De l’esclave à l’empereur (extrait)

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de l’esclave À l’empereur L’ART ROMAIN dans les collections du musée du louvre


Catalogue de l’exposition De l’esclave à l’empereur. L’art romain dans les collections du musée du Louvre Arles, musée départemental Arles antique 20 décembre 2008-3 mai 2009

Cette exposition a été organisée par le musée départemental Arles antique et le musée du Louvre. Elle reprend pour l’essentiel l’exposition Roman Art from the Louvre montée par l’American Federation of Arts et le musée du Louvre, présentée à l’Indianapolis Museum of Art (23 septembre 20076 janvier 2008), au Seattle Art Museum (21 février-18 mai 2008) et à l’Oklahoma City Museum of Art (26 juin-12 octobre 2008). Ce catalogue est la version française de l’ouvrage Roman Art from the Louvre, publié par l’American Federation of Arts et Hudson Hills Press en 2007. L’ensemble des textes et les photographies accompagnant les notices ont pu être repris grâce à l’aimable autorisation de l’American Federation of Arts.

de l’esclave À l’empereur L’ART ROMAIN dans les collections du musée du louvre

SOUS LA DIRECTION DE Cécile Giroire et Daniel Roger

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. © Musée du Louvre, Paris, 2008 http://www.louvre.fr © Somogy éditions d’art, Paris, 2008 http://www.somogy.net ISBN Louvre : 978-2-35031-198-2 ISBN Somogy : 978-2-7572-0220-3 Dépôt légal : novembre 2008 Imprimé en Italie


Musée du Louvre

Henri Loyrette Président-directeur Didier Selles Administrateur général Catherine Sueur Administratrice générale adjointe Jean-Luc Martinez Conservateur en chef, chargé du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines

Musée départemental Arles antique

Claude Sintes Directeur du musée départemental Arles antique, commissariat général de l’exposition Alain Charron Directeur adjoint du musée départemental Arles antique, commissariat général de l’exposition Jacky Dellanegra Secrétaire général du musée départemental Arles antique

Commissariat scientifique de l’exposition

Cécile Giroire Conservateur au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre Daniel Roger Conservateur au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre

Exposition

Christophe Monin En charge de la Direction du développement culturel Juliette Armand Directrice adjointe de la Direction du développement culturel, en charge des expositions Rachel Beaujean-Deschamps Coordinatrice d’expositions hors les murs

Édition

Musée du Louvre Direction du développement culturel Chef du service des éditions Violaine Bouvet-Lanselle Coordination et suivi éditorial Moïna Lisowski

Auteurs du catalogue

Michel Amandry (M. A.) Conservateur général des bibliothèques, directeur du département des Monnaies, Médailles et Antiques de la Bibliothèque nationale de France Véronique Arveiller (V. A.) Ingénieur d’études au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre

Élisabeth Fontan (É. F.) Conservateur en chef au département des Antiquités orientales du musée du Louvre Cécile Giroire (C. G.) Conservateur au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre

Jean-Charles Balty (J.-C. B.) Membre de l’Institut, professeur honoraire à l’université de Paris Sorbonne

Marianne Hamiaux (M. H.) Ingénieur d’études au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre

Catherine Bastien (C. B.) Secrétaire de documentation au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre

Ludovic Laugier (L. L.) Ingénieur d’études au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre

Nicolas Neumann directeur

Patrick Blanc (P. B.) Responsable de l’atelier de conservation et de restauration de mosaïques du musée départemental Arles antique

Jean-Luc Martinez (J.-L. M.) Conservateur en chef, chargé du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre

Suivi éditorial Christine Fuzeau

Pascale Carpentier (P. C.) Secrétaire de documentation à la bibliothèque centrale des musées nationaux

Contribution éditoriale Marion Lacroix

Sophie Cluzan (S. C.) Conservateur au département des Antiquités orientales du musée du Louvre

Néguine Mathieux (N. M.) Chargée d’études documentaires au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre

Conception graphique et réalisation Éric Blanchard

Roberta Cortopassi (R. C.) Ingénieur d’études au département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre

Fabrication Michel Brousset, Béatrice Bourgerie et Mathias Prudent

Sophie Descamps-Lequime (S. D.) Conservateur en chef au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre

Collecte de l’iconographie Chrystel Martin

Éditions Somogy

Jannic Durand (J. D.) Conservateur en chef au département des Objets d’art du musée du Louvre

Caroline Papin (C. P.) Collaborateur scientifique stagiaire au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre Christophe Piccinelli-Dassault (C. P.-D.) Chargé d’études documentaires au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre Daniel Roger (D. R.) Conservateur au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre Agnès Scherer (A. S.) Chargée d’études documentaires au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre

Toutes les œuvres des notices du catalogue sont conservées au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre, à l’exception des suivantes : musée du Louvre, département des Antiquités orientales : cat. 10, cat. 171 et cat. 182 musée du Louvre, département des Antiquités égyptiennes : cat. 28, cat. 29 et cat. 49 musée du Louvre, département des Objets d’art : cat. 13 dépôt de la Bibliothèque nationale de France : cat. 119

Carte Conception : Daniel Roger Réalisation : Claire Raveau


Remerciements

Nos remerciements s’adressent en premier lieu à Alain Pasquier, conservateur général chargé jusqu’en 2007 du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, qui nous a mis avec confiance à la tête de cet ambitieux projet, soutenu avec enthousiasme par la direction du Louvre. Henri Loyrette, président-directeur du musée du Louvre, parmi tant d’entreprises qu’il a suscitées, a constamment suivi notre travail, avec l’ensemble de la direction de l’établissement. Jean-Luc Martinez, conservateur en chef du patrimoine, s’est inscrit dans cette dynamique dès son accession à la tête du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines le 1er août 2007. Attentif et disponible, il nous a considérablement encouragés, accompagnés et aidés quand cette entreprise devenait réalité. Qu’il en soit ici vivement remercié. Pour cette étape arlésienne, Juliette Armand, directrice adjointe de la Direction du développement culturel, chargée des expositions, aidée de Rachel Beaujean-Deschamps et de Marie Duquesnoy (Direction financière et juridique), a été une interlocutrice attentive et disponible, notamment pour les aspects juridiques de ce partenariat avec le musée départemental Arles antique. L’exposition présentée en Arles a d’abord été déployée à Indianapolis, Seattle, Oklahoma City en 2007-2008. L’idée de présenter les collections d’art romain du musée du Louvre aux États-Unis a été conçue en 2003 par l’American Federation of Arts. Très rapidement, la volonté d’Henri Loyrette d’envisager une étape française, accompagnée d’un catalogue, s’est concrétisée grâce à la réactivité du musée départemental Arles antique, incarnée par son directeur, Claude Sintes, et Alain Charron, conservateur en chef, qui ont accueilli très favorablement ce projet venant couronner un partenariat qui se mettait alors en place entre les deux institutions. Au sein du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines s’est peu à peu constituée une équipe qui n’a pas ménagé sa peine. Que soient particulièrement remerciés Néguine Mathieux et Ludovic Laugier, pour leur expérience, leur disponibilité et leur entrain constant. Giovanna Léo et Christelle Brillault ont efficacement coordonné de multiples tâches. D’autres départements du musée du Louvre ont contribué à cette exposition par des prêts prestigieux, le département des Antiquités orientales, le département des Antiquités égyptiennes et le département des Objets d’art. Parallèlement, la Bibliothèque nationale de France a bien voulu que nous puisions dans les œuvres qu’elle laisse en dépôt au Louvre. Nous sommes heureux que les œuvres de la collection romaine aient reçu les soins attentifs de plus de trente restaurateurs, cités dans les notices, qui ont travaillé avec diligence et dans des conditions parfois difficiles. Le professionnalisme et la connaissance des œuvres dont font preuve les ateliers du Louvre doivent être salués ainsi que la compétence et l’ingéniosité d’Emmanuel Bougenaux, qui, avec son équipe, a conçu et réalisé maints et maints montages.

SOMMAIRE

Ce catalogue, qui est la version française de l’ouvrage Roman Art from the Louvre publié en 2007, a été rendu possible grâce à l’American Federation of Arts qui nous a très gentiment autorisés à publier textes et photographies de l’édition américaine. Il est la somme de contributions nombreuses. Notre gratitude s’adresse à Jean-Charles Balty, membre de l’Institut, pour son aimable participation. Une vingtaine d’auteurs ont souvent renouvelé nos connaissances ou fait le point sur des œuvres parfois inédites et sur d’autres très connues. Nos chaleureux remerciements s’adressent ainsi à Catherine Bastien, Ludovic Laugier, Jean-Luc Martinez, Christophe Piccinelli-Dassaud, Néguine Mathieux, Agnès Scherer, Véronique Arveiller, Marianne Hamiaux, Pascale Carpentier, Caroline Papin, Marc Étienne, Sophie Cluzan, Sophie Descamps, Michel Amandry, Élisabeth Fontan, Jannic Durand, Roberta Cortopassi et Patrick Blanc. Il revient au service des éditions du musée du Louvre, dirigé par Violaine Bouvet-Lanselle, au musée départemental Arles antique et à Somogy, en la personne de Christine Fuzeau, d’avoir orchestré cette coédition. Que tous les protagonistes de cette entreprise, et notamment Moïna Lisowski, chargée d’édition au musée du Louvre, et Marion Lacroix, correctrice, soient remerciés pour avoir contribué à l’édition française de ce catalogue d’exposition qui sera aussi, nous l’espérons, un ouvrage de référence pour les collections romaines du musée du Louvre. Une grande partie de la collection romaine dispose désormais d’une belle couverture photographique grâce à Anne Chauvet, Daniel Lebée et Carine Déambrosis. Notre exposition a été enrichie par le travail minutieux de Claire Raveau. Enfin, qu’il nous soit permis d’exprimer notre chaleureuse reconnaissance aux acteurs arlésiens de ce projet, en premier lieu Claude Sintes et Alain Charron, qui ont accepté d’assurer le commissariat général de l’exposition, ainsi qu’à toute l’équipe du musée qui s’est mobilisée pour accueillir et présenter une importante partie de notre collection dans les meilleures conditions possibles, notamment Jessy Compan, Sandrine Ferrand, Pascale Picard. Il importe de ne pas oublier le service des publics (Fabrice Denise et son équipe), les services techniques et les services administratifs. Au sein du conseil général des Bouches-du-Rhône, l’action de Monique Agier, directrice générale, d’Annick Colombani, directrice générale adjointe, et de Cécile Aubert, directrice de la culture, mérite d’être soulignée.

6 Remerciements 8 préface Jean-Noël Guérini

9 préface Henri Loyrette et Claude Sintes

10 Avant-propos Jean-Luc Martinez

12 L’art romain et les collections du Louvre Jean-Charles Balty

28 Histoire de la collection romaine du Louvre Cécile Giroire, Daniel Roger et Ludovic Laugier

46 Carte 48 Chronologie de l’empire romain 50 Catalogue 52 L’empereur Daniel Roger

116 Être citoyen dans l’Empire Cécile Giroire

164 Domi militiaeque, en temps de paix et en temps de guerre Daniel Roger

210 Étrangers, affranchis, non-citoyens, esclaves : les loisirs et le travail Cécile Giroire

236 La religion romaine La muséographie a été imaginée et réalisée par Patrick Mauger, aidé de Judith Bonnet et Séverine Savigny, dans un souci constant de servir les œuvres et de comprendre les liens qui nous ont amenés à les réunir. Qu’il sache que ce travail commun a été pour nous une expérience riche et stimulante dont nous saurons tirer profit pour le futur réaménagement des salles romaines du musée du Louvre.

Néguine Mathieux

278 Bibliographie 290 Glossaire 295 Index 304 Crédits photographiques

C.G. et D.R.


préfaces

Il y a deux ans, le conseil général des Bouches-du-Rhône (à travers son

Peu de musées dans le monde peuvent présenter une collection aussi presti-

musée départemental Arles antique) et le musée du Louvre signaient une

gieuse pour l’art de la Rome antique que celle du Louvre, patiemment et

convention de partenariat renouvelable. Depuis, les manifestations et les

savamment collectée par des générations de conservateurs depuis la fonda-

échanges conduits dans ce cadre se sont multipliés, amenant un enrichis-

tion du musée en 1793.

sement mutuel des deux équipes : archéologues, restaurateurs, médiateurs, conservateurs se rencontrent régulièrement et élaborent des présentations

Il n’a donc pas été simple aux commissaires de l’exposition, Cécile Giroire

d’œuvres, des expertises croisées, des projets de publications.

et Daniel Roger, qu’il faut féliciter ici, de faire un choix dans un champ chronologique aussi vaste (du Ier siècle av. J.-C. jusqu’au VIe siècle) et dans

L’exposition que le public est amené à voir aujourd’hui dans le musée

un ensemble aussi dense. Ils ont pourtant parfaitement réussi à constituer

départemental est, à nouveau, une manifestation éclatante des liens privi-

un discours cohérent, capable d’illustrer la richesse de la civilisation

légiés qui se sont noués et qui ne cessent de s’affermir entre les deux insti-

romaine de l’empereur à l’esclave : des chefs-d’œuvre justement célébrés

tutions. Il faut d’emblée saluer la confiance qui est ainsi accordée à

côtoient des pièces moins connues ou même de modestes objets de la vie

nos conservateurs par le président-directeur du musée du Louvre,

quotidienne, rendant plus accessible cette diversité aux yeux du public.

M. Henri Loyrette, et l’en remercier sincèrement : après avoir été présentées au public américain des villes d’Indianapolis, d’Oklahoma City et de Seattle,

Ce travail a été présenté avec un énorme succès aux États-Unis dans le cadre

les prestigieuses collections romaines du Louvre vont être offertes à la délec-

des échanges internationaux conduits par le Louvre. C’est désormais au

tation du public des Bouches-du-Rhône et bien au-delà… Arles a en effet

tour d’Arles d’accueillir cet ensemble prestigieux sous une forme renou-

le privilège d’être la seule étape en Europe pour cette présentation avant le

velée. Cette étape va ainsi donner au public français l’occasion de voir ces

retour des œuvres dans les salles et les réserves du Louvre, ce qui devrait

œuvres avant leur retour dans les salles et dans les réserves du Louvre, où

amener une fréquentation dépassant largement le cadre de notre Provence.

la refonte scénographique de cette collection est en cours d’étude.

Il reste à féliciter les commissaires de cette exposition, Mme Cécile Giroire et

Un autre motif de satisfaction pour les directeurs est la publication de

M. Daniel Roger, pour cette magistrale synthèse et pour le magnifique

l’ouvrage consacré à l’exposition. Il ne s’agit pas d’un catalogue au sens

catalogue qui l’accompagne : nul doute que leurs efforts ne soient

habituel du terme, mais bien d’un livre débordant largement la question

couronnés de succès.

des seuls objets présentés. On y trouvera une mise au point savante sur les recherches en cours, tant en archéologie qu’en histoire de l’art, et une synthèse magistrale sur l’ensemble des questions liées au pouvoir et au

Jean-Noël Guérini

rayonnement de la civilisation romaine. La présentation agréable et l’illus-

Président du conseil général des Bouches-du-Rhône

tration abondante rendent en outre cet ouvrage accessible à tous.

Sénateur des Bouches-du-Rhône Avec cette exposition, c’est une nouvelle étape de la dynamique collaboration entre nos institutions qui se déroule : que les équipes des deux musées trouvent ici l’expression de notre gratitude.

Henri Loyrette

Président-directeur du musée du Louvre Claude Sintes

Directeur du musée départemental Arles antique


avant-propos

Il m’est agréable d’avoir à saluer le travail de mes collègues

en jouant son rôle de conservatoire des arts pour la nation, a su très

Cécile Giroire et Daniel Roger, chargés des collections romaines

tôt comprendre et défendre les intérêts patrimoniaux des musées de

du Louvre, et de le faire à l’occasion de l’installation de leur

région. Aussi, dans une histoire plus récente, le musée du Louvre

exposition au musée départemental Arles antique, l’un des plus

a-t-il pu, par de généreux prêts, accompagner la politique dynamique

beaux musées archéologiques français.

du musée archéologique d’Arles installé dans un nouveau bâtiment.

Nous sommes certains que le visiteur redécouvrira à cette occasion

À ces relations naturelles entre deux musées français s’ajouta un

l’exceptionnelle collection d’art romain du musée du Louvre. On

intérêt patrimonial évident représenté par l’atelier de conservation

oublie en effet trop souvent que les antiquités classiques – plus de

et de restauration de mosaïques d’Arles. Le Louvre souhaitait en effet

quarante-cinq mille objets qui font du Louvre l’un des tout premiers

se rapprocher de cet atelier pour établir un bilan sanitaire de sa

musées au monde dans ce domaine – rassemblent avant tout des

collection et envisager une vraie politique de restauration fonda-

œuvres produites par le génie des artisans romains. Les collections

mentale de son fonds. L’heureuse expérience nouée en 2005 autour

royales françaises comme les grandes collections d’antiques viennent

de la restauration en Arles de la mosaïque d’Antioche dite du

en effet d’Italie ou des territoires autrefois conquis par Rome. Les

Jugement de Pâris se conclut par une exposition-dossier en Arles (La

commissaires de l’exposition ont pu ainsi rassembler, après une

Mosaïque du Jugement de Pâris. Chronique d’une restauration, juin-

campagne de restauration fondamentale et des montages aussi

octobre 2006) puis à Paris, fin 2007. Les relations professionnelles

ingénieux qu’innovants, une sélection de portraits, de grands reliefs

et amicales nouées à ces occasions, la complémentarité des collec-

historiques, de mosaïques, de peintures et de produits de l’artisanat

tions, comme l’envie de travailler à des projets communs expliquent

de luxe du monde romain. Ce florilège permet une approche théma-

le rapprochement entre les deux musées. Au moment où le Louvre

tique de la civilisation romaine mettant en valeur le rôle central de

consacrait une grande rétrospective à Ingres, le projet d’exposition

l’empereur, du citoyen, de l’armée ou soulignant l’originalité de la

Ingres et l’antique, porté par le musée arlésien, servit en 2006 d’accé-

place des étrangers et de la religion romaine. Nous avons beaucoup

lérateur. Depuis, les échanges se sont multipliés sous la forme

appris grâce à cette exposition et nous tirerons toutes les leçons d’une

d’actions des deux services des publics à l’occasion d’expositions

telle démonstration pour le réaménagement des salles romaines du

comme Praxitèle au Louvre (mars-juin 2007) où figurait un buste

Louvre prévu à partir de 2009-2012. Cette redécouverte s’accom-

du musée d’Arles, du partenariat sur les restaurations de mosaïques

pagne d’un renouvellement complet de notre connaissance scienti-

faites en Arles (2007), mais aussi d’échanges d’objets présentés en

fique dont ce catalogue conservera la trace pour le public de langue

Arles puis à Paris, en 2007 et en 2008 : citons la reconstitution de la

française après une première présentation aux États-Unis.

sépulture de saint Hilaire d’Arles dont la cuve est au Louvre et le couvercle en Arles (Paris, novembre 2006-février 2007 puis Arles,

Cet événement arlésien est le fruit d’une longue collaboration entre

mars-mai 2007) ou, en 2008, la confrontation à Paris de deux sarco-

nos deux musées, scellée par une convention de partenariat signée en

phages paléochrétiens du Louvre et d’Arles présentant le même

octobre 2006. Je suis heureux de rappeler à cette occasion les liens

thème de la transmission de la loi (avril-octobre 2008). Le visiteur

profonds qui unissent nos deux établissements. Le fonds ancien des

arlésien l’aura compris, l’exposition qui s’ouvre en Arles est donc le

sculptures du Louvre, avec la célèbre Vénus d’Arles offerte à

résultat de cette collaboration, riche d’enseignement pour les deux

Louis XIV en 1683 ou avec les œuvres moins connues données en

musées, emblématique, nous voulons croire, des nouvelles relations

1822 à Louis XVIII, témoigne de l’intérêt croissant manifesté à Paris

que doivent apprendre à tisser les musées français de statut et

pour le patrimoine de la ville d’Arles. Le retour par dépôt en 1905 du

d’échelle variés pour le plus grand plaisir du public et dans l’intérêt

colossal portrait d’Auguste permettant la restauration de la statue

des collections françaises.

dont le drapé était resté en Arles rappelle que le musée parisien, tout Jean-Luc Martinez Détail du Portrait de femme (Cat. 49)

Conservateur en chef, chargé du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre


L’ART ROMAIN ET LES COLLECTIONS DU LOUVRE JEAN-CHARLES BALTY

Tenter de caractériser un art grâce aux collections d’un seul musée

d’un art grec qui a déjà et successivement passé par des phases

tiendrait assurément de la gageure s’il ne s’agissait ici de celles du

archaïque, classique et hellénistique (du moins hochhellenistisch)

Louvre. Constituées au départ des collections royales et de celles de

qui toutes intéresseront les élites de l’Urbs – et des traditions

Richelieu et de Mazarin, sans cesse enrichies par l’achat de presti-

italiques souvent plus spontanées qui lui donnent un certain sens du

gieux ensembles, comme ceux qui appartinrent au cardinal Albani,

narratif et des perspectives moins figées, communs à nombre d’arts

aux Borghèse et au marquis Campana, par l’apport d’expéditions et

populaires et qui caractériseront tout au long la représentation de

de fouilles françaises au Proche-Orient (mosaïques d’Antioche et de

scènes plus familières que celles des monuments officiels, l’art

Qabr Hiram) ou en Afrique du Nord (mosaïques de Sousse, d’Utique,

romain offre en effet à l’observateur attentif bien des facettes dont

de Carthage ou de Constantine ; reliefs de Carthage ; statues de

une vision linéaire et simpliste de l’évolution des arts ne saurait

Cyrène) et maintes acquisitions judicieuses qui les élargirent à

rendre compte de façon satisfaisante. On n’y a vu que dépendance,

d’autres provinces encore de l’Empire (Asie Mineure, Grèce,

imitation servile des plus belles réalisations d’Athènes, et on ne lui

Thrace), elles couvrent presque toutes les zones qui furent soumises

a longtemps accordé dans nos manuels que quelques pages, les

au pouvoir de Rome et appartiennent à tous les genres artistiques,

dernières d’une histoire de l’art antique presque exclusivement

sur toute la durée de la République et de l’Empire. L’échantillon,

dédiée à la Grèce et à ses chefs-d’œuvre. Il y a un peu plus de

dès lors, est amplement suffisant pour justifier l’entreprise. Et c’est

cinquante ans aurait-on seulement imaginé consacrer une exposi-

plutôt l’art romain lui-même qui se dérobe à toute tentative de

tion à l’art romain ? Celle qui s’intitula L’Art dans l’Occident romain

définition, à toute présentation synthétique ; car il est polymorphe

et fut organisée au Louvre, en septembre 1963 4, le fut à l’initiative

et se laisse difficilement appréhender en quelques mots. Surpris de

de Jean Charbonneaux – on ne s’en étonnera pas – dans le cadre

son hétérogénéité, c’est-à-dire de son « manque d’unité stylis-

du VIIIe Congrès international d’archéologie classique. C’est qu’en

tique 1 », on l’a dit «duel 2 », voire «pluriel 3 », et c’est sans doute ce

quelques années, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale,

dernier terme qui convient le mieux pour rendre compte de

les choses avaient changé du tout au tout. Si l’édition de la

certaines de ses ambiguïtés.

« Propyläen Kunstgeschichte » de la fin des années 1920 ne consa-

Tiraillé, dès le début, entre sa réception enthousiaste de l’art grec

crait qu’un seul volume, sous la plume de Georg Rodenwaldt cepen-

– d’un art grec dont il n’avait jusque-là ressenti l’influence qu’à

dant, à Hellas und Rom (1927), celle de la fin des années 1960 leur

travers l’Étrurie, la Campanie ou la Sicile et dont il reçoit le choc

en attribuait deux, dont un tome entier, sous la direction de

siècle av. J.-C., mais

Theodor Kraus, à Das römische Weltreich (1967). Otto J. Brendel

de plein fouet au moment de la conquête, au

IIe

(1953), Heinz Kähler (1958 et 1962), Antonio Frova (1961), Guido Kaschnitz-Weinberg (peu avant la guerre, mais ses textes ne Détail de la mosaïque du Jugement de Pâris (cat. 8)

parurent qu’à partir de 1961 également), Giovanni Becatti (1962), Gilbert-Charles Picard (1962), George M. A. Hanfmann (1964) ou

L’ART ROMAIN ET LES COLLECTIONS DU LOUVRE 13


sir Mortimer Wheeler (1964) avaient ouvert la voie. Ranuccio

facilement » : c’est, à la fois, « l’affaiblissement d’une culture qui à

Bianchi Bandinelli ira plus loin encore, avec ses deux volumes

un certain moment perd son utilité, et l’apparition confuse d’une

magistraux écrits pour «L’univers des formes» : Rome. Le centre du

nouvelle culture qui a une apparence plus grossière, mais un

pouvoir (1969), qui définit si bien le modèle de l’Urbs, et Rome. La

contenu humain plus profond » et souvent plus immédiat. « Ce

fin de l’art antique (1970), qui accorde une place essentielle aux

n’est pas une catastrophe, ajoutait-il, mais un processus historique ».

substrats et aux manifestations artistiques des provinces et nous

Pierre Francastel n’en arrive-t-il pas, et vers le même moment

conduit aux portes mêmes de l’art roman; c’est avec lui qu’on suivra

(Peinture et société, 1965), à un constat analogue en cherchant à

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8

le mieux cette «transformation de l’art, qui d’hellénistique devient

comprendre les conditions et circonstances qui président à la

médiéval, de méditerranéen, européen 5 ». C’est lui aussi qui a le

Naissance et destruction d’un espace plastique. De la Renaissance au

mieux souligné tous les malentendus, voire l’incompréhension

cubisme (c’est le sous-titre même de son livre) ?

qu’une admiration exclusive de l’art grec «considéré comme l’ART

O. J. Brendel n’avait pas manqué de montrer combien, sur la base de

absolu » avait entraînés, et combattu, après G. Rodenwaldt, le

la colonne Antonine, les deux scènes latérales, avec cette vision

concept de décadence qui était alors – et reste encore, malgré tout –

basculée et comme aérienne d’un carrousel de cavalerie (decursio)

si souvent associé à toute appréciation de l’art romain. Une

autour des enseignes, étonnent en regard de la composition et de la

profonde mutation y était en route – le Stilwandel de G. Roden-

perspective « classiques » de l’apothéose du couple impérial sur la

waldt –, que «notre époque nous permet de suivre et de comprendre

face principale du monument. On en dirait autant – O. J. Brendel

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14 L’ART ROMAIN ET LES COLLECTIONS DU LOUVRE

Fig. 1. « Autel » de Domitius Ahenobarbus Fin du IIe siècle av. J.-C.-début du Ier siècle av. J.-C. Marbre Munich (Allemagne), Staatliche Antikensammlungen und Glyptothek

Fig. 2. « Autel » de Domitius Ahenobarbus Fin du IIe siècle av. J.-C.-début du Ier siècle av. J.-C. Marbre Paris, musée du Louvre, Ma 975 Ce décor a sans doute été placé autour de la base d’un groupe statuaire dans un temple de Mars ou de Neptune à Rome. Trois côtés, à la glyptothèque de Munich, représentent les noces de Neptune et Amphitrite. Le panneau du Louvre montre le censeur inscrivant les citoyens dans leur classe censitaire selon leurs revenus, un acte civique déterminant leur rang au sein de l’armée. Au centre, le censeur préside à un sacrifice en l’honneur de Mars. C’est l’un des premiers exemples de relief officiel si spécifique à l’art romain et voué à un grand développement sous l’Empire.

l’avait également noté – du fameux recensement du Louvre en regard du thiase marin de Munich (fig. 1 et 2), et ce, quelle que soit la position que l’on adopte quant à l’unicité du monument, à sa date, à son commanditaire – qui n’a peut-être rien à voir avec un Domitius Ahenobarbus 9. La juxtaposition de principes de composition différents sur une même œuvre désigne bien le choix opéré en fonction de l’efficacité à rendre compte d’une situation particulière. Brendel y voyait une «autonomie de la forme représentative 10 » – Gattungstil, « Generic Style » dira Peter H. von Blanckenhagen 11 – qui n’a, de fait, aucun rapport avec la chronologie mais aucun non plus, on y insistera, avec le degré de culture artistique du commanditaire, du moins à cette date ; les deux exemples évoqués ici le montrent bien, qui appartiennent à l’art officiel. Certains de ces principes de composition, plus ou moins récurrents, convenaient à certains types de représentation ; ils existaient dans le répertoire et on les reprenait à l’envi, sans guère de changement. Tout autre était la situation pour

L’ART ROMAIN ET LES COLLECTIONS DU LOUVRE 15


des scènes nouvelles, pour lesquelles n’existait aucun modèle et qui

Urbis 15 tout à la fois. C’est le fruit de cet énorme pillage, l’exposition

nécessitaient de ce fait la création de nouveaux schémas. L’existence

de toutes ces œuvres dans des monuments qui devinrent ainsi de

ou non d’une iconographie spécifique – entendons par là habitudes,

véritables musées et l’engouement qui s’ensuivit pour elles – en dépit

modes de faire, mais pas nécessairement cahiers de modèles au sens

des réactions souvent violentes d’un Caton et de quelques autres

où on les a parfois imaginés – est assurément une des raisons de

sénateurs opposés à ce qui était alors considéré comme un luxe

cette juxtaposition troublante, parce que apparemment contradic-

pervers – qui donnèrent naissance à l’extraordinaire développement

toire. À la suite de Per Gustaf Hamberg, O. J. Brendel a bien senti

de la copie puisqu’on ne pouvait légalement posséder ces originaux.

que ces schémas (« independent nuclei of composition or autonomous

Point de départ d’un processus dont on ne connaîtra pas de semblable

pictures ») se retrouvaient d’un bout à l’autre de l’histoire de l’art

avant l’époque moderne, ils le furent aussi d’un goût qui apprit à se

romain . C’est dans le choix des uns ou des autres que se singula-

former et dont on retrouve, de-ci, de-là, la trace dans la littérature du

risent les œuvres. Sélection esthétique selon le goût du comman-

moment. Interpretatio, imitatio, æmulatio suffiront dès lors, comme

ditaire, ou selon le but, l’effet recherché par celui-ci ? Une fois passés

l’a montré Raimund Wünsche 16, à rendre compte de toute une

les siècles de formation (la fin de la République et l’époque julio-

production où l’on n’a longtemps vu, en effet, qu’une imitation servile

claudienne), on privilégiera le plus souvent cette seconde réponse.

de la sculpture grecque sans y déceler ce désir de rivaliser autant que

Dans le domaine de la sculpture idéale – statues de culte et bronzes

faire se pouvait avec les œuvres de ces maîtres dont le nom était

précieux –, une dépendance de la statuaire grecque était plus qu’en

presque sur toutes les lèvres. Ne nous y sommes-nous pas tous

tout autre domaine inévitable. Celle-ci ne fut-elle pas la source même

trompés ? L’Apollon de Piombino (fig. 3), l’Idolino, l’Éphèbe de

12

de notre néoclassicisme, depuis que la Geschichte der Kunst des Alter-

Bénévent (fig. 4) et peut-être aussi l’Éros de Centocelle ne sont pas des

thums de Johann Joachim Winckelmann (1764) lui a conféré cette

créations du Ve ou du IVe siècle grec mais de l’époque romaine 17.

extraordinaire aura et en avait fait le sommet du Beau ? Elle le sera

Dans une belle page qu’elle met dans la bouche d’Hadrien et qu’il

aussi de l’éclectisme romain. Dès leurs premiers contacts avec la Grèce

faudrait citer tout entière, Marguerite Yourcenar l’avait bien senti et

– que ce soit avec la Sicile (prise de Syracuse par M. Claudius

remarquablement exprimé, à une époque (ses Mémoires d’Hadrien

Marcellus, 211 av. J.-C.), avec le reste de la Grande Grèce (prise de

datent de 1951) où peu d’historiens de l’art antique se doutaient

Tarente par Q. Fabius Maximus, 209) ou avec la Grèce propre (prise

encore de ce que représentait cette formidable éclosion créatrice :

d’Érétrie par L. Quinctius Flamininus, 198, et triomphe de son frère

« Notre art est parfait, c’est-à-dire accompli, mais sa perfection est

Titus, 194) – puis avec l’Asie Mineure (prise de Magnésie par

susceptible de modulations aussi variées que celles d’une voix pure :

L. Cornelius Scipio Asiagenus, 190), et tout au long du IIe siècle et du

à nous de jouer ce jeu habile qui consiste à se rapprocher ou à s’éloi-

siècle, les imperatores n’eurent de cesse d’exhiber

gner perpétuellement de cette solution trouvée une fois pour toutes,

dans leurs cortèges triomphaux, dans les temples et sur les grandes

d’aller jusqu’au bout de la rigueur ou de l’excès […]. Il y a avantage

places à portiques qu’ils érigèrent au Champ de Mars, ces chefs-

à avoir derrière soi mille points de comparaison, à pouvoir à son

d’œuvre des grands maîtres classiques (Calamis, Phidias, Sthennis,

gré continuer intelligemment Scopas, ou contredire voluptueuse-

Lysippe) qui faisaient partie du riche butin de leurs armées et étaient

ment Praxitèle 18. » Fallait-il toute la sensibilité d’une autre artiste

offerts au peuple romain 13 : monumenta imperatoris 14 et ornamenta

pour comprendre enfin où se situaient les termes du problème ?

premier tiers du

Ier

Fig. 3. Apollon de Piombino Première moitié du Ier siècle av. J.-C. Bronze et incrustations de cuivre et d’argent Paris, musée du Louvre, Br 2 L’œuvre rappelle, par son attitude conventionnelle et certaines maladresses, les couroi de la fin de la période archaïque (fin du VIe-début du Ve siècle). Mais le modelé du dos, le traitement de la chevelure et, sur le pied gauche, la dédicace à Athéna trahissent le pastiche archaïsant. Il s’agit sans doute d’une œuvre élaborée pour une clientèle romaine. En 1842, une tablette en plomb fut découverte à l’intérieur de la statuette. S’y trouvaient inscrits les noms de deux sculpteurs, l’un de Rhodes et l’autre de Tyr, dont l’activité est attestée par ailleurs au Ier siècle av. J.-C.

16 L’ART ROMAIN ET LES COLLECTIONS DU LOUVRE


Fig. 4. Éphèbe de Bénévent Vers 50 av. J.-C. Bronze et incrustations de cuivre Paris, musée du Louvre, Br 4 Réalisée vers 50 av. J.-C., cette tête provient en réalité d’Herculanum où elle coiffait sans doute un pilier hermaïque. Elle est ceinte d’une couronne d’olivier comme celles que l’on offrait aux vainqueurs des jeux d’Olympie. Ce bronze s’inspire des figures athlétiques de Polyclète d’Argos sculptées après 450 av. J.-C. Les cheveux sont plus libres que sur les répliques de son Doryphore ou de son Diadumène, mais affichent le même souci du détail. Le visage témoigne également de la persistance de l’influence polyclétéenne au Ier siècle av. J.-C.

«À nous de jouer ce jeu habile…» On est loin du fameux: «Excudent

concordia d’un couple dans nombre de statues pour la plupart

alii spirantia mollius aera/(credo equidem), uitos ducent de marmore

funéraires. Le cheminement est on ne peut plus clair, ses étapes se

uultus/[…]. Tu regere imperio populos, Romane, memento »

révèlent parfaitement attestées. Avec des degrés de réussite très divers,

(D’autres façonneront des bronzes respirant plus légèrement/je le

c’est le procédé qu’adoptait, dès la fin de l’époque républicaine,

crois du moins, ils tireront du marbre des visages vivants. […] À

l’école de Pasitélès 22 : on regrettera, certes, la perte des cinq livres

toi de diriger les peuples sous ta loi, Romain, souviens-t’en), qui a

d’opera nobilia qu’avait écrits le coroplathe campanien ; on connaît,

si souvent servi à « justifier », croyait-on, un désintérêt des Romains

en revanche, le savoir-faire de ses élèves grâce au groupe fameux,

pour l’art. Plus encore. Le texte de Marguerite Yourcenar aurait pu

signé par Ménélaos 23, qui émouvait J. J. Winckelmann et Johann

servir d’exergue à l’article si novateur et si convaincant que Christa

Gottfried von Herder, voire à celui de San Ildefonso, aujourd’hui au

Landwehr a consacré, il y a dix ans , à ces Konzeptfiguren dont elle

musée du Prado à Madrid 24, tout comme on connaît les limites du

a su montrer l’originalité relative dans un système de formes

procédé dont l’Oreste et Pylade du Louvre (fig. 8) ou, pire, l’Oreste et

pourtant fortement connotées par ces prototypes grecs. Variations

Électre de Naples sont à leur tour de remarquables exemples.

infinies sur un thème classique, comme celles que tant de musiciens

Éléments « incontournables » d’un véritable répertoire de formes

19

20

– et des plus grands – des

,

XVIIe

,

XVIIIe

XIXe

et même

XXe

siècles écrivi-

pour les praticiens, éléments tout aussi obligés d’un certain paysage

rent sur quelques mesures des Folies d’Espagne sans que jamais ne

urbain pour le public, éléments constitutifs d’un goût pour les

s’émousse l’imagination créatrice. Tels sont ces Apollon, Bacchus

amateurs et une certaine élite, ces œuvres de l’art grec classique ont

(cat. 82 et 155), Jupiter (cat. 148), Minerve, Vénus (cat. 86 et 153)

bien eu, des siècles durant, valeur normative dans le monde romain,

et autres Hercule que nous ont livrés les officines de Rome et dont

que l’on suive à la lettre leurs schémas iconographiques ou qu’on les

certains témoignent également, il faut savoir l’avouer, de réelles

adapte, qu’on les charge de telle ou telle connotation esthétique ou

qualités d’invention. Sans compter ces combinaisons dont l’analyse

morale ou qu’on en discute simplement entre connaisseurs.

a si brillamment décrypté la

Comment s’étonner de l’influence qu’elles eurent aussi sur nous

sémantique : le groupe statuaire du Louvre figurant un couple

– mais à travers ces copies et adaptations romaines précisément –

d’époque antonine sous les traits de Mars et de Vénus (fig. 7) en

dès la Renaissance puis avec la découverte d’Herculanum et de

est un des meilleurs exemples, qui témoigne à suffisance de la vogue

Pompéi avant que le développement des fouilles en Grèce et en Asie

de cette « trouvaille » et du processus qui conduit, en cascade,

Mineure ne nous mette en contact avec les premiers mais trop rares

de deux originaux classiques tout à fait indépendants, de date et

originaux ? C’est cette valeur de référence, aussi longtemps que ne

de style différents – l’Arès dit d’Alcamène et la Vénus/Victoire de

se fut pas dissoute cette koinè hellénistico-romaine, qui explique

Brescia –, à la création d’une statue de culte romaine pour le temple

l’intérêt prolongé dont elles jouirent et dont un Karl Marx lui-

de Mars Ultor au forum d’Auguste et, de là, à sa reprise dans le

même se fait l’écho 25. Koinè de formes et de types qui constitua,

domaine du portrait pour figurer, vers 147-149, Marc Aurèle à

pour des siècles, un des plus extraordinaires répertoires que l’his-

présent revêtu de la puissance tribunicienne et Faustine parée du

toire de l’art nous ait jamais donnés. On ne la limitera évidemment

titre d’Augusta ; mais, à son tour, la sphère privée s’emparera du

pas à la seule sculpture. Peinture, enluminure, arts du métal, décor

siècle, à exalter la

céramique y puisèrent, qui permirent aussi, en raison même de leur

pénétrante de Tonio Hölscher

21

modèle, qui servira finalement, et jusqu’au

IIIe

18 L’ART ROMAIN ET LES COLLECTIONS DU LOUVRE

L’ART ROMAIN ET LES COLLECTIONS DU LOUVRE 19


Fig. 5. Tête d’homme âgé Milieu du Ier siècle av. J.-C. Marbre Chieti (Italie), Musée national

petite taille et de leur faible poids, d’en diffuser la connaissance dans l’ensemble du monde antique et d’assurer ainsi le passage vers d’autres périodes et d’autres aires géographiques. Dès 1953, R. Bianchi Bandinelli retrouvait à Santa Maria de Castel Seprio le

Fig. 6. Pompée jeune

caractère « pompéien », c’est-à-dire hellénistique, de certaines

70 av. J.-C. Marbre Paris, musée du Louvre, Ma 999

plein Xe siècle, avec le Psautier de Paris et tout ce groupe de manus-

scènes 26 ; d’autres ont suivi dans la miniature byzantine et jusqu’en crits de tradition « aristocratique », le classicisme de nombre de

Fig. 7. Couple représenté en Mars et Vénus

figures, d’attitudes, de compositions – n’a-t-on pas parlé de

Deuxième moitié du IIe siècle apr. J.-C. Marbre Paris, musée du Louvre, Ma 1009

Lambousa (Chypre) prolongent jusque dans le premier tiers du

Le personnage masculin, figuré en Mars, reprend la pose de l’Arès d’Alcamène (milieu du Ve siècle av. J.-C.). Ses traits le rapprochent de l’empereur Hadrien (117-138 apr. J.-C.). Sa compagne, dans la position de la Vénus de Capoue (ou de Brescia), œuvre du IVe siècle, le revêt du baudrier. La tête de la représentation féminine a été changée à une époque postérieure et représente sans doute l’impératrice Lucilla (femme de Lucius Verus, 161-169 apr. J.-C.). Le groupe reflète le goût hellénisant de l’époque hadrianique et le renouveau du style néoclassique.

«Renaissance macédonienne 27 »? –; et les plats d’argent du trésor de VIIe siècle, appliqués à l’histoire biblique de David, des mises en page

illusionnistes qui remontent à l’imagerie antique et ont, avec bien d’autres, autorisé Leonid Matzulewitsch à parler à leur sujet d’« Antiquité byzantine » (Byzantinische Antike) 28. Le portrait a toujours été considéré comme un des domaines les plus originaux de l’art romain. Mais on lui avait d’ordinaire tellement prêté qu’un mouvement de balancier compréhensible a

L’ART ROMAIN ET LES COLLECTIONS DU LOUVRE 21


Fig. 8. Groupe de Pasitélès : « Oreste et Pylade » Milieu du Ier siècle av. J.-C. Marbre Paris, musée du Louvre, Ma 81 On reconnaît aujourd’hui dans ce groupe le héros tragique Oreste et son ami Pylade. Au Ier siècle av. J.-C., le sculpteur grec Pasitélès fonde à Rome une école qui s’inspire de modèles grecs des Ve et IVe siècles. Un de ses élèves, Stéphanos, crée l’Athlète de la collection Albani. La figure de gauche de ce groupe, qui est de la même école, en est très proche. Le déhanchement et la main sur la hanche de la figure de droite rappellent Praxitèle (env. 400-326 av. J.-C.), tandis que les têtes sont traitées dans le style sévère (première moitié du Ve siècle av. J.-C.). D’autres réalisations de cette école subsistent à Rome, Madrid, Naples et au Vatican.

parfois conduit, ces dernières décennies, à trop attribuer dès lors à

privé que résident les réalisations les plus accomplies, ces « premiers

des précédents grecs. Que ceux-ci, et en particulier ce que l’on a pu

accents individuels de l’art européen» pour reprendre la belle formu-

appeler l’«Individualporträt» hellénistique 29, aient considérablement

lation que J. Charbonneaux empruntait lui-même à R. Bianchi Bandi-

influencé le portrait privé d’une société qui s’ouvrait précisément à

nelli 33. Diffusé dans toutes les provinces de l’Empire pour affirmer

la Méditerranée et devenait la principale puissance économique et

l’omniprésence de l’empereur et de la domus Augusta, le portrait

politique de ce monde hellénistique, que les viri triumphales des

officiel n’est que la copie d’un Urbild créé à Rome, au « centre du

deux derniers siècles de la République aient été séduits par l’icono-

pouvoir » (R. Bianchi Bandinelli), et qui nous est aussi difficilement

graphie des souverains de Pergame, d’Antioche ou d’Alexandrie ne

accessible que les originaux de la statuaire grecque classique à

doit pas occulter pour autant tout ce qui, dans le portrait romain,

travers les meilleures de leurs répliques. Figé dans des schémas qui

est propre à Rome, à son aristocratie latifondiaire, à ses élites si

traduisent une option politique, il est convenu, souvent acadé-

attachées au mos maiorum, à cette tradition même des masques de

mique. C’est un art de cour, dont témoignent aussi bien l’Auguste

et constitue bien un des

du type Prima Porta (fig. 26), inchangé durant quarante ans, le Tibère

éléments «autochtones» du portrait romain. Dans ce domaine aussi

couronné des années de retraite à Capri (cat. 19), Trajan (cat. 34),

on parlera donc de polymorphisme ou de pluralisme, car on consta-

Faustine (cat. 54), Marc Aurèle (cat. 7), Septime Sévère (cat. 9). Mais,

tera sans difficulté que des modes de représentation très différents

en regard de cela, combien est émouvante la spontanéité de maints

ont été utilisés au même moment par des individus appartenant

portraits d’enfants, garçons (cat. 17, 23, 78 et 172; mais surtout fig. 9)

aux mêmes classes sociales – ou par d’autres plus démunis, mais

et filles (cat. 79), combien sont finement perçues l’élégance de

s’inspirant des options de ceux-ci – dans le dessein d’affirmer à leur

quelques jeunes femmes, la suffisance de certains parvenus, combien

tour une « italité » de souche, faite de gravitas, de dignitas, d’aucto-

sont prenants les visages marqués par l’âge de tant de vieillards, qui

ritas (fig. 5), un pathos et une fougue qui évoquaient l’image

leur donnent une place de choix dans toute histoire mondiale du

d’Alexandre que certains imperatores du moment avaient pris pour

portrait, quand bien même ils demeurent pour nous à jamais

modèle et tentaient d’imiter par leurs exploits orientaux (fig. 6), ou

anonymes. Mais n’en va-t-il pas de même pour L’Homme au turban

au contraire cette humanitas quelque peu mélancolique que sous-

rouge de Jan Van Eyck, Le Condottiere d’Antonello de Messine, la

tendait le stoïcisme d’une société désormais plus accessible aux

Fillette à l’oiseau mort d’un maître des anciens Pays-Bas, le Jeune

homines novi (fig. 10) . De là aussi, à la même époque, des portraits

Anglais ou le Jeune Homme au gant déchiré de Titien et tant d’autres

qui se signalent autant par leur idéalisme que par leur réalisme, tout

qui comptent au nombre des chefs-d’œuvre de ce genre artistique ?

portrait romain n’étant pas nécessairement réaliste en regard d’un

Le portrait officiel donne certes le ton pour ce qui est de l’allure

portrait grec qui serait essentiellement idéalisé. Cette dichotomie

générale, des modes de la coiffure (cat. 50 à 57), du port de tête, de

simpliste n’est évidemment plus de mise ; elle n’a fait que fausser, et

certaines mimiques ; il fournit ce Zeitgesicht 34 qui nous aide si

durant trop longtemps, toute l’histoire du portrait antique.

souvent à l’inscrire dans le temps ; mais on ne saurait ignorer la vie,

On ajoutera, suivant en cela un judicieux avertissement de Franz

l’intelligence d’un regard, la malice d’une bouche qui sont le fait de

qui n’a guère été entendu, que c’est dans le portrait

quelques merveilleux portraitistes et assurent à ces œuvres une tout

cire gentilices qui étonnait Polybe

30

31

Wickhoff

32

22 L’ART ROMAIN ET LES COLLECTIONS DU LOUVRE


autre place encore dans l’histoire de l’art, trop souvent dédaignée au profit de considérations d’ordre politique ou sociologique qui contribuent à en assurer l’intérêt historique mais ne sont pas seules à leur conférer cette place. C’est à bien des niveaux que ce portrait romain doit être analysé et compris. Au-delà de l’enveloppe formelle du Zeitgesicht, nombreuses sont les œuvres qu’illuminent un regard et l’une ou l’autre expression que la maîtrise, le génie du sculpteur a su capter et traduire. Aloys Hirt, qui fut le collègue de Hegel à Berlin, l’avait parfaitement exprimé déjà dans ses travaux (Über das Bildnis der Alten, 1814). Corrigeant en partie, mais pour une unique et bien courte période – la deuxième moitié du Ier siècle avant notre ère –, ce que son article sur le Zeitgesicht avait de trop rigide à cet égard, Paul Zanker y a insisté à son tour dans une nouvelle contribution intitulée Individuum und Typus 35 ; elle ne va cependant pas assez loin encore, à mon sens. Sous ces divers aspects, archaïsants (cat. 154 et 157), classiques (cat. 25, 26 et 184) ou baroques (cat. 82, 86 et 146), l’art romain s’est ouvert à toutes les « classes » de la société, perméable aussi aux cultures et aux religions locales de l’Empire qui en accentuèrent encore la diversité. Des grands reliefs historiques officiels (cat. 31, 38, 39, 115, 116 et 159) aux scènes de la vie d’un magistrat du sarcophage de Q. Petronius Melior (cat. 42), d’un sacrifice aux dieux de Rome (cat. 38 et 39) à celui de Mithra (cat. 171), de la statue de culte (cat. 148) à l’effigie de laraire (cat. 152,153 et 156), des travaux de l’esprit (cat. 127) à ceux des champs (cat. 142), des divertissements du théâtre (cat. 128), de l’amphithéâtre (cat. 134 à 136) ou du Fig. 9. Portrait de jeune homme Premier quart du Ier siècle apr. J.-C. Marbre Paris, musée du Louvre, Ma 1140

Fig. 10. Portrait de Cappella de’ Picenardi Dernier quart du Ier siècle av. J.-C. Bronze Paris, musée du Louvre, Br 18 Malgré l’absence de trace de fixation, ce buste coiffait sans doute un herme. Son profil, proche de celui de Caton d’Utique (95-46 av. J.-C.) sur certaines monnaies, lui a valu d’être identifié avec ce stoïcien, ultime défenseur de la République. Sa qualité d’exécution, sa coiffure et certains traits techniques le datent du début de la période augustéenne. Sont frappants le refus du vocabulaire hellénistique – la variété minutieuse et l’animation de la chevelure ne sont pas ici décoratives – et le rejet des recettes du vérisme : le front bosselé, le grand nez busqué, les joues creuses qu’accompagne une expression un peu narquoise trahissent la volonté du sculpteur de reproduire une individualité et non les valeurs d’une classe.

24 L’ART ROMAIN ET LES COLLECTIONS DU LOUVRE


cirque (cat. 138 à 140) et de la chasse (cat. 141) au plaisir du

spectacles de l’amphithéâtre (cat. 136) ou laissent transparaître

l’édit de Caracalla (212) n’accorde à l’ensemble des habitants de ce

banquet (cat. 145), des bains (cat. 146), de la toilette (cat. 58 et 59)

l’attirance de leur propriétaire pour certains cultes (cat. 166) ; on

vaste Empire la citoyenneté autrefois réservée aux seuls hommes

et de l’amour, l’art romain aura tout représenté avec une même

en retrouverait l’écho à quelque niveau que ce soit de la société.

libres de l’Urbs. Le portrait marque bien cet « accès à la personne »

attention aux détails de la vie officielle ou privée et de leurs acteurs.

Pluriel, l’art romain l’est, en effet, par ses origines et dans ses

qu’y reconnaissait Philippe Bruneau 38, dans l’optique des théories

Illusionniste lorsqu’il s’agit de figurer un sacrifice (cat. 31), un

principes de représentation changeants, ses styles souvent

médiationnistes de Jean Gagnepain: la citoyenneté des uns est osten-

groupe de sénateurs et de prêtres devant un portique (cat. 159) ou

indépendants de tout développement linéaire et la multiplicité

siblement affirmée par le port de la toge (cat. 41 à 43, 76 et 122) et de

de transposer en mosaïque l’espace d’un tableau (cat. 8), paratac-

même des substrats artistiques locaux auxquels il s’est superposé.

la bulla chez les enfants (cat. 78 et fig. 11) ; les pérégrins sont drapés

tique dans l’articulation de scènes dont la succession chronologique

De la péninsule Ibérique, de la Gaule et de l’Afrique du Nord au

dans l’himation, les acteurs dans une longue tunique à manches

doit être particulièrement claire (cat. 76), il use de la pleine fronta-

Proche-Orient, il a imposé, sur tout le pourtour de la Méditerranée,

(cat. 128), les rhéteurs et les philosophes dans un pallium (cat. 125 à

lité pour le sacrifice de Mithra (cat. 171) – véritable image de culte

l’image des dieux de Rome, de ses empereurs, de ses lois, de son

127); paysans (cat. 142), artisans (cat. 143) et serviteurs (cat. 145) ont

offerte à la vénération des fidèles –, la scène principale d’une stèle

armée, de son mode de vie, tout en en recevant d’autres qu’il a

une tunique courte, souvent relevée et nouée à la taille pour faciliter

à Saturne ou la représentation d’une famille de dédicants sur une

parfaitement su intégrer, au même titre que les gens (cat. 49, 146,

leurs mouvements durant le travail. Mais tous eurent droit au portrait.

stèle de Thrace ; il n’ignore pas non plus la disposition antithétique

147 et 172 à 174) et les cultes (cat. 10 et 170) qu’il rencontrait.

De cette universalité de l’art romain les collections du Louvre

de quelques figures symboliques, presque héraldiques (cat. 40), ou

Pluriel, il l’est aussi en ce qu’il aura touché et profondément marqué

donnent l’image la plus diversifiée et la plus juste ; la présente

l’abstraction de bustes et de signes se détachant sur un fond lisse et

de son empreinte toutes les « classes » de la société, avant même que

exposition en est assurément le fidèle reflet.

36

neutre (cat. 160 et 171). Si le relief julio-claudien du sacrifice (cat. 31), avec son rythme lent et l’alignement – à vrai dire, une quasi-isocéphalie – des personnages participant à la cérémonie, se ressent des formules classiques très hellénisées et de la conception spatiale de l’Ara Pacis, le relief Mattei (cat. 38) et ceux du sacrifice de deux victimes (cat. 39) ou de l’extaspicine (cat. 159) affirment leur romanité par ce souci du détail de la narration qui caractérise les différents acteurs de la scène et cet arrière-plan topographique qui suffit à la situer dans l’Urbs et désigne ces fragments comme ceux de grands reliefs officiels (Staatsreliefs, plutôt que « reliefs historiques ») 37 destinés à un édifice public. Transposant ces schémas iconographiques dans la sphère privée, le fragment de couvercle de sarcophage Q. Petronius Melior, dont le père ou le grand-père parvint au rang de procurateur de l’annone à Ostie et qui fut consul suffect, représente, selon les mêmes principes (fond topographique, défilé de magistrats et de licteurs), les moments clefs d’une carrière publique sur un monument privé. On le voit ici par ce seul exemple, mais il en est Fig. 11. Enfant à la bulle

bien d’autres, ces deux pôles de la vie romaine, si souvent opposés e

Deuxième quart du II siècle av. J.-C. Bronze Paris, musée du Louvre, Br 17 Ce bronze représente un jeune garçon vêtu d’une tunique et de la toge prétexte. Il porte au cou une bulle dont le traitement décoratif indique qu’elle était sans doute en or. Portant la toga praetexta et la bulla, l’enfant appartenait à la haute société romaine, qui regroupait patriciens et chevaliers. La très grande proximité de cette statue avec l’Arringatore de Pérouse (à la galerie des Offices de Florence), aussi bien dans sa conception antique que dans ses restaurations modernes, permet d’évoquer le contexte antique : il s’agit d’un ex-voto, d’époque républicaine, dédié vraisemblablement dans le sanctuaire d’une colonie romaine d’Italie centrale.

26 L’ART ROMAIN ET LES COLLECTIONS DU LOUVRE

en droit (res publicae, res privatae), ne sont pas aussi cloisonnés et imperméables qu’on aurait pu le croire dans le domaine artistique et les influences, d’ailleurs, ne se font pas toujours dans le même sens – témoins, une fois encore, de la pluralité de leur origine. Candélabres, vases et fontaines (cat. 85 et 87 à 89) disent assez le

NOTES 1. Brendel, O. J. (1953), p. 73 ; Brendel, O. J. (1979), p. 136 (« the lack of stylistic unity in Roman art »). 2. Rodenwaldt, G. (1940), p. 12-73 et n. 1 ; Blanckenhagen (von), P. H. (1942), p. 310-341 (« Bipolarität »); Bianchi Bandinelli, R. (1960), p. 276-277; Bianchi Bandinelli, R. (1961), p. 241-242 (« due strati diversi »: « l’uno ufficiale e l’altro popolare ») ; Kaschnitz-Weinberg, G. (1961), p. 42-43 (« Die zweifache Wurzel des römischen Kunst ») ; Kraus, Th. (1967), p. 16 (« zwei Polen » : « Klassizismus » et « das Unklassische oder Antiklassische »), 43 et passim. 3. Brendel, O. J. (1936), p. 127 ; Brendel, O. J. (1953), p. 68-73 ; Brendel, O. J. (1979), p. 122-137 ; Settis, S. (1982), p. 157-200. Cf. également Jucker, H. (1968), p. 752 : « Für die Kunst des römischen Weltreichs […] ist die Mehrschichtigkeit charakteristisch. » 4. Paris (1963). 5. Bianchi Bandinelli, R. (1970), p. IX. 6. Ibid., p. 377. 7. Ibid., p. IX. 8. Ibid., p. X. 9. Pour un aperçu des différentes prises de position, cf. Stilp, F. (2001). 10. Brendel, O. J. (1936), p. 129 ; Brendel, O. J. (1953), p. 72-73 ; Brendel, O. J. (1979), p. 133. 11. Blanckenhagen (von), P. H. (1942), p. 317. 12. Brendel, O. J. (1953), p. 73 ; Brendel, O. J. (1979), p. 136. 13. Sur cette question, cf. Pape, M. (1975). 14. Cicéron, Verr., I, 14 ; Har. resp. 33. 15. Cicéron, Verr., II, 1, 55 ; de lege agr., II, 61. 16. Wünsche, R. (1972), p. 45-80. 17. Zanker, P. (1974), nos 28-29, p. 30-33, pl. 33.2-3, 34.1-4 et 36.1, 4, 7 (Idolino et tête de Bénévent) ; Fuchs, M. (1999), p. 23-28, pl. 24-25 (Apollon de Piombino) ; Balty, J.-Ch. (2000), p. 69-71 (Éros de Centocelle). 18. Yourcenar, M. (1951), p. 137. 19. Virgile, Én., VI, 847-853. 20. Landwehr, Ch. (1998), p. 139-194.

21. 22. 23. 24. 25.

26. 27. 28. 29. 30. 31. 32. 33. 34. 35. 36. 37.

38.

Hölscher, T. (1987), p. 38-41, pl. 13-14; Hölscher, T. (2004), p. 59-65, pl. 34-38. Pour celle-ci, cf. Borda, M. (1953). En dernier lieu, Fuchs, M. (1999), p. 59-64, pl. 46.2-47. Zanker, P. (1974), no 26, p. 28-30, pl. 30-31.1 et 3 ; Schröder, St. F. (2004), no 181, p. 371-379 et fig. Marx, K. (1968), p. 42 : « La difficulté n’est pas de comprendre que l’art grec et l’épopée sont liés à certaines formes du développement social, mais qu’ils nous assurent encore un plaisir esthétique et, qu’à maints égards, ils représentent pour nous une norme, voire un modèle inaccessible. » Déjà cité par Bianchi Bandinelli, R. (1961), p. 18 et n. 14. Bianchi Bandinelli, R. (1953), p. 132-133 ; Bianchi Bandinelli, R. (1961), p. 424. Weitzmann, K. (1971), p. 126-223 (en particulier, p. 176-223). Matzulewitsch, L. (1929). Cf. Zanker, P. (1976). Polybe, Histoire, VI, 53 et 54, 1-4. Pour ces différents aspects du portrait romain à l’époque républicaine, cf. Balty, J.-Ch. (1982) ; Balty, J.-Ch. (1993), p. 7-11, pl. 1-7. Wickhoff, Fr. (1900), p. 59-60. Charbonneaux, J. (1961), p. 34 ; Bianchi Bandinelli, R. (1973), p. 244. Pour cette notion, cf. Zanker, P. (1982). Zanker, P. (1997). Paris, musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, Ma 4138. Le terme de « relief historique » s’est longtemps imposé parce qu’on y voyait une représentation fidèle – et quasi photographique – d’événements réels, dans leur contexte topographique précis. On lui préférera celui de « relief officiel » (en allemand Staatsrelief, cf. Oppermann, M. [1985], p. 7), nombre de scènes ayant, en fait, un caractère tout à fait symbolique. Cf. également Torelli, M. (1982), p. 1-2. Bruneau, Ph. (1982), p. 77-78.

faste des maisons et des jardins d’une élite éprise de culture et d’art ; mais il en est de plus modestes, dans toutes les villes de l’Empire. Et des objets aussi simples et populaires que les lampes à huile se souviennent des Bucoliques de Virgile (cat. 93), que l’enfant apprenait avec son pédagogue (cat. 76), tout autant qu’ils évoquent les

L’ART ROMAIN ET LES COLLECTIONS DU LOUVRE 27


HISTOIRE DE LA COLLECTION ROMAINE DU LOUVRE CÉCILE GIROIRE, DANIEL ROGER ET LUDOVIC LAUGIER

UNE COLLECTION ACCRUE AU COURS DES SIÈCLES

qui parfois tient lieu de numéro d’entrée. Très vite, l’importance de

Vieux de plus de deux siècles et composé à l’origine de collections

la collection et les aléas de l’histoire ont rendu nécessaires des

qui lui étaient largement antérieures, le musée du Louvre accueille

inventaires, jamais achevés, avec de nouveaux numéros pour chaque

des œuvres qui ont, chacune, leur propre passé. À ce titre, aucune

objet. Enfin, une numérotation continue par type d’objet – avec un

histoire des collections du Louvre ne sera jamais exhaustive, tant

« numéro usuel » de type Ma pour les marbres, Br pour les bronzes,

est grande la variété des ensembles acquis par le musée. Étant

Bj pour les bijoux, etc. – permet depuis 1896 un catalogage plus

souvent déjà passées de main en main, les œuvres arrivées au Louvre

cohérent et suivi.

ont continué de connaître des destins divers, au gré des régimes politiques, des réformes du musée, de la création ou la disparition

LES COLLECTIONS ROYALES

des grands départements. Cette complexité se reflète dans la diver-

C’est avec la Renaissance italienne qu’aux XIVe et XVe siècles les réali-

sité des numéros qu’ont reçus les œuvres tout au long des siècles

sations antiques sont perçues en tant qu’œuvres d’art capables

durant lesquels des générations de conservateurs ont cherché à les

d’émouvoir et de susciter l’admiration. Objets de prestige, puis signes

inventorier, à les classer, à les retrouver. Ainsi, le département des

de la puissance, voire d’engagement politique, les statues, reliefs,

Antiquités grecques, étrusques et romaines utilise huit registres

camées et autres objets précieux sont alors recherchés et imités. Les

d’entrée, de Louis XVIII à la V République actuelle, qui adoptent

princes italiens forment les premières collections privées qui sont le

chaque fois une numérotation différente. Chaque grande collec-

reflet et de leurs goûts et de leurs ambitions. L’éclat des vestiges de

tion a aussi reçu à son arrivée au Louvre un numéro à part,

l’Antiquité romaine touche plus tardivement la France. Les premières

e

collections se constituent dans le Midi, où la proximité avec l’Italie Fig. 12. Diane de Versailles Ier-IIe

siècle apr. J.-C. Marbre Don du pape Paul IV à Henri II, 1556 Paris, musée du Louvre, Ma 589 La statue a d’abord décoré le jardin de la reine au château de Fontainebleau. En 1602, Henri IV la fait transférer au Louvre. Sous le règne de Louis XIV, elle est envoyée à Versailles. En 1798, elle retourne au Louvre. La Diane de Versailles, semblable à d’autres répliques romaines trouvées en Libye (Leptis Magna) ou en Turquie (Antalya), doit conserver le souvenir d’un original grec du IVe siècle av. J.-C. dont on a voulu attribuer la paternité à un grand maître : le sculpteur athénien Léocharès, du fait de la saisissante analogie entre la Diane de Versailles et l’Apollon du Belvédère (musée du Vatican) traditionnellement donné à ce sculpteur.

et l’existence de gisements archéologiques permettent à l’aristocratie et à la riche bourgeoisie de prendre part à un négoce qui concerne, dès le XVIe siècle, l’ensemble de l’Europe. L’affaiblissement du système féodal et la formation d’un État puissant poussent le roi, se voulant premier collectionneur de son époque, à rechercher les marbres de l’Antiquité romaine, mais aussi les bijoux, pierres fines – tel, probablement, le camée de Jupiter (cat. 151) – et les pièces d’orfèvrerie. Souhaitant embellir sa résidence de Fontainebleau, François Ier envoie le Primatice à Rome, en 1540 et 1545. Cet artiste rapporte des statues, mais aussi des empreintes pour reproduire en bronze les chefs-d’œuvre antiques. Les sources d’approvisionnement sont diverses : en 1556, le pape Paul IV, désireux de se concilier le roi

HISTOIRE DE LA COLLECTION ROMAINE DU LOUVRE 29


Henri II, lui fit don de la Diane (fig. 12) qui orna le jardin de la reine

à la nation tous les biens ecclésiastiques, tel le trésor de la basilique

à Fontainebleau. En 1683, c’est la Vénus d’Arles (fig. 13), découverte

royale de Saint-Denis, qui comprennent parfois des objets antiques

dans le théâtre romain trente ans auparavant, qui est offerte à

(fig. 15). La Constitution de 1791 ôte au roi la possibilité de disposer

Louis XIV par le conseil de la ville. Mais c’est bien un achat, au prince

du patrimoine de la monarchie, devenu celui de la nation. Le 8 avril

Savelli, qui procure à Louis XIV, en 1685, le Marcellus (fig. 14) qui

1792, ce sont les biens des émigrés qui deviennent « biens natio-

était présent, au moins depuis 1649, à la villa Montalto de Rome.

naux ». Ces dispositions donnent corps à la notion de collections

Les rois achètent également des collections en bloc. En 1665, une

publiques. Le 16 septembre 1792, l’Assemblée législative décide de

partie de la collection du cardinal Mazarin, décédé quatre ans plus

rassembler en un même lieu les trésors artistiques de la nation. Le

tôt, passe ainsi dans les mains royales. En Italie, les ministres animent

10 août 1793, le Muséum central des arts ouvre ses portes dans le

à grands frais tout un réseau d’intermédiaires, de marchands, de

palais du Louvre. À partir de 1794, les guerres révolutionnaires font

rabatteurs, de prête-noms et de diplomates. À Rome, il faut payer

affluer en France les collections saisies dans les pays conquis

d’importantes taxes et obtenir l’accord du pape pour organiser les

(cat. 143). En 1796, Napoléon Bonaparte mène campagne en Italie.

convois. Ils cheminent lentement, par voie maritime, fluviale,

Dans toutes les villes, des œuvres sont prélevées, malgré les protes-

terrestre. Les antiques abîmées ou non restaurées par les sculpteurs

tations de nombreux artistes et savants français, pour qui l’art ne

italiens avant le départ sont réparées à l’arrivée, complétées, parfois

doit être soumis ni à l’argent ni aux aléas de la guerre. En 1797, le

par de grands artistes, tel François Girardon. On sait qu’en 1679 trois

traité de Tolentino officialise les prises faites dans les collections de

cent trois caisses arrivent de Rome à Versailles ; en 1684, ce sont

la papauté. C’est au cours d’un défilé triomphal qu’en juillet 1798

quarante-huit statues, trente-six bustes et treize vases. Parmi ces

les œuvres antiques les plus célèbres gagnent le Louvre (fig. 16). En

œuvres, beaucoup sont modernes, copies ou pastiches d’œuvres

1798, Bonaparte fait saisir à Rome les collections Braschi et Albani

antiques (parfois réinterprétées), notamment envoyées par l’Aca-

(cat. 24, 27, 28, 29 et 157). Ce n’est qu’après de longues négociations

démie de France à Rome. De nombreux moulages sont réalisés sur

que les caisses partent en 1802 pour Marseille. En revanche, c’est

place puis importés, afin d’inspirer les artistes français. Il s’agit pour

en profitant des difficultés financières de la famille Borghèse qu’en

Louis XIV de décorer le nouveau palais de Versailles et ses jardins. Ce

1807 l’Empereur achète, pour 13 millions de francs, les centaines

sera la destinée du togatus découvert à Langres en 1660 ou 1668,

d’œuvres antiques que lui cède Camillo Borghèse, son beau-frère

offert par la ville en 1684 (cat. 11).

(fig. 17). Parmi elles, les bustes du site d’Acqua Traversa (cat. 7), des monuments découverts sur le site de Gabies (cat. 19, 34, 37 et

LA RÉVOLUTION ET L’ÈRE NAPOLÉONIENNE

124), des reliefs architecturaux (cat. 31, 39, 40 et 159), des témoi-

À partir de Louis XV, la monarchie marque un certain désintérêt

gnages funéraires (cat. 127, 140 et 181). Les trois cent cinquante

pour l’acquisition d’antiques, au profit de réalisations modernes.

caisses arrivent au Louvre entre 1808 et 1811. À la chute de l’Empire,

En quelques années, les révolutionnaires vont accroître les collec-

en 1815, les restitutions se font au gré de négociations ponctuelles

tions publiques. Le 2 novembre 1789, l’Assemblée constituante rend

avec les États affectés par les saisies. Des règlements particuliers, Fig. 13. Vénus d’Arles Fin du Ier siècle av. J.-C. Marbre Don de la ville d’Arles à Louis XIV, 1683 Paris, musée du Louvre, Ma 439 Découverte en trois fragments en 1651 dans le théâtre antique d’Arles, cette Vénus fut offerte à Louis XIV pour la galerie des Glaces du palais de Versailles. François Girardon, sculpteur du roi, en fit une déesse de l’amour et de la beauté en lui donnant pour attributs la pomme et le miroir, faisant ainsi référence au Jugement de Pâris (cat. 8). Le bracelet qui orne son bras gauche identifie la divinité, comme sur l’Aphrodite de Cnide. La Vénus d’Arles pourrait s’inspirer de l’Aphrodite de Thespies, par Praxitèle, sculpteur du IVe siècle av. J.-C., dont le style serait décelable dans la ressemblance de la tête avec celle de l’Aphrodite de Cnide, œuvre la plus sûrement attribuée au sculpteur.

30 HISTOIRE DE LA COLLECTION ROMAINE DU LOUVRE


comme la vente à Louis XVIII d’une partie de la collection Albani,

parviennent ainsi au musée du Louvre, parmi lesquels nombre de

ou bien l’échange d’antiques contre des œuvres modernes,

bronzes (fig. 18), vases, lampes, bijoux et peintures (fig. 19); dans ces

expliquent le maintien en France d’œuvres saisies. Ainsi, Antonio

secteurs jusqu’alors très peu fournis, ils constituent l’embryon des

Canova, chargé par le pape de recouvrer les œuvres du Vatican,

collections futures. Deux ensembles, les bronzes et les vases étrusques,

permit l’échange de l’Auguste en toge découvert à Velletri (cat. 14)

sont présentés au public dès 1827 dans les salles méridionales de la

contre le Portrait colossal de Napoléon qu’il avait lui-même sculpté

cour Carrée formant le tout nouveau « musée Charles X ».

entre 1802 et 1811.

Quinze œuvres présentées ici proviennent de la collection Durand

Sous la Restauration, la collection romaine s’enrichit de peintures

et la caractérisent fidèlement en matière d’art romain impérial: deux

murales, jusqu’alors pratiquement absentes. La proximité dynas-

chefs-d’œuvre, le Diptyque des Muses en ivoire (cat. 126) et la lampe

tique entre Charles X, roi de France, et Ferdinand I , roi des Deux-

en bronze de Pompéi (cat. 90), au sein d’objets plus courants, bijoux

Siciles, peut expliquer le don fait au Louvre, en 1825, de peintures

(cat. 60, 66 et 70), statuettes (cat. 32, 118, 134, 156 et 161), objets

murales romaines, sous forme d’une trentaine de fragments d’enduits

usuels (cat. 97, 110 et 177) et décoratifs (cat. 132 et 138), dont une

peints à la fresque qui quittent le musée de Naples. Arrachés aux murs

majorité de bronzes (cat. 32, 70, 90, 97, 118, 132, 156 et 161).

er

de Pompéi ou d’Herculanum, ces panneaux (cat. 80) arrivent avec leur montage napolitain (cat. 158) et témoignent autant de l’histoire

LA COLLECTION CAMPANA

du goût à l’époque moderne que du décor peint en Campanie au

L’acquisition en 1861 par le gouvernement français de la plus grande

Ier

siècle apr. J.-C.

partie de la collection Campana, suivie par l’installation partielle en 1863 des antiques dans les salles du premier étage de l’aile sud de

LA COLLECTION DURAND

la cour Carrée, parallèlement aux salles du musée Charles X

Parmi les grandes collections particulières françaises du début du

inauguré trente-six ans plus tôt, bouleverse la configuration du

siècle se distingue celle du chevalier Durand. Fils d’un riche

département des Antiques et des Sculptures modernes du musée

XIXe

négociant bourguignon, négociant lui-même et grand amateur d’art,

du Louvre. Les collections romaines s’enrichissent dans tous les

Edme-Antoine Durand (1768-1835) rassemble plusieurs collections

domaines dont certains émergent alors véritablement : l’orfèvrerie,

successives de tableaux, de gravures et d’estampes, de monnaies, de

les figurines (cat. 131), lampes (cat. 92 à 94 et 136) et reliefs archi-

gemmes et d’antiques. Celles-ci en particulier sont constituées à

tecturaux en terre cuite.

l’occasion de nombreux voyages, notamment en Italie méridionale,

Cette célèbre collection italienne, débutée par les ascendants directs

qui lui fournissent du matériel provenant de nécropoles et de

de l’illustre marquis Campana (1808-1880), fut d’abord exclusive-

sanctuaires. Le chevalier Durand fréquente parallèlement les salles

ment dévolue à l’Antiquité. Ensuite, elle s’élargit à quelques

de vente en France, ce qui lui permet d’acquérir, à la mort de

domaines de la création moderne, à commencer par la peinture

Joséphine en 1814, la collection d’antiques formée par l’impératrice

italienne (collection de primitifs aujourd’hui au musée du Petit

à la Malmaison. En 1824, il propose sa collection au roi de France ;

Palais d’Avignon), pour devenir l’une des collections européennes

la vente est conclue l’année suivante. Plusieurs milliers d’objets

les plus riches, variées et célèbres du XIXe siècle. Fig. 14. Marcellus Vers 20 av. J.-C. Marbre Achat de Louis XIV au prince Savelli, 1685 Paris, musée du Louvre, Ma 1207 Présente avant 1590 dans la villa du pape Sixte Quint sur l’Esquilin, puis au palais Montalto Negroni, la statue fut achetée par Louis XIV pour la galerie des Glaces de Versailles. Mort en 23 av. J.-C., Marcellus, neveu et premier gendre d’Auguste, est ici représenté en Hermès psychopompe (accompagnateur des âmes défuntes), selon un type de la statuaire grecque dont l’original avait été sculpté pour les héros morts à la bataille de Coronée (447 av. J.-C.). La statue du Louvre est signée d’un sculpteur grec, Cléoménès l’Athénien. Sans doute est-ce une commande d’Auguste lui-même, désireux d’élever un monument posthume à son gendre.

32 HISTOIRE DE LA COLLECTION ROMAINE DU LOUVRE


Fig. 15. Cuve de Dagobert IIe-Ve

apr. J.-C. Porphyre Basilique de Saint-Denis, saisie révolutionnaire, cabinet des Médailles, 1791, dépôt au Louvre, 1918 Paris, musée du Louvre, Ma 3388

Campana à diligenter des «restaurations» très poussées qui aboutissent à des recréations d’œuvres, composées d’éléments antiques de diverses origines, antiques et modernes (cat. 22, 41, 48, 149 et 150 pour les exemples les plus explicites), parfois même à de véritables pastiches. Dépassant le cadre d’une collection privée « ordinaire », la démarche du marquis prend les formes d’une véritable entreprise

La collection d’antiques est remarquable par son importance quanti-

aux multiples facettes et dont les finalités commerciales font oublier

tative (elle se chiffre en milliers de pièces) et par la provenance des

le dessein philanthropique de Campana, soucieux de constituer un

objets qui la constituent (fig. 20). En effet, parallèlement à ses talents

«musée modèle» dévolu à l’art italien. Plusieurs propriétés romaines

de collectionneur et d’antiquaire, et à sa fonction de directeur du

abritaient ce musée privé, dont la villa Campana du Latran, trans-

Mont-de-Piété à Rome, Giampietro Campana se distingue aussi par

formée en 1846 pour répondre aux exigences de la présentation

son activité d’archéologue, s’inscrivant par là même dans la tradi-

d’une collection de sculptures.

tion familiale. À partir de 1831, il pratique en son nom des fouilles

Fig. 16. Le Tibre Milieu du IIe apr. J.-C. Marbre Saisie napoléonienne au Vatican, échangé en 1815 Paris, musée du Louvre, Ma 593 La statue du Tibre fut découverte lors de travaux en janvier 1512 à Rome. En 1513, une statue du Nil est à son tour exhumée au même endroit. Le pape Jules II achète les statues immédiatement. En 1523, les dieux-fleuves sont aménagés en fontaines, au centre de la cour du Belvédère, qui accueille alors les plus belles antiques rassemblées par Jules II et ses prédécesseurs. Le Tibre arrive à Paris en janvier 1804. Après la chute de l’Empire, il est échangé contre le Napoléon de Canova. Dans l’Antiquité, le Tibre et le Nil en pendant décoraient un sanctuaire d’Isis et Sérapis. Les gravures sur le socle illustrent des scènes de pâturage et de batellerie, ainsi qu’un épisode mythologique, allusion à la fondation d’Ostie.

ment importante pour les collections romaines du musée du Louvre. Deux exemples, qui correspondent à deux régions et à deux époques, suffisent à le montrer. Parallèlement à l’installation de la France en Afrique du Nord à partir du règne de Louis-Philippe se développent les voyages d’exploration scientifique dans cette région du monde grécoromain jusqu’alors assez méconnue. Des fouilles sont entreprises, confiées à des militaires, diplomates ou érudits ; leur produit est envoyé en métropole à titre gracieux (cat. 1) ou vendu au gouvernement français (fig. 22). Ainsi, la mosaïque figurant des serviteurs de banquet (cat. 145) a été découverte lors de travaux effectués par le génie militaire, en 1875, dans les environs de Carthage, à Sidibou-Saïd, à proximité de la maison du général Baccouch. Dans un

à Rome et en Étrurie qui alimentent l’essentiel de sa collection.

LES MISSIONS ARCHÉOLOGIQUES

Campana se montre aussi très actif sur le marché de l’art italien, en

Il est naturel aux yeux de tous, au

siècle, que les découvertes

sarcophages romains trouvés à Saint-Médard-d’Eyrans, en Gironde

dernier, à Tunis, avant de parvenir en Europe pour être présentée

relation étroite avec des marchands de Chiusi, Viterbe, Rome ou

archéologiques faites sur le territoire national puissent être exposées

(fig. 21), parfois exécutées localement (Auguste et Livie de Neuilly-

dans la section tunisienne de l’Exposition universelle de 1883. Elle

Naples… Ainsi, au gré des fouilles et des achats, il constitue une

au Louvre. Cette volonté de promouvoir le patrimoine local, ainsi

le-Réal, cat. 33 ; Jeune Gaulois de Reims, cat. 122) trouvent au

sera acquise par le musée du Louvre en 1891.

collection dont l’ampleur même ne pouvait être synonyme que

que l’absence ou la faiblesse des musées locaux, pousse tant les

Louvre le cadre que leur importance dans l’histoire de l’art romain

Quelques décennies plus tard, grâce à son implantation politique

d’hétérogénéité. La finalité muséologique pour la partie la plus

découvreurs que les conservateurs du Louvre à enrichir les collec-

justifie pleinement.

dans la région (sous mandat français depuis la fin de la Première

prestigieuse de la collection, mercantile pour celle qui participait au

tions. Des œuvres classiques importantes, parfois venues de fort

Avant la mise en place d’un dispositif législatif visant à conserver le

Guerre mondiale et la dislocation de l’Empire ottoman), la France

marché de l’art, la tradition multiséculaire d’intervenir sur des

loin dans l’Antiquité, telles que la Vénus de Montagne, découverte

patrimoine issu des fouilles dans les pays du pourtour méditerra-

est associée aux campagnes de fouilles menées sur l’antique site

œuvres antiques et la recherche du sensationnel conduisent

près de Bordeaux mais réalisée en Asie Mineure (cat. 83), ou les

néen, l’activité archéologique constitue une source d’enrichisse-

d’Antioche (Antakya, en Turquie actuelle), sous la direction du

34 HISTOIRE DE LA COLLECTION ROMAINE DU LOUVRE

XIXe

premier temps, elle fut transportée dans l’une des propriétés de ce

HISTOIRE DE LA COLLECTION ROMAINE DU LOUVRE 35


Fig. 17. Gladiateur Borghèse Vers 130-100 av. J.-C. Marbre Ancienne collection Borghèse, achat, 1807 Paris, musée du Louvre, Ma 527 Découvert peu avant 1611 en quatorze morceaux, le Gladiateur Borghèse décorait sans doute la villa de Néron à Anzio (Antium) où le cardinal Scipion Borghèse avait fait ouvrir des fouilles. Restaurée par Nicolas Cordier, la statue orne en 1613 le palais Borghèse, puis la villa du Pincio. Elle ne représente pas un gladiateur, mais un héros combattant, sans doute, un ennemi à cheval. La signature, sur le tronc, d’Agasias d’Éphèse, fils de Dosithéos, date l’œuvre à la fin du IIe siècle av. J.-C. L’allongement du canon et la nervosité de la musculature citent probablement une œuvre en bronze de Lysippe de Sicyone (IVe siècle av. J.-C.).

Committee for the Excavation of Antioch and Its Vicinity qui regroupe des représentants de l’université de Princeton, des musées nationaux français, du Baltimore Museum of Art, du Worcester Museum of Art, rejoints en 1936 par leurs collègues du Fogg Art Museum de l’université Harvard et de la Dumbarton Oaks Foundation. L’objectif de ces fouilles est de connaître et de comprendre la topographie de la ville qui jouit d’un grand prestige à la fin de l’Antiquité ; elles mettent au jour des pavements de mosaïque en nombre et de grande qualité, du IIe siècle à la ruine de la cité dans la première moitié du VIe siècle. Les accords conclus avec les autorités locales conduisent à un partage du produit des fouilles. Les collections romaines du musée du Louvre s’enrichissent alors d’un ensemble de dix panneaux, dont des jalons essentiels de l’histoire de la mosaïque (cat. 8). Durant les deux siècles de vie du musée du Louvre, l’achat de grandes collections ne doit pas masquer les innombrables acquisitions ponctuelles, que ce soit lors de ventes directes ou publiques ou encore à la faveur de dons (fig. 23). Aujourd’hui, la collection d’art romain du Louvre continue de s’accroître. Il s’agit toujours de dons (cat. 35 et 146) ou d’achats (cat. 20, 83 et 158 c) à l’occasion desquels le souci de sauvegarder le patrimoine des pays d’origine est constant. Ne sont admises que les œuvres connues de longue

Fig. 18. Hercule d’Herculanum Avant 79 apr. J.-C. Bronze et incrustations d’argent Ancienne collection Durand, achat, 1825 Paris, musée du Louvre, Br 32 Découverte en 1739 ou vers 1750, cette statuette fut d’abord exposée au musée de Portici avant d’être donnée en 1802 à Joséphine de Beauharnais par le roi des Deux-Siciles Ferdinand IV. Hercule décora la Malmaison et fut vendu au chevalier Durand en 1815, après la mort de Joséphine. Avec son bras tendu, sa bouche ouverte comme s’il allait parler, ses pupilles creusées qui indiquent la direction de son regard, cette représentation très vivante d’Hercule l’apparente au type de l’Hercule Dexioumenos, qui ouvre le bras en signe de bienvenue ou de prière.

date ou bien dont la publicité faite sur le marché de l’art garantit de toute origine frauduleuse (fig. 24).

DU DÉCOR DES PALAIS AU CHANTIER ARCHÉOLOGIQUE : UNE HISTOIRE DE GOÛT Les œuvres de la collection romaine du Louvre constituent donc autant un panorama de l’art romain qu’une histoire du goût pour l’antique. La vie moderne des antiques, découvertes parfois dès le Moyen Âge et passant de collection en collection, est parfois presque

HISTOIRE DE LA COLLECTION ROMAINE DU LOUVRE 37


38 HISTOIRE DE LA COLLECTION ROMAINE DU LOUVRE

Fig. 19. Apollon des praedia de Julia Felix à Pompéi

Fig. 20. Fragment de l’Ara Pacis

62-79 apr. J.-C. Enduit peint à la fresque Ancienne collection Durand, achat, 1825 Paris, musée du Louvre, P 8

Vers 10 av. J.-C. Marbre Ancienne collection Campana, achat, 1861 Paris, musée du Louvre, Ma 1088

Mises au jour le 20 juillet 1755, détachées des murs et exposées au musée de Portici, les neufs peintures figurant Apollon et huit Muses connurent le même sort que l’Hercule Dexioumenos (fig. 18). Réalisés à la fresque, ces tableautins proviennent du domaine de Julia Felix, qui le louait pour partie. Dans sa propre maison, Julia avait décoré une petite chambre des neuf Muses trônant, isolées, au milieu de grands panneaux à fond ocre, dans l’ordre donné par Hésiode dans sa Théogonie. Conducteur des Muses, Musagète, Apollon tient ici son bras dans la position de l’Apollon Lycien, statue de Praxitèle (env. 400-326 av. J.-C.).

Ce relief provient de l’Ara Pacis, l’autel de la Paix, construit au champ de Mars sur l’ordre du Sénat pour célébrer l’heureux retour d’Auguste après ses campagnes de Gaule et d’Espagne. Le monument a été reconstruit en 1938, avec presque tous les fragments anciens. Celui du Louvre appartient à la partie haute de la palissade extérieure de l’autel, sur laquelle se déroule une procession officielle. Malgré plusieurs propositions, la famille ici représentée, avec ses deux enfants, n’a pas été identifiée de manière certaine. Véritable programme politique en marbre, l’autel de la Paix exalte la relation filiale qu’Auguste entend nouer avec le peuple de Rome.

HISTOIRE DE LA COLLECTION ROMAINE DU LOUVRE 39


aussi longue que leur vie antique et cette seconde étape de leur existence a pu être l’occasion de plusieurs restaurations. D’un siècle à l’autre, entre la Renaissance et le XXe siècle, ces interventions ont été dictées par des aspirations bien différentes, selon des goûts, et même des méthodes, très divers. Aussi, la collection d’antiquités romaines dessine une histoire des restaurations modernes, voire une histoire du goût qui détermine les conditions de son accroissement.

LA RENAISSANCE Le Florentin Giorgio Vasari affirme, peut-être par patriotisme, que les premières restaurations ont lieu à Florence au

XVe

siècle :

Donatello et Verrocchio restaurent chacun un Marsyas écorché,

Fig. 21. Sarcophage de Saint-Médard-d’Eyrans 230-240 apr. J.-C. Marbre Découvert en 1804, achat, 1817 Paris, musée du Louvre, Ma 1346 C’est dans ce village de Gironde qu’en octobre 1804 un cultivateur occupé à planter des vignes près des restes d’une villa antique découvrit deux sarcophages placés l’un sur l’autre. Louis XVIII les acheta pour le Louvre, que les restitutions avaient vidé d’une partie de ses trésors italiens. Accompagné de son thiase bachique, Dionysos découvre ici Ariane abandonnée par Thésée sur l’île de Naxos. Créations d’un atelier romain – bien qu’inscrites de lettres grecques –, ces œuvres témoignent de la maîtrise des volumes atteinte grâce à l’usage du trépan et à la technique du polissage. Elles montrent aussi l’attachement à la culture classique d’une classe de riches propriétaires terriens de province.

respectivement pour Cosme l’Ancien et Laurent de Médicis. Beaucoup de sculpteurs italiens empruntent bientôt cette voie, parmi lesquels de modestes scarpellini, mais aussi des artistes bien plus renommés, comme Tullio Lombardo à Venise, ou encore Guglielmo Della Porta, à Rome. Ce dernier fonde une véritable dynastie de sculpteurs-restaurateurs, très active tout au long du

XVIe

siècle.

Giovanni Della Porta se rend célèbre en restaurant les jambes de l’Hercule Farnèse : celles qu’il taille pour la statue sont préférées aux jambes antiques, ultérieurement découvertes. La technique des tasselli utilisée pour compléter les nombreuses lacunes du groupe d’Oreste et Pylade, restauré dans l’atelier Della Porta, atteint alors déjà des sommets d’audace et de maîtrise technique, tout comme le

40 HISTOIRE DE LA COLLECTION ROMAINE DU LOUVRE

Fig. 22. Dioscure de Carthage Premier quart du IIe siècle apr. J.-C. Marbre Torse : mission Reinach et Babelon, 1884 ; tête, jambe droite et avantcorps du cheval : cession du British Museum, 1887 Paris, musée du Louvre, Ma 1822


remontage du groupe de Bacchus et Silène (cat. 82). À la même

joints entre ces ajouts et les parties antiques et préparer une patine

époque, Benvenuto Cellini se vante de pouvoir rivaliser avec

à appliquer sur toute la statue pour harmoniser les différents

l’antique en complétant des statues lacunaires. Dans son autobio-

marbres en présence.

graphie, il raconte avoir restauré en Ganymède un torse d’Apollon

Le Siècle des lumières et du néoclassicisme voit la restauration

qui aurait supplié en pleurant pour que le maître se penche sur son

d’antiques tenter de répondre à de nouvelles exigences. Il faut

cas… Quoi qu’il en soit des aspirations supposées de ce torse,

dorénavant que les restaurateurs prennent avis auprès des spécia-

restaurer des antiques en leur adjoignant des compléments en

listes qui commencent d’étudier l’histoire de l’art des Anciens. Le

marbre nécessite l’arasement des cassures pour appliquer ces ajouts

mécénat des princes de l’Église favorise à Rome la rencontre de ces

modernes, voire l’élimination d’éléments antiques lorsqu’ils ne

deux milieux. Durant les années 1750-1770, le cercle du plus

peuvent plus être complétés : il y a toujours perte de matière origi-

éminent collectionneur de son temps, le cardinal Alessandro Albani,

nale (cat. 31). D’autres types d’intervention, plus rarement cités,

se compose à la fois d’artistes et d’érudits, parmi lesquels le peintre

existent cependant dès cette époque, notamment les compléments en

Anton Raphaël Mengs, le sculpteur Bartolomeo Cavaceppi et le

stuc et en argile. Le Laocoon du Belvédère reçoit ainsi pour un temps

savant allemand J. J. Winckelmann. Ces derniers proposent une

un bras droit façonné en argile par Giovanni Antonio Montorsoli.

nouvelle approche de la restauration, formalisée dans l’introduc-

Michel-Ange, qui pratique à l’occasion la restauration, fait figure

tion au traité de B. Cavaceppi, Raccolta d’antiche statue, publié entre

d’exception lorsqu’il se refuse à restaurer le Torse du Belvédère,

1768 et 1772 : les plus beaux fragments ne doivent pas être

fasciné par la perfection de ce morceau de sculpture antique, qui

complétés et les ajouts modernes d’une statue restaurée ne doivent

inspire en bonne part sa propre pratique du non finito.

pas excéder le tiers de l’œuvre. Le restaurateur doit se conformer au sujet représenté, en consultant au besoin les érudits de son

TRANSFORMATION DES ŒUVRES ET FORMATION DES GRANDES COLLECTIONS

temps. S’il n’est pas possible de rattacher une statue à une icono-

Au

graphie précise, il faut envisager une restauration générique, facile

siècle, les Borghèse, les Ludovisi ou encore les Barberini

à modifier, en attendant que de nouvelles découvertes archéolo-

font appel aux plus grands sculpteurs baroques pour compléter les

giques permettent la restitution des bons attributs. Le style des

marbres qu’ils amassent dans leur villas ou leurs palais romains,

compléments modernes doit correspondre à celui de l’antique, dans

parmi lesquels le Bernin, Nicolas Cordier, l’Algarde ou François

l’esprit d’émulation qui anime alors le néoclassicisme naissant.

Duquesnoy. Ceux-ci partagent à la fois une révérence certaine pour

Il faut toutefois souligner que, dans ses ateliers, B. Cavaceppi,

le modèle antique et la volonté de rivaliser avec lui. Leur style peut

comme ses multiples collaborateurs, s’écarte bien souvent des

s’adapter à la statue incomplète, comme le montre le bras probable-

principes qu’il énonce dans ses écrits. Aucun fragment n’est laissé tel

ment sculpté par N. Cordier pour le Gladiateur Borghèse (fig. 17).

quel : les marbres sont abondamment complétés (cat. 25), une

sous le contrôle de l’antiquaire Giovanni Battista Antonio Visconti.

Leur intervention peut aussi frapper par sa modernité. Le même

statue peut y être reconstituée à partir de plusieurs exemplaires

De 1780 à 1784, les mêmes praticiens collaborent avec son fils,

N. Cordier peut agrémenter un torse antique en albâtre de multiples

antiques, les pastiches et les faux se mêlent aux pièces anciennes

Ennio Quirino Visconti, à la nouvelle présentation de la collection

pierres colorées pour en faire un sujet pittoresque à la mode : le

dans le catalogue de vente. Ces procédés s’expliquent dans le

Borghèse. De façon significative, certaines antiques comme

Maure Borghèse. Le Bernin installe pour sa part l’Hermaphrodite de

contexte mercantile de l’époque. Rome est alors plus que jamais la

l’Orante Borghèse du Louvre 2 y sont une nouvelle fois restaurées

la même collection, aujourd’hui au Louvre 1, sur un matelas loin de

capitale du marché des antiques : les sculpteurs y sont à la fois

pour corriger les interventions du

toute vraisemblance antique.

restaurateurs et marchands pour toute l’Europe.

nouvelles acquisitions sont quant à elles complétées selon les

Les restaurateurs professionnels, parmi lesquels Leonardo Agostini,

A. R. Mengs et ses émules appliquent des méthodes comparables à

principes du néoclassicisme (cat. 15, 19 et 34). La Polymnie,

Baldassare Mari, Ercole Boselli (fils) et Orfeo Boselli (père), plus

la restauration des fresques romaines dont le goût est avivé par les

restaurée par A. Penna (cat. 184), s’impose comme l’emblème de

effacés dans leurs interventions que ces maîtres du baroque, se font

découvertes d’Herculanum (cat. 80 et 158). Mêmes principes et

l’esprit du temps : antique jusqu’aux hanches, moderne jusqu’à la

aussi plus nombreux, notamment à Rome (cat. 23 et 159). Le traité

souvent mêmes compromis.

tête, mais très conforme à l’iconographie et au style de cette Muse

d’O. Boselli sur les antiques, Osservazioni della scoltura antica,

La fin du siècle voit B. Cavaceppi et toute une école de sculpteurs-

sur les sarcophages romains, elle soulève l’enthousiasme des

augmenté d’un mode d’emploi sur la restauration rédigé vers 1664-

restaurateurs multiplier leurs interventions pour les particuliers

contemporains. Si ces restaurations, contrôlées par des savants

1667, témoigne alors des recettes d’une profession appelée à un

comme pour les musées pontificaux. Entre 1770 et 1790, Vincenzo

avisés, apparaissent beaucoup moins fantaisistes que celles qui ont

riche avenir. On peut y apprendre comment fixer les ajouts

Pacetti, Carlo Albacini, Agostino Penna ou encore Giovanni Pieran-

été pratiquées antérieurement, l’interventionnisme reste de rigueur

modernes avec des goujons ou des agrafes métalliques, combler les

toni travaillent pour le nouveau musée du Vatican, le Pio-Clementino,

et la science de ces derniers demeure balbutiante.

XVIIe

42 HISTOIRE DE LA COLLECTION ROMAINE DU LOUVRE

XVIe

ou du

XVIIe

siècle. Les

Fig. 23. Relief de Tellus Première moitié du IIe siècle apr. J.-C. Marbre Don Roches, 1856 Paris, musée du Louvre, Ma 1838 C’est de la colline de la Malga, près du centre antique de Carthage, que provient cette œuvre donnée par le consul général de France à Tunis. Elle s’inspire étroitement d’un relief bordant une des portes d’accès à l’Ara Pacis (fig. 20), dont on connaît d’autres copies à travers l’Empire. Le relief de Carthage, ville refondée par Auguste après la destruction de 146 av. J.-C., manifestait la loyauté des colons au régime impérial. La déesse assise a été identifiée à Cérès, le personnage de droite à Neptune et celui de gauche à Perséphone. À Carthage, Cérès, déesse de l’abondance et de la richesse, a pu être assimilée à Tanit, d’autant qu’un sanctuaire à cette déesse existait sur la colline de la Malga.

HISTOIRE DE LA COLLECTION ROMAINE DU LOUVRE 43


Le célèbre sculpteur est au cœur du débat qui fait alors rage lorsque

palais romains. Pour les ensembles qu’il souhaite constituer, soit il

réserves de la plupart des musées occidentaux se peuplent de petits

lord Elgin acquiert les marbres du Parthénon et plus encore lors de

parvient à acquérir un exemplaire en parfait état (cat. 54), soit il

cimetières remplis de ces abattis modernes. La démarche rend parfois

leur restauration. Quand A. Canova se voit proposer en 1803

n’hésite pas à faire drastiquement restaurer un marbre plus

plus appréciables les œuvres que leurs anciennes restaurations

d’intervenir sur ces œuvres du temps de Phidias et Périclès, il s’y

lacunaire (cat. 22 et 30). Le sculpteur Filippo Gnaccarini, inven-

avaient dénaturées, mais elle demeure en partie illusoire : il est

refuse fermement. Pour lui, personne ne doit toucher à de tels chefs-

teur de la « papa Gnaccarini », une pâte blanche destinée à masquer

souvent impossible de revenir au fragment antique originel en raison

d’œuvre, dont les lacunes sont préférables à tout type de complé-

les lignes de cassure des statues, travaille notamment pour son

de la nature même des restaurations anciennes. Si le retrait des ajouts

ment. Hegel, renouvelant alors dans ses écrits le rapport au passé

compte. Ce dernier fait partie de ces sculpteurs-restaurateurs du

en plâtre permet de retrouver les anciennes cassures, celui des

et à l’histoire, voit dans les marbres du Parthénon, le Thésée et

XIXe

siècle, comme Pietro Tenerani ou Christian Friedrich Tieck,

compléments en marbre découvre des surfaces aplanies, souvent

l’Ilissos, « une complétude et une autonomie plus vivante que si les

qui combinent leurs connaissances archéologiques et une virtuo-

constellées de trous de fixation. Certaines œuvres ont ainsi pu recou-

sculptures avaient eu le visage restauré ».

sité technique grandissante, pour réaliser des restaurations d’un

vrer l’aspect qu’elles avaient en revoyant le jour, mais beaucoup

De fait, frontons, frise et métopes seront laissés tels quels pour être

illusionnisme confondant.

d’autres sont devenues des « gueules cassées » dignes d’un dispen-

présentés au British Museum. Le développement des musées

saire de la Grande Guerre. Aujourd’hui, ces pratiques, paraissant aussi drastiques que celles des restaurateurs du XVIe au XIXe siècle, ne

science du décorum, issue de la tradition du collectionnisme

L’ANTIQUE COMME OBJET DE L’HISTOIRE DU GOÛT MODERNE

princier, et le culte de vestige authentique au détriment des copies

Au début du

siècle, l’antique sans compléments modernes

que nous aient fait disparaître les compléments les plus incongrus ?

modernes. Autant de facteurs qui marginalisent progressivement

s’impose définitivement dans les grands musées occidentaux,

Un débat s’est ouvert sur la politique à suivre concernant les

les pratiques de restaurations complétives. Les marbres grecs et

comme dans la plupart des collections privées. Le goût pour le

anciennes restaurations, où tout esprit de système semble à bannir.

romains collectés lors des fouilles des missions archéologiques,

fragment et le culte de l’authenticité de l’œuvre priment, tout

Le développement de l’histoire du goût et des collections ravive

organisées pour les musées de Londres, Berlin, Vienne et Paris, ne

comme la validité du message esthétique et historique qu’elle

l’intérêt pour les œuvres restaurées. Toute leur histoire moderne

sont plus guère complétés, ou partiellement, le plus souvent en

véhicule. Parallèlement, la restauration s’oriente vers des pratiques

est mieux prise en compte. Si bien que, depuis les années 1980, des

plâtre. De même, les antiques proposées par le marché de l’art à la

toujours plus respectueuses de l’intégrité des antiques. À l’Istituto

antiques dérestaurées sont à nouveau restaurées, au Louvre, à

fin du siècle ne sont plus systématiquement complétées en marbre

centrale per il restauro de Rome, Cesare Brandi figure parmi les

Copenhague ou encore au musée Getty de Malibu. Le Vieux Pêcheur

pour en augmenter la valeur (cat. 45).

premiers à théoriser les principes de stabilité, de réversibilité et de

du Louvre redevient un Sénèque mourant et l’Apollon du Belvédère

Cette tendance nouvelle ne fait pas disparaître pour autant les

lisibilité qui doivent dorénavant guider toute intervention.

retrouve avec les bras sculptés par G. A. Montorsoli la silhouette

pratiques anciennes. Peu après son arrivée au Louvre en 1821, la

Le culte du fragment original provoque même pour un temps un

élancée qui l’avait rendu célèbre dans toute l’Europe : l’histoire de la

ÉBAUCHE D’UNE ESTHÉTIQUE DU FRAGMENT

Vénus de Milo ne reçoit certes que quelques compléments en plâtre

retournement de situation singulier. Des années 1920 jusqu’à la fin

restauration des antiques se poursuit…

L’histoire de la restauration d’antiques marque un tournant au

et un pied gauche en marbre, mais il ne faut pas s’y tromper : la

des années 1970, la volonté d’étudier et d’exposer l’antique et seule-

La vaste campagne de restauration entreprise en 2004-2006 avec le

siècle, mais il faut se garder d’y déceler une évolution linéaire :

difficulté à reconstituer son attitude a beaucoup pesé dans le choix

ment l’antique a conduit à de nouveaux choix de la part des conser-

soutien de l’American Federation of Art pour la présente exposition

des pratiques diverses, voire opposées cohabitent ouvertement

des conservateurs. Lorsque Louis I de Bavière acquiert les frontons

vateurs : la dérestauration. Il fallait débarrasser les antiquités

aura, pour sa part, non seulement permis d’améliorer la présentation

durant les mêmes années.

du temple d’Athéna Aphaïa à Égine pour la glyptothèque de

classiques de leurs prothèses modernes pour en retrouver la pureté

des collections romaines du Louvre pour leur futur redéploiement

Au musée Chiaramonti, constitué entre 1802 et 1808 par Pie VII

Munich, il en confie la restauration au sculpteur danois Bertel

originelle. Il est vrai que nombre d’interventions baroques, voire

dans les galeries du musée, mais aussi fait progresser nos connais-

au Vatican, le conservateur, Antonio d’Este, présente plusieurs

Thorvaldsen. Entre 1816 et 1818, ce dernier élabore les modèles

néoclassiques, modifiaient totalement le sens des œuvres. Un torse

sances sur ces antiques d’époque romaine et leurs restaurations à

marbres restaurés par B. Cavaceppi ou son élève G. Pierantoni.

en argile et Carlo Finelli exécute les prothèses en marbre qui

de Discobole du Capitole n’avait-t-il pas été restauré en gladiateur

l’époque moderne. Les restitutions modernes complétant notam-

D’autres œuvres ne sont toutefois complétées que par des ajouts en

repeuplent abondamment les compositions tympanales. Les artistes

blessé s’effondrant sur le sol par Pierre-Étienne Monnot ?

ment les reliefs historiques ont pu être plus précisément repérées et

plâtre ou en stuc qui dispensent leurs restaurateurs, Giovanni

et les intellectuels qui avaient prêché le respect de l’intégrité des

En 1924, Guido Galli retire à l’Apollon du Belvédère les compléments

datées, tout comme les repeints des peintures campaniennes.

Paccini et Giovan Pietro Fraccini, de retailler l’antique pour placer

marbres du Parthénon, y compris A. Canova lui-même, saluent

de G. A. Montorsoli. De vastes campagnes sont aussi organisées au

les ajouts modernes. Cette pratique aura une longue postérité

pourtant le résultat obtenu. Le cas de la collection Campana est

Louvre à partir des années 1930 (cat. 2, 11, 20, 31, 76 et 159) et à

modernes voit primer peu à peu l’approche archéologique sur la

Fig. 24. Cadran solaire Ier-IIe

siècle apr. J.-C. Marbre Don de la Société des amis du Louvre, 1999 Paris, musée du Louvre, Ma 5074

XIXe

er

XXe

siècle. Enfin quelques exemplaires sont

révélateur de pratiques particulièrement interventionnistes. Pour

Munich, où les restaurations de B. Thorvaldsen sont évacuées des

présentés dans leur état fragmentaire. A. Canova, nommé inspec-

ce qui concerne les marbres, Campana s’inscrit dans la tradition

frontons d’Égine entre 1962 et 1965. Plus récemment encore,

teur général des Antiquités en 1803, préside alors aux nombreuses

ancienne des collections patriciennes romaines des

et

Copenhague, New York et Malibu suivent ce mouvement. Les

acquisitions pontificales, destinées à pallier les saisies françaises

XVIIIe

consécutives au traité de Tolentino (cat. 14). S’il admet les principes

notamment les présentations par critères iconographiques. Ainsi

de restauration en vigueur jusqu’alors, il n’est probablement pas

cherche-t-il à se procurer une série de douze Césars ou encore une

étranger aux changements qui se font jour au musée Chiaramonti.

suite de neuf Muses, comme celles qui sont visibles dans tous les

jusqu’au début du

XXe

44 HISTOIRE DE LA COLLECTION ROMAINE DU LOUVRE

XVIIe

sont plus admises – mais ne sommes-nous pas soulagés que d’autres

NOTES 1. Paris, musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, Ma 231. 2. Paris, musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, Ma 2228.

siècles, qu’il marie aux aspirations pédagogiques de son temps,

HISTOIRE DE LA COLLECTION ROMAINE DU LOUVRE 45



CHRONOLOGIE DE L’EMPIRE ROMAIN

PÉRIODE D’ANARCHIE MILITAIRE 235 apr. J.-C. : règnes successifs des « empereurs-soldats ».

FIN DE LA RÉPUBLIQUE 60 av. J.-C. : premier triumvirat (César,

Pompée, Crassus). 55 av. J.-C. : théâtre de Pompée,

le premier construit en pierre à Rome.

43 av. J.-C. : second triumvirat (Marc

Antoine, Octave, Lépide).

58 av. J.-C. : conquête de la Gaule

TÉTRARCHIE

par César jusqu’en 51 av. J.-C. 44 av. J.-C. : assassinat de César. 31 av. J.-C. : victoire d’Octave sur Antoine et Cléopâtre à Actium. 30 av. J.-C. : l’Égypte devient province romaine.

284 apr. J.-C. : règne de Dioclétien, Maximien, Constance Chlore et Galère.

306-312 apr. J.-C. : basilique de Maxence, achevée par Constantin.

284 apr. J.-C. : Dioclétien crée

la tétrarchie : Dioclétien et Maximien sont Augustes (pouvoir décisionnel), Constance et Galère sont Césars (pouvoir exécutif). 305 apr. J.-C. : abdication de Dioclétien et Maximien.

DYNASTIE JULIO-CLAUDIENNE DYNASTIE CONSTANTINIENNE 27 av. J.-C. : DÉBUT DE L’EMPIRE. 9 av. J.-C. : consécration de l’ autel

de la Paix (Ara Pacis). Début du IIIe style pompéien (peinture murale). Agrandissement de la maison du Faune à Pompéi (fin du Ier siècle av. J.-C.). 64-68 apr. J.-C. : construction de la Domus aurea par Néron.

Octave devient Auguste. Début du Principat. 14 apr. J.-C. : règne de Tibère. 37 apr. J.-C. : règne de Caligula. 41 apr. J.-C. : règne de Claude. 54 apr. J.-C. : règne de Néron.

Naissance du Christ.

315 apr. J.-C. : arc de Constantin à Rome.

307 apr. J.-C. : règne de Constantin.

337 apr. J.-C. : règnes des fils de Constantin (Constantin II, Constant, Constance II). 361 apr. J.-C. : règne de Julien l’Apostat.

43 apr. J.-C. : début de la conquête

de la Bretagne (Grande-Bretagne actuelle).

307 apr. J.-C. : Constantin, premier empereur chrétien, réunifie l’Empire. 313 apr. J.-C. : édit de Milan (liberté de culte). 330 apr. J.-C. : Constantinople devient capitale de l’Empire. 361 apr. J.-C. : Julien l’Apostat restaure

le paganisme.

DYNASTIE FLAVIENNE 69 apr. J.-C. : année des quatre

79 apr. J.-C. : règne de Titus.

empereurs : Galba, Othon, Vitellius, puis Vespasien. 79 apr. J.-C. : éruption du Vésuve (destruction de Pompéi, Herculanum et Boscoreale).

70-80 apr. J.-C. : construction

du Colisée. Début du IVe style pompéien.

DYNASTIE VALENTINIENNE

69 apr. J.-C. : règne de Vespasien.

81 apr. J.-C. : règne de Domitien.

364 apr. J.-C. : premier partage de l’Empire entre Occident et Orient. Règnes de Valentinien I, Valentinien II, Valens. 367 apr. J.-C. : règne de Gratien.

DYNASTIE THÉODOSIENNE ET FIN DE L’EMPIRE ROMAIN D’OCCIDENT

DYNASTIE ANTONINE 96 apr. J.-C. : règne de Nerva. 112-113 apr. J.-C. : forum de Trajan

et colonne Trajane. 117 apr. J.-C. : reconstruction du Panthéon par Hadrien. 128 apr. J.-C. : achèvement de la villa d’Hadrien à Tivoli.

98 apr. J.-C. : règne de Trajan. 117 apr. J.-C. : règne d’Hadrien. 138 apr. J.-C. : règne d’Antonin le Pieux. 161 apr. J.-C. : règne de Marc Aurèle

qui associe Lucius Verus à l’Empire. 180 apr. J.-C. : règne de Commode.

107 apr. J.-C. : annexion de la Dacie

216 apr. J.-C. : thermes de Caracalla.

d’Hadrien. 166 apr. J.-C. : victoire de Lucius Verus sur le royaume parthe.

48

Chronologie de l’empire ROMAIN

425 apr. J.-C. : règne de Valentinien III. 455 apr. J.-C. : règne d’Avitus.

de l’Empire entre Occident (Rome) et Orient (Constantinople). 410 apr. J.-C. : sac de Rome par Alaric, roi des Goths.

457 apr. J.-C. : règne de Majorien. 461 apr. J.-C. : règne de Libius Sévère.

211 apr. J.-C. : règne de Caracalla.

contre les Parthes. 212 apr. J.-C. : Constitution antonine (le droit de cité est accordé à tous les habitants de l’Empire).

222 apr. J.-C. : règne de Sévère

450 apr. J.-C. : mausolée de Galla

Placidia à Ravenne.

195-198 apr. J.-C. : campagne victorieuse

Alexandre.

395 apr. J.-C. : règne d’Honorius.

395 apr. J.-C. : deuxième partage

130 apr. J.-C. : mort d’Antinoüs, favori

193 apr. J.-C. : règne de Septime Sévère. 218 apr. J.-C. : règne d’Élagabal.

379 apr. J.-C. : Théodose interdit

les cultes païens.

(campagnes en 101 et 107 apr. J.-C.).

DYNASTIE SÉVÉRIENNE 203 apr. J.-C. : arc de Septime Sévère.

379 apr. J.-C. : règne de Théodose.

467 apr. J.-C. : règne d’Anthémius. 472 apr. J.-C. : règne d’Olybrius. 476 apr. J.-C. : règne de Romulus

Augustulus.

476 apr. J.-C. : sac de l’Empire romain

par Odoacre, roi des Hérules. Odoacre renvoie à Constantinople les enseignes du pouvoir impérial. Fin de l’Empire romain d’Occident.

Chronologie de l’empire ROMAIN 49


Catalogue



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