Ce catalogue est publié à l’occasion de l’exposition Guerres secrètes, 12 octobre 2016 - 29 janvier 2017, Paris, musée de l’Armée.
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Somogy éditions d’art, Paris, 2016 Musée de l’Armée, Paris, 2016 David Cornwell, 2016 pour le texte de John le Carré Téra-création pour le visuel de couverture
ISBN Somogy éditions d’art : 978-2-7572-1124-3 Dépôt légal : octobre 2016 Imprimé en Union européenne
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GUERRES SECRÈTES - : - : - : - : Sous la direction de Christophe Bertrand, David Guillet, Carine Lachèvre, François Lagrange et Emmanuel Ranvoisy.
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Cat. 1 Cat. 1 Fiction 2015 Planisphère utilisé dans la série télévisée Au Service de la France Parodie des films d’espionnage se déroulant au début des années 1960, la série télévisée Au Service de la France suit les pas d’un jeune homme engagé comme stagiaire dans les services de renseignement français. À travers ce personnage candide que vont
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former trois agents d’élite aussi misogynes et racistes que suffisants, cette série dépeint avec dérision les incohérences, les travers mais aussi les failles d’une administration au service d’une France colonialiste sur le déclin. Alu panel blanc, aspect de surface satin (encre) ; H. 198 × L. 300 cm ; 10 kg Mandarin Télévision - ARTE France
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Non illustré : Cat. 2 Fiction 2015 Médaillon des services secrets « Partout où nécessité fait loi », utilisé dans la série télévisée Au Service de la France Bois peint ; ø 89 × P. 2 cm Mandarin Télévision - ARTE France
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LE CIC GRAND PARTENAIRE DU MUSÉE DE L’ARMÉE Le CIC soutient la politique culturelle et patrimoniale du musée de l’Armée aux Invalides depuis 2003. Dans ce cadre, il parraine ses expositions temporaires qui mettent en exergue les faits marquants de l’histoire de France. Guerres secrètes fait entrer, pour la première fois, l’histoire de l’espionnage et des services secrets dans un grand musée national de notre pays et réunit un ensemble de pièces dont beaucoup n’ont jamais été présentées au public. Le CIC finance notamment deux films, l’un sur Enigma (machine à chiffrer et déchiffrer utilisée par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale qui fait figure d’ancêtre d’Internet et des nouvelles technologies), l’autre retraçant, par le biais d’une animation, l’évolution des services secrets, du Second Empire à la fin de la Guerre froide. En s’associant à cette nouvelle exposition, la banque entend contribuer à faire prendre conscience, aux jeunes générations en particulier, que la connaissance du passé est source de confiance dans l’avenir. Nicolas Théry Président du CIC Alain Fradin Directeur général du CIC
LA DGSE C’est avec une grande satisfaction que la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) s’associe, en tant que partenaire officiel, à l’exposition Guerres secrètes, destinée à faire comprendre aux visiteurs les raisons d’être et les missions d’un service spécial et à décrire, avec rigueur, la réalité des guerres secrètes, en se gardant de toute vision fantasmée. Afin de répondre à une attente de l’opinion publique française, il est en effet de l’intérêt de la DGSE d’expliquer qui elle est, mais également de rassurer les Français sur la légitimité de son action et le bien-fondé de ses missions, dans un contexte de montée en puissance de l’encadrement et du contrôle des activités de renseignement. L’ambition est de contribuer à rendre ainsi plus familière la fonction de renseignement extérieur. Il s’agit d’une exigence démocratique, contrepartie indispensable au caractère par nature secret des activités d’un service de renseignement, secret sans lequel la DGSE ne pourrait accomplir efficacement ses missions. Dans ce cadre, la DGSE ne peut qu’encourager les projets scientifiques visant à consolider dans notre pays la culture du renseignement, qui ne doit ni ne peut être considérée comme une activité douteuse, mais qui constitue au contraire un volet indispensable de l’action de l’État, au service de la sécurité des Français et de nos intérêts vitaux. Cette démarche apparaît plus nécessaire que jamais, alors que la période actuelle, particulièrement troublée, suscite de fortes attentes de la part de nos concitoyens. C’est pourquoi la DGSE est fière de soutenir l’exposition Guerres secrètes, notamment par le prêt de quelque cinquante objets et documents de son patrimoine, dont certains seront présentés pour la première fois au grand public. Bernard Bajolet Directeur général de la sécurité extérieure
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L’ECPAD L’ECPAD, agence d’images du ministère de la Défense depuis 1915, dispose de collections exceptionnelles d’archives audiovisuelles et photographiques : 12 millions de clichés et 33 000 titres de films. Ce fonds, progressivement numérisé, est constamment enrichi par la production des reporters militaires, les versements des organismes de Défense et les dons des particuliers. L’ECPAD garantit la disponibilité permanente d’équipes de reportage formées aux conditions de tournage opérationnel pour témoigner en temps réel de l’engagement de nos armées sur tous les théâtres d’opérations. Il réalise, en France et dans le monde, des reportages photo et vidéo mis à disposition des médias français et étrangers. Partenaire fidèle du musée de l’Armée, l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense met son savoir-faire audiovisuel et archivistique au service de l’exposition du musée de l’Armée Guerres secrètes. Contrôleur général des Armées Christophe Jacquot Directeur de l’ECPAD
L’INA
Entreprise publique audiovisuelle et numérique, collecte, sauvegarde et transmet le patrimoine télévisuel, radiophonique et Web français. Acteur de l’innovation, l’Institut partage et valorise ses contenus, en France et à l’étranger, auprès du grand public, des professionnels de l’audiovisuel, de la communauté éducative ou des institutions culturelles. Déjà partenaire du musée de l’Armée à l’occasion des expositions Churchill - de Gaulle, Indochine : des territoires et des hommes 1856-1956 ou Algérie 1830-1962 avec Jacques Ferrandez, l’Ina renouvelle aujourd’hui son accompagnement pour Guerres secrètes. Au fil d’un parcours qui interroge la clandestinité des services de renseignement et en dévoile les mécanismes, les archives télévisuelles et radiophoniques présentées dans l’exposition incarnent le regard des médias français sur l’espionnage et le contre-espionnage. Reportages ou magazines, sujets de journaux télévisés ou radiodiffusés, ces images et ces sons dévoilent l’existence de situations politiques hors-norme et hors-champ. D’investigations en témoignages, les archives de l’Ina révèlent au public – et déchiffrent pour lui – la réalité des services secrets depuis la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la fin de la Guerre froide, jouant ainsi le rôle d’intermédiaires, voire d’agents doubles, entre documents déclassifiés et fictions d’espionnage. Laurent Vallet Président-directeur général
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ORGANISATION DE L’EXPOSITION Ministère de la Défense Cédric Lewandowski, directeur du cabinet civil et militaire du ministre de la Défense Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l’administration (SGA) Myriam Achari, directrice de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) Alexis Neviaski, délégué aux patrimoines culturels (DMPA) Dominique Espinasse, chef du bureau des actions culturelles et des musées (DMPA) Musée de l’Armée Général de corps d’armée Bruno Le Ray, gouverneur militaire de Paris, président du conseil d’administration Général de division (2S) Christian Baptiste, directeur David Guillet, directeur adjoint Paul Chiapporé, secrétaire général COMITÉ SCIENTIFIQUE Président : Olivier Forcade, professeur des universités à l’Université Paris IV-Sorbonne Christopher Andrew, professeur d’histoire moderne et contemporaine, Université de Cambridge Jean-Pierre Bat, chargé d’études, Archives nationales Fabien Boully, maître de conférences en études cinématographiques, Université Paris-Ouest Nanterre La Défense Agnès Chablat-Beylot, conservateur en chef du patrimoine, chef du centre des archives diplomatiques de Nantes Nathalie Genet-Rouffiac, conservateur général du patrimoine, ministère de la Défense Pascal Griset, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris-Sorbonne, Directeur de l’ISCC Colonel (E.R.) Frédéric Guelton, historien, ancien chef du département de l’Armée de terre au SHD David Guillet, conservateur général du patrimoine, directeuradjoint du musée de l’Armée Général de corps d’armée (2S) Jean Heinrich, ancien chef du service action à la DGSE, ancien directeur de la Direction du renseignement militaire Pascal Le Pautremat, docteur en histoire contemporaine, spécialiste de polémologie COMMISSARIAT Lieutenant-colonel Christophe Bertrand, conservateur du département contemporain du musée de l’Armée Carine Lachèvre, assistante de conservation et adjointe à l’Historial Charles de Gaulle du musée de l’Armée François Lagrange, chef de la division de la Recherche historique, de l’action pédagogique et des médiations du musée de l’Armée Emmanuel Ranvoisy, conservateur-adjoint du département contemporain du musée de l’Armée Conseiller cinéma auprès du commissariat : Fabien Boully
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Équipe du département contemporain : Laurent Charbonneau, attaché de conservation Jordan Gaspin, chargé d’études documentaires principal Solène Granier, assistante de conservation Florine Laval, stagiaire Jean de Léotoing, assistant de conservation Matthias Le Texier, stagiaire Adeline Pavie, stagiaire CATALOGUE Éditions Somogy Directeur éditorial : Nicolas Neumann Responsable éditorial : Stéphanie Méséguer Coordination et suivi éditorial : Marie-Astrid Pourchet Contribution éditoriale : Renaud Bezombes Fabrication : Béatrice Bourgerie, Mélanie Le Gros Auteurs des essais et des textes, et personnes interviewées Sébastien Albertelli, historien Daniel Cordier, secrétaire de Jean Moulin, compagnon de la Libération Jean-Pierre Bat Jacques Baud Lieutenant-colonel Christophe Bertrand Fabien Boully Patrick Brion, historien du cinéma, spécialiste du cinéma américain Olivier Forcade Bruno Fuligni, historien, maître de conférences à Sciences Po Nathalie Genet-Rouffiac Pascal Griset Colonel (E.R.) Frédéric Guelton Général de corps d’armée (2S) Jean Heinrich François Kersaudy, historien, professeur des universités Wolfgang Krieger, professeur des universités en histoire contemporaine et histoire des relations internationales, Marburg Carine Lachèvre Lieutenant-colonel Olivier Lahaie, docteur en histoire moderne et contemporaine, SHD Christophe Larribère, historien, Vox Historiae John le Carré, écrivain, romancier Jean-Marc Le Page, professeur agrégé et docteur en histoire Pascal Le Pautremat Hervé Lehning, mathématicien et cryptologue Matthieu Letourneux, professeur de littérature, Université Paris-Ouest Nanterre La Défense Rémy Pautrat, préfet honoraire, ancien directeur de la Direction de la surveillance du territoire Frédéric Quéguineur, chargé d’études documentaires, SHD Michel Rocard (†), ancien Premier ministre Georges-Henri Soutou, membre de l’Institut, professeur émérite des universités, Université Paris IV- Sorbonne Général (2S) Jean-Paul Staub, président de l’Association des Anciens de la MMFL Nader Vahabi, sociologue, membre rattaché au CADIS (EHESS) et au laboratoire Dynamiques rurales de l’université de Toulouse 2 Jean-Jaurès Maurice Vaïsse, professeur émérite des universités, Sciences Po Marie-Catherine Villatoux, agrégée et docteur en histoire, chef du Bureau Air, SHD
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Paul Villatoux, docteur en histoire, rédacteur en chef du magazine Opérations spéciales Bertrand Warusfel, professeur à l’université de Lille-2, avocat au barreau de Paris
Royal Collection Trust, Sa Majesté la Reine Elizabeth II, Londres Jonathan Mansden, directeur Caroline de Guitaut Sally Goodsir
Auteurs des notices et portraits Jean-Pierre Bat Christophe Berjonneau Lieutenant-colonel Christophe Bertrand Laurent Charbonneau Jordan Gaspin Carine Lachèvre François Lagrange Jean de Léotoing Emmanuel Ranvoisy Traducteur Société Ubiqus Texte de John le Carré traduit par Isabelle Perrin PRÊTEURS Institutions et musées étrangers AlliiertenMuseum, Berlin Bernd von Kotska, directeur / conservateur Gundula Bavendamn, directrice Uta Birkemeyer Florian Weiss All Souls College, dépôt à l’Ashmolean Museum, Oxford Sir John Vickers, directeur Anne-Laure Guillermain Christina Gernon British Library, Londres Baroness Blackstone, directrice Jo Maddocks Barbara O’Connor Combined Military Services Museum, Maldon (U.K.) Richard Wooldridge, directeur Angela Bliss Nick Turner Deutsches Historisches Museum, Berlin Ulrike Kretzschmar, présidente par intérim Marc Fehlmann Thomas Weissbrich Sarah Kindermann EON Productions, Londres Barbara Broccoli, directrice Meg Simmonds Museum in der « Runden Ecke », Leipzig Tobias Hollitzer, conservateur Jens Wolf Propshop, Iver Heath (U.K.) James Enright, fondateur et directeur Jade Somerville
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The National Archives, Kew Jeff James, directeur général Kate Narewska Paul Johnson Ishwant Sahota Institutions et musées français Amicale des Anciens de la Mission Militaire Française de Liaison, Issy-les-Moulineaux Général (2S) Jean-Paul Staub, président de l’Amicale des Anciens de la MMFL Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine Françoise Banat-Berger, directrice Isabelle Chave Michèle Conchon Patricia Gillet Marion Veyssière Émilie Charrier Sylvie Bigoy Archives de la Préfecture de police de Paris, Le Pré-Saint-Gervais Jean-Marc Gentil, chef du service de la mémoire et des affaires culturelles Pascale Etiennette Nathalie Minart Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), Nanterre et Paris Valérie Tesnière, directrice Benjamin Gilles Emmanuelle Sit Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) – Ministère de l’Intérieur Patrick Calvar, directeur général Mandarin Télévision, Paris Gilles de Verdière, producteur Stéphanie Carron Maureen Adjas Mémorial de Caen Stéphane Grimaldi, directeur Marie-Claude Berthelot Ministère de la Défense, DGSE, Paris Bernard Bajolet, directeur général Nathalie Genet-Rouffiac Philippe Ullmann MM Park – Collection Sussex, La Wantzenau Eric Kauffmann, président Dominique Soulier
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Musée du déminage - Association des Démineurs de France Musée Gaumont, Neuilly-sur-Seine Martine Offroy, directrice du patrimoine Corinne Faugeron
Institut national de l’audiovisuel (INA), Paris Laurent Vallet, président-directeur général Mileva Stupar Laure Audinot Marithé Cohen Agnès Baraton Joëlle Abinader
Musée de l’ordre de la Libération, Paris Vladimir Trouplin, conservateur Béatrice Parrain
EXPOSITION
Musée de la Résistance nationale, Champigny-sur-Marne Guy Krivopissko, conservateur Xavier Aumage Agathe Demersseman Céline Heytens
Scénographie frenak + jullien architectes Catherine Frenak Béatrice Jullien Clémence Monnin
Musée des Transmissions, Cesson-Sévigné Colonel Bruno Le Du Capitaine Valérie Caniart Capitaine Alain Stome
Graphisme Téra-création Florence Moulin et Valérie Ronteix Fanny Dallenne Damien Bordes Marie Lei
Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN), Paris Louis Gautier, secrétaire général Service historique de la Défense (SHD), Vincennes Pierre Laugeay, directeur Henri Zuber Hélène Guillot Véronique de Touchet Bertrand Fonck Frédéric Quéguineur Valérie Reist Prêteurs particuliers
Conception lumière 8’18’’ Concepteurs et plasticiens lumière Claire-Lise Bague Agnès Charvet Aménagement scénographique IDP Agencement Éclairage-électricité Luminœuvres Signalétique Création du Val d’Oise
Jacques Baud Jean-François Halin, scénariste Colonel (E.R.) Henri Jeannequin, ancien membre de la Mission de Potsdam de 1970 à 1973
Transport et installation Bovis
Et les prêteurs particuliers qui n’ont pas souhaité être cités dans cet ouvrage
Coordination du projet Production : Christine Capdevielle Régie : Laure-Alice Viguier, Aurore Pierre, Sophie Chauvois, Anthony Beltoise, Maïlys Nouailles
ARCHIVES AUDIOVISUELLES Établissement de Communication et de Production Audiovisuelle (ECPAD), Ivry-sur-Seine Christophe Jacquot, contrôleur général des armées Laetitia Renividaud Mylène Oulmann James Miale Adjudant Laurent Maître Rémy Brigadier-chef Morgan Guillaume Dubois Benoit Maisonnial Sergent Stéphane Roger Grille Augustin Post Frédéric Gimenez Gaël Rougeron Karine Jourdes
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Communication Charlotte Georges-Picot, Prune Paycha, Alix Durup de Baleine, assistées de l’agence Alambret Communication Cycle cinématographique Fabien Boully, Emmanuel Ranvoisy, Florine Laval Cycle de conférences François Lagrange, Sylvie Picolet Multimédia Conception : Christophe Larribère, Vox Historiae Production : Pôle web et multimédia du musée de l’Armée, Éclectic Productions et XD Productions Accompagnement pédagogique Sylvie Picolet, Estelle Marie
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REMERCIEMENTS PARTICULIERS À celles et ceux qui ont patiemment accompagné et conseillé l’équipe scientifique dans des démarches ou des recherches qui, si elles n’ont pas toujours pu se concrétiser, n’en ont pas moins contribué à donner forme à l’exposition et à son catalogue : Édouard Balladur, ancien Premier ministre Daniel Cordier, secrétaire de Jean Moulin, compagnon de la Libération Jean-François Halin, scénariste Général de corps d’armée (2S) Jean Heinrich, Pierre Joxe, ancien ministre, ancien premier président de la Cour des comptes Rémy Pautrat, préfet honoraire, ancien directeur de la Direction de la surveillance du territoire Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat Michel Rocard (†), ancien Premier ministre L’Iconoclaste, maison d’édition Sophie de Sivry, directrice Jean-Baptiste Bourrat, secrétaire général Bruno Fuligni, auteur du Livre des espions, Paris, éditions L’Iconoclaste, octobre 2012 La Bibliothèque des littératures policières (BILIPO), Paris Bletchley Park Ltd Le Château des Milandes, Castelnaud-la-Chapelle L’International Spy Museum, Washington Le Military Intelligence Museum, Chicksands, Bedfordshire Le Musée royal de l’Armée et d’Histoire militaire, Bruxelles Le National Army Museum, Londres Le National Museum of the Royal Navy, Portsmouth Le Norwegian Armed Forces Museum, Oslo Le Science Museum, Londres La Villa Schöningen GmbH, Potsdam Jacques Baud Christophe Berjonneau Laurent Berrafato Patrick Brion François Cailleteau, ancien chef du Contrôle général des armées Didier Corbonnois Rose d’Estienne d’Orves Vincent Giraudier Alexandre Guédé Général (2S) Jean-Pierre Meyer Jean-Louis Perquin Philippe Riquet Didier Sapaut Yves Sassi Christian Tollet MERCI AUX ÉQUIPES DU MUSÉE DE L’ARMÉE
Département artillerie Sylvie Leluc, Christophe Pommier Département de la recherche historique, de l’action pédagogique et des médiations Boris Bouget, Valérie Godard, Olivia Laurent Département de l’action culturelle et de la musique Christine Helfrich, Reine Bocandé, Nina Le Balh, Pauline Molho Pôle web & multimédia Cécile Chassagne, Chloé Bérard, Florian Cali, Anne Junger Service d’organisation des systèmes d’information Capitaine Vincent Michelet, Capitaine Patrick Mangungu, Mélina Dugué, Michaël Geidans, Jean-Jacques Nesmon, Laurent Danton, Christian Puren, Jean-Bernard Fournier Département de la régie des collections, des expositions et des réserves Michel Fred, Émilie Prud’hom Département experts et inventaire Mathilde Benoistel, major (E.R.) Jean-Marie Van Hove, adjudant Olivier Laurent Atelier textiles Isabelle Grisolia, Isabelle Rousseau, Ahilaa Sivarajasingham Atelier métal Didier Lescarbotte, José de Brito Ferreira Atelier cuir Christian Lagrive, Justine Blin Pôle infrastructure Robert Piriou, Anthony Cormier Atelier polyvalent de maintenance Yannick Boulbin, Gaël Baudouin, Stéphane Boudet, JeanLouis Custos, Pierre-Antoine Etienne, Frédéric Haudiquert, Vincent Reyre Division promotion des publics Stéphanie Froger, Constance Gonçalves, Mickaël Blasselle, Anne Luro, Béatrice Six Pôle accueil et régie des recettes Hervé Chézaud et son équipe Division budget et finances Pierre Gelin, Augustin Chaunu, Anne-Laure Favoino, Laurine Hesse, Pascale Hinault, Denis Thibaud, Florian Climent Division sécurité et logistique Frédéric Grosjean, Jacky Feind et l’équipe de la sécurité, Frédéric Varga et l’équipe des moyens généraux, Philippe Riquet et les équipes du contrôle
Bibliothèque, centre de documentation Michèle Mézenge, Chanda Barua, Jean-François Charcot, Céline Gouin Service photographique Agathe Formery, Émilie Cambier, Pascal Segrette
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SOMMAIRE PRÉFACES Les guerres secrètes sont une réalité de notre temps Jean-Yves Le Drian
17
Les guerres secrètes: de vraies guerres Georges-Henri Soutou
20
Guerres secrètes John le Carré
23
ÉLÉMENTS DE CHRONOLOGIE
24
HISTOIRE ET CONCEPTS DES GUERRES SECRÈTES
La guerre secrète, du XIXe au XXe siècle Olivier Forcade De la télégraphie sans fil à l’électronique : une autre « guerre secrète » – entre renseignement, combats et industrie privée Pascal Griset Guerres secrètes et cinéma de fiction Fabien Boully Le temps de la fiction : mémoire, roman populaire et guerres secrètes Matthieu Letourneux
31
36
40
46
DU POLITIQUE À L’ACTION CLANDESTINE : ENTRETIENS Vu du gouvernement : entretiens avec Michel Rocard et Rémy Pautrat
52
Vu des services de renseignement : entretien avec le général Jean Heinrich
58
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LES HOMMES ET LES MÉCANISMES DE LA GUERRE SECRÈTE CHAPITRE 1 LES SERVICES SECRETS ET LES HOMMES DE L’OMBRE Les services et les hommes (1853-1991) Wolfgang Krieger Du BCRA à la DGSE, émergence du modèle des services spéciaux français Nathalie Genet-Rouffiac Les agents de la France libre Sébastien Albertelli Recruter, former, agir : une expérience d’agent Entretien avec Daniel Cordier
65
69
72
75
Les « risques du métier »: le renseignement extérieur aux marges de la légalité internationale Bertrand Warusfel
78
Portraits
82
Fiction : Agents en série Fabien Boully
86
Catalogue
88
CHAPITRE 2 PERCER LE SECRET : LE RENSEIGNEMENT
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64
126
Le renseignement Frédéric Guelton
127
Le 2e bureau, de 1874 à 1918 Olivier Lahaie
132
La mission militaire française de Berlin Jean-Paul Staub et Patrick Manificat
135
La guerre du chiffre Hervé Lehning
138
Machine Enigma et DGSE Nathalie Genet-Rouffiac
140
Les objets de l’espionnage Jacques Baud
142
Portraits
144
Fiction : Coder, décoder, chiffrer, déchiffrer Patrick Brion
148
Catalogue
150
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CHAPITRE 3 PROTÉGER LE SECRET : LE CONTRE-ESPIONNAGE ET LA SÉCURITÉ
210
Le contre-espionnage Bertrand Warusfel
211
Le contre-espionnage sous la Troisième République Bruno Fuligni
216
Le colonel Paillole, figure du contre-espionnage français (1935-1944) Bertrand Warusfel
218
L’affaire Farewell Bruno Fuligni
220
Traîtres Frédéric Guelton
222
Portraits
224
Fiction : L’ennemi intérieur : Janus de la guerre secrète Fabien Boully
228
Catalogue
230
CHAPITRE 4 FRAPPER ET SOUTENIR : OPÉRATIONS CLANDESTINES ET SUBVERSIVES
242
Les opérations clandestines en temps de guerre et en temps de paix Christophe Bertrand Thomas Edward Lawrence en Arabie Christophe Bertrand
243
247
Le SOE et les JEDBURGHS : pour des actions stratégiques Pascal Le Pautremat
250
L’Indochine et le groupement de commandos mixtes aéroportés (GCMA) Jean-Marc Le Page
253
Le service action en Afrique subsaharienne (1960-1990) Jean-Pierre Bat
255
Les armes des opérations clandestines Christophe Larribère
258
Portraits
260
Fiction : Les actions clandestines Patrick Brion
264
Catalogue
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CHAPITRE 5 DÉSINFORMER ET DÉSTABILISER : L’ARME PSYCHOLOGIQUE
304
L’arme psychologique des guerres secrètes Marie-Catherine Villatoux
305
« Fortitude » François Kersaudy
309
La Bleuite Marie-Catherine et Paul Villatoux
311
Dans les coulisses d’un coup d’État contre Mossadegh Nader Vahabi Influencer l’opinion Maurice Vaïsse
315
Portraits
318
Fiction : Propagande et désinformation Patrick Brion
322
Catalogue
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DE L’OMBRE À LA LUMIÈRE : LE
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313
SECRET DÉVOILÉ
Le temps du scandale : guerres secrètes et médias Jean Guisnel
336
Le temps de l’histoire : Accéder aux archives du renseignement Frédéric Quéguineur
340
Exposer les guerres secrètes ? Carine Lachèvre
346
Glossaire Archives audiovisuelles Index Bibliographie Crédits photographiques
350 354 356 362 367
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PRÉFACES
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LES UNE
Les guerres secrètes sont une réalité de notre temps. Chaque jour, à l’ombre des regards, parfois dans les coulisses de nos vies quotidiennes, ou bien à des milliers de kilomètres de notre territoire, des actions clandestines sont conduites, pour préserver les intérêts fondamentaux de la Nation, ou au contraire pour leur porter atteinte lorsque nos adversaires en sont à l’origine. Mais qu’est-il permis de dire de ces guerres, GUERRES SECRÈTES SONT sinon qu’elles sont précisément secrètes ? Qu’est-il possible RÉALITÉ DE NOTRE TEMPS d’en révéler, sans sombrer dans la facilité des clichés ni interférer dans les relations entre puissances qui peuvent s’y livrer ? Exposer au grand public et au grand jour ce qui relève, par JEAN-YVES LE DRIAN définition, du confidentiel voire du mystérieux, était un défi à la ÉTÉ 2016 mesure du musée de l’Armée. Le premier établissement culturel du ministère de la Défense, cinquième musée de France par sa fréquentation, n’a pas seulement le goût des sujets difficiles : il a un talent sans pareil pour les traiter, qui se confirme exposition après exposition. Celle-là est nécessaire, au-delà de l’exercice de style muséographique qui consiste à donner un visage à ce qui n’en a pas. L’environnement stratégique de notre pays, qui est lourd d’incertitudes et de menaces, donne en effet à la collecte et à l’analyse du renseignement une place qui n’en finit pas de croître. L’adoption, le 24 juillet 2015, de la loi relative au renseignement s’inscrit dans cette perspective. Plus largement, le développement des guerres secrètes – dont les historiens s’accordent à dater l’émergence à la fin du XIXe siècle –, la conception des moyens qui leur sont propres, la réflexion, théorique et pratique, sur les modalités et les conditions de leur mise en œuvre, font un écho saisissant à la question brûlante qui se pose aujourd’hui aux États et singulièrement aux démocraties comme la nôtre : qui est donc l’ennemi ? Comment le combattre ? Les guerres secrètes signalent l’existence de ces « zones grises » entre la paix et la guerre ; entre les administrations civiles et les forces militaires ; entre ce qui relève de la politique, de la diplomatie, de l’économie, de la police et de la justice, du militaire enfin. Dans ce contexte, alors que la France se trouve engagée dans une guerre inédite, qui se déroule pour une part sur son propre sol, il importait de faire œuvre pédagogique en présentant à nos concitoyens les formes qu’a pu revêtir, au cours des dernières décennies, la défense de notre pays contre des menaces certes différentes mais elles aussi diffuses, inattendues, déconcertantes et qui, souvent, visaient moins à le vaincre qu’à le déstabiliser d’abord. Une fois de plus, les ressources de l’histoire nous sont précieuses pour conduire une analyse critique, sans amalgame facile ni simplification hâtive, sans irénisme non plus : autant que les succès révélés peu à peu, parfois de façon spectaculaire, par les travaux en cours sur la Seconde Guerre mondiale et la Guerre froide, les échecs, plus rapidement diffusés par la presse et les médias – car c’est la loi du genre – s’avèrent aussi riches d’enseignements. Ce qui est en jeu, c’est toujours de défendre son pays sans remettre en cause ce qui le fonde aussi, et que l’on veut préserver : les valeurs qui lui sont propres. En d’autres termes, comment combattre efficacement l’ennemi tout en restant soi-même, sans adopter ses méthodes, en restant donc dans le cadre politique, juridique et éthique qui est le nôtre ? Cette question a toujours été au cœur des guerres secrètes ; elle est aujourd’hui au cœur de notre lutte contre le terrorisme.
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Les guerres secrètes sont de vraies guerres, non de simples histoires d’espions. Il existe donc une stratégie du renseignement, mais aussi de l’action secrète, qui a sa place dans l’ensemble des stratégies nationales d’un pays, en temps de paix ou de guerre. Soulignons qu’aucun renseignement n’est possible s’il n’est pas au service d’une volonté politique, qui en détermine les objectifs, les conditions, et qui en utilise les résultats. En fait le renseigneLES GUERRES SECRÈTES: ment constitue l’aspect le plus politique de la stratégie : c’est DE VRAIES GUERRES à son propos que la distinction entre paix et guerre s’efface le plus. GEORGES-HENRI SOUTOU La notion de guerre secrète recouvre toute une gamme d’organismes et d’actions spécialisées et ce, depuis au moins MEMBRE DE L’INSTITUT le XIXe siècle : le renseignement proprement dit ; le contreespionnage (défensif, pour protéger son dispositif, et offensif, pour pénétrer celui de l’adversaire) ; la désinformation ; l’action secrète (qui va de l’action politique et de l’ingérence aux actions de force secrètes) ; l’interception des communications de toute nature, la cryptologie, l’utilisation offensive de ces moyens techniques, enfin. Liés les uns aux autres, ces différents domaines imposent un « cycle du renseignement ». La bonne organisation de cette chaîne est un facteur essentiel. En effet, le renseignement doit être d’abord recherché et trouvé ; il doit ensuite être vérifié ; il doit enfin être analysé. Car aucun renseignement brut n’est exploitable en lui-même, les différentes sources ouvertes ou secrètes doivent être confrontées les unes avec les autres par des experts connaissant l’arrière-plan et le contexte, capables d’établir une synthèse valable et de se rapprocher autant que possible de la connaissance objective des faits. Un renseignement est une pièce dans un puzzle. Il faut donc disposer d’organismes aptes à analyser le renseignement, en élaborant une synthèse permanente des différentes sources disponibles, secrètes et ouvertes. Ces organismes se trouvent en général au sein des services de renseignement et en dehors d’eux, aux différents points de coordination et d’analyse de l’ensemble des informations et au contact des décideurs (bureaux spécialisés des états-majors, des ministères des Affaires étrangères, de structures comme le National Security Council aux États-Unis, ou le Joint Intelligence Committee en Grande-Bretagne). Le renseignement doit aussi être exploité pour informer les décideurs de la façon la plus rapide et la plus objective possible ; leur permettre d’intégrer les renseignements dans leur réflexion et leur processus de décision ; et orienter le cas échéant de nouvelles opérations de renseignement. Enfin, comment transmettre le renseignement utile aux décideurs, de façon à éclairer utilement leur prise de décision stratégique ? Il faut en effet leur donner, avec le renseignement, le mode d’emploi (qui varie selon les structures de décision, la constitution, l’état politique, économique et social, l’organisation administrative et militaire de l’objectif, etc.). Face à l’Allemagne hitlérienne, à l’URSS, à l’Iran aujourd’hui, un tel mode d’emploi est indispensable. Cette interface entre les services de renseignement et le processus gouvernemental est probablement le point le plus difficile. Même les Soviétiques n’y étaient parvenus qu’en partie – et pas toujours. Les Britanniques et les Américains, non sans mal, y sont parvenus dans l’ensemble. Quant aux Français, ils ont toujours eu sur ce point des faiblesses. Le renseignement répond pleinement à une vision clausewitzienne de la guerre ; il prépare et accompagne celle-ci, en particulier en permettant de concentrer ses forces là où
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Cette exposition trouve tout naturellement sa place dans un lieu aussi vénérable que le musée de l’Armée, pour la bonne raison que les guerres secrètes font rage depuis les origines de l’humanité. Duperie, désinformation, sabotage, recours aux espions et déploiement d’armées secrètes derrière les lignes ennemies sont aussi présents dans l’histoire des empires disparus que dans les conflits du XXe siècle ou la lutte mondiale contre le terrorisme que nous livrons aujourd’hui. Quant GUERRES SECRÈTES aux traîtres, méditons la réaction d’un patron du contre-espionnage américain au plus fort de la Guerre froide lorsqu’on l’informa JOHN LE CARRÉ qu’un infiltré soviétique venait d’être démasqué parmi les cadres TRADUIT DE L’ANGLAIS de son service : « Vous savez, Jésus en avait seulement douze, et l’un d’eux était un agent double… » PAR ISABELLE PERRIN Quand on me demande de comparer la réalité du monde secret à la fiction, je peux seulement répondre que, ayant pratiqué les deux, je les trouve assez similaires. Toutes les professions se créent une image romancée d’ellesmêmes, avocats, médecins, policiers ; toutes se laissent séduire par cette image, et les soldats des guerres secrètes sont particulièrement sensibles à l’auto-parodie. Préparer et entraîner un agent pour une mission derrière les lignes ennemies, c’est lui inventer un personnage fictif, une légende inattaquable peuplée de rôles secondaires distribués avec soin, lui fournir une identité qui n’est pas la sienne mais aurait pu l’être, le briefer, l’habiller, l’équiper et même le former à une nouvelle manière de parler. Sa seconde peau doit coller à la première au point que chaque fait vérifiable vienne confirmer la fiction. Quand on me demande ce que cela fait d’être lâché seul en territoire ennemi, je peux seulement répondre que c’est comme monter sur scène face à un public nombreux dont on ne peut qu’imaginer la présence de l’autre côté des feux de la rampe, tout en sachant que ces spectateurs vous observent et que les planches sont pourries. Quand on me demande ce que cela fait de vivre dans le mensonge jour et nuit parmi ses amis, de savoir que chacun d’entre eux est un ennemi potentiel, je peux seulement demander en retour : n’avez-vous donc jamais vécu dans le mensonge au moins une fois au cours de votre vie ? En lisant ces lignes, n’avez-vous pas à l’esprit les tromperies, petites et grandes, que vous pratiquez chaque jour pour vous épargner à vous-même et à votre conjoint, à votre famille et à vos collègues la honte, la déception, la stigmatisation ou la vengeance ? La vie de l’agent secret est la vie de tout un chacun mais puissance dix, le moindre détail en est exacerbé par la conscience aiguë de sa mission et, malgré toute sa bravoure, par une terreur refrénée à l’idée d’entendre des bruits de pas dans l’escalier à minuit ou de côtoyer des amis auxquels il n’ose pas faire confiance. Alors, quand vous visiterez cette exposition, n’allez pas vous imaginer que vous découvrez un monde auquel vous n’appartenez pas. Oui, il existe des agents secrets nés, tout comme il existe des écrivains nés. Cela ne veut pas dire pour autant qu’ils sont extraordinaires. Comme tout secteur en pleine croissance qui œuvre à huis clos, le monde secret compte quelques éléments très intelligents, quelques individus moyens et quelques agents médiocres, mais aussi un noyau dur d’hommes forts, vraiment forts, capables d’affronter certains des êtres les plus ignobles de cette planète. Comme nous, ils peuvent oublier leur mallette dans le train, avoir un coup de foudre, ne pas régler leur réveil après le changement d’heure. Comme nous, ils dissimulent leurs échecs sous le mythe. Ils sont convaincus que leurs valeurs morales sont plus nobles que celles des politiciens censés superviser leur travail. Si, dans mes romans, j’ai toujours insisté sur cette banalité des acteurs du monde secret, c’est parce que, hier comme aujourd’hui, je les ai toujours vus non comme des génies, des super-héros du monde consumériste et des bombes sexuelles, mais juste comme vous et moi — ce qui n’est nullement incompatible avec les preuves patentes d’un courage à peine imaginable, d’un affrontement victorieux avec des peurs existentielles si humaines, de missions accomplies contre vents et marées, et tout cela par des gens qui nous ressemblent tant. Trop souvent, les informations qu’ils transmettent au péril de leur vie sont déformées, mises en doute ou ignorées. Trop souvent, ils doivent vivre avec les conséquences tragiques de leurs actes et aller jusqu’au bout malgré tout, en ayant par exemple conscience qu’un acte de sabotage aura pour conséquence de faire exécuter des innocents. Trop souvent, ils livrent nos guerres secrètes pour nous, mais assument aussi le fardeau de notre souffrance.
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ÉLÉMENTS DE CHRONOLOGIE
- : - : - : - : - : - : - : Proposer des éléments de chronologie sur les guerres secrètes, de la fin du XIXe siècle à la fin de la Guerre froide, n’est pas chose aisée : même en se limitant à une perspective européenne élargie aux États-Unis, il faut tenir compte du développement, assez différencié, des services secrets dans plusieurs pays importants (Royaume-Uni, France, Allemagne(s), Autriche-Hongrie, Russie puis URSS, États-Unis). Aussi a-t-on choisi de procéder à une sélection très réduite de dates suggestives. Pour incomplète qu’elle soit, celle-ci a le mérite de montrer qu’existent assez tôt les cinq formes majeures des guerres secrètes : renseignement, opérations clandestines, désinformation, déstabilisation, contre-espionnage, même si leur combinaison structurelle n’est mise en œuvre qu’à partir de la Seconde Guerre mondiale. Elle souligne aussi le rôle d’accélérateur joué par les deux conflits mondiaux, puis la place, originale et amplificatrice, de la Guerre froide. Elle mêle délibérément certains faits très connus, notamment par voie de scandales, et d’autres plus techniques, beaucoup moins médiatiques. L’ensemble rappelle constamment au lecteur la dimension si essentielle et parfois si complexe, des guerres secrètes.
1874 Création du 2e bureau au sein de l’état-major des Armées pour étudier les armées étrangères.
où se manifeste activement le rôle du renseignement d’origine électromagnétique, dit SIGINT en anglais.
15 octobre 1894 Le capitaine Alfred Dreyfus est, à tort, accusé d’avoir délivré des renseignements militaires confidentiels à l’Allemagne. Il n’est complètement réhabilité et réintégré dans l’armée qu’en 1906.
Septembre 1914 Pendant la bataille de la Marne, la station radiotélégraphique de la tour Eiffel apprend que l’aile droite allemande stoppe son avancée en raison de problèmes de logistique.
24 avril 1899 À la suite de l’affaire Dreyfus, le service de contre-espionnage passe sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, tandis que le service de renseignement reste sous l’autorité du ministre de la Guerre. 26 juillet 1908 Création par Charles J. Bonaparte, ministre de la Justice américain, du BOI (Bureau of Investigation), devenu ensuite le (FBI) Federal Bureau of Investigation. 1er octobre 1909 Création du Secret Intelligence Service (SIS), appuyée par Winston S. Churchill, alors membre du Comité de défense impérial. Son premier directeur, jusqu’en 1923, est sir Mansfield Smith-Cumming, surnommé « C ». À partir de 1921, le SIS est plus connu sous les noms de ses services de renseignement intérieur (MI5) et extérieur (MI6). 24 mai 1913 Découverte de la trahison du colonel Alfred Redl, ancien responsable des services secrets austro-hongrois, au profit de la Russie. 26 au 30 août 1914 L’interception de messages radio russes en clair permet à l’Allemagne de remporter la bataille de Tannenberg, première bataille
30 juillet 1916 À New York, non loin de la statue de la Liberté, explosion du dépôt d’armes américain de Black Tom Island, provoquée par les services secrets allemands. 16 janvier 1917 Le télégramme de l’ambassadeur allemand Zimmermann, proposant une alliance avec le Mexique contre les États-Unis, est intercepté par les services britanniques. 15 octobre 1917 Accusée d’espionnage au profit de l’Allemagne, Mata Hari (de son vrai nom Margaretha Geertruida Zelle) est fusillée pour espionnage. 7-20 novembre 1917février 1922 Création de la Tcheka, service de renseignement soviétique, par Vladimir Ilitch Lénine. Son premier directeur, jusqu’en 1926, est Félix Dzerjinski. La Tcheka devient le Guépéou en 1922. Début juin 1918 Le capitaine Georges Painvin réussit à percer le secret du chiffre ADFGVX, utilisé par les Allemands. 1921 Création de l’Abwehr, service de renseignement de l’état-major allemand, qui opère jusqu’en 1944.
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15 novembre 192419 mars 1946 Le NKVD succède au Guépéou. 1933 Création de la Gestapo, police secrète de l’État national-socialiste. Elle est dissoute en 1945. Juin 1934 Recrutement de Kim Philby, l’un des « Cinq de Cambridge », par Arnold Deutsch, au profit des services secrets soviétiques. 22 juin 1940 Paul Paillole est placé à la tête du contre-espionnage militaire offensif du gouvernement de Vichy. Ce service, qui prend le nom d’une entreprise de Travaux ruraux (TR), cible les espions de l’Axe, les agents britanniques, les gaullistes et les communistes.
27 mai 1942 Opération Anthropoid, qui vise à l’élimination du responsable nazi Reinhard Heydrich par deux agents tchèques du SOE. 13 juin 1942-1er octobre 1945 Création par Franklin D. Roosevelt de l’Office Strategic Services (OSS). Son premier directeur, jusqu’en 1945, est William J. Donovan. Juillet 1942 Mise en place de l’opération Jedburgh, menée conjointement par le SOE, l’OSS et le BCRA pour équiper les maquis et coordonner leur action en vue du débarquement. 7 décembre 1942 Opération Frankton menée par le Special Boat Service britannique pour détruire des navires allemands dans le port de Bordeaux.
1er juillet 194015 avril 1941 Charles de Gaulle crée le 2e bureau de la France libre, qui prend le nom de BCRA le 1er septembre 1942. Il est dirigé, jusqu’à sa fusion avec les services d’Alger le 19 novembre 1943, par André Dewavrin, alias Passy.
Mars 1943-juin 1944 Mise en place du Plan Sussex, créé en amont du débarquement par l’étatmajor du général Eisenhower, pour observer les mouvements de l’armée allemande au nord de la Loire.
19-22 juillet 1940 Création par Winston S. Churchill du Special Operations Executive (SOE). Il est dissous le 30 juin 1946.
23 octobre 1943 Début de l’affaire Cicéron : le valet de l’ambassadeur britannique à Ankara transmet aux diplomates allemands les photographies de documents secrets.
20 août 1940 Léon Trotski, en exil au Mexique, est mortellement blessé par un agent soviétique, Ramón Mercader. Juin 1941 Début du programme britannique Ultra, ensemble des opérations menées à Bletchley Park pour casser le code des transmissions allemandes.
1943-1980 Le projet américain Venona permet le décryptage des communications des services secrets soviétiques émises du début de la Seconde Guerre mondiale à 1948.
Début 1944printemps 1944 Fortitude, opération de désinformation visant à faire croire aux autorités allemandes que le débarquement aura lieu dans le Pas-de-Calais. 10 septembre 1945 Lavrenti Beria est chargé de superviser l’espionnage atomique soviétique. 28 décembre 19452 avril 1982 Création du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) sous le Gouvernement provisoire de la République française. André Dewavrin en est le premier directeur général. 5 mars 1946 Signature du traité secret UKUSA, qui donne naissance au réseau Echelon dont la NSA fait partie depuis sa création en 1952. 1946-1990 Les missions militaires française, américaine et britannique de liaison auprès du haut commandement soviétique en Allemagne, effectuent des missions de renseignement en RDA. 18 septembre 1947 Création de la Central Intelligence Agency (CIA). Avril 1948 Première grande opération de soutien de la CIA aux candidats démocratechrétiens aux élections italiennes. 1948-1991 Opération stay-behind, cellule clandestine mise en place par l’OTAN en Europe occidentale en prévision d’une invasion soviétique.
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HISTOIRE
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N’y a-t-il pas un paradoxe à ce que la guerre secrète occupe une place singulière aux siècles clauzewitziens de la guerre absolue et totale ? Entraînées dans une échelle paroxystique de la violence de guerre et éloignées des usages de la guerre limitée et conventionnelle, les sociétés occidentales font face à de nouvelles expériences du combat incorporant le secret, les opérations spéciales, les LA GUERRE SECRÈTE, stratagèmes (déception et mystification, intoxication, désinformation, subversion) qui débordent du seul cadre militaire. DU XIXe AU XXe SIÈCLE Entre paix et guerre, le renseignement, devenu incontournable en 1914-1918, acquiert au XXe siècle une place centrale que OLIVIER FORCADE conforte l’entrée dans l’âge stratégique nucléaire.
Histoire et concepts des guerres secrètes
Au XIXe siècle, l’invention française de la guerre nationale avait semblé un temps épuiser les expériences nouvelles de la guerre. De la guerre américaine de Sécession à la guerre franco-prussienne de 1870-1871, dix années en brouillent les pratiques, confrontant les forces armées aux populations civiles : massacres, francs-tireurs et partisans, représailles s’invitent au conflit. Dans le même temps, les États occidentaux commencent d’organiser des moyens permanents de renseignement, civils et militaires. Secrets, afin de protéger les buts, les actions et les personnels engagés, ces services sont appelés à devenir progressivement des administrations spécialisées, partagées entre les prérogatives des militaires, des diplomates et des policiers. Aussi « l’État secret », au sens des institutions publiques secrètes et de leur cadre juridique national, continue-t-il de se renforcer au XIXe siècle en Occident. Jusqu’à la fin de la Grande Guerre et l’irruption de nouvelles formes de négociation devant les opinions publiques avec la Société des Nations, la diplomatie secrète est ainsi active. À l’issue des processus d’unification nationale non exempts d’expansion territoriale, la stabilisation des États n’efface pas les rivalités secrètes à leurs frontières, à l’instar de celle franco-allemande. Dans l’espace stratégique de la « grande région » entre Belgique, Luxembourg et NordEst français, des rivalités secrètes opposent ainsi après 1871 la France et l’Allemagne sur leur frontière commune, par des moyens policiers de contre-espionnage et militaires d’espionnage. Le déploiement de postes de renseignement permet d’agir en territoire étranger. En avril 1887, cette guerre secrète éclate en plein jour, dévoilée publiquement par l’affaire Guillaume Schnaebelé, commissaire spécial français de Pagny-sur-Moselle, enlevé par les services allemands. Après la défaite française, il avait mis sur pied un réseau d’une vingtaine de commissariats spéciaux en Meurthe-et-Moselle, maniant des agents pour préparer secrètement la Revanche. Ces réseaux d’informateurs préfigurent les réseaux de renseignement alliés de la Grande Guerre, par exemple en Belgique ou dans la France de l’Est et du Nord occupées, et ceux de la Seconde Guerre mondiale. Militaire, la frontière trouve une profondeur stratégique dans l’analyse des systèmes de défense fortifiés, à savoir la ligne de fortifications Séré de Rivières des années 1880-1900 dans les secteurs de Toul, Verdun, Épinal, face aux défenses de la Moselstellung. Or, pénétrer l’intention de manœuvre et l’axe d’offensive stratégique comme les défenses adverses constitue désormais un objectif permanent des services de renseignement allemands et français, plus largement européens. Projetant leur action en territoire étranger, les postes de renseignement militaire couvraient la frontière par le recrutement et le maniement d’agents de différentes nationalités. Tout aussi important est le renseignement militaire sur les systèmes d’armement et de fortifications, notamment défensives et parfois redoutables comme la tourelle éclipsable à double canon de 75 du fort de Liouville, près de Saint-Mihiel, en 1912. De l’espionnage militaire jaillissent des crises
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Les liens entre hautes technologies et guerre secrète, étroits et constants, articulent des dynamiques différentes mais souvent imbriquées. Obtenir des informations sur les technologies développées par l’ennemi constitue l’un des objectifs essentiels de la guerre secrète. Symétriquement, la maîtrise des hautes technologies s’avère primordiale pour collecter et analyser les informations sensibles, tout comme elle permet de déployer des systèmes d’armes, des DE LA TÉLÉGRAPHIE dispositifs de brouillage et une logistique susceptibles de favoriser SANS FIL À L’ÉLECTRONIQUE : les actions en territoire hostile. L’électronique tient en ce domaine une place centrale, et ce, très précisément depuis la Première UNE AUTRE Guerre mondiale. On sait que l’automobile comme l’industrie « GUERRE SECRÈTE » - ENTRE aéronautique ont bénéficié de la guerre qui a permis de finanRENSEIGNEMENT, COMBATS cer leur développement. Ce fait est moins connu pour l’industrie ET INDUSTRIE PRIVÉE électronique qui pourtant naît, à proprement parler, durant la Première Guerre mondiale. Cette nouvelle dimension ouverte pour le développement des transmissions interroge donc la question PASCAL GRISET de l’information sur les nouvelles technologies. Celle-ci circule, en temps de paix, mais encore faut-il se l’approprier… puis elle se cache lorsque arrive la guerre et il faut alors la rechercher. Entre front et guerre secrète, compétition entre industries privées et conflit entre forces armées, les premières années de développement de l’électronique révèlent des tensions et des conflits qui annoncent à bien des égards les emboîtements complexes du XXe siècle. La télégraphie sans fil, une technologie naissante… La télégraphie ne suscita pas à ses débuts un enthousiasme immédiat et global chez les militaires. Si les marins l’adoptèrent très vite tant l’apport de cette innovation relevait de l’évidence, l’armée de terre en revanche ne se montra guère convaincue par les potentialités de la TSF dont les avantages étaient en effet contrebalancés par son manque de confidentialité. Elle est donc immédiatement associée aux enjeux de la « guerre secrète » car sa vulnérabilité aux écoutes est tout à la fois une faiblesse dont il faut tenter de se prémunir et une opportunité qu’il faut savoir saisir. Dans les premières années du XXe siècle, le colonel Ferrié fut l’un des rares à s’intéresser activement à son développement militaire. Avec son adjoint, Paul Brenot, il réalisa de nombreuses expériences, démontrant que la TSF, « inventée » par Marconi en 1896, n’était pas une simple curiosité scientifique. En 1902, le rétablissement des liaisons avec la Martinique, à la suite de la catastrophe de la montagne Pelée, s’avéra à cet égard décisif pour faire connaître le nom de Ferrié au grand public et populariser le développement de la télégraphie sans fil. Le 8e régiment du génie et la station de la tour Eiffel, qu’il mit en place dès 1904, devinrent ainsi les lieux privilégiés de son développement. S’y formèrent au cours de leur service militaire, les principaux cadres civils et militaires de ce nouveau domaine. Dès cette époque la démarche de Ferrié se veut très pragmatique. Plus praticien et innovateur que scientifique, il aimait expérimenter toutes les possibilités qui s’offraient à lui. Les expériences de liaison télégraphique qu’il mit en œuvre avec le dirigeable Clément-Bayard, puis avec un avion Farman en 1910, ouvrirent ainsi des perspectives considérables pour les militaires français. Ferrié ne fut pourtant guère écouté. Si son action ne fut pas à proprement parler gênée, sa hiérarchie n’accorda guère d’intérêt aux pistes nouvelles qu’il ouvrait. Plus grave encore, à la veille du conflit, ses notes, bien informées, concernant des utilisations simples de la TSF et l’équipement des troupes terrestres furent inefficaces et ne surent convaincre l’état-major de l’aspect fondamental de l’équipement radio. Dans le monde de l’industrie, la télégraphie sans fil ne concerne en 1914 que de rares entreprises, aux structures
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Le récit d’espionnage n’est pas seulement un type de récit dans lequel il y a des espions (lesquels existent depuis l’Antiquité). C’est aussi un genre qui associe à une certaine conception de la réalité née au XIXe siècle un ensemble de conventions narratives et thématiques. Ainsi repose-t-il, comme le récit criminel, sur cette lecture problématique de la réalité qu’impose la culture médiatique depuis l’avènement de la civilisation du journal dans les LE TEMPS DE LA FICTION : années 1840, offrant une connaissance beaucoup plus large de la réalité politique, sociale ou culturelle, mais médiatisée, MÉMOIRE, ROMAN POPULAIRE donc toujours sous le soupçon de la manipulation, que celleET GUERRES SECRÈTES ci soit raciale, financière ou géopolitique. Le monde est mieux connu mais, pour cela même, il apparaît plus complexe, plus MATTHIEU LETOURNEUX incertain, plus inquiétant. Dans ce contexte, le récit d’espionnage illustre la montée en puissance des nations modernes et de leurs rivalités à la fois à travers un discours patriotique et une conception étatique du pouvoir. Enfin, il dialogue avec une vision matérialiste de la modernité, entre foi dans les technologies policières et criminelles et fantasmes technophobes. Genre populaire investissant le terrain politique, il oscille entre une volonté de parler du monde car il s’inspire des techniques et des tensions du temps, et une logique fictionnelle, celle d’un genre populaire avec ses conventions, lesquelles peuvent différer sensiblement de la réalité de l’espionnage. C’est entre ces deux ambitions, des fantaisies de James Bond ou d’OSS 117 aux descriptions sourcilleuses du métier de John le Carré, qu’oscille constamment le roman d’espionnage. Reste que le thème de l’espionnage se développe bien avant celui du genre. Sans même remonter aux figures d’espions croisées çà et là dans les romans (comme L’Espion de Fenimore Cooper, 1821, ou Une ténébreuse affaire de Balzac, 1841), on peut constater en France une forte vogue de ce motif à partir de la défaite de 1870 contre les Prussiens. On devine aisément l’arrière-plan idéologique d’une telle montée en puissance du personnage : c’est celui d’une réhabilitation fantasmatique des vaincus. Selon l’opinion alors répandue, si l’Allemagne a gagné, c’est aussi parce qu’elle a opposé des méthodes malhonnêtes, celles du traître et de l’espion, à la manière franche et courageuse qu’auraient les Français de concevoir la guerre. Pendant une quarantaine d’années, les agents prussiens vont nourrir l’imaginaire du romanfeuilleton, avec un pic après l’affaire Dreyfus. Le personnage de l’espion est franchement négatif et il reformule, dans une version géopolitique, les imaginaires conspirationnistes qui hantent le roman populaire depuis Les Mystères de Paris d’Eugène Sue. Ainsi s’inscrit-il dans une autre tradition que celle qui prévaudra par la suite : il est un individu louche, proche au mieux des « mouches » de la police, au pire des criminels de bas étage. Ce n’est pas pour rien qu’un personnage comme Fantômas se fera espion pour l’Allemagne (L’Agent secret, 1911). Mais il ne sera pas le seul : L’Espion Gismark (Dubut de Laforest, 1885), Les Clefs de Paris (Armand Dubarry, 1895) ou encore L’Espionne du Bourget (Paul Bertnay, 1909) sont quelquesuns de ces récits exploitant la haine du « Boche » à travers la figure d’un espion criminel. On retrouve naturellement ce motif durant la Première Guerre mondiale, avec des récits comme Zigomar au service de l’Allemagne (Léon Sazie, 1916) ou Les Mystères de la cour de Berlin (Pierre de Chantenay, 1916). À cette époque, il n’existe pas tant un genre du récit d’espionnage qu’une vaste gamme de romans patriotiques dont l’espionnage est un motif privilégié, au même titre que celui des provinces martyres de l’Est ou des guerres imaginaires. Pour que l’espion devienne une figure positive, il faut quitter la France, trop marquée par l’imaginaire de la revanche, et se déplacer en Grande-Bretagne. Sous l’influence du « Grand
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Histoire et concepts des guerres secrètes
Cat. 3
Cat. 3 Fiction 1997 Uniforme de Commander de la Royal Navy porté par Pierce Brosnan dans Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies), de Roger Spottiswoode Clin d’œil à l’officier du renseignement naval que fut Ian Fleming, l’uniforme de Commander de la Royal Navy porté par Sean Connery dans On ne vit que deux fois (1967) et Roger Moore dans L’Espion qui m’aimait (1977), habille de nouveau
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James Bond dans Demain ne meurt jamais. Dans ce film où se retrouvent tous les enjeux hypermondialistes, Pierce Brosnan incarne le célèbre agent secret auquel son interprétation aiguisée confère une élégance solide. Face à un magnat de la presse mondiale qui s’apprête à provoquer un conflit entre la Grande-Bretagne et la Chine, 007 a pour mission de mener l’enquête et de réunir les preuves afin d’éviter une guerre nucléaire mondiale. Londres, EON Productions, inv. 117400
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DU POLITIQUE
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À L’ACTION
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VU DU GOUVERNEMENT : ENTRETIENS AVEC MICHEL ROCARD ET RÉMY PAUTRAT ———— 16 JUIN 2016 Michel Rocard (1930-2016) a été Premier ministre de François Mitterrand (1988-1991). Rémy Pautrat a été directeur de la Direction de la surveillance du territoire (DST ; 1985 à 1986) puis conseiller à la Sécurité du Premier ministre Michel Rocard (1988-1991).
Emmanuel Ranvoisy : Monsieur le Premier ministre, avant de prendre vos fonctions à Matignon, étiez-vous sensibilisé à la question des services secrets ? Michel Rocard : Peu, mais d’une manière très particulière. Je suis en effet né en 1930, j’avais donc dix ans quand mon pays fut occupé et, en septembre 1940, mon grand physicien de père est entré dans la Résistance. Il a participé à la guerre secrète dans les services d’espionnage scientifique anglais. Il a ainsi été mêlé à la guerre des ondes et à tous ces grands combats, que nous avons d’ailleurs remportés. J’avais alors dix ans et j’observais des visiteurs qui ne disaient pas leur nom et qui se cachaient mais il est arrivé de temps en temps à mon père, un peu plus tard, de me raconter des histoires. Puis il a été, pendant vingt-sept ans, directeur des laboratoires de physique de l’École normale supérieure et a, à ce titre, à nouveau été sollicité par les services secrets pour des opérations délicates, poursuivant ainsi cette tradition personnelle. C’est donc par des voies inattendues, bizarres même, que j’ai été informé de ces questions et la connaissance que j’en ai eue se mêlait d’admiration pour le courage qu’il fallait pour prendre de tels risques. Monsieur le Préfet, avant de travailler avec le Premier ministre Michel Rocard, comment avez-vous été amené à vous intéresser au renseignement ? Rémy Pautrat : Mon initiation s’est faite lorsque j’étais chef de cabinet du ministre des Relations extérieures Claude Cheysson en 1981. Auprès du directeur de cabinet qui avait la main sur toutes ces affaires, je suivais celles qu’il me confiait et j’ai été notamment un observateur
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VU DES SERVICES DE RENSEIGNEMENT : ENTRETIEN AVEC LE GÉNÉRAL JEAN HEINRICH ———— 26 MAI 2016
Le général de corps d’armée (2S) Jean Heinrich a été le chef du Service Action de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE ; 1987-1992), puis premier directeur de la Direction du renseignement militaire (DRM ; 1992-1995).
Emmanuel Ranvoisy : Mon Général, comment définiriez-vous les guerres secrètes ? Général Heinrich : Je commencerais par les définir par opposition à ce qu’est une « guerre ouverte ». La guerre ouverte vise des objectifs importants comme la conquête ou la défense d’un territoire, la défense de valeurs essentielles… En quelque sorte c’est la vie de la nation qui est en jeu au cours d’une « guerre ouverte », et sa conduite nécessite de mettre en œuvre l’ensemble des forces d’un pays, y compris celles de la population civile, le cas échéant. En ce qui concerne la guerre secrète, la situation est totalement différente. Il s’agit d’une guerre aux objectifs limités, dont on ne peut, pour un certain nombre de raisons, ni annoncer ni reconnaître les effets recherchés et à laquelle sont consacrés des moyens spécifiques. Elle ne fait donc pas l’objet d’une mobilisation de moyens humains importants ; elle est menée par des personnels spécialisés qui font partie des services spéciaux, de ce qu’on appelle des forces spéciales. C’est une guerre à l’ampleur très limitée. On peut dire, en ce sens, que c’est une forme de guerre moderne car de nos jours et depuis un certain nombre d’années, des moyens de destruction massive très importants sont disséminés un peu partout sur la surface du globe, y compris dans des pays qu’on considère comme faibles. D’autre part, il n’y a plus aujourd’hui, dans les guerres secrètes, de champ de bataille, plus de localisation, plus de « sanctuaire », ce qui peut faire courir des risques considérables aux populations civiles. Voilà pourquoi je pense que la guerre secrète est une forme caractéristique de guerre moderne. Clausewitz disait de la guerre qu’elle est la continuation de la politique par d’autres moyens. Mon sentiment est que c’est encore plus vrai aujourd’hui, s’agissant de la guerre secrète, que par le passé.
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LES HOMMES
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ET LES
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MÉCANISMES
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DE LA GUERRE
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SECRÈTE
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CHAPITRE 1/ LES
SERVICES
SECRETS
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ET
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HOMMES
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DE
L’OMBRE
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Les hommes et les mécanismes de la guerre secrète
Qui sont les hommes et les femmes des services de renseignement ? Malheureusement, ils sont pour la plupart inconnus. L’historien qui s’intéresse à eux a du mal à connaître leur origine, leur formation, leur travail quotidien, leurs succès et leurs échecs. Les seules biographies que l’on puisse reconstituer sans trop de difficultés sont celles des chefs de service qui publient souvent leurs mémoires, ou celles des traîtres, ces derniers à la condition toutefois qu’ils LES SERVICES aient fait l’objet d’une action en justice ou qu’ils aient échoué ET LES HOMMES d’une manière impossible à cacher au public ou à la presse. (1853-1991) Concernant tous les autres, nous en savons très peu en vérité, même si la recherche historique, depuis les années 1970, bénéficie d’un accès partiel aux archives. WOLFGANG KRIEGER Avant tout, dire qu’une personne « travaille pour un service secret » n’explique pas grand-chose. Il faut distinguer le personnel interne aux services et les sources humaines, les espions ou les indics, en position de les informer. S’y ajoutent les personnes qui apportent un soutien aux opérations clandestines par transmission des messages et de l’argent, le logement, le transport, les faux papiers… Dans la première catégorie se trouvent les officiers de renseignement et leurs secrétaires, archivistes, assistants, chauffeurs. Avant les années 1950, ce sont des militaires détachés au sein des services extérieurs ou des policiers agents du renseignement intérieur. Ils ont deux tâches principales à assurer. Celle d’identifier et de gérer quelques sources avec lesquelles ils sont en relation directe et indirecte. Celle surtout d’analyser les informations obtenues, qui exige une expertise profonde afin d’identifier soit la nouveauté d’une arme ou d’une installation militaire, soit un changement dans l’organisation ou dans l’orientation des armées de l’opposant, soit encore une initiative diplomatique, financière ou commerciale secrète qui risque de constituer une menace d’une nature ou d’une autre. Cette analyse exige une connaissance très fine du sujet en question mais aussi du contexte, des cultures et des langues étrangères. D’ou la nécessité d’une formation spécialisée, car le renseignement est un vrai métier, non une simple activité. Une fois les informations obtenues et analysées, il faut les communiquer aux responsables militaires et politiques afin d’éviter des surprises stratégiques et tactiques, c’est-à-dire de permettre l’anticipation d’une menace. C’est pourquoi il est essentiel de compléter la recherche de l’information secrète et son analyse par ce qui est la troisième mission principale d’un service secret : le contre-espionnage qui vise à empêcher les opérations clandestines de l’opposant. C’est une guerre ultrasecrète, sans fin et sans frontières, une lutte entre professionnels de l’espionnage. La mission d’un service intérieur est dirigée vers « l’ennemi de l’État » ou du régime politique en place, quel qu’il soit. Dans une monarchie, il s’agit souvent d’un prétendant au trône ou d’un républicain militant, dans une démocratie, d’un opposant aux valeurs et aux principes constitutionnels, « terroriste » ou militant d’un mouvement totalitaire. Dans une dictature, tout opposant au régime et à son idéologie est ciblé, souvent éliminé, comme on le voit à l’époque du communisme, du nazisme ou du fascisme mais aussi dans les dictatures du tiers-monde. Ce travail repose sur l’embauche d’indicateurs qui s’infiltrent dans les milieux concernés, plus tard sur les écoutes et bien d’autres moyens techniques. Les frontières entre diplomatie et renseignement extérieur, souvent floues, le sont encore plus dans le cas de la police et du renseignement intérieur. Deux leçons s’en dégagent. Le travail du renseignement exige une multitude de talents et emploie des personnes de tous les milieux. Et il s’effectue presque toujours en équipe, ce qui
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RECRUTER, FORMER, AGIR : UNE EXPÉRIENCE D’AGENT ———— ENTRETIEN AVEC DANIEL CORDIER ———— 16 JUIN 2016 Daniel Cordier (né en 1920) a fait partie du BCRA, service secret de la France libre, et a été le secrétaire particulier de Jean Moulin pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est compagnon de la Libération.
Les hommes et les mécanismes de la guerre secrète
Carine Lachèvre : Pouvez-vous nous parler de votre formation au BCRA ? Daniel Cordier : On nous a d’abord imposé une séance de gymnastique d’une heure. Je n’en avais jamais fait de semblable, à tel point que nous avons regagné notre lit à quatre pattes ou presque. Puis, dans l’aprèsmidi, on nous a fait monter dans un avion dont le plancher était percé d’un énorme trou. On nous a alors tous installés à plat ventre autour de ce trou béant, en nous expliquant que nous allions être parachutés depuis cet avion et en nous demandant de regarder le sol pour nous habituer au spectacle qu’on a d’un avion juste avant de sauter. À vrai dire, c’était bien pire pour un novice comme moi ; en effet, l’avion volait à 1 000 mètres d’altitude alors que les parachutages s’effectuent à un peu moins de 300 mètres. Je me souviens très bien de ce moment, j’avais appris des poèmes de Rimbaud et je les ai récités jusqu’à ce que mon tour vienne, à haute voix alors que le bruit du moteur ne permettait à personne de les entendre… Puis mon tour est venu – j’étais le dernier – et il m’a fallu sauter, seul assis au bord du trou. Il y avait une lumière rouge et, dès qu’elle passait au vert, il fallait pousser des deux mains pour se projeter en avant, tout en serrant les jambes, comme pour se mettre au garde-à-vous. Quant au parachute, il était plié et entouré d’une quantité de toutes petites ficelles qui craquaient les unes après les autres, jusqu’à ce que la dernière, qui le reliait à la sangle, claque à son tour. Alors, ce qui était extraordinaire, malgré toute la peur ressentie, c’était le silence qui s’installait quand l’avion s’éloignait et faisait un tour. On n’entendait plus un son ; jamais je n’avais entendu un tel silence. Le sabotage et les transmissions radio faisaient également partie de votre formation ? On nous a en effet formés au sabotage et nous avons appris à faire sauter à peu près toutes les cibles possibles : des voitures, des camions, des avions… Nous montions dans les avions et on nous expliquait où il fallait mettre le mastic pour les faire exploser. Cette formation a duré environ trois à quatre mois. Puis nous sommes allés dans un autre
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Cat. 27 et 28 Fiction 2009 Charlotte David, costumière Smoking et costume de Robin des Bois d’Hubert Bonisseur de la Bath portés par Jean Dujardin dans le film OSS 117, Rio ne répond plus, de Michel Hazanavicius Série de romans d’espionnage créée en 1949 par l’écrivain français Jean Bruce, OSS 117
relate les aventures d’Hubert Bonisseur de la Bath, agent secret américain de l’Office of Strategic Services. Dès la fin des années 1950, cette série à succès fait l’objet de nombreuses adaptations cinématographiques, parmi lesquelles deux comédies réalisées par Michel Hazanavicius en 2006 et 2009. Inspiré des films d’espionnage et de l’univers des années 1960, OSS 117, Rio ne répond plus
met en scène un espion du SDECE, Jean Dujardin, viril, maladroit et arrogant, à la recherche d’un microfilm contenant les noms d’anciens collaborateurs français sous l’Occupation. Smoking : coton ; H. 161 × L. 57 cm Costume : cuir, coton, feutre ; H. 161 × L. 57 cm Neuilly-sur-Seine, Collection musée Gaumont
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CHAPITRE 2/ PERCER LE SECRET :
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LE RENSEIGNEMENT
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Les hommes et les mécanismes de la guerre secrète
Avec la fin de la Guerre froide et plus encore celle du XXe siècle, une forme d’homothétie est apparue entre le concept de renseignement et la majorité des services éponymes du monde entier, et ce, quels que soient les termes communément utilisés et leur signification réelle, renseignement en français, Intelligence en anglais, Nachricht en allemand, Разведкa en russe, Informazion en italien, דחוימen hébreu… Tous sont des services de… renseigneLE RENSEIGNEMENT ment dans l’acception moderne du terme, avec ce que cela induit de légalité dans son organisation et de légitimité revenFRÉDÉRIC GUELTON diquée dans son action secrète. Cette homothétie apparente et la grande diversité des services qui la caractérise peuvent se résumer à un mot : le secret, ou mieux, à une expression : le rapport au secret, et plus précisément encore le rapport que les hommes ou les groupes humains organisés entretiennent avec le secret, qu’il faille le découvrir ou le protéger. En effet, de l’individu à l’organisation supranationale, en passant par les armées, les États et les structures qui les composent, alliances militaires, organisations internationales, etc., tous cherchent et ont toujours cherché à la fois à protéger une partie des informations qu’ils possédaient et à connaître celles des autres. Cela fait du concept de « renseignement », avant même de le définir plus avant, l’enjeu d’une des activités les plus anciennes de l’humanité, que l’on se réfère à la Genèse (42, 9) : « Joseph se souvint des songes qu’il avait eus à leur sujet, et il leur dit : Vous êtes des espions ; c’est pour observer les lieux faibles du pays que vous êtes venus », ou à Sun Tzu et à son Art de la guerre : « Multipliez les espions, ayez-en partout, dans le propre palais du prince ennemi, dans l’hôtel de ses ministres, sous les tentes de ses généraux ; ayez une liste des principaux officiers qui sont à son service ; sachez leurs noms, leurs surnoms, le nombre de leurs enfants, de leurs parents, de leurs amis, de leurs domestiques ; que rien ne se passe chez eux que vous n’en soyez instruit. » La simple lecture de ces deux citations permet de définir le renseignement, plus généralement à l’échelle historique l’espionnage, comme un processus qui vise à permettre à un État, parfois à un commanditaire privé, de se procurer grâce à un ou des services de renseignement, des informations « plus ou moins secrètes ». L’État ou le commanditaire privé doit également, même si nous l’excluons ici de notre propos, assurer les fonctions de protection de ses informations et de contre-espionnage, c’està-dire de lutte contre les « espions » présents sur son sol. En français et dans les espaces francophones, jusqu’au début de la période qui nous intéresse ici, c’est-à-dire le milieu du XIXe siècle, si le concept de renseignement existe bien, le mot même, loin d’avoir acquis la notoriété qui sera la sienne au cours du siècle suivant, cède largement le pas à celui d’espionnage qui a longtemps présenté l’avantage de la clarté étymologique jusqu’à ce que naisse une ambiguïté opposant ensuite les deux mots dans la pratique. L’espionnage est étymologiquement défini, comme nous le rappelle le général Bardin dans son Dictionnaire de l’armée de terre ou Recherches historiques sur l’art et les usages militaires des anciens et des modernes (1844), comme « une nécessité impérieuse, car, faute d’espions on est réduit à de fatigantes et fréquentes reconnaissances, [et alors], le temps se perd, les opérations s’ébruitent et le résultat est manqué » (vol. 7, p. 2175). Plus avant dans son article, Bardin, analysant les différentes racines du mot espion, les identifie au latin spia qui donne en vieux français espie, en anglais spy puis en français moderne épier et espion. Il évoque également une convergence avec le mot celte spi qui signifie la vue et donne au Moyen Âge le mot spé, « nom donné, dans les maîtrises de cathédrales, au plus ancien enfant de chœur chargé de surveiller les autres ». Le mot espionnage perd peu à peu son acception originelle jusqu’à acquérir une nouvelle signification nettement péjorative notée
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Cat. 81 Fiction 2006 Panneau de la « Société cairote d’élevage de poulets – SCEP » dans le film OSS 117, Le Caire, nid d’espions de Michel Hazanavicius (2006) À la suite de l’assassinat de Jack Jefferson, agent du SDECE en poste au Caire, OSS 117 (Jean Dujardin) est envoyé par sa hiérarchie en Égypte afin de mener l’enquête mais aussi de « sécuriser le Proche-Orient ». Pour opérer sous « couverture » et dissimuler ses activités, il se voit confier la succession de Jefferson à la tête de la SCEP, société d’élevage de poules, coq et poulets, implantée dans la capitale égyptienne. Bois peint ; H. 39 × L. 59 × P. 2,5 cm Jean-François Halin, scénariste de OSS 117, Le Caire, nid d’espions
Non illustré : Cat. 82 Fiction 2012 Passeport européen de James Bond interprété par Daniel Craig dans Skyfall (2012) Imprimé sur papier, plastique ; H. 12,4 × L. 19 × ép. 0,4 cm Londres, EON Productions ; inv. 118209
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Cat. 193 Seconde Guerre mondiale Machine de chiffrement électromécanique Enigma Bois, métal, verre, tissu, cuivre ; H. 16 × L. 24 × P. 28 cm (fermée) ; H. 45 × L. 50 × P. 28 cm (ouverte) DGSE – Ministère de la Défense
Cat. 194 Seconde Guerre mondiale 4 juin 1942 Note de service du BCRAM à Londres, concernant les mesures de sécurité sur l’emploi des codes Dactylographie sur papier ; H. 22 × L. 217,7 cm ; Vincennes, Service historiquede la Défense, GR 28 P2 24
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Cat. 216 Seconde Guerre mondiale Table des fréquences radio et des indicatifs de la mission Cendrillon, ayant appartenu au sous-lieutenant Henri Tosi, alias Henri Bousquet (Plan Sussex) Parachuté dans la nuit du 7 au 8 juin 1944 à La Ferté-Alais (Essonne) avec le souslieutenant Robert Pissier, alias Max Verneuil, le lieutenant Tosi est l’opérateur radio de la mission Cendrillon. Imprimé sur papier ; H. 6,2 × L. 8,7 cm La Wantzenau, MM Park – Collection Sussex
Cat. 217 Guerre froide Années 1970 Émetteur-récepteur TAR 224, compact, autonome et imperméable, utilisé par les agents en mission de la CIA Métal ; H. 15 × L. 46 × l. 31 cm (fermée) ; H. 44 × L. 46 × l. 55 cm (ouverte) DGSE – Ministère de la Défense
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CHAPITRE 3/ PROTÉGER LE SECRET :
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LE CONTRE-ESPIONNAGE
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ET LA SÉCURITÉ
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Dimension défensive du renseignement, le contre-espionnage n’est devenu autonome en France qu’à partir de la fin du XIXe siècle, après l’affaire Dreyfus. Finalement partagé entre les services de police et ceux en charge du renseignement extérieur, le contre-espionnage a été au cœur de la Guerre froide, avant de voir ses méthodes largement reprises et orientées vers d’autres finalités.
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LE CONTRE-ESPIONNAGE
Une fonction qui s’autonomise à partir de l’affaire Dreyfus Lorsqu’est adoptée en France, le 18 avril 1886, la première loi réprimant l’espionnage en temps de paix, il n’y a pas de serBERTRAND WARUSFEL vice spécialisé dans la traque des espions. S’il existe à Paris une police « des étrangers » et en province des « commissaires spéciaux » qui surveillent les frontières et les gares, la répression de l’espionnage n’est pas leur priorité. Du côté militaire, une Section de statistiques rattachée au 2e bureau de l’étatmajor a été créée après la défaite de 1870 pour se « renseigner sur les desseins et les opérations de l’ennemi » mais elle n’a pas de structure dédiée à la lutte contre l’espionnage. Tout au plus, les ministères de la Guerre et de l’Intérieur s’accordent-ils en 1887 pour que chacun des corps d’armée dispose d’un « service territorial » qui, en coordination avec la gendarmerie, surveille les agissements des étrangers pouvant nuire aux intérêts français. C’est du scandale de l’affaire Dreyfus que naît la première organisation officielle du contreespionnage. En effet, la désignation du capitaine Dreyfus comme prétendu coupable des actes de trahison découverts par la Section de statistiques dans le cadre de la surveillance de l’attaché militaire allemand et l’acharnement que ses responsables manifestent ensuite à son encontre, vont démontrer l’erreur qu’il y avait à laisser un organe de renseignement militaire mener seul une enquête judiciaire. Outre la suppression de ce service de renseignement militaire, le rattachement des activités de contre-espionnage à la Sûreté générale au sein de laquelle était créé un poste de « contrôleur général chargé de la surveillance du territoire » fut décidé par le décret du 20 août 1899. De là date la compétence, toujours actuelle, du ministère de l’Intérieur en la matière. Mais cela ne se traduisit pas à l’époque par un service spécifique. Au contraire, cette responsabilité fut dévolue aux commissaires spéciaux, le contrôleur général n’ayant qu’une fonction de coordination de ces policiers dont la détection de l’espionnage ne représentait qu’une part minoritaire de l’activité. Elle fut ensuite confiée aux brigades mobiles, unités régionales de police judiciaire créées par le décret du 30 décembre 1907, auxquelles furent notamment rattachés les commissaires spéciaux de frontière. C’est la Première Guerre mondiale qui conduit à placer tous les services sous l’autorité militaire et à organiser en conséquence la coordination des services de renseignement et de contre-espionnage. L’instruction ministérielle du 28 mai 1915 créa une section de centralisation du renseignement, la SCR, rattachée au 2e bureau, qui centralisait les actions des bureaux centraux de renseignement, ou BCR, de chaque région et orientait les activités des fonctionnaires de la Sûreté ainsi que celles d’un « centre de recherches » créé au sein des renseignements généraux de la Préfecture de police. Elle fusionna un temps avec le service de renseignement au sein d’un 5e bureau. Après la victoire, le service de renseignement militaire put conserver ses attributions retrouvées en matière de contre-espionnage extérieur. Sa SCR avait l’exclusivité des missions de contre-espionnage à l’étranger et coordonnait en France l’action des commissaires spéciaux ainsi que de quelques policiers du Contrôle général des services de recherches judiciaires.
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Cat. 240 Seconde Guerre mondiale Fin 1944 M. Mallet Taisez-vous ! L’Allemand a fui… L’espion reste !, affiche française de propagande et de mise en garde contre l’espionnage civil Lithographie sur papier cartonné ; H. 58,6 × L. 39 cm Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), AFF. 30901-13
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CHAPITRE 4/
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FRAPPER ET SOUTENIR :
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OPÉRATIONS CLANDESTINES - : - : - : - : - : - : -
ET SUBVERSIVES
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Les hommes et les mécanismes de la guerre secrète
Dès le début du XXe siècle, la nature des conflits évolue du fait de la mobilisation de l’ensemble du potentiel économique, financier et militaire des États, ainsi que de l’implication de la population entière à tel point que la distinction entre combattants et noncombattants s’estompe. Dorénavant, les stratégies mises en œuvre s’inscrivent dans une guerre qui tend à devenir totale et dans laquelle les méthodes de combat non conventionnelles LES OPÉRATIONS occupent une place croissante. CLANDESTINES Les opérations clandestines, qui constituent l’une des EN TEMPS DE GUERRE composantes majeures de ces nouvelles méthodes, sont l’ensemble des actions secrètes conduites par des services ET EN TEMPS DE PAIX secrets, soit en temps de guerre, lors de l’affrontement entre deux armées sur le champ de bataille, soit en temps de paix CHRISTOPHE BERTRAND dans le cadre des relations conflictuelles qui opposent des États entre eux ou à des organisations hostiles. Dans le premier cas, il s’agit de déséquilibrer et disloquer l’armée ennemie, par des actions non conventionnelles menées sur les arrières afin de renverser le rapport de force, là où va s’engager l’effort majeur ; dans le second, il s’agit d’influencer les orientations d’un pays ennemi en faveur de ses propres intérêts, en toute illégalité, sans que le gouvernement à la manœuvre puisse être identifié.
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Dans le cadre de la stratégie directe Dès 1938, confrontés à l’utilisation de méthodes non conventionnelles par l’Allemagne nazie lors des annexions de territoires en Europe centrale, quelques officiers britanniques de l’état-major général étudient les guerres irrégulières et les opérations clandestines du XIXe siècle comme la guérilla en Espagne et la guerre des Boers… Inspirés et influencés par l’historien militaire britannique Liddell Hart, théoricien de la stratégie indirecte, ils concluent que des actions de guérilla soigneusement coordonnées avec les opérations principales peuvent, dans des circonstances favorables, entraîner une diversion et une dispersion des forces ennemies, créant ainsi là où l’essentiel des forces va s’engager des opportunités décisives. Comme l’affirmait Winston Churchill, marqué par les hécatombes de la Première Guerre mondiale et par le souvenir de l’action de Thomas Edward Lawrence en Arabie, aux côtés des tribus arabes du Hedjaz : « Une guerre comprend plusieurs sortes de manœuvres : quelques-unes seulement se déroulent sur le champ de bataille, d’autres loin sur les flancs et à l’arrière. Celles-ci font intervenir le temps, la diplomatie, la mécanique ou la psychologie en dehors du champ de bataille, mais leur portée est souvent décisive. Leur objet à toutes est de trouver les voies les moins meurtrières possible pour atteindre l’objectif. » Cependant, il importe que ces opérations soient coordonnées avec la conduite générale de la guerre telle qu’elle est établie par les plus hautes instances politiques et militaires. Quelques mois avant l’effondrement de l’armée française, les chefs d’état-major de l’armée britannique assurent au Cabinet de guerre de Winston Churchill qu’« il serait encore possible de vaincre l’Allemagne par la pression économique, par des attaques aériennes visant à la fois des cibles économiques allemandes et le moral de la population, et en allumant la révolte sur l’ensemble des territoires qu’elle avait conquis ». Lors de la préparation du plan Jael destiné à tromper l’ennemi sur les intentions réelles et le lieu d’un débarquement des Alliés en 1944, les opérations clandestines, qui constituent l’une des cinq principales composantes de l’activité secrète de ce vaste plan, sont confiées, du côté britannique, au bureau d’exécution des opérations spéciales (SOE), placé sous les
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Cat. 260 Cat. 259 Seconde Guerre mondiale 1944 Allied French Regions Carte de l’organisation territoriale des régions FFI indiquant les délégués militaires régionaux (DMR) et les chefs des sections atterrissage parachutage (SAP). Imprimé sur papier ; H. 47 × L. 33 cm Pierrefitte-sur-Seine, Archives nationales, AG/3 (2)/227
Cat. 260 Seconde Guerre mondiale 1944 Officier navigateur de la Royal Air Force Opérant, à partir de 1942, depuis l’aérodrome de Tempsford, l’un des plus secrets de la Seconde Guerre mondiale, les 138th et 161st Squadrons de la Royal Air Force, mis à la disposition du SOE, sont chargés des parachutages d’agents, mais aussi d’armes et d’équipements transportés par containers,
ainsi que de la récupération (pick-up) des agents grâce à différents types d’appareils (Westland Lysander, Armstrong Whitworth Whitley, Handley Page, Halifax, Lockheed Hudson). Cuir, métal, caoutchouc, laine, coton, fourrure Collection particulière
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Cat. 285 Guerre d’Indochine Carabine US M2 avec lunette de tir modèle 1953, APX modèle L806 Acier ; H. 7 × L. 91 × P. 30 cm DGSE – Ministère de la Défense
Cat. 286 Seconde Guerre mondiale 1945 Carnet en soie d’un agent de la Force 136 Soie ; H. 15 × L. 10 cm (fermé) Maldon, Combined Military Services Museum, U.K., MAOCM 2001.067
Cat. 287 Seconde Guerre mondiale Émetteur-récepteur SSTR-1 (Strategic Service Transmitter-Receiver Number 1) conçu par l’OSS durant la Seconde Guerre mondiale et utilisé en Indochine par la Force 136 Métal ; H. 24 × L. 54 × P. 27 cm DGSE – Ministère de la Défense
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Cat. 289
Cat. 289 Guerre froide Propulseur sous-marin Il s’agit du second exemplaire d’un propulseur sous-marin à propulsion électrique, conçu dans les années 1970 par le Service Action du SDECE, qui permet à deux nageurs de combat et à leur matériel, à partir d’un bâtiment de surface ou d’un sous-marin, de parcourir sous l’eau de manière discrète et silencieuse une longue distance jusqu’à la zone d’opération. Métal, plastique, bois ; H. 120 × L. 525 × P. 83 cm DGSE – Ministère de la Défense
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CHAPITRE 5/ DÉSINFORMER
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ET DÉSTABILISER :
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L’ARME PSYCHOLOGIQUE
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Les hommes et les mécanismes de la guerre secrète
Agir sur l’esprit de l’adversaire pour le contraindre à la capitulation, parfois même sans avoir à livrer combat, tel est le rêve secret de tous les chefs de guerre et stratèges militaires. Si ruses, stratagèmes, tromperies, camouflages et artifices sont aussi anciens que la guerre elle-même, le concept de « guerre psychologique » ne fait son apparition qu’au cours de la première moitié du XXe siècle. Employé, semble-t-il, pour la première fois par l’officier et straL’ARME PSYCHOLOGIQUE tège britannique John Frederick Charles Fuller, dans son traité DES GUERRES SECRÈTES sur les blindés dans la Grande Guerre, il est intimement lié à un phénomène en gestation depuis le XIXe siècle, et qui trouve MARIE-CATHERINE VILLATOUX son aboutissement avec la Première Guerre mondiale, celui de la guerre totale. Celle-ci, en contribuant à abolir la distinction entre combattants et non-combattants, fait de la population civile, devenue opinion publique, un enjeu majeur des conflits. Tandis que l’on s’efforce de raffermir le moral de son propre camp, il devient dès lors tout autant nécessaire de chercher à briser l’unité nationale chez l’ennemi. Gagner la guerre ne suffit plus, conquérir les cœurs s’impose comme le corollaire indispensable de toute victoire militaire. Au début de la Seconde Guerre mondiale, les Allemands ont pris une grande avance sur leurs adversaires en s’efforçant, dès 1933, de susciter la discorde parmi les Alliés et de faire croire à l’existence d’une « cinquième colonne ». En septembre 1939, la Wehrmacht est pourvue d’unités de propagande baptisées Propagandakompanien (PK), destinées à mener des opérations psychologiques contre l’ennemi et à agir sur les populations. Elles disposent à cet effet de haut-parleurs, de tracts, mais aussi de films. En face, si les pays de tradition démocratique s’attachent dès le début de la guerre à constituer des ministères de l’Information, il faut attendre le mois de septembre 1941 et la création par les Britanniques du Political Warfare Executive (PWE), pour que la lutte contre le moral ennemi prenne une réelle ampleur. Celle-ci s’appuie principalement sur la BBC dont les installations sont dispersées à travers le pays pour les protéger de la subversion ennemie. Toutefois, sur le plan tactique, les opérations psychologiques sont avant tout une spécialité américaine. Dès leur entrée en guerre, les États-Unis n’hésitent pas à déployer des moyens considérables : avions, ballonnets, bombes à tracts sont tour à tour employés, appuyés au sol par des unités spéciales de haut-parleurs. La psywar atteint sa pleine efficacité à partir de l’automne 1942, lorsque les Alliés décident de la mise en commun des personnels et du matériel de guerre psychologique au sein d’une organisation spécifique. Celle-ci prend le nom de Psychological Warfare Branch (PWB) sur le théâtre méditerranéen et de Psychological Warfare Division (PWD) pour le nord-ouest de l’Europe. Du 6 juin 1944 à la fin du conflit, plus de 3 milliards de tracts sont lancés par les Américains, dont 490 millions pendant le seul mois de mars 1945. Avec l’irruption de la Guerre froide, véritable lutte d’usure où chacun des deux camps cherche à gagner les esprits et à imposer sa volonté à l’autre, la guerre psychologique prend une importance majeure, d’autant plus que la dimension apocalyptique du feu nucléaire ravit aux armes classiques une suprématie jusqu’alors incontestée en Occident. Dans ce contexte, tous les moyens – diplomatie, terreur, luttes sociales, noyautage, actions clandestines, opérations publicitaires, etc. – sont utilisés, à l’exception de la guerre générale. Dans le camp soviétique, l’activité des différents partis communistes est coordonnée par un nouveau bureau d’information, le Kominform, qui use de différentes techniques (distribution de tracts, collage d’affiches, diffusion de journaux et de brochures, meetings, manifestations, signature de pétitions, etc.) pour orchestrer une véritable campagne « psychologique »,
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le 6 juin 1944 au matin, le poids de la désinformation, les conditions météorologiques exécrables et la désorganisation des services de renseignement allemands se liguent pour produire l’effet de surprise propice au succès d’« Overlord ». Toutefois, c’est après le débarquement initial que « Fortitude South » va connaître son plus grand triomphe : les agents doubles du XX Committee parviennent à convaincre Berlin que le débarquement en Normandie n’est qu’une feinte, et que le puissant FUSAG de Patton s’apprête à attaquer dans le Pas-de-Calais. C’est ainsi que les Allemands vont y maintenir quinze divisions d’élite, qui resteront l’arme au pied jusqu’au début d’août – lorsque la bataille de Normandie aura définitivement tourné en faveur des Alliés.
Ill. 28 Tank gonflable de l’opération Fortitude
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Cat. 345
Cat. 345 Guerre froide 1965 Anonyme Affiche soviétique de propagande antiaméricaine Lithographie sur papier ; H. 67,5 × L. 97 cm Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), AFF. 3026 Cat. 346 Guerre froide 1966 Oleg Penkovsky Carnets d’un agent secret, éditions Tallandier, Paris Officier de la Direction générale des renseignements (GRU) de l’état-major des
Forces armées soviétiques, le colonel Oleg Penkovsky décide de passer à l’Ouest. En seize mois, de 1961 à 1962, il remet à la CIA et au MI6 5 000 microfilms sur l’organisation du pouvoir et les services secrets de l’URSS. Démasqué, il est condamné à mort et exécuté le 13 mai 1963 à Moscou. Cet ouvrage est l’un des rares témoignages d’espions rédigé sur le vif, et non a posteriori. Lors de sa publication trois ans après la mort de son auteur, les autorités soviétiques affirment qu’il s’agit d’un faux journal publié par les Américains à des fins de propagande. Les études réalisées depuis tendent à confirmer qu’il s’agit au contraire d’un témoignage authentique. Imprimé sur papier ; H. 22,3 × L. 15,4 x P. 3,4 cm Paris, musée de l’Armée, no 35585
Cat. 347 Guerre d’Algérie 1960 Pierre Genève La Main rouge, éditions Nord-Sud, Paris La Main rouge s’illustra par l’assassinat de personnalités indépendantistes en Afrique du Nord puis en Europe dans les années 1950. Il s’agirait en réalité d’une organisation armée liée au SDECE et agissant pour son compte. L’ouvrage exposé se présente comme une très longue interview, sans doute fictive et commandée par le SDECE, de l’un des fondateurs de la Main rouge. Imprimé sur papier ; H. 19,5 × L. 15 cm Paris, musée de l’Armée, no 35964
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DE L’OMBRE
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À LA LUMIÈRE :
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LE SECRET
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DÉVOILÉ
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Le journaliste spécialisé dans les affaires de renseignement n’obéit pas à des principes différents de ceux qui régissent l’ensemble de sa profession. Il n’est porté que par la seule directive, définie par Albert Londres dès 1929 : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus LE TEMPS DU SCANDALE : de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. » Une GUERRES SECRÈTES fois ce principe posé, il en est un autre que ce même journaET MÉDIAS liste ne doit pas, ne peut pas laisser de côté : révéler une opération clandestine – c’est à dire la « guerre secrète » – en cours n’est pas anodin. Aux yeux de l’auteur, ce serait même formelJEAN GUISNEL lement proscrit, si cette révélation devait mettre en péril des personnes, ou compromettre la sécurité de l’État. Ce ne sont pas des grands mots… Et même si elle est terminée, la publication d’éléments révélant une action commencée de longue date peut mettre en péril des missions du même type, des modes d’action, des personnes que leur position rend vulnérables. Elle peut aussi mettre en cause l’État commanditaire, voire la chaîne de commandement tout entière. Dans ce cas, le journaliste prendra des précautions permettant de ne pas identifier les acteurs personnellement, en préférant tirer l’information par le haut. C’est d’ailleurs une pratique constante dans la profession, que l’on se réfère en particulier à un article de l’auteur ou à celui d’un de ses confrères. Ne confondons pas : les six services de renseignement qui composent la communauté du renseignement dépendent des ministères de l’Intérieur (DGSI – Direction générale de la sécurité intérieure), des Finances (DNRED – Direction nationale des recherches et enquêtes douanières ; TRACFIN – Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins), et de la Défense (DGSE – Direction générale de la sécurité extérieure ; DPSD – Direction de la protection et de la sécurité de la défense ; DRM – Direction du renseignement militaire), et sont tous coordonnés à l’Élysée par le coordonateur national du renseignement. Mais le seul d’entre eux qui soit habilité à mener des guerres « secrètes » au strict sens de ce terme, est bien la DGSE. Elle seule peut légitimement conduire en territoire étranger avec des opérateurs agissant sous identité fausse des actions clandestines, donc « démarquées de l’État français, c’est-à-dire non traçables et non revendicables » (Rapport d’information no 525, Sénat, 13 mai 2014). Par une forme d’extension non écrite, non documentée et non explicite, le Commandement des opérations spéciales (COS) laisse parfois entendre à ses rares interlocuteurs des médias qu’il pourrait conduire des guerres « secrètes », ce qui se traduit par un silence complet de l’état-major des Armées sur les actions en cours, qui ne sont jamais commentées. Pourtant, les textes sont explicites : « les activités des forces spéciales sont revendicables et le fait de militaires agissant sous leur propre identité et bénéficiant de ce fait des conventions de Vienne quand bien même ils seraient en tenue civile ». Les consignes de silence imposées à l’état-major des Armées sur les opérations du COS ne valent pas pour le politique. Le 20 mai 2015, c’est par un communiqué que le ministre de la Défense a « félicité les forces françaises pour leur action et leur détermination dans la lutte menée contre les groupes armés terroristes au Sahel », le COS ayant tué Amada Ag Hama, alias « Abdelkrim le Touareg », et Ibrahim Ag Inawalen, alias Bana, deux des principaux chefs d’AQMI et d’Ansar Eddine. Les services secrets ne sont pas exempts de dysfonctionnements. Sans doute, ceuxci sont-ils sujets à la malédiction classique voulant, selon le mot de John F. Kennedy aux
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Les archives du renseignement peuvent parfois faire l’objet de fantasmes et d’idées reçues. Le secret entretenu autour des services travaillant dans l’ombre donne en effet à penser que leurs archives échappent à toute réglementation ou contrôle. La réalité est tout autre. Malgré leur caractère parfois confidentiel et sensible, les documents produits et reçus par les services de renseignement procèdent de l’activité de l’État ; ils sont donc des LE TEMPS DE L’HISTOIRE. archives publiques. Or, la législation française n’a soustrait ACCÈDER AUX ARCHIVES aucune archive publique aux obligations qu’elle a énoncées pour leur gestion, leur destruction ou leur versement dans un DU RENSEIGNEMENT service d’archives public. Le Service historique de la Défense (SHD) est ainsi chargé de collecter, conserver, inventorier et FRÉDÉRIC QUÉGUINEUR communiquer les archives des services de renseignement relevant du ministère de la Défense. Les archives des services de renseignement conservées au SHD sont particulièrement riches et abondantes. Le renseignement et le contre-espionnage constituent en effet une activité importante menée par les armées en temps de guerre comme en temps de paix. C’est sous la Troisième République que s’organise un dispositif de renseignement véritable : en 1871, une Section de statistiques, ayant en charge la recherche du renseignement, est créée. Si cet organisme a laissé des archives éparpillées et souvent incomplètes, le SHD conserve en revanche, de 1874 à 1940, l’ensemble de la production du 2e bureau de l’étatmajor de l’armée, chargé de synthétiser et d’exploiter les informations recueillies. Ces fonds contiennent notamment une abondante collection de rapports transmis par les postes des attachés militaires à l’étranger. Pendant la Première Guerre mondiale, le contre-espionnage militaire, confié au ministère de l’Intérieur depuis le scandale de l’affaire Dreyfus, est reconstitué sous l’appellation Section de centralisation du renseignement (SCR). Des milliers de dossiers individuels sont alors constitués, portant notamment sur des étrangers ou des individus suspects. Lors de la Seconde Guerre mondiale, ce fonds est saisi par les Allemands, comme d’ailleurs une partie importante des archives des services de renseignement français de l’entre-deux-guerres. Récupérées en 1945 par l’Armée rouge et transférées dans un bâtiment spécial près de Moscou, ces archives ont été restituées entre 1994 et 2000 par la Russie au Service historique de l’armée de Terre. Elles sont conservées aujourd’hui dans l’ensemble appelé « fonds de Moscou ». Les archives des services de renseignement datant de la Seconde Guerre mondiale ont également connu des destins complexes. En 1940, les services spéciaux de l’armée d’armistice entrent dans la clandestinité. Alors qu’un Service des menées antinationales (SMA) remplace officiellement la SCR, des services clandestins se dissimulent sous la couverture d’une organisation dépendant du ministère de l’Agriculture : la société des Travaux ruraux (TR). Comme les archives de la SCR, la production de ces services est saisie par les Allemands en 1943. Elle fait aujourd’hui partie des fonds rapatriés de Russie. De son côté, la France libre a également son réseau de renseignement et de contre-espionnage, appelé Bureau central de renseignement et d’action (BCRA). Ses archives, constituées à Londres et à Alger, sont transférées en métropole après la Libération. Si une partie est rapidement versée aux Archives nationales, une autre est prise en compte par la Direction générale des études et recherches (DGER) et les organismes qui lui ont succédé : le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) puis la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), qui le verse au Service historique de l’armée de Terre en 2000. Ce dernier ensemble, qui représente
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Comment exposer les « guerres secrètes », quand l’essence même du sujet est la discrétion ? Cette question est d’autant plus aiguë qu’à la rareté présumée des objets témoignant de ces conflits s’ajoutent les dispositions législatives et réglementaires qui interdisent la publication de nombre de documents, particulièrement à des fins de protection des sources. Plusieurs réponses peuvent néanmoins lui être apportées. Contrairement à ce que l’on peut EXPOSER LES GUERRES imaginer de prime abord, il existe des objets et des documents SECRÈTES ? d’archives, imprimés, photographiques, sonores ou télévisuels ; ils sont nombreux même, mais couvrent très inégaleCARINE LACHÈVRE ment les périodes et faits, interdisant de les présenter dans toute leur complexité et avec les nuances requises. Dès lors, plusieurs stratégies sont possibles pour jouer de cette contrainte, tout en rendant compte de la nature profonde du sujet. La première est de procéder par remise en contexte, en quelque sorte par cercles concentriques mais aussi par analogie. Ainsi les mécanismes du renseignement, du contre-espionnage, de la désinformation, peuvent-ils être illustrés et expliqués pour les visiteurs par la présentation d’exemples étrangers. On échappe ainsi au risque d’une perception anecdotique par la multiplication des cas, par la mise en perspective d’une affaire propre à la France au moyen de l’évocation d’épisodes qui se sont déroulés en Allemagne, en Union soviétique au Royaume-Uni ou aux États-Unis. C’est faire de nécessité vertu, la juxtaposition incitant à la comparaison, qui révèle tant les similitudes que les différences entre les pays acteurs de la Seconde Guerre mondiale ou de la Guerre froide. Le discours s’en trouve enrichi et ce, d’autant plus que nos alliés anglo-saxons sont d’exceptionnels connaisseurs et collectionneurs passionnés de tout ce qui touche aux services secrets, de fort généreux prêteurs aussi. La seconde est d’assumer la rareté des traces de certaines affaires majeures, de présenter explicitement le corpus d’objets et documents qui s’y rapportent comme incomplet. L’un des postulats de l’exposition Guerres secrètes est précisément qu’aucun des acteurs des faits historiques n’ayant disposé de tous les éléments, il n’est ni inutile ni absurde de placer le visiteur dans une position similaire, mais en lui signalant les lacunes de l’information mise à sa disposition. L’effort qu’il lui faudra fournir est le meilleur gage de sa compréhension des enjeux du renseignement et des opérations secrètes. Il ne s’agit pas là d’un divertissement de mauvais goût mais de la mise en scène du jeu de transparence et d’opacité qui est l’essence même de cet univers où duperie, faux-semblants, intoxication sont autant de moyens d’abuser l’adversaire, sans parler de la nécessité de cloisonner soigneusement sa propre organisation, afin que nul ne puisse la trahir en livrant d’un seul coup les clefs. La troisième est de tenir compte de la nature des services secrets qu’expriment parfaitement les vocables en usage pour désigner leur activité : « renseignement » en France, « Intelligence » au Royaume-Uni, « Evidenz » en Autriche-Hongrie… Les moyens matériels et techniques importent, certes, mais moins que les agents, moins aussi que les opérations et actions à conduire, qu’il faut d’abord concevoir et qui nécessitent de connaître les intentions de l’adversaire, de comprendre ses objectifs. Dans l’exposition Guerres secrètes les objets et les documents présentés sont donc mis en valeur, expliqués, décryptés même, par un appareil didactique composés de cartels détaillés, de panneaux pédagogiques, de dispositifs multimédias interactifs. Ces derniers présentent au public non seulement le fonctionnement de la machine Enigma mais aussi les principes sur lesquels elle repose ; ils lui permettent de découvrir l’organisation d’un service secret, le rôle imparti à chaque agent, la manière dont se met en place une opération.
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GLOSSAIRE
- : - : - : - : Avec l’accord de l’auteur Bruno Fuligni et des éditions L’Iconoclaste, ce glossaire reprend littéralement 45 définitions de l’ouvrage Le Livre des espions, Paris, éditions L’Iconoclaste, octobre 2012
Action : Forme de combat pratiquée clandestinement. Le commandant Trinquier, du Groupement de commandos mixtes aéroportés (GCMA), la définissait ainsi en 1951 : « L’action vise la destruction du potentiel ennemi là où, pour une raison ou pour une autre, les moyens classiques ne peuvent l’atteindre. Ce potentiel est non seulement militaire mais psychologique, politique, social, économique. Tous les terrains sont bons là où l’ennemi se trouve en défaut, tous les moyens sont bons pour en venir à bout. » Action clandestine : Opération clandestine destinée à influencer des gouvernements étrangers, des événements, des organisations ou des personnes. Elle peut inclure de la propagande économique, ou politique ou des activités paramilitaires. Analyste : Fonctionnaire d’une centrale, chargé d’évaluer et d’exploiter les informations collectées. À la DGSE, on dit plutôt « exploitant ». Agent P0, P1, P2 : Dans les services secrets gaullistes, pendant la Seconde Guerre mondiale, on distinguait trois catégories d’agents : les P0 occasionnels, les P1 semi-permanents et les P2 qui consacraient tout leur temps à l’action clandestine et percevaient une solde. Besoin d’en connaître : Règle de base des services de renseignement, selon laquelle tout agent n’a qu’une vision partielle et cloisonnée de l’activité collective. Ainsi, il n’a accès qu’aux dossiers concernant directement
son domaine de compétence : on ne révèle à chacun que ce qu’il a besoin de savoir pour agir. Berlue : Tout organisme, entreprise, association, parti, créé afin de faire illusion et servant en réalité de couverture à l’activité d’un service de renseignement ou d’une organisation clandestine. Boîte à lettres : Cache grâce à laquelle un officier traitant et son agent peuvent correspondre sans se rencontrer. Il peut s’agir d’une véritable boîte aux lettres, établie à un nom de fantaisie, mais aussi d’une lézarde dans un mur, d’une anfractuosité de roche, d’un arbre ou de tout autre emplacement d’apparence anodine dans lequel ils peuvent déposer leur correspondance. Bureau central de Renseignement et d’Action (BCRA) Seconde Guerre mondiale Dès son arrivée à Londres, le général de Gaulle crée son propre 2e bureau, qui devient le Bureau central de Renseignement et d’action (BCRAM) en janvier 1942 et le BCRA en juin. Casser (le code) : Découvrir la règle de chiffrement utilisée par l’adversaire, ce qui permet d’accéder au clair de ses messages. Central Intelligence Agency (CIA) créée en 1947) Elle est chargée du renseignement extérieur et de la plupart des opérations clandestines effectuées hors des
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ARCHIVES AUDIOVISUELLES PRÉSENTÉES DANS L’EXPOSITION - : - : - : - : - : RECRUTEMENT ET FORMATION
CONSTRUCTION DE LA LÉGENDE
« Maintenant… on peut le dire » (« Now it can be told ») Réalisateur : commandant Edward Baird 1946 Coll. ECPAD, FT 900
« Espion : un James Bond pour de vrai » Cinq colonnes à la une, ORTF Mai 1967 Coll. INA, CAF93016204 DESTINS D’AGENTS
« Le colonel Rémy à propos de son livre Mémoires d’un agent secret de la France libre » Réalisateur : Jean Prat Lectures pour tous, RTF Septembre 1959 Coll. INA, I4268041 « Mars et Neptune » Réalisateur : Jacques Ertaud 1957 Coll. ECPAD, SCA 139
« Espions allemands exécutés » Les Actualités françaises Mai 1945 Coll. INA, AFE00000707 « Colonel Rémy » Réalisateur : Roger Iglesis En Français dans le texte, RTF Juin 1959 Coll. INA, CPF08008608
« Entraînement des nageurs de combat » Magazine des Armées 64/12 1965 Coll. ECPAD, SCA 139 « Les nageurs de combat » Réalisé sous la direction du capitaine de frégate Philippe Tailliez 1957 Coll. ECPAD, SCA 139
« Échange d’espions Est/Ouest à Berlin sur le pont de Glienicke » IT 1, 13H Février 1986 Coll. INA, CAA86003819
« KGB, la forteresse » Envoyé spécial, Antenne 2 (A2) Février 1991 Coll. INA, CAB91007293
« Reconstitution : méthode de l’ouverture d’une enveloppe » Réalisateur : Jean-Michel Charlier Services secrets, France Régions 3 (FR3) Août 1989 Coll. INA, CPC89008692
CHIFFRER-DÉCHIFFRER « Procès de Francis Gary Powers : 10 ans de privation de liberté pour le pilote de l’avion U2 » Les Actualités françaises Août 1960 Coll. INA, AFE85008798
« Le colonel Rémy à propos de son livre Mémoires d’un agent secret de la France libre » Réalisateur : Jean Prat Lectures pour tous, RTF Septembre 1959 Coll. INA, I4268041
Berlin dans lequel les services de renseignement américain et britannique ont installé du matériel d’écoute - opération Gold, 1955-1956 » Réalisateur : Jean-Michel Charlier Services secrets, France Régions 3 (FR3) Août 1989 Coll. INA, CPC89009126
CHERCHER-INTERCEPTER L’INFORMATION « Statuette creuse démontable du réseau est-allemand Kranick/ Bammler » Réalisateur : Yannick Andrei Une nouvelle forme d’espionnage, ORTF Juin 1967 Coll. INA, CPF10005280 « Tunnel creusé sous la zone d’occupation soviétique de
« Méthodes de chiffrement basiques » Réalisateur : Jean-Paul Fargier La saga des communications secrètes, France 5 Septembre 2001 Coll. INA, 1806037001 « Principe du code ADFGX utilisé par les Allemands pendant la Première Guerre mondiale et cassé par le capitaine Georges Painvin » Réalisateur : Jean-Paul Fargier La saga des communications secrètes, France 5 Septembre 2001 Coll. INA, 1806037001
OPÉRATIONS CLANDESTINES « Maintenant… on peut le dire » (« Now it can be told ») Réalisateur : commandant Edward Baird 1946 Coll. ECPAD, FT 900
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BIBLIOGRAPHIE
- : - : - : - : - : L’historiographie des guerres secrètes est à la fois très vaste et très éclatée. Aussi s’est-on limité ici à indiquer certaines synthèses scientifiques récentes, qui offrent au lecteur des instruments d’orientation bibliographique plus développés, ainsi que, pour l’essentiel, les indications bibliographiques communiquées par les auteurs des essais et des notices du catalogue, lesquelles comportent des ouvrages de type fort différent : travaux de recherche allant de l’étude des États à celle des individus en passant par celle des organisations, mémoires et souvenirs, témoignages, etc.
ABRAHAMIAN Ervand, Iran, Between Two Revolutions, Princeton, Princeton University Press, 1982. ABZAC-EPEZY Claude d’, « Armée et secrets, 1940-1942. Le contre-espionnage de l’armée de Vichy », Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin, no 36, février 2012, p. 45-46. ALBERTELLI Sébastien, Les Services secrets du général de Gaulle. Le BCRA 1940-1944, Paris, Perrin, 2009. ALBERTELLI Sébastien, Histoire du sabotage. De la CGT à la Résistance, Paris, Perrin, 2016. ANDREW Christopher, MITROKHINE Vassili, Le KGB contre l’Ouest 1917-1991, Paris, Fayard, 2000. ARBOIT Gérald, Au cœur des services secrets : idées reçues sur le renseignement, Paris, Le Cavalier Bleu, coll. « Idées reçues », 2013. ARBOIT Gérald, Des services secrets pour la France. Du Dépôt de la Guerre à la DGSE (1856-2013), Paris, CNRS Éditions, 2014. ARON-CASTAING Gaby, Le Contrôle général de la surveillance du territoire et la lutte contre l’espionnage et la trahison, 1934-1942, thèse, Université de Bourgogne, décembre 2013. AZIMI Fakhreddin, Iran: The Crisis of Democracy, 1941-1953, Londres, I. B. Tauris & Co. Ltd, 1989. BARASZ Johanna, De Vichy à la Résistance. Les vichysto-résistants, 1940-1944, thèse, IEP de Paris, février 2010. BAT Jean-Pierre, Le Syndrome Foccart. La politique française en Afrique, de 1959 à nos jours, Paris, Gallimard, coll. « Folio histoire », 2012. BAT Jean-Pierre, La Fabrique des barbouzes. Histoire des réseaux Foccart en Afrique, Paris, Nouveau Monde, 2015.
BAUD Jacques, Encyclopédie du renseignement et des services secrets, nouvelle édition mise à jour et augmentée, Panazol, Lavauzelle, 2002. BEAUFRE André, Introduction à la stratégie, réédition, Paris, Hachette littératures, coll. « Pluriel », 1998. BELOT Robert, Les Secrets de la Résistance, Paris, Vuibert, 2013. BEN-ISRAËL Isaac, Philosophie du renseignement : logique et morale de l’espionnage, Paris, Éditions de l’Éclat, coll. « Tiré à part », 2004 [1999]. BERLIÈRE Jean-Marc et LIAIGRE Franck, Camarade, la lutte continue ! De la Résistance à l’espionnage communiste, Paris, Robert Laffont, 2015. BERNARD Paul, « Roger Lafont, dit Verneuil, et les Travaux ruraux de 1942 à 1945 », Bulletin de l’ASSDN, no 151, 1991/III BOLTANSKI Luc, Énigmes et complots. Une enquête à propos d’enquêtes, Paris, Gallimard, coll. « NRF essais », 2012. BOULANGER commandant Julien et FERRIÉ Gustave, La Télégraphie sans fil et les ondes électriques, Paris, Berger-Levrault, 7e édition, 1909. BOULLY Fabien, « Homeland. Storytelling au cœur d’une série bipolaire », Écrans, no 4, février 2015, « L’analyse des séries télé » (dir. Jean-Pierre Esquenazi), Paris, Classiques Garnier, 2016, p. 169-184. BRITISH SOE, How to Become A Spy: The World War II SOE Training Manual, New York, Skyhorse Publishing, 2015. CALVI Fabrizio, OSS, la guerre secrète en France : les services spéciaux américains, la Résistance et la Gestapo 1942-1945, Paris, Hachette, 1990.
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