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Cet ouvrage accompagne l’exposition « François I er et l’art des Pays-Bas » présentée à Paris, au musée du Louvre, du 18 octobre 2017 au 15 janvier 2018.
Cette exposition bénéficie du soutien de DS Automobiles
et du Cercle International du Louvre International Council of the Louvre
Le papier utilisé pour ce catalogue est fabriqué par Arjowiggins Graphic et distribué par Antalis.
La publication de cet ouvrage a bénéficié du soutien d’AG2R LA MONDIALE
© Musée du Louvre, Paris, 2017 www.louvre.fr © Somogy éditions d’art, Paris, 2017 www.somogy.fr i s b n Somogy éditions d’art 978-2-7572-1304-9 i s b n musée du Louvre 978-2-35031-604-8 dépôt légal : octobre 2017 imprimé en Union européenne
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en première de couverture jean clouet P o r t r a i t é q u e s t r e d e F r a n ç o i s I er [c at. 86, détail] en quatrième de couverture maître d’amiens Au juste pois véritable balance [c at. 7, détail]
En application de la loi du 11 mars 1957 [art. 41] et du Code de la propriété intellectuelle du 1 er juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre.
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François I
er
et l’art des pays-bas sous la direction de
Cécile Scailliérez textes de Michèle Bimbenet-Privat Monique Blanc Marie Boudon-Machuel Dominique Cordellier Frédéric Elsig Dan Ewing Hélène Gasnault Alexandra Gérard Matthieu Gilles Catherine Jenkins Krista de Jonge Philippe Malgouyres Elizabeth Mattison Hortense de Reviers Cécile Scailliérez Peter van den Brink Jean Vittet
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Musée du Louvre Jean-Luc Martinez président-directeur
prêteurs de l’exposition
Karim Mouttalib administrateur général
par leurs prêts généreux, ont permis la tenue
Valérie Forey-Jauregui administratrice générale adjointe
qui ont préféré conserver l’anonymat.
Sébastien Allard directeur du département des Peintures
établissements suivants :
Vincent Pomarède directeur de la Médiation et de la Programmation culturelle
commissariat de l’exposition
commissariat général Cécile Scailliérez conservatrice en chef, département des Peintures du musée du Louvre
Que toutes les personnes et les institutions qui, de cette exposition trouvent ici l’expression de notre gratitude, ainsi que les collectionneurs Nos remerciements s’adressent également aux responsables des institutions et
allemagne Berlin, Staatliche Museen – Gemäldegalerie Berlin, Staatliche Museen – Kupferstichkabinett Francfort, Städelsches Kunstinstitut und Städtische Galerie Munich, Alte Pinakothek, Bayerische Staatsgemäldesammlungen Weimar, Klassik Stiftung autriche Vienne, Albertina, Graphische Sammlung Vienne, Kunsthistorisches Museum belgique Anvers, Mayer van den Bergh Museum Anvers, musée royal des Beaux-Arts Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique Bruxelles, KBC Bank états-unis New Haven, Yale Center for British Art New York, The Metropolitan Museum of Art, Fletcher Fund, 1935 (35.89.1) New York, The Metropolitan Museum of Art, Maria DeWitt Jesup Fund, 1946 (46.68) New York, The Metropolitan Museum of Art, H. O. Havemeyer Collection, Bequest of Mrs. H. O. Havemeyer, 1929 (29.100.197) New York, The Metropolitan Museum of Art, Theodore M. Davis Collection, Bequest of Theodore M. Davis, 1915 (30.95.279) New York, The Metropolitan Museum of Art, Bequest of George D. Pratt, 1935 (1978.301.6) New York, The Metropolitan Museum of Art, The Elisha Whittelsey Collection, The Elisha Whittelsey Fund, 2001 (2001.635) New York, The Metropolitan Museum of Art, Bequest of Harry G. Sperling, 1971 (1975.131.173) New York, The Metropolitan Museum of Art, Bequest of Harry G. Sperling, 1971 (1975.131.181) Saint Louis, Saint Louis Art Museum Washington, National Gallery of Art Washington, The Library of Congress france Amiens, musée de Picardie Aunay-en-Bazois, collection particulière Pierre de Bourgoing Autun, musée Rolin Beauvais, mairie Bourg-en-Bresse, musée de Brou Châtillon-sur-Seine, musée du Pays châtillonnais – Trésor de Vix
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Chouzé-sur-Loire, mairie Cudot, mairie Dijon, DRAC Bourgogne Franche-Comté Dijon, musée des Beaux-Arts Écouen, musée national de la Renaissance Féricy, mairie Lille, Association diocésaine Lille, ministère de la Culture et de la Communication, cathédrale Saint-Pierre de Beauvais Lyon, musée des Beaux-Arts Nancy, musée des Beaux-Arts Orléans, musée des Beaux-Arts Paris, Bibliothèque nationale de France Paris, Conservation des œuvres d’art religieuses et civiles de la Ville de Paris Paris, École nationale supérieure des beaux-arts Paris, fondation Custodia, collection Frits Lugt Paris, musée des Arts décoratifs Paris, musée Carnavalet Paris, musée de Cluny – musée national du Moyen Âge Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, collection Edmond de Rothschild Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Paris, musée du Louvre, département des Peintures Paris, musée du Louvre, département des Sculptures Paris, Petit Palais – musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris Reims, musée Saint-Rémi Rouen, mairie Saint-Léger-sur-Dheune, mairie Soissons, évêché Troyes, musée de Vauluisant Troyes, musée des Beaux-Arts Varzy, mairie Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon italie Bergame, Accademia Carrara Florence, Galleria degli Uffizi Florence, Palazzo Pitti Milan, Pinacoteca di Brera Rome, Vatican, Monuments, musées, galeries, bibliothèques pontificales du Vatican pays-bas Amsterdam, Rijksmuseum La Haye, Koninklijke Bibliotheek Bibliothèque royale de La Haye Bibliothèque nationale des Pays-Bas république tchèque Prague, National Gallery (Národní Galerie) royaume-uni Édimbourg, National Galleries of Scotland Liverpool, National Museums Liverpool, Walker Art Gallery Londres, collection particulière Londres, The British Library Londres, The British Museum Londres, The Royal Collection Trust, Her Majesty Queen Elizabeth II Norfolk, Holkham Hall, Earl of Leicester (collection particulière) Oxford, Ashmolean Museum
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remerciements
Ma gratitude s’adresse à Jean-Luc Martinez, président-directeur du musée du Louvre, à Vincent Pomarède, directeur de la Médiation et de la Programmation culturelle, et à Sébastien Allard, directeur du département des Peintures, qui m’ont accordé leur confiance en programmant cette exposition portant sur la face cachée du règne artistique de François I er. Le Louvre est une grande maison où chacun joue précisément son rôle. On commence seul en proposant un projet, puis ce sont peu à peu des dizaines de compétences qui collaborent, s’imbriquent, se relaient, toujours guidées par ce sens aigu du service qui fait la grandeur de cette maison : j’espère que tous ceux qui m’ont accompagnée dans cette entreprise me pardonneront de ne pouvoir les remercier nommément. Je veux toutefois dire à Pascal Périnel, chef du service des Expositions, ainsi qu’à Charlotte Grasset, qui a coordonné tous les dossiers de prêt, et à Anne Philipponnat, qui en a assuré l’architecture, que leur engagement sur ce projet m’a comblée. Autour de Philippe Leclerc, Soraya Kamano et Franck Poitte, j’ai vu tous les ateliers mettre leur savoir-faire précis au service de cette réalisation et j’adresse à tous leurs acteurs un merci plein d’admiration pour leur exigence et leur solidarité. Autour de Sophie Hervet, ce furent Carol Manzano, Marcel Perrin et Sophie Beckouche qui eurent à cœur de concevoir l’accompagnement pédagogique au sein de l’exposition et je salue leur patiente implication. D’autres, davantage tournées vers l’extérieur, telles que Caroline Colombe, pour le mécénat de DS Automobiles et du Cercle International du Louvre, Coralie James-Scheer, qui a assuré auprès des journalistes la diffusion et la promotion de ce projet, ou encore Laurence Roussel, Fabienne Grange, Françoise Bonneviale, Karine Berthemet et Valérie Coudin, qui ont chaleureusement participé à le rendre visible. Pour le catalogue aussi, j’ai trouvé en Violaine Bouvet-Lanselle, Fabrice Douar et Nicolas Neumann, directeur des éditions Somogy, des interlocuteurs attentifs et très généreux. L’édition des textes et leur illustration, qui résultent des efforts conjugués d’une relectrice hors pair, Anne Chapoutot, de Marie Burland et de Virginie Fabre, et l’élégante conception graphique de l’ouvrage, due à Christophe Ibach, ont été servies par la qualité de mise en œuvre et de promotion de l’équipe de Somogy, Stéphanie Méséguer, Béatrice Bourgerie, Mélanie Le Gros, Sarah HoussinDreyfuss, Lore Gauterie et Marc-Alexis Baranes. Je les remercie d’avoir tous si patiemment permis à ce travail collectif de devenir le beau livre qui survivra à la présentation de l’exposition. De bien plus longue haleine est l’aide souterraine et permanente apportée par les services de documentation des départements modernes qui, au sein des conservations, facilitent quotidiennement la recherche et constituent des outils de réflexion irremplaçables. Ils sont, au sein du Louvre, aussi précieux que l’ont été à Londres la Witt Library et la Conway Library et à La Haye le Rijksbureau voor Kunsthistorische Documentatie. De trop courte durée en revanche, mais toujours chaleureuse et utile, l’assistance de jeunes stagiaires m’a souvent épaulée, parfois très chevronnées, comme Candice van Heghe, Emma Capron et Elizabeth Mattison, et toujours très dévoués, Sophie Kerwin, Hortense de Reviers, Antonin Liatard, Linda Muller. Tout cela ne serait pas suffisant si les musées, les monuments historiques et quelques collections privées n’avaient répondu favorablement, à de rares exceptions près, aux demandes de prêt que nous avons formulées. Je les remercie chaleureusement, et voudrais souligner la part essentielle prise ici, à côté des grandes institutions internationales, par les conservateurs des monuments historiques et les conservateurs des antiquités et objets d’art – Anita Oger-Leurent, Richard Schuler, Gilles Blieck, Anne-Bénédicte Clert, Arnaud Alexandre et Michael Vottero, Sylvie Leprince, Thierry Zimmer, ou encore Marie Monfort pour l’église Saint-Gervais à Paris – et les collègues de plusieurs musées de région qui ont généreusement accepté de prendre à leur charge certaines restaurations : Laure Dalon à Amiens, Brigitte
Maurice-Chabard à Autun, Pierre-Gilles Girault et Magali Briat-Philippe à Bourg-en-Bresse, Éric Blanchegorge et Chantal Rouquet à Troyes. En dépit de la fragilité des œuvres concernées, tous se sont montrés particulièrement réceptifs à la spécificité du propos et ont œuvré pour trouver les solutions techniques adaptées. Dans deux cas que j’ai plaisir à souligner – l’église de Chouzé-sur-Loire et la basilique de Saint-Quentin –, les collectivités locales ont, grâce au dynamisme enthousiaste d’Anémone Wallet et d’Antoine Gache, bénéficié de l’indispensable soutien de l’association de la Sauvegarde de l’art français, présidée par Olivier de Rohan. Il me reste à souligner que le travail scientifique a été collectif. Je remercie tous les auteurs de ce catalogue qu’ils m’ont largement aidée à composer et qui n’ont cessé de me témoigner leur gentillesse et leur indulgence – tout particulièrement Peter van den Brink et Frédéric Elsig –, et je tiens à rappeler ma dette envers d’autres qui, sans avoir pu y participer directement cette fois, ont nourri ma réflexion sur ce champ de la recherche que nous partageons, Fabienne Audebrand, Thierry Crépin-Leblond, Pierre-Gilles Girault, Michel Hérold, Maxence Hermant, Guy-Michel Leproux. À mon coéquipier de toujours, Dominique Cordellier, une fois de plus et plus que jamais, merci. Enfin, les auteurs et moi-même tenons à remercier Daniel Aimar, Maryan Ainsworth, Stijn Alsteens, Aurélien André, Élisabeth Antoine, Cristina Arlian, Françoise Auger-Feige, François Avril, Claire Baisier, Muriel Barbier, Dominique Bardin-Bontemps, Pantxika Béguerie-de Paepe, Holm Bevers, Rachel Billinge, Monique Blanc, Till-Holger Borchert, Pierre de Bourgoing, Xanthe Brooke, Emmanuelle Brugerolles, Véronique Bücken, Viviane Bulckaen, Hans Buys, Laurence Castany, Jean-Gérald Castex, Hugo Chapman, Raphaëlle Chossenot, Andrea Clarke, Elizabeth Cleland, Philippe Couton, Isabelle Dangy, Stéphanie Diane Daussy, Ana Debenedetti, Francesca Debolini, Sabine Delanes, Clarisse Delmas, Florence Delteil, Veerle De Meester, Stephanie Deprouw-Augustin, Mark Dimunation, Dominique Dollé, Rita van Dooren, Anaïs Dorey, Dan Ewing, Theresa Fairbanks-Harris, Molly Faries, Sam Fogg, Guillaume Fonkenell, Marie-Madeleine Fontaine, Frances Fowle, Aline François, Paul Gache, Françoise Gatouillat, Noël Geirnaert, Matthieu Gilles, Gauthier Gillmann, Joshua Glazer, Aude Gobet, Hélène Grollemund, Bob Haboldt, John Hand, Lynley Herbert, Sandra Hindman, Jack Hinton, Élisabeth Hipp, Agathe Jagerschmidt, Jérôme Jambu, Nathalie Jaudel, Catherine Jenkins, Krista de Jonge, Sophie Jugie, Stephan Kemperdick, Constance de Kersaint, Guillaume Kientz, Franz Kirchweger, Eberhard König, Ariane de La Chapelle, Suzanne Laemers, Marie-Ange Laudet-Kraft, Fabrice Laurent, Olivier Laville, Hélène Lebedel, Alexandre Leducq, Isabelle Leegenhoek, Michele Leinen, Martine Lemot, Séverine Lepape, Laurence Lhinarès, Jean-Marie Linsolas, Ger Luiten, Jeroen Luyckx, Lorraine Mailho, Agnès Malpel, Patrick Mandron, Judy Mann, Clara Marsal, Maximiliaan Martens, Fabrice Masson, Maïté Metz, Eva Michel, Hermann Mildenberger, Jeffrey Miller, Antoine Mongodin, Janette Moran, Vladimir Nestorov, Charles Noble, Gilles Noël, Fleur van Paassen, Thierry Palanque, Philippe Palasi, Caroline Palmer, Sabine Penot, Françoise Perrot, Paul de Pessemier, Nathalie Pincas, Laurent Poichotte, Florence Portallegri, Cristina Quattrini, lord Radnor, Paulus Rainer, Vanessa Remington, Catherine Renaux, Marie-Hélène de Ribou, Julie Rohou, Pierre Rosenberg, Jean-Michel Roudier, Vincent Rousseau, Jochen Sander, Olivia Savatier, Claire Scamaroni, Jan Schmidt, Cliff Schorer, Emmanuel Schwartz, François Seguin, Tico Seifert, Vanessa Selbach, Manfred Sellink, Colin Shearer, Nathaniel Silver, Robert Skwirblies, Martin Sonnabend, Lesley Stevenson, Marja Stijkel, Sarah Toulouze, Christine Trescartes, Ilona van Tuinen, An Van Camp, Étienne Vaquet, Inès Villela-Petit, Charles Villeneuve de Janti, Ludmila Virassamynaïken, Marina-Pia Vitali, Catherine Voiriot, Sarah Vowles, Caroline Vrand, Lucy Whitaker, Scott Wilcox, Thierry Zimmer. cécile scailliérez
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DS Automobiles
Grand mécène de son temps, François I er s’attacha tout au long de son règne à soutenir les arts. Roi emblématique du rayonnement de la Renaissance française, il a manifesté son ouverture au monde en partageant ses intérêts pour les arts, entre prestige de l’Italie et goût pour la production artistique des Pays-Bas. Jean Clouet, Corneille de La Haye dit Corneille de Lyon, Godefroy le Batave, Noël Bellemare, Grégoire Guérard, Bartholomeus Pons…, autant de noms qui ne manquèrent pas de séduire le souverain et ses contemporains. Quelque cinq cents ans plus tard, avec l’exposition « François I er et l’art des Pays-Bas », le musée du Louvre célèbre ces artistes qui se sont illustrés dans des techniques aussi diverses que l’enluminure, la peinture, le vitrail, la tapisserie, la sculpture. Une exposition inédite qui met en lumière un pan oublié de la vie des arts en France, dont elle révèle la valeur, l’intérêt et la beauté. Artistes remarquables, François I er audacieux et précurseur, le Louvre et son iconique Pyramide, DS et son esprit d’avant-garde partagent cette même ambition, celle d’offrir au monde un regard différent. Une vision moderne qui place l’attention au détail et l’innovation au cœur du processus créatif. Née à Paris, DS Automobiles entend incarner dans l’automobile le savoir-faire français du luxe. Aussi sommes-nous heureux d’accompagner le Louvre dans la découverte de l’œuvre de ces artistes souvent injustement méconnus.
yves bonnefont directeur général de la marque DS
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Cercle International du Louvre
Créé en 2007 par les American Friends of the Louvre et le musée du Louvre, le Cercle International du Louvre a pour mission de soutenir d’ambitieux projets internationaux portés par le musée, comme l’exposition « François I er et l’art des Pays-Bas », à laquelle il est fier d’apporter son soutien. Cette exposition, en particulier, convient parfaitement à notre mission. L’intérêt de François I er pour l’art s’étend largement au-delà de la France. En effet, son goût pour l’art italien est bien connu. Il a invité des artistes italiens à sa cour pour décorer son château de Fontainebleau, qui est devenu un centre artistique de premier plan, et sa relation intime avec Léonard de Vinci a permis de faire entrer dans le patrimoine national des chefs-d’œuvre mondialement connus du maître italien, comme La Joconde. Son règne, cependant, était également marqué par la présence forte et continue d’artistes néerlandais à la Cour ou dans le royaume, lesquels reçurent de nombreuses commandes. Les artistes du Nord les plus connus étaient Jean Clouet, Corneille de La Haye (ou Corneille de Lyon) et Joos van Cleve, spécialisés dans l’art du portrait. L’exposition présente de nombreuses œuvres de grandes figures, mais aussi d’autres artistes dont le talent s’exprimait autant dans la peinture religieuse que dans le domaine des manuscrits, de la tapisserie, de la sculpture ou encore des objets d’art. Elle met ainsi en évidence une facette unique de la Renaissance française tout en permettant au public de découvrir des chefs-d’œuvre de maîtres de l’Europe du Nord dont l’esthétique devrait le captiver.
christopher forbes Chairman Cercle International du Louvre
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Préface
Au milieu du xx e siècle, sir Anthony Blunt, dans son manuel justement remarqué sur l’art et l’architecture en France entre 1500 et 1700, présentait encore la quasi-totalité de l’art français de l’époque de François I er sous le signe de l’Italie. Les héros de cette histoire s’appelaient les Juste, Rosso Fiorentino, Francesco Primaticcio, Sebastiano Serlio… Depuis 1972, le Louvre, à travers le programme d’expositions dont il a eu la responsabilité, tant dans ses propres murs qu’au Grand Palais, a montré combien il était aisé de suivre cette ligne apparemment dominante dans l’art du temps : le dossier sur « La Collection de François I er » (1972), celui sur Le Christ mort de Rosso (2004), la grande exposition sur « L’école de Fontainebleau » (1972) ou encore la vaste présentation de l’œuvre de « Primatice, maître de Fontainebleau » (2004) ainsi que l’enquête sur la Sainte Anne de Léonard de Vinci (2012) en ont fait la démonstration. Mais à côté de cette extraordinaire aptitude à faire sien le prestige de la peinture et de la sculpture d’outremonts, à en accueillir les plus grands acteurs – Léonard de Vinci, Andrea del Sarto… –, la France a toujours su faire une place aux artistes venus du Nord, à leurs idées si fécondes dans le genre du portrait, du paysage, de la « drôlerie » et, avec plus de force encore, dans l’art sacré, comme s’il avait fallu toute la finesse du goût septentrional, toute sa spiritualité, tout son sens du concret pour contrebalancer le prestige et le brio antiquisant et impérial de l’Italie. Ce fait, essentiel mais devenu trop discret aux yeux des historiens, des connaisseurs et des critiques, appelait une reconstruction quasi archéologique, assez comparable à celle conduite plus tôt par les historiens de l’art pour révéler les « Primitifs français » des x i v e et x v e siècles. Les résultats de l’enquête menée sur les cinquante dernières années ont été à la mesure de l’ampleur des recherches et il nous a semblé, étant donné la singularité des œuvres remises en lumière, qu’il fallait en exposer les conclusions au public du Louvre à travers une grande manifestation. Nous savons gré à Cécile Scailliérez, conservatrice en chef au département des Peintures, de s’en être chargée. Pour ce faire, elle s’est appuyée non seulement sur ses propres recherches, mais aussi sur les compétences de collaborateurs nationaux et internationaux et, tout autant, sur le savoirfaire et l’enthousiasme des équipes du musée, que nous remercions pour leur concours. Nous espérons que les visiteurs seront sensibles au fait que cette exposition ne se limite pas à réunir des œuvres conservées de par le monde dans les musées et bibliothèques publiques, mais rassemble aussi des pièces sans doute moins connues mais non moins magistrales – tableaux, vitraux, sculptures… – venues des églises et des collections particulières de notre pays. C’est enfin un agréable devoir de dire notre gratitude à tous ceux qui ont soutenu cette entreprise, et particulièrement à DS Automobiles, au Cercle International du Louvre ainsi qu’à la Sauvegarde de l’art français, sans laquelle les tableaux de l’église de Chouzé-sur-Loire et de la basilique de Saint-Quentin n’auraient pu être présentés. sébastien allard directeur du département des Peintures
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Préface
sébastien allard
Avant-propos
8
cécile scailliérez
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Permanence du courant flamand en France
13
La persistance des traditions locales : le cas de Gauthier de Campes
frédéric elsig
14
c a t. 1 à 4
La vague du maniérisme leydo-anversois en France autour de 1520
31
Un courant maniériste venu du Nord Le rayonnement de Jan de Beer et de la culture leydo-anversoise
32
cécile scailliérez
le maître d’amiens et la picardie
49
c a t. 5 à 31
g o d e f roy l e batav e e t l e m a î t r e du c a rc e r d ’ a m o u r
109
noël bellemare : manuscrits enluminés, peintures, vitraux, tapisseries
133
c a t. 32 à 40 c a t. 41 à 67
L a p a r t n o r d i q u e d u p o r t r a i t e n F r a n c e s o u s F r a n ç o i s I er Le portrait « français » sous François I
er
cécile scailliérez
193 194
c a t. 68 à 116
Les achats de François I er aux Pays-Bas et l’invitation de Joos van Cleve Les tableaux nordiques de François I
er
289
cécile scailliérez
290
michèle bimbenet-privat
298
c a t. 117 et 118
Orfèvrerie et politique : le cas Vezeler c a t. 119
Les tapisseries « nordiques » de François I er
jean vittet
310
c a t. 120 à 125
Artistes des Pays-Bas du Nord en Champagne et en Bourgogne
335
Un courant hollandais
336
cécile scailliérez
c a t. 126 à 144
Flamands sur le chantier cosmopolite de Fontainebleau
389
Le paysage néerlandais dans la gravure de l’école de Fontainebleau
390
catherine jenkins
c a t. 145 à 161
Épilogue
419
Biographies des artistes
427
Bibliographie
436
Index
462
Crédits photographiques
478
c a t. 162 et 163
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cécile scailliérez
Avant-propos
Montrer que les arts en France sous François I er ne se résument pas au triomphe de l’italianisme amorcé par Charles V I I I et Louis X I I que les histoires générales en retiennent, présenter au contraire cette culture cisalpine, jusqu’ici plus négligée, qui de longue date pourtant imbrique sans frontières les courants français, néerlandais et germaniques au nord des Alpes et continue d’être vivace et inventive sous François I er, tel était le projet que nous avions proposé lorsque se profilèrent à l’horizon 2015 les célébrations nationales de l’avènement de François I er. Il était paradoxal et militant, de ceux qui ne s’imposent pas aisément, et c’est pourquoi il se réalise deux ans plus tard. À l’inverse des manifestations passées, son propos est fondamentalement stylistique, et le François I er du titre de l’exposition dépasse la personne et le mécénat du souverain pour recouvrir le cadre chronologique de son règne : il s’agit ici de voir que la France de François I er a aussi été une terre d’accueil pour les artistes des Pays-Bas. Moins labouré, ce champ est même encore en partie en friche, et l’enquête à peine entamée dans certaines régions du royaume. L’exposition n’a donc pas l’ambition de présenter un panorama exhaustif de la question mais plutôt des courants et des foyers logiquement perceptibles à la fois dans le milieu royal – en Touraine et en Île-de-France – et dans les régions situées aux confins des Pays-Bas – en Picardie – ou sur les limites orientales du royaume, sur un axe nord-sud qui, traversant la France, met les Pays-Bas en relation avec l’Italie – en Champagne et en Bourgogne. Certains de ces artistes venus du Nord, tellement identifiés à l’art français, sont bien connus, mais leur appartenance à la culture septentrionale oubliée : il en va ainsi de Jean Clouet, que l’on voit ici collaborer avec Godefroy le Batave ou l’Anversois Noël Bellemare, et de Corneille de La Haye, Hollandais devenu Lyonnais. Plutôt que de les isoler dans leur spécialité, le portrait, qui est en effet une part de leur originalité, il est essentiel de les rattacher à leurs compatriotes, de les insérer dans le milieu qui voit se perpétuer jusqu’en 1530 l’influence des Flandres et du Hainaut dans le vitrail et la tapisserie française, s’épanouir vers 1520-1525 en Picardie et en Île-de-France comme nulle part ailleurs en dehors des Pays-Bas la vogue du maniérisme hyper-gothique leydo-anversois, et simultanément s’implanter avec force en Bourgogne des Hollandais subtilement romanisants. On constate ainsi que ces artistes ont été grandement impliqués dans ce qui constituait la part essentielle de la peinture, la production religieuse.
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Tout cela a été déterminant, au même titre que le maniérisme italien de Fontainebleau qui lui succède, pour le développement des artistes autochtones, et l’analyse de cette double influence du Nord et du Sud justifierait une exposition spécifique explicitant l’originalité de cette synthèse. Même s’il promeut une vision renouvelée de l’art en France sous François I er , ce travail n’est pas véritablement pionnier. Il s’inscrit dans le sillage de la mémorable exposition du « Seizième siècle européen dans les collections publiques françaises » organisée en 1965 par Michel Laclotte, qui y avait révélé avec une intuition que nous sommes aujourd’hui nombreux à saluer des panneaux passionnants dont certains ont pu depuis sortir de l’anonymat, tout particulièrement ceux de Grégoire Guérard. Peu auparavant, Jacques Thuillier avait reconnu dans les profondeurs de la Nièvre le Hollandais qui se cache encore sous le nom de Maître de Dinteville. Il est évidemment impossible de citer ici tous les conservateurs et chercheurs qui ont œuvré à la résurrection de ce chapitre de l’art en France, mais je voudrais souligner les apports considérables de Myra Orth dans le domaine de l’enluminure, de Peter van den Brink dans l’étude de l’incidence du maniérisme anversois sur l’art français, de Guy-Michel Leproux sur Noël Bellemare et de Frédéric Elsig sur Grégoire Guérard. Une exposition n’est pas un livre, sa construction est contingente. En dépit de l’immense générosité d’une écrasante majorité de prêteurs, plusieurs œuvres essentielles manquent à l’appel et leurs reproductions au catalogue ne suffiront pas à réparer le préjudice que constitue le refus de leur prêt : le volume des Commentaires de la Guerre Gallique de la Bibliothèque nationale de France dans lequel Jean Clouet travailla sur la même double page que Godefroy le Batave, L’Adoration des Mages de Noël Bellemare, son chef-d’œuvre découvert en 2013 au Kunstmuseum de Bâle, le Portrait de François I er de Philadelphie, que Joos van Cleve peignit vers 1532, la tapisserie d’après Jérôme Bosch que François I er fut seul de son temps à posséder (Madrid, Patrimonio Nacional), et le Moïse et Aaron devant Pharaon du Metropolitan Museum à New York que le Maître de Dinteville peignit pour Polisy (Aube), en pendant des Ambassadeurs de Holbein. Étant donné la rareté des vestiges de cet art, rien ne pouvait les remplacer et c’est avec leurs images en tête que devra être parcouru le chapitre méconnu de l’art en France que nous ouvrons ici.
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Permanence du courant flamand en France
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frédéric elsig
La persistance des traditions locales : le cas de Gauthier de Campes d étérminé par la géographie naturelle et par les réseaux économiques, le « courant néerlandais » véhicule de manière continue des œuvres et des artistes dans le royaume de France, en assurant la mise à jour périodique des modèles stylistiques. Sous Louis X I I , plusieurs peintres flamands et hollandais y séjournent plus ou moins durablement. Certains ne sont plus connus aujourd’hui que par une œuvre isolée et restent insaisissables, comme l’auteur de La Déploration du Christ de Saint-Alpin (Cornelis de Delft ? ; fig. 120) 1, formé dans le sillage du Maître de Delft, celui de la Sainte Catherine du musée des Beaux-Arts de Lyon, sans doute un Anversois au service d’Anne de Beaujeu (Godevaert van Haesten ?) 2, ou encore celui de La Déposition de Croix du musée des Augustins à Toulouse , peut-être un Hollandais sur la route de l’Espagne. D’autres s’installent dans le royaume de France et finissent par se fondre dans les traditions locales, qui se fixent précisément entre la fin du x v e et le début du x v i e siècle. Parmi eux, Gauthier de Campes, dont la redécouverte est récente, illustre de manière exemplaire deux phénomènes que l’on observe ailleurs : d’une part, l’assimilation d’un peintre néerlandais à la production d’un foyer artistique au temps de Louis X I I ; d’autre part, la persistance des traditions locales durant la première partie du règne de François I er, entre 1515 et 1530 environ. Du point de vue documentaire, Gauthier de Campes (Wouter van Campen en néerlandais) nous est aujourd’hui relativement bien connu 3. Né en 1468 4, il est d’abord documenté à Bruges, où il entre en apprentissage chez Jan Fabiaen en 1480 et devient franc-maître en 1490 5. Mais il est sans doute originaire de Tournai, où son patronyme se retrouve fréquemment et où travaillent notamment Pierre Ferret, lui aussi formé dans l’atelier brugeois de Fabiaen avant de devenir maître à Tournai en 1483-1484, ainsi qu’Henri de Campes, probablement son oncle 6. Ce dernier, documenté comme verrier dès 1473, a pu le recommander pour travailler aux vitraux du déambulatoire de la cathédrale de Tournai (remontés au milieu du x i x e siècle dans le transept) aux côtés d’Arnoult de Nimègue 7. À la fin des années 1490, l’équipe est dispersée. Arnoult de Nimègue s’installe alors à Rouen durant une dizaine d’années avant de retourner dans les anciens Pays-Bas, plus précisément à Anvers, où il est documenté en 1513 8. De son côté, Gauthier de Campes s’établit à Paris dès 1499, comme l’indique le quatrain qui accompagnait un portrait tissé de Robert Gaguin à l’âge de soixante-six ans en 1 Hermant, [2013] à paraître, I, p. 426 ; Scailliérez, 2015b, p. 140. 2 Elsig, 2014a, p. 77-79, n o 13 (notice de I. Kiss). 3 Hérold, 1998 ; Leproux, 2001, p. 37-108, 190-193. 4 Date déduite d’un document parisien de 1530, où il se dit âgé de soixante-deux ans ; Leproux, 2001, p. 193. 5 Girault, 2002. 6 Nassieu-Maupas, 2013a. 7 Leproux, 2001, p. 81-85. 8 Lafond, 1942 ; Hérold, 2003.
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fig. 1 gauthier de campes Le Droit de pesage vers 1495-1499 tournai, cathĂŠdrale
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La vague du maniĂŠrisme leydo-anversois en France autour de 1520
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cécile scailliérez
Un courant maniériste venu du Nord Le rayonnement de Jan de Beer et de la culture leydo-anversoise il faut, pour comprendre le chapitre de l’art français abordé ici, avoir en tête l’épanouissement fulgurant d’un nouveau foyer artistique à Anvers dans les deux premières décennies du x v i e siècle. Quentin Metsys, Joos van Cleve, Joachim Patinir et, moins connu de nos jours, Jan de Beer [cat. 5, 6 et 35] , mais aussi les ateliers de sculpteurs qui produisirent des retables polychromes d’un style nouveau concurrençant ceux de Bruxelles, sont les acteurs majeurs de cette éclosion d’une école anversoise 1. La ville attire les artistes de partout, certains aussi fameux que Dürer et Lucas de Leyde, qui s’y croisent en 1520-1521, ou plus obscurs, comme deux Français qui s’y installent, le mystérieux sculpteur Robert Moreau, impliqué dans l’exécution de retables 2, ou le graveur-éditeur Sylvester van Parijs, qui précède d’une génération le plus célèbre Christophe Plantin 3. Il s’y développe un maniérisme mêlant plusieurs traditions néerlandaises dans un style dominé par l’artifice et l’élégance de l’interprétation qu’il donne des schémas du x v e siècle et par l’influence radicale des toutes récentes gravures de Dürer. Autour des ténors cités plus haut et dont Jacob van Oostsanen, Cornelisz. Engebrechtsz et Lucas de Leyde sont les équivalents hollandais, ce « maniérisme leydo-anversois » est surtout le fait de peintres encore souvent anonymes dont les corpus conservent des contours flous, tels que Pseudo-Bles 1 Didier, 1961 ; Nieuwdorp, 1993 ; Jacobs, 1998. Parmi
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les plus impressionnants des retables anversois qui furent exportés en France, on peut citer le retable de Fromentières (Marne) et celui destiné par l’amiral Chabot au château de Pagny (aujourd’hui Philadelphie, Museum of Art). http://oxfordindex.oup.com/view/10.1093/oi/ authority.20110803100209207. Delen, 1943a, p. 110-111 ; Adhémar, 1971, p. 106-107 ; Boon, 1972, p. 51-52 ; Luyckx, 2014. Ewing, 2016, p. 97-105. Sur le vitrail anversois, voir Cauwenbergh, 1891, p. 12-19. Bois ; H . 0,80 ; L . 1,90 m ; légèrement coupés latéralement ; Ledru, 1924, p. 54-56. Je remercie Dominique Cordellier de m’avoir signalé ces panneaux dès 2001 et Thierry Crépin-Leblond, Emma Capron, Antoine Lataste et surtout Fabrice Masson pour l’aide qu’ils m’ont apportée lors de leur étude. Fabrice Masson a le premier avancé le nom de Jacob van Oostsanen mais on peut aussi penser au Jan de Beer de La Nativité de Cologne, que Dan Ewing situe vers 1510 et propose de rattacher à un mécénat bénédictin (2016, n o 6, p. 298-299). S’il se révélait exact, ce mécénat fut peut-être le vecteur d’une telle culture sur l’abbaye bénédictine de La Couture. La présence de ces œuvres au Mans peut être liée au cardinal évêque du Mans Philippe de Luxembourg. Dans son entourage, le chanoine Baudouin de Crépy offre peu après à la cathédrale du Mans la tenture de la Vie de saint Julien sur un carton de Gauthier de Campes ( AAVV , dans Arminjon, 2004, p. 85-95). Les panneaux sont usés et repeints. Leur préparation est maigre et le dessin sous-jacent bien visible. Les sources publiées n’en offrent apparemment pas la trace.
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[cat. 55] , le Maître de l’Adoration d’Anvers, le Maître de l’Adoration van Groote, le
Maître du Martyre des deux saint Jean. À la différence de Metsys et de Joos van Cleve, dont on ne connaît aucun dessin sûr, ils firent un usage complexe de dessins de répertoire dont nous ne démêlons qu’à peine les inventions et les avatars. Or, bien avant que Joos van Cleve ne soit invité par François I er vers 1532, certains de ces artistes vinrent en France, comme le Maître d’Amiens ou Noël Bellemare, que l’on pense être tous deux à leur manière d’anciens compagnons de Jan de Beer. Celui-ci fut impliqué dans plusieurs verrières 4, mais ce prolongement spécifiquement français du maniérisme anversois a, bien plus qu’à Anvers, amplement touché aussi l’enluminure et le vitrail.
premières répercussions en france dès 1515 Les effets de ce maniérisme anversois atteignirent vite la France, mais selon des modalités que l’on ne s’explique pas bien encore. C’est le cas de deux panneaux de NotreDame-de-la-Couture au Mans (fig. 8) , vestiges d’un retable offert par Michel Bureau,
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fig. 8
abbé du lieu entre 1496 et 1518, dont ils portent les armoiries et le portrait 5. Peints sous Louis X I I car son porc-épic emblématique y apparaît, ils pourraient provenir d’un ex-voto lié aux épidémies de peste qui frappèrent Le Mans en 1484 et 1500 et menaçaient encore en 1515. On ignore tout de leur auteur. Leur style est profondément anversois, leur chromatisme lumineux et leur métier empâté plus hollandais, et c’est entre Jacob Cornelisz. van Oostsanen et Jan de Beer que l’on est tenté de les situer 6. Mais leur structure inhabituelle pour Anvers et leur iconographie très spéci-
fig. 8 a n o n y m e n é e r l a n da i s ?
rustique et dépourvue de la transparence de la manière septentrionale 7. Sont-ils le fait
L’Adoration des Mages, Saint Thomas, La Décollation de saint Jean Baptiste
d’un peintre local connaissant des modèles anversois 8 ou d’un peintre néerlandais
l e m a n s , é g l i s e n o t r e - da m e - d e - l a - c o u t u r e
fique incitent à penser qu’ils ont été peints sur place, de même que leur technique
vers 1515-1520
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La part nordique du portrait en France er sous Franรงois I 193
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Le portrait « français » sous François I er s’il est un domaine dans lequel la prééminence de l’italie dans le développement des arts en France sous François I er n’a jamais été revendiquée et ne s’est en effet pas affirmée, c’est bien celui du portrait. Cela est d’autant plus étrange que le portrait italien connaît dans la première moitié du x v i e siècle un épanouissement d’une modernité extraordinaire et que Charles I I d’Amboise avait, avec Andrea Solario, ouvert la voie à son influence en France 1. Sans aucun doute n’était-ce pas là que résidait, aux yeux d’un ultramontain italophile tel que François I er, la quintessence de la culture classique. Le portrait du Dauphin « âgé de quelques mois et emmailloté » peint par Andrea del Sarto a disparu 2 ; seul un portrait de dame vêtue 1 Bien qu’il apparaisse plus dur que les portraits de la main
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même de Solario, le Portrait de Charles II d’Amboise du Louvre ( I N V . 674), daté vers 1510, est un des rares portraits de modèles français sur fond de paysage (Brown, 1987, n o 55 ; Scailliérez, 2007, p. 101). Vasari (éd. 1878-1885, V , p. 30) précise que le roi le paya 300 écus d’or ; peut-être celui que la reine Claude envoya à Henry V I I I d’Angleterre, dont la fille Mary était déjà fiancée au Dauphin, et dont fait état la lettre d’un émissaire vénitien à Londres en décembre 1519 (Calendar of State Papers…, 1867, doc. n o 1298, p. 566 : http://www.british-history.ac.uk/cal-state-papers/ venice/vol2/pp566-567, cité par James, 2009, p. 266). Bois, H . 0,82 ; L . 0,62 m ; Cleveland, Cleveland Museum of Art, inv. 1944.92 ; Natali, 1998, p. 121, fig. 113. Bois, H . 0,73 ; L . 0,53 m ; Somerley House, collection du duc de Normanton ; Cordellier, 2011c , p. 292. François I er dispensa cependant son fils François du droit d’aubaine qui lui réservait la possession des biens de Jean, étranger : voir ici biographie, p. 428. Voir ici biographie, p. 429. En 1514, en 1519 et peut-être même en 1521 s’il est l’auteur du portrait (perdu) de William Fitzwilliam peint à la hâte en 1521 et envoyé à Henry V III avant que le peintre qui le fit n’aille lui-même en Angleterre (Brewer, 1867, p. 466, doc. n o 1227 : http://www.british-history. ac.uk/letters-papers-hen8/vol3/pp461-480. Le peintre n’est pas nommé mais désigné comme « estimé proche du peintre du roi qui est malade » [Bourdichon]. Perréal occupait alors en effet le second rang derrière Bourdichon dans les comptes royaux). Bois, H . 0,46 ; L . 0,33 m, très usé ; New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 32.100.114 ; Sterling, 1955a, p. 24-26 (« Peintre inconnu ») ; Sterling, 1963, p. 11 ; Scailliérez, 2015a, p. 187. À cette date, il peint Jacques Thiboust (perdu), voir biographie, p. 428. Principalement à Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage (Novosselskaïa, 2004, n os 5 à 9, p. 30-39). On peut en rapprocher un Portrait d’homme vendu sous une attribution à Holbein avec la collection Nicolas de Szemere, Vienne, Dorotheum, 9-17 décembre 1910, n o 593, repr. Welbeck Abbey, Portland Collection, D . 4 cm ; Scailliérez, 2015a, p. 182-184. Campbell (1990, p. 64 note 97) a signalé des œuvres de ce genre dès 1516 dans l’inventaire de Marguerite d’Autriche. À moins qu’il ne faille lui attribuer les portraits de style très brugeois du « Maître des portraits Brandon » ? Van Mander, 1604, f o 222 v o ; Van Mander, éd. 1994-1999, I , p. 149, III , p. 120.
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à la française a été rattaché à son bref séjour français 3 et celui d’une autre dame tenant un livre à son élève Andrea Polastron, dit il Sguazzella, resté en France jusqu’en 1537 4. De Rosso comme de Primatice, aucun portrait autonome n’est précisément documenté ou conservé que l’on puisse explicitement rattacher au règne de François I er. Que les Italiens en France aient peint des portraits, Luca Penni en particulier, et que l’on ait trop négligé de les intégrer dans l’histoire du portrait « français » est probable, mais ce ne sont pas eux qui donnèrent le ton du portrait, de format moyen et de conception très posée, abondamment produit en France dans la première moitié du x v i e siècle. Deux noms de peintres viennent immédiatement à l’esprit si l’on songe au portrait français du temps de François I er, ceux de Jean Clouet et de Corneille de Lyon, qui – et ceci même est original – se firent une spécialité de ce genre. Ni l’un ni l’autre n’étaient en fait natifs du royaume : Jean Clouet, dont la première apparition dans les archives royales date de 1516, venait probablement de Valenciennes, en Hainaut, et Corneille, dit « de Lyon » où il fut actif au plus tard à partir de 1534, venait de La Haye, dans le comté de Hollande. Le premier mourut sans avoir reçu de lettre de naturalité 5 et Corneille n’en obtint qu’à l’avènement d’Henri I I 6. Portraitistes des sujets de François I er, princes, seigneurs ou simples individus non identifiés mais non moins remarquables, ils ont été logiquement intégrés dans l’école française mais sont en fait les plus célèbres des peintres néerlandais actifs en France sous le règne de François I er. Bien que tous deux porteurs d’aspects distincts de la culture des Pays-Bas, et incarnant chacun une conception et un style différents, ils ont été en partie analysés comme les héritiers d’un peintre français qui était leur aîné, Jean Perréal, connu surtout pour son
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les comptes royaux jusqu’en 1527 et présent à Lyon entre 1522 et cette date. Portraitiste officiel, missionné en Angleterre à plusieurs reprises pour l’exécution de portraits à fonctions diplomatiques 7, il est sans doute, comme le pensait Sterling, l’auteur du Portrait de M. de Bellefourière daté de 1521 8, qui est postérieur de cinq ans à la première œuvre documentée (mais perdue) de Jean Clouet 9.
jean (janet) et polet clouet, fils de michel clauwet, de valenciennes en hainaut Que Perréal ait été un modèle pour Jean Clouet est attesté par le rôle que prirent dans son art de portraitiste les dessins à la pierre noire et à la sanguine, très vifs, très libres, très subtils, par lesquels il saisissait sur le vif la ressemblance des modèles et dont la plupart, conservés à Chantilly, constituent la base de l’attribution de ses tableaux et miniatures [cat. 71, 80, 83 et fig. 60 et 61] . Quelques dessins de Perréal de ce type en sont les antécédents directs 10. De même la redécouverte, à Welbeck Abbey, d’un
l e p o r t r a i t « f r a n ç a i s » s o u s f r a n ç o i s i er
activité au service des précédents rois Charles V I I I et Louis X I I , mais mentionné dans
portrait en médaillon de Louis X I I peint à la gouache sur vélin par Perréal dans une technique très graphique qui lui est propre (fig. 72) atteste que le petit portrait en miniature autonome sur fond bleu, dont l’invention était encore récemment discutée entre Jean Clouet en France [cat. 74 et 75] et Lucas Horenbaut en Angleterre [cat. 76 et 77] , était pratiqué à la cour de France avant même l’avènement de François I er 11. Un
Portrait présumé de Guillaume de Montmorency que nous proposons ici d’attribuer à Perréal [cat. 69] montre exactement le point de tangence entre les deux peintres. La vivacité et la spatialité des portraits de Clouet, qu’ils soient dessinés ou peints à la gouache, dépassent toutefois celles de leurs précédents chez Perréal et de leurs équivalents « anglais » chez Horenbaut, dont par ailleurs aucun dessin ni aucun panneau assuré ne sont connus 12. La parenté des médaillons de Horenbaut, premiers du genre dans la peinture anglaise, avec l’art de Jean Clouet s’inscrit en fait dans le contexte d’échanges diplomatiques accrus entre les deux souverains autour de 1526-1527, qui sont aussi les années pendant lesquelles Holbein, après avoir voyagé en France, séjourne pour la première fois en Angleterre (1526-1528). Si, comme le dit Van Mander13,
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l a p a r t n o r d i q u e d u p o r t r a i t e n f r a n c e s o u s f r a n ç o i s i er
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fig. 61
il y fut initié par Horenbaut au portrait en miniature, ce fut plutôt lors de son second séjour, à partir de 1532. En revanche, c’est à ce moment que Holbein abandonne la pointe d’argent et adopte pour dessiner les portraits la technique des trois crayons 14 Mellen, 1971, p. 25-26 (qui renvoie à Ganz, 1921, et 15
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à Pope-Hennessy, 1949) ; Bätschmann, 1999, p. 140-141. Lui aussi impressionné, à Bourges, non seulement par la plasticité des portraits funéraires des ducs de Berry, qu’il copia, mais aussi par le Charles VII de Fouquet (voir son Portrait de Guilford, 1527, Windsor Castle ; Scailliérez, 1996a, p. 70-72). Boyer, 1859, p. 5 (citant les Archives départementales du Cher, E/1018, f o 89 v o) ; Le Clech-Charton, 1989, p. 18 ; Charton-Le Clech, 1993, p. 52, date à tort le portrait de 1526. Scailliérez, 1996a, p. 68-70. Les médaillons de Clouet ont de même été rapprochés de l’autoportrait en émail de Fouquet (Mellen, 1971, p. 36). Voir biographie p. 428. Bois, H . 0,34 ; L . 0,30 m ; Colombus Museum of Art (Ohio), inv. 1948.003 ; rattaché à Bourdichon par Sterling (1952, p. 22) et attribué à Jean Clouet par Kurt Benedict (communication orale), Wescher (1976, p. 16) et Herman (2011, p. 227-229) ; une seconde version, passée en vente à Paris, hôtel Drouot, 31 mars 1973 (école flamande début X V I e) puis à New York, Sotheby’s, 25 janvier 2001, n o 34 (attribué à Jean Clouet), se trouvait sur le marché new-yorkais en 2016. Court texte apocryphe censé être une lettre de Lentulus, proconsul romain en Judée, adressée à l’empereur Tibère (http://data.bnf.fr/12069288/bible__n_t___-_ apocryphes__-_lettre_de_lentulus/) et décrivant le Christ. Dans le portrait de Colombus, le texte est attribué à Ponce Pilate. Le Groeningemuseum à Bruges conserve, parmi les anonymes du début du X V I e siècle (bois, H . 0,37 ; L . 0,30 m ; inv. 0.1617), un exemplaire légèrement différent de cette composition, sans l’inscription, mais de mêmes dimensions, où le visage nimbé du Christ est aussi présenté comme un portrait feint soutenu par des anges (De Vos, 1973, p. 24).
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(fig. 62) et c’est sans doute le signe qu’il fut impressionné par ceux de Clouet qu’il put
voir en France, bien que l’on n’ait aucun indice d’une rencontre précise entre les deux artistes, ni à Bourges ni à Tours 14. En revanche, force est de constater qu’à Londres Holbein révolutionne alors d’un seul coup l’art du grand portrait avec une force que Clouet n’égale pas en France 15. La présence de Clouet est attestée successivement à Tours et à Paris, mais il dut fréquenter Bourges aussi : c’est probablement là qu’il fit dès 1516 un portrait de Jacques Thiboust (perdu) 16, et son majestueux Portrait de François I er [cat. 78] , plus tardif, fait écho au Charles V I I de Fouquet qui se trouvait alors encore à la SainteChapelle de Bourges, où Holbein aussi dut le voir en 1524 17. Sans doute fut-il d’autre part influencé par l’œuvre de son compatriote Jean Hey, qui avait travaillé en Bourbonnais jusqu’au tout début du x v i e siècle. Il ne put voir précisément le Dauphin Charles Orland (fig. 63) peint par ce dernier en 1494, car l’œuvre était restée en Italie,
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fig. 60 jean clouet
Guillaume Gouffier, seigneur de Boisy c h a n t i l ly, m u s é e c o n d é , i n v. m n 1 5 3
fig. 61 jean clouet
Guillaume Gouffier Commentaires de la Guerre Gallique, f o 35 p a r i s , b n f, f r . 1 3 4 2 9
fig. 62 hans holbein (?)
Portrait d’homme wa s h i n g t o n , n a t i o n a l g a l l e ry o f a r t, c o l l e c t i o n w o o d n e r , i n v. 1 9 9 1 . 1 8 2 . 4
Le Dauphin Charles Orland 1494 pa r i s , m u s é e du l o u v r e , collection beistegui, rf 1942-28
fig. 64 jean clouet
Claude de Guise f l o r e n c e , pa l a i s p i t t i
fig. 62
mais il en vit certainement de comparables, aujourd’hui perdues, car rien n’est plus
l e p o r t r a i t « f r a n ç a i s » s o u s f r a n ç o i s i er
fig. 63 jean hey
proche de sa façon de modeler les plis des vêtements, dans les manches du François I er ou dans celles de Claude de Guise [cat. 78, 79 et fig. 64] , que cette manière de Jean Hey. Ce qui est nouveau, avec Jean Clouet, c’est qu’il se soit spécialisé dans le domaine du portrait. On sait qu’il peignit en 1522 un Saint Jérôme (perdu) 18 et on lui a attribué un « portrait du Christ » conservé au musée de Colombus 19 (fig. 89) dans lequel le Christ est figuré en tondo dans un cadre feint au-dessus d’une longue inscription copiant la lettre de Lentulus à Tibère 20, et où ses traits émaciés ont été abusivement identifiés avec ceux de François I er. Ce petit panneau frappe en effet par son mélange de tradition flamande
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fig. 63 fig. 64
et de caractérisation très fine, presque léonardesque, du visage. En dehors
de cette hypothèse, le corpus est entièrement constitué de portraits. Les dessins, de loin les plus nombreux, sont à de très rares exceptions près conservés à Chantilly [cat. 80 et 83] , les dessins ou miniatures insérés dans les livres le plus souvent associés
à l’œuvre d’autres enlumineurs (Godefroy le Batave, Bellemare, voire d’autres [fig. 65 et 66]) , et les peintures, il faut le souligner, étrangement rares et souvent très abîmées :
dix originaux connus à ce jour, dont huit réunis ici, deux autres que l’on est plutôt
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Les achats de er François I aux Pays-Bas et l’invitation de Joos van Cleve
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cécile scailliérez
l e s a c h a t s d e f r a n ç o i s i er a u x p a y s - b a s e t l ’ i n v i t a t i o n d e j o o s v a n c l e v e
Les tableaux nordiques de François I er François I er ne fut bien sûr pas le seul, durant son règne, à acheter des œuvres flamandes. Les quelques documents datés de 1541 et de 1548 publiés par Catherine Grodecki concernant le commerce des tapisseries donnent une idée de l’importance que ces pièces avaient acquise dans le goût et la culture des plus riches sous François I er1. Nul doute que les enquêtes systématiques et le hasard des découvertes dans les archives affineront notre connaissance du sujet, qu’il s’agisse de tapisseries ou de tableaux. Pour ce qui est du roi lui-même, s’il est possible de se faire une idée des tapisseries et de l’orfèvrerie flamandes que François I er avait acquises, non seulement à travers les comptes, mais aussi à travers plusieurs inventaires – celui des tapisseries établi en 1542 et récolé en 1552 2 et ceux des objets précieux dressés en 1537 et 1563 3 –, analysés respectivement dans les pages qui suivent par Jean Vittet et Michèle BimbenetPrivat, il n’en va pas de même pour les tableaux flamands, dont nous ne conservons pas d’inventaire aussi précoce. De rares extraits de comptes mentionnant des achats de tableaux flamands ont été publiés : en septembre 1528, Victor Brodeau, secrétaire de Marguerite, sœur du roi et reine de Navarre, fut envoyé par François I er en Flandres sous prétexte d’acheter « certains tableaux, pourtraictz et autres menuz ouvraiges […] dont il ne veult cy estre faicte aucune mencion », mais en vérité, deux lettres patentes ultérieures, dont une datée de février 1529, révèlent que Brodeau était en mission 1 Grodecki, 1986, I , p. 280, 318-320. 2 Inventaire de 1542 récolé à la suite du décès, en 1551,
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de Guillaume Moynier, tapissier royal responsable du garde-meuble du Louvre (sis à l’hôtel de Bourbon jouxtant le Louvre et confisqué en 1524 après la trahison du connétable) et publié par SchneebalgPerelman, 1971. Bimbenet-Privat, 1996. AN , K K 96, f os 551 v o et 665 r o. Le premier document a été publié par Guiffrey, 1879, p. 43. Je remercie Hortense de Reviers de l’avoir vérifié et d’avoir ainsi découvert la suite de l’histoire. AN , J 960/6, f o 20 r o ; publié par Sulzberger, 1960, p. 149-150. Sulzberger, 1960 ; Brown, 1981. AN , K K 100, f o 119 v o ; publié par Guiffrey, 1879, p. 43-44 ; Adhémar, 1946, p. 12. Leproux, 2001, p. 17-18 ; p. 195, pièce17 ; voir ici p. 298. Quentin Metsys, Collection du duc de Devonshire (Silver, 1984, n o 34). Madrid, Museo del Prado ; Venise, Palazzo Ducale, volet gauche du triptyque des Ermites. Voir Larsen, 1950a. On pense ici à de petites versions du type de celles des musées de Berlin (Gemäldegalerie, inv. N r. 1647) ou Rotterdam (Museum Boijmans van Beuningen). Larsen, 1950a, p. 5, 39. Voir ici p. 316. http://www.cnrtl.fr/definition/rebec. H . 0,54 ; L . 0,40 m ; Liège, musée d’Art wallon, inv. 374 (http://balat.kikirpa.be/object/10046887 ; Friedländer, 1967-1976, X III , n o 108, pl. 55) : communication orale, printemps 2017, dont je le remercie. Chez Marten van Cleve et Peter Baltens par exemple.
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secrète et que la somme qui lui avait été confiée n’était en réalité pas destinée à des tableaux mais à un certain personnage dont le nom est tu 4. Un paiement à Matteo del Nassaro de Vérone pour « plusieurs tableaulx » vendus par lui au roi le 23 février 15325 est trop imprécis pour que l’on puisse assurer qu’il s’agissait de tableaux flamands, bien que l’on sache que ce personnage fut non seulement peintre, cartonnier de tapisseries et de broderies et graveur en pierres dures, mais qu’il se rendit à plusieurs reprises à Bruxelles pour suivre le tissage des tapisseries et fut un pourvoyeur régulier de tableaux flamands, paysages surtout, auprès de collectionneurs de Vérone dont il était originaire ou de la cour de Mantoue 6. Beaucoup plus intéressante est la mention des tableaux acquis auprès de Jean Dubois, marchand d’Anvers, le 2 décembre 1529 : « L X X I I I livres L X V I sols pour trois tableaux en thoille esquelsz sont figurés assavoir : en l’un, les fantosmes de sainct Anthoine, en l’autre une danse de paisans, et en l’autre ung homme faisant ung rubec de sa bouche. X X V I I I écus X I I I I sols pour deux
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tableaux de la Passion, faictz à huille. LV I I livres V I I I sols pour quatre autres tableaux aussi faictz à huille, en l’un desquelz sont portraitz deux enfans eulx baisans ensemble ; en ung autre ung enfant tenant une teste de mort ; et en l’autre une dame d’honneur à la mode de Flandres portant une chandelle en son poing et ung pot en l’autre 7. » La suite précise que le roi a lui-même négocié le prix de ces tableaux avec Dubois et les a fait mettre « en son cabinet du Louvre ». Cette mention est intéressante à plus d’un titre : outre qu’elle fait intervenir Jean Dubois, que d’autres documents montrent comme intermédiaire entre le roi et Pierre de Pennemaker, tapissier bruxellois 8, elle nous apprend d’une part que les tableaux provenaient d’Anvers, d’autre part qu’ils étaient destinés au Louvre, et enfin leurs descriptions sont suffisamment précises pour étayer, dans un cas au moins, une identification, et dans d’autres, quelques hypothèses. On reconnaît en effet dans les « enfans eulx baisans ensemble » un sujet interl e s t a b l e a u x n o r d i q u e s d e f r a n ç o i s i er
prété par Quentin Metsys 9 et surtout par Joos van Cleve, dont l’atelier multiplia les versions, en s’inspirant vraisemblablement d’un prototype léonardesque de Marco d’Oggiono [cat. 117] . Parmi les autres sujets, certains sont trop communs pour être identifiables (la Passion), tandis que d’autres, comme la Tentation de saint Antoine, renvoient certainement à l’engouement pour ce thème consécutif aux inventions de Jérôme Bosch, dont le triptyque de la Tentation de saint Antoine aujourd’hui à Lisbonne mais aussi d’autres versions qu’il donna lui-même de ce sujet 10 suscitèrent dès avant sa mort en 1516 une infinité de variations et de dérivations 11, dont Marguerite d’Autriche par exemple possédait à son tour deux témoignages 12. François I er acquit d’ailleurs quelques années plus tard, entre 1534 et 1538, cinq tapisseries d’après Bosch dont une traitait ce même sujet 13 , et ce goût-là de François I er , que nous ne sommes malheureusement pas en mesure de mettre en évidence dans l’exposition, est certainement celui que nous imaginons le moins voisiner avec la galerie François I er de Rosso ou la chambre de la duchesse d’Étampes de Primatice. Il n’en est pas moins assuré et réel, même s’il résulte en partie des propositions à la mode des marchands. Les autres tableaux étaient manifestement des scènes de genre ou des allégories : la mention de l’« homme faisant un rubec avec sa bouche », énigmatique, pourrait désigner un homme faisant une grimace inspirée des têtes grotesques qui ornaient le
fig. 102 attribué à lambert lombard ?
Flûtiste grimaçant l i è g e , m u s é e d ’ a r t wa l l o n , i n v. 3 7 4
manche de certains rebecs, petites vièles à archet populaires à la fin du Moyen Âge 14. Patrick Le Chanu suggère de mettre cette mention en relation avec le Flûtiste grimaçant parfois attribué à Lambert Lombard 15 (fig. 102) . Il s’agit là d’une de ces « trognes » (tronies) dont Floris développa ensuite la mode, mais, pour être valide, l’hypothèse exigerait de dater le tableau dès la fin des années 1520, ce que ne permet pas son attribution, par ailleurs sans doute contestable, à Lombard. En revanche, le cas illustre à quel point la veine caricaturale de la peinture flamande et ses tableaux en quelque sorte « sans sujet » exerçaient sur François I er lui-même leur séduction. La « dame d’honneur à la mode de Flandres portant une chandelle en son poing et ung pot en l’autre » fait penser aux attributs de la mariée dans des tableaux satiriques plus tardifs 16, et il faut noter que de tous ces sujets, nous ne conservons que peu, voire pas, d’exemples qui soient assurément aussi précoces. Il en va ainsi de la danse de paysans, qui devait développer en peinture l’esprit des gravures allemandes de Dürer et de
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michèle bimbenet-privat
Orfèvrerie et politique : le cas Vezeler l e s a c h a t s d e f r a n ç o i s i er a u x p a y s - b a s e t l ’ i n v i t a t i o n d e j o o s v a n c l e v e
q u i s ’ i n t é r e s s e à l’ o r f è v r e r i e d e f r a n ç o i s i e r s o n g e i m m é d i at e m e n t à la fameuse salière de Benvenuto Cellini et au récit plus ou moins romancé que l’orfèvre laissa de l’élaboration de ce chef-d’œuvre vendu au roi de France. En revanche, le nom de Josse Vezeler n’évoque pas grand-chose au public français, hormis aux historiens de la tapisserie 1 qui connaissent son rôle dans la constitution de la collection de tapisseries bruxelloises réunie par François I er. C’est pourtant ce Flamand qui fut pendant au moins treize ans, de 1528 à 1541, l’un des principaux fournisseurs de l’orfèvrerie royale, totalisant à lui seul un volume de créances inégalé par ses concurrents, parisiens, provinciaux, italiens ou portugais. Pourquoi un tel oubli ? Sans aucun doute parce que les objets d’or et d’argent livrés par Vezeler au roi de France sont aujourd’hui conservés à l’étranger et n’ont été identifiés qu’à partir des années 1990. Surtout, et plus généralement, parce que l’historiographie a trop longtemps eu les yeux fixés sur l’Italie. En 1976, dans un bref chapitre consacré à la France au sein de son étude magistrale sur l’orfèvrerie de la Renaissance, John Forrest Hayward s’est contenté d’enchaîner, après un constat de la disparition regrettée des œuvres, les seuls noms de Benvenuto Cellini, Rosso Fiorentino, Jacques Androuet du Cerceau et Étienne Delaune 2. Il n’a pas davantage cité le nom de Vezeler dans son chapitre sur les Pays-Bas, alors même qu’il notait la position dominante du port d’Anvers en matière de commerce international et la réputation brillante de ses orfèvres et de ses diamantaires 3. Plus récemment, Janet Cox-Rearick, dans son livre qui fit date sur la collection de François I er, mentionnait « Georges Vezeleer » (une graphie franco-flamande inconnue des comptes royaux) comme le marchand anversois qui vendit au roi les tapisseries de l’Histoire de Loth et de l’Histoire de l’empereur Constantin, le qualifiant de « tisserand » 4 – un métier que Vezeler n’exerça jamais. Si Émile Coornaert avait en son temps consacré à la « firme » Vezeler quelques belles pages de sa thèse d’histoire économique 5, il revient aux historiens belges d’avoir complété la biographie de Josse Vezeler : André van den Kerkhove en 1974 6 et plus récemment, Godelieve van Hemeldonck 7 ont, pour leurs spécialités respectives, étudié 1 2 3 4 5 6 7
Voir ici le texte de Jean Vittet, p. 310-320. Hayward, 1976, p. 171-187. Hayward, 1976, p. 104. Cox-Rearick, 1995b, p. 367. Coornaert, 1961, I , p. 342-343. Van den Kerkhove, 1974. Communication écrite, 1 er février 1997 ; Van Hemeldonck, 2005, n o 16-1879. 8 Laborde, 1877-1880. Précisons que ces dépenses qualifiées de « secrètes » doivent être comprises comme des dépenses « personnelles » du roi. 9 Bapst, 1889. 10 Pierre Vezeler, né en 1513 à Anvers, est repéré à Paris dès 1534 (Bimbenet-Privat, 1992b, p. 610).
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le rôle de ce grand marchand de tapisseries et d’orfèvrerie, en complétant par des sources inédites anversoises les archives françaises publiées par Laborde 8 et Bapst 9
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orfèvrerie et politique : le cas vezeler
fig. 105
au x i x e siècle. En voici quelques jalons. Josse Vezeler, ou Joris Vezeleer (1493-1494 – 1570), était originaire de ‘s-Hertogenbosch (ou Bois-le-Duc, aujourd’hui aux PaysBas), où un certain Jacob Vezeleer, sans doute son père, fut orfèvre. Comme son ami Joos van Cleve, il n’était pas natif d’Anvers mais il y obtint le statut de bourgeois (« poorter ») vers 1515-1516. Ses affaires étaient assez prospères pour que le double portrait de Vezeler et de sa femme Margaretha Boghe peint par Joos van Cleve vers 1518, année probable du mariage des Vezeler, montrât l’orfèvre sous les traits d’un jeune marchand aisé, portant une bague sigillaire à l’index gauche et enfilant sur sa main droite un luxueux gant de cuir (fig. 105) . Effectivement, avec l’aide de son gendre Jacob Hoefnagel, Vezeler sut monter une entreprise de stature internationale, servie en France dans les années 1530 par l’installation à Paris de son neveu Pierre Vezeler 10 et le recours fréquent à des « facteurs » comme son compagnon Raoullant Bource (ou van der Borcht ?) ou son associé, le lapidaire Jean Langrant (Jan van der Haghe). Coornaert, le premier, a souligné la variété de son commerce, qui englobait non seulement des marchandises de luxe (orfèvrerie, tapisseries), mais aussi des denrées de
fig. 105 jo o s va n c l e v e Josse Vezeler (détail) wa s h i n g t o n , n a t i o n a l g a l l e ry o f a r t
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jean vittet
Les tapisseries « nordiques » de François I er l e s a c h a t s d e f r a n ç o i s i er a u x p a y s - b a s e t l ’ i n v i t a t i o n d e j o o s v a n c l e v e
le mécénat artistique de françois i e r est célèbre et, dans le domaine de la tapisserie comme dans les autres, l’histoire en a retenu le versant italien, soit son Scipion d’après Giulio Romano ou les tissages d’après la galerie du Rosso à Fontainebleau (Vienne, Kunsthistorisches Museum). La réalité fut évidemment plus complexe et de nombreuses autres tentures, outre leur fabrication presque exclusive à Bruxelles, étaient de dessin flamand au sens large. Pour connaître la collection de tapisseries « nordiques » de François I er, on dispose de comptes – incomplets –, d’un inventaire descriptif établi vers la fin du règne (1542, récolé en 1552), qui ne concerne que ce qui était entreposé au Petit-Bourbon à Paris mais devait former l’essentiel de la collection, enfin de quelques rares mais utiles témoignages de l’époque. Il est possible également de s’appuyer prudemment sur les descriptions postérieures (1666, 1673), souvent plus développées, émanant du Garde-Meuble. On peut considérer que plus aucune tapisserie nordique originale de François I er ne subsiste aujourd’hui. Toutefois, dans plusieurs cas, des retissages de l’époque, voire postérieurs, existent encore pour évoquer la collection 1.
les tapisseries d’après pieter coecke van aelst (1502-1550) Le roi a possédé deux, voire trois tentures à fils d’or tissées sur les cartons de l’important artiste anversois qu’était Coecke van Aelst, dont le style a subi la double influence de Bernard van Orley (avant 1490 – 1541-1542) et de Raphaël (1483-1520). La première est une Histoire de saint Paul acquise par le roi en janvier 1533 auprès de Josse Vezeler, un célèbre marchand installé à Anvers, moyennant 13 202 livres 2 . L’Histoire de saint Paul est une création de Coecke vers 1530, marquée par la tenture des Actes des Apôtres de Raphaël (Rome, Vatican ; tissage 1516-1521). Une dizaine de dessins autographes de l’artiste, préparatoires à la tenture et attestant sa paternité, subsistent dans différentes collections du monde. La tenture de François I er, qui ne comprenait que sept pièces, même s’il a existé jusqu’à neuf sujets, était l’édition princeps de la suite. Elle est mentionnée en magasin en 1542, mais Brantôme nous apprend qu’elle avait été achetée par le roi « pour son église et chappelle » 3. Brûlée 1 Cet essai fait suite à nos premières recherches sur le sujet, publiées dans Vittet et Brejon de Lavergnée, 2010. La question vient également de faire l’objet d’une importante contribution de la part de Guy Delmarcel (Delmarcel, à paraître). 2 Buchanan, 2015, p. 21-22 ; Actes François I er, 1887-1908, I I , p. 298, n o 5291. 3 Schneebalg-Perelman, 1971, n o 4, p. 270 ; Brantôme, éd. 1864-1882, III , p. 120. 4 Campbell, 2002a, p. 406-410 ; Delmarcel 2014 ; Alsteens, 2014, n os 25 à 28, 30 à 33, 35, 36, 41 à 43 ; Cleland, 2014b, n os 29, 34, 37, 38 à 40 et 44.
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en 1797, la tenture du roi était identique à trois autres éditions conservées, l’une au
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l e s t a p i s s e r i e s « n o r d i q u e s » d e f r a n ç o i s i er fig. 111
Patrimonio Nacional à Madrid (Bruxelles, atelier de Paul van Oppenem ; provenant de Marie de Hongrie), une autre au Kunsthistorisches Museum de Vienne (Bruxelles, même atelier ; provenant des ducs de Lorraine) et une dernière dispersée entre plusieurs collections 4 [cat. 121] . Le thème, tiré des Actes des Apôtres, rappelait l’importance de saint Paul dans l’élaboration de la pensée chrétienne et l’achat par le roi d’une telle tenture constituait sûrement une preuve de fidélité indéfectible au catholicisme. La tenture suivante est une Histoire de Josué qui fut achetée par François I er à Compiègne en octobre 1538 auprès d’Emmanuel Riccio, un marchand génois installé
fig. 111 bruxelles, a t e l i e r d e j e a n d e r m oy e n ou gilles imbrechts d’après pieter coecke
Histoire de Josué : Yahvé ordonne à Josué de franchir le Jourdain avant 1544 v i e n n e , k u n s t h i s t o r i s c h e s m u s e u m , i n v. x i x / 1
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Artistes des Pays-Bas du Nord en Champagne et en Bourgogne
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cécile scailliérez
artistes des pays-bas du nord en champagne et en bourgogne
Un courant hollandais n o u s avo n s d é j à s i g n a l é q u e , s i l ’ o n e n j u g e pa r s e s a f f i n i t é s avec Lucas de Leyde, le Maître d’Amiens était sans doute, par-delà son passage dans l’atelier anversois de Jan de Beer, originaire des Pays-Bas du Nord 1 . Tel était aussi le cas de Godefroy le Batave. Nous avons également noté que des modèles des Pays-Bas du Nord avaient dû inspirer les verrières des Leprince tant à Beauvais qu’à Rouen, où ce fut d’ailleurs un sculpteur utrechtois arrivé dans le dernier quart du x v e siècle qui fonda la confrérie des peintres et sculpteurs dans la chapelle Saint-Maur. Nous connaissons bien encore le cas de Corneille de La Haye, qui fit une carrière si singulière entre 1535 et 1575 à Lyon. Nul doute donc que nombre de Hollandais, et pas seulement des peintres, voyageaient en France, les uns à la manière d’Érasme ou de Jean Second 2, les autres à la manière plus durable de Grégoire Guérard, qui était neveu du premier, ou de Corneille, ami du second. Ils jouèrent manifestement un rôle important en Bourgogne, où le nom de Théodoric Corderot du Trect (Utrecht ?) est mentionné à Autun en 1528 3, et où un brillant élève de Swart van Groningen, Adriaen Pietersz Crabeth, est réputé être mort à Autun en 1553 alors qu’il descendait en Italie 4. Un véritable courant hollandais traverse de fait l’est du royaume, sur l’axe de Rome où Jan Gossaert était allé en 1508-1509, inaugurant une vague de romanisme néerlandais dont Scorel et Heemskerck sont les figures les plus connues. C’est sans doute à ce mouvement que l’on doit l’étonnante Lamentation de l’église Saint-Alpin de Châlons-en-Champagne, dont il est tentant de créditer un certain Cornelis Delf (de Delft ?), connu dans cette ville en 1504 5 : certains traits (la Madeleine au front bombé, 1 Voir ici p. 34-39. 2 Voir ici p. 202-203. 3 Dans l’atelier de Guillemin de Chaumont (Laveissière, 1980, p. 112, 119, 130).
4 Van Mander, éd. 1994-1999, I , p. 169, I I , 1996, p. 174.
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Un dessin d’Amsterdam (Rijksmuseum, inv. 47:3 ; Boon, 1978, I , p. 59-60, I I , p. 70), attribué à Dirck Pietersz Crabeth, pourrait être plutôt d’Adriaen Pietersz si l’on en juge par le caractère français des costumes et par le caractère très bellifontain de la forme du compartiment dans lequel est inscrite la composition. Bois, H . 0,79 ; L . 1,17 m ; Hermant, [2013] à paraître, I , p. 424-426, IV , fig. 881 et 882 ; Scailliérez, 2015b, p. 140 ; voir ici p. 14. Saint-Julien de Balleure, 1581, p. 536. Voir ici biographie p. 432. Publié par Guillemin, 1869 ; Jeanton, 1913, p. 64-65. Non retrouvé depuis. Je remercie Matthieu Gilles, Brigitte Maurice-Chabard et Isabelle Vernus de leur aide dans la recherche de ce document jadis tiré d’archives privées. Laclotte, 1965 ; Laclotte, 1967. Elsig, 2005. Jeanton et Reynaud, 1912. Jeanton, 1917. L’hypothèse du cousin est plus crédible du point de vue générationnel. Originaire de Breda, actif en Bourgogne de 1416 à 1440, soit un siècle exactement avant Guérard.
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le corps encore crucifié du Christ déposé) rappellent l’art du Maître de la Vierge parmi les Vierges, et il se peut que le tableau ait orné une chapelle funéraire dont le donateur se serait fait figurer en Joseph d’Arimathie (fig. 120) . Deux très beaux peintres porteurs de cette culture du Nord sont présents un peu plus au sud, entre Champagne et Bourgogne, durant le règne de François I er. Le premier, Grégoire Guérard, travaille, dans l’état actuel des connaissances, entre 1512 et 1538 ; le second, provisoirement baptisé « Maître de Dinteville », hébergé par le premier à Tournus en 1518, n’est pour l’instant connu en Bourgogne qu’entre 1535 et 1541. Ni l’un ni l’autre n’ont perdu leur tempérament fondamentalement hollandais, mais leur style est porteur d’un italianisme qui, en France, fait alors contrepoids à celui, plus maniériste, de Fontainebleau.
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fig. 120
grégoire guérard, parent d’érasme Le cas de Grégoire Guérard est, comme celui de Noël Bellemare pour le courant anversois, emblématique de la redécouverte récente de ces peintres des Pays-Bas actifs sous François I er . Son nom était connu par une mention de 1581, qui le dit auteur de six tableaux de l’église Saint-André à Tournus, « faicts de la divinement docte main de l’excellent painctre maistre Guérard Grégoire Hollandais compatriote et parent d’Erasme de Rotterdam6 », et par trois pièces d’archives datées de 1518, 1522 et 15307. L’une d’elles, un marché de 1522 pour un retable de l’église des Carmes de Chalon-surSaône 8, a pu être rapprochée des volets de l’église de Saint-Léger-sur-Dheune retrouvés en 2001 [cat. 134] , et c’est ainsi que tout un groupe stylistique, progressivement constitué autour du retable de l’Eucharistie d’Autun [cat. 128] et provisoirement baptisé « Maître du triptyque d’Autun » dans les années 1960 9, a retrouvé son identité 10. Du même coup, la première proposition d’attribution d’une œuvre à ce peintre, avancée par Gabriel Jeanton dès 1912 pour le retable de la Mort de la Vierge de Cuisery, près de Tournus, s’est révélée juste 11. Grégoire Guérard était soit un neveu, soit un cousin d’Érasme, Gerhard Gherardsz de son vrai nom 12, et il dut quitter vers 1510 la Hollande pour la Bourgogne, comme un siècle avant lui Henri Bellechose 13. Sa production, connue entre 1512 et 1538, consiste en retables, petits tableaux de dévo-
fig. 120 cornelis delf ?
tion, verrières en grisaille et peintures murales : exclusivement constitué d’œuvres
La Lamentation
religieuses, son corpus est sans doute aujourd’hui, dans ce domaine, le plus gros pour
c h â l o n s - e n c h a m pag n e , é g l i s e sa i n t- a l p i n
vers 1510
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Flamands sur le chantier cosmopolite de Fontainebleau
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catherine jenkins
flamands sur le chantier cosmopolite de fontainebleau
Le paysage néerlandais dans la gravure de l’École de Fontainebleau l e s g r av u r e s d e l ’ é c o l e d e f o n ta i n e b l e au o n t é t é e x é c u t é e s au château de Fontainebleau à partir de 1542, peu après que Primatice (1504-1570) pris la direction de la décoration du château à la suite de la mort de Rosso Fiorentino en 1540. Durant la décennie précédente, Fontainebleau avait émergé comme un véritable foyer de création, où architectes et artistes venus d’Italie, de France et des PaysBas s’étaient employés à métamorphoser la forteresse médiévale du x i e siècle en un magnifique palais de la Renaissance. L’atelier de gravure, établi au château même ou à proximité immédiate, fonctionna pendant cinq ans environ, approximativement de 1542 à 1547, pendant lesquels un grand nombre d’eaux-fortes, de gravures et de gravures sur bois furent exécutées par des artistes de formations très diverses. Certains étaient des peintres et des dessinateurs s’essayant à la gravure, tandis que d’autres étaient graveurs de métier, probablement amenés à Fontainebleau par Primatice lui-même. Cette production, qui compte à ce jour environ quatre cents quarante estampes, dont on connait aujourd’hui plus de trois mille épreuves, reflète à la fois la diversité culturelle du foyer bellifontain et la grande variété des modèles qui circulaient dans ses ateliers. La plupart des estampes produites à la cour étaient des eauxfortes, exécutées dans une technique aisément accessible à tout artiste qui lui permet de dessiner librement sur une plaque de cuivre recouverte de cire, à l’inverse de la gravure directe sur le métal, qui nécessite des années d’apprentissage. Comme le montrent les pièces exposées ici, les paysages des Pays-Bas du Sud ont joué un rôle important dans ces ateliers. De vastes paysages sont devenus, dans ces eaux-fortes, le sujet principal, et parfois même, ont pris place au centre de riches encadrements ornementaux caractéristiques de l’esthétique bellifontaine. Certains offrent en outre un précieux témoignage sur les tableaux néerlandais qui devaient se trouver dans la collection de François I er, tels que La Montée au Calvaire de Herri met de Bles [cat. 148] . Le style de beaucoup de ces paysages gravés, conforme à celui des dessins
de paysages flamands des mêmes dates, invite à penser que certains d’entre ces graveurs étaient originaires des Pays-Bas.
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145 antonio fantuzzi, d’après rosso fiorentino et un artiste néerlandais anonyme
Cadre de Danaé avec vue d’une ville fortifiée gravure à l’eau-forte h. 263 ; l. 533 mm signée du monogramme paris, bibliothèque nationale de france, département des estampes et de la photographie, eb-14 (d)-fol BIBLIOGRAPHIE
Bartsch, XVI , p. 352, n o 34 ; Zerner, 1969, A F 35 ; Jenkins, 2017, à paraître, AF 35.
146 anonyme néerlandais
Vu e d ’ u n e v i l l e f o r t i f i é e plume et encre brune h. 200 ; l. 287 mm p a r i s , m u s é e d u l o u v r e , d é p a r t e m e n t d e s a r t s g r a p h i q u e s , i n v. 1 8 9 8 5
antonio fantuzzi est l’un des
murs animés par l’imbrication complexe de
que Herri met de Bles et le Maître des demi-
artistes qui travaillèrent dans les années 1540
différents surfaces, plans et matériaux et
figures. À l’arrière-plan de sujets religieux
au château de Fontainebleau et se sont tour-
d’une richesse étourdissante. Fantuzzi a exé-
comme le Repos pendant la fuite en Égypte ou
nés vers la gravure. Originaire de Bologne, il
cuté séparément des eaux-fortes d’après les
Saint Jérôme pénitent, ces villes ceintes de
arriva à Fontainebleau entre 1537 et 1540
peintures murales et d’autres d’après leurs
remparts étaient censées évoquer Jérusalem,
selon les Comptes des Bâtiments du Roi. Men-
encadrements. L’épreuve exposée, l’une des
dominée par un temple polygonal imposant
tionné à l’origine comme peintre avec des
cinq d’après ces derniers, se rapporte à l’enca-
symbolisant le temple de Salomon. Le grand
gages modestes travaillant à la décoration de
drement de la fresque de Primatice figurant
retable de la Passion de Noël Bellemare montre
la galerie François I er et de la Chambre au-des-
Danaé, dans la travée centrale du mur sud de
dans le panneau central de la Crucifixion un
1
er3
sus de la porte Dorée , il devint rapidement un
la galerie François I . Son eau-forte reprend
arrière-plan lointain similaire [c at. 42] , et le
membre éminent de l’équipe, fournissant aux
l’un des côtés de ce cadre conçu par Rosso, et
dessin anonyme anversois qui lui est comparé
peintres de la galerie d’Ulysse des dessins
la répète simplement en miroir. Elle reflète
[c at. 43] est un exemple de ces modèles de
(« patrons et pourtraits en façon de gro-
donc sans doute le modello original, qui ne
fond de paysage que les peintres utilisaient
tesque ») à copier . Son activité de graveur se
montrait vraisemblablement qu’une moitié
dans leurs ateliers, copiaient, répétaient à
développe entre 1542 et 1545, période pen-
du motif, mais Fantuzzi a introduit quelques
l’envi en les adaptant et qui circulaient de l’un
dant laquelle il exécute plus de cent vingt-cinq
ajustements pour éviter une symétrie exacte.
à l’autre. Les carnets de dessins conservés à
2
pièces à l’eau-forte, soit plus d’un quart des
Dans ses cinq gravures d’après les encadre-
Berlin (Kupferstichkabinett) 4 et à Bruxelles
gravures aujourd’hui attribuées à l’école de
ments de la galerie François I er , Fantuzzi a
(Bibliothèque Royale) 5 témoignent parfaite-
Fontainebleau.
substitué un paysage à la fresque centrale.
ment de cette pratique.
La gravure du cadre de Danaé est l’une des
Tous ces paysages sont inspirés de sources
Deux dessins correspondant au paysage
nombreuses eaux-fortes que Fantuzzi exécuta
néerlandaises et présentent des panoramas
qui apparait dans l’eau-forte de Fantuzzi sont
d’après les dessins de Rosso Fiorentino rela-
caractéristiques du répertoire des peintres
conservés l’un au Louvre [c at. 146] , exposé
tifs à la galerie François I . Le décor de cette
des Pays-Bas du Sud dans le second quart du
ici en regard de l’estampe, l’autre dans une
longue salle, modifié depuis, consiste en une
x v i e siècle.
On voit ici une ville fortifiée avec
collection privée hollandaise 6. Leur technique
série de compartiments, dont chacun s’arti-
une porte monumentale, des tours rondes, des
est typique des dessins néerlandais de pay-
cule autour d’une grande fresque centrale,
maisons aux pignons à gradins et des temples
sages, à la plume et encre brune, et proche en
flanquée de motifs secondaires traités à
circulaires, autant de motifs caractéristiques
particulier du style de Cornelis Massijs (vers
fresque, en stuc, en bois peint ou en mosaïque.
des fonds de paysages que l’on trouve dans
1510 – vers 1556) et des auteurs anonymes
L’impression globale de la galerie, avec ses
les tableaux de Patinir et de ses disciples, tels
des carnets de croquis de Berlin et de Bruxelles.
er
1 2 3 4 5
Laborde, 1877-1880, I , p. 132. Laborde, 1877-1880, I , p. 191. Zerner, 1969, AF 33 à A F 37. Inv. 79 C 2. Pour une étude de cet album, voir Bevers, 1998. Inv. 4630/130. Cet album est connu sous le nom d’Album Errera ; Dunbar, 1972, p. 53-80 ; Hand, 1986, p. 57-58, n o 8 ; Wood, 1998 ; Ewing, 2005, p. 77-79. 6 Pour ce dessin d’une collection hollandaise (encre brune, H . 161 ; L . 250 mm), apparu sur le marché en 1929 et à nouveau en 1996, voir https://rkd.nl/explore/images/262358.
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391
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flamands sur le chantier cosmopolite de fontainebleau
145, 146
c a t . 145
Qui plus est, il se pourrait bien que le dessin
On ne connaît pas le modèle exact de la
galerie François I er sont discernables. Le dessi-
du Louvre ait fait partie d’un des carnets de ce
ville fortifiée représentée au centre de l’eau-
nateur du paysage urbain utilisé ici, qui a éga-
genre. Au verso, des études de bâtiments sont
forte. Certains éléments sont communs aux
lement exécuté les scènes centrales des eaux-
dessinées dans un sens puis dans un autre ;
deux dessins du Louvre et d’une collection
fortes reprenant les encadrements des Jumeaux
quelques indices matériels suggèrent en outre
hollandaise, ce qui permet de supposer qu’un
de Catane 8 et de La Bataille des Centaures et
que cette feuille a pu faire partie du même car-
autre modèle encore, aujourd’hui inconnu,
des Lapithes 9, dessine la nature dans un style
net que d’autres dessins du Louvre, comme la
se trouvait dans l’atelier de Fontainebleau.
typique des artistes flamands de cette époque.
Rivière dans une vallée, qui renvoie également
Comme nous l’avons montré ailleurs, les pay-
On peut également reconnaître sa main dans
à une autre gravure exécutée à Fontainebleau
sages qui occupent le centre de ces gravures
d’autres gravures de paysages exécutées à
[c at. 155] . Cette dernière étude est de mêmes
à l’eau-forte n’ont donc pas été exécutés par
Fontainebleau, comme la majestueuse Rivière
dimensions que le paysage urbain qui nous
Fantuzzi lui-même, mais par différents dessi-
dans une vallée présentée non loin [c at. 155] .
occupe, et comme lui cernée d’un trait d’encre
nateurs encore anonymes, probablement néer-
brun sombre, et elle est pareillement abîmée
landais 7 . Deux styles bien distincts de ces
dans les coins.
paysages insérés dans ces encadrements de la
cj
7 Jenkins, 2006, p. 129-130. 8 Bartsch, X V I , p. 351, n o 32 ; Herbet, éd. 1969, p. 64, n o 2 ; Zerner, 1969, A F 34 ; Jenkins, 2017, à paraître, A F 34.
9 Bartsch, X V I , p. 349, n o 29 ; Herbet, éd. 1969, p. 66, n o 5 ; Zerner, 1969, A F 37 ; Jenkins, 2017, à paraître, A F 37.
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ร pilogue
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162 anonyme flamand (actif à paris ?)
L’ E n f a n t p r o d i g u e c h e z l e s c o u r t i s a n e s vers 1545 bois h. 0,89 ; l. 1,30 m p a r i s , m u s é e c a r n a v a l e t , i n v . p. 6 1 9 HISTORIQUE
Achat en 1896 auprès de Danlos. BIBLIOGRAPHIE
é p i l o g u e
Glück, 1933, p. 193-194, fig. 152 ; Marlier, 1939, p. 84, 89, pl. 14 ; Adhémar, 1945, p. 191, pl. 43a ; Marlier, 1954, p. 235 ; Marlier, 1957, p. 231 ; Béguin, 1960, p. 108-109 ; Bergmans, 1963, n o 252, p. 175 fig. 135 ; Brochhagen, 1964, p. 4 ; Foucart, 1965, n o 358 (avec bibliographie) ; Sterling, 1967, p. 90 note 24 ; Gerszi, 1970, sous n o 3 ; Renger, 1970, p. 68 fig. 41 ; Ragghianti, 1972, p. 46-47 fig. 21, p. 82 note 30 ; Montgolfier, 1979, p. 10 ; Babelon, 1986, p. 42 ; Limentani-Virdis, 1993, p. 90-93 ; Babelon, 1994 ; Bruson et Leribault, 1999, p. 478 ; Fardel, 1999, n o 5, p. 23.
devant un paysage parisien où
prodigue, dans sa vie de débauche, tourne lit-
par un Flamand à Paris 8, mais on a noté que la
l’on reconnaît, vus de l’est, depuis la porte
téralement le dos à Notre-Dame, c’est-à-dire
représentation d’une vue de la ville à l’arrière-
de la Tournelle, les pâturages de l’île Notre-
à l’Église. Les mots portés sur la partition
plan n’apportait pas d’indices sur le lieu de son
2
Dame, un bras de Seine, l’île de la Cité avec
– « Aprèz (?) de vous » –, que l’on retrouvera
exécution : les images de Paris, notamment les
la « Motte aux papelards », la maison des cha-
nettement plus tard dans des textes aussi dif-
dessins du centre de la cité sur le fleuve et
3
noines de Notre-Dame, la cathédrale Notre-
férents que ceux d’un Pierre de Ronsard ou
de ses îles, circulaient hors de France. Repré-
Dame vue par son chevet, le palais de l’évêché,
4
d’un Urbain Chevreau , ne sont pas suffisam-
senter cette ville n’était peut-être rien d’autre
l’hôtel-Dieu dominé par la flèche de la
ment hors du commun pour permettre d’iden-
qu’une manière d’évoquer, conformément
Sainte-Chapelle, le Petit Pont (avec ses mai-
tifier le texte de la chanson et caractériser plus
à la réputation ancienne de celle-ci, un lieu
sons de bois) et le Petit Châtelet , la scène
précisément la scène. Au second plan, tombé
de perdition en terre étrangère… En outre,
représente, en brodant quelque peu sur l’apo-
dans l’indigence, ce mauvais fils est chassé
Brantôme, dès le x v i e siècle, évoque comme
logue énoncé par le Christ dans l’Évangile de
du bordel et se trouve réduit (à l’arrière-plan,
importés de Flandres en France des tableaux
Luc (15, 11-32), trois épisodes de la parabole
vers la droite) à garder des porcs et à se repen-
de femmes jouant de la flûte d’allemand 9 et
de l’Enfant prodigue : au premier plan, ce fils,
tir à genoux de ses torts envers son père.
récréant une compagnie 10. De fait, le tableau
parti pour un pays lointain avec la part d’héri-
Significativement, il est alors plus proche de
n’a jamais été perçu comme une production
tage qu’il a réclamée à son père, dilapide « son
l’édifice religieux. Le thème du Fils prodigue,
parfaitement parisienne. Attribué en 1896 à
bien dans une vie de désordre » en festoyant
traité comme une suite de scènes de genre
l’école de Fontainebleau 11 (dont il ne partage
avec des courtisanes qui le régalent de mets,
modernes, était commun dans l’art des Pays-
que la situation dans le temps, dans les années
1
x v i e siècle
de vin, de jeux de cartes, de musique et de plai-
Bas au
et ce n’est pas ici le moindre
1530-1540), à Jan Sanders van Hemessen
sirs charnels. La présence d’un fou, à gauche,
caractère septentrional de l’œuvre. Un autre
(dont il n’a ni la force ni la dynamique), au
5
habillé en jaune, vient qualifier le comporte-
est sa dette envers Joos van Cleve , qui se
Monogrammiste de Brunswick (dont il ne
ment déraisonnable de tous les hommes de
manifeste par l’emprunt à ses tableaux soit de
cultive pas le goût pour les figures à petite
cette joyeuse compagnie. En outre, le fils
détails – la main droite, ouverte et tendue vers
échelle), à Jan Cornelisz. Vermeyen 12 , à Jan
l’avant, du fils prodigue est semblable à celle
Massys encore jeune 13 (dont l’activité semble
de François I er dans un de ses portraits peint
pourtant postérieure), à un Français subissant
6
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18
Babelon, 1994, p. 444-445. Lecture de Jean-Pierre Babelon, 1994, p. 443. Sonnet pour Hélène : « Quand je devise assis auprès de vous... » Madrigal : « Je brûle, je me pâme, et je meurs d’amour / Auprès de vous sans cesse je souspire... » Foucart, 1965. Copies à Saint Louis, Saint Louis City Art Museum, et à Fontainebleau, musée national du château de Fontainebleau. Jacques Foucart (1965) en propose une lecture symbolique. Ragghianti, 1972, p. 46-47. Flûte traversière ancienne en bois ou traverso. Brantôme, Recueil des dames, I I , I I I , éd. Vaucheret, 1991, p. 444. Attribution qu’il porte au moment de son acquisition. Glück, 1933, p. 193-194 fig. 152. Bergmans, 1963. Adhémar, 1945, p. 1. Foucart, 1965. Babelon, 1994, p. 438-439. Inv. 4044. Chêne, H . 0,87 ; L . 1,27 m. Gerszy, 1970, n o 3. Lucerne, galerie Fischer, 18-19 juin 1971, n o 543 ; Paris, vente palais Galliera, 17 juin 1970, n o 137 ; Paris, galerie Charpentier, 30 novembre 1954, n o 24 ; Londres, Sotheby’s, 3 juillet 2013, n o 3 ; Amsterdam, Muller & Co, 20-27 octobre 1942, n o 60 ; Venise, Museo Correr, inv. 162.
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par Joos van Cleve –, soit de principes de
à Paris l’influence d’œuvres flamandes comme
composition – la mise en avant d’une nature
celle de Jan Sanders van Hemessen 14, il a aussi
morte de fruits sur une nappe blanche 7 –, au
été rapproché de la production d’autres
point que l’on peut se demander si la présence
peintres actifs entre Flandres et Brabant qui
en France de cet Anversois sous François I er
ont traité des sujets analogues, de même mode
[c at. 94 à 96] et d’œuvres de sa main dans les
ou de même ton : Ambrosius Benson 15, artiste
collections n’aurait pas influencé le peintre de
actif à Bruges, le Maître des demi-figures 16
cette histoire du fils prodigue. Cette question
et Pieter Coecke van Aelst, actif lui aussi à
n’a de sens que si l’on suppose l’œuvre peinte
Anvers et pour Bruxelles. Dans le milieu
420
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de ce dernier, sans doute est-ce au Maître des
de cet artiste et les tapisseries qui en ont été
Mois Lucas que le peintre anonyme de notre
tirées [fig. 114 et 115 et c at. 123 et 124]. En outre,
tableau s’apparente le plus. La vivacité et la
tout comme celles des tentures du Maître des
familiarité des figures, leurs visages au profil
Mois Lucas, la composition du tableau que
net, idéalisé à l’italienne, leur disposition
nous exposons a connu un vif succès puisqu’il
balancée au gré de l’action et de leurs pulsions
en existe au moins sept versions, dont une
dans un plan assez rapproché, au-devant d’un
seule, conservée à Budapest 17, intègre une vue
paysage distant ponctué d’édifices imposants,
de Paris, tandis que les autres présentent des
sont autant de point communs avec les dessins
variantes plus ou moins notables 18.
dc
c a t . 162
421
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biographies des artistes bibliographie index
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noël bellemare
jean chastellain
(Anvers ?, vers 1495 – Paris, 1546)
(? – Paris, 1541 ou 1542)
Fils d’un chapelier anversois, Pierre Bellemare, Un autre document enfin, origine de la
Peintre-verrier installé rue de la Verrerie
et d’une Parisienne, Jeanne de La Humerie,
reconstitution de son œuvre par Guy-Michel
à Paris, Jean Chastellain est documenté pour
époux de Marguerite Coulon dont il eut une
Leproux, le mentionne comme cartonnier
la première fois en 1528, d’une part dans
fille, Guillemette, qui épousa le maître brodeur du vitrail de la Pentecôte exécuté par Jean
les comptes royaux, aux côtés de Jean de
Louis Daucourt 1, Noël Bellemare (Belmair)
Chastellain en 1532 dans la rose sud de Saint-
La Hamée 1, et d’autre part par une quittance
est documenté pour la première fois en 1512
Germain-l’Auxerrois 11. En 1540, Bellemare
relative à des travaux effectués pour Anne
dans les archives d’Anvers lorsqu’il donne
est qualifié de bourgeois de Paris et possède
de Montmorency au château de Chantilly 2.
deux maisons rue Galande, dont une en indi-
Guy-Michel Leproux a pu démontrer que
pouvoir à un scribe parisien, Charles du 2
12
Chesne, pour régler ses affaires parisiennes ,
vision avec son beau-frère Pierre Coulon . 13
Il meurt en 1546 .
ce qui indique un lien avec le monde du livre
verrières un temps regroupées sous le nom
Aucun document n’est connu à ce jour
dans lequel il était sans doute actif dès cette
et dont les cartons lui étaient fournis par
sur le pont Notre-Dame à Paris, où habitent
chevalet. Qu’il ait été, au vu de la diversité
Gauthier de Campes 3, notamment la Vie
à la même date de nombreux libraires,
des œuvres qui témoignent de son style
de la Vierge dans la chapelle d’axe de Saint-
certains spécialisés dans l’impression de
générique, peintre inventeur autant que
Gervais (1517), les vitraux consacrés à
livres d’heures, et d’autres enlumineurs.
miniaturiste, est tout à fait probable, mais
la Passion, à saint Pierre et à saint Christophe
Un acte de 1536 le désigne comme « peintre
on n’a pas encore pu identifier son invention
dans l’église de Ferrières-en-Gâtinais (vers
et enlumineur juré » pour le paiement
dans de véritables dessins préparatoires
1518-1520), et six verrières de la collégiale
3
14
assurément de sa main .
des enluminures d’un calendrier destiné 4
au Parlement , ce qui atteste qu’il avait acquis
cs
Fontainebleau (œuvres perdues) et exécuta
technique mais comme peintre en général,
56, 60, 62, 64, 65
d’importantes verrières à Paris sur des modèles
faisant besogne de portraiture , et actif autant
désormais fournis par Noël Bellemare :
dans le domaine de la peinture de chevalet
cette part de son œuvre a été reconstituée
que dans celui du vitrail. D’autres documents
sur la base du marché qu’il conclut en 1532,
le montrent en effet chargé de peintures
comme peintre-verrier, avec Antoine
décoratives, les unes à l’Hôtel-Dieu en 1515 6
Le Viste pour la rose sud de Saint-Germain-
et plus tard, en 1534, en collaboration avec
l’Auxerrois, et où est précisé le nom du peintre
Pierre Patin , les autres, éphémères, sur
qui lui procura les dessins et les cartons,
le pont Notre-Dame à l’occasion de l’entrée
Noël Bellemare 4, puis de l’Incrédulité de saint
de la reine Éléonore d’Autriche à Paris
Thomas de cette même église, dont le marché
8
en 1531 , d’autres encore au Louvre, tout
passé en 1533 par Antoine Bohier fournit
aussi officielles et probablement improvisées
encore son nom, mais cette fois sans donner
et menées en collaboration avec Matteo
celui du cartonnier 5. Ces verrières conservées
del Nassaro, lors du séjour de Charles Quint
et documentées ont permis de lui rendre celles
9
à Paris à l’hiver 1539-1540 . Il est associé
d’une chapelle de l’ancien prieuré du Temple 6
à Philippe Poireau et Louis Dubreuil dans
[c at. 46] , de plusieurs chapelles du chœur
10
de Saint-Gervais 7 [c at. 51 et 59] et même
les comptes du château de Fontainebleau . 1 AN , Q /1/*/1099/197/3 f o 37 v o et S //56 ; publié par Leproux, 1998,
5 6 7 8
ensuite pour le roi à Villers-Cotterêts et à
voir p. 41-46 et c at. 41, 42, 45 à 49, 51 à 54,
7
4
de Montmorency (vers 1524-1525). Il travailla
un statut officiel non seulement dans cette 5
3
de convention de Maître de Montmorency
concernant Noël Bellemare peintre de
date. Il loue plus tard, en 1520, une maison
2
son œuvre de jeunesse correspondait aux
p. 142. Doehaerd, 1962, I I I , p. 228, Acte du 17 décembre 1512 ; Leproux (1998, p. 139) suppose qu’il s’agit d’une affaire de succession liée à sa mère, d’origine parisienne. Leproux, 1998, p. 139, cite A N Q /1/*/1099/197/1, f o 179 v o ; les maisons suivantes sont ainsi occupées par Antoine de Brie, libraire et enlumineur, et par Henri Dufour, enlumineur. Leproux mentionne de nombreux autres libraires et enlumineurs qui habitaient le pont Notre- Dame à la même époque (note 20). Acte du 9 mai 1536, publié par Guiffrey, 1915, n o 18, p. 7 ; AN , X /1a/1539, f o 267 r o. Sur la distinction entre besogne de portraiture (invention, en quelque sorte) et besogne d’estoffe (simple exécution), voir Leproux, 2001, p. 28-32. Leproux, 2001, p. 170. Leproux, 2001, p. 134 ; Archives de l’Assistance publique, H D /6382 f o 25 v o. Tuetey, 1886, p. 99, 106, 103 ; Leproux (1998, p. 140) pense que Bellemare pourrait avoir été retenu par Anne de Montmorency
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9 10
11 12 13 14
lui-même, qui, en tant que gouverneur de Paris, a choisi les dessins et donné les instructions pour l’entrée de la reine. A N , MC , VI I I , 160, n. d. [décembre 1539] ; Leproux, 2001, p. 170. Comptes des Bâtiments du Roi, originaux perdus. Félibien des Avaux, Extraits ou résumés des comptes des Bâtiments du Roi, de 1528 à 1570, BnF, fr. 11 179, f o 173 r o. Laborde, 1850-1855, I , p. 413 ; Laborde, 1877-1880, I , p. 188-189 (entre 1530 et 1540, dans un paiement « pour des ouvrages de « paintures et dorures, et estoffemens qu’ils ont fait de neuf aux poinçons, enhurures [peut-être ennusures], enfestoneurs, clersvoyes et ès pendans de plomberie des pavillons, combles et édiffices dudit Fontainebleau ». Acte du 18 septembre 1532, A N , MC , CCXXI I , 18, transcrit par Bapst, Documents sur les artistes. I I I . Vitraux et Emaux, BnF, naf. 23 301, f o 8, et vérifié par Hortense de Reviers, février 2017. A N , MC , CXXI I , 172, f o 179 r o, 11 octobre 1540, et MC , CXXI I , 173, f o 235 r o, 21 septembre 1542, Leproux, 1998, p. 142 note 27. Leproux, 1998, p. 142, sans référence. Sur l’étude de son style, voir ici p. 40-48. 427
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jean clouet
a r t i s t e s
(Pays-Bas, vers 1485-1490 – Paris, avant novembre 1541) Le Christ et la Cananéenne de Bayonne 8
Les origines de Jean Clouet sont inconnues
Saint-Étienne puis Saint-Pierre-du-Boille 11.
(1531), et enfin, plus tardifs, plusieurs
mais deux hypothèses ont été émises sur
Il y épousa Jeanne Boucault, fille de l’orfèvre
vitraux de Saint-Merry (1538-1540)
la base d’un document de 1541 affirmant
Gatien Boucault 12, s’alliant ainsi à la famille
et de Saint-Étienne-du-Mont (1540-1542) 9.
qu’il était étranger et n’avait pas obtenu de
des orfèvres et armuriers Jean, Pierre et
Après avoir mis en œuvre les cartons de
lettres de naturalité 1. Laborde proposa de voir
Thomas Fichepain : en 1522, il acheta ainsi
Gauthier de Campes, Chastellain travailla
en lui le fils de Jean Cloet de Bruxelles, peintre
à Pierre Fichepain cinq rubis montés sur
essentiellement sur ceux de Noël Bellemare
du duc de Bourgogne en 1475 , et Dimier
des bagues en or et s’engagea à peindre pour
et de Jean Cousin (au château de Fleurigny ,
de l’identifier plutôt avec Janet Clauwet, fils
la chapelle de ce dernier en l’église Saint-
dans l’Yonne, en 1532), parfois même
du peintre Michel Clauwet de Valenciennes,
Pierre-du-Boille un Saint Jérôme (perdu) 13.
vraisemblablement associés (Melun, Saint-
lui-même neveu du peintre Simon Marmion 3.
C’est à tort que Coyecque a proposé de
Aspais). Jean Chastellain mourut entre
On sait par ailleurs que Jean Clouet avait
l’identifier avec le Maître Guiot qui fournit
un frère, peintre lui aussi, que Marguerite
en 1523 les dessins des évangélistes destinés
septembre 1541
10
11
et janvier 1542 . Il avait
d e s
12
épousé Anne Hémon , dont il eut un fils,
de Navarre, sœur de François I , évoque
à Adrien de Zélande, brodeur à Paris 14.
Jacques (1536 – 1571-1579) 13, lui-même
dans une lettre 4, mais qui reste énigmatique
Clouet n’est plus mentionné à Tours après
peintre-verrier. Sa veuve dut achever l’une
car le Polet Clauwet cité à côté de Janet dans
1525 et dut s’installer à Paris au plus tard
des verrières de Saint-Étienne-du-Mont
les archives de Valenciennes pourrait être
en 1528 15. Trois actes d’état civil extraits
et se remaria avec Laurent Marchant 14,
son neveu autant que son frère 5. Jean Clouet
des registres paroissiaux parisiens le citent,
maître verrier qui reprit probablement
pourrait aussi être apparenté à Gabriel Clouet,
deux comme parrain d’enfants des peintres
son atelier.
b i o g r a p h i e s
2
er
6
hdr
voir p. 40 et c at. 46, 51, 58, 59
peintre à Cambrai de 1493 à 1511 au moins .
Guillaume Geoffroy en 1532 et Mathurin
Clouet naquit en tout cas très vraisemblable-
Régnier en 1540 16, et un autre en 1537
ment aux Pays-Bas. Il est mentionné pour
pour la naissance de son fils Jean 17, dont
la première fois dans les comptes royaux
on n’a plus de mention ultérieurement.
7
en 1516 , mais dut arriver auparavant
C’est donc à Paris qu’il dut portraiturer
car il avait alors déjà peint le portrait d’un
en 1530 Oronce Finé (perdu) 18 et en 1536
humaniste de Bourges, Jacques Thiboust
Guillaume Budé 19.
(perdu) 8. On sait qu’il peignit en 1517 huit
De 1516 à 1537, Clouet apparaît et
bannières de procession pour la croisade 9.
progresse dans les comptes royaux : d’abord
De 1521 à 1525, plusieurs actes notariés
valet de Garde-robe en 1516 20 puis valet
tirés des minutes de deux notaires de Tours
de Garde-robe extraordinaire en 1519, second derrière Perréal en 1523, après le décès
et dont fut parfois témoin Simon Belot, 10
qualifié de peintre et de serviteur de Clouet ,
de Bourdichon, puis lui succédant en 1527.
prouvent qu’il vivait à Tours, paroisse
Plusieurs mentions dans la comptabilité
1 A N , Trésor des chartes, JJ 254, n o 466, f o 86 v o (Fréville, 1854, p. 98 ; Du Colombier, 1968, p. 176-180).
2 Laborde, 1850-1855, I, p. 11-12. 3 Dimier, 1908b, p. 225. 4 BnF, fr. 2971, f o 3 r o (Marguerite de Navarre au chancelier
9 10
d’Alençon).
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Laborde, 1877-1880, I , p. 131. Macon, 1899, cité par Leproux, 1993a, p. 90. Leproux, 1993b et 1995b. AN , MC , C C X X II , 18, 18. IX .1532 (Bapst, BnF, naf. 23 301, f o 8). Lafond, 1970. Leproux, 1995a. Leproux, 1993a. Lafond, 1970. AN , MC , X L I X /66, et M C , X I , 2 (Grodecki, 1985, n os 209 et 213). AN , MC , X I , 3, 4 septembre 1541 (Grodecki, 1985, n o 217). AN , minutes de Catherin Fardeau, M C , X X X III , 26, f o 64. En marge, deux reçus d’Anne Hémon, veuve de Jean Chastellain, à la confrérie Sainte-Claude de Saint-Étienne-du-Mont, en date du 20 janvier et du 18 mars 1542. Voir Coyecque, 1905, n o 2254. 12 AN , minutes de Catherin Fardeau, M C , X X X III , 26, f o 394. 13 AN , MC , III, 154, testament de Laurent Marchant, 13 février 1579 (Grodecki, 1985, n o 317). 14 AN , minutes d’Étienne Bruslé, M C , V I , 26, 14 juillet 1558. Il y est aussi question d’une Perrette Chastellain mariée à Jacques Marchant, maître vitrier. Voir aussi Roy, 1911, n o X V , p. 286.
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5 Selon Dimier (1908b, p. 225), ce frère serait Polet, ou Paul Clouet, 11 cité dans un document de 1499 (Hénault, 1907, I X , p. 117 ; Zvereva, 2011a, pièce justificative n o 90), qui reste ambigu puisqu’il mentionne « Jannet et Polet Clauet, frère et enffans que il [Michel Clauwet] a de demoiselle Jehenne du Buisson », ce qui pourrait signifier que Janet est le frère de Michel et que Polet est le neveu de Janet. Zvereva (2011a, p. 39) pense néanmoins que Polet est bien le frère de Janet, car la succession de Simon Marmion cite Michel Clauwet et ses deux sœurs, mais aucun frère nommé Jean. 6 Actes capitulaires de la cathédrale de Cambrai, 15 mai 1500, liasse 22, et Exécutions testamentaires de la cathédrale de Cambrai (Zvereva, 2011a, p. 39 notes 204 et 206, citant Houdoy, 1880, p. 99 et p. 274). Gabriel Clouet apparaît également dans les Archives municipales de Cambrai, CC 98, f o 44 (Zvereva, 2011a, p. 39 note 205). 7 BnF, fr. 21449, f o 5 r o. 8 A D Cher, E/1018, f o 89 v o (cité par Boyer, 1859, p. 5). Cela pourrait être un indice que Clouet se trouvait alors à Bourges. ChartonLe Clech (1989) affirme que Thiboust a composé un poème
12 13 14 15 16 17 18 19 20 21
en l’honneur de Clouet (voir BnF, fr. 1667, f o 103), mais il s’agit en fait du cartographe Jean Jolivet. BnF, fr. 24207, f o 398 v o (Zvereva, 2011a, n o 1.4, p. 413 ; Zvereva, [2012], à paraître, p. 151-152). A D Indre-et-Loire, minutes d’Étienne Viau, notaire royal à Tours, 3 E1/37, f o 228 r o, et 3 E1/39, f o 86 r o (Zvereva, 2011a, p. 413, pièces justificatives n os 1.5 et 1.8). A D Indre-et-Loire, minutes de Martin Jaloignes, notaire royal, 1 er avril 1523, 3 E1/8, f o 396 v o (Zvereva 2011a, p. 413, pièce justificative n o 1.9). A D Indre-et-Loire, minutes d’Étienne Viau, notaire royal à Tours, 3 E1/40, f o 19 r o (Zvereva, 2011a, p. 413, pièce justificative n o 1.6). A D Indre-et-Loire, minutes d’Étienne Viau, notaire royal à Tours, 3 E1/40, f o 20 r o (Zvereva, 2011a, p. 413, n o 1.7) ; Coyecque, 1905, n o 420, p. 85 ; Zvereva propose d’y voir plutôt Bartolomeo Getti (http://www.portrait-renaissance.fr/Artistes/ bartolomeo_ghetti.html). À cette date, il fait porter ses portraits à Blois par Loys du Moulin, qui emporte également une enseigne réalisées exécutée par l’orfèvre Denis Gedoyn ( AN , KK 100, f o 49 v o). Herluison, 1873, p. 82, et Jouin, 1885, p. 20 (citant un document disparu). BnF, fr. 32585, f o 74 v o, et BnF, M s, fichier Laborde, doc. 12398. Cité par Thévet, 1584, f o 564. Budé, 1896, p. 770-775, et Mellen, 1971, p. 69 note 8. BnF, fr. 21449, f os 5 r o, 12 v o et 28 r o. BnF, naf. 23920, n o 4.
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paul clouet
corneille de la haye, dit corneille de lyon
(mentionné en 1527)
(vers 1510 – 1575) royale complètent ses gages annuels,
Dans une lettre adressée au chancelier
en 1518 21, en 1528 pour de mystérieux
d’Alençon, probablement en 1527, Marguerite de famille du peintre Corneille. Les documents
« ouvraiges et pourtraictures 22 », en 1537
de Navarre exprime sa volonté d’engager
contemporains le qualifient de peintre
pour des ouvrages que son épouse a apportés
le peintre « frère de Jannet peintre du roi »,
flamand et lui donnent le nom de Corneille
à Fontainebleau 23. Il est remplacé sur
pour 200 livres tournois de gages 1, tandis
de La Haye, parfois simplement Corneille,
qu’un document de 1499 évoque Michel
sa renommée semblant suffisante pour que
et mourut au plus tard en novembre 1541,
Clauwet et « Janet et Polet, frère et enffans
son seul prénom suffise à le distinguer des
date à laquelle le roi permit à ce dernier
qu’il a de demoiselle Jehanne du Buisson 2 ».
peintres Corneille de Septgranges et Corneille
Si Jean Clouet est bien le fils de Michel
de Bavière actifs à Lyon à la même époque 1.
Clauwet, son frère serait alors ce Polet,
Aux siècles suivants, Corneille de La Haye
ou Paul, mais la formulation n’est pas
reçut diverses appellations. Il n’est d’abord
dépourvue d’ambiguïté. Malheureusement,
plus connu que par son seul prénom, puis,
les comptes de Marguerite de Navarre
au xviii e siècle, Pernetti lui donne le nom de
sont perdus pour cette période et le frère
Claude Corneille 2, bien que cette appellation
de Jean Clouet n’apparaît dans aucun autre
paraisse sans fondement ; enfin au x i x e siècle,
document connu.
dans un contexte de montée des nationalismes,
le compte de 1540 par son fils François
24
25
d’hériter des biens de son père décédé . hdr voir p. 195-199 et c at. 70 à 75 et 78 à 88
Nous ne connaissons pas le véritable nom
hdr
Bouchot le surnomme Corneille de Lyon 3, du nom de la ville où se déroula sa carrière. Deux hypothèses avancées plus tard restent sans fondement : sur la base de gravures portant le monogramme CC , Natalis Rondot a supposé qu’il en était l’auteur et que son vrai nom était Corneille Cornelissen (« fils de Corneille ») 4, tandis que Fernand de Mély l’identifiait au peintre Corneille de La Chapelle 5. Nous ignorons tout de sa formation, mais il est certain qu’il s’établit à Lyon en 1533 au plus tard. Son ami le poète Jean Second affirme l’y avoir rencontré à cette date 6, à l’occasion de l’entrée de la reine Éléonore dans cette ville. En 1534, Corneille « de La Haye en Flandre » est mentionné comme peintre de la reine Éléonore au dos du portrait de Pierre Aymeric 7 [c at. 98] . À partir de 1541, Corneille devient
peintre du dauphin Henri 8 et conserve ce titre malgré ses penchants pour la Réforme, et, en 1547, Henri II lui accorde le titre de peintre du Roi (bien que l’on ne sache pas s’il était gagé ou non) 9, ainsi que des lettres de naturalité 10. Ces lettres mentionnent
1 A M Lyon, CC 274 (1536), CC 143 (1538), CC 41 (1545), CC 271,
22 AN , K K 100, f o 32 v o, et K K 100, f o 49 v o (sans doute les effigies portées à Blois par Louis du Moulin).
23 AN , J. 961/11, n o 58. 24 BnF, fr. 21450, f o 29 v o. 25 AN , Trésor des chartes, J J 254, n o 466, f o 86 v o (voir note 1).
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1 BnF, fr. 2971, f o 3 r o. 2 Hénault, 1907, I X , p. 117, pièce justificative n o 90 ; Zvereva, 2011a, p. 413, pièce justificative n o 1.
2 3 4 5 6 7 8 9 10
CC 1104 (1561-1562) : Dubois de Groër, 1996, p. 15. Pernetti, 1757, I , p. 397.
Bouchot, 1892. Rondot, 1902, p. 227. Mély, 1911 ; Dubois de Groër, 1996, p. 16. Second, 1618, p. 57-60, cité par Dubois de Groër, 1996, p. 16. Roudié, 1962 ; Béguin et Groër, 1978. A M Lyon, BB 62, f o 47 (Dubois de Groër, 1996, p. 271). Dubois de Groër, 1996, p. 19-20. A D Rhône, B , livre du roi, 1560-1566, f os 212 v o – 213 (Dubois de Groër, 1996, p. 272). 11 Dubois de Groër, 1996, p. 23.
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