Cet ouvrage accompagne l’exposition « Geste baroque. Collections de Salzbourg », organisée par le musée du Louvre en partenariat avec le Salzburg Museum et présentée à Paris, au musée du Louvre, du 20 octobre 2016 au 16 janvier 2017.
Le papier utilisé pour cet ouvrage est fabriqué par Arjowiggins Graphic et distribué par Antalis.
Illustrations de couverture Première : cat. 39, détail Quatrième : cat. 13, détail Rabats : cat. 57 En application de la loi du 11 mars 1957 (art. 41) et du Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre. © musée du Louvre, Paris, 2016 © Somogy éditions d’art, Paris, 2016 www.louvre.fr www.somogy.fr ISBN musée du Louvre : 978-2-35031-552-2 ISBN Somogy éditions d’art : 978-2-7572-1140-3 Dépôt légal : septembre 2016
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geste baroque Collections de Salzbourg Sous la direction de Regina Kaltenbrunner et Xavier Salmon
Textes de Astrid Ducke, Peter Husty, Regina Kaltenbrunner, Peter Keller, Christoph Mayrhofer, Ulrich Nefzger, Gerhard Plasser, Peter Rohrmoser, Peter Prange, Xavier Salmon, Urd Vaelske et Wolfgang Wanko
SALZBURG MUSEUM
NEUE RESIDENZ
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Musée du Louvre
Exposition
Jean-Luc Martinez Président-directeur
Direction de la Médiation et de la Programmation culturelle Michel Antonpietri et Aline François-Colin Adjoints au directeur
Karim Mouttalib Administrateur général Valérie Forey-Jauregui Administratrice générale adjointe Xavier Salmon Directeur du département des Arts graphiques Vincent Pomarède Directeur de la Médiation et de la Programmation culturelle
Musée de Salzbourg Martin Hochleitner Directeur du Salzburg Museum Brigitta Pallauf Présidente Salzburger Museumsverein Regina Kaltenbrunner Conservatrice, responsable de la collection Rossacher Eva Léchelle Assistante d’exposition Susanne Guderna Régisseuse d’œuvres Judith Ortner Responsable de la conservation et de l’atelier de restauration Bernhard Dannbauer Montage des objets Rupert Poschacher Imagerie numérique Karin Braun-Mühlmann, Salzbourg Sandra Dzialek, Vienne Maria Emberger, Salzbourg Alexander Lassnig, Oberalm Heidi Weinbeck, Munich Restaurateurs
Sous-direction de la Présentation des collections Fabrice Laurent Sous-directeur Pascal Périnel Chef du service des Expositions
Édition Musée du Louvre Sous-direction de l’Édition et de la Production Laurence Castany Sous-directrice Violaine Bouvet-Lanselle Chef du service des Éditions Direction de la Recherche et des Collections
Valentine Magne Coordinatrice d’exposition
Anne-Myrtille Renoux Chef du service des Ressources documentaires et éditoriales
Karima Hammache-Rezzouk Chef du service du Suivi des projets
Virginie Fabre Collecte de l’iconographie
Émilie Langlet Adjointe au chef de service
Somogy éditions d’art
Muriel Suir Scénographe
Nicolas Neumann Directeur éditorial
Tony Abel Conducteur de travaux
Stéphanie Méséguer Responsable éditoriale
Aline Cymbler Chef du service des Ateliers muséographiques
Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros Fabrication
Karim Courcelles Adjoint au chef de service Sous-direction de la Médiation dans les salles Marina-Pia Vitali Sous-directrice Stéphanie Orlic Chef de service médiation graphique et numérique Donato di Nunno Graphisme
Alison Jacquet-Robert Traduction de l’allemand vers le français
Mélanie Puchault Coordination et suivi éditorial Anne Chapoutot Contribution éditoriale Ariane Aubert Conception graphique
Carol Manzano et Stéphanie de Vomécourt Coordination signalétique
Klaus Ficker, Entreprise Ficker GmbH Richard Koch, Video TV-Koch Christian Schrenk, mediensalon.at
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Commissaires de l’exposition
Auteurs du catalogue
Regina Kaltenbrunner Conservatrice, responsable de la collection Rossacher Salzbourg, Salzburg Museum
Astrid Ducke (A. D.) Responsable de la collection et marketing Salzbourg, Residenzgalerie/DomQuartier
Xavier Salmon Conservateur général du patrimoine, directeur du département des Arts graphiques Paris, musée du Louvre
Prêteurs de l’exposition Que toutes les personnes qui, par leurs prêts généreux, ont permis la réalisation de cette exposition, trouvent ici l’expression de notre gratitude. Nos remerciements s’adressent également aux responsables des institutions et des établissements suivants : Bad Gastein, église Saint-Pirmin Salzbourg, Residenzgalerie/DomQuartier Salzbourg, Dommuseum/DomQuartier
Peter Husty (P. H.) Conservateur en chef, responsable de la collection peinture et sculpture jusqu’en 1800 Salzbourg, Salzburg Museum Regina Kaltenbrunner (R. K.) Conservatrice, responsable de la collection Rossacher Salzbourg, Salzburg Museum Peter Keller (P. K.) Directeur Salzbourg, Dommuseum/DomQuartier Christoph Mayrhofer (Ch. M.) Collaborateur indépendant pour la collection des pièces et médailles Salzbourg, Salzburg Museum
Salzbourg, Museum St. Peter Salzbourg, Kunstslammlungen St. Peter Salzbourg, Franziskanerkloster
Ulrich Nefzger (U. N.) Professeur extraordinaire honoraire Salzbourg, Université de Salzbourg
Gerhard Plasser (G. P.) Conservateur, responsable de la collection œuvres imprimées et manuscrites Salzbourg, Salzburg Museum Peter Rohrmoser (P. R.) Responsable des archives Salzbourg, Archevêché de Salzbourg et de la Fondation internationale Mozarteum de Salzbourg Peter Prange (P. P.) Direction de la section des Arts du xixe siècle Munich, Maison des Ventes, KARL & FABER Gmbh Xavier Salmon (X. S.) Conservateur général du patrimoine, directeur du département des Arts graphiques Paris, musée du Louvre Urd Vaelske (U. V.) Conservatrice, responsable de la collection arts appliqués/culture quotidienne Salzbourg, Salzburg Museum Wolfgang Wanko (W. W.) Conservateur des collections d’art et directeur du musée de l’abbaye Saint Pierre Salzbourg, Museum St. Peter/DomQuartier
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Remerciements L’exposition et le catalogue qui l’accompagne sont le résultat de nombreux efforts conjugués pendant plusieurs années. En premier lieu ceux des équipes du musée de Salzbourg, qui, sous la direction de Martin Hochleitner et Regina Kaltenbrunner, ont permis grâce au soutien de Jean-Luc Martinez, présidentdirecteur du musée du Louvre, d’accueillir au musée du Louvre un exceptionnel choix d’œuvres baroques appartenant aux collections des musées de Salzbourg, de certaines institutions religieuses et de la paroisse de Bad Gastein. Les commissaires souhaitent remercier tous les collègues des musées de Salzbourg et des collections partenaires, et tout particulièrement Roland Kerschbaum, le conservateur de l’archidiocèse de Salzbourg, pour son aide précieuse, ainsi que le pasteur Richard Weyringer et sa secrétaire Margot Mende, de Bad Gastein, sans oublier Judith Schmidt, de l’Inspection nationale des monuments historiques de Salzbourg, et Susanne Guderna, régisseuse d’œuvres, pour avoir accordé l’autorisation d’exportation. Un grand merci à l’Association des musées de Salzbourg et à sa présidente, Brigitta Pallauf, qui ont permis à Judith Ortner, responsable de la conservation et de l’atelier de restauration, et à son équipe de mener à bien les travaux de restauration nécessaires. Ils remercient aussi à cet égard le Rotary Club Bad Gastein et le restaurateur Alexander Lassnig. Merci à Peter Lechenauer, consul honoraire de France à Salzbourg, et à Mario Vielgrader, directeur du Forum culturel autrichien à Paris, pour leur soutien sans faille à ce projet d’exposition et de catalogue. La réussite de ce catalogue tient non seulement aux auteurs des différents articles, Astrid Ducke, Peter Husty, Peter Keller, Christoph Mayrhofer, Ulrich Nefzger, Gerhard Plasser, Peter Prange, Peter Rohrmoser, Urd Vaelske et Wolfgang Wanko, mais bien sûr aussi aux photographes, Eduardo Gellner, Helge Kirchberger, Josef Kral, Peter Laub, Josef Leithner, Rupert Poschacher, Reinhard Weidl et Gerhard Wolkersdorfer. Au musée du Louvre, les équipes de la sous-direction de la Présentation des collections et de la Médiation dans les salles ont une nouvelle fois fait merveille. Soulignons le rôle de Valentine Magne, coordinatrice de l’exposition, de Muriel Suir, scénographe, de Tony Abel, conducteur de travaux, de Carol Manzano, chargée de la coordination signalétique, de Donato di Nunno, graphiste, de Soraya Kamano et Franck Poitte aux Ateliers muséographiques et à la cellule Planification, et des équipes d’installateurs et d’éclairagistes. Sous la bienveillance habituelle de Violaine Bouvet-Lanselle, le catalogue a été le fruit d’un long travail de collaboration entre Mélanie Puchault, chargée de la coordination et du suivi éditorial, Alison Jacquet-Robert, traductrice, Virginie Fabre, iconographe, Ariane Aubert, graphiste, Anne Chapoutot, chargée de la relecture des textes et de l’adaptation de la traduction, et les équipes de Nicolas Neumann chez Somogy éditions d’art, Marc-Alexis Baranes, directeur commercial, Stéphanie Méséguer, responsable éditoriale, sans oublier Mélanie Le Gros et Béatrice Bourgerie qui ont veillé à la qualité de reproduction des images. Au département des Arts graphiques, Marine Bonnot a suivi le projet de bout en bout, saisissant entre autres les textes et veillant à la transmission de toutes les corrections. Enfin, Philippe Malgouyres nous a aidés au sujet de la description des monnaies et des médailles. Toutes et tous ont contribué à ce que ce projet se déroule sereinement. Nous les en remercions chaleureusement. Regina Kaltenbrunner et Xavier Salmon 7
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Sommaire Préfaces
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Essais Salzbourg, théâtre baroque
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Ulrich Nefzger
L’esquisse dans les collections salzbourgeoises : ébauche de l’histoire d’une collection
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Regina Kaltenbrunner
Catalogue Les princes-archevêques de Salzbourg aux xviie et xviiie siècles et leurs dates de règnes
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cat. 1 à 12
Le goût du bel édifice
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cat. 13 à 17
Les grands chantiers La cathédrale et ses abords • cat. 18 à 24 L’université et son église • cat. 25 à 27 L’église des Franciscains • cat. 28 Mirabell • cat. 29 Klessheim • cat. 30 L’abreuvoir princier • cat. 31 Le cimetière Saint-Sébastien • cat. 32 à 33 L’abbaye Saint-Pierre • cat. 34 à 36
Peindre et sculpter à Salzbourg à l’époque baroque
114 116 132 140 142 146 148 152 156 160
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Le geste baroque
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Annexes
Bibliographie Index des lieux Index des noms de personnes
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Préface Fondé en 1834, le Salzburg Museum rassemble la collection d’objets d’art et de civilisation la plus ancienne et la plus complète de Salzbourg. L’invitation à monter l’exposition « Geste baroque » au Louvre constitue un moment capital dans l’histoire de cette institution, ainsi qu’une véritable consécration pour les collections de la Residenzgalerie, du Dommuseum, de l’abbaye Saint-Pierre et des autres institutions ecclésiastiques concernées. Cette exposition a pour objectif de faire découvrir au public parisien les diverses manifestations du Baroque à Salzbourg, en Autriche et dans le sud de l’Allemagne, à l’aide de deux grandes lignes directrices : une première dédiée au Salzbourg baroque, à son paysage urbain et aux artistes qui lui sont liés ; une seconde visant à représenter le milieu artistique salzbourgeois. L’exposition comprend des œuvres d’artistes baroques autrichiens et allemands afin de témoigner des échanges entre ces deux paysages artistiques. Une attention toute particulière est portée à l’esquisse, qui permet de s’immerger véritablement dans l’esprit et le geste baroques. L’exposition « Geste baroque » arrive à point nommé : Salzbourg fête en effet en 2016 les deux cents ans de son rattachement à l’Autriche et se penche dans ce contexte sur la période antérieure à ces événements, une période étroitement liée à la France. Ainsi, en 1800, ce sont les troupes françaises qui font fuir le prince-archevêque Hieronymus von Colloredo, scellant le destin de Salzbourg comme principauté archiépiscopale autonome. À la suite de la sécularisation de l’archevêché, Salzbourg passe sous domination française entre 1809 et 1810. Ces événements ont laissé des traces, aussi bien à Salzbourg qu’à Paris. De nombreuses œuvres d’art d’origine salzbourgeoise témoignent aujourd’hui dans les collections et les musées français de la toute-puissance, de la sensibilité artistique et de la richesse des princes-archevêques de Salzbourg, mais aussi des conséquences douloureuses d’une histoire européenne marquée des siècles durant par les guerres et leurs retombées. La fondation du Salzburg Museum dans les années 1830 témoigne également de la volonté de la bourgeoisie de réagir face à la perte d’une position de pouvoir vieille de plusieurs siècles et à la disparition d’un patrimoine artistique et culturel. Il devient alors particulièrement important pour Salzbourg de raconter sa propre histoire dans un tout nouveau musée. L’actuel Salzburg Museum a ainsi servi à la fois de berceau pour ce récit et de point de départ pour la constitution de nouvelles collections, qui composent aujourd’hui la majeure partie de l’exposition « Geste baroque ». Cette exposition offre à la France un formidable aperçu d’un art baroque profondément marqué par l’Église à Salzbourg, en Autriche et en Bavière, et dévoile un pan de l’histoire des collections, des institutions ainsi que des relations entre la France et Salzbourg particulièrement propice à la réalisation d’un tel projet. Je souhaite remercier tout particulièrement le président-directeur du Louvre, Jean-Luc Martinez, qui a apporté son soutien au projet de Xavier Salmon, directeur du département des Arts graphiques du Louvre, et ainsi rendu possible une merveilleuse collaboration avec Regina Kaltenbrunner, conservatrice au Salzburg Museum. Je remercie aussi les collaboratrices et les collaborateurs du Salzburg Museum ainsi que les collègues des différentes institutions salzbourgeoises pour leur soutien dans cet important projet d’exposition parisienne. Dr Martin Hochleitner Directeur du Salzburg Museum
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Préface Johann Michael Rottmayr, Martino Altomonte, Paul Troger, Martin Johann Schmidt dit Kremser Schmidt, Hans Conrad Asper, Johann Meinrad Guggenbichler, Johann Georg Hitzl, Johann Baptist Hagenauer, Ferdinand Sigmund Amende : tous ces noms sonnent un peu mystérieusement aux oreilles de l’amateur français. Avec Johann Bernhard Fischer von Erlach, Johann Lucas von Hildebrandt et Georg Raphael Donner, architectes et sculpteurs de plus grande renommée, ils ont pourtant été les maîtres qui ont contribué à faire de la ville de Salzbourg l’une des perles du baroque européen. Grâce aux missions d’évangélisation conduites à partir de 696 par saint Rupert, qui fonda au pied des roches du Mönchsberg l’abbaye Saint-Pierre, dont il devint le premier abbé avant d’être nommé évêque, puis à celles de ses successeurs saint Virgile et Arno, la ville obtint à la fin du viiie siècle le rang d’archevêché. Par sa volonté d’expansion territoriale, elle s’imposait dès l’an 1000 comme l’un des principaux points d’appui du Saint Empire romain germanique. En 1278, l’archevêque de Salzbourg était élevé par l’empereur Rodolphe Ier de Habsbourg à la dignité de prince du Saint Empire et son diocèse érigé en principauté ecclésiastique. Dès lors, ceux qui régnèrent jusqu’en 1803 sur la ville et sur ses possessions terriennes concentrèrent entre leurs mains l’autorité religieuse et le pouvoir temporel. L’influence des princes-archevêques ne cessa de s’accroître, soutenue par d’exceptionnelles ressources issues de l’agriculture, de l’extraction du sel aux environs de Hallein et de l’exploitation de l’or dans les monts Tauern. Salzbourg fut tout au long de son histoire un foyer de création artistique. À la fin du xvie siècle et dans la première moitié du siècle suivant, Wolf Dietrich von Raitenau (1587-1612), Markus Sittikus von Hohenems (1612-1619) et Paris von Lodron (1619-1653), furent les premiers à transformer la cité médiévale en une grandiose ville baroque. À leur suite, Johann Ernst von Thun (1687-1709) et Franz Anton von Harrach (17091727) commandèrent à Fischer von Erlach et Hildebrandt les édifices religieux et civils qui font aujourd’hui encore la renommée de la « Rome du Nord ». Les deux architectes avaient l’un et l’autre séjourné dans la Ville éternelle, où ils s’étaient imprégnés des modèles de l’Antiquité, de Bernin, de Pierre de Cortone et de Carlo Fontana. Pour les princes-archevêques, ils surent conférer cette monumentalité au modèle architectural italien en puisant au modèle classique français cet aspect sculptural qui frappe encore aujourd’hui. Pour orner ces églises et ces palais, des générations de peintres, de sculpteurs et d’orfèvres multiplièrent les décors et les œuvres, cultivant un baroque au réalisme exacerbé à la manière de Guggenbichler, aux formes puissantes ainsi que Mändl les aimait, à la ligne sobre et élégante cultivée par Donner, aux influences cortonesque et rubénienne développées par Rottmayr, ou bien encore à la palette rembranesque à la façon de Kremser Schmidt. Tous ont volontairement fait écho au cadre architectural dans ce désir d’œuvre d’art intégrale (« Gesamtkunstwerk ») qui caractérisa si bien la création baroque en terres germaniques. Si la principauté disparut avec la fuite de Hieronymus von Colloredo face aux troupes françaises en 1800 et son renoncement au pouvoir temporel en 1803, le patrimoine baroque de Salzbourg demeura en grande partie intouché. Avec Wolfgang Amadeus Mozart, enfant de la cité né le 27 janvier 1756 au numéro 9 de la Getreidegasse, il constitue toujours l’un des plus grands attraits de la cité et invite à faire l’expérience du geste baroque. Cette expérience, nous avons souhaité la partager avec les visiteurs du musée du Louvre. Grâce aux collections des musées et des congrégations religieuses de Salzbourg, grâce au soutien de Martin Hochleitner, directeur du Salzburg Museum, de sa collaboratrice Regina Kaltenbrunner, commissaire de l’exposition, et de tous leurs collègues sollicités afin de faire partager leur connaissance et leur amour de la cité, certains des maîtres les plus célèbres du baroque autrichien et d’Allemagne du Sud témoignent à Paris de la diversité de leurs talents et de ce moment privilégié de création que furent les xviie et xviiie siècles. Ainsi retrouveront-ils peut-être à nouveau cette renommée qui leur permit alors d’entrer au service des princes-archevêques et qui leur fait en France aujourd’hui injustement défaut. Xavier Salmon Directeur du département des Arts graphiques du musée du Louvre
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Essais
Vue de Salzbourg depuis les hauteurs du Mรถnchsberg
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Salzbourg,
théâtre baroque Ulrich Nefzger
« Les régions de Salzbourg, Naples et Constantinople sont pour moi les plus belles de la
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Place de la Résidence
terre. » C’est en ces termes que le grand voyageur Alexander von Humboldt (1769-1859) faisait l’éloge de la situation géographique de Salzbourg. Grâce à sa vision encyclopédique, il était particulièrement apte à apprécier dans leur globalité les panoramas pittoresques des « environs » de Salzbourg. La ville, à la fois enclavée et protégée par trois collines, est traversée par la Salzach, dont le lit s’incurve à cet endroit, une configuration qui offre au regard un tableau éminemment pittoresque mêlant immensité et proximité de l’horizon. La beauté de cette région est celle d’un paysage des xve et xvie siècles. Nous nous proposons d’étudier ici la singularité artistique et culturelle du monde baroque salzbourgeois à l’aide de plusieurs exemples. Afin de saisir l’essence du baroque (salzbourgeois), il convient de procéder à une étude structurelle et comparative, et non de se contenter d’une simple vue d’ensemble chronologique. Le 11 décembre 1598, la cathédrale médiévale fut gravement endommagée par un incendie. Après plusieurs tentatives de rénovation menées sans succès, et en dépit du mécontentement général, le prince-archevêque Wolf Dietrich von Raitenau (1559-1617, règne de 1587 à 1612) fit entièrement démolir le vénérable édifice situé à côté du cimetière. Prié d’épargner la cathédrale de Virgile1, il aurait répondu : « Virgile, allons donc ! Ce sont des maçons qui l’ont construite2. » Marqué par le monde romain lors de ses études, Wolf Dietrich von Raitenau voulait donner à Salzbourg une identité visuelle inspirée du baroque italien et notamment romain à la mode de son temps. Il n’y parvint qu’en partie, car ses ambitions politiques furent contrecarrées. Ce maître d’ouvrage impétueux ne mérite qu’une admiration limitée. Peu sensible aux valeurs de l’ancien, il fut à l’origine d’un style de construction caractérisé par des édifices fermés et imposants, des rues bordées de maisons et un espace dominé par des places (fig. 2). Soucieux de « grandezza », il s’inspira pour les plans de la cathédrale de la basilique Saint-Pierre de Rome, et fit appel à l’architecte Vincenzo Scamozzi (1548-1616), un élève de Palladio qui partageait ses idées.
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L’esquisse
dans les collections salzbourgeoises : ébauche de l’histoire d’une collection Regina Kaltenbrunner
Le 10 décembre 1800, Hieronymus von Colloredo (1732-1812, règne de 1772 à 1803), le dernier prince-archevêque de la principauté autonome archiépiscopale de Salzbourg, fuyait devant les troupes françaises conduites par le général Jean-Victor Moreau en direction de Vienne. Au cours des seize années suivantes, Salzbourg fut rattachée successivement à plusieurs États1. Le 1er mai 1816, soit un an après le Congrès de Vienne (1814-1815), la ville fut finalement intégrée à l’Empire austro-hongrois. Chaque changement d’appartenance nationale s’accompagnait du déplacement des œuvres d’art transportables2. Après avoir été un archevêché durant des siècles, Salzbourg fut sécularisée3 et perdit ainsi son autonomie. La ville de résidence des princes-archevêques devint alors un « village de mendiants aux palais vides4 ». La cité sombra dans l’insignifiance politique et ses habitants choisirent de se tourner vers les domaines culturels. C’est ainsi que furent fondés notamment un musée (en 1834), le Dommusikverein ou Association de musique de la cathédrale (en 1841) et le Salzburger Kunstverein ou Association d’art de Salzbourg (en 1844) : des étapes qui avaient pour but de redonner à la ville une identité. C’est dans ce contexte qu’il faut considérer l’histoire des collections des musées de Salzbourg.
Des musées porteurs d’identité
Fig. 23 • détail
Le plus ancien des musées salzbourgeois, le Salzburger Museum Carolino Augusteum, nommé d’après son plus grand mécène, Caroline Auguste5, fut créé en 1834 à l’initiative des citoyens pour préserver l’héritage culturel de Salzbourg. Il rassemblait alors tout ce qui témoignait de l’histoire de la ville et du Land de Salzbourg. Près de cent ans plus tard, après la chute de l’Empire austro-hongrois (1918), on se tourna de nouveau vers l’art pour recréer une identité salzbourgeoise. C’est ainsi que fut fondée en
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Catalogue
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Les princes-archevêques de Salzbourg aux xviie et xviiie siècles et leurs dates de règne Wolf Dietrich von Raitenau (1559-1617, règne de 1587 à 1612)
Franz Anton von Harrach (1665-1727, règne de 1709 à 1727)
Markus Sittikus von Hohenems (1574-1619, règne de 1612 à 1619)
Leopold Anton Eleutherius von Firmian (1679-1744, règne de 1727 à 1744)
Paris von Lodron (1586-1653, règne de 1619 à 1653)
Jakob Ernst von Liechtenstein (1690-1747, règne de 1745 à 1747)
Guidobald von Thun (1616-1668, règne de 1654 à 1668)
Andreas Jakob von Dietrichstein (1689-1753, règne de 1747 à 1753)
Max Gandolph von Kuenburg (1622-1687, règne de 1668 à 1687)
Sigismund III Christoph von Schrattenbach (1698-1771, règne de 1753 à 1771)
Johann Ernst von Thun (1643-1709, règne de 1687 à 1709)
Hieronymus von Colloredo (1732-1812, règne de 1772 à 1803)
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Le
goût du bel édifice
La topographie si particulière du site contribue indéniablement à la beauté de Salzbourg. La ville s’inscrit dans une boucle de la Salzach, enserrée au nord par le Kapuzinerberg et du sud à l’ouest par la colline rocheuse du Mönchsberg, qui porte la forteresse de Hohensalzburg et le monastère de femmes du Nonnberg. Cette contrainte du terrain a permis de conserver jusqu’à nos jours une grande part de l’état historique du bâti, en particulier celui de l’époque baroque. De 1587 à 1653, trois princes-archevêques successifs, Wolf Dietrich von Raitenau, Markus Sittikus von Hohenems et Paris von Lodron, transforment la cité médiévale en une ville où palais, places et rues élargies évoquent les cités de la Renaissance italienne. Ils sollicitent pour cela des maîtres italiens plus ou moins célèbres, à l’exemple des architectes Vincenzo Scamozzi et Santino Solari ou du stucateur Elia Castello, qui contribuent à la renommée de la « Rome du Nord ». À partir de 1687, sous l’impulsion de Johann Ernst von Thun puis de Franz Anton von Harrach, la ville s’enrichit de nouveaux édifices dont l’esthétique cherche dans un baroque plus germanique à faire contrepoids à l’italianisme jusqu’alors prédominant. Johann Bernhard Fischer von Erlach (1656-1723) et Johann Lucas von Hildebrandt (1668-1745) élèvent églises, palais et châteaux et achèvent de donner à Salzbourg sa parure monumentale. Tous deux fins connaisseurs du haut-baroque romain, ces maîtres désirèrent s’en détacher en revisitant le modèle palladien et l’exemple français et en favorisant une totale harmonie entre l’ordonnancement architectural et le décor. Xavier Salmon
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Les
grands chantiers
De par la volonté des princes-archevêques, les grands chantiers conduits à Salzbourg donnèrent tour à tour la première place aux maîtres italiens puis aux artistes de langue germanique. Il s’agissait à la fois de construire de nouveaux édifices et d’embellir ceux qui existaient déjà, surtout pour les mettre au goût du jour. L’un des tout premiers exemples de basilique baroque à vaste nef unique au nord des Alpes, la cathédrale de Salzbourg, mobilisa plusieurs artistes italiens entre 1614 et 1628. Les plans en avaient été demandés à Scamozzi et devaient permettre de surpasser en dimensions Saint-Pierre de Rome. Ce fut Santino Solari qui fut finalement retenu. L’architecte s’entoura des stucateurs Andrea Orsolini et Giuseppe Bassarino, des statuaires Andrea, Antonio et Domenico Ursulina et Andrea et Giovanni Rapa, des fresquistes Ignazio Solari, fils de Santino, et Donato Mascagni. L’influence italienne demeura très forte jusqu’à la fin du xviie siècle et permit à l’architecte Giovanni Gaspare Zuccalli de construire les églises Saint-Gaëtan et Saint-Erhard, édifices de plan centré. Avec les commandes passées par le comte Thun à Fischer von Erlach dans les dernières années du xviie siècle, la suprématie italienne disparut peu à peu. Parmi les nombreuses églises construites par le célèbre architecte autrichien, celle de l’Université s’impose par l’élancement de sa façade bombée, ses pilastres gigantesques tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, ses couronnements en volutes et en balustrades, qui lui confèrent toute l’originalité d’un prototype autrichien appelé à devenir modèle. Xavier Salmon
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Peindre et sculpter
à Salzbourg à l’époque baroque
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Quatre personnalités se distinguent parmi les peintres qui œuvrèrent à Salzbourg à l’époque baroque. Johann Michael Rottmayr et Martino Altomonte appartiennent à la première génération. Le premier est un enfant du pays qui se forme à Venise auprès de Johann Carl Loth. Le second naît à Naples et fréquente à Rome les ateliers de Gaulli et de Maratti. Tous deux sont aujourd’hui considérés comme les fondateurs de la peinture baroque autrichienne, Rottmayr emportant l’adhésion de ses contemporains avec ses fresques et ses tableaux d’autel aux accents cortonesques et rubéniens. Peintre de la cour du prince-archevêque de Salzbourg, ami de Fischer von Erlach avec qui il collabora à plusieurs reprises, appelé à Vienne à partir de 1696, il connut les honneurs et fut anobli par l’empereur en 1704. Son œuvre prolifique fait largement écho à celui d’Altomonte, tant pour le sens de la composition que pour la gamme chromatique. Tout aussi célèbre en son temps, Paul Troger fut appelé à travailler pour Salzbourg à plusieurs reprises, en 1727, 1746 et 1749. Fresquiste recherché, il collabora à de nombreux chantiers à travers toute l’Autriche et séduisit sa clientèle par sa palette ténébriste et ses figures d’esprit napolitain rappelant l’art de Solimena, artiste avec lequel il est parfois confondu. Non moins productif que ses aînés, Martin Johann Schmidt, dit Kremser Schmidt, participa activement au chantier salzbourgeois de l’abbaye Saint-Pierre à la fin des années 1770 et s’imposa par son rembranisme et son goût pour une peinture plus épurée annonçant l’esthétique néoclassique. Enfin, parmi les sculpteurs présents à Salzbourg et dans sa région, Johann Meinrad Guggenbichler se distingue par ses nombreuses statues d’autel dont les attitudes dansantes, le pathos coloré et l’élan religieux n’ont rien à envier aux plus belles créations de l’Espagne des xviie et xviiie siècles. Xavier Salmon 38 • détail
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Grâce aux collections de ses musées et de ses congrégations religieuses, grâce aussi à la générosité de Kurt et Else Rossacher, Salzbourg peut s’enorgueillir de posséder l’un des plus beaux ensemble européens de modelli, de bozzetti et de ricordi témoignant du processus de création de nombreux artistes baroques ayant travaillé en Autriche et en Allemagne du Sud. Premières pensées, esquisses plus ou moins abouties destinées à être soumises au commanditaire avant que l’œuvre définitive ne soit exécutée, ou bien encore souvenir d’une composition qui connut un succès particulier ou dont son auteur éprouva de la fierté, ces créations furent dès le xviiie siècle recherchées par les amateurs parce qu’elles illustraient un instant de création. Elles nous donnent aujourd’hui l’indicible plaisir de découvrir ou de mieux connaître ces artistes qui s’illustrèrent par leur geste baroque en terres de langue allemande. Xavier Salmon
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