Cette publication a été éditée à l’occasion de l’exposition Gilles Aillaud, présentée au musée des Beaux-Arts de Rennes du 17 janvier au 17 mai 2015, au musée Estrine de Saint-Rémy-de-Provence du 30 mai au 30 août 2015, au FRAC Auvergne à Clermont-Ferrand du 2 octobre 2015 au 11 janvier 2016.
Page précédente : Gilles Aillaud, Paris, 1969. 1re de couverture : détail du cat. 42 4e de couverture : détail du cat. 27 Rabat de 4e de couverture : détail du cat. 13
© Adagp, Paris, 2015, pour les œuvres de Gilles Aillaud © musée des Beaux-Arts de Rennes, 2015 © musée Estrine, Saint-Rémy-de-Provence, 2015 © FRAC Auvergne, Clermont-Ferrand, 2015 © Somogy éditions d’art, Paris, 2015 Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Directeur éditorial : Nicolas Neumann Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer Coordination et suivi éditorial : Sarah Houssin-Dreyfuss Conception graphique : Gilles Beaujard Contribution éditoriale : Sandra Pizzo Fabrication : Michel Brousset, Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros
ISBN Somogy éditions d’art : 978-2-7572-0921-9 ISBN musée des Beaux-Arts de Rennes : 978-2-901430-55-1 ISBN FRAC Auvergne : 978-2-907672-20-7 Dépôt légal : janvier 2015 Imprimé en Italie (Union européenne)
Gilles Aillaud 1928-2005
Que soient remerciées toutes les personnes qui, par leur bienveillance, leur concours et leur aide matérielle, ont permis la réalisation de cette exposition : Nathalie Appéré, maire de Rennes ; Benoît Careil, adjoint à la culture ; Catherine Phalippou, conseillère municipale, déléguée aux musées ; Jean-Louis Tourenne, président du conseil général d’Ille-et-Vilaine ; Jean-Loup Lecocq, directeur des affaires culturelles de Bretagne ; Évelyne Schmitt, conseillère pour les musées à la DRAC Bretagne ; Hervé Chérubini, maire de Saint-Rémy-deProvence ; Jean-Noël Guérini, président du conseil général des Bouches-du-Rhône ; Michel Vauzelle, président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur ; Denis Louche, directeur des affaires culturelles de PACA ; Jean-Louis Riccioli, conseiller pour les musées à la DRAC PACA ; René Souchon, président du conseil régional d’Auvergne ; Michel Fuzeau, préfet de la Région Auvergne ; Anne Matheron, directrice de la DRAC Auvergne ; Nicole Rouaire, vice-présidente du conseil régional d’Auvergne ; Olivier Bianchi, maire de Clermont-Ferrand. Que tous les prêteurs, le FRAC Rhône-Alpes, l’Artothèque de Vitré, le MAC/VAL de Vitry-sur-Seine, le MAMC de Strasbourg, le FRAC Bretagne, le FRAC Auvergne, le musée des Beaux-Arts de Dole, le musée d’Art moderne de la Ville de Paris, le FRAC Basse-Normandie, la Fondation Gandur pour l’art, Pierre Buraglio, Catherine Thieck, Martine et Michel Brossard, Dolores Alvarez de Toledo ainsi que tous ceux qui ont souhaité gardé l’anonymat, trouvent ici l’expression de notre reconnaissance pour avoir accepté de se séparer de leurs œuvres pendant de longs mois.
Enfin, nous voudrions exprimer notre gratitude tout particulièrement à Bernard Michel pour sa collaboration à la partie théâtrale de l’exposition, à Catherine Thieck pour son aide essentielle, sa disponibilité, sa connaissance de l’œuvre de Gilles Aillaud et son écoute, et bien évidemment à Camille, Arthur et Marie Aillaud pour leur disponibilité et leur générosité lors de la préparation de cette exposition. Le montage vidéo Gilles Aillaud, scénographies 1972-2004 a été rélisé par Bernard Michelet et Francesca Melani. Le FRAC Auvergne remercie Jean-Frédéric Chibret, président des Laboratoires Théa, Maurice Bourrigaud, président du directoire de la Caisse d’Épargne d’Auvergne et du Limousin, Éric Pariset, gérant de Agecoma, Karine Gaudefroy, agent général AXA, partenaire AXA Art pour leurs partenariats.
Musée des Beaux-Arts de Rennes 20, quai Émile-Zola 35000 Rennes Direction, commissariat général : Anne Dary et Laurence Imbernon Secrétariat de l’exposition : Lynda Bihan Conservation : François Coulon, Laurence Imbernon, Guillaume Kazerouni Action culturelle : Marine Certain, AnneSophie Guerrier, Odile Hays, Carole Marsac Mécénat : Benoît Ollier Administration : Chantal Meslif, Marie-Chrystelle Henry-Louis, Jennifer Lemonnier, Armelle Gautier, Valérie Richard, Élisabeth Pelcat, Sandra Raseloued Bibliothèque : Béatrice Lambart Communication : Nadège Mingot Accueil du public : David Biet, Jany Clin, Gilles Hurault, Lydie Lemonnier, Meriam Rezzik, Graziella Sollier, Corinne Delahaye, Aurélie Brielle, Christine Renaudin, Florence Gicquel Équipe technique : Gérard Carrascosa, Pascal Darragon, Olivier Lambin, Christian Lebreton Sécurité : Philippe L’Hostis Photographie : Jean-Manuel Salingue Régie des œuvres : Anne-Laure Le Guen Musée Estrine 8, rue Estrine 13210 Saint-Rémy-de-Provence Présidence : Philippe Latourelle Direction, commissariat : Élisa Farran Régie des œuvres : Franck Demaison Service des publics : Chantal Cazaux, Marina Dauthuey-Laurent, Bénédicte Brun Multimédia : Clément Hostein Assistance technique : Bernard Bucciarelli, Marc Caudron, Roger Sitt FRAC Auvergne 6, rue du Terrail (exposition) 1, rue Barbançon (administration) 63000 Clermont-Ferrand Présidence : Henri Chibret Direction, commissariat : Jean-Charles Vergne Assistante : Séverine Faure Régisseur : Philippe Crousaz Chargée des publics : Laure Forlay Chargée de la pédagogie : Amandine Coudert Chargé de la technique : Luc Tarantini Accueil et assistante régie : Éricka Chomette Avec le mécénat, pour le FRAC Auvergne, des Laboratoires Théa, de la Caisse d’Épargne d’Auvergne et du Limousin, d’AXA et d’Agecoma
Avant-propos 6 — Anne Dary Directrice du musée des Beaux-Arts de Rennes Élisa Farran Directrice du musée Estrine de Saint-Rémy-de-Provence Jean-Charles Vergne Directeur du FRAC Auvergne 8 — Gilles Aillaud, une éducation sentimentale du regard Didier Semin 16 — Gilles Aillaud, les animaux, le paysage, le regard Jean Jourdheuil 27 — Esquisses pour Gilles Aillaud Éric Suchère 30 — Catalogue Œuvres exposées ! → Rennes !! → Rennes et Saint-Rémy-de-Provence !!! → Rennes, Saint-Rémy-de-Provence et Clermont-Ferrand 98 — Expositions et scénographies 102 — Bibliographie
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Avant-propos Anne Dary Élisa Farran Jean-Charles Vergne Directrice du musée des Beaux-Arts de Rennes
Directrice du musée Estrine de Saint-Rémy-de-Provence
Directeur du FRAC Auvergne
Cette exposition monographique de Gilles Aillaud est la première grande rétrospective qui lui est consacrée depuis sa mort prématurée il y a dix ans, en 2005 ; ce fut aussi l’année de l’importante exposition que lui offrit le musée d’Art et d’Histoire du Luxembourg. Aujourd’hui, trois institutions de trois régions différentes, le musée des Beaux-Arts de Rennes, qui en est l’initiateur, le musée Estrine de Saint-Rémy-de-Provence et le FRAC Auvergne, ont souhaité s’associer afin de faire redécouvrir la peinture de cet artiste, lui redonner sa juste place et sa singularité dans l’histoire de l’art, et la montrer dans toute son ampleur, sa vérité, sa force et son intrinsèque originalité. Gilles Aillaud était non seulement peintre mais également dessinateur, graveur, scénographe, écrivain et poète. L’exposition ainsi que les manifestations qui l’accompagneront tenteront de montrer toutes les facettes de ses talents. Après des études de philosophie, il se forma en autodidacte et avec opiniâtreté à la peinture, dans la solitude de la recherche, et accompagna l’engagement des artistes de sa génération, notamment au sein du Salon de la Jeune Peinture de 1964 à 1971, dont il fut l’un des protagonistes essentiels. Ami des artistes de la figuration narrative, il a son nom souvent associé à ce mouvement, du fait notamment des œuvres collectives réalisées avec les peintres Eduardo Arroyo et Antonio Recalcati. Le travail collectif, il le retrouva lorsqu’il collabora comme scénographe aux nombreuses créations théâtrales des grands metteurs en scène de sa génération – Klaus Michael Grüber, Jean Jourdheuil, Luc Bondy, entre autres – de 1972 à 2002. Sa contribution fut là aussi très originale : Gilles Aillaud œuvrait comme peintre et partenaire de la mise en scène et non comme simple décorateur. C’est encore le travail collectif qui est manifeste dans le second tome de l’Encyclopédie de tous les animaux y compris les minéraux, ouvrage de lithographies réalisées au Kenya avec l’éditeur Franck Bordas mais aussi l’écrivain Jean-Christophe Bailly, la photographe Ianna Andréadis ainsi que femme et enfants. L’intérêt pour la peinture de Gilles Aillaud est sans doute la principale raison qui a rassemblé nos trois institutions pour ce projet, ainsi que la présence de ses œuvres au sein de nos collections : La Fosse au musée des Beaux-Arts de Rennes, une toile déposée par le CNAP en 1997, et Ours noir, acquis par le FRAC Auvergne en 1985.
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Le musée Estrine, quant à lui, contribue depuis plusieurs années à valoriser les travaux des artistes de cette génération réunis autour du Salon de la Jeune Peinture. L’exposition montrera tous les aspects de l’œuvre de Gilles Aillaud : les animaux, les grands paysages africains et bretons, les dessins et les estampes, notamment une sélection issue de l’Encyclopédie de tous les animaux y compris les minéraux, enfin le travail de scénographie à travers des photographies, des dessins, des affiches et un montage vidéo. Pour finir, des comédiens s’empareront de ses textes au sein même de l’exposition, rendant vivante son écriture en écho à sa peinture. Par-delà les sujets de sa peinture, Gilles Aillaud est incontestablement ce que l’on a pour commodité d’appeler un « peintre pour les peintres », c’est-à-dire un artiste admiré par d’autres artistes parce qu’ils mesurent la difficulté de peindre, de constituer une langue qui parvienne à décrire ses enjeux et qui sache parfaitement et sublimement ajuster sa syntaxe à ce qui doit être dit. L’enjeu de cette exposition est de montrer aussi que son art est universel et parle avec sensibilité à tout un chacun. La peinture de Gilles Aillaud, méditative et silencieuse, est rétive aux discours, mais témoigne de l’indicible jubilation de l’artiste à peindre, à rendre par-delà la représentation, la matérialité du tableau, sa lumière, sa palette colorée, la vibration de la matière. Nous espérons que cette rétrospective contribuera à la reconnaissance de son art resté jusqu’à maintenant trop confidentiel et permettra la redécouverte de cet artiste talentueux.
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Gilles Aillaud, une éducation sentimentale du regard Didier Semin
UNE FEMME, UN CHEVAL, LA MORT D’UN CONDAMNÉ La peinture de Gilles Aillaud n’est pas prioritairement à comprendre mais à éprouver – si tant est que l’épreuve des sens et celle de l’intellect doivent être séparées, ou que l’intelligence d’une image ne soit pas simplement le préalable à l’abandon magnifique qu’elle réclame de nous… Mais ce serait un vaste débat. Pour démêler d’abord l’imbroglio de catégories dans lequel on a, volontairement ou non, parfois égaré ou dissimulé les tableaux d’Aillaud, il importe tout de même de revenir sur les partis pris du peintre. Moins en reprenant l’histoire de la figuration narrative ou du réalisme européen qu’en retournant aux écrits et articles de l’artiste lui-même – ancien élève, en khâgne, de Jean Beaufret, il était, comme on sait et par chance, aussi philosophe, et n’a jamais cédé à l’injonction de Matisse qui voulait qu’un peintre dût se couper la langue plutôt que de s’exprimer sur son art1 (Matisse lui-même n’y ayant fort heureusement pas obéi non plus). Le courant qu’on a coutume d’appeler la figuration narrative, ou nouvelle figuration, n’est pas exactement un mouvement ; il ne s’accompagna d’aucun manifeste fondateur, ne véhiculait pas à proprement parler de doctrine, et s’organisa d’abord à travers la prise de contrôle, en 1964-1965 à Paris, du Salon de la Jeune Peinture par de jeunes artistes militants : Aillaud, Arroyo, Recalcati eurent part à l’entreprise, tout comme Cueco, Fleury, Latil, Parré, Tisserand – ces derniers se réuniraient en 1970 au sein de la Coopérative des Malassis. C’est Gérald Gassiot-Talabot qui fédéra – sans pour autant se prendre pour un chef d’école – quelque chose comme un groupe à travers deux expositions, Mythologies quotidiennes au musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 1964 et La Figuration narrative dans l’art contemporain à la galerie Creuze en 1965, cette dernière fournissant un nom de baptême. Le dénominateur commun à tous les artistes présents dans ces manifestations était bien davantage une volonté politique qu’un style ou un principe : il s’agissait, pour dire les choses simplement, de ne pas laisser au pop art, américain ou britannique, le monopole d’une réappropriation des images en peinture au terme d’une longue période de près d’un demi-siècle qui avait mécaniquement associé l’avant-garde et le progrès en art à l’abstraction, que celleci soit géométrique, constructive ou gestuelle. Gassiot-Talabot écrirait d’ailleurs en 1977 : « L’enjeu était de situer un groupe de jeunes peintres, nouveaux figuratifs, en face des tendances dominantes et particulièrement du pop art américain déjà à son zénith. Or, comme toutes ces tendances avaient en commun une référence au système des objets et au folklore urbain, il sembla possible de distinguer les mentalités européennes par une nuance critique2. » Un supposé réalisme européen fut ainsi – sans
9 grand succès, il faut le reconnaître – inventé quelques années plus tard, en 1974, à l’occasion de l’exposition Hyperréalistes américains, réalistes européens au CNAC (préfiguration du futur Centre Georges-Pompidou), pour faire pièce non plus au pop art, déclinant, mais au photoréalisme alors unanimement célébré3, et à partir des mêmes préjugés, engagement et poids du passé côté européen, indifférence glacée et sans mémoire côté américain. Une histoire moins nationaliste ou moins partisane aurait simplement reconnu ceci que, au début des années 1960, la figuration explicite avait cessé de n’être le fait que d’artistes singuliers, réfractaires aux grandes tendances (parmi tous ceux que l’on pourrait citer : Hopper, Wyeth, Morandi, Hélion, Balthus…), pour intégrer de plein droit une modernité dont elle avait été idéologiquement exclue de part et d’autre de l’Atlantique. Sans doute l’air qui circule à Paris n’est-il pas le même que celui qui souffle à New York ou à Chicago ; il serait néanmoins aisé, si l’on considérait de façon globale le retour en grâce du réel à cette époque, de démonter les oppositions de climats et de trouver plus de similitudes, pour s’en tenir aux grands, entre Monory et Rosenquist, par exemple, qu’entre Monory et Aillaud. C’est une certaine pensée déjà mondialisée de la modernité qui était alors en cause, pas un style ou des nations, et un article d’Aillaud dans Rebelote – une modeste revue qui réunissait peintres et gens de théâtre – le dit de manière explicite. Son titre est : « Bataille rangé ». Il ne comporte pas de coquille et, si l’adjectif n’est pas au féminin, c’est qu’il s’agit de ranger non Austerlitz ou Waterloo, mais Georges Bataille, dont le livre sur Manet est pris pour parangon d’une vision formaliste de l’évolution de la peinture. Il fallait un certain culot, ou un certain courage (disons « courage » en ce cas : le culot est une forme d’inconscience), pour s’attaquer, dans les années 1970, à Bataille, mais l’article est loin d’être sans arguments. « Prenons, écrit Aillaud, Georges Bataille et ce qu’il a écrit de Manet (Skira, 1955). Puisqu’on s’accorde de tous les côtés à voir en Bataille un intellectuel “progressiste”, “révolutionnaire”, “avancé”, etc., on aurait pu attendre de lui qu’il n’embouche pas les trompettes du silence. Écoutons donc ce qu’il dit dans son livre sur Manet. Page 36 : “Ce qui […] est en cause est la transformation de la peinture, de langage, de discours qu’elle était, en cet art autonome – au même degré que la musique libérée des fonctions du discours – qu’elle est depuis Manet. […] Il devait se donner librement à l’art de peindre, à la technique, au chant des formes et des couleurs4.” » On reconnaît en effet, dans l’assertion de Bataille, une antienne des avant-gardes au XXe siècle : depuis les Nabis jusqu’aux pionniers de l’abstraction, la peinture se serait appliquée à conquérir la même autonomie que la musique, qui plaît sans avoir à imiter le réel. La célèbre formule de Maurice Denis, « se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue, ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées5 », était alors posée comme un théorème, dont Manet aurait entamé, parmi les premiers, la démonstration. On oubliait allègrement que cette phrase avait été écrite en 1890 par un élève des Beaux-Arts âgé d’à peine vingt ans et emporté par l’enthousiasme : peut-on sérieusement soutenir qu’il est indifférent, ou même secondaire, inavouable perversion mise à part, qu’un tableau représente un cheval de bataille (c’est bien d’une espèce d’Austerlitz qu’il est question, et non de Georges Bataille, né sept ans après la parution de l’article de Maurice Denis) ou une femme nue ? Ce que Gilles Aillaud constate, c’est qu’hélas en effet on le peut, et il lit précisément ce paradoxe sous la plume de Bataille 1. Voir Henri Matisse, Écrits et propos sur l’art, éd. Dominique Fourcade, Paris, Hermann, 1972, p. 190, 235, 308. lorsque ce dernier évoque L’Exécution de l’empereur Maximilien 2. Gérald Gassiot-Talabot, préface au catalogue de l’exposition en ces termes : « C’est expressément à Manet que nous devons Mythologies quotidiennes 2, Paris, ARC, avril-juin 1977. attribuer d’abord la naissance de cette peinture sans autre signi- 3. Harald Szeemann et Jean-Christophe Ammann lui avaient fait une place de choix en 1972 à la documenta 5 de Cassel. fication que l’art de peindre qu’est la “peinture moderne”. Malraux 4. Gilles Aillaud, « Bataille rangé », Rebelote, n 3, 1973, n. p. écrit de L’Exécution de l’empereur Maximilien : c’est le Trois Mai de 5. Maurice Denis, « Définition du néo-traditionnisme », Goya, moins ce que ce tableau signifie. C’est de Manet que date le Art et Critique, août 1890. o
10 refus de “toute valeur étrangère à la peinture”, l’indifférence à la signification du sujet. […] Manet peignit la mort du condamné avec la même indifférence que s’il avait élu pour objet de son travail une fleur, ou un poisson6. » L’exemple n’est pas pris au hasard : il est indiscutable que le tableau de Manet, tout en réinterprétant à quelque cinquante ans de distance7 le schéma du Tres de Mayo de Goya, est froid, passablement étrange et énigmatique – les condamnés, Maximilien et deux de ses généraux, semblent aussi absents à leur propre exécution que le peloton qui les fusille, sous les yeux d’une petite foule guère plus passionnée qu’elle ne le serait au passage d’une fanfare. Mais Aillaud suggère, à juste titre, que cette froideur n’a aucune raison d’être attribuée à une indifférence quant au sujet : après tout, Manet peignait admirablement les asperges, pourquoi serait-il allé chercher une exécution capitale pour faire une démonstration du libre exercice quasiment musical des formes et des couleurs ? N’est-il pas plus raisonnable de penser qu’il a tout bonnement voulu représenter la réalité de son temps ? L’invraisemblable expédition menée au Mexique par Napoléon III en 1861, dont l’empereur Maximilien fit, si l’on ose dire, les frais, rapportée à l’invasion de l’Espagne par Napoléon Ier en 1808 illustrerait à la perfection l’hypothèse de Marx selon laquelle l’histoire se répète, mais en rejouant sous la forme d’une farce ce qu’elle a d’abord produit sous l’espèce de la tragédie. Manet peint la fin de Maximilien très exactement comme une pièce jouée par des acteurs un peu las et absents, pantins malchanceux pris dans un engrenage absurde, de la vanité duquel ils semblent conscients : l’empereur déchu est figuré sous les traits d’un dandy qui meurt courageusement, pour rien et en le sachant. Les images photographiques qui subsistent de l’événement attestent que Manet n’a pas pris tant que cela de libertés avec l’histoire. « Pourquoi, demande Aillaud, cette obstination [de Manet] à reprendre des sujets classiques pour leur faire dire autre chose ? Pour leur faire dire quoi ? Il s’agissait d’abord de leur faire dire leur mensonge en 1860. Il s’agissait ensuite et surtout de montrer la réalité de son temps. Mais en montrant cette réalité, comme par carambolage, par référence à des sujets mythiques passés, il l’illumine d’un éclat terrible8. » La conclusion de l’article rapporte joliment les querelles byzantines à leur juste dimension d’engueulades de bistrot, les seules qui comptent : « Ce détour par Bataille et son livre sur Manet était pour essayer de montrer dans quelle choucroute pédalent aujourd’hui les intellectuels les plus “avancés” qui “font” notre culture moderne9. » On pourra trouver injuste la charge contre Bataille (l’hostilité de Sartre à son égard pouvait avoir marqué les jeunes intellectuels marxistes de la génération d’Aillaud10). Il n’en demeure pas moins qu’une des idées centrales de son Manet, celle que la modernité en peinture transformait tous les sujets en simples motifs, dominait encore largement le paysage de la critique d’art, quand elle se proclamait d’avant-garde, dans les années 1960, et qu’elle méritait d’être dénoncée pour l’absurdité qu’elle demeure – quand bien même l’auteur du Bleu du ciel ne méritait peut-être pas au premier chef la volée de bois vert. PEUT-ON PEINDRE UNE IDÉE ? Si l’on se rend, donc, à cette évidence qu’il n’est pas indifférent de peindre une femme, un cheval ou une exécution capitale, on doit prendre en compte ce que la peinture représente, quand elle représente quelque chose (allant de soi qu’elle peut fort bien choisir de ne rien représenter du tout, mais c’est alors un autre regard qu’elle implique). Celle de Gilles Aillaud se concentre, on le sait bien, et à de rarissimes exceptions près, sur les animaux sauvages tels que nous les voyons ordinairement, c’est-à-dire dans ce décor à michemin entre le théâtre, la prison et le laboratoire que constituent les jardins zoologiques, puis, un peu plus tard, sur des paysages, comme lavés, de grève à marée basse ou de savane après la pluie. Aillaud, le peintre animalier ? Combien de fois aura-t-on entendu cette rengaine… Dans le monde de l’art, elle valait encore sentence de mort il n’y a pas si longtemps.
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La Mer dans tous ses états, no 436, 1988, huile/toile, 24 × 33 cm, succession Gilles Aillaud.
Prenons donc les animaux, puisqu’il en est question, par les cornes, puisqu’ils en ont souvent (pas toujours, bien sûr, et c’est délicatement que j’éloigne à l’instant mon chat, qui n’aime rien tant que s’allonger sur mon clavier quand j’écris). Les bêtes sauvages n’auront été pour Aillaud ni un thème ni un symbole. Pas un thème, parce que rien ne lui était plus étranger que cette « appropriation du réel » dont son contemporain Pierre Restany avait fait l’alpha et l’oméga des réalistes qu’il tenait pour nouveaux. Aillaud, quant à lui, n’a jamais imaginé déposer un copyright sur les fauves en cage, et son réalisme était d’un modèle plus ancien, celui autrefois défini par Goethe : reproduction du monde extérieur filtrée par 6. Cité par Gilles Aillaud, « Bataille rangé », op. cit. un monde intérieur susceptible de tout recréer, remodeler ou 7. Le Tres de Mayo de Goya est de 1814, L’Exécution de l’empereur réunir11. Et si le tropisme animalier ne le désigne pas exactement Maximilien de Manet de 1868. comme un Antoine-Louis Barye au temps du nouveau réalisme, 8. Gilles Aillaud, « Bataille rangé », op. cit. 9. Ibid. il ne fait pas non plus de lui un peintre d’allégories – même si la 10. Voir Jean-Paul Sartre, « Un nouveau mystique », in Situations I, tentation est souvent forte de rabattre ses toiles sur une volonté Paris, Gallimard, 1947, p. 133. 11. « Le début et la fin de toute activité littéraire, c’est la de dénonciation. reproduction du monde autour de moi, au moyen de mon Cela mérite quelques explications. Une lecture allégorique propre monde, tout y étant compris, lié, modelé, reconstruit des œuvres d’Aillaud est toujours possible, et elle ne serait et recréé sous une forme et une manière qui soient miennes » : pas rigoureusement déplacée12. Après tout, les zoos sont, dans Johann Wolfgang von Goethe, lettre à Friedrich Heinrich Jacobi, 21 août 1774. Edward Hopper conserva toute sa vie, toute l’Europe, contemporains de la révolution industrielle et soigneusement plié dans son portefeuille, le papier sur lequel des politiques coloniales (celui de Vincennes, à Paris, fut ouvert il avait recopié cette phrase, qu’il transposait – légitimement – en 1934, le jardin pudiquement appelé d’acclimatation datant, au domaine pictural qui était le sien. lui, de 1860), dont ils épousaient alors la logique : il s’agissait 12. L’artiste ne la revendiquait pas, au contraire, mais prenait cependant soin de ne pas complètement l’exclure : de manifester une toute-puissance dominatrice qui s’étendait « C’est l’explication que je trouve extraordinaire de Rimbaud jusqu’à la nature – les peuples colonisés n’ayant souvent pas à sa mère, qui lui demandait comment il fallait comprendre un statut très différent de celui des animaux non domestiqués : ce qu’il écrivait ; il a répondu : “Littéralement et dans tous les sens.” » (« Zoo. Le tapir ou l’hippopotame, littéralement et dans le début du XXe siècle avait même inventé les zoos humains13… tous les sens », Libération, 18 avril 1978, cité in Gilles Aillaud, L’engagement anticolonialiste de Gilles Aillaud, sa participala jungle des villes, Arles, Actes Sud, 2001, p. 139). tion à l’exposition Salle rouge pour le Vietnam en janvier 1969 13. Ils ne disparurent, en France, qu’après l’exposition coloniale de 1931. à l’ARC sont bien connus, il ne serait a priori pas scandaleux
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Gilles Aillaud, les animaux, le paysage, le regard Jean Jourdheuil
Gilles Aillaud était peintre, écrivain, poète. Ses tableaux (animaux au jardin zoologique, paysages grecs, embouchure du Nil, savane africaine, bords de mer) ont quelque chose d’énigmatique. Il en va de même de ses textes littéraires, de ses poèmes en prose ou en vers libre. En revanche, les textes de présentation des expositions de quelques amis, peintres dont il estimait le travail, la démarche, les prises de position, les choix artistiques (Titina Maselli, Eduardo Arroyo, Pierre Buraglio, Nicky Rieti, Jean Hélion), énoncent de manière parfaitement claire et limpide des questions d’ordre philosophique ou esthétique. On peut dire la même chose des textes, généralement non signés, qu’il écrivit pour le Bulletin de la Jeune Peinture. UNE ÉTHIQUE DU REGARD On trouve ainsi dans « Quelques éclaircissements1 » des remarques qui ont valeur éthique s’agissant de la peinture et de ses relations avec la réalité : « Pour parler de la qualité d’un tableau, il faudrait être capable de le regarder en face. Or on ne regarde aujourd’hui les tableaux que de biais, en enfilade, ou si l’on veut en perspective. Une perspective qui ne met chaque fois le tableau en relation qu’avec celui qui le précède et celui qui le suit. Comment cela se passe-t-il ? Au lieu de prendre en considération l’ensemble non systématiquement cohérent d’une œuvre, la multiplicité des liens souvent contradictoires qui la rattachent à la réalité, on l’épure, on en extrait la quintessence sous prétexte d’en tirer une leçon. On la réduit ainsi par abstraction à n’être qu’une proposition à côté d’autres propositions à l’intérieur d’une problématique générale de la structure spécifique de l’œuvre d’art, une problématique d’ordre purement “linguistique”. Pour regarder un tableau en face, il faudrait commencer par essayer de se souvenir qu’un tableau est fait avant tout pour parler à quelqu’un de quelque chose. L’examen de ce “quelqu’un” et de ce “quelque chose”, lorsqu’il n’est pas carrément rejeté, est toujours renvoyé à plus tard par celui qui regarde la peinture, absorbé qu’il est par le souci primordial de faire passer au tableau cet examen préalable : est-ce une peinture valable ? Valable par rapport à quoi ? Valable par rapport à la peinture. » Il ressort de cet extrait que Gilles Aillaud ne célébrait le culte ni de la Peinture avec un grand P, ni d’aucune de ses formes temporaires – l’abstraction, l’hyperréalisme et l’expressionnisme américains, pas même le pop art –, ni d’aucun prophète supposé de l’art
17 contemporain. Il considérait qu’aucune forme picturale, aucune façon de peindre n’avait lieu de réclamer pour elle-même un privilège qui lui aurait été décerné par les historiens d’art, les philosophes, les galeristes, les musées. Et il esquisse dans ce texte une phénoménologie immédiatement compréhensible de la relation entre celui qui regarde et ce qu’il regarde. Le critique Gérald Gassiot-Talabot a, me semble-t-il, enrôlé Gilles Aillaud un peu trop et un peu trop rapidement sous la bannière de la figuration narrative. En effet, sa peinture personnelle (animaux au zoo, paysages, bords de mer) est certes figurative, mais elle n’a rien de narratif. Et elle est figurative en ceci qu’elle est indifférente à la distinction, à l’opposition de l’abstrait et du figuratif. Elle récuse cette opposition. Regarder les choses en face suppose le refus de ce découpage, de cette classification. Le figuratif peut devenir abstrait et inversement. Les séries qu’Aillaud a réalisées avec Arroyo et Recalcati en 1965, Une passion dans le désert, d’après une nouvelle de Balzac, et Vivre et laisser mourir ou la Fin tragique de Marcel Duchamp, ne sont pas illustratives ; elles sont en revanche figuratives et narratives, elles racontent quelque chose sur un mode romanesque ou cinématographique. Il en va de même de quelques tableaux réalisés pour les Salons de la Jeune Peinture : La Bataille du riz (1968), La Datcha (1969)2. « J’ai longuement essayé d’expliquer que toutes les manières de peindre étaient permises, la mienne autant qu’une autre, également bonnes pourvu qu’elles fussent un moyen d’accès à la réalité historique dans laquelle nous vivons, la peinture est mauvaise quand elle devient sa propre fin en soi, elle est alors maniérisme… Cette attitude me permit de m’entendre avec tous les amis peintres quelle que fût leur approche de la peinture3. » Ces tableaux peints par trois pinceaux tenus par trois mains de trois artistes différents ne pouvaient par définition avoir pour objet de faire admirer une manière de peindre, d’autant que chacun avait la possibilité de modifier, de corriger, de retoucher ce que son prédécesseur avait fait. Ils prenaient le contre-pied de l’idée que, dans un tableau, c’est une subjectivité qui s’exprimerait. Aillaud, Arroyo et Recalcati étonnèrent avec Une passion dans le désert et firent scandale avec Vivre et laisser mourir ou la Fin tragique de Marcel Duchamp. Ces expositions furent des provocations réalisées avec les moyens de la peinture, des « interventions » à une époque où la forme avant-gardiste du « manifeste » était épuisée. Les tableaux 2, 3, 5 et 7 de la série consacrée à l’outrage fait à Marcel Duchamp sont aussi, sur un mode cinématographique, un autoportrait de groupe, où Aillaud est celui qui regarde plutôt que celui qui agit : c’était un animal à sang froid. Il participe à l’outrage, mais il en est aussi le témoin – comme les trois galopins Max Ernst, André Breton et Paul Éluard qui, dans le célèbre tableau de Max Ernst, regardent la Vierge Marie donner une fessée à l’Enfant Jésus. Les autorités artistiques et culturelles des années 1960, les surréalistes survivants oublieux de leurs propres provocations des années 1920-1930 protestèrent avec virulence : les trois délinquants furent vilipendés et accusés de crime de lèse-majesté. C’est à la majesté supposée de Marcel Duchamp et de l’art contemporain qu’ils avaient attenté. Ils avaient du même coup montré que la croyance en la majesté de l’art et l’instrumentalisation de ce discours de croyance n’étaient pas l’apanage de l’académisme et que, de ce point de vue, l’art contemporain ne valait pas mieux que l’académisme. Les avantgardes d’autrefois étaient en train de devenir un conformisme de la modernité : CQFD. Le monde de l’art contemporain fit longtemps grief et tint rigueur à Aillaud, Arroyo et Recalcati d’avoir rompu le pacte de son dispositif 1. Gilles Aillaud, Bulletin de la Jeune Peinture, n 5, juin 1969. 2. La Datcha est un tableau peint par Aillaud, Biras, Fanti et Rieti, religieux, académique et consensuel. et imaginé avec la participation d’Arroyo. J’évoque cette séquence de l’œuvre d’Aillaud, ces expériences pictu- 3. Gilles Aillaud, « Les peintres en France dans les années 1980 », rales et polémiques dans le contexte des années 1960, parce que ma Eighty, n 18, 1987. o
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Vivre et laisser mourir ou la Fin tragique de Marcel Duchamp, 1963, huile/toile, 163 × 992 cm, musée national Reina Sofía, Madrid.
première rencontre avec lui eut lieu lors d’une réunion de la Jeune Peinture à laquelle Pierre Buraglio m’avait convié. Je fus alors frappé non seulement par l’élégance discrète, un peu dandy, de sa personne, par sa diction curieusement scandée, mais aussi, dans ce contexte « gauchiste » et contestataire des années 1960-1970, par la singularité, la radicalité, la clarté et le caractère parfois paradoxal de ses prises de position concernant la politique, la philosophie de l’art, les styles et les manières de peindre. Sa personne était énigmatique. Lorsque, peu de temps après, je vis ses tableaux représentant des animaux au jardin zoologique, je me trouvai devant une autre énigme.
LE PARTI PRIS DES ANIMAUX L’impression première que produisaient ces tableaux représentant des pensionnaires de jardins zoologiques était surprenante au plus haut point. Comment celui qui adoptait des positions philosophiques et politiques claires, nettes et radicales pouvait-il faire une peinture à ce point apolitique ? On y retrouve cependant, me semble-t-il, les raisons philosophiques qui le conduisirent à prendre part aux entreprises collectives que je viens d’évoquer, ainsi que sa façon d’y participer, sa capacité à écouter, sa patience, l’acuité de son regard, son sens de la plaisanterie y compris sur des sujets qui étaient pour lui de première importance, sa désinvolture parfois, sa manière d’être sans concession, sa radicalité. L’œuvre de Gilles Aillaud n’est pas homogène, elle est cohérente et composite ; lui-même parlait de « l’ensemble non systématiquement cohérent d’une œuvre ». J’ai à deux reprises tenté d’élucider et de problématiser mon étonnement devant ces tableaux : « Aillaud […] cadre ses tableaux de telle façon qu’on ne puisse voir qu’une partie de l’animal, quand il n’interpose pas entre l’animal et nous des grilles ou des barreaux il éprouve le besoin de reproduire le rebord d’une cage vitrée qui redouble le cadre du tableau, et surtout, il peint des animaux qui sont littéralement absents (c’est-à-dire qui peuvent le cas échéant ne pas être là), totalement indifférents à un lieu pourtant destiné à les mettre en valeur. […] Les animaux d’Aillaud ne sont pas assez coopératifs4. » « Ces tableaux n’ont-ils pas, […] aussi paradoxal que cela puisse paraître, une conscience claire et distincte d’eux-mêmes, non seulement de leur singularité mais aussi de ce qu’ils sont et éventuellement disent ? Sans violence mais non sans autorité, ils mettent l’écrivain au défi de cheminer parallèlement à ce qu’ils disent déjà sans en avoir l’air, le donnant à voir sans prendre la peine de le montrer, sans vouloir le montrer, puisqu’ils en re-présentent l’apparition. Or ce qu’ils disent, c’est tout d’abord le silence. Ils sont une invitation à prendre la mesure de cette cavité qu’ils creusent sans laquelle il ne saurait y avoir d’espace du regard. […] Les animaux n’y ont d’autre obligation que d’être là pour être regardés, ce qui les dispense d’avoir à se montrer. S’ils sont gracieux, à l’instar de l’ours dont parle Kleist dans son essai Sur le théâtre de marionnettes, c’est peut-être parce qu’ils sont indifférents à l’exigence de faire image et ne sauraient par conséquent s’écarter de leur centre de gravité. Dans le sommeil ou la somnolence, immobiles, ils s’approchent de la perfection. Dans l’oisiveté, comme dirait Ponge, ils vont jusqu’au bout de leur idée5. » J’avais l’impression qu’Aillaud attribuait à l’animal, quelle que soit la partie de son corps qui était vue et donnée à voir, la valeur cultuelle que l’histoire de l’art reconnaît
19 généralement au visage humain, au portrait. Les dessins qu’il fit de ses amis dans les années 1950 – Franz Villier, Yéfime Zarjevski, Titina Maselli, Michel Sager – et aussi, dans les années 1960-1970, de ses proches – Camille, Marie et Arthur – sont vus, scrutés et donnés à voir avec cette profondeur de champ, ce va-et-vient entre le visage et l’animal, avec tact, comme si le crayon et le pinceau étaient des organes du toucher. Au jardin zoologique, son intention était bien sûr d’être aussi exact que possible, de produire une image discrètement surprenante mais aussi ressemblante que possible, d’être au plus près de l’animal en tant qu’il nous demeure étranger étant pour nous une énigme, de saisir aussi parallèlement, simultanément, l’étrangeté des lieux dans lesquels l’espèce humaine le loge pour venir le voir. L’énigme de l’animal et l’étrangeté des lieux conçus par l’homme : les sols, les carrelages, les mosaïques, les grottes, les bassins et les rochers en béton du zoo de Vincennes, tous ces lieux factices où les animaux sont parfois relégués dans un coin, apathiques et indifférents au fait qu’ils vont finir représentés dans un tableau. L’analogie entre la visite du jardin zoologique, le passage des visiteurs d’un animal à l’autre, chacun dans sa cage, et la visite d’une exposition, le passage des amateurs d’art d’un tableau à l’autre, est flagrante mais commode. Il y a dans la peinture de Gilles Aillaud quelque chose qui excède cette analogie institutionnelle entre musée et jardin zoologique. Regarder ses tableaux avec l’attention et la fantaisie qu’ils requièrent nous fait voir, imaginer et penser autrement et autre chose que ne le ferait le feuilletage d’une collection de photographies prises dans les zoos de Paris, Amsterdam, Rome et Berlin. Gilles Aillaud peint l’énigme que l’animal abrite, recèle dans la consistance de sa chair, parfois massive et compacte, le grain et la couleur de sa peau, la façon qu’elle a de prendre la lumière, la relation que l’animal entretient avec son élément de prédilection – l’eau dans le cas du phoque, de l’hippopotame et des crocodiles, les rochers factices dans le cas de l’ours –, il peint l’étrangeté du lieu où il est assigné à résidence, il l’épure jusqu’à le rendre quasi abstrait, libérant ainsi les potentialités du dessin et de la couleur, et dans cet espace nous sommes confrontés au sommeil, à la somnolence de l’animal, à la manière d’être de chaque animal selon sa complexion dans sa cage ou sa fosse, bref, Gilles Aillaud peint son propre regard, « l’insomnie de la raison » (selon la belle formule de Michel Sager6). Et s’il lui arrive d’utiliser la photographie, comme beaucoup de peintres dans ces années-là, c’est comme aide-mémoire et pour soustraire son regard à cette tutelle de la photographie, non seulement par l’éclat, la fantaisie, le côté un peu décalé, la légèreté et l’affirmation des couleurs, la représentation de la lumière, mais aussi en multipliant, parfois discrètement, parfois franchement, le nombre des points de fuite. Après tout, nous avons deux yeux et nous pourrions en avoir plus, et les animaux ne voient pas et ne perçoivent pas l’espace comme nous. Dans le cas le plus simple, un tableau qui aura deux points de fuite proches l’un de l’autre et situés sur une même ligne horizontale amorcera une courbure de l’espace, sera comme agrandi dans le sens de la largeur, donnera à l’observateur la sensation d’un enveloppement potentiel, comme si ce tableau allait bientôt excéder son champ de vision. Les œuvres d’Aillaud font respirer l’espace autrement qu’une photographie, comme si le peintre s’aventurait discrètement à proposer une vision différente de la vision humaine, une vision rétive aux normes induites par l’appareil photographique, la vision de quelqu’un qui est un tant soit peu dans ce qu’il voit. À la qualité des couleurs, à la multiplication des points de fuite qui rend l’espace spacieux, à l’éclat de la lumière sur la peau, il faut ajouter un autre registre de l’intelligence manuelle, la qualité graphique du dessin, qui selon les cas et selon la chose à montrer sera d’une grande minutie et virtuosité ou à peine ébauché, laissé à l’état d’esquisse. La main qui dessine ne sait pas si elle 4. Jean Jourdheuil, « Le parti pris des animaux », Opus dessine ou si elle écrit, c’est ainsi qu’elle pense. Je supposais tout à international, 1972. l’heure que ces peintures attribuaient à l’animal la valeur cultuelle 5. Jean Jourdheuil, D’un jardin l’autre, Grenoble, Maison de la culture de Grenoble, 1984. que l’histoire de l’art donne généralement au visage humain, je suis 6. C’était le titre de sa préface au catalogue de l’exposition prêt à aggraver mon cas en disant que l’invention picturale s’agisqui devait avoir lieu au musée d’Art moderne de la Ville de Paris sant du dessin et de la couleur, la simplicité raffinée et virtuose de en 1971.
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Esquisses pour Gilles Aillaud Éric Suchère
SITUATION Je n’oublie pas que les années 19601 ont vu autant de peintures figuratives que de peintures abstraites, que Chuck Close voisine avec Andy Warhol et se confronte avec Francis Bacon tout autant qu’avec Donald Judd, Joan Mitchell ou Barnett Newman, et que l’on peut accrocher ensemble une œuvre de Bernard Rancillac avec une de Gilles Aillaud voire avec un Gérard Gasiorowski, mais je ne peux pas oublier l’énormité qui m’est apparue lorsque j’ai vu pour la première fois le Rhinocéros (1966) du musée d’Art moderne de la Ville de Paris, cet énorme arrière-train présenté non loin d’un Simon Hantaï et d’œuvres de B.M.P.T. Il y avait là une incongruité frappante, une sorte d’hérésie au sein du modernisme, hérésie tout aussi évidente que celle qui consiste à voir que La Pisseuse de Pablo Picasso est exactement contemporaine de One and Three Chairs de Joseph Kosuth. Et même si l’on devait rester en famille, dans une catégorie qui serait, rapidement, celle d’une peinture figurative photoréaliste, la chose résisterait. L’animalité représentée n’est pas de même nature que la jungle urbaine de l’hyperréalisme d’un Richard Estes, que les images politiques de la figuration narrative d’un Gérard Fromanger – même si l’on peut penser politiquement la peinture de Gilles Aillaud – ou que l’imagerie grinçante de Gerhard Richter ou de Malcolm Morley. Il est, donc, d’abord question de cela, de la place de Gilles Aillaud dans la modernité. Jean-Christophe Bailly, à ce propos, évoque une insistance et un bord : « Aussi bien sa peinture n’est pas innocente et ne se comporte pas comme si l’art moderne n’avait pas eu lieu. Au contraire, et pardelà même la violente embardée polémique relative à Duchamp2, elle s’adresse à l’art moderne, elle vient en lui, très discrètement d’abord, et sur un bord précis, se poser comme une insistance3. » J’évoquerai quant à moi une marge, la même marge que celle de Picasso ou de Philip Guston, non un refus de la modernité, ni une catégorie en soi de celle-ci (comme le pop art par exemple), mais une liberté profonde du sujet inscrivant la peinture dans la suite de la modernité, dans son prolongement, mais tout autant dans son indépendance. Gilles Aillaud est d’abord un sujet : l’animalité – même si je n’oublie pas qu’il y a des paysages sans animaux dans cette œuvre –, ce par quoi il se reconnaît et, dans et par cette animalité, une bizarrerie esthétique. Cela ne ressemble à rien d’autre et n’est pas pour autant un logo ou une marque de fabrique anodine. Et, si j’acquiesce avec ce qu’écrit Jean-Christophe Bailly, il ne peut être simplement question d’une insistance sur le visible comme, dans la peinture, une loutre ou un phoque ne sont pas tout à fait la même chose qu’une pomme ou une montagne. Gilles Aillaud est un solitaire de la modernité – pour continuer sur des termes baudelairiens – déjà par le sujet. Il est moderne par son sujet – cette animalité répétée – tout en s’isolant de celle-ci – par
28 l’insistance sur la représentation animale. Ou, pour forcer un peu le trait, c’est la même indépendance et incongruité que l’on sent lorsque au Mauritshuis de La Haye l’on va du Chardonneret de Carel Fabritius au Taureau de Paulus Potter en passant par La Jeune Fille au turban de Vermeer. Il s’agit de la même situation historique et esthétique chez les trois artistes, mais il y a un hiatus visible entre leurs propositions picturales. ABSTRACTIONS Mais si l’on voulait faire abstraction du sujet ? Je sais bien que cela n’a pas de sens et que l’on ne peut pas et que la signification de ces peintures tient dans ce qu’elles représentent, mais si l’on voulait s’éloigner de cela, de ce hiatus-là ou, tout simplement, de la mauvaise catégorie, celle qui consiste à y voir une peinture animalière, une descendance autant de Paulus Potter que du Rhinocéros de Serval, in Encyclopédie de tous les animaux y compris Pietro Longhi… Ou, pour essayer de définir un autre hiales minéraux, 1988-1990, lithographie/vélin d’Arches, tus, ne pas partir que du sujet, mais de la manière même éd. 3/50, Éditions Franck Bordas. de le présenter, comme il me semble que la singularité est tout autant là – composition et surface. Pour beaucoup, il y aurait deux parties dans l’œuvre de Gilles Aillaud, une première (1963-1976) sans brio apparent, sans trop d’effets, neutre, objective, distanciée et, pour un regardeur un peu rapide, un peu glacée, et une deuxième (1977-2003) plus libre, plus esquissée4. Je pose l’hypothèse qu’il n’y a pas de différence entre des périodes mais insistance sur ce qui se trouve toujours dans cette œuvre à partir de 1963-1964 – et si c’était sa présence au sein de la figuration narrative qui avait empêché de voir cette peinture qui, au contraire de celle d’un Fromanger ou d’un Rancillac, n’est pas volontairement sans qualité ? Ou : le mystère est que la peinture reprenne la main au-delà du ou des sujets – animaux ou paysages marins ou savane. Alors, qu’est-ce qui est picturalement en jeu ? La peinture de Gilles Aillaud est figurative, d’une couleur excessive pour qui la regarderait avec attention – mais loin de l’outrance pop de l’époque – et sans virtuosité trop marquée. On perçoit que l’œuvre est peinte rapidement, avec une huile très maigre, des surfaces légères à peine modulées avec quelques annotations ajoutées. La peinture de Gilles Aillaud est, fondamentalement, un jus plus ou moins dense – de moins en moins dense – où le blanc de la toile, de légère réserve, devient de plus en plus visible – d’où une référence possible à l’aquarelle. Son rêve – ou son horizon –, je l’imagine, est que, d’une tache, la chose soit figurée, que la chose se figure dans la plus grande légèreté. Ainsi, dans Éléphant après la pluie (1991), la tache verte à gauche de l’éléphant est déjà presque un éléphant et demeure tout autant la tache qu’est l’éléphant à ses côtés. Alors, l’animal n’est souvent que taches : taches de serpent mimétique de son environnement, taches de brillance sur l’arrière-train du rhinocéros, taches de dos d’hippopotame dans la soupe, tache du pelage d’un lion contre muraille. L’animal se dissimule, certes, et la tache est le signe de son camouflage possible – combien parfois il faut chercher l’animal dans les jardins et parcs zoologiques –, mais un des sens de la peinture est le passage de la tache à la figure, et Gilles Aillaud se maintient souvent entre les deux – et l’eau coulant, par exemple, dans Otarie et jet d’eau (1971) vient troubler tout autant que les rides de l’onde ce qui autrement serait trop décidable. La brillance, je l’ai écrit, est aussi tache mais également ce qui permet le passage de la tache à la floculation. La floculation peut être brillance mais pas seulement, comme on la retrouve dans les salissures noires sur le rocher de l’Ours blanc (1975) ou dans tous les paysages de montagnes jusqu’aux écailles de crocodiles ou aux rochers à marée
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1. Autoportrait, 1955, gouache/papier, 75 × 52 cm, collection privée !!!
2. Autoportrait, 1955, gouache/papier, 75 × 52 cm, succession Gilles Aillaud !!!
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7. Vivarium, 1963, huile/toile, 81 × 100 cm, collection Thieck !!!
8. Grille no 2, 1964, huile/toile, 130 × 162,8 cm, collection FRAC Bretagne !
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27. Panthères, 1977, huile/toile, 250 × 200 cm, collection Centre national des arts plastiques, en dépôt au musée d’Art moderne de la Ville de Paris !!!
60
34. Serval mangeant, 1982, huile/toile, 81 × 65 cm, collection Pierre Buraglio !!!
35. Ours noir à collier, 1988, huile/toile, 114 × 89 cm, collection Martine et Michel Brossard !!!
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36. Mer à Cancale, 1986, huile/toile, 150 × 200 cm, collection privée !!!
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37. Marée basse, courant I, 1986, huile/toile, 200 × 300 cm, collection MAC/VAL de Vitry-sur-Seine !
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38. Marée basse, courant II, 1986, huile/toile, 200 × 280 cm, collection privée !
70
45. Iguane, 1974, sérigraphie/papier, éd. 54/120, Atelier Bellini, 75 × 54 cm, collection Artothèque de Vitré !
46. Les Pingouins, 1974, lithographie/papier vélin de Rives, éd. 54/120, Atelier Bellini, 75 × 54 cm, collection Artothèque de Vitré (œuvre tirée du portfolio Huit définitions du réel ) !
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65. Girafes Masaï, 1988, crayon/papier, 10,5 × 14,7 cm, succession Gilles Aillaud !!!
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66. Encyclopédie de tous les animaux y compris les minéraux, 1988-1990, vol. I, II, III, IV, sélection de 84 planches sur 194, A. Pélican, B. Bison, C. Genette, D. Méduse, lithographie/vélin d’Arches, éd. 3/50, Éditions Franck Bordas, 32,5 × 25 cm, succession Gilles Aillaud !!!
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79. Serpent, 1991, crayon/papier, 13,3 × 21 cm, succession Gilles Aillaud !!!
81. Le Delta, 1992, aquarelle/papier kraft, 21 × 29,7 cm, succession Gilles Aillaud !!!
80. Delta, 1992, aquarelle/papier kraft, 21 × 29,7 cm, succession Gilles Aillaud !!!
82. Oies sauvages, 1996, aquarelle/papier, 28 × 76 cm, succession Gilles Aillaud !!!
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83. Sans titre, 1997, aquarelle/papier, 29,5 × 42 cm, succession Gilles Aillaud !!!
85. Un canard, 2001, aquarelle/papier, 25 × 32,5 cm, succession Gilles Aillaud !!!
84. Vol d’oies sauvages, 1999, aquarelle/papier, 56 × 76 cm, succession Gilles Aillaud !!!
86. Une sterne, 2001, aquarelle/papier, 25 × 32,5 cm, succession Gilles Aillaud !!!
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87. Oiseau, 2001, aquarelle/papier, 32,5 Ă— 25 cm, succession Gilles Aillaud !!!
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88. Lion couchĂŠ, sans date, mine de plomb/papier, 21 Ă— 29 cm, succession Gilles Aillaud !!!
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92. Le Pôle, de Vladimir Nabokov, mise en scène Klaus Michael Grüber, scénographie Gilles Aillaud, MC93, Bobigny, 1996
93. Le Retour d’Ulysse dans sa patrie, de Claudio Monteverdi, mise en scène Klaus Michael Grüber, scénographie Gilles Aillaud et Bernard Michel, Opernhaus, Zurich, 2002
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94. Don Carlos, de Friedrich von Schiller, mise en scène Luc Bondy, scénographie Gilles Aillaud, théâtre du Châtelet, Paris, 1996
95. Pierrot lunaire, d’Arnorld Schönberg, direction Pierre Boulez, scénographie Gilles Aillaud et Bernard Michel, Festival d’Aix-en-Provence, 2003
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Expositions et scénographies
5 juin 1928 1948-1950 1950 1952 1959 1963 1964
1965
1966 1967
1968
1969
1971 1972
1973 1974
1975
1976 1977 1978 1979
Naissance à Paris. Études de philosophie. Première exposition, Galleria dell’ Obelisco, Rome, avec Fabio Rieti. Exposition personnelle, Galerie Niepce, Paris. Travaille presque dix ans dans un isolement total. Expose un tableau au Salon de la Jeune Peinture, obtient la bourse Félix-Fénéon. Exposition personnelle, Galerie Claude Levin, Paris. Entre au comité du Salon de la Jeune Peinture et participe au Salon de Mai. Avec Eduardo Arroyo et Antonio Recalcati, réalise Une passion dans le désert, d’après une nouvelle d’Honoré de Balzac, qu’ils exposent en 1965 à la Galerie Saint-Germain, Paris. Salon de Mai. Réalise Vivre et laisser mourir ou la Fin tragique de Marcel Duchamp avec Eduardo Arroyo et Antonio Recalcati, œuvre collective exposée à la Galerie Creuze, Paris. Exposition personnelle, Galerie du Dragon, Paris. À l’occasion d’une exposition commune à Caracas (Sala Mendoza), voyage avec Arroyo et Recalcati au Venezuela, au Mexique et à New York. Exposition personnelle, Galleria Il Fante di Spade, Rome. Participe au Salon de Mai à La Havane et travaille à la réalisation d’une peinture murale collective. Painting in France 1900-1967, États-Unis. Exposition personnelle, Galleria de Foscherari, Bologne. Participe à la création de l’Atelier populaire de l’École des beaux-arts de Paris. Salle rouge pour le Vietnam, ARC, musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Police et Culture, musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Exposition personnelle, Galleria Il Fante di Spade, Rome. Exposition personnelle, Società Promotrice delle Belle Arti, Turin. Exposition personnelle, ARC, musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Décors et costumes de Dans la jungle des villes de Bertolt Brecht, mise en scène de Jean Jourdheuil, Avignon, Paris (salle Gémier). Exposition personnelle, Galleria Il Fante di Spade, Rome et Milan. Écrit Bataille rangée contre Georges Bataille et son Manet. Décors des Bacchantes d’Euripide (avec Eduardo Arroyo), mise en scène de Klaus Michael Grüber, Schaubühne, Berlin. Exposition personnelle, Galerie Claude Bernard, Paris. Hyperréalistes américains et réalistes européens, Paris, Milan, Rotterdam, Hanovre. Ars 74, Museum Ateneum, Helsinki. New Image in Painting, Tokyo, Biennale 74. Décors de Faust, d’après Goethe (avec Eduardo Arroyo), mise en scène de Klaus Michael Grüber, chapelle Saint-Louis-de-la-Salpêtrière, Paris. Realismus+Realität, Kunsthalle, Darmstadt. Expose à la Biennale de Venise. 06 Art 76, Berkeley, Purchase, Houston. Exposition personnelle, Galleria Il Fante di Spade, Rome, Milan. Mythologies quotidiennes II, ARC, musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Exposition personnelle, Galerie Karl Flinker, Paris. Décors de Hamlet-machine de Heiner Müller, mise en scène de Jean Jourdheuil, Saint-Denis.