Élie Faure. Une collection particulière
Auguste Roubille, Portrait d’Élie Faure dans Ceux que j’aime de L.-M de Thurly (1907).
U
n brave homme, écœuré du drame, fuit le drame. Il émigre en Amérique du Sud. Le lendemain de son arrivée, grands cris, coups de feu dans la rue, vitres volant en éclats, massacres, incendies, pillages. La révolution ? Les hommes sont stupides. Il part pour l’Amérique du Nord, où la volonté des citoyens a stabilisé les affaires et cimenté la Société. Des trains lui passent sur la tête, des tramways sur les pieds. Les ascenseurs volent, étirant son estomac. Les rampes d’escalier l’électrocutent. Un mouvement furieux le roule. Il entre au bar, voici la police, et comme il n’entend pas l’anglais et ne lève pas les deux mains, on le descend comme un poulet. Il guérit de tout cela car c’est le progrès. Les élections viennent. On vote à coups de revolver. Les hommes sont donc fous ? Il part pour le Japon. Il n’ignore pas qu’on y a remplacé les éventails par des mitrailleuses, les jonques par des cuirassés. N’importe. C’est la Paix, au sein d’un peuple policé, qui eut l’innocente manie de changer de vêtements. Il s’étend avec délice sur sa natte. Patatras ! Le toit dégringole, les madriers croulent, la terre ondule comme une mer, les volcans crachent du feu. De désespoir il se rembarque. Après trois jours de traversée, naufrage, vingt heures de planche et de crampes, asphyxie, échouement dans un îlot désert. Trois ans de solitude à manger des coquillages, à boire de l’eau salée, à chasser les mouches le jour, à tuer les serpents la nuit. Un bateau passe, on le met aux fers, parce qu’il n’a pas ses papiers. Il rentre chez lui. Le drame est fini, l’amnistie votée, la paix éternelle établie. Mais une veuve de la guerre habite sur son palier. On voisine, on s’aime, on s’épouse. Elle emporte le magot et laisse la syphilis. Chronologie à la manière de Voltaire, La Sainte Face, Œuvres complètes, tome III, Éditions J.-J. Pauvert, Paris, p. 117.
978-2-7572-1247-9 12€
« Élie Faure avait pris la place d’un clairvoyant […] Tension violente ici, perte de voltage, sommeil ou mort ailleurs […] L’Art n’était pas qu’un jeu de couleurs et de formes. Derrière les réalités plastiques immobilisées sur une génération coulait l’histoire – ses faits annonciateurs et ses destins irrémissibles. » Le Corbusier, « Élie Faure », dans Europe, n°180, 15 décembre 1937
Une collection particulière
Élie Faure (1873-1937), médecin, journaliste, critique d’art et grand collectionneur, est l’auteur de la célèbre encyclopédie Histoire de l’Art, traduite en cinq langues.
ÉLIE FAURE Arbre généalogique. Élie en canotier avec le chien Boule, son frère Léonce adossé au tronc, ses parents sous le parasol, sa nièce Magali et sa belle-sœur Madeleine, photographie de Jean-Louis Faure, Saint-Émilion, Gironde, ca 1895.
Élie Faure. Une collection particulière
Auguste Roubille, Portrait d’Élie Faure dans Ceux que j’aime de L.-M de Thurly (1907).
U
n brave homme, écœuré du drame, fuit le drame. Il émigre en Amérique du Sud. Le lendemain de son arrivée, grands cris, coups de feu dans la rue, vitres volant en éclats, massacres, incendies, pillages. La révolution ? Les hommes sont stupides. Il part pour l’Amérique du Nord, où la volonté des citoyens a stabilisé les affaires et cimenté la Société. Des trains lui passent sur la tête, des tramways sur les pieds. Les ascenseurs volent, étirant son estomac. Les rampes d’escalier l’électrocutent. Un mouvement furieux le roule. Il entre au bar, voici la police, et comme il n’entend pas l’anglais et ne lève pas les deux mains, on le descend comme un poulet. Il guérit de tout cela car c’est le progrès. Les élections viennent. On vote à coups de revolver. Les hommes sont donc fous ? Il part pour le Japon. Il n’ignore pas qu’on y a remplacé les éventails par des mitrailleuses, les jonques par des cuirassés. N’importe. C’est la Paix, au sein d’un peuple policé, qui eut l’innocente manie de changer de vêtements. Il s’étend avec délice sur sa natte. Patatras ! Le toit dégringole, les madriers croulent, la terre ondule comme une mer, les volcans crachent du feu. De désespoir il se rembarque. Après trois jours de traversée, naufrage, vingt heures de planche et de crampes, asphyxie, échouement dans un îlot désert. Trois ans de solitude à manger des coquillages, à boire de l’eau salée, à chasser les mouches le jour, à tuer les serpents la nuit. Un bateau passe, on le met aux fers, parce qu’il n’a pas ses papiers. Il rentre chez lui. Le drame est fini, l’amnistie votée, la paix éternelle établie. Mais une veuve de la guerre habite sur son palier. On voisine, on s’aime, on s’épouse. Elle emporte le magot et laisse la syphilis. Chronologie à la manière de Voltaire, La Sainte Face, Œuvres complètes, tome III, Éditions J.-J. Pauvert, Paris, p. 117.
978-2-7572-1247-9 12€
« Élie Faure avait pris la place d’un clairvoyant […] Tension violente ici, perte de voltage, sommeil ou mort ailleurs […] L’Art n’était pas qu’un jeu de couleurs et de formes. Derrière les réalités plastiques immobilisées sur une génération coulait l’histoire – ses faits annonciateurs et ses destins irrémissibles. » Le Corbusier, « Élie Faure », dans Europe, n°180, 15 décembre 1937
Une collection particulière
Élie Faure (1873-1937), médecin, journaliste, critique d’art et grand collectionneur, est l’auteur de la célèbre encyclopédie Histoire de l’Art, traduite en cinq langues.
ÉLIE FAURE Arbre généalogique. Élie en canotier avec le chien Boule, son frère Léonce adossé au tronc, ses parents sous le parasol, sa nièce Magali et sa belle-sœur Madeleine, photographie de Jean-Louis Faure, Saint-Émilion, Gironde, ca 1895.
ÉLIE FAURE Une collection particulière
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Remerciements Nous souhaitons exprimer notre vive reconnaissance à Madame Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication. Le soutien de l’État et le patronage de la Commission nationale française pour l’UNESCO donnent tout son sens à l’hommage rendu à l’écrivain Élie Faure quatrevingts ans après sa disparition. Le présent ouvrage accompagnant l’exposition ouverte à tous doit au grand mécène Michel David-Weill et à sa famille sa création et sa publication, sous la direction de Nicolas Neumann. Les descendants de l’auteur de l’Histoire de l’art ont mis en commun tableaux, lettres et souvenirs, supportant avec équanimité un certain remue-ménage. Ils remercient de leur disponibilité les équipes de l’INHA et de la BnF : Mesdames Le Bras, Riochet, Queyroux, Lamoureux, Monsieur Delatour et Éric de Chassey. Ce projet anniversaire est né des encouragements de Violaine BouvetLanselle, Pierre Rosenberg et Annick Lemoine, directrice du Festival de l’histoire de l’art. Il s’est accompli avec l’association Cœur de bastide, et grâce à l’hospitalité de Jean-Pierre Lecoq, maire du 6e arrondissement de Paris et de son adjoint Olivier Passelecq. À chaque étape, j’ai sollicité qui pour un prêt, qui pour une référence, une identification, une datation, un objet, un contact, un livre, une photo, une mappemonde, des fichiers de toutes sortes. Cette collecte repose sur la générosité de Jean Audouze et Daniel Janicot, Christian Chevallier, Pascal Vertet, François Gilard, Éric Marche, Marc Sahraoui, Jean Abou, François Blistène, Titus, JeanPierre Godeaut, François Pachet, Josephine Ratikan, Christelle Allain, Sophie Helm, Marie-Hélène Leclerc, Angélique Bérès, Sylvie Le Gratiet, Laurette McCarthy, Rié Yagura, Thomas et Nicolas Lévy, et sur les patientes études de Christophe Brun et de Martine Courtois. Nous avons bénéficié des conseils d’Alain Nicolas et de Charles Ficat, de l’expertise des galeristes Jacques Barrère, André Wilhem, Christophe Kunicki, Michel Vidal, Philippe Ratton, Jean Roudillon, Jean-Michel Huguenin, Alexis Renard et Indian Heritage. Je remercie les artisans photographes Charles Serruya et Antoine Schneck d’avoir sorti de l’ombre maint cliché, pour la scénographie de l’exposition et les visuels Piotr Oleszkowicz et François Faure, pour son concours la galerie Magali Nourrissat, enfin Jean-Jacques de Balasy pour son vaillant soutien logistique au long des mois écoulés.
© Somogy éditions d’art, Paris, 2017 © Élie Faure Estate, 2017 Sous le patronage de la Commission nationale française pour l’UNESCO et le parrainage du ministère de la Culture et de la Communication
Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Directeur éditorial : Nicolas Neumann Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer Coédition et développement : Véronique Balmelle Coordination et suivi éditorial : Pauline Garrone et Léa Pietton Conception graphique : Marie Gastaut Contribution éditoriale : Gaëlle Vidal Fabrication : Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros ISBN 978-2-7572-1247-9 Dépôt légal : mars 2017 Imprimé en Union européenne
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Première de couverture : Kees van Dongen, Portrait d’Élie Faure, 1912, huile sur toile, 55 × 46 cm, collection particulière. © 2008 Christie’s Images Limited. Quatrième de couverture : Élie Faure, studio Willott, ca 1935
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« Le vertige vous prend, entre sentiment de la responsabilité, et de l’inutilité de tout. Mais il mérite une pensée, le futur curieux qui enragera de ne pas disposer de la preuve qu’il recherche, ou se réjouira en mettant enfin la main sur la photo ou le document recherchés, alors qu’il n’y aura plus de témoins vivants. » Pierre Pachet « Désoccupé » (8), En attendant Nadeau, 2016
Sommaire j’ai vu cela d’autres terres en vue souvenirs de Zizou bio-bibliographie
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Texte et iconographie Juliette Hoffenberg, commissaire de l’exposition
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6 |ÉLIE FAURE. UNE COLLECTION PARTICULIÈRE
j’ai vu cela
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903. Le XXe siècle a trois ans, Élie Faure en a trente égratigne les officiels, parmi lesquels le distingué Dubuffe aux et déjà trois enfants. La naissance de Zizou ne le « jus bleuâtres épandus », ainsi que Gérôme et ses « fauves consolera jamais de la perte de très propres avec des petits barbouillages sa petite Élisabeth, emportée de sang ». Mais il proteste épargner les par une méningite. Il habite le jeunes et les inconnus : « Je n’ai éreinté que quartier du Temple et s’épuise les gens arrivés, possédant hôtel, chevaux en « ascensions », comme il nomme ses et voiture et gagnant dans les cent mille. visites médicales dans les garnis en étages Les favoris de la foule. Les médiocres qui élevés. Il entreprend de racheter l’invenbarrent la route aux travailleurs, aux vrais tion du Dr Gannal, qu’il assiste dans ses artistes3. » embaumements, et dont les traites pèseront N’ayant pas reçu d’éducation en la une dizaine d’années sur ses finances. En matière, ses convictions et son appartecette année de deuil, il publie son premier nance au cercle des intellectuels en tiennent ouvrage : Vélasquez. lieu. Ce point est important. Issu d’une À quelques rues de son domicile rue famille de pasteurs et de vignerons – son des Filles-du-Calvaire, il apprend (aux père est marchand de biens en Gironde –, deux sens du mot) l’histoire de l’art à l’Unifait docteur en médecine en 1899 sur versité populaire « la Fraternelle », rue de les conseils de son illustre frère, JeanSaintonge. Le Dr Faure innove en illustrant Louis Faure comment a-t-il reçu l’étrange ses conférences d’abondantes projecvocation ? tions1. Où trouve-t-il le temps de collaborer Une génération en amont, ses oncles maternels, les frères Reclus, ont de quoi intiau journal L’Aurore « littéraire, artistique, mider cet ambitieux rêveur : le bien-aimé sociale », avec ses dix mille lecteurs « les Élie est botaniste et ethnologue, Onésime plus intelligents de France », où il rend Diego Vélasquez, Dame à l’éventail, géographe, Paul chirurgien et Armand ingécompte des Salons comme ses illustres Wallace Collection. Carte postale de nieur. Élisée (1830-1905), théoricien de prédécesseurs Diderot et Baudelaire2 ? Soutine, 15 décembre 1928, collection Élie Faure. Au verso : « Malgré la mauvaise l’anarchisme, est auteur de la Géographie C’est par la politique et l’affaire reproduction de ce tableau, j’espère qu’elle universelle4 et fondateur du Révolté. Nadar Dreyfus qu’il est entré en littérature sur évoquera pour vous la haute qualité du les pas de son héros et maître, Émile les photographie ensemble et lui dédie son portrait. Respectueuse amitié. » Zola. Au journal, il défend le Salon des opuscule, Sous l’Incendie. C’est un ami de indépendants, créé par Paul Signac où sont exposés Valtat, Gustave Courbet, lequel fait poser Pierre-Joseph Proudhon, Matisse, Rousseau, Van Gogh, Cézanne, Toulouse-Lautrec. Il « qui est de notre manière de voir », un proche de Maurice En transparence : Pierre-Auguste Renoir, anémones du Portrait de Coco, ancienne collection Élie Faure, cliché Giraudon, ca 1925.
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Félix Tournachon dit Nadar (1820-1910), Élie Faure, ca 1903, photographie, collection Élie Faure.
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38 |ÉLIE FAURE. UNE COLLECTION PARTICULIÈRE
d’autres terres en vue
Page autographe du manuscrit relié de Mon Périple (1931), collection Élie Faure Les onze photographies qui suivent sont issues du reportage d’Élie Faure autour du monde pour L’Illustration et Le Petit Parisien.
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J’AI VU CELA | 39
De San Francisco à Yokohama, août 1931
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48 | ÉLIE FAURE. UNE COLLECTION PARTICULIÈRE
souvenirs de Zizou
M
on père n’a pas connu ses grands-parents Faure, mais sa maman, fille du pasteur Jacques Reclus, lui parlait souvent des siens, peut-être fière de la notoriété de ses frères, peut-être triste, aussi, d’avoir été enlevée à sa famille vers l’âge de quinze ou seize ans par une sœur de sa mère, Mme Chaucherie, femme d’un notaire de Sainte-Foy-la-Grande ; n’ayant pas d’enfants elle l’avait adoptée. Jacques Reclus, pasteur dissident, refusait de recevoir de l’argent de l’Église réformée officielle pour exercer son saint ministère. Ainsi sa femme (si petite et menue que je ne pus à douze ans entrer dans sa robe de mariée au temps de l’Empire) devait malgré dix-sept grossesses dont douze enfants vécurent, donner des leçons à ses pensionnaires, jeunes filles protestantes venues de France, d’Allemagne et d’Autriche. Une longue prière du maître de maison (mon père nous décrivait cet homme sévère à genoux, s’entretenant avec le Seigneur pendant que les plats refroidissaient) précédait les repas qui étaient sobres. Mémé Faure racontait la bonté d’Élie son frère aîné ; après la soupe, les enfants se partageaient un œuf à la coque et il lui faisait tremper la première et la dernière mouillette pour la rassasier un peu. Elle et ses sœurs possédaient un chapeau pour trois et comme à Orthez il n’aurait pas été convenable que les filles du pasteur sortent nue-tête, elles se promenaient rarement. Papa
ne pouvait voir le visage de son grand-père sans se mettre à pleurer et devait se réfugier dans les bras de ses parents dès qu’il l’apercevait. Quand un des enfants avait fait une bêtise, Jacques Reclus s’enfermait dans sa chambre avec le coupable, lui lisant la Bible pendant douze heures sans boire ni manger. Ma grand-mère malgré une grande force de caractère fut tyrannisée par sa tante. Heureusement, elle rencontra Pierre Faure, un fils de vignerons du pays, clerc de notaire de l’oncle Chaucherie. Elle l’épousa mais le jeune ménage fut obligé de continuer à vivre chez la terrible tante. Un jour, Zéline qui avait dépassé la trentaine fut giflée par Mme Chaucherie ; Pierre décida de quitter le notaire, ils s’installèrent le jour même dans une petite maison blanche où neuf mois plus tard naquit mon père. C’est ainsi qu’il expliquait la différence de caractère entre ses frères et lui, tous deux très brillants dans leurs études et assurés dès la trentaine d’une parfaite réussite sociale. « Ils étaient les enfants de la sécurité et moi l’enfant de la révolte. » Je me le rappelle notre cher Pépé, si bon, si patient avec les petits ; avec une de mes cousines nous évoquons encore sa tendresse, sa barbe blanche si douce dans laquelle je me cachais la figure quand, un jour au cirque où il m’emmenait une fois l’an, l’émotion du spectacle me devenait intolérable. Je ne quittais pas ses genoux. Il aimait le beau, il voyait grand. Les bourgeois du pays haussèrent les épaulent quand il envoya
En transparence : Zizou sur la Dordogne, ca 1925.
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SOUVENIRS DE ZIZOU | 49
Charles Despiau (18741946), Mademoiselle Élie Faure, dite Zizou, 1924, bronze, H. 37 cm et socle de 15 cm, collection Élie Faure.
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64 | ÉLIE FAURE. UNE COLLECTION PARTICULIÈRE
Bio-bibliographie 4 avril 1873 : Naissance à Sainte-Foy-la-Grande (Gironde) du troisième fils de Zéline née Reclus et de Pierre Faure, marchand de biens. 1884 : Fréquente le collège protestant où enseigne le pasteur Gilard, son futur beau-père. 1887 : Entre au Lycée Henri-IV à Paris où il sera l’élève de Bergson. 1891-1893 : Baccalauréat ès lettres puis baccalauréat-sciences. 1893 : S’inscrit à la faculté de médecine où professe son oncle Paul Reclus 1894 : Incorporé au 57e régiment d’infanterie. Il mesure 1,63 m et a les « yeux roux ». 1896 : Externat dans le service du Dr Brissaud et premiers embaumements. Il épouse Suzanne Gilard le 7 avril, après cinq ans de correspondance amoureuse, dont il aura quatre enfants. 1897 : Débute comme anesthésiste pour son frère le professeur JeanLouis Faure. 1898 : Introduit auprès de Clemenceau, directeur de L’Aurore et dreyfusard. 1899 : Thèse de doctorat : le Traitement du lupus par la nouvelle tuberculine de Koch. 1902 : Débute comme critique d’art à L’Aurore. Réseau d’amitiés parmi les peintres et critiques : Eugène Carrière, Gustave Geffroy, Frantz et Francis Jourdain, Albert André, etc. 1903 : Se lie avec Steinlen, Bourdelle, Anna de Noailles. Publie son premier ouvrage, Vélasquez. 1905-1909 : Conférences mensuelles sur l’art à l’Université Populaire « La Fraternelle ». 1906 : Voyage avec sa mère en Grèce et en Italie. 1907 : Formes et Forces (Floury, éd.), premier recueil de ses articles. 1908 : Voyage en Italie. 1909 : Voyage en Allemagne et en Hollande. Nommé à la direction du dispensaire des Chemins de fer Paris-Orléans. 1910, 1911 : Publie L’Art antique puis L’Art médiéval (Floury, éd.). 1912 : Série d’articles dans Les Hommes du Jour autour de la guerre, du patriotisme, du militarisme. Voyage en Turquie. 1913 : Cure en Suisse, puis voyage en Angleterre. Emménage au 147, bd Saint-Germain. 1914 : Publie Les Constructeurs (Crès) et L’Art renaissant (Floury, éd.) 1er août : mobilisation générale. Il est médecin aide-major dans le 6e corps d’armée, où il était médecin auxiliaire de réserve depuis 1897. 1915 : Atteint de dépression, il est évacué et soigné à l’hôpital militaire de Toulon. 1916 : Rejoint le front. De mai à décembre, il compose La Sainte Face. 1917 : Publie La Conquête (Crès). 1918 : La Sainte Face (Crès). Touché par la grippe espagnole. 1919 : La Roue, son seul roman. Reçoit la croix de la Légion d’honneur pour faits de guerre. 1920 : La Danse sur le feu et l’eau (Crès). Vacances en Dordogne avec Rivera. Rencontre Picasso. Publie le recueil L’Arbre d’Éden (Crès). Dirige chez Crès la « Bibliothèque dionysienne », consacrée aux œuvres majeures de l’esthétique. 1921 : Voyage à Londres. Publie L’Art moderne, suivi de la réédition des trois premiers volumes de l’Histoire de l’art. Publie son Napoléon (Crès). 1922 : Mariage de son fils François avec Antoinette Lefort. 1923 : Le « cap » des 50 ans. Désordres amoureux. Son fils JeanPierre fonde Alger Républicain avec Pascal Pia et Albert Camus. Acquiert la propriété de Prats en Dordogne.
1925 : Voyage avec sa fille au Maroc puis chez son fils en Algérie. Séjourne en Espagne. 1926 : Montaigne et ses Trois Premiers-Nés (Crès). Voyage en Espagne. 1927 : Publie L’esprit des formes (Crès). Rencontre Soutine. 1928 : Tournée de conférences en Allemagne (Hambourg, Berlin, Leipzig). 1929 : Les Trois Gouttes de sang (Malfère, éd.). Publie sur la « psychologie des peuples ». 1930 : Mariage de Zizou avec Pierre Matignon, jeune ingénieur chimiste de mère américaine. 1931 : Le 9 juillet embarque au Havre pour un tour du monde qui durera sept mois. Son gendre Pierre disparaît dans un accident d’avion en Roumanie. 1932 : Débarque à Marseille le 11 février. Publie Découverte de l’Archipel (Nouvelle Revue Critique, éd.), D’Autres terres en vue (N.R.C.), Mon Périple (Malfère). Adhère à l’Association des Écrivains et Artistes révolutionnaires à l’invitation d’Henri Barbusse. Se lie avec L.-F. Céline. 1933 : Première série de causeries sur Radio-Paris (l’art, le machinisme, l’urbanisme). 1934 : Voyage en Espagne (Madrid, Tolède). Recueil Ombres solides (Malfère). Création du « Groupe des Amis de l’Espagne » dont il assure la présidence. Fréquente les surréalistes. 1935 : Articles dans le Minotaure et le tome XVI de l’Encyclopédie française (Arts et littérature). 1936 : Regards sur la Terre promise (Jean Flory, éd.). Voyage et reportage sur le Front républicain en Espagne et dans l’Italie de Mussolini. 31 octobre 1937 : Mort d’Élie Faure. 15 décembre 1937 : Élie Faure, numéro spécial de la revue Europe n°180. 1938 : Méditations catastrophiques et Reflets dans le Sillage (Jean Flory, éd.). 1939, 1948 : Réédition de l’Histoire de l’art par la Librairie Plon. 1951 : Équivalences (Robert Marin Éd.), textes rassemblés par J.-P. Faure. 1953 : Fonction du cinéma (Éd. d’Histoire et d’Art – Plon) textes rassemblés par J.-P. Faure avec une préface de Charles Chaplin. 1957 : L’esprit des formes (réédition du Club des Libraires de France). 1964 : Œuvres complètes d’Élie Faure en trois tomes, sous la direction d’Yves Lévy (J.-J. Pauvert éditeur, Paris) 1965, 1966 : L’Histoire de l’art et L’esprit des formes entrent au Livre de poche (LGF). 1966 : Élie Faure, par Paul Desanges (« Classiques du XXe siècle », Éd. Universitaires). 1975 : L’Homme et la danse (Éd. P. Fanlac) 1985-1987 : Histoire de l’art, Édition du Cinquantenaire par M. Courtois en 5 volumes (Denoël et Folio-Gallimard). 1987 : Mon Périple et Reflets dans le sillage (Édition critique J. Hoffenberg Seghers puis 10 :18). 1988 : Écrits sur Élie Faure, par Yves Lévy (Plein chant). 1989 : Élie Faure, biographie, M. Courtois et J.-P. Morel (Librairie Séguier). 2005, 2006 : La Sainte Face, Méditations catastrophiques (Bartillat). 2010, 2016 : Histoire de l’art (Bartillat). 2015 : Pour le septième art, recueil établi par J.-P. Morel (L’Âge d’homme). 2016 : Regards croisés, « Dossier Élie Faure » (Publications de la Sorbonne).
La photogravure a été réalisée par Quat’Coul, Toulouse. Cet ouvrage a été achevé d’imprimer sur les presses de PBtisk (République tchèque) en mars 2017.
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Élie Faure. Une collection particulière
Auguste Roubille, Portrait d’Élie Faure dans Ceux que j’aime de L.-M de Thurly (1907).
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n brave homme, écœuré du drame, fuit le drame. Il émigre en Amérique du Sud. Le lendemain de son arrivée, grands cris, coups de feu dans la rue, vitres volant en éclats, massacres, incendies, pillages. La révolution ? Les hommes sont stupides. Il part pour l’Amérique du Nord, où la volonté des citoyens a stabilisé les affaires et cimenté la Société. Des trains lui passent sur la tête, des tramways sur les pieds. Les ascenseurs volent, étirant son estomac. Les rampes d’escalier l’électrocutent. Un mouvement furieux le roule. Il entre au bar, voici la police, et comme il n’entend pas l’anglais et ne lève pas les deux mains, on le descend comme un poulet. Il guérit de tout cela car c’est le progrès. Les élections viennent. On vote à coups de revolver. Les hommes sont donc fous ? Il part pour le Japon. Il n’ignore pas qu’on y a remplacé les éventails par des mitrailleuses, les jonques par des cuirassés. N’importe. C’est la Paix, au sein d’un peuple policé, qui eut l’innocente manie de changer de vêtements. Il s’étend avec délice sur sa natte. Patatras ! Le toit dégringole, les madriers croulent, la terre ondule comme une mer, les volcans crachent du feu. De désespoir il se rembarque. Après trois jours de traversée, naufrage, vingt heures de planche et de crampes, asphyxie, échouement dans un îlot désert. Trois ans de solitude à manger des coquillages, à boire de l’eau salée, à chasser les mouches le jour, à tuer les serpents la nuit. Un bateau passe, on le met aux fers, parce qu’il n’a pas ses papiers. Il rentre chez lui. Le drame est fini, l’amnistie votée, la paix éternelle établie. Mais une veuve de la guerre habite sur son palier. On voisine, on s’aime, on s’épouse. Elle emporte le magot et laisse la syphilis. Chronologie à la manière de Voltaire, La Sainte Face, Œuvres complètes, tome III, Éditions J.-J. Pauvert, Paris, p. 117.
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« Élie Faure avait pris la place d’un clairvoyant […] Tension violente ici, perte de voltage, sommeil ou mort ailleurs […] L’Art n’était pas qu’un jeu de couleurs et de formes. Derrière les réalités plastiques immobilisées sur une génération coulait l’histoire – ses faits annonciateurs et ses destins irrémissibles. » Le Corbusier, « Élie Faure », dans Europe, n°180, 15 décembre 1937
Une collection particulière
Élie Faure (1873-1937), médecin, journaliste, critique d’art et grand collectionneur, est l’auteur de la célèbre encyclopédie Histoire de l’Art, traduite en cinq langues.
ÉLIE FAURE Arbre généalogique. Élie en canotier avec le chien Boule, son frère Léonce adossé au tronc, ses parents sous le parasol, sa nièce Magali et sa belle-sœur Madeleine, photographie de Jean-Louis Faure, Saint-Émilion, Gironde, ca 1895.
Élie Faure. Une collection particulière
Auguste Roubille, Portrait d’Élie Faure dans Ceux que j’aime de L.-M de Thurly (1907).
U
n brave homme, écœuré du drame, fuit le drame. Il émigre en Amérique du Sud. Le lendemain de son arrivée, grands cris, coups de feu dans la rue, vitres volant en éclats, massacres, incendies, pillages. La révolution ? Les hommes sont stupides. Il part pour l’Amérique du Nord, où la volonté des citoyens a stabilisé les affaires et cimenté la Société. Des trains lui passent sur la tête, des tramways sur les pieds. Les ascenseurs volent, étirant son estomac. Les rampes d’escalier l’électrocutent. Un mouvement furieux le roule. Il entre au bar, voici la police, et comme il n’entend pas l’anglais et ne lève pas les deux mains, on le descend comme un poulet. Il guérit de tout cela car c’est le progrès. Les élections viennent. On vote à coups de revolver. Les hommes sont donc fous ? Il part pour le Japon. Il n’ignore pas qu’on y a remplacé les éventails par des mitrailleuses, les jonques par des cuirassés. N’importe. C’est la Paix, au sein d’un peuple policé, qui eut l’innocente manie de changer de vêtements. Il s’étend avec délice sur sa natte. Patatras ! Le toit dégringole, les madriers croulent, la terre ondule comme une mer, les volcans crachent du feu. De désespoir il se rembarque. Après trois jours de traversée, naufrage, vingt heures de planche et de crampes, asphyxie, échouement dans un îlot désert. Trois ans de solitude à manger des coquillages, à boire de l’eau salée, à chasser les mouches le jour, à tuer les serpents la nuit. Un bateau passe, on le met aux fers, parce qu’il n’a pas ses papiers. Il rentre chez lui. Le drame est fini, l’amnistie votée, la paix éternelle établie. Mais une veuve de la guerre habite sur son palier. On voisine, on s’aime, on s’épouse. Elle emporte le magot et laisse la syphilis. Chronologie à la manière de Voltaire, La Sainte Face, Œuvres complètes, tome III, Éditions J.-J. Pauvert, Paris, p. 117.
978-2-7572-1247-9 12€
« Élie Faure avait pris la place d’un clairvoyant […] Tension violente ici, perte de voltage, sommeil ou mort ailleurs […] L’Art n’était pas qu’un jeu de couleurs et de formes. Derrière les réalités plastiques immobilisées sur une génération coulait l’histoire – ses faits annonciateurs et ses destins irrémissibles. » Le Corbusier, « Élie Faure », dans Europe, n°180, 15 décembre 1937
Une collection particulière
Élie Faure (1873-1937), médecin, journaliste, critique d’art et grand collectionneur, est l’auteur de la célèbre encyclopédie Histoire de l’Art, traduite en cinq langues.
ÉLIE FAURE Arbre généalogique. Élie en canotier avec le chien Boule, son frère Léonce adossé au tronc, ses parents sous le parasol, sa nièce Magali et sa belle-sœur Madeleine, photographie de Jean-Louis Faure, Saint-Émilion, Gironde, ca 1895.