservation. La Sainte Barbe est l’un
modèles de Multscher, s’ajoute une formule différente
des rares exemples qui conserve une grande part de sa
pour les personnages aux habits plus courts laissant
polychromie d’origine.
voir des bases polygonales, tels le Saint Mang, le Christ de douleur et le Saint Jean l’Évangéliste. Comme en témoigne la Sainte Barbe du musée d’Albi (cat. 2), le traitement des visages affinés se démarque aussi des physionomies plus massives de Multscher. Parmi les œuvres qui ont été rapprochées par Albrecht Miller des sculptures de l’ancien retable de Füssen, citons notamment un Saint moine 9 offrant une version simplifiée du Saint Mang, le Saint Pierre et le Saint Paul de Günzburg 10, ou encore le Saint Jean de Calvaire de Nornheim 11. La localisation de ces trois
fig. 6 e n a l l g ä u. au t o u r
d u
r e ta b l e
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111
2 Sainte Barbe Souabe (Allgäu ?) vers 1460-1470 Bois (tilleul), restes de la polychromie d’origine avec reprises h. 1,25 ; l. 0,42 ; p. 0,30 Figure de la caisse d’un retable Origine inconnue. Collection Henri Rachou (Toulouse, 1856-1944). Legs de son fils Henri Imart-Rachou (Toulouse, 1899-1973), 1969. Albi, musée Toulouse-Lautrec I N V. 9 6 9 . 1 . 7 .
état le bois Sculpture taillée dans une pièce principale de tilleul ; éléments assemblés dès l’origine : pied et coupe du calice (coupe aujourd’hui refaite), fleurons de la couronne (disparus), extrémité (disparue) d’une mèche de cheveux à dextre ; flipots dans les fentes à la base et sur la tête. Revers évidé à l’herminette et à la gouge ; à senestre sur le bord de la cavité, traces d’essais d’une gouge fine (l. de la lame 0,5 cm environ). Traces de fixation dans l’étau de l’établi : sur la tête, cavité cylindrique (d. 2,5 cm environ) ultérieurement comblée par une pièce de bois ; sous la base : huit petites cavités ou entailles de formes diverses, réparties irrégulièrement. Réfections : coupe du calice ; deux pièces en bois résineux à la base. Main droite recollée. Inscription manuscrite au revers, au crayon (déchiffrée par Matthias Weniger) : « Kleid blau / Futter roth / Mantel / gelb » (robe bleue, doublure rouge, manteau jaune), note d’un restaurateur allemand du xix e siècle citant les couleurs choisies pour repeindre les vêtements. la polychromie Restes de la polychromie d’origine sur les carnations et le manteau, dégagés lors de la restauration de 2011-2012 ; couches postérieures (xix e siècle) conservées sur le pied du calice, la robe et son revers, le revers du manteau, les chaussures, la base. Fine couche d’encollage sur le bois, avec toile encollée sur des zones étendues : manteau, couronne, pied du calice, base. Sur l’ensemble de la sculpture, première couche de préparation grise (carbonate de calcium, quartz, terres, oxydes de fer, noir de carbone – charbon ?), puis préparation blanche en deux couches (carbonate de calcium à foraminifères et colle protéinique) recouverte d’un encollage (fine couche organique).
Manteau, couronne : dorure origin ale sur bol rouge (terres, oxydes de fer), feuilles d’or et, sur les côtés, or parti ; traces (trous, fragments de tiges) de petites boules de bois et d’ornements métalliques appliqués sur la bride du manteau et la couronne, avec vestiges de motifs peints. Cheveux : à l’origine feuilles d’or parti sur mixtion (terres, oxydes de fer, blanc de plomb, carbonate de calcium, grains contenant du plomb et de l’étain – jaune de plomb et d’étain –, noir d’os). Calice : sur le pied, dorure d’origine sur bol rouge, recouverte d’une dorure postérieure sur mixtion, conservée ; sur la coupe refaite, même dorure sur mixtion (carbonate de calcium, grains de plomb et de chrome, terres) ; sur le nœud, dorure originale sur mixtion avec vestiges de motifs peints (glacis rouge et vert). Ceinture : vestiges de dorure originale sur mixtion. Revers du manteau et de la robe : couche d’origine rouge (oxydes de fer, terres) avec glacis rouge, recouverte de couches rouges postérieures (vermillon et glacis rouge) conservées. Robe : à l’origine décors en relief moulés et appliqués, dits « brocarts appliqués », couvrant toute la surface, aujourd’hui très dégradés (stratigraphie : 1. matériau de remplissage, mélange de blanc de plomb, minium, carbonate de calcium, quartz. 2. feuille d’étain. 3. probablement mixtion. 4. feuille d’or ou d’or parti. 5. rehauts bleu azurite) ; intervention postérieure conservée : couche bleu-vert (blanc de plomb, terres, sulfate de baryum).
Bord de la robe : couche blanche d’origine (carbonate de calcium) avec motifs peints en noir (imitation de fourrure d’hermine), recouverte de la couche bleu-vert postérieure (sulfate de baryum) conservée. Chaussures : couche d’origine rouge (vermillon, carbonate de calcium) avec glacis rouge (colorant probablement de la famille de la garance), recouverte de couches postérieures conservées, rouge, puis noire. Carnations : vestiges de la couche d’origine rose pâle (carbonate de calcium, vermillon). Base : couche d’origine verte (cuivre, jaune de plomb et d’étain, blanc de plomb), recouverte d’une couche postérieure vert foncé (cuivre, carbonate de calcium, quartz, blanc de plomb, terres) conservée. étude et restauration Émilie Masse, 2011-2012 (mémoire de fin d’études pour l’obtention du diplôme de restaurateur du patrimoine, spécialité Sculpture, INP, sous la direction de Juliette Lévy-Hinstin). i d e n t i f i c a t i o n d u b o i s Élisabeth Ravaud, C 2 R M F , 2008. radiographies e t p h o t o g r a p h i e s Ghyslain Vanneste, I N P , 2011-2012. a n a l y s e s d e l a p o l y c h r o m i e Anne-Solenn Le Hô, C 2 R M F , 2012. bibliographie Guillot de Suduiraut, 2013 ; exp. Paris, 2015, n o 1.
Le calice permet de reconnaître l’image de sainte Barbe, que ses cheveux dénoués et sa couronne désignent comme vierge et martyre. Ce type iconographique se fonde sur les récits de la vie de la jeune chrétienne au iii e siècle, enfermée dans une tour en raison de sa beauté, suppliciée puis décapitée par son père 12. Avant de mourir, Barbe prie Dieu en faveur de tous ceux qui l’invoqueront
12 Braun, 1943, col. 113-118 ; Lexikon, 1968-1976, 5, 1974, col. 304-311. 13 J acobi a Voragine Legenda Aurea, 1890, p. 898-902. 14 Gaiffier (de), 1959. 15 L exikon, 1968-1976, 8, 1974, col. 546-550. 16 L exikon, 1968-1976, 8, 1974, col. 573.
112 l a s c u l p t u r e s o u a b e v e r s 1 4 6 0 - 1 5 0 0
pour qu’ils obtiennent le pardon de leurs péchés 13. Dans une version enrichie de la légende, de la fin du xiv e siècle, Barbe demande que ceux qui la prient soient protégés d’une mort imprévue et qu’ils aient l’assurance de recevoir les derniers sacrements avant d’expirer 14.
Souvent surmonté d’une hostie, le calice que tient la sainte dans les représentations évoque donc la dernière communion reçue par les agonisants après avoir fait pénitence. Invoquée contre la mort subite, sainte Barbe est avant tout la protectrice des mourants, et, à ce titre, compte parmi les Quatorze Intercesseurs très vénérés en Allemagne 15. Aux côtés d’autres vierges martyres comme Catherine et Marguerite, elle fait aussi partie du groupe des Virgines capitales 16. D’innombrables effigies sculptées ou peintes témoignent de la popularité de sainte Barbe, dont la figure flanque souvent la statue centrale de la Vierge à l’Enfant dans la caisse des retables. Dans l’art allemand aux xv e et xvi e siècles, le calice est son attribut privilégié, mais la tour dans laquelle fut emprisonnée la sainte est également fréquente. D’autres pays d’Europe, notamment la France, ne retiennent que la tour, ce qui laisse penser que le récit de l’ultime prière de sainte Barbe y connaît une diffusion différente. Le calice de la Sainte Barbe du musée d’Albi est sculpté à l’image d’un objet d’orfèvrerie du xv e siècle. Les motifs en saillie imitant des cabochons, qui ornent le nœud de la tige, sont visibles entre les doigts de la sainte. La coupe refaite tardivement portait sans doute une hostie sculptée, comme l’indique une petite cavité centrale. La jeunesse virginale de la sainte est évoquée par sa longue chevelure dénouée, coiffure des jeunes filles alors que les femmes mariées ou d’âge mûr doivent dissimuler leurs cheveux. Selon l’usage iconographique, Barbe prend l’aspect d’une jeune femme séduisante, vêtue avec richesse et élégance. Son costume est ici particulièrement soigné, sculpté en détail et précisé par une polychromie raffinée. La sainte porte une robe en soie précieuse garnie de fourrure d’hermine. Les décors en relief de la polychromie primitive
cat. 2 e n a l l g ä u. au t o u r
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113
Kempten. Autour du retable d’Imberg
1 Miller, 1969, p. 20-22, n os 127-144, p. 49-51. 2 Voir notamment Rott (Quellen), 1933, p. 174 ; Rott, 1934, p. XXXIV , 139 ; Miller, 1989, p. 160-161 ; Hilger, 1991, n os 52-55, p. 72-76. 3 Voir principalement Miller, 1969, p. 18-20, n os 84-126, p. 44-49 ; Miller, 1981 ; Miller, 1989, p. 162 ; Hilger, 1991, n os 50-51, p. 69-71. Précédemment, Michael Petzet avait utilisé un autre nom de convention, le « Maître de la nef de sainte Ursule de Wirlings » (Meister des Wirlingser Ursulaschiffs), en référence à la sculpture conservée à Wirlings : Petzet, 1959, p. 158. 4 Vierge à l’Enfant, Schöllang, église Saint-Michel ; h . 1,05. Saint Jean Baptiste, Sainte Catherine, Sainte Élisabeth, Saint Sébastien, Reichenbach, chapelle Saint-Jacques ; h . 0,93 à 1,12. Miller, 1969, n os 116, 120, p. 19, 47-48. 5 Nesselwang, église Saint-André ; h . 0,92. Petzet, 1960, p. 136 ; Miller, 1969, p. 20, 105, n o 105 ; Luda, Raff, 1990, p. 358 ; Restorff, 1997, p. 20-22. 6 Füssen, Staatsgalerie (dépôt du Bayerisches Nationalmuseum, Munich, inv. MA 1436) ; h . 0,635. Graf, 1896, n o 803, p. 51 ; Miller, 1969, n o 99, p. 20, 46. 7 S aint Sylvestre, Vierge à l’Enfant, Sainte Catherine, Imberg, chapelle Sainte-Catherine ; h . 0,98, 0,94, 0,95. Schädler, 1949, p. 72 ; Schröder, 1955, p. 19 ; Petzet, 1964, p. 405-406 ; Miller, 1969, n o 93, p. 19, 45 ; Miller, 1981, p. 2974-2975. 8 Berlin, Staatliche Museen, Bode-Museum (inv. 8145 H ) ; h . 1,25. Demmler, 1930, p. 211 ; Miller, 1969, n o 85, p. 19-20, 44 ; Miller, 1981, p. 2977 ; Schädler, 1984, p. 62 ; Luda, Raff, 1990, p. 358-359. 9 Munich, Bayerisches Nationalmuseum (inv. MA 1220) ; h . 1,11. Graf, 1896, n o 587, p. 36 ; Müller, 1959, n o 31, p. 43 ; Miller, 1981, p. 29752977 ; Schädler, 1984, p. 62 ; Luda, Raff, 1990, p. 358, 360 ; Restorff, 1997, p. 14. 10 Pfronten-Weissbach, chapelle Saint-Sébastien ; h . 0,645. Miller, 1969, n o 110, p. 47 ; Luda, Raff, 1990, p. 358. 11 S aint Pélage, Sainte Agnès, Vierge à l’Enfant, Sainte Marie Madeleine, Saint Jean Baptiste, Weitnau, église Saint-Pélage ; h . 1,36 à 1,48. Miller, 1969, n o 124, p. 19, 49 ; Beck, 2002, p. 2, 7. 12 S ainte Hélène, Saint Laurent, Saint Paul, Saint Ulrich, Christ en croix, Rechtis, église Saint-Ulrich ; h . 1,02 à 1,22 ; Christ, h . 1,60. Miller, 1969, n os 114-115, p. 47. 13 La Visitation ( L 16), Saint Simon ( L 134). Exp. Munich, Berlin, 1986-1987, n os 8, 59, p. 27, 56-57. Saint Philippe et saint Jacques le Mineur, 1464 ( L 96). The Illustrated Bartsch, 1980, n o 71, p. 70. 14 Ursberg, couvent des franciscaines ; h . 1,32. Miller, 1969, n o 122, p. 48 ; Miller, 1981, p. 2975. 15 Hopfen am See, église Saint-Pierre-et-Saint-Paul ; h . 1,03. Miller, 1969, n o 92, p. 45. 16 Oberstdorf, église Saint-Jean-Baptiste ; h . 0,85. Miller, 1969, n o 107, p. 46. 17 L a Vierge à l’Enfant au muguet ( L 79). Nass, 1991.
Deux ensembles majeurs ont été définis à Kempten :
les sculptures ont été dispersées, remployées ou
l’un autour des sculptures du retable de Sulzberg
vendues, souvent nouvellement polychromées au
(vers 1480), dont l’auteur, dit le « Maître du retable
xix e ou xx e siècle et dotées d’attributs récents. Ainsi
de Sulzberg » (Meister des Sulzberger Altars) 1, a pu
à Imberg, les trois figures sculptées de la caisse de
travailler en collaboration avec le peintre Ulrich
l’ancien retable ont été intégrées vers 1900 à une
Mair (cité à Kempten en 1468 et 1477, à Ravensburg
structure néogothique 7. À Nesselwang, un maître-
entre 1478 et 1482) 2 ; l’autre prend pour référence
autel du xvii e siècle a remplacé l’ancien retable du
le retable d’Imberg (vers 1470 ; fig. 1).
xv e siècle (vers 1490), dont proviennent vraisem
Près d’une centaine d’œuvres ont été réunies
blablement une Vierge à l’Enfant 8, figure centrale
autour de ce retable, dont le sculpteur inconnu a été
de la caisse, un Saint André 9, figure latérale dextre,
nommé par Albrecht Miller le « Maître du retable
et un Christ de douleur 10, statuette du couronne-
d’Imberg » (Meister des Imberger Altars) 3. L’état lacu-
ment, conservés respectivement à Berlin, Munich
naire des archives de Kempten n’a pas en effet per-
et Pfronten (fig. 3, 4, 5, p. 122-123) ; et le Christ des
mis d’identifier les sculpteurs travaillant dans la cité
Rameaux de Nesselwang, vendu vers 1900, est
à cette époque. Comme nous nous interrogeons sur
aujourd’hui à Strasbourg (cat. 3). À Weitnau, les cinq
l’hypothèse de l’activité d’un seul maître et de son
sculptures gothiques (vers 1490) ont été replacées
atelier en raison des inflexions diverses dans l’exé-
dans un nouveau retable à volets peints réalisé en
cution des œuvres, nous retiendrons la notion plus
1871 pour le maître-autel (fig. 6, p. 123) 11. À Rechtis,
générale de groupe stylistique, en nous fondant
quatre figures de retable et un Christ en croix (vers
néanmoins sur les rapprochements judicieux qui ont
1480 ; fig. 7, p. 124) ont été disposés sur les murs de la
fait émerger cette famille artistique en Allgäu.
nef et du chœur de l’église 12.
Le retable d’Imberg et les sculptures apparentées,
Ces sculptures et les autres œuvres du même
originaires d’églises de Kempten et de sa proche
groupe de Kempten montrent leur dépendance
région, sont situés dans les trois dernières décennies
envers la production tardive de l’atelier de Hans
du
xv e siècle
à l’appui des rares œuvres dont la date
Multscher dans les décennies 1450-1460. La compa-
est connue : les cinq figures de retable provenant
cité des silhouettes stables et la densité de leurs
de la chapelle de Schöllang consacrée en 1479 4, la
formes, le répertoire de types physionomiques, de
Sainte Marguerite, datée de 1480, dans l’église de
schémas de compositions et de drapés sont issus du
Nesselwang (fig. 2,
et le buste de Sainte
langage multscherien. L’attitude de l’Enfant Jésus,
Catherine, daté de 1498, au musée de Füssen 6. Aucun
assis jambes croisées, l’agencement du manteau
retable n’est conservé dans son état d’origine. Les
marial et la plénitude des visages impassibles en
volets peints ont disparu ou ont perdu leur identité,
témoignent ainsi à Imberg.
120 l a s c u l p t u r e s o u a b e v e r s 1 4 6 0 - 1 5 0 0
p. 122) 5,
fig. 1 kempten Saint Sylvestre, La Vierge à l’Enfant, Sainte Catherine vers 1470 Imberg, chapelle Sainte-Catherine
fig. 1
Néanmoins, certains caractères formels marquent
dans les années 1490-1500, ainsi la Sainte Catherine
l’évolution du style. Le traitement des étoffes accuse
d’Ursberg 14 et le Saint Paul de Hopfen am See 15, aux
un durcissement des lignes qui s’éloigne des plis en
épées à demi dissimulées par l’étoffe, ou la Vierge
cuvette aux arêtes adoucies de Multscher et de son
à l’Enfant de Nesselwang et celle d’Oberstdorf 16,
atelier. Des formes nouvelles et plus com-plexes
dont les manteaux ouverts sont disposés à la manière
apparaissent en outre sur les vêtements du Saint
de la chape du Saint Sylvestre ; sur la première
Sylvestre et de la Sainte Catherine d’Imberg (fig. 8,
s’affirment les lignes tendues et géométriques, sur
p. 124). Les étoffes plissées amassées au-dessus du
la seconde les plis s’épaississent et se simplifient.
genou droit du saint ou recouvrant la lame de l’épée
Un autre exemple atteste la circulation de modèles
de la sainte évoquent des motifs similaires dans
dessinés ou gravés et leur transcription diverse
les gravures du Maître E.S. des années 1460 (fig. 9,
selon les œuvres. Le motif complexe du pan entre-
p. 124) 13.
Ces drapés se répètent sur plusieurs œuvres
croisé du manteau, dérivé de la gravure L 79 du
du groupe, qui en livrent des interprétations variées
Maître E.S. 17 et si prisé des sculpteurs allemands, k e m p t e n. au t o u r
d u
r e ta b l e
d ’ i m b e r g
121
3 Le Christ des Rameaux Kempten vers 1480 (âne et chariot : xix e siècle) h. 1,69 ; l. 1,35 ; p. 0,57 Le Christ bois (tilleul et saule), polychromie d’origine avec quelques reprises h. 1,30 ; l. 0,565 ; p. 0,39 L’ â n e bois (feuillu : probablement saule) polychromé h. 0,92 ; l. 1,34 ; p. 0,345 Le chariot bois (épicéa) polychromé h. 0,16 ; l. 1,055 ; p. 0,465 Provient de l’église SaintAndré de Nesselwang. Vendu vers 1900 à un marchand de Kempten. Commerce de l’art, Stuttgart, puis Offenburg. Acquis en 1923 auprès de Charles Bastian, antiquaire à Strasbourg, comme provenant des « environs de Vieux-Brisach » (Breisach am Rhein). Pendant la Seconde Guerre mondiale, reconnu par Luis Dürrwanger (1878-1959) comme le Christ des Rameaux de Nesselwang. Strasbourg, musée de l’Œuvre Notre-Dame I N V. M O N D 1 5 7
état
Le Christ le bois Sculpture taillée dans une pièce principale de bois (bille de tilleul) ; éléments secondaires assemblés dès l’origine : mains, avant des deux pieds. Buste évidé à la gouge de la base jusqu’au cou : cavité (h. 0,465 ; l. 0,20 ; p. 0,19) fermée au revers par une planche en saule (h. 0,43 ; l. 0,12 ; p. 0,025 à 0,04). Trace de fixation dans l’étau de l’établi : sur la tête, cavité cylindrique (h. 0,24 ; d. 0,04 environ) ultérieurement comblée par une pièce de bois. Restes des trois faisceaux de rayons insérés sur le dessus et les côtés de la tête : trois éléments métalliques triangulaires visibles à la radiographie. Traces de fixation du Christ sur l’âne : trois percements à hauteur du bassin. Attaque ancienne d’insectes xylop hages localisée sur le haut de la tête, les bras, les jambes et les pieds. Manques sur le bras droit, quelques plis de la tunique et quelques mèches de la chevelure. Plusieurs fentes sur la tête et le buste postérieurement comblées par des flipots et consolidées par des clous anciens. Réfections (sans doute contem poraines du remplacement de l’âne et du chariot au xix e siècle) : avant des deux pieds, main gauche (sauf le poignet), doigts de la main droite, plusieurs pièces et flipots sur la tunique. Interventions du xx e siècle : main droite et extrémité de la manche recollées, petites pièces et flipots sur la tunique. la polychromie Polychromie d’origine lacunaire avec restes de deux interventions postérieures sur les cheveux et la barbe. Préparation blanche (carbonate de calcium et liant protéinique), par endroits posée sur de la toile de lin, principalement au revers sur les joints de la planche. Tunique : couche rouge violacé (terre rouge riche en oxydes de fer, blanc de plomb, carbonate de calcium) ; bordure dorée (l. 0,03) : feuilles or/argent (vraisemblablement or parti) sur mixtion (blanc de plomb,
le bois Planche d’épicéa (1,055 × 0,41 × 0,03) sous laquelle sont vissés deux essieux. Quatre roues (d. 0,165) maintenues aux extrémités des essieux par des vis (au xx e siècle, elles ont remplacé des chevilles).
jaune de plomb et d’étain, terre riche en oxydes de fer) ; revers : couche bleue (azurite). Carnations : couche rose (blanc de plomb, vermillon) sur souscouche blanche (blanc de plomb), rose plus soutenu sur les pommettes et rose vif sur les paupières ; lèvres : couche rouge (vermillon) sur souscouche rouge (minium) ; paupières supérieures cernées d’une ligne brune, inférieures d’une ligne rose ; iris brun ; blanc de l’œil bleuté avec accents rose vif aux coins des yeux ; sur la couche rose des carnations, veines gris-bleu peintes sur le cou, et rides ocre sur les tempes. Cheveux et barbe : une couche orangée (terre riche en oxydes de fer, carbonate de calcium, noir de carbone ?), peut-être couche de mixtion de la polychromie originale, est recouverte par deux couches brunes postérieures (terre riche en oxydes de fer, blanc de plomb, carbonate de calcium).
la polychromie Préparation blanche. Planche : couche brune. Roues : couche noire sur une sous-couche gris-bleu. étude et restauration Manon Joubert, 2012-2013 (diplôme national supérieur d’expression plastique [ D N S E P ], option Art, mention conservation-restauration). i d e n t i f i c a t i o n d u b o i s Élisabeth Ravaud, C 2 R M F , 2011-2012. a n a l y s e s d e l a p o l y c h r o m i e Nathalie Pingaud, C 2 R M F , 2012.
L’ â n e (première moitié ou milieu du xix e siècle) le bois Corps de l’âne constitué d’un assemblage de plusieurs pièces (notamment les pattes, les oreilles et la queue) en bois feuillu (saule probablement), maintenues par des clous. Pattes fixées au plateau à l’aide de chevilles en bois et d’une vis (patte postérieure droite). Fentes, joints d’assemblage décollés, manques et griffures. la polychromie Appliquée en une seule intervention (pigments et composants du xix e siècle). Préparation blanche (kaolinite, carbonate de calcium, grains de calcium et de feldspath, liant protéinique). Pelage gris foncé (noir organique, blanc de baryum, lithopone et/ou blanc de zinc). Pièce d’étoffe sur le dos de l’âne : couleurs choisies pour imiter la polychromie de la tunique du Christ ; couche rouge (terre rouge riche en oxydes de fer, sulfate de calcium, blanc de baryum, lithopone et/ou blanc de zinc) ; couche bleue (outremer) au revers.
Le chariot (première moitié ou milieu du xix e siècle)
k e m p t e n. au t o u r
bibliographie Schneegans, 1926, p. 39-40, n o 1050 (vers 1500) ; Compte rendu, 19231926, p. 10 (vers 1500) ; Haug, 1931, p. 25 (art alsacien, xv e siècle) ; Haug, 1939, p. 44 (vers 1500) ; exp. Strasbourg, 1948, n o 116, p. 21 (vers 1500) ; Dürrwanger, 1950 (Allgäu, vers 1460) ; Dürrwanger, 1954, p. 134-135 (Allgäu, vers 1450) ; Beyer, 1956, n o 268, p. 51 (« Nessel wang, Souabe. Style directement tributaire de l’art de Hans Multscher. Vers 1460 ») ; Petzet, 1960, p. 136 (vers 1470-1480, comparable au Christ des Rameaux d’Ulm de Hans Multscher) ; Adelmann, 1967, n o 156 p. 196 (vers 1460-1470) ; Miller, 1969, n o 121, p. 48 (vers 1480, proche parent du Christ des Rameaux d’Ottenstall de l’atelier du « Maître du retable d’Imberg ») ; Haug, Beyer, 1971, p. 11 (provenant de Nesselwang, Souabe) ; Forté, Zumstein, 1977, p. 36 (Souabe, fin du xv e siècle) ; Luda, Raff, 1990, p. 356- 358 (atelier de Hans Multscher, vers 1470-1480) ; Restorff, 1997, p. 6 (vers 1470-1480) ; Guillot de Suduiraut, 1998a, p. 114, 123 (Souabe, vers 1460) ; exp. Berne, Strasbourg, 2001, n o 81, p. 228-229 (Nesselwang, Souabe, vers 1460) ; Dupeux, 2005, n o 47, p. 147 (Nesselwang, Souabe, vers 1460) ; Broekaert, Knapen, 2006, n o 148, p. 246 (Nesselwang, vers 14601470) ; Dupeux, Gatineau, 2013, p. 95, 176 (Kempten, Souabe, vers 1480).
d u
r e ta b l e
d ’ i m b e r g
125
cat. 3 k e m p t e n. au t o u r
d u
r e ta b l e
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127
En Souabe méridionale. Autres ateliers
1 Miller, 1969, p. 2-4, n os 1-28, p. 35-37. 2 Miller, 1969, p. 8-9, n os 40-51, p. 39-40. 3 Miller, 1969, p. 10-11, n os 52-60, p. 41. 4 Stähle, 1983, p. 107-118. 5 Lichte, Meurer, 2007, n os 135, 136, p. 253-255. 6 Voir notamment Pinder, 1929, 2, p. 404 ;
Böhling, 1934 ; Volkmann, 1934 ; Poensgen, 1958 ; Beckerath (von), 1994 ; Beckerath (von), Nay, Rutishauser, 1998, p. 63-71, 85-90.
fig. 1
132 l a s c u l p t u r e s o u a b e v e r s 1 4 6 0 - 1 5 0 0
Les ateliers de sculpteurs sont nombreux dans les
Entre Haute-Souabe, Suisse et lac de Constance,
villes de l’Allgäu au cours de la seconde moitié du
Jakob Russ (mentionné de 1479 à 1506) mène une
xv e siècle.
La plupart sont restés anonymes, tels celui
carrière particulière. Trois commandes majeures
fig. 1 atelier de hans rueland L’ A d o r a t i o n d e s M a g e s provenant du retable de Markdorf 1474
du « Maître de la Vierge de pitié de Fischen » (Meister
jalonnent le parcours du sculpteur d’abord établi à
der Fischener Vesperbildes) probablement installé à
Ravensburg en Haute-Souabe, puis actif à Coire dans les
ou celui du sculpteur de la Vierge à
Grisons, et à Überlingen au bord du lac de Constance,
Rottweil, Dominikanermuseum
l’Enfant d’Immenstadt (Bildschnitzer der Immenstädter
avant de retourner à Ravensburg : le tombeau (1485)
Mutterg ottes) vraisemblablement actif à
Memmingen 2.
de l’évêque de Coire, Ortlieb von Brandis, le retable
Néanm oins, le sculpteur de la Vierge à l’Enfant de
du maître-autel de la cathédrale de Coire (1486-1492 ;
Gnadenbildes) 3,
fig. 2, 3) et le décor sculpté de la salle du conseil de
fig. 2 jakob russ La Vierge à l’Enfant caisse du retable du maître-autel 1486-1492
Kaufb euren 1,
Rankweil (Meister des Rankweiler
autrefois inconnu, a pu être identifié à Hans Rueland,
l’hôtel de ville d’Überlingen (1490/1491-1494 ; fig. 4,
mentionné de 1474 à 1487 à Wangen dans l’ouest
p. 134). Conservées, ces œuvres bien documentées
de l’Allgäu. Auteur d’un retable (1474, signé) conservé
ont suscité de nombreuses spéculations sur la carrière
à Trèves, il a reçu plusieurs commandes, un retable
et la personnalité artistique de Jakob Russ 6. Cette riche
(1475, disparu) pour une chapelle de l’église des carmé-
production suggère que plusieurs compagnons travail-
lites à Ravensburg et deux retables (1474 et 1486) pour
laient auprès du maître au sein de l’atelier, collabo-
l’église de pèlerinage de Markdorf ; de ces ensembles,
ration que trahissent aussi les différents niveaux de
aujourd’hui démembrés, proviennent des figures sculp-
qualité, voire de style dans le cas du retable de Coire.
tées et des reliefs conservés à Markdorf, Eriskirch
Les sculptures principales de ce retable, dans la
(fig. 1). Ces sculptures, qui se situent sans
caisse et sur les volets, ainsi que les figures de l’hôtel de
et
Rottweil 4
contexte dans la dépendance de Multscher, se dis-
ville d’Überlingen permettent de saisir les constantes
tinguent par une interprétation personnelle des types
du style de Russ, issu de la tradition souabe sous l’em-
physionomiques traditionnels qui permet d’attribuer à
prise de Hans Multscher mais nuancé d’accents person-
attestées 5.
nels et d’apports nouveaux peut-être venus du Tyrol. La
L’Ange tenant une draperie du musée de Moulins
densité des figures robustes, des lourds drapés et des
(cat. 4) semble prendre place dans ce paysage artis-
chevelures compactes, relève encore de conceptions
Rueland et à son atelier d’autres œuvres non
tique de l’Allgäu au dernier quart du
fig. 2
xv e siècle.
Coire, cathédrale
fig. 3 jakob russ Sainte Ursule, Saint Florin caisse du retable du maître-autel 1486-1492 Coire, cathédrale
multscheriennes, mais les silhouettes s’infléchissent
fig. 3 e n
s o ua b e
m é r i d i o na l e . au t r e s at e l i e r s
133
4 Ange tenant une draperie Souabe méridionale (Allgäu ?) vers 1470-1480 Bois (tilleul ?) polychromé h. 1,05 ; l. 0,35 ; p. 0,16 Relief appliqué contre le fond de la caisse d’un retable Origine inconnue. Commerce de l’art, Paris. Acquisition, 1987.
état le bois Sculpture taillée dans une planche de bois (tilleul ?). Revers aplani, traces de scie et de gouge. Importante attaque d’insectes xylophages, cause de nombreux dommages, manques et réfections. Principaux manques sur le visage (lèvre supérieure, nez, sourcils), la chevelure et la draperie (partie inférieure et bord dextre). Réfections : étroite pièce de bois (h. 50 cm) assemblée probablement au xix e siècle pour restituer le bord dextre de la draperie ; retaille au revers de la tête côté senestre.
Moulins, musée Anne de Beaujeu
la polychromie Rares vestiges de la polychromie d’origine recouverts par deux polychromies (xvii e ou xviii e siècle, et vraisemblablement xix e siècle). Polychromie d’origine : Fine couche de préparation blanche. Draperie : dorure sur bol, avec décor de lignes en glacis rouge ; revers bleu (probablement azurite). Cheveux dorés sur mixtion. Aube : décors moulés et appliqués, dits « brocarts appliqués ». Carnations rose pâle. Polychromie du xvii e ou du xviii e siècle, appliquée à la suite de l’attaque des insectes et aujourd’hui visible sur la draperie : épaisse prépar ation qui pénètre dans les galeries creusées par les insectes ; dorure sur bol ; revers bleu (probablement azurite).
Polychromie du xix e siècle, aujourd’hui visible sur le buste et la tête de l’ange, et sur la pièce de bois complétant le bord dextre de la draperie : Aube blanche parsemée de motifs de style néogothique (quadrilobes peints en brun sur des carrés dorés sur mixtion) ; bords des manches de l’aube, étole et amict dorés sur mixtion. Carnations roses (liant huileux) ; cheveux bruns. étude et restauration Juliette Lévy-Hinstin, 1989. bibliographie Guillot de Suduiraut, 19911992, p. 196-197, n o 53 (Souabe, fin du xv e siècle).
I N V. 8 7 . 7 . 1
Cette figure d’ange était à l’origine appliquée contre le fond de la caisse d’un retable, juxtaposée à d’autres anges qui maintenaient ainsi une draperie tendue derrière les personnages sculptés principaux. Ces derniers étaient le plus souvent la Vierge à l’Enfant, des saints et saintes, ou les acteurs de scènes mariales comme le Couronnement de la Vierge. Le motif de la draperie déployée par les anges pour rendre honneur à la gloire divine est diffusé en Souabe, et surtout au Tyrol, à la suite des exemples de Hans Multscher, « retable Karg » (1433) de la collégiale d’Ulm 8 et retable de l’église de Sterzing (1456-1458) 9. Dans le retable de la cathédrale de Coire (1486-1492), œuvre de Jakob Russ et de son atelier, quatorze anges s’alignent sur le fond de la caisse et des volets pour tendre une étoffe précieuse en hommage à la Vierge trônant
cat. 4 d é t a i l e n
s o ua b e
m é r i d i o na l e . au t r e s at e l i e r s
135
cat. 4 d e s s u s
et aux saintes et saints qui l’entourent (fig. 2, 3, p. 133). L’Ange du musée de Moulins témoigne aussi du succès de la formule. Selon l’iconographie habituelle à la fin du Moyen Âge pour les figures angéliques 10, cet ange adopte un type juvénile aux cheveux bouclés et porte des vêtements de diacre, aube, amict et étole croisée devant le buste. Comme les anges du retable de Sterzing, il ne présente pas au dos de traces de fixation d’ailes sculptées : peutêtre ses ailes étaient-elles peintes sur le fond de la caisse du retable auquel il appartenait. La sculpture offre un reflet estompé et simplifié des anges sculptés par Multscher et son atelier. La silhouette étroite aux épaules tombantes, le drapé aux plis épais, le visage impassible aux joues larges et aux mâchoires carrées, le tracé des yeux et de la bouche, les boucles serrées des chevelures aplaties sur le sommet du crâne reprennent sur un mode mineur des motifs créés par le maître, transmis peut-être par les œuvres de ses suiveurs en Allgäu. Des reliefs attribués à l’atelier de Hans Rueland, telles la Nativité et l’Adoration des Mages du retable de Markdorf (1474 ; fig. 1, p. 132) 11, offrent un niveau de qualité comparable et une exécution un peu raide, dont quelques traits pourraient évoquer l’Ange tenant une draperie.
11 Stähle, 1983, n os 32, 22, p. 107-118. 12 Communication écrite, 2013.
136 l a s c u l p t u r e s o u a b e v e r s 1 4 6 0 - 1 5 0 0
cat. 4 r e v e r s
La sculpture souabe vers 1480-1525
À la fin du xv e et dans les premières décennies du xvi e siècle, la production sculptée en Souabe connaît une ampleur considérable. Sous l’égide de personnalités artistiques dominantes, elle se diversifie en multiples facettes, unifiées par l’expression traditionnelle d’une douceur paisible et d’une sensibilité délicate.
148
Carte des principaux lieux mentionnĂŠs
149
Ulm. Michel Erhart, son atelier et son entourage
1 Voir principalement exp. Ulm, 2002, et, parmi les publications de référence, Otto, 1943a ; Deutsch, 1969, p. 3-34, 125-187 ; Miller, 1971 ; Broschek, 1973 ; Deutsch, 1977, p. 305-309 ; Deutsch, 1985 ; Miller, 2004b. 2 Schwäbisch Hall, église Saint-Martin ; h . 2,80. Voir notamment Deutsch, 1969, p. 125-129 ; Deutsch, 1985, p. 6-8 ; Kahsnitz, 2002, p. 122-124 (avec données historiques et techniques par Wolfgang Deutsch et Evamaria Popp p. 126-127). 3 État de la recherche : Deutsch, 1969, p. 3-34 ; Roth, 2002, p. 10-21. 4 Voir notamment Miller, 2002 ; Roller, 2002a, p. 89-91. 5 Berlin, Staatliche Museen, Bode-Museum (inv. 421) ; h . 1,35. Voir notamment Krohm, 2002 ; exp. Ulm, 2002, n o 24, p. 276-280. 6 Munich, Bayerisches Nationalmuseum (inv. 19/144), Vierge à l’Enfant ; h . 1,83. Kaufbeuren, église SaintMartin, Saint Damien, Saint Côme, Saint Martin, Saint Ulrich ; h . de 1,81 à 2,05. Voir notamment Miller, 1971 ; exp. Ulm, 2002, n o 22, p. 271-275. 7 Vienne, Kunsthistorisches Museum (inv. 1) ; h . 0,455. Meurer, 2002b ; Roller, 2002a, p. 86. 8 Voir ci-dessus « Ulm vers 1460-1500 ». 9 Blaubeuren, maître-autel, ancienne église abbatiale ; h . totale 11,90 ; l . volets ouverts 8,05 ; h . des figures de la caisse de 1,81 à 1,70. Voir principalement Deutsch, 1969, p. 135-170 ; Moraht-Fromm, Schürle, 2002 ; Meurer, 2002a ; Kahsnitz, 2005, p. 180-188. 10 Landshut, église Saint-Martin ; h . 5,80. Voir notamment Kahsnitz, 2002, p. 124-125. 11 Sigmaringen, Fürstlich Hohenzollernsche Sammlungen ; h . 1,09-1,10. Voir notamment exp. Ulm, 2002, n o 52, p. 324-332.
fig. 1 michel erhart Christ en croix 1494 Schwäbisch Hall, église Saint-Martin
Après la mort de Hans Multscher en 1467, le sculpteur
fig. 4, p. 154 ) 6. En revanche, le changement d’attribu-
Michel Erhart (né vers 1445, cité à Ulm de 1469 à
tion de la Vanitas de Vienne, retirée à Erhart et don-
1522) tient la première place à Ulm1. Il reçoit d’impor-
née à Syrlin 7, de même que l’activité de ce dernier en
tantes commandes, pour la collégiale d’Ulm (sculp-
tant que sculpteur prêtent encore à discussion 8.
tures du retable du maître-autel en 1474), pour
Les œuvres des années 1490 attribuées à Erhart ou
Saint-Ulrich-Sainte-Afre à Augsbourg en 1485, 1495
à son atelier sont plus aisément regroupées à l’appui
et 1508, pour les dominicaines de Saint-Gall, en
du Christ en croix de Schwäbisch Hall de 1494 : en
Suisse, en 1489 et 1490, pour l’abbaye de Weingarten
premier lieu, les sculptures du retable de Blaubeuren
en 1493. Toutes ces œuvres attestées – retables, buste
(fig. 3, p. 153), qui porte les dates 1493 et 1494 et
reliquaire, crucifix et anges – ont disparu, pour beau-
dont les peintures sont attribuées à l’atelier de
coup détruites par les iconoclastes ; du retable de
Bartholomäus Zeitblom (cité à Ulm de 1482 à sa mort
Weingarten, il ne reste que les volets peints par Hans
en 1520) avec la participation d’autres peintres, dont
Holbein l’Ancien (Augsbourg, cathédrale), et du Mont
Bernhard Strigel (cité à Memmingen de 1505 à sa mort
des Oliviers d’Ulm, auquel travaillaient en 1516-1517
en 1528) 9, le gigantesque Christ en croix de Landshut
Michel Erhart et son fils Bernhard, seulement cinq
(1495) 10 et, parmi beaucoup d’autres exemples, les
prophètes en grès très endommagés (Ulm, Ulmer
quatre reliefs de la Passion (1491) conservés à
Museum). Seul est conservé, à Schwäbisch Hall, un
Sigmaringen 11. Dans l’impossibilité d’aborder ici
monumental Christ en croix dont le périzonium porte
dans son ensemble l’œuvre de Michel Erhart, nous
le nom de Michel Erhart et la date 1494
nous limitons à en présenter quelques aspects.
(fig. 1)2.
Cet
unique point de référence a permis d’évaluer le style
L’importance numérique de la production de style
erhartien et a incité les chercheurs à tenter de recons-
erhartien atteste l’existence d’un atelier très actif,
truire l’œuvre du maître et de son
atelier3.
employant plusieurs compagnons, et montre aussi
Devant la perte irrémédiable du retable de la col-
que le langage artistique commun s’est rapidement
légiale d’Ulm, des interrogations subsistent sur les
diffusé vers d’autres sculpteurs. Aux sources de cet
décennies 1470 et 1480. Néanmoins, certaines attri-
art se rencontrent les traditionnelles valeurs souabes,
butions à Michel Erhart et à ses collaborateurs font
principalement héritées de Hans Multscher, et de
la quasi-unanimité, notamment les bustes de phil o-
nouveaux apports en résonance avec les tendances
sophes (fig. 2, p. 152) et de sibylles surmontant les
générales de l’époque.
jouées des stalles de la collégiale, réalisées sous
Les bustes des stalles de la collégiale d’Ulm attri-
la direction de Jörg Syrlin l’Ancien (1469-1474) 4, la
bués à Michel Erhart révèlent ainsi que le sculpteur
Vierge à l’Enfant de Ravensburg (vers 1480) 5 et les
transcrit à sa manière le motif à la mode de la figure
sculptures du retable de Kaufbeuren (vers 1475-1480 ;
à mi-corps (fig. 2). Le thème n’est pas inconnu
150 l a s c u l p t u r e s o u a b e v e r s 1 4 8 0 - 1 5 2 5
fig. 1 u l m . m i c h e l
e r h a r t,
s o n at e l i e r
e t
s o n
e n t o u r a g e
151
8 Saint Jacques Ulm vers 1490-1500 Bois (tilleul ?) polychromé h. 0,81 ; l. 0,27 ; p. 0,205 Figure de la caisse d’un retable Origine inconnue. Collection André Kahn-Wolf, Paris. Don André Kahn-Wolf, 1966-1967. Strasbourg, musée des Beaux-Arts I N V. S . 6 0 9
état sous les polychromies récentes ; dans le registre d’inventaire) exécutée le bois usures sous la base, sur l’extrémité malhabilement par le collectionneur, Sculpture taillée dans une demi-bille du nez et la lèvre supérieure. avant le don de la sculpture au musée Petite pièce de bois collée sur le pied en 1966 ou 1967 : suppression d’une de bois (tilleul ?), plusieurs zones noueuses ; main droite (aujourd’hui gauche : morceau provenant de la couche noirâtre (vestiges conservés principalement au revers) et pose disparue) vraisemblablement sculpture et mal positionné ou ajout de nouvelles couches de couleur avec assemblée à l’origine. récent ? motifs dorés, recouvrant les cassures Revers évidé avec une herminette Bâton et main disparus, remplacés du bois et le papier autour du bâton. et une large gouge. au xx e siècle par une mince branche Traces de fixation dans l’étau de d’arbre maintenue par un rouleau Polychromie actuelle : de papier et du fil de fer. l’établi : sur la tête, cavité cylindrique manteau rouge vif avec bordure Au revers, trois pitons métalliques (d. 3 cm environ) comblée par une décorative dorée ; revers bleu du à vis du xx e siècle : un au sommet pièce de bois ; sous la base, deux manteau et de la tunique ; col noir de l’évidement, deux en bordure entailles (chacune l. 1,5 cm environ) de la tunique avec losanges dorés ; reliés par une chaîne. bas de la tunique ornée de fleurettes distantes de 5 cm environ. dorées à cinq pétales (poudre d’or ou Nombreuses fentes principalement sur la base, le buste et la tête, certaines la polychromie bronzine) ; chausse rose ; chaussure, Sous la polychromie actuelle, vestiges comblées par des flipots anciens (?) couverture du livre et chapeau d’une ancienne polychromie, peut-être notamment sur la joue droite. noirs ; carnations roses avec yeux Attaque d’insectes xylophages, trous la polychromie d’origine : préparation et sourcils noirs ; épaisse couche d’envol, galeries ouvertes en surface. rouge comblant le creux sculpté blanche, restes de bol et d’or sur la tunique, couches rouge et bleu Manques : partie avant et côtés de la entre les lèvres entrouvertes ; sur le manteau et son revers. couche rose sur le rouleau de papier base, extrémité du pied gauche, main Polychromie actuelle de médiocre maintenant le bâton pour évoquer droite et le bâton qu’elle tenait, bord une main. senestre du chapeau au revers ; éclats qualité et en piètre état de conser en bordure du manteau, sur la barbe vation, résultant de plusieurs bibliographie et les cheveux, et sur le chapeau interventions (xix e ? et xx e siècle). Œuvre inédite. probablement en partie retravaillé Dernière intervention (mentionnée
L’habit de pèlerin permet d’identifier l’apôtre saint
la mission apostolique, la dextre devait s’appuyer
Jacques le Majeur, qui serait venu évangéliser l’Espagne
sur un bâton de pèlerin, comme le suggère la maladroite
et dont le tombeau à Compostelle était l’un des lieux
restitution de ces parties.
de pèlerinage les plus importants du Moyen Âge, aux
Ce Saint Jacques était à l’origine une figure de retable
côtés de Jérusalem et de Rome 23. Suivant l’iconographie
placée contre le fond vertical de la caisse, ainsi que
habituelle, le saint porte des vêtements adaptés à
l’atteste son revers évidé. De format modeste, il devait
la marche et protégeant des intempéries, inspirés du
appartenir à un retable de moyennes dimensions, comme
costume civil. Il est coiffé d’un chapeau à larges bords,
par exemple celui de Rübgarten (atelier de Niclaus
sur lequel la coquille ou les enseignes de pèlerinage
Weckmann, signé par le peintre Hans Syrer, 1519),
ne sont pas décelables en raison de l’état dégradé
qui présente dans sa caisse saint Jacques en pendant
de la sculpture et de sa polychromie. Le manteau est
de saint Wendelin, autour de la Vierge à l’Enfant 25.
attaché sur une épaule et laisse dépasser le col montant
Légèrement tourné vers sa gauche, le Saint Jacques
de la robe, à l’image de représentations de saint Jean
se tenait probablement à la droite de la sculpture
l’Évangéliste ou d’apôtres, par exemple sur les gravures
centrale, figure mariale ou autre figure sainte.
du Maître E.S. ou de Martin Schongauer 24. Comme la robe
Son style incite à le rapprocher de la production
est ici plus longue qu’à l’ordinaire, elle est fendue sur
sculptée à Ulm dans le sillage de Michel Erhart et
le côté pour faciliter le mouvement de la marche. Le pas
de son atelier 26. La pondération de l’attitude du saint
en avant est indiqué par la jambe gauche fléchie, revêtue
est à peine rompue par la légère inclinaison de la tête et
de chausses ajustées enfoncées dans une chaussure
l’avancée de la jambe gauche. Le drapé peu mouvementé,
montante resserrée par une bride, éléments typiques
la disposition du manteau et la claire articulation des plis
du costume des pèlerins de l’époque. Accessoire égale-
paraissent dériver de formules erhartiennes. Le manteau
ment caractéristique, la panetière apparaît à hauteur
passé sur le bras gauche crée une grande zone d’ombre
de la taille, à demi dissimulée dans le creux du manteau
de ce côté et se creuse aussi à l’opposé dans la fente
sous le coude. La main gauche tient un livre évoquant
de l’ouverture latérale, mais le pan central se gonfle u l m . m i c h e l
e r h a r t,
s o n at e l i e r
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cat. 8
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157
Ulm. Niclaus Weckmann, son atelier et son entourage
Parmi les sculpteurs actifs à Ulm en parallèle à Michel
Wolfgang Deutsch, à l’appui de l’étude de la sculp-
Erhart à partir des années 1480-1490, Niclaus Weckmann
ture de Neufra, a donné une nouvelle interprétation
(cité à Ulm de 1481 à 1526) s’impose comme chef de file
des documents concernant un maître ulmien contem-
d’une tendance majeure du style local, qui rayonne
porain, Jörg Syrlin le Jeune (cité à Ulm de 1482 à 1523).
L’identité artis-
Il a démontré que Syrlin, que l’on croyait sculpteur,
tique du sculpteur n’a été reconnue qu’à la suite de
fut en réalité menuisier et « entrepreneur », passant
la découverte, en 1964, d’une inscription sur la base
contrat avec les commanditaires, réalisant les parties
de la statue commémorative du chevalier Stephan
structurelles des retables et en sous-traitant l’exécu-
von Gundelfingen (mort en 1507) dans l’église de
tion des sculptures, de la polychromie et des pein-
Neufra : « […] niclaus weckman bildhawer zu […] 1528 »
tures 3. De même, l’hypothèse de l’activité de sculpteur
dans toute la Souabe et bien
(fig. 1,
2) 2.
au-delà 1.
Cette unique sculpture signée a permis de
du peintre Martin Schaffner (Ulm, cité à partir de 1499,
reconstituer l’œuvre de Weckmann et de son atelier,
mort entre 1546 et 1549), fondée sur une ancienne
puisque tous les travaux mentionnés par des sources
chronique le nommant statuarius et pictor (voir cat. 10),
écrites ont disparu. Citons en premier lieu le retable du
a été mise en doute et réfutée principalement par
maître-autel de l’église paroissiale de Biberach,
Wolfgang Deutsch et Alfred Schädler 4. Le peintre
achevé en 1490, dont les volets avaient été peints par
Schaffner collaborait en fait avec des sculpteurs pour
Martin Schongauer (Colmar, vers 1445-1491) et qui fut
la réalisation de retables dont il était responsable et
brûlé par les iconoclastes en 1531.
sur lesquels étaient seuls apposés son monogramme ou son nom (retable de Laux Hutz, 1521, collégiale d’Ulm ; ancien retable de Wettenhausen, 1523-1524) 5. Dès lors, l’important ensemble stylistique autrefois réuni autour des noms de Syrlin le Jeune et de Schaffner 6 a été transféré à Niclaus Weckmann et à son atelier ou à son entourage.
1 Voir principalement exp. Stuttgart, 1993. 2 Riedlingen-Neufra, église Saint-Pierreet-Saint-Paul ; h . 2,55. Exp. Stuttgart, 1993, n o 1, p. 437 ; Weilandt, 1993d. 3 Deutsch, 1968 ; Deutsch, 1993. 4 Deutsch, 1968, note 106, p. 78 ; Schädler, 1992, p. 55-58. 5 Sur Schaffner : Moraht-Fromm, 1993 ; Moraht-Fromm, 2000 ; Teget-Welz, 2008. 6 Voir principalement Baum, 1911, p. 45-67, 107-116 ; Otto, 1927, p. 112-262 ; Otto, 1935c ; Göbel, 1956, p. 8.
Les débuts de Niclaus Weckmann sont mal connus. Le style des œuvres de la maturité révèle que le sculpteur s’est vraisemblablement formé à Ulm, où il acquiert le droit de bourgeoisie en 1481 – Hans Schüchlin, Michel Erhart et Paul Lebzelter se portent garants pour lui – et où il dirige un atelier indépendant. Ses premiers travaux, dans les années 1480, pourraient être à l’image fig. 1
160 l a s c u l p t u r e s o u a b e v e r s 1 4 8 0 - 1 5 2 5
d’un petit groupe de sculptures ulmiennes : figures du
fig. 1, 2 niclaus weckmann Stephan von Gundelfingen 1528 Riedlingen-Neufra, église Saint-Pierre-et-Saint-Paul
inscription : « […] niclaus weckman bildhawer zu […] 1528 » (Niclaus Weckmann sculpteur à […] 1528)
fig. 2 u l m . n i c l au s w e c k m a n n,
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10 Le Christ en prière vers 1514
état flipots et pièces incrustées sur le bois le visage, les cheveux et le drapé Sculpture taillée dans une pièce retaillés localement ; pièce en bois principale de bois (bille de tilleul) ; résineux sur la tête ; grande pièce élément formant les mains assemblé rectangulaire à la base de la figure dès l’origine (vraisemblablement (h. 13 cm ; l. 39 cm) ; pièce restituant en tilleul), main droite sculptée, quatre doigts du pied droit et le sol main gauche laissée ébauchée car sous-jacent (h. 7,5 cm ; l. 10 cm). non visible de face ; plusieurs flipots anciens ; trois cavités dans la chevelure la polychromie Vestiges de la polychromie d’origine pour la fixation d’éléments rapportés recouverts par la polychromie actuelle, en métal ou en bois (faisceaux du xix e siècle, partiellement conservée. de rayons aujourd’hui disparus). Revers évidé à l’herminette et à Préparation d’origine (carbonate de calcium et colle protéinique), revêtue la gouge : cavité principale au revers par endroits, notamment sur la tunique, du corps du Christ ; cavité arrondie d’une couche ocre un peu translucide (diam. de l’ouverture : 7 cm, p. 14 cm) (blanc de plomb, liant huileux). au revers de la tête ; bois trop aminci transpercé à la pliure du coude Tunique du Christ : à l’origine violette gauche. (laque rouge broyée, bleu au cuivre Traces de fixation dans l’étau – azurite ? –, quelques pigments noirs, de l’établi : sur la tête, percement blanc de plomb, liant huileux), avec cylindrique (d. 2,5 cm environ) large bordure dorée (L. 8 cm ; feuilles communiquant à l’origine avec d’or sur bol) ; localement, vestiges la cavité au revers de la tête d’une couche bleue azurite (seconde (percement ultérieurement élargi polychromie ?) ; polychromie du et comblé par une pièce en bois xix e siècle : couche bleue (blanc de résineux) ; sous la base endommagée, plomb, bleu de Prusse, liant huileux), bordure ocre. aucune trace visible. Traces de fine râpe pour polir le Carnations : à l’origine roses (blanc bois, à l’arrière de l’épaule gauche. de plomb, laque rouge, ocre, bleu Fibres végétales encollées sur un au cuivre – azurite ? –, liant huileux) nœud (pan du manteau à senestre). avec gouttes de sang (glacis rouge) ; Deux traces de brûlure, sans doute polychromie du xix e siècle : couche de flammes de cierges, sur le bras rose pâle (sulfate de baryum, pigments gauche. Importante attaque rouges, liant huileux) avec accents d’insectes xylophages, surtout roses sur les joues et les paupières, iris et sourcils gris-brun, pupilles à la partie inférieure ; bois altéré noires, lèvres rouges et dents blanches. avec fentes, éclats et réfections, abrasion de la surface. Chevelure et barbe : brun foncé à l’origine, repeintes en brun. Réfections d’époques diverses :
atelier de Niclaus Weckmann (cité à Ulm de 1481 à 1526) Bois (tilleul) restes de polychromie h. 1,45 ; l. 0,94 ; p. 0,44 Figure d’un groupe de la Prière du Christ au mont des Oliviers Origine inconnue. Proviendrait de l’église du couvent des chanoines augustins de Wettenhausen (du Mont des Oliviers érigé en 1514 et peint par Martin Schaffner en 1515). Collection particulière de la région d’Albi. Acquis de Mlle Bouyssou en 1905. Paris, musée du Louvre, département des Sculptures I N V. R F 1 3 8 1
Cette sculpture faisait partie d’une représentation de la Prière du Christ au mont des
Oliviers 24.
L’épisode
i d e n t i f i c a t i o n d u b o i s Élisabeth Ravaud, C 2 R M F , 2005. a n a l y s e s d e l a p o l y c h r o m i e Sylvie Colinart, C 2 R M F , 1989. bibliographie Michel, 1906, p. 407 (France, début du xvi e siècle) ; Michel, Vitry, 1907, p. 106, n o 915 (id.) ; Vitry, 1922, p. 65, n o 541 (école rhénane, fin du xv e siècle) ; Otto, 1927, note 5 p. 187 (Ulm, atelier ou entourage de Jörg Syrlin le Jeune) ; Guillot de Suduiraut, 1988, p. 7-8 (Ulm, style de Niclaus Weckmann, début du xvi e siècle) ; Guillot de Suduiraut, 1991-1992, p. 200-202, n o 55 (Souabe, vers 1500) ; Schädler, 1992, p. 78 (attribué à Niclaus Weckmann, avant 1496, par comparaison avec les figures du retable d’Ochenhausen) ; Lichte, 1993b, p. 114, note 112 p. 123 (atelier de Niclaus Weckmann, vers 1520, par comparaison avec la Dormition de la Vierge de Böttingen) ; Les sculptures européennes du musée du Louvre, 2006, p. 357 (atelier de Niclaus Weckmann, vers 1500-1520) ; Teget-Welz, 2008, p. 159-161, 168, 378-379 (atelier de Niclaus Weckmann, 1514 ; proviendrait du Mont des Oliviers de Wettenhausen peint par Martin Schaffner) ; Ravaud, Guillot de Suduiraut, 2009, p. 64 (atelier de Niclaus Weckmann) ; Winbeck, 2012, p. 38 (Niclaus Weckmann, 1515) ; exp. Paris, 2015, n o 3.
un ange qui le réconfortait » (Luc 22, 41-43). On peut ainsi imaginer la composition primitive dans son intégralité,
de l’Évangile se situe après la Cène : Pierre, Jacques
regroupant dans un paysage montagneux l’ange placé en
le Majeur et Jean, les trois apôtres venus avec le Christ
hauteur, le Christ et les trois apôtres, et sans doute Judas
dans le jardin de Gethsémani (« pressoir des huiles »)
figuré au loin à la tête de la petite troupe armée venue
au mont des Oliviers, se sont endormis pendant que leur
arrêter son maître, telle que la scène est représentée sur
maître priait seul, en détresse à l’approche du supplice
maintes sculptures, peintures ou gravures (fig. 7, p. 166).
(Matthieu 26, 36-46 ; Marc 14, 32-42 ; Luc, 39-46).
étude et restauration Marta Darowska, 1990 ; Juliette Lévy-Hinstin, 2010.
Très nombreux aussi en Allemagne à la fin du Moyen
L’attitude du Christ en prière, agenouillé, les yeux levés,
Âge, des groupes monumentaux de Mont des Oliviers
illustre le texte évangélique : « Fléchissant les genoux,
(Ölberg) représentent ce thème, isolé des autres scènes
il priait : “Père, disait-il, si tu le veux, éloigne de moi cette
de la Passion et réunissant des figures sculptées, souvent
coupe ! Cependant que ce ne soit pas ma volonté qui se
de grande taille et en fort volume, dans un décor de
fasse, mais la tienne !” Alors lui apparut, venant du ciel,
rochers, barrières et plantes évoquant le cadre naturel u l m . m i c h e l
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cat. 1 0 u l m . m i c h e l
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167
Memmingen et l’Allgäu vers 1480-1510. Sculpteurs de l’atelier des Strigel et divers ateliers
En parallèle à la métropole, de riches cités de la
entre les sculptures des différents retables attestent
Souabe méridionale poursuivent une importante acti-
le recours par le maître à plusieurs sculpteurs de for-
vité artistique, principalement Memmingen, en Allgäu,
mations diverses : comme les sources de Memmingen
où la famille Strigel tient une place prépondérante.
le suggèrent, ce seraient des compagnons sculp-
Fils du peintre Hans Strigel l’Ancien (cité à
teurs, collaborateurs occasionnels ou présents plus
Memmingen de 1430 à sa mort en 1462), Ivo Strigel
longuement auprès de lui, plutôt que des maîtres
est mentionné à partir de 1459 et dirige un atelier flo-
sculpteurs indépendants. En comparaison, les pein-
rissant jusqu’à sa mort en 1516 1. Pendant longtemps,
tures sont réalisées dans le cadre familial. Malgré
les chercheurs se sont demandé si ce maître faisait
leurs divergences de qualité, elles s’assemblent
œuvre de peintre ou de sculpteur et quelle était
pour la plupart au sein de deux tendances princi-
sa part effective dans l’exécution des retables signés
pales qui se rattachent à l’activité d’autres membres
de son nom. Ivo Strigel est en effet mentionné comme
de la famille Strigel, notamment Claus et Bernhard
sculpteur lors de la vente de sa maison en 1478, mais
(cité à Memmingen de 1505 à sa mort en 1528). Aux
aussi comme peintre en 1463, 1514 et 1516 ; son nom
styles des peintures des retables correspondent ceux
et celui de son frère, le peintre Hans le Jeune (cité à
de la polychromie qui revêt les figures sculptées, les
Memmingen de 1450 à 1479), apparaissent ensemble
éléments décoratifs, les montants de la caisse, des
sur un volet du retable commandé par le comte Hugo
volets et de la prédelle. Les formes générales des
von Montfort et son épouse Elisabeth von Werdenberg
retables et leur structure montrent en revanche une
(1465). Or, selon les règlements de Memmingen,
remarquable permanence.
seul un maître qui a reçu une double formation
Ces caractères distinctifs de la production strige-
de peintre et de sculpteur est autorisé à exercer les
lienne et la présence du nom d’Ivo Strigel sur la
deux métiers ; dans le cas contraire, le peintre doit
caisse de plusieurs retables à partir de 1489 laissent
employer des compagnons sculpteurs, le sculpteur
penser que le maître a surtout joué le rôle d’un chef
des compagnons peintres. Des compagnons d’Ivo
d’entreprise – en tout cas dans la seconde partie de
Strigel sont cités en 1466, 1505-1506 et 1514-1515,
sa carrière –, responsable des contrats passés avec
mais les textes ne précisent pas leurs attributions.
le commanditaire et chargé de la répartition des
Cependant, l’étude des retables signés par Ivo
tâches entre ses collaborateurs, menuisiers, pein-
Strigel entre 1489 et 1514 a permis à Albrecht Miller
tres, polychromeurs et sculpteurs. Cette entreprise
d’éclairer ces
questions 2.
Le manque d’unité stylis-
dynamique exporte une grande part de ses ouvrages,
tique entre peintures et sculptures d’un même
fournissant en retables d’autels de nombreuses égli-
retable semble bien exclure une double activité pour
ses en Suisse, tout particulièrement dans les vallées
Strigel. En outre, les grandes disparités qui règnent
montagneuses des Grisons, distantes de Memmingen
m e m m i n g e n
e t
l ’ a l l g ä u. l ’ at e l i e r
d e s
1 Dans l’abondante bibliographie sur les Strigel et la production de l’atelier familial, voir notamment Rott, 1934, p. x x v i i i - x x i x , 96-99 ; Otto, 1935b ; Otto, 1935c ; Otto, 1948 ; Stange, 1957, p. 126-133 ; Stange, 1970, p. 190-197 ; Miller, 1987 ; Beckerath (von), Nay, Rutishauser, 1998, p. 90-102 ; Dupeux, Guillot de Suduiraut, Lévy, 1999, p. 42-43 ; Miller, 2011-2013. 2 Miller, 1987.
s t r i g e l
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d i v e r s at e l i e r s
183
fig. 1 atelier d’ivo strigel Retable 1490 volet dextre : Sainte Marie Madeleine caisse : Saint Martin, La Vierge à l’Enfant, Saint Jean Baptiste volet senestre : Sainte Barbe
fig. 2 atelier d’ivo strigel Retable vers 1490 volet dextre : Sainte Barbe caisse : Sainte Catherine, La Vierge à l’Enfant, Sainte Marie Madeleine volet senestre : Sainte Marguerite
Lumbrein, chapelle Maria Hilf
Obersaxen, chapelle Saint-Georges à Meierhof
fig. 1
de quelque deux cents kilomètres. Les œuvres sont acheminées le long des voies commerciales, transportées en bateau sur le lac de Constance et à dos d’animal sur d’étroits sentiers muletiers dans les montagnes des Grisons 3. En se fondant sur les retables signés et datés, il est possible de discerner plusieurs ensembles stylistiques à l’intérieur de la production de l’atelier d’Ivo Strigel. Dans les années 1485-1490, on distingue un premier groupe d’œuvres réunies autour du retable de Disentis (signé et daté de 1489 ; fig. 3)4, comprenant notamment les retables de Brigels (1486 ou vers 1490-1495 ?)5, de Lumbrein (daté de 1490 ; fig. 1)6 et d’Obersaxen (fig. 2)7, situés tous dans la même partie des Grisons, à l’ouest de Coire. Les sculptures et la
fig. 2 3 Beckerath (von), Nay, Rutishauser, 1998, p. 14-15, 118-123. 4 Disentis (Mustér, Grisons), église Saint-JeanBaptiste ; caisse : h . 2,00 ; l . 2,08. Voir notamment Schuette, 1907, p. 246 ; Poeschel, 1943 ; Brachert, 1973 ; Beckerath (von), Nay, Rutishauser, 1998, n o 64, p. 93, 96, 120, 124, 244-245 ; Miller, 2011-2013. 5 Brigels (Breil, Grisons), chapelle Saint-Eusèbe ; caisse : h . 1,69 ; l . 1,76. Friedrichshafen, Zeppelin Museum, volets du retable. Voir notamment Beckerath (von), Nay, Rutishauser, 1998, n o 11, p. 76, 93, 102, 124, 233 ; Miller, 2011-2013, p. 83, 86 (retable datable vers 1490-1495 : la date de 1486, autrefois inscrite à la craie au revers de la caisse, ne serait pas celle du retable mais de la reconstruction du chœur). 6 Lumbrein (Grisons), chapelle Maria Hilf ; caisse : h . 1,365 ; l . 1,135 ; h . des figures sculptées : de 0,955 à 1,045. Voir notamment Beckerath (von), Nay, Rutishauser, 1998, n o 83, p. 96, 98, 102, 138, 250 ; Miller, 2011-2013, p. 83.
polychromie de ces retables sont de style semblable 7 Obersaxen (Grisons), chapelle Saint-Georges à Meierhof ; caisse : h . 1,55 ; l . 0,925 ; h . des figures sculptées : de 0,80 à 0,83. Voir notamment Beckerath (von), Nay, Rutishauser, 1998, n o 94, p. 96, 102, 104, 196, 210, 218, 252 ; Miller, 2011-2013, p. 83. 8 Miller, 2001, p. 85 ; Miller, 2011-2013. Il nous est difficile de commenter cette hypothèse et d’envisager ici les exemples regroupés par Albrecht Miller faute de les connaître de visu (hormis ceux des Grisons). 9 Sculptures du retable de l’église de San Vittore (Grisons) : San Vittore, Museum ; Coire, Dommuseum ; Zürich, Nationalmuseum ; Schaffhouse, Museum zu Allerheiligen. h . de 1,24 à 1,20, 0,705 et 0,735. Voir notamment Beckerath (von), Nay, Rutishauser, 1998, n o 116, p. 74, 98, 134, 194, 198, 203-204, 219, 258-259. 10 Bâle,Museum für Geschichte-Barfüsserkirche (inv. 1877.55, 1904.509), fragments d’un retable de Coire (Chur, Grisons). Voir notamment Beckerath (von), Nay, Rutishauser, 1998, n o 36, p. 155, 239-240.
184 l a s c u l p t u r e s o u a b e v e r s 1 4 8 0 - 1 5 2 5
ou très voisin. Également apparentées entre elles, les peintures sont parfois considérées comme des œuvres de jeunesse du peintre Bernhard Strigel, vraisemblablement neveu d’Ivo, pour lequel il aurait travaillé avant de fonder son propre atelier vers 1495. Les figures sculptées de ce premier groupe de retables de l’atelier d’Ivo Strigel trouvent ici un écho précis dans la Sainte Catherine et le Saint Nicolas des musées de Chartres et de Lille (cat. 13, 14), beaucoup plus diffus dans la Sainte Marie Madeleine du Louvre (cat. 15). Selon l’hypothèse d’A. Miller, les sculptures de Disentis et des retables des Grisons apparentés seraient l’œuvre de Konrad Köppel, plusieurs fois cité à Kaufbeuren entre 1490 et 1504 : avant de
13 Sainte Catherine Memmingen
état le bois Sculpture taillée dans une pièce principale de bois (demi-bille de tilleul) ; main droite et pommeau de l’épée peut-être assemblés à l’origine ; éléments assemblés dès l’origine, aujourd’hui manquants : fleurons de la couronne, partie inférieure et quillons de l’épée, extrémité du pied droit. Revers évidé à l’herminette et à la gouge. Traces de fixation dans l’étau de l’établi : sur la tête, deux cavités cylindriques contiguës, l’une (d. environ 3 cm) ultérieurement comblée par une pièce de bois, l’autre vide (d. environ 2 cm) ; sous la base, deux cavités arrondies (environ 1 × 1 cm). Traces de fixation (?) dans la caisse du retable : quatre percements pour loger des chevilles au bas de la figure, deux à dextre, deux à senestre. Faible attaque d’insectes xylophages. Manques : bord du manteau audessus du genou droit, bord de la base à senestre ; éclats sur l’extrémité du nez et du pouce de la main droite. Clous : sous la main droite, à l’emplacement des quillons ; en bas du drapé au-dessus du pied droit.
vers 1490 sculpteur de l’atelier d’Ivo Strigel Bois (tilleul) polychromie d’origine lacunaire et reprise localement au xix e siècle h. 1,00 ; l. 0,38 ; p. 0,25 Figure de la caisse d’un retable Origine inconnue. Collection d’Auguste-François Alfred Béthouart (1839-1907) et de son épouse née Augustine Marie Pauline Chauveau. Legs de cette dernière, 1933. Chartres, musée des Beaux-Arts, I N V. 7 2 4 5
la polychromie Polychromie d’origine usée et lacunaire, intervention du xix e siècle partiellement conservée. Bois recouvert par endroits de toile (couronne, poignet droit) ou de fibres végétales (épaule gauche) encollées. Préparation blanche d’origine (carbo nate de calcium et colle protéinique). Manteau, couronne : dorure (xix e siècle ?) sur bol rouge orangé (ocre rouge, carbonate de calcium et blanc de zinc), avec fines lignes
incisées indiquant, sur les côtés du manteau, les limites de la surface à dorer ; dans le creux de certains plis et sur les côtés du manteau et de la couronne, présence de feuilles de métal or/argent (vraisemblable ment or parti) ; sur la couronne, traces de fixation d’éléments décoratifs rapportés : cinq petites cavités avec restes de tiges métalliques (d. environ 0,5 cm pour l’élément central, 0,3 cm pour les latéraux). En contradiction apparente avec l’usage de techniques et de matériaux traditionnels au Moyen Âge, la présence de blanc de zinc (utilisé à partir du xix e siècle) dans le bol incite à dater tardivement cette dorure. Cheveux : restes de dorure sur mixtion, avec repeint brun. Robe : à l’origine, décors en relief moulés et appliqués, dits « brocarts appliqués », de forme rectangulaire (h. 9 cm environ ; l. 5,5 cm), finement striés, argentés sur mixtion avec rehauts colorés (stratigraphie : 1. couche brunâtre organique, 2. feuille d’étain, 3. terre riche en oxydes de fer, grains de blanc de plomb et carbonate de calcium, 4. feuille d’argent) ; ces décors appliqués sont aujourd’hui très endommagés et localement recouverts des restes d’une couche bleu-vert du xix e siècle (vert au chrome et blanc de baryum dans une matrice organique). Revers du manteau : rouge vif en trois couches (1. épaisse couche, environ 130 µm, minium, blanc de plomb et carbonate de calcium, 2. fine couche, environ 45 µm, vermillon et carbonate de calcium, 3. glacis rouge lacunaire ; colorants : garance et cochenille) d’origine ou du xix e siècle (?).
La jeune chrétienne d’Alexandrie, martyrisée au début
la droite de la figure centrale, vraisemblablement une
du iv e siècle, est représentée avec une épée, l’un de ses
Vierge à l’Enfant. La caisse pouvait contenir trois figures
attributs habituels qui rappelle qu’elle mourut décapitée.
et appartenir à un retable de format modeste destiné à une
Selon l’usage iconographique, son origine princière
petite église ou à une chapelle, comme ceux de Lumbrein
est soulignée par le port d’une couronne et de riches
(1490) et d’Obersaxen (fig.1, 2, p. 184) 20. La composition
vêtements, sa jeunesse virginale par sa longue chevelure
élargie pouvait aussi présenter cinq figures, quatre
dénouée 19.
Ceinture : couche verte d’origine (malachite, blanc de plomb, quelques grains de jaune d’étain-plomb ; liant huileux), avec vestiges d’une couche bleue du xix e siècle (bleu de Prusse, blanc de plomb). Chemise blanche, chaussure noire. Sol : couche verte d’origine (malachite, grains de jaune de plomb et d’étain, carbonate de plomb). Carnations : couche rose pâle d’origine (blanc de plomb, carbonate de calcium et grains de vermillon) avec accents rose soutenu (lacunaires, retouches locales) sur les joues, les paupières, le nez et le menton ; yeux à la paupière supérieure cernée de brun et aux coins ponctués de rose vif, iris brun avec point blanc pour indiquer le reflet de la lumière ; sourcils ocre relevés de traits de pinceau brun foncé ; lèvres avec accent rouge sur les commissures, lèvre inférieure plus claire, supérieure avec glacis rouge plus sombre. Mains aux ongles roses bordés d’une ligne brune et rehaussés de touches blanches. étude et restauration Juliette Lévy-Hinstin, 2000. identification du bois Élisabeth Ravaud, C 2 R M F , 2011. a n a l y s e s d e l a p o l y c h r o m i e Nathalie Pingaud, C 2 R M F , 2012. bibliographie Douce de La Salle, 1979, p. 29 (Sainte Catherine) ; Guillot de Suduiraut, 1991-1992, p. 228-229 (Souabe, vers 1500) ; Guillot de Suduiraut, 1998a, p. 117 (id.) ; Joubeaux, Lévy, 2002 (atelier d’Ivo Strigel, vers 1500) ; exp. Paris, 2015, n o 6.
saints étagés autour de la Vierge au centre – ainsi dans les retables de Disentis (1489 ; fig. 3, p. 185) et de Brigels
L’évidement au revers de la sculpture indique l’emplacement primitif de la Sainte Catherine dans la
(1486 ou vers 1490-1495 ?), de plus vastes dimensions 21.
caisse d’un retable aux côtés d’autres figures sculptées.
Ces exemples choisis à dessein offrent les points
L’inclinaison de sa tête suggère qu’elle se tenait à
de référence utiles à l’analyse stylistique de l’œuvre. m e m m i n g e n
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19 Jacques de Voragine, 2004, p. 975-985 ; Lexikon, 7, 1974, col. 289-297. 20 Voir notes 6 et 7. 21 Voir notes 4 et 5.
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En Souabe. La diffusion de l’art weckmannien Certaines sculptures souabes appartiennent à un
avec l’atelier, s’inspirent du style et des principes for-
cercle élargi autour de Niclaus Weckmann et de son
mels weckmanniens. Nous hésitons également à situer
atelier. Il n’est pas toujours aisé de déterminer si elles
précisément les lieux d’exécution des sculptures à Ulm
sont l’œuvre d’anciens compagnons du maître devenus
ou en Souabe méridionale.
indépendants ou de suiveurs qui, sans contact direct
17 La Vierge à l’Enfant Souabe vers 1500-1510 suite de Niclaus Weckmann (cité à Ulm de 1481 à 1526) Bois (tilleul) polychromé h. 1,125 ; l. 0,35 ; p. 0,27 Figure de la caisse d’un retable Origine inconnue. Commerce de l’art, Strasbourg. Collection Charles Spindler (Boersch, Bas-Rhin, 1865-1938). Collection particulière. Acquisition, 1993.
état le bois Sculpture taillée dans une pièce principale de bois (bille de tilleul) ; grande pièce assemblée (h. 91 cm ; l. 12 cm ; p. 7 cm), avec restes de toile encollée, formant le côté dextre de la figure de l’épaule à la base. Revers évidé : traces de gouge creuse dans le sens de la hauteur, traces de gouge transversales sur la paroi senestre de la cavité ; à l’origine, cavité ronde (d. 6,5 cm environ) au revers de la tête. Traces de fixation dans l’étau de l’établi : non visibles sous la base dégradée ; cavité cylindrique comblée par une pièce de bois (d. 2 cm) sur la tête. État très altéré de la sculpture, qui a été probablement endommagée anciennement (attaque d’insectes xylophages, retailles et réfections), puis exposée aux intempéries au xx e siècle (présentée en façade
Strasbourg, musée
importantes parties manquantes d’un bâtiment de l’entreprise de dans le bas de la sculpture, pertes marqueterie Spindler à Boersch 1). de matière sur toute la surface, Interventions sur la tête de la Vierge en particulier sur les saillies du avant le xx e siècle : suppression drapé, le corps et la tête de l’Enfant, du voile et retaille des cheveux nombreuses fentes ouvertes ou (au xvii e siècle ?), avec creusement prononcé à hauteur du cou et épaisses comblées ; gros percement (environ mèches bouffant vers l’arrière 1 × 1 cm) au centre du buste de la (quelques mèches originales Vierge, peut-être trace de fixation du xx e siècle. conservées à senestre) ; cavité tronconique (d. 2 cm ; p. 3 cm) sur la tête et retaille de la calotte crânienne la polychromie Vestiges d’une polychromie ancienne pour recevoir une couronne ; retaille (partiellement dégagée) recouverte et comblement de la cavité ronde du par d’épaisses couches, notamment revers avec une pièce de bois (h. 9 cm ; une couche blanche uniforme visible l. 6 cm ; p. 3 cm), aujourd’hui mal sur la photographie de 1914 et ajustée, sur laquelle devait être fixé des couches colorées postérieures le nimbe visible sur la photographie (manteau bleu, robe rouge). de 1914 ; trois clous sur le nez pour le consolider (bois fendu avec identification du bois comblements). Elisabeth Krebs, Andrea Wähning, Manques : bras de l’Enfant Jésus 2006. et nimbe de la Vierge (présents sur la photographie de 1914 ; restes de bibliographie cheville sur le haut du bras gauche) ; Spindler, 2009, p. 286-287.
de l’Œuvre Notre-Dame I N V. 2 2 . 9 9 3 . 3 . 1
Malgré les importantes dégradations du bois et de
modèles dans l’art weckmannien. Des attitudes et
la polychromie, le type et le style de la figure mariale
gestes analogues sont adoptés par la Vierge à l’Enfant
demeurent reconnaissables. Comme la Vierge à l’Enfant
du retable d’Ochsenhausen (1496-1499), création
du retable de Morissen (cat. 16 ), Marie soutient de la
majeure de Weckmann, dont les plis du manteau
main gauche le corps de son fils à demi allongé, tourné
richement mouvementés recouvrent à moitié la lune
vers l’extérieur ; mais la dextre fait un geste différent :
à ses pieds 3. Ce détail aide à discerner la présence
elle se glisse ici sous l’étoffe du manteau, dont un pan
du croissant de lune sur la base endommagée de
est ramené devant son corps. Ce motif particulier,
la Vierge à l’Enfant de Strasbourg. D’autres madones,
évoquant peut-être le geste de respect des mains voilées,
telle la Vierge à l’Enfant d’Ennetach (1496) 4, portent
est traditionnel dans la sculpture souabe (fig. 3, p. 162)
un voile dont un pan s’enroule sous les cheveux,
et très fréquent sur les œuvres de Niclaus Weckmann
derrière le cou, pour retomber sur l’épaule droite :
et de son entourage (cat. 19, 20) 2.
c’était sans doute la disposition primitive du voile
La composition générale de la Vierge à l’Enfant, sa physionomie et son drapé trouvent en effet leurs
avant que les mutilations de la sculpture ne le fassent disparaître sur la tête et les cheveux. e n
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1 Spindler, 2009, p. 286 : photographie en couleur de 1914. 2 Lichte, 1993b, p. 80. 3 Steinhausen an der Rottum-Bellamont, église ; h . 1,93. Exp. Stuttgart, 1993, n o 47, p. 95-97. Sur l’iconographie de la Vierge à l’Enfant sur le croissant de lune, voir cat. 28. 4 Mengen-Ennetach, église Saint-Corneilleet-Saint-Cyprien ; h . 1,60. Voir notamment Otto, 1927, p. 126-128 ; exp. Stuttgart, 1993, p. 81, 99.
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22-23 La Vierge et Saint Jean Haute-Souabe (?) vers 1520 Bois (tilleul), polychromie d’origine avec interventions postérieures sur les visages et les revers L a Vi e r g e h. 0,77 (sans le socle moderne) ; l. 0,23 ; p. 0,14 S a i n t J e a n h. 0,78 ; l. 0,25 ; p. 0,15 Figures du couronnement d’un retable, qui entouraient probablement le Christ en croix Origine inconnue. Collection François-Achille Wasset (Paris, 1818-1895). Legs Wasset à l’École nationale supérieure des beaux-arts, 1896, transféré au musée de Cluny, 1903, inventorié en 1906. Paris, musée de Cluny – musée national du Moyen Âge, I N V. C L . 1 5 3 9 7 , C L . 1 5 3 9 9
très lacunaire recouverte par une nouvelle polychromie de belle qualité (visage rose avec rehauts rose vif, lèvres rose foncé, yeux aux iris brun clair avec petite touche blanche, pupille noire, larmes blanc bleuté coulant depuis le blanc de l’œil sur les joues).
état
L a Vi e r g e
le bois Sculpture taillée dans une pièce principale de bois (demi-bille de tilleul) ; deux pièces assemblées dès l’origine au bas du pan dextre du manteau, flipot sur la main gauche. Revers non évidé, plat et sculpté Saint Jean plus sommairement. le bois Traces de fixation dans l’étau de l’établi : sur la tête, cavité cylindrique Sculpture taillée dans une pièce (d. environ 1 cm) ultérieurement principale de bois (petite bille de comblée par une pièce de bois ; tilleul) ; bas de la manche gauche base non examinée, car fixée de la robe formé de deux pièces sur une semelle de bois à la fin assemblées (dont l’une est perdue), du xx e siècle (après 1984). fixé par deux chevilles. Fentes radiales au bord du voile Revers non évidé, plat et sculpté plus au-dessus du front. sommairement. Plusieurs cavités au revers du voile, Traces de fixation dans l’étau de l’établi : sur la tête, cavité cylindrique au milieu du dos et dans le bas de la figure : logements anciens (d. environ 1,5 cm) ultérieurement comblée par une pièce de bois ; de chevilles ou traces de fixation sous la base, deux fines entailles récente. (l. environ 2 cm). Attaque d’insectes xylophages Deux petites cavités au revers de importante. Manques : sur les bords et sur les arêtes la tête dans un léger creux entaillant des plis du voile et du manteau. les mèches, une cavité au milieu du dos : logements de chevilles anciens ou récents. la polychromie Sous la base : au centre, un logement Polychromie d’origine avec reprises ancien de cheville, probablement sur les carnations (xvi e siècle ?) ; au dos de la sculpture, sur le manteau pour la fixation originale de la statuette sur le couronnement du retable ; et le voile, des couches postérieures vers l’arrière, cavité plus récente (xix e siècle) ont été conservées lors avec cheville recoupée ; à senestre, de la restauration de 1984. deux clous forgés, l’un en place, Préparation blanche (carbonate l’autre coupé à la fin du xx e siècle de calcium et liant protéinique). Manteau : couche bleue (azurite, (après 1984). carbonate de calcium, ocre) ; restes Attaque d’insectes xylophages des décors en relief moulés et appliqués importante. (« brocarts appliqués ») semés sur Manques : extrémités de mèches le fond bleu, de forme ovale (environ 6 × de cheveux (une sur le front, trois à senestre, deux à dextre) ; doigts 3,5 cm) et à l’origine dorés sur mixtion (matériau de remplissage : de la main gauche (majeur, dernière ocre jaune, blanc de plomb, noir d’os, phalange de l’index) et bas de la manche gauche ; extrémité du pouce grains de laque rouge et carbonate et du deuxième doigt du pied droit, de calcium). Revers du manteau : couche mauve extrémité du pouce et du troisième (fluorine – fluorure de calcium –, doigt du pied gauche ; toute la partie avant de la base entre les deux pieds grains d’azurite, ocre, carbonate et des plus petits éléments côté de calcium). Robe : couche bleue (azurite, senestre et à l’arrière de la base ; carbonate de calcium et ocre) bois transpercé au revers dans sur sous-couche noire. le bas du manteau, en bordure Bordure dorée du manteau (soulignée d’un morceau cassé et recollé. d’une ligne bleue) et de la robe : or sur bol rouge foncé (ocre rouge, la polychromie quelques grains de vermillon). Polychromie d’origine avec reprises Voile : blanc. sur les carnations (xvi e siècle ?) ; Chaussures : noires. au dos de la sculpture, sur les cheveux, Sol : vert (glacis vert sur vert plus clair). les vêtements et la base, des couches Carnations : couche rose pâle d’origine postérieures (xix e siècle) ont été
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conservées lors de la restauration de 1984. Préparation blanche (carbonate de calcium et liant protéinique). Revers du manteau : couche rouge orangé (minium et carbonate de calcium). Manteau rouge en deux couches : 1. rouge orangé (minium et carbonate de calcium) identique à la couche du revers du manteau, 2. rouge vif (vermillon) ; restes des décors en relief moulés et appliqués (« brocarts appliqués ») semés sur le fond rouge, de forme polygonale (environ 6,5 × 5,5 cm) et à l’origine dorés sur mixtion. Tunique : couche verte (vert au cuivre – probablement malachite –, carbonate de calcium et/ou roches dolomitiques – carbonate double de calcium et de magnésium). Bordure dorée du manteau (soulignée d’une ligne de glacis rouge) et de la tunique : or sur bol rouge. Cheveux : infimes restes d’or sur mixtion. Sol : vert (glacis vert sur vert plus clair). Carnations : couche d’origine (blanc de plomb) recouverte par une nouvelle polychromie (blanc de plomb, grains d’ocre rouge) identique à celle du visage de la Vierge (visage rose avec accents rose vif, lèvres rose foncé, yeux aux iris brun clair avec petite touche blanche, pupille noire, larmes blanc bleuté coulant depuis le blanc de l’œil sur les joues). étude et restauration Juliette Lévy-Hinstin, 1984 et 2010. identification du bois Élisabeth Ravaud, C 2 R M F , 2010. a n a ly s e s d e l a p o lyc h r o m i e Nathalie Pingaud, C 2 R M F , 2010. bibliographie Haraucourt, Montremy, Maillard, 1925, n os 54, 55, p. 13 (Vierge et Saint Jean d’un Calvaire, Allemagne, premier tiers du xvi e siècle) ; Verlet, Salet, 1966, p. 58 (Vierge et Saint Jean d’un Calvaire, Allemagne) ; Salet, Souchal, 1972, p. 70 (Vierge et Saint Jean d’un Calvaire sur une poutre de gloire, Allemagne) ; Erlande-Brandenburg, Caillet, Joubert, Taburet-Delahaye, 1986, p. 81 (Vierge et Saint Jean d’un Calvaire, Allemagne) ; exp. Paris, 2015, n o 17-18.
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En Souabe septentrionale. Sculpteurs de Nördlingen 1 Voir principalement exp. Strasbourg, 2012. 2 Voir notamment Rott, 1934, p. x v i i i - x l v i i i , 179-180 (Dayg), 187-189 (Trünklin) ; Gröber, Horn, 1940, p. 1-45 ; Knappe, 1965. Pour une bibliographie plus complète, nous nous permettons de renvoyer à notre article : Guillot de Suduiraut, 1987b. 3 Heilsbronn, ancienne église abbatiale ; caisse : h . 1,88 ; l . 1,47 ; figures sculptées : h . 1,33/1,35 ; polychromie, éléments décoratifs et couronnement du retable en grande partie restitués ; peintures des volets attribuées à Wolf Traut. Voir notamment Stillfried-Alcantara (von), 1877, p. 70 ; Muck, 1879-1889, 1, p. 226-227 ; Knappe, 1965, p. 318-320 ; Guillot de Suduiraut, 1987b, p. 43-44. 4 Voir notamment Stillfried-Alcantara (von), 1877, p. 65-72 ; Muck, 1879-1889, 1, p. 224-231. 5 Nördlingen, église Saint-Sauveur ; dix sculptures venant pour la plupart du retable démembré au x i x e siècle, connu par une aquarelle de J.J. Kurz de 1769. Voir notamment Gröber, Horn, 1940, p. 125, 127 ; Knappe, 1965, p. 322-326 ; Broschek, 1973, n os 17-18, p. 106-111, 172-173. 6 Kirchheim am Ries, église de l’Assomption ; provenant vraisemblablement d’un retable démembré ; en 1872 présenté dans le chœur des religieuses, en 1892 sur le mur sud de la nef, comme aujourd’hui ; h . 1,03 ; l . 2,47 ; p . 0,20. Voir notamment Keppler, 1892, p. 61 ; Guillot de Suduiraut, 1987b, p. 44-45. 7 Pour des raisons techniques et stylistiques, nous renonçons à notre proposition d’inclure dans le même groupe le Christ de douleur et la Sainte Barbe du musée des Beaux-Arts de Chartres (inv. 49/1/10 et 7229/1). Berné, Guillot de Suduiraut, 2011, p. 13-14. 8 Kirchheim am Ries, église de l’Assomption ; h . 1,80 environ ; placée au centre du retable baroque du maître-autel entre 1872 et 1892. Voir notamment Keppler, 1892, p. 60 ; Guillot de Suduiraut, 1987b, p. 45. D’autres sculptures sont des fragments dispersés du mobilier de l’église, notamment une Sainte Anne trinitaire avec Beatrix von Limpurg en donatrice (collection particulière). Guillot de Suduiraut, 1987b, p. 45 ; exp. Paris, 1991-1992, n o 50, p. 188-191. 9 Kirchheim am Ries, église de l’Assomption ; h . 0,55 ; retable de l’Adoration des Mages dans une collection privée en 1892. Voir notamment Keppler, 1892, p. 69 ; Guillot de Suduiraut, 1987b, p. 45. 10 Nördlingen, église Saint-Georges ; h . 1,50 environ. Voir notamment Gröber, Horn, 1940, p. 51, 92, 109 ; Guillot de Suduiraut, 1987b, p. 46-47. 11 Heilsbronn, église ; caisse : h . 1,61 ; l . 1,39 ; p . 0,26 ; figures sculptées : h . 0,89/0,93 ; polychromie, éléments décoratifs et couronnement du retable en grande partie restitués. Voir notamment Stillfried-Alcantara (von), 1877, p. 68 ; Muck, 1879-1889, 1, p. 226-227 ; Knappe, 1965, p. 326-328 ; Guillot de Suduiraut, 1987b, p. 45-46. 12 Heilsbronn, église ; couronnement du retable refait présentant trois saintes (d’un autre retable ?), chacune h . 1,30 environ). Voir notamment Stillfried-Alcantara (von), 1877, p. 68-69 ; Muck, 1879-1889, 1, p. 227 ; Knappe, 1965, p. 328-329 ; Guillot de Suduiraut, 1987b, p. 46.
Au nord de la Souabe, au milieu du fertile bassin du Ries, la ville de Nördlingen est un centre artistique actif. Dans les années 1460-1480, le peintre Friedrich Herlin (cité à Nördlingen à partir de 1459, mort en 1500) reçoit d’importantes commandes, comme celle du retable du maître-autel de l’église Saint-Georges (1462), dont les sculptures sont attribuées à Niclaus Gerhaert (cité à Strasbourg de 1463 à 1467, mort à Wiener Neustadt en 1467) 1. Dans les deux premières décennies du xvi e siècle, plusieurs ateliers sont installés à Nördlingen, en particulier ceux du sculpteur Peter Trünklin (cité à Nördlingen à partir de 1497, mort en 1521) et du peintre Sebastian Dayg (cité à Nördlingen à partir de 1508, mort en 1553-1554) 2. Trois œuvres de Trünklin connues par des textes ont disparu, comme le Mont des Oliviers en grès de l’église Saint-Georges de Nördlingen. En revanche, le retable consacré à saint Pierre et saint Paul, pour lequel le sculpteur est payé en 1510, est encore présent dans l’église de l’ancienne abbaye cistercienne de Heilsbronn, non loin de Nuremberg (fig. 1, 2)3. L’abbé Sebald Bamberger (1498-1518) a enrichi l’église de nombreuses œuvres d’art, parmi lesquelles plusieurs retables sont conservés 4, quoique souvent dans
fig. 1
un état très remanié ; deux d’entre eux ont des volets
cartonneux, des visages aux traits épais et aux chairs
peints par Sebastian Dayg.
bosselées, des barbes compactes. Par comparaison,
Les deux figures de la caisse du retable de Trünklin,
certaines œuvres de Nördlingen ont été attribuées à
ainsi que les reliefs de moindre qualité des volets et de
Trünklin et à son atelier, notamment des figures de
la prédelle, permettent de définir le style du sculpteur,
saints et de saintes provenant de l’ancien retable du
qui se signale par son ton sévère et la rudesse de son
maître-autel de l’église Saint-Sauveur (1518), qui ont
exécution. De stature robuste, Saint Pierre et Saint Paul
suscité plusieurs hypothèses qu’il est impossible de
ont une attitude rigide et des vêtements aux drapés
développer ici 5.
226 l a s c u l p t u r e s o u a b e v e r s 1 4 8 0 - 1 5 2 5
fig. 1 peter trünklin et son atelier Retable de saint Pierre et saint Paul 1510 caisse : Saint Pierre, Saint Paul volets et prédelle : Scènes de la vie et du martyre des deux saints Heilsbronn, ancienne église abbatiale
fig. 2 peter trünklin et son atelier Saint Pierre Saint Paul caisse du retable de saint Pierre et saint Paul 1510 Heilsbronn, ancienne abbatiale
fig. 2
fig. 3
D’autres sculptures, exécutées à Nördlingen dans les années 1495-1515, appartiennent à la même famille stylistique mais se démarquent de la manière de
l’entrée de la chapelle Lauinger relèvent du style commun mais accusent un traitement simplifié 10. Dans l’ancienne abbatiale de Heilsbronn, plusieurs
Trünklin. Nous avons proposé de regrouper ces œuvres
figures féminines rappellent précisément la Vierge
autour d’un relief du Couronnement de la Vierge
couronnée par leurs physionomies et leurs drapés :
dans l’église de l’ancienne abbaye cistercienne de
la Vierge à l’Enfant, Sainte Lucie et Sainte Odile dans
(fig. 4) 6.
Son auteur affirme une
la caisse du retable de la Vierge aux volets peints par
personnalité originale qui privilégie, comme Trünklin,
Sebastian Dayg (1511 ; fig. 3) 11, Sainte Barbe, Sainte
les formes solides, les silhouettes calmes et les drapés
Marie Madeleine et une Sainte au couronnement du
raides, mais qui adoucit les expressions, affine les phy-
retable des Onze mille vierges (1513 ; fig. 8, p. 238) 12
Kirchheim am Ries
fig. 3 nördlingen Sainte Lucie, L a V i e r g e à l ’ E n f a n t , Sainte Odile caisse du retable de la Vierge 1511 Heilsbronn, ancienne abbatiale
fig. 4 nördlingen Le Couronnement de la Vierge vers 1500-1510 Kirchheim am Ries, ancienne abbatiale
sionomies masculines et surtout crée un type féminin gras et placide reconnaissable au premier regard. Ce type et ce style sont parfaitement illustrés par les deux bustes du musée de Lille et la Sainte Barbe de SaintJean-Cap-Ferrat (cat. 24, 25, 26) 7. Les sculptures de cet ensemble stylistique sont conservées à Kirchheim am Ries, mais aussi à Nördlingen, dans quelques églises du voisinage, et à Heilsbronn. Dans l’église de Kirchheim, une grande figure mariale, qui s’apparente à la Vierge du Couron nement, provient de l’ancien retable du maître-autel, sans doute commandé par l’abbesse Beatrix von Limpurg (1496 à 1505) 8. Une Vierge à l’Enfant assise (disparue) de même style était placée dans la caisse du retable de l’Adoration des Mages peint par Sebastian Dayg en 1514, qui se trouvait dans le chœur des religieuses 9. À Saint-Georges de Nördlingen, la Vierge à l’Enfant, le Saint Narcisse et la Sainte Afre (vers 1500) décorant
fig. 4 e n
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24 Sainte couronnée Nördlingen vers 1500-1510 Bois (tilleul) polychromie d’origine lacunaire avec interventions postérieures h. 0,40 ; l. 0,39 ; p. 0,19 Buste provenant de la prédelle ou d’une niche de la caisse d’un retable Origine inconnue. Paris, commerce de l’art. Collection Robert Courbier (Marseille, 1927-2010), sculpture acquise en 1990. Vente Paris, 2010. Paris, commerce de l’art. Acquisition, 2011. Lille, Palais des Beaux-Arts I N V. A 2 0 1 1 . 6 . 1
état la polychromie le bois Polychromie d’origine, lacunaire Sculpture taillée dans une pièce sur les parties endommagées ; principale de bois (tilleul). Éléments comblements (xix e-xx e siècle) assemblés dès l’origine : main droite importants sur les côtés du buste, le (aujourd’hui recollée et fixée par devant de la robe et le voile au-dessus une cheville), majeur de cette main du front ; vernis (xix e-xx e siècle) (collage à plat joint) et extrémité encore présent au revers. de l’index (aujourd’hui manquante). Préparation blanche (carbonate La paume de la main gauche, travail de calcium et colle protéinique) ; lée plus sommairem ent que la droite, mince couche d’encollage (couche a dû servir d’appui à un attribut. organique non protéinique Revers du buste et de la tête évidé probablement oléo-résineuse ; avec une large gouge en réservant environ 5 µm) observée au revers une partie plus épaisse en partie basse des manches. au centre. Manteau, couronne et bord du voile Traces de fixation dans l’étau dorés : feuilles d’or sur bol (terre, de l’établi : sur la tête, une cavité carbonate de calcium, grains de endommagée (d. 1 cm environ). noir de carbone) ; feuilles d’or dont Traces de fixation dans l’étau de les petites dimensions (2,3 × 2,7 cm l’établi (ou dans le retable ?) : sous environ) sont différentes du format la base, deux cavités (d. 2 cm environ ; standard (8 × 8 cm environ). p. 4,5 cm) à dextre et au centre. Parties arrière des manches non Bande en saillie à l’encolure dorées (bol visible). Intérieur et au milieu de la robe : surface de la couronne rouge vif. du bois travaillée au tremblé, Revers des manches et encolure à coups d’outils alternatifs pour de la robe : couche rose (blanc tracer des zigzags imitant l’aspect de plomb, colorant organique) d’une fourrure. recouverte de glacis rouge Importante attaque d’insectes (laque de cochenille). xylophages, nombreux trous d’envol, Voile blanc avec bordure festonnée bois fragilisé et altéré. peinte en rose et bord doré sur le front. Manques : extrémité de l’index Carnations en deux couches, de la main droite ; tous les doigts de la main gauche et l’attribut liant huileux : sous-couche rose qu’elle tenait ; pointes et fleurons (blanc de plomb, pigments rouges, de la couronne ; arêtes des plis grains de carbonate de calcium) et du voile et de la manche droite couche blanche avec accents roses endommagées par les galeries (blanc de plomb, grains de sulfate d’insectes. de calcium) séparées par une couche
L’iconographie de cette Sainte couronnée est difficile
par l’élégante robe garnie de fourrure. Cette sainte
à élucider. La position des mains ouvertes, bras fléchis
à la fois voilée et couronnée, qui ne peut compter
devant le buste, pourrait rappeler un geste d’oraison,
parmi les jeunes vierges et martyres, aux cheveux
mais la main gauche, aujourd’hui mutilée, devait aussi
laissés visibles, dénoués ou tressés, offre ainsi l’image
tenir un attribut qui a disparu avec les doigts. Seul
d’une personne de haut rang, telles sainte Élisabeth
le costume féminin permet donc quelques conjectures.
de Thuringe et l’impératrice sainte Hélène, ou
La volumineuse coiffure que forme le voile rembourré
d’origine princière, telle sainte Afre d’Augsbourg.
par un bourrelet suit la mode allemande de l’époque.
Une figure sculptée de cette dernière conservée
Représenté dans les portraits féminins autour de
à Saint-Georges de Nördlingen présente des carac-
1500 17, ce voile peut se prolonger en mentonnière
tères similaires 18. Ce rapprochement iconographique,
ou s’agrémenter, comme sur cette sainte, d’un pan
ajouté à la parenté stylistique, pourrait faire pencher
retombant devant le buste. Il est souvent porté par
en faveur d’une représentation de sainte Afre, mais
sainte Anne ou d’autres saintes mariées ou d’âge mûr,
la perte de l’attribut empêche l’identification assurée
qui se doivent de dissimuler leurs cheveux (cat. 40).
de la Sainte couronnée.
La couronne – ses fleurons sont brisés – posée ici sur
Conçu à l’origine comme une figure à mi-corps,
le voile indique un statut royal qui est aussi souligné
le buste a pu occuper un compartiment de la prédelle e n
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interm édiaire organique ; coups de pinceau visibles par endroits sur la seconde couche ; joues rose soutenu et détails finement traités : sourcils et cils ocre indiqués à petits coups de pinceau, sclérotique bleutée avec rehauts blancs, touche de rouge posée aux coins des yeux, cerne noir autour des iris bruns et au bord de la paupière supérieure, petite touche blanche sur l’iris pour indiquer le reflet de la lumière, glacis rouge à la jonction des lèvres et aux commissures ; ongles peints en blanc et bordés de brun. étude et restauration Claire Dard-Ternisien, 2012-2014. identification du bois Élisabeth Ravaud, C 2 R M F , 2011. a n a ly s e s d e l a p o lyc h r o m i e Yannick Vandenberghe, C 2 R M F , 2012. radiographies Jean Marsac, C 2 R M F , 2011. bibliographie Vente Paris, 2010, n o 68 (« Buste de sainte Femme [Marie-Madeleine ?], Allemagne du Sud, vers 1530 ») ; Berné, Guillot de Suduiraut, 2011 (Sainte couronnée, Nördlingen, vers 1500-1510).
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Ulm et la Souabe. Daniel Mauch, son atelier et son entourage
fig. 3 daniel mauch Retable de la Sainte Parenté 1510 volet dextre : Marie Cléophas, Alphée et leurs enfants caisse : La Vierge, l’Enfant Jésus et Joseph, Sainte Anne, Joachim, Cléophas et Salomé volet senestre : Marie Salomé, Zébédée et leurs enfants prédelle : Jessé (transformé en Saint François-Xavier) couronnement : Le Christ en croix entre la Vierge et saint Jean Bieselbach, chapelle Saint-François-Xavier
1 Dans l’abondante bibliographie sur Daniel Mauch, voir principalement Otto, 1927, p. 281-327 ; Göbel, 1956, p. 9-24 ; Wagini, 1995 ; exp. Ulm, 2009. Parmi d’autres publications, citons Baum, 1911, p. 105-107, 209-301 ; Baum, 1916b ; Otto, 1930 ; Schädler, 1950 ; Rasmussen, 1973 ; exp. Bruxelles, 1977, p. 213-232 ; Rasmussen, 1985 ; Deutsch, 1986, p. 108-126 ; Guillot de Suduiraut, 1987a ; exp. Paris, 1991-1992, p. 211-223 ; Cascio, Lévy, 1993a ; exp. Stuttgart, 1993, p. 128-133, 415-419, 475-478 ; Wagini, 2005 ; Lichte, Meurer, 2007, p. 134-135, 186-196 ; Miller, 2011. 2 Wagini, 1995, p. 125-132. 3 Bieselbach, chapelle Saint-François-Xavier ; caisse : h . 1,86 ; l . 1,28 ; p . 0,24 ; prédelle : h . 0,62 ; l . 2,475 ; p . 0,35 ; sculptures partiellement polychromées ; inscription sur le sol de la figure de Jessé (prédelle) : « […] maich bildhaer / zv vlm 150 X » (« Mauch sculpteur à Ulm 1510 ») ; en haut de la caisse, armes du commanditaire augsbourgeois, Johann Rehlinger, et de sa femme, Anne Dietenheimer, originaire d’Ulm. Voir notamment exp. Ulm, 2009, n o 3, p. 127-130, 152-160. 4 Geislingen, église ; caisse : h . 1,48 ; l . 1,10 ; figures sculptées partiellement polychromées, h . 0,90-0,935. Voir notamment exp. Ulm, 2009, n os 26, 27, p. 130-133, 229-237.
Dans les premières années du xvi e siècle apparaît
le nom de Daniel Mauch est régulièrement cité dans
à Ulm un jeune sculpteur, Daniel Mauch (Ulm, 1477-
les sources d’Ulm 2. En 1510, avec le peintre Martin
Liège, 1540), qui devient bientôt le principal maître
Schaffner (Ulm, cité à partir de 1499, mort entre 1546 et
de sa génération en parallèle à l’activité bientôt décli-
1549), le sculpteur réalise le retable de saint François
nante de l’atelier de Michel Erhart et à la production
(détruit) pour l’église des cordeliers d’Ulm. Il appose
florissante de Niclaus Weckmann et de son entourage.
son nom et la date 1510 sur le retable de la Sainte
D’Ulm à Liège, la trajectoire de Mauch est relative-
Parenté, commandé par une famille d’Augsbourg et
ment bien connue. Fait exceptionnel, en effet, deux
conservé à Bieselbach, (fig. 1, 3) 3. Avec son épouse Rosa
œuvres signées, qui marquent les débuts et le terme
Stocker, Mauch est en 1518-1520 membre de la confré-
du développement artistique du sculpteur, sont encore
rie de Saint-Sébastien à Geislingen, pour laquelle il exé-
conservées 1.
cute les sculptures du retable encore présent sur le
Probablement fils de Hans Mauch, bourgeois d’Ulm, Daniel Mauch épouse en 1503 Rosa Stocker, fille du
Début 1529, il semble que Daniel Mauch, absent
peintre Jörg Stocker (cité à Ulm de 1481 à 1527), et
d’Ulm, travaille en dehors de la cité, peut-être en
fonde son propre atelier sans doute la même année.
raison de la diminution des commandes lors de la
En 1504 naît leur fils unique, Daniel, devenu plus
Réforme. En mai 1529, Mauch et sa femme quittent
tard, non pas sculpteur, mais un clerc érudit au service
Ulm vraisemblablement pour se rendre aux Pays-Bas,
de hauts dignitaires ecclésiastiques. À partir de 1508,
où séjourne leur fils, et s’établir à Liège. À cette date,
fig. 1 daniel mauch Retable de la Sainte Parenté 1510 inscription : « […] maich bildhaer / zv vlm 150X » (Mauch sculpteur à Ulm 1510) Bieselbach, chapelle Saint-François-Xavier
fig. 2 Fragment de l’épitaphe provenant du tombeau de Daniel Mauch et de son épouse Rosa Stocker 1540 Liège, église Saint-Jacques
maître-autel de l’église 4.
fig. 1
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fig. 2
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27 Deux papes, un cardinal, un évêque, un chanoine et sept moines en prière vers 1505-1510 atelier de Daniel Mauch (Ulm, 1477 – Liège, 1540) Bois (tilleul) polychromie d’origine h. 1,22 ; l. 0,59 ; p. 0,27 Haut-relief placé dans la caisse d’un retable en pendant de Dix religieuses en prière (Innsbruck, Tiroler Landesmuseum Ferdinandeum)
Origine inconnue. Attesté depuis 1909 dans la collection Charles Mège à Paris (vraisemblablement acquis en Allemagne vers 1875-1880). Legs de sa fille Élisabeth Mège (Paris, 1881-1958), 1958. Paris, musée du Louvre, département des Sculptures I N V. R F 2 8 0 5
fig. 11
état Manques : trois arrachements à la base, correspondant à l’emplacele bois ment d’anciens éléments de fixation Sculpture taillée dans une pièce principale de bois (demi-bille de tilleul ; du relief ; petits manques dans le bois cœur de l’arbre situé à l’arrière, dans la noirci, peut-être dus à des brûlures zone aujourd’hui évidée) ; éléments de cierges, sur les mains jointes du assemblés dès l’origine, moine en haut à senestre, sur celles par collage : deux mains jointes du pape agenouillé et sur une pointe du moine en haut à senestre, pièce de la couronne de sa tiare. incrustée dans la partie supérieure Réfections : nez du moine en haut de la couverture du livre tenu par à senestre, index droit de l’évêque, le pape. plusieurs pointes des couronnes Traces de fixation dans l’étau de des tiares des papes (trois sur la tiare l’établi : sous la base, deux étroites du pape lisant, neuf sur celle du pape entailles (chacune 1,8 × 0,5 cm ; agenouillé). séparées par 3 cm environ) ; deux cavités ovales (d. 2,5 à 3 cm environ) la polychromie comblées par des pièces de bois, Polychromie d’origine usée l’une sur la tête du cardinal, l’autre sur et lacunaire. la tête du moine derrière le cardinal. Préparation blanche (carbonate Revers largement évidé à la gouge : de calcium et colle protéinique). par endroits, traits noirs délimitant les Chapes des papes et de l’évêque, zones à creuser et amas de filasse collés vêtement du cardinal, manteaux pour renforcer le bois trop aminci. du chanoine et des ermites, coules Faible attaque d’insectes xylophages des moines, bonnet du chanoine : principalement sur le visage de dorure (lacunaire) sur bol orangé l’ermite aux cheveux bruns. (feuilles d’or et, dans les zones Extrémité sphérique de la tiare moins visibles, or/argent, du pape agenouillé refixée par un clou ; vraisemblablement or parti). élément recollé sur le bord inférieur Bordure des vêtements dorés : de la chape de l’évêque. argenture sur bol orangé, avec glacis jaune et décor de rinceaux tracé par grattage dans une couche de peinture ; conservée sur la chape du pape debout (couche noire sur argent), le vêtement du cardinal (glacis vert sur argent) et le manteau du chanoine (noir sur argent) ; disparue sur les vêtements des autres personnages. Revers des chapes des papes et de l’évêque, du manteau de l’ermite aux cheveux bruns : argenture sur bol avec glacis vert. Chasubles des papes, manches et chapeau du cardinal : argenture avec glacis rouge (peu conservé). Tiares des papes : alternativement dorées et argentées (argent assombri à l’origine avec glacis rouge). Franges des fanons et du pompon : dorure sur mixtion, avec glacis rouge ou vert. Chasuble de l’évêque et robe de l’ermite : décors en relief moulés et appliqués, dits « brocarts appliqués », avec divers motifs géométriques, floraux et végétaux (stratigraphie : 1. couche de colle protéinique ; 2. matériau de remplissage, mélange de carbonate de calcium et de colle ;
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3. feuille d’étain ; 4. mixtion ; 5. or ; 6. lignes peintes en noir, motifs aujourd’hui difficilement lisibles). Revers bleus (très lacunaires) des chasubles des papes, du vêtement du chanoine et des coules des moines tonsurés : sous-couche grise, puis sous-couche bleu clair (azurite finem ent broyée, blanc de plomb) et couche bleu mat à l’origine très vif (azurite grossièrement broyée). Amicts : bleu pâle (papes) ou blanc (évêque). Gants des papes et de l’évêque : bleu pâle ou blancs, avec vestiges de décors peints rouges ou noirs, figurant probablement des motifs brodés ou orfévrés. Livres : couvertures bleue (pape debout) et verte (évêque). Carnations : couche rose pâle (blanc de plomb avec quelques grains de glacis rouge), rose vif sur les joues ; dégradés bleutés pour suggérer les barbes naissantes ; trois rouges différents utilisés pour peindre les lèvres : rouge vif sur la lèvre supér ieure, rouge orangé clair sur la lèvre inférieure, et, à leur jonction, une ligne de rouge profond ; ridules sur la lèvre inférieure peintes avec le même rouge. Traits des visages minutieusement détaillés : paupières supérieures soulignées d’une ligne brune, paupières inférieures d’une ligne rosée, parfois dédoublée ou même triplée (pape lisant, ermite à la barbe bleu gris) ; iris bruns, parfois nuancés de gris, sclérotique relevée d’accents bleutés et de touches blanches ; coin interne des yeux ponctué de rose ; sourcils bruns ou bleutés ; rides du coin externe des yeux et creux des orbites, au-dessus de la paupière supérieure, indiqués d’une ligne brune ou rose ; rides peintes sur les fronts des ermites, les joues du pape agenouillé et du chanoine ; sur la tempe d’un moine tonsuré, veines indiquées par des lignes bleues translucides ; naissance du nez marquée de petites lignes horizontales et départ des sourcils souvent encadré par deux virgules peintes ; narines cernées de rose. Chevelures et barbes : brun ou bleu-gris. étude et restauration Agnès Cascio, Juliette Lévy-Hinstin, 1990.
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La sculpture en Souabe méridionale vers 1510-1530 Au cours des premières décennies du xvi e siècle, l’activité artistique est d’une vitalité remarquable dans les prospères cités des régions méridionales de la Souabe. Plusieurs exemples témoignent ici de la richesse de la production sculptée qui s’épanouit simultanément à Kempten, Memmingen et Kaufbeuren en Allgäu, et à Biberach en Haute-Souabe. D’innombrables retables réalisés dans les mêmes années, autour de 1515-1525, illustrent à divers titres le renouvellement du style que jalonnent des œuvres précisément datées, sculptées par des maîtres anonymes ou dans les ateliers de Hans Thoman et Jörg Lederer.
284
Carte des principaux lieux mentionnĂŠs
285
Kempten. Lux Maurus
1 Rott, 1934, p. XXXV , 142-143. 2 Miller, 1969, p. 24-26, 52-55 ; Schädler, 1984, p. 61-62 ; Miller, 1989, p. 329 ; Hilger, 1991, p. 110115 ; exp. Achberg, 1998, n os 104, 105, 106, 107, p. 132-139 ; Lichte, Meurer, 2007, p. 251-252, n o 144, p. 264-266. 3 Kempten, église Saint-Laurent ; pierre ; h . 2,00 ; l . 1,31. Miller, 1969, p. 25, n o 155, p. 53. 4 Kempten, Alpenländische Galerie, Zweigmuseum des Bayerischen Nationalmuseums, Munich (inv. MA 3468, 3469, 3470) ; h . 1,03 et 0,96 ; acquis d’une collection privée de la région de Zell bei Oberstaufen. Miller, 1969, p. 24-25, n o 157, p. 54 ; Hilger, 1991, n os 87-89, p. 110-112. 5 Düsseldorf, église Saint-Paul ; h . 1,00 ; l . 1,05 ; provenant de Dennenberg. Miller, 1969, p. 25-26, n o 152, p. 52-53. Nous regrettons de n’avoir pu examiner cette sculpture. 6 Kempten, Alpenländische Galerie (inv. AHM 22, 1-4) ; Annonciation : h . 0,96 ; l . 1,13 ; Nativité : h . 0,99 ; l . 1,13 ; Adoration des Mages : h . 1,12 ; l . 1,13 ; Circoncision : h . 0,91 ; l . 1,13 ; provenant de la chapelle du château de Wolkenberg, puis conservés dans l’église de Wildpoldsried. Miller, 1969, p. 26, n o 154, p. 53 ; Hilger, 1991, n o 92, p. 113-115. 7 Collection Oberschwäbische Elektrizitätswerke ( OEW ) ; relief en tilleul ; fond, cadre et socle en bois résineux, partie haute recoupée avec cadre et éléments végétaux refaits ; aucune trace de charnières qui auraient fixé des volets ; restes endommagés de la polychromie d’origine avec reprises ; h . 0,842 ; l . 0,58 ; p . 0,08 ; inscriptions, sur le nimbe de la Vierge : « ave benignissima virgo et beatissima maria » (Salut Vierge très bienveillante et très heureuse Marie) ; au bas du cadre : « PATRIS SAPIE[ n ]CIA[ m (sic) ] VERITAS DIV[ in ]A » (Sagesse du Père, divine vérité) ; sur la prédelle, l’inscription est difficilement lisible. Miller, 1989, p. 329 ; vente Cologne, 1993, n o 1331 ; exp. Achberg, 1998, n o 106, p. 134-135. L’inscription au bas du cadre, transcrite et identifiée par Pierre-Yves Le Pogam, reprend les premiers mots de l’hymne attribuée à Gilles Colonna (Rome, 1247 – Avignon, 1316), Patris sapientia, veritas divina, faisant souvent partie des Livres d’heures au x v e et au début du x v i e siècle. 8 Miller, 1969, p. 26. 9 Guillot de Suduiraut, 1998c.
Probablement né vers 1470, Lux Maurus est mentionné
des drapés répondent la vivacité de l’Enfant Jésus
à Kempten de 1515 à 1527, notamment comme maître
remuant et les expressions forcées de certains person-
juré de sa corporation, en 1521 et 1523 1. Bien qu’au-
nages masculins, aux chairs bosselées et à la bouche
cune œuvre attestée ou signée ne soit conservée, on
entrouverte sur les dents. Inversement, les visages
s’accorde sur l’hypothèse d’Albrecht Miller qui donne
féminins aux volumes ronds et lisses gardent l’habi-
au maître et à son atelier un groupe d’une quarantaine
tuelle douceur souabe. Aux sources de ce style selon
de sculptures pour beaucoup originaires de Kempten
Albrecht Miller 8, la composante ulmienne et les tradi-
ou de son
voisinage 2.
Lux Maurus est, en effet, le seul
tions locales, notamment représentées en Allgäu par
sculpteur cité à Kempten dont la période d’activité correspond à la production de ces œuvres. Monuments funéraires en pierre et éléments de retable en bois, elles forment un ensemble cohérent stylistiquement, dont les plus anciens témoins datent de la première décennie du xvi e siècle tels le relief funéraire de l’abbé Johannes von Riedheim (mort en 1507) à Kempten (fig. 3) 3 et trois figures sculptées, la Vierge à l’Enfant, Sainte Anne et Saint Sylvestre (fig. 1, 2) 4. Parmi bien d’autres exemples datables des années 1510-1520, citons la Sainte Anne trinitaire de Dennenberg (fig. 8, p. 292) 5, quatre reliefs des volets d’un retable conservés à Kempten, Annonciation, Nativité, Adoration des Mages, Circoncision (fig. 4 à 7, p. 288) 6 et la Vierge à l’Enfant et deux anges de la collection d’OEW (fig. 9, p. 292) 7, auxquels se joint la Sainte Famille du musée de Cluny (cat. 36). Toutes les œuvres se font remarquer par un même traitement singulier du drapé. Si la disposition générale des vêtements, ainsi le manteau de la Vierge à l’Enfant (fig. 1), se réfère souvent aux formules traditionnelles de la sculpture souabe, le rythme agité donné aux étoffes et la fragmentation des plis saccadés paraissent d’une extrême originalité. À l’animation
286 l a s c u l p t u r e e n s o u a b e m é r i d i o n a l e v e r s 1 5 1 0 - 1 5 3 0
fig. 1
fig. 1, 2 attribuées à lux maurus La Vierge à l’Enfant Sainte Anne vers 1500-1510 Kempten, Alpenländische Galerie
fig. 3 attribué à lux maurus Relief funéraire de l’abbé Johannes von Riedheim vers 1507 détail Kempten, église Saint-Laurent
le « Maître des figures de Zaumberg » (Meister der Zaumberger Schreinfiguren), seraient mêlées à des apports externes venus de la connaissance d’œuvres hautrhénanes, telle que la Vierge à l’Enfant d’Issenheim conservée au Louvre. Il nous semble toutefois que cette sculpture bâloise exécutée vraisemblablement vers 1510 9, alors que Lux Maurus est déjà en activité, ne
fig. 3
peut constituer une référence solide pour expliquer l’origine artistique du sculpteur. La diffusion des conceptions formelles élaborées dans le Rhin supérieur au xv e siècle prend des formes diverses en Allemagne du Sud. En résonance avec les tendances générales de l’époque, et en parallèle aux productions bâloises ou franconiennes, Maurus privilégie la valeur ornementale de ses draperies flottantes, aux froissements irréels et aux rythmes autonomes. En revanche, il se tient à l’écart du nouvel intérêt, manifesté par d’autres sculpteurs du temps, pour le volume corporel et la puissance plastique des personnages, et il parvient difficilement à rendre l’espace en profondeur dans ses scènes en relief. Son style se prolonge en partie dans les œuvres de Jakob Maurus, sans doute apparenté à Lux, réunies fig.2
autour de deux figures sculptées provenant du retable k e m p t e n. l u x
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287
36 La Sainte Famille vers 1510-1520
état le bois Sculpture taillée dans une pièce principale de bois (planche de tilleul) ; deux éléments secondaires assemblés, l’un vertical à senestre, à côté du montant du lit, l’autre dans le haut, à l’arrière du bras gauche de l’Enfant. Traces de fixation dans l’étau de l’établi : sur la tête de l’Enfant, cavité cylindrique (d. 0,7 cm environ). Traces de sciage sous la base et sur les faces latérales de la planche principale. Traces horizontales de gouge méplate au revers (avec plusieurs arrachements de fibres de bois) attestant l’amincissement du relief. Par la suite, relief brisé en trois parties principales, recollées (colle protéinique) : joint central consolidé par des fibres végétales encollées, posées aux endroits où le bois est de très faible épaisseur. Logements de chevilles (fixation originale du relief sur le volet du retable) au revers du buste de Joseph (cheville partiellement conservée) et de la tête de l’Enfant. Cavités anciennes pour deux clous forgés sous la base ; autres cavités postérieures au revers.
attribuée à Lux Maurus (cité à Kempten de 1515 à 1527) Bois (tilleul), polychromie d’origine avec reprises h. 0,425 ; l. 0,47 ; p. 0,03 Relief appliqué sur la face interne du volet dextre d’un retable (?) Origine inconnue. Collection François-Achille Wasset (Paris, 1818-1895). Legs de ce dernier à l’École nationale supérieure des beaux-arts, 1896, transféré au musée de Cluny, 1903, inventorié en 1906. Paris, musée de Cluny – musée national du Moyen Âge I N V. C L . 1 5 3 9
la polychromie Polychromie d’origine avec reprises locales sur la dorure et les bleus.
Préparation blanche (carbonate de calcium et liant protéinique). Robe de la Vierge, robe et manteau de Joseph, soubassement de la scène et mobilier (banquette, lit et coffre) : dorure sur bol rouge (ocre rouge et carbonate de calcium) avec reprises locales (bronzine) ; un nettoyage brutal, avec abrasion de la surface, a pu faire disparaître des motifs sur la dorure. Chemise de la Vierge (visible à l’encolure de la robe et dans la fente sur le coude droit), revers des manches de la robe de Joseph, coussins sur le lit : argenture sur bol, avec glacis orangé. Cheveux de la Vierge et de l’Enfant, tranche du livre : restes de dorure sur mixtion. Revers de la robe de la Vierge et du manteau de Joseph : bleus (azurite), recouverts d’une nouvelle couche bleue (avec imitation de dorure – bronzine – sur les arêtes des plis et en bordure du pan d’étoffe arrondi du manteau de Joseph). À senestre, l’élément assemblé et le « sol » sous le lit : glacis rouge sur la préparation, parfois revêtue du bol. Voile de la Vierge : blanc bordé d’un motif de fines lignes rouges entrecroisées entre deux filets rouges. Chaussures : noires. Cheveux et barbe gris bleuté de Joseph : couche brune (noir organique, ocre, roches dolomitiques – carbonate double
est évoquée dans les récits de l’Enfance du Christ, d’une
retrait aux côtés de la Vierge dans les représentations.
manière allusive par les évangélistes (Matthieu 2, 13-23 ;
La figure de saint Joseph, interprétée souvent abusive
Luc 2, 16-52), plus précise dans les textes apocryphes,
ment comme un vieillard un peu ridicule, se comprend
principalement l’Histoire de Joseph le
Son
image s’élabore à partir des représentations narratives
a n a ly s e s d e l a p o lyc h r o m i e Nathalie Pingaud, C 2 R M F , 2010. bibliographie Haraucourt, Montremy, Maillard, 1925, n o 164, p. 36 (Art des Pays-Bas du Sud, première moitié du xvi e siècle) ; Riché, Alexandre-Bidon, 1994, p. 15 (Alsace, vers 1500) ; exp. Paris, 2015, n o 23.
donnée aux gestes familiers qui insistent sur son rôle paternel et son métier de charpentier ou de menuisier 16.
de la Sainte Famille en Égypte 14. Miroir de l’évolution
Aux xv e et xvi e siècles, les images de la Sainte Famille
de la pensée religieuse médiévale, le thème prend
mettent ainsi l’accent sur l’intimité et le cadre privé de
une forme autonome dès le xiv e siècle et se développe
la scène familiale. Costumes, attitudes et détails concrets
au xv e siècle en relation avec le sens nouveau donné
donnent une dimension humaine aux personnages
à la figure sanctifiée de l’époux de
identification du bois Élisabeth Ravaud, C 2 R M F , 2010.
différemment en fonction de la signification plus juste
de divers épisodes de l’Enfance, telles la Nativité et la vie
Marie 15.
étude et restauration Juliette Lévy-Hinstin, 1984 et 2010.
dans ses bras, nourri et guidé. Sa place est moins en
La Sainte Famille – Marie, Joseph et l’Enfant Jésus –
charpentier 13.
de magnésium et de calcium –, et/ou carbonate de calcium, blanc de plomb). Carnations : rose pâle (blanc de plomb avec grains de laque de garance et de minium) et rose plus soutenu sur les joues, les mentons, les articulations ; yeux bruns, pupilles noires avec petite touche de blanc en leur centre, touche bleue à l’angle externe du globe oculaire ; paupières inférieures bordées d’une ligne rose, paupières supérieures, d’une ligne brune ; sourcils indiqués par une ligne ocre ; glacis rouge sur les lèvres ourlées d’une ligne rouge plus sombre ; mèches peintes en brun-rouge sur les fronts de la Vierge et de l’Enfant ; ongles cernés de fines lignes du même brun-rouge.
Père nour-
auxquels les dévots peuvent s’identifier. La famille
ricier du Christ, protecteur de la Vierge, éducateur,
sanctifiée formée par Jésus enfant et ses deux parents
Joseph est alors perçu comme un modèle de vie active
prend valeur d’exemple. Souvent traité par les graveurs
et de paternité spirituelle. Sa sainteté est démontrée par
et les peintres, en particulier par Dürer 17, le thème
sa proximité physique avec le Fils de Dieu, qu’il a tenu
paraît plus rare en sculpture. k e m p t e n. l u x
m au r u s
289
cat.  3 6 k e m p t e n. l u x
m au r u s
291
Memmingen. Autour de Hans Herlin, Hans Thoman et Christoph Scheller
fig. 1 Attribué à h a n s h e r l i n Hanz Holzschuher stalles du chœur 1501-1507 Memmingen, collégiale Saint-Martin
Au cours des premières années du xvi e siècle, plusieurs sculpteurs de Memmingen s’emploient à l’exécution de retables en collaboration avec l’atelier d’Ivo Strigel (mort en 1516) qui tient une place majeure dans la cité 1. Dans le même temps se déroule l’important chantier des stalles du chœur de la collégiale SaintMartin de Memmingen, commencées en 1501 et achevées en 1507. Les parties sculptées présentent une cinquantaine de figures en buste en ronde bosse ou en relief et quelques figures en pied en relief, qui sont exécutées par plusieurs compagnons, dont les noms sont cités dans les comptes de l’église 2. Les douze
fig. 1
bustes surmontant les jouées (fig. 1), en général attribués à Hans Herlin, actif à Memmingen au début du
serrée à la lèvre supérieure amincie, les yeux aux
xvi e siècle, ont permis à Albrecht Miller de définir le
paupières à demi baissées, les barbes et chevelures
style du sculpteur et de lui donner des œuvres aupara-
abondantes sont parmi les traits spécifiques des types
vant diversement considérées et restées dans l’anony-
physionomiques traduits en diverses variantes. Les
mat 3.
Dans l’ensemble ainsi réuni, citons notamment
drapés ne s’animent qu’à l’intérieur des contours
la Vierge et le Saint Jean d’une Crucifixion à Türkheim
tracés par les vêtements. Entre les grandes zones lisses,
(vers 1505-1510) 4, la Dormition de la Vierge du retable
ils sont structurés par des lignes tubulaires fracturées
de Salem (1507-1508 ; fig. 2, p. 296) peint par Bernhard
par endroits ou réunies en amas de tissu aux arêtes
Strigel (cité à Memmingen de 1505 à sa mort en
zigzagantes, ou encore raidies en plis parallèles.
1528) 5,
le Couronnement de la Vierge de Reinstetten (vers 15001510 ; fig. 3, p. 296) 6, un Saint Léonard au Liebieghaus à Francfort (vers
1500-1510) 7
et un Saint Pélage au
musée de Biberach (vers 1500-1510 ; fig. 4, p. 296) 8.
1 Voir ci-dessous « Memmingen et l’Allgäu vers 1480-1510 ». 2 Rott, 1934, p. 106-108, XXIII - XXVI ; Engelhard, Bachmayer, 2007 ; Arlart, 2009. 3 Miller, 1990. 4 Türkheim, chapelle commémorative de la guerre ; h . 1,34. Göbel, 1953b, p. 7 ; Miller, 1990, p. 36-38. 5 Karlsruhe, Badisches Landesmuseum (inv. C 3795) ; caisse du retable provenant de l’abbaye de Salem commandé en 1507 à Bernhard Strigel ; polychromie d’origine ; h . 2,40 ; l . 1,68 ; p . 0,185 ; prédelle et volets peints par Strigel (inv. 95/1361). Voir principalement Otto, 1959 ; Zimmermann, 1985, n o 160, p. 282-285 (Eva Zimmermann refuse l’attribution à Hans Herlin) ; Miller, 1990, p. 33, 36, 38. 6 Reinstetten, église ; provient probablement de l’église abbatiale d’Ochsenhausen ; Vierge, Christ, Dieu le Père, chacun h . 1,25 ; Göbel, 1953b, p. 8 ; Wortmann, 1984, n os 22-24, p. 66 ; Miller, 1990, p. 33, 36, 39-40. 7 Francfort, Liebieghaus (inv. 214) ; h . 1,55 ; l . 0,49 ; p . 0,43. Maek-Gérard, 1985, n o 130, p. 300-302 (attribué au Tyrol) ; Miller, 1990, p. 36, 38. 8 Biberach, Braith-Mali-Museum (inv. 7221) ; provient de la chapelle d’Eichen bei Ochsenhausen ; h . 0,95. Otto, 1965, p. 11-12 (attribué à Hans Thoman) ; Hoffmann, Diemer, 1975, p. 26-27 ; Miller, 1990, p. 40. 9 Rott, 1934, p. 106-110 ; Otto, 1965, p. 5-6.
Le style de Hans Herlin trouve des prolongements dans
l’œuvre
de
Hans
Memmingen de 1514 à
Thoman,
1525 9.
mentionné
à
Thoman serait identi-
fiable à un compagnon nommé Hans, qui est cité en
Ces œuvres et les bustes des jouées révèlent un
1502, 1503 et 1505 dans les textes relatifs aux stalles de
même goût pour les personnages robustes, aux épaules
Saint-Martin de Memmingen. Le nom complet de Hans
puissantes dessinées par les étoffes, aux cous épais et
Thoman apparaît en 1514 en relation avec la com-
aux visages de forme cubique solidement construits.
mande d’un retable (disparu) à Ivo Strigel. Deux
Les mâchoires carrées des hommes ou les lourdes
œuvres partiellement conservées sont des témoins
joues bombées des femmes, le menton fort, la bouche
assurés de la production du sculpteur et de son atelier :
m e m m i n g e n. au t o u r
d e
h a n s
h e r l i n,
h a n s t h o m a n
e t
c h r i s t o p h
s c h e l l e r
295
fig. 3
le retable de Feldkirch exécuté avec le peintre Bernhard Strigel en 1515, dont il reste le relief de la prédelle et les figures de la caisse10 ; le retable de Wangen aujourd’hui démembré, commandé au sculpteur en 1515 et livré en 1516, qui était consacré à la Vierge couronnée entourée de saintes et de saints (fig. 5) 11. À l’appui de ces œuvres attestées, les chercheurs ont reconstitué la personnalité artistique de Hans Thoman et la plupart
fig. 2
10 Feldkirch (Vorarlberg, Autriche), église SaintNicolas et presbytère ; Vierge à l’Enfant : h . 1,23 ; Saint Pierre : h . 1,08 ; Saint Paul : h . 1,10 ; Sainte Agathe : h . 1,035 ; Sainte Agnès : h . 1,045 ; la Cène : h . 0,47 ; l . 0,71. Une inscription en latin aujourd’hui disparue indiquait que le retable était l’œuvre de Bernhard Strigel et de Hans Thoman de Memmingen en 1515. Voir principalement Ammann, 1967. 11 Éléments provenant du retable du maître-autel de l’église Saint-Pancrace de Wangen. Karlsruhe, Badisches Landesmuseum (inv. C 10295) ; la Vierge (déposée au musée de Rottweil) : h . 0,91 ; l . 0,535 ; p . 0,23. Collection particulière : Dieu le Père : h . 0,785 ; l . 0,57 ; le Christ : h . 0,85 ; l . 0,57. Rottweil, Dominikanermuseum (inv. L 95-99) ; Sainte et Saint Pancrace (?) : h . 1,15 ; l . 0,60 ; p . 0,25 ; Sainte et Saint : h . 1,15 ; l . 0,63 ; p . 0,25 ; Saint Égide, Saint, Saint Théodule : h . 1,21 ; l . 0,82 ; p . 0,07 ; Saint Nicolas, Saint Sébastien, Saint Antoine : h . 1,20 ; l . 0,79 ; p . 0,07. Voir principalement Zimmermann, 1979 ; Stähle, 1986, n os 144-147, p. 157-171. 12 Otto, 1965, p. 13 ; Zimmermann, 1979, p. 57-59 ; Miller, 1990, p. 45. 13 Voir principalement Gröber, 1922, n os 64-67, 71-77, p. 8-9 ; Böhling, 1937 ; Schädler, 1964. 14 Düsseldorf, Stiftung Museum Kunstpalast (inv. P 1936-1) ; provient de Babenhausen ; h . 1,20 ; l . 0,455 ; p . 0,25. Voir notamment Gröber, 1922, n o 75, p. 9 ; Böhling, 1937, p. 150-151 ; Schädler, 1964, p. 141, 151 ; Saldern (von), 1966, n o 14, p. 59.
d’entre eux 12 se sont accordés pour attribuer au maître 15 Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum ; Sainte Barbe et Saint Martin (inv. Pl. 130) : h . 1,78 ; Saint Georges et Sainte Marguerite (inv. Pl. 131) : h . 1,72. Voir notamment Gröber, 1922, n o 66, 67, p. 8-9 ; Böhling, 1937, p. 29 ; Schädler, 1964, p. 149-151 ; Baxandall, 1980, p. 305-306 ; Kammel, 2006, p. 8-10 (publication des bustes de Dieu le Père et du Christ, collection particulière, provenant du même retable). 16 Ottobeuren, Klostermuseum (inv. 1002) ; chacun h . 1,36 ; l . 0,41 ; p . 0,046. Voir notamment Gröber, 1922, n os 71, 72, p. 9 ; Böhling, 1937, p. 144-146 ; Schädler, 1964, p. 139-140 ; Baxandall, 1980, p. 305-306. 17 Mindelheim, chapelle Notre-Dame ; l . 1,26. Voir notamment Gröber, 1922, n o 64, p. 8 ; Böhling, 1937, p. 29-30 ; Schädler, 1964, p. 148-150. 18 Salzbourg, Dommuseum (inv. KSP O 1069) ; h . 1,36 ; l . 1,10. Schädler, 1964, p. 148. 19 New York, The Metropolitan Museum of Art ; la Vierge et l’Enfant (inv. 2013.1093) : h . 0,515 ; l . 0,35 ; p . 0,17 ; Melchior et Balthazar (?) [inv. 51.28 a] : h . 0,597 ; l . 0,311 ; p . 0,165 ; le Mage noir (Gaspard ?) (inv. 51.28 b) : h . 0,572 ; l . 0,235 ; p . 0,133. Schädler, 1964, p. 150 ; exp. Cologne, 2014-2015, n o 117, p. 292-293.
fig. 4
296 l a s c u l p t u r e e n s o u a b e m é r i d i o n a l e v e r s 1 5 1 0 - 1 5 3 0
37 Le Christ des Rameaux Memmingen
état Réfections (fin du xix e siècle le bois ou début du xx e). Sculpture formée de plusieurs Après affranchissement des parties éléments assemblés mis en évidence originales, pièces en tilleul assemblées par les radiographies. par collage et non polychromées : Le Christ et la partie centrale de l’âne pouce, index, majeur et auriculaire avec ses pattes antérieures et son cou de la main gauche du Christ (annulaire (peut-être situé à l’emplacement d’origine), index, majeur, annulaire et auriculaire de la dextre (pouce d’un départ de branche) : sculptés dans une grande pièce (bille de tilleul ; d’origine) ; extrémité du nez ; doigts l. 0,80 environ) ; cavité creusée dans des deux pieds ; trois pièces incrustées le corps de l’âne. sur le pli de la tunique au-dessus du pied gauche, une pièce triangulaire La tête de l’âne (tilleul) : assemblée sur le pli au-dessus du pied droit. au cou par une longue cheville insérée dans une cavité dont l’orifice, percé sur Reconstitution de la base : sur une le front de l’animal, a été masqué par planche inférieure en peuplier, assemblage de la partie arrière une pièce de bois incrustée ; les oreilles originale en épicéa (complétée par de l’âne : assemblées par collage. un petit élément en sapin à dextre) La moitié inférieure de la patte et de la partie centrale et antérieure antérieure droite de l’âne et le sabot restituée en tilleul. de la gauche : deux pièces de bois, Éléments métalliques ajoutés pour chacune assemblée en sifflet et collée (sabots non fixés sur la base restituée). retenir le licol de l’âne : deux sur L’arrière de la sculpture (croupe de le profil droit du museau de l’âne, l’âne, ses pattes postérieures et partie un sous l’oreille, un sur la croupe. arrière de la base) : une grande pièce la polychromie d’épicéa (emplacement du cœur Polychromie d’origine lacunaire, de l’arbre visible sur le dessus de la avec polychromie postérieure sur l’âne. croupe ; fentes rayonnantes) assemblée Couche d’encollage sur le bois. à la partie principale en tilleul par Préparation blanche (roches deux longues chevilles, insérées dolomitiques – carbonate double au-dessus et en dessous de la cavité de calcium et de magnésium –, liant creusée dans le corps de l’âne. protéinique). Traces de fixation dans l’étau de l’établi : cavité cylindrique Tunique du Christ : rouge violacé sur la tête du Christ. à base d’hématite (oxydes de fer, Nombreuses fentes sur le buste roches dolomitiques, terre, grains du Christ et sur l’âne. de quartz et de carbonate de calcium). Traces de brûlures dues aux flammes Carnations du Christ en deux couches : de cierges sur le côté dextre du Christ. sous-couche blanche légèrement bleutée ou verdâtre, et couche beige Manques : trois faisceaux de rayons qui étaient insérés dans trois cavités pâle à rose vif (joues) ; glacis rouge sur le dessus et les côtés de la tête carmin sur la bouche cernée d’une du Christ ; éclats sur les mèches ligne rose clair ; rehauts roses sur de cheveux au dos et côté senestre. les paupières soulignées d’une ligne
vers 1515-1525 Bois (tilleul, épicéa et peuplier), restes de la polychromie d’origine, polychromie postérieure sur l’âne h. 1,35 ; l. 1,20 ; p. 0,41 Origine inconnue. Collection du marchand parisien Charles Joret. Commerce de l’art parisien. Collection Louis-Pierre Bresset, à Marseille en 1952, puis au château de La Rochelambert (Haute-Loire). Acquis auprès de ses héritiers par la Société des Amis du Louvre. Don de la Société des Amis du Louvre, 2008. Paris, musée du Louvre, département des Sculptures I N V. R F 2 0 0 8 . 1
Le Christ est représenté lors de son entrée triomphale
de la base indiquent l’usure compréhensible de cette
dans la ville de Jérusalem, relatée dans les Évangiles
partie fragilisée par les transports. Les traces de brûlures
(Matthieu 21, 1-11 ; Marc 11, 1-10 ; Luc 19, 29-40 ; Jean 12,
par des flammes de cierges attestent aussi la fonction dévo-
12-19). Vêtu de pourpre en signe de souveraineté, il bénit
tionn elle de la sculpture. Avant ou après la cérém onie du
de la main droite et de la gauche tient la bride de l’âne.
dimanche des Rameaux, ces statues du Christ sur son âne
Son maintien altier et son visage sévère, à l’image
restaient dans l’église offertes à la vénération des fidèles.
de la majesté divine, contrastent délibérément avec
brune (paupière supérieure) ou noire (paupière inférieure) ; yeux bruns avec accents blancs et touches bleutées ou roses aux angles ; sourcils tracés par une ligne courbe brune, fine et régulière. Cheveux et barbe : brun foncé ; fines mèches peintes sur les carnations en prolongement de la barbe sculptée. Pelage de l’âne : polychromie d’origine en deux couches (gris clair nuancé de blanc sur une sous-couche gris foncé) visible sur le ventre, recouverte ailleurs par une nouvelle couche grise (blanc de plomb, terres). Yeux de l’âne : iris gris foncé cerné d’une ligne blanche, coins externes relevés d’ocre rouge (polychromie d’origine ?). étude et restauration Anne Portal, 2007 ; Juliette LévyHinstin, 2008. identification du bois Élisabeth Ravaud, C 2 R M F , 2008. radiographies Thierry Borel, C 2 R M F a n a ly s e s d e l a p o lyc h r o m i e Yannick Vandenberghe, Sandrine Pagès-Camagna, C 2 R M F , 2010. bibliographie Exp. Marseille, 1952, p. 26, n o 79 (France, xv e siècle) ; Salmann, 1964, p. 4 (Allemagne du Sud, xv e siècle) ; Boccador, 1973, p. 17-19 (Alsace, fin du xv e siècle) ; Boccador, 1974, I I , p. 203-204 (atelier de Colmar ?, vers 1490-1500) ; Broekaert, Knapen, 2006, p. 256 (vers 1500) ; Guillot de Suduiraut, 2009b (Souabe, vers 1520-1525) ; exp. Paris, 2015, n o 25.
Le drapé du Christ des Rameaux est éminemment
la simplicité rustique de son humble monture. Cette
représentatif du style des sculptures des années 1515-1525
sculpture du Christ des Rameaux, qui devait être munie
attribuées au maître de Memmingen, Hans Thoman,
de roulettes ou posée sur un chariot, a été utilisée pour la
et à son atelier. Il en reprend le traitement caractéristique
procession du dimanche des Rameaux selon une pratique
des plis en longues lignes parallèles, dit Parallelfaltenstil
traditionnelle en Allemagne (voir cat. 3). Les réfections
(« style des plis parallèles »). Le Christ porte une ample
m e m m i n g e n. au t o u r
d e
h a n s
h e r l i n,
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301
Biberach. Autour du « Maître de la Sainte Parenté de Biberach » (Michael Zeynsler ?)
fig. 1 biberach, « m a î t r e d e l a s a i n t e pa r e n t é d e b i b e r a c h » ( m i c h a e l z e y n s l e r ? ) La Sainte Parenté provenant peut-être de l’église de Biberach vers 1515 Rottweil, Dominikanermuseum
fig. 1
L’étude de l’abondante production sculptée de Biberach
Le style des sculptures relève à Vigens et à Seewis de
dans les trois premières décennies du xvi e siècle est
la nouvelle manière de traiter les drapés en plis paral-
liée à deux noms livrés par les sources, Jörg Kändel
lèles, dans la lignée des œuvres de Hans Thoman et
et Michael Zeynsler.
de son atelier 5. Les reliefs de la prédelle du retable
Le peintre Jörg Kändel (cité à Biberach de 1502 à 1522) 1 dirige un florissant atelier qui exporte notam-
de Vigens rappellent en revanche les œuvres de Christoph Scheller 6.
ment des retables en Suisse, dans les Grisons. Trois
Dans le même temps, Michael Zeynsler, un sculpteur
retables sont signés, celui de Tinzen (Tinizong), daté
venu de Memmingen, s’installe à Biberach. En 1515, le
de 1512 2, de Vigens (Vignogn) provenant de Platta, daté
Conseil de la ville l’autorise à exercer son métier pen-
de 1516 3, et de Seewis (Sevgein ; vers 1520) 4. Pour
dant deux ans, en spécifiant qu’il lui est interdit de faire
l’exécution de ces œuvres, le peintre collabore avec
œuvre de menuisier, donc de fabriquer des retables.
plusieurs sculpteurs de formation diverse – compagnons
L’autorisation est renouvelée deux fois, en 1517 et 1519,
dans son atelier ou maîtres indépendants –, qui s’appa-
puis en 1523 Zeynsler obtient le droit de bourgeoisie à
rentent à leurs contemporains actifs à Memmingen.
Biberach où il est encore mentionné en 1540 ou 15417. au t o u r
d u
« m a î t r e
d e
l a
sa i n t e
1 Voir principalement, Rott, 1933 (Quellen), p. 184 ; Rott, 1933 (Text), p. 151 ; Baum, 1916a ; Böhling, 1932b ; Böhling, 1937, p. 27-28 ; Göbel, 1953b, p. 3-9 ; Beckerath (von), Nay, Rutishauser, 1998, p. 106-111. 2 Tinzen (Tinizong), église Saint Blaise ; caisse : h . 2,13 ; l . 2,05. Voir notamment Beckerath (von), Nay, Rutishauser, 1998, n o 142, p. 106-111, 267. 3 Vigens (Vignogn), église Saint-Florin ; provenant de l’église Saint-Martin de Platta ; caisse : h . 1,34 ; l . 1,25. Voir notamment Beckerath (von), Nay, Rutishauser, 1998, n o 98, p. 106-111, 253. 4 Zürich, Schweizerisches Landesmuseum (inv. LM 7211) ; caisse et reliefs des volets d’un retable provenant de l’église Saint-Thomas de Seewis (Sevgein) ; caisse : h . 1,505 ; l . 1,30 ; p . 0,225 ; six reliefs : h . 0,875 à 0,92. Voir notamment Beckerath (von), Nay, Rutishauser, 1998, n o 129, p. 106-111, 263-264 ; Flühler-Kreis, Wyer, 2007, II , n o 174, p. 68-73. 5 Voir ci-dessus « Memmingen. Autour de Hans Herlin, Hans Thoman et Christoph Scheller ». 6 Miller, 1968, p. 91, n o I/33. 7 Rott, 1933 (Quellen), p. 185 ; Rott, 1933 (Text), p. 152.
pa r e n t é
d e
b i b e r a c h »
309
fig.2, 3, 4 biberach, attribués à l’atelier ou l’entourage du « m a î t r e d e l a s a i n t e pa r e n t é d e b i b e r a c h » (michael zeynsler ?) Saint Jean Baptiste La Vierge à l’Enfant Saint Jean l’Évangéliste vers 1515-1520
fig. 5 biberach, attribué au « m a î t r e d e l a s a i n t e pa r e n t é d e b i b e r a c h » (michael zeynsler ?) Saint Sébastien vers 1515-1520 Berlin, Staatliche Museen, Bode-Museum
Mittelbiberach, chapelle du château
anonyme, le « Maître de Mittelbiberach » (Meister von Mittelbiberach), auteur de trois figures de retable fig. 2
conservées à Mittelbiberach (fig. 2, 3, 4)12, peut paraître fig. 3
fig. 4
artificielle en l’absence de sources documentaires. Les tentatives pour discerner une évolution au sein du
8 Otto, 1952-1953. 9 Rottweil, Dominikanermuseum (inv. L 93) ; proviendrait de l’église paroissiale de Biberach ; h . 1,20 ; l . 0,945 ; p . 0,23. Voir notamment Stähle, 1986, n o 155, p. 195-198. Sur le Maître de la Sainte Parenté de Biberach et Michael Zeynsler, voir principalement Gröber, 1922, n os 32-33, p. 5 ; Weinberger, 1927 ; Baum, 1929, n o 93, p. 38 ; Böhling, 1934 ; Otto, 1952-1953 ; Göbel, 1953b, p. 9-16 ; Krohm, 1985 ; Krohm, Bonnefoit, 2000, n os 11-12, p. 44-47 ; Weniger, Burk, 2005, n os 1-2, p. 86-97 ; Lichte, Meurer, 2007, p. 201-202 ; Chapuis, Marincola, 2008. 10 Otto, 1952-1953, p. 8-9. 11 Krohm, 1985, p. 228-230 ; Krohm, Bonnefoit, 2000, p. 46. 12 Mittelbiberach, chapelle du château ; Vierge : h . 0,75 ; l . 0,27 ; p . 0,20 ; Saint Jean Baptiste : h . 0,74 ; l . 0,30 ; p . 0,17 ; Saint Jean : h . 0,73 ; l . 0,29 ; p . 0,17. Göbel, 1953b, p. 16-17 ; Miller, 1992. 13 Munich, Bayerisches Nationalmuseum, collection Bollert ; Sainte Anne trinitaire (inv. L 2004/167) : h . 0,685 ; 0,485 ; p . 0,20 ; Vierge (provenant d’Iggenau bei Bad Wurzach ; inv. L 59/333) : h . 0,47 ; l . 0,54 ; p . 0,23. Voir principalement Weniger, Burk, 2005, n os 1-2, p. 86-95. 14 New York, The Metropolitan Museum of Art, The Cloisters Collection (inv. 60.126) ; traces de polychromie d’origine, h . 0,71 ; l . 0,25 ; p . 0,18. Voir principalement Chapuis, Marincola, 2008. 15 Berlin, Staatliche Museen, Bode-Museum (inv. 10/84) ; polychromie d’origine, h . 0,705 ; l . 0,20 ; p . 0,29. Voir principalement Krohm, 1985 ; Krohm, 2006, p. 172 ; Chapuis, Marincola, 2008, p. 66-67, 73-74. 16 Düsseldorf, Stiftung Museum Kunstpalast (inv. 1928-50) ; h . 0,34. Voir notamment Otto, 1952-1953, p. 7-8 ; Saldern (von), 1966, n o 11, p. 58.
Aucune œuvre du sculpteur attestée ou signée
groupe stylistique, assorties de datations fluctuant entre
n’est conservée. Néanmoins, Gertrud Otto 8, à la suite
1510 et 1525 environ, sont également peu convaincan-
de Hans Rott, a proposé de reconnaître en Zeynsler
tes faute d’œuvres précisément datées. Il faudrait sans
le sculpteur anonyme appelé le « Maître de la Sainte
doute prendre davantage en compte les particularités
Parenté de Biberach » (Meister der Biberacher Sippe),
techniques de chacune des sculptures, en relation avec
en référence à la Sainte Parenté qui proviendrait de
leur fonction première et les exigences présumées
l’église paroissiale de Biberach, aujourd’hui conser-
du commanditaire pour tenter de mieux évaluer
vée à Rottweil (vers 1515 ; fig. 1) 9. Selon Gertrud Otto,
l’ensemble.
Michael Zeynsler, qui vient de Memmingen, a travaillé dans cette ville auprès de Hans Herlin au chantier des stalles de Saint-Martin : il serait identifiable au compagnon du maître nommé « Michall » dans les comptes de l’église en 1501-1502 et 1505-1506 et son style serait perceptible sur certains bustes des stalles 10. L’identification du « Maître de la Sainte Parenté de Biberach » à Michael Zeynsler est souvent accueillie avec précaution, voire mise en doute par certains chercheurs 11. Il n’est pas facile en effet d’appréhender le vaste ensemble réuni autour de la Sainte Parenté de Biberach. Si son enracinement à Biberach et dans sa région ne doit pas être remis en question, son articulation pose maintes questions. Les œuvres assemblées appartiennent certes à la même famille stylistique, distincte des sculptures des retables de Kändel, mais pour certaines révèlent de notables différences d’exécution et de qualité en contradiction avec l’hypothèse d’un seul atelier. Pour autant, la création d’un second maître
310 l a s c u l p t u r e e n s o u a b e m é r i d i o n a l e v e r s 1 5 1 0 - 1 5 3 0
fig. 5
39 Scène d’intercession Biberach, vers 1520 attribuée à l’atelier du « Maître de la Sainte Parenté de Biberach » Bois (tilleul) restes de la polychromie d’origine et d’une intervention du xix e siècle h. 0,55 ; l. 1,72 ; p. 0,11 Élément d’un retable
état le bois Relief composé de neuf pièces de tilleul, assemblées verticalement et collées à plat joint ; petit élément (le Purgatoire) rapporté dans le haut de la deuxième pièce à senestre. Au revers, traces horizontales de riflard pour aplanir la surface, avec reprises à la gouge, filasse encollée pour renforcer les joints ; sous la base, reprises à la gouge à senestre et à dextre. Sous la base, traces de fixation du relief dans l’étau de l’établi : sept entailles
(de la prédelle ?) Origine inconnue. Collection particulière du Piémont (?). Collection Théodore Fivel (1828-1894). Acquis par la Chambre de commerce de Lyon, 1866. Dépôt de la Chambre de commerce, 1896. Lyon, musée des Beaux-Arts I N V. D - 6 7 8
cat. 3 9
314 l a s c u l p t u r e e n s o u a b e m é r i d i o n a l e v e r s 1 5 1 0 - 1 5 3 0
rectangulaires (environ 1 × 0,3 cm ; à dextre, deux sont associées et espacées de 2 cm) ; quatre ou cinq petites cavités (environ 0,4 × 0,4 cm). Sous la base, traces de fixation dans l’étau ou dans le retable (?) : deux plus grosses cavités (environ 1,5 × 0,5 cm). Au revers, dans le haut du relief, traces de fixation dans l’étau ou dans le retable (?) : six cavités de forme irrégulière (de 1,5 à 2 × 1,5 cm environ), une à dextre, quatre à senestre de Dieu le Père, et une à l’arrière du cimetière. Détails finement sculptés dans le bois : décor de la porte du Paradis (pilastre)
et des trônes (pilastres gothiques, petits lions), sols herbeux ou rocheux, barbes et chevelures, vêtements, parures et coiffures (cols de fourrure, franges, crevés, chaînes, couronnes, bord du voile de la Vierge…) ; lettres sculptées en relief au bord du manteau de la Vierge (sur le bord inférieur : [ N ] M A R I A O ; près du poignet droit : V M [ U ] T E R ; près du gauche : H I L [ F ] M ) ; motifs sculptés en creux au bord du manteau du Christ (rinceaux) et de Dieu le Père (petits cercles). Paumes des mains de Dieu le Père
entaillées dès l’origine pour permettre le maintien d’attributs. Principaux manques : anneau de la clé de saint Pierre ; pouce, annulaire et auriculaire de la main gauche du Christ ; bras gauche de l’enfant nu au centre ; quatre doigts de la main droite du mendiant infirme ; extrémités des doigts (partiellement refaits) des mains de Dieu le Père ; doigts de la main gauche de la Vierge ; bras d’un ressuscité dans le cimetière, tête de la figure de la luxure, et sous le bouc, un animal dont sont conservées une griffe (sur le rocher) et une patte
au t o u r
d u
(sur le bouc) ; rochers sur la grotte du Purgatoire ; éclats au bord de nuages, de l’aile gauche de l’ange à dextre de Dieu le Père, de la couronne du démon dans l’Enfer. Brûlure d’une flamme de cierge sur les rochers à senestre de l’Enfer. Éléments refaits (xix e ou xx e siècle) : corps du diacre au premier plan du groupe des élus (assemblé à la tête originale retaillée) ; quatre doigts de la main droite du Christ ; nez du pape ; majeur, annulaire et auriculaire de la main droite de Dieu le Père, premières phalanges de quatre doigts de sa main
« m a î t r e
d e
l a
sa i n t e
gauche, fleuron de sa couronne. Montage du xix e siècle (planche horizontale et fond vertical vissés) retiré et quatre cales en balsa collées sous la base en 1991 pour stabiliser la sculpture. la polychromie Restes de la polychromie d’origine et d’une polychromie du xix e siècle : lors d’une intervention du troisième quart du xx e siècle, sur certaines zones, la polychromie du xix e siècle a été supprimée et la polychromie d’origine endommagée (principalement sur
pa r e n t é
d e
b i b e r a c h »
315
D’Ulm à Augsbourg. Gregor Erhart
Gregor Erhart clôt magistralement cette page de l’his-
Holbein au retable de Weingarten (1493 ; volets peints
toire de la sculpture souabe. Les sources écrites
conservés à Augsbourg, cathédrale). Établi à Augsbourg,
révèlent plusieurs aspects de la vie et de la carrière du
Gregor prolonge l’activité de son père et œuvre dans
sculpteur mentionné à Augsbourg de 1494 à sa mort en
un cercle de maîtres augsbourgeois qu’unissent des
1540 1.
Nous ignorons sa date de naissance, mais les
relations de parenté et de voisinage. En association
textes nous apprennent qu’il est originaire d’Ulm et
avec Hans Holbein et Adolf Daucher, Gregor Erhart
que son père est le sculpteur Michel Erhart (men-
réalise le retable de l’abbaye de Kaisheim (1502-1503 ;
Cité pour la première
volets peints conservés à Munich, Alte Pinakothek) et
fois en 1494 à Augsbourg, Gregor y acquiert le droit de
celui de l’église Saint-Maurice d’Augsbourg (1502-
bourgeoisie et habite la maison de son beau-frère le
1507 ; détruit). Parmi les apprentis qui sont mention-
menuisier Adolf Daucher (vers 1460 - vers 1524). En
nés dans son atelier de 1498 à 1523 apparaît le nom de
1496, Gregor Erhart se marie avec Anna Mair, parente
son neveu Hans Daucher en 1500.
tionné à Ulm de 1469 à
1 Voir principalement Vöge, 1909 ; Baum, 1911, p. 79-95 ; Spaeth, 1922 (sources) ; Winkler, 1924 ; Feuchtmayr, 1926-1927 ; Otto, 1927, p. 67-100 ; Otto, 1943b (monographie sur Gregor Erhart ; sources p. 91-93) ; Müller, 1956 (la carrière du sculpteur d’après les sources) ; Schädler, 1965 ; Deutsch, 1969, p. 35-124 ; Broschek, 1973, p. 133152 ; Schädler, 1975 ; Baxandall, 1980, p. 127-135, 291-295 ; Schädler, 1994 ; Gantner, 1996 ; Guillot de Suduiraut, 1997 ; Roller, 2002b ; Söding, 2007, p. 105-106, 109-116. 2 Voir ci-dessus « Ulm. Michel Erhart, son atelier, son entourage ». 3 « Qd ingeniss mgr Gregoriu Erhart ulmensis nuc Augusten sua industria ppriis manibus sculpsit expensis Melchior Stuntz ». Otto, 1943b, p. 91. 4 Voir la note précédente. 5 « […] ain costlich chortaffel lassen machen, daran die besten III maister zu augspurg haben gemacht, […] der schreiner mayster Adolf Kastner in Kaisshamer hof, pildhauer maister Gregori, der maler Hanns Holpain […] ». Otto, 1943b, p. 91. 6 Autrefois à Berlin, Staatliche Museen, Bode-Museum (inv. 452) ; h . 2,16. Voir notamment Vöge, 1909 ; Demmler, 1930, p. 212 ; Otto, 1943b, p. 38-40, 88 ; Deutsch, 1969, p. 46-48 ; Baxandall, 1980, p. 292-293.
362 d ’ u l m à a u g s b o u r g
1522) 2.
du peintre Hans Holbein l’Ancien (vers 1465-1524), il
Le maître taille la pierre comme le bois, ainsi a-t-il
s’installe dans un autre quartier d’Augsbourg et, sans
« sculpté de ses propres mains » le Christ en croix en
doute à la même époque, devient maître puisqu’il est
pierre du cimetière de Saint-Ulrich d’Augsbourg
nommé Maister Jerg dans le registre des impôts de
(détruit) offert en 1498 par le marchand Melchior
cette année. On estime qu’il a alors environ vingt-cinq
Stuntz3. Les documents attestent la réputation bien éta-
ans, âge habituel de l’accession à la maîtrise et qu’il est
blie de Gregor Erhart, qui reçoit des commandes éma-
donc né vers 1470.
nant de l’empereur ou d’importants établissements
Selon toute vraisemblance, Gregor Erhart s’est
religieux. Qualifié de « maître de talent4 », il compte en
formé auprès de son père Michel à Ulm, avec lequel il a
1502, avec Adolf Daucher et Hans Holbein, parmi les
probablement travaillé au retable de l’église abbatiale
« trois meilleurs maîtres d’Augsbourg5 » auxquels l’abbé
de Blaubeuren (1493-1494) avant son départ pour
Georg Kastner confie la réalisation du retable du maître-
Augsbourg. À la fin du xve siècle, les deux métropoles
autel de l’église abbatiale de Kaisheim. Une grande
souabes rivalisent en prospérité économique mais au
Vierge de miséricorde se dressait au centre de la caisse du
xvi e siècle, Ulm est bientôt dépassée par Augsbourg,
retable (fig. 1)6 . Gregor Erhart est aussi chargé de sculp-
ville du puissant banquier Jakob Fugger allié à l’empe-
ter une statue équestre de l’empereur Maximilien Ier,
reur. Des commanditaires augsbourgeois s’adressent
pour laquelle le peintre Hans Burgkmair l’Ancien (1473-
volontiers aux sculpteurs ulmiens, tel Michel Erhart
1531) donne un projet idéalisé dans un dessin de 1503
qui reçoit en 1485 et 1495 des commandes pour l’église
(Vienne, Albertina, Graphische Sammlung).
Saint-Ulrich-Sainte-Afre d’Augsbourg (retable et cruci-
Commencée en 1509, la statue équestre, qui devait
fix disparus). Le sculpteur travaille en outre avec Hans
se dresser près de la collégiale Saint-Ulrich-Sainte-
fig. 1 gregor erhart La Vierge de miséricorde provenant du retable de Kaisheim 1502-1503, disparue en 1945 autrefois Berlin, Staatliche Museen, Bode-Museum
fig. 1 g r e g o r
e r h a r t
363
50 Sainte Marie Madeleine vers 1515-1520 Gregor Erhart (Ulm, vers 1470, cité à Augsbourg de 1494 à sa mort en 1540) Bois (tilleul) polychromie d’origine h. 1,77 ; l. 0,44 ; p. 0,43 Figure suspendue à la voûte d’une église, soutenue par des anges volants Proviendrait de l’église SainteMarie-Madeleine du couvent des dominicains d’Augsbourg. Commerce de l’art, Allemagne. Collection de Siegfried Lämmle (1863-1953), antiquaire à Munich, fin du xix e siècle. Commerce de l’art, Paris. Acquisition à Paris auprès de l’antiquaire Godefroy Brauer (Nagymorton, Hongrie, 1857 – Nice, 1923) sur les arrérages du legs de Mme Émile-Louis Sévène, née Laure Eugénie Declerck (Soissons, 1834 – Paris, 1887), 1902. Paris, musée du Louvre, département des Sculptures I N V. R F 1 3 3 8
état la polychromie le bois Polychromie d’origine, lacunaire sur Sculpture taillée en ronde bosse les parties endommagées et absente dans une pièce principale de bois sur les parties refaites au xix e siècle. (demi-bille de tilleul) ; éléments Bois encollé (plusieurs couches assemblés dès l’origine par collage : de colle protéinique), puis revêtu par partie antérieure des mains, extrémités endroits (défauts, nœuds, assemblage des seins, petite pièce à l’arrière des mains) de pièces de fine toile du genou droit, quelques mèches de de lin encollée. cheveux (une mèche près de la cuisse Couche de préparation grise gauche, d’autres disparues), rayons (carbonate double de calcium et de l’auréole insérés dans de petites de magnésium, noir de charbon, colle protéinique) sur le corps. cavités autour de la tête (disparus ; Couche de préparation blanche quelques petits fragments conservés). (même composition, à l’exception Traces de fixation dans l’étau de l’établi : sur la tête, deux cavités du noir de charbon) ; plis des chairs cylindriques (d. 2 à 3 cm) comblées modelés dans la préparation, par des pièces de bois. notamment sur le cou et les genoux. Au revers, buste de la sainte évidé Cheveux dorés : feuilles d’or sur à la gouge : cavité avec ouverture mixtion ocre orangé, avec glacis rectangulaire refermée par une orangé ; localement au revers, pièce de bois sculptée. restes d’une couche organique Sur la tête, gros percement cylindrique brune (appliquée lors de la deuxième (d. 4 cm environ) ouvrant dans polychromie) sur la mixtion de la cavité du buste : sans doute utilisé la dorure originale. Carnations appliquées en deux couches pour le maintien de la sculpture dans le dispositif primitif de suspension, liées à l’huile : sous-couche blanche probablement une structure ovale (blanc de plomb) ; couche rose pâle en métal. à rose vif sur les pommettes, le menton Statue entourée à l’origine de six anges et le cou (blanc de plomb, vermillon, sculptés (disparus) : certains en partie bleu azurite), traitement légèrement taillés dans la même pièce de bois que granuleux pour rendre l’aspect de la sculpture (notamment deux anges la peau ; mèches et sourcils ocre peints en haut à senestre), d’autres fixés (huile, ocre) sur les carnations ; blanc par des tiges métalliques (restes de l’œil bleuté ; touches roses aux coins sur la cuisse gauche et petites cavités des yeux, ligne brun sombre bordant sur le mollet droit). la paupière supérieure, iris brun clair Changement de fonction et cernés de brun foncé ; lèvre supérieure d’iconographie (fin du xvi e ou rouge sombre, lèvre inférieure plus xvii e siècle ?) : démontage du dispositif claire avec fines ridules et bord de suspension ; suppression des anges inférieur peints en rouge plus soutenu. et comblement des parties altérées (pièces de bois incrustées sur le flanc étude et restauration gauche et à l’intérieur du bras gauche) ; Agnès Cascio, Juliette Lévy-Hinstin, présentation de la sculpture contre 1990-1991 ; Juliette Lévy-Hinstin, un fond (deuxième polychromie Marie-Emmanuelle Meyohas, 2012. sur la face seulement). Statue habillée (xvii e ou xviii e siècle ?) : i d e n t i f i c a t i o n d u b o i s traces de la fixation de vêtements Élisabeth Ravaud, C 2 R M F , 2005. (pointes de cuivre ou petites cavités). Réfections (fin du xix e siècle) : base a n a ly s e s d e l a p o lyc h r o m i e de la statue avec l’avant des pieds Sylvie Colinart, C 2 R M F , 1989 ; (grosse vis métallique, visible à la Anne-Solenn Le Hô, 2012. radiographie, assemblant la cheville gauche à la base) ; petit doigt de la main b i b l i o g r a p h i e gauche ; extrémités de quelques mèches Michel, 1903, p. 371 (Ève, attribuée de cheveux ; planche sous-jacente à Tilman Riemenschneider ou du panneau fermant la cavité au revers à Veit Stoss, fin du xv e ou début du (planche supérieure sculptée de mèches xvi e siècle) ; Baer, 1904-1905, col. 257de cheveux, d’origine ou refaite ?). 260 (Ève, attribuée à Veit Stoss, fin
du xv e ou début du xvi e siècle) ; Michel, Vitry, 1907, n o 943 (Ève, attribuée à Tilman Riemenschneider ou à Veit Stoss, fin du xv e ou début du xvi e siècle) ; Vitry, 1908, p. 217 (id.) ; Réau, 1909, p. 67-68 (id.) ; Vöge, 1910 (Ève, apparentée à des œuvres souabes) ; Lossnitzer, 1912, p. 157 (Ève, attribuée à Veit Stoss) ; Michel, Migeon, 1912, p. 38-39 (Ève franconienne) ; Vitry, 1922, n o 546 (Ève, attribuée à Tilman Riemenschneider ou à Veit Stoss, fin du xv e siècle) ; Winkler, 1924 (Sainte Marie l’Égyptienne, attribuée au maître du retable de Blaubeuren) ; Feuchtmayr, 1926-1927, p. 27-28 (Gregor Erhart, Sainte Marie Madeleine) ; Otto, 1927, p. 68, 76 (Gregor Erhart, Sainte Marie l’Égyptienne ou Sainte Marie Madeleine) ; Schrade, 1927, p. 101 (Sainte Marie Madeleine) ; Kris, 1928, p. 126-127 (Gregor Erhart, Sainte Marie Madeleine) ; Pinder, 1929, II, p. 399-400, 415 (id.) ; Murbach, 1943, p. 58 (id.) ; Otto, 1943b, p. 62-64, 83, 90 (Gregor Erhart, Sainte Marie Madeleine, vers 1525) ; Rorimer, 1950, p. 207-208 ; Baum, 1953, p. 17 (id.) ; Feulner, Müller, 1953, p. 314 (id.) ; Pinder, 1953, I, p. 206, II, fig. 139 (id.) ; Valland, 1961, p. 143-145, 149-150 ; Müller, 1966, p. 174 (id.) ; Deutsch, 1969, p. 84-88 (id., vers 1515) ; Osten (von der), Vey, 1969, p. 34 (id.) ; Broschek, 1973, p. 134, 149 (id.) ; Schädler, 1975, p. 78-82 (id.) ; Baxandall, 1980, p. 131, 294 (id., vers 1500-1510) ; Mohr, 1983, p. 63 (id., vers 1525) ; Guillot de Suduiraut, 1988, p. 8-10 (id., début du xvi e siècle) ; Duby, Barral i Altet, Guillot de Suduiraut, 1989, p. 278-279 (id.) ; exp. Paris, 1991-1992, n o 56, p. 203-208 (id., vers 1510) ; Cascio, Lévy, 1993b (id.) ; Schädler, 1994 (id., vers 15151520, proviendrait de l’église Sainte-Marie-Madeleine du couvent des dominicains d’Augsbourg) ; Nicholas, 1995, p. 175-176, 395 ; Guillot de Suduiraut, 1997 (id.) ; Meurer, 2002b, p. 163 (Gregor Erhart, Sainte Marie Madeleine) ; Les sculptures européennes, 2006, p. 348 (id., vers 1515-1520, proviendrait de l’église Sainte-Marie-Madeleine du couvent des dominicains d’Augsbourg) ; Ravaud, Guillot de Suduiraut, 2009, p. 64 (id.) ; Theiss, 2014-2015, p. 94, 105 (Gregor Erhart, Sainte Marie Madeleine).
g r e g o r
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367
cat. 5 0 g r e g o r
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369
Glossaire Bibliographie Index
Glossaire
et elle est lissée au couteau. Après séchage,
Or parti (de partir, en latin partire,
l’ensemble est extrait sous la forme d’une
« diviser, partager ») :
mince feuille en relief qui, recoupée si besoin,
feuille métallique obtenue en battant
est retournée pour être fixée sur l’œuvre à
ensemble une feuille d’or et une feuille
l’aide d’un adhésif. La feuille d’étain devient
d’argent, la face en étant le côté doré.
ainsi la face supérieure visible, soutenue par
En Allemagne aux xv e et xvi e siècles,
le matériau de remplissage durci (en anglais
l’or parti (Zwischgold) est d’usage courant,
filler) ; elle est souvent dorée et revêtue
alors que son emploi est réglementé
de glacis et de rehauts de peinture.
en France et dans les anciens Pays-Bas.
Décor tracé par grattage (technique dite
Polychromie (de polychrome,
du sgraffito d’après le terme italien qui désigne
emprunté [1788] au grec tardif polykhrômos,
au xvi e siècle le sgraffite en peinture murale) :
« qui a plusieurs couleurs ») :
décor obtenu en retirant partiellement une
désigne aujourd’hui le revêtement qui
Quelques termes techniques
couche picturale posée sur l’or ou l’argent
recouvre le matériau de la sculpture
utilisés dans cet ouvrage
polis. La peinture est ôtée par grattage à l’aide
et qui est constitué de l’ensemble des couches
d’un bâtonnet pour tracer les motifs choisis,
(couches préparatoires, couches colorées,
de façon à faire apparaître la feuille d’or
feuilles métalliques et décors rapportés).
ou d’argent sous-jacente.
Alors que l’équivalent allemand Fassung
Aubier (dérivé du latin albus, « blanc ») : région externe du bois, proche de l’écorce, correspondant aux zones d’accroissement
est encore utilisé de nos jours, l’ancien
les plus récemment formées. L’aubier
Dorure ou argenture à la feuille :
verbe français estoffer (ou étoffer, estopher,
est plus ou moins distinct selon les bois.
voir bol et mixtion.
garnir, enrichir, orner, faire plus abondant), appliqué aux xv e et xvi e siècles aux divers
Bol (du bas latin bolus, « boulette »,
Duramen ou bois parfait :
emprunté au grec bôlos, « motte de terre » ;
région interne du bois correspondant aux
employé d’abord dans bol d’Arménie,
zones d’accroissement les plus anciennement
variété d’argile originaire de ce pays) :
formées. Le bois parfait est plus ou moins
argile riche en ocre, le plus souvent rouge,
distinct selon les bois.
orangée ou ocre jaune, principal constituant de l’assiette, sous-couche sur laquelle sont posées
disparu dans cet usage. Préparation : mélange de matériaux posé en une ou plusieurs couches, colorées ou non,
Encollage :
pour préparer la surface de la sculpture.
et adhèrent les feuilles d’or ou d’argent (dorure
couche de colle appliquée sur le bois ou
En Europe du Nord, la préparation est
ou argenture sur bol, à liant aqueux) qui sont
sur la préparation dans un but d’isolation.
généralement composée de colle d’origine
ensuite polies ou brunies. Par extension, le mot bol désigne l’assiette elle-même.
animale (colle protéinique ou protéique) Flipot : fine pièce de bois utilisée pour combler
Cœur de l’arbre : partie centrale du tronc comprenant la moelle
et de craie (carbonate de calcium) réduite en poudre.
une fente dans le bois ou un interstice entre deux éléments assemblés.
et les zones d’accroissement les plus proches.
Travail au tremblé : sculpture de motifs en zigzag (en allemand
Glacis (dérivé de glacer, employé dans
Tremolierungen, dérivé de l’italien tremolo)
Décor en relief moulé et appliqué
le sens de « donner une apparence polie,
à petits coups d’outils alternatifs, à la surface
(dit aussi « brocart appliqué ») :
brillante comme celle de la glace ») :
du bois ou de la préparation, principalement
décor composé d’éléments en fin relief
fine couche colorée translucide
fabriqués dans des moules à l’aide de feuilles
ou transparente appliquée sur les feuilles
d’étain, puis appliqués sur la surface de
d’or ou d’argent, ou sur une couleur.
l’œuvre, pour imiter des étoffes, des broderies ou des passementeries, en particulier des
378
revêtements des sculptures, a par la suite
Mixtion (emprunté au latin mixtio, « mélange ») :
soieries façonnées (lampas, velours, damas)
mélange principalement composé d’huile
appelées improprement « brocarts ».
cuite, chargé de pigments et parfois additionné
Une feuille d’étain est pressée et martelée
de résine, sur lequel sont posées les feuilles
sur une plaque gravée afin d’épouser les
de métal et qui sert à les fixer (dorure ou
creux et saillies du motif. Une pâte plastique,
argenture sur mixtion, à liant huileux). Les
de composition diverse selon les ateliers,
feuilles métalliques ne peuvent être polies
est étendue ou coulée sur la feuille d’étain
et conservent un aspect mat.
pour évoquer l’aspect des sols et des fourrures.
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